Monôme

Monôme

Fustier, 1889 : Promenade qu’exécutent à Paris et à l’époque des examens, les candidats aux diverses écoles du gouvernement. Le monôme consiste à marcher l’un derrière l’autre, en file indienne. Le monôme le plus connu est celui de l’X.

France, 1907 : Sorte de file indienne qu’à certaines époques scolaires forment les collégiens ou des étudiants ; du grec monos, seul. Chacun met les deux mains sur les épaules de celui qui le précède, et l’on s’avance dans une direction convenue en chantant quelque scie d’école. Le premier en tête est désigné sous le nom d’archi-veau.
C’est une transformation de la danse antique appelée grue qui figure sur le bouclier d’Achille, dans laquelle, à l’imitation des longues files de grues volant dans l’espace, les danseurs, se tenant par la main, décrivaient des circonvolutions.

Puis, pour augmenter la migraine
Que ce vieux raseur propagea,
Le maudit palmarès égrène
Les noms de chaque lauréat ;
Et c’est long, très long, plus longs même
Encor que cela ; tour à tour
Le monôme des forts en thème
Monte les marches d’un pas lourd.

(Jacques Rédelsperger)

Monôme des X

France, 1907 : Monôme des candidats à l’École polytechnique.

Quand les compositions écrites sont terminées, les taupins, candidats des lycées et des écoles préparatoires, se réunissent sur la place du Panthéon. Ils s’organisent en longue file indienne… et partent processionnellement sous la conduite du premier taupin de France, le premier de ceux qui ont échoué l’année précédente. Ce gigantesque mille-pattes va, vient, serpente, frappant le sol en cadence, lançant dans les airs des chansons du caractère le plus profane ; il ne rappelle que de bien loin, dans ses tours et ses détours, le jeu auquel les Grecs se plaisaient à donner une forme orchestrique. Il se dirige d’abord vers la cour du Collège de France… puis il descend le boulevard au milieu de la foule ahurie, interceptant la circulation, suit les quais jusqu’au terre-plein du Pont-Neuf, et après une ronde échevelée autour de la statue de Henri IV, se rend chez la « mère Moreau », le fameux débit de prunes et de chinois.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Qui gên’ la circulation,
Bouscul’ la population,
S’fait fich’ au bloc comme un seul homme ?
C’est le monôme !
Qui va de l’autre côté d’l’eau
Prendre un’ prun’ chez la mèr’ Moreau,
S’évanouit comme un fantôme ?
C’est le monôme !
Le lend’main, qui qu’a mal aux ch’veux,
Qui s’plaint d’avoir la tête en feux,
Et pendant l’cours pique un p’tit somme ?
C’est le monôme !

(Xanrof)

Monôme polytechnicoprotestant

France, 1907 : Entente spontanée de tous les protestants pour cacher les histoires scabreuses qui surgissent dans leur parti. L’on sait en effet que rien n’est plus moral que les protestants ; ce sont eux qui sont à la tête de toutes les sociétés pour l’extinction du vice ! Cependant c’est surtout dans les pays protestants, témoin l’Angleterre et l’Allemagne, qu’il semble fleurir le plus, mais il se cache… ce qui n’empêche pas les scandales comme ceux de la Pall Mall Gazette et celui des petits télégraphistes d’éclater quelquefois. Le pudibond Bérenger, le pasteur Dide, et le pieux Jules Simon, tous sénateurs, faisaient partie du monôme polytechnicoprotestant.

Toujours le monôme polytechnicoprotestant !… si… l’accident fût arrivé à… à la femme d’un officier catholique par exemple… ça n’eût pas fait tant d’histoires, et toute cette boue, — comme vous dites, — n’eût pas été remuée… mais ici il s’agit d’une protestante !… une protestante, songez donc ! est-ce qu’une protestante peut faillir ?… (il n’y a qu’à Mme de Staël que ça a été permis… et il y a si longtemps…) une protestante !… allons donc !… et tous les protestants, orthodoxes ou pas, se dressent comme un seul homme… on évoque l’ombre des illustrations du parti… tout le monde est fourré dans l’affaire, depuis Luther jusqu’à Guizot… en passant par Mélanchthon, Wolf, Leibniz, Schelling, Fichte, etc., etc…

(Gil Blas)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique