Rigaud, 1881 : Quitter son travail sans motif, sans permission, déserter la maison pour aller courir de mauvais lieux en mauvais lieux, avec stations obligatoires chez le marchand de vin.
Bordée (tirer une)
Bordée (tirer, courir une)
Larchey, 1865 : S’absenter sans permission. — Terme de marine. — On dit d’un navire louvoyant, qu’il court des bordées. Or, un matelot en bordée ne tarde pas à en imiter les capricieux zig-zags.
C’est un brave garçon qui ne boit jamais et qui n’est pas homme à tirer une bordée de trois jours.
(Vidal, 1833)
Carotte (tirer une)
Larchey, 1865 : Demander de l’argent sous un faux prétexte.
Nul teneur de livres ne pourrait supputer le chiffre des sommes qui sont restées improductives, verrouillés au fond des cœurs généreux et des caisses par cette ignoble phrase : « Tirer une carotte. »
(Balzac)
Carotte de longueur. Grosse demande, demande subtile. — Vivre de carottes : Vivre en faisant des dupes.
Cliché (tirer son)
Fustier, 1889 : Argot des typographes.
Quand un comipositeur fait une réplique ou un propos toujours le même, on dit : c’est un cliché. Tirer son cliché est synonyme d’avoir toujours la même raison à objecter, dire constamment la même chose.
(Typologie-Tucker, juin 1886)
Coupe (tirer sa)
Larchey, 1865 : Nager.
Rodolphe, qui nageait comme une truite… se prit à tirer sa coupe avec toute la pureté imaginable.
(Th. Gautier)
Rigaud, 1881 : Nager. — Signifie encore dans le langage du peuple, partir, se sauver.
Pignouf, tu ferais mieux de me donner ma paperasse, pour que je tire ma coupe au galop.
(Le Petit Badinguet.)
France, 1907 : Nager.
Crampe (tirer sa)
Larchey, 1865 : Fuir.
Elle a pris ses grands airs et j’ai tiré ma crampe.
(Montépin)
France, 1907 : S’enfuir ou accomplir l’acte vénérien. Tirer sa crampe avec la veuve, être guillotiné. Tirer une crampe, sacrifier à Vénus, la mère des amours.
Détirer
d’Hautel, 1808 : Se détirer. Étendre ses bras et ses jambes en bâillant, comme lorsqu’on sort des bras de Morphée, ou qu’on a resté long-temps occupé et dans la même position.
Donner son dernier bon à tirer
France, 1907 : Mourir.
Échelle (tirer l’)
Larchey, 1865 : Être aussi haut qu’on peut monter et, par conséquent, n’avoir plus besoin d’échelle. — Pris au figuré.
Grenadier (tirer au)
Merlin, 1888 : Découcher.
Guêtres (tirer ses)
Larchey, 1865 : Détaler.
Cadet, tire au loin tes guêtres, au lieu de m’approcher.
(Cabassol)
Fuyons, tirons nos guêtres.
(Le Rapatriage)
Il faut tirer l’échelle (après lui)
France, 1907 : Se dit de quelqu’un qu’on ne peut surpasser, qui est le premier dans sa profession, qui mérite le prix. Cette expression vient du temps où la potence se dressait en maints carrefours. L’échelle en question est celle de la plate-forme patibulaire. L’usage était, quand il y avait plusieurs condamnés, de pendre le plus coupable le dernier, comme on le pratique encore pour la guillotine. Après le dernier pendu, on retirait l’échelle, dont on n’avait plus besoin. Ce dicton, désignant d’abord le plus criminel, s’appliqua à quiconque surpassait les autres, soit en mal, soit en bien. « C’est un maître paillard que le curé de Saint-Marlou : après lui, il faut tirer l’échelle ! » ou bien : « M. le sénateur Bérenger est un homme d’une haute vertu ; après lui, il faut tirer l’échelle ! »
De retour à Paris, las de tant de combats,
Je régale mes gens d’un splendide repas,
Lesquels me font présent d’une très riche épée,
Où tout au long ma vie étoit développée ;
L’art y brilloit partout du haut jusques en bas ;
Surprise, guerre ouverte, embuscades, combats,
Ruse, fuite, retour, mariage, amourettes,
Délibérations, tentatives, retraites,
Quel chef-d’œuvre ! Il falloit tirer l’échelle après,
Le bouclier d’Achille étoit guenille auprès.
(Nicolas Racot de Grandval, Cartouche)
Ligne (tirer à la)
Larchey, 1865 : Écrire des phrases inutiles dans le seul but d’allonger un article payé à tant la ligne. Vive la ligne !
Je rapporte un petit magot. Ah ! quelle chance ! Vive la ligne !
(Léonard, parodie, 1863)
Ce vivat, poussé fréquemment aux jours d’émeute où l’on veut gagner le cœur des troupes de ligne, est devenu proverbial et s’applique ironiquement à tous les cas d’enthousiasme.
Rigaud, 1881 : Allonger un article de journal payé à tant la ligne.
France, 1907 : Allonger, délayer un article de journal ou un chapitre de roman de manière à faire le plus de lignes possible. C’est le procédé qu’emploient les écrivassiers et les pondeurs de romans-feuilletons payés à tant la ligne. On les appelle pêcheurs à la ligne. « Le pêcheur à la ligne est un rédacteur qui, comme le pêcheur, vit de sa ligne. » (Balzac)
Ongles en l’air (se tirer les)
France, 1907 : Sortir indemne d’une mauvaise affaire.
L’axiome : À chacun selon ses œuvres, n’a malheureusement rien à voir dans la jurisprudence, et il n’est pas rare de voir, pour des délits identiques, le pauvre diable condamné alors que les gros bonnets se tirent d’affaire, comme dit la populace, les ongles en l’air.
Décidément, Montesquieu avait raison : les lois sont des filets qui arrêtent seulement les petits poissons et laissent passer les autres. Autrement dit, les balances de dame Thémis sont trop souvent de simples balançoires.
(Henri Second)
Oreille (se faire tirer l’)
France, 1907 : Se faire prier ; consentir de mauvaise grâce à une démarche, à un acte, une obligation. Cette expression n’était autrefois nullement une métaphore, on tirait autrefois l’oreille des témoins pour leur rappeler la mémoire. Un article d’une loi romaine, dit Ch. Nisard, consacrait cette coutume bizarre. « Si tu veux, y est-il dit, qu’il se rende à ton appel, atteste-le ; s’il ne s’y rend pas, prends-le par l’oreille. » La loi ripuaire et une infinité d’autres chez les nations établies au-delà et en deçà du Rhin ont reçu des Romains cette même coutume, et l’ont maintenue en l’exagérant. Ainsi, on ne tirait pas seulement l’oreille aux démons, on leur tirait les cheveux et on leur donnait des claques par-dessus le marché.
Respecter de l’épousée
Les ineffables pudeurs,
Et te mettre à la croisée
Pour modérer les ardeurs ;
C’est une erreur sans pareille.
L’innocence, de nos jours,
Se fait peu tirer l’oreille
Quand il s’agit des amours.
(Gavroche)
Pattes (se tirer les)
Rigaud, 1881 : S’en aller. La variante est : Se tirer les paturons.
Pied de biche (tirer le)
Rossignol, 1901 : Mendier à domicile.
Pieds (se tirer des)
Rigaud, 1881 : Se sauver, quitter un lieu, une société.
Merlin, 1888 : S’évader, s’échapper, fuir.
Pincettes (se tirer les)
Rigaud, 1881 : Décamper. Les pincettes, ce sont les jambes, qui ont fourni à l’argot un assez joli contingent de transformations.
Plan (tirer un)
Ansiaume, 1821 : Faire un projet.
J’ai tiré un plan qu’il faut exécuter à la sorgue tombante.
Plans (tirer des)
Merlin, 1888 : Chercher un moyen.
Retirer
d’Hautel, 1808 : Se retirer à la Mazarine. Pour dire fuir avec précipitation ; se sauver à la hâte, par allusion à la fuite précipitée de Mazarin, lors des troubles de la minorité de Louis XIV.
Retirer (se)
Delvau, 1864 : Sortir du con de la femme qu’on baise quand on craint d’être surpris, ou de lui faire un enfant ; — ou lorsque l’on a fini de baiser, ce qui n’est plus surprenant.
Thémire. feignant le contraire,
Disait toujours : Ménage-moi ;
J’ai peur de rencontrer… ma mère…
Ah ! cher Colin, retire-toi…
(G. Garnier)
Ah ! tu te retires !… Pourquoi ne l’as-tu pas laissée dans moi ! je ne l’aurais pas mangée, va !
(Henry Monnier)
Voulez-vous un ami prudent
Qui ménage vos craintes ;
Vite, ouvrez-moi vos… sentiments.
Je sais me retirer à temps.
(Chanson anonyme moderne)
Retirer dans un fromage (se)
France, 1907 : Vivre tranquillement et confortablement, après une vie agitée ou misérable. Allusion au rat de la fable.
Retirer la table au moment du dessert
Rossignol, 1901 : « Comment faites-vous, voisine, pour ne pas avoir d’enfant. — C’est bien simple : mon homme n’est pas gourmand, il se retire de table au moment du dessert. »
Retirer le pain de la bouche
Delvau, 1866 : v. a. Ruiner quelqu’un, lui enlever son emploi, les moyens de gagner sa vie. Argot du peuple.
Sang (tirer son)
France, 1907 : Formule de serment des paysans des campagnes du Centre. « J’en tire mon sang » disent-ils, en se pinçant avec le pouce et l’index la peau du cou au-dessus de la pomme d’Adam. Bien entendu, ils ne s’en tirent pas plus le sang qu’ils ne tiennent leur serment.
Soutirer au caramel
Delvau, 1866 : v. a. Tirer de l’argent de quelqu’un en employant la douceur.
Rigaud, 1881 : Soutirer de l’argent en employant la douceur et la persuasion. Le peuple dit plus ordinairement : « Le mettre en douceur ».
La Rue, 1894 : Synonyme de mettre en douceur. V. Douceur.
France, 1907 : Aller doucement ; synonyme de mettre en douceur. Extorquer de l’argent en gagnant la confiance par des flatteries, des moyens doucereux.
Tirer
d’Hautel, 1808 : Tirer la latte, la ligousse. Pour dire se battre à coup de sabre ou avec une arme quelconque.
Faire tirer bouteille Aller au cabaret, se faire apporter une bouteille de vin.
Tirer sa révérence. Se retirer d’un lieu.
On dit dans le même sens, rengaîner son compliment.
Tirer au mur. Expression basse et triviale, qui signifie être obligé de se passer d’une chose sur laquelle on faisoit fonds, comme lorsqu’on a été oublié dans une distribution.
Tirer son pied. Marcher avec peine, être fatigué.
Tirer le poil. Pour dire, faire financer quelqu’un, lui excroquer de l’argent.
Cette comparaison est tirée aux cheveux. Pour dire n’est pas naturelle, est forcée.
Être à couteau tiré avec quelqu’un. Pour, être continuellement en querelle, avoir de l’animosité contre lui.
Delvau, 1864 : Baiser une femme.
Et dans les bois, je savait la tirer.
(É. Debraux)
Aimes tu mieux en gamine
Tirer le coup du macaron ?
(Saunière)
Montrez à ma mère
Tout votre savoir,
Elle va vous faire
Tirer dans le noir.
(Les Archers de l’amour.)
À ce prix-là, dans toute la boutique
De faire un choix j’eus la permission,
Et je montai pour tirer une chique…
(Chanson anonyme moderne)
— Je vais tirer mon coup, ma crampe, ou bien ma chiqué,
Dit un futur Gerbier.
(L. Protat)
Réclamant aux vieillards libidineux ses gants,
Et tirant tous les jours des coups extravagants.
(A. Glatigny)
J’ vois que vous y prenez goût.
Mais je n’ tir’ jamais qu’un coup.
(F. De Calonne)
Delvau, 1866 : v. a. Peindre, spécialement le portrait, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Avoir peu de temps à rester au régiment. Mot à mot : tirer à la fin du service militaire.
Rigaud, 1881 : Subir une condamnation. — Combien que tu tires ? par abréviation pour : combien tires-tu de longes ?
Rigaud, 1881 : Tirer à la conscription, — dans le jargon du peuple.
Rigaud, 1881 : Tirer une carte ou demander une carte au jeu de baccarat.
Rigaud, 1881 : Voler à la tire.
Boutmy, 1883 : v. intr. Mettre sous presse, imprimer. Ce mot, en ce sens, vient sans doute de l’opération nécessitée par l’impression au moyen des presses manuelles, opération dans laquelle l’imprimeur tire, en effet, le barreau.
Hayard, 1907 : Faire, (se) partir.
France, 1907 : Faire.
M. Lucien Descaves, qui a tiré cinq ans, comme on dit, a souffert de la vie de caserne jusqu’au plus intime de lui-même et il a exhalé, dans un livre douloureux, grave à la manière noire, ses colères, ses rancunes et ses rancœurs longtemps comprimées.
(Georges Forgues, La Nation)
À tirer, à faire. Temps à tirer, temps à faire.
Les images guerrières, chromolithographies ou souvenirs des derniers Salons, habillaient ses évocations de leurs réminiscences signées de Neuville, signées Detaille. Toutefois il s’en voulait, se jugeait bête. Qu’est-ce que cela lui faisait ? Il allait s’emballer, pas vrai, trouver ça empoignant ? Oh ! l’imbécile !… Et ses cinq ans à tirer ?… Cinq ans !
(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)
Se tirer, se passer, s’accomplir.
Ainsi, douc’ment le congé se tire ;
Il passe ensuit’ sergent-major,
Son successeur, pas b’soin d’le dire,
Ratiboisera plus encor.
(Griolet)
France, 1907 : Photographier ; argot populaire.
Le festin s’fit chez l’pèr’ Latrouilles,
Un restaurant des mieux notés ;
On a mangé vingt-cinq andouilles,
Autant d’andouill’s que d’invités.
Après l’repas, le photographe
Nous tire en groupe… Ah ! quel tableau !
À sa vue on s’tord, on s’esclaffe ;
Ah ! Minc’ que’c’était rigolo !
(Jeanne Bloch)
Se faire tirer, se faire photographier. Les ouvriers et les campagnards emploient cette expression pour toute espèce de portraits.
Jean-Yves portait an cou, avec son scapulaire, un portrait de Maria. C’était une de ces photographies larges comme deux ongles que des opérateurs forains exécutent à la minute sur des petites plaques de métal. Maria s’était fait tirer le jour du Pardon.
(Hugues le Roux)
Tirer (ça s’ tire !)
Merlin, 1888 : Se dit de tout ce qui touche à sa fin. Une garde, une punition, le congé militaire se tirent.
Tirer (se la)
Delvau, 1866 : v. réfl. Fuir.
Tirer (se)
France, 1907 : S’en aller. On dit aussi se la tirer.
Les hommes, c’est d’la mauvais graine,
C’est à peu près comme l’melon,
Faudrait en avoir six douzaines
Pour en trouver un de bon
Fuyez Léon, Paul, Anatole
Vous que j’eus le tort d’adorer.
Maintenant qu’j’ai soupé d’vot’ fiole.
Vous pouvez vraiment vous tirer.
(René Esse)
Se tirer des flûtes, s’en aller.
Aux Buttes-Chaumont.
La grande sœur. — Où est Mimile ?
Le petit frère. — I’ vient d’f… le camp.
— Tu sais bien qu’on t’a défendu de dire des gros mots.
— Comment qu’i’ faut dire, alors ?
— Il faut dire : il a décanillé, il s’est esbigné, ou mieux il s’est tiré les flûtes.
Se tirer à la douce, s’esquiver rapidement et sans bruit.
À ce moment, un coup de sifflet retentit au dehors.
Tous tressaillirent.
— Attention ! dit Mille-Pattes, c’est ma femme qui avertit… et, vous savez, elle à le nez creux, la Sardine…
— C’est les fliques !… dit Peau-de-Zébi, qui avait entr’ouvert la porte… Ils n’osent pas avancer… tirons-nous à la douce par le jardin…
(Edmond Lepelletier)
Se tirer des pattes, s’en aller, se sauver.
Deux amis de collège, qui ne se sont pas vus depuis le bahut, se rencontrent, en wagon, sur la ligne du Nord.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je suis dans le commerce… Je me tire d’affaire, Et toi ?
— Moi, je suis dans la finance, et je me tire des pattes.
Se tirer des pieds, même sens.
Dans l’musée qu’était solitaire,
Soudain, j’dis à Pascal tout bas :
Regard’ donc cett’ Vénus en pierre,
Comment qu’ça s’fait qu’a n’a pas de bras ?
Il m’fait : Ça c’est une sale histoire,
Mon vieux, faut nous tirer des pieds.
Si on nous voit là, on va croire
Qu’c’est nous qui les avons cassés.
(Eugène Rimbault)
Tirer à boulets rouges sur quelqu’un
Delvau, 1866 : v. n. Le poursuivre inexorablement, lui envoyer des monceaux de papier timbré, — dans l’argot des bourgeois, qui deviennent corsaires avec les flibustiers. On dit aussi Poursuivre à boulets rouges.
France, 1907 : Ne pas le ménager, le poursuivre par tous les moyens.
Tirer à hue et à dia
France, 1907 : Tirer à droite et à gauche ; conduire en tous sens.
J’ai froid au cœur en me rappelant ce qu’elle en disait, de ce père et de cette mère inconscients qui la tiraient de hue et de dia comme des rapaces qui se disputent une proie, qui, au lieu de profiter des rares instants où elle leur appartenait pour la cajoler et l’apprivoiser, l’initiaient, la mêlaient à leurs querelles, l’empoisonnaient de leur amertume, s’accusaient et se donnaient mutuellement tous les torts, étouffaient sous une couche de fiel l’amour filial, le respect instinctif de l’enfant envers les siens.
(René Maizeroy)
Tirer à la ligne
Delvau, 1866 : v. n. Écrire des phrases inutiles, abuser du dialogue pour allonger un article ou un roman payé à tant la ligne, — dans l’argot des gens de lettres, qui n’y tireront jamais avec autant d’art, d’esprit et d’aplomb qu’Alexandre Dumas, le roi du genre.
Rigaud, 1881 : Délayer un article de journal, l’allonger, non plus avec des alinéas et des blancs comme pour le choufliquage, mais avec des épithètes, des synonymes, des périphrases.
France, 1907 : Allonger ses phrases par des mots inutiles ; délayer un dialogue afin d’augmenter le nombre de lignes d’un article, d’une chronique ou d’un roman payé à tant la ligne. Argot des gens de lettres. Alexandre Dumas père excellait dans ce genre de besogne et s’en tirait toujours avec une grande habileté. Depuis, il eut nombre d’imitateurs, sinon en qualité, du moins en quantité. Le roman-feuilleton n’est qu’une suite de tirages à la ligne, et, chose digne de remarque, ce qui n’est pas tiré à la ligne, c’est-à-dire ce qui offre quelques qualités littéraires, le public ordinaire de ces rapsodies ne le lit pas.
L’auditoire est attentif, dès le début ; après quelques répliques piquantes où les protagonistes affirment leur personnalité et dévoilent leur état d’âme, tout le monde sent venir la grande scène dite des révélations : la scène à faire ! Jusqu’ici, toutes les règles de l’art des préparations ont été sagement observées ! Mais le procureur s’est nourri de la moelle des feuilletonistes ; Montépin, Boisgobey n’ont plus de secret pour lui ; il tire à la ligne sans pudeur, fait rebondir la scène avec l’adresse d’un jongleur japonais !
(Le Journal)
Tirer à la rencontre
Ansiaume, 1821 : Voler une montre.
Je fais aussi une tire à la rencontre.
Tirer au c…
Merlin, 1888 : Se soustraire à un service.
Tirer au cul
La Rue, 1894 : User de prétextes pour ne pas travailler.
France, 1907 : S’esquiver d’un travail, d’une corvée, d’un exercice ; argot militaire.
— Ah ! tu tires au cul, mon salaud, tu ne veux pas en foutre un coup : tu veux nous laisser crever tous à c’te nuit pendant que tu resteras au chaud ; hé bien ! attends voir un peu, tu verras ce que ça te coûte.
(Georges Courteline, Les Gaités de l’escadron)
Y en a qui font la mauvais’ tête
Au régiment ;
I’s tir’ au cul, i’s font la bête
Inutil’ment ;
Quand i’s veul’nt pus fair’ d’exercice
Et tout l’fourbi.
On les envoi’ fair’ leur service
À Biribi.
(Aristide Bruant)
Tirer au flanc
Rigaud, 1881 : Manquer à sa parole, ne pas tenir ce qu’on a promis, — dans le jargon du régiment.
France, 1907 : Esquiver ou essayer d’esquiver le service ; argot militaire.
— T’arriveras là-bas, tu passeras la visite, on saura que tu tires au flanc, et on te renverra illico au quartier avec quinze jours de prison.
(G. Courteline, Les Gaités de l’escadron)
Pour passer mon congé heureux,
Je tire au flanc tant que je peux ;
Dans les dragons, au dix-huitième,
Je tir’ ma flemme !
(Suireau)
Tirer au grenadier
La Rue, 1894 : Laisser sa part de travail retomber sur d’autres.
Tirer au mur
Rigaud, 1881 : Se passer de, se priver, — dans le jargon des soldats. (L. Larchey)
La Rue, 1894 : Se passer, se priver.
France, 1907 : Travailler sans résultat ; allusion à un exercice d’escrime de ce nom.
Tirer au renard
Rigaud, 1881 : Pour un cheval, c’est lever le nez en l’air, quand on le tient par la bride ou qu’il est attaché au râtelier, — dans le jargon des soldats de cavalerie. — Tirer au vent, c’est quand le cheval portant son cavalier lève la tête. Il n’y a pas moyen d’arrêter un cheval emballé qui tire au vent.
France, 1907 : Esquiver un exercice, une corvée ; argot militaire.
Vienne le temps des grandes manœuvres et vous verrez les fainéants tirer au renard. L’un feindra des coliques ; cet autre se déclarera atteint de rhumatismes…
(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)
Adieu le major, la visite,
Où je conviens que, pour ma part,
Les jours de flemme, j’allais vite
Afin de tirer au renard,
Adieu l’infirmier qui vous place
En rang d’oignons dans le couloir ;
V’là que nous sommes de la classe
Et que la classe part ce soir !…
(Griolet)
Tirer aux chevrotins
France, 1907 : Expression vieillie signifiant vomir.
Tirer aux grenadiers
Larchey, 1865 : Carroter le service, militairement parlant. Comme les compagnies d’élite sont exemptes de corvées, tirer aux grenadiers, c’est s’attribuer indûment leurs privilèges. — Tirer une dent : Escroquer (Vidocq). — V. Carotte.
Delvau, 1866 : v. n. Emprunter de l’argent à quelqu’un en inventant une histoire quelconque, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Forger une histoire pour emprunter de l’argent.
France, 1907 : Esquiver le service, laisser le travail aux camarades ; allusion aux anciennes compagnies de grenadiers où les soldats étaient exempts de certaines corvées.
Tirer d’épaisseur (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se tirer d’un mauvais pas, — dans l’argot des ouvriers. Signifie aussi diminuer, — en parlant d’une besogne commencée.
Rigaud, 1881 : Sortir d’un mauvais pas.
France, 1907 : Diminuer. La besogne se tire d’épaisseur, elle est bientôt terminée. Se dit aussi pour se tirer d’une fâcheuse affaire.
Tirer de la cellule
France, 1907 : Faire de la prison ; argot militaire.
— Oui, c’est comme ça, je tire de la cellule avant que je me tire moi-même.
(Georges Courteline)
Tirer de la droite
France, 1907 : Boiter de la jambe droite, signe auquel la police reconnaît les anciens forçats.
— Ce n’est pas un sanglier, c’est un cheval de retour. Vois comme il tire de la droite ! — Il est nécessaire d’expliquer ici que chaque forçat est accouplé à un autre (toujours un vieux et un jeune ensemble) par une chaîne. Le poids de cette chaîne rivée à un anneau au-dessus de la cheville, est tel, qu’il donne, au bout d’une année, un vice de marche éternel au forçat… En termes de police, il tire de la droite.
(Balzac)
Tirer de la marne
France, 1907 : Travailler ; argot faubourien, de marner, travailler dur.
Pendant qu’j’allais tirer d’la marne,
Mam’zelle s’allongeait dans l’milieu
D’mon poussier… a faisait sa carne…
(Aristide Bruant)
Tirer de longueur (se)
Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des faubouriens — d’une chose qui tarde à venir, d’une affaire qui a de la peine à aboutir, d’une histoire qui n’en finit pas.
Tirer des balladoires (se)
Rigaud, 1881 : Se sauver ; c’est-à-dire : se tirer des jambes. Les balladoires, ce sont les jambes, qui servent à la ballade.
Tirer des berges à la ronde
France, 1907 : Faire des années de détention à la prison centrale.
Tirer des bordées
France, 1907 : Expression militaire venue de la marine. S’amuser au lieu d’être à son service ; faire la noce. Être en bordée, être absent du quartier sans permission et pour s’ébaudir.
À l’infirmerie et à la salle de police, il s’était lié avec toutes les fortes têtes du régiment et lui-même, désormais, était cité comme une pratique, véritable gibier de biribi. Il découchait et tirait des bordées.
(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)
Tirer des longes
Halbert, 1849 : Faire plusieurs années de prison.
Tirer des pieds (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller, s’enfuir.
Tirer des plans de longueur
France, 1907 :
Les bons bougres savent quelle foultitude d’employés la Ville entretient : c’est rigolo de reluquer les allées et venues de toute cette séquelle pour la moindre babiole, — comme qui dirait boucher un trou sur un trottoir, avec un seau de bitume.
Mince de procession d’employés ! ll s’en amène une dizaine qui restent trois quarts d’heure, en rond, à tirer des plans de longueur, crayon et calepin aux pattes.
(Le Père Peinard)
Tirer des plans sur la comète
France, 1907 : Faire des projets irréalisables.
Tirer du flan
France, 1907 : Subir un emprisonnement ; argot des voleurs.
Tirer l’échelle
La Rue, 1894 : Ne pas aller plus loin.
France, 1907 : Terminer. « Après cela, il faut tirer l’échelle. » Il n’y a plus rien à dire.
Et le turbin d’assainissement devient de moins en moins cotonneux : après la fournée d’ambitieux qui se prépare à s’asseoir autour de l’assiette au beurre, y aura plus qu’à tirer l’échelle.
(Père Peinard)
Quel chef-d’œuvre ! Il falloit tirer l’échelle après,
Le Bouclier d’Achille étoit guenille auprès.
(Nicolas R. de Grandval)
Tirer l’œil
France, 1907 : Attirer l’attention, se faire remarquer.
Avocat, médecin, architecte, négociant, tant que vous vous teniez, comme les gens d’autrefois, dans votre cercle natal, vous pouviez suffire ; bien ou mal, on vous évaluait ; bonne ou mauvaise, dans le monde et l’opinion, vous aviez votre place ; à Paris, vous n’en avez point, on ne vous connait pas : vous êtes, comme à l’hôtel garni, le numéro tant, c’est-à-dire un paletot et un chapeau qui sortent le matin et rentrent le soir. De ces chapeaux et paletots, il y en a vingt mille. Quelle marque ou cocarde trouver pour se faire reconnaître ? Quelle couleur assez voyante, quel signe assez singulier vous distinguera entre les vingt mille signes et les vingt mille couleurs ? Il faut tirer l’œil ; hors de là, point de salut.
(H. Taine, Notes sur Paris)
Tirer l’oreille à Thomas
France, 1907 : Vider le baquet de la salle de police. Voir Thomas.
C’qu’est dégoûtant dans l’mélétaire,
C’est d’tirer l’oreille à Thomas !
Thomas c’est un’manièr’ de tonne
Ousqu’un chacun met ses fricots ;
C’est formidabl’ c’que ça poisonne
Quand c’est un jour à z’haricots !
Tirer la bourre
Rossignol, 1901 : Se battre.
Tirer la droite
Delvau, 1866 : v. a. Traîner la jambe droite par habitude de la manicle qu’elle a portée au bagne, — dans l’argot des agents de police, qui se servent de ce diagnostic pour reconnaître un ancien forçat.
Tirer la ficelle
Rigaud, 1881 : Sacrifier à Onan.
France, 1907 : Terminer.
Tirer la langue
Delvau, 1866 : v. a. Être extrêmement pauvre, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Tirer la langue d’un pied.
Virmaître, 1894 : Courir à en perdre haleine. Faire tirer la langue à un débiteur en lui promettant de l’argent. Tirer la langue : avoir faim, attendre après quelque chose qui ne vient jamais (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Avoir envie ou besoin d’une chose qu’on ne vous donne pas.
Je suis sans argent, mes parents ne m’en envoient pas, ils me font tirer la langue.
France, 1907 : Attendre longtemps et vainement.
— Ah ! petite coquine, voici deux mois bientôt que tu me bernes, que tu me fais tirer la langue, mais gare à toi, tu y passeras quand même.
(Les Propos du Commandeur)
Tirer la langue d’une aune
Rigaud, 1881 : Être très altéré. — Être misérable.
Tirer le canon
Delvau, 1866 : v. a. Conjuguer le verbe pedere, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Tirer le canon d’alarme.
Tirer le chausson
Delvau, 1866 : v. a. S’enfuir, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi se battre.
Rigaud, 1881 : Décamper.
Tirer le diable par la queue
Delvau, 1866 : v. a. Mener une vie besogneuse d’où les billets de banque sont absents, remplacés qu’ils sont par des billets impayés. Argot des bohèmes. On dit aussi Tirer la Ficelle ou la corde.
Virmaître, 1894 : Il y en a (la moitié de Paris) qui passent leur temps à cette besogne, sans être jamais avancés un jour plus que l’autre. La misère ne les lâche pas. Ce pauvre diable, depuis le temps que l’on la lui tire, n’en devrait plus avoir (Argot du peuple).
France, 1907 : Vivre misérablement, être à court d’argent, ne savoir comment joindre les deux bouts ; travailler beaucoup pour gagner peu. « Que d’écrivains tirent le diable par la queue ! Cette expression s’explique, die S. Dauny, dans l’Écho du Public, par de vieilles images, très populaires autrefois, où l’on voyait toutes sortes de gens tirant par la queue le grand diable d’argent, lequel distribuait de l’argent de son sac. »
— Tirez de diable par la queue si vous y êtes forcée, mais ne l’avouez jamais ; qu’on ne le sache pas si vous ne voulez être délaissée par les uns et méprisée par les autres. Personne parmi nous ne l’ignore, et c’est ce qui explique la somme considérable d’efforts que l’on fait pour paraître. J’ai même tort de limiter ces efforts à notre monde ; ils sont inhérents à la société française et, dans des limites à déterminer, à la société humaine. Donc, il faut paraître, paraître à n’importe quel prix, à Paris plus que partout ailleurs. Dès lors, il faut s’ingénier, tâcher de vivre.
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
Tirer le dig-dig
France, 1907 : Tirer le cordon, sonner.
Tirer le pied de biche
France, 1907 : Mendier ; allusion aux mendiants qui vont de porte en porte tirer la sonnette.
Tirer les pattes (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’ennuyer, — dans l’argot des typographes, à qui il répugne probablement de s’étirer les bras.
Rigaud, 1881 : Bâiller en allongeant les bras au-dessus de la tête.
Tirer les vers du nez
France, 1907 : Arracher par persuasion les secrets de quelqu’un. Cette expression telle qu’elle est comprise n’aurait aucun sens, comme d’ailleurs nombre d’autres dont on se sert sans s’en rendre compte, le diable au vert, par exemple, s’il s’agissait de l’incommode et dégoûtant animal qui chez l’homme habite les intestins et non le nez. Mais la locution proverbiale fait allusion aux vérités, en vieux français vères, et ainsi la locution à un sens. Tirer les vers du nez. C’est arracher les vérités à quelqu’un.
Tirer sa coupe
Delvau, 1866 : S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Nager : expression populaire. Se promener ; argot des marins.
D’temps en temps nous tirons not’ coupe
Su’l’grand boul’vard. Des vrais chatons
Quand nous naviguons l’vent en poupe.
(Jean Richepin)
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