France, 1907 : Nom que se donnent les juifs qui aspirent à reconstituer le royaume de Sion, c’est-à-dire à restituer dans son intégrité la nationalité hébraïque.
On nous reproche, disent les sionistes, de ne pas avoir de patrie, d’être des étrangers dans les pays que nous habitons, où nous subissons des lois que vous n’avons pas toujours faites et qui, en certains lieux, sont des lois d’exception contre nous. Hé bien ! ayons une patrie ! La prophétie disant que nous resterons dispersés ne vaut pas plus, devant la raison humaine, que celle qui assure que le temple ne sera pas rebâti. Réunissons-nous et faisons-la mentir…
À vrai dire, je ne crois guère à la réussite du projet des sionistes. Ils pourraient, à la rigueur, fonder une colonie juive, s’administrant librement sous la loi de Moïse. Mais ceci ne serait que la reprise et le développement de l’entreprise patronnée par le baron de Hirsch au profit des juifs persécutés en Roumanie on en Russie. Quant à reconstituer d’un coup une nationalité, les conditions économiques et politiques de notre temps paraissent s’y opposer. De plus, sans parler de certaines divisions qui existent, assez profondes, parait-il, entre les diverses « nations juives », — les juifs portugais, par exemple, ressemblent peu aux juifs polonais ou de la vallée du Danube, — l’idée sioniste me parait arriver trop tard. Sa raison d’être, c’est que les juifs — c’est là le terrain sur lequel on s’est placé au congrès — ne sont pas devenus les nationaux de leurs pays d’élection. Ceci n’est pas vrai partout. Ce n’est même vrai que dans un certain nombre de pays où, du fait de leur situation exceptionnelle, les juifs, même assez nombreux, n’ont pas la puissance financière que voudrait une grande entreprise. On trouverait en Russie bien des israélites prêts à aller chercher une nouvelle patrie. Mais auraient-ils les ressources nécessaires pour l’essayer ? Dans presque tous les autres pays d’Europe, en France, en Angleterre, en Allemagne, les israélites sont riches et, par cette richesse même, se sont assimilés à la nation au milieu de laquelle elle fut créée.
(Nestor, Écho de Paris)