Tête

Tête

d’Hautel, 1808 : Chercher des poux à la tête de quelqu’un. Lui faire une mauvaise querelle, lui chercher noise sans sujet, sans fondement, à dessein de s’en débarrasser.
Des raisons qui n’ont ni cul ni tête. C’est à-dire dénuées de sens commun ; de mauvaises allégations.
Laver la tête à quelqu’un. Le gronder, le vespériser, lui faire de vifs reproches.
La tête me fend. Pour, j’ai un mal de tête excessif.
Jeter une marchandise à la tête de quelqu’un. L’offrir à vil prix, pour s’en débarrasser ; moyen qui ne réussit pas toujours à Paris, où l’on n’estime que les choses d’un prix élevé.
On voit bien à ses yeux que sa tête n’est pas cuite. Pour dire qu’un homme a trop bu d’un coup ; que le vin lui a tapé à la tête.
La tête a emporté le cul. C’est-à-dire, le fort a entraîné le foible.

Delvau, 1866 : s. f. Air rogue, orgueilleux, prétentieux, de mauvaise humeur. Faire sa tête. Faire le dédaigneux ; se donner des airs de grand seigneur ou de grande dame.

Delvau, 1866 : s. f. Air, physionomie. Avoir une tête. Avoir de la physionomie, de l’originalité dans le visage.

Tête (avoir une)

France, 1907 : Avoir une physionomie en dehors du vulgaire, paraître quelqu’un.

« Que diable appelez-vous avoir ou n’avoir pas une tête » ?… Avoir une tête, c’est n’être pas guillotiné. Ne pas avoir une tête, c’est être guillotiné. Cette explication vous suffit-elle ? Non ? Eh bien ! avoir une tête, c’est jouir de la plénitude de sa beauté. C’est avoir un aspect, un air, une physionomie qui ne soient pas ceux de tout le monde.

(Aurélien Scholl)

Tête (bonne)

France, 1907 : Personne naïve, facile à duper.

À l’Aquarium les bouff’-galette
Auront bientôt fini leur temps ;
Au populo qu’est bonne tête
Ils vont lâcher leurs boniments,
Minc’ de crachoir ! Que d’jaspinages
Ils vont faire ! Ohé, les gobeurs,
V’nez écouter et soyez sage,
Pis après, voter tous en chœur !

(Père Peinard)

Se dit aussi pour exprimer un visage grotesque :

— Mon pauvre vieux ! si je vous disais que vous avez une bonne tête !
— N’achève pas, ô ange, tu me la mettrais à l’envers.

(Journal amusant)

Tête (faire sa)

Larchey, 1865 : Prendre de grands airs.

Tu y gagnes d’avoir l’exercice une fois de plus par jour pour apprendre à faire ta tête.

(Vidal, 1833)

Rigaud, 1881 : Faire des embarras ; prendre des airs importants.

Ça veut faire sa tête et ça ne sait pas seulement lire.

(V. Rozier, Les Bals publics à Paris)

France, 1907 : Prendre des airs importants, faire le glorieux.

Y’a t’y rien qui vous agace,
Comme un’ levrette en pal’tot !
Quand y’a tant de gens su’la place
Qui n’ont rien à s’mett’ su’l’dos ?
J’ai l’horreur d’ces p’tit’s bêtes,
J’aim’ pas leurs museaux pointus,
J’aim’ pas ceux qui font leur tête
Pass’ qui z’ont des pardessus.

(Auguste de Chatillon, La Levrette en paletot)

Faire une tête, ne pas paraître content.

— Allons, Mignonne, ne me fais pas ainsi une tête, tu me navres. Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Me foutre la paix !

(Les Propos du Commandeur)

Se faire une tête, se maquiller.

Les gens comme moi ont par moments d’irrésistibles besoins de franchise. On ne peut pas pendant de longues années se faire laborieusement une tête et jouer la comédie sans se sentir heureux de se montrer quelquefois, tel que l’on est, à un homme d’esprit ; c’est un repos nécessaire.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Tête (forte)

Merlin, 1888 : Soldat indiscipliné.

Tête (se faire une)

Rigaud, 1881 : Se grimer ; prendre la physionomie particulière au personnage que l’acteur représente. Les mouchards et les comédiens habiles excellent dans l’art de se faire une tête.

Tête à corvées

Rigaud, 1881 : Imbécile, tête d’idiot, — dans le jargon du régiment.

Tête à l’huile

Fustier, 1889 : Chef de la figuration dans un théâtre.

France, 1907 : Chef de figuration ; argot, théâtral. Sobriquet donné, dans le même argot, au figurant amateur.

Pourquoi tête à l’huile ? Parce que les pauvres diables auxquels il retire le pain de la bouche le considèrent comme un veau ? Si cette explication n’est pas bonne, je suis prêt à en accueillie une meilleure.
Quoi qu’il en soit, la tête à l’huile est la Providence, l’aubaine du chef de figuration qui n’a pas à le rétribuer.

(Lucien Descaves, Gens de théâtre)

Tête carrée

Delvau, 1866 : s. f. Allemand ou Alsacien. On dit aussi Tête de choucroute.

Rigaud, 1881 : Allemand.

Virmaître, 1894 : V. Alboche.

Rossignol, 1901 : Tous individus nés où l’on parle l’allemand.

France, 1907 : Allemand.

Tête carrée, tête de choucroute

Larchey, 1865 : Allemand.

Tête d’acajou

Delvau, 1866 : s. f. Nègre.

France, 1907 : Nègre.

Tête de boche

France, 1907 : Tête dure ; individu à l’entendement difficile.

Tête de bois

Virmaître, 1894 : Visage peu expressif. Dans le peuple, on dit aussi : il a été sculpté dans un marron d’Inde, quand l’individu à qui cette expression s’adresse est laid à faire peur (Argot du peuple).

Tête de buis

Delvau, 1866 : s. f. Crâne complètement chauve.

Rigaud, 1881 : Crâne dénudé.

Tête de carton

Virmaître, 1894 : Visage sans expression. Allusion à la poupée (Joséphine) des modistes (Argot du peuple).

France, 1907 : Visage sans expression. On dit aussi tête de bois.

Tête de choucroute

Virmaître, 1894 : V. Alboche.

France, 1907 : Tête d’Allemand.

Donc, pour nous, tête de choucroute,
C’est l’imminente banqueroute ;
Nous voilà fichus, farfichus ;
La chose est irrémédiable,
La France agonise, et le Diable
Sur elle a mis ses pieds fourchus ?

(Raoul Ponchon)

Tête de clou

France, 1907 : Vieux caractère d’imprimerie.

Tête de holz

Delvau, 1866 : s. f. Allemand, — dans l’argot des marbriers de cimetière, qui croient que les braves Teutons ont la tête dure comme du bois.

Tête de patère

Fustier, 1889 : Variété de souteneur.

La Rue, 1894 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur ; jeu de mot faubourien.

Tête de pioche

Virmaître, 1894 : Individu à la tête dure qui ne veut rien apprendre. Allusion à la dureté de l’acier trempé de la pioche (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir tête carrée.

France, 1907 : Personne à l’intelligence rétive, au cerveau aussi dur que la terre qu’on pioche.

Tête de pipe

Fustier, 1889 : Idiot. La variante est : moule à chenets.

La Rue, 1894 : Visage laid ou contrefait.

France, 1907 : Figure grotesque comme on en faisait autrefois sur les pipes de terre ou de bois en caricaturant les célébrités du jour.

La carte postale, c’est la gloire moderne. Autrefois, la grande gloire consistait à devenir tête de pipe. Une pipe en terre, c’était le Panthéon à un sou. Maintenant, ce fragile Panthéon de l’actualité, c’est la carte postale à dix centimes.

(Jules Claretie, 1900)

Tête de porc

France, 1907 : Ordre de combat adopté et désigné ainsi par le maréchal Bugeaud.

Le maréchal Bugeaud fit faire halte un instant, pour rectifier l’ordre de combat que nous avions pris, aussitôt après le passage du gué de l’Isly. C’était ln fameuse tête de porc, un grand losange dessiné par les bataillons d’infanterie, se flanquant de proche en proche et couverts par une ligne de tirailleurs assez largement espacés, mais appuyés sur des pelotons de soutien.

(Général du Barail, Mes souvenirs)

Tête de Turc

Delvau, 1866 : s. f. Homme connu par ses mœurs timides et par son courage de lièvre, sur lequel on s’exerce à l’épigramme, à l’ironie, à l’impertinence, — et même à l’injure, — assuré qu’on est qu’il ne protestera pas, ne réclamera pas, ne regimbera pas, et ne vous cassera pas les reins d’un coup de canne ou la tête d’un coup de pistolet. C’est une expression de l’argot des gens de lettres, qui l’ont empruntée aux saltimbanques.

Rigaud, 1881 : Dynamomètre vivant, souffre-douleur, mystifié, bouc émissaire.

France, 1907 : Personne timide, faible et débonnaire que l’on croit pouvoir vexer et bafouer avec impunité. Allusion aux têtes de Turc des fêtes foraines généralement remplacées depuis la guerre de 1870 par des têtes de Prussien, et sur lesquelles on tape pour essayer sa force. Servir de tête de Turc.

Je savais que dans les réunions publiques, mes collègues et moi étions la tête de Turc sur laquelle s’exerçaient à plaisir et essayaient leurs forces les orateurs plébéiens de l’époque.

(Gustave Macé)

Tête de veau

Rigaud, 1881 : Individu chauve. — Figure pâle et grasse ; et, encore, tête de veau lavée, par allusion aux têtes de veau trempant dans les baquets des bouchers.

Rossignol, 1901 : Celui qui n’a plus ou peu de cheveux.

France, 1907 : Tête chauve. C’est le sobriquet donné aux condamnés militaires aux travaux publics dont la tête est complètement rasée.

— Tu sais ici, on rase tout, barbe et moustache. Les disciplinaires n’ont pas le droit d’en porter. C’est ce qui les distingue des condamnés aux travaux publics qui, eux, portent la barbe et la moustache, mais ont la tête complétement rasée… C’est pour ça qu’on les appelle les têtes de veaux.

(Georges Darien, Biribi)

Tête de veau lavée

France, 1907 : Visage pâle et maigre.

Tête mobile

Merlin, 1888 : Officier de tir, — par allusion à la pièce du fusil qui porte ce nom.

Tête qui dépasse les cheveux (avoir la)

Rigaud, 1881 : Être chauve.

Tête verte

France, 1907 : Individu dont la raison manque de maturité ; qui ressemble aux fruits verts.

Tête-à-tête

Delvau, 1864 : Conversation à deux, qui a lieu n’importe où, dans une chambre, dans un fiacre, sur l’herbe, sur une chaise, — et la plus éloquente, puisqu’on n’y parle pas, ou qu’on y parle peu, et qu’en revanche on y agit beaucoup. J’eus pourtant malgré tout cela quelque tête-à-tête impromptu avec Sa Grandeur. Il est si doux d’escamoter de temps en temps quelque chose d’une rivale qui en fait autant.

Tête-bêche (faire)

Delvau, 1864 : Se placer de façon que la tête de l’homme soit entre les cuisses de la femme, a la hauteur de son con, qu’il gamahuche, et que la tête de la femme soit entre les cuisses de l’homme, à la hauteur de sa pine, qu’elle suce.

Mais quand parfois il trouvé une motte bien fraîche,
Ce qu’il aime avant tout, c’est faire tête-bêche.

(L. Protat)

Téter

Delvau, 1866 : v. n. Vider une bouteille, dans l’argot du peuple, qui prétend que le vin est « le lait des vieillards ». Oui, des vieillards — et surtout des adultes.

Rigaud, 1881 : Boire. — Donnez-y donc à téter à ce soulot et qu’il ne gueule plus !

France, 1907 : Boire. Téter la négresse, boire à même à la bouteille, ou à la peau de bouc, récipient goudronné que l’on donne aux troupes à cheval de l’armée d’Afrique.

Tette, tette la négresse,
Vide, vide son téton.

 

Et il me tendit sa peau de bouc, toute juteuse du vin qu’elle recélait.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Téter une goutte

Virmaître, 1894 : Faire téter une goutte, à quelqu’un : le battre. Boire une goutte : se noyer. Au régiment quand un soldat est atteint de la nostalgie, les camarades lui disent :
— Tu voudrais bien aller téter une goutte.
Téter une goutte,
boire un verre sur le zinc (Argot du peuple). N.

Têtes de clou

Delvau, 1866 : s. f. pl. Caractères déformés par un long usage. Argot des typographes.

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Vieux caractère usé, bon à mettre à la fonte.

Têtes de clous

Virmaître, 1894 : Caractères usés, qui n’en peuvent plus.
— Il est rien dégueulbif, le canard que nous composons avec des têtes de clous (Argot d’imprimerie).

Têtes de veau

Rossignol, 1901 : Les militaires condamnés à une peine de travaux publics, à la suite d’un conseil de guerre. Tête de veau, parce qu’on leur laisse toute la barbe et qu’on leur rase la tête.

Têtes longues, enfants de Paris

France, 1907 : Vieux dicton du XVIIe siècle qui se termine ainsi :

Ou tous sots ou grands esprits.

Têtets

France, 1907 : Seins.

Les durs têtets des nourrices font les enfants camus.

(Rabelais)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique