La

La

Delvau, 1866 : s. m. Mot d’ordre, signal ; invitation à se mettre à l’unisson, — dans l’argot des gens de lettres. Donner le la. Indiquer par son exemple, par sa conduite, ce que les autres doivent faire, dire, écrire.

d’Hautel, 1808 : Au sortir de là. Pour quand cela seroit ainsi.
est redondant quand il est employé ainsi qu’il suit :
As-tu été là où je t’ai dit.
Il ne sait là où il a mis cette chose. Où
suffit seulement ici.

La (le)

France, 1907 : La note d’une chose, le mot d’ordre, le signal. Donner le la,indiquer ce que l’on doit faire soit en paroles, soit en action.

La camoufle s’exbigne

Halbert, 1849 : La chandelle s’éteint.

La danser

Larchey, 1865 : Être battu.

Ah ! je te tiens et tu vas la danser.

(Id.)

Larchey, 1865 : Être maltraité en paroles.

Quiconque poussait les enchères était empoigné, témoin une jeune fringante qui la dansa, mais tout du long.

(Vadé, 1788)

La faire à l’oseille

Rossignol, 1901 : Ne pas tenir parole à un ami qui compte sur vous, c’est la lui faire à l’oseille.

J’ai des échéances aujourd’hui, je comptais pour les payer sur le prêt que je t’ai fait ; ne me remboursant pas, tu me la fais à l’oseille.

La faire belle

Rossignol, 1901 : Gagner beaucoup d’argent par le travail ou toute autre façon, c’est la faire belle.

La frotte

Rossignol, 1901 : La gale.

La jeter mal

Rossignol, 1901 : Celui qui est mal habillé ou qui a un vêtement excentrique, ou qui marque mal, la jette mal.

La mine

Halbert, 1849 : Le Mans.

La morphe

Halbert, 1849 : Onguent.

La Nouvelle

Rossignol, 1901 : Le bagne.

La palférinette

Delvau, 1866 : s. f. Princesse de la bohème galante, de bal et de trottoir, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont consacré ainsi le souvenir de La Palférine de H. de Balzac.

La pousse

Halbert, 1849 : La gendarmerie.

France, 1907 : La gendarmerie ; vieil argot.

La Ramée

France, 1907 : Célèbre caporal, légendaire dans les contes de chambrée.

Les hommes se déterminent par leur sentiment le plus fort. Chez les soldats, comme dans toutes les foules, le sentiment le plus fort est la peur. Ils vont à l’ennemi comme au moindre danger. Les troupes en ligne sont mises, de part et d’autre, dans l’impossibilité de fuir. C’est tout l’art des batailles. Les armées de la République furent victorieuses parce qu’on y maintenait avec une extrême rigueur les mœurs de l’ancien régime, qui étaient relâchées dans les camps des alliés. Nos généraux de l’an II étaient ses sergents la Ramée qui faisaient fusiller une demi-douzaine de conscrits par jour pour donner du cœur aux autres, comme dit Voltaire, et les animer du grand souffle patriotique.

(Anatole France)

La reniflette

Rossignol, 1901 : Police.

La rousse

Rossignol, 1901 : Police.

La rousse en planque

Halbert, 1849 : La police vient.

La semaine des quatre jeudis

Virmaître, 1894 : On dit d’une personne sale et crasseuse qu’elle se débarbouille la semaine des quatre jeudis, c’est-à-dire jamais. Un paresseux ne travaille jamais que cette semaine-là.
— Quand allez-vous me payer mon terme ? demande un propriétaire à son locataire.
— La semaine des quatre jeudis.
Cette expression est synonyme de remettre aux calendes grecques (Argot du peuple). N.

La table est mise

Virmaître, 1894 : Les enfants du peuple portent des pantalons fendus par derrière, on en comprend la raison. Quand le moutard a fait ses besoins, il oublie de rentrer sa chemise ; il en passe toujours un lambeau, souvent taché de moutarde ; les gamins lui crient :
— La table est mise.
Allusion à la nappe (Argot du peuple). N.

La tour ou tour pointue

Rossignol, 1901 : Dépôt de la préfecture de police où sont conduits tous les individus arrêtés.

Là-bas

Larchey, 1865 : Maison de correction de Saint-Lazare.

Julia à Amandine : Comme ça, cette pauvre Angèle est là-bas ? — Ne m’en parle pas. Elle était au café Coquet a prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur qui passe, qui avait l’air d’un homme sérieux avec des cheveux blancs et une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher arrive, et… emballée ! Le monsieur était un inspecteur.

(Les Cocottes, 1864)

Delvau, 1866 : adv. de l. Saint-Lazare, — dans l’argot des filles, qui n’aiment à parler qu’allusivement de ce Paraclet forcé.

Rigaud, 1881 : Prison. — Prison de Saint-Lazare que les filles appellent encore : La campagne. — Revenir de la campagne, revenir de Saint-Lazare.

France, 1907 : Saint-Lazare, dans l’argot des souteneurs et des filles ; la maison de jeu de Monte-Carlo, dans l’argot des joueurs ; le bagne, dans celui des escarpes.

Labadens

France, 1907 : Compagnon d’étude, élève du même collège. Ce mot est de récente date et vient d’un vaudeville de Labiche, joué pour la première fois au Palais-Royal, le 26 mars 1867. L’Affaire de la rue de Lourcine, où les deux héros de cette désopilante bouffonnerie, Mistingue et Langlumé, se rencontrent au banquet annuel de l’Institution Labadens.
Il a pris avec le procès Bazaine une valeur historique. Quand Régnier voulut être mis en présence du maréchal, il se fit annoncer ainsi : « Dites que c’est un vieux Labadens. » (Lorédan Larchey).

Labago

Vidocq, 1837 : a. — Là-bas.

Rigaud, 1881 : Là-bas.

La Rue, 1894 : Là-bas. Lago, là.

France, 1907 : Là-bas.

Labo

France, 1907 : Abréviation de laboratoire ; argot de l’École polytechnique.

Les professeurs de chimie ont chacun leur labo, d’où sortent les plus remarquables découvertes… Gay-Lussac faillit trouver deux fois la mort dans son labo. La première fois, il fut blessé en préparant du potassium ; il resta aveugle pendant un mois et conserva toute sa vie les yeux rouges et faibles. Une seconde fois, il fut grièvement blessé en étudiant les hydrogènes carbonés… Il travaillait en sabots et, chaque fois qu’il obtenait un résultat nouveau, il trahissait sa joie en dansant comme un enfant dans son labo…

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Labor omnia vincit improbus

France, 1907 : « On vient à bout de tout à forces de travail. » Dicton latin tiré des Géorgiques de Virgile.

Laboratoire

Delvau, 1866 : s. m. Cuisine, — dans l’argot des restaurateurs, chimistes ingénieux qui savent transformer les viandes et les vins de façon à dérouter les connaisseurs.

France, 1907 : Cuisine. C’est en effet dans la plupart des restaurants un vrai laboratoire de chimie.

Labourer

d’Hautel, 1808 : Labourer sa vie. Pour gagner péniblement sa vie.
Il faut diablement labourer pour se retirer sur cet ouvrage. Se dit d’un ouvrage peu lucratif, où il faut travailler beaucoup pour ne pas faire grand bénéfice.
Labourer. Remuer la terre. Ce peuple change l’initiale de ce mot en r, et prononce rabourer. Il en fait de même pour tous les composés de ce verbe.

France, 1907 : Préparer.

Laboureur (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui est chargé de défricher les vagins vierges avec le soc de sa petite charrue, et de féconder les vagins stériles en déchargeant dedans.

Combien pourtant que bien faible me semble
Pour labourer à deux terres ensemble.

(Cl. Marot)

Quoi faisant, j’appliquerai dorénavant mes dix mille écus à une terre que je labourerai tout seul.

(La France galante)

Les autres enflaient en longueur par le manche que l’on nomme le laboureur de nature.

(Rabelais)

Un demi-pied de la ressemblance au laboureur de nature.

(Tabarin)

Lac (être dans le)

La Rue, 1894 : Être pris, perdu, tomber dans l’embarras ou dans la misère.

Virmaître, 1894 : Être pendu. L. L. Être dans le lac, c’est ne plus rien avoir à espérer, être aussi bas que possible. Lac, ici, est synonyme de lacet, être enlacé, pris par la misère, enserré dans les filets d’une femme ou d’un usurier, comme le pauvre oiseau dans le lac du braconnier (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Être perdu, roulé.

France, 1907 : Se trouver dans l’embarras, la gêne. Mettre dans le lac, perdre son argent.

Un ponte perd un louis à la roulette.
— Allons, dit-il d’un air résigné, encore vingt francs dans le lac !

Lacet

Larchey, 1865 : Poucette. — V. Marchand.

Lacets

Delvau, 1866 : s. m. pl. Poucettes, — dans l’argot des voleurs. Les marchands de lacets. Les gendarmes.

La Rue, 1894 : Poucettes. Marchand de lacets, gendarme.

Virmaître, 1894 : Menottes. Le gendarme ou l’agent sont des marchands de passe-lacets (Argot des voleurs). V. Alliances.

France, 1907 : Poucettes. Marchand de lacets, gendarme, agent de police.

Lacets (marchand de)

Rigaud, 1881 : Gendarme à la poursuite d’un voleur, — dans l’ancien argot.

Lâchage

Rigaud, 1881 : Abandon.

France, 1907 : Abandon.

— Mais je ne vous conte pas le plus joli. M’sieu Porphyre ! C’est qu’en même temps que la petite Lemeslier était plaquée par son amant, la grande Ancelin l’était par le sien, par « mon oncle ». Oui, double lâchage !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

— Si tu savais ce qu’il faut de mensonges, de ruses, pour te donner de temps en temps deux ou trois heures. Je t’assure que c’est nous, les femmes honnêtes, qui savons aimer. Et dire qu’après ces rendez-vous périlleux, ces déshabillages et ces rhabillages clownesques, qu’est-ce qui nous attend ? Le lâchage, le scandale ou la mort.

(Maurice Donnay)

Lachard

Virmaître, 1894 : Diamant de vitrier (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Diamant à couper le verre.

France, 1907 : Diamant de vitrier. On dit aussi lacheton.

Lachard, lacheton

La Rue, 1894 : Diamant de vitrier.

Lâche

Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Saint Lâche.

Lâche (saint)

Rigaud, 1881 : Grand paresseux.

Lachème

France, 1907 : Vache. Déformation du mot par le largonji.

Lâcher

d’Hautel, 1808 : Ce verbe reçoit un grand nombre d’acceptions parmi le vulgaire. Voici les manières les plus usitées d’en faire usage.
Lâcher quelqu’un. L’abandonner, le planter là.
On dit qu’une femme a lâché son mari, pour exprimer qu’elle l’a abandonné pour aller avec un autre ; qu’elle s’est séparée de lui.
En lâcher de bonnes. Dire des gausses, des contes bleus, des gasconnades.
En lâcher une. Pour donner essor à un mauvais vent.
Lâcher le pied. Pour s’enfuir honteusement ; montrer les talons.

Delvau, 1864 : Quitter une femme dont on est l’amant, ou un homme dont on est la maîtresse.

Après ! Milie veut te lâcher.

(Ch. Monselet)

— On dit aussi, dans le même sens : lâcher d’un cran.

Delvau, 1866 : v. a. Quitter. Lâcher d’un cran. Abandonner subitement.

Rigaud, 1881 : Quitter, abandonner.

Voilà les femmes !… ça vous lâche dans le malheur.

(Dumanoir et d’Ennery, Les Drames du cabaret, 1864)

Lâcher le coude, laisser tranquille. On dit à quelqu’un qui vous ennuie : Lâche-moi le coude.Lâcher comme un pet, abandonner sans vergogne, à l’improviste, — dans le jargon du peuple. — Lâcher la rampe, mourir. — Lâcher le paquet, faire des aveux. — Lâcher de l’argent, payer. — Lâcher l’écluse, uriner. — En lâcher un, sacrifier à crepitus.

Rigaud, 1881 : Sortir un objet, exhiber. — Lâcher le tuyau de poêle, lâcher le sifflet d’ébène.

France, 1907 : Quitter, abandonner. Se dit surtout en parlant d’un amant qui abandonne sa maîtresse et vice-versa.

— Chaque fois, il m’apporte un bouquet, nous causons… il m’appelle « Madame » — quelquefois « baronne ». Je crois que je ressemble à une de ses anciennes qui serait défunte ou qui l’aurait lâché.

(Maurice Montégut)

— Mais épouser, unir son bienheureux sort à celui d’une de ses infortunées, — avant du moins qu’un respectable héritage eût permis à cette candidate ou cette collègue de « lâcher la boîte » — ah ! mais non, grand Dieu, pas si sot !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Quand j’aurai votre âge,
J’pourrai m’arrêter,
Mais la Môm’ Fromage,
Je crois, vient d’entrer,
Gémissez, mon père,
Et priez bien, car…
J’vous lâche et préfère
Voir le grand écart.

(Henry Naulus)

Lâcher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Oublier les lois de la civilité puérile et honnête, ventris flatum emittere, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi En lâcher un ou une, — selon le sexe de l’incongruité.

Rigaud, 1881 : Produire en société un bruit trop personnel ; donner le jour à une émanation trop intime.

France, 1907 : Laisser échapper un vent.

Lâcher d’un cran

Rossignol, 1901 : « Fiche-nous la paix, tu nous ennuies, lâche-nous d’un cran. — Ma maîtresse m’a quitté, elle m’a lâché d’un cran. »

France, 1907 : Se débarrasser de quelqu’un.

— Les hommes sont si bêtes qu’ils n’estiment que ce qui coûte cher. Moi aussi, j’avais un amant, un poète, que j’adorais de tout mon petit cœur. Eh bien ! comme j’étais très sage et très douce avec lui, que je travaillais honnêtement afin de lui enlever l’ombre d’une dépense, un beau jour il m’a lâchée de plusieurs crans pour s’acoquiner avec une vieille lorette, maquillée comme un mur peint à neuf, et qui lui a mangé ses onze mille francs de capital en trois mois.

(Ces Dames du Casino, 1862)

Lâcher de (se)

Rigaud, 1881 : Faire de la dépense, faire acte de générosité, offrir quelque chose. Je me lâche de deux consommations. — Je me lâche de cinq francs.

Lâcher la bonde

Virmaître, 1894 : Se comprend de deux manières. Lâcher la bonde : faire ses besoins. Lâcher la bonde à son tempérament : donner cours à sa violence, à son mauvais caractère. Dans les ateliers, quand le contre-coup gueule trop fort, on dit : Gare, il a lâché sa bonde (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Comme la nièce du curé, se croyant seule, se baissait contre la haie, étalant son énorme arrière-train, le père François, qui se trouvait juste « en face », glissa doucement sa pelle à l’endroit précis et recueillit le résidu. Après avoir lâché la bonde, elle se releva, tourna la tête et, n’apercevant rien, secoua ses jupes avec épouvante et frénésie. Mais lui élevant alors la pelle au-dessus de le haie, lui dit d’un ton aimable : « Soyez tranquille, Mam’zelle, le voici. Il n’est pas perdu ! »

(Les Propos du Commandeur)

Lâcher la mousseline

France, 1907 : Neiger.

Le ciel restait d’une vilaine couleur de plomb, et la neige, amassée là-haut, coiffait le quartier d’une calotte de glace… Gervaise levait le nez en priant le bon Dieu de ne pas lâcher la mousseline de suite.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher la perche

France, 1907 : Mourir.

Le plus blackboulé, le plus inconnu pendant sa vie devient un grand homme aussitôt qu’il a lâché la perche.

(Le Corsaire)

Lâcher la rampe

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot des serruriers).

France, 1907 : Mourir.

Lâcher le coude

France, 1907 : Laisser quelqu’un tranquille ; s’emploie surtout dans le sens de ficher la paix.

— Lâchez-nous le coude avec votre politique… Lisez les assassinats, c’est plus rigolo.

(Émile Zola, L’Assommoir)

— Alors elle s’est mise en colère et a crié devant tout le corps de ballet réuni : « Voyez-vous cette sale puce qui dit que les autres ne connaissent pas l’amour, parce qu’elle a eu un vieil orang-outang ! » Moi de lui dire : « Tu aurais bien voulu l’avoir à ma place, et même après moi, car tu es encore contente, aujourd’hui, de ramasser mes restes. » Alors, la Salvia s’en est mêlée. Elle m’a regardée avec ses grands yeux bêtes et m’a dit : « Ce n’est pas gentil, Zéozia, ce que tu dis là. » Je me monte et je lui crie : « Toi aussi, tu as mes restes ! Lâche-moi le coude ! »

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Lâcher le coude de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Cesser de l’importuner, — dans l’argot des faubouriens. C’est plutôt une exclamation qu’un verbe : Ah ! tu vas me lâcher le coude ! dit-on à quelqu’un qui ennuie, pour s’en débarrasser.

Lâcher le paquet

France, 1907 : Dénoncer, avouer.

Et Mme Lerat, effrayée… lâcha tout le paquet à son frère.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher les écluses

Virmaître, 1894 : Pisser. L’allusion est juste, malgré que cela ne fasse pas monter la Seine. On dit aussi : mon pantalon ne tient pas l’eau (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Uriner.

Tandis que la petite était en train de lâcher les écluses, jupes troussées, bien à l’aise, se croyant seule, le vieux la guignait par la lucarne.

(Les Propos du Commandeur)

Se dit aussi pour pleurer.

Lâcher ses écluses

Rossignol, 1901 : Uriner.

Lâcher son écureuil

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Lâcher son gaz

Virmaître, 1894 : Éternuer bruyamment par en bas. Quand cela arrive à quelqu’un dans la rue, les gamins lui disent :
— Dieu vous bénisse ! (Argot du peuple). N.

Lâcher un cran

Delvau, 1866 : v. a. Se déboutonner un peu quand on a bien dîné, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Se déboutonner.

Lâcher un pain

Rossignol, 1901 : Flanquer un coup de poing ou une gifle.

Lâcher une naïade

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot facétieux des ouvriers. Ils disent aussi Lâcher les écluses.

France, 1907 : Uriner.

Lâcher une pastille du sérail

Rossignol, 1901 : Odeur qui n’a rien de la pastille.

Lâcher une pastille ou une perle

France, 1907 : Laisser échapper un vent ; argot des faubouriens.

De quoi donc ?… On dirait d’un merle,
Ej’ viens d’entende un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’il vous plaît…

(Aristide Bruant)

Lâcher une sournoise

Virmaître, 1894 : Vesser en sourdine. Pet avorté (Argot du peuple).

Lâcher une tubéreuse

Delvau, 1866 : (V. Se lâcher.)

Virmaître, 1894 : Pet foireux qui répand une odeur qui ne rappelle pas précisément la rose (Argot du peuple).

France, 1907 : Lâcher un vent.

Cette petite était vive et gentille, dodue et faite autour, et je l’eusse volontiers gardée comme amie. Mais, quoique bonne à orner un lit, comme disait Rabelais, elle le parfumait trop. Elle ne faisait que lâcher en dormant une succession de tubéreuses et un chapelet de pastilles n’ayant rien de commun avec celles du sérail.

(Les Joyeusetés du régiment)

Lacheton

Virmaître, 1894 : Diamant de vitrier (Argot du peuple). V. Lachard.

France, 1907 : Voir Lachard.

Lachetourbe

France, 1907 : Misère.

Lâcheur

Larchey, 1865 : Homme sur lequel on ne peut compter. — Mot à mot : qui lâche ses amis.

Le lâcheur est la lorette de l’amitié.

(A. Scholl, 1858)

Se lâcher de : Se payer. V. Rotin.

Delvau, 1866 : s. et adj. Confrère qui vous défend mal quand on vous accuse devant lui, et qui même, joint ses propres railleries à celles dont on vous accable. Argot des gens de lettres. Lâcheur ici est synonyme de Lâche.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui abandonne volontiers une femme, — dans l’argot de Breda-Street, où le rôle d’Ariane n’est pas apprécié à sa juste valeur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui laisse ses camarades « en plan » au cabaret, ou ne les reconduit pas chez eux lorsqu’ils sont ivres, — dans l’argot des ouvriers, que cette désertion humilie et indigne. Beau lâcheur. Homme qui fait de cette désertion une habitude.

Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi les pilotes qui se chargent de conduire les bateaux depuis Bercy jusqu’au Gros-Caillou, en leur faisant traverser tous les ponts de Paris. » (É. de La Bédollière)

Rigaud, 1881 : Homme qui n’est pas partisan des liaisons amoureuses de longue durée.

Méfie-toi, Nini, c’est mon lâcheur de la semaine dernière.

(Grévin)

Tous les maris sont des lâcheurs.

(Clairville et Siraudin, Le Mot de la fin)

France, 1907 : Homme qui abandonne sa maîtresse, qui quitte ses amis, ses camarades au milieu d’une partie de plaisir ou de coups de poing. Mauvais camarade qui ne prend pas votre défense. A. Scholl a dit : « Le lâcheur est la lorette de l’amitié. »

L’heure s’avançait, amoncelant les craintes ; comme il arrive dans les tempêtes, quand un navire fait eau, beaucoup de passagers quittaient leurs places pour s’enquérir des ceintures de sauvetage et des chaloupes de sûreté. Entre quelques autres, la voix de M. Nisard s’éleva : « Restons sur nos sièges ; l’empereur est prisonnier, c’est une raison pour que nous ne l’abandonnions pas. »
Je sais bien que Nisard ne risquait pas grand’-chose en disant cela et que son dévouement était des plus platoniques. Pas moins vrai que, politique à part, cette protestation de fidélité vaut son prix, dans ce temps où il est déshonorant d’être un lâche, mais où il est très habile d’être un lâcheur.

(De Vogüé, Discours à l’Académie)

Lâcheur, lâcheuse

Rigaud, 1881 : Homme, femme sur qui l’on ne peut compter.

Cet admirable lâcheur qu’on appelle l’Angleterre.

(La France, du 8 juin 1878)

Mauvais, mauvaise camarade. — Celui, celle qui ne prend pas la défense d’un ami dont on dit du mal.

Lâchez la commande

Rigaud, 1881 : Mot à mot : lâchez le fil commandé, en terme de machiniste. C’est, au théâtre, l’ordre d’allumer le lustre.

Un machiniste est sur le théâtre ; il crie : lâchez la commande… À cet ordre, un fil descend du cintre ; on y attache une herse à gaz, et, à un nouvel ordre, la herse remonte.

(Ch. de Boigne)

Lâchez-moi d’un cran

Virmaître, 1894 : Allez-vous en. Compliment peu flatteur fait habituellement aux gens qui vous importunent. On lâche sa ceinture d’un cran quand on a trop mangé. On la serre d’un cran quand on a faim. On lâche sa femme ou sa maîtresse d’un cran quand elle est par trop embêtante. Mourir, c’est lâcher la vie d’un cran. Quand un homme est maussade en société, on lui dit :
— Allons, lâchez-vous d’un cran, déboutonnez-vous.
Ce à quoi un farceur répond. — Ah ! non, il y a des dames.
On dit aussi : remonter d’un cran dans l’estime du monde (Argot du peuple). N.

Lacorbine

Rigaud, 1881 : Surnom que se donnent entre eux les Éphestions de trottoir ; nom sous lequel les désignent généralement les inspecteurs du service des mœurs. C’est une déformation du mot « la courbée ».

Lacromuche

Rigaud, 1881 : Souteneur de filles. C’est le mot macro « maquereau » par substitution de L à M et dotation de la désinence argotique muche. Dans l’argot des bals de la barrière du Trône, la plupart très poissonneux, lacromuche sert à désigner un « garçon », un « jeune homme » quelconque.

France, 1907 : Souteneur ; anagramme de macrau avec la finale uche.

Lad

Fustier, 1889 : Garçon d’écurie.

Autour du favori un cercle s’est formé pendant que les lads sellent le cheval sous la surveillance de l’entraîneur.

(Vie Parisienne, 1882)

France, 1907 : Garçon d’écurie de courses. Anglicisme.

Le lad est la bonne à tout faire d’une écurie de courses. C’est généralement un apprenti jockey, mais son apprentissage est terrible.
À peine reçu comme stable boy ou petit garçon d’écurie, le futur jockey est admis à l’honneur d’éplucher les légumes de la femme de l’entraîneur ; peu à peu, il arrive à ratisser le jardin, arrosée les jambes des chevaux malades, balaye la cour et fait le lit de ses camarades. Mais, petit à petit, il apprend son métier, et bientôt on lui confie un cheval, — alors le lad est arrivé.
Le lad ne fait qu’un avec sa bête ; il doit la soigner et la veiller nuit et jour, il la promène et la sort pour les exercices quotidiens.
Différent des garçons d’écurie français, qui portent la blouse ou le gilet et des sabots, le lad est toujours vêtu, du matin jusqu’au soir, d’un affreux complet à carreaux… Il chausse des souliers anglais ; quelquefois possède un gant, mais brandit toujours un bambou.

(F. Laffon, Le Monde des courses)

Lafarger

Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser de son mari en l’empoisonnant ou de tout autre façon, — dans l’argot du peuple, plus cruel que la justice, puisqu’il fait survivre le châtiment au coupable.

France, 1907 : Empoisonner. Allusion à la célèbre Mme Lafarge qui, sous le règne de Louis-Philippe, fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité pour avoir empoisonné son mari. Peu usité.

Laffe

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La vie. Esbigner la laffe, avoir la vie sauve.

Halbert, 1849 : La vie.

Delvau, 1866 : s. f. Potage, soupe, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Soupe. On dit aussi : mouise, tambouille. Les maçons disent mortier, parce qu’ils empilent du pain dans le bol tant qu’il en peut tenir, ce qui forme une pâtée épaisse qui ressemble à du mortier (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Soupe.

Lafle

France, 1907 : Potage ; vieux jargon.

Du potage s’appelait de la lafle, à présent c’est de la menestre.

(Le Jargon ou langage de l’argot réformé)

Lago

Vidocq, 1837 : a. — Ici.

M.D., 1844 : Là.

Delvau, 1866 : adv. Là, — dans le même argot [des voleurs]. Labago. Là-bas.

Rigaud, 1881 : Ici, — dans le jargon des voleurs.

Rossignol, 1901 : La.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Là.

Lago (saint-)

France, 1907 : La prison de Saint-Lazare.

Lago (saint)

Rigaud, 1881 : La prison de Saint-Lazare.

Lagout

Halbert, 1849 : Eau à boire.

Rigaud, 1881 : Eau, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Eau à boire.

France, 1907 : Eau à boire. Écrit à tort ainsi, au lieu de l’agout, du provençal agua, eau.

Laideron

d’Hautel, 1808 : Mot injurieux et piquant, que l’on donne à une demoiselle extrêmement laide, qui fait la hautaine, la prude, la belle et l’agréable.

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme fort laide, — dans l’argot des bourgeois, dont l’esthétique laisse beaucoup à désirer. On dit aussi Vilain laideron, — quand on veut se mettre un pléonasme sur la conscience.

Laigre

Rigaud, 1881 : Fête, foire.

Hayard, 1907 : Foire.

Laigue

Ansiaume, 1821 : Foire ; marché.

C’est un pègre de laigue, il n’est bon à autre chose.

Lain

France, 1907 : Liqueur très piquante que les Siamois composent avec du riz et de la chaux. Les Européens y ajoutent du sucre et de la cannelle. Cette liqueur, qu’on laisse fermenter au soleil, est plus capiteuse que le vin. On l’appelle aussi vaque.

Laine

d’Hautel, 1808 : Des tireurs de laine. Voleurs qui détroussent les passans la nuit dans les rues.

Vidocq, 1837 : s. m. — Mouton.

Larchey, 1865 : Mouton (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Ouvrage, — dans l’argot des tailleurs.

Rigaud, 1881 : Drap, — dans le jargon des tailleurs. Avoir de la laine, avoir de l’ouvrage.

La Rue, 1894 : Ouvrage.

France, 1907 : Ouvrage ; argot des tailleurs. On appelait autrefois laine tout vêtement en général, d’où tire-laine, voleur d’habit.

Lainé

Delvau, 1866 : s. m. Mouton, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Mouton.

Laïque

France, 1907 : Nom donné aux nouvelles écoles communales.

Quand je sortis d’la laïque,
Maman, plein’ d’émotion,
M’dit : Va falloir, Angélique,
T’chercher un’ position.
Tout’s les femm’s dans not’ famille
Pour vivre ont dû travailler ;
Faut les imiter, ma fille :
Il s’agit d’te débrouiller.

(Georges Gillet)

Laïque (la)

Fustier, 1889 : L’école laïque.

Ya pas classe à la laïque, tantôt, puisque tu es d’enterrement, emmène donc le gossinet ; Ça l’amusera c’t’enfant.

(Petite République française, février 1887)

Laisser

d’Hautel, 1808 : Il y a des gens qui prennent tout, mais lui ne laisse rien. Antithèse, jeu de mots trivial et vulgaire. Pour dire qu’un homme est égoïste, qu’il aime à prendre partout ses aises, sans s’inquiéter des besoins des autres.
C’est à prendre ou à laisser. Manière pressante de mettre le marché à la main ; ne pas souffrir que l’on marchande sur quelque chose.
Laisser ses os ou ses bottes dans un lieu. Pour y perdre la vie ; y mourir.
Je lairai, tu lairas, etc. Se dit par syncope pour je laisserai, tu laisseras, etc. Manière vicieuse de parier, fort usitée parmi le peuple.

Laisser à la traîne

Ansiaume, 1821 : Oublier quelque chose.

Mon lingre et le bastringue sont à la traîne.

Laisser aller (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. N’avoir plus d’énergie, s’habiller sans goût et même sans soin ; se négliger. Argot du peuple.

Laisser aller le chat au fromage

Delvau, 1866 : Perdre tout droit à porter le bouquet de fleurs d’oranger traditionnel. L’expression est vieille, — comme l’imprudence des jeunes filles. Il y a même à ce propos, un passage charmant d’une lettre écrite par Voiture à une abbesse qui lui avait fait présent d’un chat : « Je ne le nourris (le chat) que de fromages et de biscuits ; peut-être, madame, qu’il n’était pas si bien traité chez vous ; car je pense que les dames de *** ne laissent pas aller le chat aux fromages et que l’austérité du couvent ne permet pas qu’on leur fasse si bonne chère. »

France, 1907 : Se dit d’une fille qui se laisse prendre ce qu’elle ne peut donner qu’une fois… et continue.

Laisser aller son chat au fromage

Delvau, 1864 : Se laisser foutre par un homme.

Dites-moy, et ne mentez point,
Vous êtes-vous laissée aller ?

(Farces et Moralités)

La fille a laissé aller le chat au fromage si souvent que l’on s’est aperçu qu’il fallait rélargir sa robe.

(Variétés hist. et littér.)

Laisser de ses plumes

Delvau, 1866 : v. a. Perdre de l’argent dans une affaire ; ne sortir d’un mauvais pas qu’en finançant.

France, 1907 : Perdre de l’argent dans une entreprise, une affaire quelconque.

Laisser en plan

Larchey, 1865 : Abandonner.

Et cet animal de barbier qui me laisse en plan.

(Cormon)

Laisser faire (se)

Delvau, 1864 : Consentir, quand on est femme et un peu amoureuse, à ce qu’un homme qui bande raide vous trousse, vous écarte les cuisses et vous baise.

Qui ne voulant perdre son temps,
Et craignant de mourir pucelle,
Se le laissa faire à dix ans.

(Collé)

Après, elle lui laissa tout faire.

(Tallemant des Réaux)

Chevaucher simplement une femme qui se laisse faire et que la honte ou la froideur empêchent de passer outre dans la recherche du plaisir, c st une satisfaction commune.

(Mililot)

Laisser fuir son tonneau

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des marchands de vin.

France, 1907 : Mourir.

Laisser mener par le bout du nez (se)

France, 1907 : N’avoir nulle volonté ; se laisser conduire.
Cette expression est fort ancienne et vient des Grecs qui disaient : Se laisser mener par le nez comme un buffle. En effet, aucun buffle ne devait traverser une ville sans un anneau ou une barre de fer passée dans le museau, ce qui le tenait en respect et le rendait docile à la main qui le conduisait, fût-ce celle d’un enfant. On en use d’ailleurs de même aujourd’hui pour les taureaux que l’on conduit au marché ou à l’abattoir.

Laisser pisser le mérinos

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas se hâter ; attendre patiemment le résultat d’une affaire, d’une brouille, etc. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Savoir attendre le moment favorable. Attendre patiemment le résultat d’une affaire.

La Rue, 1894 : Ne pas se bâter, attendre le résultat d’une affaire pour en profiler.

Laisser pisser le mérinos ou le mouton

France, 1907 : Attendre patiemment le résultat d’une affaire.

Il ne faut qu’un rien pour faire sortir le populo de ses gonds !
Qui nous dit que ce que certains qualifient d’avachissement et d’abrutissement n’est pas du recueillement ?
Quand le lion, avant de sauter sur sa proie, s’aplatit et rase le sol, celui qui ne le verrait qu’ainsi conclurait que cet animal est un taffeur, qu’il se fait petit pour s’effacer et se cacher…
Il n’en est rien, pourtant !
Done, que les écœurements de l’heure présente ne nous découragent pas ; faisons notre turbin de propagande, éparpillons les idées aux quatre vents et laissons pisser le mouton.

(Père Peinard)

Laisser pisser le mouton

Rossignol, 1901 : Ne pas se faire de mauvais sang, laisser aller les choses.

Laissez pisser le mouton, chaque chose vient à son temps.

Laisser ses bottes

France, 1907 : Mourir.

Laisser ses bottes quelque part

Delvau, 1866 : v. a. Y mourir, — dans l’argot du peuple.

Laisser tomber son pain dans la sauce

Delvau, 1866 : S’arranger de manière à avoir un bénéfice certain sur une affaire ; montrer de l’habileté en toute chose.

France, 1907 : Manœuvrer de façon à retirer un profit.

Laisser tomber une perle

Virmaître, 1894 : Ces perles-là ne pourraient guère se mettre aux oreilles des dames car elles n’ont pas le parfum de celles de la gazelle (Argot du peuple). V. Pousser sa moulure.

Rossignol, 1901 : Léger bruit venant des entrailles.

France, 1907 : « Ces perles-là, dit Charles Virmaître, ne pourraient guère se mettre aux oreilles des dames, car elles n’ont pas le parfum de celles de la gazelle. »

Laissez pisser le mérinos

Virmaître, 1894 : Ne vous tourmentez pas, laissez marcher les choses, elles vont bien. Autrefois on disait : Laissez pisser le mouton, ce qui est absolument la même chose (Argot du peuple).

Lait

d’Hautel, 1808 : Le vin est le lait des vieillards. Pour dire que cette liqueur, prise avec modération, ranime la vieillesse.
Vin sur lait rend le cœur gai. Se dit pour engager quelqu’un qui a déjeuné avec du lait, à boire un coup après.
Si on lui tordoit le nez, il en sortiroit du lait. Reproche que l’on fait à un jeune homme sans expérience, à un ignorant qui veut en remontrer à plus expérimenté que lui.
C’est sa vache à lait. Se dit d’une personne qui fournit à toutes les dépenses d’un prodigue, d’un dissipateur.

Delvau, 1866 : s. m. Encre, — dans l’argot des voleurs. Lait à broder. Encre à écrire. Lait de cartaudier. Encre d’imprimerie.

France, 1907 : Encre ; argot des voleurs. Lait à broder, lait de la vache noire, encre à écrire. Lait de cartaudier, encre d’imprimerie.

Lait (boire du)

La Rue, 1894 : Être content, heureux. Être applaudi, félicité.

France, 1907 : C’est, dans l’argot boulevardier, éprouver une grande et vive satisfaction en voyant ou entendant certaines choses. Un amant qui contemple amoureusement sa maîtresse ou qui entend vanter ses qualités boit du lait ; à plus forte raison quand il entend vanter les siennes propres.

À peine le couplet est-il chanté au milieu des applaudissements qu’il salue… Il boit du lait, comme on dit en style de théâtre.

(Mémoires de M. Claude)

Lait à broder

Vidocq, 1837 : s. f. — Encre.

Larchey, 1865 : Encre (id.) — Allusion ironique à la couleur de l’encre. V. Broder.

Rigaud, 1881 : Encre, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Encre. Dans les prisons, quand le lazagneur écrit une lettre pour un camarade, il dit qu’il se sert du lait à brodancher pour attendrir celui à qui on écrit. Brodancher pour broder. Encre est ici une figure, car souvent c’est le lait qui en sert. Dans les prisons on sait que toutes les lettres des détenus adressées à des parents ou à des amis passent par le greffe. Le greffier ou le directeur lit la lettre et si elle ne contient rien de contraire au règlement il la vise par ce signe : V. Le plus grand souci des prisonniers est d’éviter cette formalité gênante surtout si la lettre est adressée à un complice. Alors ils emploient le lait pour écrire entre les lignes écrites à l’encre. Pour cela il faut du lait écrémé et du papier non glacé, parce que l’écriture serait grasse, brillante et la supercherie serait apparente. Pour faire apparaître l’écriture il suffit de frapper fortement la lettre avec un chausson plein de poussière ; la poussière s’attache aux caractères qui deviennent lisibles. Autrefois dans les prisons on se servait d’oignons, mais le truc fut découvert, on n’en vend plus dans les cantines, tandis que l’on y trouve du lait (Argot des voleurs). N.

Lait à broder, lait de la vache noire

La Rue, 1894 : Encre.

Lait de vieillard

Delvau, 1866 : s. m. Vin, — dans l’argot du peuple, qui dit cela pour avoir le droit de téter jusqu’à cent ans.

France, 1907 : Vin.

Lait des vieillards

Rigaud, 1881 : Vin, s’il faut en croire les vieux ivrognes.

Laité

d’Hautel, 1808 : Une poule laitée. Pour dire un homme foible, efféminé, qui ne met aucune vigueur dans ses actions.

Laïus

Larchey, 1865 : Discours.

Dans le dialecte de l’École polytechnique, tout discours est un laïus, depuis la création du cours de composition française en 1804. L’époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent des laïus.

(La Bédollière)

Pour les officiers sortant de Saint-Cyr, le laïus est un broutta, du nom d’un professeur de l’École, doué d’une certaine facilite d’élocution. Ce qui a fait le verbe broutasser et le substantif broutasseur.

(De Vauvineux)

Delvau, 1866 : s. m. Discours quelconque, — dans l’argot des Polytechniciens, chez qui ce mot est de tradition depuis 1804, époque de la création du cours de composition française, parce que le sujet du premier morceau oratoire à traiter par les élèves avait été l’époux de Jocaste. Piquer un Laïus. Prononcer un discours. Les Saint-Cyriens, eux, disent Brouta (du nom d’un professeur de l’École), broutasser et broutasseur.

France, 1907 : Composition française et, par extension, discours ; argot des Écoles militaires, Polytechnique, Saint-Cyr, La Flèche.
Cette locution vient — disent MM. Albert Lévy et G. Pinet — de la fidélité rare avec laquelle le professeur de littérature Arnault revenait souvent sur Œdipe et sur les malheurs de Laïus, roi de Thèbes. « Allons, bon ! se disait-on, aussitôt que la leçon commençait, roulant toujours sur les tragédies grecques, voilà le Laïus qui recommence. » Et le mot est resté.
Arnault, de l’Académie française, occupait la chaire de littérature à l’École polytechnique, de 1830 à 1834. Le mot ne date donc pas de 1804, comme l’écrivait de La Bédollière.

Ce qu’il marmotte entre ses dents, c’est le petit laïus qu’il a pignoché la veille et qu’il appris par cœur. Mais, comme le brave homme a la mémoire rebelle, il a eu soin de transcrire ledit laïus et, de temps en temps, il tire de sa poche on morceau de papier qu’il examine attentivement.

(La Nation)

Faire un discours, c’est pousser ou piquer un laïus.

Pour mes adieux au fauteuil présidentiel, n’est-il pas convenable que je leur pousse aussi mon petit laïus, à mes chers « pays » ? Que pourrais-je bien leur raconter ?

(Le Journal)

Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent leur laïus.

(Émile de La Bédollière)

Laïus (sécher le)

Rigaud, 1881 : Ne pas se donner la peine de faire le discours dont le sujet a été donné par le professeur, — dans le jargon des Écoles.

Laize

Rossignol, 1901 : Femme prostituée.

Lama (grand)

Fustier, 1889 : Chef, maître suprême.

Le grand lama est arrivé hier soir. Pendant que M. Raynal se couchait, affolé par les toasts et les feux d’artifice à Montauban, M. Ferry débarquait à Cahors.

(Figaro, avril 1884)

Lambère

anon., 1907 : Argent.

Lambert

Delvau, 1866 : Nom qu’on donne, depuis l’été de 1864 à toute personne dont on ignore le nom véritable. Appeler Lambert. Se moquer de quelqu’un dans la rue.

Lambert (ohé) ! As-tu vu Lambert ?

Rigaud, 1881 : Apostrophe, cri, scie qui s’est produit pour la première fois le 15 août 1864, le jour de la fête de Napoléon III. Du bout d’une rue à l’autre, sur les impériales des omnibus, dans les gares, dans les wagons, on n’entendait que le cri de : Ohé Lambert ! As-tu vu Lambert ? Cela dura trois ou quatre mois. Depuis on a passé à d’autres exercices. — Étymologie : Une femme de la campagne, venue à Paris pour la fête du 15 août, perdit ou égara, au débarcadère du chemin de fer de l’Ouest, son mari qui s’appelait Lambert ; et, pendant plus d’un quart d’heure, on entendit cette épouse éplorée demander à tous les échos : « Lambert ! » Les détracteurs de l’Empire prétendirent que le mot était un mot d’ordre venu de la rue de Jérusalem, et mis en circulation par la police, à la seule fin de distraire le peuple des idées politiques, dont on trouvait, aux Tuileries, qu’il s’occupait un peu trop.

Lambiasse

France, 1907 : Haillons.

Lambick

France, 1907 : Bière belge. Voir Faro.

Lambin

d’Hautel, 1808 : Nom piquant que l’on donne à un homme indolent, paresseux, et qui est d’une lenteur extrême dans toutes ses actions.

Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, flâneur, — dans l’argot du peuple. Il emploie ce mot depuis très longtemps, trois siècles à peu près, si l’on en croit le Dictionnaire historique de M. L.-J. Larcher, qui le fait venir de Lambin, philosophe français, « lent dans son travail et lourd dans son style ». Signifie aussi hésitant.

Lambiner

d’Hautel, 1808 : Agir mollement et avec nonchalance.

Delvau, 1866 : v. n. Hésiter à faire une chose, à prendre un parti ; flâner.

Lambinerie

d’Hautel, 1808 : Lenteur, nonchalance, tatillonnage que l’on apporte dans une affaire.

Lame

d’Hautel, 1808 : Une bonne lame ; une fine lame. Pour dire une femme adroite, fine et rusée.
On dit aussi d’un bon tireur d’armes, d’un soldat vaillant et courageux, que c’est une bonne lame.

Delvau, 1866 : s. f. Tombeau, — dans l’argot des romantiques, qui avaient ressuscité les vieux mots des poètes du XVIe siècle. Être couché sous la lame. Être mort.

Hayard, 1907 : Couteau.

Lame (vieille)

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié entre anciens militaires.

France, 1907 : Vieux camarade ; argot militaire.

Lame use le fourreau (la)

France, 1907 : Se dit à propos des personnes dont l’activité d’esprit use le corps, comme une lame qu’on entrerait et sortirait souvent de son fourreau. Hugo dit dans les Orientales, en parlant d’une jeune fille :

Son âme avait usé son corps.

Lamesque

France, 1907 : Terre glaise ; de l’espagnol lama, limon, boue.

Lamine

Delvau, 1866 : n. de l. Le Mans, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Le Mans, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Le Mans.

Lampade

France, 1907 : Quantité de liquide avalée d’un trait.

Lampagne du cans

France, 1907 : Campagne.

Lampas

Rigaud, 1881 : Gosier, gosier d’ivrogne dont la vocation est de lamper.

France, 1907 : Gosier : de lamper, boire. « S’arroser le lampas. »

À bout de salive, les musiciens s’étaient disséminés dans les cafés d’alentour et s’y humectaient largement le lampas pour se donner des forces nouvelles, tandis que des connaissances entrées avec eux embouchaient leurs instruments et s’efforçaient d’en tirer des notes.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Lampe

Delvau, 1866 : s. f. Verre à boire, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Canon.

France, 1907 : Le repas ; vieil argot, de lamper.

France, 1907 : Verre à boire ; argot maçonnique.

Lampe (il n’y a plus d’huile dans la)

Rigaud, 1881 : Il est bien près de la mort, il n’a plus de forces. Il s’éteint comme une lampe, à laquelle l’huile manque.

Lampe bleue (la petite)

France, 1907 : L’œuvre de l’Hospitalité de nuit, appelée ainsi à cause de la lampe à verres bleus qui désigne le gite aux miséreux. L’expression pour caractériser cette hôtellerie où l’on a droit à trois nuits d’hospitalité seulement est de M. E. Caro ; elle est des plus heureuses, aussi est-elle restée.

La petite lampe bleue ! C’est ainsi, en effet, qu’elle se signale, sitôt la nuit close, quand la clientèle arrive, toujours trop nombreuse, hélas ! et quand les portes de l’admirable auberge gratuite se ferment forcément, pour cause de pléthore. Il y a plus de vagabonds, dans la grande ville, qu’il n’y a de places dans les quatre établissements de l’œuvre, obligés, tous les soirs de refuser du monde. Mais enfin, cela dure, sans bruit, sans tapage, faisant de la besogne salutaire, grâce à un concours qui ne se dément pas. Un abri pendant quelques nuits, des vêtements pour ceux qui n’en ont pas et aussi quelque nourriture réconfortante pour les plus malheureux, telle est la triple mission que des gens de cœur se sont donnée et qu’ils accomplissent avec un dévouement sans lacune et sans bornes.

(Charles Canivet, Le Soleil)

Lampe-à-mort

Rigaud, 1881 : Ivrogne endurci, ivrogne que rien ne peut désaltérer.

France, 1907 : lvrogne.

Lampée

d’Hautel, 1808 : Une lampée. Terme d’ivrogne qui signifie un grand verre de vin.
Boire tout d’une lampée. Avaler un verre de vin d’un seul trait.

Delvau, 1866 : s. f. Grand coup de vin, — dans l’argot du peuple.

Lamper

d’Hautel, 1808 : Boire à grands coups, sabler, avaler tout d’un trait les verres de vin.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Boire abondamment. On disait, il y a deux siècles : Mettre de l’huile dans la lampe pour emplir un verre de vin.

France, 1907 : Boire à longs traits.

— Il lampa coup sur coup deux verres d’eau-de-vie et, se levant brusquement, se précipita sur moi, laissa tomber sa face empourprée dans ma chevelure, y mit d’ardents baisers, et comme je rejetais cette tendresse trop violente, il s’affala à mes pieds on m’enlaçant la taille.

(Louis de Caters, L’Amour brutal)

Il avait soif d’avoir bavardé tout le jour, toute la soirée, et il s’arrêta devant sa commode, se versa un verre d’eau que, d’un trait, il lampa.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Il fallut en passer par une tournée générale, et comme j’avais déjà fortement lampé au déjeuner, ma tête était très échauffée en sortant du mastroquet.

(Sutter-Laumann)

Lampeur

d’Hautel, 1808 : Un bon lampeur. Franc buveur ; homme qui vit continuellement dans la débauche et l’ivrognerie.

Lampie

Delvau, 1866 : s. f. Repas, — dans l’argot des voleurs.

Lampion

Halbert, 1849 : Sergent de ville.

Larchey, 1865 : Chapeau à cornes.

Je passe le pantalon du cipal et je coiffe le lampion.

(Bourget)

Larchey, 1865 : Œil. — Allusion à la flamme.

Si j’te vois faire l’œil en tirelire à ton perruquier du bon ton, Calypso, j’suis fâché d’te l’dire, Foi d’homme ! j’te crève un lampion.

(Chanson populaire)

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Bouteille. — Œil. — Chapeau. — Sergent de ville.

La Rue, 1894 : Chapeau. Œil. Bouteille. Gardien de la paix.

Hayard, 1907 : Verre d’eau-de-vie.

France, 1907 : Bouteille.

France, 1907 : Chapeau, à cause de sa forme.

France, 1907 : Gardien de la paix.

France, 1907 : Œil.

Si j’te vois fair’ l’œil en tir’lire
À ton perruquier du bon ton,
Irma, j’suis fâché de te l’dire,
Foi d’homme, j’te crève un lampion !

(Chanson populaire)

Lampion rouge

Fustier, 1889 : Poste de police. Allusion aux réverbères à vitres rouges qui indiquent les postes et les commissariats de police.

France, 1907 : Poste de police.

Lampions

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux, — dans l’argot des faubouriens.

Si j’te vois fair’ l’œil en tir’lire
À ton perruquier du bon ton,
Calypso, j’suis fâché d’te l’dire,
Foi d’homme ! j’te crève un lampion !

dit une chanson qui court les rues. Lampions fumeux. Yeux chassieux.

Lampistron

Virmaître, 1894 : Lanterne. Vient de lampiste, c’est le mot déformé (Argot des voleurs), V. Brulotte. N.

Hayard, 1907 : Lanterne.

France, 1907 : Lanterne ; de lampiste.

Lampistron, sourdoche

La Rue, 1894 : Lanterne.

Lance

d’Hautel, 1808 : Baisser sa lance. Rabattre de ses prétentions ; devenir humble et souple, de haut et fier que l’on étoit.
Être à beau pied sans lance. Être démonté, désarmé ; n’avoir plus d’équipages.

Ansiaume, 1821 : Eau.

J’ai bu son picton et rempli sa rouillarde de lance.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Eau.

Vidocq, 1837 : s. f. — Eau.

Clémens, 1840 : Eau, larme.

un détenu, 1846 : Eau pour boire.

Larchey, 1865 : Eau (Vidocq). — Pour désigner l’eau, on a fait allusion à son extrême fluidité ; on a dit la chose qui se lance. Dans Roquefort, on trouve lancière : endroit par où s’écoule l’eau surabondante d’un moulin. V. Mourir, Trembler.

Delvau, 1866 : s. f. Balai, — dans le même argot [des faubouriens].

Delvau, 1866 : s. f. Pluie, — dans l’argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l’argot des voleurs. À qui qu’il appartienne, il fait image.

Rigaud, 1881 : Eau. — Balai. Lancier du préfet, balayeur, cantonnier.

Merlin, 1888 : Pluie. — Il tombe des lances, il pleut. Expression empruntée à l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Eau. Pluie. Balai. Lanciers du préfet, Balayeurs.

Virmaître, 1894 : Eau, pluie.
— Il tombe de la lance à ne pas mettre un chien dehors.
Le peuple a emprunté ce mot à l’argot des voleurs.

Rossignol, 1901 : Eau.

Hayard, 1907 : Eau, pluie.

France, 1907 : Balai, à cause de son long manche.

France, 1907 : Eau.

— Je l’ai porté placidement sous la fontaine de la Maubert et je lui ai fait couler un petit filet de lance sur la tête, histoire de lui rafraîchir la coloquinte, en lui disant : Tiens, bois un coup de ça, pour te remettre ; mais, au lieu de boire, il a demandé du vin. Regardez-le gesticuler en montrant le poing à la fontaine.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Le richard, qui bourre d’avoine ses canassons quand ils ont quelques kilomètres de plus à faire, se fout comme d’une guigne que ses nègres tirent la langue et s’ingurgitent la lance bourbeuses des mares.

(Le Père Peinard)

Voici comment ils croûtent : le matin, ils bouffent un quignon et sirotent une infusion de chicorée ; à 1 heure, ils s’empiffrent de patates ; le soir, ils s’enfilent de la soupe et graissent leur pain d’un bout de lard gros comme une noisette. Si les pauvres gas ne sont pas trops à la côte, ils s’appuient une fricassée de pommes de terre dans une sauce au saindoux et à l’oignon.
Pour boisson, de la lance qui a passé sur l’infusion de chicorée dénommée café. Très rarement de la bière ou du cidre.

(Le Père Peinard)

Pivois sans lance, vin sans eau.

France, 1907 : Le pénis. Ce mot n’est plus guère employé dans ce sens.

France, 1907 : Pluie.

Profitant de l’expérience acquise par son aîné, le débutant aurait trouvé tout de suite, à la Villette ou à la Chapelle, une jeune personne qui lui aurait fait connaître les ivresses de l’amour, tout en lui permettant de passer des jours tissés de la plus douce fainéantise. Et le soir, au fond de l’assommoir, à l’abri des averses il aurait joué des « champoreaux » et des saladiers de vin chaud au zanzibar, pendant que l’innocente enfant aurait turbiné sous la lance.

(Laerte, Le Radical)

France, 1907 : Urine.

À été aussi ordonné que les argotiers toutime qui bieront demander la tune, soit aux lourdes ou dans les entiffes, ne se départiront qu’ils n’aient été refusés neuf mois, sous peine d’être bouillis en bran, et plongés en lance jusqu’au cou.

(Règlements des états généraux du Grande-Coëre)

Lancé

Larchey, 1865 : Gris.

Patara, au moins aussi lancé que le cheval, tapait sur la bête à tour de bras.

(Phys. du Matelot, 1843)

Larchey, 1865 : Rapide projection de la jambe.

Paul a un coup de pied si vainqueur et Rigolette un si voluptueux saut de carpe ! Les admirateurs s’intéressaient à cet assaut de lancés vigoureux.

(1847, Vitu)

Delvau, 1866 : adj. Sur la pente de l’ivresse, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. m. Effet de jambes, dans l’argot des bastringueuses.

Rigaud, 1881 : Légèrement pris de vin.

France, 1907 : Effet de jambes ; argot des bastringues.

À elle le pompon pour les lancés chics ! La jupe troussée jusqu’aux hanches, elle étalait la blancheur de son pantalon aux yeux du cipal ahuri.

(Les Joyeusetés du régiment)

Lance (de la)

M.D., 1844 : De l’eau.

Lance (la)

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on blesse agréablement les femmes, qui, toutes, adorent les lanciers. Une belle arme, la lance ! De beaux hommes, les lanciers !

Il dit qu’il était aussi bien fourni de lance que la femme de cul.

(Bonaventure Desperriers)

Et m’ayant montré sa lance, qui était droite, il me prit à force de corps et me coucha à la renverse sur le lit.

(Mililot)

Lance de saint Crépin

Delvau, 1866 : s. f. Alène, — dans l’argot du peuple, qui sait que saint Crépin est le patron des cordonniers.

France, 1907 : Alène, saint Crépin étant le patron des cordonniers.

Lance l’eau

La Rue, 1894 : Pompier.

Lance-l’eau

France, 1907 : Pompier.

Lance, lansquiner

anon., 1907 : Eau. Il pleut.

Lancefé

Rossignol, 1901 : Conciergerie où vont les condamnés qui font appel.

Lancequine, lansquine

France, 1907 : Pluie, averse.

— Si l’on t’entend crier, me disait-il, je te tue ; si tu ne dis rien, je donnerai de l’argent à tes parents et je les protégerai.
— Qu’est-ce qu’il leur a donné à tes auteurs !
— Quatre bons de pain qu’il m’a donnés pour eux, en me mettant à terre au coin d’une rue noire, et puis, fouette cocher ! Je ne l’ai jamais revu. Depuis ce temps, j’ai plus de goût à rien ; j’ai fait que poiroter sous les lansquines en battant mon quart…

(Louise Michel, Les Microbes humains)

Lancequiner

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Hayard, 1907 : Pleuvoir.

Lancequiner (il va)

Halbert, 1849 : Il va pleuvoir.

Lancequiner, lansquiner

Rigaud, 1881 : Pleuvoir. — Pleurer. — Uriner.

France, 1907 : Pleuvoir.

Ah çà ! pleut-i’ pas ou c’qu’i pleut ?…
Sûr i’ pleut !… j’parie eun’ chopine,
I’ fait si tell’ment noir qu’on peut
Pas seul’ment voir si i’ lanc’quine.

(Aristide Bruant)

Lancer

Halbert, 1849 : Pisser.

Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Uriner.

Lancer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. De timide devenir audacieux auprès des femmes. Argot des bourgeois.

Lancer son prospectus

Rigaud, 1881 : Jouer de la prunelle, faire entrevoir sous le feu des prunelles tout un monde de voluptés, — dans le jargon des filles.

France, 1907 : Distribuer des œillades pleines de tromperies et de promesses comme les prospectus des marchands.

Lancer une femme

Rigaud, 1881 : Produire une femme dans le monde où l’on s’amuse. La lancer sur le chemin de la fortune, la mettre à la mode. Les gandins prononçaient et les gommeux prononcent : Je la lince. Une femme lancée est une femme qui occupe un certain rang dans la prostitution dorée, un des premiers sujets du monde galant. « Bientôt on la fêtera, on viendra verser à ses pieds les richesses du Potose ; on l’habillera de soie, on emplumera son chapeau… Alors elle sera lancée. » (Les Filles d’Hérodiade, 1845)

Lanceur

Delvau, 1866 : s. m. Libraire qui sait vendre les livres qu’il édite, — dans l’argot des gens de lettres. Bon lanceur. Éditeur intelligent, habile, qui vendrait même des rossignols, — par exemple Dentu, Lévy, Marpon, etc. Le contraire de lanceur c’est Étouffeur, — un type curieux, quoiqu’il ne soit pas rare.

France, 1907 : Homme d’affaires habile. Libraire où éditeur qui sait vendre, qui fait de la réclame autour d’un livre ; argot des gens de lettres. « Le contraire de lanceur — dit Alfred Delvau — est étouffeur, un type curieux, quoi qu’il ne soit pas rare. »

Lanceuse

Delvau, 1866 : s. f. Lorette vieillie sous le harnois, qui sert de chaperon, et de proxénète, aux jeunes filles inexpérimentées, dont la vocation galante est cependant suffisamment déclarée.

France, 1907 : Vieille femme qui a passé l’âge des amours et qui s’occupe de produire de jolies filles, leur sert de chaperon pour les lancer dans la carrière du vice.

Lancier

d’Hautel, 1808 : Un chaud lancier. Un fanfaron ; un hâbleur, qui se vante d’actions qu’il n’a pas faites.

Lancier du préfet

Delvau, 1866 : s. m. Balayeur, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Balayeur. Allusion au long manche du balai qui ressemble à celui de la lance des lanciers (Argot du peuple).

France, 1907 : Balayeur des rues.

Après la cérémonie bondieusarde, au lieu d’aller prendre les instruments qui leur ont fait donner le surnom de lanciers du préfet et de se mettre à faire la toilette de la voie, les insatiables cantonniers allèrent continuer la fête religieuse au siège de leur société, sans négliger toutefois d’y mélanger quelques distraction profanes.
À chaque signe de croix, il paraît que l’on buvait un coup.

(L. Sourdillon)

Dans l’argot de l’École de cavalerie, le lancier du préfet est le commissionnaire.

Les maîtres d’hôtel défilèrent d’abord. Puis les cafetiers, les loueurs de voitures, les bijoutiers, les libraires, les artistes capillaires ; enfin la noble corporation des commissionnaires et que nous appelions les lanciers du préfet. Ce sont eux qui portent les billets doux à ces dames, et vous donnent toutes les indications nécessaires ; de plus, ils sont électeurs.

(Théo-Critt, Nos Farces à Saumur)

Lancière

Vidocq, 1837 : s. f. — Boutique de foire. Terme des marchands forains et des voleurs de Campagne.

Lanciers

Delvau, 1866 : s. m. pl. Quadrille à la mode il y a une dizaine d’années. Danser les lanciers. Danser ce quadrille.

Lanciers (danser les)

Larchey, 1865 : « Quant à cet inévitable quadrille des lanciers, je ne vous dissimule pas qu’il commence à m’agacer cruellement le système nerveux. » — Alb. Second, 1857. — V. œil ! (Mon).

Lanciner

Fustier, 1889 : Ennuyer. Lancinant, ennuyeux.

La Rue, 1894 : Ennuyer.

France, 1907 : Agacer, ennuyer.

Lançon

France, 1907 : Élancement, douleur subite et aiguë, mais de peu de durée. Quand le temps va changer, les cors aux pieds donnent des lançons.

France, 1907 : Sorte de petit éperlan aux reflets argentés qui se pêche sur les côtes de Bretagne. Il est d’une chair délicate, mais ne supporte pas le transport.

Landau

Rigaud, 1881 : Hotte de chiffonnier.

France, 1907 : Couvert de landes, landeux.

Landau à baleines

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parapluie.

Rigaud, 1881 : Parapluie.

Comme si une poupée et un landau à baleines c’était pas la même chose ! Tous les deux se retournent et vous lâchent quand il fait mauvais.

(Huysmans, Marthe)

France, 1907 : Parapluie.

Quand on voit des pékins qui se balladent avec leurs pépins et s’empêtrent les uns dans les autres, on s’écrié : « Attention ! V’là un encombrement de landaus à baleines ! »

(La Langue verte du troupier)

Landé

France, 1907 : Chenet.

Landeau à baleines

Bras-de-Fer, 1829 : Parapluie.

Landernau

Delvau, 1866 : n. de l. Ville de Bretagne située entre la Madeleine et la porte Saint-Martin, — dans l’argot des gens de lettres, qui ne se doutent peut-être pas que l’expression est octogénaire. Il y a du bruit dans Landernau. Il y a un événement quelconque dans le monde des lettres ou des arts.

Landerneau (il y a du bruit dans)

France, 1907 : Se dit d’un événement insignifiant ou de peu d’importance qui néanmoins excite les commentaires et fait aller des langues des désœuvrés et des commères. Mme de Sévigné s’est servie de cette expression, car, parlant d’un évènement destiné à exciter les potins et les commérages, elle disait ironiquement : « Cela fera du bruit dans Landerneau. » Landerneau, actuellement chef-lieu de canton au fond de la Bretagne, représentait à ses yeux le type de ces petites villes de province oisives et cancanières où l’on n’a d’autre préoccupation que de se mêler des affaires du prochain. Mais ce n’est que depuis la vogue d’une pièce de A. Duval, Les Héritiers, parue eu 1810, où la phrase « Il y aura du scandale dans Landerneau » revient plusieurs fois, que cette expression est devenue proverbiale.

Landier

d’Hautel, 1808 : (gros chenet de fer). Il est froid comme un landier. Se dit d’un homme sec et flegmatique.

Vidocq, 1837 : s. m. — Commis de l’octroi, employé aux barrières.

Halbert, 1849 : Blanc.

Delvau, 1866 : s. m. Employé de l’octroi, — dans l’argot des voleurs, qui ont conservé le souvenir du Landit de Saint-Denis.

Rigaud, 1881 : Préposé de l’octroi.

La Rue, 1894 : Employé de l’octroi. Blanc.

Virmaître, 1894 : Employé de l’octroi. Autrefois, lorsque la foire du landit battait son plein, toutes les marchandises devaient payer un droit fixe, des employés étaient préposés pour le percevoir ; les fraudeurs nombreux les nommaient les landiers. Dans le peuple, on dit des gabelous, en souvenir de la gabelle (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Douanier.

France, 1907 : Employé de l’octroi ; argot des voleurs, réminiscence de la foire du Landit de Saint-Denis.

Landière

Delvau, 1866 : s. f. Boutique de marchand forain.

Rigaud, 1881 : Boutique foraine. En souvenir de la célèbre foire du landit qui se tenait à Saint-Denis.

La Rue, 1894 : Boutique de forain.

Virmaître, 1894 : Boutique de marchand forain. Ce mot est également un souvenir de la célèbre foire du landit où les escholiers de la rue du Fouarre allaient en procession s’approvisionner de papier. Une chronique du temps dit que la tête de la colonne était à la Plaine-Saint-Denis, alors que la queue était encore sur le parvis Notre-Dame (Argot des forains).

Hayard, 1907 : Baraque de forain.

France, 1907 : Boutique de forain.

Landreux

Vidocq, 1837 : s. m. — Personnage infirme ou qui traîne une vie languissante.

(Villon)

Rigaud, 1881 : Infirme, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Invalide.

Landsturm

France, 1907 : Nom donné en Allemagne et en Suisse à la levée en masse de tous les hommes en état de porter les armes ; de land, pays, et sturm, tocsin.

Landwehr

France, 1907 : Nom donné en Allemagne à une partie de la population appelée à servir d’auxiliaire aux troupes en cas de guerre ; de land, pays, et wehr, défense.

Alors que nous n’avions que l’armée active, — car je ne compte pas la mobile qui n’était à ce moment qu’une fantaisie, et la garde nationale qui n’existait que pour rire — la Prusse ayant, elle, sa landwehr sérieuse, sa landsturm prête à entrer en ligne.
Landwehr et Landsturm étaient disséminées un peu partout… Le capitaine Fitreman était bottier rue de la Paix, à Paris ; le lieutenant Sanfans était marchand de vins à Belleville ; le caporal Shobig était balayeur municipal ; le sergent Sudelkock était cuisinier dans un grand restaurant du boulevard.

(Hogier-Grison, La Police)

Langouste

Fustier, 1889 : Argot du peuple. Chaussettes.

Languard

d’Hautel, 1808 : Pour, babillard, hâbleur, qui a plus de langue que d’effet.

France, 1907 : Bavard ; vieux mot.

Languard, e

Delvau, 1866 : adj. et s. Bavard, bavarde, mauvaise langue, — dans l’argot du peuple. Le mot sort des poésies de Clément Marot.

Langue

d’Hautel, 1808 : C’est une belle chose que la langue. Se dit par mépris en parlant d’un fanfaron, d’un pédant qui, à dessein de rabaisser les autres, se vante de faire ce dont il n’est pas capable.
S’il en avoit autant sur le bout de la langue, il ne parleroit si à son aise. Voy. Bout.
Marie quatre langues. Sobriquet offensant que l’on donne à une commère, à une femme qui s’occupe sans cesse de divulguer les secrets des autres.
Il n’a pas sa langue dans sa poche. Se dit d’un homme loquace et babillard, qui manie bien l’instrument de la parole.
Une méchante langue, une langue de vipère. Celui qui dit du mal de tout le monde.
Tirer la langue d’un pied de long. Être dans la nécessité, dans l’extrême besoin.
Avoir la langue longue. Ne pouvoir garder un secret.
Mince comme la langue d’un chat. Se dit par mépris d’une chose de peu de valeur.
Il n’aura jamais assez de langue pour le restant de ses jours. Se dit d’un parleur éternel, qui babille à tort et à travers.
Avoir la langue grasse. Au figuré, tenir des propos obscènes.
Avoir la langue bien pendue. S’exprimer avec précision et facilité.
Il lui a donné du plat de la langue. Pour, il l’a enjôlé par ses beaux discours.
La langue lui a fourché. Pour, il a dit quelque chose contre son intention.
Qui langue a, à Rome va. Signifie qu’avec le don de la parole, on peut se frayer les chemins les plus difficiles.
Il a la langue bien affilée. Se dit d’un diseur de riens, d’un homme fort indiscret.
Un coup de langue est pire qu’un coup de lance. L’un est du moins souvent aussi dangereux que l’autre.
Voilà une langue qui n’a jamais menti. Plaisanterie usitée lorsqu’on sert sur table la langue de quelqu’animal.

Langue (avaler sa)

Larchey, 1865 : Mourir. V. Claquer.

Langue (rouler sa)

France, 1907 : Mourir.

Langue aux chiens (jeter sa)

France, 1907 : Renoncer à deviner.

Langue de chat

Virmaître, 1894 : Petit morceau de savon très mince, en forme de langue de chat, que les vagabonds portent constamment dans leur poche. On nomme aussi langue de chat, une sorte de petit gâteau sec que l’on mange en buvant du thé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Petit morceau de savon très mince, en forme de langue de chat, que les vagabonds portent constamment dans leur poche. » (Ch. Virmaître)
Petit gâteau sec, mince et allongé.

Langue de la Pentecôte

France, 1907 : Langue de femme, c’est-à-dire langue de feu. Allusion au jour de la Pentecôte où, d’après les Écritures, le Saint-Esprit descendit en langues de feu sur les disciples de Jésus-Christ et leur communiqua ainsi le don des langues pour les mettre en état d’aller prêcher l’Évangile chez tous les peuples de la terre.

La glose — dit à ce sujet M. Quitard — nous avertit qu’il ne faut pas conclure de ce proverbe que tout ce que disent les femmes soit parole d’évangile, car les langues envoyées par l’Esprit saint ne descendirent pas sur elles, et celles qu’elles ont n’en sont que des contrefaçons faites par l’esprit malin. L’abbé Guillon disait, en usant d’une expression tirée d’un proverbe fort connu : « L’enfer est pavé de langues de femmes. »

Les dictons sur la langue des femmes sont fort nombreux ; citons-en quelques-uns :

— La langue des femmes est leur épée, et elles ne la laissent pas rouiller.
— La langue des femmes ne se tait pas, même lorsqu’elle est coupée.
— À femme trépassée, il faut tuer la langue en particulier.
— La rage du babil est-elle donc si forte
Qu’elle doive survivre en une langue morte ?
— Les femmes portent l’épée dans la bouche, c’est pourquoi il faut frapper sur la gaine. (Ce proverbe brutal nous vient des Allemands.)
— Les femmes sont faites de langue comme les renards de queue.
— Coup mortel git en langue de femme.
— Il se peut que sans langue une femme caquette,
Mais non qu’en ayant une elle reste muette.

Langue de vache

France, 1907 : Scabieuse des champs.

Langue des Dieux (la)

Delvau, 1866 : La poésie, — dans l’argot des académiciens, dont cependant les vers n’ont rien de divin.

Langue exercée

Delvau, 1864 : Qui possède à fond la science du gamahuchage soit pour femmes soit pour hommes.

Dit à Sophie, à la langue exercée,
De démontrer sur Édile Reynier
Comment on fait l’amour au gynécée
Et sur quel rythme il le faut pratiquer.

(J. Duflot)

Langue fourrée

Rigaud, 1881 : Allusion libertine au coup fourré de l’escrime et appliquée au langage de l’amour. En latin, lingua duplex, id est quum in basiis lingua linguæ promiscetur.

France, 1907 : Acte que les prudes mâles et femelles nomment obscènes, mais qu’ils accomplissent en cachette quand ils le peuvent. C’est ce que l’historien Gibbon nous rapporte que le fondateur de l’islamisme faisait à sa fille, la belle Fathma, quand il avait envie d’éprouver les joies du Paradis : « Ingero linguam meam in os ejus. »

Langue verte

Delvau, 1866 : s. f. Argot des joueurs, des amateurs de tapis vert. Il y a, dans les Nuits de la Seine, drame de Marc Fournier, un professeur de langue verte qui enseigne et pratique les tricheries ordinaires des grecs. Le sens du mot s’est étendu : on sait quel il est aujourd’hui. Langue verte ! Langue qui se forme, qui est en train de mûrir, parbleu !

Rigaud, 1881 : Argot des tricheurs, langue irrégulière, bas langage. Tantôt verte comme une pomme au mois d’août, tantôt verte comme un gibier trop faisandé.

France, 1907 : Nom donné primitivement à l’argot des joueurs à cause du tapis des tables de jeu, ordinairement vert. C’est, depuis le Dictionnaire de Delvau, l’argot en général. Ainsi le professeur de langue verte était un joueur ruiné, offrant ses conseils, et non un maître d’argot.

Langues (faire une ou des)

Delvau, 1864 : Introduire plus ou moins profondément sa langue dans la bouche d’une femme lorsqu’on est homme, d’un homme lorsqu’on est femme, ce qui donne un avant-goût du plaisir que l’on va goûter tout à l’heure en foutant. On dit aussi : faire langue fourrée.

Il lui fait une langue prolongée.

(H. Monnier)

Puis, lorsqu’on a dormi, l’haleine est si mauvaise,
Que, pour faire une langue, on n’est pas à son aise.

(Louis Protat)

Languier, linguier

France, 1907 : Pièce d’orfèvrerie que l’on plaçait sur les tables et qui supportait des langues de serpent. On mangeait ces langues comme une sorte de hors-d’œuvre, auxquels on attribuait la vertu de déceler le poison. Les linguiers ne furent abandonnés qu’au XVe siècle.

Languilleur

Fustier, 1889 : « Joseph deux fois par semaine, exerce au marché de la Villette la profession peu connue de languilleur. Le languilleur est l’homme auquel on amène, avant de les tuer, les cochons vivants. Il les empoigne par le cou et les serre jusqu’à ce qu’ils tirent la langue. Il la saisit et y cherche une tache qui, si elle existe, prouve que la bête n’est pas saine et doit être refusée par les bouchers. »

(Paris-Journal, 1882)

Languiner

Halbert, 1849 : Pleuvoir.

France, 1907 : Pleuvoir ; corruption de lansquiner.

Lanla landerirette

Delvau, 1864 : Refrain de couplets qui sert a gazer les gros mots. Il représente tantôt le vit, tantôt le con, etc., etc.

Auprès de sa jeune épouse,
Un mari peu complaisant
Dans une fureur jalouse
S’écria : Rien n’est plus grand
Que ton lanla landerirali
Que ton lanla landerira
À ce reproche la femme
De ce mari peu galant
Répondit ; Vilain infâme,
Que n’en puis-je dire autant
De ton lanla landerirette,
De ton lanla landerira !

(Anonyme)

Lanlaire (va te faire)

France, 1907 : Lanlaire est un mot de refrain de chanson. Lère, lan lère, lan la ! dans le Midi. Envoyer faire lanlaire c’est envoyer quelqu’un chanter, s’en débarrasser, en un mot, l’envoyer promener.

Au moins, avec une personne de leur sexe, la pudeur de ces dames ne courrait aucun péril. Mais, va te faire lanlaire ! cette femme médecin ne se mit-elle pas, dès ses débuts, sur le pied d’examiner, ou plutôt de vouloir examiner à fond — passer au spéculum — toutes ses clientes, à mesure qu’elles venaient la trouver.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Oui ! mais va te faire lanlaire, Boulange a cassé sa pipe, illico un concurrent se fout en ligne et fait un chabanais des cinq cents diables pour devenir le marlou à la mode.

(Le Père Peinard)

Lanron brutal

Ansiaume, 1821 : Pain bis.

Demain du brutal et de la lance jusqu’à la paye.

Lanscailler, lansquailler

France, 1907 : Se soulager les entrailles du produit de la digestion.

Lansq

Larchey, 1865 : Partie de lansquenet.

Cette espèce de cornichon qui l’a dansé de 1,500 fr. hier au lansq.

(Jaime)

Rigaud, 1881 : Lansquenet, nom d’un jeu de cartes.

Lansquailler

Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Lascailler.

Virmaître, 1894 : Faire ses besoins.

Je viens de mettre dans un trou rond
Ce qu’un jour avec impudence
Le ministre Thiers sur un balcon
Fit voir aux citoyens de France.

Ce quatrain est de Gérard de Nerval (Argot des voleurs).

Lansque

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Lansquenet, — dans l’argot de Breda-Street. Faire un petit lansque. Jouer une partie de lansquenet.

France, 1907 : Apocope de lansquenet ; argot des joueurs.

France, 1907 : Eau.

— Y avait des mecs qui m’ont appelée pour un fourbi, qu’ils disaient que c’était un velours… Y s’agissait de glisser un machabée au fil de la lansque. On devait avoir l’air de faire tranquillement la noce. Je m’ai sauvée…

(Louise Michel, Les Microbes humains)

Lansquinage

France, 1907 : Pleurs ; argot des voleurs.

Lansquine

Delvau, 1866 : s. f. Eau pluviale, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Pluie.

Quand je vois ces pauvres diables sans turbin… s’en aller sous la lansquine.

(Le Sans-culotte, 1878)

Virmaître, 1894 : Eau. pluie (Argot du peuple). V. Lance.

Rossignol, 1901 : Pluie. Il lansquine, il pleut.

France, 1907 : Pluie.

Aussi j’suis gai quand la lansquine
M’a trempé l’cuir, j’m’essuie l’échine
Dans l’vent qui passe et m’fait joli.

(Jean Richepin)

Lansquiner

Ansiaume, 1821 : Pleurer.

En te reconnoblant au tap, je n’ai pu m’empêcher de lansquiner.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pleuvoir.

Vidocq, 1837 : v. a. — Pleurer.

Clémens, 1840 : Pleurer.

M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Pleuvoir.

Larchey, 1865 : Pleurer. — De lance : eau.

Bien des fois on rigolle qu’on devrait lansquiner.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : v. n. Pleuvoir. Lansquiner des chasses. Pleurer.

La Rue, 1894 : Pleuvoir. Pleurer. La pluie ressemble aux hachures produites sur l’horizon par les lances d’une troupe de lansquenets. On dit aussi tomber des hallebardes.

Virmaître, 1894 : Pleuvoir.
— Il lansquine à torrent.
Lansquiner des chasses : Pleurer. La pluie tombe des yeux (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Épancher de l’eau.

Rossignol, 1901 : Pleuvoir. Le ciel se couvre, il va lansquiner.

France, 1907 : Pleuvoir. Lansquiner des châsses, pleurer.

La pluie ressemble aux hachures produites sur l’horizon par les lances d’une troupe de lansquenets. On dit aussi tomber des hallebardes.

(Jean La Rue)

Lansquiner des chasses

M.D., 1844 : Pleurer.

Lansquineur

Virmaître, 1894 : Petit mendiant qui fait semblant de pleurer à chaudes larmes sur la voie publique pour attendrir les passants (Argot du peuple).

France, 1907 : « Petit mendiant qui fait semblant de pleurer à chaudes larmes sur la voie publique pour attendrir les passants. » (Ch. Virmaître)

Lanterne

d’Hautel, 1808 : Long comme une lanterne. Nonchalant ; homme d’une lenteur extrême.
On ne lui fait point accroire que des vessies sont des lanternes. Se dit d’un homme fin, pénétrant, auquel on ne peut en compter facilement.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Fenêtre.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle l’homme met sa chandelle — sans la moucher.

Margot s’endormit sur un lit
Une nuit toute découverte,
Robin, sans dire mot, saillît,
Il trouva sa lanterne ouverte.

(Cabinet satyrique)

Hayard, 1907 / France, 1907 : Fenêtre.

France, 1907 : Ventre. Se taper sur la lanterne, se brosser le ventre, avoir faim.

France, 1907 : Veuve. On appelait lanterne autrefois les parties sexuelles de la femme. Vieille lanterne, vieille prostituée.

Lanterne (radouber la)

Rigaud, 1881 : Bavarder.

Lanterne (vieille)

Rigaud, 1881 : Femme galante qui a gagné ses invalides.

Lanterne (vielle)

Vidocq, 1837 : s. f. — Vieille courtisane.

(Villon)

Lanterne ou vanterne

Halbert, 1849 : Fenêtre.

Lanterner

d’Hautel, 1808 : Au propre, tarder, marchander, hésiter, être dans l’irrésolution ; impatienter, ennuyer.
Lanterner. Pendre quelqu’un à une lanterne : exécution funeste que le peuple se permettoit fréquemment dans les troubles de la révolution.

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer quelqu’un, le faire attendre plus que de raison, se moquer de lui.

Delvau, 1866 : v. n. Temporiser ; hésiter ; marchander et n’acheter rien. Argot du peuple.

Fustier, 1889 : N’être plus apte aux choses de l’amour.

— Dis-moi, petite… crois-tu que… ? — Dame ! vous savez, monsieur avec mamz’elle, faut pas lanterner… — Ben oui ! mais voilà ! à présent c’est que j’lanterne !…

(Almanach des Parisiennes, 1882)

Virmaître, 1894 : Faire une chose mollement, accomplir un travail à regret : lanterner pour l’achever. Lanterner : synonyme de muser (abréviation de s’amuser). Marcher comme un chien qu’on fouette (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Faire une chose lentement. Mettre deux heures pour faire un travail de vingt minutes, c’est lanterner.

France, 1907 : Ennuyer quelqu’un, se moquer de lui.

Et il s’étonna de ne plus éprouver à présent qu’un embêtement vague de mari lanterné. Sûrement non, ce n’était plus la même chose qu’auparavant ; et il soupirait, regrettait de bon temps de leur petit ménage des commencements, dans leur coin de campagne là-bas, alors qu’elle l’attendait venir le soir sur le pas de la porte, après le trimage de la galère, pour lui manger le cou et se rouler dans ses tétins.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

France, 1907 : N’être plus propre aux joutes amoureuses. Voir Limer.

— Dis-moi, petite… crois-tu que… — Dame ! vous savez, Monsieur, avec Mam’zelle, faut pas lanterner… — Ben oui ! mais voilà ! à présent que je lanterne…

(Gustave Fustier)

Lanternerie

d’Hautel, 1808 : Irrésolution, nonchalance, paresse, oisiveté, lenteur que l’on apporte dans une affaire.

Lanternes de cabriolet

Larchey, 1865 : Yeux fort saillants.

Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet…

(Gavarni)

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux gros et saillants.

France, 1907 : Yeux gros et à fleur de tête.

Lanternier

d’Hautel, 1808 : Un grand lanternier. Homme d’une excessive lenteur, irrésolu, indéterminé en toutes choses.

Delvau, 1866 : s. m. Homme irrésolu, sur lequel il ne faut pas compter.

France, 1907 : Homme lent, irrésolu, diseur de fadaises. Se dit aussi pour porteur de lanterne.

En costume de chiffonnier,
Diogène, vieux lanternier,
Observe et raille,
Semblant tout prêt à ramasser
Les hontes qu’il voit s’entasser
Sur la muraille.

(Chanson du Père Lunette)

Lanti-bardaner

France, 1907 : Se promener sans but ; errer l’âme en peine. Argot des canuts.

Fanchon, du haut de ta banquette,
Écoute la voix de l’amour,
Car tout en passant ma navette,
Je pensons à toi chaque jour,
Oui, je t’aimons,
Je te l’disons.
Je souhaitons ben que t’en fasses de même :
Ah ! quand on s’aime,
C’est si canant,
L’on va toujours se lanti-bardanant.

(Le Canut amoureux)

Lantiberner

d’Hautel, 1808 : Traîner en longueur, amuser par des discours frivoles ; abuser de la patience et de la complaisance de quelqu’un.

Lantimèche

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile ; jocrisse, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Nom d’amitié, sobriquet tout intime. — Père Lantimèche, mère Lantimèche. — Les concierges des deux sexes se donnent volontiers entre eux « du Lantimèche ».

France, 1907 : Imbécile, jocrisse. Allumeur de bec de gaz. Jeu de mot. C’est l’antimèche qu’il faudrait écrire. Se dit aussi pour appeler quelqu’un : « Eh ! Lantimèche ! »

Lantiponnage

d’Hautel, 1808 : Contes bleus, discours futiles et importuns.

Delvau, 1866 : s. m. Discours importun, hésitation à faire ou dire une chose, — dans l’argot du peuple.

Lantiponner

d’Hautel, 1808 : Hésiter, marchander, s’amuser à des bagatelles, à des riens ; passer son temps à des niaiseries ; badauder.

Delvau, 1866 : v. n. Passer son temps à bavarder, à muser.

Rigaud, 1881 : Parler pour ne rien dire.

La Rue, 1894 : Bavarder. Muser, perdre son temps à des riens.

Virmaître, 1894 : Synonyme de rasoir et de bassinant. Généralement, les concierges passent leur temps à lantiponner, c’est-à-dire à bavarder (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Embêter, ennuyer quelqu’un.

Lanturlu

d’Hautel, 1808 : Dans le langage populaire, ce mot équivaut à, allez au diable, allez-vous faire fiche.

Larchey, 1865 : Vient de l’ancien mot enturlé qui signifiait fol, étourdi. V. Du Cange. — On aura dit l’enturlé, puis lanturlu.

Delvau, 1866 : s. m. Écervelé, extravaguant, hurluberlu. On disait autrefois L’Enturlé.

France, 1907 : Écervelé ; corruption du vieux mot enturlé.

Lanturlu-lanture

France, 1907 : Refrain d’un vieux vaudeville qui eut grand succès vers 1629. L’air en étant militaire, il fut pris comme chant de marche par des vignerons révoltés qui s’attroupèrent à Dijon en février et mars 1630 et pillèrent plusieurs maisons de bourgeois. On les appela les Lanturlus de Dijon.

Lanusquet

France, 1907 : Hommes des Landes. Maigre et pauvre comme un lanusquet, proverbe méridional.

Laouth

Fustier, 1889 : Cheval. Argot des régiments d’Afrique.

Lapheur

Hayard, 1907 : Celui qui fabrique des faux papiers.

Lapin

d’Hautel, 1808 : Un lapin ferré. Nom burlesque que le peuple donne à un cheval.
Il trotte comme un lapin. Se dit de quelqu’un qui met une grande promptitude dans ses courses.
On dit par dérision d’une femme qui fait beaucoup d’enfans, que c’est une lapine.

Larchey, 1865 : Apprenti compagnon.

Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti.

(Biéville)

Larchey, 1865 : Bon compagnon.

Ils ont appelé dans leurs rangs Cent lapins quasi de ma force.

(Festeau)

C’est un fameux lapin, il a tué plus de Russes et de Prussiens qu’il n’a de dents dans la bouche.

(Ricard)

L’homme qui me rendra rêveuse pourra se vanter d’être un rude lapin.

(Gavarni)

Au collège, on appelle lapins des libertins en herbe, pour lesquels Tissot eût pu écrire un nouveau Traité. Lapin a aussi sa signification dans le monde des messageries.

et puis le jeune homme était un lapin, c’est-à-dire qu’il avait place sur le devant, a côté du cocher.

(Couailhac)

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti compagnon, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : s. m. Camarade de lit, — dans l’argot des écoliers, qui aiment à coucher seuls. On sait quel était le lapin d’Encolpe, dans le Satyricon de Pétrone.

Delvau, 1866 : s. m. Homme solide de cœur et d’épaules, — dans l’argot du peuple. Fameux lapin. Robuste compagnon, à qui rien ne fait peur, ni les coups de fusil quand il est soldat, ni la misère quand il est ouvrier.

Rigaud, 1881 : Voyageur, — dans le jargon des conducteurs d’omnibus. — En lapin, placé sur le siège d’une voiture, à côté du cocher.

La Rue, 1894 : Voyageur d’omnibus. Fameux compagnon. Lapin ferré gendarme à cheval. Poser un lapin, abuser de la confiance d’une fille en oubliant de la payer, ou bien donner un rendez-vous galant à une femme et ne pas s’y rendre.

Rossignol, 1901 : Connu des conducteurs d’omnibus qui en étouffent le plus possible ; si ce n’est pas une grosse affaire pour le dividende des actionnaires de la compagnie, c’est toujours une augmentation de salaire pour le lapineur. Chaque voyageur qui n’est pas sonné au cadran par le conducteur, c’est pour celui-ci 30 centimes de gain, et un lapin pour la compagnie. J’en ai connu un qui trouvait que ce système n’allait pas assez vite : il avait deux clés et avant d’arriver à la tête de ligne, il descendait le cadran de vingt ou trente places. Il y a aussi le lapin pour le cocher de maison bourgeoise : c’est lorsqu’il prend un client pour une petite course pendant que son maître est au cercle ou ou en visite.

Rossignol, 1901 : Homme fort, courageux. Sans doute pour faire allusion aux quarante lapins du capitaine Lelièvre, qui tinrent à Mazagran tête pendant plusieurs jours à des milliers d’Arabes. C’est à la suite de ce fait d’armes que les zéphirs ont été autorisés a porter la moustache.

Rossignol, 1901 : Promettre une chose et ne pas la tenir est poser un lapin. Un homme qui promet de l’argent à une femme et qui ne lui en donne pas lui pose un lapin.

France, 1907 : Enfant ou adolescent vicieux qui remplit dans les collèges le rôle des mignons de Henri III ou celui d’Alcibiade près de Socrate. Corruption du vieux mot lespin, prostitué, giton. Dans le Satyricon de Pétrone, on trouve le type d’un joli lapin.

France, 1907 : Individu qui s’offre gratuitement les faveurs d’une fille galante, l’ennemi intime du chameau, dit la Vie Parisienne. On a dit de l’une de ces dames :

Adore le clicquot, très bonne fille, air mièvre,
Mais ne dînerait que de pain
Plutôt que de manger du civet ou du lièvre,
Tant elle à l’horreur du lapin.

Ab una disce omnes.

— Filou ! rasta ! lapin ! Parbleu, je m’en étais doutée. Tu étais trop malin au lit ! Mais, voyez un peu, ça se promène dans les bals, ça reluque les femmes, ça a des bagues au doigt, ça offre à souper, — à l’œil, je parie ! tu es sorti pour parler au maître d’hôtel ! — ça promet des cinq louis, ça laisse sur la cheminée des albums avec des princes et des rois… et ça n’a pas de quoi payer ses chapeaux !

(Catulle Mendès, Gog)

Luce de B…, qui vient de s’installer très luxueusement sur les grands boulevards, a baptisé l’une des pièces de son appartement du nom de « Salon de l’affichage ».
En lettres d’or sont inscrits, dans un tableau spécial, les noms de tous ces grelotteux qui passent, à tort ou à raison, pour des lapins.

(Gil Blas)

France, 1907 : Luron, homme fort ou courageux, solide et vaillant gaillard. On disait autrefois vieux lapin. Plus un lapin avance en âge, dit le Dictionnaire des Ménages, plus il augmente en chair, en peau et en poil. De là l’expression vulgaire par laquelle on désigne un homme fort et solide, en disant : « C’est un vieux lapin. » Après la défense de Mazagran, du 2 au 6 février 1840, où 123 hommes des compagnies légères d’Afrique, commandés par le capitaine Lelièvre, défendirent le fort contre 12,000 Arabes, l’on dit que Lelièvre avait sous ses ordres de fameux lapins.

On ne voit pas bien ce que la France, par exemple, a gagné à ce que les vieux lapins de l’Empire aient semé leurs germes triomphants chez les peuples vaincus de l’Iliade napoléonienne, car, de ses germes, quelques-uns ont pris, soit en Allemagne, soit en Italie, — Stendhal, là-dessus, est formel — et nous avons des frères et des cousins dans les armées de la Triplice.

(Émile Bergerat)

— Eh bien ! reprit Hulot, qui possédait éminemment l’art de parler la langue pittoresque du soldat, il ne faut pas que de bons lapins comme nous se laissent embêter par des chouans, et il y en a ici ou je ne me nomme pas Hulot. Vous allez, à vous quatre, battre les deux côtés de cette route… Tâchez de ne pas descendre la garde, et éclairez-moi cela vivement.

(Balzac, Les Chouans)

Par derrière un bois de sapins,
On installe souvent la cible ;
Ce qui n’empêch’ pas qu’on la crible
Par-dessus le bois de sapins.
Nous sommes de fameux lapins !
C’est l’tir pratiqu’, car à la guerre
Nos enn’mis ne s’montreront guère,
Nous sommes de fameux lapins !

(Capitaine Du Fresnel, Chants militaires, chansons de route et refrains de bivouac)

France, 1907 : Maître de dessin à l’École polytechnique.

France, 1907 : Voyageur supplémentaire que prennent les conducteurs de diligence ou d’omnibus. C’était, en terme de messagerie, toute place ou tout port d’article perçu en fraude par le conducteur au détriment de son administration. De là l’expression poser un lapin.

Lapin (coller un)

Rigaud, 1881 : Abuser de la confiance d’une femme qui vend l’amour tout fait, en oubliant de la rémunérer.

Lapin (coup du)

France, 1907 : Coup fatal, mortel. Donner le coup du lapin. On sait qu’un coup sur le museau d’un lapin le tue net.

Depuis qu’ils ont la Marseillaise,
Que l’on entend chanter partout,
Leur patriotisme est à l’aise,
Et nous n’y sommes pas du tout ;
Par chaque note qui nous pique,
Où l’amour du pays est peint,
Ce satané poème épique
Nous donne le coup du lapin !

(Julien Fauque, Ce que disent les Jésuites)

Lapin (en poser un)

Virmaître, 1894 : Promettre cinq louis à une fille, ne pas les lui donner et lui faire son mouchoir. Faire attendre quelqu’un dans la rue par dix degrés de froid (Argot des filles). N.

Lapin (en)

Delvau, 1866 : adv. Être placé sur le siège de devant, avec le cocher, — dans l’argot du peuple.

Lapin (étouffer un)

Rigaud, 1881 : Ne pas sonner une place, — dans le jargon des conducteurs d’omnibus, lorsqu’il leur arrive de frustrer leur administration de trente centimes.

Lapin (fameux)

Rigaud, 1881 : Courageux. — Lapin ferré, gendarme.

Lapin (manger un)

Boutmy, 1883 : v. Aller à l’enterrement d’un camarade. Cette locution vient sans doute de ce que, à l’issue de la cérémonie funèbre, les assistants se réunissaient autrefois dans quelque restaurant avoisinant le cimetière et, en guise de repas des funérailles, mangeaient un lapin plus ou moins authentique. Cette coutume tend à disparaître ; aujourd’hui, le lapin est remplacé par un morceau de fromage ou de la charcuterie et quelques litres de vin. Nous avons connu un compositeur philosophe, le meilleur garçon du monde, qui, avec raison, se croyait atteint d’une maladie dont la terminaison lui paraissait devoir être fatale et prochaine. Or, une chose surtout le chiffonnait : c’était la pensée attristante qu’il n’assisterait pas au repas de ses funérailles ; en un mot, qu’il ne mangerait pas son propre lapin. Aussi, à l’automne d’antan, par un beau dimanche lendemain de banque, lui et ses amis s’envolèrent vers le bas Meudon et s’abattirent dans une guinguette au bord de l’eau. On fit fête à la friture, au lapin et au vin bleu. Le repas, assaisonné de sortes et de bonne humeur, fut très gai, et le moins gai de tous ne fut pas le futur macchabée. N’est-ce pas gentil ça ? C’est jeudi. Il est midi ; une trentaine de personnes attendent à la porte de l’Hôtel-Dieu que l’heure de la visite aux parents ou aux amis malades ait sonné. Pénétrons avec l’une d’elles, un typographe, « dans l’asile de la souffrance ». Après avoir traversé une cour étroite, gravi un large escalier, respiré ces odeurs douceâtres et écœurantes qu’on ne trouve que dans les hôpitaux, nous entrons dans la salle Saint-Jean, et nous nous arrêtons au lit no 35. Là gît un homme encore jeune, la figure hâve, les traits amaigris, râlant déjà. Dans quelques heures, la mort va le saisir ; c’est le faux noyé dont il a été question à l’article attrape-science. Au bruit que fait le visiteur en s’approchant de son lit, le moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de consolation et d’espoir que murmure son ami, il répond en hochant la tête : « N-i-ni, c’est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne passerais pas la journée. Ça m’ennuie… Je tâcherai d’aller jusqu’à demain soir… parce que les amis auraient ainsi samedi et dimanche pour boulotter mon lapin. » Cela ne vaut-il pas le « Plaudite ! » de l’empereur Auguste, ou le « Baissez le rideau la farce est jouée ! » de notre vieux Rabelais ?

France, 1907 : Aller à l’enterrement d’un camarade ; argot des ouvriers. Cette locution vient de l’habitude qu’avaient autrefois les ouvriers, en revenant de l’enterrement d’un camarade d’atelier, de se réunir dans un des cabarets avoisinant le cimetière et d’y manger une gibelotte. Le lapin est généralement remplacé maintenant par un morceau de charcuterie.

Au bruit que fait le visiteur en s’approchant de son lit, le moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de consolation et d’espoir que murmure son ami, il répond en hochant la tête : « N-i-ni, c’est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne passerais pas la journée… Ça m’ennuie… Je tâcherai d’aller jusqu’à demain soir vendredi, parce que les amis auraient ainsi samedi et dimanche pour boulotter un lapin. »

(Eugène Boutmy, Argot des typographes)

Lapin (poser un)

Hayard, 1907 : Promettre et ne pas tenir.

France, 1907 : Ne pas payer une femme galante. Il faut remonter au temps des diligences et des pataches pour trouver l’origine de cette expression. Les conducteurs avaient alors l’habitude de prendre en supplément un voyageur auquel ils faisaient payer un prix réduit dont ils ne rendaient pas compte à l’administration. Ils le prenaient hors du bureau et le faisaient descendre avant l’arrivée au bureau de la ville voisine. Quand toutes les places étaient prises, ils le juchaient où ils pouvaient, le plus souvent avec les bagages sous la bâche, et ils l’appelaient entre eux « un lapin ». « J’ai fait aujourd’hui deux lapins », disaient-ils dans l’argot de leur métier, ou « j’ai posé deux lapins au contrôleur des recettes ».
Par analogie, lorsqu’une dame du monde interlope, rendant ses comptes à son souteneur, passe un voyageur sous silence, elle pose un lapin ; de même lorsque l’amant de rencontre s’en va sans payer, il pose un lapin.
C’est surtout dans ce dernier sens que cette expression est couramment employée, et assez récemment d’ailleurs, car on ne la trouve pas dans le Dictionnaire de Delvau, ni dans son supplément par G. Fustier.

Il tira de sa poche un énorme portefeuille bourré de lettres ; et, tandis que je lisais ces lettres, toutes pleines de promesses qui n’avaient pas été tenues, le petit vieux au nez crochu murmura, en ricanant :
— Vous le voyez, Monsieur, d’humbles peaux de lapin, des peaux de lapin dont l’espèce vous est connue certainement, comme à tout homme, puisque c’est l’espèce des lapins qu’on pose.

(Jean Richepin)

Le vocable est consacré. Poser un lapin fut longtemps une définition malséante, bannie des salons où l’on cause. Maintenant elle est admise entre gens de bonne compagnie, et le lapin cesse, dans les mots, de braver l’honnêteté.

(Maxime Boucheron)

Car, et je n’y vois aucun mal,
Poser un lapin signifie :
Je vous paierai, foi d’animal !
Monsieur, bien folle est qui s’y fie.

(Théodore de Banville)

Lapin (rude)

Hayard, 1907 : Homme fort, audacieux, courageux.

Lapin (un rude)

Virmaître, 1894 : Homme fort, un risque tout, en tout et en toutes choses. Dans le peuple, une femme dit :
— Mon homme est un rude lapin (Argot du peuple). N.

Lapin anthropophage

France, 1907 : Homme inoffensif qui menace de tout dévorer.

Les habitués du café de l’Union avaient surnommé Jules Vallès le lapin anthropophage. Barbu comme Dumollard, le terrible Auvergnat n’avait qu’un rêve : il guettait Louis Veuillot comme le chat guette la souris, et jurait qu’il aurait un jour ou l’autre raison du fougueux polémiste… Vallès haïssait le passé, parce que le passé avait vu ses misères et ses souffrances ; c’était un caractère aigri, mais pas méchant, au fond, disait-on ; pourtant le lapin anthropophage n’a-t’il pas écrit quelque part : « On mettrait le feu aux bibliothèques et aux musées qu’il y aurait pour l’humanité, non pas perte, mais profit et gloire. »

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Lapin de collidor

Virmaître, 1894 : Domestique. Quand une femme vient aux halles accompagnée d’un larbin, les marchandes, en remettant les achats au domestique pour les porter à la voiture, lui disent :
— Tiens, mon vieux lapin de collidor (Argot du peuple). N.

Lapin de corridor

Hayard, 1907 : Domestique.

Lapin de gouttière

Delvau, 1866 : s. m. Chat.

Lapin de gouttières

France, 1907 : Chat.

Lapin du bois de Boulogne

Fustier, 1889 : Filles publiques qui, l’été venu, font élection de domicile au Bois de Boulogne, quærentes quos devorent.

Ces amoureuses vagabondes, qu’on appelle en langage familier les lapins du Bois de Boulogne et qui ont à leur arc plusieurs cordes…

(République française, juin 1885)

Lapin ferré

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme à cheval, — dans l’argot des voleurs. Ils l’appellent aussi Liège.

Virmaître, 1894 : Gendarme à cheval (Argot des voleurs).

France, 1907 : Gendarme à cheval ; argot des voleurs.

Lapin-ferré

Vidocq, 1837 : s. m. — Gendarme. Terme des voleurs normands.

Lapiner

France, 1907 : Accroître démesurément sa famille à l’instar du prolifique lapin.

France, 1907 : Poser un lapin.

Lapineur

Virmaître, 1894 : Genre de vol accompli par le conducteur d’omnibus qui oublie de sonner les voyageurs. Lapineur vient sans doute du nom du voyageur, qu’on désignait jadis sous le nom de lapin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Conducteur d’ommibus qui vole l’administration en ne sonnant pas tous les voyageurs.

Lapp

Rossignol, 1901 : Rien.

Il m’a fait travailler pour lapp. — Je suis malheureux, je n’ai que lapp.

Laquedrille

France, 1907 : Terme de mépris donné autrefois aux laquais. Il signifiait en Bourgogne petit laquais.

Laqueuse

France, 1907 : Grande ou petite dame qui a coutume de faire le tour du lac du Bois de Boulogne.

Laranq, larantqué

anon., 1907 : Quarante sous.

Laranque

Hayard, 1907 : Quarante.

Larante

La Rue, 1894 : Pièce de 2 fr. V. Beurre.

Larante, larantequet

France, 1907 : Quarante.

Tiens, j’te vas dir’ comment qu’on fait :
C’est pas malin… Tu vas au gonce,
Tu y dis : « T’as eun’ gueule qui m’plaît,
Viens-tu chez moi, mon p’tit Alphonse ? »
I’ dit : « Non » — mais c’est du chiquet.
Tu y r’dis : « Viens, mon p’tit Narcisse,
Viens, pour toi, ça s’ra qu’larant’quet. »
Et tu l’emmèn’ à la condisse.

(Aristide Bruant)

Non… vrai… ces chos’s-là ça m’dépasse !
Faut-i’ qu’eun’ gonzess’ soy’ paquet
D’prendre un franc cinquant’ pour eun passe
Quand on peut d’mander larant’quet.

(Aristide Bruant)

Larbin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mendiant.

Clémens, 1840 : Domestique.

un détenu, 1846 : Domestique, valet.

Delvau, 1866 : s. m. Domestique, — dans l’argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Domestique.

Nous avons perdu le domestique, nous avons créé le larbin. Le larbin est an domestique ce que le cabotin est au comédien.

(N. Roqueplan)

Le mot avait primitivement le sens de mendiant. C’est ainsi qu’il est expliqué dans le glossaire d’argot des Mémoires d’un forçat ou « Vidocq dévoilé ». — D’ailleurs les domestiques se livrent plus ou moins à la mendicité vis-à-vis de leurs maîtres.

La Rue, 1894 : Domestique. Suce-larbin, bureau de placement.

Virmaître, 1894 : Domestique (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Domestique.

France, 1907 : Domestique, valet. Corruption de lardin, en bas latin lardinus, gras à lard. Le peuple a appliqué par raillerie ce vocable aux laquais de bonne maison, gens d’ordinaire luisants de santé, bien nourris, bien vêtus et fainéants.

Le mot larbin, dit Dervilliers dans l’Écho du Public, me parait avoir pour origine un nom propre attribué à un personnage de comédie ou de roman populaire et personnifiant le laquais fainéant et insolent des maisons riches, tels que gavroche, gamin de Paris, et pipelet, concierge, types créés par de célèbres écrivains et dont les noms sont restés dans la langue courante synonymes des personnages qu’ils désignent.

Ancien valet de pied aux Tuileries, il laissait voir le hideux larbin qu’il était, âpre au gain et à la curée.

(A. Daudet, Les Rois en exil)

Nombre de femmes, et des plus huppées, éprouvent la même sensation de plaisir à se sentir désirée par le jeune et beau homme qui respectueusement leur ouvre la portière de leur voiture que par les freluquets et les roquentins qui fréquentent ses salons. C’est au siècle dernier surtout que l’amour des gens de maison fit des ravages, et l’on pourrait citer, si l’on consultait les chroniques de l’Œil-de-Bœuf, les noms de pas mal de nos plus fiers gommeux dont l’ancêtre fut un larbin.

Devant l’larbin qui s’esclaff’ d’aise,
Aux camaros grinchis la braise.

(Hogier-Grison)

Larbin savonné

France, 1907 : Le valet, au jeu de cartes.

Larbin, -ne

Vidocq, 1837 : s. — Domestique des deux sexes.

Larbin, larbin savonné

Rigaud, 1881 : Valet d’un jeu de cartes. — Quatorze de tyrans et trois larbins.

Larbin, larbine

Larchey, 1865 : Domestique (Vidocq).

Le faux larbin va se poster sous la porte cochère.

(Paillet)

Larbinerie : Valetaille. V. Garçon, Pieu.

Larbine

Rigaud, 1881 : Servante, bonne à tout faire.

Larbinerie

Vidocq, 1837 : s. f. — — Domesticité, valetaille.

Delvau, 1866 : s. f. Domesticité, valetaille.

Rigaud, 1881 : Domesticité.

France, 1907 : Domesticité, valetaille.

Larbinier

Virmaître, 1894 : Complice qui se déguise en domestique pendant que le cambrioleur opère. C’est le larbinier qui va préalablement en reconnaissance pour préparer le vol (Argot des voleurs).

France, 1907 : Complice d’un cambrioleur. Il se déguise en domestique et se tient aux aguets pendant que le cambrioleur opère.

Larbinisme

France, 1907 : Manière de penser et d’agir vile.

Vous êtes pauvre, voici donc votre inévitable avenir. Dilution forcée de vous-même en menues productions obligatoires, impossibilité d’écrire l’œuvre vraie et puissante, mépris final de tous et de vous-même ; vieillesse précoce et sans ressources ; agonie sous les yeux au ciel de vos « confrères », grabat d’hôpital ou de garni pour l’ultime souper, et, sauf la sépulture par souscription, la probable fosse commune de tous les Mozart du monde. Puis, une statue peut-être, en un square, où votre ombre de bronze, sempiternellement entourée de bonnes d’enfants, semblera bénir le larbinisme humain…

(Villiers de L’Isle-Adam, Contes cruels)

Larcins

Delvau, 1864 : Petits vols amoureux, commis lestement et adroitement : ravir des baisers a une fille, lui prendre les tétons, le cul, les classes, etc., etc., sont des larcins qui sont répréhensibles, — selon l’humeur et le tempérament de la victime.

L’autre jour, au fond d’un jardin,
Il vous aperçut endormie ;
Il vous fit plus d’un doux larcin…
Vous étiez donc bien assoupie ?…
Si vous dormez comme cela,
Dites votre mea culpa.

(Vieille chanson anonyme)

Larcotier

Vidocq, 1837 : s. m. — Paillard.

Rigaud, 1881 : Luxurieux, — dans l’ancien argot.

Larcottier

Larchey, 1865 : Paillard (Vidocq). — Mot à mot : larguotier : amateur de largues.

France, 1907 : Coureur de jupes ; corruption de larguottier, paillard, amateur de largues.

Larcque

Ansiaume, 1821 : Femme.

Si ta larcque n’est pas franche, elle nous conduira droit au théâtre.

Lard

d’Hautel, 1808 : Vilain comme lard jaune. Très-intéressé ; d’une avarice sordide.
Faire du lard. Dormir la grasse matinée.
Elle est grasse à lard. Se dit d’une femme qui a un embonpoint rustique et ridicule.

Delvau, 1864 : le membre viril, — que grignottent si volontiers ces charmantes souris qu’ont appelle les femmes. Voyez : Couenne, chair, viande.

Gentils galants de rond bonnet,
Aimant le sexe féminin
Gardez si l’atelier est net,
Avant de larder le connin.

(Ancien Théâtre français)

Delvau, 1866 : s. m. La partie adipeuse de la chair, — dans l’argot du peuple, qui prend l’homme pour un porc. Sauver son lard. Se sauver quand on est menacé. Les ouvriers anglais ont la même expression : To save his bacon, disent-ils.

Rigaud, 1881 : Graisse humaine. Perdre son lard, maigrir.

La Rue, 1894 : Sa propre graisse, son corps. Sauver son lard, éviter un danger. Faire du lard, paresser au lit. Signifie aussi la marmite du souteneur.

Rossignol, 1901 : Jeune enfant.

Lard (couenne de)

Rigaud, 1881 : Brosse.

Lard (faire du)

Larchey, 1865 : Engraisser.

La femme ronfle et fait du lard.

(Festeau)

France, 1907 : Se lever tard, ce que Rabelais appelait être flegmatique des fesses.

Lard (manger du)

France, 1907 : Dénoncer.

Lard (vieux)

Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé pour qualifier les vieilles rouleuses. Superlatif : Vieux lard rance (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Terme de mépris employé pour qualifier les vieilles rouleuses. Superlatif : vieux lard rance. » (Ch. Virmaître)

Un vieux lard qui rôdait chaque nuit autour du quartier en quête d’un garde d’écurie amoureux ou compatissant qui lui offrit une place sur la litière…

(Les Joyeusetés du régiment)

Lard, lardon, salé

Hayard, 1907 : Enfant.

Lardé aux pommes

Rigaud, 1881 : Ragoût de pommes de terre au lard. — Un lardé aux pommes, une portion de pommes de terre au lard.

Au prix où sont les lardés aux pommes aux trente neuf marmites.

(Tam-Tam, du 6 juin 1880)

France, 1907 : Plat de lard et de pommes de terre ; argot des gargotes.

Lardée

Boutmy, 1883 : s. f. « Composition remplie d’italique et de romain. » (P. Vinçard.) Vieilli.

France, 1907 : Dans l’argot typographique, c’est une composition remplie d’italique et de romain. Le mot est vieilli.

Larder

d’Hautel, 1808 : Au figuré, s’épancher en paroles piquantes sur le compte de quelqu’un ; le mettre en pièces dans ses propos.

Larchey, 1865 : Percer d’un coup de pointe. — Lardoire : Épée.

Vous verrez si je manie bien la lardoire.

(Ricard)

Delvau, 1866 : v. a. Percer d’un coup d’épée ou d’un coup de sabre, — dans l’argot des troupiers. Se faire larder. Recevoir un coup d’épée.

Rigaud, 1881 : Donner un coup d’épée, un coup de couteau.

Hayard, 1907 : Accoucher.

France, 1907 : Percer d’un coup de couteau, d’épée ou de sabre la peau humaine, et par suite « terme libre, dit Le Roux, qui signifie faire le déduit, se divertir avec une femme ».

Lardive

France, 1907 : Amie, compagne de prostituée.

— Après tout, mes lardives ne valent pas mieux que moi et leurs megs valent le ponte que j’ai lâché parce qu’il m’embêtait.

(Mémoires de M. Claude)

Lardoire

Delvau, 1866 : s. f. Epée ou sabre.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Épée.

Lardon

d’Hautel, 1808 : Raillerie, brocard, paroles fines et quelquefois mordantes.

Fustier, 1889 : Jeune homme. Argot du peuple.

C’que c’est que la vie ! On était quat’cinq lardons. On a tiré ensemble quinze berges de rigolade, de flemme et de jeunesse.

(Mirliton, journal, oct. 1885)

Virmaître, 1894 : Enfant. Diminutif de lard. Dans le peuple, pour la chair de l’homme ou de la femme, on dit : le lard ; comme l’enfant est le produit des deux sexes, de là, lardon. Quand quelqu’un, dans une conversation, vous pique à chaque moment, on dit :
— As-tu bientôt fini de me larder ?
Allusion au veau que le charcutier pique de lardons (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Synonyme de lard.

France, 1907 : Enfant.

La pauvresse était entourée d’une demi-douzaine de lardons plus sales et plus dépenaillés les uns que les autres. « Eh ! ma bonne femme, lui dis-je, quand on est si misérable que vous êtes, pourquoi faire tant d’enfants ? — Ah ! mon bon Monsieur, me répondit-elle d’une voix gémissante, ce n’est pas ma faute, allez ; mais chaque fois que mon homme rentre saoul, faut y passer ou gare les taloches. »

(Les Propos du Commandeur)

Larenaque

Rossignol, 1901 : Police.

Large

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas long, mais il est diablement large. Se dit d’un homme qui est très-long dans ses opérations ; qui fait attendre long-temps après lui.
Il est large, mais c’est des épaules. Voy. Épaules.
Tout du long et tout du large. Pour dire, à son aise.
Gagner le large. Pour, se sauver, s’enfuir.

Delvau, 1866 : adj. Généreux, qui ne regarde pas à la dépense, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Clément Marot :

Ils sçavent bien
Que vostre père est homme large ;
À souper l’auront, à la charge
Pour dix buveurs maistres passez.

(Traduction du Colloque d’Erasme)

France, 1907 : Généreux.

Large (du)

Rigaud, 1881 : Partez ; cédez la place.

Large (envoyer au)

France, 1907 : Envoyer promener.

Large (envoyer quelqu’un au)

Fustier, 1889 : L’envoyer promener.

Hier, je comptais presque sur lui… Ah ! bien ouiche ! il m’a envoyé au large.

(Vie Parisienne, 1882)

Large (n’en pas mener)

France, 1907 : N’être pas à son affaire.

Large (ne pas la mener)

Rigaud, 1881 : Avoir peur, n’être pas rassuré. Large des épaules, large du cul, avare.

Large des épaules

Larchey, 1865 : Avare. — Équivoque sur le mot large. — V. d’Hauthel, 1808.

Delvau, 1866 : Avare. Cette expression se trouve dans le Dictionnaire de Leroux, édition de 1786, qui n’est pas la première édition.

France, 1907 : Avare.

Largoji

Rossignol, 1901 : L’argot.

Largonji

La Rue, 1894 : Argot des bouchers consistant à déformer les mots en substituant la lettre l a la première consonne qu’on reporte à la fin du mot et qu’on fait suivre des finales é, em, es, oc, i, ique, uche. Ex. ; largonji pour jargon, lapierpès pour papier, alareilpé pour appareil, lianopuche, pour piano, élicierpem pour épicier. Quand le mot commence par in, an ou en c’est la seconde consonne oui est remplacée par l ; ex. ; enlerfem (enfer). Si la lettre l se trouve en présence de trois consonnes réunies elle se reporte à la suivante ; ex. ; entrelolsoc (entresol). Quelques mots échappent à ces règles générales : alibme (abîme), lajemcrès (jamais), etc.

France, 1907 : Argot, littéralement jargon. Cet argot, particulier aux garçons bouchers, consiste à déformer les mots en substituant la lettre l à la première consonne qu’on reporte à la fin du mot en la faisant suivre d’une finale quelconque. « Quand le mot commence par in, au ou en, dit Jean La Rue, c’est la seconde consonne qui est remplacée par l’l ; ex. : enlerfeu, enfer. Si la lettre l se trouve en présence de trois consonnes réunies, elle se reporte à la suivante ; ex. : entrelolsoc, entresol. »

Il apprit à parler l’argot,
Pas l’argot du pègre à la mie,
Ni l’argot chiqué des tatas…
Non… mais l’argot d’académie :
Largonji… chauffé sur le tas.

(Aristide Bruant)

Toutes mes chansons du pays de Largonji ont chanté dans ma tête comme des choses vécues, au cours ou au retour de mes visites à ce pays bizarre, et elles sont venues au monde telles quelles, costumées à la mode de leur pays, avec leur défroque originale, sans que j’eusse besoin de les rhabiller au décrochez-moi-ça des dictionnaires.

(Jean Richepin)

Largue

anon., 1827 : Catin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fille de joie.

Bras-de-Fer, 1829 : Femme, catin.

Vidocq, 1837 : s. f. — Femme, généralement parlant.

M.D., 1844 : Fille prostituée.

un détenu, 1846 : Une femme.

Delvau, 1864 : femme, maîtresse, dans l’argot des voleurs, des voyous et des bohèmes.

Toi non plus, ta ne m’as pas l’air d’une largue ordinaire.

(Lemercier de Neuville)

Les largues nous pompent le nœud.

(Dumoulin-Darcy)

Larchey, 1865 : Femme. — V. Coquer, Momir.

Si j’éprouve quelque malheur, je me console avec ma largue.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. f. Femme, maîtresse, — dans l’argot des voleurs et des souteneurs. Larguepé. Femme publique.

Rigaud, 1881 : Femme. — Largue en vidange, femme en couches. (Colombey.) — Largue d’altèque, jeune femme. Largue en panne, femme abandonnée.

La Rue, 1894 : Femme. Larguepé, prostituée.

Virmaître, 1894 : Femme publique. Les voleurs disent larguepé par une adjonction de finale. M. Marcel Schwob dit que largue s’explique par marque (Villon. J. de l’arg.), qu’on a eu lasquemé, puis que la finale est tombée ; de là largue. Halbert d’Angers donne largue ou lasque. C’est largue qui a subsisté (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Femme, maîtresse. À ce sujet, nous trouvons dans Francisque Michel : « Je crains bien qu’une pensée obscène n’ait présidé à la création de ce mot : ce qui me le fait soupconner, c’est que je lis, page 298 du livre d’Antoine Oudin : « Léger au large d’une femme qui a grand… » Or, large se prononçait largue à l’italienne et l’espagnole dès le XIVe siècle. »

Deux mots avaient suffi. Ces deux mots étaient : vos largues et votre aubert, vos femmes et votre argent, le résumé de toutes les affections vraies de l’homme.

(Balzac)

Quand Polyte aperçut enfin la guillotine,
Il la trouva rien piètre — et de par la bottine
De sa largue Zoé, comtesse du trottoir,
Ce n’était même pas digne de l’abattoir.

(Paul Nagour)

Largue d’altèque

France, 1907 : Belle femme.

Quand j’eu l’œil au trou de la serrure et que je l’aperçus qui laissait tomber ses frusques une à une, je me mis à loucher furieusement, disant à part moi : « Nom de Dieu ! la belle gonzesse, une vraie largue d’altèque. Et dire que c’est à cet arsouille ! Ah ! malheur ! »

(La Bande de Maître Benef)

Largue en vidange

France, 1907 : Femme en couches.

Larguepé

Rigaud, 1881 : Prostituée, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Prostituée, femme ou maîtresse de voleur.

— Ma larguepé m’attendait dans la turne, blottie dans le pieu comme une chatte frileuse.

(La Bande de Maître Benef)

Larguer

France, 1907 : Donner ; argot des gens de mer. Larguer, en terme maritime, est lâcher un cordage qui retient une voile.

— Pour lors et d’une, c’est pas tout ça, continua le matelot en quittant sa table pour venir se camper en face de Danton, vous m’avez largué de bonnes paroles, vous ; vous me faites celui d’être solide comme un gabier d’artimon. Faut pas être fier avec un pauvre matelot qui aime ses chefs et lui larguer la vérité dans le grand !

(Ernest Capendu, L’Hôtel de Niorres)

Larguottier

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, ami des largues. On dit aussi Larcottier.

La Rue, 1894 : Coureur de filles.

France, 1907 : Coureur de femmes, de largues.

Larifla

France, 1907 : Refrains.

Larigot

d’Hautel, 1808 : Espèce de flûte dont on ne fait plus usage.
S’en donner à tire larigot. S’en donner à cœur joie, mettre de l’excès dans ses plaisirs.

Larmade

France, 1907 : Cataplasme de blancs d’œufs battus dont on se sert dans le Midi.

Larme

d’Hautel, 1808 : Il pleure en filou, sans verser une larme. Voy. Filou.
Il est sur le pont de Sainte-larme. Se dit d’un enfant grimaud, qui témoigne quelqu’envie de pleurer.

Delvau, 1866 : s. f. Très petite quantité, — dans l’argot des bourgeois, qui prennent une larme d’eau-de-vie dans une larme de café et se trouvent gris.

France, 1907 : Pelite quantité de liquide.

Larme de compositeur

France, 1907 : Virgule.

Larmes (faire son)

France, 1907 : Se rengorger.

Larmes de crocodile

France, 1907 : Larmes feintes, comme celles d’un héritier qui pleure sur la tombe d’un vieux parent richard, ou, comme disaient les Romains d’un gendre sur celle de sa belle-mère. Cette locution vient des anciens qui croyaient que le crocodile gémissait en imitant la voix humaine, pour exciter la compassion des passants et les attirer dans les roseaux où il se cachait.

La bohème ! — elle a encore du bon ; — elle rit franchement à l’heure où les épiciers pleurent des larmes de crocodiles.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais Jeune homme à sa Nini)

Larmes de job

France, 1907 : Plante arundinacée dont les fruits renferment une semence de la grosseur d’un pois, d’un beau poli et de couleur jaunâtre, tirant sur le brun rouge. On se servait au moyen âge de ces graines venant de l’Orient pour en faire des chapelets ou patenôtres.

Unes patenostre de larmes de Job, esquelles à trente pièces.

(Ducs de Bourgogne)

Cette espèce de roseau est surtout cultivé dans l’île de Candie. En Chine et dans les Indes, ses graines sont fort estimées pour leur douceur.

Larmes de saint Laurent le grillé

France, 1907 : On appelle ainsi les pluies d’étoiles filantes qui tombent principalement dans les nuits du 9 au 14 août. Comme c’est à cette époque de l’année que saint Laurent fut torturé et grillé vif à Rome, au IIIe siècle de l’ère chrétienne, l’imagination populaire leur a trouvé ce nom. On sait que c’est ce saint qui, étendu sur le gril et se sentant rôti d’un côté, demanda paisiblement au bourreau qu’on le retournât pour être rôti de l’autre.

Le malheureux avait commis le crime d’être le trésorier fidèle des chrétiens, considérés alors comme une secte dangereuse. Saint Laurent était donc, de son temps, ce qu’on appellerait aujourd’hui le banquier de l’anarchie.

(Petit Parisien)

Larmon

Virmaître, 1894 : Étain (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Étain.

Larque

Clémens, 1840 : Femme publique.

Hayard, 1907 : Femme.

Larque ou largue

Halbert, 1849 : Catin.

Larron

d’Hautel, 1808 : L’occasion fait le larron. Signifie que les actions bonnes ou mauvaises, dépendent souvent des circonstances.
Il ne faut pas crier au larron. Se dit quand on achette quelque chose trop cher, ou sa juste valeur.
Il faut être marchand ou larron. Pour dire qu’un marchand qui vend trop cher dérobe.
Au plus larron la bourse. Se dit par allusion à l’histoire de Judas, à qui on avoit confié la bourse.

Larronneau

d’Hautel, 1808 : Petit filou qui exerce ses friponneries sur des choses de peu de valeur.

Larrons

Boutmy, 1883 : V. Voleurs, s. m. pl.

France, 1907 : Morceaux de papier qui se trouvent collés aux feuilles durant l’impression et qui produisent des moines, c’est-à-dire des plaques blanches sur la feuille imprimée. On les appelle plus généralement voleurs.

Lartie, lartif, larton

Larchey, 1865 : Pain. — On devrait dire l’artie, l’artif, l’arton. — Au moyen âge, artuit signifiait Repas. V. Roquefort. — Il est à remarquer que /artos/ en grec veut dire Pain — Larton brutal : Pain noir. — Larton savonné : Pain blanc. — brutal est un diminutif de brut. Savonné s’explique de lui-même. V. Tremblant. — Lartonnier : boulanger.

Lartif

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain.

un détenu, 1846 / Rossignol, 1901 : Pain.

Lartif à plafond

France, 1907 : Pâtisserie ; argot des voleurs.

Lartif ou lartille

Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs). V. Bricheton.

Lartif, larton

France, 1907 : Pain. L’article est fondu avec le nom, pour l’artif, l’arton.
On dit aussi briffe, brigadier, bringué, broule, boule de son, bricheton, pierre dure.

— Ah ! nom de Dieu ! Pas seulement deux ronds pour se foutre sous la dent une lichette de lartif, et dire qu’on a des filles qui traînent leur viande dans des sapins à ressorts !

(Les Joyeusetés du régiment)

Lartif, ou lartille, ou larton

Delvau, 1866 : s. m. Pain, — dans l’argot des voleurs qui ne veulent pas dire artie. Larton brut. Pain bis. Larton savonné. Pain blanc. Lartille à plafond. Pâté, — à cause de sa croûte.

Lartin

Rigaud, 1881 : Mendiant, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Mendiant ; vieux jargon.

Larton

Ansiaume, 1821 : Pain.

Le larton d’aujourd’hui ne vaut pas le cassant d’hier.

Bras-de-Fer, 1829 / un détenu, 1846 : Pain.

Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs). V. Bricheton.

Rossignol, 1901 : Pain.

Larton brut ou brutal

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain noir.

Larton brutal

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pain bis.

Clémens, 1840 : Pain noir.

Halbert, 1849 : Pain bis.

France, 1907 : Pain bis. Brutal est l’augmentatif de brut.

Larton brutale

M.D., 1844 : Pain bis.

Larton savoné

M.D., 1844 : Pain blanc.

Larton savonné

Ansiaume, 1821 : Pain blanc.

Aujourd’hui du larton savonné, du picton d’hôpital et deux piqu’en terre pour la tortillade.

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pain blanc.

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain blanc.

Clémens, 1840 / Halbert, 1849 / France, 1907 : Pain blanc.

Larton, lartif

Rigaud, 1881 : Pain, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Pain. V. Arton.

Hayard, 1907 : Pain.

Lartonnier

Ansiaume, 1821 : Boulanger.

Le lartonnier a du carle, il faudra le jarriller.

Rigaud, 1881 : Boulanger.

Virmaître, 1894 : Voleur qui a pour spécialité de dévaliser les boutiques de boulangers. Lartonnier est impropre ; on devrait dire lartonneur (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Boulanger.

Lartonnier, -ère

Vidocq, 1837 : s. — Boulanger, boulangère.

Lartonnier, ière

Delvau, 1866 : s. Boulanger, boulangère.

Lartqué

France, 1907 : Quart.

— Ah ! mince…
— Ah ! mange…
— Comment ! C’est toi ?
— Non… c’est l’laitier.
— Mais, dis donc, ça fait ben un lartqué d’berge qu’on t’avait pas vue ici.
— Et mèche !

(Léon Valbert)

Las

d’Hautel, 1808 : J’en suis las comme d’une vieille morue. Se dit de quelqu’un ou de quelque chose qui obsède, qui impatiente, qui rebute.
Un las d’aller. Voy. Aller.
Las. On fait vulgairement un calembourg de ce mot ; et, quand quelqu’un dit qu’il est las, on ajoute malignement che ; ce qui fait lâche.

Las de chier (grand)

Rigaud, 1881 : Grand efflanqué, grand molasse, — dans le jargon des voyous. C’est l’équivalent moderne de l’ancien las-d’aller.

Ce rongneux las-d’aller se frottait à mes bas.

(Régnier, Satire X)

Lascailler

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pisser.

Vidocq, 1837 : v. a. — Uriner.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Pisser (Vidocq). — De lance. On dit encore : lancer de l’eau. V. Lansquiner.

Rigaud, 1881 : Uriner, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Uriner.

— Eh ! la Rouquine ! as-tu fini de lascailler ? T’as donc vidé l’abreuvoir dans ton ventre ?

(Les Joyeusetés du régiment)

Lascar

Larchey, 1865 : Fantassin.

Vient de l’arabe el-askir qui a la même signification. Date sans doute de l’expédition d’Égypte.

(De Vauvineux)

A-t-il du toupet, le vieux Lascar ! dit l’invalide dans son langage pittoresque.

(Balzac)

Delvau, 1866 : s. m. Nom que — dans l’argot des troupiers et du peuple — on donne à tout homme de mauvaises mœurs, à tout réfractaire, à tout insurgé contre la loi, la morale et les choses établies. C’est une allusion aux mœurs des matelots indiens, malais ou autres, qui naviguent sur des bâtiments européens, hollandais principalement, et qui, tirés de la classe des parias, ne passent pas pour de parfaits honnêtes gens.

Rigaud, 1881 : Soldat qui a longtemps servi, soldat qui connaît toutes les ficelles du métier.

Ah ! le lascar ! se dit Max, il est de première force, je suis perdu.

(Balzac, Un Ménage de garçon)

La Rue, 1894 : Homme roué, qui connaît toutes les ficelles.

France, 1907 : Le mot a des significations diverses et contradictoires. Il signifie un malin, habile, solide au poste, un bon salut et aussi un fainéant, un tireur au flanc.

Le commandant, un vieux lascar
Dont le sang a payé les grades,
Me dis : Merci, c’est bien, moutard !
Bientôt, comme les camarades,
Je te ferai passer gabier,
Et qui sait ?… Enfant, persévère,
Un jour tu seras officier :
Devant toi s’ouvre la carriére.

— Qu’est-ce qui m’a foutu un tas de lascars comme ça… des fricoteurs qui ne songent qu’à gobeloter ? Allons, à l’ours, et vivement !

(Les Joyeusetés du régiment)

Il signifie aussi camarade, compagnon, dans l’argot des voleurs :

— Tous les lascars de l’atelier pouvaient turbiner à leur gré. Moi, je n’avais pas plus tôt le dos tourné à mon ouvrage pour grignoter mon lartif ou pour chiquer mon Saint-Père (tabac), que le louchon était sur mon dos pour m’écoper.

(Mémoires de M. Claude)

Primitivement, lascar signifiait simplement fantassin, de l’arabe el askir, même sens.

Lascard

Merlin, 1888 : Débauché, insoumis, paresseux, — de la langue sabir.

Lasciate ogni speranza, voi ch’ entrate

France, 1907 : « Laissez toute espérance, vous qui entrez. » Vers célèbres que Dante inscrit à la porte de son Enfer.

Lasciveté

Delvau, 1864 : Prédisposition à l’amour ; art des courtisanes pour exciter les désirs des hommes.

Si la présence de l’empereur seul ne suffit pas pour les exciter, elles puisent dans leur lasciveté même un aimant mutuel.

(La Popelinière)

Cette lasciveté de formes se reflète
Dans son justement bizarre et singulier.

(A. Glatigny)

Lasqué

Virmaître, 1894 : Vingt centimes (Argot des voleurs). N.

Latakieh

France, 1907 : Tabac d’Orient.

Le petit nègre d’Éthiopie souleva la portière de brocart à franges d’or ; il était vêtu d’un tablier blanc, pas plus grand que la main, et portait des tchiboucks à bouquins d’ambre, ronds et laiteux ; d’un sachet brodé de perles, il tira le latakieh dont les brins sont fins comme les cheveux, et roux comme les poils du veau.
— J’aime autant le caporal, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache.

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Latif

Delvau, 1866 : s. m. Linge blanchi, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Linge.

Virmaître, 1894 : Linge blanc (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Linge blanc.

Latif, lattife

France, 1907 : Linge blanchi ; argot des voleurs ; d’atiffer, faire toilette.

Latin

d’Hautel, 1808 : Être au bout de son latin ; perdre son latin.
Il ne fait que cracher du grec et du latin.
Du latin de cuisine.
Pour dire, un latin barbare et corrompu.

Rigaud, 1881 : Argot, — dans le jargon des voleurs. — Le petit dictionnaire d’argot (Paris, 1827, imprimé chez Guiraudet) porte en sous-titre « latin-français », c’est-à-dire argot-français.

Latin rôti

France, 1907 : Latin que parlaient autrefois les marmitons et les cuistres dans les cuisines de l’ancienne Université. On pensait ainsi, dit Charles Nisard, faire honneur à sa profession et parler la langue de la maison… Si l’on en croit la tradition, certains pédants, ne trouvant pas toujours le mot propre, farcissaient leur latin de mots dérobés à celui des marmitons et des souillards, de ces mots qu’Érasme appelle pourris de cuire.

Mais ainsi qu’on le menoit pendre, advint qu’un seigneur passa par là, par le moyen duquel il obtint sa grâce du roy, pour avoir craché quelques mots de latin rôti, lesquels, encore qu’ils ne fussent entendus, firent penser que c’estoit quelque homme de service.

(Bonaventure des Périers)

On ne dit plus latin rôti, mais on dit encore latin de cuisine en parlant du latin d’Église, par exemple.

Latine

Delvau, 1866 : s. f. maîtresse d’étudiant.

Je suis latine
Gaiment je dîne
Sur le budget de mon étudiant !

dit une chanson moderne.

France, 1907 : Fille du Quartier Latin, maîtresse d’étudiant.

Je suis farine,
Gaiment je dîne
Sur le budget de mon étudiant.

Latqué

Hayard, 1907 / anon., 1907 : Quatre.

Latrine

Delvau, 1864 : Femme galante usée et sale, et qui continue à baiser, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas difficiles.

Pourtant on fout cette latrine !
Ne vaudrait-il pas mieux cent fois
Moucher la morve de sa pine
Dans le mouchoir de ses cinq doigts ?

(A. de Musset)

Latrompem

Rossignol, 1901 : Patron (argot de boucher).

Latronspème

France, 1907 : Patron ; défiguration de ce mot par l’argonji.

Alors c’est nous qui s’ra les maîtres,
C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons,
Y aura pus d’chefs, pus d’contremaîtres,
Pus d’directeurs et pus d’patrons !
Minc’ qu’on pourra tirer sa flemme,
On f’ra tous les jours el’Lundi !
Oui… mais si n’y a pus d’latronspème,
Qui qui f’ra la paye l’sam’di ?

(Aristide Bruant)

Latte

d’Hautel, 1808 : Pour épée, sabre.
Tirer la latte. Pour se battre au sabre ou à l’épée.
Gras et dodu comme une latte. Voy. Gras.
Tu me scies le dos avec une latte. Pour, tu m’impatientes, tu m’obsèdes par tes propos.

Delvau, 1866 : s. f. Sabre de cavalerie, — dans l’argot des troupiers. Se ficher un coup de latte. Se battre en duel.

Rigaud, 1881 : Sabre de cavalerie. — Sabre droit des dragons, — dans l’argot du régiment.

Merlin, 1888 : Sabre de cavalerie.

France, 1907 : Sabre droit ; le sabre recourbé est le bancal. « La latte était portée par la grosse cavalerie, le bancal par la cavalerie légère. »

Lattes

France, 1907 : Souliers.

Lattife

Rigaud, 1881 : Linge blanc, — dans le jargon des voleurs.

Laudable

France, 1907 : Louable, Provincialisme plus correct que le mot francs, puisqu’il vient directement du latin laudare.

Laudator temporis acti

France, 1907 : « Louangeur du temps passé. » Dicton latin tiré de l’Art poétique d’Horace et appliqué aux personnes qui trouvent que tout était mieux au temps passé qu’aujourd’hui. Manie des vieilles gens.

Laumi

Halbert, 1849 : Perdu.

France, 1907 : Perdu ; vieil argot.

Laumie

Halbert, 1849 : Perdue.

Laumir

Halbert, 1849 : Perdre.

Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Perdre, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Perdre.

Virmaître, 1894 : Perdre.
— Il a laumi son pognon (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 / France, 1907 : Perdre.

Laune

Hayard, 1907 : Agent.

France, 1907 : Gendarme.

— Comme il faut que je me planque et que ça pince trop pour filer la sorgue, je bâche ces temps-ci chez la daronne. Elle a une condition à Aubervilliers, sur le bord de la limonade, d’ous qu’on voit venir de loin les launes.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Laure

Rigaud, 1881 : Maison de prostitution, — dans l’ancien argot ; du bas latin, laura, monastère.

France, 1907 : Maison de prostitution ; argot des voleurs.

Laurent

d’Hautel, 1808 : Il est dedans comme le frère Laurent. Voy. Dedans.

Lavabe

Delvau, 1866 : s. m. Place de parterre à prix réduit, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Contre-marque achetée pendant un entr’acte ou donnée par un spectateur qui va voir chez lui la suite du spectacle. — Billet à prix réduit.

La Rue, 1894 : Place au théâtre achetée à prix réduit dans un entr’acte.

France, 1907 : Billet de théâtre acheté à prix réduit pendant un entr’acte.

Lavabes

Larchey, 1865 : « Les lavabes sont ceux que l’on fait entrer au parterre des théâtres, en ne payant que quinze sous par place. » — Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8. — « Gustave achetait un lavabe pour les Variétés. » — Id.

Lavabo

Delvau, 1864 : Cuvette spécialement destinée aux soins de propreté, qu’exige la fréquente dépense de sperme.

Tu m’as ému, Scapin… Ton discours est fort beau
Je t’amène ma fille : achète un lavabo.

(A. Glatigny)

Lavage

Delvau, 1866 : s. m. Vente au rabais d’objets ayant déjà eu un premier propriétaire, — dans l’argot des filles et des bohèmes, qui ont l’habitude de laver précisément les choses les plus neuves et les plus propres, afin de s’en faire de l’argent comptant.

Rigaud, 1881 : Vente pour cause de misère.

La Rue, 1894 : Vente au rabais d’objets dont on veut se débarrasser.

France, 1907 : Vente au rabais de ses effets et de ses meubles.

Barbet n’avait pas prévu ce lavage.

(Balzac)

Lavage, lessive

Larchey, 1865 : Vente, à gros rabais, d’objets ayant déjà eu un premier propriétaire.

Les quatre volumes in-12 étaient donnés pour cinquante sous… Barbet n’avait pas prévu ce lavage.

(Balzac)

À la Bourse, une Lessive est une opération désastreuse, qui vous nettoie. V. Nettoyer.

Lavasse

d’Hautel, 1808 : Pluie qui tombe abondamment. Il signifie aussi vulgairement gronde, blâme, reproche, réprimande.
Il a reçu une bonne lavasse. Signifie au propre, il a été bien mouillé ; et au figuré, on l’a grondé, vespérisé.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais bouillon, trop lavé d’eau, où la viande a été trop épargnée. Argot des bourgeois. Se dit aussi du mauvais café.

Rigaud, 1881 : Soupe ordinaire, — dans le jargon des prisons. Lavasse sénatoriale, lavasse ministérielle, soupe grasse. Lavasse présidentielle, soupe énormément grasse ; mot très rarement employé, et pour cause.

La Rue, 1894 : Soupe dans les prisons. Lavasse ministérielle, soupe grasse.

France, 1907 : Mauvaise soupe, mauvais café.

Lavement

d’Hautel, 1808 : Il me tourmente comme un lavement. Se dit d’une personne pressante qui ne laisse pas de répit jusqu’à ce qu’on l’ait satisfaite.
Rendre quelque chose comme un lavement. C’est-à-dire, s’acquitter d’une obligation presqu’aussitôt qu’on l’a contractée ; rendre à quelqu’un avec une précipitation affectée les politesses qu’on a reçues de lui.

Delvau, 1866 : s. m. Homme ennuyeux, tracassier, canulant, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les détersifs.

Rigaud, 1881 : Adjudant, — en style de régiment. Le mot se renverse. C’est pourquoi, à l’infirmerie, les lavements ont reçu le nom « d’adjudants ». — Laisse-moi vite passer, j’ai un adjudant dans le ventre.

Rigaud, 1881 : Ennuyeux personnage, rabâcheur, tannant. — Pressé comme un lavement, très pressé, allusion au lavement qui, une fois absorbé, n’aime pas à rester longtemps en place.

France, 1907 : Personne ennuyeuse.

— Je viens de subir un fameux lavement. — Qui donc ? — Ma belle-mère est restée plus d’une heure ici.

Lavement au verre pilé

France, 1907 : Eau-de-vie.

— Chaque matin, avant de monter à cheval, nous nous flanquions un fort lavement au verre pilé pour nous donner de l’assiette.

(Les Joyeusetés du régiment)

Laver

d’Hautel, 1808 : Pour, vendre, se défaire de ses effets, de ses bijoux.
Il a lavé sa montre, ses boucles, etc. Pour dire, il les a vendues.
À laver un More, on y perd son savon. Signifie que c’est peine perdu de parler raison à un homme incapable de l’entendre.
Laver la tête à quelqu’un. Lui faire de vives réprimandes.
Se laver les mains d’une affaire. Ne prendre aucune part à son résultat ; se mettre à couvert des reproches que l’on pourroit faire.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Vendre.

Delvau, 1866 : v. a. Vendre à perte les objets qu’on avait achetés pour les garder. Pourquoi laver au lieu de vendre ? M. J. Duflot prétend que cela vient de l’habitude qu’avait Théaulon de remettre à son blanchisseur, afin qu’il battit monnaie avec, les nombreux billets auxquels il avait droit chaque jour. (L’Institution Porcher — la claque — ne fonctionnait pas encore.) « Un jour, dit M. Duflot, le vaudevilliste avait à sa table quelques amis, parmi lesquels Charles Nodier et quelques notabilités politiques, quand le blanchisseur entra pour prendre les billets. — C’est mon blanchisseur, messieurs, dit-il. Bernier, ajouta-il, en se tournant vers lui, vous trouverez mon linge dans ma chambre à coucher ; sur la cheminée, il y a un petit paquet que vous laverez aussi. » Le petit paquet que Bernier trouva contenait les billets de spectacle, et Bernier fut obligé de comprendre que laver voulait dire vendre. Depuis ce jour, il ne manquait jamais de dire, en entrant chez Théaulon : « C’est le blanchisseur de Monsieur : Monsieur a-t-il quelque chose à laver ? »

Rigaud, 1881 : Vendre pour cause de misère ou de gêne momentanée.

Ma foi ! j’avais une marine de je ne sais plus qui, je la décroche, je la fourre dans mon châle ; et je pars laver ça.

(Ed. et J. de Goncourt)

Virmaître, 1894 : Vendre ses frusques. On dit aussi nettoyer son complet (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vendre.

J’ai lavé (vendu) mon bobino un cig.

Hayard, 1907 : Vendre ; (se laver les pieds), être relégué.

France, 1907 : Vendre à bas prix.

— Vous avez pour quarante francs de loges et de billets à vendre, et pour soixante francs de livres à laver.

(Balzac)

Laver ! (va te)

Fustier, 1889 : Expression injurieuse, synonyme de : Vous m’ennuyez !

Laver (se)

Delvau, 1864 : Faire les ablutions de prudence autant que de propreté, après le coït — qui a naturellement pollué les parties sexuelles. — C’est la grande affaire des putains, qui dépensent en un soir plus d’eau que tes ivrognes n’en boivent dans toute leur vie. C’était aussi la grande affaire des Romains post rem veneream ; ils se lavaient presque religieusement, quasi religiose. Martial en témoigne assez. — Pourquoi les femmes honnêtes n’imitent-elles pas les filles publiques, et les bourgeois les Romains ?

Les hommes, lorsqu’ils ont foutu
À double couillon rabattu,
Se lavent dans, une terrine.

(Dumoulin-Darcy)

Pourtant il leur manque, en somme
(Ce qui vaut bien un écu),
De savoir sucer un homme
Et de se laver le cul.

(De la Fizelière)

Laver (va te) !

France, 1907 : Fiche-moi le camp, sors d’ici ! Envoyer un va te laver, donner un coup de poing.

Laver la tête

Delvau, 1866 : v. a. Faire de violents reproches, et même dire des injures, — dans l’argot du peuple, qui ne fait que traduire le verbe objurgare de Cicéron.

Laver la tête de quelqu’un

France, 1907 : Le gourmander, le réprimander vertement.
Quelques « érudits » font remonter cette expression à une fâcheuse aventure arrivée à Socrate. On sait qu’il avait pour femme une mégère des plus acariâtres, nommée Xanthippe. Elle n’avait guère que des invectives et des injures à la bouche, ce qui paraît excusable à ceux qui connaissent les mœurs du sage Socrate, et un jour qu’elle était dans un de ses accès de fureur jalouse, l’ami d’Alcibiade jugea prudent de se retirer. Mais à peine avait-il mis le pied au dehors qu’il reçut sur la tête le contenu d’un vase de nuit qui lui lava complètement la tête. C’est ce qu’on appelle l’ondée de Xanthippe.

Il faut être ignorant comme un maître d’école

Laver la vaisselle

Virmaître, 1894 : V. Descendre à la crémerie.

France, 1907 : Même sens que descendre à la crèmerie.

Laver le brodage

Ansiaume, 1821 : Lever l’écriture.

En lavant le brodage il a gagné 300 balles.

Laver le tuyau (se)

France, 1907 : Boire.

Laver les pieds (se)

Rigaud, 1881 : Aller à Cayenne aux frais de l’État. Les voleurs disaient, dans le même sens, il y a quelques années : Prendre un bain de pieds.

France, 1907 : Faire la traversée pour aller à la Nouvelle-Calédonie ; argot des forçats.

Le vieux avait déjà payé, alors on l’a envoyé se laver les pieds.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Laver les yeux (se)

France, 1907 : Boire le verre de vin blanc matinal.

Laver son linge

France, 1907 : Mourir d’un coup de couteau ou sur la guillotine. Laver le linge dans la saignante, tuer, assassiner.

— Voici le pante que j’ai allumé devant le ferlampier mis au poteau ; il faut laver son linge dans la saignante. Vite à vos surins, les autres ! Une fois qu’il sera refroidi, qu’on le porte à la cave.

(Mémoires de M. Claude)

Mon linge est lavé, mon affaire est faite, je suis pris, battu.

France, 1907 : Purger une condamnation.

Laver son linge (avoir)

Virmaître, 1894 : Le condamné qui a subi sa peine a lavé son linge. Il sort de prison blanc comme neige (Argot des voleurs).

Laver son linge sale en famille

Virmaître, 1894 : Se disputer dans son intérieur, se faire des reproches sanglants (Argot du peuple).

Laver son linge sale en famille (il faut)

France, 1907 : Il ne faut pas entretenir le public des fautes des siens, ni raconter aux commères du voisinage, comme beaucoup de femmes le font, ses querelles de ménage et les frasques de son époux ; en agissant ainsi, on ne fait qu’exciter les rires.

Laver, lessiver

Larchey, 1865 : Vendre, ironiquement envoyer ses effets mobiliers à une lessive dont ils ne reviennent pas. Même allusion dans Passer au bleu et Nettoyer.

Comme ce n’était pas la première fois que j’avais lavé mes effets sans savon.

(Vidal, 1833)

Il a lavé sa montre, ses bijoux, pour dire qu’il les a vendus.

(1808, d’Hautel)

Lavette

d’Hautel, 1808 : C’est une lavette. Se dit par mépris d’une femme qui est mal vêtue ; qui est toute chiffonnée, toute mouillée.

Delvau, 1864 : Le membre viril — peu viril.

Mais c’machin, s’change en lavette,
Grâce au pouvoir d’la vertu,
Et j’ m’en tire quitte et nette
Avec un peu d’ colle au cul

(Parnasse satyrique)

Delvau, 1866 : s. f. Langue, — dans l’argot des faubouriens, qui le disent aussi bien à propos des hommes que des chiens.

Rigaud, 1881 : Langue. — Laveter, bavarder. — Laveteur, bavard.

La Rue, 1894 : Langue.

Virmaître, 1894 : Langue. Dans le peuple, cette expression veut dire mou. On dit aussi : Mou comme une chiffe, apocope de chiffon rouge, langue (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 / France, 1907 : Langue.

France, 1907 : Mou, personne sans consistance, sans parole, sans énergie, qu’on peut employer aux plus sales besognes.

Laveur

Virmaître, 1894 : Complice qui vend aux receleurs les effets volés (Argot des voleurs).

Lavoir

Delvau, 1866 : s. m. Le confessionnal, — dans l’argot des voyous, qui ne vont pas souvent y dessouiller leur conscience, même lorsqu’elle est le plus chargée d’impuretés.

Rigaud, 1881 : Confessionnal. On y fait la lessive de la conscience, plus noire, souvent, que le linge le plus sale. Lavoir public. Journal, — dans le jargon des filles.

Nous ne sommes pas venues ici pour nous engueuler à propos de ces lavoirs publics.

(H. de Lynol, Encore une industrie inconnue, 1860)

La Rue, 1894 : Confessionnal.

Virmaître, 1894 : Confessionnal. Mot à mot, on y lave sa conscience (Argot des voleurs). V. Planche à lavement.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Confessionnal.

Lawn-tennis

France, 1907 : Appellation anglaise de notre vieux jeu de balle et de raquette. « Si on avait parlé de ressusciter, dit Lorédan Larchey, nos vieux jeux de mail et de paume, la motion serait tombée à plat, mais le mail est revenu sous le nom de crocket, la paume sous le nom de lawn-tennis. Il n’en fallait pas davantage. Nos anglomanes ont accepté avec enthousiasme. »

C’est qu’on commet un véritable anachronisme en revêtant d’appellations anglo-saxonnes les jeux qui étaient populaires en France au moyen âge et que nos voisins nous ont empruntés en les baptisant d’un nom anglais. Comme le faisait remarquer notre confrère Philippe Daryl dans son livre sur la Renaissance physique, le crocket et le tennissont tout simplement des transformations de l’antique jeu de paume. Et le nom de lawn-tennis, ou paume de pelouse, est d’autant plus absurde qu’en France ce jeu a lieu en général sur du bitume ou du sable fin.

(Léon Millot)

Lazagne

Larchey, 1865 : Lettre (Vidocq). — Allusion aux lazagnes, longues bandes de pâtes d’Italie, ressemblant assez à des morceaux de papier. V. Balancer.

Delvau, 1866 : s. f. Lettre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lettre, — dans le jargon des voleurs. Balanceur de lazagnes, écrivain public.

La Rue, 1894 : Lettre. Billet de banque.

Virmaître, 1894 : Lettre (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Lettre.

France, 1907 : Pâte en forme de rubans dont la composition est la même que celle du vermicelle et, comme le macaroni, fort en usage en Italie, où on la mange au gras et au fromage.

Lazagne, lazagen

France, 1907 : Lettre ; argot des voleurs.

On appelle lazagna, en italien, une espèce de mets de pâte, et l’on dit proverbialement « comme les lasagnes, ni endroit, ni envers » pour dire « on ne sait ce que c’est ». On comprend que, ignorants comme ils le sont pour la plupart, les gueux aient appliqué cette expression aux lettres, qui d’ailleurs sont loin d’être toujours lisibles.

(Francisque Michel)

Lazagneur

Virmaître, 1894 : Prisonnier qui écrit pour ses camarades de prison (Argot des voleurs).

Lazaro

France, 1907 : Prison ; argot militaire apporté dans les régiments par les souteneurs qui avaient leurs marmites à Saint-Lazare.

Au fond, il se moquait pas mal d’être flanqué au lazaro.

(Georges Courteline)

Lazi-loffe

Vidocq, 1837 : s. m. — Mal vénérien.

Lazo-ligot

France, 1907 : Corde à nœud coulant.

Il avait l’agilité du Mexicain pour jeter le lazo-ligot, pour entourer d’un seul coup le corps et le poignet de son sujet, de façon à ce que la main restât attachée à sa hanche.

(Mémoires de M. Claude)

Lazzi-loff

Delvau, 1866 : s. m. Maladie qui ne se guérit qu’à l’hôpital du Midi et à Lourcine. Même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Syphilis.

Virmaître, 1894 : M. Prudhomme tient son fils par la main, un collégien de quinze ans, rue Notre Dame de Lorette ; il hèle l’omnibus Batignolles-Clichy-Odéon :
— Conducteur, vous passez rue de Tournon, devant chez Ricord ?
— Oui, Monsieur. Alors, poussant son fils dans la voiture :
— Montez, petit cochon ! (Argot du peuple). V. Chaude-lance.

France, 1907 : Maladie vénérienne, ce que les Anglais appellent goutte française ou fièvre de dames.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique