France, 1907 : Être un imbécile. Terme populaire, employé par euphémisme pour désigner un mot de trois lettres qui est appelé pantoufle dans le Moyen de Parvenir. Être C… Comme la lune, être stupide.
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C (être un)
France, 1907 : Être un imbécile. Terme populaire, employé par euphémisme pour désigner un mot de trois lettres qui est appelé pantoufle dans le Moyen de Parvenir. Être C… Comme la lune, être stupide.
C… es au cul (avoir des)
Rigaud, 1881 : Être brave, ne pas se laisser intimider, — dans le jargon du peuple.
C’est à cause des mouches
Boutmy, 1883 : Réplique goguenarde que l’on fait à une question à laquelle on ne veut pas répondre. Un lundi après midi, un frère gouailleur interpelle ainsi son camarade : Eh ! dis donc, compagnon, pourquoi n’es-tu pas venu à la boîte ce matin ? L’autre répond par ce coq-à-l’âne : C’est à cause des mouches.
C’est le chat !
Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple, qui souligne ironiquement un doute, une dénégation. Ainsi, quelqu’un disant : Ce n’est pas moi qui ai fait cela. — Non ! c’est le chat ! lui répondra-t-on.
C’est plus fort que de jouer au bouchon avec des pains à cacheter dans six pieds de neige
Virmaître, 1894 : Expression employée pour marquer le comble de l’étonnement. On dit aussi c’est fort de café (Argot du peuple). N.
C’est que j’tousse
Rossignol, 1901 : Si, au contraire.
Tu ne connais pas la rue du Paon-Blanc ? — Non, c’est que j’tousse, j’y demeure.
C’est tout pavé
Larchey, 1865 : Ironiquement pour dire : C’est très loin d’ici, mais la route est si bonne !
C’est un pompier
Larchey, 1865 : C’est un fort buveur.
Ça (avoir de)
Rigaud, 1881 : Avoir de l’argent. — Avoir du courage, en accompagnant l’expression d’un coup de poing à l’endroit du cœur. — Regorger de trésors cachés sous le corsage, en parlant d’une femme.
Ça (c’est), c’est un peu ça
Larchey, 1865 : C’est superlatif.
Ils sont laids que c’est ça.
(Pecquet)
C’était ça, presque aussi bath qu’au café.
(Monselet)
On me cognait, mais c’était ça.
(Zompach, 1852)
Ça (cela)
Delvau, 1864 : Ça, c’est le vit ; ça, c’est le con ; — ça, c’est tous les agréments de la fouterie qu’on n’osa nommer, parce qu’ils s’appellent comme ça. — Faire ça, ou cela, c’est faire l’amour. Faire ci et ça, c’est faire ça… et autre chose.
Quand je suis sur ça,
Mon plaisir ne se peut comprendre,
Et, ma foi, sans ça.
Que pourrais-je faire de ça ?
J’aime assez m’y reprendre,
Pour arriver encore à ça.
Afin de mieux m’étendre
Sur ce beau sujet-là
Ah ! que j’aime ça !
Ce mot me plaît à la folie ;
Il semble déjà
Que je suis à même de ça.
(Gaudriole de 1884)
Ça (être)
Delvau, 1866 : Être parfait, comme il faut que ce soit — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Être ce qu’il faut qu’on soit ou que ce soit. Avoir de ça, avoir de l’argent, ou bien, encore, avoir de l’originalité, du talent, de l’esprit, etc. Ça signifie aussi les appas d’une femme. Elle a de ça, elle a une belle poitrine. Faire ça, accomplir l’acte qui, suivant l’Église, n’est permis qu’en mariage.
Ça (il a de)
Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un qui possède beaucoup d’argent. Les filles, pour vanter les agréments d’un homme, disent : Il a de çà ; mais ce n’est pas d’argent qu’il s’agit (Argot du peuple).
Ça (pas)
Rigaud, 1881 : Rien, pas le sou. — La locution se souligne en faisant claquer l’ongle du pouce sur une des dents de devant. — C’est un peu ça ! c’est très bien. — Comme c’est ça ! comme c’est vrai, comme c’est naturel ! — Pas de ça ! pas de plaisanteries, ne nous émancipons pas ! — dans le jargon des Lucrèces de boutique.
Ça colle
Rossignol, 1901 : Ça va.
Ça ne va que d’une fesse
Virmaître, 1894 : Chose qui va mal. Besogne accomplie avec répugnance. Être très malade (Argot du peuple). N.
Ça roule
Larchey, 1865 : Je me porte bien, je fais de bonnes affaires. — Ça roule se dit aussi d’une manœuvre effectuée sans ensemble.
Ça te la coupe
Larchey, 1865 : Cela te contrarie, te déroute (d’Hautel, 1808).
Cab
Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Cabotin, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Cabot.
France, 1907 : Abréviation de cabriolet ; anglicisme. Nous appelons improprement cab une sorte de cabriolet, fort en usage en Angleterre, où le cocher est assis derrière la voiture, tandis que le véritable nom est hansom. Le cab anglais est ce qui répond exactement à notre fiacre.
Le cab est un véhicule dans lequel le supérieur qui est à l’intérieur ne voit que la partie antérieure du postérieur de l’inférieur qui lui est supérieur.
(Gil Blas)
Cab ou cabot
Rossignol, 1901 : Chien.
Cab, cabe, cabot
France, 1907 : Chien. D’après Lorédan Larchey, ces mots seraient une contraction abrégée des deux mots : qui aboie. Les voleurs ont donné le nom de l’acte à l’acteur. Au lieu de dire le chien, ils ont dit : le qui aboie, et, en abrégeant : le qu’abe, le qu’abo. Le cab jaspine, le chien aboie. Cabot, en argot militaire, signifie caporal. C’est aussi l’apocope de cabotin.
Cab, cabot
Rigaud, 1881 : Chien, vilain chien qui n’appartient à aucune race. — Cabot vient de clabaud, crieur, braillard, d’où clabauder, dans la langue régulière. En hébreu clab veut dire chien ; clabauder est formé de clab.
Cabache
France, 1907 : Maître vigneron. (auvergnat).
Dès que les raisins sont jaunes comme des grappes d’or, ou noirs ainsi que les larmes d’encre, on sort des caves cuves et bachottes, qu’on lave avec soin. Puis, à la pointe du jour solennel, le maître vigneron, le cabache, s’en va à la loue quérir des vendangeurs et des vendangeuses.
(Jacques d’Aurélle)
Cabale
d’Hautel, 1808 : Ligue, coalition, clique que forment entre eux les ouvriers pour faire augmenter le prix de leurs journées.
À bas la cabale. Cri d’improbation ; se dit lorsqu’il s’élève quelque rumeur dans un lieu public, soit pour opinion, soit par l’effet d’une menée quelconque.
Clémens, 1840 : Réunions de claqueur.
Cabaler
Clémens, 1840 : Conspirer.
Cabaleur
d’Hautel, 1808 : Brouillon, trouble-fête ; personnage dangereux qui excite au trouble, qui met le désordre partout.
Cabande
France, 1907 : Chandelle ; argot des ouvriers.
Cabande, Cabombe
Rigaud, 1881 : Chandelle, — dans le jargon des ouvriers. — Estourbir la cabande, souffler la chandelle. — Tape-à-la mèche, honneur à la cabande, souffle la chandelle, — dans le jargon des chiffonniers. On disait autrefois : camoufle et camouflet, chandelier.
Cabanon
d’Hautel, 1808 : Petite cabanne.
Les cabanons. On nomme ainsi un rassemblement de petites cabannes, dans lesquelles on renferme les fous à Bicêtre ; le peuple dit par corruption les galbanons
Rigaud, 1881 : Salle de police infligée aux convalescents, — argot des soldats d’infanterie de marine.
Cabaret
d’Hautel, 1808 : Cabaret borgne. Un méchant petit cabaret, un trou.
Cette maison est un cabaret. Se dit par mépris d’une maison mal tenue, où le premier venu est admis à boire et à manger.
Il y a au cabaret du vin à tout prix. Signifie que toutes les choses n’ont pas la même valeur ; que l’on est servi selon le prix que l’on met à ses acquisitions
Cabaret borgne
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais lieu, cabaret de mauvaise mine.
France, 1907 : Cabaret de bas étage et de mauvaise réputation.
Cabaret des six-fesses
Virmaître, 1894 : Auberge tenue par trois femmes (Argot du peuple). N.
France, 1907 : « Auberge tenue par trois femmes ; argot du peuple. » (Ch. Virmaître)
Cabarmont
M.D., 1844 : Cabaret.
Cabas
d’Hautel, 1808 : Un vieux cabas. Terme de mépris ; voiture antique ; mauvais fiacre, traîné ordinairement par des haridelles qui valent moins encore.
Delvau, 1866 : s. m. Vieux chapeau d’homme ou de femme, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Femme ou chapeau avachis ; du catalan cabaz. En arabe, cabah signifie prostituée.
Cabasser
Vidocq, 1837 : v. a. — Tromper.
(Villon)
Delvau, 1866 : v. n. Bavarder, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Tromper, et même Voler.
Virmaître, 1894 : Bavarder sans cesse à tort et à travers (Argot du peuple).
France, 1907 : Tromper, voler, bavarder ; vieux mot français.
Cabasseur
Delvau, 1866 : s. m. Faiseur de cancans. Signifie aussi Voleur.
Rigaud, 1881 : Bavard. — Cabasser, bavarder, tromper.
Virmaître, 1894 : Cancanier ou cancanière (Argot du peuple).
Cabasson
Rigaud, 1881 : Vieux chapeau de femme, chapeau démodé.
Cabe
Vidocq, 1837 : s. m. — Chien.
Fustier, 1889 : Élève de troisième année à l’École normale.
France, 1907 : Étudiant de troisième année à l’École Normale.
Cabe, cabot
Larchey, 1865 : Chien (Vidocq). — Contraction des deux mots : qui aboie. Les voleurs ont, comme toujours, donné le nom de l’acte à l’acteur. Au lieu de dire le chien, ils ont dit : le qui aboie, et en abrégeant : le qu’abe, le qu’abo. V. Calvin, Combre.
Cabeau
Clémens, 1840 : Chien.
Cabèche, caboche
Hayard, 1907 : Tête.
Cabelot
France, 1907 : Tabouret ; argot des canuts.
Cabermon
Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Cabaret.
Cabermont
Vidocq, 1837 : s. m. — Cabaret.
Larchey, 1865 : Cabaret (Vidocq). — Corruption de mot.
La Rue, 1894 : Cabaret.
Cabermont, cabermuche
Rigaud, 1881 : Cabaret, — dans le jargon des voleurs.
Cabestan
Vidocq, 1837 : s. m. — Officier de paix ou de police.
Larchey, 1865 : Agent de police. — Comparaison de la corde qu’enroule le cabestan à celle avec laquelle l’agent garrotte les criminels (?). V. Macaron.
Delvau, 1866 : s. m. Officier de paix, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Officier de paix.
La Rue, 1894 : Agent de police. Officier de paix.
Virmaître, 1894 : Officier de paix. Il fait virer ses sous-ordres (Argot des voleurs). V. Bricule.
France, 1907 : Officier de paix.
Cabillot
Larchey, 1865 : « L’ennemi naturel du matelot, c’est le soldat passager, plus souvent nommé cabillot, à cause de l’analogie qu’on peut trouver entre une demi-douzaine de cabillots (chevilles) alignés au râtelier et des soldats au port d’armes. » — Physiologie du Matelot, 1843. — La langue romane avait déjà cabi : serré, rangé. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : s. m. Soldat, — dans l’argot des marins.
Rigaud, 1881 : Soldat de passage sur un navire, — dans le jargon des marins.
France, 1907 : Soldat ; argot des marins.
L’ennemi naturel du matelot, c’est le soldat passager, plus souvent nommé cabillot, à cause de l’analogie qu’on peut trouver entre une demi-douzaine de cabillots — chevilles — alignés au râtelier et des soldats au port d’armes.
(Physiologie du Matelot)
Le cabillot est la cheville en fer ou en cuivre qui sert à tourner les cordages.
Cabinet
Delvau, 1864 : La nature de la femme, où l’homme fait ses nécessités amoureuses, — ce qui donne à ce cabinet une odeur sui generis fort agréable, quoique un peu violente.
Le jardinier voyant et trouvant le cabinet aussi avantageusement ouvert, y logea petit à petit son ferrement.
(Noël Du Fail)
Rigaud, 1881 : Atelier des dessinateurs et graveurs pour étoffes.
Cabinet de lumière
Rigaud, 1881 : « Le sanctuaire du magasin (de nouveautés.) C’est une petite pièce carrée, sans aucune fenêtre : comme meubles, un divan de velours vert ou grenat, souvent une psyché au lieu de glace ; au milieu, un guéridon où l’on fait chatoyer sous la lumière du lustre les nuances tendres ou vives qui feront fureur demain. » (Commis et demoiselles de magasin, 1868.) C’est dans ce cabinet que les élégantes jugent de l’effet que produiront aux lumières les robes d’apparat.
Cabinet des grimaces
Rigaud, 1881 : Lieux d’aisances.
Câble
Rigaud, 1881 : Mari, — dans le jargon des voyous ; par allusion au câble du ballon captif de la cour des Tuileries, une des curiosités de l’Exposition de 1878. Aujourd’hui une gloire crevée comme tant d’autres.
Cabo
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chien.
Delvau, 1866 : s. m. Chien, — dans l’argot du peuple, qui a contracté le vieux mot Clabaud. On dit aussi Cabe.
Rigaud, 1881 : Caporal, — dans l’argot du régiment.
Merlin, 1888 : Caporal. — N’est-ce qu’une apocope du mot, ou bien le désigne-t-on ainsi en raison de son métier de chien ?
Cabochard
Rigaud, 1881 : Chapeau, — dans le jargon du peuple.
Caboche
d’Hautel, 1808 : Pour la tête, le chef de l’homme.
Rien ne peut entrer dans sa maudite caboche. Se dit de quelqu’un qui a la tête dure et l’intelligence très-bornée.
Il se fera donner sur la caboche. Pour il se fera corriger.
Quand il a mis quelque chose dans sa caboche, le diable ne lui ôteroit pas. Se dit d’un opiniâtre, d’un sot, d’un homme extrêmement entêté.
Une grosse caboche. Une grosse tête.
Une bonne caboche. Une tête bien organisée, pleine de sens et de jugement.
Halbert, 1849 : Tête.
Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot du peuple, qui s’éloigne bien du χεφαλέ, grec et du caput latin, mais ne s’éloigne pas du tout de la tradition : « D’autant plus qu’il n’avoit pas beaucoup de cervelle en sa caboche, » — disent les Nuits de Straparole.
Biau sire, laissiés me caboche,
Par la char Dieu, c’est villenie !
disent les poésies d’Eustache Deschamps. On dit aussi Cabosse.
Virmaître, 1894 : Tête (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Tête.
Caboche, cabèce
Rigaud, 1881 : Forte tête. C’est la tête de l’homme intelligent. Une caboche à X, une tête à mathématiques.
D’un petit tonnerre de poche, Lui frêle toute la caboche.
(Scarron, Gigantomachie, chap. 5.)
Caboche, cabèche
La Rue, 1894 : Tête.
Caboches
un détenu, 1846 : Sabots.
Cabochon
Delvau, 1866 : s. m. Coup reçu sur la tête, ou sur toute autre partie du corps.
Rigaud, 1881 : Caractère d’imprimerie très usé ; vignette effacée, détériorée.
Rigaud, 1881 : Taloche, choc, contusion. — Se cabochonner, se battre.
Rossignol, 1901 : Coup ou blessure.
J’ai reçu un cabochon qui m’a fendu la tête.
France, 1907 : Tête.
— Notre Aline, que nous pensions caser si avantageusement, après la superbe instruction qu’elle a reçue, tous les brevets qu’elle a obtenus, elle ne se marie pas ! aucun épouseur n’apparaît !… C’est bizarre tout de même ! Sa sœur Gabrielle, qui ne pouvait rien apprendre, qui avait le cabochon dur comme une pierre, disait-on, la voilà pourvue, elle !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Se dit aussi pour coup à la tête : « J’ai reçu un fameux cabochon »
Cabombe
Virmaître, 1894 : La chandelle. Quelques-uns écrivent calombe ou calbombe ; le vrai mot est cabombe (Argot du peuple).
Cabonte
Merlin, 1888 : On dit plus souvent camoufle, chandelle.
Cabot
Ansiaume, 1821 : Chien.
Pésille son cabot, tu en auras 20 balles.
Vidocq, 1837 : s. m. — Chien.
M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Chien.
Boutmy, 1883 : s. m. Chien, et surtout Chien de petite taille. Ce mot n’est pas particulier à l’argot typographique.
Fustier, 1889 : Argot militaire. Élève-cabot, élève caporal. Cabot pris absolument dans le sens de caporal est inusité. (Ginisty, Manuel du réserviste)
La Rue, 1894 : Chien. Caporal. Cabot du quart, secrétaire (chien) du commissaire. Cabot ferré, gendarme.
Virmaître, 1894 : Chien (Argot du peuple). V. Alarmiste.
Virmaître, 1894 : Chien du commissaire de police. Par abréviation on dit simplement le cabot du quart (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Caporal.
Hayard, 1907 : Chien.
France, 1907 : Acteur : apocope de cabotin.
Je n’ai jamais couché avec un cabot, jamais je ne coucherai avec un cabot.
(Henry Bauër, Une Comédienne)
France, 1907 : Poisson, chien de mer, chien.
Avec des ciseaux, je l’confesse,
J’arriv’ derrièr’ chaque beau toutou
Qu’un brave bourgeois retient en laisse,
Et j’surin’ la cord’ d’un seul coup,
Avec le cabot j’carapatte,
Et pour me r’piger pas moyen,
Ah ! c’métier-là est vraiment batte !
Pour la fourrièr’ j’ramasse les chiens.
(S. Martel)
Cabot ferré
Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme à cheval.
Virmaître, 1894 : Gendarme. Allusion aux clous qui garnissent les semelles de bottes des gendarmes (Argot des voleurs). V. Hirondelle de potence.
France, 1907 : Gendarme à cheval.
Cabot ou cabotin
Rossignol, 1901 : Mauvais artiste lyrique ou dramatique.
Cabot, cabotin
Rigaud, 1881 : Acteur sans talent et sans dignité. D’après M. Ed. Fournier, Cabotin était le nom d’un célèbre opérateur nomade, qui, en même temps que tous les gens de son métier, était, tout ensemble, imprésario et charlatan, vendait des drogues et jouait des farces. (Chanson de Gauthier-Garguille, préface.)
Cabot, cleps
anon., 1907 : Chien.
Cabotin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux, qui signifie histrion, batteleur ; comédien ambulant, indigne des faveurs de Thalie.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais acteur, — le Rapin du Théâtre, comme le Rapin est le Cabotin de la Peinture.
France, 1907 : Acteur ; argot populaire.
Edmond Garnier a esquissé en quelques vers les traits du pauvre cabotin :
Au café, riche… en espérance !
Il raconte avec assurance
Ses succès à Chose, à Machin,
Au beau temps ainsi qu’à l’orage
Opposant un même visage,
Joyeux il nargue le destin,
Juif errant de l’art, très utile,
Il va partout, de ville en ville,
Sans nul souci du lendemain,
Au bourgeois bête, qui le blâme,
Il sait montrer qu’il a de l’âme…
Quoique bouffon du genre humain.
…
Ce cabot, que Paris évince,
Un beau jour s’éteint en province
Sans ai qui pleure sa fin.
Mais tous les ans, dame Nature
Revient parer, de sa verdure,
L’humble tombe du cabotin.
Cabotinage
Delvau, 1866 : s. m. Le stage de comédien, qui doit commencer par être sifflé sur les théâtres de toutes les villes de France, avant d’être applaudi à Paris.
Rigaud, 1881 : Le cabotinage consiste à savoir se passer de talent, à se montrer plus souvent au café que sur les planches, à préférer les petits verres sur le comptoir aux alexandrins des classiques et même à la prose de M. Anicet-Bourgeois.
Le cabotinage est aussi la basse diplomatie des coulisses ; cabotiner c’est faire des affaires théâtrales comme certains courtiers font des affaires de bourse, écouter aux portes d’un comité pendant qu’un confrère lit son drame, et porter au théâtre voisin l’idée de, l’ouvrage qu’on vient de surprendre, mendier ou acheter des tours de faveur, monter une cabale contre un ouvrage, tout cela est du cabotinage.
(Petit dict. des coulisses, 1835.)
France, 1907 : Art perfectionné de la réclame qui devient de plus en plus commun chez les artistes, les plumitifs, et, ô horreur ! les hommes dits d’État.
Cet art s’étend partout, à tel point qu’on accuse même les anarchistes « militants » d’être des cabotins.
Faire du cabotinage quand la tête est en jeu, c’est raide.
France, 1907 : Vie de déceptions, de travail, de hauts et de bas de l’acteur avant qu’il prenne la place dont parlait Edmond Deschaumes, et décroche le ruban de la Légion d’honneur.
Cabotine
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui fait les planches au lieu de faire le trottoir.
Rigaud, 1881 : Actrice qui, sans plus de talent que le cabotin, possède une corde de plus à son arc. Elle se sert du théâtre comme d’un bureau de placement pour ses charmes. — Terme de mépris pour désigner une actrice quelconque dont on a à se plaindre ou qu’on veut blesser.
Il (le marquis de Caux) l’insultait (la marquise de Caux, la Patti)… Ainsi il a dit plusieurs fois : Maudit soit le jour où j’ai épousé une cabotine comme toi !
(Liberté du 6 août 1877, Compte rendu du procès Caux-Patti.)
France, 1907 : Mauvaise actrice, ou actrice appartenant à une troupe ambulante.
Quelques petites cabotines se font des confidences et se racontent leur premier faux pas.
— Moi, ç’a été avec mon cousin…
— Moi avec un acteur…
— Oh ! moi, dit la plus ingénue, ça a été avec deux militaires !
(Écho de Paris)
Cabotiner
Delvau, 1866 : v. n. Aller de théâtre en théâtre et n’être engagé nulle part.
Rigaud, 1881 : Jouer comme un mauvais acteur ; jouer partout, mal et sans succès.
France, 1907 : Faire le métier de cabotin ou fréquenter les cabotins. Mener une vie de cabotins. Cabotiner, acte de courir de ville en ville.
Caboulot
Larchey, 1865 : « Le caboulot est un petit café où l’on vend plus spécialement des prunes, des chinois et de l’absinthe. » — Daunay, 1861. — Une monographie des Caboulots de Paris a paru en 1862. — C’est aussi un cabaret de dernier ordre. V. Camphrier.
Delvau, 1866 : s. m. Boutique de liquoriste tenue par de belles filles bien habillées, qui n’ont pour unique profit que les deux sous du garçon.
Ce mot a une vingtaine d’années. Au début, il a servi d’enseigne à un petit cabaret modeste du boulevard Montparnasse, puis il a été jeté un jour par fantaisie, dans la circulation, appliqué à toutes sortes de petits endroits à jeunes filles et à jeunes gens, et il a fait son chemin.
Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs servies par des femmes aimables, trop aimables. Les fruits à l’eau-de-vie et l’absinthe y tiennent le premier rang.
Mot pittoresque du patois franc-comtois, qui a obtenu droit de cité dans l’argot parisien. Il désigne un trou, un lieu de sordide et mesquine apparence, par extension petit bazar, petit café. Le caboulot de la rue des Cordiers, qui est le plus ancien de tous, s’ouvrit en 1852.
(Ces dames, 1860)
Le caboulot, c’est-à-dire le débit de la prune et du chinois, du citron confit à l’état de fœtus dans l’esprit-de-vin, le tout couronné par une femme à peu près vêtue, belle comme la beauté diabolique d’Astarté… et elle rit et elle chante et elle trinque, et elle passe ensuite derrière le rideau… et le caboulot a multiplié comme la race d’Abraham.
(Eug. Pelletan, La Nouvelle Babylone)
La Rue, 1894 : Petit débit de liqueurs.
Virmaître, 1894 : Cabaret de bas étage. Brasserie où les consommateurs sont servis par des femmes. Caboulot n’est pas juste, on devrait dire maison tolérée. Cette expression a pour berceau le quartier latin (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Débit de bas étage.
Hayard, 1907 : Cabaret.
France, 1907 : Petit café où l’on vend plus spécialement des liqueurs et où l’on est généralement servi par des femmes.
Le mot, écrivait Delvau en 1880, au début, servait d’enseigne à un petit cabaret du boulevard Montparnasse, puis il a été jeté un jour, par fantaisie, dans la circulation, appliqué à toutes sortes de petits endroits à jeunes filles et à jeunes gens, et il a fait son chemin.
Les artistes ne sont pas payés par l’établissement. Après chaque chanson, ils font le tour des tables, un plateau à la main, et ce sont les clients qui rémunèrent eux-mêmes leurs distractions. Absolument comme dans les caboulots de province, avec cette différence pourtant que la chanteuse légère — oh ! oui, légère ! — ne met pas la clé de sa chambre en tombola.
Caboulote
Rigaud, 1881 : Hébé de caboulot. La caboulote tient à la fois du garçon de café et de la fille de maison. Elle est chargée de verser à boire, de pousser à la consommation et le client à la porte, par les épaules, s’il fait trop de tapage.
Voici des actrices, des modèles, des caboulotes, des marchandes de bouquets et de plaisir.
(Ed. Robert, Petits mystères du quartier latin, 1860.)
Caboulottière
Rigaud, 1881 : Même signification que ci-dessus.
L’an dernier, ayant écrit un entrefilet des plus virulents contre les caboulottières, nous avons reçu les cartes de 876 de ces demoiselles.
(Tam-Tam du 6 juin 1880)
Cabousse
France, 1907 : Grand fourneau carré ; argot des baleiniers. La cabousse est chauffée à l’aide des scraps ou cretons encore imprégnés d’huile.
Cabrer
Halbert, 1849 : Se fâcher.
Cabrer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se fâcher, — dans l’argot des bourgeois.
Merlin, 1888 : Se fâcher, se raidir, s’emporter. Cette expression — est-il besoin de le dire ? — n’est employée que dans la cavalerie.
Cabrio
Rigaud, 1881 : Chapeau de femme, à l’époque où les femmes portaient de larges chapeaux ; c’est l’apocope de cabriolet.
Je n’ai pas moins changé mon cabrio contre une paire de bottines à talons de cuirassier.
(H. de Lynol, Encore une industrie inconnue)
Le cabrio semble vouloir revenir à la mode ; juste retour des choses d’ici-bas.
Cabriole
d’Hautel, 1808 : Saut de joie ; danse folâtre.
Faire des cabrioles. Danser de joie ; manifester un grand contentement
Rigaud, 1881 : Chambre, chambrée, — dans le jargon des voleurs ; c’est une déformation de cambriolle. Choper une cabriole au rendêve des espagnols, louer une chambre dans un hôtel garni de dernier ordre ; c’est mot à mot : louer une chambre au rendez-vous de la vermine.
France, 1907 : Chambre ; corruption de cambriole.
Cabrioler
d’Hautel, 1808 : Sauter, faire des gambades, des cabrioles ; danser en fou
Cabriolet
Vidocq, 1837 : s. m. — Hotte de chiffonnier.
Larchey, 1865 : Chapeau de femme. — Une capote de femme ressemble assez à celle d’un cabriolet.
Delvau, 1866 : s. m. Petit instrument fort ingénieux que les agents de police emploient pour mettre les malfaiteurs qu’ils arrêtent hors d’état de se servir de leurs mains.
Rigaud, 1881 : Corde à nœuds, longue de vingt-cinq centimètres et munie, aux deux extrémités, de deux morceaux de bois. C’est à l’aide de cette corde que les agents de police lient les mains des détenus.
Ainsi nommée parce qu’en la serrant on fait cabrioler le patient.
(F. du Boisgobey)
Rigaud, 1881 : Hotte de chiffonnier, — dans le jargon du peuple.
Fustier, 1889 : Petite boîte servant à classer des fiches.
La Rue, 1894 : Poucettes, lien dont les agents se servent pour tenir les malfaiteurs.
Virmaître, 1894 : Corde de boyau de chat, ou forte ficelle de fouet, terminée par deux chevilles. Les gardes et les agents passent le cabriolet au poignet des prisonniers pour prévenir les évasions et empêcher les récalcitrants de se révolter. (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Outil de répression à l’usage des gardes républicains et agents de police. Cet objet se compose d’une chaîne d’environ 20 centimètres terminée à chaque bout par une poignée en bois en forme d’olive assez longue, que l’on met aux détenus quand on les extrait de prison pour les conduire au tribunal ou à l’instruction. Le cabriolet se passe au poignet gauche du détenu pour prévenir l’évasion, et les deux poignées sont tenues par la main droite du garde.
Hayard, 1907 : Entraves au poignet des prisonniers.
France, 1907 : Boîte servant à classer des fiches.
France, 1907 : Sorte de menottes que les agents de police passent aux poignets de ceux qu’ils arrêtent, pour paralyser leurs mouvements. « Cabriolet et ligote, dit Guy Tomel, sont l’alpha et l’oméga des engins d’arrestation. Ils ont remplacé les antiques poucettes avec lesquelles plusieurs générations de gendarmes conduisirent de brigade en brigade les malfaiteurs confiés à leur vigilance. »
« Les affaires sont les affaires », l’homme de police en fonctions ne connait plus personne et se dit : « Le devoir est le devoir… Et ce devoir, quoi qu’il m’en coûte, je le remplirai. » Et paisiblement, comme s’il cherchait son mouchoir, il fouilla dans les basques de sa redingote et en tira trois de ces instruments qu’on appelle, en argot, des cabriolets.
— Des menottes ! s’écrièrent-ils indignés. Vous voulez nous mettre les menottes ?
— J’avoue que c’est mon intention.
(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)
Cabriolet se dit aussi ironiquement pour la hotte d’un chiffonnier. Les chapeaux de femmes comme on en voit dans les dessins de Gavarni portaient également ce nom, à cause de leur forme, qui les faisait ressembler à celle d’un cabriolet.
Cabriolet, cachemire d’osier
Larchey, 1865 : Hotte de chiffonnier (Vidocq). — Comparaison ironique. Comme le cachemire, la hotte se met sur le dos. Même ironie pour le premier mot. Le chiffonnier roule avec son cabriolet comme le fantassin part à cheval sur Azor.
Cabrioleur
d’Hautel, 1808 : Charlatan, farceur, danseur de corde ; homme vif et pétulant qui sautille continuellement à la manière des chevreaux.
Cabrioleuse
France, 1907 : Marchande d’amour.
Et les hommes, dont la bêtise est d’ailleurs insondable, ne passeraient pas leur temps à prendre pour des veuves de généraux espagnols des cabrioleuses fraîchement débarquées de l’hôpital de Loureine.
(Henri Rochefort)
Cabrion
Delvau, 1866 : s. m. Rapin, loustic, mauvais farceur, — dans l’argot des gens de lettres, qui se souviennent du roman d’Eugène Sue (Les Mystères de Paris).
France, 1907 : Rapin, loustic d’atelier, personnage des Mystères de Paris d’Eugène Sue, qui passe sa vie à faire le désespoir de Pipelet.
Caca
d’Hautel, 1808 : Terme dont on se sert ordinairement pour nommer les ordures et les excrémens des enfans, et que ceux-ci appliquent eux-mêmes à tout ce qui est sale et malpropre.
C’est du caca. Se dit aux petits enfans pour les dégoûter de quelque chose qu’ils veulent avoir, ou quelquefois seulement pour les empêcher d’y toucher
Delvau, 1866 : s. m. Évacuation alvine, — dans l’argot des enfants ; Vilenie, — dans l’argot des grandes personnes qui connaissent le verbe Cacare. Faire caca. Ire ad latrinas.
Rigaud, 1881 : Double quatre d’un jeu de dominos. Les joueurs de dominos, pour varier et animer le jeu, disent encore « Bazaine », qu’ils alternent avec Caca.
Cacade
d’Hautel, 1808 : Faire une cacade. C’est ce que l’on appelle communément, Saigner du nez, ou être obligé de renoncer à une entreprise téméraire, dont on s’étoit vanté de venir à bout.
Delvau, 1866 : s. f. Reculade, fuite honteuse, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Voltaire.
France, 1907 : Reculade, fuite accompagnée de coliques ; c’est en provençal, en substituant le g au c, la décharge du ventre.
Cacade, cagade
Rigaud, 1881 : Bêtise. — Faire une cagade, se tromper grossièrement.
Cachalot
Virmaître, 1894 : Femme qui a des aptitudes spéciales. Elle rend par le nez ce qu’elle a avalé par la bouche (Argot des filles). N.
France, 1907 : « Femme qui a des aptitudes spéciales. Elle rend par le nez ce qu’elle a avalé par la bouche. Argot des filles. »
(Ch. Virmaître, Dictionnaire fin de siècle)
France, 1907 : Vieux marin.
Pour atteindre le bateau américain qui a bien voulu me prendre et me tirer de cet enfer, j’ai dû nager pendant près de deux heures, entre deux eaux, afin d’éviter d’être aperçu des sentinelles et des barques de l’administration ; il m’a fallu aussi plonger tout à coup pour échapper aux requins, qui venaient flairer en moi un déjeuner… Tu comprends que pour un vieux cachalot comme moi, me jeter dans ce canal, un simple ruisseau, c’était une plaisanterie.
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Cachan (aller à)
Rigaud, 1881 : Se cacher. Jeu de mots sur le village de Cachan, près d’Arcueil. (L’expression date du XVIIIe siècle.)
Cache
d’Hautel, 1808 : Pour cachette ; lieu secret ; nœud d’une affaire
Delvau, 1866 : s. f. Endroit où l’on se cache. Argot des enfants. Jouer à cache-cache. Jouer à se cacher.
Cache-folie
Rigaud, 1881 : Postiche en cheveux. En terme de coiffeur, le cache-folie comprend tout ce qui se rattache à l’art du postiche en cheveux.
France, 1907 : Caleçon ; argot du peuple qui considère ce que cache le pantalon comme menant beaucoup de gens à Charenton.
Cache-fringues
Virmaître, 1894 : Armoire (Argot des voleurs). N.
Cache-frusques
France, 1907 : Armoire.
Cache-misère
Delvau, 1866 : s. m. Vêtement ample, boutonné jusqu’au menton et dissimulant tant bien que mal l’absence de la chemise. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Vêtement ample et surtout très long, qui a la prétention de couvrir la détresse des guenilles et l’absence de linge. Le mac-farlane, pour les hommes, le waterproof, pour les femmes, sont des cache-misère pair excellence. — Un bohème avait adopté pour cache-misère une vieille robe de chambre, dans laquelle il est mort sur un banc du Pont-Neuf.
France, 1907 : Vêtement boutonné jusqu’au menton et dont le pauvre diable relève le collet pour cacher son linge sale ou l’absence de linge.
Cachemar
France, 1907 : Cachot ; argot des voleurs, qui disent aussi cachemince et cachemuche.
Cachemire
Delvau, 1866 : s. m. Torchon, — dans l’argot ironique des faubouriens. Donner un coup de cachemire sur une table. L’essuyer.
Cachemire (coup de)
Rigaud, 1881 : Coup de serviette, — dans le jargon des habitués de café. On réclame ordinairement un coup de cachemire pour approprier le marbre de la table, avant de se livrer aux émotions du domino.
Cachemire d’osier
anon., 1827 : Hotte de chiffonnier.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Hotte de chiffonier.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Hotte de chiffonnier.
Delvau, 1866 : s. m. Hotte, — dans l’argot des chiffonniers. Ils disent aussi Cabriolet, et Carquois d’osier.
Rigaud, 1881 : Hotte de, madame la chiffonnière, — dans le jargon du peuple.
Rossignol, 1901 : Hotte de chiffonnier.
France, 1907 : Hotte de chiffonière.
Cachemire d’osier, cabriolet
La Rue, 1894 : La boîte des chiffonnières.
Cachemite
Delvau, 1866 : s. f. Cachot, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Cachot ; avec changement de la dernière syllabe. Les lettrés de Mazas disent également cachemar, cachemuche, cachemince, selon qu’ils parlent en uche, mince ou mar.
Cachemite, mitard
La Rue, 1894 : Cachot.
Cachemitte
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Cachot.
France, 1907 : Cachot, prison. Réceptacle des mittes et des mitteux.
Cacher
d’Hautel, 1808 : Cacher son jeu. Agir avec finesse ; ne divulguer ni sa conduite ni ses desseins.
d’Hautel, 1808 : Il est fin comme Gribouille qui se cache dans l’eau peur de la pluie. Se dit par raillerie d’un homme dénué de finesse et de subtilité, dont les ruses et les tours sont si maladroitement, si grossièrement conçus, qu’il est presqu’impossible de ne pas les apercevoir.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Manger, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Manger ; argot des faubouriens.
Cachet (avoir du)
France, 1907 : Avoir de la distinction, de belles manières. Se dit aussi pour mode.
Et ce n’est pas lui qui porterait des gants vert-pomme si le cachet était de les porter sang-de-bœuf.
(P. Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)
Cachet de la mairie
Rigaud, 1881 : Témoignage laissé à une chemise par une personne qui a, peut-être, manqué de papier. On dit aussi le cachet de M. le maire, la marque de fabrique.
Cachet de la république
Delvau, 1866 : s. m. Coup de talon de botte sur la figure. Argot des voyous.
Virmaître, 1894 : C’est un coup de pied canaille. Quand deux hommes se battent, le plus fort, d’un coup de talon, écrase la figure de son adversaire. Il lui pose le cachet (Argot du peuple).
France, 1907 : Marque d’un coup de talon de botte sur la figure ; argot des rôdeurs de barrière. Il laisse une emprunte rouge.
Cachet de M. le Maire
Delvau, 1866 : s. m. Tache breneuse à la chemise. Argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Tache à la chemise, derrière, ce qui indique l’oubli du papier traditionnel (Argot du peuple).
Cachet de Monsieur le Maire
France, 1907 : Marque à la chemise de gens qui ont oublié le précepte :
Ayez toujours du papier dans vos poches,
On ne sait pas ce qui peut arriver.
Cachotter
d’Hautel, 1808 : Faire des cachoteries ; parler à voix basse et mystérieusement, à dessein de cacher des choses d’une médiocre importance.
Cachotterie
d’Hautel, 1808 : Entretien mystérieux.
Delvau, 1866 : s. f. Mystère fait à propos de choses qui n’en valent pas la peine. Même argot [du peuple].
Cachottier
Delvau, 1866 : s. m. Homme sournois, mystérieux, qui ne confie rien à personne.
Cachottier, cachottière
France, 1907 : Homme sournois qui fait ses affaires en cachette sans en rien dire à personne ; argot populaire.
— Sacré cachottier, s’il nous avait seulement dit : Je suis cocu… Nous aurions été satisfaits. Pas vrai, vous autres ?
Au lieu de cela, il décampait, il se dérobait à leurs partie de billard, il leur volait une amitié de six ans, sur laquelle ils avaient des droits.
(Camille Lemonnier)
— On a donc déjà eu des amants ? Et l’on ne s’en vantait pas ? Fi, la cachottière !
(Paul Hervieu)
Cacique
France, 1907 : Premier d’une section à l’École normale.
Caco
France, 1907 : Expression d’encouragement qu’on adresse aux enfants lorsqu’ils s’essayent à marcher.
Cacophonie
d’Hautel, 1808 : Quiproquo, malentendu, dissonance, irrégularité.
Les personnes qui parlent mal, prononcent cacaphonie.
Cadancher ou callancher
Rossignol, 1901 : Mourir.
Il est bien malade : il va callancher.
Cadavre
Delvau, 1866 : s. m. Secret qu’on a intérêt à cacher, — faute ou crime, faiblesse ou malhonnêteté. Argot des gens de lettres. Savoir où est le cadavre de quelqu’un. Connaître son secret, savoir quel est son vice dominant, son faible.
Delvau, 1866 : s. m. Synonyme de corps. Même argot [du peuple]. Se mettre quelque chose dans le cadavre. Manger.
Rigaud, 1881 : Corps humain vivant. Promener son cadavre, se promener. — Aller se refaire le cadavre, aller manger. — Travailler le cadavre de quelqu’un, rouer quelqu’un de coups.
France, 1907 : Corps vivant. Se lester le cadavre, manger ; argot populaire. Ce mot s’emploie aussi pour la preuve d’une action répréhensible, faiblesse ou malhonnêteté, et quelquefois pis, commise dans un passé plus ou moins lointain. Chercher le cadavre de quelqu’un, c’est éplucher sa vie pour découvrir quelques délits secrets.
Tous ces gens ont, comme moi, leur petit cadavre. Le mien, je l’exhibe et le revendique : c’est la Commune. Eux cachent le leur et ils ont raison. Je ne les blâme pas et les laisse en paix — à chacun le droit de vivre — mais je les trouve parfois trop vertueux, trop importants et trop enclins aux coups de grosse caisse.
(Hector France, La Nation)
Cadavre (connaître le, savoir où est le)
Rigaud, 1881 : Connaître une particularité de la vie de quelqu’un qu’il a intérêt à tenir secrète. C’est grâce à la connaissance de certains cadavres, qu’il est donné à tant de chanteurs d’exploiter tant de monde. — Il y a un cadavre : il y a complicité. Le cadavre est une intimité inexpliquée entre deux ou plusieurs personnes de position et de rang différents et qu’on soupçonne d’avoir trempé dans quelque mauvaise action.
Cadavre (jouer le)
Rigaud, 1881 : S’acharner après un banquier en déveine, en argot de joueurs.
Ils jouaient le veinard, absolument comme d’autres jouaient le cadavre, s’acharnant contre le banquier, qui était dans une période malheureuse.
(Vast-Ricouard, Le Tripot)
Cadavre (piétiner sur le)
Rigaud, 1881 : Médire d’une personne récemment décédée, diffamer un mort de la veille, — dans le jargon des gens de lettres. — « Attendez au moins qu’il soit froid », dit-on, quand la médisance est par trop hâtive.
Cadédis
d’Hautel, 1808 : Juron badin en usage parmi les Gascons, et qui équivaut à morbleu ! tubleu ! tudieu !
Un petit cadédis, pour dire un petit cheval vif et fringant.
Cadelle en cé
Clémens, 1840 : Chaîne en argent.
Cadelle en dure
Clémens, 1840 : Chaîne en fer.
Cadelle en fagots
Clémens, 1840 : Chaîne de forçats.
Cadelle en jonc
Clémens, 1840 : Chaîne en or.
Cadelle en rouget
Clémens, 1840 : Chaîne de cuivre.
Cadelles
Clémens, 1840 : Chaînes.
Cadence
d’Hautel, 1808 : Mettre hors de cadence. Pour déconcerter ; démonter quelqu’un ; le contrarier dans ses vues, dans ses projets.
Cadène
Delvau, 1866 : s. f. Chaîne de cou, — dans l’argot des voleurs, dont les pères ont jadis fait partie de la Grande Cadène qui allait de Paris à Toulon ou à Brest.
Rigaud, 1881 : Chaîne, — dans l’ancien argot ; du latin catena.
La Rue, 1894 / Hayard, 1907 : Chaîne.
Cadenne
Vidocq, 1837 : s. f. — Chaîne de col.
Larchey, 1865 : Chaîne de cou (Vidocq). La racine latine (catena) est demeurée presque intacte.
Virmaître, 1894 : Chaîne de montre. Quelques-uns écrivent cadelle, mais c’est bien cadenne, car on appelait ainsi la grande chaîne de forçats qui autrefois partaient de Bicêtre pour les bagnes de Brest ou de Toulon. Cette expression est restée (Argot des voleurs).
Cadennes
Ansiaume, 1821 : Chaînes.
Si je trouvois ma belle, j’aurais bientôt fait de mes cadennes.
Cadet
d’Hautel, 1808 : Un cadet hupé. Le coq du village ; campagnard qui a du foin dans ses bottes ; garçon jeune, robuste et vigoureux.
Le cadet. Pour dire le derrière.
C’est un torche cadet ; ce n’est bon qu’à torcher cadet. Se dit d’un papier inutile, ou pour marquer le mépris que l’on fait d’un mauvais ouvrage.
Cadet de haut appétit. Voy. Appétit.
Ansiaume, 1821 : Pince pour voler.
Il faut un fameux cadet pour débrider la lourde de l’antonne.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pince en fer (Voyez Monseigneur).
Vidocq, 1837 : s. m. — Pince de voleur.
M.D., 1844 : Instrument avec lequel on casse une porte.
un détenu, 1846 : Principal outil pour casser les portes.
Halbert, 1849 : Outil pour forcer les portes.
Larchey, 1865 : Derrière.
Sur un banc elle se met. C’est trop haut pour son cadet.
(Vadé)
Larchey, 1865 : Individu. — Pris souvent en mauvaise part.
Le cadet près de ma particulière s’asseoit sur l’ banc.
(Le Casse-Gueule, chanson, 1841)
Larchey, 1865 : Pince de voleur (Vidocq). — Cadet a ici le sens d’aide, de servant. On sait que le nom de cadet est donné aux apprentis maçons. V. Caroubleur.
Delvau, 1866 : s. m. Les parties basses de l’homme, « la cible aux coups de pied ». Argot du peuple. Baiser Cadet. Faire des actions viles, mesquines, plates. Faubouriens et commères disent fréquemment, pour témoigner leur mépris à quelqu’un ou pour clore une discussion qui leur déplaît : « Tiens, baise Cadet ! »
Delvau, 1866 : s. m. Outil pour forcer les portes. Même argot [des voleurs].
Delvau, 1866 : s. m. Synonyme de Quidam ou de Particulier. Tu es un beau cadet ! Phrase ironique qu’on adresse à celui qui vient de faire preuve de maladresse ou de bêtise.
Rigaud, 1881 : Apprenti maçon.
Rigaud, 1881 : Derrière. — Baiser cadet, se conduire ignoblement. — Baise cadet, apostrophe injurieuse à l’adresse d’un importun, d’un ennuyeux personnage ; locution autrefois très répandue dans le grand monde des halles où, pour un rien, Cadet était sur le tapis et quelquefois à l’air.
Rigaud, 1881 : Pince à l’usage des voleurs, petite pince.
La Rue, 1894 : Petite pince de voleur. Le postérieur. Paquet d’objets votés ; fargué au cadet, chargé du vol.
Virmaître, 1894 : Le postérieur.
— Viens ici, bibi, que je torche ton petit cadet.
— Tu as une figure qui ressemble à mon cadet (Argot du peuple).
France, 1907 : Individu quelconque ; apostrophe adressée à quelqu’un qui vient de faire une bêtise : Vous êtes un fameux cadet. Se dit aussi pour un paquet d’objets volés. Cadet de mes soucis, chose qui n’importe pas et dont je ne m’inquiète nullement.
Les femmes veulent qu’on obéisse, non à ce qu’elles disent, mais à ce qu’elles pensent. Avec elles, il faut sentir et non pas raisonner. Aussi bien la logique est-elle le cadet de leurs soucis. Un jour, une de mes bonnes amies m’a donné là-dessus une leçon dont j’ai fait mon profit. Je veux que vous en ayez votre part.
(Hugues Le Roux)
France, 1907 : Le derrière.
— Monsieur Coquelin cadet ?
Et, debout devant son armoire à glace, en manches de chemise, un bonnet de coton rouge sur la tête, la figure navrée, j’aperçus Cadet !
J’éclatai de rire.
— Pourquoi ce bonnet ? vous êtes malade ?
— J’ai un clou.
— Sur le crâne ?
— Non, plus bas… Ici. Mais ne le dites pas.
— Pourquoi cela ?
— Parce qu’il ne serait pas content… mon homonyme, sur lequel je ne puis plus m’asseoir.
(Lucien Puech, Gil Blas)
Bon pour Cadet, chose de nulle valeur. Baiser Cadet, faire des actions basses, se mettre à plat ventre devant un chef, ce que les faubouriens appellent lécher le cul.
France, 1907 : Pince de voleurs ; paquet d’objets volés.
Cadet de haut appétit
Delvau, 1866 : s. m. Grand mangeur, ou dépensier.
Cadet de mes soucis (c’est le)
Delvau, 1866 : Phrase de l’argot du peuple, qui signifie : Je ne m’inquiète pas de cela, je m’en moque.
Cadet, monseigneur
Clémens, 1840 : Pince en fer à l’usage des voleurs.
Cadets
Virmaître, 1894 : Outils de voleurs (Argot des voleurs). V. Agobilles.
Hayard, 1907 : Outils de cambrioleur.
Cadette
France, 1907 : Dalle, trottoir ; argot des canuts.
Cadichon
Vidocq, 1837 : s. f. — Montre.
Larchey, 1865 : Montre (Vidocq). — Diminutif de Cadran. Le cadran des montres est fort petit.
Delvau, 1866 : s. m. Montre, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Montre, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Montre.
Cador
Rigaud, 1881 : Chien, — dans le jargon des voleurs.
Cador du quart
Rigaud, 1881 : Secrétaire du commissaire de police. Mot à mot : chien du commissaire.
Cadouille
France, 1907 : Bâton, rôtin ; argot des marins.
Effarés de ne pas recevoir de coups de cadouille, ils s’éloignent à reculons et leurs prosternations ne s’arrêtent plus.
(Paul Bonnetain, Au Tonkin)
Cadran
d’Hautel, 1808 : Faire le tour du cadran. C’est-à-dire dormir la grasse matinée ; se coucher à minuit et se lever à midi.
Il a montré son cadran solaire. Se dit par plaisanterie des enfans qui, en jouant, laissent voir leur derrière.
Il est comme un cadran solaire. Se dit d’un homme fixe dans ses habitudes, et qui met beaucoup de régularité et d’ordre dans ses affaires.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, à laquelle le membre viril sert d’aiguille pour marquer les heures minuscules du bonheur.
Conduis vite l’aiguille au milieu du cadran.
(Théâtre italien)
Larchey, 1865 : Montre. — Cadran solaire, lunaire : derrière. — Allusion à la forme ronde du cadran.
Est-ce l’apothicaire Qui vient placer l’aiguille à mon cadran lunaire ?
(Parodie de Zaïre, dix-huitième siècle)
Delvau, 1866 : s. m. Le derrière de l’homme, — dans l’argot des voyous. Ils disent aussi Cadran humain ou Cadran solaire.
France, 1907 : Le derrière. Étaler son cadran. On dit aussi cadran solaire et cadran lunaire.
Est-ce l’apothicaire
Qui vient placer l’aiguille à mon cadran lunaire ?
Dans une école de sœurs, la bonne religieuse a pris, à l’instar des pensionnats anglais de jadis, l’habitude de fouetter les élèves ; une fillette de douze ans, qui venait d’être soumise à l’épreuve du martinet, est retournée à sa place en disant :
— Ça m’est joliment désagréable de montrer à tout le monde mon cadran solaire.
(Gil Blas)
Cadran solaire
Rigaud, 1881 : Derrière. — Endommager le cadran solaire, donner du pied dans le derrière.
Virmaître, 1894 : Le derrière. Allusion à sa forme ronde. Cette expression vient du Pont cassé, pièce représentée au théâtre Séraphin, au Palais-Royal. Nicolas, le comique de la troupe de marionnettes, répondait à l’officier, le jeune premier, qui lui demandait l’heure, en lui montrant son derrière. En même temps il lui chantait : Voilà le cadran solaire. Tire lire, lire… (Argot du peuple).
Cadran, cadichon
La Rue, 1894 : Montre.
Cadratin
Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des typographes. Au propre, le cadratin est un petit morceau de fonte qui sert à maintenir les caractères d’imprimerie. Les ouvriers, pour se distraire, ont combiné un jeu avec les cadratins.
France, 1907 : Chapeau à haute forme ; lettre apocryphe. Se dit aussi, dans l’argot des typographes, pour les petits carrés placés au commencement des alinéas.
Cadratins
Boutmy, 1883 : s. m. pl. Petits parallélépipèdes de même métal et de même force que les caractères d’imprimerie, mais moins hauts que les lettres de diverses sortes. Ils servent à renfoncer les lignes pour marquer les alinéas et portent sur une de leurs faces un, deux ou trois crans. Jeu des cadratins. On joue avec ces petits prismes rectangulaires à peu près comme avec les dés à jouer. Les compositeurs qui calent, et même ceux qui ne calent pas, s’amusent quelquefois à ce jeu sur le coin d’un marbre. Quand le joueur n’amène aucun point, on dit qu’il fait blèche. Il va sans dire que l’enjeu est toujours une chopine, un litre ou toute autre consommation. Les typographes appellent aussi cadratin le chapeau de haute forme, désigné dans l’argot parisien sous le nom si juste et si pittoresque de tuyau de poêle.
Cadre
Rigaud, 1881 : « Le personnel du ballet et des comparses se classe par rang de taille. C’est ce qu’on appelle le cadre. » (A. Bouchard, La langue théâtrale.) Les vieux habitués de l’Opéra se plaisent assez à rompre la glace de ce cadre.
Fustier, 1889 : Le personnel du service de la police de sûreté. — Lettre supposée, écrit apocryphe.
J’estime qu’aucun de vous, quand vous en aurez pris connaissance, ne s’imaginera que c’est une lettre supposée, un cadre, comme nous disons dans notre argot de journalisme.
(XIXe Siècle, 1881)
France, 1907 : Écrit apocryphe.
Cafard
Rigaud, 1881 : Écolier rapporteur, petit espion de collège, — dans le jargon des collégiens.
Fustier, 1889 : Argot militaire. Insecte qui travaille la tête d’un officier et le rend intolérable pour ses hommes. Par extension, l’officier lui-même, atteint de cette infirmité. (Ginisty, Manuel du réserviste)
Virmaître, 1894 : Individu qui affecte des dehors religieux. Hypocrite qui n’en croit pas un traître mot et exploite la crédulité publique. Cafard est employé comme terme de mépris (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : Ouvrier qui, dans les ateliers, capte la confiance de ses camarades pour rapporter aux patrons ce qu’ils pensent et ce qu’ils disent (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Rapporteur. Celui qui rapporte au patron ce que font ou disent ses camarades.
Hayard, 1907 : Mouchard.
France, 1907 : Mouchard, terme d’atelier ; de l’arabe caphara, renégat.
Cafard s’écrivait autrefois caphards, ainsi qu’on le trouve dans Rabelais.
Ci n’entrez pas hypocrites, bigots,
Vieulx matagots, marmiteux, boursouflés…
…
Haires, cagots, caphards, empantouphlés…
Cafard (avoir un)
France, 1907 : Avoir des idées décousues ; même sens que : avoir une araignée dans le plafond.
Cafarde
Vidocq, 1837 : s. f. — Lune (la).
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Larchey, 1865 : Lune (Vidocq). — C’est la lune voilée qui se dissimule derrière un nuage avant d’être la Moucharde, de briller de tout son éclat.
Delvau, 1866 : s. f. La lune, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent les indiscrétions de cette planète assistant à leurs méfaits derrière un voile de nuages.
Rigaud, 1881 : Lune, — dans le jargon des voleurs. — Cafarde ouatée, lune à demi cachée par les nuages.
La Rue, 1894 : La lune.
Virmaître, 1894 : La lune (Argot des voleurs). V. Moucharde.
France, 1907 : La lune, qui semble en effet guetter les méfaits nocturnes.
Es-tu l’œil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard ?
(Alfred de Musset, Ballade à la lune)
Cafarder
Rigaud, 1881 : Protéger, patronner, — en terme d’École militaire. Un ancien qui cafarde un melon, le prend sous sa protection.
Vous savez que je cafarde M. de Sartène ; je le recommande à vos bons soins.
(Saint-Patrice, Mémoires d’un gommeux)
Rigaud, 1881 : Rapporter aux maîtres les fautes de ses condisciples, espionner ses camarades.
Virmaître, 1894 : Moucharder, dénoncer (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Rapporter, moucharder.
France, 1907 : Faire l’hypocrite, moucharder.
Café
d’Hautel, 1808 : Prendre son café aux dépens de quelqu’un. Rire, se jouer, se moquer de quelqu’un ; le railler avec finesse, lui faire des louanges excessives, outrées, et qu’il ne mérite pas.
Café (fort de)
France, 1907 : On dit d’une chose qui passe les bornes, peu croyable ou extravagante : C’est un peu fort de café ; argot des bourgeois. Prendre son café, rire, s’amuser aux dépens d’autrui.
Café (fort de), fort de chicorée, fort de moka
Larchey, 1865 : Excessif, peu supportable.
On dit : C’est un peu fort de café, pour exprimer que quelque chose passe les bornes.
(d’Hautel, 1808)
Oh ! Oh ! dirent Schaunard et Marcel, ceci est trop fort de moka.
(Murger)
S’unir à un autre ! C’est un peu fort de chicorée.
(Cormon)
On sait quelle irritation le café trop fort cause dans le système nerveux. La chicorée jouit des honneurs peu mérités du synonyme. Il semble qu’ici, comme dans le café du pauvre, elle tienne à entrer en fraude. En revanche, on sait que le moka tient le haut de l’échelle.
Café (prendre son)
Rigaud, 1881 : S’amuser aux dépens de quelqu’un. — Fort de café, très fort, peu supportable. Misérable jeu de mots comme on en commettait tant, il y a quelques années ; de la même famille que : « Elle est bonne d’enfants », pour dire qu’une chose est amusante. Fort de café est pour fort eu café, trop chargé en café, expression empruntée aux amateurs de café au lait.
Café d’abbé
Rigaud, 1881 : Café très clair. C’est-à-dire du café comme devraient en prendre les abbés pour ne pas être agités.
Café des deux colonnes
Delvau, 1864 : Prendre son café aux deux colonnes, c’est-à-dire gamahucher une femme. Le con sert le café au lait ; les deux jambes sont là, pour la forme, et ne servent que d’enseigne : aux Deux Colonnes.
Cafemon
M.D., 1844 : Café.
Cafetière
Rigaud, 1881 : Tête, figure, — dans le jargon des charbonniers.
Bing ! en plein sur la cafetière !
(Tam-tam, du 23 mai 1880)
Rossignol, 1901 : Tête.
France, 1907 : Tête ; argot des voleurs. « Pige le pante, je vais lui crever sa cafetière. »
Cafetière, caisson
La Rue, 1894 : Tête.
Cafignon
France, 1907 : Sécrétion des pieds, autrement dite essence de gendarme ou de facteur rural, particulière aux gens malpropres ; mais certaines gens, quoique d’une propreté méticuleuse, en sont affligées. Le mot est vieux comme le mal ; dérivé d’escafignon, escarpin, chausson, pantoufle. En Normandie, le cafignon est le sabot des vaches, chèvres, cochons, etc., qui n’est pas parfumé. Charles Nisard le fait venir du latin scaphium, pot de chambre, venu lui-même du grec.
On n’est pas sans avoir senti plus d’une fois dans le monde, et là même où se réunissent les gens bien élevés, certaine odeur chaude et nauséabonde qui vient de bas en haut, s’exhale par bouffées et domine de temps en temps toutes celles dont se charge l’atmosphère, partout où il y a agglomération d’individus ; cette odeur est l’effet d’une émanation dont le siège est aussi bien dans la botte du gendarme que dans le soulier de satin de la petite maîtresse. On appelait cela autrefois sentir l’escafignon ; puzzar di scapino, comme disent les Italiens. Il n’y a rien de plus insupportable que cette odeur, si ce n’est l’ignorance où paraissent être de ses propriétés ceux qui la rendent et la promènent partout. Il n’est parfums ni eaux qui puissent la combattre : l’unique moyen de s’en garantir est de s’en aller.
(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie française)
Cafiot
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; mauvais café ; ripopée.
Virmaître, 1894 : Mauvais café fait avec de la chicorée ou avec des résidus de vieux marc de café déjà épuisés (Argot du peuple). V. Jus de chapeau.
France, 1907 : Café faible.
Cafmar
France, 1907 : Café, débit de boisson.
Tu rappliques tranquillement au cafmar, tu raccroches le pardessus du pante, et tu prends le mien, en disant au garçon avec indignation : « On ne peut donc plus se tromper, apprenez à mieux connaître votre monde ! »
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Cafment
anon., 1907 : Café.
Cafouiller
France, 1907 : Fureter, chercher partout.
Cage
d’Hautel, 1808 : Mettre en cage. Signifie mettre en prison ; priver quelqu’un de sa liberté. On dit d’une petite maison, d’une bicoque, que c’est une Cage.
Delvau, 1866 : s. f. Atelier de composition, — dans l’argot des typographes. Ils disent aussi Galerie.
Delvau, 1866 : s. f. Prison, — dans l’argot du peuple, qui a voulu constater ainsi que l’on tenait à empêcher l’homme qui vole de s’envoler. Cage à chapons. Couvent d’hommes. Cage à jacasses. Couvent de femmes. Cage à poulets. Chambre sale, étroite, impossible à habiter.
Rigaud, 1881 : Atelier de composition des ouvriers typographes.
Rigaud, 1881 : Prison. — Oiseau en cage, prisonnier. — Mettre en cage, mettre en prison.
Ce fut peut-être le maréchal de Matignon qui mit Philippe de Commes en cage.
(Du Puy, Thuana, 1669)
Fustier, 1889 : Tête. Ne plus avoir de mouron sur la cage, être chauve.
France, 1907 : Prison ; atelier recouvert de vitres.
Il déteste l’argot d’atelier, gourmande l’apprenti sur son manque de décorum, sans espérer le corriger, et saisit le premier prétexte venu pour débaucher l’ouvrier qui nomme sa casse une boîte, l’imprimerie une cage.
(Décembre-Alonnier, Typographes et Gens de lettres)
France, 1907 : Tête.
Cage (ne plus avoir de mouron sur la)
Rigaud, 1881 : Être chauve, — dans le jargon du peuple, qui dit aussi : Ne plus avoir de cresson sur la fontaine.
Cage à chapon
France, 1907 : Couvent d’hommes.
Cage à fourches
France, 1907 : Omnibus ; fourches est ici pour fourchettes, voleurs à la tire, qui prennent les omnibus comme champ de manœuvre.
Cage à jacasses
France, 1907 : Couvent de femmes.
Cage à lapins
Rigaud, 1881 : Chambre petite, mais sale.
Cage à poulets
France, 1907 : Petite chambre sale.
Cageton
Halbert, 1849 : Hanneton.
Delvau, 1866 : s. m. Hanneton, — dans l’argot des voleurs, qui savent qu’il est impossible de mettre ce scarabée en cage, et qui voudraient bien jouir du même privilège.
Cagnard
d’Hautel, 1808 : Poltron, capon, pestard ; homme avare et paresseux ; très-attaché à ses foyers.
France, 1907 : Fainéant, flâneur.
Le cagnard est, dans le Midi, la promenade publique.
Cagnarder
d’Hautel, 1808 : Vivre dans l’oisiveté, dans une honteuse paresse ; faire de sordides économies.
Cagne
d’Hautel, 1808 : Un cagne. Synonyme de Cagnard, dont il semble être une apocope.
Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cheval.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Larchey, 1865 : Cheval (Vidocq). — Pris en mauvaise part. Abrév. du vieux mot cagnard : mou, paresseux. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : s. f. et m. Personne paresseuse comme une chienne, — dans l’argot du peuple. C’est aussi le nom qu’il donne au cheval, — pour les mêmes raisons.
Rigaud, 1881 : Agent de police. C’est une variante de cogne.
Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des voleurs.
Avec ça qu’il est chouette ton cagne ! Il a une guibolle cassée.
(Cailler)
Rigaud, 1881 : Le comble de la paresse. Plus forte que la flemme, qui présente un état passager, la cagne est constitutionnelle ; c’est carogne, par suppression de deus lettres.
Vénus, la bonne cagne, aux paillards appétits.
(Saint-Amant, Le Melon)
Avoir la cagne, faire la cagne.
Fustier, 1889 : Mauvais chien.
Dans la bonté des chiens, il y a des bizarreries inouïes ; les disgraciés sont quelquefois les intelligents et, dans la même portée, il y a trois cagnes pour un bon chien.
(Carteron, Premières chasses)
France, 1907 : Mauvais cheval ; de cagnard, fainéant. Se dit aussi d’un mauvais chien et d’un agent de police.
Cagner
Fustier, 1889 : Faire la cagne ; reculer devant une besogne difficile ou dangereuse. (Littré).
France, 1907 : Reculer.
Cagnotte
Larchey, 1865 : « Espèce de tirelire d’osier recevant les rétributions des joueurs. »
(Montépin)
Delvau, 1866 : s. f. Rétribution tacitement convenue qu’on place sous le chandelier de la demoiselle de la maison. Argot des joueurs du demi-monde.
France, 1907 : Argent prélevé sur les joueurs pour couvrir les frais du jeu.
Et on lui explique complaisamment de quelle façon on entendait faire marcher le cercle ; comment on y attirerait les joueurs, comment on les pousserait à se ruiner, et comment la cagnotte s’engraisserait à leurs dépens.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
— La cagnotte !… Voilà le plus clair du baccara… Oh ! la belle et bonne nourrice qu’une cagnotte !… Elle produit ici, petit cercle, partie moyenne, de dix-huit cents à quatre mille francs par soirée… Chez les frères Benoit, c’est le double, le triple… et encore, comme les directeurs trouvent que ce rendement n’est pas suffisant, les croupiers ont la consigne de l’augmenter le plus qu’ils peuvent.
(E. Lepelletier)
Faire une cagnotte, mettre en réserve les gains ou une partie des gains pour une dépense commune.
Cagnotte en détresse
Rigaud, 1881 : Prostituée qui exploite les abords des cercles, guettant la sortie des joueurs heureux, généreux et amoureux… de la première venue. Elle sait qu’il y a des joueurs qui ont le gain tendre.
Çago
M.D., 1844 : Cela.
Cagon
anon., 1827 : Voleur solitaire.
Cagou
Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Voleur solitaire.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur solitaire, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Chef de voleurs. Voleur se portant caution pour un nouveau venu.
France, 1907 : Professeur de vol, initiateur de jeunes filous. Le mot est vieux et exprimait un grade dans la hiérarchie des argotiers.
Les cagous sont interrogés, s’ils ont été soigneux de faire observer l’honneur dû au Grand-Coësre ; s’ils ont montré charitablement à leur sujets les tours du métier ; s’ils ont dévalisé les argotiers qui ne voulaient reconnaître le Grand-Coësre, et combien ils leur ont été…
(Le Jargon de l’argot)
Cagou engonseur
France, 1907 : Voleur, travaillant seul.
Cagou, cagoux
Rigaud, 1881 : Dignitaire à la cour du grand Coësre ; dignité disparue, dignitaire éclipsé aujourd’hui. Dans le royaume argotique, les cagoux étaient des professeurs d’argot au double point de vue de la théorie et de la pratique. Ils portaient le titre d’archi-suppôts. D’après Graudval, le cagou était un voleur qui opérait seul : misanthropie et escamotage.
Cagoux, archi-suppôt de l’argot
Vidocq, 1837 : S’il faut croire les historiens du temps, et particulièrement Sauval, le royaume argotique était mieux organisé que beaucoup d’autres, car le grand Coësré n’accordait les dignités de l’empire qu’à ceux de ses sujets qui s’en étaient montrés dignes, soit par leurs capacités, soit par les services qu’ils avaient rendus ; aussi n’était-ce que très-difficilement que les argotiers obtenaient le titre de Cagoux, ou Archi-Suppôt de l’Argot.
Les Cagoux étaient, pour la plupart, des écoliers chassés des divers collèges de Paris, des moines qui avaient jeté le froc aux orties, et des prêtres débauchés. Le nom de Cagoux vient probablement de la cagoule, espèce de capuchon adapté à leur juste-au-corps, et dont ils avaient l’habitude de se couvrir la tête lorsqu’ils ne voulaient pas être connus.
Les Cagoux se faisaient passer pour des personnes de condition ruinées par quelque malheur imprévu, et leur éloquence leur donnait les moyens d’extorquer aux bonnes âmes des aumônes quelquefois considérables.
Les Cagoux étaient chargés, par le grand Coësré, de la conduite des novices, auxquels ils devaient apprendre le langage argotique et les diverses ruses du métier d’argotier.
Ce n’était qu’après un noviciat de quelques semaines, durant lesquelles il était rudement battu, afin que son corps se fit aux coups, que le novice était admis à fournir aux argotiers réunis sous la présidence de leur monarque, le premier des deux chefs-d’œuvre qui devaient lui valoir l’accolade fraternelle ; à cet effet, une longue corde, à laquelle étaient attachées une bourse et une multitude de petites clochettes, descendait du plafond d’une vaste salle ; le novice, les yeux bandés, et se tenant seulement sur une jambe, devait tourner autour de la corde et couper la bourse, sans que les clochettes tintassent ; s’il réussissait, il était admis à faire le second chef-d’œuvre ; dans le cas contraire, il était roué de coups et remis aux Cagoux jusqu’à ce qu’il fût devenu plus adroit.
Le lendemain les Cagoux accompagnaient dans un lieu de réunion publique celui qui était sorti victorieux de la première épreuve, et lorsqu’ils avaient avisé un bourgeois portant, suivant la coutume du temps, sa bourse suspendue à sa ceinture, ils lui ordonnaient d’aller la couper ; puis, s’adressant à ceux qui se trouvaient là : Voilà, disaient-ils, un homme qui va voler la bourse de ce bourgeois, ce qui avait lieu en effet. Le pauvre novice alors était encore battu, non-seulement par les spectateurs désintéressés, mais encore par ses compagnons, qui, cependant, trouvaient le moyen de protéger sa fuite lorsqu’à la faveur du tumulte qu’ils avaient fait naître, ils avaient fait une ample moisson dans les poches des bons habitans de Paris. (Voir le premier volume de l’excellent roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris.)
Cahin caha
d’Hautel, 1808 : Il va cahin caha. Pour dire tout doucement, tant bien que mal.
Cahin-caha
Delvau, 1866 : adv. Avec peine, de mauvaise grâce, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie : qua hinc, qua hac.
France, 1907 : Aller difficilement, avec peine. Marcher cahin-caha. Se dit aussi des choses qu’on fait malgré soi à plusieurs reprises et de mauvaise grâce. Du latin qua hinc, qua hac, qui a même signification.
Caillasse
Delvau, 1866 : s. f. Cailloux, — dans le même argot [du peuple].
France, 1907 : Cailloux.
Caillasses
un détenu, 1846 : Pavés, cailloux des rues.
Caille
d’Hautel, 1808 : Chaud comme une caille. Se dit de quelqu’un qui est brûlant et très agité.
Caille coiffée. Sobriquet qu’on donne aux femmes sans pudeur, et qui prennent des airs libres et dégagés
Caillé
Vidocq, 1837 : s. m. — Poisson.
Larchey, 1865 : Poisson. — Vidocq. — Mot à mot : couvert d’écailles. — Du vieux mot caille : écaille. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : s. m. Poisson, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Poisson, — dans l’ancien argot. Il est couvert d’écailles, d’où le nom.
Virmaître, 1894 : Poisson quelle que soit sa nature. Il est caillé, il a des écailles (Argot des voleurs).
France, 1907 : Poisson, c’est-à-dire couvert de cailles, vieux mot pour écailles.
Caille coiffée
Delvau, 1866 : s. f. Femme éveillée, un peu plus amoureuse que son mari ne le voudrait, — dans l’argot du peuple, qui connaît les mœurs du Coturnix.
Caille, poigne
Clémens, 1840 : Gant.
Caillette
d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à une commère, à une méchante langue.
France, 1907 : Petite femme, aimable et de mœurs légères.
Je vis une de ces caillettes tout récemment aux fêtes de Rome.
Elle a la savoureuse maturité, l’éclat d’un fruit automnal, de petites dents nacrées dans une bouche qui ressemble à l’arc symbolique d’Éros, qui est comme une cible à baisers, des bouclettes soyeuses qui lui dorent toute la nuque et des yeux où l’on croirait qu’un ciel pâle de neige s’est reflété. Elle fut élevée avant d’être levée, comme disent les gamins du club, figura en bonne place je ne sais plus dans quelle cour du Nord ; sait tout l’alphabet du vice sur le bout du doigt et aurait, rien qu’avec ses souvenirs, fourni à ce libertin de Casanova la matière de sept ou huit volumes ad usum senectutis.
(Champaubert)
Caillou
Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque, — dans l’argot des voyous. Signifie aussi Nez.
Rigaud, 1881 : Figure. — Se sucer le caillou, s’embrasser. — Avez-vous fini de vous sucer le caillou ?
Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. (A. Delvau) — Avoir son caillou, être légèrement pris de vin.
La Rue, 1894 : Bonne tête, Naïf. Crâne. Nez.
Virmaître, 1894 : Tête. Il a rien un sale caillou (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Tête.
Hayard, 1907 : Tête chauve.
France, 1907 : Figure, crâne. Caillou déplumé, tête chauve. On dit aussi dans le même sens : n’avoir plus de mousse sur le caillou.
Un affreux rôdeur de barrière comparaît en cour d’assises ; il a assassiné un malheureux vieillard sans défense.
— Votre profession ?
— Casseur de cailloux.
Et il jette un regard menaçant et féroce sur le crâne chauve du président !
Se dit aussi simplement pour tête.
Si l’bigornot barr’ ton trimin,
Sur le caillou mets-lui un pain.
(Hogier-Grison)
Le mot caillou désigne également un naïf qui, dans les salles de vente, se laisse entraîner et se voit adjuger l’objet beaucoup plus cher qu’il ne vaut.
Caïman
Fustier, 1889 : Maître, surveillant. Argot des élèves de l’École normale.
Je rentrai si en retard, que le père Estiévant, le portier, qui me vendait du chocolat, fut obligé de me marquer tout comme un autre sur sa liste. Je pensais avoir une excuse et je l’exposai au caïman…
(Gaulois, 1880)
France, 1907 : Maître d’étude à l’École normale.
Caisse
d’Hautel, 1808 : Bourrer sa caisse. Signifie se remplir le ventre, manger à regorger.
Bander la caisse. C’est-à-dire, s’en aller.
Battre la caisse. Courir après l’argent, faire des démarches pour s’en procurer.
Caisse (battre la grosse)
Rigaud, 1881 : Faire beaucoup de réclame pour quelque chose ou pour quelqu’un. — Allusion aux coups de grosse caisse de MM. les saltimbanques.
France, 1907 : Louer bruyamment, faire du puffisme autour d’un nom ou d’un ouvrage. « Nombre d’auteurs et des mieux cotés battent eux-mêmes la grosse caisse autour de leurs livres, en rédigeant des entrefilets élogieux qu’ils envoient aux journaux. »
Caisse (donner de la grosse)
Larchey, 1865 : Louer très-bruyamment — Allusion aux bateleurs qui attirent leur public à coups de grosse caisse.
Il faut qu’Artémise réussisse… C’est le cas de donner de la grosse caisse à se démancher le bras.
(L. Reybaud)
Caisse (sauver la)
Rigaud, 1881 : Se sauver avec la caisse, fuir en emportant un dépôt d’argent. Entre caissiers : — Encore un de nos confrères qui vient de se sauver. — Le pauvre homme !… et il a gagné la frontière ? — Non, on l’a pincé. — Pincé ! le troisième depuis cette semaine…. c’est à vous dégoûter du métier !
France, 1907 : S’enfuir avec les fonds dont on est dépositaire ou comptable. Expression à la mode depuis la pièce des Saltimbanques, où l’un des personnages, Bilboquet, s’écrie, au moment de fuir avec l’argent : Sauvons la caisse !
Caisse (se taper sur la)
Rigaud, 1881 : Ne rien avoir à manger. Les ouvriers disent dans le même sens : Se taper sur la baraque.
Caisse d’épargne
Delvau, 1866 : s. f. La bouche, dans l’argot du peuple, qui a l’ironie amère, parce qu’il sait que les trois quarts du salaire sont absorbés par ce gouffre toujours ouvert. Il l’appelle aussi, en employant une image contraire, Madame la Ruine.
Rigaud, 1881 : Bouche. — Mettre à la caisse d’épargne, manger.
Virmaître, 1894 : Le marchand de vin. C’est là, en effet, que les ouvriers placent non seulement leurs économies, mais souvent l’argent de la paie (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Bouche ; marchand de vin. Argot populaire. Dans la bouche, en effet, le « populo » fait de nombreux versements de liquide, et chez le marchand de vin il place une partie de sa paye.
Caisse des reptiles
France, 1907 : Fonds secrets à la disposition des hommes au pouvoir, pour soudoyer la presse vendue.
Caisse noire
Fustier, 1889 : Fonds secrets mis à la disposition du Ministre de l’Intérieur et du Préfet de police.
Croyez-vous que l’argent de la caisse noire ne pourrait pas être plus utilement employé ?
(Figaro, 1882)
France, 1907 : Fonds secrets dont disposent le ministre de l’intérieur et le préfet de police.
Caisson
Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des soldats. Se faire sauter le caisson. Se brûler la cervelle.
Rigaud, 1881 : Tête. — Se faire sauter le caisson, se faire sauter la cervelle avec une arme à feu.
France, 1907 : Tête. Se faire sauter le caisson, se brûler la cervelle.
Ce gendre exceptionnel proposa carrément à la matrone de remplacer sa fille dans le lit conjugal où une place demeurait vide et froide. La belle-maman refusa. Alors, le gendre prit un revolver, lui logea trois balles dans la tête et se fit ensuite sauter le caisson.
(E. Lepelletier)
Caisson (faire sauter le)
Larchey, 1865 : Faire sauter la cervelle.
Quelle mort préférez-vous ? — Faites-moi sauter le caisson.
(P. Borel, 1833)
Caisson (se faire sauter le)
Merlin, 1888 : Se brûler la cervelle.
Calabre
Halbert, 1849 : Teigne.
Delvau, 1866 : s. f. Teigne, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Teigne, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Teigne.
Calabre, calot
La Rue, 1894 : Teigne.
Calain
Halbert, 1849 : Vigneron.
Delvau, 1866 : s. m. Vigneron, — dans le même argot [des voleurs].
Calamistrer
d’Hautel, 1808 : Retaper, friser avec un fer à toupet.
Calance
d’Hautel, 1808 : Terme d’imprimerie. Interruption que l’on met, sans nécessité, dans son travail, pour satisfaire à une humeur oisive et vagabonde. La Calance provient quelquefois aussi d’une intermission involontaire dans l’ouvrage ; ce qui force alors l’ouvrier à se reposer malgré lui.
Faire sa calance. Muser, vagabonder ; abandonner son ouvrage pour vaquer à des frivolités.
Boutmy, 1883 : s. f. Action de caler, état de celui qui cale.
Calancher
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des vagabonds.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Mourir.
Virmaître, 1894 : Mourir. Pour indiquer qu’un objet n’est pas d’aplomb, on dit : il calanche (penche) à droite ou à gauche (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Mourir.
France, 1907 : Mourir, argot populaire, et aussi n’être pas d’aplomb, pencher, du languedocien calanque, faiblesse, langueur.
Calande
Rigaud, 1881 : Promenade, — dans le jargon des voleurs. — Se pousser la calande, se promener.
La Rue, 1894 : Promenade. Calandriner le sable, traîner sa misère.
France, 1907 : Promenade ; argot des voleurs.
Calandriner le sable
Delvau, 1866 : v. a. Traîner sa misère, — dans l’argot des voyous.
Calandriner, caler le sable
Rigaud, 1881 : Traîner la misère, — dans le jargon des souteneurs.
Calbombe
La Rue, 1894 : Bougie, flambeau.
Rossignol, 1901 : Chandelle, bougie.
Hayard, 1907 : Chandelle.
Calcul
Delvau, 1864 : Plaisir vénérien.
Les deux amants étoient au plus fort de leur calcul.
(P. De Larivet)
Je sais quelqu’un
Qui rend encor le calcul
Nul.
(Collé)
Cale
France, 1907 : Servante, vieux mot que l’on trouve dans Tallemant des Réaux :
Il entreprit de prouver que Gombault qui se piquait de n’aimer qu’en haut lieu, enjolait une petit cale crasseuse.
Calé
Larchey, 1865 : Riche (d’Hautel). — Terme de marine. Être calé, c’est avoir assez de biens pour en remplir sa cale. Usité en 1808.
Les plus calés sont quelquefois gênés.
(E. Sue)
Rigaud, 1881 : Riche, cossu. Rien de tel que l’argent pour vous caler ; c’est-à-dire pour vous mettre d’aplomb et vous donner de l’aplomb.
La Rue, 1894 : Riche, bien posé.
Rossignol, 1901 : Riche, instruit, connaissant son métier. Une personne riche est calée. Si elle est instruite, elle est calée. Celui qui connaît bien son métier est calé.
Hayard, 1907 : Riche.
France, 1907 : Riche ; être calé, être très à son aise ; expression qui vient de la marine. Un vaisseau qui est calé est un vaisseau dont la cale est bien remplie.
— Eh ben ! et toi, quéque tu fais déjà ?
Toupinel avait sa redingote neuve, il souffrit de cet attouchement. Fleurot, lui, n’avait pas du tout l’air de s’apercevoir de l’embarras du commis. Alors celui-ci essaya de l’épater ; avec un faux air humble, il déclina :
— Je suis commis principal au ministère…
— Ah ! oui, t’es dans un ministère, interrompit Fleurot, t’es un type calé, toi !
(Auguste Audy, Gil Blas)
Calé (être)
Fustier, 1889 : Dans l’argot des écoles, cette expression est synonyme de savoir ses leçons, ses cours, connaître à fond les matières d’un examen.
anon., 1907 : Avoir de l’argent.
Cale (se lester la)
France, 1907 : Boire et manger ; argot des marins.
Cale en dos
Rossignol, 1901 : Bossu.
Il a une cale dans l’dos.
Calé, ée
Delvau, 1866 : adj. Riche, heureux, — dans l’argot du peuple, à qui il semble qu’un homme calé ne peut plus tomber ni mourir.
Calebasse
d’Hautel, 1808 : Frauder la calebasse. Pour dire tromper quelqu’un, le frustrer de la part qui lui revient.
Bras-de-Fer, 1829 : Tête.
Larchey, 1865 : Tête. — Allusion de forme.
Faudrait pas gros de sens commun pour remplir une calebasse comm’ ça.
(Gavarni)
Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui ont trouvé une analogie quelconque entre l’os sublime et le fruit du baobab, presque aussi vides l’un que l’autre. Grande calebasse. Femme longue, maigre et mal habillée.
Fustier, 1889 : Secret. Vendre la calebasse, révéler le secret. (Littré)
La Rue, 1894 : Tête.
Virmaître, 1894 : Seins. Se dit quand les malheureux sont sans consistance, qu’ils pendent et se répandent (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Objets, marchandises, produit d’un vol.
France, 1907 : Tête ; argot des faubouriens. Grande Calebasse, femme maigre et mal tournée.
Calebasse signifie aussi secret. Vendre la calebasse, dénoncer.
— Toujours est-il, reprit le recéleur, que c’est lui qui a vendu la calebasse, et que sans lui…
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Calebasses
Delvau, 1866 : s. f. pl. Gorge molle, qui promet plus qu’elle ne tient.
Rossignol, 1901 : Seins pendants. Il y a une quantité de noms selon l’âge : titis, tétés, tétons, tétasses, tripasses, calebasses, blagues à tabac, cuirs à rasoirs.
France, 1907 : Gorges de femme, longue et molle.
Calèche
France, 1907 : Femme entretenue, prostituée élégante ; argot des voleurs.
Les synonymes sont très nombreux et plus injurieux les uns que les autres. Léo Taxil, dans la Prostitution contemporaine, en donne une liste à peu près complète :
Les messieurs qui ont des prétentions à la distinction disent : fille de joie, courtisane, belle de nuit. Comme désignation insultante on dit : putain, catin. Les autres termes employés, avec le plus de grossièreté, sons les suivants : garce, gothon, doffière, chameau, grenouille, tortue, volaille, salope, gueuse, toupie, cache, bagasse, calèche, rouscailleuse, couillère, omnibus, giberne, vessie, vezou. Les souteneurs dans leur argot disent : gaupe, marmite, dabe, largue, ouvrière, guénippe, ponante, ponisse, panturne, panuche, bourre de soie. On se sert aussi des mots poupée, gourgandine, vieille citadelle.
(Léo Taxil, La prostitution contemporaine)
Calèche du Préfet
Virmaître, 1894 : Le panier à salade qui transporte les voleurs des postes de police au Dépôt de la préfecture (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voiture cellulaire.
Caleçon
d’Hautel, 1808 : Le peuple de Paris prononce Caneçon ; par une contradiction assez bizarre, il dit Calonier, au lieu de Canonnier.
Les mots falbala, lentille éprouvent une altération semblable ; et on entend presque continuellement dire un Falbana, des Nentilles.
Calége
Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, — dans l’argot des voleurs qui prononcent calèche à la vieille mode.
Calège
Vidocq, 1837 : s. f. — Quoiqu’on ne rencontre pas la Calège sur la voie publique, elle n’est pas cependant une femme honnête ; ses appas sent la marchandise qu’elle débite, mais elle vend très-cher ce que la Ponante et la Dossière (voir ces mots), livrent à un prix modéré ; sa toilette est plus fraîche, ses manières plus polies, mais ses mœurs sont les mêmes ; la Ponante danse le chahut à la Courtille ; la Calège danse le cancan au bal Musard ; l’une boit du vin à quinze et se grise ; l’autre boit du champagne et s’énivre ; la première a pour amant un Cambriolleur ou un Roulotier ; l’amant de la seconde est faiseur ou escroc. Il ne faut pas juger sur l’étiquette du sac.
Larchey, 1865 : Prostituée élégante, et associée à des hommes dangereux.
Elle vend très-cher ce que la ponante et la dossière livrent à des prix modérés. Sa toilette est plus fraîche ; ses manières plus polies. Elle a pour amant un faiseur ou un escroc, tandis que les autres sont associées à un cambriolleur ou à un roulotier.
(Vidocq)
Vient de cale, qui signifiait grisette au dix-septième siècle.
Gombault, qui se piquait de n’aimer qu’en bon lieu, cajolait une petite cale crasseuse.
(Tallemant des Réaux)
Rigaud, 1881 : Fille richement entretenue, — dans le jargon des voleurs. C’est-à-dire fille calée, par altération.
La Rue, 1894 : Fille entretenue richement.
Calembredaines
d’Hautel, 1808 : Bourdes, contes en l’air, discours frivoles et saugrenus.
Calence
Rigaud, 1881 : Manque d’ouvrage, — dans le jargon des ouvriers.
France, 1907 : Chômage, manque d’ouvrage.
Calendes
d’Hautel, 1808 : Renvoyer quelqu’un aux calendes grecques. C’est-à-dire, l’envoyer promener, le remettre à une époque qui ne doit jamais arriver ; parce que les Grecs n’ont jamais eu de calendes, mais bien les Romains qui donnoient ce nom au premier jour de chaque mois.
Calendes grecques (renvoyer aux)
France, 1907 : On se servait du mot calendes pour désigner le premier jour du mois, dans la chronologie romaine, et on les comptait dans un ordre rétrograde. Par exemple, la veille des calendes d’octobre, c’est-à-dire le 30 septembre s’appelait le second jour des calendes ; le 29, le troisième et ainsi de suite jusqu’au 13 ou au 15, suivant le mois, et qu’on appelait ides. Cette bizarre coutume est encore employée dans la chancellerie romaine. Les Grecs, qui ne se servaient pas de cette façon de compter, n’avaient par conséquent pas de calendes, et renvoyer quelqu’un aux calendes grecques, c’était l’ajourner à un temps qui ne devait jamais arriver, comme l’on renvoie encore à la semaine des quatre jeudis, ou, disent les gens du peuple : à mardi s’il fait chaud, ou quand il fera chaud, ou encore quand les poules auront des dents.
Calendriner le sable
France, 1907 : Être dans la misère ; argot des voleurs.
Calendriner sur le sable
Virmaître, 1894 : Être dans une misère noire (Argot des voleurs).
Caler
d’Hautel, 1808 : Être bien ou mal calé. Signifier être bien ou mal dans ses affaires.
On dit aussi d’un homme misérablement vêtu, qu’il est bien mal calé.
Se caler. Se mettre dans ses meubles, sortir de l’état d’indigence où l’on se trouvoit.
Le voilà bien calé. Pour, le voilà bien restauré, il doit être bien satisfait. Se dit ironiquement d’une personne à qui l’on accorde un foible secours pour le dédommager d’une perte considérable.
Delvau, 1866 : v. n. Appuyer sa main droite sur sa main gauche en jouant aux billes, — dans l’argot des enfants.
Delvau, 1866 : v. n. Céder, rabattre de ses prétentions, — ce qui est une façon de baisser les voiles. Argot du peuple.
Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de besogne, attendre de la copie, — dans l’argot des typographes.
Rigaud, 1881 : Maltraiter, corriger à coups de poing, — dans le jargon des voyous.
Rigaud, 1881 : N’avoir rien à faire, se croiser les bras en attendant de l’ouvrage.
Boutmy, 1883 : v. intr. Rester sans ouvrage. Le typographe cale pour deux raisons : soit parce qu’il manque de copie, soit parce que les sortes font défaut ; quand il n’a pas de disposition au travail, il flème.
La Rue, 1894 : Avoir peur. Chômer. Se caler, manger.
Virmaître, 1894 : On cale un meuble avec un coin de bois. Un homme riche est calé. Les typographes emploient cette expression pour dire qu’ils attendent de la copie, ils calent (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Ne pas travailler.
France, 1907 : Rester sans ouvrage, du provençal calar, cesser de travailler, discontinuer. Caler de l’école, faire l’école buissonnière, paresser.
Si le compositeur n’est pas en train de jaser, il rêve. Sa plus grande jouissance est de caler, c’est-à-dire de ne rien faire : nunc libris, nunc somno.
(Jules Ladimir)
Câler
d’Hautel, 1808 : Câler. Terme typographique. Faire le paresseux ; mener une vie oisive ; rester les bras croisés quand on a de l’ouvrage.
Larchey, 1865 : Ne rien faire.
La plus grande jouissance du compositeur d’imprimerie est de câler.
(Ladimir)
Caler (se les)
anon., 1907 : Manger.
Caler des boudins aux lourdes
France, 1907 : Faire des trous dans une porte.
Caler des boulins
Rigaud, 1881 : Faire des trous.
Caler l’avaloir (se)
France, 1907 : Manger, s’emplir la bouche.
Disciple de la bande noire,
Pour bien te caler l’avaloire,
Dans la complouse de Poissy
J’en tressais, t’en tressais aussi.
(Chanson d’un voleur, recueillie par Hogier-Grison)
On dit aussi dans le même sens : se caler les joues.
— Dis donc, hé ! Larfouillat, écoute un peu voir que je te raconte quelque chose.
Larfouillat, qui était en train de se caler les joues avec une briffe de pain, — pour n’en pas perdre l’habitude — s’interrompit pour répondre à Couchobloc :
— Tu vas encore me faire une cochonne farce ! Merci, j’en ai assez !
(La Baïonnette)
Caler l’école
Delvau, 1866 : v. a. N’y pas aller, la lâcher, — dans l’argot des écoliers qui ont appris assez de latin et de grec pour supposer que ce verbe vient de chalare et de χαλάω.
Mais les grandes personnes, même celles qui ont fait leurs classes, veulent qu’on dise caner et non caler, s’appuyant sur la signification bien connue du premier verbe, qui n’est autre en effet que Faire la cane, s’enfuir. Mais je persisterai dans mon orthographe, dans mon étymologie et dans ma prononciation, parce quelles sont plus rationnelles et qu’en outre elles ont l’avantage de me rappeler les meilleures heures de mon enfance. En outre aussi, à propos de cette expression comme à propos de toutes celles où les avis sont partagés, je pense exactement comme le chevalier de Cailly à propos de chante-pleure :
Depuis deux jours on m’entretient
Pour savoir d’où vient chante-pleure :
Du chagrin que j’en ai, je meure !
Si je savais d’où ce mot vient,
Je l’y renverrais tout à l’heure…
Caler les amygdales (se)
Rigaud, 1881 : Manger. Et les variantes : se caler les soupapes, se caler les joues, se les caler.
Caler les joues
Virmaître, 1894 : Bien boire et bien manger. Allusion aux joues qui gonflent lorsqu’elles sont pleines (Argot du peuple).
Caler les joues (se)
Hayard, 1907 : Bien manger.
Caler sa bitture
France, 1907 : Se décharger du trop-plein de la digestion.
Après s’être calé les amygdales, on va caler sa bitture.
Caler sa biture
Rigaud, 1881 : Sacrifier à la compagnie Lesage.
Caleter
Rigaud, 1881 : Décamper, — dans le jargon des truqueurs. Lorsque le bonneteur ou l’un de ses compères a aperçu de loin le képi d’un sergent de ville, tout ce monde de filous qui entoure les jeux de hasard se sauve à la débandade au mot d’ordre de : Tronche à la manque, Plaine et Norvège, caletez fort, caletez bien ! La police ! Sauvez-vous vite, sauvez-vous bien de tous les côtés !
La Rue, 1894 : Se sauver. Tronche à la manque, plaine et Norvège, caletez fort ! crie le guetteur au bonneteur (la police ! sauvez-vous vite !)
Caleter ou calter
France, 1907 : Décamper.
Si tu dis : Un millet qui tombe !
Si ça perd, calte comme bombe.
(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)
Caleur
d’Hautel, 1808 : Lâche, mou, paresseux, ouvrier enclin à la dissipation et à la fénéantise.
Rigaud, 1881 : Garçon, de l’allemand Kellner, — dans l’ancien argot.
Rigaud, 1881 : Ouvrier typographe qui attend de la copie, que le manque de copie force à se croiser les bras. Dans les ateliers de composition, ce mot n’a plus le sens, qu’il avait autrefois, de mauvais ouvrier, fainéant et ivrogne.
Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier qui n’a pas de travail. C’est à tort que B. Vinçard, qui s’intitule « typographiste », et avant lui Momoro, « le premier imprimeur de la Liberté », définissent le caleur : celui qui est nonchalant ou ivrogne. En tout cas, le mot n’a plus aujourd’hui cette signification blessante.
Hayard, 1907 : Qui ne travaille pas.
France, 1907 : Ouvrier fainéant.
Calfater le bec (se)
France, 1907 : Manger ; argot de marine. Le calfat est chargé du soin de boucher les trous faits par les boulets, ainsi que les voies d’eau.
Calfeutrer une femme
Delvau, 1864 : Boucher son trou avec une pine.
Le garçon de boutique calfeutra aussi bien mon bas, que maître juré qui soit du métier de culetis.
(Variétés historiques et littéraires)
Caliborgne
Rigaud, 1881 : Borgne.
France, 1907 : Borgne ; argot populaire.
Caliborgne ou caliborgnon
Virmaître, 1894 : Borgne (Argot des voleurs). V. Guigne à gauche.
Calibre
d’Hautel, 1808 : N’être pas du même calibre. Signifie, au figuré, n’avoir pas les mêmes mœurs, les mêmes inclinations ; différer entièrement de sentimens et d’opinions.
Larchey, 1865 : Qualité. — On sait que les armes et bouches à feu sont graduées par calibre.
Un particulier de ce calibre-là.
(Randon)
Calic
Fustier, 1889 : Commis de magasin de nouveautés. Abr. de Calicot.
France, 1907 : Commis de nouveauté.
Calice
d’Hautel, 1808 : On dit des gens qui sont vêtus avec luxé et recherche, qui ont des habits galonnés sur toutes les coutures, qu’ils sont dores comme des calices.
Calicot
Larchey, 1865 : Commis marchand. Mot à mot : vendeur de calicot.
Triple escadron ! le calicot s’insurrectionne.
(P. Borel, 1833)
Delvau, 1866 : s. m. Commis d’un magasin de nouveautés, — dans l’argot du peuple. Le mot date de la Restauration, de l’époque où les messieurs de l’aune et du rayon portaient des éperons partout, aux talons, au menton et dans les yeux, et où ils étaient si ridicules enfin avec leurs allures militaires, qu’on éprouva le besoin de les mettre au théâtre pour les corriger.
France, 1907 : Commis de nouveauté. Cette qualification fut donnée, vers 1816, aux commis marchands de Paris, qui se faisaient remarquer par leur tenue militaire et leurs prétentions. Il parait, en effet, qu’ils portaient des éperons, des bottes à l’écuyère et qu’ils se rendaient de cette façon si ridicules que, dans un vaudeville, Le Combat des montagnes, ils furent mis en scène sous un personnage grotesque, appelé Calicot. Les commis eux-mêmes ont adopté gaiment ce surnom.
Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnière ;
Les femmes — robes printanières —
Se parent de coquelicots.
Avec des boîtes d’asticots
Qu’ils portent à leur boutonnières,
Une troupe de calicot
Va pêcher sous le pont d’Asnière.
Eux, poussent des coquericos —
Qu’elles imitent — garçonnières,
Et que répètent, moutonnières,
Des voix répondant en échos…
Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnières.
(Jean Ajalbert)
Calicote
Larchey, 1865 : Femme fréquentant un ou plusieurs calicots.
Clara Fontaine est une étudiante, Pomaré est une calicote.
(Paris dansant)
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse de commis de nouveautés.
France, 1907 : Employée d’un magasin de nouveautés ou la maîtresse d’un calicot.
Californien
Larchey, 1865 : Riche. — Grâce à des découvertes aurifères bien connues, ce mot a remplacé le Pérou dans nos locutions proverbiales.
La jeune fille regrettait de ne pouvoir garder pour elle-même cette bonne fortune californienne.
(Montépin)
France, 1907 : Homme riche. C’est en Californie qu’on allait autrefois faire fortune.
Califourchon
d’Hautel, 1808 : Être à califourchon. Être assis sur quelque chose jambe çà et là, comme lorsqu’on monte un cheval en croupe.
Caliguler
Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune au Caligula d’Alexandre Dumas.
Calijatte
La Rue, 1894 : Empoisonnement.
Calin
France, 1907 : Fontaine d’étain dont se servent les marchands de coco.
Câlin
d’Hautel, 1808 : Un câlin. Sobriquet qu’on donne à un paysan qui, sous un air niais, sot et indolent, cache beaucoup de finesse et d’industrie.
Fustier, 1889 : Tonnelet d’étain dont se servent les marchands de coco. Le tonnelet lui caresse, lui câline le dos. (Richepin)
Câliner
d’Hautel, 1808 : Faire le câlin, flatter, carresser quelqu’un.
Se câliner, avoir grand soin de sa personne, se délicater, se dorloter ; vivre dans l’indolence et l’oisiveté.
Calinier
France, 1907 : Amoureux.
Quant aux jeunes filles, bien attifées et proprettes, elles vont, après vêpres, se promener par groupes, sur la route, jacassant bruyamment et cherchant à attirer l’attention des garçons par des poussées et des rires. Quelques-unes attendent leurs amoureux, qu’on appelle le calinier. On se dit bonjour en passant, on échange des plaisanteries au gros sel, mais les groupes n’osent s’arrêter et chacun, à regret, continue son chemin… Une seule fois par an, le calinier est autorisé à offrir le bras à sa calinière ; c’est au jour de la fête appelée ici le festin.
(Hector France, Impressions de voyage)
Calino
Larchey, 1865 : Homme ridiculement naïf. — C’est une pièce du vaudeville qui a vulgarisé ce nom et ce type.
L’artiste était fort ennuyé par une espèce de calino.
(Figaro)
Delvau, 1866 : s. m. Nom d’une sorte de Jocrisse introduit par Antoine Fauchery dans un vaudeville, et qui a été appliqué depuis à tous les gens assez simples d’esprit, par exemple, pour s’imaginer avoir vu bâtir la maison où ils sont nés.
France, 1907 : Nom d’une sorte de Jocrisse introduit par Antoine Fanchery dans un vaudeville, vers 1858, et dont la presse s’est emparée pour en faire un nouveau type auquel on attribue toutes les niaiseries et toutes les naïvetés. Le nom vient, du reste, du vieux mot calin (niais) et on le trouve dans Tallemant des Réaux : « L’artiste était fort ennuyé par une espèce de Calino. »
Cependant, s’il faut s’en rapporter à certains étymologistes, ce type de la naïveté burlesque aurait réellement existé.
C’était un garçon fort connu des artistes qui fréquentaient vers 1846 l’ancien café de la Porte Saint-Martin, où il s’était créé une véritable célébrité.
Calinot
Rigaud, 1881 : Type du naïf, petit fils de La Palisse et frère de Jocrisse. Découvert par MM. Ed. et J. de Goncourt dans : Une Voiture de Masques, Calino a été mis en pièce par MM. Barrière et Fauchery. L’orthographe primitive de MM. de Goncourt donne Calinot par un t aujourd’hui l’on écrit Calino sans t, probablement par économie, puisque Calinot a fait calinotades.
Calinotade
Delvau, 1866 : s. f. Naïveté qui frise de près la niaiserie.
Rigaud, 1881 : Naïveté digne de Càlino.
Calinte
Rigaud, 1881 : Culotte, — dans le jargon des voyous. — Ta calinte bâille, ta culotte est déchirée.
Calique
Rigaud, 1881 : Commis de magasin de nouveautés. C’est une variante de calicot.
Callancher
un détenu, 1846 : Mourir.
Callibistri
Delvau, 1864 : Le membre viril, ou la nature de la femme.
Montrant mon callibistri à tout le monde, qui n’était pas petit sans doute.
(Rabelais)
Je crois que les callibistris des femmes de ce pays sont à meilleur marché que les pierres.
(Rabelais)
Callipédie
France, 1907 : Les Grecs appelaient ainsi l’art de procréer de beaux enfants, des deux mots καλός, beau, παιδός, enfant. Cet art empirique chez les Grecs et les Latins se réduit à l’application de certains préceptes de la physiologie de l’hygiène et à la connaissance des lois de l’hérédité.
Callot
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Teigneux.
Delvau, 1866 : s. m. Teigneux, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Teigneux. Vient de calabre, teigne (Argot des voleurs).
Callots
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Teigneux.
Vidocq, 1837 : s. m. — Sujets du grand Coësré, qui allaient mendiant par les rues de l’ancien Paris ; ils feignaient d’être récemment guéris de la teigne, et de venir de Sainte-Reine. « Sainte-Chapelle où toutes les années il s’opérait, dit Félibien, un grand nombre de guérisons vraiment miraculeuses. »
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Taigneux.
France, 1907 : Variété de vagabonds.
Les callots sont teigneux, véritables contrefaits.
(Le Jargon de l’argot)
Callots (les)
Hayard, 1907 : Les yeux.
Calme et inodore (être)
Larchey, 1865 : Affecter une certaine sévérité de manières. — Ces deux mots ne vont jamais l’un sans l’autre, et parodient sans doute quelque manuel de civilité puérile et honnête.
Delvau, 1866 : Se conduire convenablement, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Se tenir tranquille. Les personnes qui ont une teinture de chimie ne manquent pas d’ajouter : inattaquable par les acides.
Caloqué
Vidocq, 1837 : s. m. — Chapeau.
Caloquet
d’Hautel, 1808 : Chapeau, bonnet, colifichets dont les femmes ornent leurs têtes.
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Chapeau.
Larchey, 1865 : Coiffure de femme (d’Hautel). — Caloquet : Chapeau.
Achetez un caloquet plus méchant, le vôtre n’est pas trop rup.
(L. de Neuville)
Caloquet : Couronne. V. Dab.
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau.
Virmaître, 1894 : Chapeau (Argot du peuple). V. Bloum.
Calorgne
d’Hautel, 1808 : Mot burlesque et satirique pour dire, un bigle, un myope, un loucheur, celui qui a quelqu’infirmité sur la vue, qui l’empêche de voir clairement les objets.
Delvau, 1866 : s. m. Borgne, ou seulement Bigle. On dit aussi Caliborgne.
Calot
Larchey, 1865 : Dé à coudre, coquille de noix (Vidocq). — Comparaison de ces objets à la calotte qui est de même forme. — Calot : Teigneux. Mot à mot : ayant une calotte de teigne.
Delvau, 1866 : s. m. Dé à coudre, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi coquille de noix.
Delvau, 1866 : s. m. Grosse bille avec laquelle on cale en jouant, — dans l’argot des enfants.
Rigaud, 1881 : Dé à coudre, parce qu’il a la forme d’une calotte microscopique.
Rigaud, 1881 : Képi, — dans le jargon de Saint-Cyr.
Récompense honnête à qui rapportera le calot 3118.
(La Vie moderne, 30 août 1879)
Rigaud, 1881 : Vieillard, vieille femme ridicule, — dans l’ancien jargon des clercs de notaire.
Quant aux farces d’étude, c’est ordinairement sur de vieilles ganaches, sur ce que les clercs appellent des calots, qu’ils les exercent.
(Le Peintre des coulisses, 1822)
Dans le jargon moderne des commis de la nouveauté, un calot désigne un acheteur qui borne ses achats à un objet de peu d’importance, à une paire de gants à 29 sous par exemple.
Fustier, 1889 : Argot des commis de nouveautés : acheteur difficile, ennuyeux à servir.
Dans notre argot, nous appelons la femme qui nous énerve, un calot.
(P. Giffard)
V. Delvau. Suppl. Madame Canivet.
La Rue, 1894 : Dé à coudre. Coquille de noix. Œil saillant. Officier supérieur.
Virmaître, 1894 : Grosse bille avec laquelle les enfants jouent à la poucette (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Synonyme de jeu de biribi.
France, 1907 : Dé à coudre, coquille de noix ; diminutif de calotte. Se dit aussi pour la calotte d’écurie que portent les militaires.
France, 1907 : Œil. Boiter des calots, loucher. Reluquer des calots, regarder.
France, 1907 : Sorte de jeu où le joueur est toujours volé. En voici l’explication par Hogier-Grison :
Le bonneteau n’est pas le seul jeu tenu par les croupiers de barrières. Ils en ont une série d’autres dont le fonctionnement ostensible est aussi simple et dont le truc caché est aussi dangereux.
Voici, par exemple, le calot, plus terrible encore que le bonneteau. Il se compose de trois quilles creuses, sous l’une desquelles le teneur place une petite boule appelée le mouton.
Il exige un personnel de quatre comtes ou compères, parmi lesquels un comte en blanc qui ne joue jamais, mais qui est chargé du rapport.
C’est un peu le jeu des gobelets et de la muscade ; le teneur s’installe ; il met le mouton sur une petite table, et le recouvre d’une quille :
— La boulette ! dit-il, elle passe, la boulette’… la boulette’… la boulette… Et, en même temps, il change les quilles de place, les faisant passer tour à tour à droite, à gauche, au milieu, en les glissant sur la table de telle sorte que la boulette ne puisse sortir. Il s’arrête :
— Un louis à qui désigne la quille où se trouve la boulette ! crie-t-il.
Un des « comtes » montre un des calots :
— Elle est là, répond-il.
Le teneur soulève la quille, la boulette n’y est pas.
— Farceur, dit un autre « comte », la voici.
Et il soulève le calot sous lequel est le mouton.
— C’est bien simple, ajoute-t-il ; vous n’avez donc pas suivi le mouvement du joueur ? la boulette est toujours sous la même quille ; il y a qu’à ne pas perdre la quille de vue…
Bientôt le public s’en mêle ; le jeu change. Le teneur pose la boulette sur la table, la recouvre d’une quille, fait passer les deux autres, et tout en faisant ce double mouvement, il roule la boulette jusque dans ses doigts, où elle reste cachée, de façon qu’il n’y a plus de boulette du tout. Le pigeon peut ponter sur n’importe quelle quille, il a toujours perdu.
(Le Monde où l’on triche)
Calot, callot
Rigaud, 1881 : Sujet de la Cour des Miracles. Les calots étaient des mendiants chargés du rôle de teigneux.
Calotin
Delvau, 1866 : s. m. Prêtre, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Prêtre ; celui qui porte la calotte.
On a été prodigue avec eux : ils ont chacun un calotin.
(H. Monnier, Sciences populaires)
France, 1907 : Prêtre, tonsuré, homme d’Église, enfant de chœur, tout ce qui porte la petite calotte cléricale noire ou rouge. Ce terme moqueur par lequel on désigne les prêtres, à cause de cette petite calotte, n’était pas pris autrefois en mauvaise part. On l’employait, mais assez rarement, dès le XVe et le XVIe siècle, et ce n’est qu’à partir de 1789 qu’il a pris une signification désobligeante et même injurieuse.
— Fin finalement, faut pas moins que j’me préoccupe de la faire baptiser, c’t’enfant. Ça m’serait core assez indifférent… on en meurt pas ; mais tous ces calotins à qui j’vas m’adresser vont tous me d’mander si c’est que nous sommes mariés, si c’est qu’nous l’sommes pas ; ça, vois-tu, ça m’écœure ; quoi leur y répondre, quoi, dis-le ?
— J’en sais rien.
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
— Puisque vous le voulez absolument, la mère, voilà la chose en deux mots : c’est un curé qui a arrangé votre fille comme cela. J’ai dit.
— Un curé ?
— Oui, bonne femme, ou un vicaire, je ne sais pas. Bref, un calotin pour sûr.
(Michel Morphy, Les Mystères du crime)
Calotine
France, 1907 : Dévote, hanteuse de prêtres et de confessionnaux.
— Ça, c’est Émilia, une calotine. Elle dit des prières tout le temps. Alors je sais pas ce qu’elle est venue faire ici. Elle aurait mieux fait de rester au couvent, bien sûr.
(Paul Adam, Chaire molle)
Calots
Vidocq, 1837 : s. m. — Coquilles de noix ; au singulier, dé à coudre.
un détenu, 1846 : Yeux.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux ronds comme des billes, — dans l’argot des faubouriens. Boiter des calots. Loucher.
Rigaud, 1881 : Coquilles de noix. — Gros yeux à fleur de tête, — dans le jargon des voleurs.
Virmaître, 1894 : Les yeux mauvais. Calots à la manque (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Yeux. De grands yeux sont de grands calots.
anon., 1907 : Yeux.
Calots (ribouler des)
Rigaud, 1881 : Regarder avidement, ouvrir de grands yeux étonnés, écarquiller les yeux, — dans le jargon des voyous.
Riboulant des calots à chaque devanture de boulanger.
(Le sans-culotte, 1878)
Calotte
d’Hautel, 1808 : Donner une calotte ou des calottes à quelqu’un. Signifie, en terme populaire, le frapper durement à la tête ; se porter sur lui à des voies de fait.
Il se passe bien des choses sous la calotte des cieux, pour dire sur la terre.
Il n’a pas encore la calotte de plomb. Pour dire il n’a pas encore atteint l’âge de l’expérience. C’est un écervelé, un étourdi, un fou.
Il auroit besoin de la calotte de plomb. Pour il auroit besoin des conseils de l’expérience.
Halbert, 1849 : Teigneuse.
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Assiette à soupe, — dans le jargon des voleurs.
Et il déposa sur la table un saladier de faïence écorné, balafré, rapiécé, une douzaine de morceaux de sucre dans une calotte.
(P. Mahalin, Les Monstres de Paris)
Fustier, 1889 : Assiette creuse. Sorte de pâtisserie où il entre des confitures.
Vous vous imaginez peut-être qu’il est question de quelques petites friandises dont on nous donnait de nombreuses indigestions durant notre jeunesse et qui portaient ce nom si joli, si gracieux, si adorable de petites calottes ; il y avait là-dedans des confitures.
(Gazette des Tribunaux)
Pot de confiture ayant la forme d’une grande calotte sans anse ni oreilles. (Littré)
Les calottes dont nous nous entretenons sont des pots de confitures.
(Gazette des Tribunaux, avril 1874)
France, 1907 : Le clergé. On dit aussi le régiment de la calotte.
Calotte (la)
Delvau, 1866 : Le Clergé, — dans l’argot des bourgeois. Le régiment de la calotte. La Société de Jésus, — sous la Restauration. Aux XVIIe et XVIIIe siècles on avait donné ce nom à une société bien différente, composée de beaux esprits satiriques.
Calottée
Rigaud, 1881 : Boîte en fer-blanc où les pêcheurs à la ligne renferment les asticots, leur espérance.
France, 1907 : Distribution de soufflets.
Calotter
d’Hautel, 1808 : Signifie frapper avec la main ; corriger, châtier un enfant en lui donnant des coups sur la tête.
Tu te feras calotter. Pour tu te feras battre corriger, souffleter.
Larchey, 1865 : C’est frapper de la main sur la tête, faire une calotte de coups.
Calottez-moi, gifflez-moi.
(J. Arago, 1838)
Delvau, 1866 : v. a. Souffleter.
Calottin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet outrageant que l’on donne aux jeunes ecclésiastiques.
Larchey, 1865 : Ecclésiastique. — Allusion à la calotte cléricale. — Dans le Déjeuner de la Râpée, pièce poissarde de L’Écluse (1750), une poissarde repousse un abbé en disant :
Adieu, monsieur le calottin !
Calouquet
Rigaud, 1881 : Étudiant en médecine. À cause de l’ancien béret, nommé calouquet, qui servait de coiffure aux étudiants.
Les grisettes du pays latin ne disent pas Carabin, c’est Calouquet.
(Les Voleurs et les volés, 1840)
Calte
Rossignol, 1901 : Va-t’en.
Je suis pressé, je calte.
Calter
M.D., 1844 : Finir.
Virmaître, 1894 : S’en aller. Calter est synonyme de débiner ; on dit à quelqu’un en danger : calte au plus vite ou bien débine-toi (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : S’en aller.
Hayard, 1907 : Se sauver, se taire.
Calvados
France, 1907 : Eau-de-vie de cidre fabriquée en Normandie.
Ah ! les héritiers n’avaient fait qu’une enjambée jusqu’à Gonneville, et, maintenant, ils entouraient la vieille de soins ; ils lui faisaient boire des remèdes. Rien n’était assez bon : le pot-au-feu, le calvados à rasades !
(Hugues Le Roux)
Calvigne
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Vigne.
Vidocq, 1837 : s. f. — Vigne.
Halbert, 1849 : Vigne.
Larchey, 1865 : Vigne (Vidocq). — Mot à mot : lieu qu’a l’vigne, qui est planté de vigne.
Delvau, 1866 : s. f. La vigne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Clavigne.
Calvin
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Raisin.
Vidocq, 1837 : s. m. — Raisin.
Halbert, 1849 : Raisin.
Larchey, 1865 : Raisin (Vidocq). — Donnant le nom du jus au fruit, les voleurs ont dit le qu’a le vin pour le raisin. V. Cabe.
Delvau, 1866 : s. m. Raisin. On dit aussi Clavin.
Rigaud, 1881 : Raisin. — Calvigne, vigne, — dans l’ancien argot.
Calvine
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vigne.
Calypso (faire sa)
Fustier, 1889 : Faire des manières, des embarras. C’est la variante savante de faire sa tète.
Tu peux r’tourner à ton potage !
Ah ! monsieur fait sa Calypso !
En v’la z’un muf !…
(L’entr’acte à Montparnasse)
France, 1907 : Faire des manières. Allusion à la nymphe de ce nom qui flirtait outrageusement avec Télémaque, fils d’Ulysse.
Cam, camelotte
anon., 1907 : Marchandise.
Camarade
d’Hautel, 1808 : Camarade à la salade, compagnon à coups de bâton. Dicton populaire et badin, dont on se sert pour marquer la mauvaise intelligence qui existe entre plusieurs personnes qui vivent ensemble.
Camarade (la mort)
Clémens, 1840 : La mort.
Camaraderie
Delvau, 1866 : s. f. Aide mutuelle mais intéressée que se prêtent les gens de lettres, journalistes ou dramaturges, pour arriver à la fortune et à la réputation. C’est la courte échelle appliquée à l’art et à la littérature, c’est-à dire aux deux plus respectables choses qui soient au monde, — les plus respectables et les moins respectées, « Passe-moi la casse et je te passerai le séné. Dis que j’ai du génie et je crierai partout que tu as du talent. »
Le mot est nouveau, dans ce sens du moins, car les membres de la société de la casse et du séné, souvent, ne sont que des associés et pas du tout des amis ; ils s’aident, mais ils se méprisent. C’est Henri Delatouche, l’ennemi, et, par conséquent, la victime de la camaraderie, qui est le parrain de ce mot, dont la place était naturellement marquée dans ce Dictionnaire, sorte de Muséum des infirmités et des difformités de la littérature française.
Camarde
un détenu, 1846 : La garde, la police, les municipaux.
Delvau, 1866 : s. f. La Mort, — dans l’argot des voleurs, qui trouvent sans doute qu’elle manque de nez.
Virmaître, 1894 : La mort (Argot des voleurs).
Mais si la grive,
Parfois arrive,
Pour nous servir,
Nous suivre ou nous courir,
Cont’ la camarde,
Toujours en garde,
On a bien soin,
De jouer du surin.
(Romance du Pègre)
France, 1907 : La mort.
Charavet, l’homme masqué, est médecin à Nice, et c’est en face, sans masque, qu’il lutte maintenant contre la camarde ; il la tombe souvent, car il a une grande clientèle.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
anon., 1907 : La mort.
Camarde (la)
M.D., 1844 : La mort.
Rigaud, 1881 : La mort. Épouser la camarde, trépasser.
Une vieille vous dit : — Holà !
Il faut épouser la camarde…
N’parlons pas d’ça.
(Dîners de l’anc. cercle dramatique)
La Rue, 1894 : La mort.
Camarde ou camargue
Rossignol, 1901 : La mort.
Camarluche
Virmaître, 1894 : Camarade (Argot du peuple).
France, 1907 : Camarade.
Pegriots, mes bons camarluches,
Vous tous qui n’êtes pas des bûches,
Dans vot’ loche entrez les conseils
D’un vieux roumard, un d’vos pareils.
(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)
Camaro
Delvau, 1866 : s. m. Camarade, ami, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Camarade.
Devant l’larbin qui s’esclaff’ d’aise,
Aux camaros grinchis la braise.
Camaro, camarluche
Rigaud, 1881 : Camarade.
Eh ! Bourdeau, eh ! las-d’aller ! lève-toi, c’est ton camarluche qui t’appelle !
(Huysmans, Marthe, 1879)
Les deux cents camaros se connaissaient, se tutoyaient.
(R. Maizeroy, La Vie moderne, 6 sept. 1879)
Camaros
Virmaître, 1894 : Même signification. Même argot.
Rossignol, 1901 : Les camarades.
Cambola
Virmaître, 1894 : Faux épileptique (Argot des voleurs). V. Battre un dig-dig.
France, 1907 : Faux épileptique ; argot des voleurs.
Camboler
Larchey, 1865 : Tomber. — Contraction de Caramboler.
V’là qu’elle cambole sur son prussien et feint de tomber de son digue-digue.
(Decourcelle, 1840)
Delvau, 1866 : v. n. Se laisser choir. Même argot [des faubouriens].
Cambouis
Merlin, 1888 : Train des équipages. Celui de l’ancienne garde s’appelait le Royal Cambouis.
Cambraisier
Clémens, 1840 : Voleur de campagne.
Cambre
M.D., 1844 : Chapeau.
Cambreline
France, 1907 : Servante, chambrière ; du vieux mot français cambre.
Cambriau, cambriot
France, 1907 : Chapeau.
Tirants, passe à la rousse,
Attachés de gratousse,
Cambriot galuché.
(Chanson de l’argot)
Cambrieux
Halbert, 1849 : Chapeau.
Cambriole
d’Hautel, 1808 : Pour dire petite chambre.
La cambriole du milord. Signifie, en terme d’argot, la chambre d’une personne riche et fortunée.
Ansiaume, 1821 : Chambre.
Tandis qu’elle est à la fourmillante, il faut faire la cambriole de la girofle madame.
Ansiaume, 1821 : Vol.
Huet et Lozai ne faisoient que la cambriole, ce sont de mauvais pègres.
Bras-de-Fer, 1829 : Chambre.
M.D., 1844 : Une chambre.
Halbert, 1849 : Chambre.
Delvau, 1866 : s. f. Chambre, — dans l’argot des voleurs. Cambriole de Milord. Appartement somptueux. Rincer une cambriole. Dévaliser une chambre.
Fustier, 1889 : Boutique. (Richepin)
La Rue, 1894 : Chambre.
Rossignol, 1901 : Logement.
Hayard, 1907 : Domicile.
France, 1907 : Chambre, boutique ; argot des voleurs. Être maître d’une cambriole, c’est la connaître et savoir comment s’y prendre pour la dévaliser. Rincer une cambriole, enlever les meubles et tout ce qui s’y trouve.
— On voit que pour le quart d’heure tu n’es pas heureux.
— Oh ! oui ; j’ai fièrement besoin de me recaler.
— En ce cas, viens avec moi, je suis maître d’une cambriole que je rincerai ce soir.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Cambriole avec bayaffes
Ansiaume, 1821 : Vol avec armes sur soi.
Je n’porte plus de bayaffes, ça mène à la butte.
Cambriole avec bouton
Ansiaume, 1821 : Vol avec passepartout.
Il façonnoit les boutons.
Cambriole avec carroubles
Ansiaume, 1821 : Vol avec fausses clefs.
Il est merveilleux pour imiter les carroubles dans son rôle.
Cambrioleur
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui dévalise les chambres, principalement les chambres de domestiques, en l’absence de leurs locataires. Cambrioleur à la flan. Voleur de chambre au hasard.
La Rue, 1894 : Dévaliseur de chambres.
Virmaître, 1894 : Vol à la cambriotte. Ce vol fut célébré par B. Maurice :
Travaillant d’ordinaire,
La sorgue dans Pantin,
Pour mainte et mainte affaire,
Faisant très bon chopin.
Ma gente cambriotte,
Rendoublée de camelotte,
De la dalle au flaquet.
Je vivais sans disgrâce,
Sans regout ni morace,
Sans taf et sans regret.
Le quart-d’œil lui jabotte :
Mange sur tes nonneurs ;
Lui tire une carotte.
Lui montrant la couleur.
L’on vient, l’on me ligotte,
Adieu, ma cainbriotte,
Mon beau pieu. mes dardants.
Je monte à la Cigogne.
On me gerbe à la grotte,
Au tap et pour douze ans.
France, 1907 : Voleur dont la spécialité est de faire main basse dans les appartements ou les villas en l’absence des propriétaires. Cambrioleur à la flan, voleur de chambres au hasard.
On estime, à la Sûreté, que sur vingt-cinq mille individus n’ayant à Paris d’autre moyen d’existence que le vol, dix mille au moins sont des cambrioleurs, soit professionnels, soit occasionnels.
(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)
Cambriolle
Vidocq, 1837 : s. f. — Chambre.
Clémens, 1840 : Chambre.
Larchey, 1865 : Chambre (Vidocq). — Diminutif du vieux mot cambre : chambre. V. Roquefort. — V. Pieu, Esquintement, Rincer.
Rigaud, 1881 : Chambre. La variante est : Cambrouse.
Cambriolleur
Rigaud, 1881 : Voleur qui opère dans les chambres, dans les appartements.
Cambriolleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — On reconnaît un soldat, même lorsque qu’il a quitté l’uniforme pour endosser l’habit bourgeois, on peut se mettre à sa fenêtre, regarder ceux qui passent dans la rue et dire, sans craindre de se tromper, celui-ci est un tailleur, cet autre et un cordonnier ; il y a dans les habitudes du corps de chaque homme un certain je ne sais quoi qui décèle la profession qu’il exerce, et que seulement ceux qui ne savent pas voir ce qui frappe les yeux de tout le monde ne peuvent pas saisir ; eh bien, si l’on voulait s’en donner la peine, il ne serait guère plus difficile de reconnaître un voleur qu’un soldat, un tailleur ou un cordonnier. Comme il faut que ce livre soit pour les honnêtes gens le fil d’Ariane destiné à les conduire à travers les sinuosités du labyrinthe, j’indique les diagnostics propres à faire reconnaître chaque genre ; si après cela ceux auxquels il est destiné ne savent pas se conduire, tant pis pour eux.
Les Cambriolleurs sont les voleurs de chambre soit à l’aide de fausses clés soit à l’aide d’effraction. Ce sont pour la plupart des hommes jeunes encore, presque toujours ils sont proprement vêtus, mais quel que soit le costume qu’ils aient adopté, que ce soit celui d’un ouvrier ou celui d’un dandy, le bout de l’oreille perce toujours. Les couleurs voyantes, rouge, bleu ou jaune, sont celles qu’ils affectionnent le plus ; ils auront de petits anneaux d’or aux oreilles ; des colliers en cheveux, trophées d’amour dont ils aimeront à se parer ; s’ils portent des gants ils seront d’une qualité inférieure ; si d’aventure l’un d’eux ne se fait pas remarquer par l’étrangeté de son costume il y aura dans ses manières quelque chose de contraint qui ne se remarque pas dans l’honnête homme ; ce ne sera point de la timidité, ce sera une gêne, résultat de l’appréhension de se trahir. Ces diverses observations ne sont pas propres seulement aux Cambriolleurs, elles peuvent s’appliquer à tous les membres de la grande famille des trompeurs. Les escrocs, les faiseurs, les chevaliers d’industrie, sont les seuls qui se soient fait un front qui ne rougit jamais.
Les Cambriolleurs travaillent rarement seuls ; lorsqu’ils préméditent un coup, ils s’introduisent trois ou quatre dans une maison, et montent successivement ; l’un d’eux frappe aux portes, si personne ne répond, c’est bon signe, et l’on se dispose à opérer ; aussitôt, pour se mettre en garde contre toute surprise, pendant que l’un des associés fait sauter la gâche ou jouer le rossignol, un autre va se poster à l’étage supérieur, et un troisième à l’étage au-dessous.
Lorsque l’affaire est donnée ou nourrie, l’un des voleurs se charge de filer (suivre) la personne qui doit être volée, dans la crainte qu’un oubli ne la force à revenir au logis ; s’il en est ainsi, celui qui est chargé de cette mission la devance, et vient prévenir ses camarades, qui peuvent alors s’évader avant le retour du mézière.
Si, tandis que les Cambriolleurs travaillent, quelqu’un monte ou descend, et qu’il désire savoir ce que font dans l’escalier ces individus qu’il ne connaît pas, on lui demande un nom en l’air : une blanchisseuse, une sage-femme, une garde malade ; dans ce cas, le voleur interrogé balbutie plutôt qu’il ne parle, il ne regarde pas l’interrogateur, et empressé de lui livrer le passage, il se range contre la muraille, et tourne le dos à la rampe.
Si les voleurs savent que le portier est vigilant, et s’ils présument que le vol consommé ils auront de gros paquets à sortir, l’un d’eux entre tenant un paquet sous le bras ; ce paquet, comme on le pense bien, ne contient que du foin, qui est remplacé, lorsqu’il s’agit de sortir, par les objets volés.
Quelques Cambriolleurs se font accompagner, dans leurs expéditions, par des femmes portant une hotte ou un panier de blanchisseuse, dans lesquels les objets volés peuvent être facilement déposés ; la présence d’une femme sortant d’une maison, et surtout d’une maison sans portier, avec un semblable attirail, est donc une circonstance qu’il est important de remarquer, si, surtout, l’on croit voir cette femme pour la première fois.
Il y a aussi les Cambriolleurs à la flan (voleurs de chambre au hasard) qui s’introduisent dans une maison sans auparavant avoir jeté leur dévolu ; ces improvisateurs ne sont sûrs de rien, ils vont de porte en porte, où il y a ils prennent, où il n’y a rien, le voleur, comme le roi, perd ses droits. Le métier de Cambriolleur à la flan, qui n’est exercé que par ceux qui débutent dans la carrière, est très-périlleux et très-peu lucratif.
Les voleurs ont des habitudes qu’ils conservent durant tout le temps de leur exercice ; à une époque déjà éloignée, ils se faisaient tous chausser chez une cordonnière que l’on nommait la mère Rousselle, et qui demeurait rue de la Vannerie ; à la même époque, Gravès, rue de la Verrerie, et Tormel, rue Culture-Sainte-Catherine, étaient les seuls tailleurs qui eussent le privilège d’habiller ces messieurs. Le contact a corrompu les deux tailleurs, pères et fils sont à la fin devenus voleurs, et ont été condamnés ; la cordonnière, du moins je le pense, a été plus ferme ; mais, quoiqu’il en soit, sa réputation était si bien faite et ses chaussures si remarquables, que lorsqu’un individu était arrêté et conduit à M. Limodin, interrogateur, il était sans miséricorde envoyé à Bicêtre si pour son malheur il portait des souliers sortis des magasins de la mère Rousselle. Une semblable mesure était arbitraire sans doute, mais cependant l’expérience avait prouvé son utilité.
Les voleuses, de leur côté, avaient pour couturière une certaine femme nommée Mulot ; elle seule, disaient-elles, savait avantager la taille, et faire sur les coutures ce qu’elles nommaient des nervures.
Les nuances, aujourd’hui, ne sont peut-être pas aussi tranchées ; mais cependant, si un voleur en renom adopte un costume, tous les autres cherchent à l’imiter.
Je me suis un peu éloigné des Cambriolleurs, auxquels je me hâte de revenir ; ces messieurs, avant de tenter une entreprise, savent prendre toutes les précautions propres à en assurer le succès ; ils connaissent les habitudes de la personne qui habite l’appartement qu’ils veulent dévaliser ; ils savent quand elle sera absente, et si chez elle il y a du butin à faire.
Le meilleur moyen à employer pour mettre les Cambriolleurs dans impossibilité de nuire, est de toujours tenir la clé de son appartement dans un lieu sûr ; ne la laissez jamais à votre porte, ne l’accrochez nulle part, ne la prêtez à personne, même pour arrêter un saignement de nez ; si vous sortez, et que vous ne vouliez pas la porter sur vous, cachez-la le mieux qu’il vous sera possible. Cachez aussi vos objets les plus précieux ; cela fait, laissez à vos meubles toutes vos autres clés : vous épargnerez aux voleurs la peine d’une effraction qui ne les arrêterait pas, et à vous le soin de faire réparer le dégât que sans cela ils ne manqueraient pas de commettre.
es plus dangereux Cambriolleurs sont, sans contredit, les Nourrisseurs ; on les nomme ainsi parce qu’ils nourrissent des affaires. Nourrir une affaire, c’est l’avoir toujours en perspective, en attendant le moment le plus propice pour l’exécution ; les Nourrisseurs, qui n’agissent que lorsqu’ils ont la certitude de ne point faire coup fourré, sont ordinairement de vieux routiers qui connaissent plus d’un tour ; ils savent se ménager des intelligences où ils veulent voler ; au besoin même, l’un d’eux vient s’y loger, et attend, pour commettre le vol, qu’il ait acquis dans le quartier qu’il habite une considération qui ne permette pas aux soupçons de s’arrêter sur lui. Ce dernier n’exécute presque jamais, il se borne seulement à fournir aux exécutans tous les indices qui peuvent leur être nécessaires. Souvent même il a la précaution de se mettre en évidence lors de l’exécution, afin que sa présence puisse, en temps opportun, servir à établir un alibi incontestable.
Ce sont ordinairement de vieux voleurs qui travaillent de cette manière ; parmi eux on cite le nommé Godé, dit Marquis, dit Capdeville ; après s’être évadé du bagne, il y a plus de quarante ans, il vint s’établir aux environs de Paris, où il commit deux vols très-considérables, l’un à Saint-Germain en Laye, l’autre à Belleville ; cet individu est aujourd’hui au bagne de Brest, où il subit une condamnation à perpétuité.
Les vols de chambre sont ordinairement commis les dimanches et jours de fête.
Cambriolleurs
Larchey, 1865 : Voleurs s’introduisant dans les chambres (cambriolles) par effraction ou par escalade. — M. Canler les divise en six classes. — Vidocq, sans apporter autant de méthode que Canler dans la classification des cambriolleurs, ajoute des particularités assez curieuses sur leurs costumes où dominent les bijoux et les cravates de couleurs tranchées, telles que le rouge, le bleu ou le jaune ; sur la manie singulière de faire faire leurs chaussures et leurs habits chez les mêmes confectionneurs, ce qui n’était souvent pas un petit indice pour la justice ; sur leur habitude de se faire accompagner d’une fausse blanchisseuse dont le panier cache leur butin. — Les plus dangereux cambriolleurs sont appelés nourrisseurs, parce qu’ils nourrissent une affaire assez longtemps pour en assurer l’exécution, et, autant que possible, l’impunité.
Cambriotte
France, 1907 : Chambre.
Ma gente cambriote
Redoublée de la camelote
De la dalle au flaquet.
Cambron
Bras-de-Fer, 1829 : Cabane.
Cambronne
France, 1907 : On connaît le mot que Victor Hugo, dans les Misérables, attribue au colonel Cambronne, à la bataille de Waterloo. Beaucoup de gens l’admirent, mais nous lui préférons la riposte que lui prête l’histoire : « La garde meurt et ne se rend pas ! »
Le général Mellinet avait eu pour tuteur le colonel Cambronne : à sa demande s’il avait dit le mot en question, Cambronne aurait répondu : Je n’ai jamais crié le mot que l’on m’attribue : Merde ! mais bien : « Grenadiers, en avant ! »
Antoine Deleau, adjoint au maire de Vicq, ancien grenadier, témoin oculaire et auriculaire, a donné une autre version :
… Entre deux décharges, le général anglais nous cria : « Grenadiers, rendez-vous ! » Cambronne répondit (je l’ai parfaitement entendu, ainsi que tous mes camarades) : « La garde meurt et ne se rend pas ! — Feu ! » dit immédiatement le général anglais.
Nous serrâmes le carré et nous ripostâmes avec nos fusils. — « Grenadiers, rendez-vous, vous serez traités comme les premiers soldats du monde ! » reprit d’une voix affectée le général anglais. — « La garde meurt et ne se rend pas ! » répondit encore Cambronne, et, sur toute la ligne, les officiers et soldats répétèrent avec lui : « La garde meurt et ne se rend pas ! » Je me souviens parfaitement de l’avoir dit comme les autres… Je déclare donc avoir entendu à deux reprises : « La garde meurt et ne se rend pas ! » et ne lui avoir pas entendu dire autre chose.
(Intermédiaire des chercheurs et curieux)
Cambronne (le mot de)
Larchey, 1865 : Merde ! — Cette allusion à un mot historique discutable, sert aujourd’hui d’équivalent à une injure populaire fort répandue. Que Cambronne l’ait dit ou non, on ne lui en fera pas moins honneur. Nous rappelons aux curieux qui voudraient s’édifier à ce sujet, un chapitre des Misérables de M. Victor Hugo ; un article de M. Cuvillier Fleury, aux Débats, qui sera sans doute reproduit dans ses études littéraires, et enfin une lettre publiée par le journal L’Intermédiaire, du 15 février 1864.
Cambrose
anon., 1827 : Serrante.
Cambrosse
Bras-de-Fer, 1829 : Servante.
Cambrou
Delvau, 1866 : s. m. Domestique mâle. Même argot [des voleurs].
Virmaître, 1894 : Domestique mâle. Il garde la cambrouse (Argot des voleurs).
Cambrou, -ouze
Vidocq, 1837 : s. — Domestique, servante.
Cambrou, cambrouse
Larchey, 1865 : Serviteur, servante (Vidocq). — Corruption de l’ancien mot : cambrier ; valet de chambre. Chambrière est resté.
Cambrou, cambroux, cambrouse
France, 1907 : Serviteur, servante ; argot des voleurs. Cambrouse signifie prostituée, dans l’argot des faubouriens.
Cambrouse
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Servante, cuisinière.
Clémens, 1840 : Campagne.
Larchey, 1865 : Campagne (Vidocq). — Du latin campus : campagne. — Cambrousier : Voleur de campagne (id.). — V. Garçon.
La rousse pousse comme des champignons, et même dans la cambrouse, ils viennent vous dénicher.
(Patrie du 2 mars 1852)
Delvau, 1866 : s. f. Gourgandine, — dans l’argot des faubouriens, qui se rencontrent sans le savoir avec les auteurs du Théâtre-Italien.
Rigaud, 1881 : Campagne. Cambrousier, paysan, — dans le jargon des marchands forains.
Rigaud, 1881 : Pensionnaire d’une maison de tolérance, — dans l’ancien argot.
Rossignol, 1901 : Campagne. Celui qui est né ou qui habite la campagne est un cambrousier.
Cambrouse ou cambrousse
France, 1907 : Campagne, banlieue.
— Nous ne travaillons plus dans le bois de Boulogne depuis longtemps… il y a trop de surveillance… On a trop parlé de nous dans les journaux… Si nous avons fait aujourd’hui cette ballade à la cambrouse (partie de campagne), c’est qu’il fallait veiller au grain…
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Cambrouser
Fustier, 1889 : Servir comme domestique. (Richepin)
La Rue, 1894 : Servir comme domestique.
Cambrousier
Halbert, 1849 : Homme de province.
Delvau, 1866 : s. m. Brocanteur, — dans l’argot des revendeurs du Temple.
Rigaud, 1881 : Ouvrier peintre-vitrier attaché à un petit établissement de peinture-vitrerie, dans le jargon des peintres en bâtiment.
Rigaud, 1881 : Revendeur qui tenait un peu de tout, — dans l’ancien argot du Temple. Le cambrousier a été le précurseur du brocanteur.
Rigaud, 1881 : Voleur de campagne, — dans l’ancien argot.
Virmaître, 1894 : Escarpe qui vole tout ce qui lui tombe sous la main en parcourant la France. Ce nom lui vient de ce qu’il opère dans les cambrousses (maison) (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Paysan, provincial.
Hayard, 1907 : Charlatan.
France, 1907 : Voleur de campagne ou brocanteur.
Cambrousière
Halbert, 1849 : Femme de province.
Cambrousiers
Larchey, 1865 : « C’est ainsi que les marchands forains nomment les paysans. »
(Privat d’Anglemont)
Cambrousse
Delvau, 1866 : s. f. Banlieue, campagne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Camplouse.
Cambrousse, camplouse
La Rue, 1894 : La campagne.
Cambroux
Halbert, 1849 : Domestique mâle.
Rigaud, 1881 : Valet de chambre, garçon d’hôtel. — Cambrouse, femme de chambre. — Mastroc de cambrouse, aubergiste.
Cambrouze
Vidocq, 1837 : s. f. — Province.
Cambrouzier
Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur de campagne.
Cambrure
Rigaud, 1881 : Savate, — dans le jargon des chiffonniers.
Cambuse
Halbert, 1849 : Maison.
Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi logis quelconque, taudis.
Rigaud, 1881 : Petite chambre mal meublée.
Virmaître, 1894 : Maison qui ne tient pas debout, bâtie avec de la boue et du crachat. Cambuse : cabaret où l’on sert mal et de mauvaise marchandise (Argot du peuple).
France, 1907 : Cabaret, maison mal famée ; argot populaire.
L’assassin regarda froidement le cadavre :
— C’est joliment turbiné… Ça n’est pas si coriace qu’on croit, un usurier ! Dit-il cyniquement… Voyons ! à présent, il s’agit de s’orienter et de ne pas moisir dans cette cambuse.
(Vidocq)
Cantine, terme de marine.
Cambuse à merde
Rigaud, 1881 : Derrière, dans le jargon des marins.
Cambuse aux potins
Rigaud, 1881 : Chambre des députés. — Cambuse des genoux, Sénat.
Cambusier
Virmaître, 1894 : Le maître de la cambuse. Cambusier : qui tient la cantine au bagne ou à bord (Argot du peuple).
France, 1907 : Préposé à la cantine à bord des navires.
Mais ce qu’il flétrit le plus énergiquement, c’est, sans contredit, le cambusier ou distributeur des rations à bord. Il n’y a pas de bonne plaisanterie sans un coup de patte à l’agent des vivres.
(G. de la Landelle)
Cambuter
Hayard, 1907 : Changer.
Caméléon
Vidocq, 1837 : s. m. — Courtisan.
Camélia, dame aux camélias
Larchey, 1865 : « Quand la lorette arrive à la postérité, elle change de nom et s’appelle dame aux camélias. Chacun sait que ce nom est celui d’une pièce de Dumas fils, dont le succès ne semble pas près de finir au moment où nous écrivons. »
(E. Texier, 1852)
Camellia
Delvau, 1866 : s. m. Femme entretenue, — par allusion à Marie Duplessis, qui a servi de type à Alexandre Dumas fils, pour sa Dame aux Camélias. C’est par conséquent un mot qui date de 1852. Les journalistes qui l’ont employé l’ont écrit tous avec un seul l, — comme Alexandre Dumas fils lui-même, du reste, — sans prendre garde qu’ainsi écrit ce mot devenait une injure de bas étage au lieu d’être une impertinence distinguée : un camellia est une fleur, mais le camélia est un χάμηλος.
Camelot
d’Hautel, 1808 : Il est comme le camelot, il a pris son pli. Signifie qu’une personne a contracté des vices ou de mauvaises inclinations dont il ne peut se corriger.
Ansiaume, 1821 : Marchand.
Le camelot est marloux, et puis il a deux gros cabots.
Vidocq, 1837 : s. m. — Marchand.
M.D., 1844 : Marchands des rues.
un détenu, 1846 : Marchand ambulant ou marchand de contre-marques.
Larchey, 1865 : « C’est-à-dire marchand de bimbeloteries dans les foires et fêtes publiques. »
(Privat d’Anglemont)
Delvau, 1866 : s. m. Marchand ambulant, — dans l’argot des faubouriens, qui s’aperçoivent qu’on ne vend plus aujourd’hui que de la camelotte.
Rigaud, 1881 : Marchand ambulant, porte-balle, étalagiste sur la voie publique. Le soir, le camelot ouvre les portières, ramasse les bouts de cigares, mendie des contre-marques, donne du feu, fait le mouchoir et même la montre s’il a de la chance.
La Rue, 1894 : Petit marchand dans les rues. Crieur de journaux. Signifie aussi voleur.
France, 1907 : Marchand d’objets de peu de valeur qui vend dans les villages ou expose sur la voie publique. Le terme vient du grec camelos, chameau, par allusion au sac qu’il porte sur le dos et qui contient sa camelotte.
Depuis quelque temps, une véritable révolution s’accomplit dans les mœurs publiques. Dans les luttes politiques, un facteur nouveau s’est introduit et les procédés de polémique, les moyens de propagande et de conviction sont transformés du tout au tout.
Le camelot a pris dans l’ordre social qui lui est sinon due, au moins payée. L’ère du camelot est venue et les temps sont proches où le revolver sera l’agent le plus actif d’une propagande bien menée.
Le camelot n’a qu’un inconvénient ; il coûte cher. Dans les premiers temps de son accession à la vie publique, c’était à six francs par soirée qu’il débordait d’enthousiasme et fabriquait de la manifestation. Depuis les prix ont un peu baissé, vu l’abondance des sujets. Lors du dernier banquet, c’était à quatre francs la soirée mais on fournissait le revolver.
(La Lanterne, 1888)
Au-dessus de tout le bruit, du roulement des voitures, des grincements des essieux, des galopades des beaux chevaux rués dans le travail comme des ouvriers courageux, — au-dessus de tout, retentissaient les cris des camelots du crépuscule, l’annonce vociférée des crimes de la basse pègre, des vols de la haute, l’essor des derniers scandales.
(Gustave Geffroy)
Le camelot, c’est le Parisien pur sang… c’est lui qui vend les questions, les jouets nouveaux, les drapeaux aux jours de fête, les immortelles aux jours de deuil, les verres noircis aux jours d’éclipse… des cartes obscènes transparentes sur le boulevard et des images pieuses sur la place du Panthéon.
(Jean Richepin, Le Pavé)
Il faisait un peu de tout… c’était un camelot, bricolant aujourd’hui des journaux illustrés, demain des plans de Paris, un autre jour offrant aux amateurs des cartes qualifiées de transparentes, débitant ensuite, coiffé d’un fez, des confiseries dites arabes ou des olives dans les cafés…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Camelotage
France, 1907 : Art du camelot.
Il parait que ce procédé de popularité donne des résultats extrêmement variables. Il y a des jours où le camelotage ne va pas. Au Château-d’Eau, par exemple, quoiqu’on eût pris la précaution de louer pour eux de bonnes places, les camelots n’ont pas fait florès. C’était pourtant la fleur du camelotage, le dessus du panier, les têtes de colonne à qui l’on ne payait pas leur journée et qui travaillaient « pour le plaisir ».
(La Lanterne)
Camelote
anon., 1827 : Chose.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vol que font les forçats en allant à la fatigue.
La Rue, 1894 : Butin du chiffonnier. Marchandise du camelot ou marchandise de mauvaise qualité. Signifie aussi prostituée.
Rossignol, 1901 : La marchandise de mauvaise qualité est de la camelote ; si elle est mal faite, elle est camelotée. Un camelot nomme sa marchandise sa camelote.
Cameloteuse
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La recéleuse qui achète la camelote.
Camelotte
d’Hautel, 1808 : C’est de la camelotte ; ce n’est que de la camelotte. Se dit par mépris et pour rabaisser la valeur d’une marchandise quelconque, et pour faire entendre que la qualité en est au-dessous du médiocre.
Ansiaume, 1821 : Marchandise.
J’ai de la camelotte en rompant, mais pour du carle, niberg.
Vidocq, 1837 : s. m. — Sperme.
Vidocq, 1837 : s. f. — Toute espèce de marchandises.
M.D., 1844 : Marchandise.
un détenu, 1846 : Mauvaise marchandise.
Delvau, 1866 : s. f. « Femme galante de dix-septième ordre, » — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise marchandise ; besogne mal faite, — dans l’argot des ouvriers ; Livre mal écrit, dans l’argot des gens de lettres. Les frères Cogniard, en collaboration avec M. Boudois, ont adjectivé ce substantif ; ils ont dit : Un mariage camelotte.
Rigaud, 1881 : Le contenu en bloc de la hotte, — dans le jargon des chiffonniers. Au moment du triquage, du triage, chaque objet est classé sous sa dénomination. Ainsi, les os gras sont des chocottes ; les os destinés à la fabrication, des os de travail ; le cuivre, du rouget, le plomb, du mastar ; le gros papier jaune, du papier goudron ; le papier imprimé, du bouquin ; la laine, du mérinos ; les rognures de drap, les rognures de velours, des économies ; les croûtes de pain, des roumies ; les têtes de volaille, des têtes de titi ; les cheveux, des douilles ou des plumes ; les tissus laine et coton, des gros ; les toiles à bâche et les toiles à torchon, des gros-durs ; les rebuts de chiffons de laine, des gros de laine ou engrais.
Rigaud, 1881 : Mauvaise marchandise, objet sans valeur. Le camelot est une étoffe très mince et d’un mauvais usage, faite de poils de chèvre, de laine, de soie et de coton de rebut, d’où camelotte. — Tout l’article-Paris qui se fabrique vite, mal, à très bas prix, est de la camelotte.
Ah ! ce n’est pas de la camelotte, du colifichet, du papillotage, de la soie qui se déchire quand on la regarde.
(Balzac, L’Illustre Gaudissart)
Rigaud, 1881 : Prostituée de bas étage.
Rigaud, 1881 : Toute espèce de marchandise, — dans le jargon des voleurs. — Camelotte savonnée, marchandise volée. — Balancer la camelotte en se débinant, jeter un objet volé quand on est poursuivi. — Les revendeurs, les truqueurs, les petits étalagistes, désignent également leur marchandise sous le nom de camelotte. — J’ai de la bonne camelotte, j’ai de la bonne marchandise.
Virmaître, 1894 : Marchandise. Pour qualifier quelque chose d’inférieur on dit : c’est de la camelotte (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Marchandise.
France, 1907 : Objet de nulle valeur ou marchandise volée.
— Si elle ne veut pas de la camelotte, une autre en voudra.
— Si j’en étais sûr !…
— Viens avec moi chez ma fourgate.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Camelotte en pogne, être pris en flagrant délit de vol. On dit aussi camelotte dans le pied. Prostituée de bas étage.
Camelotte dans le pied
Larchey, 1865 : En flagrant délit de vol.
J’ai été pris, la camelotte dans le pied.
(La Correctionnelle, journal)
Camelotte en pogne
Halbert, 1849 : Le vol dans la main.
Delvau, 1866 : s. f. Vol dans la main. Argot des prisons.
Rigaud, 1881 : Flagrant délit de vol. Mot à mot : marchandise dans la main, la pogne.
Virmaître, 1894 : Voler un objet quelconque dans la main de quelqu’un (Argot des voleurs).
Camelotte, grinchie
Clémens, 1840 : Objets provenants de vols.
Camelotter
Halbert, 1849 : Marchander, ou vendre.
Delvau, 1866 : v. n. Marchander ou vendre. Signifie aussi mendier, vagabonder.
France, 1907 : Vendre, marchander, voler sur la vente, soit dans l’offre, soit dans la demande.
Camelottes, le monde camelotte
Delvau, 1864 : Celui des femmes galantes d’une catégorie très infime. Les fleuves ne peuvent pas remonter à leur source ; les mots y remontent volontiers, au-contraire ; par exemple celui-ci. Il est de création moderne, quant au sens nouveau qu’on lui a donné sans songer à l’étymologie : or, camelotte vient de camelus, qui veut dire chameau.
Camembert
Fustier, 1889 : Montre. Argot du peuple.
Quelle heure avez-vous à votre camembert ? — Mon ca… ? — Ah ! c’est vrai ! vous parlez correctement, vous. J’ai voulu dire votre montre.
(Vie parisienne, novembre 1883)
Camerluche
Fustier, 1889 : Camarade. (Richepin)
Hayard, 1907 : Camarade.
France, 1907 : Forme de camarluche, camarade.
Camionner
Rigaud, 1881 : Accompagner, promener. — Camionner une grue, promener une femme, — dans le jargon des voyous.
Camisard
France, 1907 : Soldat des compagnies de discipline. On donne quelquefois aussi ce nom à ceux des bataillons d’Afrique composés, comme on le sait, de soldats ayant subi une condamnation.
Le mot vient des Cévenols calvinistes qui se révoltèrent après la révocation de l’édit de Nantes et firent, pendant deux ans, la guerre à Louis XIV. On les appelait camisards à cause de la chemise qu’ils portaient par-dessus leurs vêtements pour se reconnaître, et aussi pour échapper aux représailles. Des bandes irrégulières de catholiques les imitèrent. Il y eut les camisards blancs et les camisards noirs qui commirent tous les excès. Les blancs furent exterminés par le maréchal de Montrevel ; quant aux noirs, déserteurs, vagabonds, repris de justice, galériens fugitifs, ils se barbouillaient le visage de suie pour voler et tuer avec impunité. Jean Cavalier dut en faire pendre ou fusiller un grand nombre.
Camisard en bordée
Rigaud, 1881 : Soldat des compagnies de discipline.
Camisards
Merlin, 1888 : Soldats des compagnies de discipline.
Camisole
La Rue, 1894 : Gilet.
France, 1907 : Gilet. Tocante faite à la camisole, montre volée dans un gilet.
Camisolle
Vidocq, 1837 : s. m. — Gilet.
Camouffe
un détenu, 1846 : Chandelle.
Camouffelet
Ansiaume, 1821 : Soufflet.
Pour un rien, il recoque des camoufflets à sa larque et à ses mosmes.
Camouffle
Ansiaume, 1821 : Chandelle.
Il faut surtout ne pas oublier de la camoufle pour cette sorgue.
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Chandelle.
Camouffler
Halbert, 1849 : Déguisement.
Camouffler (se)
un détenu, 1846 : Changer, se mettre à l’abri, se garer.
Camoufflier
Ansiaume, 1821 : Chandelier.
Il s’est amusé à grincher des camoufliers de rouget.
Camouflage
France, 1907 : L’art de se grimer.
En réalité, les agents se montrent assez réservez au sujet du camouflage, d’abord parce que chacun d’eux a ses procédés particuliers qu’il ne tient pas à ébruiter, ensuite parce qu’ils font leurs transformations d’instinct et qu’ils auraient toutes les peines du monde à joindre la théorie à la pratique.
(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)
Camoufle
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chandelle. Esquinter la camoufle, souffler la chandelle.
Vidocq, 1837 : s.f. — Chandelle.
Clémens, 1840 : Déguisement, chandelle.
Halbert, 1849 : Chandelle.
Larchey, 1865 : Chandelle (Vidocq). — Camouflet : Chandelier. — Du vieux mot camouflet : fumée.
Delvau, 1866 : s. f. Chandelle, — dans l’argot des voleurs. La camoufle s’estourbe. La chandelle s’éteint.
La Rue, 1894 : Chandelle. Signalement.
Virmaître, 1894 : Chandelle (Argot du peuple). V. Cabombe.
Rossignol, 1901 : Chandelle, bougie.
Ma camoufle est jtourbe, Je n’ai plus de rifle, Déboucle-moi la lourde, Pour l’amour du meg.
Hayard, 1907 : Chandelle.
France, 1907 : Chandelle ; du vieux mot camouflet, fumée.
France, 1907 : Signalement.
Camouflé
France, 1907 : Homme qui porte une fausse barbe ou qui est déguisé. Être camouflé, avoir reçu l’extrême-onction, c’est-à-dire la dernière camoufle sacrée.
Camouflé (être)
Fustier, 1889 : Avoir reçu les derniers sacrements.
Dès qu’il fut, suivant la pittoresque expression, camouflé, c’est-à-dire dès qu’il eut reçu le sacrement de l’Extrême-Onction…
(Humbert, Mon bagne)
anon., 1907 : Être pris.
Camoufle, calbombe
anon., 1907 : Bougie.
Camoufle, stourbe
Clémens, 1840 : Chandelle éteinte.
Camouflement
Vidocq, 1837 : s. m. — Déguisement.
Delvau, 1866 : s. m. Déguisement, — parce que c’est à tromper que sert la camoufle de l’instruction et de l’éducation.
Rigaud, 1881 : Déguisement. — Se camoufler, se déguiser, — dans le jargon des voleurs. Vient de l’italien camuffare, se cacher la tête.
Camoufler
Vidocq, 1837 : v. a. — Déguiser.
M.D., 1844 : Se rendre méconnaissable.
Larchey, 1865 : Déguiser. — Mot à mot : cacher le muffle. — Camouflement : Déguisement (Vidocq).
Delvau, 1866 : v. pr. S’instruire, — se servir de la camoufle, de la lumière intellectuelle et morale.
Rigaud, 1881 : Falsifier. — Camoufler la bibine et le pive, falsifier la bière et le vin.
La Rue, 1894 : Falsifier. Arranger.
Virmaître, 1894 : Réparer. On camoufle un décor (Argot des artistes).
Rossignol, 1901 : Arrêter. Celui qui se fait arrêter se fait camoufler.
anon., 1907 : Voler.
Camoufler (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se déguiser.
La Rue, 1894 : Se déguiser.
Virmaître, 1894 : Changer de costumes et de physionomie afin de n’être pas reconnu (Argot des souteneurs et Sûreté).
Rossignol, 1901 : S’habiller de façon à se rendre méconnaissable.
Hayard, 1907 : Machiner, se grimer, changer d’aspect.
France, 1907 : Se déguiser.
Je me camoufle en pélican,
J’ai du pellard à la tignasse.
(J. Richepin)
Camoufler la bibine
France, 1907 : Vendre des boissons frelatées. Tous les mastroquets camouflent la bibine. On dit dans le même sens : camoufler le pive, falsifier le vin.
Camouflet
d’Hautel, 1808 : Mortification, affront sanglant.
On donne aussi le nom de camouflet à une fumée épaisse qu’on souffle malicieusement au nez de quelqu’un avec un cornet de papier.
Vidocq, 1837 : s. m. — Chandelier.
Delvau, 1866 : s. m. Chandelier.
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Chandelier.
Camoufleur
France, 1907 : Agent déguisé.
— Et il ne t’a pas reconnu ?
— Il n’y a pas mêche. Quand je suis en camoufleur, tout le monde s’y trompe.
(Louis Barron, Paris Étrange)
Camp
d’Hautel, 1808 : Camp volant.
Il est comme un camp volant. Pour dire, turbulent, toujours en mouvement ; il ne peut rester un moment dans le même lieu.
Ficher le camp. S’en aller, s’esquiver, prendre la fuite.
Camp (ficher, foutre le)
France, 1907 : S’en aller. Piquer un romance au camp, dormir.
Camp des six bornes
Delvau, 1866 : s. m. Endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur. Piquer une romaine au camp. Dormir.
Rigaud, 1881 : Endroit d’un cimetière où les marbriers font la sieste aux jours de grande chaleur. (A. Delvau) Piquer une romance au camp, dormir. — Lever le camp, se réveiller et retourner au travail.
Campage, campe
Rigaud, 1881 : Évasion, départ précipité, poudre d’escampette, — dans le jargon des voleurs. Déformation d’escampette. Camper, se sauver en toute hâte ; pour décamper. C’est le mot français camper, quitter, à peine détourné de son acception.
Campagnard
d’Hautel, 1808 : Un franc campagnard. Manière ironique de dire qu’un homme est brusque et grossier ; qu’il n’a pas les manières civiles et urbaines.
Campagne
d’Hautel, 1808 : Les pauvres gens en allant à Bicêtre, disent, qu’ils vont à leur maison de campagne.
Campagne (aller à la)
Larchey, 1865 : Être enfermée à la maison de Saint-Lazare. — Usité parmi les filles.
Campagne (être à la)
France, 1907 : Être en prison ; argot des voleurs. Dans l’argot des filles, c’est passer quelques mois dans une maison de prostitution de province. Barbotteur de campagne, voleur de nuit. Garçon de campagne, voleur de grand chemin.
— Pauvre sinve ! par suite de circonstances qu’il est inutile de te dégoiser, ton a patron a non seulement de l’argent, mais des papiers à nous… S’il est poursuivi pour sa banque, la police va venir ici fourrer son museau… elle chauffera les babillards et poissera l’aubert… Nous serons donc refaits… sans compter qu’on pourrait trouver là peut-être de quoi envoyer quelques-uns de vous à la campagne…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Campagne (neuf de)
Rigaud, 1881 : « Le grec escamote des neuf sur le tapis ou en apporte dans ses poches (pour le triomphe du baccarat). Ces neuf dits de campagne lui serviront à abattre contre le banquier. » (A. Cavaillé)
Campagnes
Delvau, 1864 : Les aventures amoureuses d’une femme : autant d’amants, autant de campagnes — sous de simples soldats comme sous tel ou tel général, militaires ou bourgeois. — Le mot est pris quelquefois dans le sens de : Années consacrées au service de l’homme, à propos duquel il y a tant d’enrôlements volontaires.
Madame Durut : « J’ai pourtant, comme tu sais, mes petits trente-six ans bien comptés, dont, grâce à Dieu, vingt campagnes. »
(Andréa De Nerciat)
Campe
Clémens, 1840 : Maison.
France, 1907 : Fuite ; du vieux mot camp, champ. Fuir, c’est prendre la clé des champs.
Campêche
Fustier, 1889 : Vin.
Pourvu qu’on ait du campêche à douze sous le litre…
(Figaro, 1882)
France, 1907 : Vin fabriqué le plus souvent avec la décoction du bois de Campêche.
Camper
d’Hautel, 1808 : Camper un soufflet à quelqu’un. Pour lui appliquer, lui donner un soufflet.
Campe-toi où tu pourras ; campe-toi là. Pour mets-toi où tu pourras ; mets-toi à cette place.
On dit d’un homme qui change continuellement de logis, qu’il ne reste pas long-temps campé dans le même endroit.
France, 1907 : Abréviation de décamper, s’en aller. Se faire camper, se faire prendre.
Camperousse
France, 1907 : Prostituée. Il faut remarquer que camperou est, dans le Midi, le nom d’un champignon vénéneux.
Camphre
Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Allusion a l’alcool camphré. — V. Casse-poitrine.
Aux buveurs émérites et à ceux qui ont depuis bien des années laissé leur raison au fond d’un poisson de camphre.
(Privat d’Anglemont)
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, âpre au gosier et funeste à l’estomac, comme on en boit dans les cabarets populaciers ou assommoirs.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie extracommune.
France, 1907 : Eau-de-vie.
Camphré
Larchey, 1865 : Alcoolisé.
Dis donc, avec ton gosier camphré, tu fais bien tes embarras.
(1844, Catéch. Poissard)
Camphrier
Larchey, 1865 : « Le camphrier est un sale débit de liqueurs atroces à un sou le verre et à dix-sept sous le litre. Le caboulot ne diffère du camphrier que par sa moindre importance comme établissement. C’est, du reste, le même breuvage qu’on y débite aux mêmes habitués. »
(Castillon)
Larchey, 1865 : Buveur d’eau-de-vie.
Entends-tu, vieux camphrier, avec ta voix enrhumée.
(1844, Catéch. Poissard)
Delvau, 1866 : s. m. Marchand de vin et d’eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens. Se dit aussi pour buveur d’eau-de-vie.
Rigaud, 1881 : Débit de vins et liqueurs d’un ordre tout à fait inférieur. La variante est : Alambic au camphre.
France, 1907 : Buveur d’eau-de-vie ou petit débitant de liqueur à un sou le verre.
— Ta mère est à la broche, le diable la retourne : entends-tu, vieux camphrier, avec sa voix enrhumée.
(Nouveau Catéchisme poissard)
Camphrière
France, 1907 : Ivrognesse.
Camplousard ou campluchard
France, 1907 : Campagnard, paysan.
Ceux qui ne geindront pas, si ça dégouline comme vache qui pisse, ce sont les campluchards. Pour eux, pluie de février, c’est jus de fumier.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Camplouse
Halbert, 1849 : Campagne.
Camplouse ou campluche
France, 1907 : Campagne, corruption de campos.
Floréal pomponne la campluche ; tout y est à la joie : les fleurs font risette au soleil, qui maintenant à l’haleine tiède. Les oiseaux cherchent femmes, faisant des mamours aux femelles et se fichant en ménage, sans bénédiction du maire ou du curé.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Campo
Delvau, 1866 : s. m. Congé, — dans l’argot des écoliers et des employés, qui ne sont pas fâchés d’aller ad campos et de n’aller ni à leur école ni à leur bureau. Avoir campo. Être libre.
France, 1907 : Congé, argot des employés, de ad campos, aller aux champs.
Les jours où j’avais campo, j’allais, en bon père, promener mes deux mioches aux Champs-Élysées… Je ne dépensais pas un sou…
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
Partant de Saint-Malo,
Je file à Chicago ;
L’Europe est rococo
Et dure au populo !
Tandis qu’on a campo,
Détalons subito
Vers cet Eldorado
Où fleurit le coco !
(Paul Ferrier)
Campos
d’Hautel, 1808 : Avoir campos ; donner campos ; prendre campos. Signifie avoir, donner ou prendre un congé.
Camus
d’Hautel, 1808 : Qui a le nez court et plat.
Le voilà bien camus. Se dit, par raillerie, d’un homme confus, penaud et tout honteux de n’avoir pas réussi dans une affaire dont il disoit être certain.
Rendre camus. Réprimer la hardiesse, le langage audacieux de quelqu’un.
Delvau, 1866 : adj. Étonné, confus, comme quelqu’un qui viendrait de « se casser le nez », — dans l’argot du peuple.
Camuse
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Carpe.
Vidocq, 1837 : s. f. — Carpe.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Carpe.
Delvau, 1866 : s. f. Carpe, — dans l’argot des voleurs, qui alors n’ont pas vu les carpes des bassins de Fontainebleau.
Rigaud, 1881 : Carpe, — dans l’ancien argot. À cause de son museau aplati.
France, 1907 : La mort. Se dit aussi d’une carpe ; argot des voleurs.
Camuse (la)
Delvau, 1866 : La Mort, — dans le même argot [des voleurs].
Camuset
France, 1907 : Relevé, comme un nez camus.
Aussi bien avait-elle une tournure plus mignonne que les autres jeunesses de l’endroit, les seins camusets, les dents éclatantes, les yeux bien noirs, les cheveux lisses sous son bonnet de Morvandiote, ruché des ailes, plat par devant. Le rose montait pour des riens dans sa figure un peu niaise.
(Hugues Le Roux)
Can sur le comp
France, 1907 : Double apocope de canon sur le comptoir.
Canage
Vidocq, 1837 : s. f. — Agonie, dernière lutte contre la mort.
Delvau, 1866 : s. m. Agonie, — dans l’argot des voyous, qui ont vu caner souvent devant la mort.
Rigaud, 1881 : Agonie. — Peur.
La Rue, 1894 : Agonie. Peur. Caner la pégrenne, mourir de faim.
France, 1907 : Agonie ; argot populaire. On cane assez généralement devant la mort.
Canage, cane
Larchey, 1865 : Mort. — V. Caner.
Canaillade
France, 1907 : Offense contre la loi, ce qui souvent n’est même pas un péché véniel ; argot populaire.
J’ai fait beaucoup de folies dans ma jeunesse ; mais, au cours d’une existence accidentée et décousue, je n’ai pas à me reprocher une seule canaillade.
(G. Macé)
Canaille
d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à la lie du peuple.
Ce ne sont que des canailles. Se dit de toutes personnes pour lesquelles on a un grand mépris.
Canaillon
France, 1907 : Vieux ladre, argot populaire ; taquin.
Canal
d’Hautel, 1808 : Il n’est pas mal, pour mettre dans le canal. Quolibet trivial et populaire qui se dit d’un homme laid, difforme et d’une grande prétention ; d’un fat dénué des connoisąnces nécessaires à son emploi, ou qui veut prendre des airs au-dessus de sa condition.
Le canal d’Angoulême. Pour dire le gosier, la gorge.
Pour faire entendre qu’un homme s’est ruiné par intempérance et sensualité, on dit que : Toute sa fortune est passée par le canal d’Angoulême.
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui est en effet le canal du bonheur — pour les femmes. Quel dommage qu’on soit forcé de le faire draguer si souvent par les chirurgiens !
Par le canal de son amant
Le bien qui arrive en dormant.
(Collé)
Canan (un)
Merlin, 1888 : Apocope de canonnier.
Canant
France, 1907 : Amusant ; argot des canuts.
— Dites donc, Georgette, savez-vous que ce n’est guère canant de travailler comme ça sans pouvoir se renacler un moment !
(Joanny Augier, Le Canut)
Canapé
Vidocq, 1837 : s. m. — On trouve dans le langage des voleurs, dix, vingt mots même, pour exprimer telle action répréhensible, ou tel vice honteux ; on n’en trouve pas un seul pour remplacer ceux de la langue usuelle, qui expriment des idées d’ordre ou de vertu ; aussi doit-on s’attendre à trouver, dans un livre destiné à faire connaître leurs mœurs et leur langage, des récits peu édifians. J’ai réfléchi long-temps avant de me déterminer à leur donner place dans cet ouvrage ; je craignais que quelques censeurs sévères ne m’accusassent d’avoir outragé la pudeur, mais après j’ai pensé que le vice n’était dangereux que lorsqu’on le peignait revêtu d’un élégant habit, mais que, nu, sa laideur devait faire reculer les moins délicats ; voilà pourquoi cet article et quelques autres semblables se trouveront sous les yeux du lecteur ; voilà pourquoi je n’ai pas employé des périphrases pour exprimer ma pensée ; voilà pourquoi le mot propre est toujours celui qui se trouve sous ma plume. Je laisse au lecteur le soin de m’apprendre si la méthode que j’ai adoptée est la meilleure.
Le Canapé est le rendez-vous ordinaire des pédérastes ; les Tantes (voir ce mot), s’y réunissent pour procurer à ces libertins blasés, qui appartiennent presque tous aux classes éminentes de la société, les objets qu’ils convoitent ; les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot, sont des Canapés très-dangereux. On conçoit, jusques à un certain point, que la surveillance de la police ne s’exerce sur ces lieux que d’une manière imparfaite ; mais ce que l’on ne comprend pas, c’est que l’existence de certaines maisons, entièrement dévolues aux descendans des Gomorrhéens, soient tolérées ; parmi ces maisons, je dois signaler celle que tient le nommé, ou plutôt (pour conserver à cet être amphibie la qualification qu’il ou elle se donne), la nommée Cottin, rue de Grenelle Saint-Honoré, no 3 ; la police a déjà plusieurs fois fait fermer cette maison, réceptacle immonde de tout ce que Paris renferme de fangeux, et toujours elle a été rouverte ; pourquoi ? je m’adresse cette interrogation, sans pouvoir y trouver une réponse convenable ; est-ce parce que quelquefois on a pu y saisir quelques individus brouillés avec la justice ; je ne puis croire que ce soit cette considération qui ait arrêté l’autorité, on sait maintenant apprécier l’utilité de ces établissemens où les gens vicieux se rassemblent pour corrompre les honnêtes gens qu’un hasard malheureux y amène.
Larchey, 1865 : Lieu public fréquenté par les pédérastes (Vidocq). — Ironique, car les parapets des quais et les bancs de certains boulevards sont de tristes canapés.
Delvau, 1866 : s. m. Lieu où Bathylle aurait reçu Anacréon, — dans l’argot des voleurs, qui ont toutes les corruptions.
Rigaud, 1881 : Lieu de promenade ordinaire, sorte de petite Bourse des émigrés de Gomorrhe et des Éphestions de trottoir. — Sous la Restauration et sous le gouvernement de Juillet, les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot étaient, d’après Vidocq, des canapés très dangereux. Aujourd’hui le passage Jouffroy et les Champs-Élysées sont devenus les lieux de prédilection de ces misérables dévoyés.
La Rue, 1894 : Lieu où se réunissent les individus de mœurs innommables.
Virmaître, 1894 : Femme copieusement douée du côté des fesses. Le mot est en usage chez les pédérastes qui ne recherchent pas cet avantage du côté féminin (Argot des voleurs).
France, 1907 : Femme copieusement douée du côté des fesses.
Canard
d’Hautel, 1808 : Boire de l’eau comme un canard ou comme une Cane. Pour dire boire beaucoup d’eau et coup sur coup, ce qui arrive assez ordinairement à ceux qui ont fait une grande débauche de vin.
Bête comme un canard.
Donner des canards à quelqu’un. Pour lui en faire accroire ; le tromper.
M.D., 1844 : Fausse nouvelle.
Halbert, 1849 : Nouvelle mensongère.
Larchey, 1865 : Fausse nouvelle.
Ces sortes de machines de guerre sont d’un emploi journalier à la Bourse, et on les a, par euphémisme, nommés canards.
(Mornand)
Larchey, 1865 : Imprimé banal crié dans la rue comme nouvelle importante. V. Canardier. autrefois, on disait vendre ou donner un canard par moitié pour mentir, en faire accroire. — dès 1612, dans le ballet du courtisan et des matrones, M. Fr. Michel a trouvé « Parguieu vous serez mis en cage, vous estes un bailleur de canars. » — On trouve « donner des canards : tromper » dans le Dict. de d’Hautel, 1808.
Larchey, 1865 : Récit mensonger inséré dans un journal.
Nous appelons un canard, répondit Hector, un fait qui a l’air d’être vrai, mais qu’on invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Sobriquet amical donné aux maris fidèles. Le canard aime à marcher de compagnie.
Or, le canard de madame Pochard, s’était son mari !
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. m. Chien barbet, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces chiens-là vont à l’eau comme de simples palmipèdes, water-dogs.
Delvau, 1866 : s. m. Fausse note, — dans l’argot des musiciens. On dit aussi Couac.
Delvau, 1866 : s. m. Imprimé crié dans les rues, — et par extension, Fausse nouvelle. Argot des journalistes.
Delvau, 1866 : s. m. Journal sérieux ou bouffon, politique ou littéraire, — dans l’argot des typographes, qui savent mieux que les abonnés la valeur des blagues qu’ils composent.
Delvau, 1866 : s. m. Mari fidèle et soumis, — dans l’argot des bourgeoises.
Delvau, 1866 : s. m. Morceau de sucre trempé dans le café, que le bourgeois donne à sa femme ou à son enfant, — s’ils ont été bien sages.
Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des cochers. J’ai un bon canard, bourgeois, nous marcherons vite. Ainsi nommé parce que la plupart du temps, à Paris, à l’exemple du canard, le cheval patauge dans la boue.
Rigaud, 1881 : Mauvaise gravure sur bois, — dans le jargon des graveurs sur bois.
Rigaud, 1881 : Méchant petit journal, imprimé sans valeur.
Ne s’avisa-t-il pas de rimer toutes ses opinions en vers libres, et de les faire imprimer en façon de canard ?
(Ed. et J. de Goncourt)
Rigaud, 1881 : Mensonge, fausse nouvelle. — Au dix-septième siècle, donner des canards à quelqu’un avait le sens de lui enfaire accroire, lui en imposer. (Ch. Nisard, Parisianismes)
Rigaud, 1881 : Morceau de sucre trempé dans du café. Comme le canard, il plonge pour reparaître aussitôt. Rien qu’un canard, un petit canard. On donne aussi ce nom à un morceau de sucre trempé dans du cognac.
Boutmy, 1883 : s. m. Nom familier par lequel on désigne les journaux quotidiens, et quelquefois les autres publications périodiques. Le Journal officiel est un canard, le Moniteur universel est un canard, tout aussi bien que le Journal des tailleurs et que le Moniteur de la cordonnerie ou le Bulletin des halles et marchés.
La Rue, 1894 : Journal. Fausse nouvelle inventée pour relever les Faits-Paris. Imprimé banal crié dans la rue.
Virmaître, 1894 : Mauvais journal. Quand un journal est mal rédigé, mal imprimé, pas même bon pour certain usage, car le papier se déchire, c’est un canard (Argot du peuple et des journalistes).
Virmaître, 1894 : Nouvelle fausse ou exagérée. Ce système est employé par certains journaux aux abois. On pourrait en citer cinquante exemples depuis les écrevisses mises par un mauvais plaisant dans un bénitier de l’église Notre-Dame-de-Lorette et qui retournèrent à la Seine en descendant par les ruisseaux de la rue Drouot ; jusqu’au fameux canard belge. Un huissier à l’aide d’une ficelle pécha vingt canards qui s’enfilèrent successivement, comme Trufaldin dans les Folies Espagnoles de Pignault Lebrun, il fut enlevé dans les airs, mais la ficelle se cassa et il tomba dans un étang ou il se noya. Ce canard fit le tour du monde arrangé ou plutôt dérangé par chacun, il y a à peine quelques années qu’il était reproduit par un journal, mais la fin était moins tragique, l’huissier était sauvé par un membre de la Société des Sauveteurs à qui on décernait une médaille de 1re classe. Pour sauver un huissier on aurait dû lui fourrer dix ans de prison (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé dans les ateliers vis-à-vis d’un mauvais camarade.
— Bec salé, c’est un sale canard (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Journal, fausse nouvelle.
France, 1907 : Fausse nouvelle insérée dans un journal pour relever les Faits Divers lorsqu’ils sont pâles. Les filous et les tripoteurs de la Bourse se servent de canards pour faire la hausse ou la baisse. Cette expression est assez ancienne, car, dans le Dictionnaire Comique de Philibert Joseph Le Roux (1735), on trouve à côté du mot l’explication suivante : « En faire accroire à quelqu’un, en imposer, donner des menteries, des colles, des cassades, ne pas tenir ce qu’on avait promis, tromper son attente. »
De là à appeler canard le journal qui ment et, par suite, tous les journaux, il n’y avait qu’un pas ; il a été franchi.
Nous allons lancer un canard, c’est-à-dire, nous allons faire un journal.
France, 1907 : Gravure sur bois.
Terme de mépris employé dans les ateliers vis-à-vis d’un mauvais camarade. Argot populaire.
(Ch. Virmaître)
Chien barbet, argot populaire, à cause du plaisir qu’ont ces chiens de se jeter à l’eau. Bouillon de canard, eau.
Fausse note ; argot des musiciens.
Petit morceau de sucre trempé dans le café ou l’eau-de-vie que l’on donne aux enfants.
Pendant la communion.
Bébé, regardant avec attention le prêtre en aube distribuant les hosties, se décide à tirer maman par la robe.
Maman — Quoi donc ?
Bébé — Je voudrais aller comme tout le monde près du monsieur en chemise.
Maman — Pourquoi faire ?
Bébé — Pour qu’il me donne aussi un canard.
(Gil Blas)
Canard (deuxième)
Merlin, 1888 : Deuxième servant d’artillerie.
Canard (un)
anon., 1907 : Journal et fausse nouvelle.
Canard sans plumes
Vidocq, 1837 : s. m. — Nerf de bœuf avec lequel les argousins frappent les forçats qui sont en route pour le bagne.
Delvau, 1866 : s. m. Nerf de bœuf, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Gourdin, trique ; argot des forçats.
Canard, couac
Larchey, 1865 : « Ces explosions criardes des instruments à vent si connues sous le nom de canards. » — V. Luchet. — Le second mot est une onomatopée, et la comparaison d’une fausse note au cri du canard (couac) a fait former le premier.
Rigaud, 1881 : Fausse note, — note qui ne sort pas du gosier du chanteur. Quand l’émission du son commande plus d’une note, le canard prend le nom d’oie. L’autruche est un canard considérable, tout ce qu’il y a de plus fort en couacs, — dans le jargon des chanteurs.
Canarder
Larchey, 1865 : Faire feu d’une embuscade comme si on était à l’affût des canards sauvages. — Canarder : tromper.
On a trop canardé les paroissiens… avec la philanthropie.
(Gavarni)
Delvau, 1866 : v. a. Fusiller, — dans l’argot des troupiers, pour qui les hommes ne comptent pas plus que des palmipèdes.
Delvau, 1866 : v. a. Tromper.
Rigaud, 1881 : Tromper. — Plaisanter. (L. Larchey)
France, 1907 : Tromper, plaisanter. Se dit aussi pour fusiller.
Presque aussitôt une tête se montra et un spahi fit feu. Les détonations se succédèrent, et une demi-douzaine d’indigènes demis-nus bondirent dans les buissons, courant comme des gens affolés.
— Mais, cirais-je à Préval, ils ne sont pas armés…
— Bah !
— Aucun ne riposte…
— C’est une tactique. Ils vont riposter tout à l’heure. Tire donc !
On en canarda ainsi une demi-douzaine.
— C’est égal, dis-je, voilà ce qui s’appelle assassiner les gens.
(Hector France, L’Homme qui tue)
Canarder sans faffs
Virmaître, 1894 : Braconner sans port d’armes (Argot des voleurs).
Canarder sans fafs ou fafiots
France, 1907 : Tirer sans permis, braconner.
Canardier
M.D., 1844 : Crieur public.
Larchey, 1865 : Crieur, confectionneur de fausses nouvelles.
Place au célèbre Édouard, le canardier par excellence, le roi des crieurs publics !
(Privat d’Anglemont)
Delvau, 1866 : s. m. Crieur de journaux. Signifie aussi journaliste.
Rigaud, 1881 : Ouvrier typographe attaché à la composition d’un journal ou canard. Pour les typographes, tous les journaux, depuis le Journal officiel jusqu’au Journal… des chiffonniers, sont des canards.
Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur d’un journal.
France, 1907 : Crieur de journaux, fabricant de fausses nouvelles et, par conséquent, journaliste.
Ne croyez point que le journal, qui vous parait si expert en matière d’escroqueries, soit à l’abri d’une fraude ! Non, quelque méfiant qu’il puisse être, quelque mis en garde qu’il soit contre l’adresse des filous, le « chef d’échos » ou de « faits divers », ou d’une rubrique quelconque, est sans cesse visé par le canardier.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)
C’est aussi un typographe attaché à un journal.
Canari
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, serin, — dans le même argot [du peuple].
Canasson
Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que cet animal se nourrit de son aussi bien que d’avoine : cane-à-son.
Rigaud, 1881 : Mauvais cheval. Chapeau de femme, coiffure démodée. On prononce can’son, canasson est une forme de canard. — Vieux canasson : Mot d’amitié. (L. Larchey)
Merlin, 1888 : Cheval.
La Rue, 1894 : Vieux cheval. Rosse.
Virmaître, 1894 : Vieux cheval hors de service. On appelle aussi les vieillards : canasson (Argot du peuple). V. Gaye.
Rossignol, 1901 : Vieux, mauvais. Un mauvais cheval est un canasson. Une vieille prostituée est également un canasson.
Hayard, 1907 : Mauvais cheval.
France, 1907 : Vieillard ; argot populaire. Ce mot est souvent précédé de vieux et signifie alors vieil imbécile.
Cheval ; argot des cochers et des troupiers.
Un cocher hélé par l’un de nos confrères qui, d’une voix forte, lui criait : « Hop ! » à travers le boulevard des Capucines, s’arrêta aussitôt… mais pour lui dire :
— De quoi ? « hop » C’est pas mon nom… Vous pourriez au moins m’appeler « Mossieu » !
Puis, sans même écouter les humbles excuses du coupable, il cingla le canasson en ajoutant :
— Ces bourgeois… tous des mufles !
(Maxime Boucheron)
Nous, les bourgeois à la mince bourse,
Tombons aux fers d’un canasson ;
Et, s’il fait beau, pour une course,
Qu’il fixe l’prix… de la rançon !
(Henri Buquet)
Cancan
Larchey, 1865 : Danse. — Du vieux mot caquehan : tumulte (Littré).
Messieurs les étudiants,
Montez à la Chaumière,
Pour y danser le cancan
Et la Robert Macaire.
(Letellier, 1836)
Nous ne nous sentons pas la force de blâmer le pays latin, car, après tout, le cancan est une danse fort amusante.
(L. Huart, 1840)
M. Littré n’est pas aussi indulgent.
Cancan : Sorte de danse inconvenante des bals publics avec des sauts exagérés et des gestes impudents, moqueurs et de mauvais ton. Mot très-familier et même de mauvais ton.
(Littré, 1864)
Delvau, 1866 : s. m. Fandango parisien, qui a été fort en honneur il y a trente ans, et qui a été remplacé par d’autres danses aussi décolletées.
Delvau, 1866 : s. m. Médisance à l’usage des portières et des femmes de chambre. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : La charge de la danse, une charge à fond de train… de derrière.
La Rue, 1894 : Danse excentrique, un degré de moins que le chahut et la tulipe orageuse.
France, 1907 : Danse de fantaisie des bals publics, particulière à la jeunesse parisienne, et qui n’a d’équivalent dans aucun pays, composée de sauts exagérés, de gestes impudents, grotesques et manquant de décence. Ce fut le fameux Chicard, auquel Jules Janin fit l’honneur d’une biographie, l’inventeur de cette contredanse échevelée, qu’il dans pour la première fois dans le jardin de Mabille, sous Louis-Philippe. Il eut pour rival Balochard, et ces deux noms sont restés célèbres dans la chorégraphie extravagante. Nombre de jolies filles s’illustrèrent dans le cancan ; Nadaud les a chantées dans ces vers :
Pomaré, Maria,
Mogador et Clara,
À mes yeux enchantés
Apparaissez, chastes divinités.
Le samedi, dans le jardin de Mabille,
Vous vous livrez à de joyeux ébats ;
C’est là qu’on trouve une gaité tranquille,
Et des vertus qui ne se donnent pas.
Il faut ajouter à ces reines de Mabille, Pritchard, Mercier, Rose Pompon et l’étonnante Rigolboche, qui, toutes, eurent leur heure de célébrité. Parmi les plus fameuses, on cite Céleste Venard, surnommée Mogador, qui devint comtesse de Chabrillan, et Pomaré, surnommée la reine Pomaré, dont Théophile Gautier a tracé ce portrait :
C’est ainsi qu’on nomme, à cause de ses opulents cheveux noirs, de son teint bistré de créole et de ses sourcils qui se joignent la polkiste la plus transcendante qui ait jamais frappé du talon le sol battu d’un bal public, au feu des lanternes et des étoiles.
La reine Pomaré est habituellement vêtue de bleu et de noir. Les poignets chargés de hochets bizarres, le col entouré de bijoux fantastiques, elle porte dans sa toilette un goût sauvage qui justifie le nom qu’on lui a donné. Quand elle danse, les polkistes les plus effrénés s’arrêtent et admirent en silence, car la reine Pomaré ne fait jamais vis-à-vis, comme nous le lui avons entendu dire d’un ton d’ineffable majesté à un audacieux qui lui proposait de figurer en face d’elle.
Pomaré a eu les honneurs de plusieurs biographies. La plus curieuse est celle qui a pour titre :
VOVAGE AUTOUR DE POMARÉ
Reine de Mabille, princesse de Ranelagh,
grande-duchesse de la Chaumière,
par la grâce du cancan et autres cachuchas.
Le volume est illustré du portrait de Pomaré, d’une approbation autographe de sa main, de son cachet… et de sa jarretière — une jarretière à devise.
Le mot cancan est beaucoup plus ancien que la danse, car on le trouve ainsi expliqué dans le Dictionnaire du vieux langage de Lacombe (1766) : « Grand tumulte ou bruit dans une compagnie d’hommes et de femmes. »
La génération qui précède celle-ci, connaît, au moins pour l’avoir entendu, ce vieux refrain de 1836 :
Messieurs les étudiants
S’en vont à la Chaumière
Pour y danser l’cancan
Et la Robert-Macaire.
Nestor Roqueplan, dans des Nouvelles à la main (1841), a fait la description du cancan :
L’étudiant se met en place, les quadrilles sont formés. Dès la première figure se manifestent chez tous une frénésie de plaisir, une sorte de bonheur gymnastique. Le danseur se balance la tête sur l’épaule ; ses pieds frétillent sur le terrain salpêtré : à l’avant-deux, il déploie tous ses moyens : ce sont de petits pas serrés et marqués par le choc des talons de bottes, puis deux écarts terminés par une lançade de côté. Pendant ce temps, la tête penchée en avant se reporte d’une épaule à l’autre, à mesure que les bras s’élèvent en sens contraire de la jambe. Le [beau] sexe ne reste pas en arrière de toutes ces gentillesses ; les épaules arrondies et dessinées par un châle très serré par le haut et trainant fort bas, les mains rapprochées et tenant le devant de sa robe, il tricote gracieusement sous les petits coups de pied réitérés ; tourne fréquemment sur lui-même, et exécute des reculades saccadées qui détachent sa cambrure. Toutes les figures sont modifiées par les professeurs du lieu, de manière à multiplier le nombre des « En avant quatre ». À tous ces signes, il n’est pas possible de méconnaître qu’on danse à la Chaumière le… cancan.
Cancan ou quanquan
d’Hautel, 1808 : Faire un grand cancan de quelque chose. C’est-à-dire, faire beaucoup de bruit pour rien. Ce mot vient de la dis pute sur la prononciation de quamquam.
Cancaner
Delvau, 1866 : v. n. Danser le cancan ; — Faire des cancans.
Rigaud, 1881 : Danser le cancan.
France, 1907 : Danser le cancan ou faire des cancans.
C’était là le perpétuel inconvénient, le pire danger de toute la bureaucratie féminine. Elles ne faisaient, ces dames et demoiselles, toutes ou presque toutes, que rôder dans les couloirs, se faufiler auprès des chefs, essayer de flirter avec eux, et, en tout cas, cancaner de leur mieux, médire, avec la plus féline perfidie, de leurs collègues et leurs supérieures, les noircir à plaisir et les déchirer à belles dents.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Cancanier
Delvau, 1866 : adj. et s. Bavard, indiscret. Qui colporte de faux bruits, des médisances. On dit aussi Cancaneur.
Cancanier, ière
France, 1907 : Bavard, médisant. Le mot s’emploie surtout au féminin.
Vieille cancanière, tu ne fais que jaser.
Cancanner, pincer le cancan
Larchey, 1865 : Danser le cancan — Pincer un léger cancan n’est pas tout à fait cancaner ; c’est une chorégraphie mixte où se fait deviner seulement le fruit défendu. — Chahuter, c’est épuiser au contraire toutes les ressources pittoresques de ce fandango national.
On va pincer son petit cancan, mais bien en douceur.
(Gavarni)
J’ai cancané que j’en ai pus de jambes.
(Id.)
Cancans (boîte à)
France, 1907 : Bavarde, médisante, potinière.
Je possède une belle-mère,
Dont je ne suis pas le bijou ;
Du matin au soir en colère,
Elle me frappe n’importe où.
La femme qui m’a mis au monde
Était toujours si bonne pour moi !
Papa préfère sa seconde,
Je voudrais bien savoir pourquoi ;
Car on la voit à tout moment,
Sans s’arrêter un seul instant,
Critiquer sur chaque passant ;
Du quartier tous les habitants
L’appellent la boîte à cancans.
Cancans (faire des)
France, 1907 : Bavarder sur le compte d’autrui, faire des commérages, débiter des médisances. Quelques étymologistes, Littré entre autres, font remonter l’origine de ce mot à une dispute de professeurs de la Sorbonne, qui, au temps du célèbre Ramus, n’étaient pas d’accord sur la manière de prononcer les mots latins quisquis, quanquam. Les uns voulaient que l’on prononçât kiskis, kankan, les autres kouiskouis et kouankouam, ce qui reste conforme à la tradition. Ramus, s’étant moqué de la première façon, affecta dans le cours de la discussion, de dire plusieurs fois kankan en appuyant sur le ton nasillard. Les partisans de kankan protestèrent avec énergie ; il y eut, comme dans toutes les contestations littéraires, beaucoup d’aigreur et d’amertume, de paroles oiseuses et inutiles, si bien qu’un des assistants impatienté s’écria : « Voilà bien des cancans pour rien. »
L’avis de Ramus l’emporta ; ses élèves dirent quanquam malgré l’anathème dont la Sorbonne menaça quiconque oserait prononcer ainsi, et l’on ne conserva la prononciation de kankan que pour se moquer des sorbonnistes.
Tout cela est fort naturel et très croyable, mais on trouve dans le vieux français, bien antérieurement à la dispute de Ramus, le mot caquehan, assemblée tumultueuse, querelle bruyante, qui n’est lui-même qu’une onomatopée de bruit incessant que font entre eux les canards et les oies. L’imagination populaire, dit avec raison Maurice Lachâtre, aura saisi quelque ressemblance entre ces cris fatigants et la voix chevrotante de vieilles femmes occupées à médire, et il n’en a pas fallu davantage pour faire passer cette métaphore dans la langue usuelle.
Tout autour de l’espace réservé aux ébats choréographiques, sur les banquettes de velours rouge fané les mères potinent, rapprochant dans de traitresses confidences leurs bonnets enrubannés. Ce qu’il se dit de scélératesses, sur ces banquettes rouges, de cancans perfides ! ce qu’il s’y détruit de réputations !
(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)
Cancouette
France, 1907 : « Femme sans tenue, ni retenue, qui s’agit, se cogne à tous les angles, parle à l’étourdie, est importune à tout le monde. Les Auvergnats disent canquet. C’est une altération de cancoite, qui signifiait autrefois hanneton, et que les Champennois ont gardé sous la forme de canconelle. Une telle femme est en effet un hanneton. »
(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie)
Cancre
d’Hautel, 1808 : Un pauvre cancre. Terme injurieux et de mépris. Ignorant crasse ; homme d’une avarice sordide ; égoïste.
Delvau, 1866 : s. et adj. Avare, homme qui n’aime point à prêter. Argot du peuple. Signifie aussi Pauvre Diable, homme qui ne peut arriver à rien, soit par incapacité, soit par inconduite.
Delvau, 1866 : s. m. Collégien qui ne mord volontiers ni au latin ni aux mathématiques, et qui préfère le Jardin des plantes de Buffon au Jardin des racines grecques de Lancelot.
France, 1907 : Écolier fainéant. Avare, pauvre diable.
Cancre, hère et pauvre diable,
Dont la condition est de mourir de faim.
(La Fontaine)
S’il est arrivé que des enfants obtus, des cancres de collège, devinssent plus tard des écrivains de mérite, l’élève prodige se reconnaît toujours à certains signes dans la littérature.
(É. Zola)
Cancrelat dans la boule (avoir un)
France, 1907 : Être un peu fou ; argot des marins.
Cane
d’Hautel, 1808 : Être peureux comme une cane ; ou faire la cane. Manquer de cœur, de courage dans une affaire d’honneur.
Quand les canes vont aux champs, les premières vont devant. Se dit à ceux qui font des demandes importunes : quand viendra-t-il ? quand sera-ce ? quand ? etc.
Mouillé comme une cane. Se dit de quel qu’un qui a été surpris par une grande pluie.
France, 1907 : Mort ; de caner, mourir.
Cané
Hayard, 1907 : Paysan riche.
Cané, cramsé
anon., 1907 : Mort.
Canelle
Vidocq, 1837 : s. — Caen.
Rigaud, 1881 : Chaîne de gilet, — dans le jargon des voleurs.
Tu d’vrais bien m’ donner ton petit dada qu’ t’as au bout de la canelle de ton bogue.
(Canler)
La Rue, 1894 : Caen.
Virmaître, 1894 : La ville de Caen.
— Il y a un bath chopin à faire à Canelle, en es-tu ? (Argot des voleurs).
France, 1907 : Caen ; argot des voleurs.
Caner
Vidocq, 1837 : v. a. — Agoniser, être prêt à mourir.
Larchey, 1865 : Avoir peur, reculer au lieu d’agir, faire le plongeon comme le canard ou la cane.
Par Dieu ! Qui fera la canne de vous aultres, je me donne au diable si je ne le fais moyne.
(Rabelais)
Oui, vous êtes vraiment français, vous n’avez cané ni l’un ni l’autre.
(Marco Saint-Hilaire)
Larchey, 1865 : Mourir (Vidocq). — Les approches de la mort vous font peur, vous font caner. — V. Rengracier.
Delvau, 1866 : v. a. Ne pas faire, par impuissance ou par paresse. Argot des gens de lettres. Caner son article. Ne pas envoyer l’article qu’on s’était engagé à écrire.
Delvau, 1866 : v. n. Avoir peur, s’enfuir, faire la cane ou le chien.
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Agoniser, mourir, tomber. — Sacrifier à Richer. — Reculer, avoir peur, par altération, du vieux mot caler qui avait la même signification. Dans le supplément à son dictionnaire, M. Littré donne caler pour reculer, comme ayant cours dans le langage populaire. Pour ma part, je ne l’ai jamais entendu prononcer dans aucun atelier.
C’est un art que les canes possèdent d’instinct… Cette expression se rencontre souvent dans les écrivains des seizième et dix-septième siècles, principalement dans les poètes comiques et burlesques.
(Ch. Nisard, Curiosités de l’Étymologie française)
Déjà dans Rabelais, nous relevons l’expression de : faire la cane, expression équivalente à notre caner :
Parbleu qui fera la cane de vous autres, je le fais moine en mon lieu.
(L. L.)
Virmaître, 1894 : Avoir peur, reculer. Caner : synonyme de lâcheté (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Avoir peur ou ne pas oser faire une chose. Un gamin cane l’école, lorsqu’il ne s’y rend pas.
Hayard, 1907 : Avoir peur.
France, 1907 : Avoir peur, reculer, vieux mot qu’on trouve dans Rabelais et Montaigne ; argot populaire. Du latin canis, chien, qui recule et fuit quand on lui montre le bâton.
À la sortie de ses bals, des rixes terribles avaient lieu fréquemment ; les habitués se disputaient la possession d’une fille publique, à coups de poings et souvent à coups de couteau. Ils se battaient dans les rues… le suprême du genre, le comble de la force, consistait à manger le nez de l’adversaire ; les camarades faisaient cercle autour des combattants… C’était une grosse affaire que de posséder une fille en vogue qui ne renâclait pas sur le turbin, et qui régnait en souveraine au bon coin du trottoir ; l’existence du souteneur en dépendait : luxueuse si la fille rendait, médiocre ou décharde si elle canait.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Mourir. Caner la pégrenne, mourir de faim.
— Que veux-tu, mon bonhomme, quand on cane la pégrenne, on ne rigole pas.
— Caner la pégrenne ! C’est un peu fort, toi qui passe pour un ami (voleur).
— C’est pourtant comme ça.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Mettre bas culotte.
Caner la pégrenne
Vidocq, 1837 : v. n. — Mourir de faim.
Delvau, 1866 : v. a. Mourir de faim, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Mourir de faim.
Virmaître, 1894 : Mourir de faim (Argot des voleurs).
Caneson
France, 1907 : Terme d’amitié. Mon vieux caneson, mon vieil ami.
Caneter
France, 1907 : Marcher d’une façon lasse, en appuyant sur l’une et l’autre hanche, à la façon des canes.
Magdelon, je suis bien malade,
J’ai les yeux caves et battus,
La face terreuse et maussade,
Les genoux maigres et pointus ;
Ceux qui me voient par la rue
Jaune comme une vieille morue,
Caneter en avant fourbu,
Estiment que c’est la vérole
Qui me fait aller en bricole
Et m’enivre sans avoir bu.
(Cyrano de Bergerac, Le Pauvre malade)
Caneton
Boutmy, 1883 : s. m. Petit canard, journal de peu d’importance. V. Feuille de chou.
France, 1907 : Journal insignifiant, autrement dit : feuille de chou. Se dit aussi pour journal de petit format.
Ah ! Mais, foutre, le numéro n’était pas grandelet ! à peine s’il était large comme la main. Depuis, le caneton s’est emplumé, il a ouvert ses ailes, bec et ongles lui ont poussé.
(Le Père Peinard)
Caneur
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Poltron.
Canfouine
La Rue, 1894 : Domicile.
Virmaître, 1894 : Domicile (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Logement, maison.
Hayard, 1907 : Domicile.
France, 1907 : Chambre.
C’est une forme de canfouine, tabatière
Caniche
d’Hautel, 1808 : Un caniche. Nom injurieux que l’on donne à un homme de vilaine figure, mal propre dans son habillement, et qui a les cheveux coupés.
Vidocq, 1837 : s. m. — Ballot carré à oreilles.
Larchey, 1865 : Ballot carré (Vidocq) aux coins duquel la toile d’emballage forme des oreilles semblables à celles d’un petit chien.
Delvau, 1866 : s. m. Ballot à oreilles, — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Chien en général, — dans l’argot du peuple, pour lequel le caniche est le seul chien qui existe, comme le dada est pour les enfants le seul cheval de la création.
Rigaud, 1881 : Ballot carré dont la toile d’emballage figure, aux quatre coins, des oreilles de chien.
Virmaître, 1894 : Ballot à oreilles. Allusion aux longues oreilles de chien-mouton (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Nom que les gamins des boulevards extérieurs donnent au monocle que quelques myopes ont la manie de se coller dans l’arcade sourcilière. Ça sert en effet à les guider comme un chien d’aveugle.
Canichon
Delvau, 1864 : Con poilu et frisé comme un caniche.
Est-il bien méchant, ma tante,
Vot’ p’tiot canichon ?
Non, que m’répond ma parente,
C’est un vrai bichon.
N’sens-tu pas sa bouche qu’est close ?
Entre ton doigt d’dans…
— Tiens, que j’dis, la drôle de chose,
Vot’ quien n’a point d’dents.
(Léon Charly)
Canif
d’Hautel, 1808 : Donner des coups de canif dans le contrat. Se rendre coupable d’adultère ; violer la foi conjugale.
Canif dans le contrat (coup de)
France, 1907 : Commettre une infidélité conjugale et, par extension, une infidélité extra-conjugale.
— Écoutez, disait un vieux grigou à Mlle X., je vous donnerais 4.000 francs par mois, mais chaque fois que vous donnerez un coup de canif dans le contrat, vous me remettrez cinq louis.
— Merci ! fit la charmante danseuse, vous gagneriez plus que moi.
(Gil Blas)
Canne
un détenu, 1846 : Surveillance Imposée par un jugement ; casser la canne : rompre la surveillance ou son ban.
Delvau, 1866 : s. f. Congé, renvoi plus ou moins poli, — dans l’argot des gens de lettres, dont quelques-uns ont une assez jolie collection de ces rotins. Offrir une canne. Prier un collaborateur de ne plus collaborer ; l’appeler à d’autres fonctions, toutes celles qu’il voudra — mais ailleurs.
Delvau, 1866 : s. f. Surveillance de la haute police, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Démission donnée à un rédacteur de journal. Mot à mot : lui offrir sa canne pour le voir partir.
Rigaud, 1881 : Surveillance de la haute police.
Il y a la canne majeure et la canne mineure.
(L. Larchey)
Être en canne, résider dans une localité désignée ; se dit d’un libéré.
France, 1907 : Surveillance de la haute police et, par la suite, individu sous ladite surveillance ; récidiviste.
— Mais à propos, quels gens appelez vous vieilles cannes ?
— Les repris de justice.
— Et bâtons rompus ?
— Les surveillés de la haute police, en rupture de ban.
(Louis Barron)
Être en canne, c’est, pour un libéré, habiter une localité que l’autorité lui désigne. S’il quitte cette localité sans autorisation, s’il rompt son ban, il casse sa canne.
Congé : flanquer sa canne à quelqu’un, c’est le renvoyer. On dit aussi : offrir une canne.
Canne (être en)
Rossignol, 1901 : Dans le temps, lorsqu’un individu soumis à la surveillance par suite d’une condamnation quittait sa résidence obligée, il était en canne et pouvait être arrêté pour rupture de ban ; il en est de même aujourd’hui pour les interdits.
Canne (la)
Halbert, 1849 : Surveillance de la haute police.
Canne (vieille)
Fustier, 1889 : « Quels gens appelez-vous vieilles cannes ? — Les repris de justice. »
(Barron, Paris-Étrange)
Canne à pêche
Rigaud, 1881 : Individu très maigre.
Canne d’aveugle
Virmaître, 1894 : Bougie. Allusion à la forme droite comme la canne sur laquelle s’appuie l’aveugle (Argot des voleurs).
France, 1907 : Bougie ; argot des voleurs.
Canne, trique
La Rue, 1894 : Surveillance de la haute police.
Cannelle
d’Hautel, 1808 : Être cannelle. Pour dire être d’une grande simplicité, d’une rare bêtise.
Mettre quelqu’un en cannelle. Le mettre en pièce ; tenir des discours outrageans sur son compte.
Mettre quelque chose en cannelle. Le briser, le mettre en morceaux.
Canner
un détenu, 1846 : Tomber, mourir.
Cannotes
Clémens, 1840 : Dents, voir Dominos.
Canon
d’Hautel, 1808 : Il est bourré comme un canon. Se dit d’un goinfre, d’un gouliafre, qui a mangé avec excès
Larchey, 1865 : Mesure de liquide en usage chez les marchands de vins de Paris. — N’oublions pas que canon signifie verre dans le vocabulaire des francs-maçons. — Prendre un can sur le comp : Prendre un canon sur le comptoir.
Les canons que l’on traîne à la guerre Ne valent pas ceux du marchand de Vin.
(Brandin, Chansons, 1826)
Delvau, 1866 : s. m. Verre, — dans l’argot des francs-maçons ; petite mesure de liquide, — dans l’argot des marchands de vin. Petit canon. La moitié d’un cinquième. Grand canon. Cinquième.
Rigaud, 1881 : Verre, de vin. Il y a le canon du broc et le canon de la bouteille. Selon nous, c’est un mot du jargon des francs-maçons entré dans le domaine de l’argot du peuple. — D’après M. Génin, canon qu’il faut écrire cannon, est le diminutif de la canne, mesure pour les liquides. C’est un mot saxon conservé dans l’anglais et dans l’allemand. « Tant va la canne à l’eau qu’il li convient briser. » Vieux proverbe que nous avons rajeuni par le : « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. » — Siffler un canon sur le zinc, boire un verre de vin sur le comptoir.
Virmaître, 1894 : Verre de vin. Allusion à la forme sphérique du verre (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Petit verre contenant du vin rouge, qui se vendait il y a vingt ans dix centimes sur le comptoir des marchands de vins. Ce modèle de verre sans pied a disparu, mais le nom est reste et le prix augmente ; la contenance était d’environ six centilitres. Il y avait alors une chanson en vogue dans laquelle on disait :
N’ayez pas peur du canon, C’n’est pas la mer à boire.
France, 1907 : Verre de vin. Petit canon, la moitié d’un cinquième. Grand canon, cinquième. Se bourrer le canon, manger avec excès.
Canonner
Delvau, 1866 : v. n. Crepitare, — dans l’argot facétieux des faubouriens, amis du bruit, d’où qu’il sorte.
Delvau, 1866 : v. n. Fréquenter les cabarets.
Rigaud, 1881 : Boire des canons de vin.
À l’heure où Paris canonne, alors que la France ouvrière s’imbibe en lisant la feuille de la rue du Croissant.
(Vaudin, Gazetiers et Gazettes)
Rigaud, 1881 : Tirer le canon. Sacrifier à crepitus ventris. Canonnade, série d’offrandes à crépitas ventris.
Virmaître, 1894 : Boire des canons sur le zinc du mastroquet (Argot du peuple).
France, 1907 : Boire avec excès, fréquenter les cabarets, vider des canons sur le comptoir.
Canonneur
Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, homme qui boit beaucoup de canons.
France, 1907 : Ivrogne.
Canonnier
Virmaître, 1894 : Les cambrioleurs. V. ce mot.
Canonnier de la pièce humide
Larchey, 1865 : Voir artilleur.
Delvau, 1866 : s. m. Infirmier, — dans l’argot des soldats.
Virmaître, 1894 : Soldat infirmier qui opère sur les derrières de l’armée (Argot du peuple).
France, 1907 : Infirmier ; argot militaire.
Canonnière
d’Hautel, 1808 : Pour dire le postérieur, le derrière.
Décharger sa canonnière, pour dire lâcher un mauvais vent ; faire ses nécessités.
Delvau, 1866 : s. f. Le podex de Juvénal, dans l’argot des faubouriens. Charger la canonnière. Manger. Gargousses de la canonnière. Navets, choux, haricots, etc.
Rigaud, 1881 : Derrière. — Charger la canonnière, manger. — Gargousse de la canonnière, navets, choux, haricots. (A. Delvau)
France, 1907 : Maître Luc, autrement dit : le derrière, qu’on appelle aussi pétard et prussien.
Cant
Delvau, 1866 : s. m. Afféterie de manières et de langage ; hypocrisie à la mode. Expression désormais française. Le cant et le bashfulness, deux jolis vices !
Delvau, 1866 : s. m. Argot des voleurs anglais, devenu celui des voleurs parisiens.
Rigaud, 1881 : Argot des voleurs anglais.
France, 1907 : Hypocrisie de manières et de langage, particulière d’abord à nos voisins de Grande-Bretagne, mais qui, grâce à l’anglomanie, a passé le détroit pour s’implanter chez nous. Bérenger, Jules Simon, Frédéric Passy et autres diables devenus vieux, se font les propagateurs du cant.
La jeune Anglaise est de bonne heure experte en la matière. Plus libre que la Française, plus franche d’allures, moins attachée aux jupes maternelles, mêlée à la société des garçons dans les jeux en plein air, elle se familiarise vite, en dépit du cant qui, du reste, s’attaque plus aux mots qu’aux choses, autorise et se permet des privautés sans grandes conséquences.
(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)
La banalité nous envahit. Nos mœurs se patinent d’une couche uniforme de prudhommerie et de snobisme. Le cant règne en maître. Si nous ne mourons plus guère de mort tragique, nous dépérissons lentement de spleen et d’ennui ; et, en fin de compte, cela revient à peu près au même.
(La Nation)
Cantaloup
Larchey, 1865 : Niais. — V. Melon.
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, melon, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Niais, facile à duper ; synonyme de melon.
Canter
France, 1907 : Petit galop ; anglicisme. Expression du turf qui désigne le petit galop d’essai auquel s’amusent les jockeys avant de ranger leurs chevaux dans le starter. Par extension, d’un cheval qui a gagné aisément la course, on dit qu’il a gagné « dans un canter », c’est-à-dire comme en un petit galop d’essai.
Cantharide
Delvau, 1864 : Insecte qui, réduit en poudre, est un aphrodisiaque énergique et dangereux qu’emploient les gens épuisés par les excès vénériens pour en recommencer d’autres.
La cantharide est, à Cythère,
En usage comme à Paris ;
Son effet est très salutaire,
Surtout pour nous autres maris.
Ce bonbon me change en Alcide !
J’étais si faible auparavant…
En avant de la cantharide !
Oui, la cantharide en avant. !
(J. Du Boys)
Cantique
Delvau, 1866 : s. m. Chanson à boire, — dans l’argot des francs-maçons, qui savent que chanter vient de cantare.
France, 1907 : Chanson à boire ; argot des francs-maçons.
Cantoche
France, 1907 : Cantine.
Canton
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Prison.
Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). — Du vieux mot canton : coin. C’est dans les coins qu’on est à l’ombre. — Cantonnier : Prisonnier. V. Carruche.
Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Prison, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Prison. Capitaine. Capitaliste, agioteur.
Virmaître, 1894 : Prison. Le prisonnier y est en effet cantonné (Argot des voleurs).
France, 1907 : Prison ; du vieux mot canton, coin. Comte de canton, geôlier.
Canton ou carruche
Vidocq, 1837 : s. f. — Prison.
Cantonade
Delvau, 1866 : s. f. Partie du théâtre en dehors du décor, — dans l’argot des coulisses. Parler à la cantonade. Avoir l’air de parler à quelqu’un qui est censé vous écouter, — au propre et au figuré. Écrire à la cantonade. Écrire pour n’être pas lu, — dans l’argot des gens de lettres.
Cantonade (écrire à la)
France, 1907 : Écrire des articles ou livre que le public ne lit jamais. Du mot cantonade, partie du théâtre derrière le décor. Parler à la cantonade, parler à une personne invisible. Argot des coulisses et des gens de lettres.
Cantonnier
Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Halbert, 1849 : Prisonnier.
Delvau, 1866 : s. m. Prisonnier.
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Prisonnier.
Cantonnier, -ière
Vidocq, 1837 : s. — Prisonnier, prisonnière.
Cantonniers
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Prisonniers.
Canulant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, insupportable, — dans l’argot du peuple, qui a une sainte horreur des matassins, armés comme l’on sait, qui poursuivent M. de Pourceaugnac.
Rigaud, 1881 : Tannant.
France, 1907 : Ennuyeux, insupportable comme le bouillon que l’on reçoit à l’aide d’une canule.
Minuit. Un grand brun et une petite blonde roucoulent sur le boulevard.
— Où allons-nous ? demande tout à coup le grand brun.
Alors, de sa voix la plus innocente :
— Si ça t’était égal, fait la petite blonde, mon mignon, nous irions chez toi… Quand j’emmène un m’sieur chez moi, c’est canulant… Mon mari vient toujours voir combien ce m’sieur me donne !
(Écho de Paris)
Canularium
Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’École normale. Sorte d’investiture ; épreuves que subissent à l’École les nouveaux venus. Dans le numéro du 13 novembre 1887 du journal La Paix, M. Joseph Montet a fait une curieuse description de cette cérémonie.
France, 1907 : Sorte de brimade à l’École Normale, où les anciens font subir aux nouveaux un examen grotesque qui les canule fortement.
Canule
Larchey, 1865 : Homme canulant. — Canuler : importuner.
C’est canulant.
(H. Monnier)
Mot inventé par les ennemis du clystère.
Delvau, 1866 : s. f. Homme ennuyeux, obsédant.
Rigaud, 1881 : Personnage ennuyeux, celui qui obsède son semblable et cherche à s’insinuer.
Virmaître, 1894 : Petit instrument placé au bout d’une seringue, d’un irrigateur. Canule : Être ennuyeux.
— Ah ! lâche-nous, voilà une heure que tu nous canules (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Personne ennuyeuse.
France, 1907 : Homme ennuyeux comme un clystère.
Canuler
Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, obséder.
Rigaud, 1881 : Obséder, ennuyer, tanner.
Boutmy, 1883 : v. a. Ennuyer, fatiguer.
France, 1907 : Ennuyer, importuner.
Le truffard, même intelligent, se plie sans trop de rouspétances aux exercices, gardes, travaux de propreté… Ça le canule dur, bondieu ! Mais enfin ça lui parait la conséquence inévitable du métier…
(Almanach du Père Peinard)
Canuleur
Canut
France, 1907 : Ouvrier en soie de Lyon.
Je serais fort embarrassé de donner ici l’étymologie du mot canut, par lequel on désigne l’ouvrier de la fabrique lyonnaise, qu’il travaille sur la soie, le velours ou les châles. Ce mot est-il dérivé de canette, bobine sur laquelle se roule la soie ?
Au physique, le canut a le visage pâle, maigre, le coup long et tendu, le dos voûté, le corps grêle, les bras osseux, les mains grosses, les jambes cagneuses, les genoux saillants, les pieds plats. Certes, le portrait n’est ni flatté ni flatteur. Disons cependant qu’il y a quelques heureuses exceptions, et que si le canut est ainsi fait, ce n’est pas sa nature mais son travail qui est coupable et qui le rend difforme.
Au moral, le canut est susceptible, sournois, entêté, vindicatif, peu confiant ; mais il est laborieux, économe, ne souffre aucune marque de mépris, ne manque pas de courage, aide l’ami dans le malheur, souscrit à toutes les actions généreuses, combat toute forme de despotisme et de mesures illégales. Quoique peu instruit, il supplée à ce défaut d’éducation par une certaine dose d’esprit, et si la nature de ses occupations, de son travail, ne venait pas nuire à ses moyens, étouffer ses désirs d’émancipation, refouler son intelligence, on verrait plus souvent sortir de l’obscurité quelques hommes remarquables auxquels l’illustre Jacquard a si glorieusement ouvert la carrière.
L’organe du canut est lent, trainard, d’un son monotone ; son langage et les expressions qu’il emploie forment comme un vocabulaire à part.
(Joanny Augier)
Caoua
Rossignol, 1901 : Mot arabe beaucoup usité, qui veut dire café.
France, 1907 : Café ; mot rapporté par les soldats d’Algérie.
Caoudgi
Rigaud, 1881 : Café, — dans l’argot de l’armée. Mot importé par nos soldats retour d’Afrique.
Caoutchouc
Rigaud, 1881 : Clown qui semble en caoutchouc, tant il est souple. (Littré)
Travail extraordinaire de M. Schlan, ! homme serpent, premier caoutchouc et gymnaste du monde.
(Indépendance belge, 11 sept. 1868.)
Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété, — dans le jargon des voyous. Jeu de mots sur les qualités du caoutchouc et du Mont-de-Piété qui prêtent également l’un et l’autre, chacun à sa manière. L’immortel auteur des Pensées d’un emballeur avait déjà émis cette réflexion, empreinte d’une certaine mélancolie : « Le Mont-de-Piété prêterait davantage s’il était en caoutchouc. »
France, 1907 : Clown, paillasse ; argot populaire.
Cap
France, 1907 : Surveillant du bagne.
Le commissaire du bagne a sous ses ordres, pour la surveillance des forçats, un grand nombre d’agents. Ces divers agents sont divisés en agents de police et de surveillance intérieure et en gardes. Les premiers sont les comes ou comités, au nombre de trois ou quatre, les argousins, trois, les sous-comes, dix-huit, sous-argousins, dix-huit, et les caps, espèce de piqueurs, pour diriger les travaux.
(Moreau Christophe)
Cap (doubler le)
Fustier, 1889 : Faire un détour pour éviter un créancier. (V. Delvau : Rue barrée.)
France, 1907 : Faire un détour pour éviter de passer devant un créancier. Doubler le cap du terme, ou le cap des tempêtes, passer sans encombre le jour où l’on doit payer une dette ou son loyer.
Cap (mettre le)
France, 1907 : Expression prise à la langue des gens de mer. Aller, se diriger vers un endroit.
Mettons le cap sur Granville,
C’est là que fume mon toit.
Ohé ! de la barre file !
Gabier, file, file droit !
(Émile Dufour)
Capable
d’Hautel, 1808 : Avoir l’air capable ; prendre un air capable. Signifie avoir ou prendre un ton suffisant et tranchant ; faire le pédant, le fanfaron, l’habile homme.
C’est un homme capable. Se dit aussi en bonne part d’un homme qui a de la capacité, d’un bon ouvrier.
Capahut (voler à la)
France, 1907 : Assassiner un complice pour s’emparer de sa part de butin. On dit aussi capahuter. Capahut était un assassin qui usait de ce procédé.
Capahuter
Vidocq, 1837 : v. a. — Assassiner son complice pour s’approprier sa part de butin.
Larchey, 1865 : Assassiner son complice pour s’approprier sa part (Vidocq). — Du nom de Capahut, un malfaiteur coutumier du fait.
Delvau, 1866 : v. a. Assassiner un complice pour s’approprier sa part du vol.
Rigaud, 1881 : Assassiner son complice et l’alléger de sa part de butin. C’est, paraît-il, un nommé Capahut qui a mis, autrefois, ce procédé violent à la mode. À part quelques escarpes érudits, qui connaît aujourd’hui Capahut ? La gloire n’est qu’un mot !
Caparaçonner
d’Hautel, 1808 : Il est bien caparaçonné. Se dit en plaisantant d’un homme paré, endimanché, dont le maintien est roide et embarrassé.
Capatrat
France, 1907 : Tête ; argot des voleurs.
La bataille allait prendre une tournure plus sérieuse, car Nib avait dit à voix basse à ses acolytes, parodiant, sans le connaître, le mot de César recommandant à ses soldats de frapper au visage :
— Escarpez à la capatrat, vieux fiasses !… (Tapez à la tête vieux frères).
Ses compagnons, suivant ce conseil, s’efforçaient d’atteindre le comte à la tête avec leurs bouteilles et leurs verres lancés à toute volée.
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Cape
Halbert, 1849 : Écriture.
Delvau, 1866 : s. f. Écriture, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Écriture, — dans l’ancien argot. — Capine, écritoire. — Capir, écrire.
France, 1907 : Écriture ; argot des voleurs.
Cape-de-biou
d’Hautel, 1808 : Jurement gascon, et qui signifie tête-de-bœuf.
Capet
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des ouvriers.
France, 1907 : Chapeau, du vieux mot capel ; argot des ouvriers.
Capilotade
d’Hautel, 1808 : Mettre quelqu’un en capilotade. Le maltraîter en paroles, ne plus garder de mesure dans les médisances que l’on débite sur son compte ; le mettre en pièces.
Capine
Halbert, 1849 : Écritoire.
Delvau, 1866 : s. f. Écritoire.
France, 1907 : Écritoire.
Capir
Halbert, 1849 : Écrire.
Delvau, 1866 : v. a. Écrire.
France, 1907 : Écrire.
Capiston
Rigaud, 1881 : Capitaine, — dans le jargon des troupiers, — Capiston bêcheur, capitaine adjudant-major.
Merlin, 1888 : Capitaine. — On dit encore piston.
Virmaître, 1894 : Capitaine (Argot des troupiers).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Capitaine.
France, 1907 : Capitaine. Capiston bêcheur, capitaine rapporteur ; argot militaire. Capiston de la soupe, officier qui n’a jamais essuyé que le feu des marmites.
Capitainage
Vidocq, 1837 : s. m. — Agiotage.
Capitaine
Vidocq, 1837 : s. m. — Agioteur.
Larchey, 1865 : Agioteur (Vidocq). Corruption de Capitaliste.
Delvau, 1866 : s. m. Agioteur, dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Capitaliste, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Capitaliste : agioteur, tripoteur ; filou considéré, comme ils le sont tous, quand ils ont réussi à faire fortune sans se laisser prendre la main dans le sac. Argot des voleurs.
Capitaine bécheur
Delvau, 1866 : s. m. Capitaine rapporteur, — dans l’argot des soldats.
Capitaine de la soupe
Rigaud, 1881 : Se dit ironiquement pour désigner un capitaine qui n’a jamais vu le feu, et qui n’a gagné son grade qu’au tour d’ancienneté.
Capitainer
Vidocq, 1837 : v. a. — Agioter.
Delvau, 1866 : v. a. Agioter.
Capital
Fustier, 1889 : Vertu, virginité de la femme. Le mot a été créé par M. Alexandre Dumas.
Généralement, c’est une femme dont le capital s’est perdu depuis de longues années.
(Théo-Critt, Nos farces à Saumur)
La Rue, 1894 : Virginité de la femme.
Capital d’une fille
France, 1907 : « Mot qu’Alexandre Dumas fils a employé pour désigner la virginité de la jeune fille, avec la manière de s’en servir et de s’en faire cent mille livres de rentes. Hélas ! qu’il y a de malheureuses qui se le laissent déflorer. »
(Dr Michel Villemont)
Tu possèdes, mignonne, un gentil capital ;
Ne prends pas un caissier pour gérer ta fortune :
Il palperait tes fonds, et, commis déloyal,
Pourrait bien, comme on dit, faire un trou dans la lune.
Capitation
d’Hautel, 1808 : Il est bon comme la capitation. Se dit d’un enfant importun, hargneux, indocile et méchant, et par une allusion maligne avec un impôt ainsi nommé qui pesoit autrefois sur le peuple.
Capitol
France, 1907 : Prison ; argot des écoliers, des pensions de Paris.
Capitole
Rigaud, 1881 : Nom donné par les écoliers au cachot, représenté le plus souvent par un grenier, dans les écoles. On dit : « monter au Capitole », par allusion classique. (L. Larchey)
Capitonnée
Virmaître, 1894 : Femme bien en chair, qui a une gorge bien développée, qui se tient ferme sans le secours du corset. On dit aussi qu’elle est meublée.
— Ah ! Gugusse, mince de viande, ça ferait rien un bath traversin (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Personne aux contours rebondis : « Une jouvencelle bien capitonnée. »
Capitonner (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Garnir le corsage de sa robe « d’avantages » en coton, — dans l’argot des petites dames qui, pour séduire les hommes, ont recours à l’Art quand la Nature est insuffisante.
France, 1907 : Se garnir le corsage et le derrière, pour remplacer les tétons absents et les fesses trop plates ; argot des filles.
Capitulard
Rigaud, 1881 : Pendant la guerre de 1870-71, le peuple, qui veut le succès à n’importe quel prix, avait décerné ce sobriquet à tout général qui capitulait. Au plus fort de nos revers, il vit des capitulards partout, et quand Bazaine livra Metz aux Prussiens, il fut salué : Roi des capitulards.
Capon
d’Hautel, 1808 : Câlin, flatteur, hypocrite ; homme lâche et poltron. Les écoliers appellent capon, pestard, celui de leurs camarades qui va se plaindre ou rapporter au maître. Le mot capon signifie aussi parmi le peuple un joueur rusé et de mauvaise foi, qui est très-habile au jeu.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écrivain des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Lâche, — dans l’argot du peuple, trop coq gaulois pour aimer les chapons.
France, 1907 : Poltron, lâche. Se dit aussi pour filou.
Caponner
d’Hautel, 1808 : Agir de ruse en jouant : en terme d’écolier, faire le pestard, aller rapporter, se plaindre au maître.
Delvau, 1866 : v. n. Reculer, avoir peur.
Fustier, 1889 : Argot des écoles. Rapporter au maître les fautes de ses condisciples.
France, 1907 : Rapporter au maître, autrement dit : moucharder ; argot des écoles.
Capons
anon., 1827 : Les écrivains des autres.
Vidocq, 1837 : s. m. — Sujet du roi des argotiers, larrons et coupeurs de bourses.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Caporal
Larchey, 1865 : Tabac à fumer. — Allusion à un tabac haché plus gros, dit de soldat, qui est vendu a un prix moindre.
Un fumeur très-ordinaire brûle à lui seul son kilogramme de caporal par mois, cent francs par an au bas mot, dont soixante-dix pour le Trésor.
(A. Luchet)
Delvau, 1866 : s. m. Tabac de la régie.
Rigaud, 1881 : Tabac à fumer. Ainsi désigné primitivement par les soldats pour le distinguer du tabac de cantine. Le caporal est, pour le soldat, du tabac supérieur, du tabac gradé, d’où le surnom.
France, 1907 : Coq ; argot des voleurs.
France, 1907 : Tabac à fumer.
Mon brûle-gueule à la couleur d’ébène,
De caporal, moi, j’aime ton tabac ;
De ces mignons, sous ta brûlante haleine,
Défailleraient le débile estomac.
(Le vieux Quartier Latin)
Caporal (le petit)
Rigaud, 1881 : Surnom que les soldats de la garde avaient donné à Napoléon Ier. Les invalides, qui ont fait les guerres du premier Empire, le désignent encore sous ce nom et aussi sous celui du Petit Tondu.
Caporalisme
France, 1907 : Sévérité exagérée dans les minuties du service.
Capot
d’Hautel, 1808 : Être capot. Ne point faire de levées dans une partie ; et par extension, être mal dans ses affaires, être ruiné. Il signifie aussi être honteux, surpris et confus.
Rigaud, 1881 : Trou du souffleur, pour capote ; par allusion à la forme de cette boîte dont le couvercle rappelle la capote de cabriolet.
Capote
Delvau, 1864 : Autrement dit, redingote anglaise. Préservatif en baudruche ou en caoutchouc historié, dont on habille le membre viril, toutes les fois qu’on le conduit au bonheur, — ce qui ne le préserve pas du tout de la chaude-pisse ou de la vérole, d’après l’opinion du docteur Ricord, autorité compétente en cette matière, qui a dit : « La capote est une cuirasse contre le plaisir et une toile d’araignée contre la vérole. » Les frères Millan, gros et petits, sont seuls intéressés à soutenir le contraire.
Il fuyait me laissant une capote au cul.
(Louis Protat)
Les capotes mélancoliques
Qui pendent chez le gros Millan,
S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,
Et déchargent en se gonflant.
(Parnasse satyrique)
Capote anglaise
Rigaud, 1881 : Pour les voyageuses via Cythère, c’est un préservatif contre le mal de mer ; pour les voyageurs, c’est une sorte de ceinture de sauvetage. — Les Italiens ont donné à ce petit appareil le nom d’un de leurs meilleurs auteurs comiques ; ils l’ont nommé goldoni. Peut-être l’auteur du Bourru bienfaisant passait-il pour un homme de précaution ?
France, 1907 : Petit appareil en baudruche, destiné à préserver de certaines maladies ou d’une trop nombreuse nichée. Les Anglais appellent la chose Lettre française.
Un général retraité a conservé toute une série d’équipements militaires.
Un jour, il montrait à d’aimables visiteuses ses vêtements de grande et petite tenue qu’il porte encore avec orgueil, en non-activité, après les avoir promenés sur tous les champs de bataille de son temps.
Les jolies curieuses s’extasiaient :
— Oh ! s’écria l’une, que d’uniformes ! que de shakos ! que de capotes !
— Vous en avez pour votre vie, ajouta la belle curieuse.
Le général la regarda un peu surpris :
— Ma foi, madame, je n’osais pas vous le dire.
Capou
Delvau, 1866 : s. m. Écrivain public, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Écrivain public (Argot des voleurs).
France, 1907 : Écrivain public ; argot des voleurs.
Capoules
France, 1907 : Bandeaux ou boucles séparés par une raie du front à l’occiput, mis à la mode par le ténor Capoul et adoptés par le monde des gommeux.
Capouls
Rigaud, 1881 : Coiffure d’homme, à bandeaux en cœur, inaugurée en 1874 par le ténor Capoul, placée sous son patronage et adoptée par les jeunes élégants, les garçons coiffeurs et les commis de magasin qui visent à l’élégance.
Capous
Halbert, 1849 : Les écrivains des autres.
Capre
Vidocq, 1837 : s. m. — Carolus, ancienne pièce de monnaie.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Câpre
Rigaud, 1881 : Chèvre. — Câpres, crottes de chèvre.
Caprice
d’Hautel, 1808 : Il a autant de caprices qu’un chien a de puces. Locution burlesque, pour exprimer les nombreuses fantaisies qu’ont les enfans mal élevés.
Delvau, 1864 : Amant ou maîtresse.
Mon dernier caprice m’a cassé trois dents.
(Gavarni)
Larchey, 1865 : Objet d’une vive et subite affection.
Tu es mon caprice, et puisqu’il faut sauter le pas, que du moins j’y trouve du plaisir.
(Rétif, 1776)
Delvau, 1866 : s. m. Amant de cœur, — dans l’argot de Breda-Street, où l’on a l’imagination très capricante. Caprice sérieux. Entreteneur.
Caprice (avoir un)
France, 1907 : Ressentir une affection vive et passagère qui est le feu de paille de l’amour. Faire des caprices, séduire au premier abord le cœur des femmes sensibles.
Capsule
Delvau, 1866 : s. f. Chapeau à petits bords, à la mode depuis quelques années. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon du peuple. — Schako d’infanterie. (L. Larchey)
Merlin, 1888 : Chapeau à haute forme.
La Rue, 1894 : Chapeau. Schako.
Virmaître, 1894 : Chapeau (Argot du peuple). V. Bloum.
France, 1907 : Chapeau d’homme à petits bords, ou shako d’infanterie.
Capsule (chapeau)
Larchey, 1865 : Chapeau affectant les petits bords et la forme cylindrique d’une capsule de fusil ; à la mode depuis 1860. V. Carreau.
Captif (enlever le)
Rigaud, 1881 : Donner du pied au derrière ; variante de : enlever le ballon ; mot à mot : enlever le ballon captif, par allusion à feu l’aérostat de l’ingénieur Giffard.
Capucin
d’Hautel, 1808 : Être capucin ou capucine. Pour dire n’avoir pas le sou, être dépourvu d’argent.
Rigaud, 1881 : Lièvre, en terme de chasseurs.
Il y avait même quelques vieux capucins dont il voulait faire son profit à la barbe de ses compagnons de chasse.
(Musée Philipon)
Capucine
Larchey, 1865 : « Veuillez excuser notre ami, il est gris jusqu’à la troisième capucine. » — Murger. — C’est comme si l’on disait : Il en a par dessus le menton. La troisième capucine est très-près de la bouche du fusil.
Capucine (être ivre jusqu’à la troisième)
France, 1907 : Avoir son trop-plein de boisson, prêt à déborder. Argot militaire, la troisième capucine n’étant pas loin de la bouche du fusil.
Capucine (jusqu’à la troisième)
Rigaud, 1881 : Énormément, à fond. — S’ennuyer jusqu’à la troisième capucine.
Caque
d’Hautel, 1808 : La caque sent toujours le hareng. Pour dire que quelle que soit la fortune que l’on ait acquise, on se sent toujours de la bassesse de son extraction, et qu’il est bien difficile de se défaire des mauvaises habitudes que l’on a contractées dans sa jeunesse. Fortuna non mutat genus.
Être serré comme des harengs dans une caque. Pour être serré, gêné dans un lieu ; y être fort à l’étroit.
Caque (la) sent toujours le hareng
France, 1907 : La mauvaise éducation perce toujours, quel que soit le rang ou la fortune. En dépit de ses efforts, un parvenu fait sentir à un moment donné qu’il est un parvenu, le bout de l’oreille passe et décèle la crasse originelle.
On disait aussi dans le même sens : Le mortier sent toujours les aulx.
Proverbe propre, dit Jean Masset, à celui qui estant une fois entaché de quelque vice, en retient toujours les marques et ne peut dissimuler ni cacher son inclination à iceluy ; tout ainsi qu’un mortier dans lequel on a pilé les aulx, ne le peut tant laver qu’il n’en retienne toujours l’odeur.
Caquer
Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Faire caca.
Caquet
d’Hautel, 1808 : Il mêle tout le monde dans ses caquets. Pour il médit sur Pierre et Paul, il n’épargne personne dans ses propos.
d’Hautel, 1808 : Rabattre le caquet à quelqu’un. Le faire taire, soit par des menaces, des rebuffades ou des mortifications.
Caquet bon bec
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à une babillarde, à une commère.
Caquet de l’accouchée
France, 1907 : Bavardage, niaiserie, entretien de médisances et de bagatelles, suivant la coutume des femmes réunies, comme il s’en rencontre au lit d’une accouchée.
Caquet-bon-bec
France, 1907 : Harpie, bavarde et médisante.
Caquetage
d’Hautel, 1808 : Causerie, commérage, bavardage, propos nuisibles et indiscrets. Se prend toujours en mauvaise part.
Caqueter
d’Hautel, 1808 : Bavarder, babiller ; dire des choses frivoles et inutiles ; montrer de l’indiscrétion dans ses discours.
Caqueterie
d’Hautel, 1808 : Paroles superflues.
Caqueteur, caqueteuse
d’Hautel, 1808 : Qui babille qui bavarde beaucoup ; diseur de rien ; commère.
Caquetoire
France, 1907 : Siège où les femmes caquettent à leur aise. Vieux mot.
Je fais souliers de toute formes,
Arpenter bois et planter bornes,
Et si fay rubans et lassets ;
Je fay caquetoires, placets.
(Anciennes poésies françaises)
Car-d’œil, ou plutôt quart-d’œil
Vidocq, 1837 : s. m. — Commissaire de police.
Carabas
Delvau, 1866 : s. m. Riche propriétaire de terres ou de maisons. On dit aussi Marquis de Carabas.
Delvau, 1866 : s. m. Vieille berline de comte ou de marquis, carrosse d’un modèle suranné.
Carabin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un étudiant en chirurgie.
Delvau, 1866 : s. m. Étudiant en médecine, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Étudiant en médecine. Le nom de carabin était autrefois appliqué aux garçons barbiers, à l’époque où les barbiers étaient, en même temps, chirurgiens et apothicaires, ayant pour arme une seringue. On les appelait aussi carabin de Saint-Côme.
Et, dans une indignation qu’il n’analysa point, Fouesnel fut sur le point de s’écrier : « Barbares ! » quand il vit les carabins enfoncer leurs scalpels dans cette blancheur de marbre, avec l’impatience d’une meute à l’hallali, une joie sourde de dépecer, de scier, d’ouvrir, de débiter ce corps de supplicié comme une pièce de boucherie.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
— Il y a précisément un carabin qui habite sur mon carré. Vous savez, le grand blond qui était au café, un jour, comme nous passions… qui nous a arrêtées pour nous forcer à trinquer avec lui et ses amis… Il est interne à la Pitié et on le dit très fort, plus fort que biens des grands médecins…
(Albert Cim)
Carabinade
d’Hautel, 1808 : Farce, tour de carabin.
Carabine
Halbert, 1849 : Grisette d’étudiant.
Delvau, 1864 : Femme qui fréquente les élèves en médecine et se fait carabiner par eux.
… Son petit air mutin
Plaît fort au quartier Latin.
C’est Flora, la carabine,
Dont la mine si lutine,
Promet à chacun son tour
Un beau jour d’amour.
(J. Choux)
Larchey, 1865 : Fouet de conducteur du train. — Allusion ironique à son claquement.
Delvau, 1866 : s. f. Fouet, — dans l’argot des soldats du train.
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse d’étudiant.
Rigaud, 1881 : Demoiselle du quartier latin vouée aux étudiants en médecine, vulgo « carabins ».
France, 1907 : Maîtresse d’un carabin. C’est aussi le fouet d’un conducteur du train des équipages.
Carabiné
Larchey, 1865 : De première force. — Terme de marine. On sait qu’un vent carabiné est très-fort.
Rigaud, 1881 : Violent, très fort ; mot emprunté au vocabulaire des marins. Une déveine carabinée, une forte déveine.
Rossignol, 1901 : Un liquide fort en degrés d’alcool est carabiné. Une absinthe forte est carabinée. Celui qui est atteint sérieusement d’une maladie qui, dit-on, a été rapportée par Christophe Colomb, est carabiné.
France, 1907 : Excessif, violent, de première force. Terme de marine ; on dit : vent carabiné, comme mal de tête carabiné.
Je commençais à me repentir de ma visite : mais il se radoucit, alla lui-même chercher une bouteille et deux verres, et me versa ce que nous appelions une absinthe carabinée.
(Hector France, L’Homme qui tue)
Carabine (la)
Merlin, 1888 : Fouet du soldat du train.
Carabiné, ée
Delvau, 1866 : adj. De première force ou de qualité supérieure. Argot du peuple. Plaisanterie carabinée. Difficile à accepter, parce qu’excessive.
Carabiner
Delvau, 1866 : v. n. Jouer timidement, aventurer en hésitant son argent sur quelques cartes. Argot des joueurs de lansquenet.
Rigaud, 1881 : Jouer de peur, jouer la carotte aux jeux de hasard.
France, 1907 : Jouer timidement, n’avancer qu’avec hésitation et extrême prudence son enjeu.
Carabiner une femme
Delvau, 1864 : La baiser à la gendarme, la flûte entre les jambes.
Et tandis que vous jouerez gros jeu avec la princesse, ne pourrai-je point carabiner avec la soubrette ?
(Théâtre italien)
Carabinier de la faculté
Fustier, 1889 / France, 1907 : Pharmacien.
Caraca
France, 1907 : « S’emploie en mauvaise part pour désigner un Espagnol. Du mot obscène carajo — braquemart — les Espagnols ont fait une sorte de juron d’un emploi très fréquent dans leur langage familier. De là notre dénomination lous caracos, les Espagnols. »
Caracoler
Delvau, 1864 : Baiser, ce qui est proprement faire des caracoles sur le ventre d’une femme.
Caracot
France, 1907 : Bigorneau, dans l’argot brabançon.
Voici l’heure ou Bruxelles s’allume, où les galeries Saint-Hubert flamboient, où les coquettes marchandes de cigares sont sous les armes derrière leurs comptoirs éblouissants, où, dans les estaminets de la rue des Bouchers, les Bruxellois, fidèles aux vieilles coutumes, boivent le lambick, le faro, et s’éperonnent la soif en gobant des caracots bouillis au sel.
(Paul Arène)
Carafe
Rigaud, 1881 : Gosier, — dans le jargon des voyous. Fouetter de la carafe, sentir mauvais de la bouche.
France, 1907 : Gosier ; argot populaire. Fouetter de la carafe, avoir mauvaise haleine.
Carafe, coco, cornet
Hayard, 1907 : Gorge, gosier.
Carafes (faire rire les)
Rigaud, 1881 : Dérider les personnes les plus graves, à force de dire des bêtises.
Carambolage
Delvau, 1866 : s. m. Lutte générale, — dans l’argot des faubouriens.
Virmaître, 1894 : Choc de deux voitures dans la rue. Les voyous que cela amuse disent :
— Ah zut, mince de de carambolage (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Accouplement.
France, 1907 : Collision, heurt ; expression tirée du jeu de billard.
Caramboler
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, parce que l’homme se sert de sa queue pour jouer au billard amoureux, pour y faire des effets de queue, pour mettre ses billes dans la blouse de la dame.
Larchey, 1865 : Faire d’une pierre deux coups.
Leur père qui carambole, en ruinant son fils et sa fille.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Tomber, faire tomber en ricochant. — Carambolage : Chute, choc général.
Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, et surtout plusieurs quelqu’uns à la fois ; faire coup double, au propre et au figuré.
Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des voyous.
Virmaître, 1894 : Au billard, faire toucher les trois billes (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : V. Rouscailler.
France, 1907 : Se heurter ; argot populaire. S’emploie aussi dans le sens que Villon appelait checaulcher, et Rabelais faire la bête à deux dos.
— Voilà une môme que j’aimerais bien caramboler.
Caramboler ?
Rossignol, 1901 : Rien du billard. Voir Rouscailler.
Carant
Halbert, 1849 : Planche.
Delvau, 1866 : s. m. Planche, morceau de bois carré, — dans l’argot des voleurs.
Carante
Ansiaume, 1821 : Table.
Nous étions déjà à la carante, il y avoit à tortiller pour quatre.
Vidocq, 1837 : s. f. — Table.
Halbert, 1849 : Table.
Larchey, 1865 : Table (Vidocq). — Diminutif de carrée (?). — Allusion de forme.
Delvau, 1866 : s. f. Table.
Rigaud, 1881 : Table, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Table.
Carapata
La Rue, 1894 : Marinier de la Seine.
Rossignol, 1901 : Soldat d’infanterie.
France, 1907 : Nom que les cavaliers donnent aux fantassins. C’est aussi le sobriquet des mariniers d’eau douce. Corruption de court à pattes.
Carapater
Rossignol, 1901 : Marcher, se dépêcher.
Hayard, 1907 : Fuir, se sauver.
France, 1907 : Marcher, courir.
J’ai dix ans, quoi ! Ça vous épate ?
Ben ! c’est comm’ ça, na ! J’suis voyou,
Et dans mon Paris j’carapate
Comme un asticot dans un mou…
(Jean Richepin)
Se carapater, se sauver.
J’empoigne un gardien par sa tunique et je le prie de me dire le nom des fuyards…
— C’est Colo et Mathurin, me répondit-il.
Je n’avais pas besoin d’en entendre davantage, Mathurin, je ne le connais pas ; Colo, je le connaissais, puisque j’étais venue à Toulon pour l’aider à se carapater. Le vieux marquis me regardait ; il ne savait pas si c’était du lard ou du cochon.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Carapater (se)
Rigaud, 1881 : Se cacher. — Se sauver pour ne pas être vu ou reconnu.
Surveillés de près, comme nous le serions certainement, nous n’aurions plus la chance de nous carapater.
(X. de Montépin, Le Fiacre no 13)
Carapatin
France, 1907 : Autre forme de carapata.
Carapatter (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se sauver, jouer des pattes. Argot des faubouriens.
Carat
d’Hautel, 1808 : Il est bête à trente-six carats. Manière exagérée et grossière d’exprimer qu’un homme est d’une stupidité, d’une ineptie au-dessus de tout ce qu’on peut imaginer.
Rossignol, 1901 : Années. Ce mot est employé par les placiers ou correspondants de maisons de tolérance de province pour désigner l’âge d’une femme : il dira que le colis qu’il va expédier a dans les dix-huit carats pour âge.
Caravane
d’Hautel, 1808 : Faire ses caravanes. C’est-à dire des tours de jeunesse ; mener une vie libertine et débauchée, donner dans les plus grands excès.
France, 1907 : Voiture ambulante de saltimbanque.
Caravanes
La Rue, 1894 : Aventures galantes : raconter ses caravanes.
France, 1907 : Aventures d’une femme galante ; argot populaire.
Carbeluche galicé
Halbert, 1849 : Chapeau de soie.
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau de soie, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Chapeau haut de forme.
France, 1907 : Chapeau de soie.
Carcagne
Rigaud, 1881 : Usurier, — dans l’ancien argot des bagnes.
Carcagne ou carcagno
France, 1907 : Usurier.
Carcagno
Vidocq, 1837 : s. m. — Usurier.
un détenu, 1846 : Usurier, arpagon, avare.
Delvau, 1866 : s. m. Usurier, — dans l’argot des faubouriens.
Carcagnos
La Rue, 1894 : Usurier.
Carcagnot
M.D., 1844 : Prisonnier, qui prête de l’argent à ses collègues à intérêt. Avant le système pénitentiaire, cela existait dans les prisons et existe encore dans les bagnes. Le carcagnot prête 2 sous pour 3, et en dix ans de temps, amasse des sommes immenses.
Virmaître, 1894 : Brocanteur, usurier, juif qui achète tout à vil prix sans s’occuper de la provenance (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Brocanteur, usurier.
France, 1907 : Usurier, brocanteur, recéleur au besoin.
Carcagnotter
France, 1907 : Faire l’usure, prêter à la petite semaine.
Carcan
Larchey, 1865 : Cheval étriqué, femme maigre et revêche.
C’est pas un de ces carcans à crinoline.
(Monselet)
Delvau, 1866 : s. m. Vieux cheval bon pour l’équarrisseur. Argot des maquignons.
Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des soldats de cavalerie, qui se vengent par cette épithète des soins assidus qu’il leur faut donner à la plus noble conquête que l’homme ait faite. — Mauvais cheval, — dans le jargon du peuple. — Femme maigre. C’est un vieux carcan.
France, 1907 : Vieux ou mauvais cheval. Carcan à crinoline se disait, du temps de cette mode ridicule, des rouleuses de trottoirs. Carcan à strapontin, vieille fille publique.
Carcan à crinoline
Delvau, 1864 : Nom que les voyous donnent aux drôlesses du quartier Breda, qui font de l’embarras avec leurs crinolines à vaste envergure sous lesquelles il y a souvent des maigreurs désastreuses.
C’est pas un de ces carcans à crinoline.
(Charles Monselet)
Carcan à strapontin
Virmaître, 1894 : Vieille fille publique. De carcan : vieux cheval (Argot des filles).
Carcasse
d’Hautel, 1808 : Une vieille carcasse. Terme injurieux et méprisant ; duègne revêche et grondeuse, qui n’a que la peau et les os.
Delvau, 1866 : s. f. Le corps humain, — dans l’argot du peuple. Avoir une mauvaise carcasse. Avoir une mauvaise santé.
Rigaud, 1881 : Corps humain. Ne savoir que faire de sa carcasse, être désœuvré.
France, 1907 : Le corps humain. États de carcasse, les reins ; argot des voleurs.
— J’descends dans la rue : a y était qui f’sait l’trottoir. C’était pas mon tour ; ça n’fait rien, j’descends tout de même ; j’te vas au-devant d’elle, j’débute par y cracher à la figure en l’y disant : « Ah ! t’as dit ça et ça de ma sœur ! faut que j’te corrige. » Pan, pan ! j’tombe sur sa carcasse sans y donner seulement l’temps d’se reconnaître ; j’y enfonce toutes les dents d’son peigne dans sa tête ; j’y déchire sa figure, je t’l’étale tout d’son long dans le ruisseau. On me l’enlève des mains, j’l’aurais finie…
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
Carcasse (etats de)
Rigaud, 1881 : Reins, — dans le jargon des voleurs. Prends garde que je te fasse une descente à coups de salaire dans les environs des États.
Carcasser
Virmaître, 1894 : Tousser.
— Carcasse-donc ton dernier poumon tu ne nous emmerderas plus la nuit (Argot du peuple).
France, 1907 : Tousser ; allusion aux accès de toux qui secouent toute la carcasse.
Carcassier
Delvau, 1866 : s. m. Habile dramaturge, — dans l’argot des coulisses. On dit aussi Charpentier.
France, 1907 : Industriel dramaturge, dont la spécialité est d’établir la carcasse, c’est-à-dire le scénario d’une pièce.
Carder
d’Hautel, 1808 : Pour dire peigner, friser, coiffer.
Il est bien cardé. Se dit par plaisanterie d’un homme frisé avec recherche et prétention.
Delvau, 1866 : v. a. Égratigner le visage de quelqu’un à coups d’ongles. Argot du peuple.
La Rue, 1894 : Égratigner.
Rossignol, 1901 : Battre quelqu’un ou se faire battre.
Il m’embêtait, je lui ai cardé la peau. — Je me suis fait carder.
France, 1907 : Égratigner ; allusion aux pointes des peignes dont se servent les cardeurs de matelas. Carder le poil, prendre quelqu’un aux cheveux, autrement dit : crêper le chignon.
Cardeuil (le)
Ansiaume, 1821 : Le commissaire.
Le cardeuil lui a fait donner 30 coups de bastonnade sur les endos.
Cardeuil (quart d’œil)
Clémens, 1840 : Commissaire.
Cardinal
France, 1907 : Sorte de jeu de billard, appelé ainsi à cause d’une quille noire ou rouge placée au milieu de trente-deux autres d’une couleur différente. Le joueur doit abattre le cardinal sans toucher les autres quilles.
Cardinal de la mer
Delvau, 1866 : s. m. Le homard, — dans l’argot ironique des gens de lettres, par allusion à la bévue de Jules Janin.
Cardinale
Vidocq, 1837 : s. f. — Lune. Terme des voleurs des provinces du Nord.
Delvau, 1866 : s. f. Lune, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Lune, — dans l’ancien argot. Allusion à l’influence périodique qu’on lui attribuait sur certaine indisposition féminine, indisposition en faveur de laquelle Michelet a écrit un roman.
France, 1907 : La lune, ou bien une lanterne.
Cardinales
Delvau, 1866 : s. f. pl. Les menses des femmes, — dans l’argot des bourgeois.
La Rue, 1894 : Époques de la femme.
France, 1907 : Les menstrues ; argot populaire. On sait que les cardinaux sont habillés de rouge.
Que de femmes sont restées vertueuses parce qu’au moment de la chute elles se sont souvenues qu’elles avaient leurs cardinales !
Cardinales (les)
Delvau, 1864 : Les menstrues, qui teignent en rouge la chemise des femmes. — On disait même autrefois : « Le cardinal est logé à la motte », pour signifier : « Cette femme a ses menstrues. »
La jeune fille un peu pâle et tout éplorée,
À son amant chéri dit cet aveu fatal
Qu’elle avait pour neuf mois perdu son cardinal.
(Tour du Bordel)
Cardinaliser (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Rougir, soit d’émotion, soit en buvant. L’expression appartient à Balzac. Déjà Rabelais avait parlé des « escrevisses qu’on cardinalise à la cuite ».
France, 1907 : Rougir.
Cardon
d’Hautel, 1808 : Frais comme un cardon. Pour dire vermeille, plein de santé.
Care
Delvau, 1866 : s. f. Cachette, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi Planque.
Rigaud, 1881 : Échange. — Vol à la care, vol à l’échange : vol au change de monnaie.
La Rue, 1894 : Échange. Vol au change de monnaie fait par le carreur.
Care (mettre à la)
France, 1907 : Faire des économies ; anglicisme, du mot care, soin.
Care (vol à la care)
Virmaître, 1894 : Les careuses entrent dans un magasin, principalement dans les bureaux de tabacs et demandent à changer des pièces d’un certain millésime contre d’autres. Profitant de l’inattention des commerçants, elles escamotent une partie des pièces (Argot des voleurs).
Care (vol à la)
Rossignol, 1901 : La femme qui vole un objet dans un magasin commet un vol à la care parce qu’elle le cache. Il y a des careuses de profession qui, pour commettre ce vol, ont dessous leur jupe un grand sac où elles enfouissent le produit de leurs vols. Ce sac est nommé par elles un kanguroo (sarigue), probablement pour faire allusion à la poche que cet animal a sur le ventre pour y mettre ses petits.
Care (voler à la)
France, 1907 : Voler un marchand en lui proposant des monnaies anciennes de nulle valeur contre des nouvelles. C’est Vidocq qui donne cette définition, mais il faut que le voleur soit bien habile pour voler un marchand de vieilles pièces. Dans ce sens, care ne vient pas de l’anglais, mais c’est une altération du vieux mot français charrier, voler quelqu’un en le mystifiant.
Care (voler à la), carer, caribener
Larchey, 1865 : Voler. Un marchand en proposant un échange avantageux de monnaies anciennes contre des nouvelles (Vidocq). — Carer n’est qu’une forme ancienne (V. Roquefort) et par conséquent un synonyme de charrier. V. ce mot. — Caribener est un diminutif.
Carême
d’Hautel, 1808 : Si le carême dure sept ans, vous aurez fini cet ouvrage à Pâques. Se dit ironiquement et par reproche à une personne nonchalante et paresseuse qui ne termine rien ; à un ouvrier d’une lenteur extrême et dont on ne voit pas finir la besogne.
Carême-prenant. Les jours gras, saturnales, temps de folies et de divertissement.
Il a l’air de carême-prenant. Se dit par raillerie d’un homme habillé d’une manière grotesque et ridicule.
Cela vient comme mars en carême. Pour dire à point nommé, fort à-propos.
Hirondelles de carême. On donnoit autrefois ce nom à un ordre de frères mendians qui alloient quêter pendant tout le carême.
Pour trouver le carême court, il faut faire une dette payable à Pâques.
Face de carême. Visage blême, maigre et décharné.
Amoureux de carême. Damoiseau ; homme qui affecte de l’indifférence, de la froideur. Voyez Amoureux transi.
Il faut faire carême prenant avec sa femme, et Pâques avec son curé. Maxime grivoise du bon vieux temps.
Tout est de carême. Se dit pour excuser les libertés que l’on prend, les folies que l’ont fait pendant le carnaval.
Carême (amoureux de)
France, 1907 : Amoureux timide ou platonique ; il fait faire maigre à l’objet de sa passion.
Carer
Vidocq, 1837 : v. a. — Voler à la care. (Noir ci-après Careur).
Delvau, 1866 : v. a. Cacher, se mettre à l’abri.
Rossignol, 1901 : Cacher, dissimuler, mettre de côté.
France, 1907 : Conserver, avoir soin.
Carer (se)
France, 1907 : S’abriter, prendre soin de soi ; du verbe anglais to care.
Caresser
d’Hautel, 1808 : Caresser quelque chose ; en faire souvent usage.
Caresser la bouteille. Pour aimer à boire ; boire souvent ; s’adonner à l’ivrognerie.
Caresser un homme
Delvau, 1864 : Le peloter, lui passer une main adroite dans la pantalon pour réveiller le membre qui y dort sur ses deux coussins, et le faire ainsi gaudilier. — Caresser une femme, la baiser, — ce qui est, pour elle, la caresse par excellence.
Chloé, d’où vient cette rigueur ?
Hier tu reçus mes caresses,
J’accours aujourdhui plein d’ardeur
Et tu repousses mes tendresses.
(E. T. Simon)
Afin, se disoit-il, que nous puissions, nous autres,
Leurs femmes caresser, ainsi qu’ils font les nôtres.
(Régnier)
J’avais un mari si habile,
Qu’il me caressait tous les jours.
(Parnasse satyrique)
La jeune demoiselle qui avait été si bien caressée, s’imaginait que cela devait durer toutes les nuits de la même façon.
(D’Ouville)
Il les repoussa de la porte, la referma, et retourna caresser la belle.
(Tallemant des Réaux)
Si vous voulez madame caresser,
Un peu plus loin vous pouviez aller rire,
(La Fontaine)
Que de caresses
Que de tendresses.
Pour réchauffer vos cœurs, vieux députés !
(Gustave Nadaud)
Careur
Delvau, 1866 : s. m. Voleur dont la spécialité consiste à s’établir à portée du tiroir de caisse d’un marchand, sous prétexte de pièces anciennes à échanger, et à profiter de la moindre distraction pour s’emparer du plus de pièces possible — anciennes ou nouvelles. On dit aussi Voleur à la care. C’est le pincher anglais.
Rigaud, 1881 : Voleur à la care.
France, 1907 : Voleur à la care, ou recéleur.
Careur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Presque tous les Careurs sont des Bohémiens, des Italiens ou des Juifs. Hommes ou femmes, ils se présentent dans un magasin achalandé, et après avoir acheté ils donnent en paiement une pièce de monnaie dont la valeur excède de beaucoup celle de l’objet dont ils ont fait l’acquisition ; tout en examinant la monnaie qui leur a été rendue, ils remarquent une ou deux pièces qui ne sont pas semblables aux autres, les anciennes pièces de vingt-quatre sous, les écus de six francs à la vache ou au double W, sont celles qu’ils remarquent le plus habituellement, parce que l’on croit assez généralement qu’il y a dans ces pièces de monnaie une certaine quantité d’or, et que cette croyance doit donner à la proposition qu’ils ont l’intention de faire, une certaine valeur : « Si vous aviez beaucoup de pièces semblables à celles-ci, nous vous les prendrions en vous donnant un bénéfice, » disent-ils. Le marchand, séduit par l’appât du gain, se met à chercher dans son comptoir, et quelquefois même dans les sacs de sa réserve, des pièces telles que le Careur en désire, et si pour accélérer la recherche le marchand lui permet l’accès de son comptoir, il peut être assuré qu’il y puisera avec une dextérité vraiment remarquable.
Les Careurs ont dans leur sac plusieurs ruses dont ils se servent alternativement, mais un échange est le fondement de toutes ; au reste il est très-facile de reconnaître les Careurs, tandis qu’on ouvre le comptoir, ils y plongent la main comme pour aider au triage et indiquer les pièces qu’ils désirent, si par hasard le marchand a besoin d’aller dans son arrière boutique pour leur rendre sur une pièce d’or, ils le suivent, et il n’est sorte de ruses qu’ils n’emploient pour parvenir à mettre la main dans le sac.
Que les marchands se persuadent bien que les anciennes pièces de vingt-quatre sous, les écus de six francs à la vache ou au double W, ainsi que les monnaies étrangères n’ont point une valeur exceptionnelle ; qu’ils aient l’œil continuellement ouvert sur les inconnus, hommes, femmes ou enfans, qui viendraient, sous quel prétexte que ce soit, leur proposer un échange, et ils seront à l’abri de la ruse des plus adroits Careurs.
Il y a parmi les Careurs, comme parmi les Cambriolleurs et autres voleurs, des nourrisseurs d’affaires ; ces derniers, pour gagner la confiance de celui qu’ils veulent dépouiller, lui achètent, jusqu’à ce que le moment opportun soit arrivé, des pièces cinq ou six sous au-delà de leur valeur réelle.
Les Romamichels (voit ce mot) citent parmi les célébrités de leur corporation, deux Careuses célèbres, nommées la Duchesse et la mère Caron. Avant d’exercer ce métier ces femmes servaient d’éclaireurs à la bande du fameux Sallambier, chauffeur du Nord, exécuté à Bruges avec trente de ses complices.
Carfouiller
Fustier, 1889 : Fouiller jusqu’au fond, dans tous les sens.
Il délibéra longtemps avec lui-même pour savoir… s’il lui carfouillerait le cœur avec son épée ou s’il se bornerait à lui crever les yeux.
(Figaro, 1882)
France, 1907 : Percer profondément. Carfouiller un pante d’un coup de surin.
Carge
Halbert, 1849 : Balle.
Delvau, 1866 : s. f. Balle, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Balle, ballot.
La Rue, 1894 : Balle, fardeau.
France, 1907 : Paquet ; du provençal cargue, charge.
Cargot
Larchey, 1865 : Cantinier. — Corruption de gargotier. — V. Aide.
Virmaître, 1894 : Cantinier. Ce n’est pas une corruption de gargotier, car d’après les règlements des prisons le cargot ne fait pas de cuisine et ne vend que des aliments froids, du fromage et de la charcuterie. Comme les cantiniers sont arabes, qu’ils étranglent le plus qu’ils peuvent, on les a baptisés du nom de cargot, synonyme d’usurier, abréviation de carcagnot (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Cantinier ; argot des prisons. Il est chargé de la cargue ou cargaison de boissons et de vivres.
Carguer ses voiles
Delvau, 1866 : v. a. Agir prudemment, prendre ses invalides, — dans l’argot des marins.
France, 1907 : Devenir prudent, ou bien se retirer du service.
Caribener
Vidocq, 1837 : v. a. — Voler à la care. (Voir Careur.)
Delvau, 1866 : v. a. Voler à la care. On dit aussi Carer.
Virmaître, 1894 : Vol à la care. Le voleur qui a cette spécialité se nomme un caribeneur (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voler.
Caribeneur
France, 1907 : Voleur qui pratique le vole à la care.
Caricature (faire la)
Rigaud, 1881 : À l’école (des Beaux-Arts), une fois par semaine, les élèves s’assemblent, un d’eux sert de modèle, son camarade le pose et l’enveloppe ensuite d’une pièce d’étoffe blanche, le drapant le mieux qu’il peut ; et c’est ce qu’on appelle « faire la caricature ». (Didier, 1821, Œuvres complètes, cité par Littré.)
Carie, blé
Clémens, 1840 : Argent monnayé.
Carillon
d’Hautel, 1808 : Bruit, tapage, criaillerie, tumulte.
Faire carillon. Pour dire faire vacarme, quereller, crier, gronder, s’emporter en reproches contre quelqu’un.
Sonner à double carillon. C’est-à-dire à coups redoublés à la porte de quelqu’un qui ne veut pas ouvrir, ou qui est absent.
Carillonner
d’Hautel, 1808 : Carillonner quelqu’un. Le gourmander ; le blâmer hautement ; le traiter avec une grande dureté.
Delvau, 1864 : Baiser une femme, en frappant les parois de sa cloche avec le battant priapesque.
Et il carillonne à double carillon de couillons.
(Rabelais)
N’est-ce pas un sujet de rire, lorsqu’on est sur le point de carillonner à ma paroisse.
(D’Ouville)
Caristade
Carle
Ansiaume, 1821 : Argent.
Oui, c’est lui qui a déplanqué mon carle, je l’ébobis aujourd’hui.
Bras-de-Fer, 1829 : Argent.
Vidocq, 1837 : s. m. — Argent monnoyé.
Larchey, 1865 : Argent (Vidocq). — De Carolus, ancienne monnaie de Charles VIII. V. Bayafe.
Le cidre ne vaut plus qu’un carolus.
(Ol. Basselin)
Carline
Bras-de-Fer, 1829 : Mort.
Vidocq, 1837 : s. f. — Mort (la).
Larchey, 1865 : La mort (Vidocq). — Allusion au masque noir de Carlin et à son nez camus. Jadis on appelait la mort camarde, parce qu’une tête de mort n’a pour nez qu’un os de très-faible saillie.
Delvau, 1866 : s. f. La Mort, — dans l’argot des bagnes. La carline (carlina vulgaris) est une plante qui, au dire d’Olivier de Serres, prend son nom du roi Charlemagne, qui en fut guéri de la peste. La vie étant aussi une maladie contagieuse, ne serait-ce pas parce que la mort nous en guérit, grands et petits, rois et manants, qu’on lui a donné ce nom ? Ou bien est-ce parce qu’elle nous apparaît hideuse, comme Carlin avec son masque noir ?
Rigaud, 1881 : La mort, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : La mort.
Rossignol, 1901 : La mort. Ancien mot dont on ne se sert guère.
France, 1907 : La mort.
Sa femme, restée libre, allait chaque jour lui porter les provisions et le consoler.
— Écoute, lui dit-elle, un matin qu’il paraissait plus sombre qu’à l’ordinaire, écoute, Joseph, on dirait que la carline te fait peur… Ne va pas faire la sinve au moins quand tu seras sur la placarde… Les garçons de campagne se moqueraient joliment de toi.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Carline (la)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La mort.
Virmaître, 1894 : La mort. Ce mot est usité dans les bagnes pour désigner cette vilaine personne. Allusion au personnage de Carlin dont le visage est couvert d’un masque noir (Argot des voleurs).
Carmagnol
d’Hautel, 1808 : « Nom donné d’abord à une espèce d’air et de danse, ensuite à une forme particulière de vêtement ; puis aux soldats qui le portoient ou qui chantoient des carmagnoles, » etc. Dict. de l’Académie, supplément.
Faire danser la carmagnole à quelqu’un. Au figuré, signifioit, dans les troubles de la révolution, le guillotiner, le mettre à mort par tous les supplices de ce temps.
Carmagnole
Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la République, — dans l’argot des ci-devant émigrés à Colentz.
Carmaluche
Clémens, 1840 : Camarade.
Carme
un détenu, 1846 : Argent monnayé.
Halbert, 1849 : Miche.
Delvau, 1866 : s. m. Argent, — dans l’argot des voleurs. Quelques étymologistes veulent qu’on écrive et prononce carle, — probablement par contraction de carolus.
Delvau, 1866 : s. m. Miche de pain, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Argent. — Carmer, donner de l’argent. — Carme à l’estoque, ou carme à l’estorgue, fausse monnaie.
Virmaître, 1894 : Argent (Argot des souteneurs). V. Aubert.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Argent.
France, 1907 : Argent, miche de pain.
— Minute, la commère, faut pas s’emballer. Vous avez un béguin pour moi, c’est parfait. Nous f’sons des cornes au papa, c’est encore mieux ; mais là, entre nous, vous avez deux fois l’âge de bibi, et dame, faut combler la différence en belle et bonne galette. Quand on n’a plus ses dix-huit printemps, faut abouler du carme. Pas d’argent, pas d’amour.
(Michel Morphy, Les Mystères du crime)
Carme à l’estoque
Hayard, 1907 : Fausse monnaie.
Carme à l’estorgue
Virmaître, 1894 : Fausse monnaie (Argot des voleurs).
France, 1907 : Fausse monnaie.
Carme, carle
La Rue, 1894 : Argent. Carmer, payer.
Carmer
Delvau, 1866 : v. n. Payer, faire des effets de poche.
Virmaître, 1894 : Payer (Argot des voleurs). V. Billancher.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 / France, 1907 : Payer.
Carnaval
Delvau, 1866 : s. m. Personne vêtue d’une façon extravagante, qui attire les regards et les rires des passants. Argot des bourgeois.
France, 1907 : Femme ridiculeusement accoutrée.
Carne
Vidocq, 1837 : s. f. — Viande gâtée.
Halbert, 1849 : Charogne, mauvaise viande.
Larchey, 1865 : Mauvaise femme. — C’est la carogne de Molière.
Je la renfoncerais dedans à coups de souliers… la carne.
(E. Sue)
Larchey, 1865 : Mauvaise viande (Vidocq). — Du vieux mot caroigne : charogne.
Un morceau d’carne dur comme un cuir
(Wado)
Delvau, 1866 : s. f. Viande gâtée, ou seulement de qualité inférieure, — dans l’argot du peuple, qui a l’air de savoir que le génitif de caro est carnis. Par analogie, Femme de mauvaise vie et Cheval de mauvaise allure.
Rigaud, 1881 : Basse viande. — Italianisme. — Sale et méchante femme ; pour carogne.
Ah ! la carne ! voilà pour ta crasse. Débarbouille-toi une fois en ta vie.
(É. Zola)
Virmaître, 1894 : Viande dure. On dit d’un homme impitoyable :
— Il est dur connue une vieille carne.
L’ouvrier qui ne veut rien faire est également une carne (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Viande de mauvaise qualité. Un mauvais cheval est une carne ; une méchante femme est aussi une carne.
France, 1907 : Femme de mauvaises mœurs. Allusion à carne, mauvaise viande.
Elle l’accusait de faire la fière, ne la désignait jamais que par d’ironiques et insultantes épithètes : « cette fille », « cette chipie »… aussi tressaillit-elle de joie à l’aspect cette petite carne qui s’avançait vers elle et avait l’aplomb de venir lui parler.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
France, 1907 : Mauvaise viande ; de l’italien carne, viande.
Il a vagabondé par les rues : à reluquer les pains dorés des boulangers, la belle carne des bouchers, toutes les machines qui se bouffent aux étales des restaurants, il lui venait des envies de foutre le grappin dessus…
(Père Peinard)
anon., 1907 : Cheval.
Carner, caner
La Rue, 1894 : Mourir.
Carner, roidir, roide
Clémens, 1840 : Mourir, mort, morte.
Carogne
d’Hautel, 1808 : Une carogne ; une vieille carogne. Mot injurieux qui s’applique aux femmes de mauvaise vie. Molière a fait un fréquent usage de ce mot.
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie.
France, 1907 : Fille ou femme de mauvaise vie.
— Eh bien, je la regretterai, celle-là ! Toujours si douce, si polie ! En vlà une qui ne nous rasait pas. Ce n’est pas comme cette carogne… V’là quatre fois d’affilée que cette sacré bique-là me fait descendre nos cinq étages.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Carogner
France, 1907 : Maugréer, jurer.
Le commandant a bientôt jugé ses officiers, et celui qu’il aime le mieux n’est pas le moins sévère, mais bien le plus loyal, pourvu qu’il soit bon manœuvrier. Les louanges de ce lieutenant fini retentissent de l’avant à l’arrière ; il n’est pas permis de carogner quand il commande le quart.
(G. de la Landelle, Les Gens de la mer)
Caron
Rigaud, 1881 : Vieux papiers destinés aux fabricants de carton, — dans l’argot des chiffonniers.
Carotier
Rigaud, 1881 : Individu qui vit d’expédients, qui tire des carottes. Dans le Jura ceux qui font la contrebande du tabac sont connus sous le nom de tabatiers ou carotiers.
L’ivrognerie et la débauche sont leurs moindres vices ; le vol leur est aussi familier que la fraude, et les incendiaires ne sont pas rares parmi eux.
(Ch. Toubin, Les Contrebandiers de Noirmont)
Au régiment, ou donne le nom de carotier à celui qui se fait porter malade, et qui n’est que malade imaginaire, à celui qui cherche un prétexte pour éviter une corvée. — Il y a une légère nuance entre le carotier et le carotteur : le premier s’inspire plus particulièrement des circonstances pour arriver à ses fins ; chez l’autre c’est une habitude invétérée, un sacerdoce.
Carottage
Rigaud, 1881 : Art de tirer des carottes, de soutirer de l’argent sous un faux prétexte.
Fustier, 1889 : V. Delvau : Carotte.
France, 1907 : Tromperie.
Carotte
Delvau, 1864 : Le membre viril, — par allusion à sa forme et à sa couleur.
Pourquoi la retires-tu, ta petite carotte ? Je ne voulais pas te la manger.
(E. Jullien)
Delvau, 1866 : s. f. Escroquerie légère commise au moyen d’un mensonge intéressant, — dans l’argot des étudiants, des soldats et des ouvriers. Tirer une carotte. Conter une histoire mensongère destinée à vous attendrir et à délier les cordons de votre bourse. Carotte de longueur. Histoire habilement forgée.
Delvau, 1866 : s. f. Prudence habile, — dans l’argot des joueurs. Jouer la carotte. Hasarder le moins possible, ne risquer que de petits coups et de petites sommes.
Rigaud, 1881 : Mensonge fabriqué dans le but de soutirer de l’argent. — Cultiver la carotte. — Tirer une carotte de longueur. — Les premiers, les militaires se sont servis de cette expression. C’est là, sans doute, une allusion aux carottes de tabac. Lorsque les militaires demandent de l’argent, c’est presque toujours pour acheter, soi-disant, au tabac, du tabac à chiquer, vulgo carotte.
Rigaud, 1881 : Roux ardent. Couleur de cheveux qui rappelle les tons de la carotte, couleur fort à la mode pendant les années 1868, 69 et 70. Les femmes se firent teindre les cheveux « blond ardent », avant de s’appliquer la teinture « beurre rance. »
La Rue, 1894 : Demande d’argent sous un faux prétexte. Duperie. Mensonge.
Virmaître, 1894 : Mensonge pour tromper ou duper quelqu’un. Tirer une carotte : emprunter de l’argent. Tirer une carotte de longueur : la préparer de longue main. Le troupier tire une carotte à sa famille quand il lui écrit qu’il a perdu la clé du champ de manœuvre, ou qu’il a cassé une pièce de canon (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mensonge. Le militaire a la réputation d’en tirer à ses parents pour obtenir de l’argent. Il y en a de légendaires et de carabinées : lorsqu’il raconte qu’il a perdu son chef de file, ou casse le front de bandière, perdu la clé du champ du manœuvres, qu’il passera au conseil s’il n’a pas d’argent pour les remplacer.
France, 1907 : Demande d’argent à l’aide d’un mensonge.
Doyen maudit… dont la main sacrilège
Sur la carotte osa porter la main,
Songeas-tu donc à quelque affreux collège
Pour étouffer le vieux quartier latin ?
Tirer un carotte, raconter une histoire mensongère pour obtenir de l’argent ; lorsque l’histoire est habilement ou longuement forgée, on l’appelle carotte de longueur, ou d’épaisseur ; dans le cas contraire, quand l’histoire est mal combinée, c’est une carotte filandreuse. Vivre de carottes, vivre d’eprunts, pour ne pas dire d’escroqueries. Avoir une carotte dans le plomb, chanter faux ou avoir mauvaise haleine. Jouer la carotte, jouer prudemment, ne risquer que de petits coups par de petites sommes.
Carotte (indigestion de)
France, 1907 : Se dit d’une fille enceinte. Henri Loridan, l’auteur du Recueil de chansons en patois de Roubais, a consacré, dans sa chanson intitulée les Carottes, sur ce genre d’indigestion, un plaisant couplet :
Y a inn’ fillette dins min canton,
Tous les soirs au clair de la lune,
Elle s’inva avec in garchon
Manger in plat de c’bon légume.
Mais in jour tell’ment d’in mingé
Par gourmandise eu l’petite sotte,
Elle est dev’nu tout in inflé
D’in grand indijestion d’carotte.
Carotte (la)
Merlin, 1888 : La visite du docteur au régiment. C’est le moment où plus d’un carottier « en tire une de longueur », en prétextant une maladie imaginaire pour se faire exempter du service.
Carotte (tirer une)
Larchey, 1865 : Demander de l’argent sous un faux prétexte.
Nul teneur de livres ne pourrait supputer le chiffre des sommes qui sont restées improductives, verrouillés au fond des cœurs généreux et des caisses par cette ignoble phrase : « Tirer une carotte. »
(Balzac)
Carotte de longueur. Grosse demande, demande subtile. — Vivre de carottes : Vivre en faisant des dupes.
Carotte dans le plomb
Rossignol, 1901 : Celui qui est enroue ou a la voix cassée à une carotte dans le plomb.
Carotte dans le plomb (avoir une)
Delvau, 1866 : v. a. Se dit d’un chanteur qui fait un couac ou chante faux, — dans l’argot des coulisses ; avoir l’haleine infecte, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Chanter faux.
Carotte filandreuse
Virmaître, 1894 : Carotte tirée de longueur, mais peu claire comme explications. Allusion à une vieille carotte pleine de filaments, qui ne se digère pas facilement.
— Ça ne prend pas, la carotte est filandreuse (Argot du peuple). N.
Carotter
d’Hautel, 1808 : Jouer petit jeu ; n’être point hardi au jeu.
Larchey, 1865 : Ne vivre que de légumes. Vivre mesquinement.
Il se dépouillait de tout… Il sera très heureux de vivre avec Dumay en carottant au Havre.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Obtenir de l’argent en tirant une carotte :
Allons, va au marché, maman, et ne me carotte pas.
Delvau, 1866 : v. a. Se servir de carottes pour obtenir de l’argent de son père, de son patron, ou de toute personne charitable. Carotter l’existence. Vivre misérablement. Carotter le service. Se dispenser du service militaire, ou autre, en demandant des congés indéfinis, sous des prétextes plus ou moins ingénieux.
Delvau, 1866 : v. n. Jouer mesquinement, ne pas oser risquer de grands coups ni de grosses sommes.
Rigaud, 1881 : Se contenter d’un léger bénéfice en exposant peu. — Carotter à la Bourse, dans les affaires. — Jouer très serré, jouer petit jeu, — dans le jargon des joueurs.
France, 1907 : Faire des dupes.
La plus hardie de ces ribaudes parait avoir été la dame des Armoises ; elle arriva à s’établir convenablement, carotta de droite et de gauche, non sans habileté, et fit souche de nombreux marmots.
Telle est la Jeanne d’Arc dont M. Lesigne prétend faire présent à la France : — reste à savoir si elle en voudra !
(Jacqueline, Gil Blas)
Carotter l’existence, mener une vie misérable. Carotter à la Bourse, spéculer sur une petite échelle.
Carotter le service
Larchey, 1865 : Éluder sous de faux prétextes les obligations du service militaire.
Carottes
d’Hautel, 1808 : Tirer des carottes à quelqu’un. Locution basse et tout-à-fait populaire, qui signifie sonder quelqu’un avec adresse ; le faire jaser, le tourner en tout sens, afin de savoir ce qu’il n’a pas dessein de révéler ; ce que l’on appelle d’une manière moins triviale, Tirer les vers du nez.
Il ne mange que des carottes. Pour dire qu’un homme vit misérablement ; qu’il fait maigre chère.
Carottes cuites (avoir ses)
Rigaud, 1881 : Être près de mourir, — dans le jargon du peuple.
Carotteur
Delvau, 1866 : s. et adj. Celui qui carotte au jeu.
France, 1907 : Joueur de petites sommes ; les joueurs de grosses sommes s’appellent brûleurs.
Carotteur, carottier
Larchey, 1865 : Tireur de carottes.
Allons, adieu, carotteur !
(Balzac)
Joyeux vivant, mais point grugeur et carottier.
(Vidal, 1833)
Carottier
d’Hautel, 1808 : Celui qui joue mesquinement, qui craint de perdre.
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui vit d’expédients, qui ment volontiers pour obtenir de l’argent. Carottier fini. Carottier rusé, expert, dont les carottes réussissent toujours.
Merlin, 1888 : Hâbleur, malin, filou.
Virmaître, 1894 : Homme qui fait le métier d’en tirer pour vivre (Argot du peuple).
France, 1907 : Faiseur de dupes, homme qui exploite la crédulité et la bonne foi, ou qui vit d’expédients.
Et je suis absolument de l’avis d’Hector France qui dit que « les criminels repentants » sont généralement des hypocrites qui jouent au repentir comme les carottiers d’hôpitaux font des patenôtres et des signes de croix pour obtenir des bonnes sœurs un supplément de ration de vin.
(E. Montenaux, Rouge et Noir)
Caroubier à la flan
France, 1907 : Voleur à l’aide de fausses clés. Caroubier à la fric frac, voleur avec effraction.
Caroubier ou caroubleur
France, 1907 : Voleur à l’aide de fausses clés.
Caroublage
Fustier, 1889 : Sorte de vol. (V. Delvau : Caroubleur.)
Carouble
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fausse clef. La carouble s’est esquintée dans la serrante, la clef s’est cassée dans la serrure.
Bras-de-Fer, 1829 : Fausse clé.
Vidocq, 1837 : s. f. — Fausse clé.
M.D., 1844 : Fausse clé.
Halbert, 1849 : Fausse clef.
Larchey, 1865 : fausse clé (Vidocq). V. Esquintement.
Delvau, 1866 : s. f. Fausse clé, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Fausse clé, — dans l’ancien argot.
Rigaud, 1881 : Soir, nuit, — dans le jargon des voleurs. — Être vu à la carouble, être arrêté le soir.
La Rue, 1894 : Fausse clé. Soir, nuit. Vu à la carouble, arrêté le soir.
Virmaître, 1894 : Clé employée par les carroubleurs (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Fausse clé.
Carouble ou caroufle
France, 1907 : Fausse clé.
Caroubler
Rossignol, 1901 : Ouvrir une porte avec de fausses clés.
Caroubles
Rossignol, 1901 : Fausses clés.
Caroubleur
Clémens, 1840 : Voleur avec fausses clefs.
Larchey, 1865 : « Voleur employant des caroubles fabriquées par lui-même sur des empreintes livrées par des domestiques, des frotteurs, des peintres, ou des amants de servantes. — Le Caroubleur à la flan ou à l’esbrouffe vole aussi avec de fausses clés, mais au hasard, dans la première maison venue. Le Caroubleur au fric-frac emploie, au lieu de clés, un pied de biche en fer appelé cadet, monseigneur, ou plume. »
(Vidocq)
Delvau, 1866 : s. m. Individu qui vole à l’aide de fausses clés. On dit aussi caroubleur refilé. Caroubleur à la flan. Voleur à l’aventure.
Rigaud, 1881 : Voleur qui opère à l’aide de fausses clés. — Caroubleur au fric-frac, voleur avec effraction au moyen d’un ciseau à froid, d’un clou, d’une pince.
Virmaître, 1894 : Vol à l’empreinte à l’aide de fausses clés (Argot des voleurs). V. Boîte de Pandore.
Rossignol, 1901 : Celui qui carouble. Le voleur à l’aide de fausses clés est un caroubleur.
Caroubleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Variété de Cambriolleurs ; ils entretiennent des intelligences avec les domestiques, frotteurs, colleurs de papiers, peintres. Aussi comme ils connaissent parfaitement les endroits qui peuvent leur offrir des ressources, ils vont droit au but ; la plupart du temps ils se servent de fausses clés qu’ils fabriquent eux-mêmes sur les empreintes qui leur sont données par les indicateurs leurs complices.
Carpe
d’Hautel, 1808 : Faire la carpe pâmée. Feindre de se trouver mal ; être indolent, nonchalant et paresseux ; faire le damoiseau, le délicat, le sensible.
Carpe (faire la)
Fustier, 1889 : S’évanouir, se pâmer.
France, 1907 : Tomber en syncope ; se pâmer comme une carpe qu’on tire de l’eau. Faire des yeux de carpe, ouvrir des yeux mourant et sans expression.
— Dis donc, Mélie ? Lui qu’aimait tant à ét’ dehors, combien qui doit ét’ privé, pauvr’ chéri… Eh ben ! quoi que t’as à présent… v’là qu’tu fais la carpe, tu restes en route… voyons, arrive !
— J’sais pas, mais j’sens mon cœur qui s’en va : j’ai pas tant seulement la force d’mett’ au pied d’vant l’aut’.
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
Carpe (paire la)
La Rue, 1894 : S’évanouir. Se pâmer.
Carquois
France, 1907 : Hotte de chiffonnier.
Carre
d’Hautel, 1808 : Cet homme a une carre solide. Pour dire qu’il a les épaules larges et bien fournies.
Rigaud, 1881 : Cachette. — Carre du paquelin, Banque de France. Mot à mot : cachette du pays. Les voleurs prononcent carre du patelin, par corruption.
Rigaud, 1881 : Dans l’argot des tailleurs, la carre est la mesure entre les épaules, par abréviation pour carrure.
Carré
d’Hautel, 1808 : Un mâtin carré. Expression triviale ; pour dire un homme râblu, fort, vigoureux et robuste.
C’est carré comme une flûte. Manière plaisante et contradictoire de dire que quelque chose fait l’affaire ; que c’est tout juste ce qu’il faut. On dit aussi par raillerie d’un homme qui raisonne en dépit du sens commun, qu’il raisonne juste et carré comme une flûte.
Un marchand de bois carré. Se dit ironie d’un marchand d’allumettes.
Fustier, 1889 : Élève de seconde année à l’École normale.
France, 1907 : Élève de seconde à l’École Normale.
Carre (à la)
La Rue, 1894 : Économiser, mettre de côté.
anon., 1907 : Caché, mis de côté.
Carré (être)
Delvau, 1866 : Avoir une grande énergie, aller droit au but. Argot des bourgeois.
France, 1907 : Aller droit au but.
Carré (faire un)
France, 1907 : Voler dans les divers logements qui ouvrent leurs portes sur le même carré.
Carré (jouer le)
France, 1907 : Jouer sur quatre numéros à la fois ; argot des joueurs de roulette.
Carré de rebectage
Virmaître, 1894 : La Cour de cassation. Quelquefois elle diminue la peine du condamné ou l’acquitte complètement. Il est rebecqueté. Rebecqueté se dit pour raccommoder, se rapprocher (Argot des voleurs).
Carre des petites gerbes
Virmaître, 1894 : La police correctionnelle (Argot des voleurs).
Carré des petites gerbes
Rigaud, 1881 : Police correctionnelle, — dans le jargon des voleurs. Mot à mot : chambre des petits jugements. Les clients du tribunal correctionnel qui ne sont pas forcés de savoir que « gerbe » est un substantif féminin disent volontiers : carrés des petits gerbes.
France, 1907 : Police correctionnelle.
Carré du rebectage
Rigaud, 1881 : Cour de cassation, Mot à mot : chambre de la médecine.
France, 1907 : Cour de cassation.
Carre, carrer
Hayard, 1907 : Cachette, cacher.
Carreau
d’Hautel, 1808 : Traiter quelqu’un comme un valet de carreau. Pour dire n’en faire aucun cas ; le malmener ; lui marquer un grand mépris.
Mettre le cœur sur le carreau. Rébus bas et vulgaire, pour dire rejeter les alimens que l’on a pris ; vomir.
Larchey, 1865 : Lorgnon monocle.
M. Toupard, cinquante-deux ans, petite veste anglaise, chapeau capsule, un carreau dans l’œil.
(Mém. d’une Dame du Monde, 1861)
Rigaud, 1881 : Œil, — dans le jargon des voleurs. — Carreau brouillé, œil louche. — Carreau à la manque, borgne. — Affranchir le carreau, surveiller, ouvrir l’œil ; et par abréviation : franchir le carreau.
La Rue, 1894 : Œil. Affranchir le carreau, surveiller, regarder attentivement. Pince d’effraction.
France, 1907 : Fausse clé.
Carreau (aller au)
Rigaud, 1881 : Aller pour se faire engager. C’est la place de Grève des musiciens de barrière.
Chaque dimanche (ils) ont l’habitude de se réunir sur le trottoir de la rue du Petit-Carreau, où les chefs d’orchestre savent les rencontrer.
(A. Delvau)
Carreau de vitre
Delvau, 1866 : s. m. Monocle, — dans l’argot des faubouriens.
Carreau ou carreau de vitre
France, 1907 : Monocle.
Carreaux
Virmaître, 1894 : Fer à repasser dont se servent les tailleurs pour aplatir les coutures (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs).
Virmaître, 1894 : Outils spéciaux des malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tateuse.
Rossignol, 1901 : Outils de voleurs.
Rossignol, 1901 : Yeux.
Carreaux brouillés
Delvau, 1866 : s. m. pl. Maison mal famée, tapis franc, — abbaye des s’offre-à-tous.
Rigaud, 1881 : Maison de tolérance.
De par le règlement, les volets doivent être fermés, les carreaux dépolis dans ces dépotoirs à gros numéros.
(Le Sublime)
France, 1907 : Cabaret borgne, maison mal famée, dont les carreaux sont, en effet, ordinairement blanchis à l’intérieur, pour empêcher de voir ce qui se passe au dedans.
Carrée
Rigaud, 1881 : Chambre, — dans le jargon des ouvriers.
La Rue, 1894 : Chambre. Maison centrale.
Rossignol, 1901 : Maison, logement.
Hayard, 1907 : Chambre.
France, 1907 : Chambre.
Les lèvres carminées, les joues plaquées de blanc gras et de poudre de riz, comme des cabotines de province inexpertes au maquillage, empuanties d’amaryllis, les cheveux et les sourcils peints, ces Laïs du boulevard viennent chercher là, pour leurs Diogènes de Mazas, les pépites d’or qui apporteront pendant quelque Jours le bonheur à la carrée.
(La Nation)
— Et nous v’là partis, bras dessus, bras dessous, Elle me mène au fond de Javel, an diable, dans l’Île-des-Singes. Une carrée, mes enfants, avec tout juste un matelas de varech, sur un bois de lit mangé aux punaises !
(Oscar Méténier)
anon., 1907 : Chambre.
Carrée des petites gerbes
La Rue, 1894 : Police correctionnelle.
Carrefour des écrasés
Rigaud, 1881 : Carrefour formé par le boulevard Montmartre, la rue Montmartre et la rue du Faubourg-Montmartre. C’est un des endroits de Paris les plus dangereux pour les piétons, à cause de la quantité de voitures qui s’y croisent et de la pente du boulevard Montmartre qui ne permet pas aux cochers d’arrêter leurs chevaux à temps. Le nombre des personne écrasées, chaque année, en cet endroit, lui a valu la lugubre dénomination de « Carrefour des écrasés. »
Carreleur de souliers
Virmaître, 1894 : Ouvrier lorrain qui vient tous les étés parcourir nos campagnes avec sa hotte sur le dos. Il raccommode les souliers. Ce nom lui vient de ce qu’il crie : carreleur de souliers. Ce à quoi les gamins répondent :
— Gare l’aut’ soulier ! (Argot du peuple).
Carrelure
d’Hautel, 1808 : Il s’est fait une bonne carrelure de ventre. Se dit figurément d’un homme qui a fait un bon repas, et qui en avoit grand besoin.
Carrelure de ventre
Delvau, 1866 : s. f. Réfection plantureuse, — dans l’argot du peuple, qui éprouve souvent le besoin de raccommoder son ventre déchiré par la faim.
France, 1907 : Repas plantureux.
Carrelure du ventre
Rigaud, 1881 : Repas copieux.
Je croyais refaire mon ventre d’une bonne carrelure.
(Molière, Le médecin volant, scène ni.)
Carrément
Delvau, 1866 : adv. D’une manière énergique, carrée.
Virmaître, 1894 : N’aie pas peur, vas-y carrément (Argot du peuple).
Maintenant que tu n’as plus q’ta chemise,
Tu peux y aller carrément.
France, 1907 : Franchement, droit au but.
Carrer
d’Hautel, 1808 : Se carrer. Se pavaner en marchant ; prendre un air arrogant et fier ; faire l’homme d’importance.
un détenu, 1846 : Cacher.
Carrer (se)
Clémens, 1840 : Se garer, se garantir, se cacher.
Halbert, 1849 : Se cacher.
Delvau, 1866 : v. réfl. Se cacher, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : v. réfl. Se donner des airs, faire l’entendu, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Se recarrer.
Rigaud, 1881 : Se garer de, se sauver. — Se carrer de la débine, sortir de la misère.
France, 1907 : Faire l’important.
Carrer de la débine (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se tirer de la misère.
Carrer le pognon
France, 1907 : Détourner l’argent, voler.
— Mais, paraît qu’il a trouvé plus malin que lui… à propos de sa banque… sa caisse d’Algérie, je me sais plus au juste… c’est des trucs de la haute que je ne connais pas… Enfin, on l’a mangé… on a dit qu’il avait carré le pognon des pantes.
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Carreur
Clémens, 1840 : Voleur dans les boutiques en marchandant.
un détenu, 1846 : Compagnon, camarade, compère d’un voleur.
Carrosse
d’Hautel, 1808 : C’est un vrai cheval de carrosse. Se dit d’un homme stupide et brutal ; d’un butor auquel on ne peut faire entendre raison.
Carrouble
Ansiaume, 1821 : Clef.
J’ai une carrouble qui débride la lourde de sa turne.
Clémens, 1840 : Clef.
Carroubles
un détenu, 1846 : Clefs.
Carroubleur
un détenu, 1846 : Casseur de portes.
Carroubleur à la flanc
Halbert, 1849 : Voleur à l’aventure.
Carroubleur refilé
Halbert, 1849 : Voleur à fausse clef.
Carrousse
d’Hautel, 1808 : Faire carrousse. Ribotter ; faire ripaille.
Carruche
Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). Diminutif du vieux mot car : coin. V. Roquefort. — V. Canton. — Comte de la Carruche : Geôlier.
Virmaître, 1894 : Prison (Argot des voleurs). V. Gerbe.
Cart-d’œil
un détenu, 1846 : Commissaire de police.
Cartaud
Halbert, 1849 : Imprimerie.
Cartaude
Delvau, 1866 : s. f. Imprimerie, — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Imprimé.
Rigaud, 1881 : Imprimerie. — Cartaudé, imprimé. — Cartaudier, imprimeur. — Cartauder, imprimer, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Imprimerie. Cartaudier, imprimeur.
France, 1907 : Imprimerie.
Cartaudé
Halbert, 1849 : Imprimé.
Cartauder
Halbert, 1849 : Imprimer.
Delvau, 1866 : v. a. Imprimer.
Cartaudeur
France, 1907 : Imprimeur.
Cartaudier
Halbert, 1849 : Imprimeur.
Delvau, 1866 : s. m. Imprimeur.
Carte
d’Hautel, 1808 : Il ne sait pas tenir ses cartes. Pour, c’est une mazette au jeu de cartes ; se dit par raillerie d’une personne qui se vantoit d’être fort habile à manier les cartes, et que l’on a battue complètement.
On dit aussi, et dans le même sens, au jeu de dominos, Il ne sait pas tenir ses dez.
Perdre la carte. Pour se déconcerter, se troubler, perdre la tête dans un moment ou le sang-froid étoit indispensable.
Il ne perd pas la carte. Se dit par ironie d’un homme fin et adroit ; qui tient beaucoup à ses intérêts ; à qui on n’en fait pas accroire sur ce sujet.
On appelle Carte, chez les restaurateurs de Paris, la feuille qui contient la liste des mets que l’on peut se faire servir à volonté ; et Carte payante, celle sur laquelle est inscrit le montant de l’écot, que l’on présente à chaque assistant lorsqu’il a fini de dîner.
Savoir la carte d’un repas. C’est en connoître d’avance tout le menu.
Brouiller les cartes. Mettre le trouble et la division entre plusieurs personnes.
Donner carte blanche. C’est donner une entière liberté à quelqu’un dans une affaire.
Un château de carte. Au figuré, maison agréable, mais peu solidement bâtie.
Delvau, 1866 : s. f. Papiers d’identité qu’on délivre à la Préfecture de police, aux femmes qui veulent exercer le métier de filles. Être en carte. Être fille publique.
France, 1907 : Certificat d’identité que la police donne aux prostituées, qui, de ce fait, deviennent filles soumises, étant obligées de se soumettre périodiquement à une inspection médicale.
Ce matin, après avoir mis la petite en carte, après l’avoir ainsi placée dans l’impossibilité de réclamer protection et d’être écoutée si elle se plaignait, — les malheureuses filles ainsi inscrites ne sont-elles pas hors la loi, hors le monde et à a discrétion absolue de la police ? — il la ferait filer sur quelque maison de province dont la tenancière lui répondrait du secret…
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Carte (avoir sa, ou être en)
Delvau, 1864 : Être inscrite comme fille exerçant le métier de putain, sur le registre ad hoc ouvert a la préfecture de police.
Dès demain
Je ferai demander ta carte à la police,
Et tu pourras alors commencer ton service.
(Louis Protat)
Carte (être en)
Rigaud, 1881 : Être inscrite à la préfecture de police sur le livre des filles soumises. L’administration remet à toute fille soumise une carte où est inscrit son nom. À chaque visite, cette carte est frappée d’un timbre et la fille est tenue de la montrer à la première réquisition des agents ; d’où le mot : « Être en carte ».
France, 1907 : Avoir reçu de la police une carte de fille soumise.
À seize ans, c’était en carte,
Et ça faisait son métier,
Comme toi le tien, rentier,
Avec cette différence
Que ton sort, à toi, t’est cher,
Tandis qu’elle, pauvre chair,
Le sien, c’est désespérance ;
Mais pas plus, en vérité,
L’un que l’autre ne mérite.
(Jean Richepin)
Carte (piquer la)
Rigaud, 1881 : Marquer d’un léger coup d’ongle, d’un signe microscopique les cartes dont on a besoin de se souvenir, et principalement les rois, à l’écarté… lorsqu’on veut corriger le sort et mériter le nom de grec. Ce système est bien démodé aujourd’hui, parce qu’il a été trop pratiqué jadis et qu’il est trop connu. Aux jeux de commerce, les grecs s’en tiennent au télégraphe, et, aux jeux de hasard, ils opèrent à l’aide de la portée.
France, 1907 : Marquer une carte pour la reconnaître. On dit aussi maquiller la carte.
Carte (revoir la)
Larchey, 1865 : On comprend l’ironie du mot en se rappelant qu’on entend par carte la liste des mets choisis pour son repas.
France, 1907 : Vomir après le repas.
Carte de géographie
Rigaud, 1881 : Impressions… sur toile d’un voyage au pays des rêves.
Carteler
France, 1907 : Aller entre dents ornières pour les éviter ; corruption de cartayer.
Cartes transparentes
Delvau, 1864 : Cartes à jouer qui, au premier abord, ressemblent à d’innocentes cartes, mais qui, lorsqu’on les regarde avec attention, entre le soleil et les yeux, sont autant de conpulsamenti à fouterie.
Elle fait défiler devant ses yeux une foule de cartes transparentes, qui sont autant des outrages au bon goût qu’aux bonnes mœurs.
(Lemercier de Neuville)
Carton
Larchey, 1865 : Carte à jouer.
Je n’ai pas parlé des tables d’hôte où on donne le carton, c’est-à-dire où l’on fait jouer.
(Lespès)
Lorsqu’on a dîné entre amis, il faut bien remuer des cartons peints pour se dégriser.
(About)
Delvau, 1866 : s. m. Carte à jouer, — dans l’argot de Breda-Street, où fleurit le lansquenet. Manier le carton. Jouer aux cartes. — On dit aussi Graisser le carton et Tripoter le carton. Maquiller le carton. Faire sauter la coupe.
Rigaud, 1881 : Carte à jouer. Manier, patiner, tripoter le carton, jouer aux cartes.
Hayard, 1907 : Sans argent ; (être) être refait.
France, 1907 : Carte à jouer. Manier, tripoter, graisser, patiner le carton se disent pour jouer aux cartes. Maquiller le carton, c’est tricher an jeu.
Carton (de)
Rigaud, 1881 : Qui n’est pas sérieux, qui ne connaît pas son métier. Se place toujours, dans ce sens, immédiatement après un substantif. — Un michet de carton, un entreteneur pour rire. — Un avocat de carton, un mauvais avocat. — Un cuisinier de carton, un cuisinier sans aucune espèce de connaissances culinaires.
Boutmy, 1883 : De peu de valeur. Correcteur, compositeur de carton. Correcteur, compositeur inhabile. Cette expression est à peu près synonyme de mie de pain.
Carton (homme de)
France, 1907 : Homme sans valeur ou sans argent, sur lequel on ne peut compter.
Alice — Crois-tu qu’il ait des monacos ?
Maria — Oui, il a l’air cossu.
Alice — Il n’est pas de carton, enfin.
(Ces dames du Casino)
Soldat de carton, mauvais soldat.
Carton savonné
France, 1907 : Pain blanc. Carton est, dans ce sens, une altération de arton, pain.
Cartonné en caruche
Bras-de-Fer, 1829 : Arrêté et mis en prison.
Cartonnements
France, 1907 : Manuscrit enfermé dans les cartons d’un directeur de journal ou de théâtre.
Cartonner
Rigaud, 1881 : Jouer aux cartes. Passer sa vie à cartonner.
France, 1907 : Jouer aux cartes.
Après avoir fait ses adieux à la belle enfant, qui s’était montrée vraiment très… expansive, il était allé au cercle où il avait passé la nuit à cartonner.
(Gil Blas)
Tout en cartonnant dans ton claque,
Rabats un douillard à ta marque.
(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)
Moi, je connais tous les jeux ! Répondit Mon Oncle… j’enseigne même à ceux qui aiment à cartonner tous les moyens de défense possible coutre les trucs, suiffages et biscuits des philosophes les plus émérites… à votre disposition, monsieur !…
(Ed. Lepelletier)
Cartonneur ou cartonnier
France, 1907 : Joueur de cartes passionné.
…De tous les jeux, c’est le baccara qui se prête le mieux aux tricheries : elles se comptent par milliers et les Russes, — ces maîtres dans l’art de corriger la déveine, — en inventent tous les jours. Les Marseillais et les Toulousains, ces redoutables cartonneurs, en apportent chaque saison à Paris et les expérimentent dans les casinos des stations balnéaires et thermales.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
Cartonnier
Delvau, 1866 : adj. Mal habile dans son métier. Argot des ouvriers.
Rigaud, 1881 : Celui qui aime à jouer aux cartes, qui joue habituellement aux cartes.
Rigaud, 1881 : Ouvrier qui n’est pas bien au fait du métier qu’il exerce : pour ouvrier de carton.
Cartouche
d’Hautel, 1808 : Nom d’un insigne voleur.
C’est un cartouche. Se dit d’un homme rusé, adroit et fripon, qui ne vit que de ce qu’il escroque.
France, 1907 : Voleur de grand chemin ; nom venu du célèbre Cartouche qui était la terreur des Parisiens et fut roué et rompu vif en place de Grève, en 1721, à l’âge de vingt-huit ans.
Cartouche (avaler sa)
Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon militaire. (A. Camus)
France, 1907 : Mourir. Déchirer la cartouche, manger.
Cartouche jaune
France, 1907 : Feuille que l’on délivre au forçant à sa libération. Elle est jaune et roulée dans un étui de fer-blanc.
Cartouchière à portée
Fustier, 1889 : Réservoir de cartes que les grecs placent sous leur gilet et où ils trouvent classées et numérotées toutes les portées possibles.
Cartouchière à portées
France, 1907 : Paquet de cartes préparées que les grecs cachent dans leurs manches ou leur paletot.
Caruche
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Prison.
Delvau, 1866 : s. f. Prison, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Cachot, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Cachot. Comte de la caruche, guichetier.
France, 1907 : Prison ; du provençal carruche, courroie tendue.
Carvel
France, 1907 : Bateau : de l’italien caravella.
Cas
d’Hautel, 1808 : Mettre des si et des cas dans une affaire. Signifie, hésiter, tâtonner, barguigner ; être dans l’incertitude ; ne savoir à quoi se décider.
Tous vilains cas sont reniables. Parce qu’il est de la foiblesse humaine de nier les fautes que l’on a commises.
On dit faire son cas. Pour se décharger le ventre ; faire ses nécessités.
Delvau, 1864 : Le membre viril aussi bien que la nature de la femme.
Un capucin, malade de luxure,
Montroit son cas, de virus infecté…
(Piron)
Je croyois que Marthe dût être
Bien parfaite en tout ce qu’elle a ;
Mais, à ce que je puis connoître,
Je me trompe bien à cela,
Car, bien parfaite, elle n’est pas
Toujours en besogne à son cas.
(Berthelot)
Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, et le cas mol, s’il demande à le faire, est un fol.
(Moyen de parvenir)
Mon cas, fier de mainte conquête.
En Espagnol portoit la tete.
(Régnier)
Il avoit sa femme couchée près de lui, et qui lui tenoit son cas à pleine main.
(Brantôme)
Les tétons mignons de la belle,
Et son petit cas, qui tant vaut.
(Marot)
Le cas d’une fille est fait de chair de ciron, il démange toujours ; et celui des femmes est de terre de marais, on y enfonce jusqu’au ventre.
(Brantôme)
La servante avait la réputation d’avoir le plus grand cas qui fût dans le pays.
(D’Ouville)
Delvau, 1866 : s. m. La lie du corps humain, les fèces humaines, dont la chute (casus) est plus ou moins bruyante. Faire son cas, Alvum deponere. Montrer son cas. Se découvrir de manière à blesser la décence.
France, 1907 : Le derrière, où ce qui en sort. Montrer son cas, faire son cas.
Et parce qu’un ivrogne a posé là son cas,
Pourquoi, mèr’ Badoureau, faire autant de fracas !
Cela pourra servir d’enseigne à votre porte
Il a l’odeur du cuir ; il est vrai qu’elle est forte.
(Vieux quatrain)
Les écrivains du XVIe siècle appellent cas ce que Diderot a plus tard appelé bijou. Au chapitre LXIV du Moyen de parvenir, l’auteur s’adresse aux femmes qui se font un revenu de leur cas. « Je vous dis que vous mesnagiez bien vos métairies naturelles. »
Casaquin
d’Hautel, 1808 : Diminutif de casaque, pour dire le derrière de la poitrine, le dos.
On lui a donné sur le casaquin. C’est-à-dire, il a reçu une volée de coups de bâton.
Traîner son casaquin. Mener une vie disetteuse et pénible.
Larchey, 1865 : Corps (d’Hautel 1808).
Je te tombe sur la bosse, je te tanne le casaquin.
(Paillet)
Delvau, 1866 : s. m. Le corps humain, — dans l’argot du peuple. Sauter ou tomber sur le casaquin à quelqu’un. Battre quelqu’un, le rouer de coups. Avoir quelque chose dans le casaquin. Être inquiet, tourmenté par un projet ou par la maladie.
France, 1907 : Le corps humain. Avoir quelque chose dans le casaquin, être mal à son aise. Tomber sur le casaquin de quelqu’un, le battre.
Un de ces quatre matins, le populo tombera sur le casaquin de toute cette vermine, et la foutra en capilotade.
(Père Peinard)
Se faite crever le casaquin, se faire tuer.
Si s’rait parti pour el’ Tonkin,
L’s’rait fait crever l’casaquin
Comm’ Rivière…
(Aristide Bruant)
Se faire crever le casaquin se dit aussi pour se fatiguer.
Casaquin (travailler le)
Rigaud, 1881 : Mot à mot : travailler sur la casaque de quelqu’un à coups de poing. — Le vêtement est pris pour la personne elle-même. — Variante : Prendre mesure d’un casaquin.
Tiens, v’là Madeleine et Marie-Jeanne qui vont s’ prendre mesure d’un casaquin.
(E. Bourget, La Reine des Halles, chans.)
Cascade
Delvau, 1866 : s. f. Plaisanterie ; manque de parole, — chute de promesse.
Rigaud, 1881 : Bouffonnerie. — Fredaine.
France, 1907 : Légèreté, manque de parole, défauts particuliers aux Parisiens.
Cascader
Rigaud, 1881 : Faire des folies, se livrer à des bouffonneries. Dire de grosses plaisanteries. — En style de théâtre, charger un rôle, ajouter au rôle des facéties d’un goût souvent douteux ; improviser des bouffonneries.
La Rue, 1894 : Mener une vie déréglée. Cascadeur, cascadeuse, homme, femme menant une vie déréglée.
France, 1907 : Mener joyeuse vie. Se dit aussi d’un acteur qui fait des interpolations dans son rôle.
Dis-moi, Vénus, quel plaisir trouves-tu
À faire ainsi cascades la vertu ?
(La Belle Hélène)
Cascades
d’Hautel, 1808 : Faire ses cascades. Faire des fredaines ; mener une vie irrégulière et libertine, faire des siennes.
Larchey, 1865 : Vicissitudes, folies.
Sur la terre j’ai fait mes cascades.
(Robert Macaire, chanson, 1836)
Delvau, 1866 : s. f. pl. Fantaisies bouffonnes, inégalités grotesques, improvisations fantasques, — dans l’argot des coulisses.
France, 1907 : Farces, folies de femmes légères, et aussi les fantaisies que se permettent certains acteurs en scène.
Ce galant monarque dont les cascades amoureuses auraient rendu jaloux Lovelace lui-même, tout en cultivant le terrain d’autrui, m’avait pas trop négligé celui de sa femme, car, à son lit de mort, il était entouré d’une demi-douzaine de grands-ducs, tous plus solides les uns que les autres.
(Serge Nossoff, La Russie galante)
M. Prudhomme marie son fils.
Naturellement, toute la noce va faire le traditionnel tour du lac.
Arrivé à la cascade, le beau-père rassemble solennellement tous les invités autour de lui, et, s’adressant à sa bru, lui dit en lui montrant le rocher :
— Vous voyez lien cette cascade, madame… Tâchez de n’en jamais connaître, ni commettre d’autres.
Cascades (faire des)
Larchey, 1865 : « Ce mot dépeint les fantaisies bouffonnes, les inégalités grotesques, les lazzi hors de propos, les improvisations les plus fantasques. »
(J. Duflot)
Cascadeur
Rigaud, 1881 : Farceur qui professe la cascade.
France, 1907 : Faiseur de cascades.
Il y a une dizaine d’années, mon oncle de Châlons-sur-Marne… voulait me céder son magasin de corsets plastiques. Que n’ai-je accepté ? Au lieu de lasser mes lecteurs, j’aurais lacé bien des petites dames qui m’auraient remercié le sourire aux lèvres, tandis que mes lecteurs, mes idiots de lecteurs, épluchant mes phrases, scrutant ma pensée ne s’écrient que ceci chaque dimanche : Quel cascadeur que ce Rossignol !
(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)
Cascadeuse
Delvau, 1864 : Drôlesse du quartier Breda, qui se joue de l’amour et des amoureux.
Ne t’y fie pas : c’est uns cascadeuse.
(Charles Monselet)
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui, — dans l’argot des faubouriens, — laisse continuellement la clé sur la porte de son cœur, où peuvent entrer indifféremment le coiffeur et l’artiste, le caprice et le protecteur.
Rigaud, 1881 : Femme qui court les lieux où l’on s’amuse. — Farceuse qui de la cascade n’a que la chute.
France, 1907 : Jeune personne qui a jeté son bonnet par-dessus les moulins.
Le mot est aussi employé adjectivement. On dit une toilette cascadeuse.
On voit passer la femme honnête
Qui marche en portant haut la tête,
Sur l’Boul’vard ;
On voit des p’tits jeun’s gens godiches,
Des gens pauvres et des gens riches,
On voit des gomineux, des gomineuses
Avec leurs toilettes cascadeuses,
Et l’on voit plus d’une vieille cocotte
Qui bientôt portera la hotte
Sur l’boul’vard.
(Aristide Bruant)
Cascaret
d’Hautel, 1808 : Nom baroque et injurieux que l’on donne à un homme de basse extraction. Ce mot ne s’applique qu’aux animaux ; particulièrement aux chiens et aux cochons.
Vidocq, 1837 : s. m. — Écu de trois francs.
Delvau, 1866 : s. m. Homme sans importance, de mine malheureuse ou d’apparence chétive. Argot du peuple.
France, 1907 : Homme malingre, de mine chétive. Pièce de deux francs.
Case
Delvau, 1864 : La nature de la femme, — dans laquelle se trémousse si agréablement le petit oiseau à longue queue que les savants appellent penis et les ignorants, pine.
Des autres perroquets il diffère pourtant,
Car eux fuient la cage, et lui, il l’aime tant,
Qu’il n’y est jamais mis qu’il n’en pleure de joie.
(Cabinet satyrique)
Elle le prit de sa main blanche,
Et puis dans sa cage le mit.
(Regnard)
Lisette avait dans un endroit
Une cage secrète :
Lucas l’entrouvrit, et tout droit
D’abord l’oiseau s’y jette.
(Collé)
Delvau, 1866 : s. f. Maison, logement quelconque, — dans l’argot du peuple, qui parle latin sans le savoir. Le patron de la case. Le maître de la maison, d’un établissement quelconque ; le locataire d’une boutique, d’un logement.
France, 1907 : Habitation, lieu où l’on demeure : du latin casa. Le patron de la case, le chef de l’établissement.
C’est aussi, au masculin, l’abréviation de casino.
Travaille dans les rups bastringues,
Au case avec tes belles fringues,
Monte vite un chaud reversy…
Pour si peu t’auras pas Poissy…
(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)
Case (la)
Rossignol, 1901 : Domicile.
Caser
Fustier, 1889 : Abrév. de casernement. Argot des élèves de l’École Polytechnique.
France, 1907 : Chambre, argot de l’École Polytechnique ; abréviation de casernement.
Le confortable règne maintenant dans l’École. On y mange mieux que jadis : on y fuit l’exercice du canon et, les jours de pluie, les élèves se promènent à l’aise sous une vaste véranda. Ce sont là des détails insignifiants : les murs de l’École sont neufs, les casers sont meublés de lits éblouissants ; l’esprit de l’École n’a point varié.
(Charles Leser)
France, 1907 : Placer, mettre en case, but du bourgeois qui n’est jamais plus heureux que lorsqu’il met les siens hors des luttes de la vie, c’est-à-dire quand il a fait de ses fils et de ses filles des moules et des oies.
« J’ai casé mon fils, ma fille, » se dit notamment quand la demoiselle est bossue et quand le jeune homme est un sacripant.
(Docteur Grégoire, Dictionnaire humoristique)
Caserne
d’Hautel, 1808 : Au propre, quartier, logement de soldats. Au figuré, terme de mépris qui se dit d’une mauvaise maison, ou les domestiques sont mal payés et mal nourris ; d’un atelier ou les ouvriers ne peuvent retirer leurs journées.
Casimir
Delvau, 1866 : s. m. Gilet, — dans le même argot [du peuple].
Rigaud, 1881 : Gilet.
Virmaître, 1894 : Gilet. Allusion à l’étoffe (Argot des voleurs). V. Boîte à Sigue.
Casin
Rigaud, 1881 : Jeu de la poule au billard. — Jouer le casin.
France, 1907 : Poule, au jeu de billard.
Casineux
France, 1907 : Habitué de casino.
Casoar
Rigaud, 1881 : Plumet du shako des élèves de Saint-Cyr ; par extension, toute volaille servie sur la table de l’École est saluée du nom de casoar.
France, 1907 : Plume du shako des élèves de l’École de Saint-Cyr.
Casque
Larchey, 1865 : Chapeau rond. — Casque à mèche : Bonnet de coton à mèche.
Il dévoilera les mensonges cotonneux de madame et apportera dans le salon le casque a mèche de monsieur.
(Th. Gautier)
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens, pour qui c’est le mâle de casquette. Casque-à-mèche. Bonnet de coton.
Delvau, 1866 : s. m. Effronterie, aplomb, blague du charlatan. Avoir du casque, c’est-à-dire parler avec la faconde de Mangin.
Rigaud, 1881 : Talent oratoire du saltimbanque. — Avoir du casque, rappeler feu Mangin par les belles manières et la facilité d’élocution. — Il y a des hommes politiques qui ont du casque, presque autant que ce fameux marchand de crayons.
France, 1907 : Aplomb, effronterie, blague, Comme en ont les charlatans habituellement coiffés du casque, d’où l’expression : avoir du casque, posséder l’effronterie et la faconde d’un marchand d’orviétan. Avoir son casque, être ivre.
France, 1907 : Chapeau. Casque à mèche, bonnet de coton.
Casque (avoir le)
Rigaud, 1881 : C’est ce que les filles traduisent par avoir un caprice pour un homme. Mot à mot : être solidement coiffé de quelqu’un, avoir quelque chose comme un béguin d’acier.
Rigaud, 1881 : Éprouver une douleur névralgique à la calotte de la tête, le lendemain d’un excès bachique. — Avoir son casque de pompier, avoir la tête très lourde par suite d’ivresse, comme si l’on portait un casque.
La Rue, 1894 : Avoir la tête lourde par suite d’ivresse. Signifie aussi avoir un caprice.
Virmaître, 1894 : Être malin, savoir profiter des occasions, les saisir aux cheveux, même lorsqu’elles sont chauves. Avoir son casque : avoir bu a en être saturé.
— Il a son casque, il en a plein la peau (Argot du peuple).
Casque (avoir son)
Delvau, 1866 : v. a. Être complètement gris, — ce qui amène naturellement une violente migraine, celle que les médecins appellent galea, parce qu’elle vous coiffe comme avec un casque.
Casque (coup de)
anon., 1907 : Le moment de payer.
Casque à auvent
France, 1907 : Casquette.
Casque-à-mèche
Rigaud, 1881 : Apprenti commis dans un magasin de bonneterie.
Merlin, 1888 : Bonnet de nuit. Expression usitée dans le langage familier ordinaire, mais qui a évidemment pour lieu d’origine la caserne.
Casquer
Vidocq, 1837 : v. a. — Donner aveuglément dans tous les pièges.
Halbert, 1849 : Croire un mensonge.
Delvau, 1864 : Donner de l’argent à use femme galante quand on est miche, à un maquereau quand on est femme galante. Casquer, c’est tendre son casque ; tendre son casque, c’est tendre la main : la fille d’amour tend la main, et l’homme qui bande y met le salaire exigé pour avoir le droit d’y mettre sa queue.
En ai-je t’y reçu de l’argent des menesses !… Oui, elles ont casqué, et dru !…
(Lemercier de Neuville)
Larchey, 1865 : Donner dans un piège. — Mot à mot : tomber tête baissée dans un casque, c’est à dire dans une enveloppe assez épaisse pour ne rien apercevoir. — De là aussi casquer dans le sens de : donner de l’argent sans voir qu’il est escroqué. V. Cavé.
Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot des filles et des voleurs, qui, comme Bélisaire, vous tendent leur casque, avec prière — armée — de déposer votre offrande dedans.
Signifie aussi : donner aveuglément dans un piège, — de l’italien cascare, tomber, dit M. Francisque Michel.
Ce verbe a enfin une troisième signification, qui participe plus de la seconde que de la première, — celle qui est contenue dans cette phrase fréquemment employée par le peuple : J’ai casqué pour le roublard (je l’ai pris pour un malin).
Rigaud, 1881 : Donner de l’argent de mauvaise grâce. — Allusion au casque de Bélisaire dans lequel les âmes sensibles de l’époque déposaient leurs aumônes. — Celui à qui l’on tire une carotte « casque ».
C’est pas tout ça ! Casques-tu, oui ou non ?
(Vast-Ricouard, Le Tripot)
Boutmy, 1883 : v. intr. Payer plus souvent qu’à son tour : faire casquer un plâtre. Par extension, taquiner.
Merlin, 1888 : Abouler, payer pour les autres.
La Rue, 1894 : Payer. Donner dans un piège. Ne pas casquer, refuser.
Virmaître, 1894 : Payer (Argot des filles). V. Billancher.
Rossignol, 1901 : Payer, croire.
C’est une banne pâte, nous allons le faire casquer d’une tournée. — Il casque ; il croit ce que je lui ai dit.
Hayard, 1907 : Payer.
France, 1907 : Payer ; argot populaire.
Un député, occupant, par suite de circonstances spéciales, une très haute position et disposant, de par sa parenté, d’influences considérables, aurait dit ou fait dire à un aspirant au ruban rouge :
— Si vous voulez la décoration, intéressez-vous dans mes affaires pour une somme de…
L’homme aurait casqué, et… aurait été décoré.
(Le Mot d’Ordre)
— Les femmes, vous le savez, je les estime à leur juste valeur et faut vraiment être un vrai pante pour casquer avec elles… Vous savez aussi si je les aime, les pantes… Pourtant il y a des cas où un homme d’honneur est obligé de faire comme eux…
(Oscar Méténier)
Tranquilles, jouissons,
Mangeons, buvons, pissons,
Vivons sans masque,
Jusqu’à satiété,
Car qui, qui Casque ?
C’est la société !
(Jules Jouy)
Mort aux vaches ! Mort aux fripons !
Ceux qui chassent la bête humaine,
Faut-il donc que l’on se démène
Pour aller coucher sous les ponts !
L’œil au guet et l’oreille ouverte,
On se fout un peu des roussins,
On peut se faire des coussins
Avec des paquets d’herbe verte.
On dort mieux sous le bleu du ciel
Quand les megs ont l’âme romaine :
Pas casquer c’est l’essentiel,
La rue apparait large ouverte,
On rigole loin des roussins
Et les mômes ont des coussins
Pour leur tête sur l’herbe verte.
(Edmond Bourgeois)
anon., 1907 : Payer.
Casquette
Larchey, 1865 : Chapeau de femme. V. Chouette.
Delvau, 1866 : s. f. Chapeau de femme, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Ivre. Être casquette.
Un peu casquette,
Plus d’un buveur
Dehors rejette
La divine liqueur.
(L. Festeau, Un jour de fête à la barrière)
France, 1907 : Argent dépensé au café : du verbe casquer.
Casquette (être)
Delvau, 1866 : v. n. Être sur la pente d’une forte ivresse, avoir son casque.
France, 1907 : Être ivre.
T’en souviens-tu, j’avais une jaquette
Qui nous servait, en hiver, d’édredon ?
Dans ce temps-là, j’étais souvent casquette,
Et tu m’app’lais ton chéri, ton trognon.
Dans ce temps-là, t’avais, simple grisette,
Moins de velours sur un corps plus dodu…
(Léon Rossignol)
Se dit aussi de quelqu’un qui a les manières communes et brutales.
Casquette à pont, ou à trois ponts
France, 1907 : Souteneur de barrière, à cause de la haute casquette de soie noire dont se coiffaient ces messieurs et que beaucoup portent encore.
Casquette du Père Bugeaud
France, 1907 : Chanson militaire en Algérie, dont on a fait une marche au pas accéléré.
As-tu vu
La casquette,
La casquette !
As-tu vu
La casquette du père Bugeaud !
Casqueur
Fustier, 1889 : Argot des coulisses. Le public payant, par opposition aux billets de faveur et au service de presse.
France, 1907 : Payeur ; le public payant.
Cassant
Ansiaume, 1821 : Biscuit de mer.
Nous voilà parés à tortiller du cassant et de la mouyse aux gourgannes.
Halbert, 1849 : Noyer.
Delvau, 1866 : s. m. Noyer, arbre, — dans l’argot des voleurs ; biscuit de mer, — dans l’argot des matelots.
France, 1907 : Noyer ; argot des voleurs qui appellent aussi cassant le biscuit de mer.
Cassante
Vidocq, 1837 : s. — Noix, dent.
Larchey, 1865 : Noix, dent. (Vidocq). — Effet pris pour la cause. La noix se casse et la dent casse.
France, 1907 : Noix, noisette : dent.
Cassantes
anon., 1827 : Des noix.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Noix
Bras-de-Fer, 1829 : Noix.
Halbert, 1849 : Noix, noisettes.
Delvau, 1866 : s. f. pl. Les dents, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Dents.
Virmaître, 1894 : Les dents (Argot du peuple). V. Dominos.
Casse
d’Hautel, 1808 : Donner de la casse. Supplanter quelqu’un ; le déposséder de son emploi ; signifie aussi parmi les soldats l’action de licencier un régiment ou un corps.
Delvau, 1866 : s. f. Ce que l’on casse. Argot des garçons de café.
Boutmy, 1883 : s. f. Ensemble des deux compartiments qui contiennent les diverses sortes de lettres. La casse se divise en deux parties : le bas de casse et le haut de casse ; la première renferme les lettres minuscules, les cadrats, les cadratins, les signes de ponctuation, etc. ; la seconde, les majuscules, les petites capitales, les lettres accentuées et diverses autres sortes moins usitées que celles du bas de casse. Au figuré, Fond de casse, reste d’une barbe de la veille.
France, 1907 : Ce que les garçons ou servantes de cafés, d’hôtels ou de restaurants sont supposés casser et pour laquelle le patron s’empare d’une partie des pourboires. « Dans beaucoup de villes, dit A. Luchet, le maître d’hôtel marié prend des pourboires, une part pour sa femme, une part pour ses enfants, une part pour la casse. » On appelle aussi casse les rognures et débris de pâtisserie vendus à bas prix aux pauvres gens.
C’est aussi, en bas langage rémois, un poêlon de cuivre pour boire.
Casse (la)
Rigaud, 1881 : Porcelaines ou cristaux cassés par maladresse dans un café ou dans un restaurant. Dans la plupart de ces établissements, les garçons sont responsables de la casse. Dans d’autres, elle est l’objet d’un forfait. On retient tant par mois à chacun des garçons pour la couvrir.
Cassé la patte a coco (n’avoir pas)
France, 1907 : Se dit d’un homme épais et inintelligent, dans le même sens que : n’avoir pas inventé la poudre.
Cassé la patte à Coco (ne pas avoir)
Rigaud, 1881 : Ne pas être malin, — dans le jargon des soldats de cavalerie. — Coco est pris dans le sens de cheval. Pour exprimer la même idée, on dit dans le civil : N’avoir pas inventé le fil à couper le beurre.
Casse-cœur
France, 1907 : Homme à bonnes fortunes : ce que les Anglais appellent lady killer, tueur de dames.
Qu’est au juste Max de Simiers ? Un cœur tendre ou un casse-cœur ? Un vieux polisson sentimental où un brave homme ?
(Léon-Bernard Derosne)
Casse-cou
d’Hautel, 1808 : On appelle ainsi un escalier roide et étroit, un lieu obscur, où l’on risque de tomber à chaque pas que l’on fait.
On donne aussi ce nom dans les manèges aux gens employés à monter les chevaux jeunes et vicieux.
Casse-cou ! Cri d’avertissement au jeu de colin-maillard, lorsque la personne qui a les yeux bandés est sur le point de se heurter contre un corps quelconque.
Delvau, 1866 : s. m. Homme hardi jusqu’à l’audace, audacieux jusqu’à l’imprudence, jusqu’à la folie. Argot du peuple.
France, 1907 : Homme téméraire qui se jette sans réfléchir dans les aventures les plus périlleuses.
Casse-cul
d’Hautel, 1808 : Il s’est donné un casse-cul sur la glace. Se dit de quelqu’un qui a fait une chute sur le derrière.
Delvau, 1866 : s. m. Chute qu’on fait en glissant. Argot du peuple. Les enfants jouent souvent au casse-cul.
France, 1907 : Chute sur le derrière.
Casse-gueule
d’Hautel, 1808 : Pour dispute, batterie ; lieu obscur et dangereux.
Larchey, 1865 : Bal public de dernier ordre, où on se bat souvent.
Veux-tu v’nir aux Porcherons, Ou j’irons au cass’gueule à la basse Courtille.
(Duverny, Chanson, 1813)
Delvau, 1866 : s. m. Bal de barrière, — dans l’argot des faubouriens qui s’y battent fréquemment.
Rigaud, 1881 : Bal public fréquenté par des gentilshommes du ruisseau qui, à la moindre contestation, ponctuent le visage de leurs contradicteurs.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie tout à fait inférieure.
Elle regarda ce que buvaient les hommes, du casse-gueule, qui luisait pareil à de l’or dans les verres.
(É. Zola)
On dit aussi casse-poitrine.
La Rue, 1894 : Mauvaise eau-de-vie. Bal public du dernier ordre.
France, 1907 : Eau-de-vie. Bal de bas étage où le temps se partage entre les coups de poing et les entrechats.
Casse-museau
Delvau, 1866 : s. m. Coup de poing, — dans le même argot [des faubouriens]. C’est le nom d’une sorte de pâtisserie dans l’ouest de la France. Rabelais dit casse-musel.
France, 1907 : Coup de poing.
Casse-noisette
Delvau, 1864 : Habile contraction du sphincter du vagin qui retient prisonnier le membre viril qui s’est engagé, la tête la première, dans ces mystérieuses Thermopyles, et le force ainsi à combattre vaillamment — et à jouir.
L’art du casse-noisette remonte à la plus haute antiquité ; quelques femmes modernes le pratiquent encore avec succès, avec moins de succès cependant que les Chinoises, qui sont conformées de façon à faire gaudiller le Chinois le plus écourté du Céleste Empire.
(A. François)
Je possède l’art du casse-noisette,
Qui ferait jouir un nœud de granit.
(Anonyme)
Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque, où le nez et le menton sont sur le point d’accomplir le mariage projeté depuis leur naissance.
France, 1907 : Tête de vieux on de vieille dont le nez et le menton semblent vouloir se toucher.
Casse-poitrine
Larchey, 1865 : « Cette boutique est meublée de deux comptoirs en étain où se débitent du vin, de l’eau-de-vie et toute cette innombrable famille d’abrutissants que le peuple a nommés, dans son énergique langage, du Casse-Poitrine. »
(Privat d’Anglemont)
Ces demoiselles n’ont plus la faculté de se faire régaler du petit coup d’étrier, consistant en casse-poitrine, vespetro, camphre et autres ingrédients.
(Pétition des filles publiques de Paris, Paris, 1830, in-8)
Delvau, 1866 : s. m. pl. Individus voués aux vices abjects, qui manustupro dediti sunt, dit, le docteur Tardieu.
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie poivrée, — dans l’argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Mauvaise eau-de-vie. En effet, elle casse rudement la poitrine de ceux qui en boivent (Argot du peuple). V. Eau d’aff.
France, 1907 : Eau-de-vie. On appelle aussi de ce nom ceux voués à l’amour grec, ou socratique.
« Qui manustupro dediti sunt, casse-poitrine appellantur, » dit le docteur A. Tardieu.
J’ai pu juger par moi-même, dans trop de circonstances, de l’aspect misérable, de la constitution appauvrie et de la pâleur maladive des prostitués pédérastes : j’ai trop bien reconnu la justesse sinistre de cette expression de casse-poitrine réservée à quelques-uns d’entre eux, pour méconnaître que cet abus de jouissances honteuses mine et détruit la santé…
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Casse-poitrine, camphre
La Rue, 1894 : Mauvaise eau-de-vie.
Casse-tête
d’Hautel, 1808 : Enfant vif et turbulent ; bruit incommode ; vin qui porte à la tête ; et générale ment tout ce qui demande une grande contension d’esprit.
Rigaud, 1881 : Vin très capiteux. Mot à mot : vin qui casse la tête.
Casse-vitre
France, 1907 : Diamant.
Casseau
Boutmy, 1883 : s. m. Espèce de casse dans laquelle on met des lettres de deux points, des fractions et autres signes. Les casseaux sont aussi des tiroirs munis de cassetins ; enfin, on donne encore le nom de casseau à chacune des deux parties de la casse.
Cassement
France, 1907 : Acte d’entrer dans une maison par effraction.
…Il était arrangé entre nous qu’on barbotterait chez le baron ce qui pourrait s’emporter… mais non pas qu’on tuerait… du pégrage, j’en suis tant qu’on voudra, du cassement ça va encore, mais du buttage (assassinat), jamais de la vie !
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
France, 1907 : Genre de punition en usage dans certains établissements religieux et qui consiste en une diète qui se dose suivant la gravité de la faute commise. L’enfant puni reste cinq, six, huit jours sans recevoir autre chose à manger que du pain sec et de l’eau.
Ça lui casse, en effet, bras et jambes, sans compter l’estomac.
Casser
d’Hautel, 1808 : Se casser le ventre. Terme badin et militaire ; se passer de dîner, ou de manger aux heures accoutumées.
Casser les vitres. Signifie ne plus garder de mesures dans une affaire ; en venir aux gros mots, aux termes injurieux.
Je t’en casse, Minette. Manière badine et plaisante de parler, qui signifie, ce n’est pas pour toi ; tu n’auras rien de ce que tu demandes.
Il est cassé aux gages. Pour, il est tombé en défaveur en disgrace. Se dit aussi d’un domestique que l’on a congédié.
Se casser le cou ou le nez. Se blouser dans des spéculations, dans une affaire ; faire un faux calcul.
Qui casse les verres les paye. Vieille maxime, fort peu mise à exécution ; car la plupart du temps ceux qui cassent les verres ne sont pas ceux qui les payent.
Elle a cassé ses œufs. Manière basse et triviale de dire qu’une femme a fait une fausse couche.
Vidocq, 1837 : v. a. — Couper.
un détenu, 1846 : Rompre. Casser sa canne : rompre son ban. Casser sur quelqu’un : révéler.
Delvau, 1866 : v. a. Couper, — dans l’argot des voyous.
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Chiffonner un sac de bonbons en le préparant, — dans le jargon des confiseurs.
Rigaud, 1881 : Dire du mal, par abréviation de casser du sucre.
Rigaud, 1881 : Frapper, battre. — Je te vas casser. — Casser la gueule, casser la margoulette, casser la figure.
Rigaud, 1881 : Manger. Le mot date du XVIIIe siècle. On dit, dans le langage courant : « Casser une croûte », pour manger un morceau. — Casser le cou à un lapin, manger un lapin.
La Rue, 1894 : Mourir. Dénoncer. Manger. Se la casser, se sauver.
Rossignol, 1901 : Dire, avouer. Un détenu qui a fait des aveux a cassé. Dire une chose est casser.
Il me l’a dit, il me l’a cassé.
France, 1907 : Le verbe a de nombreuses significations : manger, dénoncer, avouer, couper, mourir.
— Voyons, Nib, pas tant de magnes !… On vous dit qu’on n’est pas des assassins… si vous faites du mal à la petite môme…. tant pis pour vous, nous casserons…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Casser (à tout)
Fustier, 1889 : Considérable, fantastique, inouï.
Le public voit la quatrième page de son journal occupée par la réclame à tout casser du grand bazar.
(Giffard, Les grands bazars)
France, 1907 : Superlatif exprimant une exagération dans les plaisirs, les dépenses, le scandale. Noce à tout casser ; potin à tout casser ; branle-bas à tout casser.
Rasetamouche, ayant surpris sa volage moitié en flagrant délit, lui fait une scène à tout casser.
Madame se jette aux pieds de son mari et, fondant en larmes :
— Pardonne-moi, mon ami, je t’en supp’ie… Pour une fois que ça m’arrive !
Casser (se la)
Larchey, 1865 : S’enfuir.
Vous vous esbignez. Ils se la cassent.
(A. Second)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller de quelque part ; s’enfuir.
Rigaud, 1881 : Quitter un endroit où l’on s’ennuie. — À tout casser, énorme, prodigieux, auquel rien ne résiste. — Un succès à tout casser. Ne s’emploie guère qu’en parlant d’un succès, par allusion à ceux de théâtre, où le public manifeste son enthousiasme en frappant à coups de talons de bottes, à coups de petits bancs, au risque de tout casser.
Casser des cailloux
Rossignol, 1901 : Le militaire envoyé à la discipline est envoyé casser des cailloux.
Casser des emblèmes
La Rue, 1894 : Conter des mensonges.
Casser du bec
Larchey, 1865 : Sentir mauvais. — Casser a ici le sens de couper, ce qui donne mot à mot : couper de son bec… celui des autres. V. Couper la gueule.
Delvau, 1866 : v. n. Avoir une haleine infecte, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Avoir une mauvaise haleine,
Casser du grain
Delvau, 1866 : v. a. Ne rien faire de ce qui vous est demandé. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Désobéir, — dans le jargon des voleurs.
Casser du sucre
Delvau, 1866 : v. a. Faire des cancans, — dans l’argot des cabotins.
Rigaud, 1881 : Dire du mal. — Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice.
La Rue, 1894 : Médire de quelqu’un. Dénoncer.
Virmaître, 1894 : Dénoncer. Casser du sucre sur quelqu’un : en dire du mal (Argot des voleurs). V. Mouton.
Rossignol, 1901 : Dire du mal de quelqu’un.
Il a cassé du sucre sur mon orgue au patron.
Hayard, 1907 : Dénoncer.
France, 1907 : Avouer un crime. Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice. Casser du sucre sur la tête de quelqu’un, médire de lui en son absence.
Dans l’une de ces brasseries, j’ai entendu chuchoter l’histoire suivante, par un bon petit camarade, sur un autre membre de la société d’admiration mutuelle qui se pique d’être un fort latiniste ; du reste, le conteur est surnommé la machine à casser du sucre.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Casser la croustille
France, 1907 : Manger. Casser le cou à un chat, manger une gibelotte.
Casser la ficelle
Rigaud, 1881 : S’évader. (L. Larchey) Se sauver des mains des agents.
Casser la gueule à son porteur d’eau
Delvau, 1866 : v. a. Avoir ses menses, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Avoir ses menstrues, dans le jargon des voyous. (A. Delvau)
La Rue, 1894 : Menses. Époques de la femme.
France, 1907 : Avoir ses menstrues.
Casser la hane
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Couper la bourse.
Delvau, 1866 : v. a. Couper la bourse, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Couper la bourse (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voler une bourse.
Casser la marmite
Delvau, 1866 : v. a. Se ruiner ; s’enlever, par une folie, tout moyen d’existence. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Être ruiné, avoir fait de mauvaises affaires, — dans le jargon des souteneurs pour qui les femmes sont des marmites.
France, 1907 : S’enlever, par une folie ou un coup de tête, ses moyens d’existence.
Casser la pièce
Rigaud, 1881 : Entamer, changer une pièce d’argent ou d’or. Casser la roue de derrière, entamer la pièce de cent sous, dans le jargon des ouvriers.
Casser le cou
La Rue, 1894 : Manger. Frapper. Se casser le cou, la gueule, faire une chute dangereuse.
Casser le cou à un chat
Delvau, 1866 : v. a. Manger une gibelotte, — dans l’argot du peuple.
Casser le cou à une négresse
Delvau, 1866 : v. a. Vider une bouteille.
Casser le cou ou la gueule à une négresse
France, 1907 : Loire une bouteille de vin. On dit aussi dans le même sens : casser la gueule à un enfant de chœur, à cause de la calotte rouge.
Casser le goulot à une bouteille
Rigaud, 1881 : Vider une bouteille en un clin d’œil. — Lorsqu’ils sont pressés… de boire, et faute de tire-bouchon, les ivrognes cassent le goulot de la bouteille, c’est ce qu’ils appellent : « Guillotiner la négresse. »
Casser le lit
Delvau, 1864 : Baiser avec énergie, à tout casser, le sommier élastique et le cul de la femme — plus élastique encore.
Sur le lit que j’ai payé
Je ne sais ce qui se passe :
À peine l’ai-je essayé,
Que le bougre me le casse.
(Gustave Nadaud)
Casser le nez (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Avoir une déception plus ou moins amère, depuis celle qu’on éprouve à trouver fermée une porte qu’on s’attendait à trouver ouverte, jusqu’à celle qu’on ressent à voir un amant chez une femme qu’on avait le droit de croire seule.
Rigaud, 1881 : Ne trouver personne, trouver porte close.
France, 1907 : Éprouver une déception.
Casser le sucre à la rousse
Delvau, 1866 : Dénoncer un camarade ou plutôt un complice. Argot des voleurs.
Casser les assiettes
France, 1907 : Prendre le pucelage d’une fille.
Casser les gueules
France, 1907 : Tuer.
Un capitaine, qui était parvenu à l’âge où l’on va prendre sa retraite, et qui regardait avec mélancolie son dolman vierge du ruban rouge, me disait, au début du conflit franco-dahoméen : « Ah ! gouverneur, vous ne faites pas casser assez de gueules. » Je tiens à citer la phrase dans son intégrité.
(Jean Bayol)
Casser les os de la tête
Rigaud, 1881 : Embrasser avec effusion, — dans le jargon du peuple.
Casser les reins au roi
France, 1907 : Terme de tripot signifiant : faire changer les cartes lorsqu’on s’aperçoit que les rois sont légèrement ployés en long de façon à être reconnus par le grec qui donne.
Casser les vitres
France, 1907 : Faire une esclandre, ne rien ménager.
— Il y a une justice que je puis me rendre, que tout le monde doit me rendre : je n’ai jamais cassé les vitres, jamais affiché l’administration… jamais tombé dans la cocotterie…
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Casser sa bouteille
Fustier, 1889 : Expression populaire datant de l’année 1885 ; c’est vouloir se donner de l’importance, se gonfler, se faire aussi gros que le bœuf… et n’y point réussir.
Casser sa cane
Rigaud, 1881 : Dormir. Quand elle dort, le cou reployé sous l’aile, la cane paraît être cassée en deux.
Casser sa canne
Casser sa canne, sa trique
La Rue, 1894 : Rompre son ban. Dormir.
Casser sa chaîne
Rigaud, 1881 : Devancer l’heure de sortie de l’atelier.
Casser sa cruche
Delvau, 1866 : v. a. Perdre le droit de porter le bouquet de fleurs d’oranger, — dans l’argot du peuple, qui interprète à sa manière le tableau de Greuze.
Casser sa ficelle
Delvau, 1866 : v. a. S’évader du bagne ou d’une maison centrale, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : S’évader de la prison. Allusion au hanneton qui s’évade quand le fil qu’il a à la patte se brise (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : S’échapper de prison. Se la casser, s’en aller.
Casser sa pipe
Delvau, 1866 : v. a. Mourir, dans l’argot des faubouriens et des rapins.
Boutmy, 1883 : v. Mourir. Cette expression est passée dans le langage du peuple parisien.
La Rue, 1894 : Mourir.
Virmaître, 1894 : Mourir. On donne pour origine à cette expression qu’un fumeur, attablé dans un cabaret, mourut subitement. Sa pipe lui tomba des lèvres et se cassa. Quand on le releva, un des assistants s’écria :
— Tiens il a cassé sa pipe (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Mourir.
France, 1907 : Mourir.
Mais voilà que le vieux a cassé sa pipe, lui aussi. Ce matin on l’a cloué entre six planches et on l’a placé sur le char funèbre pour le voiturer au lieu du repos. Les petits ont beaucoup pleuré en voyant leur grand-père ne plus leur sourire, et en le sentant froid comme la glace. Ils ont crié, la frimousse rougie et ruisselante de larmes : « Grand-père, réveille-toi donc ! Grand-père, réveille-toi donc ! »
(Jacques d’Aurélle)
Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine,
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amers tristesse,
Et de dechaîner tant d’huissiers ! »
(A. Glatigny)
L’argot populaire est riche en expressions de ce genre, tant il parait plaisant de mêler le grotesque au lugubre : on dit : casser son câble, sa canne, son crachoir, son fouet.
Bob, sur les genoux de grand-père, joue avec la montre du vieillard. Il en écoute le mouvement, s’extasie sur la richesse de la boîte.
— Quand je serai mort, elle sera pour toi, dit le grand-père.
Quelques jours après, Bob s’amuse de nouveau avec le chronomètre. Puis, soudain :
— Dis donc, grand-papa, est-ce que tu ne vas pas bientôt casser ton crachoir ?
Casser son câble
Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté l’expression à Commerson. C’est une allusion à la rupture du câble transatlantique.
Casser son lacet
Fustier, 1889 : Abandonner sa maîtresse, rompre toutes relations avec elle.
Alors, c’est dit, nous cassons notre lacet ?
(Huysmans, les Sœurs Vatard)
France, 1907 : Rompre avec sa maîtresse.
Casser son œuf
La Rue, 1894 / France, 1907 : Faire une fausse couche.
Casser son pif
France, 1907 : Dormir.
Casser son sabot
Delvau, 1866 : v. a. Perdre le droit de porter un bouquet de fleur d’oranger, — dans l’argot du peuple.
La Rue, 1894 : Perdre sa virginité.
Casser son sabot, sa cruche
France, 1907 : Perdre sa virginité.
Conservez bien votre chaussure,
Fille sans finesse et sans art ;
Pour vous ôter cette parure,
Souvent on vous guette à l’écart.
Le coin d’un bois, l’herbe nouvelle,
Un mouvement, le moindre mot,
Un rien fait broncher une belle,
Un rien lui casse son sabot.
(Pigault-Lebrun, Les Sabotiers)
Casser son verre de montre
Virmaître, 1894 : Tomber sur le derrière (Argot du peuple). V. Tomber pile.
France, 1907 : Tomber sur son derrière.
Casser sur
Rigaud, 1881 : Dénoncer.
Casser un œuf
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.
Je ne vous ferai point de mal, je veux casser un œuf, qui est près de durcir dans votre ventre.
(Moyen de parvenir)
Casser une canne
Rigaud, 1881 : Se sauver, dans le jargon des voleurs.
Casser une croûte
Delvau, 1866 : v. a. Manger légèrement en attendant un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.
Casser une forte ou une lourde
France, 1907 : Voler avec effraction.
Casser une loirde
Virmaître, 1894 : Briser une porte (Argot des voleurs).
Casser une porte
La Rue, 1894 : Voler avec effraction.
Casser une roue de derrière
France, 1907 : Entamer une pièce de cinq francs.
Casserolage
Rigaud, 1881 : Accusation nouvelle, — dans l’ancien argot des voleurs. — Dénonciation, — dans l’argot moderne.
France, 1907 : Dénonciation.
Casserole
d’Hautel, 1808 : Récurer la casserole. Pour dire se purger après une maladie.
Larchey, 1865 : Personne dénonçant à la police. Il est à noter que le dénonciateur s’appelle aussi cuisinier.
Delvau, 1866 : s. f. L’hôpital du Midi, — dans l’argot des faubouriens. Passer à la casserolle. Se faire soigner par le docteur Ricord : être soumis à un traitement dépuratif énergique.
Delvau, 1866 : s. f. Mouchard, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Étudiant de dixième année, qui n’a jamais étudié que l’absinthe et la pipe, qui a pris ses inscriptions dans tous les caboulots, qui a soutenu des thèses d’amour avec toutes les filles du quartier latin, — dans le jargon des étudiantes de 1860.
Rigaud, 1881 : Tout dénonciateur auprès de la police, homme ou femme, est une « casserole », — dans le jargon des voleurs qui prononcent de préférence caste-rôle. — C’est également le nom donné aux agents de police. Passer à casserole, se voir dénoncer.
Fustier, 1889 : Prostituée.
La casserole en argent est celle qui constitue à son amant de cœur un revenu quotidien de vingt à cinquante francs.
(Réveil, juin 1882)
La Rue, 1894 : Dénonciateur. Agent de police. L’hôpital du Midi. Prostituée.
Rossignol, 1901 : Indicateur de la police. Tout individu qui donne des indications à la police pour faire arrêter un voleur est une casserole. Dans le public, il y a une fausse légende qui dit que les marchands de vin ou de quatre saisons sont de la police et touchent deux francs par jour. Cela n’est pas ; aucune casserole n’est attachée officiellement à la police, elle est payée par l’agent (sur le visa de son chef) à qui elle a donne une indication ayant amené l’arrestation d’un voleur ; la somme varie selon l’importance de l’affaire indiquée, généralement de cinq à dix francs (plutôt cinq francs par tête). La préfecture de police n’a absolument aucun rapport avec les casseroles qui sont en général des repris de justice. La casserole des brigades politiques est certainement plus canaille que les précédentes, parce que cette casserole est souvent un ami que vous recevez à votre table et qui vous trahit ; aussi est-il appointé suivant l’importance des services qu’il peut rendre et mieux que les agents officiels ; il n’est connu que du chef de brigade avec qui il correspond et son nom est un numéro. Il touche au mois ou à la semaine sur les fonds secrets alloués ; il y en a partout, dans les salons, les ateliers et même la presse ; leurs services ne valent certes pas la dépense.
Hayard, 1907 : Mouchard.
France, 1907 : L’hôpital du Midi, à Paris : spécialement destiné aux vénériens, que l’on passe à la casserole. Passer à la casserole, c’est subir un traitement sudorifique très énergique, qu’on appelait autrefois : passer sur les réchauds de Saint-Côme.
France, 1907 : Mouchard. Se dit aussi pour prostituée. Coup de casserole, dénonciation. Oscar Méténier est l’auteur d’un drame joué en 1889, sur le Théâtre-Libre, intitulé : La Casserole. C’est aussi le nom que les escarpes donnent à une femme qui dénonce ses amants à la police.
Soudain, du tas des dormeurs, sort une brunette adorable, dix-sept ans à peine. — Voilà le type de la Casserole ! s’écrie Méténier. Approche, petite. La fille approche et se laisse retourner de tous les côtés…
(Lucien Puech)
France, 1907 : Poids creux dont se servent certains hercules forains ou ambulants.
Pauvres avaleurs de sabre, combien est ingrate leur profession ! Elle est une de celles qu’on prend le moins au sérieux et cependant elle est peut-être la seule qui ne permette pas le truquage. Le lutteur s’entend avec son adversaire qui lui prête ses épaules, le faiseur de poids travaille avec des poids creux que, dans sa langue spéciale, il appelle des poids moches, des casseroles. À l’avaleur de sabre, contrairement à l’opinion commune, toute supercherie est interdite. Le sabre à lame articulée n’existe que dans l’imagination des spectateurs, Tous ceux qu’il emploie sont d’une authenticité absolue, et il en est sûrement plus d’un parmi eux qui, avant de pénétrer dans un gosier d’une façon si inoffensive, a traversé la poitrine d’un soldat ennemi.
(Thomas Grimm, Le Petit Journal)
Casserole (la remuer)
Virmaître, 1894 : Dénoncer. Mot à mot : cuisiner (faire parler). Allusion au cuisinier qui remue la casserole (Argot des voleurs).
Casserole (passer à la)
Rigaud, 1881 : Traiter par des sudorifiques les blessures de l’amour.
Casseroles
Halbert, 1849 : Mouchard.
France, 1907 : Étalage de croix ou de médailles.
Casserolles
La Rue, 1894 : Étalage de décorations. On dit aussi ferblanterie et batterie de cuisine.
Cassés (des)
Rigaud, 1881 : Débris de marrons glacés, débris de pâtisserie. Les gamins font une grande consommation de cassés.
Cassetin
Boutmy, 1883 : s. m. Subdivision de la casse, petit compartiment dans lequel on met chaque sorte de lettres ou signes typographiques.
Casseur
d’Hautel, 1808 : Un casseur. Terme injurieux et de mépris qui équivaut à tapageur, crâne, mauvais sujet, hâbleur, fanfaron.
Larchey, 1865 : Tapageur, prêt à tout casser.
La manière oblique dont ils se coiffent leur donne un air casseur.
(R. de la Barre)
Delvau, 1866 : s. m. Fanfaron, qui a l’air de vouloir tout casser, — dans l’argot du peuple. Mettre son chapeau en casseur. Sur le coin de l’oreille, d’un air de défi.
La Rue, 1894 : Tapageur. Dénonciateur.
France, 1907 : Dénonciateur.
France, 1907 : Tapageur. Se coiffer en casseur, mettre son chapeau sur l’oreille à la façon des anciens fiers-à-bras. Le type est un peu passé, on s’est aperçu que tous ces casseurs n’étaient au fond que des casseurs d’assiettes et des enfonceurs de portes ouvertes. On disait autrefois casseur d’acier.
Casseur de portes
Halbert, 1849 : Voleur avec effraction.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur avec effraction, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Voleur avec effraction. Ils marchent ordinairement par bandes de trois, se glissent dans les maisons, s’assurent qu’il n’y a personne dans on logis, et, tandis que l’un d’eux fait le guet, les deux autres forcent la porte.
Casseur de sucre à quatre sous
France, 1907 : Pionnier des compagnies de discipline qu’on employait autrefois et qu’on emploie encore aujourd’hui à l’empierrement des routes en Algérie. Les pierres qu’ils cassent leur sont payées quatre sous le mètre cube.
Cassico
France, 1907 : Mêlé-cassis, c’est-à-dire cassis et cognac.
Cassin
La Rue, 1894 : Petite maison, petite boutique.
Cassin, cassine
Rigaud, 1881 : Boutique, magasin de dernier ordre. — Terme de mépris pour désigner un établissement quelconque. — Dérivés du vieux mot français case.
Finablement les mena banqueter dans une cassine hors la porte.
(Rabelais, l. IV)
France, 1907 : Maison ou boutique de chétive apparence, logement triste et misérable : de casa, case.
Il était grand comme une grande cour de ferme, une réunion de dix ou douze maisons basses, d’écuries où meuglaient des vaches, d’étables où grognaient des porcs. Toutes les cassines se ressemblaient, celles où entraient les porcs, où entraient les vaches, où entraient les gens. Même hauteur de murs, mêmes portes basses, mêmes toits tombants.
(Gustave Geffroy)
Cassine
d’Hautel, 1808 : Ce mot signifioit autrefois une petite maison de campagne ; maintenant il n’est plus d’usage que parmi le peuple qui l’emploie par dérision pour dire un logement triste et misérable, un trou, une maison où l’on n’a pas toutes ses aises.
Delvau, 1866 : s. f. Maison où le service est sévère, — dans l’argot des domestiques paresseux ; atelier où le travail est rude, — dans l’argot des ouvriers gouapeurs.
Rigaud, 1881 : Salle d’étude, quartier, — dans le jargon du collège. (Albanès)
France, 1907 : Nom que donne la cuisinière où la bonne d’enfant à l’appartement de ses bourgeois.
— C’est vrai que j’suis à la cuisine
Et c’est chez des bourgeois cossus ;
Ils sont absents de la cassine
Pour un jour et peut-être plus !
— Ah ! vous seriez fièr’ment aimable
De fêter le p’tit Cupidon !
Que je dis d’un air très aimable
Pour amorcer ma gross’ Dondon !
(Le Petit Pioupiou)
Cassine (une)
Larchey, 1865 : « Ce mot signifiait autrefois une petite maison de campagne ; maintenant, il n’est plus d’usage que pour dire un logement triste et misérable. » — d’Hautel, 1808. — Diminutif de Case.
Cassolette
d’Hautel, 1808 : On donne figurément, et par plaisanterie, ce nom aux boîtes des gadouards, lorsqu’ils viennent de vider quelques fosses.
Delvau, 1866 : s. f. Bouche, — dans l’argot des faubouriens. Plomber de la cassolette. Fetidum halitum emittere.
Delvau, 1866 : s. f. La matula de Plaute, et le « Pot qu’en chambre on demande » de Lancelot, — dans l’argot du peuple, qui va chercher ses phrases dans un autre Jardin que celui des Racines grecques. Se dit aussi du Tombereau des boueux, quand il est plein d’immondices et qu’il s’en va vers les champs voisins de Paris fumer les violettes et les fraises.
France, 1907 : Bouche. Plomber de la cassolette, avoir mauvaise haleine. Se dit aussi pour pot le chambre et tombereau d’ordures.
Cassolette (ouvrir la)
Rigaud, 1881 : Parler avec la contre-partie de la bouche.
Cassure (jouer une)
France, 1907 : Remplir un rôle de vieillard ; argot des théâtres. Se dit aussi dans le même argot pour un débit de rôle accentué.
Castagnettes (cours de)
France, 1907 : Coups de poings.
Castapiane
France, 1907 : Blennorrhée. Ce que nos pères appelaient le mal Saint-Antoine, sans doute à cause du cochon, fidèle compagnon de ce saint.
— Paye-moi, où je gueule !
— Si tu gueules, j’envoie chercher un agent, et Saint-Lazare est au bout de ta promenade.
— Je suis contente tout de même.
— De quoi ?
— De t’avoir f… la castapiane, mufle !
(Dubut de Laforest, La Femme d’affaires)
Castapianne
Fustier, 1889 : Blennorrhée. Argot militaire.
Caste de charrue
Halbert, 1849 : Un quart d’écu.
Delvau, 1866 : s. m. Quart d’un écu, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Le quart d’une pièce de cinq francs.
Castelet
France, 1907 : Baraque de Polichinelle ou de Guignol ; du vieux français castel, château, dont il est le diminutif.
Castelier
France, 1907 : Impresario des baraques de Polichinelle.
Castille
Delvau, 1866 : s. f. Petite querelle, — dans l’argot des bourgeois, qui cependant n’ont pas lu l’Histoire de Francion. Chercher castille. Faire des reproches injustes ou exagérés.
Castion
Halbert, 1849 : Chapon.
Castor
Larchey, 1865 : Officier de marine qui évite les embarquements. — Le castor bâtit volontiers sur le rivage.
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau d’homme ou de femme, en feutre ou en soie, en tulle ou en paille, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie pas cette expression précisément en bonne part.
France, 1907 : Nom donné vers 1820 aux filles qui fréquentaient les galeries du Palais-Royal. Il y avait, suivant le prix que se cotaient ces dames, les demi-castors et les castors fins.
Vous savez que Paris, comme toutes les grandes villes, renferme un nombre considérable de malheureuses demandant au vice leurs moyens d’existence… je laisse de côté les hautes notoriétés du turf de la galanterie et leurs émules qu’on nomme, dans le langage imagé du boulevard, les « demi-castors »… Nous avons pour ces personnalités attrayantes, j’en contiens, du Paris élégant, des indulgences spéciales…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
France, 1907 : Officier de terre ou de mer qui s’embusque dans un poste pour en bouger le moins possible.
Il faut une longue série de mauvaises fortunes et de vexations intérieures pour que l’officier de marine prenne tout à fait la navigation en horreur et mette son habileté à se ranger dans la classe des castors. L’on qualifie ainsi plaisamment celui qui, une fois parvenu à saisir un poste sédentaire, s’y cramponne de toutes ses forces et renonce pour jamais à l’Océan…
(G. de la Landelle, Les Gens de mer)
Castorin
France, 1907 : Chapelier
Castoriser
France, 1907 : Se marier, s’endormir dans les délices d’une bonne garnison ou dans une sinécure d’un port maritime.
Quelle est l’origine de cette expression ? serait-ce un goût prononcé pour la truelle assez commun à l’officier de cette classe, où doit-on plutôt la considérer comme une antiphrase, puisque le marin qui castorise cesse d’appartenir au genre amphibie ? Quelques penseurs assurent y trouver une allusion au mariage, qui, d’après eux, a des rapports essentiels avec les établissements des industrieux architectes du lac Ontario… Les liens conjugaux trainent mollement l’officier sur une pente douce au bas de laquelle il embrasse la profession de navigateur in partibus.
(G. de la Landelle, Les Gens de mer)
Castoriser (se)
Fustier, 1889 : Argot des officiers de marine. Ne pas embarquer ; rester sur le plancher des vaches, pourvu d’un poste soit au ministère, soit autre part.
Castrat
Delvau, 1864 : Se dit, non pas seulement des hommes qui ont perdu leurs testicules naturellement, mais encore de ceux qui ne bandent plus à force d’avoir bandé dans le cours de leur vie.
Dans tan théâtre, où règnent les castrats.
(Joachim Duflot)
Es-tu pédéraste ou castrat, voyons ?
Un pareil état m’excite et m’offense :
Descends de mon lit, ou bien rouscaillons.
(Anonyme)
Castroz
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Chapon.
Halbert, 1849 : Chapon du Mans.
Delvau, 1866 : s. m. Chapon, — dans l’argot des voyous. Ils disent aussi Castion.
France, 1907 : Chapon, pour castrat.
Castu
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Hôpital.
Delvau, 1866 : s. m. Hôpital, — dans l’argot des voleurs, qui savent mieux que personne que les premiers établissements hospitaliers en France, notamment l’hôpital général à Paris, ont été de véritables forteresses, castelli.
Rigaud, 1881 : Hôpital, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Hôpital. Cachot.
Virmaître, 1894 : Infirmerie, hôpital (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Hôpital.
France, 1907 : Hôpital : forme abrégée de castuc, prison. Barbaudier de castu, directeur d’hôpital. Conce ou cousse de castu, infirmier.
Le barbaudier du castu est-il francillon ? Se dit-il de la fourcandière ?
(Le Jargon de l’argot)
Castuc
Vidocq, 1837 : s. f. — Prison.
Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). — Corruption du vieux mot castel, château. — V. Ravignolé.
Delvau, 1866 : s. f. Prison, un autre hôpital, celui des vices, qui sont la maladie de l’âme.
France, 1907 : Prison ; du vieux mot castel, château fort. Comte de castuc, geôlier.
Castus
Vidocq, 1837 : s. m. — Hôpital. .
Larchey, 1865 : Hôpital. — Vient du même mot [Castel], à moins que ce ne soit un jeu de mots sur la grande phrase de l’hôpital : Qu’as-tu (que ressentez-vous ?). C’est ainsi qu’on appelle les douaniers qu’as-tu là.
Rigaud, 1881 : Cachot, — dans l’ancien argot.
Casuel
d’Hautel, 1808 : Cet adjectif, dans sa véritable acception, signifie fortuit, accidentel ; mais le peuple l’emploie continuellement dans le sens de fragile, et dit en parlant à quelqu’un qui porte des objets qui se cassent aisément : Prends-garde, ceci est casuel.
Virmaître, 1894 : Vente de hasard sur laquelle on ne comptait pas. Casuel : ce que les mariages, les baptêmes et les enterrements rapportent aux curés. Casuel : le miché que fait la fille en dehors de son entreteneur (Argot du peuple). N.
Cat
Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des enfants, qui parlent mieux le vieux français que les grandes personnes :
Lou cat a fain
Quant manjo pain,
dit un fabliau ancien.
Cataplasme
d’Hautel, 1808 : Un cataplasme de Venise. Pour dire, soufflet ; coup appliqué avec la main sur le visage.
Rigaud, 1881 : Capitaine de place, — dans le jargon du régiment. Le mot se renverse ; c’est ainsi qu’on dit : Le cataplasme m’a donné deux jours de planche. Et : Le major m’a fait coller deux capitaines de place au ventre.
Rigaud, 1881 : Soupe très épaisse. — Homme lourd, épais au moral. — Cataplasme de Venise, soufflet.
France, 1907 : Paquet de cartes préparé.
Cataplasme au gras
Delvau, 1866 : s. m. Épinards, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Épinards. Cataplasme de Venise, coup.
Cataplasme de Venise
Delvau, 1866 : s. m. Soufflet, coup sur le visage, — dans l’argot du peuple.
Cataplasmier
France, 1907 : Infirmier.
Catapultueux
France, 1907 : Beau, merveilleux. Une femme catapultueuse, une femme superbe. Un chapeau catapultueux, un chapeau à effet.
Catau, catin
La Rue, 1894 : Prostituée.
Catau, ou cathos, ou catin
Delvau, 1864 : Fille ou femme légère — comme chausson. Nom de femme qui est devenu celui de toutes les femmes — galantes.
Je vous chanterai, dans mes hexamètres,
Superbe catin dont je suis l’amant.
(Parnasse satyrique)
Une catin, sans frapper à la porte,
Des cordeliers jusqu’à la cour entra.
(Marot)
Parmi les cataux du bon ton,
Plus d’une, de haute lignée,
À force d’être patinée
Est flasque comme du coton.
(Émile Debraux)
Retiens cette leçon, Philippine : quelque catin que soit une femme, il faut qu’elle sache se faire respecter, jusqu’à ce qu’il lui plaise de lever sa jupe. — Je pense de même…
(Andréa de Nerciat)
… En tout, tant que vous êtes
Non, vous ne valez pas, ô mes femmes honnêtes,
Un amour de catin.
(Alfred de Musset)
Des catins du grand monde
J’ai tâté la vertu.
(Émile Debraux)
Cateau
d’Hautel, 1808 : Terme outrageant, qui équivaut à prostituée, fille de joie, gourgandine, femme qui mène une conduite libertine et crapuleuse.
Cathau
Delvau, 1866 : s. f. Fille qui n’a pas voulu coiffer sainte Catherine et s’est mariée avec le général Macadam.
France, 1907 : Fille de mauvaise vie : synonyme de catin, diminutif de Catherine.
Catherine (être)
France, 1907 : Être pubère, voir arriver ses menstrues.
— Pleure pas, Maria. On t’en achètera, un drapeau, comme à nous autres. Seulement, faut attendre encore un an ou deux, vois-tu… Tu seras Catherine à ton tour, va !…
On se calma : on se remit à chanter, Marin ne dit rien : mais, de ce jour, son esprit fut en travail, occupé de ces choses mystérieuses qui sont les secrets de l’amour, et auxquelles, jusqu’alors, elle n’avait point pris garde.
(Marcel Prévost)
De loin elle cria :
— Pierre !
Il leva la tête. Elle courut à lui, s’abattit sur sa poitrine, tout essoufflée. Et, comme il l’embrassait, elle lui jeta dans l’oreille le mot qui lui pesait :
— J’suis Catherine !
(Marcel Prévost)
Catholique
d’Hautel, 1808 : Elle n’est pas trop catholique. Se dit en plaisantant d’une chose dont la bonté, la valeur paroissent équivoques ; d’une pièce de monnoie quelconque peu marquée, et que l’on croit fausse.
Catholique à gros grains. Homme peu fidèle aux devoirs de la religion Chrétienne.
Catholique (n’être pas)
France, 1907 : Se dit de ce qui est supposé manquer de franchise, de ce qui est contraire à la loyauté, à la légalité même. User de moyens pas catholiques, se servir de supercheries, de fraudes.
Après avoir visité la maison où Napoléon est né, après s’être procuré par des moyens plus ou moins catholiques un peu du papier de la tenture, miss Lydia, deux jours après être débarquée en Corse, se sentit saisir d’une tristesse profonde…
(Prosper Mérimée, Colomba)
Catholique à gros grains
Delvau, 1866 : s. m. Catholique peu pratiquant, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Mauvais catholique dit penche vers l’hérésie, homme peu scrupuleuse au point de vue de l’Église, qui en prend à son aise à l’endroit des jeûnes, sacrements, mortifications et autres balançoires.
Catiche
Virmaître, 1894 : Diminutif de catin (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Fille publique.
Hayard, 1907 : Prostituée.
France, 1907 : Diminutif de catin. Ce mot n’était pas pris autrefois en mauvaise part, et encore actuellement, dans l’Est, beaucoup d’honnêtes filles s’appellent catiche et catinette.
anon., 1907 : Femme de mauvaise vie.
Catimiser (se)
Delvau, 1866 : De fille honnête devenir fille.
Catin
d’Hautel, 1808 : Une franche Catin. Femme impudique et dévergondée.
Delvau, 1866 : s. m. Un nom charmant devenu une injure, dans l’argot du peuple, qui a bien le droit de s’en servir après Voltaire, Diderot, et Mme de Sévigné elle-même.
Virmaître, 1894 : Fille publique. Catin : petite poupée. Catin : nom d’amitié donné à une maîtresse. (Argot du peuple).
C’est aujourd’hui la St-Crépin
Les savetiers se frisent
Mon cousin ira voir catin.
France, 1907 : Fille de mœurs légères. Ce nom n’a été que récemment employé en mauvaise part. C’est le diminutif de Catherine, du grec kataros, sans tache.
— Pourquoi nommer Cali votre charmante fille ?
(Almanach des Muses)
Vivandière du régiment,
C’est Catin qu’on me nomme :
Je vends, je donne et bois gaiment
Mon vin et mon rogomme.
J’ai le pied leste et l’œil mutin,
Tintin, tintin, tintin, r’tin tintin ;
J’ai le pied leste et l’œil mutin :
Soldats, voilà Catin !
(Béranger)
Ce n’était pourtant que de vulgaires filles, des catins du monde chic, du monde qui ne marchande pas ; il est vrai que l’argent leur coûte si peu ; pourtant la viande était la même que dans les plus borgnes des bals de barrières ; c’est l’histoire des poupées de carton : au bazar de la rue Mouffetard, elles valent cinq sous ; chez Giroux, elles valent cent francs ; c’est une question d’enveloppe.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Cassagnac, on ne sait comment
Arrive juste à ce moment
Toujours sévère,
Et Gambetta, plus libertin,
Fixe ardemment sur la catin
Son œil de verre.
(Chanson du Père Lunette)
Il existe certainement des couples qui se plaisent et se chérissent, mais combien rares sont-ils ? Dans la haute société, l’homme va de son côté et la femme du sien : lui a des maîtresses, elle des amants, et sans les toilettes dont elles sont parées, elles seraient pareilles à de vulgaires catins, quoique celles-ci n’aient pas l’excuse du bien-être qu’ont les autres. Et cela sous le plus parfait cachet aristocratique, sous la plus pure étiquette mondaine.
(Pierre Kropotkine)
Dans certaines campagnes, les petites filles appellent catin leur poupée.
Catir (se)
France, 1907 : Se vêtir ; s’envelopper.
En sa mignonne poitrine de vierge, son cœur dormait comme une rose de Noël sous la neige. Sa seule joie était de savourer au printemps le réveil de la forêt, de se plonger dans la fraicheur des cépées reverdies, de se griser de l’odeur des muguets et de s’épanouir au grand soleil. Durant l’hiver, ou les jours pluvieux, elle se catissait dans vue limousine, tête basse, et se recroquevillait frileusement près des fourneaux à charbon. La lumière la dégourdissait et elle allait joyeusement vers le soleil levant, comme on va à la fête.
(André Theuriet)
Cato
Fustier, 1889 : Maîtresse.
Alors comme il (le souteneur) n’a plus d’argent, il en demande à sa cato qui devient rapidement sa marmite.
(Voltaire, 1881)
Cato, catiche
Rigaud, 1881 : Catin. — Gerbe des catiches, bureau des mœurs.
Catogan
France, 1907 : Gros chignon que les femmes portaient sur la nuque, vers la fin du second Empire, noué par un long ruban.
Quand j’aperçois le catogan
De cette charmante personne,
Accompagné de son ruban
Dont le long bout dépasse une aune…
(E. Villars)
Catze
Delvau, 1864 : Mot à la fois flamand et italien (cazzo), signifiant le membre viril.
À ton catze prends la carrière,
Pour t’enfoncer en la barrière
De mon chose.
(Théophile)
Caubet
France, 1907 : Bœuf ; la vache est appelée caubine. Caubet est le bœuf attelé à gauche.
Cauchemar
d’Hautel, 1808 : Cet homme donne le cauchemar. Se dit d’un bavard, d’un ennuyeux dont on évite la rencontre et la société.
France, 1907 : Homme ennuyeux, assommant, bavard.
Cauchemar, cauchemardant
Rigaud, 1881 : Personne ennuyeuse, importune.
Cauchemardant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, — dans l’argot des faubouriens.
Cauchemarder
Larchey, 1865 : Ennuyer comme un cauchemar.
C’est cauchemardant ; depuis deux ans, elle en raconte.
(Jaime)
Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, obséder.
Rigaud, 1881 : Ennuyer, tanner.
Où vas-tu ? D’où viens-tu ? Où as-tu été ? Pour être sans cesse cauchemardée comme ça, ah ! nom d’un chien, autant prendre un vrai mari tout de suite !
(Grévin)
Se cauchemarder, s’inquiéter.
Caudaf
M.D., 1844 : Eau-de-vie.
Cause à rebours
France, 1907 : Faire l’amour contre nature.
Cause grasse
Delvau, 1866 : Cause amusante à plaider et à entendre plaider, — dans l’argot des avocats, héritiers des clercs de la Basoche. Le chef-d’œuvre du genre est l’affaire du sieur Gaudon contre Ramponneau, Me Arouet de Voltaire plaidant — la plume à la main.
France, 1907 : Cause remplie d’incidents égrillards, comme la plupart des cas de divorce ou de séduction ; terme de basoche.
Cause juteuse
France, 1907 : Procès qui rapporte gros aux avocats et aux avoués, l’axiome de ces parasites étant de rendre la cause aussi juteuse que possible.
Causer
d’Hautel, 1808 : Assez causé. Pour, n’en dites pas davantage, silence, chut, motus.
Delvau, 1864 : Faire l’amour. C’est par antiphrase, sans doute, puisqu’on ne parle guère lorsqu’on baise : on a trop à faire pour cela.
Asseyons-nous sur ce canapé, mon ami, et… causons.
(Lemercier de Neuville)
Il dit à Baron que, quoiqu’il fatiguât beaucoup à la comédie, il aimerait mieux être obligé d’y danser tous les jours, que d’être seulement une heure à causer avec la maréchale.
(La France galante)
France, 1907 : Faire l’amour, dans l’argot des bourgeoises, qui n’osent salir leurs lèvres du gros mot baiser. « Mon mari m’a causé ce matin. »
Une femme qui aime, et qui veut être aimée toujours, doit tenir l’homme par le cerveau, par le cœur, par les sens — et par le bec !
Les ménages n’en iraient que mieux ; la patrie n’en irait pas plus mal.
Ou est toujours à nous parler de la dépopulation de la France : eh bien ! les provinces où on peuple le plus sont celles où on mange le mieux…
Quiconque mange bien au logis, y reste ; quiconque y reste, y… cause.
Méditez cela, mes belles, et soignez le menu des maris !
(Jacqueline, Gil Blas)
Causette
Delvau, 1866 : s. f. Causerie familière, à deux, dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à George Sand. Faire la causette. Causer tout bas.
France, 1907 : Causerie lumière, généralement en tête à tête. Faire la causette à un tendron.
Causeuse
Delvau, 1864 : Femme chaude du cul.
Il n’en fut pas de même du Basque, qui trouvait que la maréchale était une causeuse inexorable.
(La France galante)
Causotter
Delvau, 1866 : v. n. Se livrer à une causerie intime entre trois ou quatre personnes.
France, 1907 : Bavarder familièrement en un petit cercle. « De petits groupes de vieilles causottaient sur le pas des portes. »
Cautère
d’Hautel, 1808 : Ce remède lui a fait comme un cautère sur une jambe de bois. Manière goguenarde de dire qu’un remède n’a pas produit l’effet qu’on en attendoit, qu’il n’a servi à rien, ou qu’il a été administré trop tard.
Caution
d’Hautel, 1808 : Il est sujet à caution. Locution insultante pour la personne qui en est l’objet, et qui signifie qu’elle est d’une foi suspecte ; qu’il ne faut pas s’y fier ; que l’on se garde bien de la croire sur parole.
Cavalcade
Delvau, 1866 : s. f. Aventure galante. Avoir vu des cavalcades. Avoir eu de nombreux amants.
France, 1907 : Équipée amoureuse.
Cavalcades
Larchey, 1865 : Vicissitudes amoureuses.
Ça fait des manières, une porte-maillot comme ca. — Et qui en avait vu des cavalcades.
(Gavarni)
Cavale
d’Hautel, 1808 : On dit par raillerie et par mépris d’une femme fort grande et qui a un air dégingandé, que C’est une grande cavale.
Clémens, 1840 : Évasion.
Delvau, 1866 : s. f. Course précipitée, fuite, — dans l’argot des voyous. Se payer une cavale. Courir.
Delvau, 1866 : s. f. Grande femme maigre, mal faite, déhanchée.
Rigaud, 1881 : Départ précipité, fuite, évasion, — dans le jargon des voleurs. Jouer la cavale, s’enfuir.
La Rue, 1894 : Fuite, évasion. Se cavaler.
France, 1907 : Fuite, course rapide. Tortiller une cavale, méditer une fuite.
France, 1907 : Grande femme maigre, dégingaudée et de mauvaises mœurs. On disait autrefois haquenée.
Cavaler
Ansiaume, 1821 : v. Cromper.
Clémens, 1840 : Sauver.
M.D., 1844 : Courir.
Virmaître, 1894 : Se sauver.
— Cavale-toi v’là la rousse (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : S’en aller, se sauver.
Je suis en retard, je me cavale.
Hayard, 1907 : Se sauver.
France, 1907 : Courir : de cavale, jument.
— J’ai rentiché avec des mecs qui t’auraient fait dinguer le timpant rien qu’en cavalant derrière ta gonde (j’ai fréquenté des souteneurs qui t’auraient fait tourner le cœur rien qu’en courant derrière ta porte).
(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Cavaler (s’évader)
Clémens, 1840 : S’évader (en terme de galère), on le dit aussi pour se sauver.
Cavaler (se)
Bras-de-Fer, 1829 : S’évader.
Vidocq, 1837 : v. p. — S’enfuir.
un détenu, 1846 : Se sauver, prendre la fuite.
Halbert, 1849 : S’enfuir.
Larchey, 1865 : S’enfuir avec la vitesse d’un caval : cheval. V. Roquefort.
Il faut se cavaler et vivement.
(Chenu)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’enfuir comme un cheval, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Se sauver avec une vitesse qui rappelle celle du cheval.
Merlin, 1888 : Partir, fuir, naturellement… au galop.
France, 1907 : Se sauver, s’enfuir.
— Et la Cognette donc ! Vous savez qu’elle était malade, depuis la mort du maître. Alors, ou l’avait oubliée dans son lit… Elle grillait déjà, elle n’a eu que le temps de se sauver en chemise. Ah ! ce qu’elle était drôle, à se cavaler en pleins champs, les quilles nues ! Elle gigotait, elle montrait son derrière et son devant, des gens criaient : hou ! hou ! pour lui faire la conduite, à cause qu’on ne l’aime guère… Il y a un vieux qui a dit : La v’là qui sort comme elle est entrée, avec une chemise sur le cul !
(Émile Zola, La Terre)
— Dans ce cas, répondit Baltid, nous n’aurions qu’à prendre le train, et à nous cavaler le plus loin possible.
(Édouard Ducret, Paris canaille)
Cavaler au rebectage
Rigaud, 1881 : Se pourvoir en cassation. Mot à mot : courir à la médecine. — Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce. Mot à mot : courir très vite à la médecine.
La Rue, 1894 : Se pourvoir en cassation. Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce.
Cavaler au rebectage (se)
France, 1907 : Se pourvoir en cassation. Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce.
Cavaler de l’avant
Clémens, 1840 : Se sauver, vite.
Cavaler dessus
La Rue, 1894 : Assaillir, attaquer.
Cavaler dessus (se)
France, 1907 : Assaillir.
Cavalerie (grosse)
Fustier, 1889 : Cureurs d’égout. Allusion à leurs bottes.
France, 1907 : Le corps des égoutiers. Allusion à leurs grandes bottes.
Cavaleur
Rossignol, 1901 : Si tous les hommes étaient comme (d’après l’histoire) a été Salomon, qui avait sept cents femmes et trois cents concubines, ils ne seraient pas des cavaleurs : ils auraient suffisamment de travail chez eux.
Cavalier seul
Fustier, 1889 : Danse plus ou moins échevelée qu’on exécute seul, dans un quadrille, en face des trois autres personnes qui complètent la figure.
Peu à peu, elle se laissa aller à exécuter un étourdissant cavalier seul.
(Vie Parisienne, 1881)
France, 1907 : Figure de quadrille qu’un danseur exécute seul en face de son vis-à-vis escorté de deux dames.
Cavalot
Delvau, 1866 : s. m. Pièce de menue monnaie, — dans le même argot [des faubouriens].
France, 1907 : Pièce de menue monnaie.
Cave
d’Hautel, 1808 : Eau bénite de cave. Pour dire le jus de la treille ; le vin.
Rigaud, 1881 : Église, — dans l’ancien argot.
Virmaître, 1894 : Homme. Allusion à l’estomac de l’homme qui emmagasine une foule de choses (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Imbécile ; celui qui joue à un jeu de hasard où il ne gagnera pas est pour le teneur un cave.
France, 1907 : Dupe ; mot à mot : enfermé dans une cave.
France, 1907 : Homme ou femme ; argot des voleurs qui font allusion aux liquides de toutes sortes que la génération d’Adam emmagasine.
Cavé
Vidocq, 1837 : s. f. — Dupe.
Larchey, 1865 : Dupe (Vidocq). — Mot à mot : tombé dans un trou, une cave. — Même image que dans enfoncé, casqué.
Delvau, 1866 : s. m. Dupe, — dans le même argot [des faubouriens].
Rigaud, 1881 : Dupé, mystifié, — dans le jargon des voleurs.
Cavé, enfoncé, casqué
La Rue, 1894 : Homme, dupe.
Cavée
Halbert, 1849 : Église.
Delvau, 1866 : s. f. Église, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent les rhumatismes.
France, 1907 : Église, à cause de sa voûte en forme de cave.
Caviar
Fustier, 1889 : Ce mot, sans doute trouvé dans un restaurant à la mode, avait la prétention de détrôner V’lan, Pschutt et Bécarre, tous vocables aussi idiots d’ailleurs et synonymes d’élégance, de chic. Comme ses aînés, Caviar n’a point eu de succès ; il est mort en bas-âge.
On dit d’une demoiselle ultra-chic qu’elle est on ne peut plus Caviar.
(Charivari, 1886)
Cayenne
Delvau, 1866 : s. m. Atelier éloigné de Paris ; fabrique située dans la banlieue. Argot des ouvriers.
Delvau, 1866 : s. m. Cimetière extra muros, — dans l’argot du peuple, pour qui il semble que ce soit là une façon de lieu de déportation. Il dit aussi Champ de Navets. — parce qu’il sait qu’avant d’être utilisés pour les morts, ces endroits funèbres ont été utilisés pour les vivants.
Rigaud, 1881 : Ancien cimetière de Saint-Ouen, au-delà du boulevard Ornano. — Surnom du village qui avoisine ce cimetière ; ainsi nommés parce que l’un et l’autre sont très éloignés.
Rigaud, 1881 : Atelier, usine, — dans le jargon des ouvriers, pour qui le travail est un supplice.
France, 1907 : Atelier de la banlieue, cimetière.
Allusion au Cayenne de la Guyane qui passait pour un vrai cimetière. Pour le premier sens, c’est une assimilation de l’ouvrier au condamné aux travaux forcés.
(Lorédan Larchey)
Cayenne (gibier de)
France, 1907 : Vagabond, oiseau de geôle.
Cayenne-les-eaux
France, 1907 : Dépôt où les condamnés attendent leur transportation.
Cayer
Vidocq, 1837 : s. m. — Poisson.
Cayman
Vidocq, 1837 : s. m. — Mendiant.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Cayon
France, 1907 : Caution.
Cayot
France, 1907 : Noix.
Cazin
Virmaître, 1894 : Partie de billard qui se joue avec une quille au milieu du tapis (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Sorte de jeu de billard où l’on place une quille au milieu du tapis ; d’où caziner, jouer au cazin.
Caziner
Virmaître, 1894 : Jouer au cazin, faire toucher par la bande les billes, en jouant avec la rouge (Argot du peuple).
Cé
Clémens, 1840 : Argent.
Larchey, 1865 : Argent. V. Chêne.
La Rue, 1894 : Argent (métal). Tout de cé, très bien.
France, 1907 : Argent. Attache de cé, boucle d’argent. Bogue de cé, montre d’argent. Tout de cé, très bien. De cé, sérieusement.
Le prince en ruolz se présenta dans une famille et épousa de cé une riche héritière : puis, le lendemain même de son mariage, il prit la fuite avec la dot se montant à plusieurs millions.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)
Ce matois
M.D., 1844 : Ce matin.
Ce n’est pas à faire !
Delvau, 1866 : Je m’en garderais bien ! Cette expression, familière aux filles et aux voyous, est mise par eux à toutes les sauces : c’est leur réponse à tout. Il faudrait pouvoir la noter.
Ce qui se pousse
Larchey, 1865 : Monnaie. Allusion à l’acte de compter des écus.
Ceci, ou cela
Delvau, 1864 : Le membre viril — avec quoi on fait cela aux dames, — ou bien la nature de la femme.
Parbleu, dit-il, prenez ceci,
Il est d’assez bonne mesure.
(Grécourt)
Si vous mettez la main au devant d’une fillette, elle la repoussera bien vite et dira : Laissez cela.
(Moyen de parvenir)
…Il est nommé Pine par la lorette ;
Un Chose, ou bien Cela, par une femme honnête.
(Louis Protat)
Céder à un homme
Delvau, 1864 : Se laisser baiser par lui, c’est-à-dire par son membre, qui sait mieux accoler que sa bouche.
Victime d’une ruse indigne,
La trop confiante Léda
Croyait ne caresser qu’un cygne,
Quand à Jupin, elle céda.
(Jules Ruel)
Ceinture
d’Hautel, 1808 : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Pour dire qu’une bonne réputation l’emporte sur la richesse ; que rien au monde n’est plus précieux qu’une bonne renommée ; ce qui malheureusement n’est pas toujours le partage de la probité. Ce proverbe vient de ce qu’autrefois les femmes honnêtes portoient comme marque distinctive une ceinture dorée.
Être pendu à la ceinture de quelqu’un. C’est lui faire une cour assidue pour en obtenir quel que faveur ; le suivre continuellement et partout.
Ceinturé
Rossignol, 1901 : Arreté.
J’ai été ceinturé par un flicard.
Ceinture dorée
France, 1907 : Fille publique. Autrefois les filles de joie se distinguaient des honnêtes femmes par une ceinture dorée, d’où le proverbe : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée.
Céladon
Delvau, 1866 : s. m. Vieillard galant, — dans l’argot des bourgeois, dont les grand’mères ont lu l’Astrée. On dit aussi Vieux céladon.
France, 1907 : Vieillard galant. Amant qui a passé l’âge d’aimer ou ridicule et langoureux, Celadon est un berger de célèbre pastorale allégorique d’Honoré d’Urfé qui eut un grand succès pendant le XVIIe siècle. Ce personnage, qui joue un rôle important dans cette œuvre volumineuse et illisible de nos jours, passe sa vie aux pieds de sa bergère, attentif à exécuter ses ordres, débitant des phrases langoureuses, et exprimant de grands sentiments. Honoré d’Urfé a tiré ce nom des Métamorphoses d’Ovide.
Célérifères
France, 1907 : Sorte d’omnibus qui circulèrent sons le règne du roi Louis-Philippe.
Cellote
France, 1907 : Cellule.
Cellotte
Virmaître, 1894 : Cellule (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Cellule.
Hayard, 1907 : Cellule de prison.
Celui de (avoir)
France, 1907 : Avoir l’honneur, Allusion aux ridicules des bourgeois et des bourgeoises qui se confondent en politesses exagérées ; ainsi, à la formule banale : J’ai eu l’honneur de rencontrer mademoiselle votre fille, on répondait : J’ai eu celui d’apercevoir madame votre femme. Les Anglais de la même classe, en gens à pratiques, vont plus brièvement et, coupant court aux formules de politesse, ils terminent ainsi leurs lettres : Je reste votre, etc. (I remain yours, etc.).
Cémaisse
La Rue, 1894 : La police (ces mess.).
France, 1907 : La brigade des sergents de ville.
Cendrier
France, 1907 : Grosse toile sur laquelle on place des cendres pour faire la lessive.
Cendrillon
d’Hautel, 1808 : Nom méprisant que l’on donne à une petite fille de basse extraction peu soigneuse de sa personne et qui se traine continuellement dans les ordures et les cendres ; et à une petite servante employée aux plus bas détails du ménage.
Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille à laquelle ses parents préfèrent ses sœurs et même des étrangères ; personne à laquelle on ne fait pas attention, — dans l’argot du peuple, qui a voulu consacrer le souvenir d’un des plus jolis contes de Perrault.
France, 1907 : Jeune fille négligée et mal vêtue qui fait tous les gros ouvrages dans une famille, tandis que ses sœurs ne s’occupent que de leurs toilettes. Le conte de Charles Perrault a rendu ce nom populaire.
Censure (passer la)
Rigaud, 1881 : C’est la visite faite chaque jour au dépôt par les agents du service de sûreté pour s’assurer s’ils ne reconnaîtront pas quelques récidivistes. En style de police, cela s’appelle faire le dépôt. (V. Mémoires de Canler.)
France, 1907 : Commettre un nouveau crime.
Censurer
d’Hautel, 1808 : Pour dire mettre des condition usuraires à un marché ; abuser de la bourse, de la fortune d’un ami ; faire supporter toutes les charges d’une affaire à quelqu’un ; faire le métier d’usurier.
Cent
d’Hautel, 1808 : Le numéro 100. Facétie pour dire les privés, les lieux d’aisance, parce qu’on a coutume de numéroter ainsi ces sortes de cabinets dans les auberges.
Faire les cent coups. Faire des fredaines impardonnables ; se porter à toutes sortes d’extravagances et d’excès ; mener une vie crapuleuse et débauchée ; blesser en un mot toutes les lois de la pudeur, de la bienséance et de l’honnêteté.
Cent coups (être aux)
Delvau, 1866 : Être bouleversé ; ne savoir plus où donner de la tête. Argot des bourgeois.
France, 1907 : Ne savoir où donner de la tête, être tourmenté, ennuyé. Faire les cent coups, commettre toutes espèces d’actes, d’excentricités où de folies : on dit également : faire les quatre corde coups, les cent dix-neuf coups.
— Ce qu’nous avons d’bon ici, c’est d’êt’ ben nourries. Si on a du mal, on n’meurt pas d’faim, comme dans des maisons qu’j’ai été. D’abord, de tout ce que mange madame, a nous en donne ; ça, pas d’préférence. Des fois, a crie, a jure, a tempête, a fait les cent dix-neuf coups… c’est d’la laisser faire, rien y dire : la main tournée, alle y pense pus…
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
Cent coups (faire les)
Delvau, 1866 : Se démener pour réussir dans une affaire ; mener une vie déréglée. — Argot des bourgeois.
Cent pieds de merde (je voudrais te voir dans)
Virmaître, 1894 : Souhait d’un gendre à sa belle-mere féroce ou à une femme crampon (Argot du peuple). N.
France, 1907 : « C’est, dit Ch. Virmaître, le souhait d’un gendre à sa belle-mère ou d’un mari à une femme crampon. »
Cent Suisse
d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donnoit aux soldats qui formoient autrefois une des gardes d’honneur du roi, laquelle étoit composée de cent hommes suisses.
On dit figurément et en mauvaise part d’une femme qui a l’air sodaltesque, hardi et effronté, que C’est un vrai Cent Suisse.
Centiballe
France, 1907 : Centime, c’est à-dire la centième partie d’un franc.
Centoche
France, 1907 : Centime.
Central
Rigaud, 1881 : Détenu faisant son temps-dans une maison centrale de force et de correction.
Fustier, 1889 : Bureau télégraphique de la place de la Bourse, à Paris. Argot des employés du ministère des Postes. Être nommé au Central. — Élève de l’École centrale ; un central, des centraux.
Les élèves de l’École centrale se sont livrés hier à une fantaisie que la police a eu le bon goût de ne pas gêner… Les centraux se sont réunis sur la place de la Bastille, et, se formant en monôme…
(Rappel, 1881)
France, 1907 : Détenu de maison centrale.
France, 1907 : Élève de l’École Centrale ; autrement dit, cube.
Centrale
Rigaud, 1881 : École Centrale, — dans le jargon des collégiens. — Je pense entrer à Centrale si je suis retoqué à l’X, je pense entrer à l’École Centrale, si je suis refusé à l’École Polytechnique.
France, 1907 : Abréviation de prison centrale.
Centrale (la)
M.D., 1844 : Maison centrale de détention.
Centre
Vidocq, 1837 : s. m. — Nom propre.
M.D., 1844 : Nom.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, qui est en effet l’ombilic du monde ; tout part de là, et tout y est ramené, — On dit aussi, mais c’est une superfétation : Centre de délices.
D’un seul coup, Rose rejeta la couverture ; il ne s’attendait pas à nous voir totalement nues, et nos mains placées au centre de la volupté.
(Rideau levé.)
Celle des deux qui triomphait par ses gestes et sa débauche, voyait tout à coup sa rivale éperdue fondre sur elle, la culbuter, la couvrir de baisers, la manger de caresses, la dévorer — jusqu’au centre la plus secret des plaisirs, se plaçant toujours de manière à recevoir les mêmes attaques.
(Gamiani)
Larchey, 1865 : Nom. — Centre à l’estorgue : faux nom. V. Estorgue. — Coquer son centre : Donner son nom. (Vidocq). — V. Ravignolé.
Delvau, 1866 : s. m. Nom, — dans l’argot des voleurs, qui savent que le nom est en effet le point où convergent les investigations de la police, et qui, à cause de cela, changent volontiers de centre. Centre à l’estorgue. Faux nom, sobriquet. Centre d’altèque. Nom véritable.
Rigaud, 1881 : Nom. — Centre à l’estorgue, faux centre, faux nom, sobriquet, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Nom. Taroquer son centre. Signer son nom. Centre à blanc. Faux nom.
Virmaître, 1894 : Nom. Quant une personne donne un faux nom, c’est un centre à l’estorgue (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Nom. Celui qui est arrêté et qui donne un faux nom a donné un faux centre.
Hayard, 1907 : Nom.
France, 1907 : Nom ; argot des voleurs. Centre à blanc ou à l’estorgue ou sous la neige, faux nom. Centre d’altèque, véritable nom. Coquer son centre, donner son propre nom. C’est aussi l’état civil.
Centre (dire le)
Ansiaume, 1821 : Révéler un nom.
S’il n’avoit pas dit le centre, je ne serois pas gerbé à viot.
Centre (être)
France, 1907 : Être dans de mauvaises affaires.
Centré (être)
Rigaud, 1881 : Avoir fait de mauvaises affaires, — dans le jargon des ouvriers du fer.
Centre à l’estorgue
Vidocq, 1837 : s. m. — Sobriquet, faux nom.
M.D., 1844 : Faux nom.
Centre de gravité
Larchey, 1865 : Derrière.
Porter une main furtivement timide à son centre de gravité.
(Ed. Lemoine)
Delvau, 1866 : s. m. Nates, — dans l’argot des bourgeois, qui ont emprunté cette expression-là aux Précieuses.
France, 1907 : Le derrière. Les Anglais l’appellent de siège de l’honneur. C’est en effet sur le centre de gravité de leur femme que les maris placent l’honneur de la famille ! Perdre son centre, être ivre.
Centrier
Larchey, 1865 : Député du centre conservateur sous Louis-Philippe.
Moreau ! mais il est député de l’Oise. — Ah ! c’est le fameux centrier.
(Balzac)
Centrier, centripète
Larchey, 1865 : Soldat du centre.
Centriot
Fustier, 1889 : Surnom, sobriquet.
Il a surtout le génie des centriots (surnoms). C’est lui qui a donné à un pâle gringalet, mauvaise langue et joueur de méchants tours… le joli surnom de Fleur de teigne.
(Humbert, Mon bagne)
France, 1907 : Sobriquet.
Centripète
France, 1907 : Fantassin.
Centrouses
Rossignol, 1901 : Prisons centrales où sont envoyés tous les condamnés à plus d’une année de prison.
Centrousse
Virmaître, 1894 : Maison centrale (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 / France, 1907 : Prison centrale.
Cep
France, 1907 : Nez. Avoir un cep de vigne, avoir un nez culotté.
Cependant
d’Hautel, 1808 : Cependant… En se pendant on s’étrangle. Quolibet. Réponse goguenarde que l’on fait à une personne qui met des cependant partout ; qui trouve des obstacles dans les moindres choses, qui commente les ordres qu’on lui donne au lieu de les exécuter.
Cerbère
Larchey, 1865 : Portier malhonnête. — Comparaison mythologique.
Misérable, disait-elle au cerbère, si mon mari le savait. — Bah ! répondait-il… un terme de payé, ça aide.
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. m. Concierge, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Sergent de ville, — dans le jargon des gamins. — Portier, en souvenir du portier des enfers, ou parce que la plupart des maisons de Paris sont des enfers.
France, 1907 : Portier désagréable, comme le chien à trois têtes qui, suivant la Fable, gardait la porte des Enfers et du palais de Platon.
Cercher
Delvau, 1866 : v. a. Chercher, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (circare) et à la tradition : « Mes sommiers estoient assez loin, et estoit trop tard pour les cercher, » dit Philippe de Commines.
Li marinier qui par mer nage,
Cerchant mainte terre sauvage,
Tout regarde il à une estoile,
disent les auteurs du Roman de la Rose.
Cercle
d’Hautel, 1808 : Repêcher quelqu’un au demi-cercle. Signifie rattraper quelqu’un, ou quelque chose que l’on avoit d’abord laissé échapper, mais qui ne pouvoit manquer d’une manière ou d’autre de retomber entre les mains ; se venger d’une injure que l’on feignoit d’avoir oublié.
Il s’est sauvé, mais on le repêchera au demi-cercle. Se dit d’un criminel évadé, mais qui ne peut échapper aux poursuites de la justice.
Vidocq, 1837 : s. m. — Argent.
Larchey, 1865 : Pièce d’argent. — Allusion à la forme circulaire de la monnaie.
Delvau, 1866 : s. m. Argent monnayé, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Pièce d’argent.
Cerclé
Vidocq, 1837 : s. m. — Tonneau.
Larchey, 1865 : Tonneau (Vidocq). — Allusion aux cercles qui retiennent les douves.
Delvau, 1866 : s. m. Tonneau, — dans le même argot [des voleurs].
Hayard, 1907 : Être pris.
Cercle (pincer au demi)
Rigaud, 1881 : Surprendre quelqu’un dans un moment psychologique. Un mari qui rentre de la chasse et qui trouve sa femme dans le feu d’une conversation avec son cousin ou tout autre, la pince au demi-cercle. Repincer au demi-cercle, se revancher, rendre la réciproque.
Cercle (pincer en demi)
France, 1907 : Surprendre quelqu’un en faute.
Cercleux
France, 1907 : Habitué de cercle : vulgairement, propre à rien.
Le plus comique, c’est que vous entendrez tous les gens de la bonne société — de la haute — car ce n’est ni vous ni moi, simples truands, qui abusons de cet exercice aussi fatigant qu’ennuyeux — tous les cercleux, tous les ra sinon, tous les raouteux vous disant, avec un petit air dédaigneux :
— Rien ne va sous votre République !
(Mot d’Ordre)
Elle suivit un jour le cercleux au monocle impertinent qui, tous les soirs, quand elle sortait de son magasin, lui proposait des dîners et des escapades joyeuses.
(Aug. Marin)
Cercueil
France, 1907 : Boîte à violon.
France, 1907 : Un bock, argot des étudiants ; jeu de mot sur bière.
Cérémonie
d’Hautel, 1808 : Faire de la cérémonie. Affecter des manières polies ; faire des grimaces, des minauderies.
Delvau, 1864 : L’acte le plus important de la vie, celui qui se fait avec le plus de pompe — quand on a affaire à une bonne suceuse.
J’en connais qui sont adonnées à la cérémonie — Qu’entends-tu par la cérémonie ? interrompit-elle — C’est, Madame, repris-je, de donner le fouet ou de le recevoir.
(Mœurs du temps, I, 159)
Que bonne part de la cérémonie
Ne fût déjà par le prêtre accomplie.
(La Fontaine)
Cerf
d’Hautel, 1808 : Une jambe de cerf. Pour dire une jambe fluette, maigre et sans mollet.
Au cerf la bière et au sanglier le mière (médecin.) Vieux proverbe qui signifie que les plaies que font le cerf sont beaucoup plus dangereuses que celles du sanglier.
France, 1907 : Mari trompé.
Cerf (se déguiser en)
Rigaud, 1881 : Se sauver avec la vitesse d’un cerf.
France, 1907 : Courir, se sauver.
Cerf (se déguiser en) courir
Larchey, 1865 : Allusion à la vitesse du cerf.
Cerf-volant
Vidocq, 1837 : s. f. — Femme qui dépouille les petits enfans dans une allée ou dans un lieu écarté.
Delvau, 1866 : s. m. Femme qui attire sous une allée ou dans un lieu désert les enfants entrain de jouer pour leur arracher leurs boucles d’oreilles et quelquefois l’oreille avec la boucle — Argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Jouet d’enfant composé de baguettes d’osier, recouvertes de feuilles de papier, que les gamins enlèvent en l’air avec une ficelle. Les voleuses qui dans les jardins publics s’emparent des boucles d’oreilles des jeunes enfants se nomment des cerf-volants parce que le vol accompli elle se sauvent en courant comme un cerf (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voleuse dont la spécialité est de dépouiller les enfants dans les promenades et les jardins publics. C’est généralement sur Les broches et les boucles d’oreilles des petites filles qu’elle opère, et, le larcin accompli, disparait comme un cerf.
Cerf-Volant (le)
Rigaud, 1881 : Vol pratiqué sur les petites filles, un genre de vol bien ancien et toujours nouveau.
Boulevard Picpus, une femme restée inconnue a abordé une petite fille de quatre ans, qui jouait devant la maison de ses parents, lui a donné dix centimes et lui a décroché ses boucles d’oreilles d’une valeur de quinze francs.
(Petit Journal du 14 août 1877)
La virtuose de ce genre de vol se nomme la cerf-volant, parce qu’après le vol, elle file avec la vitesse du cerf.
Cériot
France, 1907 : Cerneau.
Cerise
d’Hautel, 1808 : Ça va à la douce, comme les marchands de cerises. Réponse usitée parmi le peuple lorsqu’une personne demande à une autre des nouvelles de sa santé, de ses affaires ; pour dire que l’on se porte cahin caha, et que l’on conduit tout doucement sa barque ; par allusion avec les paysans qui viennent vendre leurs cerises à la ville et qui crient par les rues, À la douce, cerise à la douce.
On dit d’un mauvais cheval que c’est une rosse, un marchand de cerises.
Larchey, 1865 : Cheval aussi mauvais que les bidets qui portent des cerises au marché. — Un mauvais cavalier monte aussi en marchand de cerises (d’Hautel).
Fustier, 1889 : Ouvrier maçon des environs de Paris (Littré).
Messieurs, ce n’est pas là une appellation insultante ; nous appelons marchands de cerises, les ouvriers de la banlieue de Paris, ceux qui nous environnent.
(Nadaud, Journal officiel)
Cerises (marchand de)
Rigaud, 1881 : Ouvrier en bâtiment qui travaille extra muros, — dans le jargon des ouvriers en bâtiment de Paris.
Cerisier
Fustier, 1889 : Petits chevaux de louage, ainsi nommés parce qu’ils portent ordinairement les cerises de Montmorency aux marchés de Paris.
Sterny sur un cerisier, Sterny en compagnie d’une grosse dame à âne.
(Soulié : Le Lion amoureux.)
Les Cerisiers de Montmorency sont les petits chevaux pacifiques qu’on loue pour se promener dans les environs ; autrefois, ils transportaient des cerises ; de là leur nom.
(Rappel, 1874. V. Littré)
Cerneau
Delvau, 1866 : s. m. Jeune fille, — dans l’argot des gens de lettres.
La Rue, 1894 : Jeune fille.
France, 1907 : Fillette, autrement dit : noix fraîche pour les vieux polissons de la haute.
Cerner les yeux (se)
Delvau, 1864 : Se masturber, ce qui culotte furieusement les yeux, en effet.
Voilà que j’bande… Ah ! n’craignez rien… j’n’ai jamais eu c’défaut-là… Et puis… ça cerne les yeux.
(Tisserand)
Cert de charrue
Vidocq, 1837 : s. m. — Quart d’écu.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Certain bobo
Delvau, 1864 : La vérole, qui est un mal certain. Piron l’appelait un petit mal gaillard.
Un jeune élève d’Esculape
Me guérit de certain bobo…
Un beau jour, il me dit : Ma chère,
En moi, vos yeux ont excité
Certain feu. Je le laissai faire,
Pour m’assurer de ma santé.
(Gaudriole de 1834)
Certificats de bêtise
Merlin, 1888 : Chevrons. Pour donner raison à la fameuse chanson :
Un soldat, c’est comme son pompon,
Plus ça devient vieux, plus ça devient bête, etc.
Céruse
d’Hautel, 1808 : Fin comme céruse. Pour dire, d’une subtilité extrême, dont toutes les actions sont fardées, et tendent à faire des dupes.
Cervelas
Delvau, 1864 : Nom que donnent au vit la plupart des cuisinières ; aussi bien que : boudin, saucisson, andouille, bout de viande, etc., selon la forme, la longueur ou la grosseur de l’objet, qui est un produit de la cochonnerie.
Oui, mon cher, à vot’ cervelas
On a fait un’ rude’ brèche…
Vous n’me l’mettrez pas, Nicolas :
Je n’aim’ que la viand’ fraîche.
(J. E. Aubry)
Cervelle
d’Hautel, 1808 : Un sans-cervelle. Étourdi, évaporé ; homme inconséquent et léger dans tout ce qu’il fait ou ce qu’il dit.
Il a une cervelle de lièvre, il la perd en courant. Se dit d’un homme très-distrait et qui a une fort mauvaise mémoire.
Perdre la cervelle. Pour, perdre la tête, déraisonner.
Mettre ou tenir quelqu’un en cervelle. Phrase proverbiale qui signifie le tourmenter ; lui faire espérer long-temps quelque chose dont il attend le résultat ; le tenir en suspens.
Ces Mess
France, 1907 : Abréviation de : ces messieurs les agents de police.
Ces messieurs
Virmaître, 1894 : Agents de police.
— Ne vous hasardez pas ce soir sur le trottoir, ces messieurs y seront (Argot des filles).
César
d’Hautel, 1808 : Il faut rendre à César ce qui est à César. Paroles évangéliques, que le peuple travestit ainsi : Il faut rendre à Paul ce qui est à César, etc., parce que l’on rend souvent justice et honneur à qui ils ne sont pas dus.
On dit en plaisantant d’un homme petit et foible qui fait le vaillant et le fanfaron, que C’est un petit César.
Cesser de l’être
Delvau, 1864 : Ne plus être pucelle.
Je le suis encore, m’a-t-elle dit en riant, je voudrais cesser de l’être par un joli homme comme toi.
(Rétif de la Bretonne)
Cesses
France, 1907 : Cerises.
Cession de pari
France, 1907 : Genre d’escroquerie par laquelle le filou prétend avoir fait un pari sur le favori dans des conditions avantageuses et cède à un naïf son cheval au comptant.
Les lads et les bookmakers ne sont point les seuls escrocs dangereux sur les champs de courses : il est bon de redouter aussi les gentlemen pratiquant la cession de pari et ils sont nombreux ! Nous connaissons maint Anglais véreux dont cette escroquerie est le seul moyen d’existence.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)
Cet
d’Hautel, 1808 : Ce pronom est presque toujours mal prononcé, du moins par les personnes qui parlent mal. En effet, on entend continuellement dire, soit au masculin, soit au féminin, ç’t’homme, ç’te femme, pour cet homme, cette femme.
Cha-Fust
Fustier, 1889 : Cours de machine professé à l’École navale. Argot de l’École. « Chacun de ces cours, outre son titre officiel, porte un nom spécial pour les élèves du Borda. Le cours de machine est le cha-fust, mot formé par onomatopée… Naturellement les professeurs empruntent leur titre au nom du cours. » On dit : le chafustard… (Illustration, septembre 1885)
Chabanais
Rossignol, 1901 : Tapage, cris.
Si ce soir, en rentrant, ma femme me dit quelque chose qui me déplaise, je vais lui faire du chabanais. — Quel bruit vous faites, en voila un chabanais !
Chabannais
Delvau, 1866 : s. m. Reproches violents, quelquefois mêlés de coups de poing, — dans le même argot [du peuple]. Ficher un chabanais. Donner une correction.
Rigaud, 1881 : Bruit, tapage, dispute. Faire un joli chabannais.
Tout le monde, y compris N. savait qu’il y aurait le soir du chabannais.
(Figaro, du 14 juillet 1880)
Virmaître, 1894 : Faire du tapage, du bruit.
— Allons, viens boire le dernier verre,
— Y a pas de pet, la bourgeoise ferait un rude chabannais.
Faire du chabannais dans une assemblée : troubler l’ordre (Argot du peuple).
France, 1907 : Bruit, tapage. Faire du chabannais ; ficher un chabannais, donner une correction.
Chabeau
France, 1907 : Docteur ; argot des filles de joie pensionnaires de Saint-Lazare.
Chabier
La Rue, 1894 / France, 1907 : S’évader.
Chabler
Virmaître, 1894 : Lancer des pierres dans un arbre pour en abattre les fruits. Chabler est le synonyme de gauler (Argot du peuple) N.
France, 1907 : « Lancer des pierres dans un arbre pour en abattre les fruits. Chabler est le synonyme de gauler. » (Ch. Virmaître)
Chabrol
Fustier, 1889 / France, 1907 : Mélange de bouillon et de vin.
Chacal
Delvau, 1866 : s. m. Zouave, — dans l’argot des soldats d’Afrique, par allusion au cri que poussent es zouzous en allant au feu.
Rigaud, 1881 : « Est un petit nom d’amitié que le maréchal Bugeaud donnait aux zouaves dans ses moments de bonne humeur, et que nous avons gardé, entre nous, comme, signe de ralliement. » (A. Arnault, Les Zouaves, acte 1)
France, 1907 : Zouave. Les régiments de zouaves étaient, dès le début, composés en grande partie d’Arabes, dont l’habitude est de pousser des clameurs sauvages en chargeant l’ennemi. Leurs cris imitaient celui du chacal, d’où leur nom.
Pan, pan, l’arbi,
Les chacals sont par ici.
(Marche des zouaves)
Chacun
d’Hautel, 1808 : Chacun sa chacune. Pour chacun la sienne. Se dit en parlant d’une société ou chaque homme donne le bras à une femme.
À Chacun le sien n’est pas trop. Signifie que la justice veut que chacun ait strictement ce qui lui appartient.
Chaffourer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’égratigner.
France, 1907 : S’égratigner, se crêper le chignon.
Chafouin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un homme maigre et chétif ; qui a la mine sournoise, laide et renfrognée.
Delvau, 1866 : adj. et s. Sournois, rusé, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter cette expression à Saint-Simon, qui l’a employée à propos de Dubois.
France, 1907 : Sournois, rusé.
Chafrioler
Larchey, 1865 : Se complaire.
L’atmosphère de plaisirs où il se chafriolait.
(Balzac)
M. Paul Lacroix affirme que ce verbe a été inventé par Balzac en ses Contes drolatiques.
Chafrioler (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se caresser, se complaire, — à la façon des chats. L’expression appartient à Balzac.
France, 1907 : Se complaire, se faire plaisir.
Chagrin
d’Hautel, 1808 : N’aie pas de chagrin. Pour, ne t’inquiète pas ; laisse-moi faire ; ne te mêle pas de cela.
Chagrin (noyer le)
Rigaud, 1881 : Boire.
C’est à la cantine, en noyant le chagrin, que l’on attrape les buveurs d’encre.
(Fréd. de Reiffenberg, La Vie de garnison)
Chahut
Larchey, 1865 : Danse populaire.
Un caractère d’immoralité et d’indécence comparable au chahut que dansent les faubouriens français dans les salons de Dénoyers.
(1833, Mansion)
La chahut comme on la dansait alors était quelque chose de hideux, de monstrueux ; mais c’était la mode avant d’arriver au cancan parisien, c’est-à-dire à cette danse élégante décemment lascive lorsqu’elle est bien dansée.
(Privat d’Anglemont)
Larchey, 1865 : Dispute.
Je n’ai jamais de chahut avec Joséphine comme toi avec Millie.
(Monselet)
Delvau, 1866 : s. m. Bruit, vacarme mêlé de coups, — dans l’argot des faubouriens. Faire du chahut. Bousculer les tables et les buveurs, au cabaret ; tomber sur les sergents de ville, dans la rue.
Delvau, 1866 : s. m. Cordace lascive fort en honneur dans les bals publics à la fin de la Restauration, et remplacée depuis par le cancan, — qui a été lui-même remplacé par d’autres cordaces de la même lascivité. Quelques écrivains font ce mot du féminin.
Rigaud, 1881 : Bruit, tapage. Faire du chahut.
Rigaud, 1881 : Cancan poussé à ses dernières limites, l’hystérie de la danse. On dit également le ou la chahut.
Un d’eux, tout à fait en goguette, se laissera peut-être aller jusqu’à la chahut.
(Physiologie du Carnaval)
La Rue, 1894 : Dispute, tapage, mêlée. Danse de bastringue.
France, 1907 : « Le chahut est la danse par excellence, dit l’auteur des Physionomies parisiennes, danse fantaisiste, sensuelle, passionnée, plus d’action et de mouvement que d’artifice, qui se prête aux improvisations les plus hardies et les plus excentriques… Le cancan est l’art de lever la jupe : Le chahut, l’art de lever la jambe. »
S’il faut en croire le même auteur, ce qui caractérise le chahut, c’est la décence ; car, dit-il, tout ce qui est simple et naturel est décent, et le chahut est la plus simple et la plus naturelle de toutes les danses.
Le chahut remonte à la plus haute antiquité. Cette danse à été et est encore celle de tons les peuples primitifs. Les austères Lacédémoniennes dansent le chahut en costume des plus légers : c’est le chahut que le saint roi David dansait devant l’arche, et le Parisien badaud a pu jouir d’un vrai chahut sauvage avec les Peaux-Rouges du colonel Cody.
— Hein ! quelle noce à la sortie du bloc ! Que de saladiers rincés joyeusement et de chahuts échevelés pour célébrer le sacrifice ! Franchement, ça vaut ça !
(Montfermeil)
France, 1907 : Bruit, tapage.
Peu à peu, le cabaret du Hanap d’Or s’était rempli de monde. Adèle, Marie étaient venues entourées d’une bande de petits gommeux qui, ce soir-là, avaient trouvé amusant d’aller faire du chahut à l’Élysée-Montmartre.
(Édouard Ducret, Paris canaille)
Chahuter
Vidocq, 1837 : v. a. — Faire tapage pour s’amuser.
Larchey, 1865 : Faire tapage, danser le chahut.
Ce verbe, qui, à proprement parler, signifie crier comme un chat-huant, vient du nom de cet oiseau autrefois appelé chahu ou cahu…
(Fr. Michel)
Ça mettra le vieux Charlot en gaîté… il chahutera sur sa boutique.
(E. Sue)
Larchey, 1865 : Renverser, culbuter.
Sur les bords du noir Cocyte, Chahutant le vieux Caron, Nous l’fich’rons dans sa marmite, etc.
(Chanson de canotiers)
Delvau, 1866 : v. a. Secouer avec violence ; renverser ; se disputer.
Delvau, 1866 : v. n. Danser indécemment.
Rigaud, 1881 : Bousculer, faire du vacarme. — Chahuteur, chahuteuse, danseur, danseuse de chahut, tapageur, tapageuse.
Rigaud, 1881 : Danser la chahut.
Chahuter, pincer le cancan,
Sur l’abdomen coller sa dame ;
Voilà le danseur à présent,
(P. J. Charrin, Les Actualités)
Rossignol, 1901 : Jouer, s’amuser, danser.
Finis de chahuter, je ne veux pas rire.
Au bal celui qui se démène en dansant le quadrille chahute.
France, 1907 : Danser le chahuts ; faire du tapage ou être secoué.
Et cette fille destinée à chahuter de lit en lit.
(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)
Chahuteur
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais sujet.
France, 1907 : Mauvais sujet. Tapageur, danseur de chahut.
Chahuteur de macchabées
France, 1907 : Employé des pompes funèbres, vulgairement appelée croque-mort.
Sur l’invitation d’un habitué qui désigna la société de messieurs les croque-morts, en ajoutant : « Ils ne connaissent pas la case, ces chahuteurs de macchabés : apprends-leur de quoi il retourne », le poète salua et commença à déclamer avec un fort accent méridional…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Chahuteur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Tapageur, tapageuse.
Chahuteuse
Delvau, 1864 : Coureuse de bals publics, qui danse volontiers la chahut au lit.
Delvau, 1866 : s. f. Habituée des bals publics ; dévergondée.
France, 1907 : Danseuse de chahut : habituée des bastringues.
Les chroniqueurs du Tout-Paris enregistraient avec soin les faits et gestes de toutes les illustres chahuteuses. Elles faisaient pièce à la politique du jour. Gustave Nadaud les célébra dans une chanson restée dans les souvenirs de tous :
Pomaré, Maria, Mogador et Clara,
Apparaissez, folles divinités.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Chahutoir
France, 1907 : Bastringue, lieu public où l’on danse le chahut.
Le chahut et les chahutoirs, ces immenses rendez-vous d’ennuyés et de filles, la Goulue en est l’étoile : l’étoile de Montmartre levée au chair de lune du Pierrot de Willette au-dessus des buttes du Sacré-Cœur, et des ailes fantômes des défunts moulins, gloire cynique faite à la lois de caprice et de boue, fleur de cuvette prise dans un jet de lumière électrique et tout à coup adoptée par la mode ; et la vogue, la vogue, cette aveugle quelquefois guérie, qui pendant dix ans a passé, sans rien voir, devant les affiches de Chéret et ne découvre une femme qu’une fois roulée dans les vagues de la prostitution.
(Écho de Paris)
Chaillot (à)
Larchey, 1865 : Terme injurieux fort en usage à Paris. C’est comme si on criait : À l’eau ! à l’eau ! — Et par le fait, Chaillot est au bord de la Seine. Le mot pourrait être fort ancien, si on en juge par cet extrait d’une mazarinade de 1649 (La Nape renversée).
Les gens de l’assemblée s’en allèrent je ne sçay où, à Chaillot ou à Saint-Cloud.
(La Nape renversée)
À Chaillot les géneurs.
(Les Cocottes, 1864)
Rigaud, 1881 : Mot à mot : allez vous promener à Chaillot. On envoie à Chaillot, pour s’en débarrasser, les imbéciles, les niais, les gêneurs, ceux qu’un rien étonne, les décrépits de l’intelligence.
Est-ce à cause des hôtes de Sainte-Perrine — ruines humaines pour la plupart — qu’il est de bon goût, depuis quelques années, de crier : À Chaillot ! toutes les fois que dans la conversation quelqu’un dit une sottise ou émet une proposition extravagante ?
(A. Delvau, Hist. anecdotique des barrières de Paris)
Chaillot (à) !
France, 1907 : Exclamation qu’ou lance aux gêneurs. Aller à Chaillot signifie : aller au diable. Chaillot a été, on ne sait pourquoi, le point de mire des sarcasmes des Parisiens. À dire vrai, les badauds de Paris n’ont rien à revendre en âneries aux ahuris de Chaillot.
Chaillot (ahuri, abruti de)
Rigaud, 1881 : Celui qu’un rien étonne, sorte d’idiot. — Une des nombreuses parodies de Taconnet, acteur et fournisseur ordinaire de Nicolet, porte pour titre : Les Ahuris de Chaillot ou Gros-Jean Bel-esprit.
Chaîne (doubler la)
Rigaud, 1881 : Dans le jargon des régiments de cavalerie a la signification de tenir serré, de couper les vivres ; allusion aux chevaux auxquels on double la chaîne lorsqu’ils sont sujets à se détacher. — Le vieux me double la chaîne, mon père me tient serré. — Autrefois l’officier me donnait la permission de dix heures, mais depuis que je me suis si bien cuité, il a doublé la chaîne.
Chaîne (faire la)
France, 1907 : Passer des seaux de main en main pour éteindre un incendie.
Chair
d’Hautel, 1808 : Il est de chair et d’os comme vous. Se dit par reproche à celui qui maltraite son semblable ; et signifie : il est votre égal, il est de même nature que vous.
Se hacher comme chair à pâté. Pour, se battre à toute outrance.
Rire entre cuir et chair. Se moquer intérieurement d’une personne ; rire sous cape.
La chair nourrit la chair. Pour dire que les alimens les plus en usage sont les viandes.
Jeune chair et vieux poisson. Signifie qu’il faut manger les animaux quand ils sont jeunes, et les poissons quand ils sont vieux.
Il n’y a point de belle chair près des os. Pour dire qu’une personne maigre et décharnée ne peut être belle.
On ne sait s’il est chair ou poisson. Se dit d’un homme caché, d’un sournois que l’on ne peut définir.
Vendeurs de chair humaine. Raccoleurs, embaucheurs ; ceux qui faisoient autrefois métier de vendre des jeunes gens aux capitaines de recrutement.
L’esprit est prompt, la chair est foible. Paroles évangéliques dont on se sert communément par plaisanterie, pour dire que l’homme se laisse facilement entrainer à ses passions.
Delvau, 1864 : Le membre viril, que les femmes ne craignent pas de consommer même en Carême parce que ce jeûne là serait de tous le plus pénible et le plus impossible. — D’où l’expression biblique d’œuvre de chair.
Bon, bon ! sur ce ton-là, la petite friande,
Il lui faut la chair vive après toute autre viande.
(J. De Schélandre)
Chair à canon
France, 1907 : La vile multitude, comme disait M. Thiers, dont on fait des soldats qui se font tuer pour défendre des liens qu’ils ne possèdent pas et des propriétés qui appartiennent à d’autres.
Chair humaine (vendeur de)
Larchey, 1865 : Agent de remplacement militaire. — Au dix-huitième siècle, on donnait déjà ce nom aux sergents recruteurs.
Chairez
France, 1907 : Hardi ! De l’aplomb !… Argot des forçats.
Chairez !
Fustier, 1889 : Hardi ! Courage ! Cette interjection se trouve dans l’ouvrage d’Alph. Humbert intitulé : Mon bagne.
Chaise (bâton de)
France, 1907 : Ne s’emploie que dans cette expression : Mener ou faire une vie de bâton de chaise, faire la fête, dissiper son argent, sacrifier à la fois à Bacchus et à Vénus.
Chaises
France, 1907 : Dents. Ne s’emploie guère que dans cette expression : Manquer de chaises dans sa salle à manger, manquer de dents.
Chaleur
d’Hautel, 1808 : Ses grandes chaleurs sont passées. Se dit d’un homme impétueux et ardent qui a jeté tout son feu ; d’une personne dont l’âge a ralenti les passions et l’activité.
Couvrez-vous, la chaleur vous est bonne. Se dit par ironie d’un homme incivil et grossier, qui ne se découvre pas, même devant les personnes qui commandent le respect.
Chaleur !
Fustier, 1889 : Exclamation qui sert à marquer la surprise, le mépris, l’intention de ne pas faire telle ou telle chose. S’emploie toujours ironiquement ; elle est synonyme de Maladie ! ou de ça ne serait pas à faire !
Dans le Casino susdit, on jouerait le baccarat et les dames seraient admises ! Oh ! chaleur !
(Le Joueur, 1881)
France, 1907 : Exclamation populaire qui marque la surprise, le doute ou une admiration moqueuse.
Chaleur (être en)
Delvau, 1864 : Avoir envie d’homme lorsqu’on est femme, de femme lorsqu’on est homme, — et de chienne lorsqu’on est chien.
De sa fécondité la cause
S’explique en y réfléchissant !…
Il est clair pour l’observateur
Qu’il doit toujours être en chaleur.
(Louis Protat)
Châlier
Rigaud, 1881 : Commis de magasin préposé à la vente des châles, — dans le jargon de la nouveauté.
Chaloupe
Larchey, 1865 : Femme dont le jupon se gonfle comme une voile de chaloupe. — « C’te chaloupe ! » crie Un gamin de Gavarni derrière une élégante.
Delvau, 1866 : s. f. Femme à toilette tapageuse, — dans l’argot des voyous. Chaloupe orageuse. Variété de chahut et femme qui le danse.
Chaloupe (faire la)
Rigaud, 1881 : Exécuter un pas de cancan à l’aide d’un tangage furieux du train de derrière.
Vous faites la chaloupe, et c’est une variété du cancan.
(Physiologie du Carnaval, 1842)
Chaloupe orageuse
Larchey, 1865 : Variété pittoresque du cancan. V. Tulipe.
Ils chaloupaient à la Chaumière.
(Les Étudiants, 1864)
Comparaison de la danse au roulis d’une chaloupe.
France, 1907 : Sortie de cancan ou de chahut très accentué.
Chaloupée
France, 1907 : Femme habillée d’une façon excentrique et tapageuse. Faire la chaloupe, avoir une tenue débraillée.
Chalouper
Delvau, 1866 : v. n. Danser le chahut.
Rigaud, 1881 : Marcher en balançant les épaules.
Quant à Henri de Car… tête de dogue aussi sur des épaules trapues et un corps chaloupant !…
(M. Rude, Tout Paris au café)
France, 1907 : Danser la chaloupe.
Chaloupier
France, 1907 : Forçat chargé de déferrer Les condamnés à leur arrivée au bagne, à l’époque où existait la « chaîne ».
On s’empresse de les débarrasser du collier de voyage, opération dangereuse et difficile qui exige beaucoup de sang-froid et d’habitude, et que le moindre faux mouvement de celui qui la pratique ou qui la subit pourrait rendre mortelle. Pour cette opération qu’il redoute, le condamné s’assied à terre, la tête près d’un billot sur lequel est fixée une enclume, et deux anciens forçats, dits chaloupiers, chassent à grands coups de masse et de repoussoir le boulons qui tient le collier fermé.
(A. Dauvin, Les Forçats)
Chalumeau
Delvau, 1864 : Le roseau percé d’un trou avec lequel l’homme joue les airs variés de la polissonnerie dans le vagin de la femme.
Mais son doux chalumeau
M’ayant d’amour éprise,
Ce n’est rien de nouveau
Si je fis la sottise.
(La Comédie de chansons)
Chamailler
d’Hautel, 1808 : Chicaner, disputer sur des riens, comme le font ordinairement ceux qui ont l’humeur querelleuse et inégale ; se battre.
Chamailler (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se disputer, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Se disputer.
Chamailler des dents
Delvau, 1866 : v. n. Manger.
France, 1907 : Manger.
Chamaillis
d’Hautel, 1808 : Démêlé, petit différend ; légère dissension ; chicane.
Chamareuse
France, 1907 : Petite ouvrière.
Chamarre
France, 1907 : Blouse de paysan ; venu du provençal.
Chamarreuse
La Rue, 1894 : Brodeuse.
Chambard
Fustier, 1889 : Bruit, tapage. « Il est de tradition à l’École (Polytechnique) que, à la rentrée, les anciens démolissent les meubles des nouveaux, jettent leurs oreillers et leurs matelas par les fenêtres et dispersent leurs affaires. C’est ce qu’on appelle faire le chambard. »
(Temps, 1881)
Rossignol, 1901 : Bruit.
Mes voisins ont fait tellement de chambard la nuit passée, que je n’ai pas fermé l’œil.
Hayard, 1907 : Bruit, tapage.
France, 1907 : Acte de briser, de bousculer, de mettre en désordre les effets ou les objets d’un nouveau venu à l’École Polytechnique ; argot des écoles miliaires. Il signifie dans l’argot populaire : tumulte, bruit.
En réalité, le chambard que les socialos rêvent se borne à changer les étiquettes, à recrépir la façade et autres fumisteries du même blot. Avec eux, au lieu d’être exploités par le patron, on le serait par l’État… au lieu de toucher notre paye en pièces de cent sous, on nous la cracherait en billets de banque baptisés : « bons de travail. »
(Almanach du Père Peinard, 1895)
Chambard (en faire)
Virmaître, 1894 : Faire un potin infernal (Argot du peuple). V. Chambarder.
Chambard, chambarder, chambardement
La Rue, 1894 : Bruit, tapage, renversement, bris.
Chambardement
Fustier, 1889 : Renversement, bris.
Gambetta, vil objet de mon ressentiment,
Ministres ennemis de tout chambardement,
Sénateurs que je bais…
(Événement, 1881)
Rossignol, 1901 : Faire du chambard.
France, 1907 : Bouleversement, destruction.
Les sociétés se succèdent et disparaissent, englouties tour à cour dans de formidables débâcles. Que reste-t-il des antiques civilisations de l’Asie, des Amériques et de celles dont ou découvre, çà et là, des traces au-delà des déserts africains ?
Comme elles, la nôtre ne sera plus qu’un souvenir.
Sur nos débris, d’autres races surgiront, qui ne comprendront ni notre histoire, ni nos mœurs, ni nos sottises, ni nos crimes.
Table rase ! Le jour du grand chambardement est proche, Les bruits précurseurs des tempêtes s’élèvent de toutes parts.
(Hector France, Lettres Rouges)
Chambarder
Delvau, 1866 : v. a. Secouer sans précaution ; renverser ; briser, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.
Fustier, 1889 : Faire du bruit, du chambard.
Vous aurez la complaisance cette année de ne pas tout chambarder dans l’École (Polytechnique), comme vous en avez l’habitude…
(XIXe siècle, 1881)
On dit familièrement en Bretagne chambarder pour : remuer, bousculer quelqu’un ou quelque chose. (V. Delvau : Chambarder.).
Virmaître, 1894 : Tout casser, tout démolir, bouleverser une maison de fond en comble, renouveler son personnel. Mot à mot : faire balai neuf (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Jeter.
Dans un moment de colère, j’ai chambardé par la fenêtre tout ce qu’il y avait dans les meubles.
France, 1907 : Tout casser. Se défaire à vil prix de son mobilier où de ses hardes.
Louise Michel était bouclée dans la prison de Vienne, quand les gaffes viennent lui annoncer, la gueule en cul de poule, que Constans ayant pitié d’elle on allait la foutre en liberté.
Bien plus, nom de dieu ! on disait tout bas que c’était elle qui avait réclamé sa grâce.
Sous un coup pareil, Louise a bondi ! Sortir seule de prison et y laisser moisir une cinquantaine de bons copains ? — Non, non, elle ne sortirait pas !
Foutue en rage, elle s’est mise à tout chambarder !
(Le Père Peinard)
Chambardeur
France, 1907 : Casseur d’assiettes, homme bruyant, tapageur.
Chamberlan, chambrelan
Rigaud, 1881 : Ouvrier en chambre.
France, 1907 : Ouvrier en chambre. Le mot chambellan s’écrivait autrefois ainsi.
Chambert
France, 1907 : Bavard, corruption de chambard, bruit.
Chambert, chambertin
Rigaud, 1881 : Indiscret, — dans l’argot des voleurs. — Chambertage, indiscrétion. — Chamberter, commettre une indiscrétion. Allusion au bon vin, au vin de Chambertin, qui délie la langue et fait parler.
Chamberter
Virmaître, 1894 : S’amuser. Quant les troupiers mettent les lits en bascules, qu’ils chahutent toute la chambrée, ils chambertent les camarades (Argot du troupier).
France, 1907 : Trop parler, commettre des indiscrétions. C’est aussi s’amuser, dans l’argot militaire. Corruption de chambarder.
Chambre
d’Hautel, 1808 : Avoir des chambres vides dans la tête. Pour dire, avoir l’esprit aliéné, le cerveau creux ; être attaqué de folie.
On dit aussi par raillerie d’un spectacle peu fréquenté, et moitié vide pendant les représentations, qu’il y a beaucoup de chambres à louer.
Chambre (être en)
Rigaud, 1881 : Ne pas être dans ses meubles ; mot à mot : être en chambre meublée, — dans le jargon des apprenties femmes galantes.
Chambre (la)
Rigaud, 1881 : C’est, dans le jargon des revendeurs, la salle qui leur est affectée à l’hôtel Drouot, la salle no 16 où se font les ventes des objets apportés par les brocanteurs. Pour eux, c’est la Chambre par excellence, comme Urbs était la ville, Rome pour les Romains. — Faire vendre à la chambre. — Acheter à la chambre.
Chambre à louer (avoir une)
Rigaud, 1881 : Avoir un grain de folie. Allusion à la tête dont les idées saines sont parties.
France, 1907 : Être fou, c’est-à-dire avoir une case vide dans le cerveau.
Chambre de sûreté
France, 1907 : La conciergerie.
Chambre des comptes
Rigaud, 1881 : Chambre conjugale, — dans le jargon des bourgeois.
Chambre des pairs
Delvau, 1866 : s. f. Bagne à vie, — dans l’argot des prisonniers.
Rigaud, 1881 : On appelait ainsi au bagne le côté des galériens condamnés à perpétuité. Les condamnés à temps formaient le côté désigné sous le nom de Chambre des députés. (L. Larchey)
France, 1907 : Partie du Dépôt réservée aux condamnés aux travaux forcés à perpétuité.
Chambrelan
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Ouvrier qui travaille en chambre ; ou locataire qui n’occupe qu’une chambre.
Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier en chambre ; locataire qui n’occupe qu’une seule chambre, — dans l’argot du peuple.
On dit aussi Chamberlan, et ce mot, comme l’autre, est la première forme de Chambellan. Les gens du bel air ont donc tort de rire des petites gens, — qui parlent mieux qu’eux, puisqu’ils parlent comme Villehardouin, comme Joinville, comme Froissard, qui parlaient comme les Allemands (Kämmerling ou Chamarlinc).
Chambrer
Delvau, 1864 : Sécurité que l’en prend en renfermant dans sa chambre l’homme ou la femme qu’on destine à ses plaisirs amoureux, dans la crainte qu’ils ne portent à d’autres une partie du tribut que l’on se réserve.
Ailleurs, la comtesse, avec moins d’égards pour son estomac, chambre le joli Fessange.
(Les Aphrodites)
Sachez, dit-il, que je chambre
Certaine femme de chambre.
(Grécourt)
Fustier, 1889 : Perdre, voler. Argot des grecs.
France, 1907 : Voler ; argot des voleurs et des grecs.
C’est un grec de profession. Il a travaillé successivement sous le nom de marquis de… de vicomte de… de comte de… de baron… Il a des commanditaires…. C’est lui qui chambra M. Gordon Bennett pour le compte d’un grand d’Espagne de je ne sais quelle classe.
(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)
Chambrer le pante
France, 1907 : Voler le bourgeois.
Voici mon truc, a-t-il dit à Mermeix : je loge toujours avec l’étoile dans le premier hôtel de la ville où nous passons. Je prends un appartement composé de deux chambres séparées pur un salon. L’étoile ne voit que moi. Elle soupe avec moi. Quand elle est couchée, j’entre dans sa chambre pour m’informer s’il ne lui manque rien. Vous comprenez qu’il n’y a pas de moyen pour elle d’y échapper.
M. Schürmann manque de modestie en qualifiant de sien un truc qui est depuis longtemps dans le domaine public : c’est ce qu’en argot des bonneteurs on appelle chambrer le pante.
(Grosclaude)
Chambrillon
d’Hautel, 1808 : Petite servante employée aux plus basses occupations du ménage.
Delvau, 1866 : s. f. Petite servante, — dans le même argot [du peuple].
Chambrion
France, 1907 : Petite servante.
— Elle est gentille vot’ chambrion. J’aimerais mieux la trouver dans mon lit qu’une punaise.
Chameau
Delvau, 1864 : Fille de mauvaises mœurs, nommée ainsi par antiphrase sans doute, le chameau étant l’emblème de la sobriété et de la docilité, et la gourgandine, l’emblème de l’indiscipline et de la gourmandise.
L’autre dit que sa gorge a l’air d’un mou de veau,
Et toutes sont d’accord que ce n’est qu’un chameau.
(Louis Protat)
Suivre la folie
Au sein des plaisirs et des ris,
Oui, voilà la vie
Des chameaux chéris
À Paris.
(Justin Cabassoc)
Larchey, 1865 : Femme de mauvaise vie. — On dit aussi : Chameau d’Égypte, chameau à deux bosses, ce qui paraît une allusion a la mise en évidence de certains appas.
Qu’est-ce que tu dis là, concubinage ? coquine, c’est bon pour toi. A-t-on vu ce chameau d’Égypte !
(Vidal, 1833)
Cette vie n’est qu’un désert, avec un chameau pour faire le voyage et du vin de Champagne pour se désaltérer.
(F. Deriège, 1842)
Delvau, 1866 : s. m. Compagnon rusé, qui tire toujours à lui la couverture, et s’arrange toujours de façon à ne jamais payer son écot dans un repas ni de sa personne dans une bagarre.
Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme qui a renoncé depuis longtemps au respect des hommes. Le mot a une cinquantaine d’années de bouteille.
Rigaud, 1881 : Homme sans délicatesse. — Terme de mépris à l’adresse d’une femme. — Femme de mauvaise vie qui roule sa bosse comme le chameau la sienne. « La femme est un chameau qui nous aide à traverser le désert de la vie » a dit un insolent dont le nom m’échappe.
France, 1907 : Sale individu, homme sur lequel on ne peut compter, plus disposé à exploiter qu’à aider ses camarades. Encore une bizarrerie de langage à laisser étudier aux étymologistes, car le chameau est un animal utile et fort exploité et sur la sobriété duquel repose le salut des caravanes.
M’est avis que d’entrer en relations avec les pestailles, lez jugeurs et les piliers de prison, ça vous donne le dégoût de ces chameaux, et ça augmente votre haine contre les horreurs sociales.
(Le Père Peinard)
France, 1907 : Substantif masculin employé au féminin pour désigner une vieille ou jeune personne de morale relâchée. D’où peut venir cette expression ? Ce n’est certainement pas des protubérances naturelles au beau sexe. Faut-il voir dans cette singulière appellation une comparaison avec la docilité qu’a le chameau de se coucher pour recevoir sa charge, et celle de la fille qui subit le client ?
Mais ce déballage de honte, cette exhibition de crève-la-faim, cela soulève le cœur des catins de la haute, des salopes bourgeoises, les rivales, ces chameaux vêtues de soie et de fourrures, qui ont des amants dans tous leurs tiroirs, sans avoir, comme toi, l’excuse, la suprême excuse de la faim.
(La Révolte)
Un certain soir, des biches de la haute
Festoyaient dans un restaurant ;
De nous griser ne faisons pas La faute,
Dit l’une, et tenons notre rang !
Alors que nous sommes en noces,
Ne luttons que de gais propos,
Car, si nous nous faisions des bosses…
On nous prendrait pour des chameaux.
Chameliers (les)
Merlin, 1888 : Les anciens guides.
Chamelle
France, 1907 : Employé dans le même sens que chameau.
Sur l’une et l’autre mamelle
De cette jeune chamelle,
Comme le tambour Legrand,
J’ai souvent battu la charge…
(A. Glatigny)
Champ
d’Hautel, 1808 : Il y a long-temps que son honneur court les champs. Se dit malignement d’une fille sans pudeur et sans mœurs ; pour faire entendre qu’elle a commencé de bonne heure à s’adonner au libertinage et au vice. On dit aussi d’un écervelé, d’un fou, d’un homme sans jugement, que son esprit court les champs.
Prendre la clef des champs. Pour s’échapper, prendre l’essor.
Il a un œil au champ et l’autre à la ville. Se dit d’un homme vigilant, qui voit ce qui se passe de près et de loin.
Il y a assez de champ pour faire glane. Signifie que quel que soit l’état où le sort nous a placés, avec une bonne conduite et de l’activité, on peut toujours trouver de l’emploi.
À tout bout de champ. Pour dire à tout propos ; à tout moment.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, que Dieu a condamné l’homme à labourer et à ensemencer, ce à quoi il ne manque pas.
Si pour cueillir tu veux donques semer,
Trouve autre champt et du mien te retire.
(Marot)
De manière que son champ ne demeurât point en friche.
(Ch. Sorel)
Larchey, 1865 : Champagne.
Maria. Oh !… du champ !… — Eole… agne. — Maria. Qu’est-ce que vous avez donc ? — Eole. On dit du champagne. — Maria. Ah bah ! où avez-vous vu ça ?
(Th. Barrière)
Rigaud, 1881 : Vin de Champagne ; par abréviation. — Voulez-vous un verre de champ ? — Je m’en sens Montebello à la bouche…
Fustier, 1889 : Argot de sport. L’ensemble des chevaux qui se présentent pour figurer dans la même épreuve. Parier pour un cheval contre le champ, c’est parier pour un cheval contre tous ses concurrents. (Littré)
Champ d’oignons
Delvau, 1866 : s. m. Cimetière, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que les morts empruntent aux vivants un terrain utilisé pour l’alimentation de ceux-ci.
Champ de bataille
Delvau, 1864 : Le lit, sur lequel se tirent tant de coups et, tout au contraire de l’autre, se fabriquent tant de créatures humaines. — On employait autrefois ce mot pour : la nature de la femme. L’expression moderne est plus exacte.
Il fallut abandonner le champ de bataille et céder Haria.
(Diderot)
Quoiqu’il me parût fort dur de quitter le champ de bataille avant d’avoir remporté la victoire, il fallut m’y décider pourtant.
(Louvet)
Champ de navet
Virmaître, 1894 : Cimetière d’Ivry. Il est ainsi nommé parce qu’il est sur l’emplacement de champs dans lesquels jadis les paysans cultivaient des navets. Au Château d’Eau sur l’emplacement de la caserne du prince Eugène (ci-devant) il existait un bal qui se nommait aussi pour les mêmes raisons, vers 1833, le Champ de Navet (Argot du peuple).
Champ de navets
Rigaud, 1881 : Cimetière des suppliciés, cimetière d’Ivry.
France, 1907 : Cimetière.
Quand la mère du jeune assassin Vodable vint après l’exécution réclamer les hardes de son fils, on lui remit avec diverses guenilles une vieille paire de souliers usés et avachis.
— Qu’est-ce que ces saletés ? s’écria-t-elle. Quand il a passé en jugement, je lui ai apporté une belle paire de bottines presque neuves, où sont-elles ?
— À ses pieds, répondit le geôlier.
— Ah ! la rosse, le salaud, le sans-cœur ! Des bottines de quinze francs, monsieur, si ça ne fait pas frémir ! Des bottines de quinze francs pour aller au Champ de navets.
Champ de tabac
Merlin, 1888 : Cimetière.
Champ’
France, 1907 : Apocope de champagne ; argot des petits crevés qui n’ont pas la force de prononcer toutes les syllabes d’un mot.
Champagne
d’Hautel, 1808 : Attrape, Champagne, c’est du lard. Phrase goguenarde dont on se sert pour railler quelqu’un à qui l’on a joué quelque tour, et que l’on est parvenu à attraper, à prendre dans quelque piège.
Champagne (fine)
Larchey, 1865 : Eau-de-vie fine. — Du nom d’un village de la Charente-Inférieure.
Nous lui ferons prendre un bain de fine champagne.
(Cochinat)
Champagnes (les)
Rigaud, 1881 : Société de touristes parisiens, excursionnistes. (Imbert, À travers Paris inconnu)
Champe
Hayard, 1907 : Champagne.
Champêtre
France, 1907 : Comique, un campagnard étant toujours comique aux yeux des citadins.
Champfleurisme
Delvau, 1866 : s. m. École littéraire dont Champfleury est le chef. C’est le réalisme.
Champfleuriste
Delvau, 1866 : s. et adj. Disciple de Champfleury.
Champi
France, 1907 : Enfant trouvé, bâtard, Dans l’avant-propos d’un de ses romans, George Sand donne ainsi la définition de ce mot :
— Un instant, dit mon auditeur sévère, je t’arrête au titre. Champi n’est pas français.
— Je te demande bien pardon, répondis-je. Le dictionnaire le déclare vieux, mais Montaigne l’emploie, je ne prétends pas être plus français que les grands écrivains qui font la langue. Je n’intitulerai donc pas mon conte François l’enfant trouvé, François le Bâtard, mais François Le Champi, c’est-à-dire l’enfant abandonné dans les champs, comme on disait autrefois dans le monde, et comme on dit encore aujourd’hui chez nous.
Champigneul
Hayard, 1907 : Garde-champêtre.
Champignon
d’Hautel, 1808 : Il vient comme un champignon. Se dit figurément d’un enfant plein de vigueur et de santé qui se développe sans secousse et d’une manière heureuse.
On dit aussi par ironie d’un homme qui, de pauvre qu’il étoit, s’élève subitement, qu’il est venu en une nuit comme un champignon.
Delvau, 1864 : Végétation charnue et maligne qui vient sur le membre viril par suite d’un contact suspect.
Elle n’eut jamais chaude-pisse,
Ni vérole, ni champignon.
(H. Raisson)
Champignon (le)
Delvau, 1864 : Le membre viril, à cause de sa forme qui rappelle celle des cryptogames dont les femmes sont si friandes, surtout quand ce sont des champignons de couche.
Si son champignon
Ressemble à son piton.
Quel champignon,
Gnon, gnon,
Qu’il a, Gandon,
Don, don !
(Alexandre Pothey)
Champion
d’Hautel, 1808 : C’est un fameux champion. Se dit par raillerie d’un homme inhabile, sans force sans courage et sans énergie.
On dit aussi d’une femme dont la vertu et les mœurs sont suspectes, que C’est une championne.
Champisse
France, 1907 : Féminin de champi.
Champoreau
Delvau, 1866 : s. m. Café à la mode arabe, concassé et fait à froid, — dans l’argot des faubouriens qui ont été troupiers en Afrique. Pour beaucoup aussi, c’est du café chaud avec du rhum ou de l’absinthe.
Merlin, 1888 : En Afrique, le champoreau est une sorte de café composé d’orge grillé ou de gland doux, additionné de sirop à la gélatine ; en France, dans les casernes, c’est le café froid ou chaud, quand ce n’est pas, comme dans certaines cantines de notre connaissance, un mélange indéfinissable, quelque chose comme du noir de fumée délayé dans l’acide nitrique.
France, 1907 : Boisson en usage en Algérie, d’où elle est passée en France, qui est simplement du café versé sur de l’eau-de-vie ou toute autre liqueur, et non, comme le dit Lorédan Larchey, « sur du café au lait très étendu d’eau ». Le champoreau se distingue du gloria en ce sens qu’il est servi dans un verre au lieu d’une tasse et que le café y est versé sur la liqueur au lieu de la liqueur sur le café, ce qui, d’après les amateurs, n’a pas du tout le même goût.
Il faut ajouter que le champoreau, tel que le prennent actuellement les soldats et les colons d’Afrique, n’est pas le même que celui de l’officier qui lui donna son nom et où l’eau-de-vie était remplacée par l’absinthe.
Le douro, je le gardais précieusement, ayant grand soin de ne pas l’entamer. J’eusse préféré jeûner un long mois de champoreau et d’absinthe.
(Hector France, Sous le Burnous)
Champs
Fustier, 1889 : Champs-Élysées. Argot des filles, des souteneurs et de toute la population interlope qui, la nuit venue, fait élection de domicile aux Champs-Élysées.
Chançard
Larchey, 1865 : Favorisé habituellement par la chance.
Delvau, 1866 : s. m. Homme heureux en affaires ou en amour, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Homme heureux dans les entreprises, soit en affaires, soit en amour.
Chançard, chançarde
Rigaud, 1881 : Celui, celle qui a de la chance.
On n’est pas chançard tous les jours.
(Hennique, La Dévouée)
Chance au bâtonnet (avoir de la)
Rigaud, 1881 : Réussir.
La chance l’y tourne, comme si elle avait joué au bâtonnet avec moi.
(Amusements à la grecque, 1764)
Chanceler
Delvau, 1866 : v. n. Être gris à ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes, — dans le même argot [du peuple].
Chanceux
d’Hautel, 1808 : C’est un homme bien chanceux. Pour dire auquel on ne peut se fier ; sujet à caution ; sans réputation, sans crédit.
Chancre
d’Hautel, 1808 : Espèce d’ulcère qui ronge la partie du corps où il s’est formé.
Manger comme un chancre. Locution grossière, pour dire manger avec excès, comme un glouton ; être difficile à rassasier.
Delvau, 1864 : Petit ulcère cancéreux qui se déclare ordinairement sur le membre viril à la suite d’un contact malsain et qui, s’il n’est pas soigné, finit par infecter l’économie.
Jamais du moins on ne m’a vu
Foutre des chaudes-pisses ;
Pleins de chancres et de morpions.
(Parnasse satyrique)
Delvau, 1866 : s. m. Grand mangeur, homme qui dévore tout, — dans le même argot [du peuple].
France, 1907 : Personne d’un large appétit. Pour les paysans, « les vieux », c’est-à-dire le père et la mère, qui ne produisent plus, sont toujours des chancres.
Chand
France, 1907 : Apothèse de marchand, plus fréquemment employé dans l’expression chand d’habits, fripier.
— Je suis prête à sortir, mais quel est mon profit ?
Payez-moi mes leçons, ma chère,
D’histoire ancienne et de grammaire,
Autrement qu’en effets sales et défraîchis
Dont ne veut pas le chand d’habits.
(Marc Legrand, La Fontaine de poche)
Chand, chande
Fustier, 1889 : Marchand, marchande.
Chandeleur
d’Hautel, 1808 : À la chandeleur les grandes douleurs. Parce qu’ordinairement à cette époque le froid se fait sentir avec beaucoup de rigueur.
Chandelier
Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle brûle la chandelle de l’homme.
Delvau, 1866 : s. m. Le nez, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous ; un nez qui laisse couler beaucoup de chandelles.
Fustier, 1889 : Souteneur de filles.
Dans l’argot des voleurs, un chandelier signifie un souteneur de filles.
(Figaro, janvier 1886. V. Infra : Relever le chandelier.)
La Rue, 1894 : Souteneur. Nez.
France, 1907 : Le nez.
Chandelière
Rigaud, 1881 : Femme qui tient une table d’hôte et des tables de jeu à l’adresse des grecs, à la plus grande gloire du dessous du chandelier et au détriment des pigeons.
Chandelle
d’Hautel, 1808 : Trente-six, chandelles et le nez dessus, il n’y verroit pas plus clair. Se dit par exagération d’un homme sans intelligence, sans perspicacité, pour lequel les choses les plus claires et les plus simples deviennent obscures et embrouillées.
Il a passé comme une chandelle. Pour exprimer qu’une personne est morte sans crises, qu’elle a terminé doucement sa carrière ; ou qu’un malade a expiré au moment où l’on s’y attendoit le moins.
Ses cheveux frisent comme des chandelles. Se dit figurément d’une personne dont les cheveux sont plats, roides, et ne bouclent pas naturellement.
C’est un bon enfant qui ne mange pas de chandelle. Locution basse et triviale, pour faire entendre qu’un homme n’a pas l’humeur facile ; qu’il n’est pas aisé à mener ; qu’il ne se laisse pas marcher sur le pied.
Ses yeux brillent comme des chandelles. C’est-à-dire sont vifs, sémillans, pleins de feu.
Donner une chandelle à Dieu et une autre au diable. Ménager les deux partis, profiter de la mésintelligence qui règne entre plusieurs personnes.
À chaque Saint sa chandelle. Signifie qu’il faut faire des présens à chacun de ceux dont on peut avoir besoin dans une affaire.
Le jeu ne vaut pas la chandelle. Pour dire qu’une chose ne vaut pas la dépense, les frais qu’elle occasionne.
Il doit une belle chandelle au bon Dieu. Se dit de celui qui a échappé à un péril imminent, qui est revenu d’une dangereuse maladie.
On lui a fait voir mille chandelles. Se dit de quelqu’un à qui l’on a causé un grand éblouissement en le frappant rudement proche les yeux.
Cacher la chandelle sous le boisseau. Dissimuler ses opinions ; cacher son savoir faire.
Il a toujours deux chandelles qui lui pendent au nez. Se dit d’un enfant morveux ; d’un homme malpropre qui n’ayant pas soin de se moucher a continuellement des roupies au nez.
La chandelle se brûle. Se dit pour avertir quel qu’un qui perd inutilement un temps précieux.
La chandelle s’éteint. Manière figurée de dire qu’un homme approche du terme de sa carrière, qu’il s’en va mourant.
La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. Se dit de ces égoïstes : qui ne font aucun bien pendant leur vie, et se contentent seulement de faire espérer quelque chose après leur mort.
Il est bariolé comme la chandelle des rois. Voyez Barioler.
Ansiaume, 1821 : Mousquet, fusil.
Les griviers s’ont ébobis à grands coups de leurs chandelles.
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui fond et coule trop souvent — au feu du vagin de la femme.
Voici maître curé qui vient pour allumer sa chandelle, ou pour mieux dire l’éteindre.
(Les Cent Nouvelles nouvelles)
De femmes qui montrent leurs seins,
Leurs tétins, leurs poitrines froides,
On doit présumer que tels saincts
Ne demandent que chandelles roides.
(G Coquillart)
Delvau, 1866 : s. f. Mucosité qui forme stalactite au-dessous u nez, — dans le même argot [des faubouriens].
Delvau, 1866 : s. f. Soldat en faction. Même argot [des faubouriens]. Être entre quatre chandelles. Être conduit au poste entre quatre fusiliers.
Rigaud, 1881 : Baïonnette. — Se ballader entre quatre chandelles, marcher entre quatre soldats qui vous mènent au poste.
Rigaud, 1881 : Litre de vin, bouteille. Elle est chargée d’allumer l’ivrogne.
Rigaud, 1881 : Mucosité nasale trop indépendante embrouillée avec le mouchoir. Souffler sa chandelle, se moucher avec les doigts, après reniflement.
La Rue, 1894 : Agent de police. Bouteille.
France, 1907 : Bouteille de vin. Faire fondre une chandelle, boire une bouteille de vin.
France, 1907 : Factionnaire. Soldat qui conduit quelqu’un au poste. « Être mené entre deux ou quatre chandelles. »
Le poste était à deux pas. Les soldats accoururent.
Pour la deuxième fois de la journée, voici Jean-Louis et Lapierre placés entre deux rangées de ces chandelles de Maubeuge, dont la mèche sent la poudre à canon.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Se dit aussi de l’agent de police.
France, 1907 : Le membre viril.
Allez donc, on vous appelle,
Votre ami tient la chandelle
Dont il veut vous éclairer.
(Gavette)
On dit éteindre sa chandelle, image parlante.
France, 1907 : Mucosité que les enfants laissent sortir de leur nez.
Chandelle (faire fondre une)
Fustier, 1889 : Boire une bouteille de vin.
La chiffonnière faisait alors un bout de toilette avant d’aller faire fondre une chandelle dans le sous-sol du père Grandesomme.
(Réveil, 1882)
Chandelle (faire une)
Fustier, 1889 : Lancer une balle en hauteur de telle sorte qu’elle puisse facilement retomber dans les mains des joueurs. Argot des enfants. Allusion à la chandelle romaine, sorte de fusée.
Chandelle (moucher la)
Virmaître, 1894 : On dit cela au moutard qui laisse pendre sous son nez un filet de morve. On appelait autrefois chandelle les troupiers qui faisaient le service des postes de Paris pour conduire les voleurs aux bureaux des commissaires de police.
— J’ai été conduit entre quatre chandelles.
Allusion à la raideur du fusil (Argot du peuple).
Chandelle (tenir la)
Larchey, 1865 : Être placé dans une fausse position, favoriser le bonheur d’autrui sans y prendre part.
Embrassez-vous, caressez-vous, trémoussez vous, moi je tiendrai la chandelle.
(J. Lacroix)
Une chanson imprimée chez Daniel, à Paris, en 1793, — Cadet Roussel républicain, — fournit cet exemple plus ancien :
Cadet Roussel a trois d’moiselles
Qui n’sont ni bell’s ni pucelles,
Et la maman tient la chandelle.
France, 1907 : Se prêter à de honteuses complaisances, favoriser d’illicites amours. Se retirer pour laisser en tête à tête sa femme ou sa fille avec son amant. Les gens qui tiennent la chandelle sont plus communs qu’on ne le pense.
À son destin j’abandonne la belle
Et me voilà. Des esprits comme nous
Ne sont pas faits pour tenir la chandelle.
(Parny)
Chandelle brûle (la)
Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot des bourgeois, — pour presser quelqu’un, l’avertir qu’il est temps de rentrer au logis.
Chandelle par les deux bouts (brûler la)
France, 1907 : Hâter sa ruine par de folles dépenses. Dissiper à la fois ses ressources pécuniaires et intellectuelles. Brûler une chandelle pour chercher une épingle, faire des dépenses pour un résultat nul.
Change
Rigaud, 1881 : Trousseau fourni par les maîtresses de maison de tolérance à leurs pensionnaires, — dans le jargon des filles. Rendre son change, laisser ses nippes quand on passe d’une maison dans une autre.
France, 1907 : Substitution d’un jeu de caries prépare à celui qui est sur la table.
Méfiez-vous d’un banquier qui, après avoir pris une poignée de cartes pour servir les tableaux, se démène, fouille dans ses poches, prend son porte-billets, son mouchoir, son étui à cigares, assujettit sa chaise, se penche vers ses voisins, parle au croupier en se penchant sur la table, fait une réclamation bruyante, se querelle avec un ponte, froisse les cartes, se plaignant de leur mauvaise qualité, demande du feu en se tournant un peu de côté, etc., etc. Tout ce manège est pour dérouter l’attention et opérer le change de la poignée de cartes qu’il tient dans la main, afin de les remplacer par d’autres cartes qu’il a sur lui et qui sont « séquencées. »
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
France, 1907 : Vêtement de ville que les maîtresses de lupanar prêtent à une fille qui passe d’une maison dans une autre.
La plupart entrent au bordel ne possédant ni bas, ni souliers, ni chemises. Lorsque c’est à la prison où à l’hôpital qu’elles ont été recrutées, la dame de maison qui les a retenues est obligée de leur envoyer de quoi se couvrir ; et quand elles passent d’un lupanar à un autre, elles ne peuvent le faire qu’avec les vêtements appartenant à la maîtresse qu’elles quittent. Les filles ont une expression pour désigner ce trousseau lorsqu’elles le renvoient à sa propriétaire ; elles disent alors « quelles rendent leur change. »
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Changement
d’Hautel, 1808 : Changement de corbillon fait trouver le vin bon. Signifie qu’il suffit souvent de changer une chose de lieu ou de forme, pour la faire trouver meilleure.
On dit aussi, Changement de corbillon, appétit de pain bénit. Pour dire que la nouveauté et la variété plaisent en toute chose.
Changer
d’Hautel, 1808 : C’est pour changer la même chose. Locution badine et ironique qui se dit lors qu’on remplace une chose par une autre qui a les mêmes inconvéniens, et qui est de même nature, ou qu’on substitue à un remède sans effet remède qui n’est pas plus efficace.
Il a été changé en nourrice. Se dit en mauvaise part d’un enfant qui, soit au physique, soit au moral, ne ressemble nullement aux auteurs de ses jours.
Il a changé son cheval borgne contre un aveugle. Voyez Aveugle.
Changer de batterie. Donner une autre direction à ses projets, à ses desseins.
Changer de composteur
Delvau, 1866 : Passer à un autre exercice, manger après avoir causé, rire après avoir pleuré, etc. Argot des typographes et des ouvriers.
Changer ses olives d’eau
Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des faubouriens.
Changer son fusil d’épaule
Virmaître, 1894 : Changer d’avis ou d’opinion. On dit pour exprimer la même chose : mettre son drapeau dans sa poche. Ou bien encore : retourner sa veste (Argot du peuple).
France, 1907 : Changer d’opinion, Les plus farouches sectaires, dès que leur intérêt est en jeu, s’empressent de changer leur fusil d’épaule.
Changer son poisson d’eau
Rigaud, 1881 : Uriner.
Virmaître, 1894 : Aller pisser. L’allusion est claire (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Uriner.
Changer son poisson ou ses olives d’eau
France, 1907 : Uriner.
Changeur
Delvau, 1866 : s. m. Le Babin chez lequel les voleurs vont, moyennant trente sous par jour, se métamorphoser en curés, en militaires, en médecins, en banquiers, selon leurs besoins du moment.
Rigaud, 1881 : Filou partisan du libre échange qui, dans les restaurants, les cafés, troque son affreux pardessus contre un pardessus tout flambant neuf. En été cet honnête industriel en est réduit à l’échange du chapeau.
Rigaud, 1881 : Loueur de costumes pour messieurs les voleurs. Le changeur tenait une garderobe variée, grâce à laquelle sa clientèle pouvait se travestir selon les besoins du crime. Encore une industrie disparue, encore un industriel sur le pavé.
La Rue, 1894 : Marchand d’habits fournissant aux voleurs des vêtements pour se déguiser.
Virmaître, 1894 : Le fripier chez lequel les voleurs vont se camoufler moyennant un abonnement : tout comme les avocats chez le costumier du barreau. Ils trouvent là tous les costumes nécessaires pour leurs transformations (Argot des voleurs).
France, 1907 : Marchand d’habits qui fournit de déguisements les voleurs.
Chanin
France, 1907 : Froid ; argot des canuts.
— Fermez le châssis qui m’apporte un air trop chanin.
(Joanny Augier, Le Canut)
Chanoine
d’Hautel, 1808 : Vivre comme un chanoine. Mener une vie nonchalante et oisive ; vivre dans l’abondance et la retraite.
Delvau, 1866 : s. m. Rentier, — dans l’argot des voleurs. Au féminin, Chanoinesse.
Fustier, 1889 : Récidiviste des maisons centrales.
France, 1907 : Récidiviste. Chanoine de Monte-à-regret, condamné à mort.
Chanoine de Monte-a-regret
Delvau, 1866 : Condamné à mort.
Chanoine, -esse
Vidocq, 1837 : s. — Rentier, rentière.
Chanoine, chanoinesse
France, 1907 : Rentier, rentière.
Chanrante
France, 1907 : La gale.
Chanson
d’Hautel, 1808 : Pour sornettes, fadaises, contes en l’air.
Il ne se paie pas de chansons. Signifie, il veut des effets et non de vaines paroles.
C’est la chanson de rịcochet, on n’en voit pas la fin. Pour dire, c’est une conversation aussi sotte qu’ennuyeuse ; c’est toujours les mêmes paroles, la même répétition.
C’est bien une autre chanson. Pour c’est bien une autre affaire ; c’est une affaire à part.
Chant du cygne
France, 1907 : On appelle ainsi, sur la foi de l’antiquité, le dernier poème ou la dernière composition d’un écrivain, d’un artiste. Pourquoi ? S’il faut s’en rapporter à l’Intermédiaire des chercheurs of des curieux, « ce sont les anciens qui ont fait du cygne, au moment de son agonie, on chantre merveilleux. Buffon lui trouve une voix sourde, comme une sorte de strideor, semblable à ce que l’on appelle le jurement du chat, et il rapporte le jugement de l’abbé Arnaud, qui compare cette voix au son d’une clarinette embouchée par quelqu’un à qui cet instrument ne serait pas familier. »
D’un autre côté, Erman, dans ses Voyages en Sibérie, affirme que le cygne blessé exhale ses derniers souffles dans des notes musicales extraordinairement nettes, claires et élevées.
Selon Nicol, la voix du cygnus musicus ressemble aux sons d’un violon, quoique plus aiguë. Dans l’Islande, ses cris présagent le dégel du printemps, et ce fait peut bien ajouter quelque chose à leur charme dans les oreilles des indigènes. De là peut-être aussi la réputation sacrée et prophétique du cygne (svan) dans les traditions norraines (Gylfa Ginning de Snorri Sturleson).
Tout cela est bien vague.
Chantage
un détenu, 1846 : Vol par pédérastie.
Larchey, 1865 : Extorsion d’argent sous menace de révélations scandaleuses.
Le chantage, c’est la bourse ou l’honneur…
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Industrie qui consiste à soutirer de l’argent à des personnes riches et vicieuses, en les menaçant de divulguer leurs turpitudes ; ou seulement à des artistes dramatiques qui jouent plus ou moins bien, en les menaçant de les éreinter dans le journal dont on dispose.
Rigaud, 1881 : Mise en demeure d’avoir à donner de l’argent sous peine de révélation.
Le chantage est un vol pratiqué non plus à l’aide du poignard ou du pistolet, mais d’une terreur morale, que l’on met sur la gorge de la victime qui se laisse ainsi dépouiller sans résistance.
(A. Karr, les Guêpes, 1845)
L’inventeur du chantage est Farétin, un très grand homme d’Italie, qui imposait les rois, comme de nos jours tel journal impose tels acteurs.
(Balzac, Un grand homme de province à Paris)
France, 1907 : Extorsion d’argent sous menaces de révélations qui peuvent perdre la réputation où l’honneur. Au lieu d’être la bourse ou la vie, c’est, comme disait Balzac, la bourse où l’honneur. Le chantage a existé de tout temps et partout, mais c’est surtout en Angleterre, en raison de l’hypocrisie des mœurs, qu’il a été et est encore le plus florissant. Reculant devant un scandale qui, même l’innocence prouvée, les eût perdus dans l’estime publique, où leur eût occasionné au moins de nombreux désagréments, des gens des plus honorables se sont laissé exploiter par d’affreux gredins.
De sorte qu’avec le système de chantage, qui est ici des plus prospères, outre qu’il n’est pas de Police Court (tribunal correctionnel) où l’on ne puisse se procurer autant de faux témoins qu’on en désire à raison de deux à cinq shillings par tête, la réputation, la fortune, la liberté, l’avenir du citoyen le plus honorable se trouvent à la merci des deux premières petites drôlesses venues.
(Hector France, Préface de Au Pays des brouillards)
Cette lâche industrie du chantage s’adresse surtout aux faibles, aux timides. aux innocents. Elle a ceci de terrible qu’elle bénéficie neuf fois sur dix de l’impunité, les victimes ayant un intérêt plus grand à payer en silence qu’à porter plainte, le châtiment des coupables ayant pour répercussion l’écrasement, la honte, la disqualification, la déchéance et la ruine des victimes.
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Chantage (banque de)
Halbert, 1849 : Où l’on escompte la diffamation.
Chantage au saute-dessus
France, 1907 : Industrie particulière à certains gredins faisant profession de pédérastie. On saute sur la victime, d’ailleurs peu intéressante, on l’effraye et on la dépouille.
Il est démontré, il est constaté d’une façon irréfutable que tout prostitué du sexe masculin est en même temps un bandit de la pire espèce ; pour lui, la pédérastie est un moyen de chantage, de vol, souvent même d’assassinat.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Chanté
Halbert, 1849 : Dénoncé.
Chanté (être)
Delvau, 1866 : Être dénoncé, — dans l’argot des voleurs.
Chanteau
Delvau, 1866 : s. m. Morceau de pain ou d’autre chose, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Morceau de pain : c’est le morceau qui est ajouté par le boulanger pour parfaire le poids ; du vieux verbe achanter, prose sur champ. Les petits morceaux de pain distribués autrefois aux communiants — les hosties ne furent introduites qu’au XIIe siècle — étaient appelés pains en chanteau. D’où, par corruption, pain enchantée, comme dans certaines campagnes on appelle encore le pain bénit.
Chanter
d’Hautel, 1808 : Faire chanter quelqu’un. Locution burlesque qui signifie soutirer, censurer, rançonner quelqu’un ; lui faire payer par ruse ou par force une chose qu’il ne devoit pas.
Faire chanter quelqu’un. Signifie aussi le faire crier, en lui infligeant quelque châtiment.
Chanter pouille. Gourmander, repousser gronder quelqu’un.
Chanter magnificat à matines. Pour faire quelque chose à contre-temps, à rebours.
Chanter une gamme à quelqu’un. Le reprendre, lui faire des sévères, remontrances.
Il faut chanter plus haut. Pour dire, il faut enchérir, offrir davantage.
Il nous chante toujours la même chose. Pour dire il répète toujours la même chose ; il gronde continuellement.
Qu’est-ce que vous nous chantez là ? Locution ironique et familière que l’on adresse à quel qu’un qui tient des discours ridicules ou des propos que l’on ne goûte nullement ; ce qui équivaut à : Que voulez vous dire ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Larchey, 1865 : Être victime d’un chantage.
Tout homme est susceptible de chanter, ceci est dit en thèse générale. Tout homme a quelques défauts de cuirasse qu’il n’est pas soucieux de révéler.
(Lespès)
Faire chanter signifie obtenir de l’argent de quelqu’un en lui faisant peur, en le menaçant de publier des choses qui pourraient nuire à sa considération, ou qu’il a pour d’autres raisons un grand intérêt a tenir ignorées.
(Roqueplan)
Faire chanter : Faire payer par ruse une chose qu’on ne doit pas.
(d’Hautel, 1808)
Étymologie incertaine. Faire chanter devrait, selon nous, s’appliquer a la bourse. C’est celle-ci qui ouvre sa bouche pour faire entendre le chant de ses pièces d’or.
Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie ce verbe qu’en mauvaise part. Faire chanter. Faire pleurer.
Rigaud, 1881 : Payer pour obtenir le silence de quelqu’un.
La Rue, 1894 : Dire. Faire chanter, mettre à contribution. Chantage, extorsion d’argent sous menace de révéler un secret.
Chanter (faire)
Vidocq, 1837 : v. a. — (Voir ci-après Chanteur.)
Delvau, 1866 : Faire donner de l’argent à un homme riche qui possède un vice secret que l’on connaît, ou à un artiste dramatique qui tient à être loué dans un feuilleton. L’expression est vieille comme le vice qu’elle représente.
Rigaud, 1881 : Battre monnaie à l’aide d’un secret. — Aux XVIIe et XVIIIe siècles l’expression avait le sens de soumettre, faire entrer en composition.
Porteront le fer et le feu au cœur de la France et la feront chanter.
(Lucien, trad. Per. d’Ablancourt)
Les voleurs modernes emploient le verbe « charrier » dans le sens de faire chanter.
France, 1907 : Extorquer de l’argent à quelqu’un sous la menace de révélations scandaleuses, en lui faisant peur, en le menaçant de publier certains faits qui pourraient nuire à sa considération, et qu’il a par conséquent intérêt à tenir ignorés. Faire chanter signifiait, autrefois, faire payer une chose qu’on ne doit pas.
Le chantage existe partout, et celui que l’en punit n’est pas toujours le plus dangereux. Il y a le chantage en gants paille qui s’exerce dans un salon, qui prend des airs de vertu, qui, du haut de son équipage, éclabousse le passant ; celui-là on ne l’atteint pas ! Mais le tribunal est la terreur de ces exploiteurs de bas étage qui proposent aux gens craintifs et aux pusillanimes une terrible alternative : la bourse ou le déshonneur !
(Figaro)
— Jouons cartes sur table. Qu’est-ce que tu veux ?… de l’argent ?… je t’en donnerai aujourd’hui… tu reviendras demain… après-demain… dans une semaine… dans un mois… tu reparaitras toujours. Tu me feras chanter, enfin… Regarde-moi bien en face. Ai-je l’air de ces timorés que les menaces effrayent ?…
(Hector France, La Vierge russe)
Chanter au charpentier
France, 1907 : Crier au voleur.
— Mais si le daim au pelot s’aperçoit que je lui achète sa ligue (que je lui vole son vêtement) et qu’il chante au charpentier ? dit avec une certaine appréhension le timide Bec-de-Lampe.
— Et mon orgue ! (et moi…) est-ce que je ne suis pas là pour sauver la mise ?…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Chanter comme un rossignol d’arcadie
France, 1907 : Braire comme un âne.
Chanter l’introït
Delvau, 1864 : Introduire son membre dans le vagin d’une femme, ce qui est le commencement (introitus) de la jouissance.
Une catin s’offrant à l’accolade,
À quarante ans, il dit en introït.
(Piron)
Chanter l’office de la vierge
France, 1907 : Commettre avec une jeune fille l’acte vénérien. Les impies disent aussi chanter la messe.
Chanter le chant du départ
Delvau, 1866 : v. a. Quitter une réunion une compagnie d’amis, — dans l’argot des bohèmes.
France, 1907 : Quitter une réunion.
Chanter pouille
Delvau, 1866 : v. n. Chercher querelle, dire des injures. Argot du peuple.
France, 1907 : Chercher querelle à quelqu’un, l’injurier. Dire des choses offensantes. La véritable origine de ce dicton populaire, dit Ch. Nisard, Poggio, dans ses Facéties, nous l’indique en ces termes : « Une femme appela un jour sou mari pouilleux. L’autre répondit à cette injure pur une décharge de coups de poing. Quand il eut fini, La femme de recommencer à crier pouilleux. Le mari furieux lie sa femme avec une corde, et la descend dans un puits, avec menace de la noyer, si elle ne se tait. La femme ayant de l’eau jusqu’au menton, répétait encore pouilleux. Le mari lâche la corde, la femme fait le plongeon. Mais elle a les bras libres : elle les élève au-dessus de l’eau, et rapprochant ces pouces ongle sur ongle, elle fait entendre par ce signe à son mari ce que sa bouche ne peut plus lui dire. »
Chanterelle
d’Hautel, 1808 : Appuyer sur la chanterelle. Manière de parler figurée, qui signifie prêter aide et secours à quelqu’un dans une affaire ; ou hâter le succès d’une entreprise par son approbation et son crédit.
Chanterelle (appuyer sur la)
Larchey, 1865 : Faire crier. — Assimilation de la voix à la corde aiguë d’un instrument.
Chanteur
Vidocq, 1837 : s. m. — Celui qui fait contribuer un individu en le menaçant de mettre le public ou l’autorité dans la confidence de sa turpitude. Ce serait une entreprise pour ainsi dire inexécutable que dévoiler tous les chantages, et seulement esquisser la physiologie de tous les Chanteurs. Après avoir parlé des journalistes qui exploitent les artistes dramatiques, auxquels ils accordent ou refusent des talens suivant que le chiffre de leurs abonnemens est plus ou moins élevé ; ceux qui vous menacent, si vous ne leur donnez pas une certaine somme, d’imprimer dans leur feuille une notice biographique sur vous, votre père, votre mère ou votre sœur, qui vous offrent à un prix raisonnable l’oraison funèbre de celui de vos grands parens qui vient de rendre l’ame ; du vaudevilliste qui a des flons-flons pour tous les anniversaires ; du poète qui a des dithyrambes pour toutes les naissances et des élégies pour les les morts, il en resterait encore beaucoup d’autres, Chanteurs par occasion sinon par métier ; et parmi ces derniers il faudrait ranger ceux qui vendent leur silence ou leur témoignage, l’honneur de la femme qu’ils ont séduite, une lettre tombée par hasard entre leurs mains et mille autres encore ; mais comme il n’y a pas de loi qui punisse le fourbe adroit, le calomniateur, le violateur de la foi jurée ; comme tous ceux dont je viens de parler sont de très-honnêtes gens, je ne veux pas m’occuper d’eux.
Les bornes de cet ouvrage ne me permettent de parler que des individus que les articles du Code Pénal atteignent ; si jamais, ce qu’à Dieu ne plaise, je me détermine à écrire le recueil des ruses de tous les fripons qui pullulent dans le monde, fripons auxquels le procureur du roi donne la main, et qui sont salués par le commissaire de police, il faudra que je me résolve à écrire un ouvrage plus volumineux que la Biographie des frères Michaud.
Si quelquefois de très-braves gens n’étaient pas les victimes des Chanteurs, on pourrait, sans qu’il en résultât un grand mal, laisser ces derniers exercer paisiblement leur industrie ; car ceux qu’ils exploitent ne valent guère plus qu’eux ; ce sont de ces hommes que les lois du moyen âge, lois impitoyables il est vrai, condamnaient au dernier supplice ; de ces hommes dont toutes les actions, toutes les pensées, sont un outrage aux lois imprescriptibles de la nature ; de ces hommes que l’on est forcé de regarder comme des anomalies, si l’on ne veut pas concevoir une bien triste idée de la pauvre humanité.
Les Chanteurs ont à leur disposition de jeunes garçons doués d’une jolie physionomie, qui s’en vont tourner autour de tel financier, de tel noble personnage, et même de tel magistrat qui ne se rappelle de ses études classiques que les odes d’Anacréon à Bathylle, et les passages des Bucoliques de Virgile adressés à Alexis ; si le pantre mord à l’hameçon, le Jésus le mène dans un lieu propice, et lorsque le délit est bien constaté, quelquefois même lorsqu’il a déjà reçu un commencement d’exécution, arrive un agent de police d’une taille et d’une corpulence respectable : « Ah ! je vous y prends, dit-il ; suivez-moi chez le commissaire de police. » Le Jésus pleure, le pécheur supplie ; larmes et prières sont inutiles. Le pécheur offre de l’argent, le faux sergent de ville est incorruptible, mais le commissaire de police supposé n’est pas inexorable : tout s’arrange, moyennant finance, et le procès-verbal est jeté au feu.
Ce n’est point toujours de cette manière que procèdent les Chanteurs, c’est quelquefois le frère du jeune homme qui remplace le sergent de ville, et son père qui joue le rôle du commissaire de police ; cette dernière manière de procéder est même la plus usitée.
Beaucoup de gens, bien certains qu’ils avaient affaire à des fripons, ont cependant financé ; s’ils s’étaient plaint, les Chanteurs, il est vrai, auraient été punis, mais la turpitude des plaignans aurait été connue : ils se turent et firent bien.
Un individu bien connu, le sieur L…, exerce depuis très-long-temps, à Paris, le métier de Chanteur, sans que jamais la police ait trouvé l’occasion de lui chercher noise ; ses confrères, admirateurs enthousiastes de son audace et de son adresse, l’ont surnommé le soprano des Chanteurs. Je ne pense pas cependant qu’il lui manque ce que ne possèdent pas les sopranos de la chapelle sixtine.
Clémens, 1840 : Celui qui fait contribuer les rivettes.
un détenu, 1846 : Voleur pédéraste.
Halbert, 1849 : Voleur spéculant sur la bienfaisance.
Delvau, 1866 : s. m. Homme sans moralité qui prend en main la cause de la morale quand elle est outragée par des gens riches.
Rigaud, 1881 : Misérable gredin qui exerce l’art du chantage. Le prototype du chanteur est celui qui exploite les passions honteuses des émigrés de Gomorrhe, qu’il sait faire financer sous menace de révéler leurs turpitudes. Quelquefois des compères interviennent sous les espèces de faux agents des mœurs. — Le nombre des chanteurs est infini, et le chantage s’exerce sur toutes les classes de la société.
France, 1907 : Individu qui prend en main la cause de la morale quand il croit, qu’il peut en résulter un avantage pour lui. On dit aussi maître chanteur.
Michelet souhaitait un art qui sût toucher et anoblir les simples. Nos ministres m’ont de goût que pour la musique du baron de Reinach. C’est qu’ils confondent le chant et le chantage. Ils tiennent pour le meilleur des musiciens le plus fameux des maîtres chanteurs.
(Maurice Barrés, Le Journal)
Chanteur de la chapelle Sixtine
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui, par vice de conformation ou par suite d’accident, pourrait être engagé en Orient en qualité de capi-agassi.
France, 1907 : Homme qui, à la suite de quelque accident, a perdu ses testicules. Allusion aux castrats qui formaient autrefois le chœur de ladite chapelle.
Chanteur-recette
Rigaud, 1881 : Artiste lyrique dont le nom sur l’affiche attire le public dans un théâtre.
Et cependant Duprez était toujours le chanteur-recette de l’Opéra.
(Ch. de Boigne)
Chanteurs
Larchey, 1865 : « Hommes exploitant la crainte qu’ont certains individus de voir divulguer des passions contre nature. Ils dressent à cette fin des jeunes gens dits Jésus qui leur fournissent l’occasion de constater des flagrants délits sous les faux insignes de sergents de ville et de commissaires de police. La dupe transige toujours pour des sommes considérables. » — Canler. Vidocq range dans la catégorie des chanteurs — 1. Les journalistes qui exploitent les artistes dramatiques ; — 2. Les faiseurs de notices biographiques qui viennent vous les offrir à tant la ligne ; — 3. Ceux qui vous proposent à des prix énormes des autographes ayant trait à des secrets de famille. — « Sans compter, ajoute-t-il, mille autres fripons dont les ruses défraieraient un recueil plus volumineux que la biographie Michaud »
Chantez à l’âne, il vous fera des pets
France, 1907 : Faites des amabilités à un rustre, il répondra par des injures.
Oignez vilain, il vous poindra.
Chantier
d’Hautel, 1808 : Il est sur le chantier. Se dit d’un ouvrage commencé et auquel on travaille avec ardeur et persévérance.
Rigaud, 1881 : Embarras, complication ; par allusion à l’encombrement des chantiers. (L. Larchey)
La Rue, 1894 : Embarras, complication.
Chanveux
France, 1907 : Ligneux, filandreux.
Chapardage
Rigaud, 1881 : Maraudage. En Afrique les soldats des compagnies de discipline pratiquent un chapardage bien entendu.
Chaparder
Larchey, 1865 : Marauder. — De chat-pard : chat-tigre ou serval. — Les zouaves passent pour les plus habiles chapardeurs de l’armée française.
Delvau, 1866 : v. a. Marauder, — dans l’argot des troupiers.
Merlin, 1888 : Marauder, voler.
Virmaître, 1894 : Aller à la maraude (Argot des troupiers).
Rossignol, 1901 : Prendre.
En nous promenant à la campagne, nous avons chapardé des cerises.
Hayard, 1907 : Marauder.
France, 1907 : Marauder, de chat-pard, chat-tigre ; argot des soldats d’Afrique.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’on fricote ? Eh ! eh ! on se nourrit bien ici, tonnerre de Dieu ! ça sent bon ! Ah ! Ah ! C’est Jacobot ! D’où avez-vous tiré ce freschsteack ? Où diable a-t-il trouvé à chaparder de la viande, ce rossard ?
C’était Le gros commandant Rambaut qui, réveillé, lui aussi, s’avançait par l’odeur alléché.
(Hector France, Sous Le Burnous)
Puis voici cette étrange fille, Thérèse Figneur, dite Sans-Gêne, dont la vie est toute une épopée coupée d’éclats de rire. Engagée à dix-neuf ans dans la légion allobroge, elle est dragon au siège de Toulon. Elle vit familièrement avec l’état-major, partageant avec le sergent Masséna et le soldat Junot un gigot de mouton chapardé durant une reconnaissance en fourrageurs.
(Marzac)
Se dit aussi pour voler :
En quoi la sûreté de l’État et la défense nationale sont-elles compromises parce que j’ai prouvé, preuves en mains, qu’on avait chapardé du blé et que le Magenta ne répondait pas comme bâtiment à ce qu’on était en droit d’en attendre ?…
La publication que j’ai faite intéresse, en effet, la défense nationale, compromise par des serviteurs infidèles. Elle ne peut être désagréable qu’aux voleurs.
(Clemenceau, La Justice)
Chapardeur
Delvau, 1866 : s. m. Maraudeur.
Rigaud, 1881 : Maraudeur. — Soldat en maraude. — Mari qui trompe sa femme.
Virmaître, 1894 : Qui chaparde (Même argot).
Rossignol, 1901 : Celui qui chaparde.
France, 1907 : Maraudeur, chipeur ; voleur de menus objets.
Cinq ou six députés ont une réputation bien établie ; on sait qu’ils se nourrissent à la buvette. On a dû réduire le service de la buvette. On ne donne plus que des bouillons, du chocolat, des sandwichs. Depuis ce temps, ces messieurs sont obligés de faire une fois par semaine un repas au dehors. Ils en sont navrés, les malheureux !
On finira par renoncer aux séances de nuit. Quand arrive une circonstance de ce genre, bon nombre de députés, ayant trop stationné à la buvette, sont disposés à égayer trop vivement la situation.
Quant aux fournitures de bureau, elles disparaissent avec une rapidité vertigineuse. Le député est chapardeur. Autrefois, la questure mettait à la disposition des représentants de la nation de fort beau papier à lettre. On en emportait tant, que la questure dut leur donner du papier de qualité inférieure.
(Petit Marseillais)
Chapaut
France, 1907 : Bavard, celui dont la parole va comme le « clapotage de l’eau. » (V. Lespy et P. Raymond)
Chapauter ou chapoter
France, 1907 : Bavarder.
Chape
d’Hautel, 1808 : Trouver chape-chutte. Trouver une occasion favorable, une bonne fortune, une affaire galante.
Se débattre de la chape à l’évêque. Contester sur une chose qui n’est ni ne peut être d’aucun intérêt pour les personnes qui se la disputent.
Chapeau
d’Hautel, 1808 : On dit du chapeau ou du bonnet d’un homme stupide, ignorant et grossier, que c’est un couvre sot.
Mettre un beau chapeau sur la tête de quelqu’un. Débiter sur son compte des propos outrageans.
Il y avoit beaucoup de femmes, mais pas un chapeau. Se dit d’une assemblée ou il n’y avoit pas d’hommes.
On dit d’un homme qui a une jolie demoiselle que cela lui vaudra des coups de chapeau. Pour exprimer qu’on lui fera politesse, qu’on recherchera son alliance.
Elle s’est donnée-là un mauvais chapeau. Se dit d’une fille qui a fait quelqu’action contre la pudeur et la chasteté, qui a terni sa réputation.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, dont se coiffe si volontiers la tête un membre viril.
Que tes main s’est piqué les doigts
Au chapeau de la mariée.
(Béranger)
Fustier, 1889 : Homme de paille, remplaçant sans titre sérieux.
Ce ne sont pas des chapeaux que j’ai laissés à mon siège d’administrateur (de compagnie financière), mais bien des titulaires réels.
(Journal officiel belge, mars 1874, cité par Littré)
Cet emploi vient de l’habitude, dans les bals, de marquer sa place en y laissant son chapeau.
France, 1907 : Barre transversale qui surmonte la guillotine et à laquelle est fixé le couteau.
— La guillotine, dit le bourreau, est à présent une espèce d’étal. Elle est placée au niveau du sol, l’escalier ayant été supprimé.
— Quelles sont ses dimensions exactes ?
— Les voici : 4 mètres de longueur sur 3 mètres 80 de largeur, environ 4 mètres carrés d’estrade. Aux deux tiers de la hauteur, vous voyez les montants couronnés par le chapeau, ils ont 4 mètres d’élévation sur 47 centimètres d’écartement.
(Michel Morphy, Les Mystères du crime)
France, 1907 : Homme qui en remplace un autre pour la forme. Cette expression vient de ce que certains employés s’esquivent de leur bureau en laissant à leur place un chapeau pour faire croire, en cas de visite d’un supérieur, qu’ils ne sont absents que pour quelques instants.
France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot des journalistes, les quelques lignes explicatives dont on fait quelquefois précéder un article ou un extrait de livre.
Chapeau en bataille
Delvau, 1866 : s. m. Dont les cornes tombent sur chaque oreille. Argot des officiers d’état-major. Chapeau en colonne. Placé dans le sens contraire, c’est-à-dire dans la ligne du nez.
Chapeau en goudron (avoir un)
Delvau, 1864 : Enculer un homme ou une femme, ce qui couvre le membre viril d’un brai de vilaine couleur et de plus vilaine odeur.
Dans le trou d’ ton cul faut que j’ m’affalle ;
Tach’de ravaler ton étron,
Pour que je n’ sorte pas d’ici
Avec un chapeau de goudron.
(Alphonse Karr)
Chapelain
Boutmy, 1883 : s. m. Celui des ouvriers qui tient les copies de chapelle. (B. Vinçard.) Inusité depuis que la chapelle n’existe plus.
Chapelet
d’Hautel, 1808 : Défiler son chapelet. Dire à quelqu’un ce que l’on a sur le cœur ; ne rien lui déguiser.
Il n’a pas gagné cela en disant son chapelet. Se dit malignement d’un homme qui a été puni de quelque faute ; ou de quelqu’un qui s’est promptement enrichi.
Chapelet de Saint-François
Virmaître, 1894 : Chaîne qui sert à attacher les condamnés. C’est un chapelet que volontiers ils n’égrèneraient bien pas (Argot des voleurs).
France, 1907 : Chaîne d’un forçat.
Chapelet de St-François
Rossignol, 1901 : Menottes à l’usage des gendarmes pour attacher les poignets des détenus. C’est une chaîne d’environ un mètre, faite en fil de fer, à laquelle est un cadenas à chaque bout. Celui qui a cet outil aux poignets a toujours l’air d’égrainer un chapelet.
Chapelle
d’Hautel, 1808 : Jouer à la chapelle. S’occuper de choses frivoles, de futilités, comme le font ordinairement les enfans.
Delvau, 1864 : Le con — que l’homme ne voit pas sans ployer les genoux.
Il tâcha de faire entrer son idole dans ma chapelle ; à quoi je l’aidai en écartant les cuisses et en avançant le croupion autant qu’il me fut possible.
(Mémoires de miss Fanny)
Tous les passants dedans cette chapelle
Voulaient dévots apporter leur chandelle.
(La Chapelle d’amour)
Le compagnon lui plut si fort,
Qu’elle voulut en orner sa chapelle.
(Piron)
Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, buvette quelconque, — dans l’argot des ouvriers, dévots à Bacchus. Faire ou Fêter des chapelles. Faire des stations chez tous les marchands de vin.
Rigaud, 1881 : Comptoir de marchand de vin. Une chapelle où les ivrognes vont faire leurs dévotions.
Boutmy, 1883 : s. f. Réunion des typographes employés dans la même imprimerie, et qui constituait une sorte de confrérie. Les chapelles n’existent plus.
Fustier, 1889 : Coterie.
France, 1907 : Cabaret. C’est, en effet, la chapelle de Bacchus. Fêter des chapelles, faire une tournée chez les marchands de vins.
Chapelle (faire petite)
France, 1907 : Mouvement particulier aux femmes qui se trouvent près du feu. Elles troussent leurs jupons, présentant à la flamme leurs jambes, colonnes du tabernacle qui est au fond.
Chapelle (faire)
Rigaud, 1881 : Se chauffer à un feu de cheminée ou devant un poêle, en relevant ses jupes de manière à montrer un peu plus que la couleur des jarretières. — Faire chapelle ardente, se chauffer comme il est dit ci-dessus, mais sans jupes.
Chapelle (préparer sa petite)
Rigaud, 1881 : Ranger dans le sac tous les objets d’équipement, — dans le jargon des troupiers.
Chapelle (rester en)
Rigaud, 1881 : Se dit en terme d’équarrisseur, des chevaux qui attendent, attachés, le moment fatal.
Leurs crinières et leurs queues sont coupées ras. Autrefois un cheval restait ainsi quelquefois plusieurs jours en chapelle, et pen-dant ce temps-là on ne lui donnait pas à manger.
(Paris en omnibus, 1854)
Chapelle blanche
Virmaître, 1894 : Le lit. Allusion à la blancheur des draps (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Le lit.
Chapelure
Rossignol, 1901 : Cheveux. Celui qui a peu de cheveux n’a plus de chapelure sur le jambonneau.
Chapelure sur le jambonneau (n’avoir plus de)
France, 1907 : Être chauve.
Chapelure sur le jambonneau (pas de)
Virmaître, 1894 : Absence complète de cheveux. Genou hors ligne. On dit aussi : pas de cresson sur le caillou (Argot du peuple).
Chaperon
d’Hautel, 1808 : (Bonnet). Ils sont comme deux têtes dans un chaperon. Se dit de deux personnes qui ont les mêmes sentimens, les mêmes opinions et qui vivent dans une très-grande familiarité.
Qui n’a point de tête, n’a que faire de chaperon.
Chaperonner
Virmaître, 1894 : Protéger quelqu’un. Mot à mot : lui servir de chaperon pour le couvrir (Argot du peuple).
Chapi
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens, dont les ancêtres ont dit chapel et chapin.
France, 1907 : Chapeau ; du vieux mot chapin.
Chapiteau
Delvau, 1866 : s. m. La tête, — sommet de la colonne-homme, Même argot [des faubouriens].
France, 1907 : La tête.
Chapitre
d’Hautel, 1808 : Sujet, matière. On s’est entretenu sur son chapitre. Pour dire on a parlé de lui.
Il n’a pas voix au chapitre. Pour dire il n’a ni crédit, ni prépondérance dans cette affaire.
Chapitrer
d’Hautel, 1808 : Gronder, faire des réprimandes à quelqu’un, lui laver la tête.
Chapon
d’Hautel, 1808 : Gros comme un chapon.
Il a les mains en chapon rôti. Se dit figurément d’un homme qui est sujet à prendre, qui s’empare de tout ce qui lui tombe sous la main ; et au propre de quelqu’un qui a les doigts crochus et retirés.
Qui chapon mange, chapon lui vient. Signifie que le bien vient souvent à ceux qui n’en ont pas besoin.
Deux chapons de rente. Se dit de deux personnes ou de deux choses inégales, parce que il y a toujours un de ces chapons gras et l’autre maigre.
Ce n’est pas celui à qui le bien appartient qui en mange les chapons. Se dit d’un bien, d’une terre dont le véritable propriétaire est frustré ; ou d’un homme qui porte le nom d’une terre, et n’en touche pas les revenus.
On appelle chapon de Limousin, des chataignes ou marrons, parce que ces fruits sont très-abondans en Limoge.
Se coucher en chapon. Se coucher après avoir bien bu, bien mangé ; ou se coucher les jambes recroquevillées.
Delvau, 1864 : (au figuré) ; Homme châtré ou impuissant.
En termes de cuisine, l’on appelle chapon le croûton de pain frotté d’ail qui aromatise la salade.
Un de nos confrères, célèbre par sa continence… forcée, dînait dimanche à la campagne.
— Aimez-vous le chapon ? lui demande la maîtresse de la maison.
— Oh ! non, je ne peux pas le sentir.
— Parbleu ! fit un convive, ça lui rappelle Boileau.
(Émile Blondet)
Pour ma part, moi j’en réponds,
Bien heureux sont les chapons.
(Béranger)
Delvau, 1866 : s. m. Morceau de pain frotté d’ail, — dans l’argot du peuple, qui en assaisonne toutes les salades. On dit aussi Chapon de Gascogne.
France, 1907 : Moine, dans l’argot populaire. Cage à chapons, monastère ; les moines s’engraissant généralement dans une douce oisiveté, comme le chapon en cage.
France, 1907 : Un croûton de pain frotté d’ail que l’on met dans la salade. On dit aussi dans le mème sens chapon de Gascogne.
Chapon de Limousin
Delvau, 1866 : s. m. Châtaigne.
France, 1907 : Châtaigne.
Chaponner un homme
Delvau, 1864 : Le châtrer, lui couper les testicules, — comme le bon chanoine Fulbert fit au libertin Abeilard.
Je te chaponnerai, puis je t’arracherai les couilles rasibus.
(Louis Protat)
Chapska
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau. Argot des faubouriens. C’est un souvenir donné à la coiffure des lanciers polonais, — de la garde nationale de Paris.
France, 1907 : Chapeau. C’est le nom polonais donné à la coiffure des lanciers dont le modèle fut pris des lanciers polonais.
Chapuiser
Delvau, 1866 : v. n. Tailler, couper, — dans l’argot du peuple, qui emploie là un des vieux mots de notre langue.
France, 1907 : Tailler, couper.
Char numéroté
France, 1907 : Fiacre.
Charabia
Larchey, 1865 : « toutes ces affaires se traitent en patois d’auvergne dit charabia. »
(Balzac)
Larchey, 1865 : Auvergnat. On dit aussi Auverpin.
Que penseriez-vous d’un homme qui n’est ni Auverpin ni Charabia ?
(Privat d’Anglemont)
Delvau, 1866 : s. m. Patois de l’Auvergne. Se dit aussi pour Auvergnat.
Rigaud, 1881 : Auvergnat, charbonnier, porteur d’eau. C’est le langage de l’Auvergnat pris pour l’Auvergnat lui-même. D’autres fois on appelle l’Auvergnat un fouchtra, par allusion à son juron favori.
France, 1907 : Auvergnat, sert à désigner tout langage baroque inintelligible ou peu grammatical. « L’école des décadents écrit en charabia »
D’après quelques étymologistes, ce ne serait que la transformation de arabia. Parler charabia serait donc parler arabe, c’est-à-dire une langue qu’on ne comprend pas, L’origine de l’expression remonterait à l’occupation de nos provinces méridionales par les Sarrasins.
Charades
Delvau, 1864 : Jeu de société qui, comme tous les jeux innocents, ne contribue pas peu à l’instruction des jeunes filles.
On jouait aux charades chez la princesse M… — Une jeune dame proposa celle-ci :
« Mon premier est un instrument de plaisir.
Mon second sert dans les jeux de hasard,
Et mon tout est le nom d’un grand homme. »
— Je le tiens ! s’écria madame A… Et elle articula, presque timidement, ces deux syllabes : Con-dé.
— C’est assez compris, dit l’auteur ; mais il y a quelque chose de trop grand et quelque chose de trop petit.
Une dernière dame hasarda : Lamotte-Piquet.
— Il y a du bon, mais ce s’est pas encore cela. Personne ne dit plus mot !… Eh bien ! le nom de mon homme, c’est… Vagin-jeton.
La princesse en rit encore !
Voici une anecdote qui concerne cette aimable femme :
On lui avait recommandé un jeune auteur d’avenir. Celui-ci se présente un jour qu’elle avait fixé pour le recevoir.
— Ah ! c’est vous, dit-elle, Monsieur… Monsieur Lévy, je crois ?
— Madame, je me nomme Lèpine.
— Oh ! mon Dieu, reprend la princesse, c’est la même chose. Il me semblait bien aussi qu’il y avait un vit ou une pine au bout de votre Lé. — Asseyez-vous donc, je vous prie, et quand je connaîtrai votre affaire, je verrai ce que je puis pour vous.
(Historique.)
Charante
France, 1907 : Table.
Charbon
d’Hautel, 1808 : On ne peut rien tirer d’un sac à charbon. Pour dire qu’il n’y a rien d’honnête à prétendre d’un ignorant ou d’un sot parvenu.
Il a l’ame noire comme du charbon. Manière exagérée de dire qu’un homme est faux, perfide, hypocrite et méchant.
Il y a bien du charbon de rabais. Pour dire qu’une marchandise est bien diminuée de prix.
Gracieux comme un sac à charbon. C’est-à dire brusque, revêche, qui a l’humeur acariâtre et farouche.
Charbonnier
d’Hautel, 1808 : Noir comme un charbonnier.
Charbonnier est maître chez lui. Pour dire que chacun est maître en son logis.
Charbonnier (faire comme le, faire)
Rigaud, 1881 : Observer les préceptes matrimoniaux de Malthus.
Charbonnier est maitre chez lui
France, 1907 : « François, chassant dans la forêt de Fontainebleau, se sépara de sa suite et s’égara. Surpris par la nuit, il alla frapper à la porte de la cabane d’un charbonnier qui le reçut poliment et lui offrit de partager son souper. Mais quand on se mit à table, le rustique amphitryon, ignorant la qualité de son hôte, se fit donner la chaise sur laquelle le roi s’était assis, disant que, comme elle était la meilleure, il ne la cédait à personne, parce qu’un charbonnier, quoique pauvre, n’en était pas moins le maître chez lui. Apart cela, il traite son convive de son mieux, lui faisant manger un morceau de sanglier tué par lui en dépit des ordonnances royales, ajoutant que si le Grand nez le savait, il le ferait pendre. Le Grand nez soupa gaiement, se coucha dans la cabane et, réveillé au point du jour, sonna du cor. Sa suite, qui l’avait cherché toute la nuit, accourut aussitôt. Le charbonnier, qui n’avait vu de si près pareils seigneurs, fut émerveillé de les trouver à sa porte et le fut plus encore quand il les vit parler à son hôte, tête nue et avec les marques du plus profond respect. Il reconnut bien vite que c’était le roi, le roi à qui il avait fait manger du gibier braconné sur les terres royales, le roi qu’il avait appelé sans façon Grand nez, et à qui il n’avait même pas donné la première place à table, sous prétexte que charbonnier était maître chez lui.
François, riant de la frayeur du bonhomme, le rassura et lui octroya, dit-on, les requêtes qu’il lui adressa. Le mot, souvent répété à la cour, devint proverbe pour exprimer que chacun est maître dans sa maison. »
An Englishman’s house is his castle (La maison d’un Anglais est son château) est la fière devise des sujets de l’empire britannique.
— Homme, comme vous êtes petit ! dit un jour Ferdinand VI an duc de Medina-Cœli, le premier des grands d’Espagne, qui essayait de l’aider à mettre son manteau. — Je suis grand chez moi, répliqua le duc. Et répétant le proverbe espagnol : Dans ma maison, je suis roi.
Mientras en mi casa estoy,
Rey me soy.
Charcreux
France, 1907 : Enfant maigre et mal nourri.
Charcuter
Delvau, 1866 : v. a. Couper un membre ; opérer.
Rigaud, 1881 : Faire une opération chirurgicale, — dans le jargon du peuple.
France, 1907 : Tailler ; amputer un membre, faire œuvre chirurgicale.
Charcutier
d’Hautel, 1808 : et non chartutier, comme le disent beaucoup de personnes.
Delvau, 1866 : s. m. Chirurgien.
France, 1907 : Chirurgien. Signifie aussi Mauvais ouvrier gâchant le travail
Charcutier (le)
Merlin, 1888 : Le chirurgien militaire.
Charcutier, charcuitier
Rigaud, 1881 : Chirurgien, qui estropie le patient. — Ouvrier qui estropie l’ouvrage.
Chardon du Parnasse
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais écrivain, — dans l’argot des Académiciens, dont quelques-uns pourraient entrer dans la tribu des Cinarées.
France, 1907 : Mauvais écrivain.
Chardonneret
Delvau, 1866 : s. m. Gendarme, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion au liseré jaune du costume de la maréchaussée.
France, 1907 : Gendarme, Allusion aux couleurs saillantes de l’ancien uniforme des gendarmes.
Charenton
d’Hautel, 1808 : Village près Paris, où il y a une école vétérinaire, et un lieu de retraite pour les fous de distinction. Le peuple prononce Chalenton.
Rigaud, 1881 : Absinthe. — Un Charenton, un train direct pour Charenton, un verre d’absinthe, — dans le jargon du peuple qui sait que l’absinthe conduit à la folie, et qui en boit quand même.
France, 1907 : Absinthe, parce qu’elle conduit à la célèbre maison d’aliénés.
Charge
d’Hautel, 1808 : Une charge est le chausse-pied du mariage. Pour dire qu’un homme revêtu d’un emploi trouve facilement à se pourvoir en mariage.
d’Hautel, 1808 : Goguette, farce, bouffonnerie.
Il est chargé. Pour il est plaisant et jovial. Se dit d’un homme qui fait de grands efforts pour divertir les autres. Terme de peinture.
France, 1907 : Caricature.
France, 1907 : Grosse plaisanterie en action.
Tirer brusquement sa chaise à un rapin qui travaille, de façon à le faire tomber à terre, ou bien lui couvrir la figure de couleur et d’huile, ou bien lui barbouiller si bien un dessin quasi achevé qu’il soit obligé de recommencer son ouvrage, telles sont, entre mille autres, les charges qui se pratiquent dans les ateliers.
(J. Chaudesaigues, Le Rapin)
Chargé
Virmaître, 1894 : Quand une fille fait un miché elle dit :
— J’ai chargé.
Dans la nuit elle fait le contraire elle le décharge de son morlingue (Argot des filles). N.
Chargé (avoir)
Rigaud, 1881 : Être enceinte, — dans le jargon du peuple. La femme qui a chargé porte un voyageur de neuf mois. — Encore une qui a chargé. Hé ! la p’tite mère, vous en avez chargé un de taille !
Chargé (être)
Delvau, 1866 : Être en état d’ivresse, dans l’argot des ouvriers.
France, 1907 : Être ivre, avoir une charge de boisson.
Chargé à cul
Rossignol, 1901 : Être ivre à ne pouvoir marcher.
Chargé par la culasse
Virmaître, 1894 : Prendre un lavement. Les passifs se chargent également par le même côté. Allusion aux canons (Argot du peuple). V. Passifs.
Chargée (être)
Delvau, 1866 : Avoir levé un homme au bal, ou sur le trottoir, — dans l’argot des petites dames.
France, 1907 : Avoir trouvé un client. Argot des filles qui ont pris cette expression aux cochers de fiacre, qui se disent chargés quand ils ont un voyageur.
Charger
d’Hautel, 1808 : Il est chargé comme un mulet. Pour dire très-chargé, surchargé de travaux et de peines.
Chargé de ganaches. Se dit d’un homme qui a de grosses mâchoires.
Charger. Pour exagérer, folâtrer, faire des bouffonneries, des farces.
Charger un récit, un portrait. En exagérer les détails, les circonstances et les traits.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Enlever un décor. Argot des coulisses. C’est la manœuvre contraire à Appuyer.
Rigaud, 1881 : Enlever un décor, — dans le jargon du théâtre.
Chargez là-haut… les bandes d’air… Chargez encore… là… bien.
(Ed. Brisebarre et Eug. Nus, la Route de Brest, 1857)
Rigaud, 1881 : Prendre un voyageur, — dans le jargon des cochers de fiacre. — Avoir trouvé acquéreur, — dans celui des filles.
Merlin, 1888 : Pour les cavaliers, sortir en ville, faire une sortie.
Fustier, 1889 : Verser du vin, remplir un verre de liquide.
Charge-moi vite une gobette de champoreau.
Traduction : Sers-moi un verre de café additionné d’eau-de-vie. (Réveil, 1882)
France, 1907 : Enlever un décor. Placer le décor se dit appuyer.
France, 1907 : Verser à boire.
Charger des petits produits
Rigaud, 1881 : Travailler, — dans le jargon des chiffonniers.
Charger en ville
Rigaud, 1881 : Une très pittoresque expression des régiments de dragons qui veut dire sortir en ville.
Charger la brème
Rigaud, 1881 : Filouter au jeu, marquer une carte, substituer une carte à une autre, — en terme de grec. — C’est un fameux travailleur qui charge rudement la brème et qui a toujours l’air de flancher à la bonne.
Charger par la culasse (se)
France, 1907 : Prendre un lavement.
Chargez !
Rigaud, 1881 : Versez et faites bonne mesure ! Commandement des ivrognes sous le feu des canons.
Charibotage
La Rue, 1894 / France, 1907 : Écriture.
Charibotée
Virmaître, 1894 : En avoir sa charge. Cela veut aussi dire beaucoup.
— Elle a une charibotée d’enfants (Argot du peuple). V. Tiolée.
France, 1907 : Charge complète, quantité.
Charier
France, 1907 : Chercher à savoir quelque chose : essayer de tirer les vers du nez à quelqu’un.
Charieur
France, 1907 : Celui qui va aux informations, qui cherche à savoir.
Chariot
Rigaud, 1881 : Nom anciennement donné au bourreau par le peuple de Paris.
Charité
d’Hautel, 1808 : On diroit qu’il vous fait la charité en donnant ce qu’il vous doit. Se dit de quelqu’un qui paie ses dettes de mauvaise grace et à contre-cœur.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Signifie qu’il faut travailler pour soi, avant que de travailler pour les autres.
C’est une charité qu’on lui prête. Pour dire on lui impute à tort cette faute.
Charitiau
France, 1907 : Enfant élevé à l’hôpital.
Charivari
d’Hautel, 1808 : Bruit de chaudrons, et autres instrumens.
Faire charivari. Faire du bruit, mettre le trouble et la confusion en un lieu ; criailler, gonder, quereller.
Charlataner
d’Hautel, 1808 : Éblouir par de belles paroles ; tâcher d’entraîner par des discours flatteurs et artificieux, comme le font les hâbleurs et les charlatans.
Charlemagne
Larchey, 1865 : Poignard d’infanterie. — Allusion ironique à l’épée du grand monarque.
Delvau, 1866 : s. m. Sabre-poignard, — dans l’argot des troupiers.
Rigaud, 1881 / Merlin, 1888 : Sabre-baïonnette.
France, 1907 : Sabre-poignard.
Charlemagne (faire)
Larchey, 1865 : Se retirer du jeu sans plus de façon qu’un roi, et sans laisser au perdant la faculté de prendre sa revanche.
Si je gagne par impossible, je ferai Charlemagne sans pudeur.
(About)
Rigaud, 1881 : Quitter une partie de cartes au moment où l’on vient de réaliser un bénéfice.
La comtesse fait Charlemagne à la bouillotte.
(Victor Ducange, Léonide ou la vieille de Suresnes, 1830)
Si je gagne par impossible, je ferai Charlemagne-sans pudeur, et je ne me reprocherai point d’emporter dans ma poche le pain d’une famille.
(Ed. About, Trente et quarante)
Les étymologistes ont voulu faire remonter l’origine du mot jusqu’à l’empereur Charlemagne, parce que cet empereur a quitté la vie en laissant de grands biens. Comme tous les noms propres familiers aux joueurs, le nom de Charlemagne a été, sans doute, celui d’un joueur appelé Charles. On a dit : faire comme Charles, faire Charles et ensuite faire Charlemagne. On appelle bien, dans les cercles de Paris, la dame de pique : « la veuve Chapelle », du nom d’un joueur. On a bien donné au second coup de la main au baccarat en banque, le nom de « coup Giraud », nom d’un officier ministériel, d’un notaire. Les joueurs ne connaissent rien que le jeu, rien que les joueurs et leurs procédés. La vie pour eux est toute autour du tapis vert. S’ils ont appris quelque chose, ils l’ont bientôt oublié, et ils professent le plus grand mépris pour tout ce qui ne se rattache pas directement au jeu. Ils se moquent bien de l’empereur Charlemagne et de tous les autres empereurs ! En fait de-monarque, ils ne connaissent que les monarques de carton.
Virmaître, 1894 : Se mettre au jeu avec peu d’argent, gagner une certaine somme et se retirer de la partie sans donner de revanche (Argot des joueurs).
France, 1907 : Se retirer du jeu, lorsqu’on est en gain, suivant un ancien privilège des rois. « Ce terme, dit Lorédan Larchey, contient en même temps un jeu de mots sur le roi de carreau, le seul dont le nom soit français. »
Mais rien ne doit étonner en cette terre des fééries. Tout y arrive, les gains les plus fantastiques, comme les désastres les plus complets.
Les prudents, entre les favorisés, partent pour ne plus revenir. Sans nulle vergogne, on peut faire charlemagne. Mais, ces sages, combien sont-ils ?
(Hector France, Monaco et la Côte d’azur)
Charlot
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le bourreau.
Bras-de-Fer, 1829 : Bourreau.
Vidocq, 1837 : s. m. — Bourreau.
M.D., 1844 / Halbert, 1849 : Le bourreau.
Larchey, 1865 : « Le peuple et le monde des prisons appellent ainsi l’exécuteur des hautes œuvres de Paris. » — Balzac.
Allez, monsieur le beau, Que Charlot vous endorme ! Tirez d’ici, meuble du Châtelet.
(Vadé, 1788)
V. Garçon.
Delvau, 1866 : L’exécuteur des hautes œuvres, — dans l’argot du peuple. Le mot est antérieur à 1789. Soubrettes de Charlot. Les valets du bourreau, chargés de faire la toilette du condamné à mort. Les Anglais disent de même Ketch ou Jack Ketch, — quoique Monsieur de Londres s’appelle Calcraft.
La Rue, 1894 : Le bourreau. Voleur.
Virmaître, 1894 : Le bourreau (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Le bourreau.
Rossignol, 1901 : Roué, malin, méfiant.
Il n’est pas facile de le tromper, il est Charlot.
Hayard, 1907 : Le bourreau.
France, 1907 : Celui qui coupe les têtes, le bourreau, que M. de Maistre appelait « la pierre angulaire de la société ».
— Charlot d’un côté, le sanglier de l’autre, et des marchands de lacets derrière, ce n’est pas déjà si réjouissant d’aller faire des abreuvoirs à mouches.
(Marc Mario, Vidocq)
Autrefois on disait : Charlot casse-bras, allusion à l’exécuteur du « bon vieux temps » qui cassait sur une roue les bras du condamné.
Soubrettes de Charlot, aides du bourreau qui font la toilette du condamné.
France, 1907 : Malin. Depuis le livre célèbre de Paul Bonnetain : Charlot s’amuse, on donne ce nom aux individus possédés de la honteuse passion attribuée au duc d’Angoulême.
France, 1907 : Voleur. Charlot bon drille, un voleur bon garçon.
Charlotte
Virmaître, 1894 : Pince (Argot des voleurs). V. Monseigneur.
France, 1907 : Pince ; argot des voleurs.
Charmant
Halbert, 1849 / France, 1907 : Galeux.
Charmante
Halbert, 1849 : Gale.
Halbert, 1849 : Galeuse.
Larchey, 1865 : Gale.
La charmante y fait gratter bien des mains, aussi la visite était-elle rigoureuse.
(Vidal, 1833)
Delvau, 1866 : s. f. La gale, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : La gale, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : La gale.
Virmaître, 1894 : La gâle. Par allusion aux vives démangeaisons que cause cette maladie, on la nomme aussi la frotte (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : La gale.
Charmante (la)
Hayard, 1907 / anon., 1907 : La gale.
Charme
d’Hautel, 1808 : Il se porte comme un charme. Pour il est frais et vermeil ; il se porte parfaitement bien.
Charmer
d’Hautel, 1808 : Charmer les puces. Manière de parler burlesque et bachique, qui signifie chasser l’ennui, la mélancolie en s’enivrant du doux jus de la treille.
Charmer la volaille
France, 1907 : Empêcher, par un moyen quelconque, les poules de crier quand on les vole.
Charmer le cabot
France, 1907 : Fermer la gueule à un chien en lui jetant une boulette empoisonnée ou quelque morceau de viande.
Charmer les puces
Delvau, 1866 : v. a. Se mettre en état d’ivresse, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : S’enivrer. L’ivrogne, ne sentant plus la piqure des puces, ou n’ayant pas la force de se gratter, les laisse s’ébattre à leur aise.
Charmes
Delvau, 1864 : Les tétons, les fesses etc…de la femme, qui charment en effet nos yeux et notre imagination.
Avec beaucoup de charmes, c’est-à-dire de beauté, on peut manquer de charme : on peut de même avoir beaucoup de charme avec très peu de beauté. Réunir le et les, c’est la perfection à son comble.
(A. de Nerciat)
Et laisse voir ses charmes, dont la vue
Est pour l’amant la dernière faveur.
(Parny)
… Y vendre au poids de l’or toutes les voluptés,
Et des charnues, souvent, qu’on n’a pas achetés.
(Louis Protat)
Charnière
Delvau, 1864 : Le périnée, c’est-à-dire l’endroit qui sépare le con du trou du cul.
Elle s’en est tant foutu,
Qu’elle s’est rompu la charnière…
Si bien que du con au cul,
Ça ne fait plus qu’une gouttière :
Bon, bon, de la Bretennière.
(Vieille chanson)
Charogne
d’Hautel, 1808 : Il pue comme une charogne. Se dit grossièrement d’un homme qui exhale une odeur désagréable, ou qui est sujet à lâcher de mauvais vents.
Delvau, 1866 : s. f. Homme difficile à vivre, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Homme roué, corrompu.
Virmaître, 1894 : Individu rugueux, difficile à vivre, être insociable. On dit aussi de quelqu’un qui sent mauvais :
— Tu pues comme une charogne.
De charogne on a fait charognard.
Généralement les patrons ou les contremaîtres qui commandent durement sont qualifiés tels par les ouvriers (Argot du peuple). X.
France, 1907 : Personne désagréable, acariâtre, dont on s’éloigne comme d’un chat crevé. Se dit aussi pour un homme vicieux, corrompu.
Charogneux
France, 1907 : Sale, donnant la nausée. Un roman charogneux, œuvre de bas naturalisme.
Charogneux (article)
Rigaud, 1881 : Article sur la vente duquel un commis en nouveautés n’a pas de bénéfice à attendre, article d’affiche. Une sale boîte où il n’y a que des articles charogneux.
Charon
Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur.
Larchey, 1865 : Voleur (Vidocq). — Diminutif de Charrieur. V. ce mot.
Dessus le pont au Change, certain agent de change se criblait au charon.
(Vidocq)
Charon, charron
France, 1907 : Voleur.
Dessus le pont au Change,
Certain agent de change
Se criblait : Au charon !
(Mémoires de Vidocq)
Charpenter
d’Hautel, 1808 : Pour couper, tailler à tort et à travers et maladroitement ; il signifie aussi frapper, battre, tomber à bras raccourci sur le dos de quelqu’un.
Un ouvrage charpenté. Pour dire fait à la grosse, sans soin, sans aucun goût.
France, 1907 : Écrire le scenario d’un roman ou d’une pièce.
Charpenter le bourrichon
France, 1907 : Se monter la tête, prendre feu, s’exciter, s’emballer.
Charpenter le bourrichon (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’enflammer à propos de n’importe qui ou de n’importe quoi, — dans l’argot des ouvriers.
Charpentier
Larchey, 1865 : Auteur dramatique dont le talent consiste à bien tracer la charpente c’est-à-dire le plan d’une pièce.
As-tu vu la pièce d’hier ? — Oui, c’est assez gentil. — Est-ce bien charpenté ? — Peuh ! couci-couci.
(De la Fizelière)
Il n’est pas si facile de se montrer un habile charpentier.
(Second)
Delvau, 1866 : s. m. Celui qui agence une pièce, qui en fait la carcasse, — dans l’argot des dramaturges, qui se considèrent, avec quelque raison, comme des ouvriers de bâtiment.
France, 1907 : Homme qui écrit le scenario d’une pièce, qui fait le canevas d’un roman.
Charpentier (gueuler au)
France, 1907 : Appeler la police.
— Là-dessus, Touzart, qui n’est pas nière, n’a pas attendu qu’on gueule trop fort au charpentier… Il a pris ses cliques et ses claques et s’est poussé de l’air…
— Ah ! monsieur est sauvé ? Taut mieux pour lui ! dit le domestique avec un soupir : je me disais bien aussi que ça finirait un jour très mal, toutes ces histoires-là…
(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Charretée (avoir une)
France, 1907 : Être complètement ivre.
Charretée (en avoir une)
Fustier, 1889 : Être complètement ivre.
Charretier
d’Hautel, 1808 : Il n’est si bon charretier qui ne verse. Pour dire qu’il n’y a point d’homme si habile qu’il soit, qui ne fasse des fautes.
Il jure comme un charretier embourbé. Se dit d’un homme qui n’a que des juremens dans la bouche, qui tempête et sacre à tout propos.
Charrette
d’Hautel, 1808 : Avaleur de charrettes ferrées. Matamor, gascon, hâbleur, fier-à-bras.
Charriade à l’américaine
Larchey, 1865 : « Il exige deux compères ; celui qui fait l’américain et celui qui lui sert de leveur ou de jardinier. Le leveur lie conversation avec tous les naïfs qui paraissent porter quelque argent. Puis on rencontre l’américain qui leur propose d’échanger une forte somme en or contre une moindre somme d’argent. La dupe accepte et voit bientôt les charrieurs s’éloigner, en lui laissant contre la somme qu’il débourse des rouleaux qui contiennent du plomb au lieu d’or. » — Canler.
Charriage
Vidocq, 1837 : s. m. — Le mot charriage, dans la langue des voleurs, est un terme générique qui signifie voler un individu en le mystifiant. Je donne dans l’article ci-après (voir Charrieurs), quelques détails sur le mode de charriage le plus usité : il sera parlé des autres à leur ordre respectif.
un détenu, 1846 : Vol en accostant quelqu’un.
Larchey, 1865 : Action de charrier. — Charrier : terme générique qui signifie voler quelqu’un en le mystifiant (Vidocq). — Charrieur, careur, charon : Voleurs pratiquant le charriage. Charrier vient des anciens verbes charier, chariner aller, procéder, mystifier. V. Roquefort. — Ce dernier sens répond tout à fait à celui de Vidocq.
Delvau, 1866 : s. m. Vol pour lequel il faut deux compères, le jardinier et l’Américain, et qui consiste à dépouiller un imbécile de son argent en l’excitant à voler un tas de fausses pièces d’or entassées au pied d’un arbre, dans une plaine de Grenelle quelconque. S’appelle aussi Vol à l’Américaine.
Rigaud, 1881 : Le mot charriage, dans la langue des voleurs est un terme générique qui signifie voler un individu en le mystifiant. (Vidocq)
La Rue, 1894 : Vol à la mystification. Charriage à l’américaine. Le charriage à la mécanique c’est le coup du père François (le vol par strangulation).
France, 1907 : Escroquerie. Il y a plusieurs sortes de charriage : le charriage à l’américaine, à la mécanique, au pot et au coffret.
Charriage à l’américaine
France, 1907 : Canler, dans ses mémoires, explique ainsi ce genre de vol, appelé aussi vol au change : « Il exige deux compères : celui qui fait l’Américain, un faux étranger qui se dit Américain, Brésilien et, depuis quelque temps, Mexicain ; et celui qui lui sert de leveur où de jardinier. Le leveur lie conversation avec tous les naïfs qui paraissent porter quelque argent. Puis on rencontre l’Américain, qui leur propose d’échanger une forte somme en or contre une moindre somme d’argent. La dupe accepte et voit bientôt les charrieurs s’éloigner, en lui laissant, contre la somme qu’il débourse, des rouleaux qui contiennent du plomb au lieu d’or. »
Charriage à la mécanique
Larchey, 1865 : Un voleur jette son mouchoir au cou d’un passant et le porte à demi-étranglé sur ses épaules pendant qu’un complice le dévalise.
Virmaître, 1894 : Ce genre de vol est l’enfance de l’art ; un mouchoir suffît. Le voleur le jette au cou d’un passant, il l’étrangle à moitié, le charge sur son épaule pendant qu’un complice le dévalise. C’est exactement le coup du père François, toutefois pour exécuter celui-ci les voleurs se servent d’une courroie flexible ou d’un foulard de soie (Argot des voleurs).
France, 1907 : Ce genre de vol exige deux complices. Le premier jette son mouchoir au cou d’un passant, et, tenant les deux bouts, se retourne vivement de façon à appuyer la victime sur son dos : tandis qu’il la tient soulevée et à moitié étranglée, le second la fouille et la dévalise. On l’appelle aussi le coup du Père François. Il était, il y a quelques années, fort commun à Londres, et les bandits qui le pratiquaient étaient désignés sous le nom d’étrangleurs. Mais, à la suite de nombreux forfaits de ce genre, les magistrats, indépendamment des travaux forcés, condamnèrent les étrangleurs à recevoir un certain nombre de coups d’un fouet appelé « chat à neufs queues », peine si terrible et si redoutée que l’industrie des étrangleurs cessa presque aussitôt les premières applications.
Pour se rendre compte de la cruauté du châtiment, il est bon de savoir que le fouet, instrument du supplice, se compose de neuf lanières de cuir fixées à un manche, une sorte de martinet, enfin. L’exécuteur doit manœuvrer de façon que chaque lanière laisse une trace, c’est-à-dire que chaque coup de fouet fasse neuf coupures sur la peau. Ces coups impriment des stigmates indélébiles, comme le fer avec lequel on marquait autrefois les forçats, et le condamné eu porte toute sa vie les cicatrices.
(Hector France, L’Armée de John Bull)
Charriage au coffret
Virmaître, 1894 : Ce vol là est plus drôle. Un individu, ayant l’aspect d’un anglais s’adresse à la dame de comptoir d’un grand café, et lui confie un coffret, mais avant de le fermer à clé il lui fait voir qu’il contient une quantité de rouleaux d’or. Il le ferme, la dame serre précieusement. Dans la soirée, il revient dire qu’il a perdu sa clé, et lui emprunte quelques centaines de francs. Sans crainte (elle est garantie), elle les lui donne, et ne le revoit plus. Finalement, on fait ouvrir le coffret, il n’y a que des jetons de cercles (Argot des voleurs).
France, 1907 : Encore une variété de l’américaine. C’est généralement dans un hôtel un restaurant, un café, que le noble étranger opère. Il confie à la dame de comptoir un coffret dans lequel il a fait voir au préalable des rouleaux d’or et des paquets de billets de banque. Quelques heures après, il revient. Il a besoin de dix louis. Mais il se fouille, pâlit, il a perdu la clef du coffret. « Qu’à cela ne tienne ! » dit la dame de comptoir, souriant au rastaquouère. Et elle avance les louis. Bien entendu, on ne revoit plus l’Américain : et le coffret, ouvert, ne contient, comme le pot cité plus haut, que de fausses bank-notes, des jetons ou des centimes neufs.
Charriage au pot
Larchey, 1865 : Il débute de la même façon que le précédent. Seulement l’américain offre à ses deux compagnons d’entrer à ses frais dans une maison de débauche. Par crainte d’un vol, il cache devant eux dans un pot une somme considérable. Plus loin, il se ravise et envoie la dupe reprendre le trésor après lui avoir fait déposer une caution avec laquelle il disparaît, tandis que le malheureux va déterrer un trésor imaginaire.
Virmaître, 1894 : Ne demande pas non plus un grand effort d’imagination : un pot et un imbécile aussi bête que lui suffisent. Deux voleurs abordent un individu à l’air naïf. Après quelques stations dans les cabarets, ils lui offrent de le conduire dans un bocard éloigné. En chemin, ils avisent un terrain vague, l’un des deux voleurs exprime à ses compagnons la crainte d’être volé car il porte sur lui une grosse somme. Devant eux il la cache dans le pot qu’il enterre. Plus loin il se ravise et dit au naïf d’aller déterrer l’argent caché, mais auparavant il lui fait donner ce qu’il a sur lui. Le naïf part, ne trouve que des rouleaux de plomb dans le pot et quand il revient les voleurs sont loin (Argot des voleurs).
France, 1907 : Même procédé que celui « à l’américaine », avec cette différence que l’Américain propose à ses compagnons une partie de lupanar. Craignant d’être volé, il met son or et un paquet de bank-notes, en présence de sa dupe, dans un vase ou une boîte qu’on enfouit en quelque coin ou qu’on cache dans une armoire. Mais, à la porte du lupanar ou dans le lieu même, le charrieur se ravise. Il feint l’ivresse ainsi que son complice et offre de régaler les filles et a besoin de son argent. Il demande à la dupe d’aller le chercher. Mais attention ! hé ! hé ! Il y a là une grosse somme ! En outre, il faut payer le champagne comptant. La dupe laisse sa bourse en gage, court au trésor, le rapporte essoufflé ! Les charrieurs ont levé le siège, et le pot ne contient que des billets de la banque de Sainte-Farce et des jetons.
Charrier
d’Hautel, 1808 : On le fera bien charrier droit. Se dit par menace, pour on le forcera de se bien comporter, à s’acquitter de son devoir.
Rigaud, 1881 : Servir de compère ; tricher au préjudice de ses associés pour faire gagner un compère, — dans le jargon des grecs, qui disent également mener en double.
Fustier, 1889 : Chercher à savoir.
La Rue, 1894 : Voler au charriage. Servir de compère. Chercher à savoir. Se moquer. Calomnier.
Virmaître, 1894 : Signifie se moquer de quelqu’un. Synonyme de mener en bateau (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Se moquer, faire aller.
Hayard, 1907 : Se moquer de quelqu’un.
France, 1907 : Calomnier.
France, 1907 : Voler quelqu’un à l’aide de grossières mystifications. On ne peut guère charrier que des naïfs. Vieux mot, synonyme de rouler.
Charrier (se)
Rigaud, 1881 : Aller, venir d’un côté, de l’autre, sans but précis, — dans le jargon du régiment. — Qu’est-ce que t’as à te charrier comme ça depuis une heure ?
Charrier à la mécanique
Rigaud, 1881 : Avoir la précaution d’étrangler un peu et même tout à fait le patient, tandis qu’un camarade le dépouille.
Charrier droit
Rigaud, 1881 : Obéir, marcher droit.
Il (Louis XI) estoit maistre avec lequel il falloit charrier droit.
(Mémoires de Ph. de Commynes.)
Et qu’il fera bien s’il me croit
Désormais de charrier droit.
(Scarron, Gigantomachie, ch. I)
La locution date de loin, mais elle n’en est pas moins très usitée de nos jours, et particulièrement parmi la classe ouvrière.
Charrieur
un détenu, 1846 : Voleur en accostant.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui a la spécialité du charriage. Charrieur, cambrousier. Voleur qui exploite les foires et les fêtes publiques. Charrieur de ville. Celui qui vole à l’aide de procédés chimiques. Charrieur à la mécanique. Autre variété de voleur.
Rigaud, 1881 : Compère, — dans le jargon des grecs.
Rigaud, 1881 : Curieux, — dans l’argot des voleurs. — Charriage, curiosité. — J’aime pas le charriage, moi.
Fustier, 1889 : adj. Curieux. — Subst. Individu qui se tient aux abords de certains cercles pour le compte desquels il racole les joueurs.
Ces nobles personnes ont toujours deux ou trois grecs à leur solde. Elles ont aussi des charrieurs et des charrieuses qui sont chargés de rabattre les pigeons.
(Henri IV, 1881)
La Rue, 1894 : Voleur au charriage. Curieux. Racoleur pour les tripots.
France, 1907 : Voleur au charriage.
Le filou qui se livre à cet art se promène dans les endroits publics, fréquentés de préférence par les personnes paraissant des propriétaires ou des ouvriers aisés. Il suit sa victime choisie avec soin, et, s’approchant d’elle, il la pousse légèrement, se baisse et feint de ramasser à terre un objet…
Le promeneur, surpris, s’arrête et regarde.
Le voleur s’extasie sur sa chance. Il vient de trouver une bague ou une épingle de prix. Il attend que le badaud donne son avis. Si celui-ci dit : « Il faut porter cet objet trouvé au prochain bureau de police », l’homme s’esquive sans rien ajouter. Si le bon bourgeois ne dit rien ou admire le bijou, le charrieur (voleur à tour d’adresse) le tourne, le retourne entre ses doigts, comme embarrassé, et dit : « Je ne saurai que ne faire de cela… elle vaut au moins quarante francs, cette bague : si j’en trouvais vingt francs, je la céderais bien ! » Neuf fois sur dix, le badaud tombe dans le piège : il pense que l’homme ne sait pas la vraie valeur du bijou, puisqu’il évalue quarante francs ce qui vaut, à vue d’œil, et par de poids, soixante ou quatre-vingts francs. Il lâche son louis et le tour est joué. La bague, quand elle est estimée, vaut à peine deux ou trois francs.
(La Nation)
Charrieur a la mécanique
Vidocq, 1837 : Voleur qui, avec le mouchoir, attrape un passant par le col, le porte ainsi sur les épaules pendant qu’un camarade s’occupe à le dévaliser de manière à le laisser quelquefois nu et sans vie sur la route.
Lorsque le pantre est mort, ce qui arrive quelquefois, les Charrieurs à la mécanique jettent le cadavre dans le canal ; car c’est ordinairement dans ce quartier désert qu’ils exercent leur horrible industrie.
Charrieur cambrousier
Halbert, 1849 : Voleur à l’aide du charlatanisme.
France, 1907 : Voleur maladroit, qui opère lourdement, à la façon des campagnards (cambrousiers). On désigne aussi de ce nom Les charlatans nomades.
Charrieur de ville
Halbert, 1849 : Voleur par les procédés chimiques.
France, 1907 : Voleur qui, à l’aide de drogues, met sa victime dans l’impossibilité de se défendre.
On donne aussi le nom de charrieur, charrieuse à des escrocs des deux sexes chargés de rabattre les pigeons destinés à être plumés dans les tripots clandestins, tripots ordinairement tenus par des femmes. C’est le pendant des rameneurs des cercles.
Dans beaucoup de tripots, dans presque tous même, il y a un mot de passe qu’il faut donner pour entrer. Le mot de passe est communiqué aux joueurs par les charrieurs et les charrieuses qui les racolent.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
Charrieur ou charrida
Rossignol, 1901 : Les voleurs à l’américaine sont aussi des voleurs au charriage ; ils se moquent de l’individu qu’ils cherchent à voler : ils le charrient pour arriver à lui escroquer ce qu’il possède d’argent sur lui.
Charrieur, charron
Rigaud, 1881 : Voleur qui est adonné au charriage. — Les charrieurs exploitent, presque toujours, la bêtise d’un fripon.
Charrieurs
Vidocq, 1837 : s. m. — Les Charrieurs sont en même temps voleurs et mystificateurs, et presque toujours ils spéculent sur la bonhomie d’un fripon qui n’exerce le métier que par occasion ; ils vont habituellement deux de compagnie, l’un se nomme l’Américain, et l’autre le Jardinier. Le Jardinier aborde le premier individu dont l’extérieur n’annonce pas une très-vaste conception, et il sait trouver le moyen de lier conversation avec lui ; tout à coup ils sont abordés par un quidam, richement vêtu, qui s’exprime difficilement en français, et qui désire être conduit, soit au Jardin du Roi, soit au Palais-Royal, soit à la Plaine de Grenelle pour y voir le petite foussillement pien choli, mais toujours à un lieu très-éloigné de l’endroit où l’on se trouve ; il offre pour payer ce léger service une pièce d’or, quelquefois même deux ; il s’est adressé au Jardinier, et celui-ci dit à la dupe : « Puisque nous sommes ensemble, nous partagerons cette bonne aubaine ; conduisons cet étranger où il désire aller, cela nous promènera. » On ne gagne pas tous les jours dix ou vingt francs sans se donner si peu de peine, aussi la dupe se garde bien de refuser la proposition ; les voilà partis tous les trois pour leur destination.
L’étranger est très-communicatif. Il raconte son histoire à ses deux compagnons ; il n’est que depuis peu de jours à Paris ; il était au service d’un riche étranger qui est mort en arrivant en France, et qui lui a laissé beaucoup de pièces jaunes, qui n’ont pas cours en France, et qu’il voudrait bien changer contre des pièces blanches ; il donnerait volontiers une des siennes pour deux de celles qu’il désire.
La dupe trouve l’affaire excellente, il y a 100 p. % à gagner à un pareil marché ; il s’entend avec le Jardinier, et il est convenu qu’ils duperont l’Américain. « Mais, dit le Jardinier, les pièces d’or ne sont peut-être pas bonnes, il faut aller les faire estimer. » Ils font comprendre cette nécessité à l’étranger, qui leur confie une pièce sans hésiter, et ils vont ensemble chez un changeur qui leur remet huit pièces de cinq francs en échange d’une de quarante ; ils en remettent quatre à l’Américain, qui paraît parfaitement content, et ils en gardent chacun deux : les bons comptes font les bons amis ; l’affaire est presque conclue, l’Américain étale ses rouleaux d’or, qu’il met successivement dans un petit sac fermé par un cadenas.
« Vous âvre fait estimer mon bièce d’or, dit-il alors, moi fouloir aussi savoir si votre archent il être pon. »
Rien de plus juste, dit le Jardinier. L’Américain ramasse toutes les pièces de cinq francs du pantre, et sort accompagné du Jardinier, soi-disant pour aller les faire estimer. Il va sans dire qu’il a laissé en garantie le petit sac qui contient ses rouleaux d’or.
Le simple est tout à fait tranquille ; il attend paisiblement dans la salle du marchand de vins, chez lequel il s’est laissé entraîner, qu’il plaise à ses deux compagnons de revenir ; il attend une demi-heure, puis une heure, puis deux, puis les soupçons commencent à lui venir, il ouvre le sac dans lequel au lieu de rouleaux de pièces d’or, il ne trouve que des rouleaux de monnaie de billon.
Charron
d’Hautel, 1808 : Ma montre est chez le charron. Réponse facétieuse qu’une personne qui n’a pas de montre fait à celle qui lui demande quelle heure il est.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur.
La Rue, 1894 : Voleur.
France, 1907 : Voleur.
Chambre, gerbier, jaunier ou flique
Et si l’un d’eux jappe en musique,
Aie bon estomac, charront,
Et ne leur refil’ pas leur poignon.
(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)
Charron (crier au)
Hayard, 1907 : Crier avec violence, se plaindre.
Charrue
d’Hautel, 1808 : C’est une vraie charrue. Se dit injurieusement d’une personne indolente et inhabile, qui se plaint continuellement ; d’un véritable emplâtre.
Mettre la charrue devant les bœufs. Faire quelque chose à contre-sens, en dépit du sens commun.
Être à la charrue, tirer la charrue. Pour dire avoir beaucoup de mal, faire un travail fort pénible.
Une charrue mal attelée. Gens liés par intérêt ou par société et qui s’accordent mal ensemble.
Charrue complète
Rigaud, 1881 : Quinte, quatorze et le point au jeu de piquet.
Chartreuse de vidangeur
Fustier, 1889 : Demi-setier de vin rouge.
France, 1907 : Nom pittoresque donné an verre d’eau-de-vie servi chez Le mastroquet. Se dit aussi d’un verre de vin.
Chartron
Delvau, 1866 : s. m. Position des acteurs vers la fin d’une pièce. Faire ou Former le chartron. Ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final.
Rigaud, 1881 : Position des acteurs vers la fin de la pièce. Former le chartron, ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final. (A. Delvau)
France, 1907 : Position des acteurs sur la scène. Faire ou former le chartron se dit, en terme de coulisses, quand les acteurs se rangent tous en ligne devant la rampe.
Chas d’occas
Halbert, 1849 : Loucher.
Chas ou chasse
Delvau, 1866 : s. m. Œil, — dans l’argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les trous du visage, ou parce qu’ils en sont les châssis, ou enfin parce qu’ils ont parfois, et même souvent, la chassie.
Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu’on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m’appuie, pour le dire, de l’autorité de Ménage, qui fait venir chassie de l’espagnol cegajoso, transformé par le patois français en chaceuol, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n’ont-ils pas employé le mot chacius ?
Châsses d’occase. Yeux bigles, ou louches.
Chason
France, 1907 : Bague.
Chass d’Af
France, 1907 : Abréviation de chasseur d’Afrique.
Il avait deux mètres, une poignée d’épis sous de nez, l’air terrible, et il avait gardé du métier au calotte de chass d’Af : une tuile, un fez piqué tout droit sur ses cheveux comme une grande rose.
(Georges d’Esparbès)
Chass. d’Af.
Merlin, 1888 : Apocope de chasseur d’Afrique.
Chasse
d’Hautel, 1808 : C’est la chasse de St. Romain, portée par deux vilains. Brocard qui se dit pour plaisanter deux personnes qui portent ensemble quelque chose de précieux.
d’Hautel, 1808 : Donner une chasse à quelqu’un. Pour le réprimander, lui donner une mercuriale ; le gourmander vivement.
Larchey, 1865 : Mercuriale (d’Hautel, 1808).
C’est pas l’embarras, faut croire qu’il aura reçu une fameuse chasse pour être remonté si en colère.
(H. Monnier)
Donner une chasse, c’est mot à mot pourchasser à coups de langue.
Delvau, 1866 : s. f. Réprimande, objurgation, reproches, — dans l’argot des ouvriers. Foutre une chasse. Faire de violents reproches.
Rigaud, 1881 : Semonce. — Flanquer une chasse.
France, 1907 : Admonestation, réprimande sévère. Foutre une chasse, faire des réprimandes. « J’ai reçu du singe une fameuse chasse. »
Châsse
France, 1907 : Œil. Balancer ou boiter des châsses, être louche. Se foutre l’apôtre dans la châsse, se tromper.
C’est nous les joyeux, les petits joyeux,
Les petits joyeux qui n’ont pas froid aux châsses ;
C’est nous les joyeux, les petits joyeux,
Qui n’ont pas froid aux yeux !
(Chanson des Bataillons d’Afrique)
Chasse (marquer de)
Rigaud, 1881 : Marquer d’une raie transversale les côtes d’un animal qu’on envoie à l’abattoir, — dans le jargon des bouchers.
Chasse à courre
Rigaud, 1881 : Verte réprimande qui se termine par un congé en bonne forme.
Chasse à l’estorgue
Vidocq, 1837 : s. m. — Œil louche.
Châsse d’occase
Rigaud, 1881 : Œil louche. — Châsse à l’estorgue, œil de verre.
Chasse noble
Vidocq, 1837 : s. m. — -Chasse-coquin, suisse de porte.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Chasse ou châssis (boiteux d’un)
France, 1907 : Borgne.
Chasse-au-plat
France, 1907 : Pique-assiette, parasite ; argot populaire.
Chasse-brouillard
France, 1907 : Verre d’eau-de-vie ; argot populaire.
Chasse-coquin
Delvau, 1866 : s. m. Bedeau, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Bedeau, suisse ; vieux mot français ; c’était celui qui chassait les gueux de l’église.
France, 1907 : Bedeau, gendarme, dans l’argot populaire. Les voleurs disent : chasse-noble.
Chasse-cousin
d’Hautel, 1808 : Ripopée, vin qui n’est pas potable ; qui, comme on dit, fait sauter les chèvres
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais vin, — dans l’argot des bourgeois, qui emploient volontiers ce remède héroïque, quand ils « traitent » des parents importuns, pour se débarrassera jamais d’eux.
France, 1907 : Mauvais vin. C’est, en effet, un moyen employé par le bourgeois de Paris, généralement lésinard, pour se débarrasser de parents ou d’amis non moins pingres qui ont coutume d’arriver à l’heure du potage, enfin des chasse-au-plat.
Chasse-marais
Rigaud, 1881 : Pour chasse-mar, c’est-à-dire chasseur avec la terminaison argotique mar ; surnom du chasseur d’Afrique.
Chasse-marée
Merlin, 1888 : Chasseurs d’Afrique. — Est-ce par allusion à la vitesse de leur course, comparée à celle des navires du même nom ?
France, 1907 : Chasseur d’Afrique. On surnomme ainsi les cavaliers de ce corps d’élite, célèbre dans les guerres d’Algérie : on dit, en effet : aller d’un train de chasse-marée, pour aller fort vite. Les chasse-marée sont de petits navires pontés à deux mâts employés au cabotage et d’une forme très avantageuse pour filer sous le vent.
Chasse-noble
Halbert, 1849 : Chasse-coquin, gendarme, chasses-yeux.
Delvau, 1866 : s. m. Gendarme, — dans l’argot des voleurs, qui se rappellent sans doute que leurs ancêtres étaient des grands seigneurs, des gens de haute volée.
France, 1907 : Gendarme.
Chasse, chassis
Larchey, 1865 : Œil. — L’œil est pour la vue une sorte de châssis.
Je m’arcboute et lui crève un chassis.
(Vidocq)
V. Coquer, Balancer, Estorgue.
Châsse, châssis
Rigaud, 1881 : Œil. Y aller d’un coup de châsse, jeter un coup d’œil, — dans le jargon du peuple. — Se foutre l’apôtre dans la châsse, se tromper, s’illusionner ; mot à mot se mettre le doigt dans l’œil. — Fermer les châssis, dormir.
La Rue, 1894 : Œil. Paupière.
Chasselas
Fustier, 1889 : Vin.
Je prendrais bien quelque chose de chaud. Est-ce qu’il y a du chasselas sur le feu, madame Antoine ?
(Huysmans, les Sœurs Vatard)
Chasser
d’Hautel, 1808 : On dit populairement de quelqu’un qui a bon appétit, qui aime à manger le gibier que les autres tirent : Il chasse bien au plat.
Un clou chasse l’autre. Signifie qu’ici bas les événemens se succèdent rapidement, que le plus fort chasse continuellement le plus foible.
Bon chien chasse de race. Proverbe qui n’est pas toujours d’une grande vérité, et qui signifie que les enfans ont ordinairement les vertus ou les vices de leurs pères, qu’ils en suivent les exemples.
La faim chasse le loup du bois. Signifie que la nécessité oblige à faire des choses pour lesquelles on avoit une grande aversion.
Leurs chiens ne chassent pas ensemble. Se dit de deux personnes qui vivent en mésintelligence, qui n’ont ni les mêmes principes, ni les mêmes inclinations.
Clémens, 1840 : Détourner quelque chose.
Delvau, 1866 : v. n. Fuir, — dans l’argot des faubouriens.
Chasser au plat
Delvau, 1866 : v. n. Faire le parasite, — dans l’argot du peuple.
Chasser avec in fusil de toile
Virmaître, 1894 : Mendier dans les campagnes. Allusion à la besace de toile que portent les mendiants pour y mettre ce qu’on leur donne (Argot des voleurs).
Chasser avec un fusil de toile
France, 1907 : Mendier avec une besace, comme le font les mendiants de campagne.
Chasser des reluits
Vidocq, 1837 : v. a. — Pleurer.
Larchey, 1865 : Pleurer (Vidocq). — Mot à mot : chasser les larmes des yeux.
Delvau, 1866 : v. n. Pleurer. Argot des voleurs.
France, 1907 : Pleurer.
Chasser le brouillard
Delvau, 1866 : v. a. Boire le vin blanc ou le petit verre du matin, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Chasser l’humidité.
France, 1907 : Boire le petit verre matinal. On dit aussi : chasser l’humidité, tuer le ver.
Chasser les mouches
France, 1907 : Être à l’agonie : allusion aux mouvements que font avec leurs bras Les moribonds.
Chasses
Clémens, 1840 / un détenu, 1846 : Yeux.
Virmaître, 1894 : Les yeux. On dit d’une femme qui pleure :
— Elle chie des yeux (Argot du peuple).
Châsses
Rossignol, 1901 : Les yeux.
Châsses (entre quatre)
France, 1907 : Un tête-à-tête.
Chasses (les)
M.D., 1844 : Les yeux.
Châsses (les)
Hayard, 1907 : Les yeux.
Châsses d’occase
France, 1907 : Yeux louches.
Châsses, châssis
Rigaud, 1881 : Lunettes.
Chasseur
d’Hautel, 1808 : Un bon chasseur ne chasse jamais sur ses terres. Signifie qu’un homme adroit ne se livre à aucun écart dans les contrées, qu’il habite.
Clémens, 1840 : Celui qui vole son camarade.
Fustier, 1889 : Domestique, petit groom qui, dans les cafés et restaurants bien tenus, est à la disposition des consommateurs, pour faire leurs commissions.
France, 1907 : Sorte de jeu de billard joué généralement dans les sous-sols des cafés. Le nombre des joueurs est illimité et le droit de cagnotte se monte à dix pour cent. C’est un plateau de métal percé de trous où il faut faire arrêter la bille. Chaque trou est désigné par un nom de gibier et celui où l’on gagne est le trou du chien.
Chassis
Ansiaume, 1821 : Yeux.
À brule pour poing, je lui ai recoqué deux jettées de bayaffe dans les chassis.
Châssis
d’Hautel, 1808 : Pour conserves, besicles, lunettes.
Il n’a pas mis ses châssis. Se dit en plaisantant d’un homme qui a commis quelque erreur ; qui a mal lu quelque chose.
Ce mot se prend aussi pour la vue, les yeux.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les yeux. Argot des faubouriens.
France, 1907 : Fenêtre et, déduction naturelle, yeux, les yeux, affirme-t-on, étant les fenêtres de l’âme.
France, 1907 : Lunettes ; paupières.
Châssis, sabords
Clémens, 1840 : Verre à boire.
Chassue
Halbert, 1849 : Aiguille.
Delvau, 1866 : s. f. Aiguille, — dans l’argot des voleurs, qui savent que toute aiguille a un chas.
France, 1907 : Aiguille ; du français correct chas, trou de l’aiguille.
Chassure
Halbert, 1849 : Urine.
Delvau, 1866 : s. f. Lotium, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Urine : vin blanc.
Chasublard
Rigaud, 1881 : Prêtre, celui qui porte la chasuble.
Vit-on un seul royaliste, un seul cagot, un seul chasublard, prendre les armes pour la défense du trône et de l’autel ?
(G. Guillemot, le Mot d’Ordre, du 6 septembre 1877)
France, 1907 : Prêtre. Allusion à l’espère de manteau composé de deux pièces que le prêtre porte sur l’aube quand il célèbre la messe et appelé chasuble, du latin casula, petite cabane : elle était autrefois de forme ronde et couvrait tout le corps, sans manches, avec une ouverture pour passer la tête. Les gens du peuple portaient ce vêtement en temps de pluie.
Chat
d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas lui qui a fait cela ; non, c’est le chat. Locution bouffonne et adversative qui a été long-temps en vogue parmi le peuple de Paris, et dont on se sert encore maintenant pour exprimer qu’une personne est réellement l’auteur d’un ouvrage qu’on ne veut pas lui attribuer ; ou pour affirmer que quelqu’un a commis une faute que l’on s’obstine à mettre sur le compte d’un autre.
Il a autant de caprices qu’un chat a de puces. Se dit d’un enfant fantasque, inconstant et capricieux, comme le sont tous les enfans gâtés et mal élevés.
J’ai bien d’autres chats à fouetter. Pour, j’ai bien d’autres choses à faire que de m’occuper de ce que vous dites.
Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit par plaisanterie d’une personne vive, impatiente, d’une pétulance extrême, et qui se laisse aller facilement à la colère et à l’emportement.
Il trotte comme un chat maigre. Se dit d’une personne qui marche rapidement et avec légèreté ; qui fait beaucoup de chemin en peu de temps.
Mon chat. Nom d’amitié et de bienveillance que les gens de qualités donnent à leurs protégés, et notamment aux petits enfans.
Il a un chat dans le gosier. Se dit d’un homme de temps qui avale sans cesse sa salive, et qui fait des efforts pour cracher.
Il le guette comme le chat fait la souris. Pour, il épie, il observe soigneusement jusqu’à ses moindres actions.
Acheter chat en poche. Faire une acquisition, sans avoir préalablement examiné l’objet que l’on achette.
Il a emporté le chat. Se dit d’un homme incivil et grossier qui sort d’un lieu sans dire adieu à la société.
Chat échaudé craint l’eau froide. Signifie que quand on a été une fois trompé sur quelque chose, on devient méfiant pour tout ce qui peut y avoir la moindre ressemblance.
Traître comme un chat. Faussaire, hypocrite au dernier degré.
Elles s’aiment comme chiens et chats. Se dit de deux personnes qui ne peuvent s’accorder en semble ; qui se portent réciproquement une haine implacable.
À bon chat bon rat. Pour, à trompeur, trompeur et demi ; bien attaqué, bien éludé.
À mauvais rat faut mauvais chat. Pour, il faut être méchant avec les méchans.
À vieux chat jeune souris. Signifie qu’il faut aux vieillards de jeunes femmes pour les ranimer.
Jeter le chat aux jambes. Accuser, reprocher, rejeter tout le blâme et le mauvais succès d’une affaire sur quelqu’un.
À lanuit, tous chats sont gris. Pour dire que la nuit voile tous les défauts.
Il a joué avec les chats. Se dit de quelqu’un qui a le visage écorché, égratigné.
Il est propre comme une écuelle à chat. Se dit par dérision d’un homme peu soigneux de sa personne, et fort malpropre.
Bailler le chat par les pattes. Exposer une affaire par les points les plus difficiles.
Il entend bien chat, sans qu’on dise minon. Se dit d’un homme rusé et subtil, qui entend le demi-mot.
Il a payé en chats et en rats. Se dit d’un mauvais payeur ; d’un homme qui s’acquitte ric à ric, et en mauvais effets.
Une voix de chats. Voix sans étendue, grêle et délicate.
Une musique de chat. Concert exécuté par des voix aigres et discordantes.
Elle a laissé aller le chat au fromage. Se dit d’une fille qui s’est laissé séduire, et qui porte les marques de son déshonneur.
Bras-de-Fer, 1829 : Geôlier.
Vidocq, 1837 : s. m. — Concierge de prison.
Larchey, 1865 : Guichetier (Vidocq). — Allusion au guichet, véritable chatière derrière laquelle les prisonniers voient briller ses yeux.
Larchey, 1865 : Nom d’amitié.
Les petits noms les plus fréquemment employés par les femmes sont mon chien ou mon chat.
(Ces Dames, 1860)
Delvau, 1866 : s. m. Enrouement subit qui empêche les chanteurs de bien chanter, et même leur fait faire des couacs.
Delvau, 1866 : s. m. Geôlier, — dans le même argot [des voleurs]. Chat fourré. Juge ; greffier.
Delvau, 1866 : s. m. Lapin, — dans l’argot du peuple qui s’obstine à croire que les chats coûtent moins cher que les lapins et que ceux-ci n’entrent que par exception dans la confection des gibelottes.
Rigaud, 1881 : Pudenda mulierum.
Rigaud, 1881 : Couvreur. Comme le chat, il passe la moitié de sa vie sur les toits.
Rigaud, 1881 : Enrouement subit éprouvé par un chanteur.
Rigaud, 1881 : Greffier, employé aux écritures, — dans le jargon du régiment. Et admirez les chassez-croisez du langage argotique : les truands appelaient un chat un greffier et les troupiers appellent un greffier un chat. Tout est dans tout, comme disait Jacotot.
Rigaud, 1881 : Guichetier, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Guichetier. Couvreur. Enrouement subit. Pudenda mulierum.
France, 1907 : Couvreur. Comme les chats, il se tient sur les toits.
France, 1907 : Enrouement. Avoir un chat dans le gosier ou dans la gouttière, être enroué.
France, 1907 : Guichetier d’une geôle.
France, 1907 : Nature de la femme. Au moment où le fameux Jack l’Éventreur terrifiait à Londres le quartier de Whitechapel, le Diable Amoureux du Gil Blas racontait cette lourde plaisanterie :
« — Tond les chiens ! coupe les chats !
Un Anglais se précipite sur le malheureux tondeur en criant :
— Enfin, je te tiens, Jack ! »
Ce quatrain du Diable Boiteux est plus spirituel :
Prix de beauté de Spa, brune, bon caractère !
Au harem aurait fait le bonheur d’un pacha ;
Aime les animaux félins, tigre ou panthère,
Et possède, dit-on, un fort beau petit chat !
Chez lui, revenant après fête,
Un pochard rond comme un portier,
Faible de jambe et lourd de tête,
Cherchait le lit de sa moitié.
Mais il se glissa près de Laure,
La jeune femme du couvreur…
Et ce n’est qu’en voyant l’aurore
Qu’il s’aperçut de son erreur.
— Que va me dire mon épouse ?
Pensa-t-il. Zut ! Pas vu, pas pris !
Elle ne peut être jalouse,
Car la nuit tous les chats sont gris !
(Gil Blas)
Chat, employé pour le sexe de la femme, n’a aucun sens. Le mot primitif est chas, ouverture, fente, dont on a fait châssis. Les Anglais ont le substantif puss, pussy, pour désigner la même chose, mais ils n’ont fait que traduire notre mot chat.
Chat (appeler un chat un)
France, 1907 : Appeler les choses par leur nom suivant le conseil de Victor Hugo :
Ô fils set frères ! ô poètes !
Quand la chose est, dites le mot.
Expression tirée de la IXe Satire de Boileau :
J’appelle un chat un chat et Rollet un fripon.
Les Anglais disent : Appeler une biche biche.
Chat (c’est le)
France, 1907 : Expression populaire qui exprime une dénégation ou un doute. « Ce n’est pas moi qui ai laissé brûler le rôti. — Non, c’est le chat ! »
Chat (être)
Delvau, 1866 : Avoir des allures caressantes, félines, — dans l’argot du peuple, qui dit cela en bonne comme en mauvaise part.
France, 1907 : Être caressant, félin, hypocrite.
Chat (mon petit)
Virmaître, 1894 : Terme d’amitié employé souvent vis-à-vis d’une jeune fille. Chat… (Argot du peuple). V. Tâte-minette. N.
Chat à neuf queues
Merlin, 1888 : Martinet.
Chat dans la gouttière
Rigaud, 1881 : Enrouement persistant éprouvé par un chanteur.
Chat-fourré
France, 1907 : Juge, greffier.
Ah ! comme je la vois venir, toute la séquelle des chats-fourrés, s’avançant à pas de velours vers les plus nobles, les plus hardis d’entre nous — jusqu’à ce que la griffe de fer s’abatte sur la liberté pantelante, sur la pensée meurtrie !
(Séverine)
Chat, chatte
Delvau, 1864 : Nom que les femmes donnent à la divine cicatrice qu’elles ont au bas du ventre, — à cause de son épaisse fourrure, et aussi parfois à cause des griffes avec les quelles elle déchire la pine des honnêtes gens qui s’y frottent.
Elle aime tous les rats
Et voudrait, la Lesbienne,
Qu’à sa langue de chienne
Elles livrent leurs chats.
(Joachim Duflot)
Châtaigne
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet appliqué sur la joue, — dans l’argot des ouvriers, qui ont emprunté cette expression à des Lyonnais.
Virmaître, 1894 : Soufflet.
— Je vais te coller une chataigne, ou je vais te plaquer un marron (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Gifle.
Si tu continues à m’embêter, je vais t’envoyer une châtaigne.
On dit aussi un marron.
Hayard, 1907 : Coup.
France, 1907 : Soufflet.
Chataud, chataude
Delvau, 1866 : adj. et s. Gourmand, gourmande, — dans l’argot du peuple. « J’étais chataude et fainéante, » dit la jolie Manon de Rétif de la Bretonne.
France, 1907 : Gourmand, gourmande,
Château
Fustier, 1889 : Abrév. de Chateaubriand. (V. Delvau)
France, 1907 : Prison.
Château branlant
France, 1907 : Personne ou chose toujours en mouvement.
Château de l’ombre
France, 1907 : Bagne.
Château-branlant
Delvau, 1866 : s. m. Chose ou personne qui remue toujours, et qu’à cause de cela on a peur de voir tomber. Argot du peuple.
Château-Campèche
Rigaud, 1881 : Mauvais vin coloré avec du bois de Campèche ; par opposition ironique à Château-Laffite.
Château-campêche
France, 1907 : Nom donné par dérision du petit bleu que sert le mastroquet, dans lequel le bois de campêche joue le rôle essentiel.
Chateaubriand
Rigaud, 1881 : Bifteck très épais, bifteck à triple étage, — dans le jargon des restaurants. — Un Chateaubriand aux pommes.
France, 1907 : Transformation du beef-steack sur la note du restaurateur. Une maison qui se respecte ne sert aux clients que des chateaubriands. Le publie bénévole paye le baptême. Pourquoi ce nom célèbre à un morceau de bœuf ? Théodore de Banville raconte qu’il voulut en avoir le cœur net :
Enfin, je n’y tins plus, je voulus absolument le savoir, et j’interrogeai Magny. À ce qu’il m’apprit, le chateaubriand fut baptisé ainsi, parce qu’il avait été inventé sous les auspices de… M. de Chabrillan ! N’est-ce pas là l’origine commune des histoires et des légendes qui, sauf de rares exceptions, sont toutes nées d’une faute de langue ou d’une faute d’orthographe ?
Il est vrai qu’il reste à ce grand écrivain, à ce philosophe morose, la popularité, énorme, permanente, la gloire en billon circulant du bouillon Duval au cabaret du Lyon d’Or, d’avoir servi de patron à un beefsteack renommé — lui qui n’en mangeait jamais et ne se nourrissait que de laitage, d’encens et de souvenirs. Ô ironie ! ô reconnaissance des peuples ! Un beefsteack aux pommes, voilà peut-être tout ce qui restera un jour d’un Atlas de la pensée, d’un Archimède de la philosophie. Il portait un monde dans son vaste cerveau, il rêvait d’en soulever un autre avec sa plume, et le résultat de tout cela : un nom qu’on crayonne sur un menu de restaurant. C’est ça la gloire !
(E. Lepelletier)
On vient d’installer à la Bibliothèque nationale un petit buffet, très commode pour les travailleurs. L’un de ceux-ci y pénètre dernièrement :
Que désire monsieur ?
— Qu’est-ce qu’on peut bien manger dans celte cité des lires ? Donnez-moi un Chateaubriand.
— Voilà, monsieur.
— Grand format, surtout.
Chatellerault
Virmaître, 1894 : Couteau. Allusion à la ville renommée pour sa fabrication. On pourrait aussi bien dire Thiers ou Noutron (Argot des voleurs). V. Lingre.
Châtier
d’Hautel, 1808 : Qui aime bien châtie bien. Signifie que l’amour d’un bon père pour ses enfans ne doit point le rendre aveugle sur leurs défauts ; que le devoir lui ordonne, au contraire, de réprimer avec sévérité le vice, dès qu’il se montre en eux.
Chaton
d’Hautel, 1808 : Diminutif ; petit chat. Nom d’amitié, que l’on donne aux plus petits enfans.
Fustier, 1889 : Petit chat. Individu charmant. (Richepin)
Chatouillage au roupillon
Fustier, 1889 : Vol au poivrier.
Chatouille
France, 1907 : Chansonnette comique appelée ainsi parce qu’elle excite au rire.
France, 1907 : Légère sensation provenant d’un frôlement sur l’épiderme.
Et un de ces corps délicats, souples, graciles comme il en apparait dans les gouaches galantes des petits maîtres de l’autre siècle, résistant avec de feintes pudeurs aux assauts d’amour, tressaillant, palpitant, riant, perdant la tête à la plus imperceptible chatouille qui les frôle, et si étourdies qu’elles tendent leurs lèvres quand on n’implorait qu’un timide baiser sur les doigts.
(Riquet, Gil Blas)
Chatouille (une)
Virmaître, 1894 : Une chansonnette. Vieux terme de goguette :
— Allons, dégoise-nous ta petite chatouille (Argot du peuple). N.
Chatouiller
d’Hautel, 1808 : Se chatouiller pour se faire rire. C’est se représenter intérieurement en soi-même des sujets agréables et burlesques qui excitent à rire, ou chercher à se mettre en joie, quoiqu’on n’en ait pas sujet. On dit aussi, et dans le même sens, Se pincer pour se faire rire.
Chatouiller le public
Rigaud, 1881 : Charger un rôle, ajouter à la prose de l’auteur des facéties dans l’espoir de faire rire le public. (Jargon des coulisses.)
France, 1907 : Faire ou dire des plaisanteries sur la scène.
Chatouiller les côtes
France, 1907 : Battre, donner une volée à quelqu’un.
Chatouiller les menesses
France, 1907 : Faire rire les femmes.
Le patron n’aime pas beaucoup les « comtois » qui tirent la bourre en représentations pour chatouiller les menesses.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Chatouiller un roupilleur
France, 1907 : Fouiller doucement les poches d’un dormeur.
Chatouilleur
France, 1907 : Fripon de bourse ou de banque qui cherche à vendre de mauvaises valeurs.
Chatouilleur marron
Rigaud, 1881 : C’est le romain, le claqueur de fonds publics. Son rôle consiste à chauffer une émission, à stimuler le zèle des souscripteurs, comme le rôle des chevaliers du lustre consiste à chauffer la pièce, à entretenir le feu sacré des acteurs. (Jargon de la Bourse.)
Châtrer
d’Hautel, 1808 : Châtrer une bourse. En diminuer la valeur, en ôter une partie.
Voix de châtré. Voix aigre, foible et grêle.
Delvau, 1864 : Rendre un homme inhabile à la génération, en lui coupant les testicules.
Beau con dont la beauté tient mon âme ravie,
Qui les plus vieux châtrés pourrait faire dresser.
(Théophile)
Chatte
Vidocq, 1837 : s. f. — Pièce de six francs. Les filles publiques sont à-peu-près les seules qui se servent de ce terme.
Delvau, 1866 : s. f. Autrefois écu de six livres, aujourd’hui pièce de cinq francs, — dans l’argot des filles.
Fustier, 1889 : Pédéraste. Argot des voleurs. Terme injurieux que s’adressent les enfants des rues.
Virmaître, 1894 : Homme aimé des pédérastes pour ses manières câlines. La femme aussi est chatte si elle est câline à ses heures, à d’autres elle sait griffer (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Lop ou lob, gueuse, coquine, tante, fiote, copaille, tapette. Singulier masculin qui se fait mettre au féminin.
France, 1907 : Pièce de cinq francs ; argot des filles.
Chattement
Delvau, 1866 : adv. Doucement, calmement. L’expression est de Balzac.
Chattemiteux
France, 1907 : Personne collet monté, obtuse, emmitouflée dans les préjugés et l’hypocrisie. « Une vieille dévote chattemiteuse. »
Une fois, cependant, une seule fois par an, je me promets d’écrire une histoire pour les gens pudibonds. Les cafards et les chattemiteux se peuvent donc abonner comme les autres. Je leur mets en réserve un conte si honnête, si monstrueusement décent, si scandaleusement innocent qu’ils en jetteront leur Berquin au feu comme corrupteur de la jeunesse et pour ne plus lire que moi.
(Armand Silvestre)
Chaud
d’Hautel, 1808 : Plâtre-chaud. Sobriquet injurieux que l’on donne à un maçon qui ne sait pas son métier ; à un architecte ignorant.
Jouer à la main chaude. Au propre, mettre une main derrière son dos, comme au jeu de la main chaude. Le peuple, dans les temps orageux de la révolution, disoit, en parlant des nombreuses victimes que l’on conduisoit à la guillotine, les mains liées derrière le dos, ils vont jouer à la main chaude, etc.
C’est tout chaud tout bouillant. Pour dire que quelque chose qui doit être mangé chaud est bon à prendre. On dit aussi d’un homme qui est venu d’un air empressé et triomphant annoncer quelque mauvaise nouvelle, qu’Il est venu tout chaud tout bouillant annoncer cet évènement.
Chaud comme braise. Ardent, bouillant, fougueux et passionné.
Tomber de fièvre en chaud mal. C’est-à-dire, d’un évènement malheureux dans un plus malheureux encore.
Avoir la tête chaude. Être impétueux, et sujet à se laisser emporter à la colère.
On dit, par exagération, d’une chambre ou la chaleur est excessive, qu’Il y fait chaud comme dans un four.
Il fait bon et chaud. Pour dire que la chaleur est très-forte. Voy. Bon.
Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. C’est-à-dire, pousser vivement une affaire quand l’occasion est favorable.
À la chaude. Dans le premier transport.
Cela ne fait ni chaud ni froid. C’est-à-dire, n’influe en rien, n’importe nullement.
La donner bien chaude. Exagérer un malheur, donner l’alarme pour une un événement de peu d’importance, faire une fausse peur.
Si vous n’avez rien de plus chaud, vous n’avez que faire de souffler. Se dit à quelqu’un qui se flatte de vaines espérances, qui se nourrit d’idées chimériques.
Il n’a rien eu de plus chaud que de venir m’apprendre cet accident. Pour, il est venu avec empressement, d’un air moqueur et joyeux m’annoncer cet accident.
Larchey, 1865 : Coureur de belles, homme ardent et résolu. — Autrefois on disait chaud lancier :
Le chaud lancier a repris Son Altesse royale.
(Courrier burlesque, 2e p., 1650)
Delvau, 1866 : adj. et s. Rusé, habile, — dans l’argot du peuple, assez cautus. Être chaud. Se défier. Il l’a chaud. C’est un malin qui entend bien ses intérêts.
Delvau, 1866 : adj. Cher, d’un prix élevé.
La Rue, 1894 : Dangereux. Passionné. Se tenir chaud, être sur ses gardes.
France, 1907 : Rusé, malin. Se dit aussi pour un homme porté à l’amour ; on ajoute alors souvent : de la pince. Henri IV était très chaud de la pince. Ce n’est jamais un mal, si c’est parfois un danger. Dans le même sens, chaud lancier.
Chaud ! chaud !
Delvau, 1866 : Exclamation du même argot [du peuple], signifiant : Vite ! dépêchez-vous !
Rigaud, 1881 : Vite ! vite !
France, 1907 : Exclamation populaire qui signifie : Dépêchez-vous !
Chaud (avoir)
Rigaud, 1881 : Avoir peur, — dans le jargon des voyous. Le saisissement causé par la peur détermine souvent la transpiration.
France, 1907 : Se trouver dans une affaire où pleuvent balles ou horions, où, selon l’expression consacrée : Il faisait chaud !
Chaud (être)
Rigaud, 1881 : Se tenir sur ses gardes.
Rossignol, 1901 : Malin. Ce mot me rappelle un beau nègre, nomme Barca, qui était soldat aux zouaves de la garde. Étant en faction dans l’intérieur des Tuileries, l’Empereur passa près de lui et lui causa. Barca ne répondit pas, et Napoléon III demanda à l’officier de Service si ce nègre ne comprenait pas le français. Lorsque Barca fut relevé de faction, on lui demanda pourquoi il n’avait pas répondu à l’empereur.
Lui chaud, dit Barca, mais moi je brûle ; le Kibir voulait me faire parler étant de faction pour me f… iche dedans.
Il est vrai que la consigne interdit aux sentinelles de causer. J’ai rencontré en Kabylie, en 1871, lors de l’insurrection, Barca qui regrettait les madames la France et la barrière Zobi : barrière de l’École, ainsi nommée par les Arabes ayant tenu garnison à Paris, en raison d’un grand nombre de maisons à grand numéro qui y existaient avant 1870.
France, 1907 : Avoir l’œil au guet, se tenir sur ses gardes.
Chaud (il est)
Ansiaume, 1821 : Méfiant, actif.
Tous ces roussins-là sont chauds, mais je les entortille.
Virmaître, 1894 : Malin, rusé, méfiant. Se dit de quelqu’un difficile à tromper (Argot du peuple).
Chaud (il fera)
France, 1907 : Expression qui signifie jamais. « Quand tu m’y reprendras, il fera chaud. »
Chaud (mettre le petit au)
Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des troupiers.
Chaud comme braise (être)
Delvau, 1864 : Se dit d’un homme qui bande toujours, pour qui toutes les femmes sont égales devant sa pine.
Dans les gardes-françaises
J’avais un amoureux,
Fringant, chaud comme braise,
Jeune, beau, vigoureux.
(J.-J. Vadé)
Je suis étroit, chaud comme braise,
Mon pucelage vaut le tien.
(Parnasse satyrique)
Chaud de la pince
Delvau, 1864 : Homme ardent aux plaisirs vénériens ; bon fouteur.
C’était un chaud de la pince
Qui peuplait dans chaque province
L’hospice des enfants trouvés.
(Louis Festeau)
Delvau, 1866 : s. m. Homme de complexion amoureuse.
Rigaud, 1881 : Luxurieux. On disait jadis : chaud de reins.
Où les centaures saouz, au bourg Atracien
Voulurent, chauds de reins, faire nopces de chien.
(Régnier, satire X)
Virmaître, 1894 : Hommes pour qui toutes les femmes sont bonnes. On dit d’un homme chaud :
— Chien enragé mord partout (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Individu pour qui n’importe quelle femme est bonne.
Chaud de lance ?
Rossignol, 1901 : J’ai entendu chanter dans les caveaux, une chanson sur l’hôpital du Midi, aujourd’hui hôpital Ricord, dont voici un couplet :
On vous donne des tisanes et des graines, Du copahu ainsi que de l’Opiat, Et de l’iodure pendant la. quarantaine, Matin et soir après chaque repas. Le potassium sur tous les hommes Fait son effet, dit le docteur Simonet ; Essayez-en, mes bonnes gens, De tous ces remèdes, vous en serez contents.
Chaud et froid
Rossignol, 1901 : Si une dame vous loue son local pour un instant, qu’avant de l’habiter vous ne visitiez pas les papiers pour vous rendre compte que tout est bien en règle, vous êtes en danger d’y trouver un courant d’air et d’y attraper un chaud et froid.
Chaud,-e
Vidocq, 1837 : v. p. (Être). — Qui se défie, qui se tient sur ses gardes.
Chaude comme braise
Virmaître, 1894 : Femme hystérique qui aime tous les hommes (Argot du peuple).
France, 1907 : Femme qui se livre à tous les hommes. (Ch. Virmaître)
Chaude lance
La Rue, 1894 : Gonorrhée.
Virmaître, 1894 : Maladie qui se soigne à l’hôpital Ricord, ou chez les charlatans qui vantent leurs spécifiques dans les pissotières.
— Traitement facile à suivre, en secret, même en voyage, guérison radicale sans rechute (Argot du peuple).
Chaude-lance
Delvau, 1864 : Le faux-nez de la chaude-pisse.
Le soldat de Lobau,
Dit-on, n’eut pas de chance,
Car une chaude-lance
Lui corda le bayou.
(Joachim Duflot)
Larchey, 1865 : Gonorrhée (Vidocq) — Allusion à la chaleur et aux élancements du canal de l’urètre.
France, 1907 : Gonorrhée, autrement dit : chaude-pisse.
Chaude-pisse
Delvau, 1864 : Écoulement vénérien au canal de l’urètre, — une des épines de cette rose qu’on appelle la femme.
… Suis-tu d’abord quel nom
Donner à l’instrument par où te mâle pisse
Et par lequel aussi lui vient la chaude-pisse ?
(Louis Protat)
Chaudelance
Vidocq, 1837 : s. f. — Gonorrhée.
Chaudière à boudins blancs
Rigaud, 1881 : Partner des émigrés de Gomorrhe.
Chaudière à peau d’âne
Merlin, 1888 : Grosse caisse.
Chaudron
d’Hautel, 1808 : Récurer le chaudron. Se purger, prendre des médicamens après une maladie.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, — vase que la pine de l’homme se charge de fourbir et de laver.
Son mari n’était d’aventure assez roide fourbisseur d’un chaudron tel que le sien.
(Le Synode nocturne des tribades)
Delvau, 1866 : s. f. Mauvais piano qui rend des sons discordants, — dans l’argot des bourgeois. Taper sur le chaudron. Jouer du piano, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Vieux et mauvais piano.
France, 1907 : Piano. Taper sur le chaudron, jouer du piano, Se dit aussi pour cuirasse.
Chaudronner
Delvau, 1866 : v. a. Aimer à acheter et à revendre toutes sortes de choses, comme si on y était forcé.
Chaudronnier
Delvau, 1866 : s. m. Acheteur et revendeur de marchandises d’occasion, — de la tribu des Rémonencq parisiens.
France, 1907 : Cuirassier.
Chaudronniers
Merlin, 1888 : Cuirassiers. — C’est ainsi que les appellent railleusement, et peut-être avec une légère pointe de jalousie, les militaires des autres armes, qui comparent ainsi à un vulgaire chaudron leur cuirasse étincelante.
Chaudrons
Merlin, 1888 : Les gros instruments de musique de cuivre.
Chauffe grippard
Virmaître, 1894 : Chaufferette (Argot du peuple).
Chauffe la couche
Larchey, 1865 : Homme qui ne connaît au lit que les douceurs du sommeil.
Les maris qui obtiennent le nom déshonorant de chauffe la couche.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime ses aises et reste volontiers au lit, — dans l’argot du peuple. J’ai entendu employer aussi cette expression dans un sens contraire à celui que je viens d’indiquer, — dans le sens d’Homme qui s’occupe des soins incombant à la femme de ménage. C’est le mari de la femme qui porte les culottes.
Virmaître, 1894 : Homme qui fait dans son ménage l’ouvrage de la femme. Il soigne les enfants, il chauffe la couche (Argot du peuple).
Chauffe-grippard
France, 1907 : Chaufferette.
Chauffe-la-couche
d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donne par raillerie à un tatillon, à un homme qui se mêle des moindres détails du ménage ; ce sobriquet s’applique aussi à un avare, à un parcimonieux.
France, 1907 : Homme qui s’occupe des soins du ménage. Mari débonnaire et complaisant qui chauffe le lit de madame pendant que celle-ci s’amuse. Se dit aussi d’un fainéant qui aime à rester tard au lit, ce que Rabelais appelait : « être flegmatique des fesses. »
Chauffer
d’Hautel, 1808 : Je ne me chauffe pas de ce feu-là. Pour, ce n’est pas ma manière de vivre ; je suis bien opposé à ce système.
Ce n’est pas pour vous que le four chauffe. Se dit à ceux que l’on veut exclure d’une chose à laquelle ils prétendent avoir part ; à un homme qui fait le galant auprès d’une femme qu’il ne doit point posséder.
Il verra de quel bois je me chauffe. Espèce de menace, pour dire quel homme je suis.
Allez lui dire cela, et vous chauffer ensuite à son four. Manière de défier quelqu’un d’aller redire à un homme le mal qu’on se permet de dire de lui en arrière.
Larchey, 1865 : Applaudir chaleureusement. V. Chaud.
Elle recueillait les plaintes de son petit troupeau d’artistes… on ne les chauffait pas suffisamment.
(L. Reybaud)
Delvau, 1866 : v. n. Aller bien, rondement, avec énergie.
Rigaud, 1881 : Battre ; arrêter, dans le jargon des voyous. Se faire chauffer, se faire arrêter. — Se faire chauffer par un cerbère, se faire arrêter par un sergent de ville.
Rigaud, 1881 : Faire l’empressé auprès d’une femme. — Stimuler, pousser, jeter feu et flamme. Chauffer des enchères, chauffer une affaire. — Chauffer une entrée, saluer d’une salve d’applaudissements un acteur à son entrée en scène. La mission de la claque est de chauffer le entrées et les sorties des acteurs en vedette.
La Rue, 1894 : Battre. Arrêter. Courtiser avec ardeur. Aller bien, vite. Fouiller pour voler.
Virmaître, 1894 : On chauffe une pièce pour la faire réussir et obtenir un succès. Chauffer une réunion publique. Chauffer une femme : la serrer de près, lui faire une cour assidue. On disait autrefois : coucher une femme en joue. On ajoute de nos jours, par ironie :
— tu ne la tireras pas, ou bien encore : Ce n’est pas pour toi que le four chauffe.
Chauffer une affaire pour attirer les actionnaires (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Prendre, battre.
Joseph a chauffé sa femme en partie fine avec un amoureux ; il a aussi chauffé l’amoureux de quelques coups de poing.
France, 1907 : Fouiller les poches, voler, Se dit aussi pour châtier.
Si tu fais un faux entiflage,
Choisis une largue en veuvage,
Qu’elle ait du fast, du monaco,
Et puis au jorn’ du conjungo ;
Chauffe l’magot avec madrice,
Cavale en plaquant ton caprice…
(Chanson d’un vieux voleur, recueillie par Hogier-Grison)
Chauffer (se)
France, 1907 : S’animer, mettre de l’ardeur à une affaire, s’y plaire.
— … Eh ben ! vieux, voyons, franchement, ça t’chauffe-t-y ?
— Si ça me chauffe ? mais mieux que ça, ça me botte !
(Henry Monnier)
Chauffer à la cheminée du roi René (se)
France, 1907 : Se chauffer au soleil, prendre un bain de lézard, ainsi que le faisait René d’Anjou, roi de Sicile et comte de Provence, que les habitants de Marseille, où il passait ordinairement l’hiver, voyaient venir s’asseoir sur le port, comme un simple bourgeois, et se chauffer au soleil. Cette locution populaire date du XVe siècle.
Chauffer la scène
Rigaud, 1881 : « Se remuer, s’agiter, s’évertuer pour faire rendre à un rôle plus qu’il ne contient. De chauffer à brûler les planches, il n’y a qu’un pas. »
(A. Bouchard, La Langue théâtrale)
Chauffer le four
Delvau, 1866 : v. a. Se griser. Avoir chauffé le four. Être en état d’ivresse.
Rigaud, 1881 : Boire beaucoup. — Ce n’est pas pour lui que le four chauffe, le profit, l’agrément ne sera pas pour lui.
France, 1907 : Se griser.
La fille — Ah ! t’as soif, cher trésor, et tu me l’disais pas !… Si soif que ça !
Le passant — J’en crève !
La fille — T’as chauffé le four, pas vrai, brigand ! t’es n’en ribotte !… J’connais ça, vu qu’ça m’arrive encore pus souvent qu’à mon tour…
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
Chauffer un artiste, une pièce
France, 1907 : Préparer un succès, applaudir à outrance.
Chauffer un élève
Fustier, 1889 : Lui appliquer des moyens d’instruction oui hâtent ses connaissances aux dépens du développement total. (Littré)
Il ne réussit qu’après avoir été chauffé dans une maison spéciale, par un professeur qui lui mâchait ses devoirs.
(Pellerin, Le roman d’un blasé)
France, 1907 : Se dit des fabriques de bacheliers où l’on bourre un candidat des matières strictement essentielles pour son examen, au détriment des autres connaissances et qui ne lui serviront jamais dans la vie.
Chauffer une femme
Delvau, 1866 : v. a. Lui faire une cour sur le sens de laquelle elle n’a pas à se méprendre. Nos pères disaient : Coucher en joue une femme.
France, 1907 : La courtiser, la serrer de près. On disait autrefois : « la coucher en joue. »
Dans un fiacre, agrémenté de la pancarte : CHAUFFÉE, montent un monsieur et une jeune ferme qui baissent aussitôt les stores.
Gavroche, surprenant le fait :
— Pour sûr, alors !… qu’elle va l’être chauffée… à blanc, la p’tite dame !
Chauffer une femme, chauffeur
Delvau, 1864 : Homme qui bande pour une femme et qui la serre de près, comme l’épervier la colombe, pour épier le moment favorable où il pourra fondre dessus, la pine en avant.
Loquemans, c’est l’officier, le chauffeur de la petite.
(Henry Monnier)
Chauffer une pièce
Delvau, 1866 : v. a. Lui faire un succès, la prôner d’avance dans les journaux ou l’applaudir à outrance le jour de la représentation.
Chauffer une place
Delvau, 1866 : v. a. La convoiter, la solliciter ardemment. Nos pères disaient : Coucher en joue un emploi.
France, 1907 : La solliciter, faire des intrigues pour l’obtenir, comme le font tous les budgétivores.
Chauffeur
Larchey, 1865 : Courtisan.
C’est l’officier, le chauffeur de la petite.
(Id.)
Larchey, 1865 : Homme d’entrain.
C’était un bon enfant… un vrai chauffeur !
(H. Monnier)
Delvau, 1866 : s. et adj. Hâbleur, blagueur.
Delvau, 1866 : s. m. Homme de complexion amoureuse. Se dit aussi de tout homme qui amène la gaieté avec lui.
France, 1907 : Coureur de femmes. Hâbleur ou encore gai compagnon.
Chauffeurs (les)
France, 1907 : Nom donné à des bandes de brigands qui se formèrent pendant la Révolution, dans certaines provinces de l’ouest et du midi de la France, spécialement le Perche, le Maine, l’Île-de-France, le Languedoc. Bien armés, bien disciplinés, à cheval la plupart du temps, ils attaquaient les fermes et les maisons de maître isolées et chauffaient, c’est-à-dire brûlaient les pieds des victimes qui refusaient d’indiquer l’endroit où étaient cachés l’argent ou les bijoux. Ils se couvrirent, par la suite, d’une couleur politique et se confondirent avec les derniers chouans dans l’Ouest, et dans le Midi avec les Verdets, les Trestaillons, les Compagnons de Jéhu. Ils avaient un argot spécial dont Lorédan Larchey a reproduit le glossaire publié en l’an VIII, par P. Leclair, à la suite de son Histoire des Chauffeurs d’Orgères.
C’est à Fouché, ministre de la police, que l’on doit la disparition des chauffeurs.
Chaufournier
Rigaud, 1881 : Garçon chargé de verser le café.
Chaumir
Vidocq, 1837 : v. a. — Perdre.
Larchey, 1865 : Perdre (Vidocq). — Corruption de chomer (?). Le chômage entraîne une perte d’argent.
Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Perdre.
Chausser
d’Hautel, 1808 : Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. Signifie que les ouvriers négligent ordinairement pour eux-mêmes les avantages que leur donne leur profession.
Elles chaussent le même point. Se dit de deux personnes qui ont mêmes inclinations, mêmes sentimens.
Larchey, 1865 : Convenir (d’Hautel, 1808).
Les diamants ! ça me chausse, ça me botte.
(Mélesville)
Delvau, 1866 : v. a. Convenir, — dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas dire botter.
Rigaud, 1881 : Convenir. Vieux mot ; autrefois on disait se chausser au point, en parlant de deux amoureux.
Toutes en fait d’amour se chaussent en un point.
(Régnier)
France, 1907 : Convenir : même sens que botter.
— Alors, mon garçon, qui dit, j’pourrai pas m’occuper d’vot’ affaire avant mardi. — Ça me chausse et ça me botte, que j’y dis.
(Henry Monnier)
Chausser le cothurne
Delvau, 1866 : v. a. Écrire ou jouer des tragédies, — dans l’argot des académiciens, qui parlent presque aussi mal que les faubouriens la noble langue dont ils sont les gardiens, comme les capi-agassi sont ceux d’un sérail.
France, 1907 : Faire ou jouer des tragédies.
Chausser le pied droit le premier
France, 1907 : Vieille coutume qui consiste à tout commenter et à tout faire du côté droit. La droite portait bonheur, la gauche malheur, d’où sinistre, de sinistra, gauche. Les parents, au lieu de nous habituer à nous servir également de nos membres, stérilisent le gauche en faveur du droit, et l’instinct de la routine est tel qu’a l’égard de nos enfants nous agissons comme eux. Chausser le pied droit le premier est encore, dans maintes campagnes, un présage de réussite, de bonheur pour la journée.
Quand aucune femme porte des chappons à la bonne ville, pour les vendre, où autres choses, s’elle, d’aventure, chausse au matin son pied droit le premier, elle aura bonheur de bien vendre.
(Les Évangiles des quenouilles)
Chausser une femme
Delvau, 1864 : Être le mâle qui lui convient, avoir le membre qui s’adapte le mieux à son con.
Je veux dire que tu es un crâne fouteur, que ta me cgausses comme jamais, en effet, je n’ai été chaussée.
(Lemercier de Neuville)
Chausses
d’Hautel, 1808 : Les fripons, (ou toute autre injure) sont dans vos chausses, entendez-vous ? Réponse que fait ordinairement la personne offensée à l’offenseur, et qui signifie, cette injure yous est personnelle ; vous donnez votre nom aux autres. Cette locution est très-usitée parmi le peuple de Paris.
Cette femme porte les hauts-de-chausses. C’est-à-dire, s’arroge les droits qui n’appartiennent qu’à son mari.
Prendre son cul pour ses chausses. Locution burlesque et triviale qui signifie se méprendre, se tromper grossièrement.
Faire dans ses chausses. Pour avoir peur, être dans un grand trouble, une grande agitation.
Tirer ses chausses. S’esquiver, s’enfuir, se sauver furtivement.
Il a la clef de ses chausses. Se dit d’un jeune homme qui est hors de la férule, de l’âge où l’on donne le fouet.
C’est un gentilhomme de Beauce, il se tient au lit quand on racoûtre ses chausses. Dicton facétieux et railleur, qui se dit d’un noble sans fortune qui affecte des airs qui ne conviennent point sa position.
Vous avez des chausses de deux paroisses. Se dit à celui qui a des bas ou des souliers dépareillés.
Chaussette
France, 1907 : Anneau de fer attaché à la jambe d’un forçat.
Chaussettes
Merlin, 1888 : Gants. Pour le civil, pour le pékin, le gant est un vêtement de luxe ; pour les soldats, c’est la chaussette ; rien donc d’étonnant à ce qu’ils affublent l’un de la dénomination de l’autre.
France, 1907 : Gants, dans l’argot des troupiers, dont cet accessoire ressemble en effet par la coupe et l’élégance à une paire de chaussettes.
Le tourlourou Ratichon, qui descendait de garde, fit une toilette flambante, s’astiqua du haut en bas et, reluisant comme la visière immense des képis du petit lieutenant Troumadames, sortit du quartier, ayant fourré ses mains dans des chaussettes d’une immaculée blancheur.
(La Baïonnette)
Chaussettes (essence de)
Rigaud, 1881 : Puanteur des pieds. Le peuple qui aime à plaisanter ne manque pas de dire que la meilleure essence de chaussettes doit sortir des bottes d’un gendarme ou des souliers d’un facteur rural. — La plaisanterie de l’essence de chaussettes, de l’excellent fromage recueilli dans les bottes d’un bon gendarme, et autres du même parfum, date de loin. On trouve dans les adages français du XVIe siècle : « Talons de gendarmes, talon de fromage. » — Au XVIIIe siècle, on disait couramment : Sentir le pied de messager. (Hurtaud, Dict. des homonymes)
France, 1907 : Mauvaise odeur provenant des pieds des gens qui ne se les lavent pas. Se dit aussi du mauvais café.
Chaussettes de deux paroisses
Delvau, 1866 : s. f. pl. Chaussettes dépareillées.
Rigaud, 1881 : Chaussettes dépareillées.
Chaussettes polonaises
Delvau, 1866 : s. f. pl. Morceaux de papier dont les soldats s’enveloppent les pieds.
Chaussettes polonaises ou russes
France, 1907 : Bandes de linge dont les pauvres diables et les soldats, faute de chaussettes, s’enveloppent les pieds.
Ils dormaient, les sans logis, à plat sur le sol, la tête, en guise d’oreiller, un peu haussée par leurs souliers. Leurs pieds blessés, leurs pieds d’errants, s’enveloppaient comme dans un bandage avec les croisés de la chaussette polonaise.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Il colla, d’une goutte de suif, une chandelle au bout de sa patience dont il introduisit l’autre extrémité sous la pile des vêtements que contenait sa charge, et ayant enlevé ses bottes à la lueur de ce chandelier improvisé, il commença, assis de côté sur son lit, a déligoter ses chaussettes russes.
(Georges Courteline, Le 51e chasseurs)
Chaussettes russes
Merlin, 1888 : À défaut de chaussettes dont le gouvernement n’a jamais songé à les munir, les troubades s’enveloppent tant bien que mal les pieds de morceaux d’étoffes qu’ils découpent principalement dans leurs vieilles culottes. Ces chiffons prennent le nom pompeux de chaussettes russes ou polonaises : serait-ce une invention des Cosaques, ou simplement un nom donné en raison du…. suif dont elles sont imprégnées et qui, affirmait-on jadis, était un régal pour les soldats moscovites ?
Virmaître, 1894 : Être nu-pieds dans ses souliers (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Chiffons dont on s’entortille les pieds en guise de chaussettes. Ce n’est qu’à la rentrée de Crimée en 1851, que j’ai entendu pour la première fois dénommer ces chiffons, dont on faisait à cette époque grand usage dans l’armée, des. chaussettes russes.
Chausson
d’Hautel, 1808 : Tout son équipage tiendroit dans un chausson. Se dit par raillerie de quelqu’un dont le trousseau, le bagage est fort mince, et la bourse bien plus modique encore.
Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, qui chausse tout le monde et se fait chausser par tout le monde.
Joséphine ! elle a chausse le cothurne à la salle de la Tour d’Auvergne, chez Ricourt… — C’est pour cela que je l’appelle chausson… qu’elle est.
(Lemercier de Neuville)
Delvau, 1866 : s. m. Boxe populaire où le pied joue le rôle principal, chaussé ou non.
Delvau, 1866 : s. m. Femme ou fille qu’une vie déréglée a avachie, éculée. Putain comme chausson. Extrêmement débauchée. Aurélien Scholl a spirituellement remplacé cette expression populaire, impossible à citer, par cette autre, qui n’écorche pas la bouche et qui rend la même pensée : Légère comme chausson.
Delvau, 1866 : s. m. Pâtisserie grossière garnie de marmelade de pommes et de raisiné. Les enfants en raffolent parce qu’il y a beaucoup à manger et que cela ne coûte qu’un sou.
Virmaître, 1894 : Putain. Femme pour qui tout homme est bon. On dit putain comme chausson, parce que le chausson prête beaucoup et va à tous les pieds (Argot du peuple).
France, 1907 : Art de la lutte à coups de pieds également appelé savate.
France, 1907 : Prostituée. On dit généralement : putain comme chausson.
Chaussonner
Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups de pied.
Chaussure
d’Hautel, 1808 : Un réparateur de la chaussure humaine. Manière précieuse et affectée de désigner un enfant de Saint-Crépin, cordonnier ou savetier.
Trouver chaussure à son pied. Rencontrer ce qui convient ; trouver son maître, trouver à qui parler.
Chaussure à son pied
Virmaître, 1894 : Femme laide et défectueuse qui trouve quand même un amant on à se marier. Elle a trouvé chaussure à son pied (Argot du peuple). N.
Chauve
d’Hautel, 1808 : L’occasion est chauve. C’est-à-dire, qu’il faut se hâter d’en profiter lorsqu’elle se présente, qu’une fois perdue, elle se rencontre rarement.
Chauvin
Rigaud, 1881 : Ultra-patriote. — Type de soldat en 1830.
France, 1907 : Patriote exagéré et ridicule ; la charge de l’amour de la patrie. Le peintre Charlet, qui, dans une série de caricatures populaires parues en 1823, représentait un conscrit nommé Chauvin, possédé d’un patriotisme étroit et inintelligent, est le créateur de cette expression.
Chauvin, chauviniste
Larchey, 1865 : Patriote ardent jusqu’à l’exagération.
Je suis Français ! Je suis Chauvin !
(Cogniard, 1831)
Allusion au nom d’un type de caricatures populaires. le chauvinisme est la doctrine de chauvin
Le chauvinisme a fait faire de plus grandes choses que l’amour de la patrie dont il est la charge.
(Noriac)
Chauvinisme
Rigaud, 1881 : Amour exagéré de la patrie.
Le chauvinisme a fait faire plus de grandes choses que l’amour de la patrie dont il est la charge.
(J. Noriac, Le 101e régiment)
Tout sentiment excessif peut tourner au chauvinisme.
France, 1907 : Patriotisme exagéré, voisin du ridicule.
Le Français fait bon marché de son chauvinisme et est le premier prêt à en rire. Avec l’Anglais, rien de pareil, le chauvinisme s’est élevé à la hauteur d’une institution nationale : y toucher c’est commettre un sacrilège. Être Anglais, c’est son plus beau titre. De cet orgueil on ne peut le blâmer, mais où il a tort, c’est de tenir en profond mépris tout ce qui est étranger.
— Si je n’étais pas Français, disait Voltaire, je voudrais être Anglais.
— Moi, lui riposta John Bull, si je n’étais pas Anglais, je voudrais l’être.
(Hector France, L’Armée de John Bull)
Chè
un détenu, 1846 : Ivrogne. Être de chè, être ivre.
Chef
d’Hautel, 1808 : Pour tête, ce qui conduit le corps.
Découvrir le chef Saint-Blin. Ôter son chapeau ou son bonnet ; se découvrir la tête.
Merlin, 1888 : Sergent-major.
France, 1907 : Abréviation de maréchal des logis chef, et aussi de chef de cuisine.
Chef d’attaque
Rigaud, 1881 : Chef d’une bande de voleurs. — Abadie était un chef d’attaque.
Chef de calotte
Fustier, 1889 : « Dans les pensions militaires, on appelle chef de calotte le plus ancien et le plus élevé en grade des officiers qui mangent ensemble… »
(H. Malot, Le lieutenant Bonnet)
Chef de cuisine
Rigaud, 1881 : Contre-maître dans une brasserie.
Chef-d’œuvre
d’Hautel, 1808 : Au propre, ce mot exprime quelque chose de parfait. Au figuré, il se prend souvent en mauvaise part, et l’on dit par dérision à un homme qui a commis quelque légèreté : Vous avez fait là un beau chef-d’œuvre.
Chelingoter de la gueule
Virmaître, 1894 : Puer de la bouche (Argot du peuple). V. Trouilloter de la hurlette.
Chelingoter ou chelinguer
France, 1907 : Sentir mauvais. Chelinguer des arpions, puer des pieds ; chelinquer du bec ou de la gueule, avoir mauvaise haleine. On dit aussi, dans le même sens : casser, danser, fouetter, plomber, repousser, trouilloter, veziner et vezouiller.
Chelinguer
Delvau, 1866 : v. n. Puer, — dans l’argot des faubouriens. Chelinguer des arpions. Puer des pieds. On dit plus élégamment : Chelinguer des arps. Chelinguer du bec. Fetidum emittere halitum. L’expression ne viendrait-elle pas de l’allemand schlingen, avaler, ouvrir trop la bouche ?
La Rue, 1894 : Puer.
Chelinguer, schelinguer
Rigaud, 1881 : Puer. — Schelinguer du goulot, schelinguer du couloir, sentir mauvais de la bouche — Schelinguer des arpions, puer des pieds.
Chelu
France, 1907 : Lampe dont se servent les canuts.
Le soir, éclairé seulement par la petite lampe qu’il nomme chelu, il trouve moyen de concilier son travail et son plaisir en lisant une pièce de théâtre, un roman, en chantant une romance amoureuse et sentimentale, une chanson patriotique, selon son humeur.
(Joanny Augier, Le Canut)
Chemin
d’Hautel, 1808 : Il va son petit bonhomme de chemin. Se dit d’un homme prudent et réservé, qui sans faire des affaires brillantes, ne laisse cependant pas que de se soutenir honorablement.
Il ne va pas par trente-six chemins. Se dit d’une personne qui s’explique ouvertement, sans détour, qui brusque les façons et les cérémonies.
Le chemin de Saint-Jacques. Pour dire la voie lactée.
Prendre le chemin des écoliers. Prendre le plus long, faire de grands détours pour arriver au but.
Faire son chemin. Pour dire se produire, par venir, faire ses affaires.
Il ne faut pas aller par quatre chemins. Pour il ne faut pas tergiverser ; il faut se décider, dire franchement et sans ménagement ce que l’on pense.
Il trouvera plus d’une pierre dans son chemin. Pour, il rencontrera bien des obstacles.
À chemin battu il ne croit point d’herbe. Signifie qu’il n’y a aucun bénéfice à faire dans un état dont tout le monde se mêle en même temps.
Je te mènerai par un petit chemin où il n’y aura pas de pierres. Se dit par menace à un enfant mutin, pour je te ferai marcher droit ; et en riant, d’un chemin étroit et difficultueux, dans lequel on ne peut passer que les uns après les autres : c’est le chemin du paradis.
Il n’en prend pas le chemin. Pour, il ne se met pas en mesure de faire telle ou telle chose ; de réussir dans une affaire quelconque.
Il prend le chemin de l’Hôpital. Se dit d’un prodigue, d’un dépensier, qui se ruine en de folles dépenses.
Aller droit son chemin. Se conduire avec probité, d’une manière franche et loyale.
Suivre le grand chemin des vaches. On dit plus communément la poste aux ânes ; ce qui signifie la routine ordinaire.
Chemin de Damas
France, 1907 : Chemin du repentir, de la conversion : allusion à celle de saint Paul, l’apôtre des Gentils, qui, élevé à Jérusalem dans les principes du pharisaïsme, fut d’abord un des plus ardents persécuteurs des chrétiens. Mais, un jour qu’il se rendait à Damas, pour y prendre, d’après l’ordre du prince des prêtres, tous les chrétiens qui s’y trouvaient et les amener liés à Jérusalem, il fut, dit la légende, environné d’une lumière éclatante qui le renversa par terre — la dynamite de ce temps-là — et il entendit une voix qui, l’appelant par son nom de Juif, lui disait : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? — Qui êtes-vous, Seigneur ? répondit-il. — Je suis Jésus, » répondit la voix. Et Saül, tout tremblant, s’écria : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? — Croire en moi, » dit Jésus. Ce que fit aussitôt Saül, D’où il suit que se repentir, c’est faire le chemin de Damas.
Chemin de fer
Delvau, 1866 : s. m. Variété du jeu de baccarat, — où l’on perd plus vite son argent.
Rigaud, 1881 : Baccarat où chaque joueur tient à son tour les cartes, et fait office de banquier. Ainsi nommé parce qu’il va plus vite que le baccarat en banque.
Le démon du baccarat du lansquenet et du chemin de fer exerçait partout ses ravages.
(Les Joueuses, 1868)
On nomme encore chemin de fer un jeu où chaque intéressé, peut à sa volonté, lorsqu’il a les cartes en main, jouer soit le baccarat, soit le lansquenet, soit le vingt-un.
France, 1907 : Variété du baccara où l’on perd plus vite son argent.
Chemin du paradis
Delvau, 1864 : La nature de la femme, — où l’on ne peut aller qu’un à un, le bâton de chair à la main.
Chemineau
France, 1907 : Vagabond, pauvre hère, homme qui va par les chemins à la recherche de ce qu’il trouve rarement, bon souper et bon gîte.
Le jeune. — Comment se nourrit-on, si on n’a pas d’argent ?
Le vieux. — Rien de plus facile. On est chemineau, ça suffit. Ça vous donne une espèce de droit moral à la mendicité. On sonne à toutes les portes de fermes, de maisons et de châteaux. On a sur le dos un sac de toile, on l’ouvre, tout le monde y jette quelque chose, des sous, des légumes, du pain… et puis du bon, du vrai pain frais de campagne, pas de ce sale pain d’ici, des restaurants, qui a trainé la nuit sur la table des rues et qui sent le cabinet de toilette… Oh ! on ne manque de rien, on en a plutôt trop.
(Henri Lavedan)
On écrit aussi cheminot.
Cheminée
d’Hautel, 1808 : Un mariage fait sous le manteau de la cheminée. Union projetée et arrêtée entre les parens des deux futurs, à l’insu et sans le consentement de ces derniers. Mariage dont l’intérêt des deux familles fait souvent l’unique base.
Faire quelque chose sous la cheminée. C’est-à-dire à la dérobée, furtivement.
Il faut faire une croix à la cheminée. Se dit par plaisanterie d’un paresseux qui a fait plus de diligence qu’à l’ordinaire, et pour marquer la surprise de le revoir si vite ; d’un homme que l’on n’a vu depuis fort long-temps ; et en général de toutes les choses que l’on fait par hasard comme elles devroient toujours être faites.
Il a pris cela sous le manteau de la cheminée. Se dit de celui qui fait quelque récit dénué de fondement, ou qui se permet de faire quelque chose sans qu’on le lui ordonne.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, que l’homme se charge de ramoner souvent avec la pine, de peur d’incendie, car elle flambe toujours.
Ramonnez-moy ma cheminée,
Ramonnez-la-moy hault et bas.
Une dame, la matinée,
Ramonnez-moy ma cheminée,
Disoit, de chaleur forcenée
Mon amy, prenons nos esbas,
Ramonnez-moy ma cheminée,
Ramonnez-la moy hault et bas.
(Fleur de poésie)
France, 1907 : Chapeau à haute forme, plus généralement connu sous le nom de chapeau à tuyau de poêle.
Cheminée (billard à)
France, 1907 : Jeu de hasard.
Vous allez voir ce que peut faire un mathématicien quand la société l’a embêté et qu’il se venge. Ils entrèrent dans une fosse mystérieuse qui avait pour enseigne un monstre à cinq pattes conservé dans l’esprit-de-vin. La baraque était divisée par un rideau de toile. Dans l’arrière-pièce, Panpan avait installé son billard à cheminée. Il déballa l’objet d’une petite caisse qui ressemblait à un banc, afin de donner le change à la police si elle descendait dans la baraque. La forme de l’appareil était d’un billard en plan incliné, à la base duquel on voyait des cases numérotées. Panpan enferma huit billes dans un gobelet, et, par une petite cheminée, les répandit sur le billard. Puis il additionna rapidement le total des chiffres inscrits sur ces cases.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Cheminer autrement que de pieds
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, dans lequel, en effet, on fait beaucoup marcher la pine, — cette troisième jambe qui se fatigue si vite.
Lycaste pourrait bien l’avoir fait cheminer
Autrement que des pieds ; ce sexe est si fragile
Que, prenant bien son temps, vertement on l’enfile.
(Trotterel)
Cheminot
France, 1907 : Ouvrier terrassier employé spécialement au percement des tunnels et des voies ferrées.
J’allais à la ville voisine,
Car, par un cheminot, j’appris
Que ma fille unique, en gésine,
S’y meurt et m’appelle à grands cris.
(François Coppée)
Ils sont environ vingt mille en France de vrais cheminots ; une véritable armée où pelles, pioches et pics remplacent fusils et canons. Ils forment, inconscients de leur utilité sublime, l’avant-garde dévouée — nous allions écrire sacrifiée — du progrès. Malgré qu’on ait décrété l’instruction obligatoire et gratuite, la plupart ne savent pas lire.
(Jean Allemane, Le Parti ouvrier)
Chemise
d’Hautel, 1808 : Ils ne font plus qu’un cul, qu’une chemise. Locution ironique et triviale qui se dit des personnes qui sont toujours ensemble ; et qui après avoir été brouillées, vivent dans une grande familiarité.
La chemise est plus près que le pourpoint. C’est-à-dire qu’en toute affaire les intérêts personnels doivent passer avant ceux des autres.
Être en chemise. Gallicisme ; n’avoir d’autre vêtement sur soi qu’une chemise.
Il mangera jusqu’à sa dernière chemise. Se dit d’un bélître, d’un prodigue, d’un homme adonné au jeu, à la débauche, au libertinage
Rigaud, 1881 : « Dans les tripots, la chemise est la carte que le banquier est tenu de mettre en sens inverse sous le paquet de cartes qu’il a en main, afin d’en cacher la dernière. Dans les cercles, on se sert à cet ellet d’une carte noire et épaisse. » (A. Cavaillé, Les Filouteries du jeu.) Cette carte a reçu le nom de « négresse » par allusion à sa couleur. C’est avec la négresse que l’on fait couper.
France, 1907 : Carte placée sons le jeu.
Méfiez-vous d’un banquier qui ne prend que très peu de cartes en main et qui oublie de placer sous la dernière une chemise ou « carte muette ». Celui-ci veut faire son point en voyant la « bergére », c’est-à-dire la dernière carte.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
Chemise (être dans la)
France, 1907 : Être constamment avec une personne, ne pas la quitter. Se dit aussi pour être du dernier bien avec une jolie femme.
Chemise de conseiller
Vidocq, 1837 : s. m. — Linge volé.
Delvau, 1866 : s. f. Linge volé, — dans l’argot des voleurs, qui ont voulu, dit M. Francisque Michel, donner à entendre que le linge saisi servait à faire des chemises à leurs juges.
France, 1907 : Linge volé. Est-ce, ainsi que le prétend Francisque Michel, pour donner à entendre que le linge saisi sur les voleurs servait à faire des chemises à leurs juges ?
Chemise ronde
Fustier, 1889 : Argot des troupiers qui désignent ainsi le civil, l’individu qui n’est pas soldat. Engager dans les chemises rondes, ne pas s’engager ou se réengager, rester dans la vie civile.
Chemises (compter ses)
Larchey, 1865 : Vomir. — Allusion à la posture penchée de l’homme qui vomit.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Vomir.
France, 1907 : Vomir : allusion à la position que l’on a dans cette opération désagréable, où l’on est penché comme si l’on cherchait quelque chose à terre.
Chemises de conseiller
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Linge volé.
Chenailler
Virmaître, 1894 : Faire des reproches à quelqu’un. C’est une façon polie pour ne pas dire engueuler.
— Je ne t’ai pourtant rien fait pour que tu soies toujours à me chenailler (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Gronder, quereller.
Chenapan
d’Hautel, 1808 : Mot injurieux et tiré de l’allemand qui signifie un vaurien, un garnement, un homme dépravé, un bandit.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie. C’est une déformation de schnap. — C’est ce geux de chenapan qui m’a tapé sur la coloquinte.
Chenapement
France, 1907 : Très bien.
Chenatre
France, 1907 : Même sens [très bien]. Dérivé de chenu.
Chenatre ou chenu
Vidocq, 1837 : ad. — Bon.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Chenatre, chenu
Halbert, 1849 : Bon, beau.
Larchey, 1865 : Bon (Vidocq). — Chenu sorgue : Bonsoir.
Chenu sorgue, roupille sans taffe.
(Vidocq)
Chenu reluit : Bonjour. V. Fourgat.
Chenâtre, chenu
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Bon, beau.
Chêne
d’Hautel, 1808 : Payer en feuilles de chêne. Signifie payer quelqu’un en effets de nulle valeur.
Bras-de-Fer, 1829 : Homme.
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme.
Larchey, 1865 : Homme. — Abréviation de chenu. — Le chêne serait un homme chenu à voler, bon à voler.
Qu’as-tu donc morfillé ? — J’ai fait suer un chêne, son auber j’ai enganté et ses attaches de cé.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : s. m. Homme victime, — dans l’argot du bagne. Faire suer le chêne. Tuer un homme. Chêne affranchi. Homme affranchi, voleur.
Les voleurs anglais ont le même mot : oak, disent-ils d’un homme riche. To ru