Lâche

Lâche

Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Saint Lâche.

Lâche (saint)

Rigaud, 1881 : Grand paresseux.

Lachème

France, 1907 : Vache. Déformation du mot par le largonji.

Lâcher

d’Hautel, 1808 : Ce verbe reçoit un grand nombre d’acceptions parmi le vulgaire. Voici les manières les plus usitées d’en faire usage.
Lâcher quelqu’un. L’abandonner, le planter là.
On dit qu’une femme a lâché son mari, pour exprimer qu’elle l’a abandonné pour aller avec un autre ; qu’elle s’est séparée de lui.
En lâcher de bonnes. Dire des gausses, des contes bleus, des gasconnades.
En lâcher une. Pour donner essor à un mauvais vent.
Lâcher le pied. Pour s’enfuir honteusement ; montrer les talons.

Delvau, 1864 : Quitter une femme dont on est l’amant, ou un homme dont on est la maîtresse.

Après ! Milie veut te lâcher.

(Ch. Monselet)

— On dit aussi, dans le même sens : lâcher d’un cran.

Delvau, 1866 : v. a. Quitter. Lâcher d’un cran. Abandonner subitement.

Rigaud, 1881 : Quitter, abandonner.

Voilà les femmes !… ça vous lâche dans le malheur.

(Dumanoir et d’Ennery, Les Drames du cabaret, 1864)

Lâcher le coude, laisser tranquille. On dit à quelqu’un qui vous ennuie : Lâche-moi le coude.Lâcher comme un pet, abandonner sans vergogne, à l’improviste, — dans le jargon du peuple. — Lâcher la rampe, mourir. — Lâcher le paquet, faire des aveux. — Lâcher de l’argent, payer. — Lâcher l’écluse, uriner. — En lâcher un, sacrifier à crepitus.

Rigaud, 1881 : Sortir un objet, exhiber. — Lâcher le tuyau de poêle, lâcher le sifflet d’ébène.

France, 1907 : Quitter, abandonner. Se dit surtout en parlant d’un amant qui abandonne sa maîtresse et vice-versa.

— Chaque fois, il m’apporte un bouquet, nous causons… il m’appelle « Madame » — quelquefois « baronne ». Je crois que je ressemble à une de ses anciennes qui serait défunte ou qui l’aurait lâché.

(Maurice Montégut)

— Mais épouser, unir son bienheureux sort à celui d’une de ses infortunées, — avant du moins qu’un respectable héritage eût permis à cette candidate ou cette collègue de « lâcher la boîte » — ah ! mais non, grand Dieu, pas si sot !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Quand j’aurai votre âge,
J’pourrai m’arrêter,
Mais la Môm’ Fromage,
Je crois, vient d’entrer,
Gémissez, mon père,
Et priez bien, car…
J’vous lâche et préfère
Voir le grand écart.

(Henry Naulus)

Lâcher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Oublier les lois de la civilité puérile et honnête, ventris flatum emittere, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi En lâcher un ou une, — selon le sexe de l’incongruité.

Rigaud, 1881 : Produire en société un bruit trop personnel ; donner le jour à une émanation trop intime.

France, 1907 : Laisser échapper un vent.

Lâcher d’un cran

Rossignol, 1901 : « Fiche-nous la paix, tu nous ennuies, lâche-nous d’un cran. — Ma maîtresse m’a quitté, elle m’a lâché d’un cran. »

France, 1907 : Se débarrasser de quelqu’un.

— Les hommes sont si bêtes qu’ils n’estiment que ce qui coûte cher. Moi aussi, j’avais un amant, un poète, que j’adorais de tout mon petit cœur. Eh bien ! comme j’étais très sage et très douce avec lui, que je travaillais honnêtement afin de lui enlever l’ombre d’une dépense, un beau jour il m’a lâchée de plusieurs crans pour s’acoquiner avec une vieille lorette, maquillée comme un mur peint à neuf, et qui lui a mangé ses onze mille francs de capital en trois mois.

(Ces Dames du Casino, 1862)

Lâcher de (se)

Rigaud, 1881 : Faire de la dépense, faire acte de générosité, offrir quelque chose. Je me lâche de deux consommations. — Je me lâche de cinq francs.

Lâcher la bonde

Virmaître, 1894 : Se comprend de deux manières. Lâcher la bonde : faire ses besoins. Lâcher la bonde à son tempérament : donner cours à sa violence, à son mauvais caractère. Dans les ateliers, quand le contre-coup gueule trop fort, on dit : Gare, il a lâché sa bonde (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Comme la nièce du curé, se croyant seule, se baissait contre la haie, étalant son énorme arrière-train, le père François, qui se trouvait juste « en face », glissa doucement sa pelle à l’endroit précis et recueillit le résidu. Après avoir lâché la bonde, elle se releva, tourna la tête et, n’apercevant rien, secoua ses jupes avec épouvante et frénésie. Mais lui élevant alors la pelle au-dessus de le haie, lui dit d’un ton aimable : « Soyez tranquille, Mam’zelle, le voici. Il n’est pas perdu ! »

(Les Propos du Commandeur)

Lâcher la mousseline

France, 1907 : Neiger.

Le ciel restait d’une vilaine couleur de plomb, et la neige, amassée là-haut, coiffait le quartier d’une calotte de glace… Gervaise levait le nez en priant le bon Dieu de ne pas lâcher la mousseline de suite.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher la perche

France, 1907 : Mourir.

Le plus blackboulé, le plus inconnu pendant sa vie devient un grand homme aussitôt qu’il a lâché la perche.

(Le Corsaire)

Lâcher la rampe

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot des serruriers).

France, 1907 : Mourir.

Lâcher le coude

France, 1907 : Laisser quelqu’un tranquille ; s’emploie surtout dans le sens de ficher la paix.

— Lâchez-nous le coude avec votre politique… Lisez les assassinats, c’est plus rigolo.

(Émile Zola, L’Assommoir)

— Alors elle s’est mise en colère et a crié devant tout le corps de ballet réuni : « Voyez-vous cette sale puce qui dit que les autres ne connaissent pas l’amour, parce qu’elle a eu un vieil orang-outang ! » Moi de lui dire : « Tu aurais bien voulu l’avoir à ma place, et même après moi, car tu es encore contente, aujourd’hui, de ramasser mes restes. » Alors, la Salvia s’en est mêlée. Elle m’a regardée avec ses grands yeux bêtes et m’a dit : « Ce n’est pas gentil, Zéozia, ce que tu dis là. » Je me monte et je lui crie : « Toi aussi, tu as mes restes ! Lâche-moi le coude ! »

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Lâcher le coude de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Cesser de l’importuner, — dans l’argot des faubouriens. C’est plutôt une exclamation qu’un verbe : Ah ! tu vas me lâcher le coude ! dit-on à quelqu’un qui ennuie, pour s’en débarrasser.

Lâcher le paquet

France, 1907 : Dénoncer, avouer.

Et Mme Lerat, effrayée… lâcha tout le paquet à son frère.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher les écluses

Virmaître, 1894 : Pisser. L’allusion est juste, malgré que cela ne fasse pas monter la Seine. On dit aussi : mon pantalon ne tient pas l’eau (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Uriner.

Tandis que la petite était en train de lâcher les écluses, jupes troussées, bien à l’aise, se croyant seule, le vieux la guignait par la lucarne.

(Les Propos du Commandeur)

Se dit aussi pour pleurer.

Lâcher ses écluses

Rossignol, 1901 : Uriner.

Lâcher son écureuil

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Lâcher son gaz

Virmaître, 1894 : Éternuer bruyamment par en bas. Quand cela arrive à quelqu’un dans la rue, les gamins lui disent :
— Dieu vous bénisse ! (Argot du peuple). N.

Lâcher un cran

Delvau, 1866 : v. a. Se déboutonner un peu quand on a bien dîné, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Se déboutonner.

Lâcher un pain

Rossignol, 1901 : Flanquer un coup de poing ou une gifle.

Lâcher une naïade

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot facétieux des ouvriers. Ils disent aussi Lâcher les écluses.

France, 1907 : Uriner.

Lâcher une pastille du sérail

Rossignol, 1901 : Odeur qui n’a rien de la pastille.

Lâcher une pastille ou une perle

France, 1907 : Laisser échapper un vent ; argot des faubouriens.

De quoi donc ?… On dirait d’un merle,
Ej’ viens d’entende un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’il vous plaît…

(Aristide Bruant)

Lâcher une sournoise

Virmaître, 1894 : Vesser en sourdine. Pet avorté (Argot du peuple).

Lâcher une tubéreuse

Delvau, 1866 : (V. Se lâcher.)

Virmaître, 1894 : Pet foireux qui répand une odeur qui ne rappelle pas précisément la rose (Argot du peuple).

France, 1907 : Lâcher un vent.

Cette petite était vive et gentille, dodue et faite autour, et je l’eusse volontiers gardée comme amie. Mais, quoique bonne à orner un lit, comme disait Rabelais, elle le parfumait trop. Elle ne faisait que lâcher en dormant une succession de tubéreuses et un chapelet de pastilles n’ayant rien de commun avec celles du sérail.

(Les Joyeusetés du régiment)

Lacheton

Virmaître, 1894 : Diamant de vitrier (Argot du peuple). V. Lachard.

France, 1907 : Voir Lachard.

Lachetourbe

France, 1907 : Misère.

Lâcheur

Larchey, 1865 : Homme sur lequel on ne peut compter. — Mot à mot : qui lâche ses amis.

Le lâcheur est la lorette de l’amitié.

(A. Scholl, 1858)

Se lâcher de : Se payer. V. Rotin.

Delvau, 1866 : s. et adj. Confrère qui vous défend mal quand on vous accuse devant lui, et qui même, joint ses propres railleries à celles dont on vous accable. Argot des gens de lettres. Lâcheur ici est synonyme de Lâche.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui abandonne volontiers une femme, — dans l’argot de Breda-Street, où le rôle d’Ariane n’est pas apprécié à sa juste valeur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui laisse ses camarades « en plan » au cabaret, ou ne les reconduit pas chez eux lorsqu’ils sont ivres, — dans l’argot des ouvriers, que cette désertion humilie et indigne. Beau lâcheur. Homme qui fait de cette désertion une habitude.

Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi les pilotes qui se chargent de conduire les bateaux depuis Bercy jusqu’au Gros-Caillou, en leur faisant traverser tous les ponts de Paris. » (É. de La Bédollière)

Rigaud, 1881 : Homme qui n’est pas partisan des liaisons amoureuses de longue durée.

Méfie-toi, Nini, c’est mon lâcheur de la semaine dernière.

(Grévin)

Tous les maris sont des lâcheurs.

(Clairville et Siraudin, Le Mot de la fin)

France, 1907 : Homme qui abandonne sa maîtresse, qui quitte ses amis, ses camarades au milieu d’une partie de plaisir ou de coups de poing. Mauvais camarade qui ne prend pas votre défense. A. Scholl a dit : « Le lâcheur est la lorette de l’amitié. »

L’heure s’avançait, amoncelant les craintes ; comme il arrive dans les tempêtes, quand un navire fait eau, beaucoup de passagers quittaient leurs places pour s’enquérir des ceintures de sauvetage et des chaloupes de sûreté. Entre quelques autres, la voix de M. Nisard s’éleva : « Restons sur nos sièges ; l’empereur est prisonnier, c’est une raison pour que nous ne l’abandonnions pas. »
Je sais bien que Nisard ne risquait pas grand’-chose en disant cela et que son dévouement était des plus platoniques. Pas moins vrai que, politique à part, cette protestation de fidélité vaut son prix, dans ce temps où il est déshonorant d’être un lâche, mais où il est très habile d’être un lâcheur.

(De Vogüé, Discours à l’Académie)

Lâcheur, lâcheuse

Rigaud, 1881 : Homme, femme sur qui l’on ne peut compter.

Cet admirable lâcheur qu’on appelle l’Angleterre.

(La France, du 8 juin 1878)

Mauvais, mauvaise camarade. — Celui, celle qui ne prend pas la défense d’un ami dont on dit du mal.

Lâchez la commande

Rigaud, 1881 : Mot à mot : lâchez le fil commandé, en terme de machiniste. C’est, au théâtre, l’ordre d’allumer le lustre.

Un machiniste est sur le théâtre ; il crie : lâchez la commande… À cet ordre, un fil descend du cintre ; on y attache une herse à gaz, et, à un nouvel ordre, la herse remonte.

(Ch. de Boigne)

Lâchez-moi d’un cran

Virmaître, 1894 : Allez-vous en. Compliment peu flatteur fait habituellement aux gens qui vous importunent. On lâche sa ceinture d’un cran quand on a trop mangé. On la serre d’un cran quand on a faim. On lâche sa femme ou sa maîtresse d’un cran quand elle est par trop embêtante. Mourir, c’est lâcher la vie d’un cran. Quand un homme est maussade en société, on lui dit :
— Allons, lâchez-vous d’un cran, déboutonnez-vous.
Ce à quoi un farceur répond. — Ah ! non, il y a des dames.
On dit aussi : remonter d’un cran dans l’estime du monde (Argot du peuple). N.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique