Gru

Gru

Clémens, 1840 : Pot.

France, 1907 : Sou de farine.

Grubler

Fustier, 1889 : Grogner. (Richepin)

France, 1907 : Grogner.

— Vous grublez comme un guichemar.

(Jean Richepin)

Grue

d’Hautel, 1808 : Faire le pied de grue. S’humilier ; faire des soumissions devant quelqu’un ; monter la garde dans les antichambres d’un homme puissant.
Avoir un cou de grue. Avoir le cou long.
Il est planté là comme une grue. Pour, il ne sait quelle contenance tenir ; il croque le marmot.

Delvau, 1864 : Fille entretenue, parce que les filles de cette espèce sont souvent plus bêtes que belles — ce qui fait qu’on ne s’explique pas les folies que les gandins font pour elles.

Dans certains théâtres, on voit de jeunes aspirantes qui se font des yeux jusqu’aux oreilles et des veines d’azur du corset jusqu’aux tempes ; ce ne sont pas des femmes, ce sont des pastels ; cette première catégorie de grues s’appelle les maquillées.

(Joachim Duflot)

Larchey, 1865 : « Pour qualifier une fille aux jambes maigres aux gros yeux à fleur de tête, à l’intelligence épaisse, on dit : C’est une grue. » — Scholl. — « Mme Croquoison : Nous sommes tous des grues. » — Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, que la Nature a douée d’autant de bêtise que de beauté, et qui abuse de celle-ci pour faire accepter celle-là. C’est un mot heureux que les gens de lettres ont trouvé là pour répondre à l’insolence des filles envers les honnêtes femmes. Bécasses ! disaient-elles. Grues ! leur répond-on. Mais ce mot, dans ce sens péjoratif, n’est pas né d’hier, il y a longtemps que le peuple l’emploie pour désigner un niais, un sot, un prétentieux.

Rigaud, 1881 : Femme sotte et prétentieuse. — Dans le dictionnaire de l’Académie, grue est donné dans le sens de niais. — Dans le jargon des comédiens, c’est une demoiselle qui possède de la beauté, de l’argent et des toilettes en quantité suffisante pour obtenir un bout de rôle où elle montre ses épaules, ses diamants et sa bêtise. Elle lève les gentilshommes de l’orchestre, comme la grue lève les fardeaux ; d’où son surnom.

La Rue, 1894 : Bête. Femme entretenue. V. Biche.

Virmaître, 1894 : Fille publique, jolie mais bête à manger du foin. De cette allusion est né un mauvais calembourg : Les camelots crient : Demandez l’Indicateur des grues de Paris pour rues (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Fille de bas étage.

Hayard, 1907 : Fille publique.

France, 1907 : « Bête marécageuse qui plume les gros pigeons et nourrit les petits poissons », dit la Vie Parisienne. Fille ou femme de mœurs légères ; nom que donnent les femmes à leurs rivales ou simplement à celles qu’elles n’aiment pas.
D’après Lorédan Larchey, grue viendrait non de l’oiseau à longues jambes, mais du vieux français grus, qui a perdu son orthographe primitive en passant à travers les âges.

J’avais donné précédemment grue avec le sens de marcheuse, dit-il, c’est-à-dire de figurante faisant commerce d’amour à l’ombre du théâtre. Je croyais que le mot était éclos, il y a trente ans, dans les corps de ballet, où les femmes paraissent montées sur des jambes d’autant plus longues que leurs jupes sont plus courtes. Mais le Dictionnaire de Godefroy vient de me donner fort à penser. J’y trouve grus comme mot injurieux, signifiant ribaude au moyen âge. En voici un exemple justificatif daté de 1415… « Ellui Girart appela la suppliante deux ou trois fois grus ! grus ! Et pour ce qu’elle n’entendoit pas ce que c’estoit à dire de telles paroles, demanda audit Girart que c’estoit. Lequel Girart lui dit que c’estoit à dire ribaude, en l’appelant par plusieurs fois : grus : ribaude ! grus : ribaude ! »

 

— Figure-toi que, sans savoir ni pourquoi ni comment, je m’étais amourachée de lui : ce jour-là, j’ai fait un joli coup ! Pas beau, pas d’esprit, pas d’argent : rien, quoi ! Par-dessus le marché, Monsieur me trompait avec la première grue venue ; on n’a pas idée de ça !

(Jules Noriac, Le Grain de sable)

Gladiola, dans la délicieuse revue de Blondel et Montreau, nous montre avec beaucoup de talent sa superbe poitrine et son dos ensorceleur. Ses admirables jambes, qui ne mesurent pas moins de soixante-dix centimètres vers la région communément appelée cuisse, ont été rappelées quatre fois. C’est un vrai triomphe pour la charmante jeune grue.

(George Auriol, Le Journal)

— Et quand elle a parlé des tableaux vivants… J’ai eu une envie de rire… elle qui a montré ses jambes pendant quinze ans dans toutes les revues : car c’est une ancienne actrice.
— Une actrice ! pas même… une ancienne grue.

(Maurice Donnay, Chère Madame)

La dame : une trentaine d’années, plutôt très jolie, mais l’air un peu grue et surtout très dinde.

(Alphonse Allais, La Vie drôle)

Fille de petits brocanteurs juifs, elle avait l’ambition et la ténacité des femmes de sa race ; jetée à seize ans sur les planches aux figurations et aux féeries, elle avait vite eu honte de ce métier de grue.

(Henry Bauër, Une Comédienne)

— Les jeunes filles nous servent d’éprouvette. On s’apprend à flirter et à aimer avec elles, pour de rire, à blanc, en attendant qu’on s’attaque plus tard sérieusement aux vraies femmes, aux femmes mariées. Comprenez-vous ? Les jeunes filles, pour moi, c’est comme le volontariat de l’amour. Une première étape, avant les grandes manœuvres que vous faisons ensuite avec les grues, et la guerre sanglante avec les dames du monde.

(Henri Lavedan)

Et puis, aussi bien je m’ennuie :
La grue, aux yeux couleur de jais,
Dans laquelle je me plongeais,
Depuis ce matin est enfuie
Et m’a laissé d’autres sujets
De tracas et de rêverie.

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Les frimas remplacent la brise ;
Tombant comme d’un encensoir,
La neige sur la terre grise
Étend son vaste et blanc mouchoir,
Sous le ciel inclément et noir,
Malgré les rafales bourrues,
Des filles vont errant le soir…
L’hiver est rude aux pauvres grues !
Princesses, heureuses d’avoir
Chambre bien close et rentes drues,
Ne condamnez pas sans savoir…
L’hiver est rude aux pauvres grues !

(Georges Gillet)

Gruerie

Delvau, 1866 : s. f. Bêtise rare, — comme il en sort tant de tant de jolies bouches.

France, 1907 : Bêtise légendaire des petites dames appelées grues.

Grugeon

d’Hautel, 1808 : Dépensier, prodigue ; monopoleur qui vit sur le bien d’autrui ; qui s’engraisse des malheurs publics.

Gruger

d’Hautel, 1808 : Pour, rapiner, voler, manger ; être aux crocs de quelqu’un ; lui soutirer de l’argent.
Il le gruge d’une belle manière. Pour, il le vole, il le ruine secrètement.

Delvau, 1866 : v. a. Manger le bien de quelqu’un, — dans l’argot du peuple. Les gens de lettres écrivent grue-ger, par allusion aux mœurs des grues, — ces Ruine-maison !

France, 1907 : Manger ; du bas allemand grusen, écraser, broyer avec les dents. Gruger quelqu’un, le piller, lui manger son bien.

Certes, ce monde circonscrit, brillant et mêlé, qui va du turf au Jockey, en passant par les foyers de théâtres, nous montre plus de princes tombés aux maquignonnages louches qu’aspirant aux hautes vertus démocratiques. Plus d’un, parmi ces brillants, à mis son grain air, sa renommée d’élégance au service de quelque cocotte, ambitieuse de gruger de jeunes bourgeois vaniteux.

(Francis Chevassu)

Dans Nos Intimes, Victorien Sardou essaye de faire le dénombrement des variétés d’amis. « Nous avons, dit l’illustre académicien, l’ami despote qui nous fait faire ses commissions, l’ami spirituel qui fait des mots à nos dépens, l’ami indiscret qui raconte aux hommes nos petites faiblesses et aux dames nos petites infirmités !… l’ami gêné qui est encore bien plus gênant, l’ami parasite qui nous mange, l’ami spéculateur qui nous gruge, enfin mille espèces d’amis dont le dénombrement serait éternel, depuis celui qui nous emprunte nos livres … qu’il ne nous rend pas, jusqu’à celui qui nous emprunte notre femme… qu’il nous rend ! »

Grugeur

d’Hautel, 1808 : Dépensier, mangeur de tout bien ; dissipateur ; fripon qui vit de ce qu’il escroque.

Delvau, 1866 : s. m. Parasite, faux ami qui vous aide à vous ruiner, comme si on avait besoin d’être aidé dans cette agréable besogne.

Rigaud, 1881 : Parasite. Celui qui vit aux dépens de quelqu’un ou de plusieurs.

Grumeau

d’Hautel, 1808 : Petites portions de lait qui se tournent et se caillent ; mot défiguré par le peuple, qui dit gromelot.

Grus

France, 1907 : Fruits sauvages en général, provenant des arbres sauvageons et de ceux qui bordent les routes et les avenues, marrons d’Inde, faines, glands.

France, 1907 : Sorte de laitage suisse.

Gruselle

France, 1907 : Variété de raisin.

Gruyère (morceau de)

France, 1907 : Visage marque de la petite vérole.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique