France, 1907 : C’est le proverbe des paresseux et des habiles : les paresseux se l’appliquent à eux-mêmes, persuadés que le bien vient en dormant, et les habiles en leurrant la foule docile et moutonnière. En attendant, on prend patience, on supporte la misère, on s’efforce de se persuader que sur la roue de la fortune le tour des bonnes choses finira par venir. Et la Mort arrive, et arrive à point.
Ce proverbe philosophique fait dormir les pauvres gens sur leurs deux oreilles : il est commode et consolant, aussi se trouve-t-il dans toutes les nations, même chez les Anglais, gens pratiques, qui marchent au but sans jamais croire que le but viendra les trouver : He that waits patiently comes off well at last, disent-ils. Et les Écossais : He that well bodes well betides.
Les Méridionaux et les Orientaux n’ont pas manqué, comme bien l’on pense, d’étaler dans le même sens leurs théories flegmatiques. Le monde est aux flegmatiques, disent franchement les Italiens (Il mondo è dei flemmatici). Et deux autres sentences viennent à l’appui de leur dire : Le monde est à celui qui a patience (Il mondo è di chi ha pazienza) ; asseyez-vous et croisez-vous les jambes, et votre tour viendra (Siedi e sgambetta, vedroi la tua vendetta), conseil que je ne recommanderais jamais à mes amis de suivre, bien qu’un proverbe russe semble devoir l’appuyer : « Aie patience, cosaque, tu deviendras hetman. »
Je préfère de beaucoup celui-ci :
No pains, no gains ;
No sweat, no sweet ;
No mill, no meal.
(Pas de peines, pas de gains ; pas de sueurs, pas de douceurs ; pas de moulin, pas de repas.)
Qui vital molam, vitat farinam, disaient les Latins. Et les Chinois sont encore plus expressifs : « Qui arrête la main, arrête la bouche. »
Tout ne vient donc pas à point à qui sait attendre, mais à qui sait lutter pour l’acquérir.
A punadas entran las buenas hados (la chance ne vient que par la force du poignet), prétendent avec raison les Espagnols.