Truc

Truc

Vidocq, 1837 : s. f. — Une des diverses manières de voler, profession d’un voleur.

un détenu, 1846 : Tout faire. Homme à truc : métier.

Halbert, 1849 : Industrie quelconque.

Larchey, 1865 : Manière de voler (Vidocq). — Du vieux mot truche (V. Roquefort). — La truche était l’art d’exploiter la pitié des gens charitables.

Grand Coësre, dabusche des argotiers et des trucheurs le grand maître, vivent les enfants de la truche ! vivent les enfants de l’argot !

(Vidocq)

Cette juxtaposition de truche et de argot confirme notre pensée sur l’origine de ce dernier mot… Argot n’est qu’une forme d’argue : ruse, subtilité. — Au moyen âge, les mots truffe, trulle et trut avaient le même sens de finesse et d’imposture. Ce dernier, qui ne diffère pas beaucoup de truc, se trouve, dès le quatorzième siècle, dans une chronique rimée du duc de Bretagne, Jean IV (Lobineau, t. II, col.730) :

François prenoient trop divers noms Pour faire paour aux Bretons, Mais ils avoient plus de viel Trut Que vueille truie qui est en rut.

V. Roustir, Lem. Notre société a adapté le mot truc, au théâtre c’est la machine destinée à produire un changement à vue, les féeries sont des pièces à trucs, pour un auteur dramatique, le truc est la science des détails. On dit d’un écrivain qui file la scène avec difficulté, qu’il manque de truc.

Delvau, 1866 : s. m. Ficelle, secret du métier, — dans l’argot des saltimbanques. Débiner le truc. Révéler le secret d’un tour.

Delvau, 1866 : s. m. Machine destinée à produire un changement à vue, — dans l’argot des coulisses. Signifie aussi Entente des détails et de la mise en scène.

Delvau, 1866 : s. m. Tromperie ; malice, — dans l’argot du peuple. Avoir du truc. Avoir un caractère ingénieux. Connaître le truc. Connaître le secret d’une chose.
Le truc était, au commencement du XVIIIe siècle, un billard particulier, plus long que les autres, et pour y jouer proprement il fallait en connaître le secret.

Rigaud, 1881 : Commerce infime en plein air, petit trafic de toute sorte d’objets sans valeur.

Le gamin de Paris fait tous les petits commerces qu’on désigne sous l’appellation de trucs. C’est sa qualité native.

(Ménetier, Les Binettes des cafés-concerts)

Rigaud, 1881 : Machine servant à produire un changement à vue au théâtre. — Le changement à vue lui-même. Les féeries sont des pièces à truc.

Rigaud, 1881 : Métier, — dans l’argot des voleurs. — À la Cour des Miracles le truc était un genre de vol qui consistait à dépouiller celui dont on implorait la charité.

Rigaud, 1881 : Ruse, mensonge ingénieux.

Est-ce que je ne connais pas toutes les couleurs ? J’ai le truc de chaque commerce.

(Balzac, L’Illustre Gaudissart)

Son chef-d’œuvre est l’invention du truc à l’amour.

(Mémoires de Thérésa)

Ce farceur de Mes-Bottes avait eu le truc d’épouser une dame très décatie.

(É. Zola)

Boutmy, 1883 : s. m. Façon d’agir, bonne ou mauvaise ; plus souvent synonyme de ruse, de tromperie : Tu sais, mon vieux, je n’aime pas ces trucs-là. Usité aussi dans d’autres argots. Piger le truc, découvrir la ficelle, la ruse. Rebiffer au truc, recommencer une chose déjà faite, à manger et à boire, par exemple.

La Rue, 1894 : Métier. Ruse, tromperie. Secret d’un métier, d’un tour. Petit commerce. Racolage.

Virmaître, 1894 : Connaître le truc, être malin. Avoir du truc, avoir les moyens de réussir. Truc : machine de théâtre employée dans les féeries pour un changement de décors à vue. Truc : moyen secret que possède un individu de faire quelque chose (Argot des camelots et des saltimbanques).

Hayard, 1907 : Signifie n’importe quoi, comme fourbi.

France, 1907 : Tromperie, ficelle, ruse, secret de métier. On appelait autrefois truc une sorte de billard qu’il fallait étudier et dont il était nécessaire de connaitre le secret pour pouvoir y jouer avec avantage.

— Si jamais Monsieur avait besoin de moi… et de mon associé, nous serions bons, là, pour n’importe quelle besogne… — et nous avons pas mal de trucs dans notre sac… et des fameux… — Il ne s’agit que d’y mettre le prix. — Monsieur nous trouverait à ses ordres.

(Xavier de Montépin, Le Mariage de Léone)

Lorsqu’un de ses protecteurs lui fait une scène et parle de la lâcher, la petite Simonne de L…, qui n’est pas une sotte, a trouvé un bon truc.
Elle se couche, absolument nue, devant la porte de son boudoir, en s’écriant d’une voix dramatique :
— Avant de sortir d’ici, Monsieur, vous me passerez sur le corps.
Ça lui a toujours réussi.

(Le Diable amoureux)

Truc (avoir du)

France, 1907 : Avoir de l’expérience dans son métier.

— Est-ce que je ne connais pas toutes les couleurs ? J’ai le truc de chaque commerce.

(Balzac)

Truc (boulotter le)

France, 1907 : Oublier la consigne.

Truc (débiner le)

Rigaud, 1881 : Révéler le secret d’un métier, les ruses d’un métier, la manière d’opérer.

Je vois que vous êtes du métier : ne débinez pas le truc.

(G. Escudier, Les Saltimbanques)

Maquiller le truc, organiser une affaire.

France, 1907 : Dévoiler le secret.

… Vous prenez un de ces vases d’élection et vous y jetez un petit carnet de coulissier bien gras ; puis vous en fermez le couvercle et vous le laissez fermenter dans un coin sans y penser davantage : tous les cinq ans, vous l’ouvrez, et avec une cuillère à pot, vous en ramenez de la représentation nationale, soit une infinité de petits députés députants, de petits sénateurs sénatorisants qui, au moindre rayon de soleil, grandissent en dansant et deviennent des ministres ministrants tels que nous, que dis-je, des candidats à la présidence, pour ensuite se répandre et pulluler dans l’administration, les postes lucratifs, les fonctions honorifiques, les consulats, ambassades et perceptions. Et voilà, Messieurs et Mesdames, tel est le truc du système et le système du truc. Nous avons l’honneur de vous le débiner, afin que vous sachiez par quoi nous avons remplacé les vagues régimes, monarchies ou empires…

(Émile Bergerat)

Truc (donner le)

Rigaud, 1881 : Donner le mot d’ordre, dans le jargon des voleurs. — Boulotter le truc, oublier le mot d’ordre ; c’est-à-dire manger la consigne.

Truc (faire le)

Fustier, 1889 : Argot des filles. Raccoler.

France, 1907 : Se prostituer.

— Y a bientôt deux ans que je fais le truc.
— Tu n’as donc plus ni père ni ni mère ?
— J’ai pas connu ma mère ; parait que c’était une chouette roulure : quant à mon p’pa, il aimait trop les bons coups, ça fait qu’il est à ‘hôpital des fous.
— Mais enfin comment vis-tu, où loges-tu ?
— Chez mon bon ami…
— Quel âge as-tu ?
— Douze ans.

(Henry Bauër)

Truc (grand)

Rigaud, 1881 : Assassinat. C’est-à-dire : grand moyen.

Puis au grand truc vous marchez en flaffant.

(Mémoires de Lacenaire, 1836)

France, 1907 : Assassinat.

Truc (piger le)

France, 1907 : Découvrir la fraude.

Truc (repiquer au)

Rigaud, 1881 : Recommencer. Récidiver.

France, 1907 : Recommencer, revenir à la charge.

Ainsi, tenez, la p’tite Hortense,
Ma femm’, me rend pèr’, l’an dernier,
Tout de suite, à part moi, je pense :
Enfin, j’tiens donc un hértier !
— Est-ce un fils ? dis-je à la sag’-femme.
— Non, c’est un’ fille, Monsieur Luc.
— Alors, tant pis ! dis-je à c’te dame ;
Je r’pique au truc !

(Jules Jouy)

Truc à la graisse

France, 1907 :

On nous dit que dans la presse
Y a des tas d’bas-bleus
Qu’écriv’nt des trucs à la graisse,
C’en est scandaleux.
Au sesque fort ce mond’ boude,
— Ça, c’est pas adroit !
Mais, si cell’s-là jouent du coude,
Dam’, c’est qu’c’est leur droit.

(É. Blédort)

Truc de la morgane et de la lance

Larchey, 1865 : Baptême. — Mot à mot : manœuvre du sel et de l’eau. V. Momir.

Trucage

Rigaud, 1881 : Art de la fabrication du vieux-neuf.

France, 1907 : Ruse, tromper.

Trucageur

Rigaud, 1881 : Fabricant d’antiquités, fabricant de vieux-neuf.

Et, surtout, défiez-vous du trucageur, ô millionnaires !… Le trucageur est un artiste modeste, bien différent des autres artistes ses confrères. Il fait du vieux avec du neuf, l’innocent.

(Ed. Texier)

France, 1907 : Fabricant de fausses antiquités ; argot populaire. On dit plus communément truqueur.

Trucard

France, 1907 : Habile, adroit ; qui connait le truc.

Truche

Delvau, 1866 : s. f. Manière de voler, — dans l’argot des prisons.

Virmaître, 1894 : Est une manière spéciale de voler. Le voleur qui la pratique est un trucheur (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Aumône.

France, 1907 : Mendicité. Le faire à la truche, mendier.

Je suis ce fameux argotier,
Le grand Coesre de ces mions,
J’entrerve truche et doubler
Dedans les boules et fremions.

(Chanson des argotiers)

Enfants de la truche, mendiants.

Vive les enfants de la truche,
Vive les enfants de l’argot.

(Même chanson)

Trucher

d’Hautel, 1808 : Caimander, gueuser, mendier par fainéantise.

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Demander l’aumône.

La Rue, 1894 : Mendier.

France, 1907 : Mendier ; vieux français.

Grenipille ou bien Misère,
C’est même chose en deux mots,
C’est de hameaux en hameaux
Traîner un ventre qu’on serre,
Pour soi-même et les marmots
Trucher le pain nécessaire,
Envier leur sort même aux
Plus pauvres des animaux,
Égrener le noir rosaire
Dont tous les grains trop gémeaux
Sont des maux, des maux, des maux…
Grenipille ou bien Misère,
C’est même chose en deux mots.

(Jean Richepin)

Trucher, tuner

Rigaud, 1881 : Mendier, — dans l’ancien argot.

Trucheur

d’Hautel, 1808 : Voyez Truand.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur.

Trucheur, tuneur

Rigaud, 1881 : Mendiant. — Trucheuse, tuneuse, mendiante. Truche, mendicité. La faire à la truche, implorer la charité. Les mots « trucher, trucheur », sont des dérivés de l’ancien mot truc. (V. truquer.)

Trucheux

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Gueux.

France, 1907 : Mendiant.

Qui veut rouscailler,
D’un appelé du grand Coesre,
Dabusche des argotiers,
Et des trucheux le grand maître ?

(Chanson des argotiers)

Trucider

France, 1907 : Tuer, massacrer ; vieux mot, du latin trucidare, même sens.

Je vous défie d’expliquer à l’enfant le plus intelligent, fût-ce à un jeune naturaliste, par où le viol est une vertu militaire et comment on peut ensemblement trucider une jolie femme et lui esquisser un enfant. Il y a là une erreur de logique accablante et désordonnée.

(Émile Bergerat)

Trucsin

Delvau, 1866 : s. m. Prostibulum, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Prostibulum.

France, 1907 : Maison de prostitution ; argot des malfaiteurs.

Truculent

Delvau, 1866 : adj. Énorme ; farouche, sauvage, — dans l’argot des romantiques, cette fois néologistes (truculentus). Le mot a été employé pour la première fois par Théophile Gautier.

France, 1907 : Image à sensation ; du latin truculentus, cruel.

Tous les huit jours, il venait, à la papeterie, prendre le Journal des Voyages, à cause des truculentes images qui représentaient le combat d’un lion et d’un rhinocéros, ou bien un serpent boa absorbant, en pleine forêt vierge, un gentleman vêtu de coutil, aver son casque de liège, ses bottes et sa carabine à deux coups.

(François Coppée)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique