Delvau, 1866 : adj. Mou, — dans le même argot [des voleurs]. Tournée. Molle.
Tourné
Tourné
Tourne à gauche
Merlin, 1888 : Tailleur inhabile.
France, 1907 : Écervelé, individu sans convictions.
Tourne au tour
Vidocq, 1837 : s. m. — Tonnelier. Quelques tonneliers fabriquent des tonneaux si artistement faits, qu’ils peuvent être percés partout, et ne laisser échapper autre chose que de l’eau-de vie, et cependant un tonneau de cette espèce qui doit ordinairement contenir vingt-sept veltes de liqueurs, n’en contient que le tiers à-peu-près, le reste n’est que de l’eau. Ces tonneaux, destinés aux Voleurs et aux Solliceurs à la Goure, sont si artistement faits, qu’il est très-rare que la fraude soit découverte.
Ceux qui ne se servent pas de semblants tonneaux, se servent de vessies qu’ils introduisent vides dans le tonneau et qu’ensuite ils emplissent d’eau, de sorte que te tonneau ne contient que très-peu de liqueur ou d’huile.
Plusieurs épiciers de Paris qui avaient cru faire un excellent marché, n’avaient acheté qu’un tonneau fabriqué par un Tourneur au Tour, ou plein seulement de vessies. S’ils avaient eu la précaution d’introduire et de promener un bâton dans l’intérieur du tonneau qu’ils avaient acheté, cela ne leur serait pas arrivé.
Mais ils auraient dû avant tout se défier de ces hommes qui vendent des huiles où des spiritueux au-dessous du cours, il y a presque toujours un piège de taché sous leurs offres séduisantes.
Tourne-à-gauche
Delvau, 1866 : s. m. Homme sur le caractère duquel on ne peut compter, girouette. Argot du peuple.
Tourne-autour
Larchey, 1865 : Tonnelier (Vidocq). — Allusion au mouvement habituel imposé par son métier.
Delvau, 1866 : s. m. Tonnelier, — dans le même argot [du peuple].
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Tonnelier.
Tourne-bride
France, 1907 : Est toujours l’endroit où un chemin de village ou d’écart rejoint la grande route. Tout village qui ne communique pas directement avec la ville a nécessairement un chemin qui rejoint la route par le plus court, par conséquent perpendiculairement ou à peu près, si bien que, arrivé à ce point, toujours le conducteur tourne bride d’une manière très accentuée.
(E. Pfeiffer, Recherches sur l’origine et la signification des noms de lieux)
Tourne-broche
France, 1907 : Machine à vapeur des petits bâtiments de commerce.
Mais allez donc dormir dans une boîte de dix pieds carrés séparée de la machine par une simple cloison en tôle mince, qui ne sert de rempart ni au bruit du tourne-broche, ni même à la chaleur ! Mieux valait rester sur le pont…
(A. Verchin, Sept jours en torpilleur)
Tourne-broche (remonter le)
France, 1907 : Rappeler à l’ordre.
Tourne-clef
France, 1907 : Casse-tête ; argot des voleurs.
Tourne-vis
Fustier, 1889 : Gendarme. Argot des malfaiteurs.
Le gendarme est naturellement l’obsession du repris de justice ; il le voit partout et l’a baptisé d’un nom caractéristique ; le tourne-vis.
(Figaro, février 1885)
La Rue, 1894 : Gendarme. Chapeau à cornes.
Virmaître, 1894 : Chapeau à cornes que portent les gendarmes. Ce terme s’est généralisé, il est employé pour tous les chapeaux quelles que soient leurs formes (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : V. Hirondelle de potence.
Tournée
Larchey, 1865 : Pile, correction faisant tourner et retourner la victime.
Après, je donne une tournée à la Chouette. Je tiens à ca.
(E. Sue)
Danse et Walse offrent la même image.
Larchey, 1865 : Rasade offerte à l’assistance devant le comptoir du marchand de vins. — La tournée est une rasade qui fait le tour de la compagnie assemblée. On a voulu y voir une allusion à la petite roue qui offre aux buveurs le moyen de jouer leur consommation sans quitter le comptoir du marchand de vins. mais alors le terme offrir ou payer une prochaine tournée, qui est fort usité, serait un non sens. ce qui se joue ne peut s’offrir.
il offre une tournée au café Robert.
(Monselet)
Delvau, 1866 : s. f. Coups reçus ou donnés. Payer une tournée. Battre.
Delvau, 1866 : s. f. Rasade offerte sur le comptoir du marchand de vin, — dans l’argot du peuple. Offrir une tournée. Payer à boire.
Rigaud, 1881 : Politesse à coups de canon sur le comptoir du marchand de vin. Chaque camarade offre, à son tour, à la société, la consommation ; c’est ce qui constitue le tour ou tournée ; puis la tournée recommence. D’autres fois elle se joue au tourniquet. Certaines tournées du lundi, inaugurées à neuf heures du matin, ne sont pas terminées à une heure. — Tournée du mastroquet, le moment où le mastroquet s’exécute à son tour.
France, 1907 : Consommation offerte à plusieurs.
Oui… elle attend tout le monde : aux arrivants elle sourit, avec l’espoir qu’on lui offrira une tournée de la liqueur dorée qui miroite dans les flacons étagés au-dessus du comptoir. Si on lui parle, elle essaie de fixer son regard hébété sur son interlocuteur : ses lèvres ébauchent un sourire qu’elle veut rendre gracieux, et de sa voix trainante, enrouée et presque éteinte, elle murmure la même phrase stéréotypée dans sa bouche : « T’es bien gentil, paie-moi un verre de cognac. »
(G. Macé, Un Joli Monde)
France, 1907 : Raclée.
Un jour, exaspéré, Jean, voyant que le calme et la douceur n’amenaient aucun résultat, flanqua très carrément une gifle à sa femme, puis, comme elle s’obstinait, il réédita et, finalement, lui servit ce qu’en langage vulgaire on nomme une tournée.
(Henri Germain)
Tournée à la crèche
France, 1907 : Acte de sodomie.
Tournée de vitriol
Rigaud, 1881 : Tournée d’eau-de-vie.
Tournée des grands-ducs
France, 1907 : Visite que font dans les cabarets borgnes, les centres de misère et de vice, les personnages de marque en les hôtes princiers de la France, accompagnés d’agents de la Sûreté.
Cette tournée dans Les enfers parisiens, dit l’ancien chef de sureté Goron, est devenue presque classique. Combien de fois ai-je accompagné, dans ces promenades nocturnes, de hautes personnalités parisiennes !
Ils débouchaient cependant sans encombre dans le caveau où grouillait à cette heure matinale une étrange population plus que mêlée. Autour de tables en bois grossièrement équarri, inondées de liqueurs poisseuses, buvaient d’honnêtes maraichers et des souteneurs, des marchandes des quatre-saisons et des filles, des mendiants et des ivrognes des deux sexes.
Les uniformes de deux gardiens de la paix sommeillant sur leur chaise rassuraient dès l’entrée les mondains curieux de visiter cet endroit autrefois dangereux, compris maintenant dans la tournée des grands-ducs et surveillé en conséquence d’une façon moins apparente, mais plus efficace par de nombreux agents en bourgeois.
(Gorton-Busset, Croquis parisiens)
Tournée pastorale
Fustier, 1889 : Tournée qui a lieu en bande, le soir, après un bon dîner, dans des maisons hospitalières. La tournée pastorale implique ordinairement la flanelle.
France, 1907 : Visiter en compagnie de camarades les maisons de prostitution avec des intentions platoniques ; argot des faubouriens.
Tournée rouge
France, 1907 : Assassinat ; argot des escarpes.
Tournement de bras
France, 1907 : C’est, avec le collier de force, un coup des plus dangereux pratiqué par des lutteurs américains et interdit en France. Il consiste à vous prendre le bras, à le ramener dans le dos, à le tordre et à le remonter jusqu’à la nuque. Si le lutteur résiste au mouvement, « ne suit pas à la prise », comme on dit en termes de métier, son épaule est cassée net.
La théorie américaine est combinée de telle sorte qu’aucun lutteur de notre pays ne peut se dérober au tournement de bras.
(Georges d’Esparbès)
Tourner
d’Hautel, 1808 : Tourner le nez du côté de la marmite. Se disposer à aller dîner ; à se mettre à table.
Tourner casaque. Lâcher pied, tourner le dos, changer de parti.
Tourner autour du pot. Biaiser, ne pas aller, droit au but.
Il tourne comme une girouette. Se dit d’un homme inconstant et léger, sans caractère, sans volonté déterminée.
France, 1907 : Châtrer par torsion des testicules.
Tourner (faire)
anon., 1827 : Attraper.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Attraper, mystifier.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Attraper.
Rigaud, 1881 : Mystifier, se moquer.
Tourner au sur
France, 1907 : Mourir lentement.
Tourner autour du pot
Delvau, 1866 : v. n. N’oser parler franchement d’une chose ; hésiter avant de demander une grâce, un service.
France, 1907 : Hésiter.
Tourner casaque
France, 1907 : Abandonner son parti passer à l’ennemi, trahir.
Le duc de Savoie Charles-Emmanuel, dit le Grand, prenait pendant les guerres de la France et de l’Espagne sous le règne de Henri IV, tantôt le parti de l’une, tantôt celui de l’autre. Il avait un justaucorps ou casaque d’un côté blanc, de l’autre rouge. Quand il combattait avec la France, il mettait le côté blanc, avec l’Espagne le côté rouge. Ce prince peu fidèle dans ses amitiés était bossu, et comme il possédait le Piémont, pays montagneux, on fit sur lui le quatrain suivant :
Si le bossu mal à propos
Quitte la France pour l’Espagne,
On lui laissera de montagne
Que celle qu’il a sur le dos.
Profitant des troubles religieux de la France, il s’empara du marquisat de Saluces et reçut des ligueurs le titre de comte de Provence (1590). Henri IV, après une invasion en Savoie et en Piémont, le força de lui céder en échange de l’inutile marquisat la Bresse, le Bugey, le Valromey, le pays de Gex, c’est-à-dire tout le territoire de Lyon à Genève.
L’habitude de tourner la casaque était du reste celle de tous les déserteurs d’alors. On dit encore pour exprimer la versatilité politique ou la trahison : Vive le roi ! Vive la Ligue ! allusions aux guerres civiles de la Ligue sous Henri III et Henri IV, où nombre de gens passaient du côté du roi pour revenir aux ligueurs et vice versa.
Tourner de l’œil
Delvau, 1864 : Tourner La prunelle, Montrer le blanc des yeux en jouissant.
Tu tournes la prunelle…
Tu vas jouir… ma belle…
(Marc Constantin)
Larchey, 1865 : S’assoupir, mourir.
Trois ou quatre méchantes chopines… et ça tourne l’œil.
(Gavarni)
Du poison !… Allons, bois… tu vas tourner de l’œil tout de suite.
(Chenu)
Delvau, 1866 : S’endormir. Signifie aussi, par extension, Mourir.
Delvau, 1866 : Se pâmer, s’évanouir de plaisir.
Rigaud, 1881 : Mourir.
La Rue, 1894 : Dormir. Mourir. Se pâmer de plaisir.
Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mourir.
France, 1907 : Mourir.
Entre disciples d’Esculape :
— Comment faites-vous, cher confrère, pour être payé intégralement ?
— Je ne soigne que les belles-mères. Si elles en réchappent, leurs filles me payent bien ; si elles tournent de l’œil, leurs gendres me payent mieux.
Tourner en bourrique (faire)
France, 1907 : Affoler quelqu’un, le rendre idiot à force d’obsessions.
Le commandant est le gendre de la plus acariâtre des femmes. Oh ! cette irascible belle-mère ! Quel crampon, quelle calamité … Et on parle de la peste ! Mais, positivement, ce n’est là qu’un fléau bénin quand on lui compare l’insupportable, l’intolérable vieille dame en question.
« Il serait si heureux, son foyer serait si calme, si tranquille, sans Mme Dutromblon. Bavarde comme une pie, têtue comme un baudet, fourrant le nez partout, faisant de la morale en veux-tu en voilà, elle lasserait la patience de tous les saints du calendrier. Elle est tannante, assommante, rasante… Bref, elle le fait tourner en bourrique. »
(Le Régiment illustré)
La chose est problématique,
Obscure, étrange, mystique
Et fait tourner en bourrique
Plus d’un ecclésiastique.
(Grosclaude)
Tourner en eau de boudin
Delvau, 1866 : v. n. Se dit d’une chose sur laquelle on comptait et qui vous échappe, d’une entreprise qui avorte, d’une promesse qu’on ne tient pas. Faire tourner quelqu’un en eau de boudin. Se moquer de lui, le berner par des promesses illusoires.
Tourner l’œil
Rigaud, 1881 : Avoir envie de dormir.
Tourner la vis
Delvau, 1866 : v. a. Tordre le cou à quelqu’un.
France, 1907 : Étrangler.
Tourner le cadran
France, 1907 : Tourner le derrière.
Madame est fort amoureuse,
Mais près d’son époux, la nuit,
Ell’ se montre très boudeuse,
N’ayant pas d’attrait pour lui.
S’il veut tailler une bavette,
Elle lui tourne le cadran,
En s’écriant : « Tu m’embêtes,
J’ai bien assez d’mes amants. »
(A. Poupay)
Tourner le ciboulot
France, 1907 : Tourner la tôle, affoler.
Hélas ! dans quel art on la traîne,
Jehanne, la bonne Lorraine !
Et que les Français sont… Français !
Pendant des siècles ils l’ignorent,
Et puis tout à coup ils l’arborent,
Tombant dans un contraire excès.
Ils ne jurent plus que par elles :
Cette héroïque pastourelle
Leur à tourné le ciboulot,
Ils l’appliquent sur leur détresse
Et sur leur âme pécheresse
Ni plus ni moins qu’un rigolot.
Au moment où le pays sombre
Loin de son honneur ancien,
Ils croient que cette vierge sage
Va leur refaire un pucelage,
Si j’ose dire, avec le sien.
(Raoul Ponchon)
Tourner le cul à la mangeoire
France, 1907 : Refuser de profiter d’une bonne occasion ; expression des campagnes du Centre. On dit aussi tourner le cul au pain.
Tourner le feuillet
Rigaud, 1881 : Retourner aux fastes de Sodome.
France, 1907 : Se livrer à la pédérastie.
Tourner les pouces en rond
France, 1907 : Ne rien faire.
Nous, on veut pus se l’laisser mettre,
Vaut mieux s’tourner les pouc’s en rond :
Quand un larbin y parvient maitre,
L’est cor pus muff’ que son patron !
(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)
Tourner midi
France, 1907 : Manger avant midi ; expression des campagnes du Centre faisant allusion aux fiancés qui n’ont pas attendu la consécration du mariage pour se donner les plaisirs conjugaux, ce qui en d’autres termes s’appelle prendre un pain sur la fournée.
Tourner rond
France, 1907 : Manquer d’argent.
Tournet de nez
France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois au masque qui servait à cacher le visage des femmes, et remplaçait le voile. Il fut importé d’Italie en France au XVIe siècle. On l’appelait aussi cache-laide, coffin à roupies. En 1783, une ordonnance défendit aux femmes masquées de pénétrer dans les églises. Ce n’est qu’au milieu du XVIIIe que les masques des femmes commencèrent à disparaître pour faire place aux mouches, et la Révolution leur porta le dernier coup. Vivant comme toujours d’emphase et de grands mots, elle le proscrivit comme « attentatoire à la dignité humaine ».
Tournevis
Rigaud, 1881 : Chapeau à cornes. (L. Larchey)
France, 1907 : Chapeau de gendarme, allusion à la forme, et, par extension, gendarme.
France, 1907 : Soldat d’infanterie. Cette expression n’est plus usitée.
À la santé des gros talons,
Des tournevis et des canons !
(Vieille chanson militaire)
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