Vi

Vi

Virmaître, 1894 : Voici ce que dit Mathurin Régnier :

Le violet tant estimé
Entre vos couleurs singulières.
Vous ne l’avez jamais aimé
Que pour les deux lettres premières.

À la prison de St-Lazare, une fille atteinte d’une maladie épouvantable, était incarcérée à l’Infirmerie. La sœur l’exhortait à changer de vie ; elle lui citait des exemples de conversions absolument édifiantes. La malade, impatientée, lui répondit :
— Ma sœur, il est trop lard pour changer de vie, il fallait me dire cela quinze jours plutôt ; je ne serais pas ici (Argot du peuple).

Via

France, 1907 : Voie, rue ; italianisme.

Et pourtant, dans tout ce quartier empestant l’anis, le blanc gras et l’alcool, c’est le défilé de toutes les rues célèbres dans les annales du crime et de la prostitution, la rue de la Bouterie, la rue Coutellerie, la rue Saint-Laurent, la rue de l’Amandier, la rue Ventomagy, enfin La vue d’Aline ou Pranzini, encore tout chaud de l’égorgement de Mme de Montille, alla bêtement s’échouer et se faire prendre avec sa passivité d’aventurier gras et jouisseur, en bon Levantin qu’il était, cet assassin à peau fine dont le cadavre adoré des femmes étonna même les carabins ; et puis autour de la place Neuve, la rue de la Rose (cette antithèse !) et toutes les via puantes affectées aux Italiens.

(Jean Lorrain)

Viande

d’Hautel, 1808 : De la viande à gens soûls. Alimens peu substantiels, peu solides : tels que les asperges, les concombres, et tout autre légume de ce genre.
On dit aussi dans un sens tout-à-fait semblable, de la viande creuse.
Montrer sa viande. Montrer des objets que la pudeur et la modestie prescrivent de dérober soigneusement aux regards.
Un mangeur de viande apprêtée. Un paresseux, un fainéant, qui aime à se divertir aux dépens des autres.

Delvau, 1864 : Femme publique.

Je vais connaître cette maison et savoir quelle viande il y a à son étal, à cette boucherie-la.

(Lemercier de Neuville)

Delvau, 1866 : s. f. La chair, — dans l’argot du peuple. Montrer sa viande. Se décolleter excessivement, comme font les demoiselles du demi-monde dans la rue et les dames du grand monde aux Italiens. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on emploie cette expression froissante pour l’orgueil humain. Tabourot, parlant du choix d’une maîtresse, disait il y a trois cents ans :

Une claire brune face
Qui ne soit maigre ny grasse,
Et d’un gaillard embonpoint,
Ne put ny ne picque point :
Voilà la douce viande
Qu’en mes amours je demande.

Rigaud, 1881 : La chair humaine. Montrer sa viande, se décolleter. — Cacher sa viande, cacher un sein qu’on ne saurait voir.

Cache donc ta viande que je mange mon pain !

(É. Zola)

La Rue, 1894 : Le corps humain, la chair. Soigner sa viande, se bien nourrir, avoir soin de soi.

Virmaître, 1894 : Chair. A. Delvau trouve que cette expression est froissante pour l’orgueil humain. Pourquoi donc ? Est-ce que la chair humaine n’est pas de la viande au même titre que celle de n’importe quel animal ? Quand une femme a une belle carnation, rose, fraîche, c’est un hommage que lui rend le langage populaire en disant :
— Ah ! la belle viande, on en mangerait.
C’est assez rare en cette fin-de-siècle, pour que ce mot soit accepté comme une louange et non comme une grossièreté (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Chair humaine. Celui qui tombe ramasse sa viande.

France, 1907 : Chair. Étaler sa viande, se décolleter. Être en viande, être bien en chair. Mettre sa viande dans le torchon, se coucher. Ramasser sa viande, tomber. Basse viande, femme laide, avachie, basse prostituée. Viande de morgue, individu bon à tuer ; se dit aussi pour miséreux, vagabond.

Une claire brune face
Qui ne soit maigre ni grasse,
Et d’un gaillard embonpoint,
Ne pue ny ne pique point :
Voilà la douce viande
Qu’en mes amours je demande.

(Les Touches du Seigneur des Accords, 1583)

Viande (habit à manger de la)

France, 1907 : Habit des dimanches, habit de fête. Cette vieille expression des campagnes du Centre indique d’une ligne la misère ou l’avarice des paysans qui ne mangent guère de viande que les dimanches et jours fériés ou lorsqu’ils se rendent à quelque noce, revêtant alors leurs plus beaux habits. Il a pris ses habits à manger de la viande, disent alors les voisins envieux.

Viande (montrer sa)

Larchey, 1865 : Se décolleter. — Traité dès 1808.

Viande (ramasser sa)

Rigaud, 1881 : Se ramasser. — Quand un voyou voit tomber quelqu’un, il ne manque pas de dire : « Ramasse ta viande ».

Viande à canon

Rigaud, 1881 : Soldat. — En temps de guerre le canon en fait une grande consommation. Sous le premier Empire, alors que la gloire coûtait à la France des monceaux de cadavres entassés sur les champs de bataille, on appelait les soldats : de la chair à canon.

Viande à macquart

France, 1907 : Vieux cheval bon pour l’abattoir. Voir Macquart.

Tu supportes sur ton garrot,
Maintenant, l’affreux tombereau,
Puant l’ordure ;
Galeux, tu traverses Paris.
Sous les coups et sous les mépris
Ton corps frissonne ;
Soudain sur les genoux, vanné,
Tu tombes, roi trop couronné,
Ton heure sonne,
C’est la fin ; tour y passe, car
Voici la botte,
Voici le trou… Voici Macquart,
Meurs, Cocotte.

(Sémiane)

Viande dans le torchon (se coller la)

Rigaud, 1881 : Se coucher, — dans le jargon de MM. les voyous.

Viande de l’homme (la)

Delvau, 1864 : Son membre, dont les femmes sont si friandes et qu’elles mettent si volontiers cuire dans leur four avec son jus.

Mais sans un bon morceau de viande,
Fille a toujours le ventre creux.

(Marcillac)

Ainsi que l’a dit un grand saint,
À l’homme s’il faut du bon vin,
À la femme il faut de la viande.

(A. Watripon)

Pour moi, je ne suis point friande
De tout ce gibier que l’on vend,
Ne m’importe quelle viande
Pourvu qu’elle soit du devant.

(Théophile)

Tu n’ me l’ mettras pas, Nicolas,
Je n’aime que la viand’ fraîche.

(J.-E. Aubry)

Viande de morgue

Rigaud, 1881 : Personne qui commet des imprudences. Vagabond, coureuse sans feu ni lieu.

Le marinier Lausard lui cria même ; Viande de morgue, rangez-vous donc !

(Liberté, du 25 août 1877)

Viande de seconde catégorie, basse viande

Rigaud, 1881 : Femme dont les chairs sont bouffies et molles.

Viatique

Fustier, 1889 : « Littré appelle viatique l’argent qu’on donne aux religieux pour leurs dépenses de voyage. Enlevez les religieux, expulsez-les, remplacez-les par des joueurs et vous aurez la véritable signification du mot en langage monégasque. »

(Revue politique et littéraire, 1882)

France, 1907 : Somme d’argent que l’on donne dans les grosses maisons de jeu, telles que celle de Monte-Carlo, aux joueurs décavés, afin qu’ils puissent rentrer chez eux. C’est généralement le prix du voyage ; d’où le nom, du latin viaticum, provision de route.

À Monac’ si t’es pas bourrique,
Soutire trois fois le viatique.

(Hogier-Grison)

Viatique vert

Fustier, 1889 : Absinthe.

Le commandant Monistrol se versant, au moment d’expirer, le viatique vert.

(Th. de Banville)

Viauper

Rigaud, 1881 : Pleurer, pleurer comme un veau.

La Rue, 1894 : Pleurer (comme un veau).

Virmaître, 1894 : Oublier fréquemment le chemin de l’atelier pour viauper chez les marchands de vins.
— Que fait la fille ?
— Ah ! ne m’en parle pas ; elle viaupe avec Pierre et Paul.
Mot à mot : viauper, faire la vie.
Faire la vie à quelqu’un, c’est lui faire une scène désagréable.
Lui rendre la vie dure, c’est le tourmenter, lui refuser à manger, être cruel (Argot du peuple).

Viausser

France, 1907 : Faire la noce ; argot faubourien.

Vice

d’Hautel, 1808 : Il n’a qu’un vice. Métaphore ironique pour dire qu’un homme les possède tous.
C’est un vice de clerc. Pour dire une faute d’écriture.

Delvau, 1866 : s. m. Imagination ; ingéniosité ; astuce, — dans l’argot du peuple, qui sait que l’intelligence est un don souvent fatal. Avoir du vice. Être très malin, — c’est-à-dire sceptique en amour, en amitié, en politique et en morale. On dit aussi : Avoir du vice dans la toupie.

Vice (aller au)

Rigaud, 1881 : Aller chez une fille de joie.

France, 1907 : Aller sacrifier à Vénus avec des filles de joie.

Vice (avoir du, montrer du)

Delvau, 1864 : Avoir l’esprit tourné vers les choses de la fouterie ; avoir pratiqué l’homme quand on est femme, la femme quand on est homme.

Tout jeune, il montra bien du vice,
Quand, perdu dans une forêt,
Au lieu du sein de sa nourrice,
Il se tétait le flageolet.

(Al. Pothey)

Vice (avoir du)

Larchey, 1865 : Être ingénieux.

A-t-il du vice, ce mâtin de Couturat.

(De Goncourt)

Nonore, un petit avorton de femme qui a la réputation d’avoir du vice.

(Ces Dames)

Rigaud, 1881 : Avoir de la malice.

La femme qui a un peu de vice, s’émancipe tôt ou tard de la tutelle d’une maîtresse de maison et travaille pour son compte.

(E. de Goncourt)

France, 1907 : Être malin, astucieux : argot populaire.

La gamine n’avait pas plus de douze ans, mais elle avait déjà du vice en diable et faisait voir le tour à père et mère.

(Les Joyeusetés du régiment)

On dit aussi avoir du vice dans da toupie.

Vice (en avoir)

Virmaître, 1894 : Roué qui la connaît dans les coins.
— On ne me la fera pas, j’ai trop de vice.
Cela est la cause d’un mauvais calembourg par à peu près :
— Les serruriers sont les ouvriers les plus malins du monde, parce qu’ils ne manquent jamais de vis (Argot du peuple).

Vice-race

Halbert, 1849 : Vicaire.

Vice-rase

France, 1907 : Vicaire : argot des voleurs.

Vice-Versailles

Rigaud, 1881 : Vice-versa. Jeu de mots par à peu près.

Vicelot

Vidocq, 1837 : s. m. — Petit vice, défaut de peu d’importance.

Delvau, 1866 : s. m. Petit vice, défaut peu grave.

Virmaître, 1894 : Gavroche qui a tous les vices en germe ; il est trop jeune pour qu’ils soient développés. Dans les ateliers, on dit du gosse :
— Il est si vicelot qu’il en remontrerait à père et mère (Argot du peuple).

France, 1907 : Petit vice. (A. Delvau.) Gavroche qui un tous les vices en herbe. (Ch. Virmaître)

Vicieux (être un)

Delvau, 1864 : Ne songer qu’aux choses de la fouterie.

Qu’est-ce donc qui vous prend ?… Vous êtes donc aussi un vicieux !

(Tisserand)

Victoire

d’Hautel, 1808 : Crier victoire. S’enorgueillir, se glorifier, faire le fanfaron, se trop prévaloir de quelque succès.

Larchey, 1865 : « Quant à la chemise, c’est au marché Saint-Jacques, chez Mlle Victoire, qu’ils (les chiffonniers) vont la chercher. Ils l’appellent du nom de la marchande, une victoire. Elle leur coûte dix sous ; quelquefois moins, jamais plus. »

(Berthaud)

Delvau, 1866 : s. f. Chemise, — dans l’argot des chiffonniers, qui ont voulu consacrer ainsi le souvenir d’une marchande du faubourg chez laquelle ils se fournissaient.

Virmaître, 1894 : Chemise. Ce mot n’est pas employé, comme le dit A. Delvau, pour consacrer le souvenir d’une marchande qui fournissait les chiffonniers.
— Victoire ! J’ai enfin pu gagner de quoi m’acheter une limace pour balancer celle que je porte depuis six mois (Argot des chiffonniers).

Victoria

Delvau, 1866 : s. f. Voiture découverte à quatre roues, — dans l’argot des cochers. C’est une façon de milord.

Vidange

Delvau, 1866 : s. f. Accouchement, — dans l’argot des voleurs. Largue en vidange. Femme en couches.

Virmaître, 1894 : Accouchement.
— Ma femme est en vidange.
Mot à mot : elle se vide.
Elle est en vidange, car il faut qu’il se passe quelques semaines avant de la remplir à nouveau (Argot du peuple). N.

Vidange (largue en)

France, 1907 : Femme en couches.

Vide

d’Hautel, 1808 : Charger à vide. Locution dont les cochers se servent pour dire qu’on les a pris sur place, n’ayant personne dans leur voiture.

Vidé

France, 1907 : Débauché qui a usé et abusé de la vie ; qui s’est ruiné dans les excès le corps et le cerveau.

— De deux choses l’une, Éliane, car j’y songe souvent et le dilemme me tracasse, au moins comme tuteur, ou celui que tu prendras sera riche, ou il sera pauvre. S’il est riche, et, pour l’être en ce cas, il faut que sa fortune équivaille à la tienne, c’est d’avance et sûrement un crétin, un vidé où une canaille !… Donc, ou il t’assommera, ou il te fera des enfants phtisiques, ou il te tuinera ! Oh ! quelle belle société que la ploutocratique !… S’il est pauvre, c’est un lâche en cinq lettres ! On ne s’empare pas, sans être tel, sous prétexte d’amour, d’un sac de trois cents millions.

(Émile Bergerat, Le Chèque)

Vidé (être)

Rigaud, 1881 : Être ruiné. — Ne plus produire rien qui vaille, dans le jargon des hommes de lettres. Variante : Ne plus rien avoir dans le ventre.

Je lis ses chroniques… C’est d’un toc !… Il n’a rien dans le ventre, ce garçon-là.

(A. Dreyfus, La Vie moderne, du 24 avril 1879)

Robinet est vidé.

(Id. Ibidem)

Vide chambre, femme folle

France, 1907 : Chambre vide est l’indice de misère, et la misère pousse la femme à la prostitution. Folle est employée ici dans le sens biblique, c’est-à-dire femme folle de son corps.

Vide-bouteille

France, 1907 : Petite maison dans un petit jardin où les petits bourgeois se réunissent en famille pour s’y divertir le dimanche et les soirs des beaux jours. C’est ce qu’on appelle cabanoun sur les bords de la Méditerranée.

Vide-budget

France, 1907 : Fonctionnaire, employé gouvernemental. On dit aussi bouffe-galette.

Le rond-de-cuir, dont trente années de république et de boniments électoraux n’ont pas réussi à nous débarrasser, le hideux rond-de-cuir, flétri par les chroniqueurs, ridiculisé par les satiristes, honni par les romanciers, n’est pas seulement la plaie gangrenée qui résiste à tous les onguents de la pharmacopée démocratique, l’intrépide vide-budget que nul régime ne supprimera ; il est encore, parfois, la bête puante qui se venge d’être inutile en tâchant d’être nuisible.
L’engeance bureaucratique, j’entends celle qui émarge aux fonds nationaux, la troupe oisive et affairée des ministères et des établissements de l’État, qui ne s’arrête d’être sotte et insolente que pour user l’encre et le temps que nous lui pavons à des méchantes besognes, est seule visée ici !
J’épargne et j’excepte la théorie des besogneux des grandes administrations, l’immense et résignée légion des gagne-petit, condamnée au linge propre, aux redingotes présentables, aux diners de gargote, et aux travaux abétissants.

(Mentor, Le Journal)

Video lupum

France, 1907 : Je vois le loup, Locution latine employée quand on voit une personne désagréable et dont on parle au même moment.

Vider

d’Hautel, 1808 : Vider les pots et les verres. Pour dire faire ripaille ; boire avec excès.

Fustier, 1889 : Assommer, tuer.

On dut s’interposer ; la mère Teston perdant toute mesure, ne parlait de rien moins que de le vider. (Huysmans, les Sœurs Vatard)

La Rue, 1894 : Assommer. Tuer.

Vider (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Vider le plancher

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller de quelque part, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : S’en aller.
— Mon p’tit, ça ne marche plus, tu vas vider le plancher (Argot du peuple).

Vider sa poche à fiel

Virmaître, 1894 : Soulager son cœur, dire tout ce que l’on pense sans ménager ses expressions (Argot du peuple). N.

Vider son panier à crottes

Virmaître, 1894 : Satisfaire un besoin. Il est aussi agréable de vider son panier que de l’emplir (Argot du peuple).

Vider son petit porteur d’eau

Virmaître, 1894 : Expression employée dans les couvents par les jeunes filles, pour dire qu’elles ont un petit besoin à satisfaire (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Expression employée dans les couvents par les jeunes filles, pour dire qu’elles ont un petit besoin à satisfaire. (Ch. Virmaître)

Vider un homme

Delvau, 1866 : v. a. Le ruiner, — dans l’argot des petites dames.

Virmaître, 1894 : Il y a plusieurs manières de le vider. On lui vide son porte-monnaie. On le vide en le surmenant. Une maîtresse amoureuse le vide, et quand il rentre au domicile conjugal, sa femme peut le fouiller… et elle aussi (Argot du peuple). N.

Vidourser

Virmaître, 1894 : Terme employé dans les ateliers pour qualifier un peintre qui ne se préoccupe, en peignant son tableau, ni du ton ni de la perspective. Il le vidourse, il le lime, il le lèche. Allusion à la fameuse expression : Il est poli comme un vi d’ours. De là : vidourser (Argot des artistes). N.

Vie

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas pour deux liards de vie. Signifie, il est d’une très foible complexion ; il est continuellement malade, valétudinaire, cacochyme.
Faire une belle vie ; une vie d’enragé. Criarder, quereller continuellement ; vivre ensemble comme chien et chat.
Vie de cochon, courte et bonne. C’est-à-dire vie débauchée et crapuleuse, dont on abrège les momens par ses dérèglemens.
Une vie de Bohême. Vie de misérable ; de bandit, de réprouvé.
Il me fait enrager ma vie. Pour, il me contrarie, m’impatiente, m’excède.
Cacher sa vie. Avoir une conduite secrète et mystérieuse.
Faire la petite vie. Se livrer au libertinage, à la débauche.
Être de grande vie. Pour être d’une grande dépense ; vivre dans le luxe et l’éclat.
Faire vie qui dure. Mener joyeuse vie, ne pas penser aux maux à venir.

Vie (faire la)

Delvau, 1866 : S’amuser plus que la morale et la santé ne le permettent ; se débaucher, les femmes avec les hommes, les hommes avec les femmes.

France, 1907 : Se livrer à la débauche, chanter en action Vive le vin, l’amour et le tabac !

Elles causèrent, elles parlèrent de Suzanne… mise dans un atelier de couture, et qui, au bout de six mois, s’était envolée, pour faire la vie… Faire La vie, c’étaient des orgies de sirop de groseille et d’eau de Seltz, au milieu d’une débandade d’hommes, des douzaines vous passant à la file sur le corps, dans des arrière-boutiques de marchande de vin.
— Oui, ma chère, c’est comme ça !

(Émile Zola, La Terre)

Vie (faire une)

Larchey, 1865 : Faire tapage. — Faire la vie :

Mener une vie débauchée.

(d’Hautel)

Vie de bâtons de chaise

France, 1907 : Vie désordonnée, conduite scandaleuse ; allusion aux excès des gens ivres qui cassent tout et brisent les chaises dans leur folie bachique. On dit aussi noce de bâtons de chaises.

— Une farceuse, vous savez, Mme Wasly. Elle nous la fait à la pose et à la vertu et elle mène une vie de bâtons de chaise. Oui, oui, en cachette de sa belle-mère chez qui elle habite.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Vie de chien

Delvau, 1866 : s. f. Conduite déréglée, crapuleuse. Faire ou Mener une vie de chien. Vivre dans le désordre et le vagabondage. Les Anglais ont la même expression, dans le même sens : to lead a dog’s life. On dit aussi Faire une vie de polichinelle.

France, 1907 : Conduite déréglée, licencieuse. Mener une vie de chien, vivre dans le désordre. Le chien a passé de tous temps comme un exemple d’impudicité et de cynisme. Les anciens disaient : œil de chien, pour indiquer l’effronterie, et le cynisme du regard ; c’est ainsi qu’Achille, furieux de l’enlèvement de la belle Briséïs, appelle Agamemnon.

Vie de patachon

Virmaître, 1894 : Mettre les petits plats dans les grands. Mener la vie à grandes guides. Faire une vie de bâtons de chaises. Mot à mot : faire une vie de chien, comme si la vie n’avait pas de lendemain (Argot du peuple). N.

Vie de polichinelle

France, 1907 : Vie désordonnée, conduite sans frein. Synonyme de vie de patachon ou de bâtons de chaise.

C’était une bourgeoise fort appétissante, blonde, blanche, dodue, beaucoup de malice bonne enfant, dans l’œil très vif et dans le sourire qui découvrait de fort jolies dents. Elle manquait assurément de race, mais était néanmoins charmante dans son bel épanouissement de jeunesse et de santé. Putois la négligeait, d’ailleurs, pour mille raisons dont la plus effective était qu’il avait mené, en son temps, une vie de polichinelle et était médiocrement conservé.

(Armand Silvestre)

Vie de polichinelle (faire une)

Virmaître, 1894 : Avoir une conduite déréglée, se saouler, courir la gueuse, se battre ; en un mot, mener une vie désordonnée. On sait que le polichinelle du guignol lyonnais est le type parfait du bambocheur (Argot du peuple). N.

Viédase

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et grossier, qui signifie poltron, vaurien, ignorant. Ce mot dans l’origine signifioit figure d’âne.

Viedaser

France, 1907 : Lanterner, traîner dans son travail ; vieil argot.

Viédaser

d’Hautel, 1808 : Ne faire rien qui vaille, se battre les flancs, s’amuser à la moutarde.

Rigaud, 1881 : Faire traîner un ouvrage en longueur, travailler avec nonchalance. (XVIIe et XVIIIe siècles.)

Viédaze !

France, 1907 : Exclamation méridionale signifiant littéralement membre d’âne ; on la retrouve en Lorraine sous la forme vieudace, en picard viez d’az. Rabelais écrivait vietdaze.

Je connais des patelins — les Landes, le Gers, par exemple — où la dime existe encore de fait, sinon de droit, et est restée ancrée dans les usages locaux. Dans l’Armagnac, des ratichons de campluche se font des deux et trois pièces d’eau-de-vie — de quoi téter une rude goutte, dirait l’évêque Soulard.
Mais ces vieilles coutumes se perdent de jour en jour, heureusement, viédaze !

(Le Père Peinard)

Vieille

Larchey, 1865 : Vieille eau-de-vie. — Vieux de la vieille :

Vieux soldat de la vieille garde ; le vieux de la vieille comme on dit.

(Balzac)

Ma vieille : Mon vieil ami.

Eh bien ! Raoul, ma vieille, comment que ça va.

(Jaime)

L’emploi de ce féminin a sans doute paru plus tendre. On dit aussi vieux. V. Ému, Cocarde. — Vieux : Amant d’un âge mûr. V. Monsieur.

Delvau, 1866 : s. f. Eau-de-vie qui devrait avoir cent sept ans et qui n’a que quelques mois.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie vieille, vieux cognac.

Rigaud, 1881 : Mère, — dans l’argot du peuple.

Vieille (elle est)

Rigaud, 1881 : La plaisanterie, l’histoire est vieille, connue.

On me dit : madame est au bain. Je dis : elle est trop vieille celle-là !

(Th. Barrière et Lambert Thiboust, Les Jouisses de l’amour)

Vieille (ma)

Delvau, 1866 : s. f. Expression de tendresse banale employée entre hommes, — je me trompe, entre cabotins.

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié. C’est-à-dire vieux de la vieille garde, ancien camarade, — dans le jargon des cabotins. — Un vieux pilier de café m’a assuré que le mot était employé par allusion à la vieille eau-de-vie, que les habitués aiment beaucoup ; d’où quelqu’un pour qui on a de l’affection ou simplement de la sympathie devient « votre vieille ».

Apollon, Épicure et le sultan Belboula se succèdent en s’appelant ma vieille.

(Monselet, Acteurs et actrices)

Bientôt le café fut plein… il y avait des renommées, même des gloires… hommes et femmes s’appelaient ma vieille, ma petite vieille. C’est courant, et il y a longtemps que cela dure.

(L. Veuillot, Les Odeurs de Paris)

Vieille barbe

France, 1907 : Sobriquet donné aux hommes qui ont pris part à la révolution de 1848 et qui furent en grande partie condamnés à la déportation par la haute cour de justice de Bourges et amnistiés en 1859. Avec Albert Martin, connu sous le nom de « l’ouvrier Albert », mort à Mello (Oise) en mai 1895, à l’âge de quatre-vingts ans, disparut la dernière vieille barbe de 48.

Cette histoire si proche de nous a été la plus fausse, la plus dénaturée, la plus absurdement interprétée par tous les poux de la vieille barbe. Et ce qu’il y a de plus écœurant, c’est que la vieille barbe n’était pas sincère. Elle convoitait tout bonnement, cette vieille barbe, la succession des « tyrans » et des « sbires ». Elle maudissait et dénonçait les hommes d’argent parce qu’elle avait à son tour un vif besoin d’argent et le désir de faire des affaires.

(Léon Daudet, Les deux Frances)

Les illustrations du passé qu’on appelait dans l’intimité les vieilles barbes, les vieux bonzes et même les vieilles bêtes…

(Hector France, Mes petits papiers)

Vieille branche

France, 1907 : Vieux camarade, ami sur lequel on s’appuie comme sur une branche, hélas ! souvent pourrie.

Pardon, encor’, ma vieille branche,
Tu dis que ce mot de revanche
A disparu de nos discours ?
Vois-tu, le mot n’est pas la chose :
On ne le dit pas, et pour cause,
Pourtant on y pense toujours.

(Raoul Ponchon)

Vieille canne

France, 1907 : Repris de justice.

Vieille culotte de peau

Delvau, 1866 : s. f. Général en retraite, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Officier en retraite. Officier émérite qui a conservé dans la vie civile les habitudes militaires.

Vieille femme et jeune garçon, mariage de démon

France, 1907 : Vieux dicton indiquant qu’un jeune homme et une vieille femme font un ménage d’enfer, car par sa jalousie la vieille joue dans l’intérieur le rôle du diable.

Vieille garde

Rigaud, 1881 : Vieille courtisane. (H. Meilhac) Celle-là se rend et ne meurt pas.

La Rue, 1894 : Femme galante âgée.

France, 1907 : Courtisane vieille, prostituée hors d’âge.

Il pouvait citer tel et tel, des noms, des gentilshommes de sang plus bleu que le sien aujourd’hui collés légitimement et très satisfaits, et pas reniés du tout, avec de vraies roulures, avec des vieilles gardes !

(Jean Richepin, La Glu)

L’allée de droite était appelée : l’Allée du Commerce, celle de gauche, à peine éclairée à cause de la galerie qui surplombait, avait été baptisée : Allée de la Grande Armée ; cette dénomination était admirablement justifiée ; tout ce que Paris comptait de vieilles gardes s’y rencontraient chaque soir. Rien n’était plus horrible à voir que cet assemblage de ruines, paraissant encore quelque chose grâce à des artifices de tous genres, vêtues comme si elles avaient vingt ans, maquillées d’une façon épouvantable, se tenant à peine sur leurs vieilles jambes, souriantes malgré cela, agaçant les jeunes gens. Ah ! c’étaient de rudes travailleuses ! Mais quelle devait être la désillusion des malheureux qui se laissaient entraîner par elles quand ils s éveillaient le lendemain : ils s’étaient couchés avec une jeune fille, ils se réveillaient avec une grand’mère, plus horrible cent fois que la plus horrible des sorcières.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Vieille médaille

Delvau, 1866 : s. f. Vieille femme usée par le frottement de la vie. Argot des faubouriens.

Vieille moustache

France, 1907 : Vieux soldat.

Je me rappelle notre arrivée au quartier. Le major, une vieille moustache grise, nous rassembla et, du milieu du cercle que nous formions, félicita le détachement de sa tenue pendant le voyage : « Ni pochards, ni mauvaises têtes, c’est pas de la blague (sic) ; il y a longtemps que je n’avais vu cela ! Je suis satisfait de vous. »
L’excellent homme qui haranguait ainsi des réservistes eût fait d’eux ce qu’il aurait voulu. Il n’y avait qu’à les regarder pour s’en convaincre.

Vieille mule, frein doré (à)

France, 1907 : Il faut parer une marchandise de rebut pour s’en défaire.

Vieille peau

Virmaître, 1894 : Expression méprisante employée dans le peuple, même vis-à-vis d’une personne jeune. On dit d’un vieillard qui se donne des allures juvéniles :
— C’est un jeune homme dans une vieille peau.
Vieille peau
signifie aussi : vieille putain (Argot du peuple).

France, 1907 : Vieille putain ; expression populaire.

Parmi les ouailles les plus ferventes, se faisait remarquer une ancienne rôtisseuse de balai, qui, après avoir fait les quatre cents coups, s’était retirée du monde de la noce en voyant fuir les amoureux, et, comme toutes les vieilles peaux, se jetait dans les bras du bon Dieu.

(Hector France)

Vieille roche

France, 1907 : Vieille noblesse.

On voit des marquis d’la vieill’ roche
Qui n’ont plus un sou dans leur poche…
On voit des filous, bons apôtres,
Qui s’engraiss’nt aux dépens des autres…
On voit des pickpockets habiles
Qui dévalis’nt les imbéciles…
Et parmi ces escrocs d’la gomme
On voit quèqu’fois un honnête homme,
Sur l’Boul’vard.

(Aristide Bruant)

Vieillerie

d’Hautel, 1808 : Pour dire des guenilles ; des idées usées et rebattues, des lieux communs.

Vieilles (foire aux)

France, 1907 : Nom donné aux environs de La Châtre à certaines foires qui ont lieu pendant le carême ; on les appelle aussi foires maigres. Les foires grasses dans les mêmes localités sont celles où l’on vend du bétail gras, et les foires aux femmes grosses, celles où il vient peu de monde, où les femmes enceintes peuvent circuler librement sans crainte des heurts.

Vieillesse

d’Hautel, 1808 : Ce sera mon bâton de vieillesse. C’est-à-dire, c’est lui qui me soutiendra dans ma vieillesse, qui me consolera dans mes afflictions, qui me soulagera dans mes infirmités.

Vieillesse qui dort, jeunesse qui veille, signe de mort

France, 1907 : Vieux dicton qui s’explique de lui-même.

Vieillisseur

France, 1907 : Marchand ou ouvrier qui donne aux meubles neufs un aspect de vétusté ; qui vend ou fabrique du faux vieux.

Vieillisseuse

Fustier, 1889 : « J’ai fait la connaissance d’une vieille femme qui exerce aujourd’hui la profession de vieillisseuse… nos boulevards, vous le savez, sont sillonnés de petites marchandes d’amour que leur extrême jeunesse expose souvent aux indiscrétions de la police… A l’aide de certains onguents, elle (la vieillisseuse) parvient à donner aux traits trop tendres des gamines l’expression d’un visage de 18 à 25 ans. »

(Figaro)

France, 1907 : Proxénète qui attire et maquille les jeunes filles mineures de façon à les faire paraître majeures, à cause non des clients, mais de la police.

— Tante Pascaline a pris la suite des affaires et les recettes d’une vieille amie à elle qui lui voulait du bien. Elle est vieillisseuse. Ça ne vous dit rien, cette profession-là ? Je vais vous l’expliquer… Grâce à elle, à ses drogues, à ses maquillages, les petites précoces et vicieuses, les premières communiantes d’amour que les vieux prudents renvoient si souvent à l’école, peuvent tenter le coup, se lancer, trouver chaussure à leur pied… Elle les métamorphose en un mois, éteint le rose trop violent de leurs joues, cerne leurs yeux, leur donne une apparence de lassitude, pétrit si bien leurs doux visages de fillettes qu’on leur donnerait au moins dix-sept ans… Et les libertins qu’affriande a chair à peine nubile, mais qui redoutent comme la peste les chantages, les descentes de police, les surprises, les toiles d’araignées d’où l’on ne sait comment s’évader, s’y laissent piper, se figurent que ces bouquetières qui leur épinglent un œillet à la boutonnière en se haussant sur la pointe des bottines, que ces faux trottins dont ils emboitent le pas dans les rues désertes, le soir, et dans les passages lointains ; que ces primeurs que leur vendent les proxénètes ont presque l’âge réglementaire, ne sauraient leur attirer aucun désagrément.
— Et cela lui rapporte, ce métier bizarre ?
— Dans les quinze mille par an…

(Champaubert)

Vieillot

France, 1907 : Fauteuil ; argot faubourien. C’est le siège ordinaire des vieillards.

Vielle

d’Hautel, 1808 : Long comme une vielle. Pour lambin, longis, traînard, paresseux, musard, homme excessivement nonchalant.

Vielle (long comme une)

France, 1907 : Se dit dans les campagnes du Centre d’une personne lente, qui n’en finit pas de faire quelque chose, qui est toujours en retard. Allusion aux sons trainants de la vielle, surtout dans les préludes du musicien attendant que les danseurs soient tous en place, ou bien lorsqu’il ralentit malicieusement son rythme pour les inviter à s’embrasser à un signal donné par l’instrument.

Viellot, vieillotte

d’Hautel, 1808 : Cet adjectif est plus usité au féminin qu’au masculin ; il se dit particulièrement d’une femme petite et ramassée, dont les traits annoncent la vieillesse et un âge avancé.

Vierge

Delvau, 1864 : Fille qui n’est pas encore devenue femme, c’est à-dire dont le vagin n’a pas encore été habité par un membre viril, — mais dont l’imagination a été hantée par mille visions lubriques.

Non, je n’appelle pas vierge une jeune fille
Qui donne des cheveux à son petit cousin,
Ou qui, chaque matin, se rencontre et babille
Avec un écolier dans le fond du jardin.

(Alph. Karr)

Je veux mourir, si je me souviens d’avoir jamais été vierge ! dit Quartilla à Encolpe, — et beaucoup de femmes pourraient en dire autant.

Vierge (demi-)

France, 1907 : Jeune personne à qui rien de l’amour n’est étranger, excepté le ça de la complaisante petite bourgeoise de Pot-bouille.

Le journalisme est, bien plus que le roman, le grand lanceur des néologismes. Si Alphonse Daudet a fait la fortune du vocable estradiers (pour ne citer que celui-là) qui rend bien l’idée de politiciens pérorant sur une estrade ; si, en une satire retentissante, son fils Léon a fait adopter le sobriquet cruel de morticoles appliqué aux médecins ; si un livre de M. Marcel Prévost a doté la langue de l’appellation demi-vierges ; si dix ou vingt autres mots ont de même leur date de naissance inscrite sur la couverture de quelque volume très lu, c’est par centaines que se chiffrent les locutions nouvelles nées des fantaisies de la chronique.

(Pontarmé)

Un autre, avant Marcel Prévost, employa cette expression ou du moins son synonyme.

C’était un amant évincé de la Clairon, Gérard de la Bataille, qui écrivit contre la célèbre actrice un libelle ayant pour titre : « Frétillon, ou Mémoires de Mlle Cronel » — 1740 — dans lequel nous relevons cette phrase : « Je n’étais pas moins malgré cela proposée comme exemple à mes compagnes : Une actrice est une demi-vestale quand elle n’a qu’un adorateur. »

Citons maintenant l’auteur de ce néologisme.

Chacun a reconnu l’existence de la demi-vierge. La demi-vierge existe dans le monde aristocratique comme dans celui de la haute bourgeoisie, qui, d’ailleurs, fréquente à peu près les mêmes salons, comme aussi dans celui des fonctionnaires ; elle existe en province comme à Paris. À ceux qui contestent la vérité de mes observations, je dirai que j’ai longtemps vécu en province, et que j’ai vu de très près le monde des fonctionnaires et de la haute bourgeoisie.
La demi-vierge, en effet, devient chaque jour plus nombreuse, parce qu’elle est du genre contagieux : telles sont contagieuses les mauvaises habitudes chez les collégiens. Il suffit d’une demi-vierge pour contaminer toute une ville. La demi-vierge gagne du terrain absolument comme le phylloxera apparaissant dans un vignoble a vite fait de tout détruire en peu de temps.

(Marcel Prévost)

Vierge (fuseau de la)

France, 1907 : Bélemnite ; expression du Centre. Allusion à la forme allongée de cette coquille fossile.

Vierge de comptoir

Delvau, 1866 : s. f. Demoiselle de caboulot, — dans l’argot ironique du peuple, qui ne se doute pas qu’il a emprunté ce mot à John Bull : Bar-maids, disent les Anglais à propos des mêmes Hébés.

Vierge fait la lessive (la)

France, 1907 : Dicton angevin employé quand il pleut et qu’en même temps le soleil brille ; il répond à celui-ci : Le diable bat sa femme. Dans le Nord on dit : Kermesse en enfer.

Vierge Marie se montre aux fous (la)

France, 1907 : Vieux dicton du XVIe siècle dont devraient se souvenir les pèlerins de Notre-Dame de la Salette et ceux de Lourdes, si jamais idiots avaient de la mémoire.

Vieux

d’Hautel, 1808 : C’est un jeune homme avec un vieux visage. Se dit par moquerie pour faire entendre qu’un homme est plus âgé qu’il ne veut le paroître.
J’en suis las comme d’une vieille morue. Voy. Morue.
Se faire vieux. Parvenir à un âge avancé, vieillir.
Vieux comme Hérode, comme les rues. C’est-à-dire connu depuis nombre de siècles, depuis temps immémorial. Se dit aussi pour se railler d’un homme très-avancé en âge.
C’est de la vieille drogue ; de la vieille mercerie. Se dit pour abaisser la valeur de quelque chose.
Des contes de vieilles. C’est-à-dire des récits qui ne méritent aucune croyance.
C’est du vieux jeu. Pour ces contes, ces tours sont connus, on n’y croit plus, on ne s’y laisse plus attraper.

Delvau, 1866 : s. m. Amant en cheveux blancs ou gris, et même sans cheveux, — dans l’argot des petites dames. Avoir son vieux. Être entretenue.

Rigaud, 1881 : Amant sérieux, à lunettes, ventru, riche, et frisant la cinquantaine.

Rigaud, 1881 : Père, — dans le jargon des ouvriers. — Le vieux se décatit joliment.

Vieux ! (c’est)

Merlin, 1888 : Réponse à celui qui cherche à vous monter le coup, et qui peut se traduire de cette façon : À d’autres ! je la connais ! Elle est verte signifie encore : c’est raide, épatant, incroyable.

Vieux (se faire)

Delvau, 1866 : S’ennuyer, attendre plus qu’il ne faudrait ; rester longtemps quelque part. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Attendre quelqu’un avec impatience ; se tourmenter. Les variantes sont : Se faire viocque, se faire antique.

C’est rasant… C’est que je me fais vieux.

(La Vie moderne, 2 août 1879)

Merlin, 1888 : S’ennuyer, trouver le temps long.

La Rue, 1894 : Se tourmenter, s’ennuyer.

Vieux beau

France, 1907 : Galantin.

Cette révolte contre la nature, les hommes ne sont pas seuls à la connaitre. Les femmes en éprouvent aussi la désespérance, plus profonde encore que celle des hommes qui, en somme, prolongent plus aisément l’âge d’aimer. Quand je vois passer les vieux beaux, soupçonnant la ceinture hygiénique sur leur ventre rebelle, redressant leur taille, portant une main inquiète sur la barbe noircie ; et aussi quand je vois défiler celles qui furent belles, les cheveux teints, la joue fardée, la gorge s’évadant de la prison insuffisante du corset, une grande pitié me prend.

(Colomba, Écho de Paris)

Vieux cabas

France, 1907 : Vieille femme avare.

Vieux chien

France, 1907 : Il n’est chasse que de vieux chiens.

Vieux comme Hérode

France, 1907 : C’est Hérodote qu’il faudrait dire. Vieux comme Hérode n’a aucun sens. On disait autrefois vieux comme Hérodote par allusion aux radotages de cet historien fort crédule et grand ami du merveilleux.
On dit aussi : vieux comme le Pont-Neuf, allusion à l’ancienneté de ce pout, Le plus vieux de Paris. En Normandie : Vieux comme le pont de Rouen, à cause de l’ancien pont de pierre construit au XIIe siècle par Mathilde, veuve d’Henri V, empereur d’Allemagne, et remariée au comte d’Anjou Geoffroy Plantagenet. Les ruines de ce pont se voyaient encore il y a quelques années au-dessus des basses eaux ; vieux comme les rues ou comme Mathieu-Salé, pour Mathusalem, qui, selon le roman biblique, vécut mille ans !

Vieux comme les rues

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement vieux. On dit aussi Vieux comme Mathieu-salé, — par corruption de Mathusalem, un patriarche.

Vieux de la vieille

France, 1907 : Les anciens de la vieille garde. Types depuis longtemps disparus et qui n’existent plus, écrivait déjà, en 1840, Émile Marco de Saint-Hilaire, que dans les dessins de Charlet, les tableaux de Bellangé et les vignettes de Raffet.

Les vieux de la vieille ! les soldats du grand empereur !… Ils étaient si superbes, ces Diomède et ces Idoménée de l’Iliade moderne, que tous ceux qui en ont parlé, qui les ont réunis d’après nature, en ont reçu comme un coup de génie, comme un souffle d’épopée. Voyez plutôt, dans le seul Balzac, toutes ces belles figures militaires : Hulot, devenu sourd à force d’entendre le canon. Chabert le spectre, montrant la cicatrice de son crâne, et ce formidable truand de Philippe Bridau, avec son regard bleu d’acier « qui plombe les imbéciles. »

(François Coppée)

Vieux jeu

Delvau, 1866 : s. m. Méthode classique, procédé d’autrefois pour faire des chansons, des vaudevilles, des romans. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Vieille façon, vieille manière d’agir ou de penser ; terme populaire.

C’était un notaire de la vieille école, un notaire vieux jeu, fier de ses panonceaux, d’une probité qu’aucun soupçon n’avait jamais effleurée, de la délicatesse la plus scrupuleuse, d’une exquise courtoisie, et non moins renommé pour sa prudence, son tact et ses sages conseils.

(Albert Cim, Jeunes amours)

Dans la rue ne jamais offrir le bras ; on aurait l’air vieux jeu, rococo, 1830, si l’on agissait autrement. Il faut avouer, du reste, qu’avec les préoccupations des relevages de traîne, avec les embarras du manchon, du parapluie ou de l’ombrelle, la nouvelle habitude est infiniment plus pratique pour les dames.

(H. Barthélémy, La Vie élégante)

Vieux marcheur

France, 1907 : Vieux débauché, homme mûr qui court après les jupes courtes.

Les Roméos de notre temps ne sont pas trop aimants. On cite de quelques-uns des traits affreux, des mots épouvantables. « J’aime mieux les femmes que je paie, disait l’un d’eux, fier de son imbécile cynisme : ça vous dispense des égards. » Le vieux marcheur, au contraire, ne se dispensera pas des égards, où il met ses joies, même envers la femme qu’il paie. Les femmes savent très bien ces choses, beaucoup, assez vite, arrivent à estimer que, comme il est rare qu’on puisse tout avoir en ce monde, ce qui est doux et durable vaut encore mieux que ce qui est violent et passager. Et c’est ainsi que, très enviable parfois, le vieux marcheur peut encore cueillir une rose dans le jardin où l’inattentive jeunesse passe trop vite, dévastatrice, parfois, comme Attila, mais ignorant la douce et forte joie des amours qui sont faites, un peu mélancoliques, mais exquises, de la dernière tendresse guérissant ou faisant oublier les blessures de la vie.

(Colomba)

Vieux meuble

Delvau, 1866 : s. m. Vieillard, personne impotente, bonne à mettre au rancart de la vie.

France, 1907 : Vieillard impotent.

Vieux monsieur (le)

Delvau, 1864 : L’homme qui entretient une femme, pour le distinguer du jeune — ou des jeunes — qu’elle entretient elle-même.

C’était par un temps pluvieux,
Nos bell’s n’avaient pas leurs vieux.

(A. Watripon)

Celle-là, sur un lit nonchalamment couchée,
Par un vieux cupidon était gamahuchée.

(L. Protat)

À son âge, on n’a plus d’amour…
— Oui mais on a plus d’un caprice.
Quand mon fils est par trop méchant,
Tu sais comment je le corrige,
— Eh ! mais c’est ainsi, justement
Que j’entretiens le sentiment
De ce vieux monsieur qui m’oblige.

(Chanson anonyme moderne)

Toinette, fraîche dondon,
Chantait ainsi son martyre,
Pensant à son vieux satyre…
Tout en plumant un dindon.

(J. Poincloud)

Vieux plumeau

France, 1907 : Viel imbécile ; argot populaire.

Ell’ dit : Il ne sent pas bon !
— Pas bon ?… Espèce de vieille cruche !
Dit la marchand’, vieux plumeau !
T’en mang’rais plus que d’merluche !…
Va donc, eh ! fourneau !

(A. Queyreaux)

Vieux pompon

France, 1907 : Même sens que vieux plumeau.

Vieux style

Delvau, 1866 : s. m. Se dit de toute chose démodée, de tout procédé tombé en désuétude, de toute idée arriérée, etc.

Vieux tison

Delvau, 1866 : s. m. Galantin, vieillard amoureux.

France, 1907 : Vieillard amoureux.

Vieux-aux-trottins

France, 1907 : Vieillard qui suit les fillettes.

Échelonnés par deux, par trois, par quatre à droite et à gauche de la rue bruyante, sous les larges portes cochères, devant les magasins, à côté des kiosques, aux abords de la place où si haute, entourée d’hôtels muets, s’élance la Colonne, telle en l’obscurité qu’une étrange borne phallique dominant les luxures déchainées, les vieux-aux-trottins passent et repassent, attendant celles qui ont tiré l’aiguille tout le jour dans les ateliers empuantis.

(René Maizeroy)

Vieux-bahut

France, 1907 : Nom donné par les saint-cyriens à l’École spéciale militaire, et au Prytanée par les élèves de l’École de la Flèche.

Nous retrouvons les camarades du Vieux-Bahut dans un de ces diners joyeux où les rires sonnent des fanfares, où les verres se choquent, où l’on croit encore avoir vingt ans et son premier galon, où l’on se reconnait si vite malgré les jours enfuis, où l’on évoque tant de souvenirs demeurés intacts au fond du cœur.

(René Maizeroy)

J’ai gardé bien des souvenirs du Vieux Bahut de la Flèche, quelques-uns agréables, un plus grand nombre mêlés d’amertume et d’étonnement sur la singulière façon dont on comprenait l’éducation de la jeunesse militaire.

(Hector France, Souvenirs du Bahut)

Vif

d’Hautel, 1808 : Un portrait tiré au vif. Pour dire d’une ressemblance parfaite, fait d’après nature.

Vif (faire le)

France, 1907 : Se dit des ouvrières en plumes qui maquillent les têtes et les ailes d’oiseaux.

S’il est un turbin où les femmes sont salement exploitées, c’est sûrement dans les fleurs et les plumes.
Les boîtes où se fignolent les panaches que les catins de la haute se collent sur la tronche sont d’infects foyers de mort. Les pauvrettes qui, pendant dix heures consécutives, turbinent dans ces ateliers respirent la poison à pleins poumons ; les plus à plaindre sont celles qui font ce qu’on appelle le vif, c’est-à-dire celles qui maquillent des ailes ou des têtes d’oiseaux, car des restants de peau y adhérent encore et ça emboucane salement.

(Le Père Peinard)

Vif-argent

d’Hautel, 1808 : Il a du vif-argent dans les pieds. Se dit en plaisantant d’un homme turbulent, qui ne peut rester en place.

Rigaud, 1881 : Argent comptant, — dans le jargon des voleurs. Au XVIe siècle, solder argent vif, voulait dire payer comptant. (Bovillè)

France, 1907 : Argent payé comptant ; argot des voleurs.

Vigie

Vidocq, 1837 : Les conducteurs de diligences ou de voitures publiques ne sauraient exercer une trop grande surveillance lorsqu’ils auront sur l’impériale de leur voiture des sacs d’argent et en même temps des voyageurs ; car les individus qui, par goût ou par raison d’économie, veulent toujours y être placés, sont très souvent des voleurs à la Vigie, qui ne laissent pas échapper, si elle se présente, l’occasion de s’emparer des objets ou du numéraire placés près d’eux.
Voici comment procèdent ordinairement les voleurs à la Vigie :
L’un d’eux retient une place sur la voiture qu’il veut débarrasser d’une partie de son chargement, et un complice qui sait à quel endroit et quel moment il exploitera, se rendra à l’avance au lieu convenu, et lorsque la voiture y arrive à son tour, il attend pour se mettre à son poste que la Vigie lui ait fait un signal ; si les voleurs désirent s’emparer d’un sac d’argent, celui d’entre eux qui est placé sur l’impériale de la voiture attache le sac, le laisse couler jusqu’à terre, puis il lâche la corde ; si au contraire ils ont jeté leur dévolu sur des valises ou des petits paquets, il les jette tout simplement sur la route, le complice les ramasse, et tout est dit.
Deux vols à la Vigie viennent d’être commis aux environs de Paris.
Les vols à la Vigie ont été inventés, dit-on, par le nommé Salvador, célèbre voleur du Midi, guillotiné au bagne pour avoir blessé un argousin.

Vigie (vol à la)

France, 1907 : Vol de bagages sur les voitures ; argot des voleurs.

Vignard (feuille-de-)

France, 1907 : Pudibond grotesque à l’instar de ce duc de La Rochefoucauld, qui fit couvrir de feuilles de vigne en plâtre la nudité des statues des jardins publics.

Mais laissons les feuille-de-vignards hurler contre la dépravation, réclamer à outrance la moralisation de Paris, ce qui, à mon sens, n’est pas du tout l’affaire de la police, et demandons que ceux qui en ont le pouvoir tâchent de trouver quelque chose en rapport avec le respect de la liberté individuelle, qui est la base de notre société moderne, pour remplacer ces ordonnances de police, ces arrêtés municipaux, enfin tout ce fatras de règlements plus ou moins arbitraires, et dont le fond est à peu près demeuré intact depuis le règne de saint Louis !

(Goron, Le Journal)

Vigne

d’Hautel, 1808 : Quand nous serons morts, fera les vignes qui pourra. Pour dire qu’on se met peu en peine de ce qui se fera quand on ne sera plus.
On dit aussi d’un homme qui est ivre, et qui déraisonne : il est dans les vignes du seigneur.

Delvau, 1864 : Une femme que l’on peut planter, cultiver, pour y grappiller tout à son aise, avec les mains — et la queue.

Et dans la vigne du seigneur
Travaillant ainsi qu’on peut croire.

(La Fontaine)

Vigne (vendre sa)

France, 1907 : Marier sa fille.

Il est arrivé que des paysans, lorsqu’ils avaient une fille à marier, se sont fait payer du vin, pendant des années entières, par les amoureux avant de donner leur consentement. Quelques-uns savent prolonger ce temps d’épreuve avec beaucoup d’art. Or, la fille une fois mariée, adieu les longues séances du cabaret. C’est pourquoi, lorsqu’on parle d’un homme qui a marié sa fille, on dit : Un tel a vendu sa vigne.

(Comte Jaubert, Gloss. du Centre)

Vigne à mon oncle (c’est la)

France, 1907 : Réponse ironique à ceux qui donnent une mauvaise excuse, comme les enfants que l’on surprend, au temps des vendanges, revenant avec des raisins volés et qui disent qu’ils les ont pris dans la vigne à leur oncle.

Vigne de l’abbé (avoir la)

France, 1907 : Passer dans un accord parfait la première année de mariage. Cette locution tombée en désuétude était fort usitée jadis, M. Quitard la fait remonter à une vieille histoire d’après laquelle un abbé aurait promis une belle vigne au couple qui prouverait que nul nuage n’est venu assombrir les joues des douze premiers mois des noces. C’est aller chercher bien loin une explication fort simple. On sait quelle vie licencieuse menaient les abbés et de quelle nature était leur vigne produisant ce vin qui, suivant une expression biblique, fait germer les vierges. Avoir la vigne de l’abbé, c’était pour un homme posséder les qualités propres à satisfaire l’épouse la plus exigeante et l’empêcher ainsi de songer à chercher des distractions près du voisin.

Vigne de la Courtille

France, 1907 : Belle montre et peu de rapport ; chose qui a de l’apparente et nulle valeur. Ce dicton se rapporte à l’époque où les coteaux de la Courtille étaient couverts de belles vignes ne produisant que de mauvais vin.

Vignes (être dans les vignes du seigneur)

Virmaître, 1894 : Être pochard. Dans le peuple, on dit d’un homme qui est toujours entre deux vins :
— Il ne peut plus boire ; il est saoul avec un pet de vigneron.
L’expression : être dans les vignes, est très vieille et usitée en Bourgogne (Argot du peuple).

Vignes (être dans les)

Larchey, 1865 : « On dit d’un homme ivre : Il est dans les vignes du Seigneur. »

(1808, d’Hautel)

C’est pas être un homme que d’être toujours dans les vignes.

(Balzac)

Vignes (mariages de Jean des)

France, 1907 : Conjonction matrimoniale où n’ont passé ni le maire ni le curé. Allusion aux accouplements qui se font au temps des vendanges entre gens des vignes dont Jean des vignes est une altération. On dit mariage de Jean des vignes, tant tenu, tant payé.

Vignes du seigneur

France, 1907 : Ivresse. Être dans les vignes du Seigneur, être ivre.

Puis lorsque dame Automne,
Sereine, arrive enfin,
Assis sur une tonne,
Il fête le dieu : Vin.
Et dans des airs très dignes
Il trouve, le bon sieur,
Que les meilleures vignes
Sont celles du Seigneur.

(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)

Vignette

Rigaud, 1881 : Figure, — dans le jargon des typographes. — Piger la vignette, être distrait, regarder voler les mouches au lieu de travailler.

Boutmy, 1883 : s. f. Visage. Piger la vignette, Regarder. V. Piger.

France, 1907 : Visage ; argot du typographe. Piger la vignette, regarder. Piquer la vignette, être distrait.

Vigneture

France, 1907 : Ornement de feuilles de vigne qui couvrait les bords des miniatures qu’on appelait vignetées, d’où nous avons fait le mot vignette en l’appliquant différemment.

Vigoter

France, 1907 : Vivre ; argot des voleurs.

— J’veux bien… mais je ne sais pas goupiner, moi !
— Tu vigoteras avec mezigo… ne te martèle pas la labochèquem (ne te casse pas la tête), tu t’y mettras comme les poteaux…
— Apprends-moi, La Gaule, je t’esgourde.

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Vigousse

Fustier, 1889 : Vigueur, entrain.

Ça ne va pas, mais ça ne va pas du tout aujourd’hui… pour amour de Dieu, Mesdames et Messieurs, un peu de vigousse, donc !…

(De Goncourt, La Faustin)

La Rue, 1894 : Vigueur, entrain.

France, 1907 : Vigueur, vivacité ; argot faubourien.

Viking

France, 1907 : Pirate, corsaire ; mot anglais.

Tous les dimanches, Paparel traitait ses fils, ses brus, ses petits-enfants, ses frères, ses cousins, ses amis et les amis de ses amis. C’était sa faiblesse, ce goût des tables ouvertes, où les Normands engloutissent des fortunes. Sobre lui-même, jusqu’à la rusticité, il aimait à s’asseoir devant la blancheur des nappes chargées de viandes, de carafes et de fruits, dans la gaité de ses parents et de ses connaissances. Ainsi faisaient les vieux vikings au retour des barques.

(Hugues Le Roux)

Vilain

d’Hautel, 1808 : Il n’est chère que de vilain. Signifie que quand un avare se met en dépense de traiter quelqu’un, il le fait souvent avec une grande profusion.

d’Hautel, 1808 : Vilain comme lard jaune. Lâdre, intéressé à l’excès, d’une avarice sordide.
Content comme un vilain. Voyez Content.
À vilain, vilain et demi. Imitation du proverbe, à trompeur, trompeur et demi, pour dire qu’il faut être lâdre avec ceux qui le sont.
Un vilain rhume. Pour dire un gros rhume, un rhume dangereux.
Une vilaine. Pour, dire une courtisane, une femme de mauvaise vie, une prostituée.

Vilain (oignez), il vous poindra

France, 1907 : Rendez service à un rustre, il vous paiera d’ingratitude. Il est quantité de vieux dictons contre les vilains, c’est-à-dire les natures grossières, ingrates et incultes, car c’est l’éducation qui atténue les défauts naturels de l’homme. Tous les peuples s’accordent sur ce point qu’obliger de méchantes gens, c’est s’en faire des ennemis. Outre le vieux dicton de nos pères :

Oignez vilain, il vous poindra,
Poignez vilain, il vous oindra.

en voici d’autres exprimant la même pensée :

Graissez les bottes d’un vilain, il dira qu’on les lui brûle.
Ôtez un vilain du gibet, il vous y mettra.
Dépends le pendart, il te pendra.
  En obligeant un vilain,
  On ne recueille que chagrin

car, oncques vilain n’aima noble homme, c’est-à-dire les natures basses haïssent les nobles et les généreuses.
Citons un dicton anglais qui fait pendant aux nôtres :

Save a thief from the gallows, and he will be the first to cut your throat.
(Sauve un voleur de la potence at il sera le premier à te couper la gorge.)

Vilain merle

Virmaître, 1894 : Homme laid.
— Tu vas te marier avec ce vilain merle-là ; tu pourras chanter au roi des oiseaux : tu auras un beau merle au cul.
Vilain merle :
méchant homme, bilieux, fielleux, qui veut du mal à tout le monde (Argot du peuple).

Vilainement

d’Hautel, 1808 : Pour beaucoup, en quantité. Le peuple se sert fréquemment de cet adverbe par exagération, pour donner plus de poids à son discours.

Vilains de Beauvaisis

France, 1907 : C’est le nom que l’on donna d’abord aux jacques, car c’est en Beauvaisis que commença la Jacquerie, après la bataille de Poitiers. Tous les châteaux des rives de l’Oise furent mis au pillage, puis incendiés. Ce fut un des plus effroyables drames de l’histoire de France. Les Jacques n’épargnaient ni l’âge ni le sexe, torturant les prisonniers avant de les mettre à mort, violant les filles et les femmes, brûlant jusqu’aux petits enfants, ne laissant sur leur passage que cendres et ruines. Dans la Champagne et la Picardie, ils étaient plus de cent mille. Les nobles, un instant surpris, s’assemblèrent et, usant de représailles, commencèrent une guerre atroce, sans merci. En quelques semaines, les Jacques, traqués, furent tous massacrés. Le lugubre souvenir de ces abominations a traversé les siècles, et le nom de vilains de Beauvaisis fut longtemps une grave injure. Un poète du XIVe siècle, Eustache Deschamps, bailli de Senlis, a conservé le souvenir de cette guerre dans ses poésies historiques.

Vilebrequin

d’Hautel, 1808 : Outil qui sert à percer le bois : on dit vulgairement Virebrequin.

Vilipender

d’Hautel, 1808 : Dénigrer, décrier quelqu’un, ternir sa réputation, le diffamer dans le monde.

Ville

d’Hautel, 1808 : La ville est bonne. Se dit quand on a à traiter une personne inattendue ; pour faire entendre que l’on trouve facilement ce que l’on désire dans la ville ; que sa venue ne cause aucun dérangement dans la maison.

Ville aux bêtes

France, 1907 : Sobriquet donné à la Ferté-Gaucher.

Villois

Vidocq, 1837 : s. m. — Village.

Larchey, 1865 : Village (Vidocq). — vieux mot. V. Rebâtir.

Delvau, 1866 : s. m. Village, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Village ; argot des voleurs.

Si j’venais de faire un gerbement et que j’en aye de la surbine, on m’enverrait dans un trou de vergne ou dans un villois de la jargole.

(Mémoires de Vidocq)

Villois (un)

M.D., 1844 : Un village.

Villon

France, 1907 : Voleur ; vieux français.

Vilon

Halbert, 1849 : Poète de prison.

Vilquets

La Rue, 1894 : Rideaux.

France, 1907 : Rideaux ; argot des voleurs.

Viltouze (la)

Hayard, 1907 : La Villette.

Vin

d’Hautel, 1808 : Du vin de Brignolet. Pour dire de fort mauvais petit vin.
Être entre deux vins. Être à moitié gris, sans cependant perdre tout-à-fait l’usage de la raison.
Faire du vin de Nazareth. Signifie rendre le vin par le nez ; ce qui se fait quand on avale de travers, ou que l’on rit en buvant.

Vin (demi-)

France, 1907 : « Boisson que l’on obtient en mettant une quantité déterminée d’eau sur la grappe d’une cuvée dont on vient de tirer le vin, et en la laissant pendant quelques jours se saturer des principes vineux que peut encore contenir la râpe (marc de raisin), à la différence du rapé, que l’on remplit d’eau nouvelle à mesure qu’on en boit. On appelle aussi demi-vin le vin que le consommateur a volontairement mélangé de moitié d’eau. »

(Comte Jaubert)

Voici sur le vin diverses expressions proverbiales tirées d’anciens documents d’archives, ayant cours en Bourgogne, où l’on désignait le vin suivant la diversité des effets qu’il produit :

Vin d’âne qui rend la personne assoupie avant d’avoir trop bu.
Vin de cerf, qui fait pleurer.
Vin de lion, qui rend furieux et querelleur.
Vin de pie, qui fait bavarder.
Vin de porc, qui fait rendre gorge.
Vin de renard, qui rend subtil et malicieux.
Vin de singe, qui fuit sauter et rire.
Vin de Nazareth, qui passe à travers du nez.
Vin de mouton, qui rend doux et soumis.

Vin (mettre de l’eau dans son)

France, 1907 : S’amender, se ranger, s’assagir.

Après avoir bien fait la guerre,
Remué le ciel et la terre,
Et fait tous ses efforts en vain,
Mettant de l’eau dedans son vin ;
De ces peuples qu’elle tourmente,
Elle se dira la servante,
D’elle chéris autant et plus
Qu’ils auront été mal voulus.

(Scarron, Virgile travesti)

Vin à deux oreilles

France, 1907 : Mauvais vin, appelé ainsi parce qu’après l’avoir bu on hoche la tête, et par conséquent les oreilles. Expression du Centre.

Vin à faire danser des chèvres

France, 1907 : Mauvais vin très aigre. Cette expression vient d’un proverbe rimé du XVIIe siècle :

Vin qui est de Bretigny,
De Villejuif ou de Gagny,
Propre à faire les chèvres danser,
Ou en Caresme pain saulcer.

L’abbé Tuet, dans ses Matinées sénonaises, explique ainsi le proverbe du vin de Bretigny qui fait danser les chèvres : « il y avoit à Bretigny, près Paris, un particulier nommé Chèvre, c’étoit le coq du village, et une grande partie du vignoble lui appartenoit. Ce bonhomme ne haïssoit point le jus de la treille, et quand il avoit bu, sa folie étoit de faire danser sa femme et ses enfans. »
Voilà comment le vin de Bretigny faisait danser les Chèvres.

Vin blanc (marchand de)

Rigaud, 1881 : Moutard dont la culotte laisse passer par derrière un pan plus ou moins long de chemise plus ou moins blanche. — D’un moutard ainsi accoutré, l’on dit « qu’il vend du vin blanc. »

Vin chrétien

Delvau, 1866 : s. m. Vin coupé de beaucoup trop d’eau. — dans l’argot du peuple, assez païen pour vouloir boire du vin pur.

Vin d’une oreille

Delvau, 1866 : s. m. Bon vin. Vin de deux oreilles. Mauvais vin.

Vin de garde

France, 1907 : Vin qu’on est obligé de garder, parce qu’il est trop mauvais pour qu’on puisse le vendre ; expression du Centre.

Vin de la vierge

France, 1907 : Lait.

Vin de lune

France, 1907 : Vin provenant de raisins volés la nuit au clair de lune ; expression du Centre.

Vinaigre

d’Hautel, 1808 : Sûre comme du vinaigre. Pour dire très-acide, très-âpre, très-dur.
Ce n’est pas aussi sûr que du vinaigre. Quolibet populaire, pour dire qu’une chose n’est pas aussi certaine qu’on le croit.
Donner du vinaigre. C’est une malice que les écoliers se font réciproquement au jeu de la corde, et qui consiste à agiter tout-à-coup fortement la corde, en lui donnant plus de tension, de manière que celui qui saute est obligé de faire de grands efforts pour en suivre tous les mouvemens, à fin de n’en pas recevoir le choc, ou de suspendre la partie.
Habit de vinaigre. Habit trop mince, trop léger pour la saison.

Vinaigre (crier au)

La Rue, 1894 : Crier au secours. Se fâcher.

France, 1907 : Se fâcher, appeler à l’aide.

Vinaigre (du)

France, 1907 : Vite ! Exclamation des petites filles qui sautent à la corde et qui veulent accélérer le mouvement. Grand vinaigre : Grande vitesse.

Vinaigre (du) !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des enfants, garçons et petites filles, lorsqu’ils sautent à la corde, afin d’en accélérer le mouvement. Grand vinaigre ! Le superlatif de la vitesse.

Vinaigre (tourner au)

France, 1907 : Devenir malheureux et, par conséquent, s’aigrir.

Vinaigre des quarante voleurs

Delvau, 1866 : s. m. Acide acétique cristallisé, — dans l’argot des bourgeois. Historiquement, ce devrait être Vinaigre des quatre voleurs.

Vinaigre des quatre négociants

Rigaud, 1881 : Acide acétique. — On disait autrefois, vinaigre des quatre voleurs.

Vinaigrette

Fustier, 1889 : Argot des voyous et des malfaiteurs. La vinaigrette est cette voiture, peinte en vert foncé, que nous avons vu circuler par les rues et qui va prendre dans les différents postes de police, pour les conduire au Dépôt près la Préfecture, les personnes qui, après avoir été arrêtées, sont retenues par le commissaire de police ou le chef de poste.

La Rue, 1894 : Le fourgon cellulaire. Correction vigoureuse.

France, 1907 : Correction.

France, 1907 : Voiture cellulaire, Vois Panier à salade.

Vinaigrette de Lille

France, 1907 : Sorte de véhicule dont on se servait à Lille et dans le nord de la France jusqu’à l’époque de la guerre de 1870 et qui, monté sur roue et trainé par un homme, tenait le juste milieu entre la brouette et la chaise à porteurs. Il y avait aussi des vinaigrettes à deux roues.

Vinasse

Fustier, 1889 : Vin.

Virmaître, 1894 : Mauvais vin fabriqué avec du bois de campêche. Se dit communément quand le marchand de vin a eu la main trop lourde pour mouiller le vin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vin.

Hayard, 1907 : Mauvais vin.

France, 1907 : Mauvais vin.

Si vous voulez m’en croire,
Je fus l’autre matin
À notre Grande Foire
Avec mon tâte-vin,
Pour déguster sur place
— Je m’en fais une loi —
L’exotique vinasse.

(Raoul Ponchon)

Dans cette société nouvelle de révolutionnaires, se reproduisent servilement les vices, les ridicules et les abus de la vieille société. À côté des ouvriers, des producteurs, voici qu’apparaissent tout de suite les parasites, les trafiquants. Un déporté a acheté an mercanti une douzaine de litres de vin qu’il revend au détail par chopine, par demi-setier, additionné d’eau, à ses camarades. Ce fut le premier cabaretier. Son exemple n’a pas manqué d’imitateurs qui bientôt font crédit et débitent la vinasse sur la table de leur bouchon.

(Henry Bauër, Mémoires d’un jeune homme)

Vinée

France, 1907 : Grande absorption de vin, Ivresse. Vieux mot.

En Italie, un carme confessait
Certain fripon qui lui disait,
L’âme aux remords abandonnée :
« Père, en buvant j’ai perdu la raison,
Puis rembourré ma voisine Alison,
Ne sais par où, tant j’avais la vinée. »

(Abbé de Grécourt)

Vinette

France, 1907 : Petit vin clairet.

Un vieux empaqueté comme un oignon en hiver fait boire une fille à l’air ingénu, malgré tout.
— La Mionette, encore un verre.
Elle, de sa bouche sur laquelle l’argot est triste, répond :
Oui, encore, toujours ! P’tète que je te trouverai moins en renardant quand la vinette m’aura enchevêtré la bobine.

(Louise Michel, Le Monde nouveau)

Vingt ronds

Ansiaume, 1821 : Un franc.

J’ai affranchi le vadoult pour vingt ronds.

Vingt-cinq franco-jourien

Delvau, 1866 : s. m. Représentant du peuple, — parce que payé vingt-cinq francs par jour. Le mot date de 1848 et de Théophile Gautier.

Vingt-cinq francs

France, 1907 : Sobriquet que le peuple des faubourgs donnait, sous la République de 1848, aux représentants du peuple à cause des vingt-cinq francs qu’ils touchaient par jour.

Le représentant du peuple Baudin sera inscrit sur la liste glorieuse et trop immense des martyrs de la liberté… Sa mort ne fut pas sans amertume. « Nous ne voulons pas nous sacrifier pour les vingt-cinq francs ! » lui avait dit un ouvrier. Les gagistes du suffrage universel, les vingt-cinq francs ! ainsi nous appelaient follement quelques-uns même de nos propres amis. « Vous allez voir, répliqua Baudin, comment on meurt pour vingt-cinq francs ! » Et lui, précisément, a quitté la vie aux pieds de la constitution, léguant à la postérité son nom avec un mot sublime.

(Victor Schœlcher, Histoire du crime du Deux Décembre)

Vingt-cinq francs par tête (à)

Delvau, 1866 : adv. Extrêmement, remarquablement, — dans l’argot des faubouriens. Rigoler à vingt-cinq francs par tête. S’amuser beaucoup. S’emmerder à vingt-cinq francs par tête. S’ennuyer considérablement.

Vingt-deux

Vidocq, 1837 : s. m. — Couteau. Terme des voleurs flamands et hollandais.

Clémens, 1840 : Épée, couteau.

M.D., 1844 : Un poignard.

un détenu, 1846 : Couteau.

Halbert, 1849 : Un couteau.

Delvau, 1866 : s. m. Poignard, — dans l’argot des voleurs. Jouer du vingt deux, Donner des coups de poignard.

Rigaud, 1881 : Poignard, — dans l’ancien argot.

Merlin, 1888 : Couteau, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Poignard.

Virmaître, 1894 : Couteau. Jouer la vingt-deux, donner des coups de couteau. Vingt-deux : les deux cocottes. Vingt-deux : quand le compagnon placé le plus près de la porte voit entrer le prote dans l’atelier de composition, il crie :
— Vingt-deux ! Synonyme d’attention. Quand c’est le patron, il crie :
— Quarante-quatre ! En raison de l’importance du singe, le chiffre est doublé (Argot d’imprimerie). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Contremaître ; surveillant. Argot des voleurs.

France, 1907 : Couteau. Jouer du vingt-deux, donner des coups de couteau. Argot des rôdeurs ; allusion aux 22 sous, prix du couteau.

Nous avons voulu maquiller à la sorgue chez un orphelin, mais le pantre était chaud ; j’ai vu le moment où il faudrait jouer du vingt-deux et alors il y aurait eu du raisinet.

(Mémoires de Vidocq)

Moi, j’suis gonzesse d’loucherbème,
Un soir qu’à m’f’ra trop lierchème,
J’y fous mon vingt-deux dans la peau.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Deux agents (cri d’alerte).

Vingt-deux !

Hayard, 1907 : Attention !

France, 1907 : Attention ! Avertissement que crie un ouvrier typographe pour prévenir ses camarades que le prote entre dans l’atelier. Quand c’est le patron, il crie : Quarante-quatre !

Vingt-huit jours

Fustier, 1889 : Soldat faisant la période d’exercice exigée de ceux qui font partie de la réserve de l’armée active, parce que cette période dure vingt-huit jours. On dit aussi réservoir.

France, 1907 : Soldat de réserve appelé ainsi à cause de la période de 28 jours à laquelle il est obligé. Il fera, nous n’en doutons pas, un fort bel effet en campagne, mais il en fait un très vilain en garnison. « Octobre et novembre, dit Auguste Germain, sont deux mois pendant lesquels s’agite le dieu des batailles. En octobre, on voit des gentlemen qui, vêtus de capotes trop petites, coiffés de képis trop larges, déambulent par les rues, avec une allure non dénuée d’un laisser-aller qui rappelle celui des gardes nationaux d’antan ; ce sont les vingt-huit jours. »

Chassé par les sous-officiers, le troupeau de vingt-huit jours remonta la cour du quartier ruisselante de soleil et se vint adosser aux murs des écuries en lignée interminable et bariolée : méli-mélo de toutes les castes et de toutes les armes, salade de jaquettes crasseuses et de blouses pâlies au lavage, faisant ressortir l’azur délicat d’un dolman, l’éclat d’une haute ceinture de spahi égarée là-dedans, sans que l’on sût pourquoi. Ces gens se poussaient du coude, ricanaient, — d’un rire niais de pauvres diables qui font contre fortune bon cœur et affectent de se trouver drôles, — tandis qu’aux fenêtres de la caserne, des centaines d’autres figures riaient aussi, des têtes que coiffaient la tache brune d’un képi ou le gris souris bordé bleu du léger calot d’intérieur.

(Georges Courteline)

Un vingt-huit jours se plaint d’avoir beaucoup trimé, dans la section où il était.
— Qu’est-ce à dire ! gronde le sergent. Peut-être que vous eussiez subséquemment préféré servir dans une autre compagnie ?
— Fectivement, sergent… Comme chasseur, j’aurais préféré une compagnie de perdreaux.

Vingt-trois carats (à)

France, 1907 : Expression qui signifie presque complétement, presque entièrement. L’or à vingt-trois carats est presque complètement pur. Vieille expression.

Chez la devineresse, on courait
Pour se faire annoncer ce que l’on désirait,
Son fait consistait en adresse :
Quelques termes de l’art, beaucoup de hardiesse,
Du hasard quelquefois, tout cela concourait,
Tout cela bien souvent faisait crier miracle.
Enfin, quoique ignorante à vingt-trois carats,
Elle passait pour un oracle.

(La Fontaine)

Vino veritas (in)

France, 1907 : La vérité dans le vin. Ce dicton est vieux comme le monde ou mieux comme le jour où Noé tira le jus divin de la vigne. « Lorsque le vin coule, les paroles nagent », disait Hérodote ; et les Romains : Quod est in corde sobrii est in ore ebrii, ce qui est dans le cœur de l’homme sobre est dans la bouche de l’homme ivre. What soberness conceals, drunkeness reveals, ce que cache la sobriété, l’ivresse le révèle. Conclusion : Ne vous saoulez pas, si vous voulez garder un secret. Mais le point est aux Espagnols : El vino anda sin calças, le vin ne porte pas de pantalon.

Vioc

un détenu, 1846 : Vieux.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux, — dans le même argot [des voleurs].

Rossignol, 1901 : Vieux.

Mon dabe devient vioc, il a près de soixante piges.

France, 1907 : Vieux ; argot des souteneurs et des filles.

Les vioc’, c’est pus à la r’dresse :
Ça connait l’travail à fond.
Envoyez donc à l’adresse
D’un d’mes poteaux qui s’morfond
Un’ marmite (bis),
Un pot quelconqu’ bath ou laid,
Un’ marmite
Qui n’limite
Pas trop l’fricot, si vous plaît.

(Blédort)

On écrit aussi vioque.

Vioc, vioque

Hayard, 1907 : Vieux, vieille.

Vioch

Virmaître, 1894 : Vieillard. Vieux galantin qui se croit toujours jeune, qui se maquille comme une vieille roue de carrosse pour faire croire que le bon Dieu l’a oublié et qu’il n’a pas neigé sur sa chevelure… quand il a des cheveux (Argot des filles). N.

Viochard

Virmaître, 1894 : Fauteuil. Allusion au fauteuil dans lequel s’accroupissent les vieillards devant un bon feu, en attendant que la carline vienne frapper à la porte (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Même sens que vieillot.

Viocque

Vidocq, 1837 : s. m. — Vieux.

Delvau, 1866 : s. f. Vie débauchée, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Vie, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Vieux.

La Rue, 1894 : Vieux. Vie.

Viocquir

Vidocq, 1837 : v. a. — Vieillir.

Violet

d’Hautel, 1808 : Il est violet. Se dit d’un homme qui est sujet aux emportemens, et que la colère suffoque.

Violon

Delvau, 1864 : Membre viril, — instrument qui fait danser les femmes et les filles.

Je jouais si vivement
En c’moment,
Qu’fatiguant mon bras,
J’ai pour ses appas,
Tant j’mettais d’action,
Rompu mon vi (ter) olon.

(Laurent)

Larchey, 1865 : « On appelle violon à Paris une prison que chaque section a dans son enceinte pour enfermer ceux qu’on arrête la nuit et qui sont le lendemain transférés dans une maison d’arrêt. »

(Almanach des Prisons, 1795)

Delvau, 1866 : s. m. Partie d’un corps de garde réservée aux gens arrêtés pendant la nuit et destinés à être, soit relâchés le lendemain, soit conduits à la Préfecture de police. L’expression a un siècle de bouteille. Sentir le violon. Être sans argent. Argot des voleurs.

Boutmy, 1883 : s. m. Grande galée en bois ou en métal.

Virmaître, 1894 : Cellule du poste de police. Vieux jeu de mots qui date du temps où c’était l’archer qui vous conduisait au violon (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Les serruriers, pour percer des petits trous, se servent d’un foret emmanché dans une bobine pour l’activer ; ils ont une tige d’acier flexible, garnie d’un fil d’archal, ils appuient le pivot du foret sur une plaque de fer assujétie sur l’estomac ; cette plaque se nomme conscience, la tige d’acier se nomme un archet. Par le va et vient du foret, l’ouvrier joue un air de violon (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Cellule de poste de police.

France, 1907 : Prison provisoire. L’expression est ancienne et date du temps où l’on était conduit en prison par les archers. Jeu de mot sur archer et archet.

La prison, nommée familièrement violon… est le plus abominable lieu de détention qui soit.
À côté de ce réduit fétide, une cellule à Mazas est un boudoir.
C’est sombre, humide, étouffant, et l’on n’y peut ni dormir, ni s’asseoir ; en outre, à de certains jours, on y entasse pêle-mêle les voleurs, les assassins dangereux, les inoffensifs pochards et les personnes arrêtées à la suite d’une discussion où d’une rixe. Le plus honnête homme, l’habitant le plus rangé peut être consigné une nuit dans cette geôle insalubre et subir la promiscuité la plus révoltante.
Cette prison, qui devrait être la plus soigneusement aménagée, est abandonnée à l’incurie des chefs de postes. Les suicides y sont d’ailleurs fréquents et les rixes entre codétenus s’y multiplient.

(Edmond Lepelletier)

Quand le public entre ici, il est pris d’une terreur glaciale. Ces portes aux apparences mystérieuses, ces agents vêtus de noir qui circulent silencieusement, conduisant des prisonniers encore plus silencieux et tristes, que l’on mène dans le fond de ce couloir obscur et fétide où sont les chambres de sûreté surnommées violons et qui rappellent les oubliettes des temps jadis… tout cela donne aux visiteurs un frisson d’épouvante.

(G. Macé, Un Joli monde)

Violon (boîte à)

France, 1907 : Cercueil.

Sur le signe d’un monsieur blond,
Le décapité qu’on ramasse
Est coffré, chargé : c’est pas long !
Le char va comme l’aquilon,
Et dans un coin où l’eau s’amasse,
Et que visite la limace,
Un trou jaune, argileux, oblong,
Reçoit la boîte à violon.

(Maurice Rollinat)

Violon (jouer du)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Scier ses fers.

France, 1907 : Scier les barreaux de sa prison. À cet effet, les prisonniers se servent d’un ressort de montre ou, dit Lorédan Larchey, d’un cheveu trempé dans l’acide nitrique.

Violon (le sentir)

Virmaître, 1894 : Un individu sans le sou, sans domicile, vagabond, sent le violon (Argot du peuple).

Violon (sentir le)

Vidocq, 1837 : v. a. — Être sur le point de devenir misérable.

Rigaud, 1881 : Sentir la misère.

France, 1907 : Devenir misérable ; n’avoir plus ni argent ni gîte.

Violoné

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Misérable.

Violoné, -ée

Vidocq, 1837 : s. — Celui ou celle qui est misérable, mal vêtu.

Violoneux

France, 1907 : Joueur de violon de campagne.

Le jeune violoneux saisit donc son instrument et préluda. Il sortit un de ces interminables concertos dont les musiciens ont la rage, une machine sans fin, lamentable.
L’œil illuminé, la mâchoire cruelle, le bras tendu comme vers un ennemi invisible, le malheureux joua plus de trois quarts d’heure, sans pitié pour un public ahuri qui était, certes, venu pour s’ennuyer, mais qui n’avait pas prévu ce supplice.

(Pierre Lefranc, L’Affaire de Brèves)

Violonnée

France, 1907 : Misérable ; pauvre. Argot des voleurs.

Violons (payer les)

France, 1907 : Faire tous les frais d’une affaire, tandis que les autres en tirent l’honneur ou le profit.

Vioque

Clémens, 1840 : Vie.

Larchey, 1865 : Vieux. — Corruption de mot. — V. Flacul. Vioque : Vie.

Quelle vioque je ferais avec mon fade de carle.

(Balzac)

France, 1907 : La vie ; argot des voleurs.

France, 1907 : Vieux ; argot des voleurs.

— Il a passe une babillarde à un vioque richard de son patelin… un loufoque qui s’amène à Paris pour faire la noce et courir les mômes… il l’a connu dans le temps, en Russie ; l’ayant filé aux environs de Paris, dans le tram qui le brouettait, il a fait remettre au pantre un mot d’écrit par un homme du chemin de fer… Le vioque est à nous…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Les objets mêm’ les pus moraux
Les pus vioques, n’ont quèqu’chose qui jase
Et gn’a pas jusqu’aux becs de gaz
Qui n’ont envie d’finir poireaux !

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Voir vioc.

Vir bonus dicendi peritus

France, 1907 : Homme de bien, qui sait manier la parole. Locution latine tirée de Quintilien et qu’on ne peut appliquer qu’à un bien petit nombre de tribuns populaires.

Virer

La Rue, 1894 : Changer. Vire ton brac sur ton masque, Change ton nom sur ton passeport.

Virer le vent (corde à)

France, 1907 : « à faire tourner le vent, à le faire venir d’un autre point de l’horizon. Quand vient la saison du poisson d’avril, les chefs de maison qui aiment à plaisanter envoient leurs enfants ou leurs domestiques chercher chez leurs voisins la corde à virer de vent ou le moule à boudins. »

(Comte Jaubert)

Dans les casernes, on envoie chercher :

La selle de la cantinière.
La clé du terrain de manœuvre.
Le surfaix de voltige du cheval de bois.
La boite à matriculer les pompons.
Le parapluie de l’escadron ou de l’escouade.
La boîte à guillemets.
Les oreillettes de mobilisation.
Le moulin à rata.
Le fer à repasser les pompons.
La trajectoire.
La ligne de mire.

Virevoustes

d’Hautel, 1808 : Corruption de virevolte, tour et retour fait avec vitesse ; autrefois on disoit virevousses.

Virgule

Larchey, 1865 : Cicatrice. — Allusion de forme.

Un’balle m’rase le front. Ça m’a fait une virgule.

(Le gamin de Paris ch. 184)

Delvau, 1866 : s. f. Barbiche, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Cicatrice.

Delvau, 1866 : s. f. Trace que les faubouriens se plaisent à laisser de leur passage dans certains lieux.

Rigaud, 1881 : Ponctuation excrémentielle qui tapisse les murs de certaines latrines publiques. Essais de peinture impressionniste tentés par les voyous sur les murs de ces établissements.

Virmaître, 1894 : Béranger explique ce mot :

Ah ! prions Dieu pour ceux qui n’en ont guère.
Ah ! prions Dieu pour ceux qui n’en ont pas.

Virgule : allusion à la forme ; ce n’est ni guère, ni pas, c’est un peu, comme on dit dans le peuple :
— Pas de quoi faire déjeuner le chat. (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Dans presque tous les lieux d’aisances des maisons populeuses et des ateliers, il y a au mur des virgules qui sont autant de signatures des cochons qui y passent. Ce qui a inspiré à un rimeur d’occasion :

Vous qui venez ici soulager vos entrailles,
Léchez plutôt vos doigts que de salir les murailles.

(Argot du peuple). N.

France, 1907 : Cicatrice ; argot des voleurs.

France, 1907 : Le membre viril en son état ordinaire ; argot faubourien.

— Retirez-vous, dit-elle au vieux capitaine, je n’aime pas les virgules.

(Les Joyeusetés du régiment)

Viro

La Rue, 1894 : Ivre. La tête à l’envers.

France, 1907 : Anagramane de ivro, abréviation d’ivrogne. Être viro, être ivre. Argot des voleurs.

Virolets

France, 1907 : « Les testicules, les génitoires, les marques de virilité d’un homme. » (Le Roux) Vieil argot.

Virotte

France, 1907 : Femme ; elle vire au gré du souteneur.

Virtus post nummos

France, 1907 : La vertu après l’argent. Locution latine tirée d’Horace et qui est devenue l’axiome moderne.

Vis

La Rue, 1894 : Cou.

Virmaître, 1894 : Serrer la vis à quelqu’un, c’est l’étrangler. Opération qui n’a rien d’agréable à subir au point de vue physique. Au point de vue moral non plus, car serrer la vis à un individu, c’est l’étrangler au point de vue de l’existence. Être dur, injuste, ne rien jamais trouver de bien de ce que fait un individu, c’est lui serrer la vis (Argot du peuple).

France, 1907 : Cou, gorge. Serrer la vis, traiter sévèrement, étrangler.

— Rien ne me dit qu’il ne me serrera pas un jour la vis pour sa largue.

(Mémoires de M. Claude)

Vis-à-vis

d’Hautel, 1808 : Au vis-à-vis de moi. Manière triviale, qui signifie à mon égard.

Larchey, 1865 : Un des deux couples nécessaires pour danser le quadrille.

Le vis-à-vis de ces deux danseurs était non moins ignoble.

(E. Sue)

Visage

d’Hautel, 1808 : Un visage de plâtre. Pour dire une mine fardée, plâtrée de blanc et de rouge.
Visage de prospérité. Un visage enjoué, bien, rempli, et frais.
Cela ne paroit pas plus que le net au milieu du visage. Pour dire que quelque chose que l’on cherche à cacher, est très-ostensible.
Le gros visage. Le postérieur, le derrière.
Un visage à cracher contre. Une figure laide, revêche et rebutante.
Trouver visage de bois. Se dit, lorsqu’on a été pour visiter quelqu’un ; et qu’on n’a trouvé personne.

Visage à culotte

Rigaud, 1881 : Vilain visage digne de figurer dans un pantalon.

Visage cousu

Delvau, 1866 : s. m. Homme très maigre, — dans l’argot du peuple.

Visage de bois

Larchey, 1865 : Porte fermée.

Fontenay Coup-d’Épée n’en fit que rire, et il retourne, mais il trouve, comme on dit, visage de bois.

(Tallemant des Réaux)

Delvau, 1866 : s. m. Porte fermée.

Virmaître, 1894 : Se casser le nez contre une porte fermée. Éprouver une déception à laquelle on ne s’attendait pas. Aller dîner en ville et ne trouver personne : visage de bois. On dit également : rester en figure (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Aller chez quelqu’un et n’y trouver personne est trouver visage de bois.

Visage de bois flotté

Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise mine, figure pâle, allongée. L’expression a des ancêtres :

Je ne suis pas un casse-mottes,
Un visage de bois flotté :
Je suis un Dieu bien fagotté,

a dit d’Assoucy.

Visage de campagne

France, 1907 : Le derrière.

Visage de constipé

Rigaud, 1881 : Mauvais visage, mine allongée et jaune.

Visage de cuir bouilli

Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque.

Visage sans nez

Delvau, 1866 : s. m. Messire Luc. On dit aussi tout simplement Visage, ainsi que le constatent ces vers de Voiture à une dame :

… Ce visage gracieux
Qui peut faire pâlir le nôtre,
Contre moi n’ayant point d’appas,
Vous m’en avez fait voir un autre
Duquel je ne me gardois pas.

Virmaître, 1894 : Le derrière. C’est un visage qui n’est pas désagréable à voir, surtout lorsqu’il est blanc, jeune, dodu et ferme. Voiture était de cet avis :

…Ce visage gracieux
Qui peut faire pâlir le nôtre,
Contre moi n’ayant point d’appas,
Vous m’en avez fait voir un autre
Duquel je ne me gardois pas.


Ce visage a l’avantage sur l’autre de ne pas faire de grimaces (Argot du peuple).

Viscop

Merlin, 1888 : (?) Schako.

Viscope

Delvau, 1866 : s. f. Visière, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Visière ; casquette.

La Rue, 1894 : Visière. Casquette.

Virmaître, 1894 : Casquette à longue visière, comme en portent les gens faibles de la vue. Un képi de troupier se nomme également une viscope. On dit aussi un abat-jour (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Visière de casquette.

Tu en as une viscope à ta bâche.

Hayard, 1907 : Casquette.

France, 1907 : Visière, casquette ; argot faubourien.

La viscope en arrière et la trombine au vent.

(Jean Richepin)

Viscrit

France, 1907 : Élève de deuxième année à l’École des arts et métiers, pour vice-crit, vice-conscrit. L’élève de troisième année est le conscrit.

Puis je fus le viscrit fidèle
Qu’en un an l’école à formé.
Je revenais tout plein de zèle,
Avec un esprit transformé.
Alors relevant ma visière,
Baissant de ma veste le col,
Je cheminais la mine altière,
Fendant, prêt à prendre mon vol !
Ah ! que j’étais heureux à cet âge,
Alors je ne doutais de rien :
Laissant du conscrit le langage,
L’argot du viscrit fut le mien.

(R. Roos)

Vise au treffle

Vidocq, 1837 : s. m. — Apothicaire.

Vise au trèfle

Virmaître, 1894 : Infirmier. L’allusion est amusante (Argot du peuple).

Vise-au-tréfle

Rigaud, 1881 : Apothicaire du temps de M. de Pourceaugnac.

Vise-au-trèfle

France, 1907 : Apothicaire, infirmier ; argot populaire. Voir Trèfle.

Vise-au-trou

France, 1907 : Même sens que vise-au-trèfle.

Viselot

Rossignol, 1901 : Être malin, vicieux. C’est un madre, il a du viselot.

Viser

d’Hautel, 1808 : Voilà bien visé pour un borgne. Manière ironique de dire qu’une personne s’est bien éloignée du but.

Visiteur

Delvau, 1866 : s. m. Frère qui se présente à une loge qui n’est pas la sienne, — dans l’argot des francs-maçons.

Vison, visu

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque, pour dire vis-à-vis, en droiture, face à face.

Visqueux

Fustier, 1889 : Souteneur de bas étage.

Visser

France, 1907 : Être vissé, c’est être interdit, suffoqué, ne savoir plus que répondre.

En attendant sa fille qu’elle avait cru jusqu’alors l’innocence même, lui déclarer sans détour que depuis plus de six mois elle couchait avec son beau locataire, la mère Badoure en resta vissée.

(René de Nancy)

France, 1907 : Faire taire, clouer le bec.

— Et ta mère, qu’a-t-elle répondu ?
— Rien, ça l’a vissée.

(Henri Lavedan, Leurs Sœurs)

Visuel (s’en humecter le)

France, 1907 : Regarder attentivement ; argot populaire.

Vit

Delvau, 1864 : « La partie qui fait les empereurs et les rois, la garce et le cocu, » dit le vertueux Pierre Richelet. En voici la description, d’après l’auteur du Noviciat d’amour :

Ce tube est le chef-d’œuvre de l’architecture divine qui l’a formé d’un corps spongieux, élastique, traversé dans tous les sens par une ramification de muscles et de vaisseaux spermatiques. Il est, à son extrémité supérieure, surmonté d’une tête rubiconde, sans yeux, sans nez, n’ayant qu’une petite ouverture et deux petites lèvres, couvert d’un prépuce, retenu par un frein délicat qui ne gêne point le mouvement d’action et de rétroaction : au bas de cet instrument précieux sont deux boules ou bloc arrondis, qui sont les réservoirs de la liqueur reproductive, qu’aspire et pompe votre partie dans le mouvement et le frottement du coït, id est, de la conjonction ; ces deux boules enveloppent deux testicules, d’où elles ont pris leur nom, et sont soutenues par le ralphé ; on les nomme plus généralement couilles et couillons…

(Mercier De Compiègne)

On dit de quelqu’un qui rougit de chaleur, de honte, de colère, ou pour toute autre cause : il est rouge comme un vit de noce.

(Dicton populaire)

L’académicien dit : Mon vit.

(L. Protat)

Ah ! je n’y tiens plus ! le cul me démange…,
Qu’on m’aille chercher l’Auvergnat du coin…
Car je veux sentir le vit de cet ange
Enfoncer mon con — comme avec un coin.

(Parnasse satyrique)

Si je quitte le rang de duchesse de Chaulne
Et le siège pompeux qu’on accorde à ce nom,
C’est que Gino a le vit long d’une aune,
Et qu’à mon cul je préfère mon con.

(Collé)

De Madeleine ici gisent les os,
Qui fut des vits si friande en sa vie,
Qu’après sa mort tout bon faiseur supplie
Pour l’asperger lui pisser sur le dos.

(B. Desperriers)

Quand votre vit, à jamais désossé,
Comme un chiffon pendra triste et plissé.

(Chanson d’étudiants)

France, 1907 : Membre viril, du latin vitum, dérivé de vita, vie. C’est en effet, suivant l’expression de Boccace, le bâton avec lequel on plante les hommes et qui perpétue la vie et les espèces. Le mot est aussi vieux que notre langue et nos pères, qui, n’étant pas englués de notre fausse et ridicule pudeur, n’hésitaient pas à le prononcer ni à l’écrire.

Ton vieux couteau, Pierre Martel, rouillé
Semble ton vit jà retrait et mouillé ;
Et le fourreau tant laid où tu l’engaînes,
C’est que toujours as aimé vieilles gaines.
Quant à la corde à quoi il est lié,
C’est qu’attaché seras et marié.
Au manche aussi de corne connoît-on
Que tu seras cornu comme un mouton.
Voilà le sens, voilà la prophétie
De ton couteau, dont je te remercie.

(Clément Marot)

Vit-trop

France, 1907 : Nom que les paysans donnent à celui à qui ils sont obligés de payer une rente viagère, ou à un vieux parent qu’ils sont obligés de nourrir ou dont ils convoitent l’héritage.

Vitelotte

Delvau, 1866 : s. f. Le nez, — du moins le nez de certains buveurs, qui affecte en effet la forme de cette variété de pomme de terre. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Nez. Quand un individu a bu beaucoup dans sa vie, son nez devient rouge et tuberculeux. Allusion à la pomme de terre que l’on nomme vitelotte, ou plutôt que l’on nommait, car elle a disparu entièrement, au grand désespoir des amateurs de gibelotte. Elle était la sauce du lapin (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Nez bourgeonné.

Hayard, 1907 : Nez.

France, 1907 : Nez rouge ; allusion à la pomme de terre de ce nom.

Viticulture

Delvau, 1864 : Culture des vits. Expression mise en usage par les jardinières à-matrices. — Ces dames, se basant sur ce que horticulture signifierait : culture des orties, ont créé la viticulture. Elles s’y livrent, non-seulement sans crainte, mais encore avec le désir ardent d’être souvent piquées. Que la récolte soit bonne ou mauvaise, elles s’aident entes elles, et se prêtent volontiers la main — pour l’amour de l’art.

Vitre

France, 1907 : Monocle.

Vitre, vitreux

France, 1907 : Œil.

On se souvient des Commoneux
Dont on questionnait la cervelle
En leur plantant dans les vitreux
Les coups d’ribouis… et d’points d’ombrelles.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Vitres

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux, — dans l’argot des faubouriens, qui ne savent pas se rencontrer si juste avec les gueux anglais, lesquels disent aussi Glaziers. Carreaux de vitres. Lunettes.

Virmaître, 1894 : Les yeux. Vitre : le lorgnon ; Il aide à voir (Argot du peuple).

Vitrier

d’Hautel, 1808 : Tu n’es pas fils de vitrier, on voit pas clair à travers ton corps. Voy. Clair.

Rigaud, 1881 : La couleur carreau d’un jeu de cartes. — Quinte mangeuse dans les vitriers, quinte majeure à carreau, — dans l’argot du peuple qui aime à jouer sur les mots en jouant aux cartes.

Rossignol, 1901 : Chasseurs à pied.

France, 1907 : Chasseur à pied. Ce fut le duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe, qui fut chargé en novembre 1838 de la formation de ce corps célèbre, et qui porta jusqu’en 1848 le nom de chasseurs d’Orléans, puis celui de chasseurs de Vincennes, et enfin de chasseurs à pied. Ce sobriquet de vitriers leur viendrait du sac de cuir verni réhaussé du manteau roulé et du piquet de tente qui leur donnait l’aspect d’une sellette de vitrier. Cependant tous les soldats ont à peu près le même sac ; ce n’est donc pas leur sac qui leur a fait donner ce sobriquet, mais leur conduite aux journées de juin 1848. Envoyés aux points les plus périlleux, ils les enlevèrent d’assaut, mais, les barricades prises, au lieu de tirer sur les insurgés en fuite, ils s’amusèrent à casser à coups de fusil les carreaux des fenêtres, d’où est venu l’air bien connu qui accompagne leur marche.

Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier qui passe !
Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier passé !

Vitriers

Larchey, 1865 : Chasseurs de Vincennes — Ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme les pièces de verre que les vitriers portent sur leur dos.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les chasseurs de Vincennes, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté cette expression aux zouaves, heureux de rendre à leurs rivaux la monnaie de leurs chacals. On croit généralement que cette appellation ironique date de 1851, époque à laquelle les chasseurs de Vincennes dégarnirent à coups de fusil une notable quantité de fenêtres parisiennes. On croit aussi qu’à cette occasion leur fut appliqué le couplet suivant, encadré dans une de leurs sonneries de clairon :

Encore un carreau d’cassé !
V’là l’vitrier qui passe.
Encore un carreau d’cassé !
V’là l’vitrier passé !

On se trompe généralement. L’expression date de 1840, époque de la formation des chasseurs de Vincennes au camp de Saint-Omer, et elle venait du sac de cuir verni que ces soldats portaient sur leur dos à la façon des vitriers leur sellette. Ce qui ajoutait encore à la ressemblance et justifiait le surnom, c’étaient le manteau roulé et le piquet de tente qui formaient la base du sac des chasseurs, comme le mastic et la règle plate la base de la sellette des vitriers.

Virmaître, 1894 : Les chasseurs de Vincennes. — Ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme la pièce de verre que les vitriers portent sur leur dos. L. L. Ce n’est pas cette cause qui a donné à ces soldats le nom de vitriers. En 1848, aux journées de Juin, les gardes mobiles et les chasseurs de Vincennes furent lancés aux endroits les plus périlleux dans les faubourgs, notamment faubourg du Temple. Ils prirent toutes les barricades avec un entrain extraordinaire, mais sans cruauté inutile, la plupart de ces soldats étant des enfants de Paris. Au lieu de tirer sur les insurgés, ils s’amusèrent à casser les carreaux sur tout leur passage. Depuis le boulevard du Temple jusqu’à la Courtille, il ne resta pas une seule vitre aux fenêtres. On fit une chanson à ce sujet : elle est restée très populaire :

Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier qui passe.
Encore un carreau d’cassé,
V’là vitrier passé.

(Argot du peuple). N.

Vitriers (les)

Merlin, 1888 : Les chasseurs à pied. Probablement à cause de leur havresac comparé au chevalet du vitrier.

Vitrine

Delvau, 1866 : s. f. Lorgnon, lunettes, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Lunette de spectacle.

Vitrine (être dans la)

France, 1907 : Être bien habillé ; expression populaire.

Vitrine (faire)

Fustier, 1889 : Se parer, se faire beau, s’endimancher.

Vitriol

Merlin, 1888 : Voyez Schnick.

France, 1907 : Eau-de-vie ; argot populaire.

Vitrioler

France, 1907 : Lancer du vitriol au visage de quelqu’un, généralement une rivale ou un amant lâcheur, car c’est une spécialité presque exclusivement féminine. Je dis presque exclusivement, car d’après un document de la prévôté de Paris portant la date de 1639, il résulte que le verbe vitrioler se conjuguait déjà il y a deux cent cinquante ans et fut mis en pratique par des hommes, sous l’instigation d’une femme, il est vrai.
Il est question, dans cette note, d’un attentat étrange commis par cinq hommes masqués, sur Mme la duchesse de Chaunes, à laquelle, ayant arrêté son carrosse, ils jetèrent une fiole pleine d’eau-forte au visage.

Vitrioleuse

France, 1907 : Émule des veuves Gras, Belligaud et tutti quanti depuis la déplorable facilité avec laquelle on acquitte ces gredines.

D’immondes coquines, ayant fait périr dans d’atroces souffrances de malheureux jeunes gens par lesquels elles se prétendaient séduites, furent acquittées par ces bons bourgeois qu’on appelle des jurés d’assises et l’on vit la justice rendre à la société de vulgaires criminelles qui n’avaient eu d’autres titres à cette excessive bonté nue d’avoir employé, pour détériorer leur homme, une arme plus lâche que le poignard ou le revolver.
Bien mieux ! on vit une foule en délire applaudir à l’acquittement de ces ignobles drôlesses et leur payer des consommations variées, à la sortie du Palais de Justice.
Plusieurs de ces Agnès de pacotille furent même épousées par des Anglais fantasques, tandis que les autres trouvaient également une position sociale, soit comme gouvernante d’un vieil imbécile, soit comme nourrice sèche dans une riche famille bourgeoise.
Le revolver à paru un jeu d’enfant à Catin vengeresse. Aussitôt elle a innové le coup traîtreux, lâche, ignoble du vitriol qui dévore les yeux et déchiquette les chairs du visage. Croiriez-vous que d’atroces femmes ont encore été épargnées par les jurés après ce crime abominable ? Dès lors une nouvelle industrie était fondée pour les catins sans emploi qui pullulent sur le pavé : le chantage au vitriol. Tout homme a dans son passé une amourette ou une peccadille. Voici que le péché d’antan revenait menaçant, avec l’exigence d’un nouveau salaire. Gare au vitriol ! Qui n’aurait pas tremblé… et payé ? S’il est besoin de quelque énergie pour le coup de feu, il suffit de cinquante centimes et d’un pot de terre à l’immonde et lâche gredine.

(Henry Bauër, La Ville et le Théâtre)

Viva voce

France, 1907 : De vive voix. Locution latine.

Vivant

d’Hautel, 1808 : Un bon vivant. Un réjoui bon-temps, un homme d’une humeur aimable ; un bout en-train.

Vive et me ama

France, 1907 : Vis et aime-moi. Locution latine employée dans le style épistolaire.

Vive l’amour après dîner

France, 1907 : Cette expression familière n’est que le rajeunissement du vieux dicton : « Sans pain ni vin, l’amour est vain », qui est lui-même une traduction d’un vers de Térence : Sine Cerere et Libero friget Venus, sans Cérès et Bacchus, Venus est transie. Pour être vaillant en amour, en effet, il faut des forces, et pour prendre des forces, il est nécessaire de bien s’alimenter. Vivre d’amour et d’eau fraîche, c’est une faribole bonne pour les petites pensionnaires sorties du Sacré-Cœur. Les Grecs disent avec raison : « Vénus est pour celui qui a le ventre plein et non pour qui l’a vide. » Terminons par ce dicton du Languedoc : Vivo l’amour ? mais qué icou diné.

Vive la souris (encore est)

France, 1907 : Nous donnons à titre documentaire cette vieille expression signifiant qu’on est encore vivant, debout et valide et qui a servi à une des plus jolies ballades de Charles d’Orléans, qui, fit prisonnier à la bataille d’Azincourt où périt la fleur de la chevalerie française, revint après une longue captivité en Angleterre et répondit à ceux qui avaient fait courir le bruit de sa mort :

Nouvelles ont couru en France
Par maints lieux que j’estoye mort,
Dont avoient peu desplaisance
Aucuns qui me hayent à tord.
Aultres en ont eu desconfort
Qui m’ayment de loyal vouloir
Comme mes bons et vrays amis,
Si fait à toutes gens scavoir
Qu’encore est vive la souris.

Vive valeque

France, 1907 : Vis et porte-toi bien. Locution latine employée dans le style épistolaire.

Vivere parvo

France, 1907 : Vivre de peu. Le secret de la sagesse ; celui qui sait vivre de peu ne se courbe devant personne.

Vivit

France, 1907 : Il a vécu. Locution latine par laquelle les Romains annonçaient la mort de quelqu’un.

Vivit sur pectore vulnus

France, 1907 : La blessure vit au fond du cœur. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.

Vivoter

d’Hautel, 1808 : Vivre médiocrement, d’une manière chétive.

Vivre

d’Hautel, 1808 : Il vit de l’air du temps. Voy. Air.
Il faut vivre avec les vivans. Pour dire se conformer à leurs caractères, supporter avec indulgence leurs défauts et leurs vices.
Il faut que tout le monde vive, larrons et autres. Se dit pour excuser les pillards, les gens qui vivent du fruit de leur monopole et de leurs exactions.
Bouffer les vivres. Manière basse et populaire, pour dire prendre ses repas ; manger aux heures accoutumées.

Vivre aux crochets de quelqu’un

France, 1907 : Vivre à son compte, à ses dépens. Se faire héberger, se faire entretenir.

— Vous n’avez jamais travaillé sérieusement. Vous aviez une sœur danseuse à la Porte-Saint-Martin, morte il y an environ trois mois dans de tragiques circonstances.
— Me parlez pas de ça, mon magistrat, vous me feriez verser toutes les larmes de mon corps.
— Vous vivier à ses crochets.
— C’était par esprit de famille.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

— Si tu savais comme c’est un homme léger ! Il ne va voir ses électeurs que six mois après leur mort. On le dit à qui veut l’entendre dans le quinzième arrondissement, où on ne le connait pour ainsi dire pas. Il est bon pour faire la noce et vivre à tes crochets.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Vivre d’amour et d’eau fraîche

Delvau, 1866 : v. n. Se dit ironiquement — dans l’argot de Breda-Street — de l’amour pur, désintéressé, sincère, celui

Qu’on ne voit que dans les romans
Et dans les nids de tourterelles.

Vivre de l’air du temps

Delvau, 1866 : N’avoir pas de quoi vivre. Argot du peuple.

Vivre de sa viande

France, 1907 : Gagner sa pitance en profitant de son physique.

La bouche plus p’tit’ que les calots,
L’esgourd’ girond’ comme un’ ostende,
Aussi j’ai dit : Vivons d’not’ viande !
J’aim’ mieux êt’ dos.

(Jean Richepin, La Chanson des gueux)

Vivres (taper sur les)

Larchey, 1865 : Manger avec avidité. — Couper les vivres : Supprimer l’envoi d’une pension alimentaire.

Vizir

France, 1907 : Tabac d’Orient de première qualité, dénommé ainsi parce qu’il est censé n’être fumé que par les vizirs.

Nous entrâmes dans un débit, et Bazin, qui connaissait les goûts d’Angèle, commanda un paquet de vizir. Je l’ai soupçonné, depuis, de l’avoir oublié dans sa poche, et cela jeta de l’ombre sur notre amitié.

(Hugues Le Roux)


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