Plein

Plein

d’Hautel, 1808 : J’en ai tout plein et puis encore. Locution vicieuse et triviale ; pour j’en ai beaucoup, j’en ai abondamment, excessivement.
Tout plein de gens, tout plein de monde. Pour, un grand nombre de gens, beaucoup de personnes.
Cette bouteille est pleine de vide. Se dit par plaisanterie d’une bouteille où il n’y a plus rien, et où l’on croyoit trouver quelque chose.
Le sac est plein. Se dit quand un homme a mis le comble à ses iniquités, et qu’il provoque sur lui le châtiment et la vengeance. On se sert aussi de cette locution pour exprimer que quelqu’un a beaucoup mangé ; ou qu’une femme est enceinte.
Donner à pleines mains. C’est-à-dire libéralement, avec profusion.
Ce vin sent la framboise à pleines bouche. Pour dire, a le goût de la framboise, laisse à la bouche l’odeur de la framboise.
Être plein de soi. Avoir une grande présomption, être trop favorablement prévenu de son mérite.
Elle a toujours le ventre plein. Se dit par raillerie d’une femme qui a des grossesses très-rapprochées, très-fréquentes.
Un visage de pleine lune. Un visage large, plein et ouvert.
Ce drap est à pleine main. Pour dire qu’il est bien fabriqué, qu’il est bien fourni.

Fustier, 1889 : Argot des joueurs de roulette. L’un des casiers sur lesquels se trouvent inscrits les numéros correspondant à ceux de la roulette. Faire un plein, c’est placer sa mise en plein sur un numéro, au lieu de la disposer soit à cheval, soit d’une façon transversale.

Plein (battre son)

France, 1907 : Être dans tout son éclat.

La vie battait son plein dans cette grande artère parisienne. Sur les trottoirs, une cohue prolétaire ambulait, effarée ; les employés gagnaient leur bureau, les ouvriers se rendaient au travail, les ménagères, le panier à la main, s’approvisionnaient, allant des boutiques, dont l’étalage mangeait la moitié de la chaussée, aux voitures des marchands de quatre-saisons, rangées le long du ruisseau, et pleines, celles-ci de légumes, celles-là de poissons, ces autres de volailles ou de lapins tout dépouillés, dont la chair sanguinolente évoquait des idées de carnage. De leurs voix enrouées, les petits marchands appelaient la clientèle :
— Voyez, Madame, voyez, pas cher !…

(Daniel Riche, L’Agonie d’une jeunesse)

Plein (être)

Delvau, 1866 : Être ivre — à ne plus pouvoir avaler une goutte, sous peine de répandre tout ce qu’on a précédemment ingéré. Argot du peuple. On dit aussi explétivement Plein comme un œuf et Plein comme un boudin.

France, 1907 : Être ivre.
On dit aussi : avoir son plein, être plein comme un œuf, comme la bourrique à Robespierre.
Les Anglais disent : « Plein comme la truie de David. »

H’u !… nom de Dieu !… j’suis amoureux !
Mais ce soir, Cecil’ f’ra la rosse :
Madam’ ne veut pas m’rende heureux,
Quand j’suis plein… alle a peur d’un gosse ;
J’en ai soupé du boniment,
Ej’vas m’payer eune odalisque…
Après, si a’devient maman,
Cell’-là j’m’en fous, h’u !… qu’est-ce que j’risqu’ ?

(Aristide Bruant)

Plein (numéro)

France, 1907 : On appelle ainsi, en terme de joueurs de roulette, le numéro sur lequel on met sa mise et qui, au cas où il sort, vous rapporte trente-cinq fois la valeur de votre argent. Exemple : Si vous placez cinq francs sur le 9 et que ce numéro sorte, le croupier vous paye cent soixante-quinze francs.

Cependant, une vieille Anglaise méthodique, et comme assoupie dans le cercle des joueurs, continuait à pointer sur son petit carton les numéros sortis, à calculer ses martingales, et poussait lentement deux piles de pièces de cent sous sur les six premiers et le « trente-six » plein.

(René Maizeroy, Âmes tendres)

Plein comme un boudin (être)

Virmaître, 1894 : Être repu de nourriture et de boisson. Mot à mot : avoir mangé comme un cochon (Argot du peuple).

Plein comme un œuf

Rigaud, 1881 : Repu. — Avoir son plein, être repu.

Plein de soupe

Delvau, 1866 : s. m. Homme dont le visage annonce la santé. On dit aussi Gros plein de soupe.

France, 1907 : Personne grasse et lourde.

Plein de soupe (gros)

Rigaud, 1881 : Joufflu. — Gros réjoui.

Plein de truffes

France, 1907 : Riche bourgeois, opulent oisif, dans l’argot du peuple qui s’imagine que les gens riches se bourrent de truffes.

Les pleins de truffes sont des ânes bâtés qui s’entêtent à conserver la société telle quelle, quitte à ce qu’elle crève de son engorgement de production.

(Le Père Peinard)

Plein le dos (en avoir)

France, 1907 : En être fatigué, en avoir assez comme quelqu’un qui porte sur son dos un poids trop lourd.

Qu’en ce monde vieillot
Requière encor Bulot,
Que, de l’État, Carnot
Gouverne le canot :
Sol, dont j’ai plein le dos,
Tu n’auras pas mes os !
À moi l’air libre ! Ergo,
Je pars pour Chicago !

(Paul Ferrier)

On dit aussi dans le même sens : en avoir son sac.

Sûr que j’en ai soupé du mac !
J’en ai plein l’dos, j’en ai mon sac !
On fout pus qu’nib à la Courtille.
Et faudrait que j’me r’paye un mec,
Que je l’fringu’, que j’y empâte l’bec,
Quand ej’ fais pas pour ma croustille ?

(Aristide Bruant)

Plein vent

France, 1907 : Arbre isolé planté loin des habitations, des clôtures et qu’on laisse croitre en liberté.

Plein, plein comme un œuf, comme un sac

Larchey, 1865 : Saoul.

Un homme plein comme un œuf, pour avoir trop mangé.

(Le Duchat, 1738)

Pleine

France, 1907 : Enceinte.

— V’là la fille à la mère Badoure qu’est pleine. C’est la vielle qui va rien lui tanner la peau.

(Les Joyeusetés du régiment)

Pleine lune

Delvau, 1866 : s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc. On dit aussi Demi-lune.

France, 1907 : Le derrière.

Pleine peau (à)

France, 1907 : Complètement, comme une outre remplie.

Prêtre à pleine peau et ne croyant à rien, ni au ciel, ni à l’enfer, ni même aux vaines choses de ce bas monde, à rien qu’à sa massive et sacerdotale personne et se moquant an monde entier avec un absolu mépris de philosophe luxurieux et sceptique.

(Mona, Gil Blas)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique