Chienlit

Chienlit

Delvau, 1866 : s. m. Homme vêtu ridiculement, grotesquement, — dans l’argot du peuple, qui n’a pas été chercher midi à quatorze heures pour forger ce mot, que M. Charles Nisard suppose, pour les besoins de sa cause (Paradoxes philologiques), venir de si loin.
Remonter jusqu’au XVe siècle pour trouver — dans chéaulz, enfants, et lice, chienne — une étymologie que tous les petits polissons portent imprimée en capitales de onze sur le bas de leur chemise, c’est avoir une furieuse démangeaison de voyager et de faire voyager ses lecteurs, sans se soucier de leur fatigue. Le verbe cacare — en français — date du XIIIe siècle, et le mot qui en est naturellement sorti, celui qui nous occupe, n’a commencé à apparaître dans la littérature que vers le milieu du XVIIIe siècle ; mais il existait tout formé du jour où le verbe lui-même l’avait été, et l’on peut dire qu’il est né tout d’une pièce. Il est regrettable que M. Charles Nisard ait fait une si précieuse et si inutile dépense d’ingéniosité à ce propos ; mais aussi, son point de départ était par trop faux : « La manière de prononcer ce mot, chez les gamins de Paris, est chiaulit. Les gamins ont raison. » M. Nisard a tort, qu’il me permette de le lui dire : les gamins de Paris ont toujours prononcé chit-en-lit. Cette première hypothèse prouvée erronée, le reste s’écroule. Il est vrai que les morceaux en sont bons.

France, 1907 : Personnage ridicule et grotesque.

Être inintelligent, ce n’est qu’une guigne ; mais en faire parade, exhiber sa disgrâce, prétendre s’en faire une arme et un titre à dominer les autres !… Voilà qui est insoutenable et prête a rire ! Voilà qui ameute, contre les chienlits du parlementarisme, tout ce que la France a de graine de bon sens : sa jeunesse, ses artistes, ses plébéiens, et jusqu’aux gamins de ses rues, pépiant et gouaillant, les mains en entonnoir autour du bec, l’œil émerillonné, « reconduisant » les ministres.

(Séverine)

Chienlit (à la) !

Delvau, 1866 : Exclamation injurieuse dont les voyous et les faubouriens poursuivent les masques, dans les jours du carnaval, — que ces masques soient élégants ou grotesques, propres ou malpropres.

France, 1907 : Cri que poussent les enfants derrière les gens grotesquement affublés et les masques.

Les costumes à l’avenant, l’horrible n’excluant pas le grotesque : troubadours d’abattoir, Turcs de la Courtille du dépotoir et autres déguisements du même galbe qui justifiaient ce mot ignoble de chienlit.

(Edmond Lepelletier)

Chienlit (faire de la)

France, 1907 : Faire du bruit.

— Imbécile ! avec ton rigollot tu vas faire de la chienlit et donner l’éveil aux agents qui sont peut-être déjà tout près d’ici… Allons ! bas les pattes !… ou nous te crevons !…

(Edmond Lepelletier)

Chienlit (gueuler à la)

France, 1907 : Appeler au secours.

— Tu t’esbignes avec mon pelot, et un instant après, quand toute la chienlit s’est tue, je m’en vais en père peinard et je te retrouve… c’est pas plus malin que ça !

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique