Tenir

Tenir

d’Hautel, 1808 : Il est bon par où je le tiens. Se dit en plaisantant d’un enfant espiègle, égrillard, vif et malicieux.
Se tenir les côtes des rire. Rire à gorge déployée, d’une manière démesurée.
Tenir quelqu’un dans sa manche. Pouvoir en disposer souverainement, pouvoir compter sur lui.
Tenir quelqu’un le bec dans l’eau. L’amuser par de vaines promesses, le tromper par de fausses espérances.
Tenir le bon bout. Pour dire être nanti, avoir ses sûretés ; pouvoir faire la loi aux autres.
Il n’y a rien qui tienne. Pour dire aucune considération ne peut empêcher cette résolution.

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Tenir l’affiche, se dit d’un auteur qui a du succès et dont les pièces reparaissent souvent sur l’affiche.

Voici maintenant dix-sept ans bien comptés qu’il (M. V. Sardou) tient l’affiche, comme on dit dans le familier langage des coulisses.

(Revue des Deux Mondes, 1er mars 1877)

Tenir (en)

Larchey, 1865 : Aimer d’amour.

Est-ce de l’amour ? Alors, il faut qu’elle en tienne furieusement, puisqu’elle fait de tels sacrifices.

(Ricard)

Delvau, 1866 : Avoir de l’amour pour quelqu’un, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Être amoureux. — Je crois qu’elle en tient pour lui. — Être trompé par sa femme. Mot à mot : tenir des cornes. — Et vous dites que sa femme l’aurait… Il y a beau jour qu’il en tient.

France, 1907 : Être amoureux.

Sans intention libertine,
Sans calcul coupable et trop clair,
J’en tiens pour Auclert Hubertine…
Ou bien Hubertine Auclert.

(Beausapin)

Tenir à 40 sous avec son croque-mort (se)

Delvau, 1866 : Se débattre dans l’agonie, ne pas vouloir mourir. Cette expression, aussi cynique que sinistre, est du pur argot de voyou. Si je ne l’avais entendue de mes oreilles, je l’aurais crue inventée.

Tenir à l’œil

France, 1907 : Surveiller.

Tenir à quatre (se)

Delvau, 1866 : Se contenir tout en enrageant ; ne pas oser éclater. Argot du peuple. On dit aussi Être à genoux devant sa patience.

Tenir bien sur ses ancres

Delvau, 1866 : v. n. Être en bonne santé, — dans l’argot des marins.

Tenir dans sa manche

France, 1907 : Voir Paire de manches.

Tenir l’affiche

France, 1907 : Se dit d’un auteur dont la pièce a du succès : Il tient longtemps l’affiche.

Ce serait le cas peut-être de recourir à l’équation fameuse du barbier de Beaumarchais, et de se poser ce problème : À la valeur littéraire de la plupart de ceux qui détiennent l’affiche à Paris, combien y en a-t-il qui pourraient être de simples journalistes de talent ?

(Émile Bergerat)

Tenir la chandelle

Delvau, 1864 : Avoir des complaisances honteuses pour un commerce de galanterie ; se faire maquereau.

Quand vous venez, à Fabrice dit-elle,
Me faire tenir la chandelle
Pour vos plaisirs jusque dans ma maison.

(La Fontaine)

À son destin j’abandonne la belle,
M me voilà ; des esprits comme nous
Ne sont pas faits pour tenir la chandelle.

(Parny)

Tu m’as pris pour un imbécile… Comment ! moi j’irais tenir la chandelle !

(Jaime fils)

Delvau, 1866 : v. a. Être témoin du bonheur des autres, sans en avoir sa part ; servir, sans le savoir, ou le sachant, une intrigue quelconque. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Manger son pain sec au fumet du bonheur d’un couple. Variante : Marquer les points.

La Rue, 1894 : Servir une intrigue. Être témoin du bonheur d’un autre.

Virmaître, 1894 : Mari complaisant qui sait que sa femme le trompe et qui accepte ça très tranquillement. L’amant de cœur d’une fille entretenue. Ils tiennent la chandelle (Argot du peuple).

France, 1907 : Servir complaisamment les amours d’autrui ; assister aux joies amoureuses des autres sans y prendre part, comme quelqu’un qui tiendrait une lumière pour éclairer les ébats de deux amants.

Ils ont d’ailleurs des procédés variés, ces messieurs : l’un fait serrer les poucettes au patient par les gendarmes, l’autre lui procure une entrevue avec sa maîtresse et tient la chandelle. Je ne parle pas du coup du téléphone, c’est une espièglerie sans importance.

(Gil Blas)

Jadis vivait à la Villette
Un gros et solide épicier,
Vieux roublard à l’air finassier
Vendant force poivre et tablette,
Aux côtés de ce bon messier,
Sa femme — une gente poulette —
Toute mignonne et rondelette,
Faisait l’office de caissier.
Comme elle était fort accessible,
Le bénéfice était sensible
Et le mari toujours charmant,
Il laissa faire l’infidèle,
Sachant qu’on gagne sûrement
À tenir ainsi la chandelle.

(Gil Blas)

Tenir la corde

Delvau, 1866 : v. a. Être le succès, le héros du jour, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunte cette expression aux sportsmen.

France, 1907 : Marcher en tête, dépasser ses concurrents.

Tenir la dragée haute

France, 1907 : « Expliquer aux bonnes gens, inavisés des choses de lettres, pourquoi on en arrive à tenir ainsi, pendant quarante-sept ans, la dragée haute à un ouvrage, parce que cet ouvrage est le plus original et le préfère de son auteur, et uniquement à cause de cette préférence, ce serait les initier à des mœurs théâtrales si honteuses pour la profession qu’il vaut mieux les couvrir d’un voile. »

(Émile Bergerat)

Tenir la jambe à quelqu’un

France, 1907 : Retenir quelqu’un par des bavardages, des racontars.

Tenir le bec dans l’eau

France, 1907 : Bercer quelqu’un par de belles espérances, l’amuser, le faire attendre longtemps ce qu’on lui a promis.

Tenir le crachoir

France, 1907 : Bavarder.

J’aim’ pas les raseurs politiques ;
Faux radicaux, tas d’bonisseurs,
Fait’s vos discours à mes deux sœurs !
Je n’serai jamais d’vos pratiques
J’préférais Salis t’nant l’crachoir
Au Rochechouart !

(Victor Meusy)

Tenir le loup par les oreilles

France, 1907 : Se trouver dans une position embarrassante et dangereuse ; dicton tiré d’une locution latine : Tenere lupum auribus. Se dit encore pour : Surmonter une difficulté.

Tenir le mulet

France, 1907 : Attendre quelqu’un à la porte.

Durant qu’il attendait dans le carrosse, pour ne pas tenir le mulet, il s’accosta d’une voisine.

(Tallemant des Réaux)

Tenir sur le marbre

France, 1907 : On dit, dans le langage des journalistes et des typographes, qu’un article est tenu sur le marbre lorsqu’il est tout composé et prêt à paraitre quand se présentera l’actualité pour laquelle il a été rédigé à l’avance. C’est ainsi que quand on attend la mort d’un personnage de marque, on prépare an article biographique qui reste sur le marbre et se trouve ainsi tout prêt à paraître quand l’heure est venue.

Tenir sur les fonds

France, 1907 : Déposer, témoigner contre quelqu’un.

Tenir sur les fonts

Delvau, 1866 : Déposer comme témoin contre un accusé, — dans l’argot des voleurs. (V. Parrain.)

Tenir sur ses ancres

France, 1907 : Être solide, en bonne santé ; argot des gens de mer.

Un fort gaillard, cet abbé, bien bâti, larges épaules, large poitrine, tenant bien sur ses ancres, comme disent les marins.

(Confessions de l’abbé Ledru)

Tenir une maison

Delvau, 1864 : Avoir un bordel, qu’on autorise seulement les femmes à tenir, a leurs risques et périls : seul commerce qui aille bien !

Tu connais pas Morin, qu’est de la police ?… qui vit à Rouen, rue Ricardière, cont’ la rue aux Ours, avec eune femme qui tient eune maison.

(H. Monnier)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique