Roulé

Roulé

France, 1907 : Trompé, dupe.

Quel châtiment ! Bourbaki, le brave, abandonnant sa garde à Metz, pour aller faire de la politique en Angleterre !… Roulé par les Allemands, qui redoutaient sa présence au dernier moment, il a commis cette faute impardonnable pour un soldat, de subordonner son devoir militaire à la sauvegarde d’intérêts dynastiques peu avouables.

(Lieut.-colonel Meyret, Carnet d’un prisonnier de guerre)

Rouleaux

France, 1907 : Testicules.

Roulée

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus, — dans l’argot des faubouriens. Éreintement, — dans l’argot des gens de lettres.

France, 1907 : Correction bien administrée.

Roulement

France, 1907 : Travail ; argot populaire. Il y a du roulement ! il y a beaucoup de travail. Du roulement ! du courage, à l’œuvre. Roulement de gueule, travail masticatoire.

Roulement (du)

Rigaud, 1881 : De la vigueur, de l’ardeur à l’ouvrage. — Allons-y, mes enfants, et du roulement.

Roulement de tambour

Vidocq, 1837 : s. m. — Aboiement de chien.

France, 1907 : Aboiement de chien.

On entendait dans la ferme de continuels roulements de tambour.

(Vidocq)

Rouler

d’Hautel, 1808 : Si l’argent est rond, c’est pour mieux rouler. Manière d’excuser de folles dépenses, des prodigalités.
Rouler dur. Pour dire travailler fort, avec ardeur, avec zèle.
Rouler quelqu’un. Lui donner une roulance, se moquer de lui ; terme typographique.
Si cela continue il roulera bientôt voiture. Se dit d’une personne dont la fortune augmente chaque jour ; et souvent dans un sens tout à fait opposé.
Rouler carosse. Pour dire être fort riche, avoir un équipage, des chevaux à ses ordres.
Rouler sur l’or, sur l’argent. Pour dire être très-fortuné, avoir des coffres inépuisables.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Aller d’un lieu à un autre, se promener.

Larchey, 1865 : Battre, vaincre. — Mot à mot : rouler à terre.

Enfin je suis seul contre le gouvernement avec son tas de tribunaux et je les roule.

(Balzac)

Roulée : Vigoureuse correction.

Larchey, 1865 : Voyager. — Roulier est classique.

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un. Signifie aussi : Tromper, agir malignement.

Delvau, 1866 : v. a. Se moquer, lutter d’esprit et d’impertinences, — dans l’argot des gens de lettres. Se faire rouler. Avoir le dessous dans une affaire, dans une discussion.

Delvau, 1866 : v. n. Aller bien comme santé ou comme commerce. Ne s’emploie guère qu’à la troisième personne de l’indicatif présent : cela roule. C’est l’équivalent de : Cela boulotte.

Delvau, 1866 : v. n. Vagabonder, voyager, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Rouler sa bosse.

Rigaud, 1881 : Vagabonder. — Tromper grossièrement.

On ne le roule plus aujourd’hui ; il n’est plus votre dupe, vous êtes sa victime.

(J. Vallès, Le Dimanche d’un jeune homme pauvre)

Boutmy, 1883 : v. intr. Aller d’imprimerie en imprimerie.

La Rue, 1894 : Battre. Vagabonder. Se bien porter. Tromper, voler.

Rossignol, 1901 : Son adversaire à un jeu quelconque est le gagner.

Rossignol, 1901 : Tromper, induire en erreur.

Je l’ai trompé, je l’ai roulé.

France, 1907 : Tromper, duper.

Au 18 mars 1871, les bons bougres qui s’opposérent à la prise des canons et les soldats qui levèrent la crosse en l’air n’étaient pas, eux non plus, des gas farcis de socialisme. C’était des gas d’attaque, agissant sans trop savoir pourquoi ; parce que le gouvernement de Versailles les dégoûtait, parce qu’ils étaient furieux d’avoir enduré le siège et de s’être vus roulés par les généraux.
À ce moment-là, c’était des inconscients qui se révoltaient d’instinct.

(Le Père Peinard)

Voler. Se faire rouler, se faire voler.

Vous verrez à cette heure des parties fort animées dont les victimes ordinaires sont d’honnêtes commerçants, des pères de famille, des gens très raides et très circonspects dans les affaires ordinaires et qui, une fois assis à la table verte, perdent toutes leurs qualités de finesse, de prudence, de défiance même et se laissent rouler comme des enfants.

(Edmond Lepelletier)

Quand un naïf dans leurs mains tombe,
Il est plumé dans les grands prix,
Il faut qu’il casque, qu’il succombe,
Pour la bell’ dont il est épris ;
Par un habile maquillage,
Aux bons s’rins ell’s font avaler
Qu’ell’s possèd’nt encor leur… corsage…
Croyant l’avoir, ils s’font rouler.

(G. Chavanne)

Rouler dans la farine

Delvau, 1866 : v. a. Tromper, jouer un tour, user de finesse envers des gens trop simples.

Rouler la brouette à Biribi

Fustier, 1889 : Être envoyé dans un régiment de discipline. Argot de caserne.

Il amassa un nombre incalculable de jours de consigne et de salle de police, et vint enfin, comme disent les troupiers, rouler la brouette à biribi, c’est-à-dire qu’il fut envoyé aux compagnies de discipline.

(Triboulet, mars 1884)

France, 1907 : Achever son temps de service aux compagnies de discipline.

Rouler sa bosse

Virmaître, 1894 : Ouvrier trimardeur, qui n’a pas de domicile fixe, qui roule sa bosse de ville en ville. C’est un mendiant déguisé qui cherche de l’ouvrage et prie le bon Dieu de n’en pas trouver (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Ne pas avoir de domicile fixe, voyager constamment c’est rouler sa bosse. Celui qui a beaucoup voyagé a roulé sa bosse.

France, 1907 : Voyager, aller d’un endroit à l’autre.

Après avoir roulé leur bosse
De Montmartre au Quartier Latin,
Il en est qui lâchent la noce,
yant séduit un vieux rupin,
Leur existence se termine,
Douce et tranquill’, dans leur pat’lin ;
À l’église, leur voix domine
Celle des chantres du lutrin,
On les voit, très pieusement,
Prier religieusement.

(G. Chavanne)

Rouler sa viande dans le torchon

Delvau, 1866 : v. a. Se coucher, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Se coucher. On dit plus communément :
— Je vais remiser ma viande. (Argot du peuple).

France, 1907 : Se coucher.

Rouletier

France, 1907 : Dévaliseur de voitures.

Des classes entières de voleurs étaient aux abois ; de ce nombre était celle des rouletiers, qui dérobent les chargements sur les voitures.

(Mémoires de Vidocq)

Roulette

Rossignol, 1901 : Voiture.

Rouleur

Larchey, 1865 : « Ses fonctions consistent à présenter les ouvriers aux maîtres qui veulent les embaucher et à consacrer leur engagement. C’est lui qui accompagne les partants jusqu’à la sortie des villes. »

(G. Sand)

De rouler : voyager.

Larchey, 1865 : Trompeur.

Cela ne serait pas bien : nos courtiers passeraient pour des rouleurs.

(Lynol)

De rouler : vaincre.

Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon du tour de France chargé de présenter les ouvriers aux maîtres et de consacrer leur engagement.

Delvau, 1866 : s. m. Vagabond, homme suspect.

Rigaud, 1881 : Vagabond doublé d’un filou. — Parasite effronté. — Individu de mauvaise mine et étranger à la localité, — dans le jargon des paysans de la banlieue de Paris. Le mot a été emprunté au jargon des pâtissiers.

En terme de métier, celui qui ne reste pas longtemps dans la même maison s’appelle rouleur.

(P. Vinçard, Les Ouvriers de Paris)

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier typographe qui roule d’imprimerie en imprimerie sans rester dans aucune, et qui, par suite de son inconduite et de sa paresse, est plutôt un mendiant qu’un ouvrier. Aucune corporation, croyons-nous, ne possède un type aussi fertile en singularités que celui dont nous allons essayer d’esquisser les principaux traits. Les rouleurs sont les juifs errants de la typographie, ou plutôt ils constituent cet ordre mendiant qui, ennemi juré de tout travail, trouve que vivre aux crochets d’autrui est la chose la plus naturelle du monde. Il en est même qui considèrent comme leur étant due la caristade que leur alloue la commisération. Nous ne leur assimilons pas, bien entendu, les camarades besogneux dont le dénuement ne peut être attribué à leur faute : à ceux-ci, chacun a le devoir de venir en aide, dignes qu’ils sont du plus grand intérêt. Les rouleurs peuvent se diviser en deux catégories : ceux qui travaillent rarement, et ceux qui ne travaillent jamais. Des premiers nous dirons peu de chose : leur tempérament ne saurait leur permettre un long séjour dans la même maison ; mais enfin ils ne cherchent pas de préférence, pour offrir leurs services, les imprimeries où ils sont certains de ne pas être embauchés. Si l’on a besoin de monde là où ils se présentent, c’est une déveine, mais ils subissent la malchance sans trop récriminer. De plus, détail caractéristique, ils ont un saint-jean, ils sont possesseurs d’un peu de linge et comptent jusqu’à deux ou trois mouchoirs de rechange. Afin que leur bagage ne soit pour eux un trop grand embarras dans leurs pérégrinations réitérées, ils le portent sur le dos au moyen de ficelles, quelquefois renfermée dans ce sac de soldat qui, en style imagé, s’appelle azor ou as de carreau. Un des plus industrieux avait imaginé de se servir d’un tabouret qui, retenu aux reins par des bretelles, lui permettait d’accomplir allègrement les itinéraires qu’il s’imposait. Ce tabouret, s’il ne portait pas César, portait du moins sa fortune. Mais passons à la seconde catégorie. Ceux-là ont une horreur telle du travail que les imprimeries où ils soupçonnent qu’ils en trouveront peu ou prou leur font l’effet d’établissements pestilentiels ; aussi s’en éloignent-ils avec effroi, bien à tort souvent ; car le dehors de quelques-uns est de nature à préserver les protes de toute velléité d’embauchage à leur endroit. D’ailleurs, si les premiers ne se présentent pas souvent en toilette de cérémonie, les seconds, en revanche, exposent aux regards l’accoutrement le plus fantaisiste. C’est principalement l’article chaussure qui atteste l’inépuisable fécondité de leur imagination. L’anecdote suivante, qui est de la plus scrupuleuse exactitude, pourra en donner une idée : deux individus, venant s’assurer dans une maison de banlieue que l’ouvrage manquait complètement et toucher l’allocation qu’on accordait aux passagers, étaient, l’un chaussé d’une botte et d’un soulier napolitain, l’autre porteur de souliers de bal dont le satin jadis blanc avait dû contenir les doigts de quelque Berthe aux grands pieds. Des vestiges de rosette s’apercevaient encore sur ces débris souillés d’une élégance disparue. Au physique, le rouleur n’a rien d’absolument rassurant. La paresse perpétuelle dans laquelle il vit l’a stigmatisé. Il pourrait poser pour le lazzarone napolitain, si poser n’était pas une occupation. Sa physionomie offre une particularité remarquable, due à la conversion en spiritueux d’une grande partie des collectes faites en sa faveur : c’est son nez rouge et boursouflé. Lorsque, contre son attente, le rouleur est embauché, il n’est sorte de moyens qu’il n’emploie pour sortir de la souricière dans laquelle il s’est si malencontreusement fourvoyé : le plus souvent, il prétexte une grande fatigue et se retire en promettant de revenir le lendemain. Il serait superflu de dire qu’on ne le revoit plus. Il est un de ces personnages qu’on avait surnommé le roi des rouleurs, et que connaissaient tous les compositeurs de France et de Navarre. Celui-là n’y allait pas par trente-six chemins. Au lieu de perdre son temps à de fastidieuses demandes d’occupation, il s’avançait carrément au milieu de la galerie, et, d’une voix qui ne trahissait aucune émotion, il prononçait ces paroles dignes d’être burinées sur l’airain : « Voyons ! y-a-t-il mèche ici de faire quelque chose pour un confrère nécessiteux ? » Souvent une collecte au chapeau venait récompenser de sa hardiesse ce roi fainéant ; souvent aussi ce cynisme était accueilli par des huées et des injures capables d’exaspérer tout autre qu’un rouleur. Mais cette espèce est peu sensible aux mortifications et n’a jamais fait montre d’un amour-propre exagéré. Pour terminer, disons que le rouleur tend à disparaître et que le typo laborieux, si prompt à soulager les infortunes imméritées, réserve pour elles les deniers de ses caisses de secours, et se détourne avec dégoût du parasite sans pudeur, dont l’existence se passe à mendier quand il devrait produire. (Ul. Delestre.)

France, 1907 : Cheminot, vagabond.

Un vagabond passait par là, mangeant à petites pincées le pain sec qu’il portait sous le bras. Le froid mordait, la forêt était profonde, et le village prochain, avec ses chiens de chasse hargneux et ses paysans avares, accueillait mal, d’habitude, les maraudeurs. Un charbonnier, de bonne humeur, le héla d’une voix engageante :
— Hé ! le rouleur ! si tu vas à la fontaine, l’eau te glacera le sang. Viens donc boire un coup avec nous.
Le vagabond, sans une parole, lui répondit d’un regard en dessous, et poursuivit sa route à travers bois. On entendit son pas indécis qui traînait dans les feuilles sèches. Il ne se retourna plus, n’envoya ni salut, ni merci, et disparut au détour d’un sentier.

(Aug. Marin)

France, 1907 : Trompeur, escroc.

Rouleur, rouleuse

Rigaud, 1881 : Chiffonnier, chiffonnière.

Rouleuse

Delvau, 1866 : s. f. Femme de mauvaise vie qui roule de quartier en quartier à la recherche de l’homme philosophal. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Fille publique. Elle roule partout pour trouver pratique. Elle roule ses clients de hasard, car elle promet mais ne tient jamais (Argot du peuple).

France, 1907 : Prostituée.

Les rangs de l’armée du charlatan apostolique se sont grossis de nombre de petites rouleuses sans emploi, car la campagne de la Pall Mall Gazette a porté un coup fatal à la prostitution impubère.

(Hector France, Lettres d’Angleterre)

Rouleuse, roulure

Rigaud, 1881 : Fille qui fait un peu de tous les métiers. Tantôt elle vend des bouquets dans les rues, tantôt de la dentelle sous les portes cochères ; un jour modèle d’atelier, le lendemain vendeuse de parfumerie, etc. — Prostituée de bas étage, celle qui roule de quartier en quartier. Les rouleuses sont des filles qui proposent un tour de promenade en voiture, les stores baissés. Elles habitent ordinairement des chenils dans des quartiers excentriques, vivent avec quelques misérables employés ; ou bien encore elles habitent chez leurs parents ; quelquefois elles n’ont aucun domicile fixe. La plupart d’entre elles portent un petit panier sous le bras et affectent des airs d’ouvrière en course.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique