E
Eau
d’Hautel, 1808 : L’eau va toujours à la rivière. Signifie que la fortune favorise presque toujours les gens qui n’en ont pas besoin ; qu’il suffit que l’on soit riche pour que les biens, les dignités, les honneurs viennent en profusion.
Faire de l’eau ; lâcher de l’eau. Pour dire uriner, pisser.
Il n’y a pas de l’eau à boire à être honnête homme. Maxime odieuse, que les fripons, pour le malheur de la société, ne mettent que trop souvent en pratique.
Cette entreprise est tournée en eau de boudin. C’est-à-dire, n’a point réussi ; s’en est allée en fumée.
Donner de l’eau bénite de cour. Flatter, caresser quelqu’un ; lui faire des politesses basses et exagérées.
Mettre de l’eau dans son vin. Devenir plus doux, plus traitable après s’être d’abord très-emporté.
Un médecin d’eau douce. Médecin sans expérience, qui vous inonde de tisannes et de remèdes infructueux.
Les eaux sont basses. Pour dire que l’on est à sec d’argent, ou, que quelque chose, s’épuise, tire à sa fin.
Tout s’en est allé à veau-l’eau. Signifie, toute sa fortune s’est dissipée, dispersée ; a été engloutie, dans de folles dépenses.
Après l’eau, c’est ce qu’il déteste le plus. Pour exprimer le haut degré d’aversion qu’un ivrogne porte à quelque chose.
Nager entre deux eaux. Être dans l’irrésolation et l’incertitude, être de tous les partis.
Il est revenu sur l’eau. Se dit d’un négociant qui étoit ruiné, et que l’on voit reparoître dans le commerce ; d’un homme qui, après avoir été disgracie, reparoit subitement dans des emplois honorables.
Faire venir l’eau au moulin. Pour, faire venir de l’argent à la maison.
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Voyez Casser.
Nager en grande eau. Être bien dans ses affaires, après y avoir été fort gêné ; être sur le pinacle ; être en faveur dans les emplois.
Laisser courrir l’eau. Se peu soucier de ce qui se passe, être fort indifférent sur les affaires publiques.
Il est heureux comme le poisson dans l’eau. Signifie qu’un homme a tout ce qui peut le satisfaire.
Il n’y a pas de quoi boire de l’eau. Se dit d’un ouvrage mal payé ; d’un travail pénible et ingrat ; d’un métier qui donne à peine les moyens de subsister à celui qui le professe.
Battre l’eau. Travailler inutilement ; sans fruit.
Gare l’eau ! Cri que l’on fait entendre pour avertir les passans que l’on va jeter quelque chose par les fenêtres.
Il se mettroit dans l’eau jusqu’au cou pour le servir. Se dit d’un homme extrêmement attaché à quelqu’un ; et qui lui est tout-à-fait dévoué.
Il ne trouveroit pas de l’eau à la rivière. Se dit d’un idiot, d’un homme sans capacité, qui ne trouve pas les choses les plus simples ; pour lequel tout devient une affaire.
Pêcher en eau trouble. Profiter des désordres, publics, ou de la discorde d’une famille pour s’enrichir.
Tenir quelqu’un le bec dans l’eau. Lui faire croquer le marmot ; le tenir dans l’incertitude et l’anxiété sur ce qu’on lui fait espérer.
C’est le feu et l’eau. Se dit de deux personnes qui se détestent mutuellement.
Boire de l’eau comme un canard. C’est-à dire en grande quantité.
C’est une goutte d’eau dans la mer. Métaphore qui se dit d’un secours trop foible pour tirer quelqu’un d’un grand embarras.
Il se noyeroit dans un verre d’eau. Pour dire qu’un homme est malheureux dans ses entreprises ; que les choses les plus probables deviennent incertaines pour lui.
Cela lui est aussi facile que de boire un verre d’eau. Signifie que le service qu’on demande à quelqu’un, ne tient absolument qu’à sa bonne volonté, à son obligeance.
Ils, ou elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Se dit de deux personnes qui ont entr’elles une ressemblance parfaite.
Il n’y a pas de l’eau à boire. Se dit d’un ouvrage auquel on ne peut trouver son compte, même en travaillant beaucoup.
On dit d’un avare, d’un parent intraitable, d’un égoïste, qu’il vous verroit tirer la langue d’un pied, qu’il ne vous donneroit pas un verre d’eau.
Chat échaudé craint l’eau froide. Signifie que lorsqu’on a éprouvé quelque grande perte ; quelque grand malheur, on se tient sur ses gardes.
Il faut qu’il fasse voir de son eau. Pour, il faut voir ce qu’il sait faire pour que l’on puisse juger de son mérite.
Un buveur d’eau. Nom que les enfans de Noé donnent par mépris à un homme tempérant et flegmatique, qu’ils supposent, par cela même n’être pas habile aux affaires.
Rompre l’eau à quelqu’un. Le contrarier dans ses desseins, dans ses entreprises.
Porter de l’eau à la mer. Faire des cadeaux à des gens fortunés ; à ceux qui n’ont aucun besoin.
Il ne gagne pas beau qu’il boit. Se dit d’un paresseux, d’un mauvais ouvrier, dont le gain est si médiocre qu’il suffit à peine aux premières dépenses.
Eau (battre l’)
France, 1907 : Travailler inutilement, se démener pour un résultat nul. Allusion à la prétendue histoire de Xerxès, roi de Perse, qui fit fouetter la mer avec des chaînes pour la punir d’avoir renversé de ses vagues un pont de bateaux destiné à franchir l’Hellespont.
Eau (nager en grande)
France, 1907 : Avoir une grande fortune ; être revêtu de hautes fonctions. De là les anciennes expressions : rompre l’eau à quelqu’un, apporter un obstacle à sa fortune, entraver ses affaires ; revenir sur l’eau, rétablir ses affaires après avoir été ruiné, remonter au pouvoir après en être descendu ; laisser courir l’eau, ne s’occuper de rien, être indifférent ; nager entre deux eaux, n’oser prendre ouvertement un parti, parler ou se comporter d’une manière ambiguë, paraître tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre.
C’est la coutume des intrigants et des roublards de nager entre deux eaux.
Eau à la mer ou à la rivière (porter l’)
France, 1907 : Donner à quelqu’un des choses dont il a déjà trop.
Eau bénite de cave
Delvau, 1866 : s. f. Vin, — dans l’argot du peuple, qui sait que tous les cabaretiers font concurrence à saint Jean-Baptiste.
France, 1907 : Vin.
— Écoutez, mes enfants, disait à ses vicaires le vieux curé d’Albestroff, quand vous avez aspergé de votre goupillon le gentil essaim de dévotes, rien de tel pour vous mettre d’aplomb que l’eau bénite de cave.
(Les Propos du Commandeur)
Eau bénite de cour
France, 1907 : Compliments ou promesses non suivies d’effet. Bien que mous ne soyons plus sous le régime monarchique, nos gouvernants sont prodigue en eau bénite de cour.
Parce qu’on n’est pas chiche de belles promesses à la cour, non plus que d’eau bénite à l’église.
(Leroux, Dictionnaire Comique)
Eau d’af
Rossignol, 1901 : Eau-de-vie.
Eau d’aff
Ansiaume, 1821 : Eau-de-vie.
Capitaine, donnes-moi une rouillade d’eau d’aff avant d’aller travailler.
Virmaître, 1894 : Eau-de-vie (Argot du peuple).
France, 1907 : Eau-de-vie. Eau d’aff chaune, bonne ; tartre, mauvaise.
Un mâle y en a pas un en France
Pus malin, pus intelligent,
Et comme y vous pouss’ la romance,
Et les guiboll’s : un vif-argent !
D’un r’gard y fascine un’ panturne ;
Dommage qu’y lich’ par trop d’eau d’aff,
Et quand y rapplique à la turne,
Y soit les trois quarts du temps paf,
Après tout, moi, j’suis pas frileuse,
Y peut cogner tant qu’y voudra :
C’est vraiment chouett’, pour un’ pierreuse,
D’avoir un mec comm’ celui-là.
(André Gill, L’Éponge à Polyte)
anon., 1907 : Eau-de-vie.
Eau d’aff ou d’affe
Hayard, 1907 : Eau-de-vie.
Eau d’aff, chaune
La Rue, 1894 : Eau-de-vie bonne. Eau d’aff tartre, eau-de-vie mauvaise.
Eau d’affe chaune
Clémens, 1840 : Eau-de-vie bonne.
Eau d’affe, tartre
Clémens, 1840 : Eau-de-vie mauvaise.
Eau de boudin
Delvau, 1866 : s. f. Chose illusoire. Tourner en eau de boudin. Se dit d’une promesse qu’on ne tient pas, d’un héritage qui échappe, d’un projet oui avorte.
Ne serait-ce pas plutôt os de boudin ? Car enfin à la rigueur, on peut trouver de l’eau dans un boudin, tandis qu’on n’y trouvera jamais d’os.
France, 1907 : Chose sans valeur. On dit d’une affaire qui ne réussit pas qu’elle tourne en eau de boudin.
Eau de coluche
M.D., 1844 : Eau de cologne.
Eau de mort
France, 1907 : Eau-de-vie.
Ils ne mangent pas, l’eau-de-vie suffit à tous leurs besoins animaux. Ils vivent, on ne sait comment : un matin, on les trouve morts au coin d’une borne ou bien au fond de quelque bouge, et personne ne s’inquiète de ce qu’ils sont devenus ; ils ont disparu comme l’insecte qu’emporte la bourrasque sans qu’on s’en émeuve. Il faut un tempérament de fer pour résister aux influences délétères de cette eau de mort qu’on débite aux alentours des barrières.
(A. Privat d’Anglemont, Paris-Anecdote)
Eau de moule
France, 1907 : Mélange d’un peu d’absinthe et de beaucoup d’eau. Marchand d’eau de moule ou d’eau de javelle, cabaretier.
Eau de savon
Fustier, 1889 : Absinthe. Argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Absinthe. Allusion à l’eau troublée par la dissolution qui ressemble à de l’eau de savon surtout l’absinthe blanche (Argot du peuple). V. Poileuse.
France, 1907 : Absinthe. Allusion à la couleur.
Eau des carmes
Delvau, 1864 : Le sperme.
En dépit de mes larmes,
Négligeant mes appas,
Tu vends de l’eau des Carmes…
Mais… ne m’en offre pas !
(Louis Protat)
Eau dormante
France, 1907 : Qualification appliquée à une personne mélancolique ou endormie et qui n’en est que plus dangereuse. Pas de pire eau que celle qui dort.
Eau-d’affe
Vidocq, 1837 : s. f. — Eau-de-vie.
Eau-daffe
Halbert, 1849 : Eau-de-vie.
Eau-de-vie
Delvau, 1864 : Le sperme. Équivoque facile à comprendre.
Il égoutta toute son eau-de-vie,
Puis se voulut restaurer de coulis.
(Cl. Marot)
Il lui faut de l’eau de vie
Pour la guérir, ce dit-on.
(La Comédie des Chansons)
Je crois qu’elle avait envie
D’avoir de mon eau-de-vie.
(Gautier-Garguille)
Eau-fortier
Delvau, 1866 : s. m. Graveur.
France, 1907 : Aqua-fortiste. Delvau fait observer avec juste raison que ce mot est beaucoup plus français qu’aqua-fortiste.
Eaux basses
Virmaître, 1894 : Les eaux sont basses quand arrive la fin de la semaine. Quand la rivière est basse les bateaux ne circulent pas, quand les eaux sont basses qu’il n’y a plus d’argent pas mèche de naviguer (Argot du peuple).
France, 1907 : État d’une personne dont le porte-monnaie est aplati.
Eaux grasses
Hayard, 1907 : Gradé, personnage important (en dérision).
Eaux grasses (barboter dans les)
France, 1907 : Occuper de hautes fonctions où l’on tripote à son aise.
Eaux grasses (être dans les)
Fustier, 1889 : Occuper une haute situation dans une administration.
Eaux sont basses (les)
Delvau, 1866 : N’avoir plus ou presque pas d’argent, — dans l’argot des bourgeois.
Ébasir
Delvau, 1866 : v. a. Assassiner, — dans l’argot des prisons.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Assommer.
Ébasir, esbasir
Rigaud, 1881 : Assommer. Mot à mot : renverser de la base. C’est sans doute une déformation d’abassir, abattre, démolir, renverser.
Ébats
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner l’acte vénérien.
Pour ses ébats il eut trois cents maîtresses,
Je n’en ai qu’une, hélas ! je ne l’ai plus ;
(Voltaire)
Les filles sommeillaient encore,
Nul indice de leurs ébats.
(Parny)
C’est sur mon lit que s’ébat la friponne.
(Grécourt)
Ébattre dans la tigne (s’)
France, 1907 : Fouiller les poches dans une foule.
Ébaubi
d’Hautel, 1808 : Il est tout ébaubi. Pour, il est étonné, surpris ; il a une admiration niaise et puérile.
Delvau, 1866 : adj. et s. Étonné, émerveillé, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Étonné.
Je suis toute ébaubie et je tombe des nues.
(Molière, Tartuffe)
Ébaudir (s’)
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.
Je me veux ébaudir avec cette petite barbouillée.
(La Comédie des Proverbes)
Le preux Chandos à peine avait la joie
De s’ébaudir sur sa nouvelle proie.
(Voltaire)
C’est bon… je laisse une grosse heure entière
Mes deux paillards à l’aise s’ébaudir.
(Grécourt)
Éberlué
Delvau, 1866 : adj. Surpris, émerveillé, aveuglé par l’étonnement.
Éberluer
France, 1907 : Surprendre, étonner à tel point qu’on en a la berlue.
…Droit aux yeux ça se jette…
Vois-tu comme ça tarluit !
Chien ! ça m’éberluette !
(Vadé)
Et ceux qui de la route apercevaient cette tête de vieux négrier aux tons de bistre comme le cuir d’une bourse qui a traîné dans toutes les mains, les balafres qui entaillaient le front et les joues, ces sourcils broussailleux, ces cheveux qui débordaient en rades écheveaux de laine d’un chapeau de paille, ces doigts larges, épais, ces yeux allumés de brusques éclairs de chaleurs, ce corps trapu et solide, taillé pour les cognades et les belles saouleries, étaient éberlués de le voir tranquillement arroser ses salades et ses balzamines, fumer sa pipe avec des gestes de bourgeois paisible, bavarder en compagnie d’une douzaine de perruches vertes qui piaillaient sur leurs perchoirs.
(Mora, Gil Blas)
Ébobir
Ansiaume, 1821 : Exterminer.
S’il vient un cogne pour me pommer, je l’ébobis de rif.
Ébobisseur
Ansiaume, 1821 : Exterminateur.
Toi qui es un ébobisseur, paie une rouillade, je te vais donner une affaire.
Ébonner
France, 1907 : Ranger, mettre en ordre.
Ébouffer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Rire aux éclats.
France, 1907 : Rire aux éclats ; du vieux français bouffer, enfler les joues.
— Ne manquez pas de le dire,
Dit Mome s’ébouffant de rire.
(Scarron, Typhon)
Ébouriffant
France, 1907 : Étonnant, extravagant.
— Ce n’est pas malin d’avoir des toilettes ébouriffantes quand on a une conduite pareille.
— Oh ! mon doux Jésus !
— Si mon mari n’était pas député, qui est-ce qui voudrait le fréquenter ?
(Edgar Monteil, Le Monde Officiel)
Ébouriffé
d’Hautel, 1808 : Il est tout ébouriffé. Se dit d’un homme dont la coiffure est en désordre, et quelquefois pour exprimer qu’il est coiffé d’une manière ridicule.
Ébranlement
France, 1907 : Crainte, émotion, trouble.
Ébrener
d’Hautel, 1808 : Mot bas qui signifie nettoyer les petits enfans au maillot. Ce mot se trouve ainsi orthographie dans tous les dictionnaires français ; néanmoins, il est universellement reçu de dire éberner ; ce qui, selon quelques savans, est plus conforme à l’étymologie.
Ébucheter
France, 1907 : Ramasser du bois. Archaïsme. On écrivait autrefois ébuscheter.
Ébudes
France, 1907 : Champs en friche.
Écachement
France, 1907 : Froissure, rupture.
Écacher
d’Hautel, 1808 : Pour dire, écraser, froisser.
Un nez écaché. Pour, un nez gros, camus et épaté.
Delvau, 1866 : v. a. Écraser en aplatissant. On disait et on écrivait autrefois Esquacher.
France, 1907 : Écraser, aplatir.
Écaille
France, 1907 : Souteneur ; synonyme de poisson.
Écaillé
Fustier, 1889 : Souteneur. Allusion aux écailles de poisson.
Écaillère
d’Hautel, 1808 : Celle qui ouvre des huîtres. Ce mot est confondu par un grand nombre de personnes, avec l’adjectif écailleux, écailleuse, qui se lève par écailles.
On entend journellement dire, une écailleuse d’huîtres, pour une écaillère.
Les marchandes qui vendent ce poisson, crient : À l’écaillère !
Écarbouiller
d’Hautel, 1808 : Applatir, écraser, broyer, mettre en pièces.
Il a la figure toute écarbouillée. Se dit de quelqu’un qui a été fort maltraité dans une batterie, dont le visage est meurtri, et dans un état méconnoissable.
Delvau, 1866 : v. a. Écraser, aplatir, réduire en miettes, en escarbilles, ou plutôt en escarres. On dit aussi Écrabouiller, et Escrabouiller.
Écarbouiller (s’)
Rigaud, 1881 : Se sauver.
France, 1907 : S’en aller.
Écarbouiller ou écrabouiller
France, 1907 : Écraser, aplatir, mettre en pièces.
Enfin finit la destinée
Du redoutable Aleinoé,
De sa masse l’écrabouillant.
(Scarron)
Écarlatte
d’Hautel, 1808 : Il a les yeux bordés d’écarlatte. Locution ironique qui signifie qu’un homme a les paupières rouges, enflammées, et les yeux malades.
Écarquiller
d’Hautel, 1808 : Élargir, écarter, briser, broyer.
Écarquiller les yeux. Pour, ouvrir de grands yeux.
Écarquiller les jambes. Pour, écarter les jambes d’une manière indécente.
Écart
France, 1907 : Tour de passe-passe en usage chez les grecs, qui consiste à glisser une carte dans sa manche pour s’en servir le moment donné.
Écarter du fusil
Delvau, 1866 : v. n. Envoyer, en parlant, une pluie de salive au visage de son interlocuteur. On disait autrefois Écarter la dragée.
Rigaud, 1881 : Lancer, en parlant une petite pluie de salive. Les brèche-dents, ceux qui zézaient, écartent ordinairement du fusil. Le synonyme est : postillonner. Jadis on disait : Écarter la dragée.
La Rue, 1894 : Sentir mauvais de la bouche ou lancer des postillons en partant.
Virmaître, 1894 : Lancer en parlant des jets de salive. On dit aussi : lancer des postillons. Quand quelqu’un a cette infirmité on ouvre son parapluie en l’écoutant et on ajoute :
— Tu baves et tu dis qu’il pleut (Argot du peuple).
France, 1907 : Envoyer, en parlant, de la salive ou des postillons au visage ou dans l’assiette de son voisin. On disait autrefois : écarter la dragée.
Ensuite une vieille carogne, qui écartait la dragée, prit la parole.
(Recueil de pièces comiques)
Se dit aussi pour avoir mauvaise haleine.
Écarteur
France, 1907 : Champion des courses landaises, lesquelles se font avec des vaches rétives. L’écarteur est ainsi nommé à cause des écarts et sauts plus ou moins savants et gracieux qu’il fait, à l’imitation des toreros espagnols, lorsque la vache se précipite pour l’encorner.
Dans ce temps-là, c’était précisément le jeu des courses qui es passionnant le plus, le jeu des courses landaises que pratiquent tous les gamins du pays. Ils s’en allaient dans une lande couverte de bruyères. Lui faisait l’écarteur, naturellement ; elle faisait le taureau… Hop ! hop !… Et elle fondait sur lui, toutes ses jupes relevées par le vent.
(Jean Rameau, L’Écarteur de Bénaruc)
Écartilleux, quartilleux
France, 1907 : Termes des marins d’eau douce et des pêcheurs de la Seine. L’écartilleux est celui qui tient les rames pendant que le pêcheur jette son épervier.
Ce nom, d’ailleurs immémorial, dit Paul Arène, lui est donné à cause de ceci, que, comme récompense et paiement, il a droit au quart de la pêche. On est heureux de retrouver dans les environs immédiats de Paris ces mœurs primitives, remontant sans doute aux époques lacustres.
Ecce homo
Larchey, 1865 : Homme dont l’extérieur macéré rappelle celui d’un Christ.
Humilité incarnée, espèce d’ecce homo.
(David)
Ecce homo !
France, 1907 : « Voilà l’homme ! » Latinisme. Allusion au mot de Ponce Pilate présentant Jésus à la foule après qu’il eut été couronné d’épines et fouetté de verges. « Il a l’air d’un ecce homo », il est dans une déplorable situation.
Échalas
d’Hautel, 1808 : Il est monté sur des échalas. Se dit par raillerie d’un homme grand et efflanqué dont les jambes maigres et fluettes ressemblent à des échasses.
Larchey, 1865 : Jambe maigre comme un échalas (d’Hautel). — Les jambes fortes sont des Poteaux.
Joue des guibolles, prends tes échalas à ton cou.
(Montépin)
Delvau, 1866 : s. m. pl. Jambes, surtout quand elles sont maigres, — dans l’argot des faubouriens. Avoir avalé un échalas. Être d’une maigreur remarquable.
France, 1907 : Jambes maigres. Avoir avalé un échalas, être d’une grande maigreur. Se tenir comme un échalas, affecter une raideur ridicule.
Une grande et sèche Anglaise, montée sur des échalas, étalait dans un décolletage répugnant l’ossature de sa poitrine.
(Le Thé de miss Shrimps)
Échalas (jus d’)
France, 1907 : Vin. La purée septembrale.
Échalas d’omnicroche
France, 1907 : Cocher d’omnibus.
Échalas, échasses
Rigaud, 1881 : Jambes longues et maigres.
La Rue, 1894 : Jambes maigres.
Échantillon
d’Hautel, 1808 : En voici un échantillon. Réponse joviale que l’on fait à quelqu’un, en lui montrant la personne qu’il demande.
Échantillonner
France, 1907 : Coller, sur des cartes ou dans des brochures, de petits bouts d’étoffe (soit la même en des teintes diverses, soit de différents genres), parmi lesquels le consommateur fait son choix.
Échantillonneuse
France, 1907 : « Les échantillonneuses » du 89, rue d’A…, gagnent quarante-quatre sous par jour pour onze heures de travail — QUATRE SOUS PAR HEURE ! l’ouverture de l’atelier est à huit heures. À huit heures une minute, les portes sont fermées ; la journée est perdue pour celle qu’un accident peut-être bien involontaire peut ainsi priver les son pain.
(Séverine)
Échappé d’Ésope
France, 1907 : Méchant avorton, bossu malfaisant.
Regarde Dorillas, cet échappé d’Ésope
Qu’on ne peut discerner qu’avec un microscope,
Dont le corps de travers et l’esprit plus mal fait
D’un Thersite à nos yeux retracent le portrait.
(Poète anonyme)
Échappé d’Hérode
Delvau, 1866 : s. m. Homme innocent, c’est-à-dire niais, — dans l’argot ironique du peuple.
France, 1907 : Homme simple, innocent. Allusion au massacre des innocents ordonné par ce monarque ennemi de l’enfance, mais apprécié de ceux qui n’aiment pas les marmots.
Échappé de capote
Rigaud, 1881 : Petit gommeux maigre et mal bâti, — dans l’argot des voyous. — Au XVIIIe siècle on désignait un bossu sous le sobriquet d’échappé d’Esope. — Eh ! va donc, échappé de capote, avec ta gueule à chier dessus.
Virmaître, 1894 : Chétif, malingre (Argot du peuple). V. Avorton.
France, 1907 : Personne chétive et malingre comme sortie d’un germe échappé d’une capote anglaise crevée, une partie étant restée dans l’instrument.
— Ne me parlez pas de ce sale petit rond de cuir, s’écria le capitaine, à aucun prix je n’en veux, c’est un faiblard, un foutriquet, un échappé de capote.
(Les Joyeusetés du régiment)
Échapper
d’Hautel, 1808 : C’est un cheval échappé. Se dit d’un écervelé, d’un libertin, d’un jeune homme qui se livre impétueusement à toutes sortes d’excès.
Échappé des galères. Surnom outrageant que l’on donne à un fourbe ; à un escroc ; un malôtru, un vaurien.
Il l’a échappé belle. Se dit de quelqu’un qui s’est retiré à temps d’une mauvaise affaire.
Écharde
d’Hautel, 1808 : Éclat de bois qui entre dans la chair.
Le peuple de Paris confond ce mot avec écharpe.
Il est fréquent d’entendre dire : Il m’est entré une écharpe dans le doigt, pour dire une écharde.
Écharpe
d’Hautel, 1808 : Avoir l’esprit en écharpe. Pour être distrait, pensif ; être préoccupé, avoir l’esprit troublé, aliéné.
Changer d’écharpe. Pour dire de religion, de sentimens, de parti.
Le lit est l’écharpe de la jambe. Signifie que le lit, lorsqu’on a mal à la jambe, est le meilleur spécifique.
Écharper
d’Hautel, 1808 : Faire une grande blessure avec une arme tranchante ; mettre en pièces, hacher en morceaux.
Il s’est fait écharper dans une batterie. Se dit pour exagérer les blessures de quelqu’un qui a succombé dans une rixe.
Écharpiller
Delvau, 1866 : v. a. Briser une chose en mille morceaux. Se faire écharpiller. Se faire accabler de coups.
France, 1907 : Tirailler, déchirer, mettre en pièces. Se faire écharpiller, être accablé de coups.
Échasse
d’Hautel, 1808 : Il est toujours monté sur des échasses. Pour dire qu’un homme a de la bouffissure dans l’esprit ; que sa manière de parler, son style, sont ampoulés, guindés, boursoufflés.
Il semble qu’il soit sur des échasses. Se dit par raillerie d’un homme qui a les jambes longues, fluettes et sans mollets.
Échasses
Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes fines, et même maigres. Argot du peuple.
France, 1907 : Longues jambes maigres.
Échassier
Delvau, 1866 : s. m. Homme long et maigre.
France, 1907 : Homme monté sur de longues jambes.
Échauboulure
Delvau, 1866 : s. f. Petite élevure rouge oui vient sur la peau à la suite d’une brûlure.
Échaudé (être)
Delvau, 1866 : Trompé par un marchand, volé par un restaurateur, carotté par un neveu.
France, 1907 : Payer un objet beaucoup plus que sa valeur. Être exploité par un hôtelier ou un fournisseur. Attraper le mal vénérien : « La garce m’a joliment échaudé. »
Échauder
d’Hautel, 1808 : Chat échaudé craint l’eau froide. Voyez Chat.
Chien échaudé ne revient pas en cuisine. Signifie que quand on a été étrillé dans une entreprise, on se garde de la tenter de nouveau.
Delvau, 1866 : v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d’une note, — dans l’argot des bourgeois, qui, depuis le temps qu’il y a des marchands et des restaurateurs, doivent avoir l’eau froide en horreur.
Rigaud, 1881 : Surfaire. — Être échaudé, payer un objet au-dessus de sa valeur.
France, 1907 : Surfaire un prix ; exagérer une note. Les restaurateurs du boulevard et de mains autres lieux excellent dans l’art d’échauder leurs clients.
Échaudoulure
France, 1907 : Boursouflure occasionnée par une brûlure.
Échauffer
d’Hautel, 1808 : Il s’échauffe dans son harnois. Manière figurée et ironique de dire que quelqu’un se met en colère.
On dit que les cabaretiers, que le mauvais train échauffent les maisons. Pour dire qu’ils y logent les premiers sitôt qu’elles sont bâties, et avant qu’elles soient sèches.
Et plus communément, dans le même sens, qu’ils ressuient les plâtres.
Sentir l’échauffé. Exhaler une odeur causée par la fermentation de la chaleur.
Échauffer le bonnet (s’)
France, 1907 : Se monter la tête, s’exciter. L’expression est ancienne.
Çà, du vin pour toute la troupe !
Lors chacun de remplir sa coupe,
Chacun de la vuider tout net,
Et de s’échauffer le bonnet.
(Scarron, Virgile travesti)
Échauffourée
d’Hautel, 1808 : Entreprise malheureuse.
Le peuple de Paris a coutume de supprimer l’a de la deuxième syllabe de ce mot, et de dire, en parlant de quelqu’un qui s’est attiré une mauvaise affaire, il a fait une belle échaffourée.
Échec et mat
France, 1907 : Perdre la partie au jeu d’échecs.
Échelle
d’Hautel, 1808 : Après lui, il faut tirer l’échelle. Voy. Après.
On punit comme voleurs ceux qui tiennent le pied de l’échelle. Signifie que la justice veut que les fauteurs d’un vol soient aussi sévèrement punis que ceux qui le commettent.
Échelle (monter à l’)
France, 1907 : Se mettre en colère. Tirer d’échelle se dit d’une chose qu’il n’est pas possible le surpasser. Après cela il faut tirer l’échelle, c’est-à-dire qu’il est inutile d’essayer de monter plus haut.
…Lui fit concevoir tant d’audace
Qu’il en monte sur le Parnasse,
Puis tira l’échelle après soi.
(Maître Adam)
Échelle (tirer l’)
Larchey, 1865 : Être aussi haut qu’on peut monter et, par conséquent, n’avoir plus besoin d’échelle. — Pris au figuré.
Écheller
France, 1907 : Escalader, monter à l’assaut.
Je ne vais écheller ni rempart ni muraille.
(Parnasse des Muses)
Écherpiller
France, 1907 : Dérober, voler.
Échigner
Rigaud, 1881 : Abîmer, éreinter. — Critiquer à outrance, malmener en paroles.
Quand un client ne tient pas à gagner sa cause, mais à échigner son adversaire, il choisit Me Chaix-d’Estange ou Me Léon Duval.
(Paris-Avocat)
S’échigner, s’excéder de fatigue.
Échigneur, échineur
Rigaud, 1881 : Critique acerbe.
Comme avocat éreinteur et échigneur Me Hébert dame le pion à ces deux athlètes du pugilat judiciaire.
(Paris-Avocat, 1854)
Échine
d’Hautel, 1808 : L’épine du dos.
C’est une maigre échine. Se dit par mépris d’une femme maigre, revêche et récalcitrante.
Échiner
d’Hautel, 1808 : Battre, étriller, assommer quelqu’un de coups.
On dit d’un homme laborieux et qui travaille à n’en pouvoir plus, qu’Il s’échine le corps et l’ame.
Je suis échiné. Pour, je suis las et courbattu.
Les Parisiens prononcent échigne, echigné, échigner ; tandis qu’au contraire, dans le mot signer, ils s’obstinent à supprimer le g, et à dire siner ; quoique le g de ce mot ait un son doux, on doit néanmoins le faire sentir dans la prononciation.
Nous pourrions faire la même observation sur beaucoup d’autres mots, tels que étourneau, fainéant, moineau, et tant d’autres, qu’il est pour ainsi dire passé en usage de prononcer étourgneau, faignant, moigneau, comme s’il y avoit un g. Mais cela conduiroit trop loin, et jetteroit dans des remarques grammaticales étrangères au cadre de ce Dictionnaire.
France, 1907 : Critiquer amèrement, accabler de sarcasmes.
Échineur
France, 1907 : Critique acerbe.
Échiotte
France, 1907 : Échelle de devant d’un chariot.
Écho !
Delvau, 1866 : Bis, — dans l’argot des goguettiers, qui se plaisent à faire répéter les couplets des autres, afin qu’on fasse bisser les leurs.
Échoppe
Rigaud, 1881 : Atelier, — dans le jargon des ouvriers.
Échos
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les bruits de ville et de théâtre, — dans l’argot des petits journalistes.
France, 1907 : Bruits du jour, dans l’argot des journalistes.
Échoter
Delvau, 1866 : v. n. Rédiger des échos.
France, 1907 : Rédiger des échos.
Échotier
Delvau, 1866 : s. m. Faiseur ou collecteur d’échos.
France, 1907 : Journaliste qui rédige les échos.
Indépendamment de la loge de Fauchery, il y a celle de la rédaction, de la direction et de l’administration, une baignoire pour son soiriste, une autre pour son échotier, quatre fauteuils pour ses reporters.
(Paul Mahalin)
Échotté
France, 1907 : Ahuri, étonné.
Écimer
France, 1907 : Couper la cime d’un arbre ou d’une plante.
Éclairage
Rigaud, 1881 : L’argent qu’on étale sur le tapis pour alimenter une partie s’appelle l’éclairage. — Les joueurs appellent éclairage au gaz l’apparition devant un joueur d’une très forte somme d’argent. Donnez-vous le coup ? Oui, mais où est l’éclairage.
France, 1907 : Argent que les joueurs sortent de leurs poches pour ponter.
Éclaircir
d’Hautel, 1808 : Cette maison est bien éclaircie. Pour dire que bon nombre des personnes qui la composoient sont absens ou morts.
On dit d’un dissipateur, d’un prodigue, qui s’est ruiné par ses dépenses et ses déréglemens, qu’Il a éclairci son bien.
Éclairer
d’Hautel, 1808 : La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. C’est-à dire, qu’il vaut mieux faire du bien de son vivant, que par testament après sa mort.
Larchey, 1865 : Payer d’avance au jeu. — Mot à mot : faire luire (éclairer) sa monnaie.
C’est pas tout ça, l’faut éclairer. C’est six francs.
(Monselet)
Delvau, 1866 : v. n. Montrer qu’on a de l’argent pour parier, pour jouer ou pour faire des galanteries, — dans l’argot de Breda-Street.
Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot du peuple, qui sait, quand il le faut, montrer pièce d’or reluisante ou pièce d’argent toute battante neuve.
Rigaud, 1881 : Mettre l’argent sur le tapis, — dans le jargon des joueurs. — Payer d’avance, — dans le jargon des filles.
La Rue, 1894 : Mettre l’argent sur le tapis de jeu. Payer d’avance.
Virmaître, 1894 : Payer.
— C’est mon vieux qui tient le flambeau.
Mot à mot qui éclaire.
Rossignol, 1901 : Donner, payer, rendre. Tu me dois 3 francs, éclaire ! As-tu éclairé la dépense ?
Il ne voulait pas me payer. Je l’ai forcé à éclairer.
Hayard, 1907 : Payer.
France, 1907 : Chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. Vieux dicton signifiant qu’il vaut mieux faire du bien de son vivant, que l’obliger par testament ses héritiers à en faire quand on est mort.
France, 1907 : Payer ; mettre au jeu l’argent sur le tapis.
— Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui, mignonne ?
— J’ai trotté toute la journée.
— Je la connais ! la couturière, la modiste, le pâtissier… Tu vas encore me coûter les yeux de la tête ce mois-ci. Toujours éclairer, cela devient bête à la fin.
(Albert Dubrujeaud, Écho de Paris)
Depuis quelques mois, la petite Fanny Z… est entretenue par un Brésilien, peu généreux de sa nature, mais, en revanche, jaloux comme un tigre.
Elle disait de lui dernièrement :
— J’ai toujours à me méfier… Il arrive chez moi comme la foudre… Il tonne toujours… mais il éclaire rarement !
(Le Journal)
Une belle petite accompagne jusqu’à l’antichambre un ami sérieux qui vient d’une longue visite.
— Éclairez monsieur, dit-elle à la bonne.
Pendant le dîner, Mlle Lili, jeune personne de six ans, qui a assisté au départ du visiteur, interroge sa mère :
— Pourquoi donc que tu as dit à la bonne d’éclairer ce monsieur, puisque tu disais l’autre jour qu’il faut toujours que les hommes éclairent ?
(Zadig)
En peinture, il y a deux grandes espèces d’amateur : l’amateur éclairé et l’amateur… éclairant.
Éclaireur
Rigaud, 1881 : Compère du grec, chargé de dénicher des dupes. On le nomme également pisteur. La première des conditions pour faire un bon éclaireur et pour gagner des appointements convenables, c’est d’avoir de belles connaissances dans le monde.
La Rue, 1894 : Le compère du grec ; il lui amène des clients.
France, 1907 : Associé d’un grec ou d’un tripot, chargé d’amener des clients.
Éclaireurs
Rigaud, 1881 : Seins fiers comme Artaban qui font saillie sur le corsage, — dans le jargon des voyous. En v’là une paire d’éclaireurs solides au poste.
France, 1907 : Larges et débordantes mamelles, ce que Mercier dans son tableau de Paris appelle les réservoirs de la maternité.
Éclanche
d’Hautel, 1808 : Cuisse de mouton ; gigot.
Éclipse
d’Hautel, 1808 : Obscurcissement ; évasion, fuite, retraite.
Faire une éclipse. S’esquiver, disparoître à l’échappée.
Le peuple de Paris, qui fait éclair féminin, fait le mot éclipse masculin, et dit un éclipse de lune, de soleil. Ce mot est toujours féminin.
Éclipser
France, 1907 : Effacer, empêcher de paraître. « Sa beauté éclipse la vôtre. »
Car il voyait de tout point éclipsée
La divine beauté qui règne en sa pensée.
Éclipser (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot des bourgeois frottés d’astronomie.
France, 1907 : Disparaître tout à coup, s’échapper à l’improviste, se dérober aux yeux de quelqu’un. Faire faux bond.
Éclopé
Delvau, 1866 : s. et adj. Qui marche difficilement, — dans l’argot du peuple, fidèle à la tradition.
Il n’i a borgne n’esclopé.
dit le Roman du renard. Se dit aussi pour Blessé.
Écloppé
d’Hautel, 1808 : Il est tout écloppé. C’est-à-dire, estropié, perclus de quelques-uns de ses membres ; infirme, languissant.
Écluse
d’Hautel, 1808 : Lâcher les écluses. On dit plaisamment d’une personne qui pisse sous elle, sans se sentir, qu’Elle lâche les écluses.
Écluse (lâcher l’)
Larchey, 1865 : Uriner.
Allons ! il faut lâcher l’écluse du bas rein.
(Parodie de Zaïre, dix-huitième siècle)
Écluser
Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des ouvriers facétieux. Ils disent aussi Lâcher les écluses.
France, 1907 : Uriner ; lâcher les écluses de la vessie.
Écluses (lâcher les)
Rigaud, 1881 : Pleurer. — Uriner.
École
d’Hautel, 1808 : Faire l’école buissonnière. Signifie, en terme d’écolier, aller jouer au lieu de se rendre à l’école ; faire le paresseux, le vagabond.
Dire les nouvelles de l’école. Commettre quelqu’indiscrétion ; divulguer les secrets d’une société.
Il a pris le chemin de l’école. Et plus communément des écoliers, pour il a pris le chemin le plus long.
École préparatoire
Fustier, 1889 : Prison.
France, 1907 : Prison. Elle prépare en effet à tous les vices et à tous les crimes.
Écolier
d’Hautel, 1808 : Prendre le chemin des écoliers. Prendre le chemin le plus long, comme le font les écoliers lorsqu’ils se rendent au lieu de leurs études ; se tromper de chemin.
Économie de bouts de chandelle
Delvau, 1866 : s. f. Économie mal entendue, qu’il est ridicule parce qu’inutile de faire. Argot des bourgeois.
France, 1907 : Économie inutile ou mesquine.
Écopage
Rigaud, 1881 : Choc, coup léger.
Rigaud, 1881 : Petit profit. — Art d’arriver dans une maison à l’heure des repas et de s’y faire inviter.
Rigaud, 1881 : Réprimande.
France, 1907 : Coups, reproches, choc.
Écoper
Delvau, 1866 : v. n. Boire, — dans l’argot des typographes.
Delvau, 1866 : v. n. Recevoir des coups, — dans l’argot des gamins.
Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon des typographes.
Rigaud, 1881 : Recevoir. — Recevoir un coup, se heurter.
On se rencontre dans la rue, on se saute dessus, on se tape, il y en a un qui écope.
(A. Bouvier, Mademoiselle Beau-Sourire, 1880)
Merlin, 1888 : Être puni, ou battu.
La Rue, 1894 : Être victime. Boire. Écoper la centrouse, être condamné à la centrale.
France, 1907 : Boire ; d’écope, petite soucoupe profonde.
France, 1907 : Recevoir des coups, ou, dans l’argot militaire, une punition.
Au coup de midi, l’officier de semaine Mousseret, — un petit, tout petit sous-lieutenant sorti quelques mois auparavant de l’école, — donna ordre de faire rassembler. Il dit qu’on allait procéder à l’appel des réservistes, et que les retardataires écoperaient de quatre jours.
(Georges Courteline)
Écoper se dit aussi dans le sens d’attraper : écouper une contravention. Écoper la centrousse, être condamné à une prison centrale.
Chaque soir, quand il n’y voyait plus, le peintre Bonvin coiffait un chapeau plus que mou, bourrait et allumait sa pipe, et s’en allait, en vareuse et en galoches, à la gare de Sceaux, où il achetait régulièrement son journal.
Un soir, il arrive au moment où sortent les voyageurs d’un train, une dame l’aperçoit, lui place une valise dans les bras, et en route. Bonvin suit respectueusement à trois pas. Enfin, la dame s’arrête devant un petit hôtel, reprend sa valise et tend une pièce blanche à l’artiste, qui refuse.
— Est-ce que vous n’êtes pas médaillé ? lui demande la dame.
— Hélas ! madame, je n’ai que des médailles de peinture. Et, si un agent passait, ça ne m’empêcherait pas d’écoper une bonne contravention !
Combien de peintres ayant pignon sur rue et rentes sur l’État sont loin de cette bonne humeur !
(Théodore Massiac)
— Ce qu’il nous faut ? Je le sais bien, et je vais vous le dire. Une bonne petite paroisse avec pas trop de dévotes. Les dévotes ça ne vaut rien. Ça ne pense qu’à se fourrer dans les jambes du curé. De là propos, jalousies, médisances, un tas de vilaines histoires, jusqu’à ce qu’un beau jour, patatras, le pauvre monsieur écope. Si vous voulez m’en croire, nous nous arrangerons dans notre nouvelle paroisse à ne pas nous laisser envahir par cette vermine.
(Hector France, Marie Queue-de-Vache)
Écopeur
Rigaud, 1881 : Fine mouche qui arrive chez les autres à l’heure du dîner. Le véritable écopeur, sans jamais rien demander, ne sort jamais d’une maison sans avoir retiré un petit profit de sa visite. Il a un flair particulier pour arriver aux bons moments. L’écopeur porte un coup à ceux qu’il va voir et l’on n’ose pas l’éconduire.
France, 1907 : Individu qui s’arrange de façon à tirer de petits avantages de quelqu’un sans en avoir l’air.
Écopper
Virmaître, 1894 : Épuiser l’eau d’un bateau avec une écoppe. Écopper : recevoir un mauvais coup dans une bagarre. Dans les faubourgs on dit par ironie :
— Tu boiras de l’anis dans une écoppe.
D’écopper, par corruption, on dit de celui qui est blessé : il est escloppé (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Celui qui a reçu des coups ou des réprimandes a écoppé.
Hayard, 1907 : Recevoir des coups.
Écorce
d’Hautel, 1808 : Entre l’arbre et l’écorce il ne faut jamais mettre le doigt. Voyez Doigt.
Juger du bois par l’écorce. Juger de l’intérieur d’une personne par les signes extérieurs, qui sont souvent bien trompeurs.
Écorche-cul (à)
Delvau, 1866 : loc. adv. En glissant, en se traînant sur le derrière, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi À contre-cœur.
Écorcher
d’Hautel, 1808 : Être écorché. Être rançonné ; payer trop cher ce que l’on achète.
On dit d’un traiteur chez lequel il faut donner beaucoup d’argent pour dîner, qu’on est écorché quand on va chez lui.
Beau parler n’écorche point la langue. Signifie qu’il ne coûte pas plus de parler civilement qu’avec arrogance.
Écorcher un auteur. L’entendre mal, ou le traduire à contre-sens.
Il est brave comme un lapin écorché. Se dit d’un poltron ; d’un homme pusillanime et lâche.
Écorcher le renard. Pour dire, vomir, dégobiller, regorger.
Écorcher les oreilles. Prononcer mal ; parler mal devant quelqu’un qui est instruit.
Autant fait celui qui tient que celui qui écorche. Signifie que le recéleur est aussi coupable que le voleur même.
Il crie comme si on l’écorchoit. Se dit d’une personne délicate, et aimant à crier ; qui fait beaucoup de bruit pour rien.
Faire quelque chose à écorche cul. En rechignant ; de mauvaise grace.
Il faut tondre les brebis, mais non pas les écorcher. Il faut plumer la poule, etc. Voyez Crier.
Delvau, 1866 : v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d’une addition, de façon à faire crier les consommateurs et à les empêcher de revenir.
Rigaud, 1881 : Faire payer un objet deux ou trois fois sa valeur ; c’est la qualité dominante chez la plupart des boutiquiers de Paris dont les boutiques sont placées, sans doute, sous le patronage de Saint Barthélémy.
France, 1907 : Surfaire un prix ; présenter un compte d’apothicaire. Écorcher une langue, la mal parler. Écorcher les auteurs, les mal traduire.
Pour signer la paix, la Prusse a exigé de la France une indemnité de guerre de cinq milliards.
Ce n’est pas seulement en parlant que les Allemands écorchent le français.
On dit aussi écorcher un rôle.
À cette époque aussi, Albert Glatigny, dégingandé, si long qu’il était sans fin, si souple qu’il était sans consistance, Glatigny écrivait ses poèmes archi-lyriques ; mais il était, en même temps, acteur à un petit théâtre de banlieue, ce qui lui dont à manger à peu près chaque jour. Or, un matin, Théodore de Banville surpris ledit Glatigny en train de répéter le rôle d’Achille dans l’Iphigénie de Racine.
— Eh quoi ! sécria-t-il, tu vas jouer une pièce de ce… monsieur ?
— Parbleu ! répondit Glatigny ; et c’est précisément parce que je l’exècre que je le joue. Car personne, songes-y bien, personne ne lui fit plus de tort que je ne lui en prépare à ce moment.
Alors comme Banville demeurait soupçonneux :
— Théodore, ajouta Glatigny, viens seulement, ce soir, au théâtre de Montmartre : et tu verras comment je le joue, ce polisson, tu verras comment je l’écorche !
Écorcher l’anguille par la queue
France, 1907 : Faire une chose à rebours.
Écorcher le renard
France, 1907 : Vomir.
Tous les matins écorchoit le renard.
(Rabelais)
Écorcherie
France, 1907 : Hôtellerie.
Écorcheur
d’Hautel, 1808 : C’est un écorcheur. Nom que l’on donne à un aubergiste, à un marchand qui vendent trop cher ; et, par extension, à tout homme qui met un trop haut prix à ses services.
Écornage
Clémens, 1840 : Casser un carreau de boutique.
M.D., 1844 : Couper un carreau.
Halbert, 1849 : Bris de vitre pour voler.
La Rue, 1894 : Le vol à l’écornage se pratique à l’aide d’un fil de fer que l’on passe par le trou du boulon d’une devanture, ou en perçant (en écornant) l’angle d’une vitre.
Écornage (vol à l’)
Rigaud, 1881 : Vol au boulon. Ce vol consiste à s’approprier, au moyen d’un fil de fer passé par le trou du boulon, des objets renfermés dans une montre ou en étalage. (L. Paillet.) Le même résultat s’obtient encore en pratiquant, à l’aide d’un diamant, une ouverture dans l’angle inférieur d’une vitre de magasin. (L. Larchey)
Écornage ou écorne (vol à l’)
France, 1907 : Vol qui consiste à couper un fragment de vitre à la devanture d’une boutique et à tirer à soi les marchandises étalées au moyen d’un crochet.
Écorné
Delvau, 1866 : adj. et s. Voleur sur la sellette.
Rigaud, 1881 : Accusé qui comparaît devant le tribunal. L’accusé semble déjà être en mauvais état.
France, 1907 : Inculpé.
Écorné, -ée
Vidocq, 1837 : s. — Accusé, -ée sur la sellette.
Écorner
Bras-de-Fer, 1829 : Forcer.
Vidocq, 1837 : v. a. — Injurier.
Delvau, 1866 : v. a. Injurier, faire les cornes, — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : v. a. Médire de quelqu’un, attaquer sa réputation, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Fracturer. — Écorner un boucard, fracturer une boutique.
Rigaud, 1881 : Injurier ; du vieux mot français escharnier, moquer, railler.
La Rue, 1894 : Fracturer. Injurier.
France, 1907 : Médire, injurier ; fracturer.
Écorner les boucards
Delvau, 1866 : v. a. Forcer les boutiques, — dans le même argot [des voleurs].
Écorner les boutanches
Virmaître, 1894 : Forcer les portes des boutiques. Cela indique bien l’action de la pince-monseigneur qui fait éclater le bois par la pesée (Argot des voleurs).
Écorner une boutanche ou un boucard
France, 1907 : Entrer par effraction dans une boutique.
J’aimerais mieux faire suer le chêne sur le grand trimar, que d’écorner les boucards.
(Vidocq)
Écorneur
Vidocq, 1837 : s. m. — Avocat du roi.
Rigaud, 1881 : Avocat chargé de soutenir l’accusation.
La Rue, 1894 : Le ministère public.
France, 1907 : Avocat général.
Écornifler
d’Hautel, 1808 : Il a la figure toute écorniflée. Se dit d’un homme qui a reçu dans une batterie quelques blessures au visage.
Écornifler un dîner. Pour attrapper un dîner ; aller de porte en porte pour faire un bon repas, selon l’usage des chevaliers d’industrie.
Écornifler à la passe
La Rue, 1894 : Tuer.
France, 1907 : Tuer avec une arme à feu.
Écornifler, écornifler à la passe
Rigaud, 1881 : Tuer.
J’aperçois un garde royal qui ajustait d’une fenêtre La Platine, j’le lorgne, pan ! à bas, il fait la culbute ; c’était le douzième depuis mardi que j’écorniflais.
(Les farces et les bamboches populaires de Mayeux, 1831.)
Lui, il a trouvé le moyen d’écornifler à la passe sept personnes.
(Jean Richepin, Les Morts bizarres)
Écorniflerie
d’Hautel, 1808 : Escroquerie ; ce que l’on se procure d’une manière illicite, et par la voie d’une honteuse industrie.
Écornifleur
d’Hautel, 1808 : Un écornifleur de dîner. Terme de mépris. Parasite ; pique-assiette ; escroqueur de dîner.
Écossais
Larchey, 1865 : Homme sans pantalon. — Les Écossais ont les jambes nues. — Hospitalité écossaise : Hospitalité gratuite. — Usité depuis les représentations de la Dame blanche.
Delvau, 1866 : s. et adj. Hospitalier, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont conservé bon souvenir des montagnards de la Dame blanche. Hospitalité écossaise. Hospitalité gratuite, désintéressée, aimable.
Écossais (en)
France, 1907 : Sans pantalon. Les Écossais ne portaient ni caleçon ni pantalon, mais une jupe plissée descendait un peu au-dessous du genou. Ce costume pittoresque tend à disparaitre ; cependant plusieurs régiments écossais ont conservé l’ancien costume : aussi sont-ils fort appréciés du beau sexe.
Écosser les châsses
Rossignol, 1901 : Est ce que l’on nomme le coup de la fourchette. Il consiste à enfoncer un doigt dans chaque œil et à retirer la prunelle de l’orbite : le châsse est écossé.
Écosseur
d’Hautel, 1808 : Le peuple ne fait pas sonner l’r final, et dit écosseux.
Fier comme un écosseux de pois. Se dit d’un homme haut, altier, grossier, impertinent.
Delvau, 1866 : s. m. Secrétaire, homme chargé d’ouvrir les dépêches, — dans l’argot des employés.
Rigaud, 1881 : Employé chargé d’ouvrir les lettres dans une administration.
France, 1907 : Secrétaire dont les fonctions consistent à ouvrir les dépêches. La Préfecture de police emploie douze écosseurs.
Écot
d’Hautel, 1808 : Allez parler à votre écot. Pour, allez parler à votre compagnie, et ne vous mêlez pas des affaires de la nôtre. Se dit par réprimande à ceux qui viennent prendre part à un entretien qui leur est étranger.
Il a beau se taire de l’écot, qui rien n’en paye. Pour dire qu’un homme ne doit point mal parler d’un plaisir qui ne lui coûte rien.
Delvau, 1866 : s. m. Part de chacun dans un repas. Argot du peuple. Être à son écot. Payer ce qu’on consomme. Être à l’écot de quelqu’un. Dîner à ses dépens.
France, 1907 : Part de consommation que chacun doit payer. Payer son écot, payer sa part.
Écot (payer son)
Rigaud, 1881 : « Dans un pas de trois, la danseuse qui exécute son solo paye son écot. »
(J. Duflot, Les Secrets des coulisses, 1865)
Écoute
d’Hautel, 1808 : Je t’entends bien, mais je ne t’écoute guères. Locution goguenarde et populaire, pour dire à quelqu’un qu’on se moque bien de ce qu’il dit ; qu’on ne déférera pas à ses avis, à ses propositions ; que tout ce qu’il dit et rien est tout-à-fait le même chose.
Ce sont des écoute s’il pleut. Pour, ce sont de vaines promesses, des mensonges, des gasconnades, auxquels il ne faut pas se fier.
Être aux écoutes. Chercher à entendre ce que l’on dit en un lieu où les portes sont fermées ; s’inquieter des nouvelles d’une affaire ; être aux aguets.
Sonnez comme il écoute. Se dit lorsqu’on veut faire écouter un bruit qu’on n’entend pas.
Il s’écoute trop. Pour, il a trop soin de sa personne ; il se dorlotte, il se délicate trop.
France, 1907 : Oreille. Écoute s’il pleut, reste tranquille, tais-toi. On donne le sobriquet d’écoute s’il pleut, dans certaines campagnes, aux gens faibles, irrésolus. Cette expression à aussi le sens de fadaise, promesse illusoire, espérance irréalisable.
Écoute (je t’)
Rigaud, 1881 : Oui, — dans le jargon des troupiers.
Écoute s’il pleut
Delvau, 1866 : s. m. Fadaise, conte à dormir debout, — dans le même argot [du peuple].
Rigaud, 1881 : Expression dont les ouvriers se servent à l’atelier pour essayer de faire taire un bavard. On espère qu’il ne pourra pas écouter et parler à la fois.
Écoutille (l’)
Delvau, 1864 : La nature de la femme — dans l’argot des marins d’eau de mer et d’eau douce.
Allons, la garce, haut la quille !
Mon vit est crânement drissé ;
Ouvre moi ta large écoutille,
Embarque-moi : je suis pressé.
(Alphonse Karr)
Écoutilles
France, 1907 : Oreilles. Ouvrir ses écoutilles, écouter.
— Y’es-tu, ma petite pouliotte, y es-tu ? As tu bien ouvert tes écoutilles ?
(Jean Richepin, La Glu)
Écouvillon (tête d’)
Merlin, 1888 : Tête rasée et dont les cheveux sont hérissés.
Écrabouiller
Fustier, 1889 : Écraser ; réduire en morceaux, en miettes.
La Rue, 1894 : Aplatir, écraser.
France, 1907 : Écraser, mettre en pièces.
Les uns se saisissent aux cheveux, hurlent frénétiquement et s’écrabouillent sans s’être entendus. Ils croient. Ils gobent. C’est les Coline-Maillard. À la même question, posée par le même fait éternel, la réponse des autres est de siffler un petit air. Si la fatalité insiste, ils terminent cet air par une note suraiguë et décisive que les linguistes modernes ont nommée le Zut dièse. Ceux-là ne croient pas.
Ils blaguent : ce sont les Colin Tampon.
(É. Bergerat)
Écrache
Delvau, 1866 : s. m. Passeport, — dans l’argot des voleurs. Écrache-tarte. Faux passeport.
France, 1907 : Passeport. Écrache à l’estorgue, faux passeport, dans l’argot des voleurs, qui disent aussi écrachetarte.
Écracher
Delvau, 1866 : v. a. Exhiber son passeport. Même argot [des voleurs].
France, 1907 : Exhiber un passeport.
Écran
d’Hautel, 1808 : Servir d’écran à quelqu’un. Le protéger contre toute atteinte ; le favoriser.
On dit aussi, par ironie, de quelqu’un qui a l’incivilité de se placer devant le feu, à l’exclusion de toute la société, qu’Il sert d’écran.
Écrasant
Delvau, 1866 : adj. Étonnant, inouï, accablant, — dans l’argot des littérateurs, qui emploient ce mot à propos des gens aussi bien qu’à propos des choses.
France, 1907 : Étonnant.
Écrase-caca
Rossignol, 1901 : Chaussures.
Écraser des tomates
Delvau, 1864 : Avoir ses menstrues, dont la couleur est cousine germaine de celle de la pomme d’amour.
— Eh bien, va coucher avec Mélie… — Peux pas : elle écrase des tomates, depuis deux jours, que ça en est dégoûtant.
(Seigneurgens)
Delvau, 1866 : v. a. Avoir ses menses, — dans l’argot des petites dames.
Rigaud, 1881 : Avoir ses menstrues. Et la variante : Faire la sauce tomate.
France, 1907 : Avoir ses menstrues.
La petite me bottait joliment : seize ans et le diable au corps, cela va sans dire à cet âge. Depuis huit jours elle répondait à mes œillades, si bien que je pensais : « Ça y est ! » Mais va te faire fiche, comme je la suivis un soir dans sa chambre, batifolant et essayant de la prendre au bon endroit, elle se mit à crier comme une pintade, si bien que je rengainais mon compliment et m’esquivais lestement sans sonner aux clairons. Trois jours elle me bouda, puis finalement me fit risette.
— Eh bien, quoi ? lui demandai-je… C’est donc passé cette lubie de l’autre soir ?
— Gros serin ! riposta-t-elle. Ce n’est pas la lubie qui est passée. Vous n’avez donc pas compris que j’écrasais des tomates ?
(Les Joyeusetés du régiment)
Écraser un factionnaire
Rossignol, 1901 : Marcher dans quelque chose qui, dit-on, porte bonheur.
Écraser un grain
Delvau, 1866 : v. a. Boire un canon de vin sur le comptoir du cabaretier, — dans l’argot des faubouriens qui ont un fier pressoir dans l’estomac.
Rigaud, 1881 : Boire un verre de vin, quelquefois la bouteille.
Viens-t’en plutôt écraser un grain avec moi.
(Huysmans, Marthe, 1879)
France, 1907 : Prendre un verre de vin sur le comptoir.
Écraser une perle
Rossignol, 1901 : Produire un bruit sourd qui ne vient pas de la gorge. Dans une chambrée, lorsqu’un semblable bruit se produit (ce qui n’est pas rare), on entend aussitôt un compagnon dire :
Quelle est cette jolie voix qui appelle mon polard.
Écrevisse
d’Hautel, 1808 : Rouge comme une écrevisse. Se dit par exagération d’un homme qui a le visage d’un rouge animé, par allusion avec cet insecte, quand il est cuit.
Et de quelqu’un dont les affaires reculent au lieu d’avancer, qu’Il va à reculons, comme les écrevisses.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cardinal.
Delvau, 1866 : s. f. Cardinal, — dans l’argot des voleurs, qui ont l’honneur de se rencontrer avec Jules Janin, lequel a employé le même trope à propos du Homard, « ce cardinal de la mer ». Cardinaux sans doute, ces crustacés décapodes, — mais seulement lorsqu’ils ont subi la douloureuse épreuve du court-bouillon.
Rigaud, 1881 : Cardinal, à ce que dit M. Fr. Michel, dans son dictionnaire de l’argot comparé. C’est une aimable plaisanterie à laquelle il se sera laissé prendre, sans songer que ce cardinal-là descend en ligne directe du « cardinal des mers », dont a parlé Jules Janin et dont a tant ri Nestor Roqueplan.
France, 1907 : Cardinal, Allusion à la couleur de ce crustacé lorsqu’il est cuit.
Écrevisse dans la tourte (avoir une)
Rigaud, 1881 : Dire, faire des extravagances.
Virmaître, 1894 : Être à moitié toqué (Argot du peuple).
Écrevisse dans la tourte ou dans le vol au vent (avoir une)
France, 1907 : Être un peu toqué. Les Anglais disent dans le même sens : « Avoir des appartements à louer. »
Écrevisse de boulanger
Rigaud, 1881 : Cafard.
France, 1907 : Hypocrite.
Écrevisse de rempart
Rigaud, 1881 : Fantassin, — dans le jargon des soldats de cavalerie.
Merlin, 1888 : Lignard. — Toujours à cause du pantalon garance, beaucoup ne connaissant que l’écrevisse cuite et baptisant volontiers, comme Jules Janin, le homard du surnom de cardinal des mers.
Rossignol, 1901 : Soldat de ligne.
France, 1907 : Fantassin.
Toujours à cause du pantalon garance, beaucoup ne connaissant que l’écrevisse cuite et baptisant volontiers, comme Jules Janin, de homard du surnom de cardinal des mers.
(Léon Merlin)
Écrire
d’Hautel, 1808 : Ce qui est écrit est écrit. Phrase explétive, pour faire entendre qu’on ne veut pas démordre d’un engagement contracté par écrit.
On dit contradictoirement, et en plaisantant, d’une personne qui n’a le talent ni de bien chanter, ni de bien écrire, mais qui en a cependant la prétention, qu’Il a une belle main pour chanter, et une belle voix pour écrire.
Écrire de bonne encre. Avec fermeté ; en style de menace, vigoureusement.
Écrire à son propriétaire
Rossignol, 1901 : Aller au buen retiro.
Écrire à un Juif
France, 1907 : Se torcher le derrière avec du papier. Les Anglais disent dans le même sens : « Aller voir mistress Jones ; aller à la chambre du Parlement. »
Écriture
d’Hautel, 1808 : Il est bien âne de nature, celui qui ne peut lire son écriture. Voy. Âne.
Écrivasser
Delvau, 1866 : v. n. Écrire, faire des livres, — dans l’argot des gens de lettres, qui n’emploient cette expression que péjorativement.
France, 1907 : Écrire à l’instar de quantité de prétendus hommes ou femmes de lettres ; entasser lignes sur lignes ; pondre de la copie.
Écrivassier
d’Hautel, 1808 : C’est un écrivassier. Epithète mordante que l’on donne par mépris à un mauvais auteur, à un pamphlétaire, à un misérable petit écrivain.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais écrivain. Le mot a été employé pour la première fois en littérature, par Gilbert.
France, 1907 : Mauvais écrivain. Le mot s’emploie au féminin où le clan des écrivassières est encore plus considérable que celui des écrivassiers.
Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine,
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amère tristesse
Et de déchaîner tant d’huissiers ! »
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Écriveur, écriveuse
France, 1907 : Personne possédée de la rage d’écrire.
Écriveur, euse
Delvau, 1866 : s. et adj. Qui se plaît à écrire, et, à cause de cela, écrit à tort et à travers. Argot du peuple. Madame de Sévigné, qui était une écriveuse d’esprit, a employé le mot écriveux.
Écrouelleux
France, 1907 : Sobriquet que les Jacobins donnaient à la jeunesse doré du Directoire à cause de l’immense cravate où s’engloutissait leur menton et qui semblait cacher des écrouelles.
On aura peine croire qu’au milieu des victoires de Ney, de Championnet et du général Bonaparte, on n’observait dans la capitale, sur nos boulevards et places publiques, aucun enthousiasme, aucun mouvement de joie. S’il faut ajouter créance aux journaux contemporains, on passait froidement, avec la plus complète indifférence, à côté des crieurs qui annonçaient les plus grands succès de nos généraux… L’agiotage avait gagné toutes les classes, la griserie de la mascarade anéantissait les idées nobles dans tous ces cerveaux. Les Écrouelleux, les Inconcevables, des Merveilleux, le menton caché dans leurs cravates démesurées, maudissaient le gouvernement des Directeurs, méconnaissaient le mérite de nos soldats, disant d’un air affadé : Pa’ole victimée, cela ne peut pas du’er !
(Octave Uzanne, La Française du siècle)
Écu
d’Hautel, 1808 : Il n’aime pas à dessaquer ses écus. Se dit d’un avare, d’un fesse-mathieu qui crie sur les moindres dépenses.
C’est le père aux écus. Dénomination satirique que l’on donne à un homme économe, parcimonieux et avare, qui s’est amassé un petit magot en mettant sou sur sou.
Avoir des écus à remuer à la pelle. Façon de parler hyperbolique qui signifie avoir beaucoup d’argent comptant.
Voici le reste de nos écus. Se dit familièrement de celui qui arrive dans une société sans y être attendu.
Il a des écus moisis. Se dit d’un homme qui a de l’argent caché, et qui affecte la misère.
Vieux amis ; vieux écus. C’est-à-dire, que les vieux amis sont les plus sincères, et les vieux écus les plus estimés.
Il n’a pas un quart d’écu vaillant. Pour dire il n’a aucune espèce de bien.
Écuelle
d’Hautel, 1808 : C’est une querelle de gueux, cela se raccommode à l’écuelle. Se dit de légères contestations, de brouilleries, qui s’élèvent parmi les petites gens, et qui disparoissent en buvant un coup ensemble.
Rogner l’écuelle à quelqu’un. Lui retrancher, de son revenu, de sa subsistance.
Propre comme une écuelle à chat. Se dit d’un ustensile de ménage qui est malpropre, mal nettoyé.
Il n’y a ni pot au feu, ni écuelles de lavées. Pour exprimer qu’il règne le plus grand désordre dans une maison.
Il a plu dans son écuelle. Se dit de quelqu’un qui a fait quelque héritage inattendu, dont il avoit grand besoin.
Mettre tout par écuelle. Donner un repas splendide à quelqu’un ; ne rien épargner pour la bâfre.
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner la nature de la femme.
Les femmes sont comme gueux, elles ne font que tendre leur écuelle.
(Brantôme)
Delvau, 1866 : s. f. Assiette, — dans l’argot du peuple, fidèle à la tradition.
Et doibt, por grace deservir,
Devant le compaignon servir,
Qui doibt mengier en s’escuelle.
dit le Roman de la Rose.
France, 1907 : Nature de la femme. Vieux mot. Nos pères en avaient une quantité plus ou moins imagés ou symboliques pour désigner le même objet ; ainsi, bénitier :
Je crois bien que notre grand vicaire
Aura mis le doigt au bénitier.
(Béranger)
bréviaire d’amour, brèche, brelingot, cage, cacendrier, calibre, callibristi, cas, casemate, chapelle, chapelle ardente, chaudron, cheminée, citadelle :
Depuis longtemps de la donzelle
Il avait pris ville et faubourgs,
Mais elle défendait toujours
Avec vigueur la citadelle.
(Piron)
clapier, cloître, coiffe, coin, coquille, creuset, dè, enclume, évier, feuille de sauge, figue, fournaise, garenne, gaufrier, huître, etc.
Écume
Vidocq, 1837 : s. m. — Étain.
Rigaud, 1881 : Étain, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Étain.
France, 1907 : Étain. On dit aussi écume de terre. Allusion à la couleur de l’étain en fusion.
Écume de terre
Delvau, 1866 : s. f. Étain, — dans l’argot des voleurs.
Écume du plaisir (l’)
Delvau, 1864 : Le sperme.
Le feu du plaisir s’allume ;
Du bonheur l’ardente écume
Dans ton manoir qui la hume
À gros bouillons rejaillit.
(Chanson anonyme moderne)
Écumer la boutogue
La Rue, 1894 / France, 1907 : Enfoncer la boutique.
Écumoire
d’Hautel, 1808 : Elle a la figure comme une écumoire. Se dit d’une personne qui est très-marquée de petite vérole, et à qui cette terrible maladie a laissé des traces nombreuses et profondes.
Delvau, 1866 : s. f. Visage marqué de petite vérole, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Visage ravagé par la petite vérole.
Rossignol, 1901 : Celui qui est grêlé à la figure comme une écumoire.
France, 1907 : Visage ravagé par la petite vérole.
Écumoire (faire l’)
France, 1907 : Faire des trous nouveaux et des dégradations dans le toit qu’on répare. Argot des couvreurs.
Écurer
d’Hautel, 1808 : Écurer son chaudron. Au propre, prendre médecine ; se purger. Au figuré, expression triviale qui signifie décharger sa conscience ; se confesser.
Écurer le chaudron
Rigaud, 1881 : Faire des aveux ; se confesser.
Virmaître, 1894 : Aller à confesse (Argot des voleurs). V. Comberge et Dépotoir.
Écurer son chaudron
Delvau, 1866 : v. a. Aller à confesse, — dans l’argot du peuple, pour qui c’est un moyen de nettoyer sa conscience de tout le vert-de-gris qu’y ont déposé les passions mauvaises.
France, 1907 : Aller se confesser.
La petite baronne de Folle-Biche, fidèle aux devoirs du carême, écure son chaudron, pardon ! met à nu son âme devant le révérend père Barbabouc :
— J’ai trompé mon mari.
— Combien de fois, mon enfant ?
— Deux fois, mon père.
Le confesseur, après le speech d’usage, donne l’absolution. Mais, au moment de partir, la pénitente ajoute :
— Mon père, un détail : j’ai oublié de vous dire que c’était deux fois par jour !
Écureuil
Rigaud, 1881 : Pauvre diable qui faisait tourner une roue dans un atelier de mécanicien, moyennant une haute paye de six sous par heure. — Les machines à vapeur, en se propageant, ont porté le coup de la mort à l’écureuil, devenu aujourd’hui un objet de curiosité.
France, 1907 : Individu qui tourne la roue chez les repasseurs ou les tourneurs en bois. La roue tourne et il reste à la même place. Allusion à l’écureuil, qui, sans avancer, fait tourner sa cage. Faire l’écureuil, marcher sans avancer, faire un travail inutile.
Écureuil (faire l’)
Virmaître, 1894 : Faire une besogne inutile, marcher sans avancer. A. D. On nomme écureuil les ouvriers qui tournent la roue chez les petits tourneurs en bois ; c’est au contraire un métier extrêmement fatiguant. Autrefois les écureuils se réunissaient au carré Saint Martin ; c’était un ramassis de toute la fripouille parisienne ; depuis que la machine à vapeur s’est vulgarisée ils ont presque disparu. On les nomme aussi chiens de cloutier. C’est une allusion au pauvre animal qui tourne la roue toute la journée pour actionner les soufflets de forge, allusion également à l’écureuil qui tourne sans cesse dans sa cage (Argot du peuple). N.
Écurie
d’Hautel, 1808 : C’est un cheval à l’écurie. Phrase bannale, que l’on applique communément à une maison, à une montre, et généralement à toute chose qui exige de fréquentes réparations.
On diroit qu’il entre dans une écurie. Se dit par reproche, d’une personne incivile, qui entre dans, un lieu sans saluer les personnes qui s’y trouvent.
On dit d’une maison sale et mal en ordre, que c’est une véritable écurie.
Il est bien temps de fermer l’écurie, quand les chevaux sont dehors. Se dit des personnes qui font, fermer leur porte quand on leur a tout pris ; ou, qui veulent remédier au mal lorsqu’il est consommé.
Édredon
d’Hautel, 1808 : Duvet de certains oiseaux du nord. Le peuple de Paris dit par corruption, Aigledon.
Édredon (faire l’)
Rigaud, 1881 : Dépouiller un étranger, — dans le jargon des filles.
La Rue, 1894 : Dans l’argot des prostituées, c’est dévaliser l’homme qu’elles ont attiré chez elles.
France, 1907 : Chercher de riches étrangers, dans l’argot des filles.
Vous me demanderez peut-être ce que signifie faire l’édredon… L’eider est un oiseau exotique au duvet précieux… Avec ce duvet on se fabrique des couches chaudes et moelleuses… Les étrangers de distinction, qu’ils viennent du Nord ou du Midi, sont, eux aussi, des oiseaux dont les plumes laissées entre des mains adroites et caressantes n’ont pas moins de valeur que le duvet de l’eider.
(Paul Mahalin)
Édredon de trois pieds
Delvau, 1866 : s. m. Botte de paille.
Rigaud, 1881 : Paille.
France, 1907 : Botte de paille.
Éduquer
d’Hautel, 1808 : Pour donner de l’éducation ; élever avec soin.
Ce jeune homme est bien mal éduqué. C’est à-dire, est grossier, butor, incivil ; n’a pas l’air, d’avoir reçu d’éducation.
Fustier, 1889 : Élever, instruire, donner de l’éducation.
Nous sommes trop bien éduqués pour refuser de boire un petit verre à votre intention.
(De Montépin)
Ef
Delvau, 1866 : s. m. Apocope d’effet, — dans l’argot de Breda-Street. Faire de l’ef. Briller ; faire des embarras.
Eff
France, 1907 : Apocope d’effet. Faire de l’eff, faire des embarras.
Effacer
Delvau, 1866 : v. a. Boire ou manger, — dans l’argot des faubouriens. Effacer un morceau de fromage.
Rigaud, 1881 : Faire disparaître en absorbant. — On efface un plat, on efface une bouteille, en ne rien laissant du plat, en buvant la bouteille jusqu’à la dernière goutte.
La Rue, 1894 : Manger, boire.
France, 1907 : Boire ou manger. On efface ce qu’il y a dans le verre ou dans l’assiette. Effacer un plat, une bouteille.
Effaroucher
anon., 1827 : Voler.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler (Voyer Grincher, Sauter, Rincer, Bouliner).
Halbert, 1849 : Voler.
Delvau, 1866 : v. a. Voler, — dans l’argot des voleurs, qui sont si adroits qu’en effet la chose qu’ils dérobent a l’air de s’enfuir, effarouchée, de la poche du volé dans la leur.
Rigaud, 1881 : Chiper ; par altération du vieux verbe français frogier, frouger, profiter, gagner.
Qu’est-ce qu’a effarouché ma veste ?
(H. Monnier, Scènes populaires)
Virmaître, 1894 : Prendre, s’évanouir sur la monnaie. Cela arrive fréquemment dans les cercles, où l’on a remplacé l’expression effaroucher par celle d’apprivoiser.
— J’ai apprivoisé un sigue.
Rossignol, 1901 : Prendre.
On m’a effarouché ma cigarette.
France, 1907 : Voler.
Effaroucheur
France, 1907 : Voleur. Effaroucheur de grinches, voleur de guinguettes.
Effet
d’Hautel, 1808 : Les effets sont les mâles, et les paroles sont les femelles. Répond au proverbe latin, Verba volant, scripta manent.
Delvau, 1866 : s. m. Impression produite sur le public par une pièce ou par un acteur. Argot des coulisses. Se dit en général de l’ouvrage ou du rôle, et, en particulier, d’un mot, d’un geste, d’une intonation. Avoir un effet. Avoir à dire un mot qui doit impressionner les spectateurs, les faire rire ou pleurer. Couper un effet. Distraire les spectateurs en parlant avant son tour, détourner leur attention à son profit et au préjudice du camarade qui est en train de jouer.
Effet (avoir un)
France, 1907 : C’est, dans l’argot théâtral, avoir un mot ou une réplique qui impressionne l’auditoire. Couper un effet, c’est, dans le même argot, détourner à son profit l’attention des spectateurs, au préjudice d’un camarade.
Effets de biceps
Delvau, 1866 : s. m. pl. Vanité de boucher ou de débardeur, — dans l’argot du peuple. Faire des effets de biceps. Battre quelqu’un, uniquement pour lui prouver qu’on est plus fort que lui.
Rigaud, 1881 : Exhibition de force musculaire. (L. Larchey)
Effets de biceps (faire des)
France, 1907 : Étaler sa force souvent aux dépens de quelqu’un.
Effets de cul (faire des)
Delvau, 1864 : Remuer habilement les fesses en marchant devant les hommes, pour les allumer et s’en faire suivre.
Effets de manchettes (faire des)
France, 1907 : Exhiber ses manchettes par un mouvement du bras pour montrer qu’on a du linge blanc.
Effets de pantalon (faire des)
Delvau, 1864 : Arranger avantageusement son paquet dans l’entre-jambe, à droite ou à gauche, de façon qu’il fasse saillie sur la perpendiculaire naturelle du corps et crève les yeux des femmes.
Effets de poche
Delvau, 1866 : s. m. pl. Étalage de pièces d’or et de billets de banque. Faire des effets de poche. Payer.
Rigaud, 1881 : Faire sonner son argent, le compter en public, sortir deux cents francs en or pour acheter un cigare d’un sou, tout cela : effets de poche. C’est un des plus sûrs moyens de se faire voler. — Les jours de paye les ouvriers font volontiers des effets de poche. Celui qui n’est pas habitué à avoir de l’argent se livre généralement à des effets de poche.
Effets de poche (faire des)
France, 1907 : Étaler son art.
C’est l’habitude des vaniteux imbéciles de faire des effets de poche.
Effeuiller
Delvau, 1864 : Masturber en parlant de la femme.
Un joli doigt, qu’assouplit le désir,
En l’effeuillant y cherche le plaisir.
(Parny)
Effeuiller la couronne virginale
Delvau, 1864 : Prendre le pucelage de sa femme, la nuit des noces.
Et Pignouflard, demain, effeuille sa couronne virginale.
(Albert Glatigny)
Effeuiller le bouton de rose
France, 1907 : Prendre la virginité d’une fille.
— Il y a sept ans — j’allais donc sur cinquante quatre – une servante est entrée chez nous, si jolie que bien des fois, à la nuit, je suis monté jusqu’à sa porte, les pieds nus, pour me passer mon envie avec elle ; toujours je m’ai rattrapé à la dernière marche, car les servantes-maîtresses, voyez-vous, c’est la fin de la prospérité dans les fermes. C’est donc mon premier charretier qu’a effeuillé le bouton de rose de la fille.
(Hugues Le Roux, Gil Blas)
Effiner (s’)
France, 1907 : S’éclipser, disparaître.
Efflanqué
d’Hautel, 1808 : Un grand efflanqué. Pour dire, un homme grand, sec et maigre ; sans maintien ni tournure.
Effondré
d’Hautel, 1808 : Un gros effondré. Pour, un gros mangeur ; un goinfre ; un bâfreur, un glouton.
Effondrer
Delvau, 1866 : v. a. Enfoncer, — dans l’argot des voyous.
Fustier, 1889 : Battre, assommer. Argot du peuple.
Te souviens-tu de cette lutte en plein champ ? Pauvre garçon, avec tes vingt-cinq ans, j’en aurais effondré quatre comme toi.
(Belot et Dantin, Le Parricide)
France, 1907 : Enfoncer. Effondrer quelqu’un, le battre, le duper.
Effondrilles
Delvau, 1866 : s. f. pl. Les scories du pot-au-feu, — dans l’argot des ménagères.
France, 1907 : Scories du pot-au-feu.
Effronté
d’Hautel, 1808 : Effronté comme un page. Impudent, insolent, hardi, impertinent au de-là de toute expression.
Égailler les cartes
Fustier, 1889 : Les étaler. Argot des cercles.
France, 1907 : Les disperser. Cette expression vient d’un terme militaire signifiant : se disperser en tirailleurs.
Ces deux officiers devaient prendre à propos les chouans en flanc et les empêcher de s’égailler. Ce mot du patois de ces contrées exprime l’action de se répandre dans la campagne, où chaque paysan allait se porter de manière à tirer les bleus sans danger ; les troupes républicaines ne savaient plus alors où prendre leurs ennemis.
(Balzac, Les Chouans)
Égal
d’Hautel, 1808 : Cela m’est égal. Se dit ironiquement pour faire entendre que l’on se soucie fort peu d’une chose qui doit arriver.
Le peuple ne peut se faire une idée du pluriel de cet adjectif au masculin, et dit en parlant de deux hommes de même grandeur, qu’ils sont égal en taille ; et d’une distribution, que les lots sont égal, pour égaux.
Égard (faire l’)
France, 1907 : Garder pour soi seul le produit d’un vol.
Égayer
Delvau, 1866 : v. n. Siffler, — dans l’argot des coulisses. Se faire égayer. Se faire envoyer des trognons de pommes.
Rigaud, 1881 : Siffler, — dans le jargon des acteurs. — Egayer l’ours, siffler la pièce.
De la rampe la lumière
Éclaire un drame inédit :
On l’égaie, à la première ;
La claque seule applaudit.
(É. de La Bédollière. Dîners de l’anc. cercle)
France, 1907 : Siffler.
Égayer l’ours
France, 1907 : Siffler une pièce.
À la sortie du théâtre, entre deux journalistes :
— Oh ! mon cher, mon rêve serait d’assister à une belle chute, de voir égayer l’ours, mais là… carrément.
— C’est bien facile. Faites une pièce.
Église
d’Hautel, 1808 : C’est un pilier d’église. Se dit d’une personne dont la dévotion est exagérée.
Églisier
Delvau, 1866 : s. m. Bigot, homme qui hante trop les églises. Argot des faubouriens.
France, 1907 : Bigot, hypocrite, pilier d’église, rat de sacristie.
Églogue de Virgile (réciter la seconde)
France, 1907 : Faire l’amour socratique.
— Connaissez-vous, mesdames, la seconde églogue de Virgile ? demanda le vicomte. Non ? C’est heureux ! je vais pouvoir vous en parler… Eh bien ! Lepoivre et l’autre la récitent ensemble, à la tiédeur du fourneau, dans le décor des casseroles, des passoires et des poissonnières, sous des bordures de papier découpé… Mais il faut glisser, l’histoire de Corydon ne supporte pas une longue psychologie.
(Maurice Talmeyr, Gil Blas)
Égnaffer
Rigaud, 1881 : Surprendre, éblouir, émerveiller. — Être égnaffé, être émerveillé. C’est le successeur direct d’épater, — dans le jargon des ouvriers.
Hayard, 1907 / France, 1907 : Étonner.
Égnolant
Rigaud, 1881 : Ennuyant, — dans le jargon des voyous. Dans celui des ouvriers, il a plutôt le sens d’étonnant, d’extraordinaire.
France, 1907 : Étonnant.
Égnoler
Rigaud, 1881 : Ennuyer, — dans le jargon des voyous ; mot à mot : rendre gnole. Vlà une heure que le client m’êgnole, j’en ai ma claque, je calête, voilà une heure que cet individu m’ennuie, j’en ai assez, je file.
France, 1907 : Étonner.
Égosiller
d’Hautel, 1808 : S’égosiller. Se fatiguer à parler, se faire mal à la gorge à force de crier, de tempêter contre quelqu’un, ou de l’appeler à tue-tête.
Égosse
France, 1907 : Enveloppe de l’oreiller et du plumon.
Égout
France, 1907 : Bouche.
À mort l’avocat bêcheur ! À mort le président ! À mort le juge d’instruction !
Eh bien, quoi ! vous trouvez que je suis trop raide ? Quand vous aurez passé par là où j’ai passé ; quand vous aurez été condamnés à mort, quand vous serez restés trois mois à vous dire tous les jours : « C’est pour demain ! » alors je vous permettrai de foutre votre grain de sel dans la discussion ; jusque-là fermez votre égout !…
(Père Peinard)
Prima donna d’égout, chanteuse de boui-bouis.
Égout (prima dona de l’)
Rigaud, 1881 : Chanteuse de chansons ordurières dans les cafés-concerts.
(Le Sublime)
Égout (tierce à l’)
Rigaud, 1881 : Tierce basse, tierce au neuf, au jeu de piquet.
Égraffigner
Delvau, 1866 : v. a. Égratigner, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Égratigner.
Égrailler
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prendre ou voler de la volaille. Égrailler l’ormie, prendre la poule.
France, 1907 : Prendre.
Égrailler l’ornie
Bras-de-Fer, 1829 : Pendre la poule.
Égrailler ou érailler l’ornie
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Prendre la poule.
Égratignée (n’être pas trop)
Égratigner
d’Hautel, 1808 : Cette femme n’est pas encore trop égratignée. Se dit d’une femme qui, quoique d’un âge mûr, a encore un air de fraicheur et quel que trace de beauté.
S’il ne mord, il égratigne. Expression proverbiale qui se dit d’un homme dont la langue est satirique et dangereuse.
Égratigner l’ivoire
France, 1907 : Jouer ou plutôt tapoter du piano, l’une des plaies des temps modernes, la désolation des enfants et le juste supplice des parents.
Égratigner l’ivoire est une qualité requise et sine qua none dans ce marché aux femmes qu’on appelle le mariage. Pour savoir si une fille est nubile en Occident, on la place sur un tabouret tournant devant une harpe à dents, et on la regarde extraire. Le premier jeune homme qui a une attaque de nerfs et s’évanouit est de droit son fiancé. À la seconde crise, il est presque forcé de l’épouser.
J’ai remarqué que les veuves se remettaient toujours au piano.
(Émile Bergerat)
Égrené
Fustier, 1889 : « Quand on (un journal) est installé, c’est d’une simplicité extrême… Pour le Clairon, il a fallu, durant ces premiers jours écrire les bandes à la main, les affranchir et les porter au bureau central d’où elles partent individuellement au lieu de partir par paquets. On appelle cela le service des égrenés et le service des égrenés se fait après le service des classés. »
(Clairon)
Égrillard
d’Hautel, 1808 : Un petit égrillard. Terme de mépris ; homme fin, adroit et éveillé ; tatillon qui s’immisce dans tout ce qui ne le regarde pas.
Égrugeoir
Delvau, 1866 : s. m. Chaire à prêcher, — dans l’argot des voleurs, par allusion à sa forme et à celle du bonnet du prédicateur qui ressemble assez à un pilon.
Rigaud, 1881 : Chaire à prêcher, — dans le jargon du peuple.
Lorsque dans son égrugeoir,
Ce champion de l’éteignoir
Fait à la foule béante,
Des histoires de servante.
(L. Festeau, Les Ânes)
France, 1907 : Tribune, chaire, confessionnal. Allusion aux égrugeoires où l’on pile le sel.
Égrugeoir (l’)
Virmaître, 1894 : Une tribune quelconque. L’orateur égruge ses paroles. Égrugeoir : la chaire à prêcher. Égrugeoir : les petites boîtes qui ressemblent à un comptoir dans lequel se tiennent les sœurs qui font la lecture aux prisonnières de Saint-Lazare. Allusion à l’antique égrugeoir qui sert à piler le sel (Argot du peuple). N.
Égrugeoire
Vidocq, 1837 : s. f. — Chaire à prêcher.
Égueuler
d’Hautel, 1808 : Crier, écornifler, casser.
Il est poli comme un pot-de-chambre égueulé. Expression basse et triviale usitée en parlant d’un grossier personnage, d’un malotru, d’un manant qui se pique de dire de sales injures, des obscénités.
S’égueuler, Crier. Il a tant crié, qu’il en est tout égueulé. Pour, il s’est fait mal à la gorge à force de crier.
Delvau, 1866 : v. a. Écorner un vase, l’ébrécher, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Ébrécher un objet.
Vingt ou vingt-cinq ivrognes gisaient sur la paillasse, ronflant à qui mieux mieux. Cette scène, digne de Callot, était éclairée par une chandelle fichée dans le goulot d’une bouteille égueulée.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Égyptien
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais acteur, — dans l’argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Mauvais acteur ; pai allusion à la troupe du Khédive. Mot à mot : acteur retour d’Égypte, — dans le jargon du théâtre.
France, 1907 : Mauvais acteur. Ce surnom vient de ce que les troupes dramatiques qui vont en Égypte représenter nos chefs-d’œuvre ne sont guère composées que de cabotins.
Éjaculer
Delvau, 1864 : Décharger son sperme, soit en baisant, soit en se masturbant.
Il y en a qu’on ne saurait faire taire et qui, quand ils éjaculent, en même temps ne peuvent s’empêcher de crier.
(Mililot)
Ejusdem farinæ
France, 1907 : De même espèce. Latinisme de cuisine. Mot à mot : de même farine. S’emploie en mauvaise part. On dit aussi ejusdem generis.
Le jour où chacun sera et voudra être renseigné, ce jour-là la tâche sera singulièrement facilitée, et j’ajoute qu’alors aussi nous verrons disparaître le reste des guérisseurs, charlatans et autres industriels ejusdem farinæ qui vivent précisément de l’ignorance publique.
(Dr Avoix, La Nation)
Élargir (s’)
d’Hautel, 1808 : Pour dire se desserrer ; faire quelque don ; montrer contre coutume de la noblesse et du désintéressement.
Il s’est élargi dans cette occasion. Se dit par raillerie d’un homme très-avare, qui n’a pas montré dans une affaire sa lésinerie ordinaire.
Élastique
Rigaud, 1881 : Qui sait se prêter aux circonstances, qui sait faire des concessions à propos.
N’est-ce pas, cher directeur, que nous sommes plus élastiques que ça ?
(J. de Goncourt)
Elbeuf
Larchey, 1865 : Habit de drap d’Elbeuf.
Si l’étoile au mérite N’orne pas mon elbeuf usé.
(Festeau)
Delvau, 1866 : s. m. Habit, — dans l’argot du peuple, qui emploie fréquemment la métonymie.
France, 1907 : Habit, à cause de la ville où l’on fabrique le drap.
Électeur
Fustier, 1889 : Client, — dans l’argot des commis voyageurs. Quand la tournée a donné de bons résultats, l’électeur a bien voté ; si les commandes ont été rares, il a mal voté.
France, 1907 : Client, dans l’argot des voyageurs de commerce.
Électeur (se mettre en)
Fustier, 1889 : Argot de caserne. C’est, pour le soldat, revêtir des habits civils.
Électrocution
France, 1907 : Mise à mort par l’électricité ; néologisme. Ce système, adopté par les Yankees, ne semble pas avoir donné les résultats les plus satisfaisants, puisqu’il a été prouvé qu’un condamné exécuté ainsi prouvait être ranimé à l’aide d’un traitement usité dans les cas d’asphyxie.
L’évidence est donc aussi que l’électrocution ne tue pas et que, pour mettre à mort, il faut la doubler d’un procédé qui produise une lésion mortelle, rupture ou section de la moelle allongée, par exemple, par pendaison ou décapitation. C’est la condamnation formelle de l’emploi des courants électriques, la mise à mort devant être, si possible, instantanée.
Il y a maintenant apparence que le scandale va cesser et que les Yankees retourneront à leur corde.
(Courrier de Londres)
Ce procédé, dont l’application a fait travailler le cerveau de tous les criminalistes européens, n’est certes pas appelé chez nous — du moins, nous l’espérons — à jouer un rôle quelconque. On a multiplié les discussions, entassé les mémoires, fait un appel aux savants de toutes les nationalités, pour aboutir à un résultat négatif. Il est surabondamment démontré que ce genre de mort est le plus barbare, le plus épouvantable qu’il soit possible de faire endurer à un patient. À la dernière électrocution qui a eu lieu, de nombreux spectateurs se sont évanouis, paraît-il, et tous ont remporté cette conviction que les procédés d’exécution de la vieille Europe valaient encore mieux que la cruelle invention de la jeune Amérique.
(Dr G. Legué)
Éléments
Rigaud, 1881 : Cartes préparées en vue d’une passe ; mot à mot : éléments de gain, — dans l’argot des grecs. Dans le monde des joueurs le mot : « éléments » désigne des ponteurs capables d’alimenter une partie. Faisons-nous un petit bac ? — Il n’y a pas d’éléments.
France, 1907 : Argent ; argot des grecs.
Éléphant
Fustier, 1889 : Argot du Quartier latin. On appelle ainsi l’étudiant en médecine à la veille de passer sa thèse ou le jeune docteur qui suit bénévolement les cours d’un professeur dans un hôpital.
Élève du château
France, 1907 : Prisonnier ; argot des voleurs.
Élève-martyr
Rigaud, 1881 : Élève-brigadier, — dans le jargon des régiments de cavalerie.
France, 1907 : Élève brigadier ; argot militaire.
Élever à la brochette
France, 1907 : La brochette est un petit morceau de bois, dont on se sert pour donner à manger aux petits oiseaux. Par allusion, on dit de quelqu’un dont on a pris grand soin qu’il a été élevé à la brochette.
Élicir
France, 1907 : Tirer, déduire ; du latin elicere.
Élite
d’Hautel, 1808 : C’est l’élite des honnêtes-gens. Pour exprimer qu’un homme est d’une grande probité. Le peuple dit, par corruption, C’est l’alite, et se sert généralement de ce mot pour exprimer qu’une chose a un haut degré d’excellence.
Élixir
d’Hautel, 1808 : Liqueur spiritueuse et cardiaque. Ce mot est toujours masculin : du bon, de l’excellent élixir ; et non de la bonne élixir, comme on le dit vulgairement.
Élixir de hussard
Vidocq, 1837 : s. f. — Eau-de-vie.
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie inférieure.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.
France, 1907 : Nom donné par les fantassins à la mauvaise eau-de-vie.
Élixir… de long’vit
Delvau, 1864 : Le sperme, aimable essence qui ferait ressusciter… une morte.
Possédant une recette,
Je fis prendre à la fillette
Six fois de mon élixir.
— Ah ! Dieu ! que je suis contente,
S’écriait la patiente :
Encore, ou je vais mourir !
(Gaudriole, 1834.)
Elle est couverte d’ardoise
Delvau, 1864 : Sous-entendu : Les crapauds ne montent pas dessus. Se dit d’une femme trop belle ou trop bégueule pour qu’il n’y ait pas folie à vouloir la grimper comme une simple drôlesse.
Elle est enceinte d’un pet elle accouchera d’une merde demain
Virmaître, 1894 : Se dit d’une femme qui a un gros ventre sans pour cela être enceinte (Argot du peuple). N.
Éloquent
d’Hautel, 1808 : Il n’y a rien de plus éloquent que l’argent comptant. En effet, ce pernicieux métal arrange les affaires les plus inextricables ; il change en amitié la haine la plus invétérée ; ouvre les portes de fer ; humanise les cours les plus farouches et les plus altiers ; enfin c’est un tyran que tout le monde adore, et dont ici bas on se fait un bonheur d’être l’esclave.
Éloquent. Mot équivoque et satirique qui signifie qu’une personne a l’haleine mauvaise, que sa bouche exhale une odeur désagréable.
Éloquent (être)
Delvau, 1866 : Faire sentir ses paroles, — dans l’argot facétieux des bourgeois, qui croient seulement pour eux à la vertu de l’Eau de Botot.
France, 1907 : Avoir mauvaise haleine. Faire sentir ses paroles, dit Delvau.
Se dit aussi d’un amant ou d’un mari qui n’est jamais hors d’haleine.
La jolie petite Mme X… femme d’un brasseur qui fait beaucoup d’affaires, se plaint à une amie de la froideur de son mari, de son manque d’éloquence dans la couche conjugale.
— Que veux-tu ? dit l’autre, le cher homme travaille tant ; il brasse une telle quantité de bière dans le jour…
— Il n’en brasse pas la nuit ! soupire la pauvre délaissée.
Émanciper (s’)
Delvau, 1864 : Aller avec une femme beaucoup plus loin que la bienséance ne le permet, mais beaucoup moins loin pourtant que ne le voudrait la femme — qui a, sur le bonheur, des idées diamétralement opposées à celles de la morale.
Lors, s’émancipant tout d’un coup, il me troussa la chemise tout autour et me découvrit le ventre et les fesses, se plaisant à les patiner.
(Mililot)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se permettre des familiarités déplacées envers les femmes, — dans l’argot des bourgeoises, à qui leur devoir impose l’obligation de s’en fâcher.
France, 1907 : Se permettre des privautés avec les femmes, qui, tout en feignant d’être courroucées, en sont enchantées au fond.
Embabouiné
France, 1907 : Pris, gagné par des promesses.
Ruisseau sale et bourbeux d’une si pure source,
Dès l’âge de onze ans, je fus coupeur de bourses ;
Par deux petits fripons je fus embabouiné ;
Sans presque le vouloir, je me trouve entraîné ;
Faute de résister, je tombe dans le piège.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Embabouiner
d’Hautel, 1808 : Gâter, salir. Il a la figure toute embabouinée. Pour dire toute barbouillée.
S’embabouiner de quelque chose. S’en coiffer, s’en éprendre ; se laisser empaumer.
Emballage
France, 1907 : Engouement irraisonné pour quelqu’un ou quelque chose.
Après, dans les couloirs, on cherchait, pour expliquer son emballage, le propos à répéter, la formule lapidaire ; et elle était d’ailleurs lien comique cette élite parisienne, — de la médiocrité, presque partout, de la crapule, de la pourriture d’âmes, çà et là — timide, n’osant risquer son avis, avant que soit venu on ne sait d’où le mot d’ordre.
(Félicien Champsaur, Le Mandarin)
Emballé
Rossignol, 1901 : Arrêté. Celui qui a été arrêté a été emballé.
Emballé (être)
Halbert, 1849 / Hayard, 1907 : Être arrêté.
Emballement
France, 1907 : Emportement, entraînement subit et irraisonné.
Quelque emballement de femme curieuse qui s’aveugle et s’illusionne, un de ces coups de cœur ardents, irréfléchis qui sont souvent la dernière figure des cotillons de l’hiver et ont la durée d’un feu de paille.
(Colombine, Gil Blas)
Emballer
Larchey, 1865 : Arrêter, écrouer.
Tu vas nous suivre à la Préfecture. Je t’emballe.
(Chenu)
On dit d’un cheval emporté qu’il emballe son cavalier, sans doute parce que celui-ci est réduit au rôle passif d’un simple ballot.
Delvau, 1866 : v. a. Arrêter, — dans l’argot des voleurs et des filles.
Delvau, 1866 : v. n. Se dit, — dans l’argot des maquignons, — d’un cheval qui prend le mors aux dents, sans se soucier des voyageurs qu’il traîne après lui. S’emballer, se dit dans le même sens d’un homme qui s’emporte.
Rigaud, 1881 : Mettre en prison. — Emballez-moi ce particulier.
Rigaud, 1881 : Terminer promptement. — L’ouvrage est emballé.
La Rue, 1894 : Conduire en prison. Donner un coup de poing. S’éprendre passionnément. Emballement, entraînement subit, emportement.
France, 1907 : Arrêter, emmener en prison.
— Dis donc, toi, si c’est comme ça que tu fais ta tournée !… Sais-tu où je l’ai trouvé, ton Delphin ?
— Où ça ?
— Sur ma fille… Je vas écrire au préfet, pour qu’il te casse, père de cochon, cochon toi-même.
Du coup, Bécu se fâcha.
— Ta fille, je ne vois que ses jambes en l’air… Ah ! elle a débauché Delphin ? Du tonnerre de Dieu si je ne la fais pas emballer par les gendarmes.
— Essaye donc, brigand !
(Émile Zola, La Terre)
C’est que le coup d’État les atteignit, eux ! À l’abri des représailles dont se décime toute effervescence populaire, se moquant comme d’une guigne qu’on ait mitraillé les faubourgs en Juin ; ayant approuvé, sinon commandé la canonnade ; ne se rendant même pas compte — les imbéciles ! — que la dictature en était la résultante (les ouvriers les regardant narquoisement emballer pour Mazas) ils sentirent, pour la première fois, la poigne du gendarme s’abattre à leur collet.
(Séverine, Le Journal)
France, 1907 : Donner un coup de poing.
Emballer (s’)
Rigaud, 1881 : S’emporter, se fâcher. On dit d’un cheval qui s’emporte, qu’il « s’emballe » ; d’où s’emballer en parlant des personnes.
Hayard, 1907 : Se mettre vite en colère, s’enthousiasmer, emprisonner.
France, 1907 : S’emporter, perdre son sang-froid. Allusion au cheval qui prend le mors aux dents. Se prendre d’une affection irraisonnée pour quelqu’un.
Le peintre, très emballé, perdait à plaisir, ne s’occupait qu’à faire du genou sous la table à la femme de chambre et la dardait de regards prometteurs auxquels elle répondait de la façon la plus effrontée.
(René Maizeroy)
D’une tenue toujours irréprochable, bel homme plutôt que joli garçon, et d’une tournure conquérante, il a passé pour avoir fait des ravages dans le cœur de Parisiennes du meilleur monde, quelque peu névrosées et toujours prêtes à s’emballer pour un excentrique ou l’homme que la mode a mis en vedette.
(Maurice de Kérouan)
Nous nous rappelions le beau temps de fièvre et de mirage où dans le monde, toutes ou presque toutes, emballées à fond de train, nous avions pour ce soldat piaffeur des veux de Chimène, nous attendions le grand jour, nous faisions des vœux à plein cœur pour que cet aventureux gagnât la partie, nous nous accrochions à lui, nous le traitions comme quelque César providentiel.
(Colombine, Gil Blas)
Emballer (se faire)
Delvau, 1866 : Se faire mettre à Saint-Lazare, — dans l’argot des filles.
France, 1907 : Se faire mettre en prison.
— Y’a du nouveau ? interrogea la Collignon.
— Je te crois, répliqua l’autre. On a vu, ce soir, les Mœurs passer au grand complet. Y aura du tabac, ce soir. Je me rentre. J’ai pas envie de me faire emballer.
(Oscar Méténier, Madame La Boule)
Emballes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Manières, embarras, — dans le même argot [des filles]. Faire des emballes. Faire des embarras.
Emballes (faire des)
France, 1907 : Faire des embarras, prendre des manières dédaigneuses, éclabousser ses rivales. Argot des filles.
Emballes, embarras (faire ses)
Larchey, 1865 : « Faire son embarras : Faire beaucoup d’étalage pour peu de chose. » — d’Hautel, 1808. — Emballe est une corruption d’embarras.
Emballeur
Delvau, 1866 : s. m. Agent de police.
Rigaud, 1881 : Agent de police.
La Rue, 1894 : Agent de police. Emballeur de refroidis, croque-mort.
Virmaître, 1894 : Les agents de la sûreté. Ils emballent en effet les prisonniers dans le panier à salade.
Rossignol, 1901 : Agent de police, parce qu’il emballe.
France, 1907 : Agent de police, agent de la sûreté.
Emballeur de refroidis
Rigaud, 1881 : Porteur des pompes funèbres, vulgo « croque-mort ».
France, 1907 : Croque-mort.
Emballuchonner
Halbert, 1849 : Envelopper, mettre en paquet.
Embaluchonner
Vidocq, 1837 : v. a. — Empaqueter.
Delvau, 1866 : v. a. Empaqueter, faire un baluchon.
France, 1907 : Empaqueter.
Embander
anon., 1827 : Prendre de force.
France, 1907 : Prendre de force ; argot des voleurs.
Après que la Toison par eux fut embandée,
Jason à son retour l’aprit à sa Médée
Qui depuis s’en servit dans ses enchantemens ;
Hercule en ses Travaux l’employa fort longtemps,
Thésée en ses Exploits, Orphée en sa Musique
Avec utilité le mirent en pratique.
(Nicolas R. de Grandval)
Embarbement
France, 1907 : Attaque d’épilepsie.
Embarber
d’Hautel, 1808 : S’embarber. Prendre la barbe. Terme bachico-typographique, qui signifie faire débauche de vin ; se griser à perdre la raison.
La Rue, 1894 : Entrer, rentrer. Cerner.
Rossignol, 1901 : Entrer, pénétrer.
France, 1907 : Cerner.
France, 1907 : Entrer.
Embarbotter (s’)
Delvau, 1866 : S’embarrasser dans un discours, bredouiller. — Argot du peuple. On dit aussi S’embarbouiller.
Embarder
Delvau, 1866 : v. n. Tergiverser, digressionner, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine, et se rappellent combien de faux coups de barre donnés au gouvernail peuvent retarder le navire.
Virmaître, 1894 : Entrer dans une affaire (Argot du peuple).
France, 1907 : Se tromper ; argot des marins.
France, 1907 : Tergiverser, aller d’un sujet à l’autre.
Embarder (s’)
France, 1907 : Se mettre dans une affaire. Entrer quelque part : Je me suis embardé dans la carrée, je suis entré dans la chambre.
Embarquer
d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas s’embarquer sans biscuit. Pour, il ne faut rien entreprendre sans en avoir les moyens.
Embarquer sans biscuit (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Oublier l’essentiel, ne prendre aucune précaution, — dans l’argot des bourgeois, d’ordinaire prudents comme Ulysse.
France, 1907 : Se mettre en route sans prendre de précautions, partir en oubliant l’essentiel, le biscuit formant la partie principale de la nourriture du marin ou du soldat en campagne.
Embarras
d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas l’embarras. Locution adverbiale très-usitée parmi le peuple de Paris, qui l’employe à tort et à travers dans une multitude d’acceptions souvent fort contradictoires.
Ce n’est pas l’embarras, avec de l’argent on peut tout faire. Ce n’est pas l’embarras, on peut bien se passer de lui. Ce n’est pas l’embarras, il fait bien son quelque chose.
Faire son embarras. Pour, faire l’important ; faire beaucoup d’étalage pour peu de chose.
Halbert, 1849 : Drap de lit.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Grands airs, manières arrogantes, dédaigneuses, — dans l’argot du peuple. Faire ses embarras. Éclabousser ses rivales du haut de son coupé, — dans l’argot des petites dames.
France, 1907 : Drap de lit.
Embarras (mettre une fille dans l’)
France, 1907 : Faire un enfant à une fille ; argot populaire.
— Le roi David, qui était saint et avait plus de soixante ans, ne devint-il pas amoureux de la petite Abisag de Sunam, qui n’en avait que douze… Dame ! c’est écrit dans l’Ancien Testament, le livre du bon Dieu… On y voit aussi que le patriarche Abraham, à l’âge de cent ans, mit dans l’embarras sa pauvre servante Agar, qui n’en avait pas seize ! Ah ! les gueux d’hommes ! Ils ne valaient pas mieux autrefois qu’aujourd’hui.
(Hector France, Marie Queue-de-Vache)
Embarrassée
France, 1907 : Enceinte.
Madame a une très gentille petite bonne et elle s’aperçoit un beau matin qu’elle est dans une situation très… embarrassée.
Or madame est certaine que son mari n’est point étranger à l’embonpoint insolite de la jeune paysanne.
— Je vous donne vos huit jours ! lui dit-elle ; pour ce que vous faites ici, je le ferai bien moi-même !
(Gil Blas)
Embarrasser
d’Hautel, 1808 : On dit trivialement d’une femme qui est dans les premiers mois de sa grossesse, qu’elle est embarrassée.
Embau
Fustier, 1889 : Embauchage. Argot des ateliers.
Vous savez bien, aux environs de l’Hôtel de Ville, là où il y a de si grandes places que les ouvriers sans travail arrivent à s’y tasser, attendant l’embau.
(Cri du Peuple, août 1884)
Embauche
Fustier, 1889 : Travail, ouvrage, emploi quelconque. Terme populaire. Pourquoi avoir laissé tomber dans le bas langage ce mot parfaitement usité au XVIIe siècle ?
Viens avec moi ; mon frère a un peu de galette ; nous le taperons de quelques ronds et nous irons chercher de l’embauche.
(Gagne-petit, avril 1886.)
France, 1907 : Engagement d’un salarié pour un travail quelconque ; abréviation d’embauchage.
L’employé n’a pas la ressource de l’ouvrier apte à un métier. Quand celui-ci est mal satisfait de son salaire, quand l’ouvrage ne lui convient pas, si même il a à se plaindre du contremaître ou du patron, il plante carrément soit outil sur le sol et quitte le travail, non sans avoir lâché au nez du contremaître et du patron tout ce qu’il avait sur le cœur. Puis il s’en va, en sifflotant, les mains dans les poches, nullement inquiet du lendemain, un peu content même, se sentant très d’attaque et disant : « Demain, je retournerai à l’embauche ! »
S’il est travailleur et capable, la journée ne s’est pas écoulée qu’il a retrouvé de l’ouvrage. Les jours, les semaines, les mois peuvent se suivre dans leur sinistre queue leu leu sans que l’employé congédié puisse se caser quelque part. Ici on n’a besoin de personne ; là il est trop jeune, plus loin on le trouve trop âgé. Ailleurs on renvoie du monde au lieu d’en prendre, car les affaires ne vont pas. Elles ne vont jamais, les affaires, quand l’employé cherche du travail.
(Edmond Lepelletier)
Embaucher
Boutmy, 1883 : v. a. Admettre un compositeur dans un atelier.
Embauder
Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Prendre de force.
Delvau, 1866 : v. a. Prendre de force, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Violenter, prendre de force, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Violenter, prendre de force.
Virmaître, 1894 : Voler de force, d’autorité. Il est évident que personne ne se laisse voler de bonne volonté, mais il est les voleurs qui reculent levant l’emploi de la force. Embauder : signifie voleur que rien n’arrête, pas même la police et qui assassine à l’occasion (Argot des voleurs).
France, 1907 : Prendre de force. Être prêt à tout pour voler, même à l’assassinat. Corruption du vieux français emblauder, voler.
Embaumé
Fustier, 1889 : Jeune homme élégant dans le jargon parisien. L’embaumé est le descendant direct du faucheur qui, lui-même, succédait au bécarre qui descendait des boudinés, grelotteux et autres pschutteux. Embaumé qui donnait assez bien l’idée du jeune élégant pommadé, mais exsangue, fit fureur pendant la saison d’été 1885-1886 et a été détrôné à son tour par de nouveaux vocables.
De la Bastille à la Madeleine, l’embaumé règne en maître absolu.
(Voltaire, décembre 1885.)
Embaumé (vieil)
France, 1907 : Vieux fou.
Embaumer
d’Hautel, 1808 : Embaumer quelqu’un. Pour dire le tromper ; l’entraîner par des paroles artificieuses ; lui excroquer son argent.
Embaumeur
d’Hautel, 1808 : Charlatan, séducteur, trompeur ; homme qui, comme on dit, a la langue dorée.
Embéguiner
d’Hautel, 1808 : Se couvrir la tête de quelque chose ; s’enticher de quelqu’un ; et non embéguigner, comme on prononce communément.
Embéguiner (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’éprendre d’amitié pour un homme ou d’amour pour une femme, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Se prendre d’une affection déraisonnable pour quelqu’un-
La pauvre Reine embéguinée
Des rapes qualités d’anée,
Sur lui de grabat à grabat
Décoche quantité l’œillades…
Lui qui n’est pas un innocent,
Pour une en rend un demy cent.
(Scarron, Virgile travesti)
Embellir
d’Hautel, 1808 : Cela ne fait que croître et embellir. Se dit de tout ce qui vient à bien, qui se perfectionne ; et aussi ironiquement pour exprimer que quelque chose va de mal en pis.
Emberlificoter
Delvau, 1866 : v. a. Embarrasser, gêner, obséder, entortiller. S’emberlificoter. Se troubler dans ses réponses, s’embarrasser dans un discours, comme dans un piège.
Rigaud, 1881 : Entortiller, embrouiller, embarrasser. Avec tous vos raisonnements, vous cherchez à m’emberlificoter, vous. (Jargon des bourgeois.)
France, 1907 : Embarrasser, gêner.
Emberlificoter (s’)
France, 1907 : S’embarrasser, se troubler.
Oh ! il est dur à vivre, ce siècle, très dur, mais qu’il est clair, ou du moins qu’il le serait, s’il ne s’embarrassait point encore dans sa marche de quelques anciens principes retardataires où l’âme de la race s’emberlificote ! Doit et avoir, offre et demande, crédit, faillite, commission, comme tous les mots de son verbe sont limpides !
(Émile Bergerat, Le Journal)
Emberlificoteur
Delvau, 1866 : s. m. Homme rusé, qui sait entortiller son monde.
France, 1907 : Homme rusé qui vous entortille par des promesses et de belles phrases.
Emberlucoquer
d’Hautel, 1808 : Verbe qui ne s’emploie qu’avec le pronom personnel (s’).
Le peuple se sert de ce verbe pour, se coiffer d’une opinion quelconque, s’en préoccuper tellement qu’on en juge aussi mal que si on avoit la berlue. ACAD.
France, 1907 : Embarrasser par des propos. Vieux mot.
Le divin Pantagruéliste trouva le bon monsieur le Pape en esclatante humeur de rire ; mais l’ancien jocqueteur de psaumes en françois point refrenna sa langue… menant un gallant trac de beuverie, s’accompagnant de la panse non moins que de la gueule, mocquant, emberlucoquant et équivocquant, il ne fit rire qu’à rebours cardinaulx et prêtres…
(Variétés bibliographiques)
Emberlucoquer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’enticher d’une chose ou de quelqu’un, s’attacher à une opinion sans réfléchir, aveuglément, comme si on avait la berlue. L’expression se trouve dans Rabelais sous cette forme. Hauteroche a dit Embrelicoquer, et Chateaubriand Emberloquer.
Emberluquoter (s’)
France, 1907 : Même sens que s’embéguiner. Le mot est vieux et se trouve dans Rabelais.
Emberquiner
France, 1907 : Ennuyer quelqu’un par des histoires ou des romans d’une puérile et fade moralité comme ceux qu’écrivait le fameux Berquin à l’usage de la tendre jeunesse, d’où berquinades passé dans la langue.
Quand les bas-bleus ne font pas de pornographie par crainte de la correctionnelle, elles emberquinent les populations.
Embesogné
d’Hautel, 1808 : Être embesogné. Avoir beaucoup de besogne ; être pressé par l’ouvrage, avoir des affaires par-dessus les yeux.
France, 1907 : Occupé.
Embêtement
Delvau, 1866 : s. m. Contrariété, ennui, — dans l’argot des bourgeois, qui ne veulent pas employer le substantif poli des gens Bien élevés et n’osent pas employer le substantif énergique des faubouriens.
Embêter
d’Hautel, 1808 : Verbe populaire qui signifie, ennuyer, impatienter, obséder.
Embêter quelqu’un. Signifie aussi le cajoler ; l’entraîner par des paroles séduisantes et trompeuses à faire ce que l’on désire.
S’embêter. Ne savoir que faire ; se déplaire en un lieu, en un endroit quelconque.
On dit d’une fille qui a prêté l’oreille à des propos, galans, et dont on a abusé, qu’elle s’est laissé embêter.
Delvau, 1866 : v. a. Obséder quelqu’un, le taquiner. S’embêter. S’ennuyer. S’embêter comme une croûte de pain derrière une malle. S’ennuyer extrêmement.
Embêter (ne pas s’)
Rigaud, 1881 : Ne pas être gauche, emprunté ; savoir tirer parti de tout.
Embêter (ne pas se laisser)
Rigaud, 1881 : Ne se laisser ni influencer, ni intimider.
Embistrouiller
France, 1907 : Embarrasser.
La politique c’est tout l’opposé du socialisme ; c’est l’art d’embistrouiller le populo, de lui faire avaler des couleuvres, de le mener par bout du nez, de l’abrutir, de le mater s’il se rebiffe… tout ça s’exprime d’un seul mot, gouverner.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Emblée
d’Hautel, 1808 : Ça y est d’emblée. Pour exprimer que l’on est certain du succès d’une affaire ; qu’un dessein prémédité a reçu son exécution.
Emblème
Larchey, 1865 : Mensonge, conte fait à plaisir. — Terme ironique inventé sans doute par un ennemi de l’allégorie mythologique dont le peuple comprend mal les finesses. —
Voyez quel emblème ! Sa nièce d’Angoulême Nous met tous à même.
(Decourcelle, 1832)
Emblêmir : Tromper (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Tromperie, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Tromperie. Une peinture allégorique était appelée autrefois emblémature.
Emblême
Vidocq, 1837 : s. f. — Tromperie.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Emblémer
Delvau, 1866 : v. n. Tromper.
Rigaud, 1881 : Tromper.
La Rue, 1894 : Tromper. Des emblèmes ! des mensonges !
France, 1907 : Tromper.
Emblêmer
Vidocq, 1837 : v. a. — Tromper.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Emblèmes (des)
France, 1907 : Expression d’incrédulité, synonyme de : Des dattes ! Casser des emblèmes, mentir.
Emblèmes (des) !
Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot des faubouriens, — pour se moquer de quelqu’un qui se vante, qui ment, ou qui ennuie.
Rigaud, 1881 : Des mensonges !
Emblémir
France, 1907 : Tromper, mentir.
Embler
d’Hautel, 1808 : Il n’est larron que larron n’emble. Ancien proverbe maritime, qui se dit quand un corsaire en dépouille un autre.
Embobiner
Delvau, 1866 : v. a. Circonvenir, enjôler, — dans l’argot du peuple. On disait autrefois, et on dit quelquefois encore aujourd’hui, Embobeliner.
Hayard, 1907 : Circonvenir, entraîner.
Embobiner, embobeliner
France, 1907 : Enjôler, circonvenir.
Emboiser
d’Hautel, 1808 : Tromper, abuser de la bonne foi de quelqu’un ; le caresser ; l’enjôler ; s’emparer de son esprit ; s’en rendre le maître absolu.
Il s’est laissé emboiser. Pour, il s’est laissé gagner ; attraper.
Emboiseur
d’Hautel, 1808 : Enjôleur, attrapeur, homme exercé dans les retours de la charlatannerie, et qui ne cherche qu’à faire des dupes.
Emboiseur, emboiseuse
France, 1907 : Affiliés de bande de voleurs, chargés d’attirer les dupes en des guets-apens.
Je parlais ce jour-là de régler nos Finances :
Nous étions fort chargés, nos frais étoient immenses.
Faux frères dans le guet, receleurs, espions,
Emboiseuses, mangeoient de grosses pensions ;
Aucun ne nous faisoit quartier d’une minute ;
Aussi n’avions nous point avec eux de dispute,
On les payoit recta.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Emboîtage
Hayard, 1907 : Admonestation, aller en prison.
Emboîté
Hayard, 1907 : Suivi et arrêté. Mis à la « boîte ».
Emboîté (il est)
Virmaître, 1894 : Suivi ou arrêté. On emboîte le pas à quelqu’un pour le suivre sans le perdre. Être emboîté dans une affaire. Emboîté, embauché ; mot à mot : entrer dans la boîte.
— Je vais t’emboîter (te battre) (Argot du peuple). N.
Emboîter
Rigaud, 1881 : Constituer le point de dix ou de vingt, au moyen d’une carte tirée, — dans le jargon des joueurs de baccarat. — Exemple : un sept sur un trois, un huit sur un dix et un deux. Être emboîté, avoir pris au tirage une carte qui constitue le point de dix ou de vingt, c’est-à-dire baccarat, zéro, le plus mauvais point.
Rigaud, 1881 : Donner un coup de poing, — dans le jargon des barrières.
Rigaud, 1881 : Gagner les bonnes grâces de quelqu’un, l’engager à faire quelque chose en votre faveur, — dans le jargon du régiment. Y a pas moyen de s’emboîter pour t’en faire payer pour deux sous.
Fustier, 1889 : Insulter. — Se faire emboîter, argot théâtral, être sifflé.
Rossignol, 1901 : Un soldat emboîte le pas à celui qui est devant lui. Emboîté veut aussi dire être puni, mis à la boîte (salle de police). Celui qui reçoit des reproches de son chef se fait emboîter.
France, 1907 : Injurier ; argot des coulisses.
France, 1907 : Serrer de près.
Un sous-lieutenant accablé de besogne
Laissa sa femme emboîtant le pas ;
Elle partit seule pour le bois de Boulogne
Elle s’en revint un dragon sous le bras.
(Vieille chanson)
Emboucaner
Rigaud, 1881 : Sentir mauvais.
La Rue, 1894 : Puer. Agacer, irriter. S’emboucaner, s’ennuyer.
Rossignol, 1901 : Puer, sentir mauvais.
France, 1907 : Ennuyer, agacer.
France, 1907 : Sentir mauvais, puer le bouc.
Elle (Jeanne d’Arc) devait avoir, non le roseau que les sculptures nous montrent, mais une épée pesante, de trente livres, suspendue à son poing paysan. Aucune étoffe de soie : la bure des moines. Rien des parfums qui amollissent ; emportée à grand galops fous, l’aisselle ruisselante sous ses rouges bras tournoyants, elle devait emboucaner, puer l’action, rouler autour d’elle l’épaisse odeur enivrante d’un sexe vierge et des militaires fatigués.
(Georges d’Esparbès)
Emboucaner (s’)
Fustier, 1889 : S’ennuyer. Argot des voyous.
Embouché (bien ou mal)
Delvau, 1866 : adj. Homme poli ou grossier, — dans l’argot des bourgeois.
Embouché (mal)
France, 1907 : Individu grossier et mal élevé.
Emboucher
d’Hautel, 1808 : Emboucher quelqu’un. Pour dire, l’instruire des circonstances d’une affaire.
On dit d’un homme grossier, ignorant, et qui n’ouvre la bouche que pour dire des injures, qu’il est mal embouché.
Embourber
d’Hautel, 1808 : S’embourber dans une mauvaise affaire. S’y jeter inconsidérément ; à corps perdu.
Embrassade (le vol à l’)
Virmaître, 1894 : Le voleur feint de reconnaître un ami dans un homme qui vient de faire un encaissement ; il se jette dans ses bras et l’embrasse chaleureusement. En un tour de main il lui vole son portefeuille ou son porte monnaie : il s’excuse de l’erreur qu’il a commise grâce à une ressemblance extraordinaire, puis il file lestement. Ce coup s’exécute aux environs de la Banque de France et des grandes maisons de crédit (Argot des voleurs).
Embrasser
d’Hautel, 1808 : S’embrasser comme du pain. S’embrasser mutuellement ; avec amour et tendresse.
Qui trop embrasse mal étreint. Proverbe qui signifie que l’on réussit rarement quand on entre prend trop de choses à la fois.
Embrener (s’)
d’Hautel, 1808 : Se salir ; se gâter de matières fécales.
Qu’avoit-il besoin de s’embrener dans cette affaire ? Pour dire, qu’avoit-il besoin de s’employer, etc.
On dit habituellement emberné, ce qui selon quelques auteurs, est seul françois.
Delvau, 1866 : Se couvrir les doigts ou les vêtements d’ordures, — dans l’argot du peuple. Par extension, s’engluer.
Embrocher
d’Hautel, 1808 : Passer une épée à travers le corps ; attirer quelqu’un dans un panneau ; le tromper.
Il s’est fait embrocher. Pour, il s’est fait tuer.
Delvau, 1866 : v. a. Passer son épée ou sa baïonnette au travers du corps, — dans l’argot des troupiers. Se faire embrocher. Se faire tuer.
France, 1907 : Traverser quelqu’un an moyen d’une arme tranchante. Faire l’acte vénérien.
Parmi ces souvenirs, ceux qui le lancinaient tout particulièrement et d’une pointe supérieure aiguë, c’était certaines aventures où, — par une defaillance subite d’un tempérament trop nerveux, un peu timide, — il était demeuré inactif et ridicule, quand il eût fallu tout embrocher, ou, pour le moins, tout avaler.
(Maurice Montégut, Gil Blas)
Embrocher une femme
Delvau, 1864 : La baiser, se servir du membre viril comme d’une broche pour l’exposer au feu qui moult arde.
Une dame allant dans son coche
Aux champs avecque son amant,
Hors du faubourg il vous l’embroche.
(Cabinet satyrique)
Mais quand ce vient à l’embrocher,
Son outil ne peut se dresser.
(Recueil de poésies françaises)
Et de si près il s’approcha,
Qu’amoureusement l’embrocha.
(Théophile)
Embrouillamini
Delvau, 1866 : s. m. Confusion de choses ou de mots, — embrouillement. Voilà un des mots de notre langue qui ont le plus perdu en grandissant et se sont le plus corrompus en vieillissant. L’auteur du Code orthographique, — fort bon livre d’ailleurs, — prétend qu’il ne faut pas dire embrouillamini, parce que ce mot n’est pas français, mais bien brouillamini, — qui n’est pas plus français, j’ai le regret de le déclarer à M. Hétrel et à l’Académie, son autorité. On a commencé par dire Bol d’Arménie, et le bol d’Arménie était un remède de cheval fort compliqué, fort embrouillé ; de Bol d’Arménie on a fait Brouillamini, puis Embrouillamini : Molière a employé le premier dans son Bourgeois Gentilhomme, et Voltaire s’est servi du second dans sa Lettre à d’Argental. Maintenant, Voltaire et Molière écartés, comment le peuple dit-il, lui, — puisque c’est le Dictionnaire du peuple que je fais ici ? Le peuple prononce Embrouillamini. Cela me suffit.
Embrouillamini du diable. Confusion extrême, embarras dont on ne peut sortir.
France, 1907 : Voir Brouillamini.
Embrouillarder (s’)
Rigaud, 1881 : Sentir les premières vapeurs alcooliques monter au cerveau.
France, 1907 : S’enivrer.
Embrouille ! (ni vu ni connu, je t’)
France, 1907 : Expression signifiant que l’on vient de faire quelque chose dont personne ne s’est aperçu.
Embrouille (ni vu, ni connu ! Je t’)
Larchey, 1865 : Locution placée ordinairement à la fin d’un récit pour peindre la rapidité d’un acte et la difficulté de l’expliquer. V. d’Hautel.
Embrouiller
d’Hautel, 1808 : Ni vu ni connu j’t’embrouille. Locution bouffone ; refrain satirique, pour dire qu’à force de ruse on est parvenu à duper, tromper, friponner quelqu’un, et sans qu’il s’en soit aperçu.
Embrouiller (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Commencer à ressentir les atteintes de l’ivresse, — dans l’argot des ouvriers. Ils disent aussi S’embrouillarder.
France, 1907 : Même sens que s’embrouillarder.
Embroussaillés
France, 1907 : Cheveux emmêlés, mal peignés.
Embu
Delvau, 1866 : s. m. Tache à un tableau ; ton terne, crasseux, — dans l’argot des artistes.
France, 1907 : Ton terne ; argot des peintres.
Embuffler
d’Hautel, 1808 : Synonyme d’Emboiser. Voyez ce mot.
Embusqué
Fustier, 1889 : Argot militaire. Soldat dispensé, en raison de fonctions spéciales, du service commun.
Pas plan de carotter la revue, tous les embusqués, soldats de cantine, garçons du mess, secrétaires du major, tout le monde est là.
(Monde comique, no 195.)
Embusquer (s’)
France, 1907 : Esquiver un exercice ou une corvée sous le prétexte d’un devoir à remplir.
Éméché
Larchey, 1865 : Ivre. — Allusion à l’air échevelé des ivrognes.
Quand je rentre un peu éméché après minuit, elle me dit : La cruche est dans le coin.
(Monselet)
Rossignol, 1901 : Légèrement pris de boisson.
Eméché (être)
Rigaud, 1881 : Éprouver les premiers effets de l’ivresse.
Hayard, 1907 : Avoir bu un petit coup de trop.
Éméché (être)
Virmaître, 1894 : N’avoir pas assez bu pour être pochard mais suffisamment pour avoir une légère pointe ; être allumé. Allusion à la rougeur du visage (Argot du peuple).
France, 1907 : Être gris.
L’artiste voulant croquer sur le vif un de ces types qu’il a rendus célèbres, alla au Vieux-Chêne, mais auparavant, après un diner largement arrosé, il fit de nombreuses stations dans différents cafés et, comme il adorait le champagne et que La rue Mouffetard est loin du boulevard Clichy, il arriva absolument éméché.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Zinque, joliment éméché aussi, avait roupillé à midi pendant une demi-heure. Puis on avait rigolé à dire des blagues, et comme elle insistait pour savoir quelles blagues, il eut une pudeur. Pour ça non, c’était des choses qui se disent entre hommes, mais que les femmes ne doivent pas entendre.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Quand je rentrais le soir un peu… éméchée, il arrivait, il me flairait avec ses moustaches hérissées, et comme il n’aimait pas l’odeur de la boisson, je ne le voyais plus pendant deux jours… sans doute que je lui avais collé une beigne un soir d’absinthe, mais quand il me sentait à jeun… Ah ! alors c’était la grande rigolade !… il était si content qu’il grimpait dans les rideaux. Et qu’il dégringolait en cassant des cuvettes !… M’en a-t-il coûté de la vaisselle !
(Louise France, Gil Blas)
Émécher (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se griser, être sur la pente de l’ivresse, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Se griser.
Émécheur de parties
Fustier, 1889 : Certains fondateurs de cercles ou maisons de jeux réunissent un capital qui leur sert à spéculer sur les petits pontes qu’ils gagnent presque toujours. En argot des joueurs, on nomme ceux qui se livrent à des opérations de ce genre des voraces ou des émécheurs de parties.
France, 1907 : Grec qui fonde un cercle pour spéculer sur les petits joueurs. On dit aussi dans le même sens : vorace.
Émérillionner (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’égayer en buvant et s’empourprer la face en s’allumant les yeux. — Argot du peuple.
Émerillonner (s’)
France, 1907 : Être dans un état voisin de l’ivresse. On a en ce moment l’œil vif comme le petit faucon nommé émerillon.
— Oui, tu m’as friponné
Mon cœur infriponable, œil émerillonné.
(Scarron)
Emfarfouiller (s’)
France, 1907 : Se tromper, s’empêtrer.
« Ne nous emfarfouillons pas dans les feux de file. » Ne nous embrouillons pas, revenons à notre affaire.
Émigrant
France, 1907 : Sorte de jeu de salon à l’époque de la Révolution, qui se composait d’un disque de buis poli.
Émigré de Gomorrhe
Rigaud, 1881 : Homme dépravé comme on l’était à Gomorrhe, aux temps bibliques.
Émigre de Gomorrhe ou de Sodome
France, 1907 : Pédéraste.
Émile
Delvau, 1864 : Nom donné aux pédérastes que précédemment l’on appelait Tantes (V. ce mot). Les Émiles étaient en société, à Paris, en 1864. Leurs statuts ont été imprimés. La police, avertie de ces réunions, y fit une descente et fit fermer un établissement de marchand de vins de la Barrière de l’École, où ils se réunissaient. De hauts fonctionnaires furent compromis. Une chanson fut faite à cette occasion. Les patients s’habillaient en femme pour recevoir leur Émile. — Un dessinateur avait consenti à reproduire les poses lubriques de toutes ces scènes de sodomie.
Extrait d’une lettre du baron de Heeckeren, sénateur, saisie : « … Je ne pourrai venir à la réunion qu’à minuit, réservez-moi Dupanloup… »
— Duc de Mouchy. Jeune attaché d’ambassade, très connu pour ses goûts non-conformistes…, comme patient… S’habille ordinairement en femme, — Général d’Herbillon (Émile), général de division et sénateur.
Étaient encore acteurs dans la pièce : — Duc de Valmy, secrétaire d’ambassade. — Davilliers (J.-P.-E.), chef du deuxième bureau, première division, ministère de la guerre. Lieutenant d’état-major. Proxénète et mignon. On faisait des cancans sur lui dans son bureau ; indigné de bruits qui ternissaient son honneur, il fut s’en plaindre à son protecteur, le général Castelnau, chef de sa division au ministère. Le général, qui ne voulait pas que son protégé eût la réputation d’une putain, lui promit de faire cesser les bruits qui couraient. Il pria le préfet de police de faire use enquête ; pour toute réponse, le préfet lui montra une photographie représentant son protégé dans l’exercice de ses fonctions.
Plusieurs dénonciations étaient arrivées à la préfecture de police ; la plus drôle est celle d’un propriétaire qui, voyant arriver une masse de soldats dans la maison folichonne, et apprenant qu’on y avait apporté des uniformes de préfets, de sénateur, d’évêques, crut à un complot et en écrivit à la préfecture.
(La Sultane Rozréa, p. 21.)
France, 1907 : Souteneur ; pédéraste.
Emmailloter
France, 1907 : Duper. Emmailloter un môme, préparer un vol. On dit aussi dans ce sens : nourrir un poupard.
Emmailloter un môme
Virmaître, 1894 : Combiner un vol. C’est une redondance de nourrir un poupard (Argot des voleurs).
Emmaillotter un môme
Rigaud, 1881 : Combiner un vol. C’est la variante de nourrir un poupard.
Emmanché
Rigaud, 1881 : C’est l’équivalent d’empoté, de maladroit, — dans le jargon du peuple. Il ne bouge pas plus qu’une lame emmanchée. C’est un emmanché. — Espèce d’emmanché, remue-toi donc !
Virmaître, 1894 : Individu qui se tient raide comme un pieu. Dans le peuple, on dit qu’il à un manche à balai de cassé quelque part. On emmanche une affaire. Emmanché se dit aussi dans une autre sens.
— J’ai emmanché la gosse (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Individu qu’un autre prend pour un balai.
France, 1907 : Garçon lent, lourd, maladroit.
Emmancher
d’Hautel, 1808 : Emmancher une affaire. La mettre sur le tapis ; entrer en négociation, en pourparlers.
On dit qu’une affaire a été mal emmanchée. Pour faire entendre qu’elle a été mal entamée conduite par des mains inhabiles.
On dit aussi d’un homme vigoureux et bien bâti, qu’il est bien emmanché.
Delvau, 1864 : Baiser, — la nature de la femme étant la manche où s’introduit le plus volontiers le petit bras, ou si l’on veut, le manche de l’homme.
Un bon garçon du village, très bien emmanché.
(Moyen de parvenir)
N’est-il pas temps que je vous emmanche ?
(B. Desperriers)
Emmancher une affaire
Delvau, 1866 : v. a. L’entamer, la commencer.
France, 1907 : Commencer une entreprise, entamer une affaire.
Emmargouillis
Rigaud, 1881 : Propos malhonnêtes, orduriers.
Aussi fallait voir comme on s’en payait des tartines et des potins, et des calomnies et des emmargouillis, contre cette loterie de malheur !
(Le Titi, 1879)
France, 1907 : Propos obscènes.
Emmastoquer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se bien nourrir, — dans l’argot du peuple, pour qui c’est une façon de devenir mastoc.
Emmécher (s’)
France, 1907 : S’enivrer. Du mot émécher.
Emmener
Rigaud, 1881 : Dénoncer. Des tronches à la manque à emmener le travailleur. De sales physionomies capables de dénoncer le voleur.
Emmerdé
Virmaître, 1894 : L’être jusqu’à la garde. N’avoir plus rien à espérer. C’est un démenti au dicton populaire qui prétend que marcher dans la merde cela porte bonheur (Argot du peuple).
Emmerdement
Larchey, 1865 : Peine, ennui. — Emmerder :
Figurément et d’une manière ignoble pour attraper, ennuyer, obséder, injurier.
(d’Hautel, 1808)
Delvau, 1866 : s. m. Profond ennui, — dans le même argot [du peuple].
Rigaud, 1881 : Ennui extrême. C’est le spleen des Français. — Emmerdement sur toute la ligne, le nec plus ultra de l’ennui.
Virmaître, 1894 : J’en éprouve un à cinquante francs par têtes. Se dit de tous les ennuis possibles. Travailler, par exemple, est un emmerdement perpétuel (Argot du peuple).
France, 1907 : Désagrément, ennui.
Emmerder
d’Hautel, 1808 : Enduire quelque chose de matière fécale.
S’emmerder ; se laisser emmerder. Figurément et d’une manière ignoble, pour se blouser ; se laisser attraper.
Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, obséder quelqu’un. Les bourgeois disent Emmieller.
Rigaud, 1881 : Ennuyer à l’excès. — Mépriser au dernier point. — Injure que le peuple a sans cesse à la bouche.
France, 1907 : Ennuyer, tracasser, obséder. On l’écrit généralement em…bêter.
Dans une dispute, ce sont toujours les gens constipés qui crient à leur interlocuteur : « Je vous em…bête ! »
(Paul Bonnetain)
— J’emmerde la Cour, je respecte messieurs les jurés.
(Victor Hugo)
Emmieller
d’Hautel, 1808 : Enduire quelque chose de miel ; et trivialement, pour ennuyer, importuner, obséder.
Tu m’emmielles. Locution très-usitée parmi le bas peuple, pour dire à quelqu’un que ses discours, ses remontrances ennuient ou déplaisent.
Larchey, 1865 : Emmerder.
M’emmiell’ra Qui voudra ! Moi, je n’m’emmielle guère.
(Valère, Chanson)
Rigaud, 1881 : C’est le mot précédent adouci. Cela se prononce : Em… m… m… ieller, en appuyant fortement sur les m, afin qu’il n’y ait pas de doute possible sur le sentiment exprimé. La variante est : Em… mener à la campagne.
France, 1907 : Euphémisme de emmerder.
Emmilliarder (s’)
France, 1907 : Devenir millionnaire.
Emmitonner
d’Hautel, 1808 : S’envelopper ; se cacher ; se serrer, se couvrir les mains.
France, 1907 : Endormir quelqu’un par des promesses.
Emmitonner quelqu’un
Delvau, 1866 : v. a. Le circonvenir, l’endormir par des promesses.
Emmitouffler
d’Hautel, 1808 : Jamais chat emmitoufflé ne prit souris. Signifie que pour faire une chose qui demande quelque liberté d’action, il faut avoir les bras et les mains entièrement libres ; ce proverbe est le même que, chat ganté n’a jamais pris de souris.
Il avoit la tête toute emmitoufflée. Pour dire entièrement enveloppée.
Le peuple dit emmistouffler.
Emmitoufler (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se couvrir de trop de vêtements, — dans le même argot [des bourgeois]. On dit aussi S’empaletoquer et S’emmitonner, dans le même sens.
France, 1907 : Se couvrir hors de propos de trop de vêtements.
Emmoutarder
France, 1907 : Euphémisme pour emmerder.
Émos
Rigaud, 1881 : Émotion.
France, 1907 : Abréviation de émotion.
Émotion inséparable
Delvau, 1866 : s. f. Cliché de l’argot des gens de lettres et de théâtre, qui sous-entendent toujours : d’un premier début.
Émoucher
d’Hautel, 1808 : Chasser les mouches. Émoucher un cheval, et non émoucheter, comme le disent habituellement les Parisiens sans instruction.
Émoussé
Fustier, 1889 : Encore un des nombreux surnoms qui ont été donnés à la fleur de nos jeunes élégants.
Quant aux jeunes étriqués, efféminés, rachitiques dérivés des grelotteux, crevés, rez-de-chaussée, ils s’appelleront désormais des émoussés.
(Voltaire, mars 1887.)
Émoustiller
d’Hautel, 1808 : Émoucher, chasser les mouches.
S’émoustiller. S’agiter, se remuer, sauter, danser ; se jeter à corps perdu dans les plaisirs ; rappeler en soi les idées de bravoure, de fermeté et de courage.
Delvau, 1866 : adj. Aiguillonné, égayé, éveillé, — dans l’argot du peuple, qui connaît l’effet du vin doux, du moût (mustum).
Émoustiller (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se remuer, changer de place.
Émouver (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se remuer, s’agiter, s’empresser, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (emovere).
France, 1907 : Se remuer, s’agiter. Vieux mot ; du latin emovere.
Empaffe
Larchey, 1865 : Drap de lit (Vidocq). — Il est à remarquer que paffe veut dire aussi soulier. Appliqué à des objets différents, ce même mot semble être un essai d’harmonie imitative. On a voulu indiquer l’action de se jeter sur le lit ou d’entrer son pied d’un seul coup dans de gros souliers.
Rigaud, 1881 : Drap de lit, — dans l’ancien argot.
Empaffe, empave
La Rue, 1894 : Drap de lit.
Empaffer
Larchey, 1865 : Enivrer. V. Paf.
Rigaud, 1881 : Griser ; c’est un dérivé de paf.
France, 1907 : Enivrer.
Empaffer (s’)
d’Hautel, 1808 : Se gorger de viandes ; se soûler, faire débauche de vin.
Il est joliment empaffé. Pour, il est complètement ivre.
Empaffes
Ansiaume, 1821 : Draps de lit.
Il l’a abatu et laissé dans ses empaffes, grinchi la malouse et rebridé la lourde.
Vidocq, 1837 : s. m. — Draps de lit.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Draps de lit, — dans l’argot des voleurs. V. Empave. Ils disent aussi Embarras, — parce qu’en effet il leur est assez difficile de les emporter.
France, 1907 : Draps de lit ; argot des voleurs.
Empaillé
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme sans valeur, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent souvent aussi : Il est à empailler !
Rigaud, 1881 : Homme gauche.
Virmaître, 1894 : Imbécile qui ne remue pas plus que s’il était empaillé dans une vitrine du Musée zoologique (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Imbécile, bon à rien.
Hayard, 1907 : Naïf, simple.
France, 1907 : Homme lent, lourd, de peu d’intelligence et de peu d’énergie.
Empaouteau
France, 1907 : Épouvantail ; mannequin pour effrayer les oiseaux.
Empaumer
d’Hautel, 1808 : Enjôler, emboiser, amadouer quelqu’un ; se rendre maître absolu de son esprit ; abuser subtilement de sa bonne foi.
Empaumer une affaire. En saisir tous les détails avec adresse et habileté.
Empaumer la parole. S’en emparer d’autorité.
Delvau, 1866 : v. a. Circonvenir ; tromper, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce verbe à Corneille.
France, 1907 : Tromper.
— Tu vas te mettre un chapeau… Ta robe est très bien, t’as l’air d’une petite ouvrière endimanchée, c’est tout ce qu’il faut et tu feras le boulevard Beaumarchais, depuis la place jusqu’au Cirque d’Hiver, côté droit. Y a que celui-là de bon… Tu ne diras rien à personne. Mais t’es sûre de te faire raccrocher par un bourgeois du Marais… Plus il sera vieux, mieux ça vaudra. Aves ces gens-là, faut avoir l’air timide… Tu raconteras que tu t’es sauvée de chez toi parce que ton père te battait… que c’est la première fois que tu sors… pour une fois, tu ne mentiras pas et tu verras l’effet… Ces gens-là, ça paye toujours bien, parce que ça a peur de se faire remarquer et c’est trop bête pour être exigeant… Tu seras tout de suite à l’aise avec ces clients-là… Ne te laisse pas empaumer par un jeune, ça serait un lapin, il n’y a que des calicots par là…
(Oscar Méténier, Madame La Boule)
Empaumeur
d’Hautel, 1808 : Homme artificieux et trompeur dont les paroles sont mielleuses et sucrées, ou brusques et choquantes, selon qu’il convient aux circonstances.
Empave
anon., 1827 : Drap du lit.
Bras-de-Fer, 1829 : Draps du lit.
Halbert, 1849 : Drap du lit, carrefour.
Delvau, 1866 : s. f. Carrefour, pavimentum, — dans l’argot des voleurs. Quelques Gilles Ménage de Clairvaux veulent que ce mot, au pluriel, signifie aussi Draps de lit. Dont acte.
Hayard, 1907 : Drap de lit.
France, 1907 : Carrefour. Du latin pavimentum.
France, 1907 : Drap de lit.
Empaves
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Draps de lit.
Virmaître, 1894 : Drap de lit.
— Je vais m’empaver dans mon pieu (Argot des voleurs). N.
Empêcher
d’Hautel, 1808 : Il est bien empêché de sa personne. Pour, il est bien embarrassé ; il ne sait quelle contenance tenir.
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.
Et pendant que je suis avec l’un empêchée,
L’autre attend sans mot dire, et s’endort bien souvent.
(La Fontaine)
Empêcheur de danser en rond
Delvau, 1866 : s. m. Gêneur, — dans l’argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Importun ; celui qui vient, mal à propos, se mêler à une conversation, troubler une réunion intime. — Allusion à la défense faite, — sous la Restauration, par les curés de campagne, — de danser en plein air.
France, 1907 : Gêneur, puritain. Individu qui veut empêcher les autres de s’amuser, comme le curé de village dont parle Paul-Louis Courier, qui voulait empêcher ses ouailles me danser sur la place de l’église.
La belle-mère, une vieille empêcheuse de danser en rond, s’en aperçut et fit une vie de patachon.
(Gil Blas)
Un beau jour, le mari, pris de vertige, se décide à jouer le rôle d’empêcheur de danser en rond.
— Hé ! Là ! Monsieur le commissaire ?
— On y va.
Et ça y est. La petite femme surprise en adultère est bouclée : en route pour Saint-Lazare.
(Marco, Le Journal)
Empereur
Rigaud, 1881 : Vieux soulier. Les empereurs sont des souliers lamentables achetés chez un savetier, près des Halles, surnommé « le père l’Empereur » par MM. les chiffonniers, dont il est le fournisseur ordinaire. Chez le père l’Empereur, les sous valent des francs. Ainsi, quand un client demande le prix d’une paire de souliers et que le père l’Empereur répond : douze francs, le client donne douze sous sans hésiter.
France, 1907 : Vieux soulier. D’après Rigaud, ce serait le nom d’un savetier des Halles.
Empeser
d’Hautel, 1808 : Il a l’air empesé. Pour, il a l’air gauche ; il a un maintien roide et affecté.
Empétarder
Rigaud, 1881 : En user comme Jupiter envers Ganymède, comme Phœbus contre Hyacinthe, Achille sur Briséïs, Pompée sur Julie.
Empêtrer
d’Hautel, 1808 : S’empêtrer d’une mauvaise affaire. Pour, s’engager, s’embarrasser dans une mauvaise affaire.
Il a l’air tout empêtré. Pour, il a l’air embarrassé, décontenancé ; il ne sait ou mettre ses mains.
Empêtrer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’embarrasser dans une affaire, sans savoir comment en sortir. — Argot des bourgeois.
Empiauler
Hayard, 1907 : Emménager.
Empiergeonner
Fustier, 1889 : S’empêtrer. (Richepin)
France, 1907 : S’embarrasser, s’embrouiller, s’empêtrer.
Ah ! ah ! l’amant qu’était point brave,
Laissa Margot avé l’Frisé.
Oh ! oh ! l’Frisé, mâchant d’la bave,
Tira son eustach’ raiguisé,
Margot, dans sa cotte et ses bas
S’empiergeonnant là-bas, là-bas.
(Jean Richepin)
Empierger
France, 1907 : Même sens que ci-dessus, de empiéger, être pris dans un piège. S’empierger dans des réponses.
Empiffrage
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Gloutonnerie.
Empiffrer
Virmaître, 1894 : Manger comme un cochon (Argot du peuple).
Empiffrer (s’)
d’Hautel, 1808 : Manger avec voracité, à la manière des goinfres et des dindons.
Il s’est empiffré d’une bonne manière. Pour, il s’en est mis jusqu’au nœud de la gorge ; il en a pris à regorger.
Delvau, 1866 : v. réfl. Manger gloutonnement, comme un animal plutôt que comme un homme, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis longtemps.
Rigaud, 1881 : Mettre les bouchées doubles. C’est faire passer les bouchées sous le pif, avec autant de promptitude qu’un prestidigitateur fait passer la muscade.
Hayard, 1907 : Manger avec gloutonnerie.
France, 1907 : Manger et boire gloutonnement.
Le vrai restaurant de nuit, comme l’ont connu nos pères, tend de plus en plus à disparaître. Les jeunes gens de notre époque, pour singer leurs aînés, ont trouvé à remplacer le cabinet particulier, le vrai café de nuit, par le bouge et la taverne. Où l’on riait jadis, on hurle ; où l’esprit français pétillait dans les flots du champagne, on jette à présent les éclats d’une blague indécente dans un salicylate malsain. Le niveau moral s’abaissant, les gentilshommes ont fait place aux rastaquouères, les grisettes aux prostituées. On ne se grise plus, on s’empiffre.
(La Nation)
On lui offrait un bock ou une grenadine ou une pièce de quarante sous ; et les amants partis, comme elle voulait du plaisir et que les messieurs la dédaignaient, elle s’enfonçait vers des nocturnes de qualité inférieure. Là-bas, un terrassier où un maçon en bordée l’invitait à partager le saladier des fiançaillés, et elle ronflait entre les bras de l’homme, dans un garni lointain, au Tigre-qui-Pelote ou au Matelas-Épatant.
Dès midi, elle courait à la maison de la Belle déjà veuve du citoyen : elle y trouvait les restes d’une orgie, s’empiffrait de foie gras, se grisait de champagne, dénichait une ancienne robe, un vieux corset, un vieux chapeau, de vieilles bottines, — et, le soir, elle recommençait le lamentable esclavage.
(Dubut de Laforest)
Empiffrerie
Delvau, 1866 : s. f. Gloutonnerie.
France, 1907 : Gloutonnerie.
Empilage
France, 1907 : Tricherie.
Empiler
Rossignol, 1901 : Tromper. Celui qui dans un partage n’a pas eu ce qui lui revenait, s’est fait empiler.
Hayard, 1907 : Duper, voler.
France, 1907 : Tricher au jeu.
Empioler
Delvau, 1866 : v. a. Enfermer, mettre en piole, dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Enfermer. Mettre dans la piole ; argot des voleurs.
Empioller
un détenu, 1846 : S’assembler, se réunir, s’enfermer.
Empirer
d’Hautel, 1808 : Aller de plus mal en plus mal ; le peuple ajoute à ce verbe la particule réduplicative, et dit r’empirer.
Emplanquer
Rigaud, 1881 : Arriver, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Arriver.
Emplâtre
d’Hautel, 1808 : Où il n’y a point de mal, il ne faut point d’emplâtre. Signifie que quand on se porte bien, il est inutile de prendre des médicamens.
C’est un vrai emplâtre ; un pauvre emplâtre. Se dit d’une personne sans vigueur, sans capacité, d’un homme valétudinaire et rempli d’infirmités. Le peuple fait ce mot féminin, et dit une emplâtre.
Vidocq, 1837 : s. f. — Empreinte.
Larchey, 1865 : Empreinte (Vidocq). Allusion à la couche de cire molle sur laquelle est prise l’empreinte.
Delvau, 1866 : s. m. Empreinte, — dans l’argot des voleurs, qui se garderaient bien d’en prendre avec du plâtre (comme l’insinue M. Francisque Michel) et qui se servent au contraire de substances molles, ou se malaxant entre les doigts, collant enfin (ένπλάσσω) comme la cire, la gomme-résine, etc.
Delvau, 1866 : s. m. Homme sans énergie, pusillanime, qui reste collé en place, sans pouvoir se décider à bouger. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Empreinte à la cire.
Rigaud, 1881 : Portée de cartes dont se servent les tricheurs. Faire un emplâtre ou placard, placer une série de cartes dans un ordre déterminé. Les grecs cachent l’emplâtre dans une tabatière à double fond, sous l’aisselle. Au lansquenet et au baccarat, choisissant le moment propice, le tricheur place adroitement l’emplâtre sur le paquet de cartes qu’il tient ostensiblement à la main. Il faut se méfier d’un individu qui tire de sa poche soit son mouchoir, soit sa tabatière ou tout autre objet en gardant les cartes à la main. Il faut surveiller également celui qui, ayant posé les cartes sur le tapis, les couvre un instant avec une tabatière. Il y a cent à parier contre un que la tabatière est à double fond. Le double fond recèle un emplâtre que la pression du doigt fera descendre sur le paquet de cartes.
La Rue, 1894 : Empreinte (d’une clé, d’une serrure) à la cire. Portée de cartes à l’usage des grecs.
France, 1907 : Cravate longue.
France, 1907 : Empreinte à la cire d’une serrure ; argot des voleurs.
France, 1907 : Paquet de cartes préparé pour tricher au jeu ; argot des grecs. Plaquer une emplâtre, poser une portée.
Avant de plaquer ton emplâtre,
Tâche au moins qu’elle soit chenâtre.
(Hogier-Grison)
France, 1907 : Propre à rien ; homme sans énergie et mou comme un emplâtre.
— Eh ! dites donc, là-bas, crie le sous-officier au conscrit, votre cheval est donc malade ?
— Je ne sais pas, maréchal des logis.
— Comment, vous ne savez pas… il a pourtant un rude emplâtre sur le dos.
(Facéties de Caserne)
Emplâtre de Thapsia
Rigaud, 1881 : Cravate à plastron ; cravate de cocher piquée avec l’épingle en fer à cheval et adoptée par les sportsmen, moins l’épingle.
Emplâtrer
Delvau, 1866 : v. a. Gêner comme avec un emplâtre, — dans l’argot du peuple. S’emplâtrer de quelqu’un. S’en embarrasser en s’en chargeant.
Hayard, 1907 / France, 1907 : Battre.
France, 1907 : Gêner. S’emplâtrer de quelqu’un, s’en embarrasser.
Employé dans les eaux grasses
Merlin, 1888 : Employé des ordinaires et tout autre comptable qu’on semble ainsi accuser de pécher en eau trouble.
France, 1907 : Commis militaire.
Employer
d’Hautel, 1808 : Employer le vert et le sec, mettre tout en œuvre pour faire réussir un projet ; employer tous les moyens pour venir à bout de ce que l’on a entrepris.
Employer le vert et le sec
France, 1907 : Recourir à toutes sortes de moyens pour réussir. Métaphore prise de ceux qui, pour alimenter un feu, y mettent tout ce qu’ils trouvent, le bois vert comme le bois sec.
Emplucher
Fustier, 1889 / France, 1907 : Piller.
Emplumer
d’Hautel, 1808 : S’emplumer ; se parer ridiculement de plumes ; s’éprendre, s’enticher, s’enrichir dans un emploi.
Il s’est bien emplumé ou remplumé dans cette place. Pour il y a fait de bonnes affaires, il a su profiter des avantages qu’elle lui offroit.
Empoignage
France, 1907 : Critique d’un livre ou d’une pièce.
Empoigner
d’Hautel, 1808 : Prendre et serrer avec le poing.
Empoigne cela, il n’y a pas d’arrête, pour dire prends cela, il n’y a rien qui puisse te faire mal.
Larchey, 1865 : Critiquer.
Attends donc à demain, mon cher, tu verras comment Lucien t’a empoigné.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Séduire, émouvoir.
Me parlerez-vous de la fille aux yeux bleus ? Il parait que vous avez été solidement empoigné.
(About)
On dit d’un drame à effet qu’il empoigne son public.
Delvau, 1866 : v. a. Critiquer vertement un livre, — dans l’argot des gens de lettres ; Siffler un acteur ou une pièce, — dans l’argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Charmer, séduire, émouvoir. — Une scène, un roman qui vous empoigne.
Rigaud, 1881 : Critiquer sans mesure. — Se moquer à haute voix d’un acteur en scène.
France, 1907 : Critiquer, siffler.
France, 1907 : Émouvoir.
Empoigner (se faire)
Delvau, 1866 : Se faire arrêter par un agent de police.
Empoigner par le manche
Delvau, 1864 : Se dit de l’action par laquelle une femme énamourée s’empare avec autorité du membre de l’homme qui est avec elle, et se l’introduit avec empressement dans le vagin.
Je l’empoignai par le manche et le menai au pied du lit, où je me couchai à la renverse, l’attirant dessus moi : je m’enconnai moi-même son vit dans mon con jusques aux gardes.
(Mililot)
Empoisonner
d’Hautel, 1808 : Il empoisonne. Pour il répand une odeur détestable, il sent très-mauvais ; se dit à tout individu sujet à lâcher de mauvais vents.
Empoisonneur
Rigaud, 1881 : Nom d’amitié donné par les ivrognes au marchand de vin. — Débitant de vins et liqueurs de qualité très inférieure. — Gargotier dont la cuisine ne laisse rien à désirer sous le double rapport de la malpropreté et de l’exécrable.
Hayard, 1907 : Marchand de vin, restaurant.
France, 1907 : Cabaretier.
Empoivrer (s’)
Larchey, 1865 : S’enivrer. — Mot à mot : s’empourprer. V. Poivre.
Les fêtes tu t’empoiveras avec ta largue au tapis franc.
(Vidocq)
France, 1907 : Se mettre en état d’ivresse.
Emportage à l’antonne
La Rue, 1894 : Vol dans une église.
Emportage à la côtelette
Vidocq, 1837 : Beaucoup de commerçans recommandables ont l’habitude d’aller le soir à l’estaminet se délasser des travaux de la journée, et quoiqu’ils sachent très-bien que ce n’est pas la meilleure société qui fréquente ces établissemens, ils se lient facilement avec tous ceux qu’ils y rencontrent. Un quidam leur a demandé ou offert une pipe de tabac, c’en est assez pour que la connaissance se trouve faite ; si le quidam est un fripon, ce qui arrive très-souvent, il ne manque pas d’exploiter sa nouvelle connaissance. Admettons un instant que la dupe en herbe soit bottier, chapelier ou tailleur, le quidam, dont la mise et les manières sont toujours celles d’un honnête homme, lui commandera quelque chose qu’il paiera comptant et sans marchander ; lorsqu’il ira prendre livraison de sa commande, il paraîtra très-content des objets qui lui auront été fournis, et pour témoigner sa satisfaction au marchand, il voudra absolument lui payer à déjeuner ; le marchand fera bien quelques façons ; mais, pour ne point mécontenter la nouvelle pratique, il finira par accepter la côtelette qui lui est offerte avec tant affabilité.
Le marchand qui a accepté une semblable invitation est aux trois quarts perdu ; le quidam le conduit chez un marchand de vins traiteur, où sont déjà réunis ceux qui doivent lui servir de compères ; lorsque le quidam et le marchand arrivent, ils paraissent très-occupés d’une partie d’écarté, et n’accordent pas aux nouveaux arrivans la plus légère attention ; ces derniers se placent, et le quidam, qui a ses raisons pour cela, verse à son compagnon de fréquentes rasades. Les individus qui occupent la table voisine jouent toujours ; en ce moment, celui d’entre eux qui doit figurer, c’est-à-dire jouer le rôle principal, descend un instant, et, pendant ce temps, les deux individus qui sont restés à la table où il était placé conversent entre eux.
« Il est riche, le gaillard ; dit l’un, en parlant de celui qui vient de s’absenter.
— Je le crois bien, répond l’autre ; mais au train dont il va, il sera bientôt ruiné.
— Peut-être, mais il a plus de bonheur que de science ; il m’a dernièrement gagné 200 fr., mais il faut que je me rattrape aujourd’hui.
— Prends bien garde de n’en pas perdre encore autant, car c’est un gaillard heureux. »
La conversation en est là lorsque celui dont on parle revient prendre sa place. « Eh bien ! dit-il, continuons-nous notre partie ? — Certes, répond son adversaire ; et si vous voulez me donner ma revanche, je vous joue les 200 fr. que vous m’avez gagnés l’autre jour.
— Non, non ; je ne veux plus jouer d’argent ; mais je vous joue du champagne pour toute la société ; ça va-t-il.
— Ça va, répond l’adversaire, qui paraît piqué au jeu ; du champagne pour tout le monde. »
Pendant tous ces pourparlers, on a mêlé les cartes. « Vous paierez le champagne, dit celui qui doit perdre, en montrant au marchand son jeu, qui est composé du roi, de la dame, du neuf d’atout et de deux rois.
— Peut-être, répond l’adversaire, qui en achevant de donner les cartes, en a tourné deux à la fois. — Je parie que si, dit l’un. — Je parie que non, répond l’autre. »
La discussion s’échauffe, le marchand s’intéresse au jeu ; et, comme il est facile de le supposer, celui auquel il s’est intéressé perd, malgré la beauté de son jeu. Il ne faut donc pas jouer avec les personnes que l’on ne connaît pas, ni même avec celles que l’on connaît, ou que l’on croit connaître, à moins que ce ne soient de très-petites sommes, car des gens très-bien placés dans le monde emploient sans scrupules toutes les ruses possibles pour corriger la fortune, et la forcer à se tenir de leur côté.
On ne saurait trop se méfier de ces hommes toujours prêts à payer un succulent déjeuner à des individus qu’ils connaissent à peine ; une invitation de leur part est presque toujours un piège caché dans un pâté de Lesage ou dans une tête de veau du Puits certain.
Delvau, 1866 : s. m. Variété de vol, dont Vidocq donne les détails. (V. Les Voleurs, page 108.)
Emporter
d’Hautel, 1808 : Il ne l’emportera pas en Paradis. Menace que l’on fait à quelqu’un contre lequel on a quelque sujet de plainte, pour dire que l’on s’en vengera sitôt que l’occasion s’en présentera.
Emporter la pièce, tenir des discours mordans et satiriques, ne parler que par brocards et lardons.
Larchey, 1865 : Voir Bachotteur. — Emporteur à la côtelette : Grec exerçant son art dans les cafés et dans les restaurants, à la suite d’un déjeuner offert à sa dupe (Vidocq). — Il emporte l’argent de son invité à la côtelette, comme des troupiers emportent à la baïonnette une position. — « Les emporteurs sont des malfaiteurs qui, sous prétexte de payer leurs achats à domicile, font emporter leurs acquisitions par des commis du magasin. Le grand point, c’est de séparer le commis de sa marchandise. Tantôt on le renvoie au magasin pour faire rectifier un prix de la facture, tantôt on le fait entrer par une porte dans un hôtel garni, et l’on en ressort par une autre. »
(Al. Monnier)
La Rue, 1894 : Escroquer. Emporteur, escroqueur.
France, 1907 : Voler.
Emporter à l’antonne
France, 1907 : Voler dans une église.
Emporter la gueule
Rigaud, 1881 : Mettre la bouche en feu. Un mets trop épicé ou une liqueur trop forte vous emporte la gueule.
Emporter la pièce ou le morceau
France, 1907 : Blesser par des propos ou par un article d’une façon aussi spirituelle que méchante.
Emporter le chat
Delvau, 1866 : v. a. Se mêler d’une chose que l’on ne connaît pas, et recevoir pour sa peine une injure, ou pis encore. — Argot du peuple.
France, 1907 : Se mêler des affaires du voisin et recevoir la tripotée légitime ou des injures méritées.
Emporter le morceau
Rigaud, 1881 : Dire une méchanceté d’une grande portée. Mot à mot : mordre si fort que le morceau reste après les dents. C’est le : emporter le nez à belles dents, du XVIIe siècle. Bien avant, Plaute avait dit : Os illi denasavit mordicus.
Emporter ses cliques et ses claques
Delvau, 1866 : v. a. Emporter ses outils, ses effets. Signifie aussi Mourir.
France, 1907 : Partir avec toutes ses affaires.
Emporter une femme
La Rue, 1894 / France, 1907 : Vivre en concubinage.
Emporteur
Vidocq, 1837 : s. m. — L’Emporteur, proprement dit, est le héros de la partie de billard dont nous avons ci-dessus promis les détails ; pour le truc dont nous allons parler, il faut de toute nécessité être trois : l’Emporteur, la Bête et le Bachotteur ; nous avons dit plus haut quelle était la tâche de ces deux derniers ; celle de l’Emporteur est beaucoup plus difficile, c’est lui qui doit chercher et trouver une dupe, et l’amener au lieu où elle doit être dépouillée.
Après avoir examiné si rien ne manque à son costume, qui doit être très-propre, l’Emporteur sort suivi de loin par ses deux acolytes, qui ne le perdent pas de vue, il se promène jusqu’à ce qu’il avise un individu tel qu’il le désire, c’est-à-dire qui annonce, soit par ses manières, soit par son costume, un étranger ou un provincial, et c’est ici le lieu de faire remarquer la merveilleuse perspicacité que possèdent ces hommes, et plusieurs autres espèces de fripons dont il sera parlé plus tard, qui savent tirer de la foule le seul individu propre à être dupé, ces hommes, presque toujours dépourvus d’éducation, savent cependant saisir le plus léger diagnostic ; ils jugent un homme à la coupe de ses habits, à la couleur de son teint, à celle de ses gants, et ils le jugent bien.
Lorsque l’Emporteur a rencontré ce qu’il cherche, il s’approche, et une conversation à peu-près semblable à celle-ci ne tarde pas à s’engager : « Monsieur pourrait-il m’indiquer la rue… — Cela m’est impossible, monsieur ; je suis étranger. — Eh ! parbleu, nous sommes logés à la même enseigne ; je ne suis à Paris que d’hier matin. »
L’Emporteur n’a pas cessé de marcher près du provincial. « Vous êtes étranger, ajoute-t-il après quelques instans de silence, vous devez désirer voir tout ce que la capitale renferme de curieux. » Signe affirmatif. « Si vous le voulez, nous irons ensemble voir les appartements du roi. J’allais, lorsque je vous ai rencontré, chercher ici près des billets que doit me donner un des aides-de-camp du duc d’Orléans ; c’est une occasion dont je vous engage à profiter. »
Le provincial hésite, il ne sait ce qu’il doit penser de cet inconnu si serviable ; mais, que risque-t-il ? Il n’est pas encore midi, et les rues de Paris ne sont pas dangereuses à cette heure ; et puis les appartemens du roi Louis-Philippe doivent être bien beaux ; et puis ce n’est pas lui, le plus mâdré des habitans de Landernau ou de Quimper-Corentin, qui se laisserait attraper : il accepte ; l’Emporteur fait le St-Jean à ses deux compagnons (voir ce mot), qui prennent les devans et vont s’installer au lieu convenu.
C’est un café estaminet d’assez belle apparence, dont le propriétaire est presque toujours affranchi. L’Emporteur y arrive bientôt, suivi de son compagnon ; en entrant il a demandé à la dame de comptoir si un monsieur à moustaches, et décoré, n’était pas venu le demander ; on lui a répondu que ce monsieur était venu, mais qu’il était sorti après toutefois avoir prié de faire attendre. « Eh bien, nous attendrons, » a-t-il répondu ; et il est monté au billard après avoir demandé quelques rafraichissemens qu’il partage avec son compagnon.
Le monsieur à moustaches n’arrive pas ; pour tuer le temps on regarde jouer les deux personnes qui tiennent le billard, et qui ne sont autres que la Bête et le Bachotteur. La Bête joue mal, et à chaque partie qu’elle perd elle veut augmenter son jeu, le Bachotteur ne veut plus jouer, et offre de céder sa place au premier venu, la Bête sort pour satisfaire au besoin, alors le Bachotteur s’exprime à-peu-près en ces termes, en s’adressant à l’Emporteur : « C’est une excellente occasion de gagner un bon dîner, le spectacle, et le reste, il est riche, il est entêté comme une mule ; rendez-lui quelque points, et son affaire est faite. — Si je savais seulement tenir une queue, répond l’Emporteur, j’accepterais la poposition. » Le provincial, qui a entendu cette conversation, et qui a vu jouer la Bête, trouve charmant de ce faire régaler par un parisien ; il pourra parler de cela dans son endroit. Il joue, il perd ; son adversaire raccroche toujours ; il s’échauffe, il joue de l’argent ; les enjeux sont mis entre les mains du Bachotteur ; le provincial envoie au diable l’Emporteur, qui l’engage à modérer son jeu. Somme totale, il sort du café les poches vides, mais cependant bien persuadé qu’il est beaucoup plus fort que son adversaire, qui n’est, suivant lui, qu’un heureux raccrocheur. (Voir Floueur.)
Delvau, 1866 : s. m. Filou qui a pour spécialité de raccrocher des provinciaux sous un prétexte quelconque, et de les amener dans un estaminet borgne, où ils sont plumés par le bachotteur et la bête. (Voir à propos de ce mot, le volume de Vidocq.)
Rigaud, 1881 : Filou qui vit au détriment des magasins. Après avoir fait un achat d’importance, l’emporteur se fait accompagner par un garçon de magasin, qu’il doit payer à domicile. Une fois en route, sous un prétexte quelconque, il écarte le garçon en ayant eu la précaution de se faire remettre la marchandise. Les hôtels garnis, les passages, les maisons à deux issues, favorisent beaucoup le jeu de l’emporteur.
France, 1907 : Filou qui racole des provinciaux ou des naïfs et les amène dans quelque cabaret borgne où ils sont dévalisés par des compères.
Emporteur à la côtelette
Rigaud, 1881 : Escroc qui fréquente les cafés pour y faire des dupes en proposant des parties de cartes. Il gagne d’abord une consommation, ensuite le déjeuner, et, de partie en partie, de revanche en revanche, il arrive au dépouillement complet de sa victime.
France, 1907 : Grec qui opère dans les restaurants.
Emposeur
Rigaud, 1881 : Pédéraste, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Pédéraste ; argot des voleurs.
Empoté
Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, maladroit, — dans l’argot du peuple, qui trouve volontiers têtes comme des pots tous les gens qui n’ont pas ses biceps et ses reins infatigables.
France, 1907 : Paresseux, maladroit.
Le massier était parti, après deux semaines de traitement, réconforté par les bouillons et le claret séveux des deux sœurs, une grosse fille de cinquante-six ans, sœur Angélina, ragote, empotée dans une graisse pâle et boulante de vieille vierge.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Et s’adressant à moi, cet ivrogne, qui avait trouvé de l’eau-de-vie on ne savait où et s’en était largement gargarisé, écumant de colère me dit :
— Je te croyais plus débrouillard que ça ! bougre d’empoté !
(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Il ne s’agit pas d’être empotée de rester là comme une grosse mère, les pieds sur une chaufferette, devant le guichet d’abonnements, et de s’exclamer à chaque malheur nouveau qu’on signale. On n’a pas le temps de s’attendrir, de disserter — il faut se mouvoir !
La mort gratte à la porte de tous les taudis sans feu ; on dirait qu’un troupeau de loups dévorants a envahi nos faubourgs…
(Séverine)
Empousteur
Vidocq, 1837 : s. m. — Les Empousteurs sont presque tous des juifs, et le moyen qu’ils emploient pour tromper ceux qui veulent bien leur accorder une certaine confiance est très-ingénieux.
Un individu qui se donne la qualité de commis, ou de commissionnaire, se présente chez un marchand épicier ou papetier, et lui offre des crayons qu’il laissera, dit-il, à un prix très-modéré ; le marchand, dont les provisions sont faites, refuse presque toujours cette proposition, mais cela est fort indifférent à l’Empousteur. « Vous ne voulez pas m’acheter ces crayons, dit-il au marchand, vous avez tort ; mais permettez-moi de vous en laisser quelques douzaines en dépôt. » Le marchand ne peut refuser cette proposition, il accepte, et l’Empousteur sort après lui avoir promis de revenir. Quelques jours après, un individu vient demander au marchand des crayons absolument semblables à ceux que l’Empousteur a laissés en dépôt, il achette tout et paie sans marchander, en témoignant le regret qu’on ne puisse pas lui en fournir davantage ; le marchand qui attend la visite de l’Empousteur l’engage à repasser dans quelques jours. Le lendemain, l’Empousteur vient chez le marchand, et lui demande des nouvelles du dépôt. « Tout est vendu, dit le marchand. — Je vous l’avais bien dit, répond l’Empousteur, que vous en tireriez un bon parti. En voulez-vous d’autres ? » Le marchand achette et paie tout ce que veut lui vendre l’Empousteur, et attend vainement le chaland sur lequel il comptait.
Larchey, 1865 : « Escroc faisant métier de vendre à des détaillants des produits dont le premier dépôt a été acheté par des compères. »
(Vidocq)
Rigaud, 1881 : Autre variété de filou. Celui-là sait allécher les entrepositaires par des dépôts de marchandises, qu’achètent très avantageusement des compères. Lorsqu’il a gagné la confiance des entrepositaires, l’empousteur fait de forts dépôts qui lui sont, en partie, payés comptant. Le tour est joué : la marchandise est invendable. « Un empousteur poussa l’audace jusqu’à vendre à plusieurs marchands-de la rue Saint-Denis plus de mille douzaines de faux-cols en papier et de voilettes en papier dentelle. » (L. Paillet, Voleurs et volés)
Virmaître, 1894 : Truc très commun employé par des placiers. Ils déposent chez des commerçants des mauvaises marchandises, à condition ; des compères les achètent ; les marchands alléchés prennent de nouveaux dépôts qui, cette fois, leur restent pour compte (Argot des voleurs).
France, 1907 : Industriel qui vend des marchandises falsifiées aux marchands.
Emproseur
Vidocq, 1837 : s. m. — Pédéraste.
Delvau, 1866 : s. m. Lesbien, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Le troisième sexe.
Virmaître, 1894 : Variété de pédéraste (Argot des voleurs).
France, 1907 : Pédéraste.
Emprunté
Delvau, 1866 : adj. Gauche, maladroit, timide, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Gauche, timide, niais.
Emprunter
d’Hautel, 1808 : Emprunter un pain sur la fournée. Jouir d’une fille avant de l’épouser.
Emprunter un pain sur la fournée
Delvau, 1864 : Baiser une fille avant de l’avoir épousée.
Bien souvent, ils empruntent un pain sur la fournée.
(Les Caquets de l’accouchée)
Delvau, 1866 : v. a. Avoir un enfant d’une femme avant de l’avoir épousée, — dans l’argot du peuple, à qui ses boulangères font volontiers crédit.
Rigaud, 1881 : Prendre un acompte sur le mariage. Expression très usitée au XVIIIe siècle.
Qui peut-être, comme l’on dit, avez emprunté quelques pains sur la fournée.
(Pièces comiques)
France, 1907 : Avoir un enfant avant le mariage, ou simplement faire l’acte vénérien avant le mariage.
Il emprunta force pains sur la fournée.
(Brantôme)
Les Anglais disent dans le même sens : « Tranche coupée sur un pain entamé ne se remarque pas. »
Emprunter un qui vaut dix
France, 1907 : Disposer ses cheveux de façon à cacher sa calvitie.
Empuanter
d’Hautel, 1808 : Répandre une odeur fétide ; infecter.
Empunaiser
France, 1907 : Répandre une mauvaise odeur : empuantir.
Troublé par la crainte et l’orgueil
De se voir aimé pour lui-même,
Oscar grimpe jusqu’au cinquième
Empunaisé par la putain.
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Emrosser (s’)
France, 1907 : Se placer ; argot des marins.
Ému
Larchey, 1865 : Troublé par les fumées du vin. V. Paff. — Le buveur ému est sur le point de s’attendrir.
Tu me crois ému, vieux… Allons donc ! je boirais dix fois autant.
(Frémy)
Girard et Maret-Boistrop rentrèrent au quartier légèrement émus, et on ne put les réveiller à l’appel du soir.
(Vidal, 1833)
Ému (être)
Delvau, 1866 : Être gris à ne plus pouvoir parler ni marcher, — comme un homme à qui l’émotion enlèverait l’usage de la parole et des jambes. On dit aussi Être légèrement ému.
France, 1907 : Être gris.
Emu, légèrement ému
Rigaud, 1881 : Celui que le vin rend tendre et larmoyant.
En avoir
France, 1907 : Avoir le pubis garni.
— En v’là assez, elle en a !
Une clameur accueillit cette affirmation. Il l’avait donc vue, il avait couché avec ? Mais il s’en défendit formellement, en se tapant sur la poitrine. On peut bien voir sans toucher. Il s’était arrangé pour ça, un jour que l’idée d’éclaircir la chose le tourmentait. Comment ? ça ne regardait personne.
— Elle en a, parole d’honneur !
(É. Zola, La Terre)
En avoir dans la caboche
France, 1907 : Être entêté, obstinément stupide, avoir le cerveau fêlé.
Le proverbe vient d’un nominé Caboche, boucher de Paris, qui fut un des principaux chefs de tous les autres bouchers qui se mutinèrent sous le règne de Charles VI. Pendant la démence de ce prince, ceste canaille tenoit le party de Jean de Bourgogne, pour lequel ils estoient si zélés, et leur insolence alla si loin qu’ils forcèrent Charles, Dauphin de France, de prendre le chaperon blanc, qui estoit la marque et la livrée de leur faction, et tuèrent et firent périr plusieurs personnes de distinction qui estoient du party contraire au duc de Bourgogne. De la folie et de l’entestement de Caboche est venu ce proverbe, que l’on a appliqué à ceux qui ont la teste blessée.
(Histoire de France, par Duhaillan)
En avoir dans le toquet
Larchey, 1865 : Être ivre. — Ce terme correspond exactement à celui de Casquette. — Même étymologie.
Chez Dénoyer j’entre, Un peu dans le toquet.
(Decourcelle, Ch., 1839)
En avoir dans le ventre
Delvau, 1864 : Être enceinte.
En avoir plein l’dos
Rossignol, 1901 : (R.) son pied, ou plein son sac, c’est être fatigué, rassasié d’une chose et ne plus en vouloir.
En avoir plein le dos
Larchey, 1865 : Être assommé d’ennui.
Tu sais que j’ai de la maison plein le dos ?
(Désaugiers)
Delvau, 1866 : Être excessivement ennuyé de quelque chose ou par quelqu’un. — Argot du peuple.
France, 1907 : En être fatigué comme si l’on portait un fardeau sur ses épaules.
En avoir plein ses mottes
En cloistre ne rien cognoistre
France, 1907 : Proverbe du XVIe siècle. Les gens de cloître sont des ignorants, étrangers à tout ce qui se passe au dehors.
En découdre avec une femme
Delvau, 1864 : La baiser à couillons rabattus ; se fendre avec elle d’une demi-douzaine de coups, bonne mesure.
Il était seul pour lors ; la chanoinesse avec laquelle il en avait décousu la veille n’était qu’une promeneuse aspirante, mais non encore aphrodite.
(Les Aphrodites)
En deux temps
Larchey, 1865 : En un instant. — Terme d’escrime.
En deux temps, j’remouque et j’débride.
(Bailly)
En deux temps sa lessive est faite.
(Le Casse-Gueule, ch., 1841)
En douce
Rossignol, 1901 : Doucement. Suivre le proverbe Italien : qui va piano va sano.
En douceur
Delvau, 1866 : adv. Doucement, prudemment, avec précaution, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Doucement, avec précaution.
— Elle dormait ou faisait semblant : je me suis approché et je lui ai collé cela en douceur.
(Les Propos du Commandeur)
Coller en douceur se dit aussi pour adresser des réprimandes amicales.
En être
Larchey, 1865 : Être agent secret de la police.
Il n’est pas assez malin pour en être.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Être pédéraste (Vidocq) — Ménage, dans ses Origines, avait commencé sa dissertation sur le mot Bougre par ces mots : Bougre : Je suis de l’avis, etc.
Ah ! lui dit Bautru en se moquant, vous en êtes donc aussi et vous l’imprimez. Tenez ! il y a bien moulé : Bougre je suis.
(Tallemant des Réaux)
On dit encore aujourd’hui dans le même sens Il en est.
Rossignol, 1901 : Faire partie de la police.
Tu sais, il en est.
France, 1907 : Expression usitée par ceux à qui il répugne de s’expliquer catégoriquement. En être, c’est appartenir à la police.
Quand le restaurateur arriva, il tendit les mains à Caron et à Vidocq.
Celui-ci refusa la sienne.
Boudin prit un air scandalisé.
— Pourquoi me faites-vous cet affront ? balbutia-t-il.
— Parce que vous en êtes, répondit Vidocq.
— Moi !
— Vous.
— Je suis de quoi ?
— De la rue de Jérusalem.
— Eh bien ! oui, j’ai été mouchard ; mais quand vous saurez pourquoi, je suis sûr que vous ne m’en voudrez pas.
(Marc Mario et Louis Launay)
En faire des choux, des raves
France, 1907 : Se dit d’un objet dont on ne sait que faire. Au lieu des raves, on disait autrefois des pâtés.
— Mais encore en faut-il faire quelque chose ou rien.
— Fais-en des choux ou des pastés, et ne la garde non plus que de la fausse monnoye.
(La Comédie des Proverbes)
En peau
Hayard, 1907 : Décolleté.
En pincer
France, 1907 : Être amoureux, avoir un caprice pour quelqu’un.
Monsieur de curé de Fouilly
En pinçait pour sa bonne ;
Il promettait le paradis
À la jeune friponne :
« Un baiser doux comme le miel,
De ta lèvre, ma belle,
Te conduira tout droit au ciel !
Ne me sois pas rebelle. »
(Léo Lelièvre)
On dit aussi dans le même sens : être pincé.
En porter (sous-entendu des cornes)
France, 1907 : Être cocu.
Dans un petit café, le patron devise avec quelques clients sur les maris trompés.
— Mais ils le sont tous dans la maison, s’écrie une bonne grosse femme : tous en portent… Je n’en connais qu’un qui n’en porte pas.
La femme du patron, étourdiment : — Tiens ! Qui donc ?
En pousser une
Rossignol, 1901 : Chanter une chanson.
Maintenant que nous avons bien dîné, je vais vous en pousser (ou dégoiser) une.
En quarante
Hayard, 1907 : Face à face.
En remonte (aller)
France, 1907 : Se dit des teneuses de maisons de tolérance ou de leurs agents en quête de filles, pour alimenter leur établissement.
Ces matrones se trouvaient là en remonte, guettant quelque malheureuse fille, isolée, sans appui, sans espoir à sa sortie de Saint-Lazare, à laquelle on offrirait asile, nourriture et honoraires, à condition de se montrer complaisante et de faire tout ce qu’on lui demanderait.
(Edmond Lepelletier)
En rompant
Ansiaume, 1821 : Beaucoup.
Il y a dans ce boucard de la camelotte en rompant.
En suer une
Rossignol, 1901 : Danser.
Mademoiselle, voulez-vous suer la prochaine avec moi ?
En tenir
Delvau, 1864 : Bander pour une femme et avoir envie de la baiser ; être amoureuse d’un homme et chercher toutes les occasions de se faire baiser par lui.
Elle en tient pour toi, décidément, cette drôlesse.
(Cublize)
En tous cas
Ansiaume, 1821 : Parapluie.
La gouresse peut gambiller, je m’exbalance avec son en tous cas.
En train
Larchey, 1865 : En train de se griser.
Ce sera fort heureux si votre ami reste, car je le crois un peu en train.
(P. de Kock)
En traverse, à perte de vue
Vidocq, 1837 : ad. — Aux travaux forcés à perpétuité.
En venir aux mains
Delvau, 1864 : Peloter une femme et se faire patiner par elle.
L’un dévorait une salade aux harengs, et l’autre s’entretenait avec la servante au cuir jaune, Fusia Caninia… Il lui dit quelques gracieusetés, et tous deux en venaient aux mains.
(Henri Heine)
En-tout-cas
Delvau, 1866 : s. m. Parapluie à deux fins, trop grand pour le soleil, trop petit pour la pluie, — dans l’argot des bourgeoises, qui font toujours les choses à moitié.
Enbohémer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Perdre sa jeunesse, son esprit et son argent dans les parlottes artistiques et littéraires.
Enbohèmer (s’)
France, 1907 : « C’est, dit Delvau, perdre sa jeunesse, son esprit et son argent dans les parlottes artistiques et littéraires. »
Enbonnetdecotonner (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Prendre des allures bourgeoises, mesquines, vulgaires. Argot des gens de lettres.
France, 1907 : S’embourgeoiser, s’atrophier les idées. Se couvrir le cerveau d’un éteignoir.
Enc…. par corvée
Rigaud, 1881 : Bête brute, conscrit stupide, — dans le jargon du régiment, où cette expression ordurière se dit sans malice, sans comporter aucune idée obscène.
Encadrer (bon à)
France, 1907 : Se dit ironiquement d’une personne ridicule et que l’on considère comme devant être exposée aux passants pour les faire rire.
Encadrer quelqu’un (faire)
Fustier, 1889 : Se dit d’une personne qui présente quelque particularité prêtant à rire.
Encager
Delvau, 1866 : v. a. Emprisonner, — dans l’argot du peuple. Il dit aussi Encoffrer.
France, 1907 : Emprisonner.
Encaisser
Rossignol, 1901 : Détester ou ne pouvoir supporter quelqu’un c’est ne pouvoir l’encaisser.
France, 1907 : Battre quelqu’un. Encaisser un soufflet, recevoir une gifle sans la rendre.
Encaisser un soufflet
Delvau, 1866 : v. a. Le recevoir sur la joue. — Même argot [du peuple].
Encaldossé
Virmaître, 1894 : Superlatif d’endossé (Argot des voleurs). V. Passif.
Encambronner
Fustier, 1889 : Ennuyer considérablement. C’est une variante adoucie de l’autre verbe dont le peuple a plein la bouche.
Quant aux politiciens qui battent la grosse caisse autour de quelques noms, ils nous encambronnent supérieurement.
(L’Égalitaire, journal 1885)
Encanailler (s’)
d’Hautel, 1808 : Fréquenter de mauvaises sociétés, hanter des gens ignobles et de la plus basse extraction.
Encapuchonner (s’)
d’Hautel, 1808 : Au propre se couvrir la tête d’un capuchon.
Elle s’est encapuchonnée de cet homme. Figurément pour elle en est devenue amoureuse ; elle en est entêtée.
Encaquer
France, 1907 : Entrer. Encaquer dans une rade, entrer dans une boutique.
Encarade
Vidocq, 1837 : s. f. — Entrée.
Rigaud, 1881 : Entrée. Lourde d’en-carade, porte d’entrée, ou encarade tout court.
La Rue, 1894 : Entrée, porte d’entrée.
Encarade ou encarrade
France, 1907 : Entrée ; argot des voleurs. Lourde d’encarrade, porte d’entrée.
Encarrade
Larchey, 1865 : Entrée. — Encarrer : Entrer. V. Décarer.
Delvau, 1866 : s. f. Entrée, — dans l’argot des voleurs.
Encarrer
Vidocq, 1837 : v. a. — Entrer.
Delvau, 1866 : v. n. Entrer.
Rigaud, 1881 : Entrer. Encarrer à la taule, entrer à la maison.
France, 1907 : Entrer.
Encasque
Ansiaume, 1821 : (Nouveau terme) Église.
À la sorgue je grinchi l’encasque de la blanquette avec mon ingile.
Encasquer
Ansiaume, 1821 : Voler les églises.
J’ai juré de ne plus rincer que les ratichons.
Vidocq, 1837 : v. a. — Entrer dans une maison avec le dessein d’y voler.
Delvau, 1866 : v. n. Entrer quelque part ou dans quelque chose, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Entrer.
Enceinte d’un pet, elle accouchera une merde
France, 1907 : « Se dit d’une femme qui a un gros ventre sans pour cela être enceinte. » (Charles Virmaître) Argot du peuple.
Enceintrer
Delvau, 1866 : v. a. Mettre une femme dans une « position intéressante ». Le peuple, qui emploie ce verbe aujourd’hui, a dit autrefois Enceinturer.
Rigaud, 1881 : Rendre une femme enceinte ; forme moderne d’enceinturer, usité au XVIIIe siècle.
La Rue, 1894 : Rendre enceinte.
France, 1907 : Corruption du vieux mot enceinturer, « Mettre, dit Delvau, une femme, la sienne ou celle d’un autre, dans une position intéressante. » Pourquoi intéressante ? En quoi est-il intéressant de voir une femme chargée de ce faix ? Cela peut être intéressant pour elle et son mari, mais pour les autres !
Encensoir
d’Hautel, 1808 : Casser le nez à quelqu’un à coups d’encensoir. Lui donner des louanges outrées, lorsqu’intérieurement on pense le contraire.
Halbert, 1849 : Fressure.
Delvau, 1866 : s. m. Fressure d’animal, — dans l’argot des voleurs, qui ont probablement voulu faire allusion au plexus de graisse qui enveloppe cette partie. Ils l’appelaient autrefois Pire.
France, 1907 : Fressure ; argot des voleurs.
Enchanteresse
Delvau, 1864 : Fille galante qui fait oublier à l’homme ses devoirs en le promenant de jouissance en jouissance, en lui vidant la cervelle en même temps que les couilles et la bourse.
Il voulut nous faire voir les enchanteresses du lieu.
(Chapelle)
Encharibotté
Delvau, 1866 : adj. Ennuyé, chagriné, embarrassé, — dans l’argot du peuple. Il a dit autrefois Encharbotté.
Enchétiber
France, 1907 : Appréhender, arrêter.
Enchiferné
Delvau, 1866 : adj. Enrhumé du cerveau. Enchifrené, vaudrait peut-être mieux, mais le peuple est autorisé à dire comme on disait au XVIIe siècle.
France, 1907 : Enrhumé du cerveau.
Enchiffrener
d’Hautel, 1808 : Être enchiffrené. Avoir le nez embarrassé ; être enrhumé du cerveau.
Enchtibé (il est)
Virmaître, 1894 : Être pris, arrêté (Argot des voleurs).
Encible
Rigaud, 1881 : Ensemble.
France, 1907 : Corruption de ensemble ; argot des voleurs.
Encloué
Rigaud, 1881 : Mou, sans énergie. — Individu qui a des passions contre nature.
Virmaître, 1894 : Allusion au canon dont on encloue la lumière (Argot des voleurs). V. Passif.
France, 1907 : Pédéraste. Gauche, maladroit.
Enclouer
France, 1907 : Mettre en gage ou au clou.
Enclume
d’Hautel, 1808 : On dit par exagération d’un homme qui ne prend aucune part aux malheurs de ses semblables, qu’Il a le cœur dur comme une enclume.
Être entre le marteau et l’enclume. Être dans une mauvaise position ; avoir à souffrir, de quelque côté que l’on se tourne.
Il vaut mieux être marteau qu’enclume. Pour dire, il vaut mieux battre qu’être battu.
Le peuple dit enclune, comme il dit aussi pantomine, au lieu de pantomime.
France, 1907 : Voir Écuelle.
Encoffrer
d’Hautel, 1808 : Incarcérer, mettre en prison ; serrer sous clef.
Encoliflucheter (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’ennuyer, être tout je ne sais comment. On dit aussi S’encornifistibuler.
France, 1907 : S’ennuyer.
Enconner
Delvau, 1864 : Introduire le membre viril dans la nature de la femme.
Il va écouter tout doucement à la porte s’il n’y a personne, et, cela fait, il me fait signe du doigt que je ne bouge, et puis il s’en vient à moi et m’enconne brusquement par-dessous les fesses.
(Mililot)
En voyant si belle fête,
Remue de cul et de tête,
Pour tâcher de désarçonner
Celui qui la veut enconner.
(Théophile)
Faites grand bruit, vivez au large ;
Quand j’enconne et que je décharge,
Ai-je moins de plaisir que vous ?
(Piron)
J’avais encore bien de l’ouvrage avec huit sœurs, dont six, ou du moins cinq, étaient souverainement enconnables.
(Anti-Justine)
Encore un tire-bouchon !
Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot des coulisses, — lorsqu’un entr’acte se prolonge outre mesure.
Encorner
Delvau, 1864 : Vieux mot signifiant tromper un mari.
La Louison dedans Paris
A plus encorné de maris
Que Sedan n’a fait d’arquebuses.
(Cabinet satyrique)
Encotillonner (s’)
Delvau, 1866 : Se laisser mener par sa femme ou par les femmes. Argot du peuple.
France, 1907 : Se laisser mener par les femmes.
Encotonner (s’)
France, 1907 : S’endormir dans le bien-être, s’avachir dans de molles habitudes. Littéralement, se mettre dans du coton.
— Vois-tu, les maris foncièrement jaloux ne sont pas si communs qu’on voudrait le faire croire. Ce sentiment délicieux, le plus essentiel gage de l’amour et sans lequel l’amour s’encotonnerait dans la banale monotonie des affections sans ragoût, résiste rarement aux sécurités du commerce journalier qui fait le fond du mariage.
(Camille Lemonnier, Ironique Amour)
Encre
d’Hautel, 1808 : Il a le cœur noir comme de l’encre. Se dit d’un sournois, d’un méchant, d’un homme couvert de crimes.
C’est la bouteille à l’encre. Pour, c’est une affaire très-embrouillée, où l’on ne peut rien connoitre, quelque recherche que l’on fasse.
Encre (tremper son pied dans l’)
Larchey, 1865 : Être consigné. Les soldats consignés portaient autrefois une guêtre blanche et une guêtre noire. — V. Criblage.
Il ne sait pas ce que c’est que de tremper son pied dans l’encre, et jamais n’a entrevu la porte de la salle de police.
(Vidal, 1833)
Encrotter
Rigaud, 1881 : Enterrer, — dans le jargon des journaux ennemis de l’enterrement civil.
France, 1907 : Enterrer. C’est le terme qu’emploient les cléricaux contre ceux qui se font enterrer civilement.
Encrouter (s’)
France, 1907 : S’embourgeoiser, s’endormir dans son coin, ou dans une situation médiocre sans faire d’efforts pour en sortir.
Encroûter (s’)
Delvau, 1866 : S’acagnarder dans une habitude ou dans un emploi.
Enculé
Delvau, 1864 : Pédéraste passif, homme qui sert de maîtresse à un autre homme.
Un enculé lira les noms de tes victimes.
(Dumoulin)
As-tu donc fréquenté Sodome
Ou Rome, bougre d’enculé !
Que tu parles de prendre un homme
Et, comme nous, d’être enfilé ?
(Parnasse satyrique)
Enculer
Delvau, 1864 : Introduire son membre dans le cul d’une femme, lorsqu’on est sodomite, — ou d’un homme, lorsqu’on est pédéraste.
… Tu venais un soir de m’enculer,
dit Pinolie à Pincecul, dans Serrefesse, parodie de Lucrèce.
Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entre eux :
Que les chiens sont heureux !
(Parnasse satyrique)
Godefroy, seigneur de Bouillon,
L’encula dans une patache
Qu’il rencontra d’occasion.
(B. de Maurice)
Enculer une femme
Delvau, 1864 : La baiser par derrière au lieu de la foutre par devant, se servir du moule à merde au lieu d’employer le moule à enfants.
Le Russe gamahuche et l’Italien encule.
(L. Protat)
Enculeur
Delvau, 1864 : Sodomite ou pédéraste, selon que sa pine s’adresse à un cul féminin ou à un cul masculin, ce qui, en somme, est toujours la même chose — et la même merde.
C’était comme un immense et splendide bazar
Dans lequel enculeurs, enculés, maquerelles,
Maquereaux et putains, tous grouillaient pêle-mêle.
(L. Protat)
Endécher
France, 1907 : Tomber dans les dettes.
Endêcher
Larchey, 1865 : Ruiner.
Je m’endêche de plus en plus ; je viens de mettre au clou la robe de soie.
(H. de Lynol)
Endéver
d’Hautel, 1808 : Éprouver un dépit secret, enrager crever de jalousie.
Faire endéver quelqu’un. Le contrecarrer ; le contrarier à l’excès.
France, 1907 : Enrager, taquiner, ennuyer.
Endêver
Delvau, 1866 : v. n. Enrager, être dépité. Faire endêver quelqu’un. Le taquiner, l’importuner de coups d’épingle. Caillières prétend que le mot est « du dernier bourgeois ». C’est possible, mais en attendant Rabelais et Jean-Jacques Rousseau s’en sont servis.
Endiablé
d’Hautel, 1808 : Furieux, emporté ; d’une méchanceté noire et atroce.
Endiabler
d’Hautel, 1808 : Faire endiabler quelqu’un. Le tourmenter, l’impatienter, le mutiner, s’opposer à tous ses desseins.
Endimanché
Delvau, 1866 : adj. Gauchement et ridiculement habillé, — dans l’argot des bourgeois, impitoyables pour le peuple, d’où ils sont sortis.
France, 1907 : Habillé gauchement et ridiculement de vêtements neufs comme les ouvriers qui vont à une noce.
Endimancher
d’Hautel, 1808 : S’endimancher. Se parer de ses plus beaux habits, comme les journaliers le font ordinairement le dimanche.
Endimancher (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Mettre son habit ou sa redingote du dimanche.
France, 1907 : Mettre ses plus beaux atours.
Endormage (vol à l’)
France, 1907 : Vol qui se pratique généralement dans les trains en endormant un compagnon de voyage à l’aide d’un narcotique.
Endormeur
d’Hautel, 1808 : Flatteur, enjôleur, séducteur.
Rigaud, 1881 : Voleur au narcotique. — L’endormeur attire sa victime, chez un marchand de vin, la fait boire, lui verse un narcotique et le dépouille.
Fustier, 1889 : Homme ennuyeux.
La Rue, 1894 : Voleur au narcotique.
Virmaître, 1894 : Individu qui sans cesse promet une chose et ne la tient jamais. Endormir est aussi synonyme de voler.
— Il s’est endormi sur des bijoux (Argot des voleurs).
Virmaître, 1894 : Voleur qui opère au moyen d’un narcotique. Les romanichels se servent pour ce genre de vol d’une décoction de datura stramonium. Ce vol se pratique en wagon. Le voleur profite du sommeil d’un voyageur pour lui couvrir le visage d’un mouchoir imbibé de chloroforme. Les voleurs qui ont cette spécialité forment une secte à part (Argot des voleurs).
France, 1907 : Homme ennuyeux ou raseur qui vous fait perdre votre temps. Flatteur qui cherche à vous gagner de belles paroles, pour obtenir de qu’il désire.
France, 1907 : Voleur à l’endormage.
Endormi
Delvau, 1866 : s. m. Juge, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Juge. (F. Michel.)
Virmaître, 1894 : Juge. Allusion à ce que les juges dorment dans leur fauteuil pendant que les avocats plaident (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Juge. Ces messieurs semblent souvent, en effet, dormir à l’audience.
Endormir
d’Hautel, 1808 : C’est de l’endort minette. Pour, ce sont des niaiseries, des grimaces, des paroles artificieuses auxquelles il faut bien se garder d’ajouter foi.
Il a mangé de l’endormie. Se dit par plaisanterie d’un homme qui dort long-temps, que rien ne peut réveiller.
Tu m’endors. Pour tu m’impatientes, tu m’ennuies.
Delvau, 1866 : v. a. Étourdir, tuer, — dans l’argot des prisons.
La Rue, 1894 : Mentir. Étourdir. Tuer.
Rossignol, 1901 : Promettre beaucoup pour arriver à obtenir une chose que l’on désire. Un courtier endort par des promesses pour avoir une commission.
Rossignol, 1901 : Tuer.
Hayard, 1907 : Donner confiance afin de tromper.
France, 1907 : Étourdir, tuer. Faire taire les scrupules. Détourner des soupçons par des promesses ou des paroles flatteuses.
Endormir du coup
Rigaud, 1881 : Tuer, assommer.
Endormir sur le rôti (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se relâcher de son activité ou de sa surveillance ; se contenter d’un premier avantage ou d’un premier succès, sans profiter de ce qui peut venir après. Cette expression qui s’emploie plus fréquemment avec la négative, est de l’argot des bourgeois. Le peuple, lui, dit ; S’endormir sur le fricot.
Rester sur le rôti. Agir prudemment, au contraire, en n’allant pas plus loin dans une affaire sur l’issue de laquelle on a des doutes.
France, 1907 : Se contenter d’un premier succès sans poursuivre un second.
Endos
Ansiaume, 1821 : Épaules.
J’ai porsé la falourde engourdie depuis le trimard jusqu’au satou.
Delvau, 1866 : s. m. L’échine du dos, — dans l’argot des voyous.
Rossignol, 1901 : Épaules.
France, 1907 : Échine.
Endosse
Rigaud, 1881 : Épaule. — Raboter l’endosse, porter, des coups dans le dos.
Endossé
Rossignol, 1901 : Celui qui se considère être un billet à ordre, se fait mettre la signature de l’endosseur dans l’dos. Synonyme d’empalé. Voir Chatte.
Endosses
Delvau, 1866 : s. f. Épaules, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Jupons. Épaules.
France, 1907 : Épaules ; argot des voleurs.
France, 1907 : Jupons.
— Tu es un vrai homme ! Le Pâtissier était girond et gentil avec les femmes, mais toi tu as de l’atout… une gonzesse peut être fière de toi… personne ne touchera à mes endosses et tu seras toujours mon homme ! Allons ! un bécot et qu’on fasse risette à sa petite femme !…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Endosses (les)
M.D., 1844 : Les épaules.
Endosseur
Delvau, 1864 : Homme qui, ne craignant pas d’épouser une femme enceinte, se fait volontiers le gérant responsable, l’endosseur des œuvres d’autrui.
À l’égard de mademoiselle Raucoux, dont, Madame, voua avez bien voulu ma proposer le mariage, au défaut de mademoiselle Dubois, c’est encore un effet bien neuf, qui doit nécessairement entrer dans le commerce et dont je ne me soucie pas d’être le premier tireur, ni même l’endosseur. Quand il aura circulé, nous verrons à qui il restera.
(Lettre de l’acteur D’Auberval à la comtesse Dubarry, 30 avril 1773.)
Endroguer
Vidocq, 1837 : v. a. — Chercher à faire fortune.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Chercher à faire fortune.
Delvau, 1866 : v. n. Chercher à faire fortune, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Chercher un coup à faire. Le voleur drogue (attend) sur le trottoir l’occasion favorable (Argot des voleurs). V. Arracheur de chiendent.
France, 1907 : Chercher un bon coup à faire.
Endroit
d’Hautel, 1808 : Il est de mon endroit. Pour il est du même pays que moi.
On dit par dérision d’une étoffé bizarre et laide, qu’elle est aussi belle à l’envers qu’à l’endroit.
Rigaud, 1881 : Restaurant, — dans le jargon des employés du commerce de la nouveauté en gros. Mot à mot : endroit où l’on va prendre ses repas, endroit d’où l’on fait venir un plat. J’ai envoyé chercher à l’endroit une portion de tripes.
Endurer
Rigaud, 1881 : Tenir la rame immobile, — dans le jargon des canotiers de la scène.
Enfagoter (s’)
d’Hautel, 1808 : Au propre se vêtir ridiculement. Au figuré s’envelopper ; s’éprendre de belle passion pour quelqu’un ou quelque chose.
Enfançon
France, 1907 : Petit enfant.
Pas de mère, ni de père !
Pas de nid ! Enfant trouvé,
Un matin, sur le pavé !
À douze ans, ça fit la paire
Avec un autre enfançon
Qui chantait même chanson.
(Jean Richepin)
Maintenant qu’elle était certaine de lui, elle lui apportait une humeur moins rêche, et, le sachant lent à démarrer, évitait de le talonner. Mais quelquefois elle l’occupait de la pensée du petit, un joli enfançon qui serait brun comme son papa, excitant sa vanité paternelle mal éveillée encore par des promesses de ressemblance : il l’écoutait dire, demi-renfrogné, demi-riant, sans se presser quant au jour des noces.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Dans son Dictionnaire humoristique, le Dr Grégoire s’adresses ainsi à l’enfançon :
Oui, mon chérubin, je sais que tu n’es encore qui désobéissant, volontaire, hargneux, taquin, têtu, gourmant, paresseux, capricieux, glorieux, envieux, méchant, bête et capon.
Mais je sais aussi qu’il y a de belles chances pour que, plus tard, tu deviennes libertin, sot, fat, ivrogne, avare ou prodigue, ambitieux, intriguant, intolérant, fanatique, politicien…
Enfant
d’Hautel, 1808 : L’enfant dit vrai. Dicton plaisant et badin, pour affirmer qu’une personne confesse la vérité.
Il est à table jusqu’au menton, comme les enfans de bonne maison. Se dit en badinant lorsque quelqu’un est assis sur une chaise fort basse, et que son menton est presque au niveau de la table.
C’est l’enfant de sa mère. Naïveté qui veut dire qu’un enfant a les habitudes et les inclinations de sa mère.
Il n’y a plus d’enfans. Se dit lorsque des enfans se permettent des paroles ou des actions qui n’appartiennent qu’aux hommes faits.
Enfant de gogo, nourri de lait de poule. Pour dire enfant gâté ; enfant élevé trop délicatement.
Ce n’est pas un jeu d’enfant. Pour c’est sérieux, important.
Il est innocent comme l’enfant qui vient de naître. Manière ironique de dire qu’un homme a conservé la pudeur et la modestie qui caractérisent l’adolescence.
Faire l’enfant. Minauder ; s’amuser à des puérilités ; pleurer pour les moindres choses ; ne pas se payer de raison.
France, 1907 : Levier à l’usage des voleurs à effraction. On l’appelle aussi Biribi, Dauphin, Jacques, Rigolo, Sucre de Pomme… Filer l’enfant, introduire la pince.
Enfant (décrocher un, faire couler un)
Rigaud, 1881 : Déterminer un avortement, — dans le jargon du peuple.
Oui, oui, t’as décroché un enfant à la fruitière.
(É. Zola, l’Assommoir)
Enfant (filer l’)
La Rue, 1894 : Introduire la pince monseigneur sous la porte.
Enfant (l’)
Rossignol, 1901 : Pour ne pas nommer un objet ou une chose, on dit l’enfant. D’un portefeuille volé on dira : l’enfant était bien garni.
Enfant cœur
Clémens, 1840 : Pain de sucre.
Enfant de chœur
Ansiaume, 1821 : Pain de sucre.
J’ai grinchi deux enfans de chœur à l’extérieur.
Vidocq, 1837 : s. m. — Pain de sucre.
Larchey, 1865 : Pain de sucre (Vidocq). — Allusion à sa petite taille et à sa robe blanche.
Delvau, 1866 : s. m. Pain de sucre, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Demi-setier de vin rouge ; par allusion à la robe rouge des enfants de chœur.
Un pauvre bougre qui pouvait à peine se mettre un enfant de chœur sur la conscience pourra boire, etc.
(Le Père Duchêne)
Rigaud, 1881 : Pain de sucre, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Demi-setier de vin rouge. Pain de sucre.
France, 1907 : Pain de sucre ; demi-setier de vin rouge.
Enfant de chœur de guillotine
Rigaud, 1881 : Gendarme, — dans l’argot des voleurs.
Enfant de Dieppe
France, 1907 : Hareng. Dieppe avant autrefois la spécialité du commerce en grand de ce poisson.
Enfant de giberne
Rigaud, 1881 : Enfant de troupe, — dans le jargon du régiment.
France, 1907 : Fils de soldat.
Enfant de la balle
Delvau, 1866 : s. m. Celui qui a été élevé dans la profession paternelle, comédien parce que sa mère a appartenu au théâtre, épicier parce que son père a été marchand de denrées coloniales, etc. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Celui qui a appris et qui exerce le même métier que son père. L’expression est particulièrement répandue dans le monde des coulisses.
France, 1907 : Personne qui a pris la profession de son père. Se dit plus particulièrement des comédiens.
Je veux peindre le comédien pur sang, celui qui descend en droite ligne du La Rancune de Scarron, celui qui est né, dans les coulisses, d’un premier rôle et d’une soubrette ; celui qui peut se dire avec orgueil enfant de la balle, et qui a passé ses premières années à parcourir la France entière à la suite des auteurs de ses jours, gaminant sur les places publiques avec les gamins de toutes nos sous-préfectures, et jouant les anges, les amours et les petits démons, à la satisfaction du public de province.
(L. Couailhac)
Enfant de la chiffe
France, 1907 : Chiffonnier.
… En parlant des secours que les chiffonniers se donnaient entre eux, en citant quelques traits de probité et d’orgueil de cette classe, nous ne nous sommes peut-être pas assez étendu sur l’article probité, car devant les tribunaux on ne rencontre jamais de chiffonniers proprement dits, ce sont des recéleurs, des marchands de bric-à-brac qui prennent ce titre, et non de véritables enfants de la chiffe.
(A. Privat d’Anglemont, Paris-Anecdote)
Enfant de la fourchette
Delvau, 1866 : s. m. Académicien, — dans l’argot des voyous.
Enfant de maître Jacques
France, 1907 : Membre d’une des trois grandes fractions du compagnonnage. Les autres compagnons étaient les enfants de Salomon et les enfants du Père Soubise.
Enfant de trente-six pères
France, 1907 : Fils de putain.
— Ah ! cochons d’hommes ! Cochons d’hommes ! Pauline a bien raison… Si je l’avais écoutée, je n’en serais pas là… Cochons d’hommes !… Il ne sortira jamais, cet enfant de trente-six pères !
Et elle se taisait de nouveau, échevelée, mourante, abandonnée aux quatre bras secourables de Mme Quinquet.
— Pleure pas, chérie, disait la mère… Crois-tu donc que toi-même t’aies passé comme une lettre à la poste ? J’ai gloussé deux jours pour toi, — mon cœur… J’en ai encore la petite mort dans les moelles… Allons ! fais risette… ça va finir… Qu’est-ce que tu veux ? c’est not’ métier de femmes qui veut ça !
— Cochons d’hommes ! geignait Irma.
(Maurice Montégut, Gil Blas)
Enfant de troupe
Delvau, 1866 : s. m. Fils de comédien, enfant se sur les planches, — dans l’argot des coulisses.
France, 1907 : Fils de comédien. Il appartient à la troupe de son père.
Enfant de turlupin
France, 1907 : Malheureux, pauvre diable à qui rien ne réussit. Turlupin était le surnom donné aux Vaudois qui furent poursuivis, traqués, persécutés comme hérétiques au XIVe siècle, à tel point que leurs infortunes passèrent en proverbe.
Enfants de giberne
Merlin, 1888 : Enfants de troupe.
Enfanture
France, 1907 : Création d’une œuvre. Néologisme qui à sa raison d’être, l’enfanture n’ayant rien de commun avec l’enfantement, terme impropre employé jusqu’ici.
Songez que, durant un an, six mois ou quinze semaines, l’écrivain est resté enclos dans sa création… Ce fut pour lui une enfanture toute spéciale, une incubation intellectuelle dont il s’est engrossé et enorgueilli inconsciemment jusqu’à l’amour-propre et l’égotisme le plus paradoxal. Il s’est enfermé avec son œuvre jusqu’à ce que son œuvre sortit de lui.
(Octave Uzanne, Zigzags d’un curieux)
Enfariner
d’Hautel, 1808 : Il est venu la gueule enfarinée. Signifie avec empressement ; avec un air capable et vaniteux ; croyant être sûr de son fait.
On dit aussi par dérision d’un homme qui est venu en hâte dans un lieu, à dessein de prendre part à quelque gain auquel il n’a pas été admis, qu’il est venu la gueule enfarinée.
Être enfariné de quelque science ou de quelque chose. N’en avoir qu’une foible teinture.
Enfer
d’Hautel, 1808 : Jouer un jeu d’enfer. Jouer avec ardeur et gros jeu.
C’est un enfer. Se dit d’un lieu où l’on est extrêmement tourmenté ; ou l’on fait un bruit désordonné ; d’une maison où l’on reçoit beaucoup de monde.
Rigaud, 1881 : Sous-sol d’une imprimerie. C’est l’endroit où se cliche et se tire le journal. Il y fait aussi chaud qu’il doit faire en enfer.
France, 1907 : Coin de bibliothèque on sont cachés les ouvrages défendus aux petites filles et aux petits garçons.
Les femmes n’aiment pas les livres et n’y entendent rien : elles font à elles seules l’enfer des bibliophiles ; amour de femme et de bouquin ne se chante pas au même lutrin.
(Bibliophile Jacob)
Mon bourgeois n’est cependant pas un pudibond : il se fait gloire d’être sans préjugés, et l’enfer de sa bibliothèque est pavé des ouvrages les plus débraillés, mais aussi les plus artistement confectionnés et les plus chers.
(Pontsevrez, La Nation)
Enfer (d’)
Rigaud, 1881 : Énorme. Un appétit d’enfer, un courage d’enfer.
Enfermer
d’Hautel, 1808 : Il ne faut point enfermer le loup dans la bergerie. Signifie qu’il ne faut point guérir le mal au-dehors, et le renfermer en-dedans.
Enferrer
d’Hautel, 1808 : Il s’est enferré dans cette affaire. Pour, il s’est engagé ; il, s’est avancé dans cette affaire.
S’enferrer. Se percer d’un fer d’outre en outre.
France, 1907 : Arrêter.
Enfifré
Fustier, 1889 : Non-conformiste.
France, 1907 : Sodomite.
Enfigneur
Rigaud, 1881 : Émigré de Gomorrhe, — dans le jargon des voleurs.
Virmaître, 1894 : Vient de fignoton. Ce dernier mot en dit assez. C’est l’actif du passif (Argot du peuple).
France, 1907 : Même sens que enfifré.
Enfilade
Larchey, 1865 : Série de pertes.
Ils croient que la veine est revenue, mais ils ont une enfilade désespérante.
(Paillet)
Enfilage
Rigaud, 1881 : Arrestation en flagrant délit. — Avoir écopé à l’enfilage. Enfilé, pris en flagrant délit de vol. Enfilé par les roublards au moment de dégraisser une bobine en jonc. Se faire enfiler, être arrêté. Pas d’chance, v’là trois fois c’tte année que je m’fais enfiler.
Rigaud, 1881 : Pertes successives au jeu. — Celui qui court après son argent risque l’enfilage.
La Rue, 1894 : Arrestation en flagrant délit.
France, 1907 : Arrestation d’un individu pris sur le fait ; argot des voleurs.
Enfiler
d’Hautel, 1808 : Il s’est laissé enfiler dans cette entreprise. Pour, il s’y est laissé entraîner ; il en a été la dupe.
Ce n’est pas pour enfiler des perles que je suis venu ici. C’est-à-dire, ce n’est pas sans sujet ; ce n’est pas en vain, etc.
On dit aussi des choses qui offrent des difficultés dans leur exécution, Cela ne s’enfile pas comme des perles.
S’enfiler. Terme de jeu. Se laisser aller à jouer gros jeu, à perdre tout son argent.
Fustier, 1889 : Se faire enfiler, se faire arrêter.
France, 1907 : Avoir des rapports sexuels avec une femme.
Un maître qui envoie son domestique en course lui indique l’itinéraire à suivre.
— Arrivé là, vous voyez devant vous trois rues par où sortent de jeunes ouvrières. Vous enfilez la première…
— (Ahuri.) Oh ! monsieur, comme ça… tout de suite ?…
(Le Diable Joyeux)
France, 1907 : Manger.
Enfiler (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’endetter, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi : Se bisser entraîner à jouer gros jeu.
Rigaud, 1881 : Perdre successivement plusieurs coups de cartes. — S’être enfilé, avoir beaucoup perdu dans une partie, dans une soirée.
Ce qui ne l’avait pas empêché quelques minutes auparavant, de jouer contre Servet, et de se faire enfiler.
(Vast-Ricouard, Le Tripot)
La Rue, 1894 : Perdre beaucoup au jeu en peu de temps. S’endetter. S’enfiler des briques, jeûner.
Hayard, 1907 : Boire.
France, 1907 : Avoir des dettes. Perdre au jeu, dans l’argot des grecs.
Enfiler (se faire)
France, 1907 : Se dit d’une femme ou d’une fille qui a des rapports sexuels avec un homme.
La petite Agnès s’est fait enfiler par le gros vicaire.
France, 1907 : Se faire prendre dans l’acte de voler.
Enfiler de la vinasse
France, 1907 : Boire du vin.
En vieillissant a gobait l’vin,
Et quand j’la croyais au turbin,
L’soir a s’enfilait d’la vinasse.
(A. Bruant)
Enfiler des briques (s’)
Rigaud, 1881 : Jeûner, contraint et forcé, — dans le jargon du peuple.
Enfiler des perles
Rigaud, 1881 : Travailler avec nonchalance.
France, 1907 : Travailler avec lenteur et sans goût. Faire une besogne inutile ou de peu de valeur.
Ce n’est pour enfiler des perles,
Ce n’est pas pour chasser aux merles
Qu’on vit ce martial arroy.
(Scarron)
Enfiler la venelle
Vidocq, 1837 : v. a. — Prendre la fuite, faire fausse route. Ce terme, qui est celui des voleurs normands, est devenu populaire à Rouen et dans toute la Normandie.
Enfiler une femme
Delvau, 1864 : Comme une perle, avec un bout de pine au lieu d’un bout de fil.
Voudrais-tu m’enfiler, mon petit homme ?
(Henry Monnier)
Si vous ne voulez pas vous laisser enfiler,
Par mon chien aussitôt je vous fais enculer.
(L. Protat)
Leste et gai, j’enfile, j’enfile, j’enfile.
(Béranger)
C’est votre bonne fille
Qu’un infâme paillard honteusement enfile.
(Trotterel)
Je ne m’étonne plus s’il l’a si bien enfilée puisqu’elle est la perle des filles.
(La Comédie des Proverbes)
Votre beauté sans seconde
Vous fait de tous appeler
La perle unique au monde ;
Il faut donc vous enfiler.
(Collé)
Enfileur
Rigaud, 1881 : Joueur qui profite de sa veine pour pousser son adversaire à jouer contre lui, pour l’enfiler.
Enfin
d’Hautel, 1808 : C’est donc enfin fini. Exclamation dérisoire ; se dit lorsqu’un ouvrage, après avoir traîné pendant long-temps, vient d’être terminé.
Enflacqué
Larchey, 1865 : Emprisonné. — Mot à mot : jeté en — Du vieux mot flaquer : lancer violemment. V. Roquefort.
C’est donner tout son argent à l’homme enflacqué.
(Balzac)
Enflacqué (être)
Vidocq, 1837 : v. p. — Être condamné.
Enflacquer
Rigaud, 1881 : Emprisonner.
La Rue, 1894 : Emprisonner. Condamner. Mettre, revêtir. Emm…der. Dénoncer un complice. Empaqueter.
Enflammés (bataillon des)
France, 1907 : Se dit, dans l’argot militaire, des amoureux qui partent tous les soirs battre les buissons de Cythère, c’est-à-dire courir la gueuse.
Enflanellener (s’)
France, 1907 : Se mettre sur l’estomac un grog en guise de gilet de flanelle. Les Anglais disent : mettre un bonnet de nuit.
Enflaneller (s’)
Rigaud, 1881 : Absorber une boisson chaude. Mot à mot : une boisson qui remplace le gilet de flanelle.
Une nuit de mardi gras, je m’assis à une table, — dans la galerie en face de l’orchestre, — sur laquelle le Temps et Cybèle venaient de s’enflaneller de deux grogs américains.
(P. Mahalin, Au Bal masqué.)
Enflaqué
Halbert, 1849 : Perdu, fini.
Enflaqué (être)
Virmaître, 1894 : Enfermé, emprisonné (Argot des voleurs).
France, 1907 : Ennuyé. Être dans une mauvaise affaire. Être emprisonné ou condamné.
Le lendemain, suivant un usage immémorial parmi les voleurs lorsqu’un de leurs collaborateurs est enflaqué, Vidocq lui envoya une miche ronde de quatre livres, un jambonneau, et un petit écu.
(Marc Mario et Louis Launay)
Enflaquer
Bras-de-Fer, 1829 : Faire arrêter.
un détenu, 1846 : Embarrasser.
Halbert, 1849 : Se perdre.
Delvau, 1866 : v. a. Em… nuyer, — dans le même argot [des faubouriens].
Delvau, 1866 : v. a. Mettre, revêtir, endosser, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi : Arrêter, emprisonner.
France, 1907 : Dénoncer un complice, Empaqueter.
Enflaqueur
France, 1907 : Personnage désagréable, ennuyeux, gênant.
— Encore les enflaqueurs de ce matin ! Tu n’as pas de veine, mon pauvre vieux ! Dis-moi donc ce que c’est ? Le jeune à l’air d’un jobard sournois. Mais l’autre est de la flique, pour sûr.
(Hector France, La Vierge russe)
Enflé
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme dont on se moque, — dans l’argot des faubouriens. Ohé ! l’enflé ! est une injure à la mode.
France, 1907 : Imbécile présomptueux, l’homme qui se gonfle.
Enflé (ohé ! l’) !
Rigaud, 1881 : Apostrophe voyoucratique à l’usage des quidams qui prennent de grands airs, qui font les orgueilleux, que l’orgueil enfle.
Enflée
Vidocq, 1837 : s. f. — Vessie.
Larchey, 1865 : Vessie (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. f. Vessie, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Vessie, — dans le jargon des voleurs.
Virmaître, 1894 : Femme enceinte. On dit aussi : avoir une fluxion de neuf mois (Argot du peuple).
France, 1907 : Vessie ou peau de bouc qui contient de l’eau-de-vie ou du vin.
La vessie ou l’enflée d’eau d’af fut pressée jusqu’à la dernière larme.
(Vidocq)
Enfler
d’Hautel, 1808 : Il est enflé comme un ballon. Se dit d’un homme très-orgueilleux, qui tire une grande vanité de médiocres succès. Voyez Ballon.
Delvau, 1866 : v. n. Boire, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Boire.
Enfluxionné
France, 1907 : Enchifrené, enrhumé du cerveau.
Enfoncé
Delvau, 1866 : adj. Ruiné, blessé mortellement, perdu sans rémission. Signifie aussi : Avoir perdu la partie, quand on joue.
France, 1907 : Ruiné.
Enfoncé (être)
Vidocq, 1837 : v. p. — Être condamné.
Enfoncer
Larchey, 1865 : « Lorsqu’on réussit à perdre un journal à force de le décrier, ou un théâtre à force de blâmes, cela s’appelle enfoncer la feuille rivale ou le théâtre ennemi. »
(Biogr. des Journalistes, 1826)
Larchey, 1865 : Dominer.
Vous n’êtes pas de force au piquet ; je vous enfonce.
(Gavarni)
Larchey, 1865 : Duper.
Il m’apprenait la vie qu’il fallait mener pour ne pas être enfoncé.
(E. Sue)
Delvau, 1866 : v. a. Tromper, faire fort, duper. Signifie aussi Surpasser.
Rigaud, 1881 : Tromper.
Papa vous a bien enfoncé dans l’affaire des suifs.
(Gavarni)
Surpasser, être supérieur à.
Une telle imitation du vent enfonce cruellement les fameuses gammes chromatiques de la Pastorale de Beethoven.
(H. Berlioz, Les Grotesques de la musique.)
Rossignol, 1901 : Tromper quelqu’un est l’enfoncer, synonyme de enturer.
Rossignol, 1901 : Voir appuyer.
France, 1907 : Tromper, duper, surpasser.
S’il quitte fréquemment son ouvrage, c’est pour régaler un ami ; s’il passe des journées entières entre les cartes et la bouteille, c’est pour ne pas se séparer de ses amis ; s’il met toute son attention à diriger une queue de billard, c’est pour enfoncer un ami.
(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)
Enfonceur
d’Hautel, 1808 : Enfonceur de portes ouvertes. Hâbleur, fanfaron qui se vante de choses qu’il n’a pas faites, et qu’il est même incapable de faire.
Vidocq, 1837 : s. m. — Agent d’affaires, payeur de rentes, etc. On peut fort bien ne pas être partisan des privilèges, et cependant s’élever contre les abus qui résultent presque toujours d’une trop grande liberté. Il serait injuste sans doute de mettre des entraves au libre exercice de telle ou telle industrie ; mais, je crois que dans l’intérêt de la sécurité publique, on pourrait sans inconvénient en soumettre la pratique à certaines conditions.
Chacun, aujourd’hui, peut, sans contrôle, s’établir agent d’affaire ou receveur de rentes, aussi une foule d’individus, qui ne sont ni capables, ni moraux, ni solvables, puisqu’un grand nombre d’entre eux sont logés en garni, ont ouvert boutique, et se sont mis à faire les affaires de leurs concitoyens. L’incapacité notoire de ces individus cause quelquefois à leurs cliens un préjudice considérable ; mais cet inconvénient, tout grave qu’il est, est le moindre. Presque tous les agents d’affaires, receveurs de rentes sont d’insignes fripons ; je ne crains pas de m’exprimer ainsi, l’expérience a malheureusement prouvé ce que j’avance ; et au moment où j’écris, j’ai entre les mains un grand nombre de dossiers contre plusieurs agens d’affaires qui sont disparus furtivement de leur domicile, en enlevant à leurs cliens des sommes assez considérables.
Pour remédier aux maux que je signale, il faudrait que ceux qui se présentent pour exercer la profession d’agens d’affaires fussent forcés de se soumettre à un examen propre à donner la mesure de leur capacité, et tenus de déposer à la Caisse des Consignations un cautionnement proportionné à la classe à laquelle ils voudraient appartenir, et au loyer du local occupé par eux. Cette mesure ne déplairait qu’aux fripons ; ceux qui exercent leur profession avec loyauté et intelligence l’accueilleraient, au contraire, avec un vif plaisir. (Voir Ogre.)
Larchey, 1865 : Agent d’affaires, faiseur (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Mercadet gros ou petit, agent suspect d’affaires véreuses.
Rigaud, 1881 : Faiseur. (Vidocq.) — Critique violent. — Enfonceur de portes ouvertes. Celui qui fait plus de bruit que de besogne. — Homme qui cherche à faire croire qu’il a inauguré les faveurs d’une femme, et qui, en réalité, n’a été admis que bien longtemps après l’inauguration.
La Rue, 1894 : Faiseur. Escroc.
Virmaître, 1894 : Banquier qui promet 50 % par mois aux imbéciles et qui termine ses opérations en emportant la grenouille à l’étranger (Argot du peuple).
France, 1907 : Trompeur, homme d’affaires véreuses.
Toute la bande, voleurs et recéleur, fut écrouée à la Force dans l’expectation du jugement.
Là ils ne tardèrent pas à apprendre que le camarade qui avait joué le personnage de Vidocq enfoncé était Vidocq l’enfonceur.
Grande fut leur surprise ; comme ils durent s’en vouloir de s’être enferrés d’eux-mêmes avec un comédien aussi fort !
(Marc Mario et Louis Launay)
Enfonceur de flancheurs de gadin
France, 1907 : Voleur qui dépouille de leurs sous les joueurs au bouchon.
Enfonceur de porte ouverte
Virmaître, 1894 : Homme qui se vante d’avoir pris la virginité d’une fille alors qu’elle était enceinte de six mois (Argot du peuple). N.
Enfonceur de portes ouvertes
Delvau, 1864 : Homme qui se vante d’avoir pris le pucelage d’une foule de femmes — violées trois ou quatre cents fois par d’autres que par lui.
Enfonceur me portes ouvertes
Delvau, 1866 : s. m. Faux brave, qui ne se battrait même pas contre des moulins, de peur de recevoir un coup d’aile.
Enfonceur on portes ouvertes
France, 1907 : Bravache, fanfaron ; même sens que dépuceleur les femmes enceintes ou de nourrices.
Enfourailler
Larchey, 1865 : Arrêter. — Mot à mot : fourrer dedans.
Va-t’en dire à ma largue que je suis enfouraillé.
(Vidocq)
Rigaud, 1881 : Arrêter, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Enprisonner ; argot des voleurs.
Enfourner
d’Hautel, 1808 : À mal enfourner on fait les pains cornus. Voyez Cornu.
Delvau, 1864 : Introduire son membre dans le vagin d’une femme, — véritable four à la chaleur duquel il ne tarde pas à se fondre.
Il résolut d’aller dans la maison pour enfourner la femme.
(D’Ouville)
Et prends garde après
Comme on les enfourne.
(Collé)
France, 1907 : Même sens que enfourailler.
Enfrayer
La Rue, 1894 / France, 1907 : Enchanter.
Enfrimer
Vidocq, 1837 : v. a. — Envisager.
Larchey, 1865 : Dévisager. V. Frime.
Delvau, 1866 : v. a. Regarder quelqu’un au visage, — dans l’argot des voleurs. Les faubouriens disent Enfrimousser.
Rigaud, 1881 : Regarder quelqu’un de très près.
La Rue, 1894 : Regarder avec attention.
France, 1907 : Regarder quelqu’un en face ; argot des voleurs.
Enfrimer ou enfrimousser
Virmaître, 1894 : Dévisager quelqu’un. Les agents de la Sûreté enfriment les voleurs pour reconnaître les récidivistes (Argot des voleurs).
Enfrimouser
France, 1907 : Même sens que enfrimer, dans l’argot des faubouriens.
Enfroquer
d’Hautel, 1808 : Prendre le froc ; se faire moine.
Enfuir
d’Hautel, 1808 : Il est comme le chien de Jean de Nivelle, il s’enfuit quand on l’appelle. Voyez Appeler.
Tandis que le loup chie, la brebis s’enfuit. Signifie que, pour peu que l’on perde de temps, on manque l’occasion.
Enfumer
d’Hautel, 1808 : Enfumés comme des jambons. Se dit lorsqu’on est incommodé par la fumée. On dit aussi dans le même sens : Enfumés comme de vieux renards.
Engager
Fustier, 1889 : Argot de turf. Prendre inscription pour faire participer à une course publique un cheval dont on est propriétaire.
France, 1907 : Faire inscrire son cheval pour une course publique ; argot du turf.
Engailleur
La Rue, 1894 / France, 1907 : Trompeur.
Engainer
Delvau, 1864 : Baiser, la nature de la femme servant de gaine au couteau de l’homme.
Si elle n’ouvre pas bien les cuisses, il est impossible qu’il la puisse bien engaîner.
(Mililot)
Puis Martin juche et lourdement engaîne.
(Cl. Marot)
De sorte que quand il voulut engaîner.
(Moyen de parvenir)
La belle crie, il pousse, à la fin il engaîne.
(Piron)
Enganter
Larchey, 1865 : Voler, prendre. — C’est un équivalent d’empoigner. Le gant est pris pour la main. V. Chêne.
Delvau, 1866 : v. a. Prendre, saisir, empoigner, voler avec la main qui est le moule du gant. Même argot [des voleurs]. Signifie aussi : Traiter quelqu’un comme il mérite de l’être.
Rigaud, 1881 : Prendre, voler ; du provençal aganter, attraper, saisir.
France, 1907 : Voler, saisir.
Dessus le pont au Change
Certain agent de change
Se criblait au charron ;
J’engantai sa tocquante,
Ses attaches brillantes,
Avec ses billemonts.
(Chanson de l’Argot)
Enganter (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’amouracher, — dans le même argot [des voleurs].
La Rue, 1894 : S’amouracher.
France, 1907 : S’amouracher.
Cheminant en bon drille,
Un jour à la Courtille
Je m’étais enfanté.
(Vidocq)
Enganter, engrailler
La Rue, 1894 : Prendre, voler.
Engayeur
Virmaître, 1894 : Complice qui attire le trèpe (la foule) pendant que son complice explore les poches des badauds. L’engayeur est indispensable à tous les camelots ; c’est lui qui le premier achète l’objet mis en vente, pour entraîner les acheteurs. L’engayeur est le complice du bonneteur ; il mise pour engager les pontes à jouer (Argot des camelots).
Rossignol, 1901 : Individu qui par ses plaisanteries arrive à faire mettre quelqu’un en colère. Engayer est synonyme de faire endéver, taquiner.
Engeance
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris qui s’applique aux gens de basse extraction, d’une condition obscure, à la lie du peuple.
Une sotte engeance. Pour une sotte compagnies une sotte espèce.
Engeancement
d’Hautel, 1808 : Assemblage de choses bizarres.
Un sot engeancement. Pour, une chose mal disposée, mise dans un mauvais ordre. Ce mot n’est qu’une corruption du mot agencement.
Engeancer
d’Hautel, 1808 : S’engeancer. Fréquenter de petites gens ; se mésallier.
Engendrer
d’Hautel, 1808 : Il n’engendre pas la mélancolie. Se dit d’un homme qui a l’humeur joviale et folâtre, dont la tristesse et l’ennui ne rident jamais le front.
Trop de familiarité engendre du mépris.
Engerber
France, 1907 : Appréhender ; argot des voleurs.
Engin
Delvau, 1864 : Le membre viril — qui est en effet l’instrument le plus ingénieux, le plus inventif (ingenium) qui soit au monde.
Premièrement, il faut que tu saches que cet engin avec quoi les garçons pissent s’appelle un vit.
(Mililot)
O con ! la nuit à peine a fini sa carrière
Où dix fois mon engin te donna le bonheur :
Pourtant, tu veux encor que d’une tête altière
Il brave ta fureur.
(Parnasse satyrique)
Englober
d’Hautel, 1808 : Il a été englobé dans cette affaire. Pour, il a été mêlé, compromis, etc., etc.
Engluer la chevèche
France, 1907 : Arrêter une bande de voleurs.
Engoncé
M.D., 1844 : Concubinage.
Delvau, 1866 : adj. Vêtu sans goût ni grâce, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi : Qui a l’air d’avoir le cou dans les épaules.
France, 1907 : Serré dans ses vêtements.
Engouler
d’Hautel, 1808 : Il vous a bientôt engoulé ce plat. Pour, il a bientôt mangé. Se dit en mauvaise part d’un gourmand ; de quelqu’un qui mange goulument
Delvau, 1866 : v. a. Manger goulûment, — dans l’argot du peuple. Il dit aussi Engoulifrer.
France, 1907 : Manger goulûment. S’empiffrer.
Engourdi
France, 1907 : Cadavre ; argot des voleurs.
Engourdir
d’Hautel, 1808 : Enjôler, flatter, carresser quelqu’un ; l’amener à ses fins par des paroles séduisantes et trompeuses.
Il faut se méfier de cet homme, il ne cherche qu’à vous engourdir. C’est-à-dire, à friponner, à escroquer.
Engourmandi
France, 1907 : Devenu gourmand.
Engrailler
Halbert, 1849 : Attraper.
Delvau, 1866 : v. a. Prendre, — dans l’argot des voleurs. Engrailler l’ornie. Dévaliser un poulailler.
Hayard, 1907 : Arrêter.
France, 1907 : Prendre, voler. Engrailler l’ornie, attraper des poules au moyen d’un hameçon.
Engrailler, égrailler, érailler
Larchey, 1865 : Attraper, prendre (Bailly).
Engrainer
Rossignol, 1901 : Le teneur d’un jeu a des hommes à lui (des compères) qui commencent à jouer pour engager les spectateurs à faire de même, ce sont les engraineurs. Lorsque le jeu est engrainé, les engraineurs se retirent pour laisser la place aux poires. Le teneur qui n’a pas fait de recette n’a pas engrainé.
Hayard, 1907 : Arriver, entraîner.
France, 1907 : Arriver.
Engraissé à lécher les murs (ne s’être pas)
Rigaud, 1881 : Se dit d’une personne qui étale un de ces visages rubiconds et prospères dénotant le bien-être et les douceurs de l’existence. — La variante est : N’être pas gras d’avoir léché les murs.
Engraisser
d’Hautel, 1808 : On n’engraisse pas les cochons avec de l’eau claire. Se dit à quelqu’un de basse condition, qui fait le délicat, le difficile sur le manger, ou qui est d’une propreté précieuse et ridicule.
Il engraisse de mal avoir, de malédictions. Pour dire, malgré le mal et les fatigues, il devient gras ; il prospère malgré les imprécations que l’on fait contre lui.
On ne sauroit manier le beurre, qu’on ne s’engraisse les doigts. Voy. Manier.
L’œil du maître engraisse le cheval. Signifie que l’œil du maître donne une grande valeur à ses possessions.
France, 1907 : Donner l’argent que l’on gagne à son souteneur.
La gaupe a de la retourne, elle n’engraisse pas.
Engraisser un poupard
France, 1907 : Préparer un vol.
Engrayer
Hayard, 1907 : Faire du boniment.
Engrener
d’Hautel, 1808 : Les premiers venus engrènent. Pour dire que les plus diligens, les premiers venus prennent les meilleures places ; qu’en toute justice, les premières places sont dues aux premiers arrivans, aux plus diligens, aux plus habiles.
Il est bien engrené. Pour, il est assuré ; il est entré dans quelque bonne entreprise.
Engrogné
d’Hautel, 1808 : Un engrogné. Un fantasque, un homme chagrin, taciturne, et toujours de mauvaise humeur.
Engrosser
d’Hautel, 1808 : Ce mot ne s’emploie qu’en mauvaise part ; en parlant d’une fille à qui un séducteur a fait un enfant, on dit : elle s’est laissé engrosser.
Delvau, 1864 : Devenir enceinte par suite d’un coup tiré avec un homme de sperme prolifique. — Faire un enfant à une femme.
Il arriva à cette folle femme de se faire engrosser à un autre qu’à son mari.
(Brantôme)
Mais un plus grand malheur m’a-t-il jamais pu advenir : engrosser une fille du premier coup ?
(P. De Larivey)
Quelques-uns ayant engrossé des filles sont contraints de les épouser.
(Ch. Sorel)
Engrouiller (s’)
France, 1907 : Fainéanter au lieu d’agir.
Engrumeler
d’Hautel, 1808 : Se mettre en grumeau.
Le peuple dit engromeler, comme il dit gromelot.
Engueseur
Ansiaume, 1821 : Confesseur.
L’engueuseur lui a fait manger le morceau, il est mon seul parain.
Engueulade
France, 1907 : Attrapage grossier par la parole ou par écrit.
Ce serait toujours une douce erreur de croire que ces vils piliers de maisons publiques, parfumés de patchouli et de musc, qui arrêtent dans la rue les lecteurs d’une main engageante en leur disant comme ces dames : « Mon petit lecteur, veux-tu monter chez moi ? » n’ont pas d’émules dans cette presse anglaise dont l’honnêteté et la vertu sont devenues proverbiales. Il ne reste plus aux drôles du Figaro, aux filles du Paris-Journal et aux hermaphrodites de ce petit Saint-Lazare qu’on appelle le Gaulois qu’à se brûler la cervelle, car ces êtres lubriques sont dépassés dans l’art de l’engueulade par un journal qui fleurit sur les rivages de la blonde Albion.
(Camille Barrère (Yorick), Qui-Vive !)
Engueulage
France, 1907 : Même sens que engueulade.
Et à entendre ces jurons rudes de mathurins, ces bouts de chansons qui traînent le soir dans les rues diffamées des ports, ces engueulages rauques qui se dispersaient sous le ciel bleu, ces appels libertins comme il en sort des lèvres avinées, des portes qui bâillent sur quelque corridor noir vaguement éclairé d’une lampe fumeuse, l’on se serait cru en un bouge où les rires se heurtent, où les gabiers en bordée ont des filles sur chaque genou et les dépoitraillent, les embrassent à pleine bouche.
(Mora, Gil Blas)
Engueulage, engueulade
Rigaud, 1881 : Série d’injures débitées en criant. Quelque chose de plus fort que l’engueulement. Dans l’engueulement, au milieu d’une ondée d’invectives, il peut se rencontrer quelques saillies, quelques mots heureux. Dans l’engueulage, c’est la grossièreté pure qui fait tous les frais de la conversation criée.
Engueulement
Larchey, 1865 : Bordée d’injures.
Vadé est le Démosthènes de l’engueulement.
(Catéch. poissard, 1844)
Delvau, 1866 : s. m. Injure de parole, — dans l’argot du peuple. Injure de plume, — dans l’argot des gens de lettres.
Rigaud, 1881 : Avalanche d’injures. Langage particulier aux dames des halles du temps jadis. Les bals masqués sont des écoles d’engueulement.
France, 1907 : Même sens que engueulade et engueulage.
Néanmoins, un rien l’arrête le long du chemin : parfois il regarde en badaud, soit des journaux ouverts à l’éventaire des librairies, soit une boutique nouvelle, soit un embarras de voitures provoquant un engueulement de cochers.
(Paul Pourot, Les Ventres)
Engueuler
Larchey, 1865 : Invectiver.
Et puis j’vous engueule la vilaine.
(Rétif, 1783)
Delvau, 1866 : v. a. injurier grossièrement ; provoquer, chercher querelle. Se faire engueuler. Se taire attraper.
Delvau, 1866 : v. n. Avaler, manger, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Engouler.
Rigaud, 1881 : Crier des injures. — S’engueuler, se battre à coups de gros mots. Sous prétexte de polémique, certains journalistes ne font que s’engueuler.
La Rue, 1894 : Injurier. Réprimander grossièrement. Engueulade. Série d’injures, réprimande grossière.
France, 1907 : Injurier grossièrement.
— Et puis, je lui dirai aussi que tu te sers de la détestable expression engueuler, laquelle est l’apanage exclusif de gens de basse culture mondaine.
— Oh ! Ja la ! ousqu’est mon monok !… Et puis, tu sais, j’m’en fiche, tu peux lui dire tout ce que tu voudras, à maman.
(Alphonse Allais)
On dit aussi dans le même sens : engueuler comme un pied.
— Maman te gobe beaucoup… elle dit que rien que de voir ta bobine, ça la fait rigoler.
— Je remercierai madame ta mère de la bonne opinion…
— Fais pas ça !… Tu seras bien avancé quand tu m’auras fait engueuler comme un pied !
(Alphonse Allais)
France, 1907 : Manger gloutonnement.
Engueuler le trottoir
Fustier, 1889 : Porter des chaussures éculées, percées.
Des souliers éculés avec des semelles… qui engueulent le trottoir.
(Vie Parisienne, 1882)
France, 1907 : Avoir des bottines éculées ou percées.
Engueuleur
Delvau, 1866 : s. m. Écrivain qui trempe sa plume dans la boue et qui en éclabousse les livres dont il n’aime pas les auteurs.
Rigaud, 1881 : Individu qui a un goût particulier pour l’engueulage. — Journaliste qui pratique la polémique à l’emporte-pièce et à l’eau-forte.
France, 1907 : Injurieur. En temps d’élections, les journalistes de la basse presse se transforment en engueuleurs. Delvau donne cette définition bonne à citer :
Écrivain qui trempe sa plume dans la boue et qui en éclabousse les livres dont il n’aime pas les auteurs.
Engueuser
La Rue, 1894 : Caresser.
France, 1907 : Caresser, enjôler, amadouer.
Enguiché
France, 1907 : Mêlé, embrouillé.
Enguignonner
France, 1907 : Donner du guignon, jeter un sort.
Il se fit qu’une génisse tomba malade, à Saint-Cricq, pendant le séjour du mendiant. Le fermier à qui elle appartenait n’hésita pas outre mesure sur cette maladie ; il estima que Coudebraque avait enguignonné sa bête, et, par une nuit obscure, il prit son fusil, se cacha dans une châtaigneraie, et attendit le mendiant mystérieux.
(Le Livre Populaire)
Enguirlander
France, 1907 : Tromper, circonvenir.
Enharnacher
d’Hautel, 1808 : S’enharnacher. Se sur charger d’ornemens bizarres ; se vêtir ridiculement.
Enjambée
d’Hautel, 1808 : Enjamber, enjambement ; vulgairement, ajambée, ajamber, ajambement.
Enjoler
France, 1907 : Caresser, câliner.
Enjôler
d’Hautel, 1808 : Tromper, flatter, corrompre, abuser quelqu’un par des discours fallacieux.
Delvau, 1866 : v. a. Caresser, endormir la résistance par des discours flatteurs.
Enjôleur
d’Hautel, 1808 : C’est un enjôleur de la première force. Pour, c’est un corrupteur, un homme adroit et rusé, avec lequel il faut bien se tenir sur ses gardes.
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui trompe les hommes par des promesses d’argent et les femmes par des promesses de mariage.
Enjoleur, enjoleuse
France, 1907 : Personne qui flatte pour tromper.
Enjuponné
Hayard, 1907 : Juge.
France, 1907 : Magistrat ou prêtre.
Qui dit accusé, dit condamné, — grâce à la racaille des marchands d’Injustice : turellement, ceci ne s’adresse qu’aux pauvres bougres, car chacun sait que les enjuponnés n’ont pas l’habitude de condamner les richards.
(Père Peinard)
Enjuponner (s’)
France, 1907 : Se mettre sous le joug d’une femme.
Nous aimions l’omnibus
Pour son impériale,
Et la femme — notre égale —
En à fait le blocus !
Au diable les jupons !
Elle aime mieux nos frusques ;
C’est nous, pauvres mollusques,
Qui nous enjuponnons !!
(Henri Buguet)
Enlevé
Larchey, 1865 : Réussi de prime-saut. — On dit : un article enlevé, au journal ; une scène enlevée, au théâtre. — Une œuvre s’enlève à la plume comme une position ennemie s’enlève a la baïonnette.
Rigaud, 1881 : Réussi : Article de journal enlevé. — Vivement fait : Ouvrage enlevé. — Vivement mené, — dit avec entrain : Une scène enlevée. — S’enlever, s’emporter. — S’enlever cher, être tourmenté par la faim, — dans le jargon des voleurs.
Enlevé (être)
Rigaud, 1881 : Plaire beaucoup au public, — dans le jargon du théâtre.
(Les bravos redoublent.) Il parait qu’il est enlevé.
(Musée Philipon, Théâtre de Bourg-en-Bresse.)
Enlevé comme un corps saint
France, 1907 : Enlevé brutalement et sans ménagement. Ce dicton, encore en usage dans certaines provinces, n’a aucune signification orthographié ainsi. C’est corsin ou caursin qu’il faudrait dire, ainsi que l’explique Le Roux de Lincy : « À plusieurs époques du moyen âge, mais principalement au moment des croisades, différentes compagnies de marchands italiens s’établirent en France et s’enrichirent en faisant l’usure. Ces compagnies furent appelées Couercins, Caorcins, Cahorsins, soit, comme le veulent quelques-uns, parce que les principaux d’entre eux venaient de Florence et appartenaient à la famille des Corsini, soit parce qu’une des plus considérables de ces compagnies avait été s’établir à Cahors. La dureté avec laquelle ces commerçants agirent envers leurs débiteurs, et aussi le désir de s’emparer des richesses considérables amassées par eux, furent cause qu’à plusieurs reprises on les enleva pour les expatrier. »
Il faut se rappeler que les Italiens, et particulièrement les Lombards, se partagèrent avec les juifs la grande usure au moyen âge. Encore maintenant, les préteurs sur gages en Angleterre, les pawnbrokers, ont pour enseigne trois boules de cuivre, les armes des Lombards. Lombard a été longtemps synonyme d’usurier. On trouve dans le Trésor des sentences du XVIe siècle :
Dieu me garde de quatre maisons,
De la taverne, du Lombard,
De l’hospital, de la prison.
Enlever
d’Hautel, 1808 : On l’a enlevé comme un corps saint. C’est-à dire, avec de grandes précautions. Voy. Corps.
Delvau, 1866 : v. a. Débiter un rôle ou passage d’un rôle, avec feu, verve ou aplomb, — dans l’argot des coulisses.
France, 1907 : Jouer un rôle avec intelligence et verve, dans l’argot des théâtres.
Enlever (s’)
Vidocq, 1837 : v. p. — Être tourmenté par la faim.
Halbert, 1849 : Mourir de faim.
Delvau, 1866 : v. réfl. Souffrir de la faim, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Être affamé ; argot des voleurs.
Enlever le ballon ou le cul
France, 1907 : Donner un coup de pied.
Enlever le cul
Delvau, 1866 : v. a. Donner un coup de pied au derrière de quelqu’un. — Argot du peuple. On dit aussi Enlever le ballon.
Enlever quelque chose
Delvau, 1866 : v. a. — dans l’argot des bourgeois qui n’osent pas employer la précédente expression.
Enleveur
Delvau, 1866 : s. m. Acteur qui joue ses rôles avec beaucoup d’aplomb.
France, 1907 : Acteur qui joue ses rôles avec verve et aplomb.
Enlicoler
France, 1907 : Attacher avec un licon.
La jument était enlicolée à son râtelier.
(Hugues Le Roux)
Enluminer
d’Hautel, 1808 : S’enluminer. S’enluminer la trogne. Se mettre en ribotte ; boire à en perdre la raison et l’équilibre.
d’Hautel, 1808 : Une figure enluminée. C’est à-dire, une face rougeaude et rubiconde ; un visage d’ivrogne.
Enluminer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Commencer à ressentir les effets de l’ivresse, qui colore le visage d’un fard intense.
France, 1907 : Commencer à se griser. Allusion aux teintes rouges qui colorent le visage.
Enluminure
Delvau, 1866 : s. f. Demi-ivresse.
France, 1907 : Légère ivresse.
Enmiché
France, 1907 : Pédéraste passif ; l’actif est l’enmicheur.
Ennemi
d’Hautel, 1808 : C’est autant de pris sur l’ennemi. Se dit quand on a pris à la dérobée quelque plaisir, quelque divertissement défendus ; ou lorsqu’on a surpris quelque chose à un débiteur infidèle qui conteste ce qu’il doit.
On dit aussi, lorsque la mort enlève plusieurs personnes avec lesquelles on étoit en inimitié : C’est autant d’ennemis de moins.
Ennocer
d’Hautel, 1808 : S’ennocer. Être de noce ; faire ou assister à des cérémonies, à des repas de noces.
Enntonne
France, 1907 : Église. On y entonne des cantiques.
Ennuyer (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Être sur le point de mourir, — dans l’argot des bourgeois, que cela chagrine beaucoup.
La Rue, 1894 : Être vilain, laid. Mourir.
France, 1907 : Être à l’article de la mort. Signifie aussi laid.
Enplanquer
Larchey, 1865 : Arriver.
La rousse enplanque.
(Bailly)
Enplaque
France, 1907 : Police ; argot des voleurs.
Enquiller
Vidocq, 1837 : v. a. — Entrer.
Larchey, 1865 : Entrer. — Mot à mot : jouer des quilles dans… V. Quille. — Ancien mot, car nous trouvons déquiller : sortir, dans Du Cange. V. Baptême. — Enquilleuse : V. Détourner.
Delvau, 1866 : v. a. Cacher, — dans l’argot des voleurs. Enquiller une thune de camelote. Cacher entre ses cuisses une pièce d’étoffe.
Delvau, 1866 : v. n. Entrer quelque part comme une boule au jeu de quilles, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Caser, pourvoir d’une place. — Cacher entre ses cuisses un objet volé. Enquiller une thune de camelotte, cacher sous ses jupons une pièce d’étoffe. — Arriver, entrer.
Faut espérer que Je démoc enquiller a.
(La Patrie, du 2 mars 1852.)
La Rue, 1894 : Pourvoir d’un emploi. Arriver, entrer. Cacher sous ses jupons un objet volé, comme le fait l’anquilleuse.
Virmaître, 1894 : Entrer.
— Il y a longtemps que je cherche à m’enquiller dans cette boîte (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Entrer.
France, 1907 : Cacher entre ses jambes ou sous ses jupons un objet volé où que l’on veut soustraire aux perquisitions douanières. De quilles, jambes ; mot à mot, mettre entre les quilles.
France, 1907 : Entrer vivement.
J’enquille dans sa cambriole,
Loufa malura dondaine !
Espérant de l’entifler,
Loufa, malura dondé !
(Vidocq)
Enquiller (s’)
Boutmy, 1883 : v. pr. Être embauché.
France, 1907 : Se pourvoir d’un emploi.
Enquilleur
Fustier, 1889 : Argot des voleurs et surtout des bonneteurs. (V. Chocolat.)
La Rue, 1894 : Compère du bonneteur.
France, 1907 : Compère d’un bonneteur.
Enquilleuse
Delvau, 1866 : s. f. Femme qui porte un tablier pour dissimuler ce qu’elle vole.
Virmaître, 1894 : Voleuse qui opère dans les grands magasins de nouveautés. Elle enquille la marchandise volée entre ses cuisses. Il faut vraiment être organisée particulièrement pour cacher un coupon de soie à cet endroit-là (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voleuse qui cache le produit de ses larcins entre ses jambes.
Enquiner, enquiquiner à la course
Larchey, 1865 : Insulter.
Enquiquiner
Rigaud, 1881 : Ennuyer, agacer, porter sur le système nerveux.
France, 1907 : Ennuyer. C’est aussi une expression de mépris. Je vous enquiquine, allez au diable, je me moque de vous.
— Oh ! zut ! fit Zéozia. Tu sais, il faut lâcher ta politique ! elle m’embête, ta politique ! Quand tu me faisais travailler pour elle et que je sauvais la République, c’était encore drôle ; mais, à présent qu’elle est sauvée, ça devient une rengaine ; elle m’enquiquine.
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
Enragé
d’Hautel, 1808 : Nom donné dans les troubles de la révolution aux partisans outrés des principes démocratiques, et réciproquement par ces derniers aux partisans du royalisme.
C’est un enragé. Équivaut à c’est un factieux, un cabaleur effréné.
Enrageant
d’Hautel, 1808 : C’est enrageant. Pour c’est dépitant, contrariant, guignonant.
Enrager
d’Hautel, 1808 : Être saisi de rage, s’impatienter ; se livrer à la colère.
Enrager la fin, la soif. Pour avoir excessivement faim et soif.
Un mal d’enragé. Le plus insupportable des maux, le mal de dents.
Il n’enrage pas pour mentir. Se dit d’un hâbleur, d’un gascon, d’un homme qui ment effrontément et avec audace.
La musique enragée. Tintamare, musique discordante, avec laquelle on fait danser les chiens.
Il a mangé de la vache enragée. Se dit de quel qu’un qui a souffert la faim, la disette et la fatigue dans quelques excursions, ou qui a mangé de fort mauvaise viande, et même pas tout son soûl.
Enrayer
Rigaud, 1881 : Renoncer aux amours et même à l’amour.
France, 1907 : Renoncer aux plaisirs et à l’amour.
Et, par le fait, malgré sa jeunesse relative et des apparences encore vigoureuses, il vivait solitaire, ennuyé et farouche : lorsque, devant lui, quelqu’un parlait d’amour sérieux ou fou, il haussait les épaules, grognait des sarcasmes, affirmait avoir enrayé, avoir dételé, lâché tout cela, toutes ces sottises.
(Maurice Montégut, Gil Blas)
Enrhumé du cerveau
Virmaître, 1894 : Allusion au nez qui coule sans cesse. Mais ce n’est pas du nez qu’il s’agit (Argot du peuple). V. Lazzi-loff.
Rossignol, 1901 : Voir chaude lance.
Enrhumer
d’Hautel, 1808 : Tu m’enrhumes. Pour tu m’importunes, tu m’ennuies.
On dit aussi : c’est ce qui vous enrhume. Pour c’est ce qui vous trompe.
Halbert, 1849 : Ennuyer.
Rigaud, 1881 : Ennuyer, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Ennuyer.
Enrhumer (s’)
France, 1907 : S’ennuyer.
Enrosser
Larchey, 1865 : Donner une rosse pour un bon cheval.
Des maquignons des Champs-Élysées les ont enrossés.
(Roqueplan)
Delvau, 1866 : v. a. Dissimuler les vices rédhibitoires d’un cheval, d’une rosse, — dans l’argot des maquignons.
France, 1907 : Dissimuler les vices d’un cheval pour le vendre, c’est-à-dire qu’on est enrossé lorsqu’on l’a acheté.
Enrosser (s’)
France, 1907 : Se livrer à la paresse. « Sous le beau ciel du Midi ou près d’un bon feu on s’enrosse facilement. »
Enrouter
Rossignol, 1901 : Je me souviens avoir appris, dans l’histoire sainte, que Sodome fut dévorée par le feu du ciel et que Loth fut changé en statue de sel pour s’être retourné et avoir regardé les habitants qui se livraient à ce petit exercice sur deux anges envoyés par Dieu.
Ensecreter
Rigaud, 1881 : Introduire dans un joujou le mécanisme qui le fait mouvoir.
Ensecréter
France, 1907 : Habiller une marionnette ; argot des artistes forains.
Enseigne
d’Hautel, 1808 : Est-ce que tu prends mon bras pour une enseigne. Espèce d’apostrophe que l’on fait à quelqu’un qui ne vient pas au devant de ce qu’on lui présente.
Il a couché à l’enseigne de la belle étoile. Pour dire que n’ayant pas de logis une personne a couché dehors.
Un faiseur d’enseignes à bière. Un mauvais peintre, un barbouilleur.
À telles enseignes. Pour la preuve en est, etc.
Enseigner
d’Hautel, 1808 : Les animaux nous enseignent à vivre. Façon de parler qui veut dire que les gens les plus savans peuvent encore apprendre des ignorans.
Ensemble
France, 1907 : Modèle qui pose pour le nu.
Ensemblement
d’Hautel, 1808 : L’un avec l’autre ensemblement. Pour dire aller quelque part, faire quelque chose mutuellement avec quelqu’un
Ensorceler
d’Hautel, 1808 : Je crois qu’il est ensorcelé. Se dit de quelqu’un qui ne réussit en rien, qui a un malheur décidé dans toutes ses entreprises.
Entablement
Delvau, 1866 : s. m. Épaules, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Épaules.
Entailler
Halbert, 1849 : Tuer avec une arme tranchante.
Delvau, 1866 : Tuer, — dans l’argot des prisons.
Virmaître, 1894 : Tuer quelqu’un. C’est en effet une fameuse entaille. Avinain et Billoir étaient deux rudes entailleurs (Argot des prisons).
France, 1907 : Tuer.
Entame (à toi l’)
France, 1907 : À toi à commencer.
Il monta sur un tabouret, et passant le bras sur la corniche d’une vieille armoire, il en ramena une vessie pleine.
— La v’là, l’enflée, c’est de l’eau d af, elle est toute mouchique, celle-là !… C’est moi qui l’ai entôlée… Allons, Jean-Louis, à toi l’entame.
(Marc Mario et Louis Launay)
Entamer
France, 1907 : Tirer les vers du nez, arracher les secrets.
Ouvre l’œil et ferme le bec quand le curieux voudra t’entamer.
Entape
M.D., 1844 : Habillement.
Entauder
M.D., 1844 / Hayard, 1907 : Entrer.
Entauler
Larchey, 1865 : Pénétrer dans une maison. V. Taule.
Delvau, 1866 : v. n. Entrer dans la taule, ou ailleurs. Même argot [des prisons]. Entauler à la planque. Entrer dans sa cachette.
Virmaître, 1894 : Entrer dans une taule (maison) (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Emménager, genre de vol des filles publiques.
France, 1907 : Entrer : mot à mot, pénétrer dans la taule.
Entauler à la planque
Virmaître, 1894 : Entrer dans une cachette pour se soustraire aux recherches de la police. On entaule aussi à la planque des objets volés pour les reprendre au sortir de prison (Argot des voleurs).
Entendeur
d’Hautel, 1808 : À bon diseur, bon entendeur. Signifie que les personnes qui parlent bien et finement, doivent avoir de bons auditeurs.
À bon entendeur salut. Se dit quand on reproche indirectement à quelqu’un ses défauts, et qu’il feint de ne pas entendre.
Entendre
d’Hautel, 1808 : Je t’entends bien, mais je ne l’écoute guères. Trivialité, pour faire comprendre à quelqu’un que l’on n’est pas sa dupe, qu’il perd son temps à vouloir vous enjôler.
Entendre corne. Se méprendre sur ce que l’on dit ; jouer sans le vouloir au propos interrompu.
Il n’y a point de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Signifie que l’on ne peut jamais faire entendre un homme qui détourne à dessein les paroles qu’on lui adresse.
Ils s’entendent comme larrons en foire. Se dit toujours en mauvaise part de gens qui forment une coterie, une clique.
N’entendre ni rime ni raison. Ne pas se rendre aux discours raisonnables, ne rien vouloir entendre.
Chacun fait comme il l’entend. Pour dire suivant ses volontés.
Cela s’entend : c’est entendu. Cela doit être ainsi ; c’est bien compris.
Entendre dur. Avoir l’ouïe épaisse et obstruée ne point entendre ce que l’on dit à voix basse.
Entendre comme larrons en foire (s’)
France, 1907 : Être de complicité pour duper quelqu’un ; les foires et les marchés étant d’ordinaire, à cause du mouvement et de la foule le rendez-vous des voleurs et des vide-goussets. Le dicton est fort ancien, comme du reste la chose. Les Romains disaient : « s’entendre comme les marchands d’huile du quai de Velabre. » Le Velabre était le lieu de rendez-vous des marchands d’huile, qui s’y concertaient sur les prix et les faisaient, si possible, monter. « Pour se distribuer les grasses sinécures et partager l’assiette au beurre, les opportunistes s’entendent comme larrons en foire. »
Entendre de corne
Delvau, 1866 : v. n. Entendre autre chose que ce qu’on dit, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Prendre un mot pour un autre. Allusion à la corne des marchands campagnards au moyen de laquelle ils annoncent leur présence à leurs clients. Il arrive souvent que ceux-ci se trompent et prennent la corne du boulanger pour celle du boucher et vice versa.
Entendre le « tu autem »
France, 1907 : Être prompt à saisir une affaire. Vieux dicton qui nous vient des moines, et dont on trouve l’explication dans le Moyen de parvenir : « Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui leur fait lecture des actions des satrapes, et ainsi légendant, il barbillonne les oreilles de ses confrères, qui cassent la bribe, sans songer à ce que dit ce pauvre lamponier, qui est là-haut perché… bien loin de ce qu’il dit, d’autant qu’il a l’oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle place, à mouler des intelligences de tripes : durant quoi, il se souvient parfois de ce pauvre diable qui s’égueule à faute de s’écouter, et dit, en touchant du doigt sur table, tu autem, qui et à dire qu’il finisse, parce qu’à chaque bout de leçon, on dit cette fin. Si de fortune ce lecteur est si sot d’avoir plus d’attention à sa lecture qu’au dîner, absit, et qu’il veuille achever jusques au sens parfait, et qu’ainsi il perde le temps, les autres disent en concluant chapitrament contre lui, qu’il n’entend pas le tu autem. Le tu autem était suivi de Domine, miserere nobis, et chacun se levait. » Entendre le « tu autem » était si fort répandu à cause du nombre des couvents, qu’on emploie encore cette expression en beaucoup de provinces.
Entendre le jeu, entendre cela
Delvau, 1864 : Savoir faire l’amour.
J’entends cela peut-être mieux qu’elle.
(La Popelinière)
Il arrive bien souvent que le premier soir qu’une jeune pucelle couche avec un garçon qui entend le jeu dont elle est entièrement ignorante…
(Mililot)
Entendre que du vent (n’)
France, 1907 : Ne rien entendre, ni comprendre.
Entendre que du vent (n’y)
Delvau, 1866 : N’y rien entendre, — dans l’argot du peuple.
Entente
d’Hautel, 1808 : L’entente est au diseur. C’est-à-dire, que celui qui parle énigmatiquement, sait bien ce qu’il veut faire entendre.
Enterner ou entraver
Halbert, 1849 : Comprendre l’argot.
Enterrement
Delvau, 1866 : s. m. Morceau de viande quelconque fourré dans un morceau de pain fendu, — comme, par exemple, une tranche de gras-double revenu dans la poêle et que la marchande vous donne tout apprêté, tout enterré dans une miche de pain de marchand de vin.
Rigaud, 1881 : Bout de charcuterie, tranche de gras-double, rogaton quelconque interné dans un morceau de pain. C’est le déjeuner de bien des pauvres gens. On voit beaucoup d’enterrements dans le quartier des halles à l’heure de midi, alors que l’oreille de morue crépite dans la poêle et que la moule nage dans un bain gris-verdâtre.
Rigaud, 1881 : Ouvrage abîmé par un apprenti ou par un ouvrier, — dans le jargon des cordonniers.
Rigaud, 1881 : Petite supercherie pratiquée par les soldats de cavalerie, laquelle consiste à cacher le crottin sous la paille, au lieu de le ramasser dans la vanette et de le porter au fumier.
Ça s’est-y bien tiré, ta garde d’écurie ?
— Ma foi, tu sais, avec des enterrements.
La Rue, 1894 : Fragment de charcuterie on rogaton interné dans un morceau de pain.
Virmaître, 1894 : Morceau de gras-double, de lard et de pain que les femmes vendent aux environs des halles. On les appelle Mesdames la poêle, parce qu’elles font frire leur marchandise dans cet instrument de cuisine. Un enterrement de première classe coûte trois sous, de deuxième deux sous, de troisième un sou. Ces femmes gagnent de dix à douze francs par jour (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Sandwich, c’est-à-dire morceau de viande ou de charcuterie placée dans un petit pain.
Leur spécialité consistait à vendre pour deux sous un morceau de pain dans lequel elles mettaient un morceau de gras-double rôti dans la poêle ; les plus riches allaient jusqu’à trois sous ; alors, pour ce prix, ils avaient une saucisse plate. Dans le langage du boulevard, cela s’appelait un enterrement de première classe.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
On appelle aussi enterrement de première classe une cérémonie longue et ennuyeuse.
Enterrement de première classe
Rigaud, 1881 : Critique empreinte d’un faux attendrissement. Elle procure en moyenne cent cinquante lignes de copie à son auteur et le plaisir de conduire une œuvre — le plus souvent l’œuvre d’un ami — à sa dernière demeure, l’oubli éternel.
Enterrer
d’Hautel, 1808 : Enterrer la synagogue avec honneur. Se retirer d’une affaire avec honneur et d’une manière irréprochable ; terminer quelque réjouissance par un dernier divertissement.
On dit d’un avare qui amasse de l’argent ; qu’il enterre ses écus, et d’un homme qui renonce à toutes jouissances humaines, qui s’éloigne de la société, qu’il s’enterre tout vivant.
Enterver
France, 1907 : Écouter : comprendre. Argot des voleurs. Du vieux mot entrever, entrevoir.
Le rupin sortant dehors vit cet écrit, il le lut, mais il n’entervait que floutière ; il demanda au ratichon de son village ce que cela voulait dire, mais il n’entervait pas mieux que sézière.
(Le Jargon de l’argot)
Enterver ou entraver
Vidocq, 1837 : v. a. — Comprendre.
Enterver, entraver
Larchey, 1865 : Savoir. — Du vieux mot entrever, entrevoir. V. Roquefort. V. Bigorne.
Électre le parlait, dit-on, divinement, Iphigénie aussi l’entravait gourdement.
Entêté comme un âne rouge
France, 1907 : Le mot âne est mis ici pour ignorant et rouge pour cardinal.
Pour dire opiniâtre comme le peut estre un cardinal ignorant lequel s’obstine ordinairement en son opinion, sans fondement ni raison, et veut tout gaigner en vertu de son autorité et s’offense si on ne luy cède. Non pas que son avis soit juste et raisonnable, mais parce qu’il est cardinal et prince de l’Église. Or on le nomme asne parce qu’il est ignorant et ronge parce qu’il porte la calotte et le bonnet rouge.
On voit que déjà du temps de Fleury de Bellingen, auteur de cette explication, cardinaux n’étaient pas en odeur de sainteté.
Entêté comme un mulet d’Auvergne
France, 1907 : Borné et têtu.
Enteugner
France, 1907 : Assourdir.
Enticher
d’Hautel, 1808 : Il est entiché de cette personne. Pour dire il s’en est passionnément épris ; il est aveugle sur son compte.
Enticher (s’)
Delvau, 1866 : Se prendre d’affection pour quelqu’un au point de le gâter de caresses et d’amitiés. Argot des bourgeois. Se dit aussi à propos des choses.
France, 1907 : Se prendre d’amour ou d’amitié.
Le vieux commandant s’était tellement entiché de cette petite grue qu’il en perdait la boule et oubliait jusqu’à l’heure de l’absinthe.
(Les Joyeusetés du régiment)
Entier
Delvau, 1864 : Un homme pourvu de testicules.
J’ai tout ce qu’exige saint Pierre,
Oui, de Cythère vieux routier,
Je suis entier.
(Béranger)
Entière
Rigaud, 1881 : Lentille. — dans l’ancien argot.
Entières
France, 1907 : Lentilles ; argot des voleurs.
Entif (battre l’)
France, 1907 : Parler argot.
Entiffe
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Église.
Entiffe, entonne
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Église.
Entiffer
Delvau, 1866 : v. a. Enjôler, ruser, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Entifler.
Delvau, 1866 : v. n. Entrer, — dans l’argot des faubouriens.
La Rue, 1894 : Entrer. Enjôler. Ruser.
France, 1907 : Entrer.
France, 1907 : Orner, décorer, enjôler.
Entiffle ou antonne
Vidocq, 1837 : s. f. — Église.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Entifflement
Vidocq, 1837 : s. m. — Mariage.
Entiffler
Vidocq, 1837 : v. a. — Marier.
France, 1907 : Enjôler, voler.
Entifle
Bras-de-Fer, 1829 : Église.
Entiflé de c.
M.D., 1844 : Mariage légitime.
Entiflement
Larchey, 1865 : Mariage. — entifler, épouser. V. Antifler.
Entifler
Hayard, 1907 : Se marier.
Entoilage
Hayard, 1907 : Arrestation.
Entoilé
Virmaître, 1894 : Emprisonné. Synonyme d’enflaqué. Cette expression vient de ce que dans les camps, la salle de police est sons une tente-abri : de là entoilé. Mot à mot : emprisonné sous la toile. S’entoiler : se coucher, se fourrer dans ses draps (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Arrêté.
Hayard, 1907 : Emprisonné.
Entôler
Vidocq, 1837 : v. a. — Entrer dans une maison avec le dessein d’y voler.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
France, 1907 : Prendre. Entrer en fraude.
Entôler, antroller
La Rue, 1894 : Entrer en fraude. Emporter.
Entonne
Halbert, 1849 : Chapelle.
Entonner
d’Hautel, 1808 : On dit, par interrogation, à quelqu’un qui fait des difficultés pour manger ou prendre quelque chose qu’on lui donne, s’il faut le lui entonner.
Entonner une antienne. Adresser des reproches à quelqu’un ; ouvrir la conversation sur un sujet qui lui déplaît.
Entonner. Signifie aussi boire coup sur coup.
Delvau, 1866 : v. n. Boire, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Boire. Entonner comme un chantre, boire énormément.
Hayard, 1907 : Boire beaucoup.
Entonnoir
Delvau, 1864 : La nature de la femme, par laquelle on introduit le liquide précieux qui la féconde.
Ta pine n’est plus qu’une humble bibite
Indigne d’entrer dans mon entonnoir.
(Anonyme)
Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot des faubouriens, imitateurs involontaires des Beggars anglais, qui disent de même gan, aphérèse de began (begin commencer, entonner).
Rigaud, 1881 : Gosier de puissante envergure. Entonnoir en zinc, palais habitué aux liqueurs fortes.
France, 1907 : Gosier. Entonnoir à pattes, verre à pied. Entonnoir de zinc, gosier à l’épreuve de tous les vitriols.
Entortillé
Rigaud, 1881 : Maladroit. (L. Larchey)
Rigaud, 1881 : Polisson qui fait, comme il peut, concurrence aux femmes galantes.
France, 1907 : Maladroit, gauche.
France, 1907 : Sodomite.
Entortiller
Larchey, 1865 : Circonvenir, captiver.
Ma chère, voici comment On entortille un amant.
(Festeau)
Delvau, 1866 : v. a. Circonvenir, — dans l’argot des marchands. Captiver, allumer, — dans l’argot des petites dames. Ennuyer, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Ennuyer.
France, 1907 : Entreprendre quelqu’un pour le tromper.
Entortiller (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’embarrasser, s’empêtrer dans ses réponses.
France, 1907 : S’embarrasser.
Entourber
France, 1907 : Embarrasser.
Entournures (être gêné aux)
France, 1907 : Se trouver dans une situation gênante.
Entraînement
Delvau, 1866 : s. m. Méthode anglaise, devenue française qui s’applique aux hommes aussi bien qu’aux chevaux, et qui consiste à faire maigrir, ou plutôt à dégraisser les uns et les autres pour leur donner une plus grande légèreté et une plus grande vigueur.
Entraîner
Delvau, 1866 : v. a. et n. Soumettre un cheval, un jockey ou un rameur à un régime particulier, de façon qu’ils pèsent moins et courent et rament mieux.
Entraîner (s’)
Rigaud, 1881 : Faire de l’exercice pour combattre l’obésité naissante. Terme emprunté à l’argot du sport.
Ah çà ! mais dis donc, mon gaillard, tu t’arrondis. — Oui… j’ai besoin de m’entraîner un peu.
(V. Sardou, Daniel Rochat, ac. 1. sc. II.)
France, 1907 : Se soumettre à au régime pour se faire maigrir.
Entraîner un cheval
Larchey, 1865 : « L’animer et l’enivrer graduellement par la course et par des obstacles légers d’abord, dont le plus grand est le dernier. » — Alph. Karr. — Il y a des entraîneurs de profession.
Entrant
France, 1907 : Insinuant, effronté, intrigant ; du provençal intrant qui a le même sens.
Entravage
Vidocq, 1837 : s. f. — Conception.
Delvau, 1866 : s. m. Conception d’un vol, d’un mauvais coup, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Idée, intelligence, compréhension.
France, 1907 : Entente commune pour faire un mauvais coup.
Entraver
Ansiaume, 1821 : Comprendre.
Reprenons le trimard, exbalançons-nous, car le messière vient de nous entraver.
Clémens, 1840 : Comprendre.
M.D., 1844 : Entendre.
un détenu, 1846 : Comprendre. Il entrave l’argus : il comprend l’argot.
Larchey, 1865 : Voir enterver.
Delvau, 1866 : v. a. Comprendre, entendre, — dans l’argot des voleurs, qui emploient là un des plus vieux mots de la langue des honnêtes gens, car ils disent aussi Enterver comme Rutebeuf et l’auteur d’Ogier le Danois. Entraver bigorne ou arguche. Comprendre et parler l’argot. Signifie aussi : Embarrasser la police. Entraver nibergue ou niente. N’y entendre rien.
Rigaud, 1881 : Parler, comprendre, — dans le jargon des voleurs. — Entraver le jars, parler argot.
La Rue, 1894 : Parler, comprendre. Entraver le jars, parler argot.
Virmaître, 1894 : Empêcher une affaire. Mettre des bâtons dans les roues. Entraver : comprendre.
— J’entrave bigorne.
Mot à mot : Je comprends l’argot et non pas je le parle.
Entraver a un double sens :
— J’entrave nibergue ou niente.
Je n’entends rien, je ne comprends pas (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Comprendre.
France, 1907 : Comprendre, parler, entendre. Entraver bigorne, comprendre l’argot. J’entrave pas ton flanche, je ne sais ce que tu dis.
… Le grand Agamemnon
Fit fleurir dans Argot cet éloquent jargon,
Comme la Cour était alors des plus brillantes,
Les dames de son temps s’y rendirent savantes ;
Électre le parloit, dit-on, divinement,
Iphigénie aussi l’entravoit gourdement.
(Nicolas R. de Grandval)
Entraver ou enterrer
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Entendre, écouter, comprendre.
Entraver ou enterver
anon., 1827 : Entendre, écouter, comprendre.
Entraverse
Rigaud, 1881 : Aux travaux forcés à perpétuité.
France, 1907 : Travaux forcés à perpétuité.
Entraves
Virmaître, 1894 : Les cordes et les courroies qui ligottent les condamnés à mort pour entraver leurs mouvements quand ils marchent à l’échafaud (Argot des voleurs).
Entre
d’Hautel, 1808 : Entre chien et loup. Signifie sur la brune ; au crépuscule du soir.
Entre bond et volée. Tant d’une façon que de l’autre.
Entre chien et loup
France, 1907 : Expression fort ancienne qui désire ce moment du crépuscule qui n’est plus le jour et pas encore la nuit, mais où il serait impossible de distinguer un chien d’un loup.
Lorsqu’il n’est ni jour ni nuit, quand le vaillant berger,
Si c’est un chien ou loup, ne peut au vrai juger.
Les Arabes appellent cet instant El acheur, le moment précis, disent-ils, où l’on ne peut reconnaître un fil blanc d’un fil noir.
Entre-deux (l’)
Delvau, 1864 : Le con, situé entre deux cuisses.
Colinette en son entre-deux
Sentit un gros chose nerveux
Qui lui farfouillait le derrière.
(Cabinet satyrique)
Et dans son entre-deux cache une bourbe molle,
Qui, trempée en sueur, servirait bien de colle.
(Théophile)
Entre-fesson (l’) ou l’entre-fessier
Delvau, 1864 : La petite vallée que forment les deux fesses.
Puis met la merde en peloton
Au milieu de l’entre-fesson.
(Patrat)
L’entre-fessier d’un gros chanoine,
Les couilles du grand saint Antoine
Et de Cléopâtre le con.
(Vieille chanson)
Entre-frétiller (s’)
Delvau, 1864 : Se rouler l’un et l’autre, l’homme et la femme, dans l’ardeur amoureuse, entre-croisant les cuisses, entrechoquant les ventres, échangeant des langues et provoquait des spasmes réciproques.
Voilà où se terminent tant de soupirs, tant de plaintes et tant de désirs, qui est de s’entre-frétiller.
(Mililot)
Entre-sort
Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi dans le monde des saltimbanques, le théâtre en toile ou en planche, voiture ou baraque, ans laquelle se tiennent les monstres, veaux ou hommes, brebis ou femmes ; le mot est caractéristique, le public monte, le phénomène se lève, bêle ou parle, mugit ou râle. On entre, on sort, voilà. » (J. Vallès.)
La Rue, 1894 : Baraque d’un montreur de phénomènes.
France, 1907 : Baraque d’un montreur de phénomènes. « Lorsque le fameux Barnum vint à Londres en 1892, il fit de la vaste étendue de L’Olympia un immense, picaresque et cauchemaresque entre-sort. »
Entrechater
Rigaud, 1881 : Battre des entrechats, en terme de chorégraphie.
Entrecôte de brodeuse
Delvau, 1866 : Morceau de fromage de Brie, — dans l’argot du peuple, qui sait que les brodeuses, ainsi que les autres ouvrières, ne gagnent pas assez d’argent pour déjeuner à la fourchette comme les filles entretenues.
Virmaître, 1894 : Une saucisse de deux sous ou une côtelette panée que les charcutiers tiennent au chaud dans des boîtes de fer blanc, et que les ouvrières mangent pour leur déjeuner — pas la boîte, mais la côtelette (Argot du peuple).
France, 1907 : Morceau de fromage. C’est le déjeuner et souvent le dîner de nombre de pauvres ouvrières.
Entrecôte de lingère
Rigaud, 1881 : Morceau de fromage de Brie.
France, 1907 : Même sous que ci-dessus.
Entrée
d’Hautel, 1808 : Faire une entrée de ballet dans une compagnie. Voyez Ballet.
Fustier, 1889 : Argot de turf. Somme versée par le propriétaire qui engage un cheval pour une course.
France, 1907 : Prix que paye le propriétaire d’un cheval engagé pour une course.
Entrée (faire l’)
Rigaud, 1881 : Applaudir un acteur à son entrée en scène. Ce sont les claqueurs qui font l’entrée.
Auguste a fait pendant quinze ans l’entrée de mademoiselle Lise Noblet.
(Ch. de Boigne)
Entrée des artistes
Delvau, 1864 : Le cul, par allusion à la porte par laquelle entrent les acteurs et qui est ordinairement derrière la façade du théâtre et à l’opposite de celle par laquelle entre le public.
Rigaud, 1881 : Le derrière. — La porte des artistes a généralement son entrée sur les derrières du théâtre.
France, 1907 : Anus.
Plusieurs fois depuis, le maestro H… eut la mésaventure d’être ainsi surpris, soit s’introduisant comme membre de la Société des artistes dans un cercle ouvrier, à la façon de Germiny biribi, soit se trompant de porte dans les cabinets d’aisances et cherchant toujours l’entrée des artistes.
(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)
Entrée en danse, en joute, en lice, en jouissance (l’)
Delvau, 1864 : Entrer, par la porte des plaisirs, en possession de sa femme ou de sa maîtresse, avec circonstances, dépendances et tous les agréments y attachés.
L’abbesse aussi voulut entrer en danse.
(La Fontaine)
Jusqu’à entrer en jouste dix ou douze fois par une nuit.
(Brantôme)
Il tardait à notre Jobelin d’entrer en lice.
(D’Ouville)
Il suffirait que tous deux tour à tour,
Sans dire mot, ils entrassent en lice.
(La Fontaine)
Mais timidité retenait
Le céladon encor novice ;
Beaux discours sans entrer en lice.
(Grécourt)
Entrefesson
Delvau, 1866 : s. m. Le périnée, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Ambroise Paré.
France, 1907 : Le périnée.
Aux bains de mer :
Le jeune Bob, âgé de six ans, se promène sur la plage avec son papa.
— Dis, p’tit père, demande-t-il tout à coup, comment s’appelle cette herbe frisée qui est là-bas ?
— C’est du varech, répond le père ; on l’appelle aussi mousse de mère.
Un ou deux jours après, le jeune Bob refuse d’aller prendre son bain.
— Mais pourquoi ? demande l’auteur de ses jours. L’eau n’est pas froide. Tu vois bien que ta grande sœur a pris le sien.
— Justement, réplique Bob, je ne veux pas qu’il m’arrive la même chose qu’à elle !
— À moi ! s’exclame la grande sœur, qu’est-ce qui m’est arrivé ?
— Oui, tu sais bien, riposte Bob ; quand je suis entré dans ta cabine au moment où tu t’essuyais…
— Eh bien, petit polisson, je t’ai vivement chassé !
— Qui, mais j’ai bien vu !
— Bien vu quoi ? fit la jeune fille en rougissant.
— La mousse de mer ! Tu avais beau te frotter, tu ne pouvais parvenir à l’enlever de ton entrefesson.
Entrefilet
Delvau, 1866 : s. m. Petit article placé dans le corps du journal, entre deux autres.
France, 1907 : Article de quelques lignes placé dans le corps du journal ; argot des journalistes.
Entrelardé
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui n’est ni gras ni maigre.
France, 1907 : Ni gras, ni maigre.
Entrelardé (un)
Rigaud, 1881 : Un morceau de bœuf maigre avec un peu de gras. (L. Larchey) On dit de même un maigre et un gras, — dans l’argot des bouillons et des crémeries. (Id.)
Entrelarder
d’Hautel, 1808 : Un discours entrelardé. C’est-à-dire, mêlé de choses risibles et de choses sérieuses ; de bon et de mauvais.
Delvau, 1866 : v. a. Mêler, farcir, au propre et au figuré.
Entremetier
Rigaud, 1881 : Celui qui fait les entremets froids, chauds ou sucrés, — dans le jargon des pâtissiers.
Entremetteur
d’Hautel, 1808 : Proxénète, mercure galant, celui qui spécule sur les intrigues amoureuses.
Delvau, 1864 : Pseudonyme décent de maquereau.
Entremetteuse
d’Hautel, 1808 : Commère, femme légère et bavarde qui se mêle dans toutes les affaires, qui fait à-la-fois les mariages et les divorces.
Delvau, 1864 : Pseudonyme décent de maquerelle.
Entrepointer (s’)
France, 1907 : Se disputer ; littéralement, se lancer des pointes.
Entreprise
Delvau, 1864 : L’acte vénérien.
Quelle commodité, trop aimable marquise
Pour une amoureuse entreprise.
(Senece)
Entrer aux Quinze-Vingts
Delvau, 1866 : Dormir, — dans l’argot des faubouriens, qui ont cette facétie à leur disposition chaque fois qu’ils éprouvent le besoin de fermer les yeux.
Rigaud, 1881 : Aller se coucher, fermer les yeux.
France, 1907 : Fermer les yeux, dormir. Allusion au célèbre hôpital des aveugles.
Entrer dans l’infanterie
France, 1907 : Être enceinte. Jeu de mots.
Entrer dans la confrérie de saint Joseph
France, 1907 : Se marier. Le rôle complaisant du père putatif de Jésus-Christ lui a valu le patronage des mariés.
Entrer dans la confrérie de saint Pris
France, 1907 : Se marier, car pour nombre de gens c’est se laisser prendre.
Entrer dans la confrérie de saint-pris
Delvau, 1866 : v. n. Se marier, — dans l’argot du peuple, qui s’y laisse prendre plus volontiers que personne.
Entrer en tempête
France, 1907 : Se mettre en colère, élever la voix comme le vent.
Entrer jusqu’aux gardes
Delvau, 1864 : Faire pénétrer son vit dans le con jusqu’aux couillons, qui restent les confidents, les gardes et les témoins de ce coup fourré… bien fourré.
… Revenons à ton luxurieux embrocheur. Abusa-t-il de ta complaisance ? Se piqua-t-il d’entrer là jusqu’à la garde, sans égard pour ton enfance délicate ?
Entreteneur
Delvau, 1864 : Le Jupiter de toute Danaé de la rue Bréda.
Tu pourrais, avec la Leroux, avoir à la fois quatre entreteneurs plus amoureux de toi.
(La Popelinière)
Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a un faible pour les femmes galantes, et dépense pour elles ce que bien certainement il ne dépenserait pas pour des rosières.
France, 1907 : « Galant homme, dit Alfred Delvau, qui a un faible pour les jeunes galantes, et dépense pour elles ce que bien certainement il ne dépenserait pas pour des rosières. »
Entreteneuse
France, 1907 : Grande ou petite dame qui pourvoit aux besoins d’un vilain monsieur.
C’était une maîtresse précieuse, et Auguste avait assez d’expérience pour savoir que maintenant que les temps sont durs, on ne trouve pas facilement une entreteneuse aussi cossue.
(Édouard Ducret, Paris canaille)
Entretenir (se faire)
Delvau, 1866 : Préférer l’oisiveté au travail, le Champagne à l’eau filtrée, les truffes aux pommes de terre, l’admiration des libertins à l’estime des honnêtes gens. L’expression est vieille comme l’immoralité qu’elle peint.
Entretenir une femme
Delvau, 1864 : Se charger de son existence, à la condition qu’elle se chargera de votre jouissance, et que vous aurez le droit de coucher avec elle — quand cela lui plaira.
Ils entretiennent des gonzesses
Qui loge’ à la patt’ de chat.
(Guichardet)
Entretien
France, 1907 : Conversion intime entre deux personnes d’un sexe différent, et où l’usage de la parole n’est pas absolument nécessaire.
Le soir, il mène Éléonore
Avec un vieux tout plein de feux
Qui lui dit, en baissant le store :
« Cocher, au pas… vas où tu veux !… »
Compris ! Sans souffler mot, il roule
Au bois, comme un pauvre martyr,
Dans les chemins que fuit la foule,
Mais où l’amour prend son plaisir !…
Pour ces trajets il est commode :
S’il entend un seul bruit, eh bien !
Il sifflote un air à la mode,
Il ne voit rien… de l’entretien !…
(Henri Buguet)
Entripaillé
d’Hautel, 1808 : Être bien entripaillé. Pour être gros, gras, fort et robuste ; avoir une énorme bedaine.
Delvau, 1866 : adj. Gros, gras, ventripotent.
Rigaud, 1881 : Homme doué d’un ventre poussé à la dernière puissance.
France, 1907 : Ventripotent.
Entripailler (s’)
Delvau, 1866 : v. réfl. Manger de façon à devenir pansu.
France, 1907 : Manger outre mesure.
Entroler
Delvau, 1866 : v. a. Emporter, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Emporter des objets volés. Toller serait plus exact, car ce mot signifie porter (Argot des voleurs).
Entrôler
France, 1907 : Emporter, prendre.
Il mouchailla des ornies de balle qui morfilaient du grenu en la cour ; alors il ficha de son sabre sur la tronche à une, il l’abasourdit, la met dans son gueulard et l’entrôle.
(Le Jargon de l’argot)
Entroller
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Emporter.
Entrouducuter (ou s’)
Delvau, 1864 : Enculer, ou s’enculer mutuellement, entre pédérastes.
Que vont devenir nos talents,
Notre motte dodue
Puisque l’nombre de nos chalands
Chaque jour diminue ?
À se chatouiller,
S’entrouducuter
Chacun ici s’exerce…
De ce maudit Coin
Vite, foutons l’camp :
Au diable le commerce.
(Sultane Rozréa, p. 22.)
Enture
Hayard, 1907 : Tromperie.
Enturer
Rossignol, 1901 : Tromper. Celui qui m’a vendu cette pièce de vin m’a enturé, parce qu’il me l’a vendue plus cher qu’elle ne valait. — En achetant cet établissement, je me suis trompe sur sa valeur, je me suis fait enturer.
Envelopper
Delvau, 1866 : v. a. Arrêter les contours d’un dessin, d’une peinture, — dans l’argot des artistes.
France, 1907 : Arrêter les contours d’un dessin ; argot des artistes.
Envermillonner
d’Hautel, 1808 : S’envermillonner. S’enluminer la figure par les douces vapeurs du jus de la treille.
Envers (à l’)
d’Hautel, 1808 : Il lui a mis l’ame à l’envers. Se dit d’un homme qui en a tué un autre dans une batterie, en un duel.
Enviander
Fustier, 1889 : Copuler. On dit aussi, tremper sa mouillette.
Rossignol, 1901 : Il y a des gens qui prétendent que celui qui se fait enviander, si ça ne lui paye pas ses dettes, ça lui bouche toujours un trou.
France, 1907 : Copuler.
Envie
d’Hautel, 1808 : C’est une envie de femme grosse. Se dit d’un désir, d’un caprice subit qui s’empare de quelqu’un sans que rien paroisse y avoir donné lieu.
Il vaut mieux faire envie que pitié. Pour il vaut mieux être fortuné que misérable ; parce que les pauvres portent communément envie aux riches.
Envoler
d’Hautel, 1808 : Les oiseaux sont envolés. Se dit en plaisantant quand on va voir des personnes qui ne sont pas chez elles ; ou visiter des débiteurs qui se sont enfuis après avoir fait banqueroute.
Envoler (s’)
Boutmy, 1883 : v. pr. Quitter l’atelier, seul ou en compagnie, pour aller faire une balade.
Envoûter
Rossignol, 1901 : Pendant la campagne de Chine, en 1859, Berger, caporal au 2e bataillon de chasseurs à pied, surprit un grand cadavre de spahi qui cherchait à déshabiller un Chinois qui se défendait autant qu’il pouvait.
Que fais-tu là, grand sauvage, tu vois bien que c’est un Chinois. — Scientifique, répond l’Arabe ; macache toucar nico basta, macache trouvé chinoise, trouve chinois, c’est kifkif : ça m’est égal veux pas faire de mal, en… brasser seulement ; pas trouvé chinoise, trouvé chinois, c’est la même chose.
Envoyé (bien)
France, 1907 : Bonne riposte, bien dit.
Envoyer
d’Hautel, 1808 : Je l’ai envoyé paître, promener, au diable. Pour dire que l’on a congédié durement un importun, un fâcheux.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Injurier, se moquer, critiquer, — dans l’argot du peuple. C’est bien envoyé ! Se dit d’une repartie piquante ou d’une impertinence réussie.
Rigaud, 1881 : Dire, répondre, lancer la réplique. C’est rien envoyé ! c’est bien répondu.
Rigaud, 1881 : Pour envoyer le mot, la phrase à l’acteur. C’est le rôle du souffleur. Un souffleur qui envoie bien est précieux.
Rossignol, 1901 : Voir appuyer.
Envoyer à l’as, à dame
Hayard, 1907 : Abattre, jeter quelqu’un à terre.
Envoyer à l’ours
Delvau, 1866 : v. a. Prier impoliment quelqu’un de se taire ou de s’en aller. Même argot [des faubouriens].
Envoyer à l’ours ou à l’oustaud
France, 1907 : Se débarrasser de quelqu’un ; littéralement, l’envoyer en prison.
Envoyer à la balançoire
Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser sans façon de quelqu’un ou de quelque chose. Argot des faubouriens.
France, 1907 : Se débarrasser brusquement d’une personne gênante.
Envoyer à la gouille
Virmaître, 1894 : Jeter quelque chose en l’air, au hasard. Jeter une poignée de sous à des enfants (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Dans un baptême, le parrain envoie à la gouille des dragées aux enfants.
Envoyer à Niort
France, 1907 : Refuser. Jeu de mot, Niort étant pour niais, c’est-à-dire : « Adressez-vous à un niais. »
Envoyer ad patres
France, 1907 : Faire mourir, tuer ; mot à mot, envoyer rejoindre ses pères.
En outre, on dit qu’il empoisonna son beau-frère pour hériter de son beau-père ; qu’il supprima le titulaire d’une chaire dont il était lui-même suppléant, enfin qu’il envoya ad patres un certain banquier dont les mauvaises affaires compromettaient sa fortune.
On dit aussi dans le même sens : envoyer en paradis.
Envoyer aux pelotes
Rossignol, 1901 : Envoyer promener quelqu’un qui vous ennuie est l’envoyer aux pelotes ; on dit aussi à la gouille.
Envoyer aux pelottes
Virmaître, 1894 : Envoyer promener quelqu’un. On dit aussi envoyer à la balançoire, ou va te baigner (Argot du peuple). V. Dinguer.
Envoyer chercher le parapluie de l’escouade
France, 1907 : Faire faire une course inutile à une personne naïve, se débarrasser d’un imbécile importun.
— Pristi, qu’c’est embêtant !… Ça tombe d’autant plus mal que Bistrouille a été désigné, au rapport de ce matin, pour porter le parapluie de l’escouade à la grande revue.
(Les Mésaventures de Bistrouille)
Envoyer des postillons
Larchey, 1865 : Crachotter sans le vouloir au nez d’un interlocuteur.
Envoyer dinguer
France, 1907 : Éconduire brutalement quelqu’un.
À ses gardiens, il dit encore : « Dommage qu’elle m’ait roulé ! Elle m’a fait suriner sa bonne femme ; puis, après, elle m’a envoyé dinguer ! Ça, c’est dégoûtant ! » Il n’ajoute pas : « Oh ! les femmes ! » mais on devine qu’il le pense ; et il est impossible d’appartenir au sexe faible sans lui savoir gré de cette réserve délicate.
(Séverine)
Envoyer dormir
La Rue, 1894 : Renverser à plat d’un coup de poing.
France, 1907 : Renverser quelqu’un d’un coup de poing.
Envoyer faire lan laire
Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser de quelqu’un, — dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas employer un plus gros mot. Ils disent aussi Envoyer promener.
Envoyer faire lanlaire ou paître
France, 1907 : Envoyer promener.
Envoyer paître
Delvau, 1866 : v. a. Prier brusquement quelqu’un de s’en aller ou de se taire.
Envoyer quatre hommes et un caporal à la viande
Envoyer s’asseoir
France, 1907 : Même sens qu’envoyer promener. « C’est fini, nous n’avons plus besoin de vous… Allez vous asseoir. » Allusion à la phrase traditionnelle des magistrats qui viennent d’entendre la déposition d’un témoin.
On ne croit plus aux momeries
Que nous faisions pour les badauds ;
On se moque des singeries
Qui faisaient pâmer les lourdauds ;
Enfin, l’on ne croit plus au diable
Que nous prions matin et soir,
Et ce qui devint pitoyable,
Le bon Dieu nous envoie asseoir !
(Julien Fauque, Les Plaintes des Jésuites)
Envoyer son âme à dame
France, 1907 : L’envoyer par terre d’un coup de poing ; mot à mot, lui faire prendre la position d’un homme couché sur une dame.
Envoyer son enfant à la blanchisseuse
Delvau, 1864 : Au moment où l’homme va jouir, lui retirer prestement son engin du trou où il se délecte, et le forcer à répandre son sperme dans les draps.
Envoyer une lettre chargée au pape
Virmaître, 1894 : Allusion au papier employé qui est en effet chargé d’un singulier cachet (Argot du peuple). V. Déballer.
Éole
Delvau, 1866 : s. m. Ventris flatus, — dans l’argot des faubouriens, heureux que le fils de Jupiter leur fournisse un prétexte à une équivoque.
France, 1907 : Pet, Éole étant le dieu des vents.
Épagneul
d’Hautel, 1808 : Chien de chasse à long poil. Un épagneul.
Le peuple dit : Un chien épagnol.
Épais
d’Hautel, 1808 : Il est lourd et épais. Pour il est dénué, d’intelligence, d’esprit, de sens commun.
Delvau, 1866 : s. m. Le cinq et le six, — dans l’argot des joueurs de dominos.
France, 1907 : Cinq et six du jeu de dominos.
Épargner le Poitou
Delvau, 1866 : v. a. Prendre des précautions, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Voler en prenant des précautions pour laisser le moins de traces possible.
Virmaître, 1894 : Cette expression se comprend peu ; en effet, Poitou veut dire public, or, il n’est pas d’usage que les voleurs l’épargnent, puisque c’est lui justement qui forme toute sa clientèle. Poitou veut aussi dire non point.
Épargner le Poitou (ne pas)
France, 1907 : Prendre des précautions, se tenir sur ses gardes.
N’épargnons le Poitou
Poissons avec adresse
Messières et gonzesses
Sans faire de regoût.
(Vidocq)
Épargneur
Rigaud, 1881 : Celui qui pratique l’épargne d’une manière intelligente.
Nous sommés un peuple de paysans, un peuple d’épargneurs.
(Gambetta. Discours prononcé au Cercle national, 24 mai 1878)
Épastrouillant
Virmaître, 1894 : Extraordinaire (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Drôle, amusant.
Epatage
Vidocq, 1837 : s. m. — Embarras.
Épatage
Delvau, 1866 : s. m. Action d’éblouir, de renverser quelqu’un les quatre pattes en l’air par la stupéfaction ou l’admiration. Argot du peuple. On dit aussi Épatement.
France, 1907 : Étonnement.
Épatage (faire de l’), épate (faire de l’)
Larchey, 1865 : Vouloir en imposer par un grand étalage.
As-tu fini tes épates avec ta pelure de velours de coton.
(Les Cocottes, 1864)
Ces jeunes troupiers font de l’épate, des embarras si vous aimez mieux.
(Noriac)
Épatamment
Delvau, 1866 : adv. D’une façon épatante. L’expression appartient à M. Roger Delorme. (Tintamarre du 28 janvier 1866).
France, 1907 : Étonnamment.
Épatant
Delvau, 1866 : adj. Étonnant, extraordinaire.
Rigaud, 1881 : Étonnant. Chic épatant. — Chance épatante. — Nouvelle épatante. — Binette épatante.
Virmaître, 1894 : M. Jean Rigaud, dans son Dictionnaire d’argot moderne (1881) dit à ce propos du mot épater :
— Épater, épate et leurs dérivés viennent du mot épenter, qui signifiait au XVIIIe siècle intimider.
Il y a quelques années, M. Francisque Sarcey écrivait que le vocable appartenait à Edmond About, qu’il avait été dit par Pradeau dans le Savetier et le Financier, pièce représentée en 1877 aux Bouffes Parisiens ; le savant écrivain ajoutait que huit jours après, le « Tout-Paris » répétait ce mot.
Cette expression, n’en déplaise au maître critique et à M. Jean Rigaud, n’appartient ni au XVIIe siècle ni à Edmond About, elle a cinquante quatre ans seulement d’existence. Elle a pris naissance au Café Saint-Louis, rue Saint-Louis, au Marais (aujourd’hui rue de Turenne).
Des ouvriers ciseleurs sur bronze jouaient au billard une partie de doublé. À la la suite d’un bloc fumant, Catelin, une contrebasse du Petit Lazzari, qui avait parié pour un des joueurs et qui perdait par ce coup, se leva furieux, et d’un brusque mouvement fit tomber son verre sur la table de marbre. Le verre se décolla net.
— Tiens, dit Catelin, mon verre est épaté — le verre n’avait plus de pied.
À chaque coup, les joueurs répétaient à l’adversaire : tu es épaté et, quand la partie se termina par un coup merveilleux, un des joueurs dit au vainqueur : — Si nous sommes épatés, tu es épatant.
Catelin, sans le savoir, se servait du mot épaté qui est en usage depuis des siècles dans les verreries, parmi les ouvriers verriers. Ils disent d’un verre sans pied, mis à la refonte pour ce motif, il est épaté.
Épaté signifie étonnement (Argot de tout le monde). N.
France, 1907 : Étonnant, surprenant, extraordinaire.
Solange ne se donna pourtant pas tout de suite, imposa à Camille une sorte de stage, pas très long d’ailleurs. Quatre soirs de suite la trouvant épatante, pressentant qu’elle était vierge, mais sans s’arrêter à ce « détail », il vint l’attendre à la sortie de l’atelier l’accompagna jusqu’au boulevard Barbès. Puis, après une interruption de deux jours, sans dire gare — interruption qui avança singulièrement ses affaires – il obtint tout, un samedi soir. Solange ne rentra qu’à trois heures du matin.
(Paul Alexis)
Nom de Dieu ! j’suis pas à mon aise,
C’est épatant… j’sais pas c’que j’ai,
Avec ça j’ai la gueul’ mauvaise…
C’est pourtant pas c’que j’ai mangé.
(Aristide Bruant)
Pour être élus, nos r’présentants
Vous font des programm’s épatants
Toute l’année ça se r’nouvelle.
Cette pilule perpétuelle,
Ah ! ah ! ah ! mes chers enfants,
Ils vous la serviront longtemps !
(Henry Naulus)
Épataroufler
France, 1907 : Augmentatif d’épater.
Épate
Delvau, 1866 : s. f. Apocope d’Épatage. Faire de l’épate. Faire des embarras, en conter, en imposer aux simples.
Rigaud, 1881 : Embarras, manières. — Faire son épate, ses épates, des épates, se donner des airs importants. Les mots épater, épates et leurs dérivés viennent de épenter, qui, au XVIIIe siècle, avait le sens de : intimider. L’épateur cherche à intimider son public en l’étonnant.
France, 1907 : Abréviation d’épatage. Faire de l’épate, faire des embarras, vouloir éblouir, imposer. C’est le propre des sots de faire de l’épate.
Anna Welty et son goujat d’entreteneur, le citoyen Monistrac, reçoivent, font de l’épate : le gros Monistrac, marchand de vins de Bordeaux, paiera un souper, une orgie à l’ami qui passe, mais ensuite il refusera cent sous au cher convive, et il y a beaucoup d’individus de sa religion, à Paris.
(Dubut de Laforest, L’Homme de joie)
Et sans vouloir faire d’épates,
Je proclame ici Paule Minck
La meilleure des candidates…
(Beausapin)
Épaté
France, 1907 : Étonné, stupéfait.
Adorés des deux sexes,
Respectés des maris
Pour nos clystèr’s complexes
Et nos coups d’bistouris,
De l’effet d’nos pommades
Les peupl’s sont épatés ;
Aussi les gens malades
Nous nomment députés.
(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)
Quand, pour demander mon chemin,
J’interpelle un sergent de ville
Et que, la coiffure à la main,
J’attends, l’attitude servile,
Si par une incivilité
L’agent répond à ma demande
Ou vertement me réprimande,
J’en suis rarement épaté.
(Blédort)
Épatement
Delvau, 1866 : s. m. Étonnement.
Rigaud, 1881 : Stupéfaction. Étonnement prolongé.
France, 1907 : Étonnement.
L’épatement du bourgeois est, en France, la condition sine qua non de réussite d’une évolution artistique. Or, pendant quelque temps (le temps voulu, car on se range ensuite), notre brave Tiers en eut son compte. Chaque matin, on lui servait un divin nouveau, grillé d’un côté par le feu d’enfer et, de l’autre, tout frais des baisers rédempteurs du Christ. Il en surgit dont Vénus Callipyge et la Vierge Marie se disputaient la possession : Vénus prenait le corps, la Madone gardait l’âme, et la langue restait à la Belgique. L’épalement du bourgeois confinait à l’écarquillement.
(Émile Bergerat, Les Divins)
Épater
d’Hautel, 1808 : S’épater. Tomber à plat ventre.
Il s’est épaté dans le ruisseau. Pour, il s’est laissé choir, le pied lui a manqué, il est tombé dans le ruisseau.
Larchey, 1865 : Stupéfier, émerveiller.
Il nous regarda d’une façon triomphante, et il dit à ses admirateurs : Je les ai épatés, les bourgeois. — Il avait raison : nous étions émerveillés.
(Privat d’Anglemont)
Elle porte toujours des robes d’une coupe épatante.
(Les Étudiants, 1860)
Delvau, 1866 : v. a. Étonner, émerveiller, par des actions extravagantes ou par des paroles pompeuses. Épater quelqu’un. L’intimider. Signifie aussi : Le remettre à sa puce.
Rigaud, 1881 : Étonner profondément. La prétention des artistes en 1830 était d’épater les bourgeois.
La Rue, 1894 : Étonner profondément.
Rossignol, 1901 : Réprimander, intimider, étonner.
Je vais l’épater, parce qu’il n’a pas suivi mes ordres. — Il était tellement épaté, qu’il n’a pas su quoi me répondre. — Il était épaté que je sache telle chose.
Hayard, 1907 : Prendre des grands airs, remplir d’étonnement.
France, 1907 : Étonner, surprendre ; du vieux bourguignon espanter, dérivé lui-même du roman espaventar.
— Puisque je vous dis qu’on m’a fait toutes les saletés ! Ils m’ont laissé partir comme un chien après quatorze ans de service, sans même me dire : « Adieu, cochon. » Et vous vous épatez qu’on devienne républicain quand on voit des dégoûtations pareilles !
(Hector France, Marie Queue-de-Vache)
Quand, regagnant après minuit
Mes pénates — un peu lointaines —
Quelque bon rôdeur me poursuit
Et, sans se servir de mitaines,
Me prouve sa dextérité,
Si ledit agent de police,
À mes cris, dans l’ombre se glisse,
J’en suis rarement épaté.
(Blédort)
Epateur
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme qui fait de l’embarras.
Épateur
Larchey, 1865 : Faiseur d’embarras (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait des embarras, qui raconte des choses invraisemblables que les imbéciles s’empressent d’accepter comme vraies.
France, 1907 : Imbécile qui cherche à étonner de plus sots que lui.
Ils trinquèrent en camarades. Puis Nénest prenant son ton d’épateur, déclara qu’il crevait de faim, et qu’un filet à la Chateaubriant, un quart de poularde, une sole normande, ou quelque autre menu congru lui délecterait la cavité gastrique.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Épateur, épateuse
Rigaud, 1881 : Faiseur d’embarras. Celui, celle qui cherche à produire de l’effet, soit par sa mise, soit par ses paroles, soit par ses actions.
Épateuse
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui fait des effets de crinoline exagérés sur le boulevard, pour faire croire aux passants, — ce qui n’existe pas.
Épatouffler
Fustier, 1889 : Variante d’épater.
On est un peu épatoufflé — Pour employer une expression familière de Mme de Rémusat elle-même — par ce sans-gêne mondain.
(Liberté, novembre 1883.)
Épaule
d’Hautel, 1808 : Tu l’auras pardessus l’épaule. Pour tu ne l’auras point.
Il ne jette pas les épaules de mouton par les fenêtres. Pour il ne prodigue pas son bien ; il est fort économe.
Il est bien large, mais c’est des épaules. Se dit d’une personne intéressée, d’un égoïste.
Il sent l’épaule de mouton. Pour il pue, il sent fort mauvais.
On a toujours cet homme sur les épaules. Se dit d’un homme importun, indiscret, dont on ne peut se débarrasser.
On l’a mis dehors par les épaules. Pour on l’a chassé avec ignominie.
Donner un coup d’épaule. Aider, assister, secourir quelqu’un.
Regarder quelqu’un par dessus l’épaule. D’une manière arrogante et fière.
Épaule (changer son fusil d’)
France, 1907 : Changer d’opinion. C’est le cas de la plupart des politiciens quand ils y trouvent leur intérêt et qu’ils peuvent le faire sans trop de scandale.
Épauler
d’Hautel, 1808 : Épauler quelqu’un. L’aider de sa bourse, le favoriser de son crédit, de sa protection.
Une bête épaulée. Créature indolente qui n’est bonne à rien. C’est aussi le nom qu’on donne à une fille qui s’est déshonorée.
Épaules de mouton
Rossignol, 1901 : Celui qui a de grandes mains a des épaules de mouton.
Épaulettes à graines d’épinard
Merlin, 1888 : Épaulettes d’officiers supérieurs.
Épée
d’Hautel, 1808 : Pousser une épée de longueur. Donner indirectement des atteintes de quelque chose qu’on ne veut pas dire ouvertement ; sonder la façon de penser de quelqu’un, tâcher de lui arracher finement son secret.
Un nœud d’épée. Le peuple appelle ainsi les paquets de couenne que vendent les charcutiers.
Jouer l’épée à deux talons. Reculer, montrer le dos, s’enfuir.
Mettre quelque chose du côté de l’épée. Signifie détourner secrètement quelque chose, se l’approprier.
Il est brave comme l’épée qu’il porte. Se dit souvent en dérision d’un homme qui ne porte point d’épée, et qui est très-poltron.
Il a couché dans son fourreau comme l’épée du roi. Pour il a couché tout habillé.
Il se fait blanc de son épée. Signifie il compte sur son crédit, sur sa force, pour réussir dans une affaire.
Il s’est passé son épée au travers du corps. Se dit en plaisantant d’un soldat qui a vendu son épée pour boire.
À vaillant homme courte épée. Se dit d’un homme fort brave qui ne fait pas parade de son épée.
Se débattre de l’épée qui est chez le fourbisseur. Voyez Débattre.
On appelle aussi trivialement une épée une rouillarde.
Épée de savoyard
Rigaud, 1881 : Coup de poing.
France, 1907 : Le poing.
Épenté
France, 1907 : Timide, poltron ; même origine qu’épaté.
Si nous étions épentés, tu nous ferais quasiment peur, enfant de chœur de Marseille.
(Les Spiritueux Rébus, 1839)
Éperon
d’Hautel, 1808 : Il a plus besoin de bride que d’éperons. Se dit d’un ambitieux, d’un homme avide, et exagéré dans toutes ses entreprises.
Chausser les éperons à quelqu’un. Lui faire tourner le dos, le mettre en fuite.
Éperons
Merlin, 1888 : Le cavalier dit du fantassin qu’il porte les éperons au coude. Singulière façon de s’exciter à la marche !
Épice
d’Hautel, 1808 : C’est une fine épice. Pour dire une personne adroite et rusée, une fine matoise.
Une chère épice. Marchande qui vend à un prix exorbitant.
Une figure de pain-d’épice. Physionomie livide et bilieuse.
Épicé
France, 1907 : Cher. « Votre compte est diablement épicé. »
Épice-vinette
Vidocq, 1837 : s. m. — Épicier.
Delvau, 1866 : s. m. Épicier, — dans l’argot des voleurs.
Épicemar
Delvau, 1866 : s. m. Épicier, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Épicier. C’était autrefois : épice-vinette.
France, 1907 : Épicier.
Épicéphale
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des étudiants, à qui le grec est naturellement familier (έπί, sur, et χεφάλή, tête).
France, 1907 : Chapeau ; argot scientifique. Du grec épi, sur, et kéfalé, tête.
Épicer
Larchey, 1865 : Railler (Vidocq). — On dit de même saler pour gronder.
Delvau, 1866 : v. a. Médire, railler, et même calomnier, — dans l’argot des faubouriens, à qui le poivre ne coûte rien quand il s’agit d’assaisonner une réputation.
France, 1907 : Railler, calomnier, se moquer. « Vous m’avez joliment épicé dans vos propos. »
Épicerie
Larchey, 1865 : Mesquinerie.
L’épicerie du siècle avait enfin rompu le cercle magique d’excentricité dont Rodolphe s’était entouré.
(Th. Gautier, 1838)
Delvau, 1866 : s. f. Bourgeoisisme, — dans l’argot des romantiques. Le mot est de Théophile Gantier.
France, 1907 : Bourgeoisisme, mesquinerie ; le monde des philistins.
Épicevinette
France, 1907 : Épicier ; argot des voleurs.
Épicier
Clémens, 1840 : Celui qui critique les autres.
Larchey, 1865 : « Les romantiques n’avaient de commun que leur haine des bourgeois qu’ils appelèrent génériquement épiciers (1830). La société ne se divisa plus à leurs yeux qu’en bourgeois et en artistes, — les épiciers et les hommes. »
(Privat d’Anglemont)
Épicier s’emploie adjectivement :
Allons, vraiment, c’est épicier.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme vulgaire, sans goût, sans esprit, sans rien du tout, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes, pleins de dédain pour les métiers où l’on gagne facilement sa vie.
Rigaud, 1881 : Nom que donnent les collégiens à ceux de leurs camarades qui se destinent au commerce.
À l’élève bifurqué se rattache l’épicier ou épicemar, élève de français.
(Les Institutions de Paris, 1858.)
France, 1907 : Homme vulgaire, plat bourgeois, riche ignorant, sans goût et sans sentiment artistique. C’est la définition qu’en donnent les artistes et les gens de lettres ; mais je connais pas mal de gens de lettres et d’artistes qui sont de fameux épiciers !
Épicycle du soleil
France, 1907 : Chose impossible, synonyme de la quadrature du cercle où du mouvement perpétuel. Cette expression, encore en neuve en beaucoup de provinces, repose sur la fausse croyance d’autrefois que le soleil n’avait pas d’épicycle, c’est-à-dire de révolution, était immobile, point fixe dans l’immensité. Non seulement le soleil tourne sur lui-même, mais il est emporté dans l’espace, avec une vitesse de plus de 420 kilomètres par heure, vers la constellation d’Hercule.
Épiler la pêche (se faire)
Rigaud, 1881 : Se faire raser, — dans le jargon des ouvriers.
Épiloguer
d’Hautel, 1808 : Critiquer quelqu’un d’une manière minutieuse et incivile.
Épilogueur
d’Hautel, 1808 : Railleur, mauvais plaisant, sot critique, qui tourne en dérision les choses les plus respectables.
Épinard
Larchey, 1865 : Peint en vert cru.
Le mercier amateur de jolis paysages épinard.
(Daumier)
France, 1907 : Vert cru.
Épinards (aller aux)
Rigaud, 1881 : Recevoir ses émoluments en qualité de souteneur d’une fille publique.
La Rue, 1894 : Recevoir de l’argent d’une fille, comme le fait le souteneur.
France, 1907 : Recevoir de l’argent d’une prostituée.
Épinards (graine d’)
Rigaud, 1881 : Épaulette d’officier supérieur.
Épinards (plat d’)
Rigaud, 1881 : Bouse de vache rencontrée en plein champ ; c’est un beau sujet d’étude pour un peintre réaliste.
Rigaud, 1881 : Paysage d’un vert trop cru, — dans le jargon des peintres.
Épine
d’Hautel, 1808 : Il est gracieux comme un fagot d’épines. Pour il est dur, brusque et repoussant ; on ne peut lui parler sans essuyer quelque rebuffades.
Se tirer une épine du pied. Se tirer d’une affaire périlleuse.
Épinée
France, 1907 : Échine du porc.
Épinette (jouer de l’)
France, 1907 : Ce que Rabelais appelait : jouer du serre-croupière.
Ah ! vous me la bayez belle
De me croire encor’ d’moiselle,
Voilà cinquante ans et plus
Qu’j’apprends à jouer d’l’épinette.
(Vieille chanson)
Épingle
d’Hautel, 1808 : Il est toujours tiré à quatre épingles. Se dit d’une personne affectée dans sa parure, dans son ajustement, et d’une propreté fort recherchée.
Je n’en donnerois pas une épingle. Cela ne vaut pas une épingle. Se dit de quelque chose dont on ne fait aucun cas.
On dit en parlant des griffes d’un chat, qu’il a des épingles au bout de sa manche.
Je mettrai une épingle sur ma manche. Se dit en riant, pour je tâcherai de m’en rappeler.
Tirer son épingle du jeu. Se retirer à temps d’une mauvaise affaire, mettre ses intérêts en sûreté.
Épingle à son col (avoir une)
Delvau, 1866 : Avoir un verre de vin, payé d’avance par un camarade, à boire sur le comptoir voisin de l’atelier. Argot des ouvriers. On dit aussi Avoir un factionnaire à relever.
France, 1907 : Avoir une consommation, payée d’avance par un camarade, qui vous attend sur le comptoir du marchand de vins.
Épingle au col (avoir son)
France, 1907 : Être ivre.
Épingle au col (en mettre une)
Virmaître, 1894 : Avaler un demi setier d’un seul trait. On dit aussi : mettre une épingle à sa cravate (Argot du peuple). N.
Épingler
Fustier, 1889 : Arrêter.
Hayard, 1907 : Capturer.
Épingles (ramasseur d’)
France, 1907 : Pédéraste.
Épinglette
Merlin, 1888 : On disait jadis d’un militaire condamné aux travaux forcés qu’il allait passer son épinglette du 3e bouton de la tunique au 3e bouton de la guêtre ; — allusion à la chaîne que les forçats traînaient aux pieds.
Épiploon
Delvau, 1866 : s. m. Cravate, — dans l’argot des étudiants, frais émoulus du grec. Pour ceux, en effet, qui ne sont pas encore gandins, la cravate flotte sur le cou (έπί et πλείν) comme le grand repli du péritoine flotte sur les intestins. Signifie aussi Chemise.
France, 1907 : Cravate flottante. Hellénisme en usage chez les étudiants en médecine qui font du pédantisme ; de épi, sur, et pleïn, flotter.
Épisode
d’Hautel, 1808 : Ce mot est toujours masculin ; c’est donc une faute de dire comme le font beaucoup de personnes : Une belle épisode, au lieu d’un bel épisode.
Épisser
Vidocq, 1837 : v. a. — Railler.
un détenu, 1846 : Plaisanter quelqu’un, se rire, se moquer.
Épitonner (s’)
Rigaud, 1881 : Avoir du chagrin. — Les variantes sont : Se faire viocque, se faire antique.
La Rue, 1894 : Avoir du chagrin.
France, 1907 : Se chagriner.
Épître
d’Hautel, 1808 : Il est familier comme les épîtres de Cicéron. Se dit d’un homme qui prend de grandes libertés avec ses supérieurs.
Éplucher
Delvau, 1866 : v. a. Examiner avec soin, méticuleusement, soupçonneusement, la conduite de quelqu’un ou une affaire quelconque.
France, 1907 : Surveiller avec soin les actes de quelqu’un ; examiner sa conduite. On dit aussi : éplucher un compte.
Éplucher des lentilles
Delvau, 1864 : Branler une femme avec les cinq doigts de la main droite.
Tribade avec le cotillon,
Je sais éplucher des lentilles ;
Je sais faire le postillon
Aux garçons comme aux jeunes filles.
(Parnasse satyrique)
Éplucheur
d’Hautel, 1808 : Un grand éplucheur de mots. Pédant qui s’applique à relever les fautes les plus légères ; ce qui est la marque ordinaire d’un petit esprit, d’un cerveau étroit.
Éplucheuse de lentilles
Vidocq, 1837 : s. f. — Tribade.
France, 1907 : Tribade.
Époche
France, 1907 : Fruit de l’aubépine.
Époélant
Rossignol, 1901 : Étonnant.
Ce Joseph ! rien ne l’épate, il est époélant.
Époilant
Virmaître, 1894 : Plus fort que tout ce que l’on peut rêver. Pourtant la source de ce mot est des plus simples et ne signifiait au début rien d’extraordinaire. À l’école de Saumur, en faisant un travail dans le manège, un cheval tomba et se couronna les deux genoux. En le relevant, l’élève dit :
— Mon pauvre cheval est époilé.
L’expression est restée, mais elle est autrement appliquée (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Superlatif d’épatant.
Éponge
d’Hautel, 1808 : Boire comme une éponge. Boire avec excès ; s’enivrer.
Passer l’éponge sur quelque chose. Pardonner ; oublier noblement une mauvaise action ; une offense.
Presser l’éponge. C’est faire rendre à quel qu’un ce qu’il a pris ; le faire regorger.
Delvau, 1864 : Femme. Épouse ou maîtresse qui vous éponge, en manœuvrant au cul, le trop plein de vos couilles.
Delvau, 1866 : s. f. Ivrogne, — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des voyous, qui révèlent ainsi d’un mot tout un détail de mœurs. Autrefois (il n’y a pas longtemps) les filles et leurs souteneurs hantaient certains cabarets borgnes connus de la police. Ces messieurs consommaient, en inscrivait sur l’ardoise, ces dames payaient, et le cabaretier acquittait la note d’un coup d’éponge.
Rigaud, 1881 : Maîtresse d’un souteneur.
Mais, pardon, tiens, que je te fasse voir mon éponge, poursuivit-il, en tirant à lui Céline.
(Huysmans, les Sœurs Vatard)
La Rue, 1894 : Femme de souteneur. Éponge d’or, avoué.
France, 1907 : Ivrogne. La périphrase s’explique de soi.
France, 1907 : Maîtresse ; argot des souteneurs.
Me v’là, Laur’, l’éponge à Polyte,
C’est un beurr’ comm’ nous nous aimons,
Mon homme et moi, nous somm’s l’élite,
La fleur, la crèm’ des butt’s Chaumont,
C’est dimanch’ dernier, au bastringue,
Qui m’a plu Polyte, et qu’j’y plus ;
La grande Irma, c’t’espèc’ de bringue,
Était sa marmite, ell’ l’est pus,
Dès qu’j’en suis d’venue amoureuse,
Y m’a dit : Toc, ça t’va, ça m’va !
C’est vraiment chouett’ pour un’ pierreuse
D’avoir un mec comm’ celui-là.
(André Gill, L’Éponge à Polyte)
Voici en bloc les noms donnés aux prostituées de basse catégorie : asticot, autel du besoin, avale-tout, baleine, blanchisseuse de tuyau de pipe, bourdon, brancard, cambrouse, camelotte, carogne, catau, catin, chausson, chiasse, dossière, fesse, gadoue, galupe, gaupe, gerse, gouge, gouine, gourgandine, grognasse, moellonneuse, morue, outil de nécessité, paillasse, passade, pétasse, pierreuse, ponante, ponifle, pontonnière, pouffiasse, punaise, roubion, rouchie, roulante, roulasse, rouleuse, roulure, rullière, taupe, trainée, trouillarde, truqueuse, vadrouille, voirie, volaille, wagon à bestiaux.
Éponge (mettre une)
Delvau, 1864 : Moyen qui donne aux amants la liberté de se livrer à tous les transports et au feu du plaisir, sans crainte de faire des enfants.
J’engageai donc ta bonne, depuis le jour où tu nous a découverts, à se munir, avant nos embrassements, d’une éponge fine, avec un cordon de soie délicat qui la traverse en entier et qui sert à la retirer. On imbibe cette éponge dans de l’eau mélangée de quelques gouttes d’eau-de-vie ; on l’introduit exactement à l’entrée de la matrice, afin de la boucher, et quand bien même les esprits subtils de la semence passeraient par les pores de l’éponge, la liqueur étrangère qui s’y trouve, mêlée avec eux, en détruit la puissance et la nature. On sait que l’air même suffît pour la rendre sans vertu. Dès lors, il est impossible que l’on fasse des enfants.
(Mirabeau)
Éponge à mercure
Rigaud, 1881 : Prostituée malsaine. (Le nouveau Vadé.) Innombrables sont les variantes usitées au XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, dont certaines ont survécu. En voici quelques échantillons : Bouteille à poisson, donneuse de nouvelles à la main, matelas d’invalide, magneuse de tuyaux de pipe, voirie ambulante, coffre à graillon, remède d’amour, volaille ressucée, gibier à bistouri, pot cassé d’onguent gris, porteuse de viande pourrie, asticot d’équarrisseur, mangeuse d’étrons sans fourchette, reliquat de fistule gangrenée.
Éponge à sottises
Delvau, 1866 : s. f. Imbécile, qui accepte tout ce qu’on lui dit comme paroles d’Évangile. L’expression sort du Théâtre Italien de Ghérardi.
France, 1907 : Niais qui croit tout ce qu’on lui dit.
Éponge d’or
Delvau, 1866 : s. f. Avoué, — dans l’argot des prisons.
France, 1907 : Avoué.
Époques
Rigaud, 1881 : Menstrues, — dans le jargon des bourgeoises.
France, 1907 : Menstrues.
Époques (avoir son ou ses)
Delvau, 1864 : Avoir ses menstrues.
Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot des bourgeois, — des menses des femmes.
Épouffer
d’Hautel, 1808 : Il est tout épouffé de lui-même. Pour, il est bouffi d’orgueil ; il est très-épris de sa personne.
Il est venu tout épouffé m’apprendre cette nouvelle. Il s’est mis hors d’haleine, pour s’empresser de venir annoncer cette nouvelle.
S’épouffer. Disparoître, se cacher derrière quelqu’un.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Saisir la victime à l’improviste, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Saisir à l’improviste un passant par derrière, comme cela se pratique pour exécuter le coup du père François (Argot des voleurs).
France, 1907 : Se jeter sur quelqu’un, le saisir à l’improviste ; argot des voleurs.
Épouffer (s’)
Fustier, 1889 / La Rue, 1894 : Fuir, se sauver.
France, 1907 : Fuir.
Époulardeuse
France, 1907 : Vieille ouvrière des manufactures de tabac.
Épouse
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des étudiants, qui se marient souvent pour rire avant de se marier pour de bon.
Rigaud, 1881 : La femelle de l’époux. Quand les femmes de ménage, les ouvrières et les fournisseurs parlent à l’amant de la femme avec laquelle il vit, ils disent : « Votre épouse ». Entre eux, c’est la chipie du quatrième ou du cinquième, la grue ou le crampon, suivant les qualités dominantes de l’épouse.
Épousée
d’Hautel, 1808 : Parée comme une épousée de village. Surchargée de colifichets, d’ornemens mal choisis, et arrangés sans aucun goût
Épouser
d’Hautel, 1808 : Qui fiance n’épouse pas. Signifie que souvent un mariage se rompt, les fiançailles étant faites.
Qui épouse la femme, épousé les dettes.
Épouser la vache et le veau. S’unir par les liens du mariage à une femme qui porte secrètement un enfant dans son sein.
Épouser la camarde
Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des voleurs, qui préféreraient souvent une autre fiancée.
Épouser la faucandière
Halbert, 1849 : C’est quand les filous jettent ce qu’ils ont dérobé, de peur d’être pris.
Épouser la foucandière
anon., 1827 : C’est quand les filous jettent ce qu’ils ont dérobé, de peur d’être pris.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Jeter les objets volés de peur d’être pris.
Bras-de-Fer, 1829 : Jeter ce que l’on a volé.
Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser des objets volés en les jetant çà et là quand on est poursuivi. « Épouser est ici une altération d’époufer, qui faisait autrefois partie du langage populaire avec le sens de glisser, ne se dérober. » C’est M. Francisque Michel qui dit cela, et il a raison.
Virmaître, 1894 : Quand un voleur est pris par les agents en flagrant délit, en se sauvant, il jette sur la voie publique ou dans les égouts, s’il le peut, les objets volés, afin de se débarrasser des preuves compromettantes (Argot des voleurs).
Épouser la foucandière ou la fauconnière
France, 1907 : Jeter les objets volés quand on se sent poursuivi.
Épouser, dit Francisque Michel, est ici une altération d’épouffer, qui faisait autrefois partie du langage populaire avec le sens de glisser, de se dérober.
Épouser la fourcandière
Rigaud, 1881 : Jeter un objet volé quand on est poursuivi, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Jeter un objet volé quand on est poursuivi.
Épouser la veuve
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Être pendu.
Delvau, 1866 : v. a. Être exécuté, — dans l’argot des malfaiteurs, dont beaucoup sont fiancés dès leur naissance avec la guillotine.
Virmaître, 1894 : Être guillotiné. C’est Charlot qui remplit l’office de maire et les aides qui servent de témoins pour ce mariage forcé (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Aller au supplice.
France, 1907 : Être guillotiné.
Épousseter
d’Hautel, 1808 : Épousseter les épaules à quelqu’un. Lui donner des coups de canne ou de nerfs de bœuf ; le frapper sur les épaules.
Épouvantail
d’Hautel, 1808 : Mannequin ou botte de paille, habillé en homme, que l’on place dans les blés, les vignes ou les vergers, à une certaine hauteur, pour faire peur aux oiseaux.
On dit d’une femme très-laide, que c’est un épouvantail d’amour.
Époux
Rigaud, 1881 : Celui qui vit maritalement avec une femme à demi-entretenue. — Les maîtresses de piano à deux francs le cachet, les demoiselles de magasin qui ont été à l’école jusqu’à douze ans, les anciennes élèves de Saint-Denis, les petites bourgeoises séparées de leurs maris pour cause d’adultère, disent généralement « mon époux » en parlant de leurs amants.
France, 1907 : Amant. S’emploie aussi au féminin : épouse, maîtresse.
Époux, épouse
Delvau, 1864 : Amant, maîtresse.
Les femmes elles-mêmes appellent leurs amants : mon époux.
(Léo Lespès)
Et comme aisément on s’y blouse,
Si, quelquefois, vous entendiez
Ces mots : mon époux, mon épouse,
Traduisez net : Non mariés.
(Fr. De Courcy)
Épousez-moi, épousez-moi tout de suite ; je le veux, je l’ordonne.
(Souvet)
Bathilde fut très étonnée d’être épousée tout à fait.
(Pigault-Lebrun)
Larchey, 1865 : Amant, maîtresse. — V. Monsieur.
Vous pouvez amener vos épouses, il y aura noces et festins ; nous avons Adèle Dupuis, Mlle Millot, ma maîtresse.
(Balzac)
Les femmes elles-mêmes appellent leurs amants : Mon époux.
(L. Lespès)
Epprener
Virmaître, 1894 : Appeler quelqu’un. L’anseignot vient d’éprener bancalo pour aller au rastue (greffe) (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Appeler.
Épreuve
Boutmy, 1883 : s. f. Première feuille imprimée destinée aux correcteurs ou aux auteurs, pour qu’ils y indiquent les fautes commises par les compositeurs. On distingue l’épreuve en première, la première d’auteur, le bon, la tierce et la révision.
Éprouvé
Fustier, 1889 : Condamné qui, ayant déjà subi la moitié de sa peine s’est, par une bonne conduite, recommandé à l’administration.
France, 1907 : Condamné qui, par suite de bonne conduite, après avoir subi la moitié de sa peine, est recommandé pour obtenir sa libération.
Épuiser ses munitions
Delvau, 1864 : Baiser avec excès, dépenser tout son sperme au profit d’une seule femme, et n’en plus avoir pour les autres.
Pourquoi commettre cette imprudence de contenter ma femme, quand Urinette m’attendait ?… Cela s’appelle épuiser ses munitions.
(Lemercier de Neuville)
Delvau, 1864 : Lui vider ses réservoirs à sperme par des branlages répétés, ou par des suçages réitérés, ou par des coups trop fréquemment tirés avec lui.
Elle épuise elle tue, et n’en est que plus belle.
(Alfred de Musset)
Mais on sait
Qu’en secret
Elle épuisait un nerveux récollet.
(Collé)
Équaler
France, 1907 : Se dit de l’oiseau qui s’accroupit sur le sol en étendant ses ailes.
Équerre
d’Hautel, 1808 : Une équerre. Les ouvriers qui se servent de cet instrument le font masculin, et disent, contre l’autorité de l’Académie, un équerre.
Rigaud, 1881 : Jambe.
Numéro un, je vous réitère que votre équerre est trop ouvert.
(Randon, Croquis militaires)
Équerre (fendre son)
France, 1907 : Se sauver.
Équiangle
France, 1907 : Égal, indifférent.
Équilatéral
France, 1907 : Égal, indifférent.
— N’augurez pas une curiosité exagérée et intempestive, si je vous demande si vous êtes apostillé d’une nièce ?… Nièce ou cousine, ou sœur, comme vous voudrez l’interpeller, ça m’est équilatéral… Du moment que la particulière du curé n’est pas née native de la région administrée par votre serviteur, nous nous en battons l’œil, militairement parlant.
(Hector France, Marie Queue-de-Vache)
Équipe
Delvau, 1866 : s. f. Les ouvriers qui composent une commandite, — dans l’argot des typographes.
Boutmy, 1883 : s. f. Réunion d’ouvriers pour composer un journal quotidien. Personnel nécessaire pour le fonctionnement d’une presse mécanique.
Érafler
d’Hautel, 1808 : Écorcher légèrement, égratigner.
Éraflure
d’Hautel, 1808 : Légère écorchure, égratignure.
Érailler
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Tuer.
France, 1907 : Attraper, prendre.
France, 1907 : Tuer ; argot des voleurs.
Érection
Delvau, 1864 : État satisfaisant du membre viril, — du verbe latin arrigere, dresser, relever.
Sa main douce, blanche et petite,
Avec un art extrême excite
L’érection
(H. Raisson)
Éreintement
Larchey, 1865 : Critique excessive.
Rigaud, 1881 : Critique à fond de train.
France, 1907 : Petit amusement auquel se livrent les journalistes entre eux quand ils ont à parler d’un de leurs confrères.
Éreinter
Larchey, 1865 : Maltraiter un écrit.
Tu pourras parler des actrices… tu éreinteras la petite Noémie.
(E. Augier)
Donc le livre de Charles fut éreinté à peu près sur toute la ligne.
(De Goncourt)
Delvau, 1866 : v. a. Dire du mal d’un auteur ou de son livre, — dans l’argot des journalistes ; siffler un acteur ou un chanteur, — dans l’argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Critiquer fortement, maltraiter.
France, 1907 : Démolir un camarade, en critiquant acerbement son livre si c’est un homme de lettres, ou, si c’est un artiste, ses toiles ou son jeu. Il arrive souvent que, pour se faire de la réclame, les auteurs s’éreintent eux-mêmes. C’est la coutume des avocats d’éreinter client et témoins de la partie adverse.
Hier, mon camarade Paul Bourget est entré chez moi en brandissant un journal, — « Enfin, on t’éreinte ! » s’est-il écrié… — Et il a étalé un article idiot où l’on me refuse jusqu’à l’écriture ! Pourquoi pas l’orthographe ? Mais quel n’a pas été son étonnement lorsque je lui ai appris que cet article était de moi ! — « Et voilà, ai-je lancé, le cas que je fais de la critique ! » — « Tu ne l’as pas inventé, a-t-il repris vexé et rêveur, Balzac l’avait fait avant toi, et c’est courant en Amérique !… »
(Émile Bergerat, Mon Journal)
Éreinteur
Delvau, 1866 : s. m. Homme-merle qui sait siffler au lieu de savoir parler, et remplace le style par l’injure, la bonne foi de l’écrivain digne de ce nom par la partialité du condottiere digne de la police correctionnelle.
Rigaud, 1881 : Critique grincheux et sans aucune espèce de ménagements.
France, 1907 : Malfaiteur littéraire, généralement sans talent et, par contre, envieux, qu’Alfred Delvau définit : « Homme merle, qui sait siffler au lieu de savoir parler, et remplace le style par l’injure, la bonne foi de l’écrivain digne de ce nom par la partialité du condottiere digne de la police correctionnelle. »
Éréné
Delvau, 1866 : adj. et s. Éreinté, — fourbu, — dans l’argot du peuple. Ce mot, du meilleur français et toujours employé, manque au Dictionnaire de Littré.
Éréné, ou mieux éreiné
France, 1907 : Éreinté, fatigué, fourbu : en un mot, qui n’a plus de reins.
Ergo
d’Hautel, 1808 : Ergo glu. Pour, or donc, enfin. Se dit à ceux qui font de beaux raisonnemens dont on ne peut rien conclure.
Ergot
d’Hautel, 1808 : Pour les extrémités supérieures et inférieures de l’homme.
Il faut faire attention à ses ergots. Pour dire à mots couverts, qu’un homme est, accoutumé à prendre, qu’il faut s’en méfier.
Il se fera donner sur les ergots. Pour dire, sur les doigts.
Être sur ses ergots. Se tenir sur ses gardes.
Le peuple prononce argoter dans toutes ces locutions.
France, 1907 : Pied. Se fendre l’ergot, courir ; monter sur ses ergots, se fâcher.
Ergot (se fendre l’)
Rigaud, 1881 : Prendre la fuite ; et, par abréviation, se le fendre.
Ergoter
d’Hautel, 1808 : Parler finement, argumenter ; chicaner, contester, trouver à redire à tout.
C’est un luron ergoté. C’est-à-dire, qui sait se tirer d’affaire, que rien n’embarrasse.
Ergoteur
d’Hautel, 1808 : Railleur, mauvais plaisant, qui pointille sur tout, et toujours mal-à-propos ; chipotier, chicaneur.
Ergots
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les pieds ou les talons. Être sur ses ergots. Tenir son quant-à-soi ; avoir une certaine raideur d’attitude frisant de très près l’impertinence. Monter sur ses ergots. Se fâcher.
Ermite
Virmaître, 1894 : Voleur de grands chemins. Ainsi nommé parce qu’il opère généralement seul. On dit aussi un solitaire (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Voleur qui agit seul.
Ernest
Rigaud, 1881 : Nom de baptême que les journalistes ont donné à l’émanation ministérielle dite « communiqué », cette seule et unique signature que l’administration juge à propos de mettre au bas des notes rectificatives qu’elle adresse aux journaux, dans l’intérêt de la vérité, et que les journaux sont tenus d’insérer en tête de leur première page, toujours dans l’intérêt de la vérité. Pour donner un peu de vitalité à ce nom de « communiqué » aussi sec que la prose officielle, on a imaginé de lui adjoindre le doux prénom d’Ernest.
France, 1907 : Communication officielle du gouvernement à la presse.
Érontole
France, 1907 : Toile d’araignée.
Errant
d’Hautel, 1808 : Il est comme le Juif errant. Se dit d’un homme qui est toujours par monts et par vaux ; que l’on rencontre, que l’on voit partout ; d’un véritable cosmopolite.
Errare humanum est
France, 1907 : « L’erreur est humaine. L’homme est sujet à se tromper. » Ce latinisme passé en quelque sorte dans la langue, tant il est souvent employé, est tiré des Écritures. Voici la phrase complète : Errare humanum est, perseverare diabolicum. Dans son Anti-Lucrèce, le cardinal de Polignac prit la première partie de cette phrase qui de là est passée dans le clergé, puis dans le public.
Erreur
d’Hautel, 1808 : Erreur ne fait pas compte. Pour dire, qu’avec d’honnêtes gens, il y a toujours à revenir quand on s’est trompé dans un compte.
Erreur (y a pas d’)
France, 1907 : Chose indéniable ; argot parisien.
Es
Vidocq, 1837 : s. m. — L’Escroc, proprement dit, est une des nombreuses variétés de la grande famille des chevaliers d’industrie, Faiseurs et autres. Son nom même devrait être donné à ces derniers ; car, quelle que soit la manière dont ils procèdent ; le seul nom qui convienne à leurs exploits est celui d’escroquerie. Au reste, la catégorie des Escrocs est la plus nombreuse de toutes. Ce serait une entreprise difficile, pour ne pas dire, impossible, que d’énumérer les diverses manières de commettre le délit prévu par l’article 405 du Code Pénal ; les débats révèlent tous les jours de nouvelles ruses aux bénévoles habitués des tribunaux correctionnels. Mais les plus coupables ne sont pas ceux que frappe le glaive de Thémis ; aussi je ne les cite que pour mémoire ; je veux seulement m’occuper des grands hommes. La prison n’est pas faite pour ces derniers, ils se moquent des juges, et ne craignent pas le procureur du roi ; tous leurs actes cependant sont de véritables escroqueries. Quel nom, en effet, donner à ces directeurs de compagnie en commandite et par actions, dont la caisse, semblable à celle de Robert Macaire, est toujours ouverte pour recevoir les fonds des nouveaux actionnaires, et toujours fermée lorsqu’il s’agit de payer les dividendes échus ? Quel nom donner à ces fondateurs de journaux à bon marché, politiques, littéraires, ou des connaissances inutiles, qui promettent au public ce qu’ils ne pourront jamais donner, si ce n’est celui d’Escroc ? Nommera-t-on autrement la plupart des directeurs d’agences d’affaires, de mariages, déplacement ou d’enterrement ? oui, d’enterrement, il ne faut pas que cela vous étonne.
Je viens de dire que la qualification d’Escroc devait être donnée à ces divers individus ; il me reste maintenant à justifier cette allégation. Cela ne sera pas difficile.
Vous voulez, pour des raisons à vous connues, vendre ou louer, soit votre maison des champs, soit votre maison de ville ; vous avez, par la voie des Petites-Affiches, fait connaître vos intentions au public, et vous attendez qu’il se présente un acquéreur ou un locataire. Vous attendez vainement. Mais, s’il ne se présente ni acquéreur ni locataire, tous les matins votre portier vous remet une liasse de circulaires par lesquelles Messieurs tels ou tels vous annoncent qu’ils ont lu ce que vous avez fait insérer dans les Petites-Affiches, qu’ils croient avoir sous la main ce qui vous convient, et qu’ils terminent en vous priant de passer chez eux le plus tôt qu’il vous sera possible.
Vous vous déterminez enfin à voir un de ces officieux entremetteurs, et vous vous rendez chez lui. L’aspect de son domicile vous prévient d’abord en sa faveur. Avant d’être introduit dans son cabinet, on vous a fait traverser des bureaux dans lesquels vous avez remarqué plusieurs jeunes gens qui paraissaient très-occupés, et vous avez attendu quelques instans dans un salon élégamment meublé ; dans le cabinet de l’agent d’affaires, vous avez remarqué des gravures avant la lettre, des bronzes de Ravrio, des tapis ; aussi vous l’avez chargé de vendre ou de louer votre propriété, et vous lui avez remis sans hésiter un instant la somme plus ou moins forte qu’il vous a demandée, et qui est, à ce qu’il dit, destinée à le couvrir des premiers frais qu’il faudra qu’il fasse. Il vous a remis en échange de votre argent une quittance ainsi conçue :
« Monsieur *** a chargé Monsieur ***, agent d’affaires à Paris, de vendre ou de louer sa propriété, sise à ***, moyennant une somme de *** pour % du prix de la vente ou location, si elle est faite par les soins du sieur *** ; dans le cas contraire, il ne lui sera alloué qu’une somme de ***, pour l’indemniser de ses frais de démarches, publications et autres, dont il a déjà reçu la moitié ; l’autre moitié ne sera exigible que lorsque la propriété du sieur *** sera louée ou vendue. Fait double, etc., etc. »
Comme il est facile de le voir, l’adroit agent d’affaires a reçu votre argent et ne s’est engagé à rien, et vous ne pouvez plus vendre ou louer votre propriété sans devenir son débiteur. Un individu, nommé G…, qui demeure rue Neuve-Saint-Eustache, exerce à Paris, depuis plusieurs années, le métier dont je viens de dévoiler les ruses. Il a bien en quelques petits démêlés avec dame Justice, mais il en est toujours sorti avec les honneurs de la guerre, et il n’y a pas long-temps que, voulant vendre une de mes propriétés, il m’a adressé une de ses circulaires, en m’invitant à lui accorder le confiance dont il était digne.
L’agent d’affaires qui s’occupe de la vente des propriétés de ville et de campagne, fonds de commerce, etc., etc., n’est qu’un petit garçon comparativement à celui qui s’occupe de mariages. Le créateur de cette industrie nouvelle, feu M. Villiaume, aurait marié, je veux bien le croire, le doge de Venise avec la mer Adriatique, mais ses successeurs, quoique disent les pompeuses annonces qui couvrent la quatrième page des grands et petits journaux, ne font luire nulle part le flambeau de l’hyménée, ce qui ne les empêche pas de faire payer très-cher à ceux qui viennent les trouver alléchés par l’espoir d’épouser une jeune fille ou une jeune veuve dotée de quelques centaines de mille francs, le stérile honneur de figurer sur leurs cartons.
Ceux des individus dont je viens de parler, qui ne dépensent pas follement ou ne jouent pas l’argent qu’ils escroquent ainsi, acquièrent en peu de temps une brillante fortune, achettent des propriétés, deviennent capitaines de la milice citoyenne, chevaliers de la Légion-d’Honneur, électeurs, jurés, et condamnent impitoyablement tous ceux qui comparaissent devant eux. (Voir Suce-larbin.).
Les Escrocs auvergnats se sont à eux-mêmes donné le nom de Briseurs. Les Briseurs donc, puisqu’il faut les appeler par leur nom ; se donnent tous la qualité de marchands ambulans. Ils n’ont point de domicile fixe. Ils font passer à leur femme, qui réside en Auvergne, le fruit de leurs rapines, et celle-ci achette des biens que, dans tous les cas, les Briseurs conservent ; car, il faut remarquer qu’ils sont presque tous mariés sous le régime dotal, ou séparés de biens.
Lorsque les Briseurs : ont jeté leur dévolu sur un marchand, le plus intelligent, ou plutôt le plus hardi d’entr’eux, s’y présente, choisit les marchandises qui lui conviennent, achette et paie. Quelques jours après, il adresse au marchand son frère ou son cousin, qui se conduit de même. Cela fait, le premier revient, achette encore, paie une partie comptant, et, pour le surplus, laisse un petit billet à trois ou quatre mois de date. Mais quinze ou vingt jours sont à peine écoulés, qu’on le voit revenir, il demande si l’on a encore le billet, le reprend et ne demande qu’un léger escompte qu’on s’empresse de lui accorder.
Ce manège dure quelques mois, et si les Briseurs jugent le marchand bon, ils ne se lassent pas de le nourrir, ils lui amènent des parens, des amis, les crédits se montent, et, tout-à-coup vient la débâcle, et l’on apprend alors, mais trop tard, que l’on a été trompé.
Tous les membres d’une famille de l’Auvergne sont quelquefois Briseurs. Je puis, pour ma part, en citer sept ou huit qui portent le même nom.
Il faut remarquer que la brisure est héréditaire dans plusieurs familles de l’Auvergne. La bonne opinion que l’on a de ces enfans des montagnes facilite leurs escroqueries. Ces hommes paraissent doués d’une épaisseur et d’une bonhomie qui commande la confiance, aussi ils trouvent toujours des négocians qui se laissent prendre dans leurs filets ; cela prouve, si je ne me trompe, que personne n’est plus propre qu’une bête à tromper un homme d’esprit : ce dernier se laisse prendre plus facilement que tout autre ; car il compte sur sa supériorité et ne peut croire qu’un homme auquel il n’accorde que peu ou point de considération ait l’intention et le pouvoir de mettre sa perspicacité en défaut.
Les marchandises escroquées par les Briseurs sont, pour la plupart, achetées par des receleurs ad hoc, à 40 ou 50 pour % de perte. Au moment où j’écris, il existe à Paris plusieurs magasins garnis de marchandises brisées.
Les Briseurs changent entre eux de passeport, ce qui permet à celui qui est arrêté de prendre le nom de Pierre, lorsqu’il se nomme François, et que c’est François que l’on cherche.
Larchey, 1865 : Escroc (Vidocq). — Abréviation.
Delvau, 1866 : s. m. Apocope d’Escroc, — dans l’argot des voyous, qui se plaisent à lutter de concision et d’inintelligibilité avec les voleurs. Ils disent aussi Croc, par aphérèse.
Rigaud, 1881 : Escroc, — dans l’ancien argot ; le mot sert aujourd’hui à désigner un tricheur, vulgo grec.
France, 1907 : Abréviation d’escroc.
Esbalancer
Vidocq, 1837 : v. a. — Rejeter, renvoyer.
Clémens, 1840 / La Rue, 1894 : Pousser, jeter à terre.
France, 1907 : Jeter, pousser.
Esballonner
La Rue, 1894 : Arrêter, mettre en prison.
France, 1907 : Arrêter, emprisonner.
France, 1907 : S’esquiver ; s’évader.
Esbalonner (s’)
Rigaud, 1881 : S’évader. (L. Larchey)
Esbasir
Vidocq, 1837 : v. a. — Assassiner.
France, 1907 : Tuer.
Esbatre dans la tigne (s’)
Vidocq, 1837 : v. p. — Chercher à voler dans la foule.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Esbattre dans la tigne (s’)
Rigaud, 1881 : Chercher à voler dans la foule. (Fr. Michel.)
Esbigner (s’)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Se sauver. Esbignez-vous, les marsoins ! contrebandiers, sauvez-vous !
Halbert, 1849 : S’enfuir, s’en aller.
Larchey, 1865 : S’enfuir.
Et l’amant qui s’sent morveux, Voyant qu’on crie à la garde, S’esbigne en disant : Si j’tarde, Nous la gobons tous les deux.
(Désaugiers)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens, à qui Désaugiers a emprunté cette expression.
Rigaud, 1881 : Se sauver. Celui qui s’esbigne, se sauve pour ne pas rendre un service, ou pour ne pas être reconnu.
La Rue, 1894 : Partir, s’esquiver. Voler.
Virmaître, 1894 : Se sauver. Dans les faubourgs, quand un voyou sait qu’il va recevoir une maîtresse correction, il s’esbigne (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Se sauver.
France, 1907 : Se sauver, s’esquiver, s’enfuir.
La raclée devait être divisée en douze leçons. Après la troisième, je pris la poudre d’escampette.
Elles devenaient de plus en plus chaudes chaque fois, et commençant à me demander ce que pourrait bien être la douzième, je jugeai préférable de m’esbigner avant l’échéance.
(Hector France, Chez les Indiens)
Plus tard, la chance s’ensuivant,
S’il ne se fait pas prendre avant
Ou ne s’esbigne,
Notre homme, par un coup savant,
Nous supprime le plus souvent…
Comble de guigne !
(Blédort)
Esbigner dans sa boite à puces (s’)
France, 1907 : Rentrer chez soi.
Esbigner dans sa boîte à puces (s’)
Fustier, 1889 : Rentrer chez soi.
Si c’est comme ça qu’on vous reçoit dans le monde chic, des mâches ! J’aime mieux m’esbigner dans ma boîte à puces.
(Mahalin, La patte de fer)
Esbigner en jargue
M.D., 1844 : S’en aller d’un endroit sans payer.
Esbigner, esbignonner
Rigaud, 1881 : Voler, faire disparaître un objet, — dans le jargon du peuple. C’est-à-dire faire partir un objet.
Laronneux, n’crois pas m’esbignonner mon maquereau.
(Le Nouveau Vadé)
Esbigner un porte morningue dans la profonde d’un girondin.
Esblinder
Rigaud, 1881 : Étonner, stupéfier, — dans le jargon des ouvriers.
Inutile de faire le savant pour esblinder le prolétaire.
(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres.)
France, 1907 : Étonner, stupéfier.
Esbloquant
Delvau, 1866 : adj. Étonnant, ébouriffant, — dans l’argot des soldats, qui songent au bloc plus souvent qu’ils ne le voudraient, et le mettent naturellement à toutes sauces.
France, 1907 : Étonnant.
Esbloquer
Fustier, 1889 : Étonner, stupéfier.
France, 1907 : S’étonner.
Esbloquer (s’)
La Rue, 1894 : Étonner, stupéfier.
Esbrouf (d’)
France, 1907 : Tout de suite, violemment, par surprise.
Estourbir un pante d’esbrouf.
(Vidocq)
Esbroufe (vol à l’)
Rigaud, 1881 : Vol à la bousculade. — Dans la rue, quelqu’un vous heurte fortement et disparaît avec votre montre ou votre porte-monnaie ; vous êtes volé à l’esbroufe. Le vol à l’esbroufe est une variété du vol à la tire.
Esbroufeur
Rigaud, 1881 : Voleur à l’esbroufe. L’esbroufeur exploite de préférence les abords de la Banque de France et des grandes compagnies financières. Quand on vient de toucher de l’argent dans ces parages, il est prudent de se boutonner, de serrer les coudes et de tenir le milieu de la chaussée. Le garçon de recette est le rêve de l’esbroufeur.
Esbrouff (vol à l’)
anon., 1907 : Bousculer quelqu’un pour voler.
Esbrouffant
Delvau, 1866 : adj. Inouï, incroyable, — dans l’argot du peuple.
Esbrouffe
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Air important.
Vidocq, 1837 : s. m. — Embarras, plus de bruit que de besogne.
un détenu, 1846 : Avis vantards, air de grand seigneur.
Larchey, 1865 : Fanfaronnades, étalage de grands airs.
Pas d’esbrouffe ou je repasse du tabac.
(P. Borel, 1833)
Faut pas faire ton esbrouffe, vois-tu ! ça ne prendrait pas.
(Cogniard, 1831)
Vol à l’esbrouffe : V. Caroubleur.
Delvau, 1866 : s. f. Embarras, manières, vantardises. Faire de l’esbrouffe. Faire plus de bruit que de besogne.
Rigaud, 1881 : Embarras, jactance. Faire de l’esbrouffe, des esbrouffes, son esbrouffe, faire des es, faire des embarras.
Ce Prussien était donc là, le nez en l’air, lorgnant les bombes lumineuses et faisant son esbrouffe.
(É. de La Bédollière)
La Rue, 1894 : Embarras. Vol à l’esbrouffe, vol à la bousculade. Estourbir à l’esbrouffe, assassiner dans la rue.
Hayard, 1907 : Embarras.
Esbrouffe (en faire)
Virmaître, 1894 : Faire des embarras, du vent, de la mousse. Esbrouffe est un vieux mot qui vient d’esbouffer, éclabousser. C’est Théophile Gautier qui a transformé ce mot dans le sens de vent et de mousse. Les escarpes se sont emparés du mot esbrouffer pour désigner un genre de vol assez répandu. Ce vol consiste à bousculer un passant dans la rue, à profiter de sa surprise pour le voler et s’excuser ensuite (Argot des voleurs).
Esbrouffe (faire de l’)
France, 1907 : Faire des embarras, vouloir étonner les imbéciles ou s’en faire admirer. D’après Francisque Michel, se mot viendrait de l’italien sbruffo, gorgée d’eau de vin qu’on rejette ; d’après Charles Nisard, du vieux mot esbouffer, se répandre avec bruit, dérivé lui-même de esbruier, esbrouir, bruire.
Esbrouffé (pesciller d’)
Halbert, 1849 : Prendre de force.
Esbrouffe (vol à l’)
Rossignol, 1901 : Ce vol consiste à bousculer quelqu’un qui sort d’une banque ou d’ailleurs, et profiter de sa stupéfaction pour qu’un complice lui enlève au moment de la bousculade son portefeuille de la poche intérieure de son vêtement quoique boutonné. Le portefeuille est aussitôt repassé à un troisième complice qui s’esquive. Si le volé s’aperçoit de suite de la soustraction, il fait arrêter les deux individus par qui il a été bousculé ; ils se rendent de bonne grâce chez le commissaire, où, comme on ne trouve rien sur eux, ils sont remis en liberté et reçoivent des excuses.
France, 1907 : Genre de vol, dont l’ancien chef de sûreté G. Macé donne l’explication.
L’Allemand est un excellent tireur à l’esbrouffe, genre de vol très ancien, consistant à bousculer violemment une personne, et à profiter de son ahurissement pour lui enlever son porte-monnaie.
Le pante est, en effet, esbrouffé,
Esbrouffer
un détenu, 1846 : Étonner, surprendre, ébahir.
Halbert, 1849 : Effaroucher.
Larchey, 1865 : Intimider, en imposer. — Du vieux mot esbrouffer : éclabousser. V. Du Cange.
Allons ! mouche-lui le quinquet, ça l’esbrouffera.
(Th. Gautier)
Delvau, 1866 : v. a. En imposer ; faire des embarras, des manières, intimider par un étalage de luxé et d’esprit. Signifie aussi Réprimander.
Rigaud, 1881 : Faire des embarras. — Chercher à étonner, à éclipser. Esbrouffer son monde.
Virmaître, 1894 : Dire des sottises à quelqu’un, le secouer vertement (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Synonyme d’épater. Dire des sottises à quelqu’un, s’il ne sait que répondre et reste coi, c’est esbrouffer.
Hayard, 1907 : Intimider, brusquer quelqu’un, prendre des grands airs.
France, 1907 : Imposer, intimider.
— Ah ! se dit-il un usurier ?… Ça doit avoir de l’argent ?… de l’argent mignon, sous la main et facile à esbrouffer…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Esbrouffeur
Delvau, 1866 : s. et adj. Gascon de Paris, qui vante sa noblesse apocryphe, ses millions improbables, ses maîtresses imaginaires, pour escroquer du crédit chez les fournisseurs et de l’admiration chez les imbéciles.
Virmaître, 1894 : Qui fait des esbrouffes. Voleur à l’esbrouffe (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Celui qui est fier et fait des manières est un esbrouffeur.
France, 1907 : « Gascon de Paris qui vante sa noblesse apocryphe, ses millions improbables, ses maîtresses imaginaires, pour escroquer du crédit chez les fournisseurs et de l’admiration chez les imbéciles. » (Alfred Delvau)
Ce mot a aussi son féminin. Depuis l’envahissement par les femmes de certains emplois dont les hommes s’étaient arrogé jusque la spécialité, certaines administrations sont encombrées de petites pécores impertinentes et esbrouffeuses.
Cette pauv’ petite-là, j’en suis fâché pour elle, ma parole ! C’est bien une des moins esbrouffeuses, des plus bonnes filles du bureau.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
France, 1907 : Voleur à l’esbrouffe.
Esbrouffeur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Faiseur d’embarras.
Esbrouffeur, esbrouffeuse
Rigaud, 1881 : Faiseur, faiseuse d’embarras.
Esbrouffeuse
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui éclabousse d’autres drôlesses, ses rivales, par son luxe insolent, par ses toilettes tapageuses, par le nombre et la qualité de ses amants.
Esbrouffre
Clémens, 1840 : Embarras, fâché.
Escabrante
Virmaître, 1894 : Échelle (Argot des voleurs) V. Montante.
Escaffe
Rigaud, 1881 : Coup de pied au derrière. — Escaffer, donner du pied au derrière.
La Rue, 1894 : Coup de pied au derrière.
France, 1907 : Coup de pied à l’endroit que les Anglais appellent l’innommable.
Escaffer
France, 1907 : Donner des coups de pied au derrière.
Escaffignon, esclot
Rigaud, 1881 : Soulier, — dans le jargon des chiffonniers, qui disent aussi gant, et gant de pied.
Escafignons
Delvau, 1866 : s. m. Souliers, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait ou à peu près, il y a 450 ans, Eustache Deschamps, l’inventeur de la Ballade.
De bons harnois, de bons chauçons velus.
D’escafilons, de sollers d’abbaïe.
Les écoliers du temps jadis disaient Escaffer pour Donner un coup de pied « quelque part ». Sentir l’escafignon. Puer des pieds.
France, 1907 : Souliers. Sentier l’escafignon, puer des pieds. Voir Cafignon.
Ce mot signifiait autrefois une chaussure très légère, escarpin ou chausson ; du latin scaphium, bateau. On appelle encore de grands souliers des bateaux.
Escaldunac
France, 1907 : Langue des Ibères.
Escale
France, 1907 : Trois francs.
Escalier
d’Hautel, 1808 : Il a sauté par la fenêtre, peur de salir les escaliers. Manière facétieuse de dire que celui que l’on poursuivoit s’est précipité par la croisée. Voyez Fenêtre.
Faire descendre les escaliers quatre à quatre à quelqu’un. Le mettre à la porte, le chasser honteusement. Vulgairement, et parmi les personnes sans instruction, ce mot devient féminin. On entend fréquemment dire à Paris : Montez par la grande escalier.
Escamoter
d’Hautel, 1808 : Filouter, attraper, tromper avec adresse.
Escamoteur
d’Hautel, 1808 : Filou, homme fin et adroit, charlatan, qui surprend la bonne foi des personnes trop confiantes.
Escamper
d’Hautel, 1808 : Pour, s’esquiver, s’enfuir, mettre la clef sous la porte.
Escampette
d’Hautel, 1808 : Il a pris la poudre d’escampette. Pour dire, qu’un homme, poursuivi par la justice ou par de nombreux créanciers, s’est prudemment enfui.
Escane (à l’)
La Rue, 1894 : Fuyons !
France, 1907 : Sauvons-nous ! Argot des voleurs.
— Comme j’vas pas à la retape et que j’ai pas d’aminche parmi les aiglefins, j’avais levé une brocante dans une boutanche, pour faire cascader une casinette ; v’là-t’y pas une affaire ! Mais y avait un arnache qui m’reluquait, et comme je sortais de la cambuse parce que la camoufle s’estourbait, v’là-t’y pas qu’y m’dévisage… J’crie à l’escane, et je veux baudrouiller, mais j’avais un caillou et j’m’affale.
(Félix Remo, La Tombeuse)
Escaner
Halbert, 1849 : Ôter.
Rigaud, 1881 : Ôter, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Ôter. Fuir.
France, 1907 : Fuir ou, simplement, s’en aller.
Quand j’aperçois ma Fanchonnette,
J’quitt’ mon bonnet, j’prends ma casquette,
J’m’escane sur la port’ d’allé
Pour avoir l’air mieux endrôlé !
(Le Canut amoureux)
France, 1907 : Ôter.
Escanne (à l’)
Rigaud, 1881 : Fuyons. (Fr. Michel.)
Escanner
Delvau, 1866 : v. n. Fuir, — dans l’argot des voleurs. À l’escanne ! Fuyons !
Escap
Ansiaume, 1821 : Assassin.
Il faut que j’escap un messière pour me mettre en carle.
Escapade
d’Hautel, 1808 : Pour fredaines, écarts, tours de jeunesse.
Il fait souvent quelqu’escapade. Pour, il n’a pas une conduite bien régulière.
Escape, escaper
Larchey, 1865 : Corruption d’Escarpe.
Éscapelle
France, 1907 : Sorte de scapulaire dont se servent les paysans du Midi.
Escaper
Ansiaume, 1821 : Assassiner.
Tu vois ce messière hautocher sur son gaillet, je vais l’escaper dans le satou.
Vidocq, 1837 : v. a. — Assassiner.
Escaper, escapoucher
France, 1907 : Assassiner.
Escapouche
Ansiaume, 1821 : Assassinat.
Nous sommes gerbés pour une escapouche sur le grand trimard.
Escapouche, escapoucheur
Vidocq, 1837 : s. m. — Assassin. Terme des voleurs du midi.
Escapoucher
Vidocq, 1837 : v. a. — Assassinat. Terme des voleurs du midi.
Escarbillard
d’Hautel, 1808 : Éveillé, finot ; d’une humeur gaie, joviale et enjouée.
Escarbouiller (s’)
France, 1907 : Se forcer, s’abîmer.
Et si tant est seulement qu’il eût une ombre de cœur, il lui dirait au contraire de prendre un peu de bon temps, de ne pas s’escarbouiller le tempérament comme elle faisait, du matin au soir, trimant sur la besogne.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Escarcher
Halbert, 1849 : Regarder.
France, 1907 : Observer ; argot des voleurs.
Escarcher, escracher
Rigaud, 1881 : Regarder, — dans l’ancien argot.
Escare
Delvau, 1866 : s. m. Empêchement, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Contre-temps. — Escarer, empêcher.
France, 1907 : Obstacle, désappointement.
Escarer
Delvau, 1866 : v. a. et n. Empêcher.
La Rue, 1894 : Empocher. Escare, contre-temps.
France, 1907 : Empêcher.
Escareur
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui trouve des obstacles à tout.
France, 1907 : Homme pusillanime et hésitant, qui voit partout des empêchements.
Escargot
d’Hautel, 1808 : C’est un vrai escargot. Expression fort insultante que l’on applique à un homme mal fait, malbâti, à un sot, à un imbécile.
Vidocq, 1837 : s. m. — Vagabond.
Delvau, 1866 : s. m. Homme mal fait, mal habillé, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi : Vagabond, homme qui se traîne sur les chemins, rampant pour obtenir du pain, et quelquefois montrant les cornes pour obtenir de l’argent.
Rigaud, 1881 : Vagabond. — Lampion, — dans l’ancien argot.
Merlin, 1888 : L’homme et sa tente, en campagne.
La Rue, 1894 : Vagabond, Agent de police.
Virmaître, 1894 : Casquette que portaient les souteneurs avant la david, laquelle fut à son tour détrônée par la casquette à trois ponts (Argot des souteneurs). N.
Virmaître, 1894 : Vagabonds, les habitués des refuges, les gouapeurs des halles, les hirondelles du Pont-Neuf (Argot du peuple). Dans la pièce des Bohémiens de Paris, Colbrun chantait :
Sur mon dos comme un limaçon,
Portant mon bagage,
Mon mobilier et ma maison.
France, 1907 : Lampion que l’on pose le long des plates-bandes des jardins dans les fêtes.
France, 1907 : Lent, paresseux ; rôdeur de grand chemin, vagabond.
Escargot d’hiver
Virmaître, 1894 : Vieillard impuissant. L’allusion est on ne peut mieux trouvée. Comme l’escargot il rentre dans sa coquille (Argot du peuple). N.
Escargot de trottoir
Rigaud, 1881 : Sergent de ville — dans le jargon des voyous.
France, 1907 : Sergent de ville.
Escarpe
Bras-de-Fer, 1829 : Assassinat.
M.D., 1844 : Assassin.
un détenu, 1846 : Assassin pour voler.
Halbert, 1849 : Assassin.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui va jusqu’à l’assassinat pour en arriver à ses fins. — Argot des prisons.
C’était ici, pour MM. les étymologistes, une magnifique occasion d’exercer leur verve… singulière. Eh bien, non ! tous ont gardé de Conrart le silence prudent. Me permettra-t-on, à défaut de la leur, de risquer ma petite étymologie ? Je ne dirai pas : Escarpe, parce que le voleur qui tient absolument à voler, escalade la muraille qui sépare le délit du crime et la prison de l’échafaud ; mais seulement parce qu’il emploie un instrument tranchant aigu, — scarp en allemand. Pourquoi pas ? escarbot vient bien de scarabæus, en vertu d’une épenthèse fréquente dans notre langue. À moins cependant qu’escarpe ne vienne du couteau d’escalpe (du scalp) des sauvages… (V. Les Natchez).
Escarpe-Zézigue. Suicide.
Rigaud, 1881 : Voleur doublé d’un assassin qui travaille en plein air et va en ville. — Nom générique de tous ceux qui assassinent pour voler. Les variantes sont : Escape, escapouche, escapouchon, mais escarpe est plus classique.
La Rue, 1894 : L’homme qui assassine pour voler.
Virmaître, 1894 : Voleur, assassin. A. Delvau pense que cette expression vient de scarp mot allemand qui signifie instrument tranchant et aigu ou bien du couteau d’escalpe (du scalp des sauvages). C’est aller chercher bien loin une étymologie bien simple. Les voleurs et les assassins travaillent dans des endroits isolés, escarpés (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Assassin.
France, 1907 : Voleur et assassin.
Tous les mondes de l’avenir étaient là, depuis l’escarpe qui échouera sur les bancs de la septième chambre, jusqu’au substitut qui requerra la peine et au juge qui l’appliquera ; je les ai connus tous et de telle façon que souvent, je l’avouerai, il m’eût été difficile de trier dans le tas et de pronostiquer entre jugés et juges qui seraient les uns ou qui deviendraient les autres.
(Louis Davyl, 13, rue Magloire)
Depuis que les meurtriers
Prenn’ le nom d’escarpe,
On augmente les loyers
Dans la ru’ Contrescarpe !
(Clairville)
Escarpe, escarpe-sezigue
Vidocq, 1837 : s. m. — Assassin, suicide.
Escarpe, scionneur
Larchey, 1865 : « Voleur détournant après minuit sur la voie publique, par violence et quelquefois par assassinat. »
(Canler)
Escarper
Bras-de-Fer, 1829 : Assassiner.
Vidocq, 1837 : v. a. — Assassiner.
M.D., 1844 : Assassiner.
Larchey, 1865 : Assassiner. — Du vieux mot escharper : mutiler, couper en morceaux (Roquefort). — V. Criblage.
Mais tu veux donc que je t’escarpe (que je te tue).
(E. Sue)
Delvau, 1866 : v. a. Tuer, écharper un homme. On disait autrefois Escaper. Escarper un zigue à la capahut. Assassiner un camarade pour lui voler sa part de butin.
Rigaud, 1881 : Assassiner pour voler. D’escharper, mettre en pièces.
Rossignol, 1901 / France, 1907 : Tuer.
Escarper à la capahut
Halbert, 1849 : Tuer son complice pour lui voler sa part.
Escarper un zigue à la capahut
Virmaître, 1894 : Assassiner un complice pour lui voler sa part de butin. Sur les deux mots il y en a un de trop, capahut comme escarpe voulant dire assassin (Argot des voleurs). N.
Escarpin
d’Hautel, 1808 : Lever l’escarpin. S’esquiver, s’échapper, s’enfuir ; faire banqueroute.
Des escarpins à paillettes. Souliers de porteurs d’eau, d’hommes de peine, dont la semelle est ordinairement couverte de clous à large tête.
Escarpin de Limoges. Gros sabots de bois.
Escarpin de cuir de limousin
France, 1907 : Sabot. On dit aussi dans le même sens : escarpin en cuir de brouette. Escarpin renifleur, soulier troué.
Escarpin en cuir de brouette
Escarpin renifleur
Rigaud, 1881 : Soulier qui prend l’eau ; et la variante : Gadins qui renâclent.
Escarpiner (s’)
Delvau, 1866 : S’échapper, s’enfuir en courant légèrement, — dans l’argot des faubouriens, qui ne savent pas qu’ils emploient un mot du XVIe siècle.
France, 1907 : S’échapper.
Escarpins de Limousin
Delvau, 1866 : s. m. pl. Sabots, — dans l’argot du peuple, qui sait que les Lémovices n’ont jamais porté d’autre chaussure, si l’on en excepte toutefois des souliers pachydermiques qui ont plus de clous que l’année n’a de semaines. On dit aussi Escarpins en cuir de brouette.
Escarpolette
Delvau, 1866 : s. f. Charge de bon ou de mauvais goût, interpolation bête ou spirituelle, — dans l’argot des comédiens.
France, 1907 : Interpolation dans le rôle d’un acteur ; argot des coulisses.
Escaver
Halbert, 1849 / Fustier, 1889 : Empêcher.
France, 1907 : Empêcher ; argot des voleurs.
Esclandre
d’Hautel, 1808 : Dispute scandaleuse ; affront fait à quelqu’un publiquement.
Esclavage
d’Hautel, 1808 : Chaine ou collier que les femmes portent à leur cou.
Esclave
Larchey, 1865 : Domestique, garçon de restaurant, de café. Le mot date de Ponsard, de Rachel et du temps où l’on inventa de vraies coupes pour boire du champagne.
Cet esclave pourrait dire vrai… Allons, va prendre l’ancien écriteau.
(Labiche)
France, 1907 : Domestique.
Esclop ou esclots
France, 1907 : Sabots. Du roman esclou, chemin.
Droumi coum un esclop, dormir comme un sabot (béarnais).
Ils tirèrent desdites forêts des arbres de haute futaie, des poutres, des chevrons, des lattes et autres matériaux nécessaires à la construction de maisons, de cabanes, de tonneaux, de coffres, d’esclops.
(Ducange)
Esclopade
France, 1907 : Empreinte de sabot.
Esclope
France, 1907 : Sabot dans lequel on met une chaussure de cuir.
Escloperre
France, 1907 : Marchand de sabots.
Esclopète
France, 1907 : Sabot de femme.
Esclos
Rossignol, 1901 : Souliers.
Esclot
Vidocq, 1837 : s. m. — Sabot.
Halbert, 1849 : Sabot.
Larchey, 1865 : Sabot (Vidocq). — Mot de langue romane. Roquefort.
Esclotier, -ère
Vidocq, 1837 : s. — Sabotier, sabotière.
Esclots
Delvau, 1866 : s. m. pl. Sabots, — dans l’argot du peuple, qui se servait déjà de cette expression du temps de Rabelais.
La Rue, 1894 : Sabots.
Virmaître, 1894 : Sabots (Argot des voleurs).
Escobar
Delvau, 1866 : s. m. Nom d’homme, qui est devenu celui de tous les hommes dont la conduite est tortueuse et dont les paroles semblent louches.
France, 1907 : Jésuite, hypocrite ; du nom du fameux casuiste espagnol Escobar y Mendoza, dont les ouvrages, si vivement critiqués dans les Provinciales de Pascal, prêchent indirectement l’hypocrisie et justifient tous les crimes en les couvrant de la pureté d’intention.
Escoffier
d’Hautel, 1808 : Ce mot a plusieurs significations dans le langage populaire. On l’emploie pour dérober, voler, et souvent aussi pour perdre, tuer, assommer.
C’est autant d’escofié. Pour c’est autant de pris, de volé, de perdu.
On dit d’un homme qui est mort, assommé de coups, qu’il a été escoffié.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tuer, assassiner.
Vidocq, 1837 : v. a. — Tuer, assassiner. Ce terme est devenu populaire.
Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot au provençal escofir.
Rigaud, 1881 : Tuer au moyen d’une arme à feu.
La Rue, 1894 : Tuer d’un coup de feu.
Virmaître, 1894 : Blesser ou tuer quelqu’un. Se dit également au point vue moral.
— Je l’ai rudement escoffié dans l’estime de ses amis (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Tuer.
France, 1907 : Tuer.
Deux Marseillais se promènent dans les environs de la capitale de la Provence.
— Et il est sain, ce village ? demande l’un.
— Je te crois, mon bon. L’an dernier, il a fallu escoffier un habitant pour pouvoir inaugurer le cimetière. Zuze un peu !…
Escoffion
d’Hautel, 1808 : Au propre bonnet ou chapeau de femme ; au figuré, horion, mauvais coup.
Il a reçu son escoffion. Pour il a reçu une volée de coups de bâton
France, 1907 : Foulard dont les paysannes et les filles de fabrique du département du Nord se serrent la tête ; on dit aussi marmotte.
Il avait à peine fait quelques pas qu’il se rencontrait avec une fille de dix-sept à dix-huit ans, brune, des accroche-cœur dépassant le petit escoffion de cotonnette qui lui coupait le front.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Escofier
Larchey, 1865 : Tuer sur le coup. — Usité dès 1808. — Escofion voulait dire autrefois ou Bonnet de femme ou Mauvais coup. Calotte à un degré beaucoup plus faible présente encore ce double sens.
Trois sentinelles ont déjà été escofiées
(Cogniard, 1831)
Hayard, 1907 : Tuer, assassiner.
Escogriffe
d’Hautel, 1808 : Un grand escogriffe. Homme d’une grande stature, mal bâti ; flâneur, aux mains duquel il faut prendre garde.
Delvau, 1866 : s. m. Homme de grande taille et de mine suspecte, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Grand escogriffe — pour avoir l’occasion de faire un pléonasme.
Escole
Virmaître, 1894 : Trois francs (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Trois francs.
Escorte
France, 1907 : Fille ou femme ordinairement âgée ou laide qui accompagne une plus jeune et plus jolie pour la mettre en évidence, lui servir de mère, tante ou chaperon, ou simplement de « repoussoir ».
Rose de Senlis, une grande et superbe fille aux cheveux blonds et aux yeux de velours bleu, avait comme repoussoir une nommée Catherine Bélinaud, dite la Taupe. Elles étaient du même pays, d’un village de l’Oise, et elles arrivèrent toutes deux, très jeunes, très fraîches, très roublardes. Catherine se distinguait ; mais une maladie la courba, la fit laide, et, au sortir de l’hôpital, elle dut accepter de Rose l’emploi d’escorte repoussante et repoussée.
(Dubut de Laforest)
Escouade (parapluie de l’)
Fustier, 1889 : Argot militaire. Envoyer chercher le parapluie de l’escouade : moyen poli de se débarrasser d’un importun. (Ginisty. Manuel du parfait réserviste)
Escouilles
Vidocq, 1837 : s. f. — Oreilles.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Escousse
Delvau, 1866 : s. f. Élan, — dans l’argot des écoliers. Prendre son escousse. Reculer de quelques pas en arrière pour sauter plus loin en avant.
France, 1907 : Élan. Prendre son escousse, reculer de quelques pas pour s’élancer.
Escoutes
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / France, 1907 : Oreilles.
Escrabouillé
France, 1907 : Écrasé.
Mais i’ gliss’ su’l’ sol mouillé,
Cahin, caha,
Hu’ dia ! Hop là !
Mais i’ gliss’ su’l’ mouillé,
Crac, il est escrabouillé !
(L. Xanrof)
Escrabouiller, escarbouiller
Rigaud, 1881 : Écraser ; aplatir.
Imbibé de petits verres
Je porte une botte aux grands ;
Quand je suis entre deux bières,
J’escarbouille les tyrans !
(L. Festeau, l’Emeutier.)
Escrache
Vidocq, 1837 : s. m. — Passe-port.
Larchey, 1865 : Papiers. — Diminutif d’escrit.
Le curieux a servi ma bille, mais j’ai balancé mes escraches.
(Vidocq)
Escrache tarte : Faux passeport.
Rigaud, 1881 : Papiers ; passe-port. — Escrache tarte, escrache à l’estorgue, faux passe-port. — Escracher, exhiber son passe-port ; montrer ses papiers.
La Rue, 1894 : Papiers, passe-port. Escracher, montrer son passe-port. Signifie aussi injurier, se chamailler et regarder.
Virmaître, 1894 : Passeport, papier. L. L. Escrache veut dire voleur ; c’est le synonyme d’escarpe et de fripouille (Argot du peuple) N.
Rossignol, 1901 : Réprimande.
France, 1907 : Papiers, passeport. Escrache-tarte, faux passeport.
Escrache tarte
Vidocq, 1837 : s. m. — Faux passe-port.
Escracher
Vidocq, 1837 : v. a. — Demander le passe-port à un voyageur.
M.D., 1844 : Chasser.
un détenu, 1846 : Insulter, dire des sottises, reluquer en colère.
Larchey, 1865 : Demander le passe-port, interroger.
En passant le portier vous escrache ; J’étais fargué, mais l’habit cachait tout Le jardinant, je frisais ma moustache ; Un peu de toupet, et je passe partout.
(Chans. nouv., Dict. Le Bailly)
Hayard, 1907 : Disputer, engueuler.
France, 1907 : Montrer ses papiers.
France, 1907 : S’injurier, se quereller. Regarder.
Escrime
Delvau, 1864 : Combat amoureux, fouterie.
Depuis que’q’temps j’ai l’estime
D’un sapeur pompier,
Qui m’donn’ des leçons d’escrime
En particulier.
(Ch. Colmance)
Percez-moi de tierce et de quarte ;
Songez que c’est pour notre bien,
Fendez-vous bien,
Et tâchez que votre coup parte
Dans le même instant que le mien.
(Ch. Lepage)
Rigaud, 1881 : Employé aux écritures, — dans le jargon du régiment. C’est une déformation du mot scribe.
France, 1907 : Employé de bureau militaire.
Escrimer
d’Hautel, 1808 : S’escriner, défendre quelque chose avec chaleur, dire des injures à quelqu’un.
S’escrimer des armes de Samson. Remuer les mâchoires, faire honneur à une bonne table ; par une allusion maligne avec Samson qui défit les Phillistins étant armé d’une mâchoire d’âne.
Escrimer du derrière (s’)
Rigaud, 1881 : Sacrifier avec ardeur à Vénus.
Escroc
d’Hautel, 1808 : Terme injurieux, homme de mauvaise foi, fripon insigne. Voyez Croc.
Escroquer
d’Hautel, 1808 : Voler par surprise, tromper la bonne foi de quelqu’un ; sortir sans payer d’un endroit où l’on a fait quelque dépense.
Esganacer
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Rire.
Rigaud, 1881 : Rire ; de l’italien sganasciare, rire à gorge déployée ; dérivé de ganascia, mâchoire. En terme populaire, une mâchoire, une vieille mâchoire, veut dire une ganache.
France, 1907 : Rire ; argot des voleurs.
Esganacher
M.D., 1844 : Arracher les dents.
Esgard (faire l’)
Vidocq, 1837 : v. p. — Dérober à ses camarades une partie du vol qui vient d’être commis.
Larchey, 1865 : Dérober à ses complices une part de vol (Vidocq). — Mot à mot : garder en dehors (exgarder).
La Rue, 1894 : Dérober une part de vol, frustrer son complice.
France, 1907 : Voler un complice de sa part de butin.
Au flambe ne fais pas d’esgard,
C’est digne d’un capahutard…
(Hogier-Grison)
Esgarer
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Perdre.
Esgourde
Rigaud, 1881 : Oreille. — Débrider l’esgourde, esgourder, écouter.
La Rue, 1894 : Oreille.
Hayard, 1907 : Oreilles.
Esgourde ou esgourne
France, 1907 : Oreille. Débrider l’esgourde, écouter.
— Je vais te tirer les oreilles, attends !
Mais, agile comme un singe, le gamin s’échappa, zigzaguant derrière les tables.
— De quoi ! cria-t-il, plus souvent que vous me les pincerez mes esgourdes. Mince ! n’avez pas encore les spatules assez longues, hé !
(Paul Pourot, Les Ventres)
Ouvrez vos esgourdes et tenez vos battants…
(Edmond Lepelletier)
Esgourder
Rossignol, 1901 : Écouter.
Hayard, 1907 : Écouter, entendre.
France, 1907 : Écouter.
— Nous sommes au ressort et nous t’esgourdons ! dit Peau-de-Zébi, portant ironiquement la main à sa chéchia comme au temps du bat’ d’Af’ devant le double donnant la consigne.
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
anon., 1907 : Écouter.
Esgourdes
Rossignol, 1901 / anon., 1907 : Oreilles.
Esgourdes ou esgournes
Virmaître, 1894 : Oreilles. Quand elles sont démesurées on dit : Ah ! quelles feuilles de chou. On dit également : plat à barbe. Les voleurs disent : cliquettes.
Esherber
France, 1907 : Arracher les mauvaises herbes.
Espadon
d’Hautel, 1808 : Espèce de sabre ; on dit habituellement et contre la décision du dictionnaire de l’Académie, espadron, ce qui au jugement de quelques auteurs, est la seule manière de bien prononcer ce mot.
Espadonner ou espadronner
d’Hautel, 1808 : Se battre à l’espadron.
Espagnol
Rigaud, 1881 : Pou, vermine. Est-ce parce que la vermine abonde en Espagne, que les grands de première classe ont le privilège de rester couverts devant le roi ?
France, 1907 : Pou.
Espalier
Larchey, 1865 : Réunion de figurantes chargées d’animer un décor comme un espalier garnit un mur. — V. Bouisbouis.
Les petites filles qui se destinent à être danseuses et qui figurent dans les espaliers, les lointains, les vols, les apothéoses.
(Th. Gautier)
Delvau, 1866 : s. m. Figurante, — dans l’argot des coulisses.
Delvau, 1866 : s. m. Galérien, — dans l’ancien argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Figurant, figurante. Celui, celle qui, dans un théâtre, contribue à l’aspect général de la mise en scène. Les chanteuses de cafés-concerts, assises en fer-à-cheval au fond de la scène, s’appellent « espaliers. » — C’était autrefois : espalier d’opéra.
Elle était alors simple espalier d’opéra, c’est-à-dire chanteuse et danseuse de chœurs.
(La Gazette noire, 1789)
Par allusion aux arbres plantés en espalier.
France, 1907 : Figurant, dans l’argot des théâtres. Les jeunes personnes qui remplissent l’emploi de figurantes sont en effet rangées autour de la scène comme des espaliers.
Espatrouillant
Virmaître, 1894 : Cette expression est employée pour exprimer le comble de l’admiration. C’est le mot épaté allongé (Argot du peuple).
Espatrouiller
France, 1907 : Étonner, surprendre.
Ça semble espatrouillant, y a pourtant rien de bien malin : tout le monde sait qu’en vue des anicroches il suffit de poser des pétards pour que le train s’arrête…
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Espèce
d’Hautel, 1808 : Une espèce. Terme de mépris dont les gens de qualité se servent pour désigner un homme de basse extraction, un sot, un imbécile.
On joint souvent ce mot à un substantif et l’on dit dans le sens de l’exemple ci-dessus une espèce d’homme, pour un fort petit homme ; une espèce d’auteur, pour un mauvais auteur, etc.
Delvau, 1864 : Coureuse, libertine ; terme de mépris des grandes dames à l’égard des petites dames.
Si vous connaissez des espèces pareilles, Madame, je suis votre servante.
(La Popelinière)
Une dame de cour,
S’en étant emparée,
Fit languir plus d’un jour
La bourgeoise sevrée,
Disant : C’est bien, ma fille,
Pour ces espèces-là
Qu’est faite la béquille
Du père Barnaba.
(Collé)
Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, — dans l’argot méprisant des bourgeoises, héritières des rancunes des duchesses contre les jolies filles qui leur enlèvent leurs fils et leurs maris.
France, 1907 : Nom que les femmes donnent à celles qu’elles n’aiment pas ; personne de mauvaise réputation. C’est également le nom que les grands seigneurs donnent aux petites gens.
Espèce ! disent jadis nos derniers marquis en parlant des petites gens ; mais ils étaient secourables à leurs voisins, les humbles, et trouvaient facilement un écu dans leur bourse. Aujourd’hui on traite l’espèce de bon ami, mais on parque au diable le bon ami et on ne lui serre la main qu’au moment des élections.
(Gonzague Privat)
Espérance
d’Hautel, 1808 : L’espérance fait vivre. C’est à-dire que l’espoir d’un temps heureux fait supporter les désagrémens auxquels la vie humaine est assujettie.
Abbé de St. Espérance. Voy. Abbé.
Espérances
Delvau, 1866 : s. f. pl. Héritage paternel ou maternel que toute jeune fille bien élevée doit apporter comme surcroît de dot à son époux, qui ne craint pas de voir mettre les souliers d’un mort dans la corbeille de mariage. Avoir des espérances. Avoir des grands-parents riches que l’on compte voir mourir bientôt, — façon bourgeoise de « tuer le mandarin ! »
Espérances (avoir des)
France, 1907 : Compter sur la mort de ses parents pour jouir de ce qu’ils peuvent vous laisser. Argument à l’appui de ceux qui prétendent que l’héritage est immoral.
Espiègle
d’Hautel, 1808 : Un grand espiègle. On donne souvent par raillerie ce nom à une personne d’une très grande simplicité d’esprit, qui fait le jouet de la société où il se trouve.
Espigner
Clémens, 1840 : Cacher, sauver.
France, 1907 : Se sauver.
Espigner (s’)
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Se sauver.
Espouser la foucandrière
Vidocq, 1837 : v. a. — Terme dont se servaient les anciens coupeurs de bourse, pour désigner l’instant où ils étaient forcés de jeter ce qu’ils avaient pris, dans la crainte d’être saisis avec.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Espouser la veuve
Vidocq, 1837 : v. p. — Être pendu.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Espringoler
d’Hautel, 1808 : S’espringoler. Se tourmenter, s’agiter, se donner beaucoup de peine, beaucoup de mal ; s’épuiser, se rendre malade à force de travailler.
Que le diable t’espringole ! Imprécation que l’on fait contre quelqu’un dans un mouvement d’humeur, et qui équivaut à, que le diable t’emporte ! que le diable te casse le cou !
Esprit
d’Hautel, 1808 : Il a l’esprit où les poules ont l’œuf. Se dit d’une personne extrêmement bornée ; d’une rare bêtise.
Vivent les gens d’esprit ! Exclamation qui se dit toujours en mauvaise part, et pour se moquer de quelqu’un qui croit avoir trouvé un bon expédient.
Avoir l’esprit aux talons. Veut dire, manquer de jugement ; faire des fautes grossières contre le bon sens.
S’alambiquer l’esprit. Voy. Alambiquer.
Esprit des braves
France, 1907 : Eau-de-vie.
Esque (faire l’)
France, 1907 : Voler un complice de sa part de butin.
Esquinancie
d’Hautel, 1808 : Maladie qui fait enfler la gorge.
Le peuple dit, par corruption, esquilancie.
Le barbarisme de ce mot, se fait comme on voit, par le changement de la consonne n en l ; tandis que dans les mots lentille, falbala, etc., il se fait en substituant n à l ; ce qui produit la prononciation vicieuse de nantille, falbana.
Esquine
Virmaître, 1894 : Le temps (Argot des voleurs). V. Boilard.
Esquinte
Vidocq, 1837 : s. m. — Abîme.
Delvau, 1866 : s. m. Abîme, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Abîme, — dans le jargon des voleurs. En effet un abîme est un endroit qui vous esquinte (vous abîme) pour peu qu’on s’y laisse tomber.
La Rue, 1894 : Effraction. Esquinter, abîmer, enfoncer, casser.
France, 1907 : Abime ; argot des voleurs. Vol à l’esquinte, vol avec effraction, c’est-à-dire avec grand danger.
Esquinté
un détenu, 1846 : Malheureux, pauvre, infortuné, infirme.
Virmaître, 1894 : Fatigué, moulu, rompu. L’ouvrier qui travaille mal esquinte son ouvrage. Quand deux individus se battent, le plus fort esquinte son adversaire. Dans une polémique, on esquinte son contradicteur pour avoir raison (Argot du peuple).
Esquintement
Larchey, 1865 : Effraction.
Cambriolle tu maquilleras par carouble et esquintement.
(Vidocq)
Larchey, 1865 : Fatigue extrême, lutte meurtrière.
Rigaud, 1881 : Lassitude. — Effraction.
France, 1907 : Acte d’entrer par effraction dans une maison.
France, 1907 : Grande fatigue.
Esquinter
Vidocq, 1837 : v. a. — Fracturer, briser.
Larchey, 1865 : Battre.
Ceux qui veulent se faire esquinter peuvent venir me trouver, je m’appelle Bonne-Lame.
(Vidal, 1833)
Larchey, 1865 : Fracturer (Vidocq). — Roquefort donne avec le même sens les trois verbes d’esquatir, esquacher, esquisar.
Larchey, 1865 : Harasser.
Que dirais-tu si, au lieu d’avoir le fouet à la main, tu étais obligé de t’esquinter comme nous a la limonière ?
(Buchon)
Delvau, 1866 : v. a. Éreinter, battre, — dans l’argot du peuple. S’esquinter, v. pron. se fatiguer à travailler, à marcher, à jouer, à — n’importe quoi de fatiguant. On dit aussi S’esquinter le tempérament.
Delvau, 1866 : v. a. Fracturer, briser, perdre, abîmer, tuer. Signifie aussi : Tromper, enfoncer quelqu’un.
Rigaud, 1881 : Harasser. — Abîmer. Enfoncer. Esquinter une lourde, enfoncer une porte. — Battre, donner des coups de bâton. — Esquinter un pante, frapper un particulier. — S’esquinter le tempérament, travailler au-delà de ses forces, se créer des ennuis.
Rossignol, 1901 : Fatigué. On dit aussi d’un individu qui a reçu beaucoup de coups : il a été esquinté.
Hayard, 1907 : Abimer, médire, être affaibli, fatigué.
France, 1907 : Endommager, éreinter, fatiguer. Battre ; tuer ; voler avec effraction.
— Voulez-vous me rendre un service ?
— Pourvu que ça ne soit pas une course… volontiers ! pas pour moi que je dis ça, mais pour Coco qu’est rudement esquinté…
(Jules Lermina, Le Gamin de Paris)
— Oui, reprit-il en se laissant couler à terre et en nouant autour de ses genoux terreux ses mains velues, ne me vendez pas !… Les chiens m’ont dépisté, j’ai quitté mon trou et je m’ensauvais quand vous m’avez mis en joue… J’étais esquinté… Voilà vingt-quatre heures que je n’ai rien mangé.
(André Theuriet)
Esquinter (s’)
Bras-de-Fer, 1829 : Se casser.
Esquinter les tripes (s’)
Rigaud, 1881 : Travailler ferme, — dans le jargon des voyous. C’est une variante de s’esquinter le tempérament.
Les bourgeois, ce sont tous des types
Qui s’lèv’nt jamais avant midi,
Pendant que l’peup’s’esquint’ les tripes ;
Pour eux tous les jours, c’est lundi.
(La petite Lune, 1879)
Esquinteur
Larchey, 1865 : Voleur par effraction.
Esquinteurs de boutogue : Enfonceurs de boutiques.
(Vidocq)
Rigaud, 1881 : Voleur avec effraction. Un esquinteur chouette qui vous la met en dedans aux petits oignes. — Vol à l’esquinte, vol avec effraction.
France, 1907 : Voleur avec effraction.
Essai
France, 1907 : Petite bouteille qui sert à donner des échantillons de vin.
Essarter
France, 1907 : Bêcher, piocher.
C’est un dur métier d’essarter la terre,
Sous ce joug forcé, vite on devient vieux.
Aussi barde-toi d’un fort caractère,
Et chauffe en ton cœur le sang des aïeux.
(Alfred Marquiset, Rasures et Ramandons)
Essayer le tremplin
Delvau, 1866 : Jouer dans un lever de rideau ; être le premier à chanter dans un concert. Argot des comédiens et des chanteurs de café-concert. On dit aussi Balayer les planches.
France, 1907 : Jouer dans un lever de rideau ou dans une pièce de peu d’importance ; ouvrir dans un café-concert la série des chansons. Argot des coulisses. On dit aussi dans le même sens : balayer les planches.
Essayer un lit
Delvau, 1864 : Tirer un coup dessus.
Sur le lit que j’ai payé
Je ne sais ce qui se passe,
À peine l’ai-je essayé,
Que le bougre me le casse.
(Gustave Nadaud)
Essayer une femme
Delvau, 1864 : Coucher plusieurs fois avec elle pour s’assurer qu’elle baise bien, qu’elle aime vraiment l’homme.
Viens donc m’essayer prompt’ment,
Et si tu m’trouv’s dign’ d’êtr’ ta femme,
Nous f’rons mettr’ dessus notre flamme
Pour quéqu’ sous d’ Saint-Sacrement.
(Parnasse satyrique)
Essayeuse
France, 1907 : Femme employée dans les magasins de modes qui essaye devant les clientes les objets de toilette pour les faire valoir. Il va sans dire que l’essayeuse doit être grande, gracieuse et jolie.
Les femmes sont toujours les femmes, pauvres ou riches, et je ne vois pas pourquoi celles-là abdiqueraient les caprices de leur sexe, sous prétexte qu’elles sont des salariées. Sans compter que ces fanfreluches leur iraient tout aussi bien qu’à nous, et parfois mieux — voyez les essayeuses. Et elles sont condamnées à poser en mannequin, indéfiniment, devant des chipies qui les toisent, les font tourner, retourner, se vengent par la fatigue et l’humiliation de leur fine taille et de leur élégante allure.
(Jacqueline, Gil Blas)
… S’annonçant par des heurts discrets contre la porte, rentraient, étalaient quelque pièces l’étoffe, quelque éblouissante broderie, chuchotaient en hâte quelque question, de petites essayeuses aux cheveux blonds qui moussent au-dessus d’un profil rieur de trottin, aux lignes souples que souligne l’élégante simplicité d’un corsage et d’une robe sombres.
(Champaubert, Le Journal)
Essence de
Rigaud, 1881 : Eau, — dans le jargon du peuple. De l’essence de parapluie, merci, n’en faut pas ; c’enrhume le picton.
Essence de chaussettes
Delvau, 1866 : s. f. Sueur des pieds, — dans l’argot des faubouriens.
Virmaître, 1894 : Sueur des pieds (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mauvais café.
France, 1907 : Sueur des pieds.
Essentiel
Fustier, 1889 : « Dans le quart du monde, ces demoiselles ont trouvé une nouvelle façon d’appeler leur monsieur sérieux. Elles le nomment l’essentiel. »
(Événement, décembre 1886)
Essentiel fait penser à ce que les joueurs de profession appellent leur matérielle. (V. infra ce mot.)
Esses (faire des)
Rigaud, 1881 : Marcher en faisant des zigzags à la manière des ivrognes, comme si l’on traçait des S sur la chaussée.
Essoper
France, 1907 : Renverser quelqu’un d’un seul coup ; corruption du vieux français escopir, battre, dérivé du latin ecopare.
Essoré
France, 1907 : Se dit en parlant du linge qui a été à moitié séché par l’essoreuse.
Essort
France, 1907 : Soupirail de cave.
Essuyer les plâtres
Delvau, 1866 : v. a. Habiter une maison récemment construite, dont les plâtres n’ont pas encore eu le temps de sécher. Se dit aussi, ironiquement, des Gandins qui embrassent des filles trop maquillées.
Rigaud, 1881 : Habiter une maison nouvellement construite. Lorsqu’on eût bâti le quartier Saint-Georges, les loyers des maisons y furent cotés à très bas prix, pour attirer les locataires. Les filles plus ou moins entretenues s’y réfugièrent, furent baptisées lorettes et essuyèrent pas mal de plâtres. De cette époque date la locution. Aujourd’hui, l’essuyage des plâtres est plus cher : il s’opère rue Maubeuge avec le concours des lorettes du jour, nommées biches, cocottes, etc… — Essuyer les plâtres signifie encore, en termes galants, obtenir les premières faveurs d’une belle.
France, 1907 : Entrer dans une maison nouvellement construite et dont les murs ne sont pas encore secs. Embrasser une femme dont le visage est maquillé.
Essuyer les spermes
Delvau, 1864 : Baiser une femme qui a été baisée déjà, plusieurs fois dans la journée ou dans la soirée, et n’a pas eu le temps de nouer sa ceinture entre l’amant d’un franc et celui de cent sous.
Il est des spermes qu’on n’essuie pas.
(Bataille)
Essuyeuse de plâtres
Delvau, 1866 : s. f. Lorette, petite dame, parce que ce type parisien, essentiellement nomade, plante sa tente où le hasard le lui permet, mais surtout dans les maisons nouvellement construites, où l’on consent à l’admettre à prix réduits, et même souvent pour rien. C’est ainsi qu’on fait essayer les ponts aux soldats.
Est modus in rebus
France, 1907 : Chaque chose a ses bornes. Latinisme devenu axiome, tiré de la première satire d’Horace.
Il y a dans toute chose un juste milieu. Est Modus in rebus ; et la classification de l’espèce humaine en fripons d’une part et en dupes de l’autre est par trop brutale. Tout se tient et se ramifie dans la nature, et de même qu’il existe une chaîne non interrompue d’êtres reliant l’homme altier à l’humble mollusque — et la preuve est que souvent l’on traite son prochain d’« huître » et de « moule » — de même, entre la dupe innocente et le parfait filou, il y a d’infinies variétés.
(Hector France, L’Etal aux vérités)
Estable
France, 1907 : Poulet ; argot des voleurs.
Estafe
La Rue, 1894 : Poule. Taloche.
Estaffe
d’Hautel, 1808 : Pour caloche, mornifle, mauvais coup.
Il a reçu son estaffe. Se dit de quelqu’un à qui l’on a donné une volée de coups de bâton, au moment où il ne s’y attendoit pas ; d’un bretteur qui a trouvé son maître ; d’un mauvais garnement qui s’est fait tuer dans une affaire.
Estaffier
Delvau, 1866 : s. m. Sergent de ville, mouchard, — dans l’argot du peuple, fidèle à la tradition.
Estaffion
Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Griffard.
Delvau, 1866 : s. m. Taloche, coup de poing léger, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Taloche.
Estaffiou ou estaffion
Virmaître, 1894 : Chat. Estaffiou veut dire aussi dire gifle, baloche (Argot des voleurs).
Estafier de saint Martin
France, 1907 : Le diable. Les peintres du moyen âge le représentaient souvent à la suite de ce saint.
Que sçavons nous si l’estaffier de saint Martin nous brasse encore quelque nouvel orage ?
(Rabelais)
Estafilade
d’Hautel, 1808 : Il a reçu une bonne estafilade. Pour, il a été blessé grièvement.
Estafilader
d’Hautel, 1808 : Donner des coups du tranchant d’un sabre ; blesser, emporter la pièce.
Estafiler la frimousse
France, 1907 : Donner un coup de sabre sur la figure ; argot militaire.
Estafion ou estaffion
France, 1907 : Chat ; chapon. Argot des voleurs.
Estafle
France, 1907 : Poule ; gifle.
Estaflion, estaffier
Rigaud, 1881 : Chat, — dans le jargon des voleurs.
Estaflon
La Rue, 1894 : Chat. Chapon. Taloche.
Estafon
anon., 1827 / Halbert, 1849 : Chapon.
Rigaud, 1881 : Chapon, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Chapon.
Estafou
Bras-de-Fer, 1829 : Chapon.
Estamper
La Rue, 1894 : Escroquer. Estampeur, escroc.
Virmaître, 1894 : Tromper quelqu’un. Emprunter de l’argent sans le rendre, c’est estamper le prêteur. Allusion au balancier de machine qui frappe. L’estampeur tape (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : C’est tromper sur une vente. On s’est fait estamper lorsque l’on a été trompé sur la valeur d’un achat ; on s’est fait estamper, lorsque l’on vous a fait un emprunt que l’on ne vous a pas rendu. Estamper veut aussi dire tromper sur la quantité ou la qualité. Une chose qui ne vaut rien ou est de mauvaise qualité est de l’estampe.
Hayard, 1907 : Voler, duper, escroquer.
France, 1907 : Tromper, duper.
Ne me prenez pas d’ailleurs pour un de ces vulgaires philosophes qui cherchent à estamper grossièrement les passants… Je ne vous connais pas, j’ignore si vous avez des moyens, mais je suppose bien que si vous aviez les ressources nécessaires pour aller à Monaco et essayer mon système, vous le feriez, après vous être rendu compte par vous-même de son excellence…
(Edmond Lepelletier)
Estampeur
Virmaître, 1894 : V. Estamper.
Rossignol, 1901 : Celui qui estampe.
France, 1907 : Escroc.
Estampeuse
France, 1907 : Prostituée.
Estampiller
Vidocq, 1837 : v. a. — Marquer.
Delvau, 1866 : v. a. Marquer du fer rouge, — dans l’argot des prisons.
Rigaud, 1881 : Souffleter avec force, laisser la marque du soufflet sur la figure. Souffleter avec les poings. Autrefois on estampillait les criminels en les marquant d’un fer rouge à l’épaule. L’estampille y c’était la marque.
La Rue, 1894 : Souffleter avec force ou avec le poing. Marquer du fer rouge.
France, 1907 : Marquer au fer rouge. Gifler ou donner un coup de poing.
Estaphe
Fustier, 1889 : Poule. Jargon des voleurs.
France, 1907 : Claque.
France, 1907 : Oiseau de basse-cour ; argot des voleurs.
Estaphle, estable
Rigaud, 1881 : Poule, — dans le jargon des voleurs.
Estasi
Rigaud, 1881 : Ivre, — dans le jargon du peuple. C’est-à-dire extasié, qui est en extase, que le peuple prononce estase. L’homme estasi est celui qui a l’ivresse contemplative, portée à la rêverie.
Estiffet
d’Hautel, 1808 : Et plus ordinairement Estiflet. Bibus, bagatelle, la moindre chose, presque rien.
Je m’en soucie comme d’un estiflet. Pour, je m’en mets peu en peine.
Je n’en donnerois pas un estiflet. C’est-à-dire, moins que rien.
Cela ne vaut pas un estiflet. Pour, cela ne vaut pas la moindre chose.
Estio
Halbert, 1849 : Esprit.
France, 1907 : Malice.
Estireuse
France, 1907 : Repasseuse.
C’était Naïs, estireuse à l’atelier voisin — ceci veut dire qu’elle gagnait sa vie à repasser le linge.
(Paul Arène)
Estoc
d’Hautel, 1808 : Épée.
Se battre d’estoc et de taille. Pour dire, du tranchant et de la pointe ; à tort et à travers ; de toutes les façons.
d’Hautel, 1808 : Mot équivoque et plaisant qui signifie esprit, perspicacité, intelligence, pénétration.
Tu n’as point d’estoc. Pour, tu es peu industrieux, peu pénétrant.
J’y ai mis tout mon estoc. Pour, tout mon savoir, toute l’étendue de mes facultés, tout mon esprit.
Larchey, 1865 : Esprit, malice (Vidocq). — Acception figurée du mot qui désigne ordinairement une pointe acérée.
Delvau, 1866 : s. m. Esprit, finesse, malice, — dans l’argot des voleurs, qui emploient là une expression de la langue des honnêtes gens.
La Rue, 1894 : Esprit, malice.
France, 1907 : Malice, esprit ; argot des voleurs. Il a de l’estoc, il est habile.
Estoc, estoque
Rigaud, 1881 : Malice, — dans le jargon des voleurs.
Estocade
d’Hautel, 1808 : Longue épée. S’emploie aussi pour escroquerie, demande d’argent faite par un homme qui n’a pas intention de le rendre.
Estocader
d’Hautel, 1808 : Se battre à coups d’estocade ; se disputer sur des riens, sur des pointes d’aiguilles ; agir de ruse, de supercherie.
Estom
Larchey, 1865 : Estomac. — Abréviation.
Je lui appuie le genou sur l’estom.
(Monselet)
Estomac
d’Hautel, 1808 : Il a un estomac d’autruche, il digéreroit le fer. Se dit d’un gourmand à qui rien ne peut faire mal ; et d’un homme qui a l’estomac bien constitué.
Delvau, 1866 : s. m. La gorge de la femme, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot :
Quant je voy Barbe en habit bien luisant,
Qui l’estomac blanc et poli desœuvre.
Rigaud, 1881 : Courage, intrépidité, — dans l’argot des joueurs.
Avoir de l’estomac au jeu, c’est poursuivre la veine sans se déconcerter, sans broncher, dans la bonne ou la mauvaise fortune.
(Les Joueuses, 1868)
Peu de joueurs étaient aussi crânes, avaient un pareil estomac !
(Vast-Ricouard, le Tripot, 1880)
Beau joueur, Grandjean, et quel estomac !
(Figaro du 5 mars 1880)
On dit d’un joueur très intrépide qu’il a un estomac d’enfer.
La Rue, 1894 : Courage, audace au jeu.
France, 1907 : Aplomb, audace, sang-froid, effronterie. On dit d’un beau joueur : « Il a de l’estomac. » Se dit aussi d’un politicien roublard et sans vergogne.
Le langage populaire désigne deux sortes d’intrépidité par deux locutions spéciales ; et cette phrase : « Il n’a pas froid aux yeux », ne signifie pas précisément la même chose que : « Il a un rude toupet. » Or nous sommes tellement démoralisés que nous en arrivons à ne plus sentir cette nuance. Combien de fois, devant un coquin qui se carre dans sa mauvaise réputation et porte beau sous l’infamie, n’avez-vous pas entendu dire : « Il est crâne, il a de l’estomac… »
(François Coppée)
Je ne suis certes pas pessimiste, et j’aime la bataille par tempérament, mais j’avoue que le métier de député, accepté d’une certaine manière, est un métier abominablement écœurant.
Il exige, pour quelques-uns, une réelle maîtrise dans la canaillerie familière et dans la roublardise. Il faut de l’estomac, comme on dit, pour bien tenir l’emploi.
(A. Maujan)
Avoir de l’estomac se dit aussi pour avoir une grosse fortune, offrir de sérieuses garanties dans les affaires. « Vous pouvez aller en toute confiance, le patron a de l’estomac. »
Estomac (avoir beaucoup d’)
Fustier, 1889 : Argot des cercles. Jouer gros jeu. — Avoir une grosse fortune ; présenter des garanties sérieuses au point de vue commercial. C’est une variante de : Avoir les reins solides.
Blancheron, un coulissier et un des plus fiers estomacs de la Bourse.
(De Goncourt, La Faustin)
Estomac (avoir de l’)
Delvau, 1864 : C’est-à-dire de la poitrine, avec de gros tétons. — On dit, en plaisantant, d’une femme qui a de gros tétons, qu’elle est poitrinaire.
Le parrain, vieux païen,
Lorgnant la double loupe,
De Suzon qui boit bien,
Remplit souvent la coupe ;
Et le vaurien, touche en servant la soupe,
D’un doigt fripon, l’estomac de Suzon.
(Ch. Colmance)
Estomaqué
Delvau, 1866 : adj. Étonné, stupéfait, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Stomaqué.
Rigaud, 1881 : Ému au point de ne pouvoir parler. Mot à mot : étouffé par la contraction de l’estomac.
France, 1907 : Étonné, surpris.
Ah ! si des amis m’avaient tenu un tel langage !… Si Maupassant, Huysmans, Céard m’avaient parlé de la sorte publiquement, j’avoue que j’eusse été quelque peu estomaqué !
(Émile Zola)
Estomaquer
d’Hautel, 1808 : S’estomaquer. Pour se fâcher, se dépiter, prendre de l’humeur ; se trouver offensé d’une légère plaisanterie.
France, 1907 : Étonner, confondre.
— Tu veux sérieusement que j’entre dans la rousse ?
— Je le désire.
— Tu en es ?
— Un peu.
— Je n’aurais jamais cru ça de toi.
— Que veux-tu, on se trompe dans la vie.
— Ah ! François ! tu m’estomaques !
(Marc Mario et Louis Launay)
Sans doute, le peuple s’attendait à être berné par les politiciens, il n’avait qu’une médiocre confiance en eux, mais l’événement a surpassé tout ce qu’il pouvait supposer. Après la commune, après la lutte de vingt-trois ans pour fonder la République démocratique et sociale, se réveiller sous le gouvernement du Casimir-Perrier d’Anzin et du Raynal des conventions !… C’est estomaquant tout de même.
(Édouard Drumont)
Estomaquer (s’)
France, 1907 : Trop manger. Devenir trop gros, trop mastoc.
Estome
Delvau, 1866 : s. m. Apocope d’Estomac, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Estomac.
Estomirer (s’)
France, 1907 : S’étonner.
J’avoue que le viol surtout m’estomire, comme tous les viols militaires, du reste, dont la belle histoire de l’humanité nous a conservé l’honorable mémoire.
(Émile Bergerat)
Estoque
Vidocq, 1837 : s. m. — Esprit, finesse, malice.
Rossignol, 1901 : Un bijou en faux est de l’estoque.
Estorgue
Vidocq, 1837 : s. f. — Fausseté, méchanceté.
Clémens, 1840 : Mal fait.
Larchey, 1865 : Fausseté. — Chasses à l’estorgue : Yeux louches (Vidocq). — Du vieux mot estor : duel, conflit. V. Roquefort. — Deux yeux louches ont l’air en effet de se contrarier ; et, comme on dit dans le peuple, ils se battent en duel. — Un centre à l’estorgue (faux nom) amène de même un malentendu (estor). V. Dévider.
Delvau, 1866 : s. f. Fausseté, méchanceté, — dans l’argot des voleurs. Centre à l’estorgue. Faux nom. Chasse à l’estorgue. Œil louche, — storto.
Rigaud, 1881 : Fausseté, malice, méchanceté, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Fausseté, mensonge, malice, méchanceté. Mal fait.
France, 1907 : Mensonge, méchanceté, malice. Chasse à l’estorgue, œil louche. Centre à l’estorgue, faux nom.
Estouffer
France, 1907 : Mettre silencieusement la main sur une somme gagnée d’une façon qui quelconque.
Estourbir
Larchey, 1865 : Tuer. — Mot à mot : mettre hors de combat. — Du vieux mot estor : choc, mêlée, duel (Roquefort).
En goupinant de cette sorte, les parains seront estourbis ; il sera donc impossible de jamais être marons.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des faubouriens et des voleurs. Le vieux français avait esturbillon, tourbillon, et le latin exturbatio. L’homme que l’on tue au moment où il s’y attend le moins doit être en effet estourbillormé. Signifie aussi Mourir.
Rigaud, 1881 : Étourdir ; assommer à coups de poing, à coups de bâton.
La Rue, 1894 : Tuer.
Virmaître, 1894 : Tuer un individu par surprise (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Tuer.
France, 1907 : Tuer, éteindre une vie ou une chandelle.
Nuitamment, il s’était introduit chez elle sous prétexte de lui procurer la Liste officielle et complète des numéros gagnants des Bons de l’Exposition — et v’lan ! il l’avait estourbie avec un os de gigot.
(George Auriol)
— Allons, amis ! courage ! Empoignez-le, estourbissez-le et qu’il n’en soit plus parlé.
(Marc Mario et Louis Launay)
— Accusé, dit le président, avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense ?
L’accusé, qui a assassiné, à la fois, sa femme, sa belle-mère et sa belle-sœur : Une seule, mon juge, c’est que c’est la première fois que ça m’arrive d’estourbir des femelles : j’espère que vous m’en tiendrez compte et que vous m’appliquerez la loi Bérenger.
Estourbir (s’)
Delvau, 1866 : Disparaître, s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens. Par extension : Mourir.
La Rue, 1894 : Disparaître. Mourir.
France, 1907 : Disparaître, mourir.
Estourbisseur de clous de girofle
France, 1907 : Arracheur de dents.
Estrade
France, 1907 : Boulevard, chemin.
Le filant sur l’estrade,
D’esbrouf je l’estourbis.
(Vidocq)
Estrangouillade
Delvau, 1866 : s. f. Action d’étrangler, strangulare, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Étranglement. Mot importé par MM. les Auvergnats, porteurs d’eau.
Estrangouillade, estrangouillement
France, 1907 : Acte d’étrangler.
— Tu as exploité jusqu’à plus soif les pauvres diables ; le moment est venu de dégorger une petiote part de ce que tu leur as barboté… Les conditions suivaient l’estrangouillement des deux morceaux de salé, si le papa ne carmait pas.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Estrangouiller
Vidocq, 1837 : v. a. — Étrangler.
Larchey, 1865 : Étrangler (Vidocq). — À peu de chose près, c’est le latin strangulare.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Étrangler quelqu’un, étouffer.
Rigaud, 1881 : Étrangler ; du catalan estrangolar. — Estrangouiller un litre, boire un litre de vin. Mot à mot : étrangler un litre.
La Rue, 1894 : Étrangler.
France, 1907 : Étrangler, du latin strangulare.
Il est de la famille de cet autre (qu’on a nommé député depuis)… un jour on le pince en train de bouffer un rat ; la queue lui sortait de la gueule, longue d’une aune : « T’as bouffé le rat, qu’on lui fait. — Moi, un rat ? pas vrai, menteurs ! » qu’il braille, à moitié estrangouillé.
(Père Peinard)
Estropier
France, 1907 : Manger ; argot populaire.
Estropier un anchois
Delvau, 1866 : v. a. Manger un morceau pour se mettre en appétit ; faire un déjeuner préparatoire. Argot des ouvriers.
France, 1907 : Se mettre en appétit en mangeant quelque chose de salé.
Estropier un anchois, un hareng
Rigaud, 1881 : Manger un morceau sur le pouce.
Estuc
La Rue, 1894 : Part de vol.
Estuc ou estuque
France, 1907 : Part de butin.
Estuque
Vidocq, 1837 : s. f. — Part dans un vol.
Estuquer
anon., 1827 : Attraper un coup.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Recevoir un coup.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Attraper un coup.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Donner ou recevoir des coups, — dans l’argot du peuple.
Hayard, 1907 : Partager.
France, 1907 : Battre.
Et allez donc !
Delvau, 1866 : Phrase exclamative, une selle à tous chevaux : on l’emploie volontiers pour renforcer ce qu’on vient de dire, comme coup de fouet de la fin.
Et cœtera
d’Hautel, 1808 : Et cœtera pantouffle. Quolibet dont on se sert, lorsqu’un ouvrage pénible et ennuyeux vient à être terminé.
Dieu nous garde d’un et cœtera de notaire et d’un quiproquo d’apothicaire. L’un ruine la bourse et la tranquillité, et l’autre envoie dans l’autre monde.
Et cœtera de notaire et quiproquo d’apothicaire
Rigaud, 1881 : Chose, événement funeste. Un vieux proverbe dit :
Dieu vous garde l’un et cœtera de notaire et d’un quiproquo d’apothicaire !
Et cœtera, pantoufle
France, 1907 : Et un tas de choses qu’on ne peut dire. L’expression se trouve dans le Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville, ce qui prouve son ancienneté.
Je m’évertuai à lui prouver que l’amitié entre homme et femme, « la simple amitié sans le reste », n’était qu’un vain mot… que je l’aimais trop, d’ailleurs, et trop complétement, pour lui promettre jamais… et cœtera, pantoufle… enfin, un tas de choses parfaitement inutiles, qu’elle savait au moins aussi bien que moi…
(Paul Alexis)
Et le pouce
France, 1907 : Même sens qu’et mèche. « La mère Badoureau a soixante ans ? — Oui, et le pouce ! »
Et le pouce !
Larchey, 1865 : Terme ironique pour dire : Il y a beaucoup plus que vous ne dites, le pouce dont vous parlez vaut plusieurs pieds. le coup de pouce du détaillant est une manœuvre qui permet de vendre à faux poids avec des balances exactes.
Et mèche
France, 1907 : Interjection employée par les ouvriers comme un augmentatif. « Combien te reste-t-il de picaillons dans ta profonde, cinq balles ? Cinq balles et mèche. »
Et mèche !
Delvau, 1866 : Formule de l’argot des faubouriens, employée ordinairement pour exagérer un récit : « Combien cette montre a-t-elle coûté ? soixante francs ? — Soixante francs, et mèche ! » c’est-à-dire beaucoup plus de soixante francs.
Et puis ? citerne
France, 1907 : « C’est, dit Charles Nisard, une espèce de propos amphigourique fort usité dans quelques provinces et particulièrement en Bourgogne. Deux individus conversent ensemble. L’un, qui manque de mémoire ou qui n’a pas le don d’exprimer rapidement sa pensée, coupe fréquemment son discours par les mots et puis, et puis… L’autre, impatienté de cet éternel refrain, l’interrompt par le mot citerne. La moquerie n’est pas fine, mais elle est sentie : elle force le causeur à aller au fait, ou elle lui ferme la bouche. »
Et ta sœur !
Delvau, 1866 : Expression fréquemment employée par les faubouriens à tout propos et même sans propos, comme réponse à une importunité, à une demande extravagante, ou pour se débarrasser d’un fâcheux. On dit quelquefois aussi : Et ta sœur, est-elle heureuse ? C’est le refrain d’une chanson très populaire, — malheureusement.
France, 1907 : « Expression fréquemment employée par les faubouriens, à tout propos et même sans propos, comme réponse une importunité, à une demande extravagante, ou pour se débarrasser d’un fâcheux. On dit aussi : Et ta sœur, elle est heureuse ? C’est le refrain d’une chanson très populaire, — malheureusement. »
(Alfred Delvau)
Une fille s’était empoignée avec son amant, à la porte d’um bastringue, l’appelant sale mufle et cochon malade, tandis que l’amant répétait : Et ta sœur ! sans trouver autre chose.
(Émile Zola)
Et ta sœur ?
Virmaître, 1894 : Façon ironique de répondre à une question ennuyeuse. Il arrive fréquemment que la réponse est raide.
— Et ta sœur ?
— Elle est à Saint-Lazare qui bat du beurre ; quand elle battra de la merde la crème sera pour toi.
— Et ta sœur ?
— Elle est couverte d’ardoises, les crapauds ne montent pas dessus.
— Et ta sœur ?
— Elle est à Saint-Lazare qui fait de la charpie pour la tienne.
— Et ta sœur ?
— Elle est au Panthéon qui prie le bon Dieu pour que tu soies moins… melon.
On pourrait varier à l’infini ces citations (Argot du peuple). N.
Étage
d’Hautel, 1808 : Être fou à triple étage. Pour extravaguer, être sot au dernier point.
Étagère
Fustier, 1889 : Femme qui dans les restaurants parisiens est préposée au service des desserts qui sont en général exposés sur une étagère.
France, 1907 : Appas pectoraux d’une femme.
France, 1907 : Femme qui, dans les restaurants, à la direction des fruits et en général du dessert.
Étagère (bonne à mettre sur une)
France, 1907 : Femme ou fille, fainéante ou maladive, d’aucune utilité dans le ménage.
Étal
Delvau, 1866 : s. m. La gorge de la femme, — dans l’argot des faubouriens, qui appellent la chair de la viande.
France, 1907 : Poitrine de femme.
Étalage (vol à l’)
Rigaud, 1881 : Il faut être deux pour opérer et choisir le moment où un marchand est seul dans sa boutique. L’un des voleurs s’empare de quelques objets à l’étalage et se sauve ; après quoi le compère entre, prévient le marchand et lui désigne un paisible promeneur. Tandis que le boutiquier court après le promeneur, le compère, à son tour, fait son choix et se sauve. Ce genre de vol a reçu encore le nom de vol à la carambole, c’est-à-dire vol au carambolage.
France, 1907 : Dans Paris voleur, Pierre Delcourt en donne ainsi l’explication :
Vol banal, dans toute l’acception du mot, le développant que très peu les facultés intellectuelles de l’opérateur, ne demandant même pas de l’habileté, n’exigeant que peu d’audace. Il suffit au « désœuvré » stationné devant l’étalage d’un magasin, de profiter d’une distraction du marchand ou de son commis, d’abaisser la main, au hasard, sur un objet quelconque et de l’enlever ; cela se fait aisément, à Paris, où les étalages sont à la portée des doigts, s’offrent irrésistiblement à la cupidité du voleur sans cesse mis à l’aise par le défaut de surveillance des propriétaires ou des gardiens de la marchandise.
Étaler
Delvau, 1866 : v. a. Jeter par terre, — dans l’argot du peuple. S’étaler. Se laisser tomber.
Étaler (s’)
Rigaud, 1881 : Se laisser tomber de tout son long dans la rue.
Étaler quelqu’un
France, 1907 : Le renverser.
Étaler sa bidoche
Virmaître, 1894 : Se décolleter par en haut. Raccourcir ses jupes par en bas. Mot à mot : étaler sa viande. Les filles appellent cette manière de s’habiller ou plutôt de se déshabiller l’éloquence de la chair car elles ne pratiquent pas le proverbe : À bon vin pas d’enseigne (Argot du peuple). N.
Étaler sa marchandise
Delvau, 1866 : v. a. Se décolleter trop, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des marchandes d’amour.
France, 1907 : Montrer ses seins ou son derrière.
Étalon
Delvau, 1864 : Beau fouteur, homme de qui les femmes, — même les plus bêtes, aiment les saillies.
Dans nos haras en Turquie,
Femme un peu jolie
Veut au gré de son envie,
Se voir bien servie,
L’être par onze ou douze étalons
Grands, gros, gras, beaux, blancs, noirs ou blonds.
(Collé)
J’ai un étalon d’ordinaire, et encore d’autres amoureux.
(P. De Larivey)
Delvau, 1866 : s. m. Homme de galante humeur, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Gaillard à poils, homme fort estimé des dames. Henri IV était un vaillant étalon.
Étalon (royal)
Rigaud, 1881 : Le mari de la reine, le prince-époux dans les pays qui n’ont pas l’équivalent de notre loi salique, — dans l’argot des cours.
Étalon ténor
France, 1907 : Principal étalon d’un haras ; celui dont les produits sont le plus réputés et dont la monte est payée fort cher.
Étamé
France, 1907 : Individu qui a déjà subi une ou plusieurs condamnations. Sa réputation est en effet étamée. Boule de son étamée, pain blanc.
Étamer
Rigaud, 1881 : Condamner pour récidive. — Étamé, récidiviste. — Étamage, récidive. Aller se faire étamer aux petits gerbes.
Étamine
d’Hautel, 1808 : Passer à l’étamine. Pour dire être sévèrement examiné, soit sous le rapport des mœurs, soit sous le rapport des sciences.
Passer à l’étamine. Signifie aussi éprouver les revers de la fortune, connoître le malheur et l’adversité.
Delvau, 1866 : s. f. Chagrin, misère, — dans l’argot du peuple, qui sait que l’homme doit passer par là pour devenir meilleur. Passer par l’étamine. Souffrir du froid, de la faim et de la soif.
France, 1907 : Chagrin, malheur. Passer par l’étamine, passer par les dures épreuves de la misère.
Étampier
France, 1907 : Étaler des gerbes au soleil.
Étanche (avoir le goulot en)
Fustier, 1889 : Avoir le gosier altéré.
Charge-moi vite une gobette de champoreau ; j’ai le gosier en étanche !
(Réveil, 1882)
France, 1907 : Être altéré.
État-major
Fustier, 1889 : Argot de caserne. Boisson composée de vin, d’eau-de-vie et de sirop de groseille. (P. Ginisty : Manuel du parfait réserviste)
France, 1907 : Vin sucré. Expression rapportée par les soldats d’Afrique.
États (être dans tous ses)
France, 1907 : Être affairé, excité, ne savoir où donner de la tête.
Aline, dont les préoccupations et la douleur subissaient, du faut de son aventure, une inévitable diversion, se rendit à l’hôtel indiqué et trouva Thérèse au lit, malade, et dans tous ses états.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Été de la Saint-Martin
France, 1907 : La Saint-Martin tombe le 11 novembre, et généralement, à ce moment de l’automne, il y a encore de beaux jours, phénomène expliqué par la raison que la terre, du 11 au 13 novembre, comme du 10 au 12 août, se meut dans un point de son orbite où elle rencontre des fragments de planètes qu’elle attire et qui, en tombant dans notre atmosphère, s’enflamment et se consument par suite de la prodigieuse vitesse de leur chute. Du 1er au 11, ces fragments de planètes renvoient à la terre la chaleur qu’ils reçoivent eux-mêmes du soleil.
On appelle donc au figuré été de la Saint-Marin les retours de jeunesse que l’on remarque souvent aux personnes qui ont dépassé la cinquantaine, et aussi la dernière beauté des femmes.
Tony Révillon l’a décrit de façon charmante :
« L’homme a dépassé la cinquantaine, ses cheveux ont blanchi ; il n’appartient plus qu’aux lettres, à la science, à la politique, à l’ambition ; ses tendresses sont des tendresses de père.
Il rencontre une jeune femme, il l’aime, et, il retrouve en l’aimant la fraîcheur d’impressions de la jeunesse, les émotions de la vingtième année.
Être aimé, il ne l’espère plus, et cela le rend timide. Aimer, il l’ose encore, et cet amour le réchauffe et le renouvelle. Son pas alourdi devient léger, son regard retrouve la flamme. C’est Booz et Ruth, David et Bethsabée, c’est Diderot et la petite Voland, le baron Gentz et Fanny Essler.
C’est l’été de la Saint-Martin. »
À la Saint-Martin,
L’hiver en chemin,
dit un vieux proverbe.
À la Saint-Martin
Faut goûter le vin,
Nostre dame après,
Pour boire il est prêt,
ajoute le Calendrier des bons laboureurs.
Éteignoir
Delvau, 1864 : La nature de la femme, où vient en effet s’éteindre, en fondant, la chandelle de l’homme.
La chandelle était trop petite,
Ou l’éteignoir était trop grand.
(Émile Debraux)
Nous allâmes rire chez moi de cette tragi-comédie et éteindre dans nos voluptueux ébats, les feux dont ce spectacle lascif venait de nous embraser.
(Félicia)
Il avait éteint sa chandelle par deux fois.
(Noël du Fail)
Larchey, 1865 : Nez aussi gros qu’un éteignoir.
Ah ! Quel nez ! Rien que de l’apercevoir, On s’dit : Dieu ! quel éteignoir !
(Guinod 1839)
V. Piston.
Larchey, 1865 : Personne assez maussade pour éteindre la gaîté de ses voisins.
Rigaud, 1881 : Préfecture de police ; Palais de Justice ; double allusion aux tours de la Conciergerie terminées en forme d’éteignoir, et à la situation de l’accusé qui est éteint, qui est enlevé à la clarté du jour.
Virmaître, 1894 : Cafard qui éteint l’intelligence des enfants qu’il est chargé d’instruire. Éteignoir : individu morose qui éteint toute gaieté dans une réunion. Éteignoir : nez monumental.
— Dérange donc ton nez que je voie la tour Eiffel (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Nez.
France, 1907 : Large et grand nez.
France, 1907 : Préfecture de police.
Éteignoir (ordre ou confrérie de l’)
France, 1907 : Clergé.
Mais de tous les fripons grands et petits, les plus à craindre ne sont pas ceux qui s’attaquent à notre bourse, fouillent nos poches et barbotent nos épargnes, ce sont ceux qui exploitent nos sentiments, notre crédulité, notre confiance.
À côté des fripons dont on se gare et que la société punit — quand ils sont gens de peu — il y a ceux que la société encourage, protège, honore : les fripons politiques, les fripons religieux, autrement dit les membres de la confrérie de l’Éteignoir.
(Hector France, L’Étal aux vérités)
Éteindre
d’Hautel, 1808 : Il s’éteint comme une chandelle. Pour il traîne en langueur ; il va en dépérissant.
Le peuple conjugue ce verbe comme peigner, et dit au futur, j’éteignerai, tu éteigneras, il éteignera, etc. Au lieu de dire j’éteindrai, etc.
Éteindre son gaz
Delvau, 1866 : v. a. Se coucher, — dans l’argot du peuple. Le mot est de Gavarni. Se dit aussi pour Mourir.
Fustier, 1889 : Mourir.
France, 1907 : Mourir.
Mme Pipelet. — La vieille du cinquième vient d’éteindre son gaz.
M. Pipelet. — Bon ! elle ne pétera plus !
Et ce fut toute l’oraison funèbre.
(Les Propos du Commandeur)
Éteint
Fustier, 1889 : Une des dernières incarnations du bon jeune homme à la mode.
Rastaquouères fraîchement débarqués, jeunes éteints du dernier cri, millionnaires sans le sou…
(France libre, juillet 1885.)
Ételle ou estelle
France, 1907 : Copeau, fragment de bois, produit par la hache du charpentier. Le mot s’emploie généralement au pluriel : « Je vais chercher des ételles. » On dit aussi étaules et étoules, pour exprimer non seulement des fragments de bois, mais du chaume. C’était là l’ancien sens du mot, qui vient soit du latin slipula, chaume, soit du celtique taol, partie du tuyau de blé comprise entre deux nœuds.
Étendard d’amour (l’)
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui conduit les femmes à la victoire et au bonheur.
Parfois, chez le polisson,
D’amour l’étendard se hausse.
(Jules Poincloud)
Étendre
d’Hautel, 1808 : Le cuir sera à bon marché, cette année, les veaux s’étendent. Se dit par reproche à quelqu’un qui tient des postures messéantes.
Étendre la courroie. Passer les bornes prescrites.
Étendre sur le dos (s’)
Delvau, 1864 : Se mettre en posture pour recevoir l’assaut de l’homme.
Elle s’étend de nouveau sur le dos et il se met en devoir de la baiser.
(Lemercier de Neuville)
Éternuer dans du son
Delvau, 1866 : v. n. Être guillotiné, — dans l’argot dos bagnes. On dit aussi Éternuer dans le sac.
Éternuer dans le panier
France, 1907 : Être guillotiné.
Nous ne voulons pas retracer une fois de plus le lugubre tableau d’une place publique un matin d’exécution. On sait que la majeure partie des assistants est composée d’ignobles personnages, souteneurs, récidivistes, filles publiques, habitués de restaurants de nuit tous venus par rigolade, histoire de voir un copain éternuer dans le panier.
(André Tessier, La Nation)
On dit aussi : éternuer dans le son.
En chemin, il cause avec le prêtre, lui donne de l’estomac, lui remonte le cœur :
— C’est rien du tout, m’sieu l’aumônier ! Faut pas vous rendre malade. J’ai vu Kaps, moi, place de la Roquette.
Et il raconte l’exécution de l’ « autre » au curé effaré !… Puis, en descendant, comme il se cogne la tête : « Allons, bon ! voilà qu’on se bosselle la cafetière ! » Et, sitôt à bas : « Qusqu’est l’truc ? »
Le truc, c’est la guillotine, la machine à exemple, l’épouvantail des assassins passés, présents et à venir !
On le lui indique. Il l’examine en connaisseur. Mais, comme il s’y attendait, le public ne lui va point : « Tas de poires ! » grommelle-t-il.
Il se retourne, embrasse l’aumônier — et éternue dans le son !
(Séverine)
Éternuer dans le sac, dans le son
Rigaud, 1881 : Être guillotiné. Allusion au sac de son destiné à étancher le sang du supplicié.
Éternuer sur une négresse
France, 1907 : Boire une bouteille de vin.
Éternuer un nom
Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot du peuple, d’un nom difficile à prononcer, à cause des nombreuses consonnes sifflantes qui le composent, par exemple les noms polonais.
France, 1907 : Prononcer avec difficulté un nom étranger.
Éteule
France, 1907 : Chaume. Voir Ételle.
Étique
d’Hautel, 1808 : On dit en plaisantant, et par jeu de mots, d’une personne qui a la main maigre et décharnée, qu’elle est pathétique.
Étiquette
d’Hautel, 1808 : Juger sur l’étiquette du sac. Juger d’un homme par l’éclat ou la médiocrité de sa mise ; par les tons de sa physionomie.
Étoffe
d’Hautel, 1808 : Donner dans l’étoffe. Pour dire avoir la passion des beaux habits, des beaux meubles, dépenser tout son bien de cette manière.
Être de mince étoffe. Pour d’une basse condition.
Étoffé
d’Hautel, 1808 : Un homme bien étoffé, une femme bien étoffée. Pour dire bien vêtu, mis d’une manière décente.
On dit aussi d’une personne grasse et dodue, qu’elle est bien étoffée.
Étoffes
Boutmy, 1883 : s. f. pl. Écart entre le prix de revient et le prix marqué sur la facture du client. Les étoffes sont, en général, de 50 à 60 pour 100. Elles sont destinées à couvrir les frais généraux, l’usure du matériel, l’intérêt du capital engagé, et le restant, plus faible qu’on ne croit en général, constitue le bénéfice réalisé.
France, 1907 : Argent ; argot des voleurs. Bénéfice brut sur le travail ; argot des imprimeurs.
Étoile
d’Hautel, 1808 : Voir les étoiles en plein midi. Recevoir un grand coup sur les yeux : éprouver un grand éblouissement : se tromper d’une manière grossière.
Être logé à la belle étoile : coucher à la belle étoile. Coucher dehors, en plein air.
Larchey, 1865 : Croix d’honneur.
Ceux qui n’ont pas l’étoile disent : Bon ! je l’aurai une autre fois.
(E. Sue)
Avoir les deux, les trois étoiles : Être nommé général de brigade, général de division. — Les étoiles placées sur l’épaulette sont la marque distinctive de ces deux grades.
Larchey, 1865 : Femme réputée en tel ou tel genre. On dit indifféremment : une étoile du monde officiel, une étoile du monde galant, une étoile du monde dramatique.
Delvau, 1866 : s. f. Bougie allumée ou non, — dans l’argot des francs-maçons. Étoile flamboyante. Le symbole de la divinité.
Delvau, 1866 : s. f. Cantatrice en renom, comédienne hors ligne, premier rôle d’un théâtre, — dans l’argot des coulisses, où il y a tant de nébuleuses.
France, 1907 : Actrice, danseuse ou cantatrice dont la célébrité monte aux nues.
— Ah ! par exemple ! s’écria Mme Alphonsine, on passe sa vie sur une petite, on la prend à part, on en fait sa chérie au risque de déplaire aux camarades et de devenir injuste. On développe ses facultés, on place en elle ses espérances, elle devient rapidement sujet, il n’y a pas un connaisseur qui ne lui prédise qu’à vingt-cinq ans elle sera étoile de première grandeur : toute sa gloire, on la bloque dans cette gamine et elle vient vous dire, après dix ans d’études, de soins et d’efforts que ça lui est égal de quitter l’Opéra !
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
Étoile de l’honneur
Delvau, 1866 : s. f. La croix de la Légion d’honneur, — dans l’argot des vaudevillistes, plus académiciens qu’ils ne s’en doutent.
Étonné comme un fondeur de cloche
Étonner
d’Hautel, 1808 : Il est bon cheval de trompette ; il ne s’étonne pas pour le bruit. Se dit d’un homme que rien ne peut distraire de ses idées, de ses desseins, qui est d’une apathie d’une tranquillité imperturbable.
Étouffage
Rigaud, 1881 : Action de cacher de l’argent sur soi, d’empocher sans être vu une partie du gain, — dans le jargon des joueurs.
Rigaud, 1881 : Escamotage d’argent opéré, au jeu, soit par un garçon, soit par un joueur, il a fait plus de dix fois le coup de l’étouffage.
Fustier, 1889 : Vol. Étouffer, voler. Étouffeur, grec, voleur. Argot des joueurs. (V. Delvau : Étouffoir.)
La Rue, 1894 : Escamotage d’argent au jeu. Vol. Étouffer, dérober voler.
France, 1907 : Soustraction par un grec de la mise d’un ponte sur le tapis. L’étouffage se pratique souvent aux tables de roulette de Monte-Carlo.
Dans les cercles, nombre de croupiers se livrent àl’étouffage.
Désirait-on aussi faire sortir d’un cercle soit un croupier, qui exagérait l’étouffage, soit un commissaire des jeux qui se refusait à desservir son patron, le XIXe Siècle était là pour raconter l’histoire de la vie publique et privée le ces individus.
(Le Journal)
Étouffe
France, 1907 : Tripot clandestin ; Argot des voleurs.
Étouffé
Fustier, 1889 : C’est ainsi qu’on a surnommé pendant quelque temps les jeunes poseurs qui ont la prétention de représenter l’élégance, le bon ton et les belles manières.
Songez que cela ne s’adresse point aux petits étouffés qui amènent dix-sept ou dix-huit au dynamomètre.
(France libre, juillet 1884)
Étouffé dans la filasse
France, 1907 : Pendu.
Ton père a été étouffé dans la filasse ; il est mort en l’air avec un bonnet de nuit de cheval au cou, en faisant une grimace devant le Pont-Rouge.
(Vadé)
Étouffe ou étouffoir
Vidocq, 1837 : s. f. — Table d’hôtes où l’on joue l’écarté. Ces maisons, plus dangereuses cent fois que les tripots de l’administration Benazet, sont ordinairement tenues par des vétérantes de Cythère qui ne manquent pas d’esprit, et dont le ton et les manières semblent appartenir à la bonne compagnie. Toutes ces femmes, s’il faut les croire, sont veuves d’un officier général, ou tout au moins d’un officier supérieur ; mais ce serait en vain que l’on chercherait les titres de leurs défunts époux dans les cartons du ministère de la guerre.
J’ai dit que ces maisons étaient plus dangereuses que les tripots de la ferme des jeux, et je le prouve : il y a des gens qui ne mettraient jamais les pieds dans un des autres Benazet, et qui cependant fréquentent les Étouffes ou Étouffoirs. Pour les y attirer, la veuve du général ou du colonel a ouvert les portes de son salon à une foule de femmes charmantes ; ce n’est point par la vertu que ces femmes brillent, mais elles sont pour la plupart jeunes, jolies, bien parées, la maîtresse de la maison n’exige point d’elles d’autres qualités. Des chevaliers d’industrie, des Grecs, des Faiseurs, forment, avec ces dames, le noyau de la société des tables d’hôtes, société polie peut-être, mais assurément très-peu honnête.
Il y a sans doute à Paris des réunions de ce genre composées de personnes très-honnêtes, mais ce sont justement celles-là que recherchent les flibustiers en tous genres, car là où il y a des honnêtes gens il y a nécessairement des dupes à exploiter. Ceux qui ont l’habitude de vivre à table d’hôtes devraient donc obliger les personnes qui tiennent ces sortes d’établissements à s’enquérir des mœurs et de la position sociale de chacun des convives. Une mesure semblable, prise avec des ménagemens et de la discrétion, ne pourrait blesser personne, lorsqu’elle serait générale, et suffirait seule pour éloigner tous ceux dont l’unique métier est de spéculer sur la fortune d’autrui.
Les tables d’hôtes ne sont pas seulement fréquentées par des escrocs, des Grecs ou des chevaliers d’industrie, il s’y trouve aussi des donneurs d’affaires ; ces derniers chercheront à connaître votre position, vos habitudes, les heures durant lesquelles vous serez absent de chez vous, et lorsqu’ils auront appris tout ce qu’il leur importe de savoir pour pouvoir vous voler avec impunité, ils donneront a celui qu’ils appellent un Ouvrier, et qui n’est autre qu’un adroit Cambriolleur, le résultat de leurs observations. Cela fait, l’Ouvrier prend l’empreinte de la serrure ; une fausse clé est fabriquée, et, au moment favorable, l’affaire est faite. Il n’est pas nécessaire de dire que le donneur d’affaires sait toujours se ménager un alibi incontestable, ce qui le met à l’abri des soupçons auxquels ses questions hardies et ses visites indiscrètes auraient pu donner naissance.
Viennent ensuite les donneurs d’affaires, Emporteurs. On a pu voir aux articles Emporteur et Emportage à la côtelette, les détails du truc qu’ils exercent.
Puis enfin les indicateurs de dupes ; ce sont ceux qui amènent dans les Étouffes ou Étouffoirs cette foule de jeunes gens sans expérience, qui y perdent leurs plus belles années. Et comment n’en serait-il pas ainsi ? tout y est mis en œuvre pour les corrompre : le jeu, des vins exquis, une chère délicate, des amis empressés, des femmes agréables et d’une complaisance extrême si leur bourse paraît bien garnie.
Si le jeune homme appartient à une famille riche, ses amis improvisés le mettent en rapport avec d’honnêtes usuriers qui lui prêteront de l’argent à un intérêt raisonnable, c’est-à-dire à 60 ou 50 pour % au moins. Souvent il ne recevra pour 10,000 francs de lettres de change que 1,000 à 1,500 francs, et le reste en marchandises qui ne vaudront, prisées à leur juste valeur, que le dixième au plus de leur estimation. Il est au reste notoire qu’un jeune homme ne reçoit jamais plus de 3 ou de 4,000 francs en échange de 10,000 francs de lettres de change ; cependant il doit, sur cette somme, payer aux courtiers qui lui ont fait faire cette brillante négociation une commission assez forte ; puis viennent les camarades auxquels il faut prêter quelque chose ; et, si le jeune homme aime à jouer, il est rare qu’il rentre chez lui avec seulement quelques pièces de cinq francs. Alors les amis le tiennent ; ils lui font faire des masses de lettres de change ; bientôt il est ruiné ; s’il a des dispositions ils en font un flibustier, sinon un voleur ou un faussaire.
Étouffe, étouffoir
Rigaud, 1881 : Tripot, maison de jeu clandestine, table d’hôte où l’on joue l’écarté comme d’autres jouent du couteau.
Étouffer
Delvau, 1866 : v. a. Cacher, faire disparaître, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Cacher de l’argent sur soi. En terme de joueur, on étouffe lorsqu’on met sournoisement en poche une partie de l’argent gagné et qu’on continue le jeu.
On le soupçonnait même de se réserver, quand il avait été heureux, la plus grande partie du gain, de l’étouffer, au lieu d’en remettre, comme il eût été juste, la moitié à son associé.
(Vast-Ricouard, Le Tripot)
Virmaître, 1894 : Du vieux mot estouffer, prendre, cacher, faire disparaître (Argot du peuple). V. Étouffeur.
Hayard, 1907 : Cacher.
France, 1907 : Avaler.
France, 1907 : Cacher, empocher. Étouffer un porte-monnaie.
Quand t’auras bourré comme un zigue,
Étouffé d’affut pour le zigue.
(Hogier-Grison)
Étouffer un enfant de chœur ou une négresse
France, 1907 : Boire une bouteille de vin. Allusion, d’une part, à la calotte rouge de l’enfant de chœur, comparée au cachet d’une bouteille, et de l’autre à la couleur de la bouteille.
Étouffer un perroquet
Boutmy, 1883 : v. Expression pittoresque pour dire : Boire un verre d’absinthe, sans doute à cause de la couleur verte de ce funeste breuvage.
France, 1907 : Boire un verre d’absinthe. Allusion à la couleur verte.
Étouffer une bouteille
Delvau, 1866 : v. a. La boire, la faire disparaître jusqu’à la dernière goutte, — dans l’argot du peuple.
Étouffer, étrangler
Rigaud, 1881 : Avaler. — Étouffer un perroquet, étrangler un perroquet, avaler un verre d’absinthe.
Étouffeur
Delvau, 1866 : s. m. Libraire qui ne sait pas lancer ses livres ou qui ne veut pas lancer les livres édités par les autres libraires.
Rigaud, 1881 : Libraire, éditeur, qui connaît mal son métier. Celui qui lance mal, qui ne sait pas lancer un ouvrage. Faute de quelques réclames dans les journaux, l’étouffeur voit moisir les éditions au fond de sa boutique.
Virmaître, 1894 : On étouffe une affaire, un scandale. Un libraire étouffe un livre qu’il ne sait pas lancer. Le caissier qui vole son patron étouffe la monnaie. C’est surtout dans les cercles que les croupiers étouffent les jetons. On étouffe un perroquet. Étouffer, en un mot, est le synonyme de voler (Argot du peuple).
France, 1907 : Éditeur qui, ne sachant pas lancer ses livres on se refusant à la dépense d’un lancement, étouffe les auteurs. Se dit aussi d’un libraire-éditeur qui ne vent vendre que les livres édités par lui.
France, 1907 : Voleur, grec.
Étouffeur de braise
France, 1907 : Homme d’affaires, fripon. Il étouffe, c’est-à-dire il fait disparaitre la braise ou argent de ses dupes.
Tous ces hommes dont je parle, travailleurs ou oisifs, dupeurs et dupés, courtiers de la providence, coupeurs de bourse, allumeurs d’affaires et étouffeurs de braise, vivent sur le trottoir comme des rats dans un fromage et y ramassant la plupart du temps bon souper, bon gite et le reste.
(Louis Davyl, Gil Blas)
Étouffeur, étouffeuse
Rigaud, 1881 : Celui, celle qui cache de l’argent sur soi. Il y a beaucoup d’étouffeurs parmi les ouvriers, les jours de paye. On cache l’argent dans le collet de la redingote, dans les bas, dans la coiffe de la casquette, pour que la ménagère ne prenne pas tout.
Étouffoir
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tripot, lieu où se réunissent les escrocs.
Delvau, 1866 : s. m. Table d’hôte où l’on joue l’écarté, — dans l’argot des voleurs, qui savent que dans ces endroits-là on ferme tout avec soin, portes et fenêtres, de peur de surprise policière.
Virmaître, 1894 : Agence d’affaires ou de renseignements (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Feuille de parchemin que les voleurs au chloroforme appliquent sur la bouche de leur victime endormie pour éviter les aspirations de l’air extérieur. Elle a la forme du bas du masque appelé loup.
France, 1907 : Tripot clandestin. Table d’hôte où des grecs et des filles attirent des dupes, le repas étant toujours suivi de parties de cartes.
Étoupe
d’Hautel, 1808 : Mettre le feu aux étoupes. Brusquer une affaire, mettre tout en usage pour la faire réussir ; et, dans un autre sens, porter le trouble, le désordre : envenimer, aigrir les esprits par des inconséquences et des légèretés.
Étourdi
d’Hautel, 1808 : Il est étourdi comme le premier coup de matines. Se dit d’un jeune homme d’une étourderie sans pareille ; qui oublie tout ce qu’on lui commande.
Étourdi comme le premier coup de matines
France, 1907 : Ce dicton, qui n’est plus guère en usage, faisait allusion aux moines et aux nonnes que le premier coup de matines réveillait en sursaut, et qui se rendaient à la chapelle faire leurs patenôtres encore tout étourdis de ce brusque réveil.
Étourdir
Bras-de-Fer, 1829 : Tuer.
Vidocq, 1837 : v. a. — Solliciter.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Delvau, 1866 : v. n. Solliciter, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Solliciter. Étourdisseur, solliciteur. — Étourdissement, demande de service.
La Rue, 1894 : Solliciter. Tuer. Tromper.
France, 1907 : Solliciter.
France, 1907 : Tuer. Tromper.
— C’est lui qui a emballé Bailli, Jacquet et Martinot. Oh ! mon Dieu, oui ! c’est lui ; que je vous conte comme il les a étourdis.
(Marc Mario et Louis Launay)
Étourdissement
France, 1907 : Demande de service.
Étourdisseur
Delvau, 1866 : s. m. Solliciteur.
France, 1907 : Solliciteur. Il embête tellement qu’on en finit par en être étourdi.
Étourdisseur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Solliciteur.
Étourneau
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un écervelé, à un jeune étourdi, à un fat qui n’a de considération pour personne.
On prononce vulgairement étourgneau.
Étrangère (noble)
France, 1907 : Se dit, dans l’argot des bohèmes, pour désigner une pièce de cinq francs.
Étrangère (piquer l’)
Larchey, 1865 : Penser à des choses étrangères à celles qui doivent occuper.
Il en est qui ne se font point scrupule de piquer l’étrangère, bouquiner, piquer un chien, c’est-à-dire rêver pendant les classes, lire des livres interlopes ou se pelotonner dans un coin pour dormir.
(La Bédollière)
Rigaud, 1881 : Protester, les armes à la main, contre le livre du docteur Tissot, — dans le jargon des collégiens.
Étrangère (piquer une)
France, 1907 : Être distrait, avoir la pensée ailleurs qu’à la chose présente.
Étrangler
d’Hautel, 1808 : Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit d’une personne impatiente, vive, pétulante, et sujette à la colère et aux emportemens.
On dit d’un bâtiment dont les ailes sont trop serrées, qu’il est trop étranglé.
Étrangler la soif. Avoir une soif ardente. Avoir le gosier sec et enflammé
France, 1907 : Boire.
Étrangler la chandelle
Rigaud, 1881 : Renifler fortement pour finir par expectorer.
Étrangler la douleur
France, 1907 : Boire un verre d’eau-de-vie.
Étrangler la gueuse
France, 1907 : Tuer la République ; argot des monarchistes.
Étrangler un perroquet
Rossignol, 1901 : Boire une absinthe pure.
Hayard, 1907 : Boire une absinthe.
France, 1907 : Boire un verre d’absinthe. On dit aussi : étouffer un perroquet.
Le docteur Garnier n’est qu’un farceur. Il était parti en grand attirail à destination du Congo avec une cage en fer pour y passer quarante jours et quarante nuits, en pleine forêt vierge. De ce poste d’observation il devait engager des pourparlers avec ses élèves, en leur donnant du sucre, dont il avait fait ample provision. Aussitôt arrivé, il mit sa cage au garde-meubles et il trouva l’emploi de son sucre dans de nombreuses absinthes. Drôle de façon d’étudier les singes que d’étrangler des perroquets !
(La Nation)
Étrangler une dette
Delvau, 1866 : v. a. L’acquitter, pour s’en débarrasser lorsqu’elle est trop criarde, — dans l’argot des bohèmes.
France, 1907 : L’acquitter.
Être
d’Hautel, 1808 : On ne peut pas être et avoir été. C’est à-dire, jeune et vieux à-la-fois.
Il faut être tout ou tout autre. Avoir une opinion décidée.
Où l’on est bien, il faut s’y tenir.
Quand on y est, on y est. Se dit pour écarter les obstacles que l’on présente à l’accomplissement d’une affaire.
Être (en)
Vidocq, 1837 : v. p. — Aimer la pédérastie.
Delvau, 1866 : v. n. Euphémisme de l’argot du peuple, qui est une allusion aux Insurgés de Romilly. (Voir ce mot.)
Delvau, 1866 : v. n. Faire partie de la corporation des non-conformistes.
Rigaud, 1881 : Être de la police. — L’expression sert aussi à sous-entendre un vice, une turpitude quelconque.
France, 1907 : Appartenir à la corporation de policiers ou des pédérastes.
France, 1907 : Cet euphémisme n’est guère employé qu’à la troisième personne du singulier, précédé de ce : C’en est, c’est-à-dire : c’est de la merde.
Derrière nous, au fond, on dirait… ça ressemble… — Ah ! mille millions de tonnerres ! C’en est !
(Paul Déroulède, Nouveaux Chants du soldat)
Être (l’)
Larchey, 1865 : Être trompé par sa maîtresse ou par sa femme.
C’est notre sort… C’en est fait… je le suis.
(Boucher de Perthes, 1836)
Delvau, 1866 : Être trompé par sa femme, — dans l’argot des bourgeois, qui se plaisent à équivoquer sur ce verbe elliptique.
Hayard, 1907 : Être cocu.
France, 1907 : Être cocu.
— To be or not to be… l’être ou ne pas l’être. Je le suis, voilà tout. L’accident ne vaut pas qu’on le souligne, Tout homme est le trompé de quelqu’un ou de quelque chose. Le joueur qui perd à la Bourse est le cocu de la chance ; le grand homme qui avorte est le cocu de la gloire. Chance et gloire : deux femelles.
(Clovis Hugues)
Être (ou n’être pas) sauvage
Delvau, 1864 : Éviter les hommes ou accepter et même rechercher leurs hommages.
Alors, Jupin, prenant l’ parti d’ la dame,
Dit au Cyclope : un mot va t’apaiser :
Si tu n’ veux pas qu’on reconnaiss’ ta femme
En sauvag’ faut la déguiser.
(Ém. Debraux)
Être (y)
Delvau, 1864 : Sous-entendu : être dans le con d’une femme.
J’entre aisément à cette fois-ci. — Vous y êtes assurément — Oui, parbleu ! tout y est.
(La Popelinière)
Être à
Rigaud, 1881 : Indique une disposition d’esprit ou de caractère quelconque. C’est ainsi qu’on dit : Être à la cascade, pour être d’humeur joviale ; être à l’enterrement, pour être d’un caractère triste ; être à la roublardise, pour avoir la réputation d’un homme rusé, etc., etc.
Être à couteaux tirés
France, 1907 : Avoir rompu avec quelqu’un de telle sorte qu’on est prêt figurativement à se donner des coups de couteau ; mais, vu la douceur de nos mœurs, ou se contente de ne pas se saluer.
Être à couteaux tirés avec quelqu’un
Delvau, 1866 : Être brouillé avec lui, ne plus le saluer ni lui parler, — dans l’argot des bourgeois.
Être à cran
Rossignol, 1901 : En colère.
Être à feu
Delvau, 1866 : Être en colère, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Être en colère.
Être à fond de cale
Delvau, 1866 : N’avoir plus d’argent, — dans l’argot des ouvriers.
France, 1907 : Voir partir son dernier écu.
Être à jeun
Delvau, 1866 : Être vide, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses aussi bien qu’à propos des gens, au sujet d’un sac aussi bien qu’au sujet d’un cerveau. Avoir la sacoche à jeun. N’avoir pas le sou.
Être à l’huile
Rossignol, 1901 : Celui qui ne reçoit aucune rétribution d’un théâtre pour y figurer, est à l’huile.
Être à l’ombre
Delvau, 1866 : v. n. Être en prison, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Être en prison.
Entre deux boursicotiers.
— Quelle chaleur, bé, baron !
— M’en parlez pas, je suis en nage.
— Oui, ça doit même pas mal vous incommoder !
— Pourquoi ça ?
— Dame ! ne venez-vous pas de passer un an à l’ombre ?
Être à la bonne
Delvau, 1866 : v. n. Inspirer de la sympathie, de l’intérêt de l’amour, — dans l’argot du peuple, qui a conservé là, en la modifiant un peu, une vieille expression française. Les gens de lettres modernes ont employé cette expression à propos de M. Sainte-Beuve, et ils ont cru l’avoir inventée pour lui. « Vous ne poviez venir à heure plus opportune, nostre maistre est en ses bonnes, » dit Rabelais.
France, 1907 : Être dans les bonnes grâces de quelqu’un,
Être à la campagne
Delvau, 1866 : v. n. Être à Saint-Lazare, — dans l’argot des filles qui rougissent d’aller prison et ne rougissent pas d’autre chose non moins grave.
France, 1907 : Être en prison.
Être à la cascade
France, 1907 : Se donner du plaisir, cascader.
Être à la chancellerie
Delvau, 1866 : Être pris de façon à ne pouvoir se défendre, — dans l’argot des lutteurs français et anglais.
France, 1907 : Être acculé ou saisi de telle sorte qu’on ne peut plus se défendre, dans l’argot des lutteurs.
Être à la cloche
Rossignol, 1901 : Écouter.
Tu entends ce que l’on dit à côté ? — Oui, depuis un instant, je suis à la cloche.
Être à la colle ou collé
Rossignol, 1901 : Vivre maritalement sans l’être, c’est être à la colle ou collé. On dit aussi être marié au XXIe arrondissement, parce qu’il n’y en a que vingt.
Être à la côte
Rossignol, 1901 : Sans argent.
Être à la coule
Rossignol, 1901 : Malin, roué.
Être à la fête
Delvau, 1866 : v. n. Être de bonne humeur ; — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Être de bonne humeur.
Être à la manque
Delvau, 1866 : v. n. Tromper quelqu’un, le trahir, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Tromper ou trahir quelqu’un.
— Ils se font encore de nous, disait Richelot ; c’est bon, je lui garde un chien de ma chienne.
— Pour ton honneur, ne parle pas, c’est toi qui l’as amené. Puisque tu le connaissais, tu devais savoir qu’il était à la manque.
(Marc Mario et Louis Launay)
Être à la paille
France, 1907 : Être à l’agonie, sans doute à cause de la paille que l’on étend quelquefois dans la rue devant une maison où il y a une personne très malade.
Être à la paille (en)
Delvau, 1866 : Être à l’agonie, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion à la paille que l’on étale dans la rue devant la maison où il y a un malade.
Être à lebref
Clémens, 1840 : À son dernier sol.
Être à plusieurs airs
Delvau, 1866 : v. n. Faire ses embarras ; faire ses coups à la sourdine, — dans l’argot des ouvriers.
Être à poil
Delvau, 1864 : Être nue devant l’homme, ou nu devant la femme.
Je n’ bande jamais bien d’vant une gonzesse qu’est tout à poil.
(Lemercier de Neuville)
Être à poils
Larchey, 1865 : Être nu. — Monter à poils : Monter un cheval sans selle.
Être à point
France, 1907 : Se dit d’une fille qui vient de passer le cap de l’adolescence et qui est bonne à entrer dans la mer conjugale.
— Adieu, madame Manchaballe. Bien des choses à Judith et Rébecca. À Judith surtout.
— Mon aînée ? Ah ! vous avez raison, monsieur. Voyez-vous, celle-là… je puis dire qu’elle est à point.
(Pompon, Gil Blas)
Être à pot et à feu avec quelqu’un
Delvau, 1866 : Avoir un commerce d’amitié, vivre familièrement avec lui.
France, 1907 : Vivre familièrement avec quelqu’un, partager la même écuelle et patauger dans le même baquet.
Être à quia
France, 1907 : Être dans une situation désespérée ; ne plus savoir ni que dire, ni que faire : être à bout d’arguments. Cette expression vient des disputes théologiques du moyen âge où les logiciens, embarrassés et ne sachant plus que répondre, disaient comme les femmes quia (parce que) pour toute raison. On trouve dans Regnier :
Par hazard disputait, si quelqu’un luy réplique
Et qu’il soit à quia : « Vous êtes hérétique. »
Il est à remarquer, en effet, que les gens à quia sont toujours disposés à dire des injures.
Être à sec
Delvau, 1866 : N’avoir plus d’argent, — dans l’argot du peuple. C’est la même expression que Les eaux sont basses.
Être à tu et à toi
France, 1907 : Faire commerce d’amitié avec quelqu’un.
Être à tu et à toi avec quelqu’un
Delvau, 1866 : Vivre familièrement avec quelqu’un, être son ami, ou seulement son compagnon de débauche.
Être allumé
Delvau, 1864 : Avoir envie de baiser.
Aussi remarque-t-on de même le monarque allumé la suivre à pas précipités.
(La Popelinière)
Être argenté
Delvau, 1866 : v. n. Avoir dans la poche quelques francs disposés à danser le menuet sur le comptoir du marchand de vin. Être désargenté. N’avoir plus un sou pour boire.
Être argenté ou désargenté
France, 1907 : Avoir ou ne pas avoir d’argent en poche.
Être au sac
Fustier, 1889 : Avoir de l’argent.
Les deux amis se tombent dans les abatis l’un de l’autre et Hégésippe qui était au sac propose à Philoclès de venir prendre un petit quelque chose sur le pouce.
(Les mistouf’s de Télémaque)
France, 1907 : Avoir de l’argent.
Être aux champs
France, 1907 : Être inquiet, troublé.
Être aux écoutes
Delvau, 1866 : v. n. Faire le guet ; surprendre une conversation, — dans l’argot du peuple. L’expression sort de la langue romane.
France, 1907 : Faire le guet.
Être avec
Larchey, 1865 : Être maître ou amant.
Être avec un Anglais, c’était pour les femmes une fortune.
(Villemot)
Rigaud, 1881 : Vivre maritalement avec. — Être avec une femme.
Être avec un homme
Delvau, 1866 : v. n. Vivre en concubinage avec lui, — dans l’argot des grisettes.
Être avec une femme
Delvau, 1864 : Être son amant ; vivre en concubinage avec elle.
Être avec un Anglais, c’était pour les femmes une fortune.
(Auguste Villemot)
Delvau, 1866 : v. n. Vivre maritalement avec elle, — dans l’argot des ouvriers.
Être avec une femme ou un homme
France, 1907 : Vivre en concubinage.
Une cuisinière venait de se présenter. M. Bérenger l’interrogea d’abord, sur le service.
Ensuite, passant à la question des bonnes mœurs :
— Et, demanda M. Le sénateur, et comme conduite privée ?
Un moment, la cuisinière garda le silence.
— Oh ! dit-elle tout à coup, pour cela, monsieur peut être tranquille… Il y a quatre ans que je suis avec de même homme !
(Le Journal)
Être bien
Delvau, 1866 : v. n. Être en état d’ivresse, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Être ivre.
Être bien aimable
Delvau, 1864 : Phrase polie qui signifie : être bien cochonne, et qu’emploient volontiers les filles de la rue pour engager les passants à entrer dans le bordel où elles exercent et à y dépenser leur blanc.
Dites donc, bel homme, voulez-vous monter chez moi ! J’suis ben aimable ; v’nez, vous en serez pas fâché.
(Henry Monnier)
Être bien dans son linge
France, 1907 : Avoir des parents riches qui vous fournissent non seulement de linge, mais d’argent de poche. Argot des troupiers.
Être bien de son pays
Delvau, 1866 : Avoir de la naïveté, s’étonner de tout et de rien, se fâcher au lieu de rire. Argot du peuple.
France, 1907 : Sortir de son village et se conduire comme un paysan.
Être bien emmanché
Delvau, 1864 : Avoir un membre de conséquence, capable de contenter les femmes les plus difficiles.
Être bien né
Delvau, 1864 : Avoir un nez gros ou long, ce qui est de bon augure, — selon les dames, — qui s’en rapportent au dicton : Gros nez, gros vit.
Être bien portant
Delvau, 1866 : v. n. Être libre, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Être libre.
Être bon la
Delvau, 1866 : Demander plus qu’il n’est permis. Manifester des exigences ou des prétentions, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie cette expression qu’ironiquement, par antiphrase.
Être bref
Delvau, 1866 : v. n. Être à court d’argent.
France, 1907 : Être à court d’argent.
Être bu
France, 1907 : Être ivre.
— S’il est laborieux ! C’est un homme qui de sa vie n’a été bu ; c’est rangé, c’est doux comme un Jésus ; ça ne demanderait au bon Dieu pour toute récompense que de faire durer les jours quarante-huit heures, pour pouvoir gagner un peu plus de pain pour sa marmaille.
(Eugène Sue)
Être casquette
Larchey, 1865 : Être ivre. — Mot à mot : avoir plein son casque. Casque est pris ici pour tête.
Il me demande si je veux m’humecter. Je lui dis que j’ai mon casque.
(Monselet)
Ai-je manqué, soit à jeun, soit casquette, De t’apporter ma soif et ma chanson ?
(Festeau)
Être chargé à cul
Delvau, 1866 : Être pressé, scatologiquement parlant, — dans l’argot des commissionnaires.
Virmaître, 1894 : Être saoul comme la bourrique à Robespierre. Allusion à une voiture chargée à cul qui ne peut avancer ; l’ivrogne fait de même (Argot du peuple).
France, 1907 : Être pressé de décharger ses entrailles.
Être chipé pour, être toqué de
Être chouatte
Clémens, 1840 : Être bon.
Être complet
Delvau, 1866 : Être ivre-mort, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi, dans un sens ironique, Être parfait, — en vices.
France, 1907 : Être ivre tort, ou bien, être parfaitement idiot ou bondé de tous les vices.
Être cousu d’or
Delvau, 1866 : Avoir beaucoup d’argent, — dans l’argot du peuple qui a l’hyperbole facile.
France, 1907 : Avoir beaucoup d’argent.
Être crotté
Delvau, 1866 : N’avoir pas le sou, — dans l’argot des ouvriers tailleurs. Ils le disent aussi d’un travail pour lequel il manque la quantité d’étoffe voulue, ou qui nécessite une économie extraordinaire.
France, 1907 : N’avoir pas le sou.
Être d’un bon suif
Delvau, 1866 : Être ridicule, mal mis, ou contrefait, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Être d’un bon tonneau.
Être d’un bon suif ou d’un bon tonneau
France, 1907 : Être mal mis ou mal bâti.
Être dans de beaux draps
Delvau, 1866 : Se dit ironiquement de quelqu’un qui s’est attiré une fâcheuse affaire, ou qui est ruiné. Argot du peuple.
France, 1907 : Se trouver dans une fâcheuse affaire.
Être dans la mélasse
Rossignol, 1901 : Dans la misère.
France, 1907 : Être dans la misère, dans des affaires embarrassées, gluantes comme de la mélasse et dont on ne peut sortir. On dit aussi : être dans la purée.
A travaillait sans aucun goût ;
Des fois a faisait rien du tout,
Pendant qu’j’étais dans la mélasse.
(Aristide Bruant)
Être dans la panade
Rossignol, 1901 : Misère.
Être dans la peau
Larchey, 1865 : Être à la place.
Je ne voudrais pas être dans la peau du suborneur.
(Gavarni)
Être dans le lac
Rossignol, 1901 : Être fichu, ne plus rien avoir à espérer.
Être dans le nez
Clémens, 1840 : Être détesté.
Être dans le sixième dessous
Delvau, 1866 : Être ruiné, ou mort, — forme explétive de Troisième dessous, qui est la dernière cave pratiquée sous les planches de l’Opéra pour en receler les machines.
France, 1907 : Être dans des affaires tellement mauvaises qu’on semble se trouver dans les sous-sols obscurs au-dessous du troisième dessous, dernière cave pratiquée sous la scène.
Être dans le train
France, 1907 : Être au courant de ce qui se passe ; ne pas rester en arrière des us et coutumes du monde où l’on prétend s’amuser.
Le hic, dis-je, c’est que cette politique de malheur vous obsède et que lorsqu’on la flanque à la porte ou par la fenêtre, elle rentre par la cheminée. Il faut bien en parler ; sans quoi, on n’a pas l’air d’être dans de train.
(Scaramouche)
Être dans les papiers de quelqu’un
Delvau, 1866 : Avoir sa confiance, son affection. On dit aussi Être dans les petits papiers de quelqu’un.
Être dans les papiers ou petits papiers de quelqu’un
France, 1907 : Être dans ses bonnes grâces.
Être dans les vignes
Delvau, 1866 : Être complètement ivre, — dans l’argot du peuple. Il dit aussi Être dedans.
France, 1907 : Avoir trop sacrifié à Bacchus.
Être dans ses bois
Rossignol, 1901 : Celui qui habite dans ses meubles est dans ses bois.
Être dans ses petits souliers
Delvau, 1866 : Être embarrassé, gêné par une observation, par une question, en souffrir et en faire la grimace, comme quelqu’un qui serait trop étroitement chaussé. Argot des bourgeois.
France, 1907 : Être gêné, embarrassé.
Être dans son dur
Larchey, 1865 : Travailler avec ardeur et grande assiduité. Terme de compositeurs typographes.
(J. Ladimir)
Être dans tous ses états
Delvau, 1866 : Être très préoccupé d’une chose ; se donner beaucoup de mal, se remuer extrêmement à propos de n’importe quoi et de n’importe qui, et souvent ne pas faire plus de besogne que la mouche du coche. Même argot [des bourgeois].
France, 1907 : Voir États.
Être dans un état voisin
Delvau, 1866 : Être ivre, — dans l’argot des typographes, qui pratiquent volontiers l’ellipse et la syncope.
France, 1907 : Être ivre ; « de l’ivresse » est sous-entendu.
Être de ché, ou d’ché
Delvau, 1866 : Être complètement saoul, — dans l’argot des voleurs.
Être de la bonne
Clémens, 1840 : Être riche.
Delvau, 1866 : v. n. Être heureux, avoir toutes les chances, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Avoir de la chance, réussir.
Être de la branche
France, 1907 : Sortir d’une bonne famille, compter des ancêtres ; mot à mot, appartenir à une branche généalogique. Voir Branche.
On eût dit que la clientèle était formée de deux séries distinctes, de deux séries d’êtres complètement dissemblables : les uns voués pour des années, des années, des siècles peut-être, à leur air vulgaire, appesanti, et réfractaire à tout embellissement — les autres, au contraire, déjà tout à fait affinés, déjà physiquement ennoblis, ayant même plus que la joliesse chic des bourgeois riches, ayant une allure presque aristocratique, de la race, de la branche, quoi !…
(F. Vandérem)
Être de la dè
Clémens, 1840 : Être malheureux.
Être de la fête
Halbert, 1849 : Être bien mis.
Delvau, 1866 : Être heureux ou hors de danger après avoir été compromis, menacé. Argot du peuple.
France, 1907 : Être hors de danger, pouvoir se réjouir à son aise.
Être de la haute
Delvau, 1864 : Appartenir au dessus du panier de la galanterie, être dame aux camélias et non simple gourgandine, se faire payer cinq cents francs et non cent sous.
Il y a lorette et lorette : Mademoiselle de Saint-Pharamond était de la haute.
(Paul Féval)
Delvau, 1866 : Appartenir à l’aristocratie du mal, — dans le même argot [du peuple]. Faire partie de l’aristocratie du vice, — dans l’argot des filles.
France, 1907 : Apporter aux classes dites supérieures.
Les pant’s doiv’nt me prend’ pour un pitre,
Quand avec les zigs, sur eul’zing,
J’ai pas d’brais’ pour me fend’ d’un litre,
Pas mêm’ d’un mêlé-cass à cinq.
Mais crottas ! si j’suis pas d’la haute,
Quoi qu’en jaspin’nt les médisants,
Faut pas dir’ qu’ça soye d’ma faute :
— Ma sœur a pa’ encor’ dix ans.
(Jean Richepin)
Être de la manchette
Delvau, 1864 : Préférer le cul au con. — L’ordre de la manchette a précédé celui de la rosette… affaire de mode.
Et mille gens m’ont dit qu’il n’aimait pas le con ;
Au contraire, on m’a dit qu’il est de la manchette,
Et que faisant semblait de le mettre en levrette,
Le drôle en vous parlant toujours du grand chemin,
Comme s’il se trompait, enfilait le voisin.
(Bussy-Rabutin)
Être de la nature des poireaux, la tête blanche et la queue verte
Delvau, 1864 : Se dit d’un vieillard qui bande encore pour le beau sexe et n’a de neige que sur la tête.
Être de la noce
Larchey, 1865 : Avoir de l’argent, c’est-à-dire les moyens de faire la noce. — N’être pas à la noce : Être dans une position critique.
Il y a eu un moment où je n’étais pas à la noce.
(E. Sue)
Noceur : Débauché.
Ce grand noceur de Louis XV.
(La Bédollière)
Chaque aimable danseur m’appelle la noceuse. La noce est mon bonheur.
(Aubry, 1842)
Être de la paroisse de la Nigaudaie
Delvau, 1866 : Être un peu trop simple d’esprit, — dans l’argot du peuple.
Être de la paroisse de la nigauderie
France, 1907 : Être simple et niais.
Être de la paroisse de saint Jean le rond
France, 1907 : Être ivre.
Être de la paroisse de Saint-Jean-le-Rond
Delvau, 1866 : Être ivre, — dans l’argot des ouvriers irrévérencieux sans le savoir envers d’Alembert.
Être de la procession
Delvau, 1866 : Être du métier. On dit aussi En être.
France, 1907 : Être du métier.
Être de mèche
Rossignol, 1901 : Être de moitié dans une affaire, c’est être de mèche. Deux associés sont de mèche.
Être dedans (dans les vignes)
Larchey, 1865 : Être ivre.
Quand on trinque avec une fille aimable il est permis de se mettre dedans.
(Désaugiers)
Voir en dedans a la même signification, mais non la même racine. Il s’applique aux ivrognes illuminés qui se tiennent eux-mêmes de longues conversations. V. cocarde.
Être dématé
Delvau, 1866 : Être vieux, impotent, — dans l’argot des marins.
France, 1907 : Être vieux, impotent, sans forces.
Être dessous
Delvau, 1866 : Être ivre, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Être ivre.
Être du 14° bénédictins
France, 1907 : Être de la légion des imbéciles.
Être du bâtiment
Delvau, 1866 : v. n. Faire partie de la rédaction d’un journal. Être feuilletonniste ou vaudevilliste, — dans l’argot des gens de lettres, qui forment une corporation dont l’union ne fait pas précisément la force.
France, 1907 : Faire partie d’une corporation, d’un métier ou d’une profession quelconque.
Être du bois dont on fait les flûtes
France, 1907 : Être bon à tout faire. Sur le bois dont on fait les flûtes, lorsque la flûte est faite, on peut jouer tous les airs.
Être du quatorzième bénédicité
Delvau, 1866 : Faire partie du régiment, — ou plutôt de l’armée des imbéciles.
Être échaudé
Delvau, 1864 : Gagner la vérole ou la chaude pisse.
Être en délicatesse
France, 1907 : Être brouillé.
Être en délicatesse avec quelqu’un
Delvau, 1866 : Être presque brouillé avec lui ; l’accueillir avec froideur, — dans l’argot des bourgeois.
Être en état, être ferme
Delvau, 1864 : Être en érection, avoir ce qu’il faut, dans son pantalon, pour contenter une femme exigeante.
Je veux voir si vous êtes en état… Oui, vous êtes en état ! cochon !… Il est plus fort que tout à l’heure… et dur ! on dirait du fer !
(Henry Monnier)
Soyez ferme, ne pliez plus,
Conservez toujours le dessus,
Evitez la paresse,
— Eh bien ?
Et surtout la mollesse ;
Vous m’entendez bien.
(Domier)
Être en fine pégraine
Delvau, 1866 : v. n. Être à toute extrémité, — dans l’argot des prisons.
Virmaître, 1894 : Être sur le point de mourir.
— Le ratichon vient d’être epprené au castu, pour faire avaler le père la Tuile au frisé, il va tourner de l’œil (Argot des voleurs).
France, 1907 : Mourir de faim. On dit aussi : caner la pégraine.
Être en gaffe
France, 1907 : Être en observation ; argot des voleurs.
— Voilà l’affaire, répondit le colosse. Oiseau-Mouche est venu là au coin où j’étais en gaffe et me dit : « On se cogne chez Lunette ; les grands patrons y sont. » Là-dessus j’accours.
(G. Macé, Un Joli Monde)
Être en queue
Delvau, 1864 : Être en disposition de jouer de la queue avec avantage.
Il y a des jours où l’on est plus en queue que d’autres, où l’on baiserait volontiers toutes les femmes, si elles n’avaient, à elles toutes, qu’un con.
(A. François)
Être en rut
Delvau, 1864 : Avoir des démangeaisons de baiser, qu’on soit femme ou homme ; avoir une ardeur furibonde.
… Cinq ans mit tout le peuple en rut !
dit Auguste Barbier dans sa rude langue, à propos de la révolution de 1789.
Être en train
Delvau, 1866 : v. n. Commencer à se griser, — dans l’argot des ouvriers.
Être encore (l’)
Delvau, 1866 : C’est, pour une femme, avoir encore le droit de recevoir un bouquet de roses blanches, le jour de l’Assomption, sans être exposée à considérer le présent comme une épigramme.
Rigaud, 1881 : Être encore vierge.
France, 1907 : Avoir son pucelage.
— Pour en revenir à la petite Lilie, je crois qu’elle l’était encore. Mais je n’en eusse pas mis la main au feu.
— Tu eusses préféré y mettre le doigt.
(Les Joyeusetés du régiment)
Être enrhumé de la queue
Delvau, 1864 : Avoir une chaude-pisse, un écoulement gonorrhéique.
Être entiffé d’une largue
Clémens, 1840 : Aimer une femme.
Être esbrouffeur
Clémens, 1840 : Faire de l’embarras.
Être fort au bâtonnet
Delvau, 1866 : Façon de parler ironique qu’on emploie à propos d’une maladresse commise.
Être fort au bilboquet
France, 1907 : Avoir des talents futiles ; devoir une haute situation à des qualités stériles ou tout extérieures. Locution qui remonte à Henri III, qui combla d’honneurs le duc d’Épernon pour sa force au bilboquet. On dit plus tard dans le même sens Fort au billard, pour désigner M. de Chamillard, qui devint ministre de la guerre et des finances en jouant au billard avec Louis XIV.
Être forte au bâtonnet
France, 1907 : Faire preuve de maladresse.
Être gave
Clémens, 1840 : Être pris de vin.
Être heureux
Delvau, 1864 : Jouir en baisant ou en se masturbant, au moment où le sperme part sous l’action du frottement.
Tu vas te soulager, mon chéri, je te le promets ; le roi Louis-Philippe n’aura jamais été aussi heureux que tu vas l’être.
(Lemercier de Neuville)
La douleur qu’il éprouve est quelquefois bien grande ;
Mais il ne se plaint pas : il est heureux… il bande !
(Louis Protat)
Être inscrite
Delvau, 1864 : Avoir sa carte de prostituée, délivrée par la préfecture de police.
J’avais un enfant, un garçon, il est mort… J’crois ben, j’nourrissais : l’idée de m’savoir inscrite, ça m’avait tourné mon lait.
(Henry Monnier)
Être le bœuf
Delvau, 1866 : v. a. Être victime de quelque mauvaise farce, de quelque mauvais coup, — dans l’argot du peuple, qui a voulu faire allusion au dieu Apis que l’on abat tous les jours dans les échaudoirs sans qu’il proteste, même par un coup de corne.
France, 1907 : Être la victime.
Être le plus heureux des hommes
Delvau, 1864 : Ad sumnam voluptatem nervenire.
Être levé
Larchey, 1865 : Signifie dans l’argot des débiteurs et des créanciers qu’on a à ses trousses un recors, qui vous a vu dans la rue ou déterré quelque part. — Montépin.
Être long
Clémens, 1840 : Être dupe.
Être malade
Clémens, 1840 : Me pas savoir ce qu’on dit.
Être manche à manche
Larchey, 1865 : Avoir fait autant de progrès qu’un adversaire. — Mot à mot : être manche à manche. Au whist, la manche est une des parties liées qui compose le robber.
Ça nous met manche à manche. À quand la belle ?
(E. Sue)
Être mariole
Clémens, 1840 : Être malin.
Être né coiffé
France, 1907 : Avoir de la chance, être né sous une bonne étoile. Se dit de quelqu’un à qui tout réussit sans efforts. Les Grecs et les Romains considéraient comme l’augure d’une vie heureuse quand un enfant conservait sur la tête en naissant une portion de l’enveloppe fœtale. Cette superstition comme bien d’autres est venue jusqu’à nous.
Ce n’est pas que frère René
D’aucun mérite soit orné,
Qu’il soit savant, qu’il scache écrire,
Ni qu’il dise le mot pour rire ;
Mais c’est seulement qu’il est né
Coiffé.
(Claude de Malleville)
Être neuf ou neuve, ou novice
Delvau, 1864 : Ne rien connaître de la rocambole de l’amour. N’avoir pas encore servi sur la femme ou sous l’homme ; avoir son pucelage — ou l’avoir perdu depuis peu !
Il est fort neuf, à la vérité, peu au fait du service des bains. J’ose cependant me flatter qu’il contenterait madame.
(Les Aphrodites.)
Être ou n’être pas en train de faire quelque chose
Delvau, 1864 : Avoir ou n’avoir pas envie de baiser ; se sentir ou ne pas se sentir en queue.
Dis donc, chéri, pisq’t’es t’en train de rien faire, moi non plus, si nous tâchions d’ pioncer un peu.
(Henry Monnier)
Être paf
Delvau, 1866 : v. n. Être en état d’ivresse. Même argot [des faubouriens].
Être paff
France, 1907 : Être ivre.
Une noce d’ouvriers se présente à la mairie dans un état complet d’ébriété.
— Mais je ne puis vous marier, dit le maire à la fiancée, votre prétendu est ivre.
— Je le sais bien, répondit-elle, c’est justement pour ça que je l’ai amené : quand n’est pas paff, il ne veut plus.
Être pion
Clémens, 1840 : Être soûl.
Être pioncé
Clémens, 1840 : Être couché.
Être près de ses pièces
Delvau, 1866 : N’avoir pas d’argent ou en avoir peu. Argot du peuple.
France, 1907 : Voir le fond de sa bourse.
Être prêt
Delvau, 1864 : Bander suffisamment pour faire le voyage à Cythère.
À quoi bon, puisque tu n’es pas prêt ! — Oh ! tes caresses vont me ranimer !
(Lemercier de Neuville)
Être pris dans la balancine
Delvau, 1866 : Se trouver dans une position gênante. L’expression est de l’argot des marins.
Être raide, raide comme la justice
Larchey, 1865 : Être ivre sans vouloir le paraître, se redresser avec affectation.
Dis donc Jules tu as bien dîné. — Il est raide.
(Monselet)
Être rentré
Clémens, 1840 : Sans le sol.
Être rond
France, 1907 : Être ivre.
Être sur des épines
France, 1907 : Être inquiet, agité, impatient, dans l’attente d’une nouvelle bonne ou mauvaise, comme quelqu’un qui marche sur des épines.
Être sur la planche
Delvau, 1866 : v. n. Comparaître en police correctionnelle ou devant la Cour d’assises. Argot des voleurs.
France, 1907 : Comparaître devant la justice.
Être sur le sable
Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de maîtresse, — dans l’argot des souteneurs, que cela expose à crever de faim.
France, 1907 : N’avoir pas de maîtresse. Argot des souteneurs, qui, sans maîtresse, se trouvent comme un voyageur perdu dans le désert.
Être sur le velours
Rossignol, 1901 : Gagner. Le joueur qui a du gain est sur le velours.
Être trop petit
Delvau, 1866 : N’avoir pas l’adresse ou le courage nécessaire pour une chose. Argot du peuple. T’es trop petit ! est une expression souveraine de mépris, dans la bouche des faubouriens.
Être vainqueur
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
Lise d’un œil mourant et tendre
De Colin invite l’ardeur
Et sans songer à se défendre,
Souffre qu’il soit trois fois vainqueur.
(Vadé)
Être vent dessus vent dedans
Delvau, 1866 : Être en état d’ivresse, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.
France, 1907 : Être ivre ; argot des marins.
Être vicère
Clémens, 1840 : Pris, arrêté.
Être vu
Rossignol, 1901 : Être refait. On dit aussi de celui qui a des penchants contre nature : il a été vu.
Étreindre
d’Hautel, 1808 : Qui trop embrasse mal étreint. Signifie qu’il ne faut pas entreprendre plusieurs choses à-la-fois, si l’on veut les mener toutes à bien.
Étrenne
d’Hautel, 1808 : Si c’est de lui dont tu te moques, tu n’en as pas l’étrenne. Se dit de quelqu’un qui n’est rien moins que malin, et qui est souvent en butte aux plaisanteries de ceux qui l’entourent.
Étrenne (avoir ou n’en pas avoir l’)
Delvau, 1864 : Avoir le pucelage d’une fille ou d’un garçon — par devant, par derrière — ou des deux côtés.
J’ai ri de bon cœur, — d’un garçon d’honneur
À la figure éveillée.
Au premier signal — on ouvre le bal,
Sans trouver la mariée.
Notre égrillard — d’un air gaillard — l’amène
L’époux prétend — danser et prend — sa reine.
Va, dit le malin — au mari bénin,
Tu n’en auras — pas l’étrenne.
(Elisa Fleury)
Étrenner
Delvau, 1864 : Faire un miché ; raccrocher un homme dans la rue.
Voilà mon tour de bitume arrivé… Il faut qu’on m’étrenne !
(Lemercier de Neuville)
Delvau, 1866 : v. n. Recevoir un soufflet, un coup quelconque. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Mal commencer la journée ; recevoir une réprimande en arrivant à l’atelier, — dans le jargon des ouvriers. — Recevoir une correction, — dans le jargon des mères de famille : Si tu n’es pas sage, tu vas étrenner.
Hayard, 1907 : Recevoir des coups.
France, 1907 : Expression que les marchands emploient lorsqu’ils vendent à un premier client.
Et rôdant autour des tables
À la porte des cafés,
Elle dit des mots aimables
Aux messieurs bien attifés.
— La coquine est déjà belle !
— Ça ne peut que mal tourner !
— Bons messieurs, murmure-t-elle,
Vous devriez m’étrenner.
(Clovis Hugues, La Petite Boutiquière)
France, 1907 : Recevoir ou donner des coups.
Étrier
d’Hautel, 1808 : Il a le pied dans l’étrier. Signifie il est en mesure de faire son chemin ; il est sur le pinacle ; il a le vent en poupe.
Étriers trop courts
Merlin, 1888 : Les cavaliers disent d’un homme aux jambes torses qu’il a les étriers trop courts.
Étriers trop courts (avoir les)
France, 1907 : Avoir les jambes en cerceau.
Étrillage
France, 1907 : Perte d’argent.
Étrille
d’Hautel, 1808 : Instrument de fer dont on se sert pour nettoyer les chevaux.
Cela vaut six sous comme le manche d’une étrille. Se dit par mépris d’une chose médiocre ou de peu de valeur.
Être logé à l’étrille. C’est-à-dire dans une auberge ou l’on fait payer trop cher.
Étriller
d’Hautel, 1808 : Il été a bien étrillé. Pour dire vivement réprimandée, corrigé avec rudesse. On entend aussi par cette locution, que quelqu’un a essuyé une grosse perte, a fait une forte maladie.
On y est bien étrille. Se dit d’un traiteur qui écorche ses hôtes.
Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi : Voler, surfaire un prix, surcharger une addition.
France, 1907 : Donner des coups.
France, 1907 : Voler, surfaire un prix.
Étriqué
d’Hautel, 1808 : Un habit étriqué. Pour dire écourté, où l’on a ménagé l’étoffe.
Étrivé
France, 1907 : Contrarié.
Étrivières
d’Hautel, 1808 : Faire donner les étrivières à quelqu’un. Le fustiger, le châtier à coups de fouet.
Donner les étrivières, pour donner le fouet, corriger quelqu’un.
Étroite (faire l’)
Rigaud, 1881 : Faire la prude, la mijaurée, se faire prier.
Tu frais pas tant l’étroite à c’t’ heure
Si j’t’aurais laissé t’fout’ dans l’eau.
(La Muse à Bibi, Nocturne.)
France, 1907 : Faire la prude, vouloir se faire passer pour vierge.
— Ouste ! enlevez le veau !… Fais pas ton étroite ! tu vas trinquer avec les patriotes !
(Maurice Montégut, Le Mur)
Étroite (faire son)
Larchey, 1865 : Affecter un air virginal.
Étron
d’Hautel, 1808 : Faire d’un étron un pain de sucre. Signifie donner une grande importance à peu de chose ; faire un grand mystère de rien ; faire plus de bruit que de besogne.
Il brille comme un étron dans une lanterne. Se dit salement et par dérision de quelqu’ornement qui jette peu d’éclat, d’un homme qui a un emploi au-dessus de ses facultés, ou qui ne fait pas honneur à sa place.
Delvau, 1866 : s. m. Stercus, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Homme mou, sans consistance, sans valeur. L’expression est ignoble, mais elle a de nobles parrains. Rabelais n’a-t-il pas dit, au chapitre des Meurs et conditions de Panurge : « Il fit une tarte bourbonnoise, composée de force de ailz…, d’estroncs tous chaulx, et la destrempit en sanie de bosses chancreuses ? »
Étron de mouche
Vidocq, 1837 : s. f. — Cire.
Larchey, 1865 : Cire (Vidocq). — allusion au travail des abeilles.
Rigaud, 1881 : Cire, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Cire ; argot des voleurs.
Étronner
Delvau, 1866 : v. n. Cacare, — dans l’argot des faubouriens.
Étrusque
France, 1907 : Objet qui n’est plus de mode.
Étudiant de la grève
Delvau, 1866 : s. m. Maçon, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Maçon.
Étudiante
Larchey, 1865 : Maîtresse d’étudiant.
Toute étudiante pur-sang fume son petit cigare.
(L. Huart)
V. Haute.
Delvau, 1866 : s. f. Grisette, — dans l’argot des ouvriers. Étudiante pur sang. Fille destinée à embellir l’existence de plusieurs générations d’étudiants.
France, 1907 : Se disait autrefois pour grisette ou maîtresse d’étudiant. Maintenant que le quartier Latin est inondé de jeunes filles qui suivent les mêmes cours que les jeunes gens, le mot a repris sa véritable signification.
Type charmant… fille vive et pimpante…
Toi qui jadis aux francs baisers t’offrait ;
Où donc es-tu, gentille étudiante,
Reine autrefois de noces sans apprêt ?
Du feu du punch… infidèle vestale…
Tu te fis dame à la cité d’Antin…
Ah ! qu’un fichu t’allait bien mieux qu’un châle,
Quand tu vivais au vieux Quartier Latin !
(Le vieux Quartier Latin)
Étui
d’Hautel, 1808 : Un visage à étui. Pour dire un laid visage qu’il faut cacher.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, — dans laquelle l’homme fourre sa grosse aiguille.
Elle ne voulut oncques que le marié le mit en son étui.
(B. Desperriers)
— Se dit aussi du membre viril, à cause de sa forme :
Vous qui, pour charmer vos ennuis,
Empoignez… des aiguilles,
Venez, je fournis des étuis
Qui vont à tout’s les filles…
(Chanson anonyme moderne)
Delvau, 1866 : s. m. La peau du corps, — dans l’argot du peuple, qui a l’honneur de se rencontrer avec Shakespeare (case). Se dit aussi pour Vêtements.
Virmaître, 1894 : V. Cuir.
France, 1907 : Peau.
— C’est bon !… Tu sais que je t’ai dans l’étui et tu voulais te payer ma fiole ! Mais ouvre l’œil, et le bon !…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Étui (?)
Rossignol, 1901 : « Ma brave femme vous allez perdre vos aiguilles, la Position que vous avez pour cueillir de l’herbe fait ouvrir votre étui. »
Étui à lorgnette
Delvau, 1866 : s. m. Cercueil, — dans l’argot des voyous, qui ont parfaitement saisi l’analogie de forme existant entre deux choses pourtant si différentes comme destination.
France, 1907 : Cercueil.
Étui de mains courantes
France, 1907 : Bottes. Dans l’argot militaire, les mains courantes sont les pieds.
Eudoxie
Rigaud, 1881 : C’est, en style de troupier, le synonyme, pour le moment usité, du vieux Thomas et de Jules, alias pot de chambre, tinettes, latrines portatives.
Eunuque
Delvau, 1864 : Homme à, qui l’on a enlevé les attributs de la virilité, pour qu’il puisse garder impunément au sérail. Mais tous les eunuques ne sont pas gardiens de harems.
Euréka
France, 1907 : « J’ai trouvé ! » Hellénisme. C’est le mot que prononce Archimède en courant les rues de Syracuse, au sujet d’un problème à lui proposé par le roi Hiéron. Se dit chaque fois que l’on trouve la solution d’un problème difficile.
Eustache
d’Hautel, 1808 : Un eustache. On donne ce nom à une espèce particulière de couteau dont se servent les gens de la plus basse condition.
Eustache pot à l’eau. Dénomination baroque et insultante que l’on donne par mépris à quelqu’un dont on a oublié le nom.
Delvau, 1866 : s. m. Couteau, — dans l’argot du peuple, qui dit aussi : Ustache.
La Rue, 1894 : Couteau.
Virmaître, 1894 : Couteau (Argot du peuple). V. Lingre.
Hayard, 1907 : Couteau.
France, 1907 : Couteau.
— Voici l’eustache de mon père :
Tu vas le mettre à ton côté.
Ils passaient pour querelleurs et pillards, robant le gibier au bois et les poules aux censes, maraudant de nuit dans les campagnes, l’eustache toujours aux doigts pour se défendre.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Ses bains de pieds étant célèbres dans son parti, et ils le firent suspecter de modérantisme à plusieurs reprises. Pendant la Commune, le bruit courut qu’il avait un pédicure, et il dut se disculper de l’accusation. Comme Phryné devant l’aéropage, il ôta ses souliers, montra ses cors et les tailla lui-même, avec un eustache à treize, en présence de ses farouches collègues de l’Hôtel de Ville ! Cette épreuve rétablit son crédit ébranlé, et elle lui rendit la confiance du peuple.
(Émile Bergerat)
Évacuer du couloir
Fustier, 1889 : Sentir mauvais de la bouche.
France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.
La petite était brune, gentille, faite au tour et bonne à croquer ; seulement elle avait un diable de défaut, elle évacuait du couloir.
(Les Joyeusetés du régiment)
Évangile
d’Hautel, 1808 : Tout ce qu’il dit n’est pas mot d’évangile. Pour la bonne foi de cet homme est suspecte ; ses discours sont dénués de vérité.
Évanouir
Hayard, 1907 : Disparaître.
Évanouir (s’)
Larchey, 1865 : Mourir, s’enfuir.
Delvau, 1866 : S’en aller de quelque part, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Quitter un lieu avec précipitation, décamper. La variante est : S’évaporer. Il paraît que le caissier s’est évaporé.
La Rue, 1894 : Fuir.
France, 1907 : Disparaitre, s’en aller, mourir.
Évanouissement
Rigaud, 1881 : Départ précipité. — L’évanouissement d’un caissier.
Évaporé
d’Hautel, 1808 : Un évaporé. Jeune fou ; tête extravagante, légère, capricieuse et volage.
Évaporer
Delvau, 1866 : v. a. Voler quelque chose adroitement, — dans le même argot [des faubouriens].
Rigaud, 1881 : Filouter, voler adroitement.
La Rue, 1894 : Voler adroitement.
France, 1907 : Voler avec adresse.
Évaporer (s’)
France, 1907 : Disparaître, s’en aller.
Éveiller
d’Hautel, 1808 : Il est éveillé comme une potée de souris. Pour il est alerte, diligent ; il est d’une grande vivacité.
Il ne faut pas éveiller le chat qui dort. C’est à-dire, revenir sur des aventures fâcheuses qui sont passées.
Évent
d’Hautel, 1808 : C’est une tête, un esprit à l’évent. C’est-à-dire, une mauvaise tête, esprit léger et indiscret, incapable de grandes conceptions.
Éventail
d’Hautel, 1808 : Ce mot est toujours masculin ; mais les Parisiens sans éducation le font féminin et disent avec une grande opiniâtreté Une belle éventail.
Éventail à bourrique
Delvau, 1866 : s. m. Bâton, — dans le même argot [des faubouriens].
Rigaud, 1881 : Bâton.
Rossignol, 1901 : Trique, fouet, bâton.
France, 1907 : Forte trique.
Je demandais un jour à un chef arabe comment il s’y prenait pour maintenir le bon ordre dans son ménage composé de quatre femmes d’âges différents. Sans dire un mot, il me montra du doigt en un coin de la tente une forte trique flexible et noueuse, autrement dit un éventail à bourrique.
(Hector France)
Éventaire
d’Hautel, 1808 : Plateau d’osier sur lequel les femmes portent ce qu’elles vendent. On confond continuellement ce mot avec inventaire (rôle). Et l’on dit vulgairement une marchande à l’inventaire. L’éventaire de cette maison est considérable.
Éventer
d’Hautel, 1808 : Éventer un secret ; éventer la poudre. Signifie découvrir un secret ; divulguer les desseins, les entreprises d’une personne.
Éventrer une négresse
France, 1907 : Boire une bouteille de vin rouge.
— Te souviens-tu de l’époque lointaine où, simples brigadiers, nous éventrions des négresses dans le cabaret du père Lustucru ?
— Et où nous perforions des blanches dans l’asile hospitalier de la mère Tartempion !
— C’était le bon temps.
(Les Propos du Commandeur)
Évêque d’or, crosse de bois
France, 1907 : Ce dicton, auquel on ajoute crosse d’or, évêque de bois, est encore en usage en province. On sait que la crosse de l’évêque représente la houlette du pasteur ; et c’était par le fait, dans les premiers temps du christianisme, un simple bâton que l’on remettait dans l’assemblée des fidèles, insigne de ses fonctions pastorales, à l’évêque où surveillant que l’on venait d’élire. C’était alors une dignité purement honorifique donnée à celui jugé le plus digne. Mais plus tard, quand à ces fonctions s’attachèrent de gros émoluments, avec la fortune diminua la vertu. La crosse, simple bâton ayant la forme d’un T et qui servait à s’appuyer, devint un luxueux sceptre, et de même que la crosse de bois devint crosse d’or, l’évêque d’or devint évêque de bois. C’est ce qui s’exprimait en latin : episcopus aureus, pedum ligneum ; episcopus ligneus, pedum aureum.
Évêque de campagne
Delvau, 1866 : s. m. Pendu, — dans l’argot du peuple, qui veut dire que ces sortes de suicidés bénissent avec les pieds.
Rigaud, 1881 : Pendu. — Allusion aux gigottements du pendu qui figurent la bénédiction épiscopale. L’expression n’est plus usitée depuis que les bienfaits de la guillotine se font sentir en France.
Évêque de campagne ou des champs
France, 1907 : Pendu. Ce terme vient de l’expression populaire : bénir des pieds, appliquée aux pendus dont les pieds se balancent en l’air.
Ung des susdits sera ceste année faict évesque des champs, donnant la benediction avec les pieds aux passants.
(Rabelais)
Éverdillonner
d’Hautel, 1808 : Aiguillonner, inciter, pousser et porter à la gaieté, rendre gaillard. On dit d’une personne qui a un air capable, une gaieté en jouée et hardie, qu’elle est éverdillonnée.
Le vin blanc éverdillonne les têtes foibles.
Évhémérisme
France, 1907 : Synonyme d’athéisme. Évhémère était un philosophe du IVe siècle avant notre ère, qui, ne croyant pas aux dieux, en fit des hommes : « Zeus, disait-il, Poseidon, Héraclès et tous les autres Olympiens avaient vécu, et ils étaient morts. Ne montrait-on pas encore leur berceau, leur séjour, leurs sépultures ? Il n’y avait pas si longtemps de cela : quelques siècles ; et l’on connaissait fort bien les parents et la postérité des dieux. »
Que pouvaient, dit M. André Lefèvre, répondre à ces assertions des peuples habitués à diviniser leurs vrais grands hommes ? Aussi le succès de l’évhémérisme fut-il grand et durable. Tous les classiques, depuis Ovide et Apollodore, jusqu’à l’abbé Banier, n’ont cessé de reproduire les inventions du malin philosophe.
(La Religion)
Herbert Spencer a de notre temps ressuscité l’évhémérisime.
Évier
d’Hautel, 1808 : Conduit d’où s’écoulent les eaux. On corrompt ce mot de différentes manières ; les uns disent un lavier, les autres un lévier ; c’est un évier qu’il faut dire.
France, 1907 : Voir Écuelle.
Éviter
d’Hautel, 1808 : Esquiver, fuir quelque chose. Ce verbe est pris fréquemment hors de son sens.
On dit presque généralement, je vous éviterai cette peine. Cette locution est vicieuse il faut dire, je vous épargnerai cette peine.
Évolutiste
France, 1907 : Écrivain appartenant à la littérature décadente.
Je me demandais ce qu’il adviendrait d’un jeune évolutiste amoureux si sa bien-aimée le forçait de parler comme il écrit lorsqu’il est à ses pieds et prétendait n’être convaincue qu’au moyen de ce langage de traduction juxtalinéaire ! On ne se marierait pas souvent, dans la Décadence ! Quand la dot est ronde surtout, les beaux-pères sont rudes, et ils veulent qu’on emploie la langue séculaire des notaires, ces poètes du bon sens. Ah ! que vos amours, mes enfants, doivent être malheureuses ! Nous nous servions, nous, du lexique et de la syntaxe de Victor Hugo, et… ça marchait !
(Émile Bergerat)
Évouie
France, 1907 : Brassée de fourrage jetée dans la crèche.
Exacerber
France, 1907 : Exhaler avec une recrudescence toujours croissante.
Ah ! baisers gaspillés, inhabiles étreintes, impuissance mortelle des lèvres mâles, sueurs d’amour sottement dépensées… une bouffée de regrets ondulait au corps séducteur de la jeune femme. Les piments roux de sa nuque exacerbaient l’haleine profonde des fleurs pâmées.
(Gabriel Mourey)
Exam
France, 1907 : Abréviation d’examen, ce mot semblant trop long aux bouches grelotteuses.
Examinomanie
France, 1907 : Maladie nouvelle et contagieuse qui depuis quelques années a atteint le sexe. Retournons vite au pot-au-feu de nos sages grand’ mères.
La contagion de l’exemple aidant, la Faculté des lettres pourra damer le pion à la Faculté de médecine et fournir à la comédie contemporaine un type épisodique et tout à fait nouveau de doctoresse.
En effet, voici dix ans tout au plus qu’on peut relever de doux prénoms, dans le martyrologue de la Sorbonne. Jusque-là, le fléau qui existe à l’état endémique dans tous les runs centres universitaires, l’examinomanie, puisqu’il faut l’appeler par son nom, n’avait choisi ses victimes que parmi des jeunes sens bien doués, præditi, lauréats de concours généraux et forts en thème.
(Marasc, Gil Blas)
Exbalancer
Ansiaume, 1821 : Jetter.
J’exbalance la camelotte, car elle me feroit tomber.
France, 1907 : Renvoyer.
Exbalancer (s’)
Ansiaume, 1821 : Partir.
Je m’exbalance d’ici, car j’ai entravé deux roussins.
Excellent (être)
Delvau, 1866 : Puer de l’aisselle, — dans l’argot des bourgeois, qui font des calembours par à peu près et pour faire celui-ci sont forcés de prononcer essellent.
France, 1907 : Dégager de fortes odeurs par les aisselles. Jeu de mot sur aisselles.
Exception
d’Hautel, 1808 : Il n’y a point de règle sans exception. Pour dire qu’il ne faut pas comprendre tous les cas particuliers sous la même règle.
Excès
Delvau, 1864 : Abus des plaisirs.
Les excès…— Je n’en connais point, Madame : on n’a jamais assez de plaisir. — Je ne suis pas de cet avis. On peut en avoir trop et perdre par là le charme du désir, plus précieux que le plaisir lui-même.
(A. de Nerciat) (Le Diable au corps.)
Excusez, excusez du peu !
France, 1907 : Locution admirative et ironique. On s’étonne de l’énormité d’une chose en lui appliquant le mot peu.
Le baron Rapinard s’est fait, en volant ses concitoyens, cent mille livres de rentes.
— Excusez du peu.
Exécuter
Rigaud, 1881 : En terme de Bourse, c’est mettre en état de faillite platonique le spéculateur qui ne peut pas payer ses différences. L’entrée de la Bourse lui est interdite, son nom est signalé chez les agents de change, tous les remisiers le connaissent, et, jusqu’au jour où il a payé, il ne peut spéculer ; c’est pourquoi il fait l’impossible pour arriver à payer.
France, 1907 : Dévoiler des fourberies ou les vilenies de quelqu’un, exhumer le cadavre qu’il cachait de façon qu’il ne soit plus reçu dans une société d’honnêtes gens.
Exécuter quelqu’un
Delvau, 1866 : v. a. Lui interdire l’entrée de la Bourse, parce qu’il est insolvable, — dans l’argot des coulissiers.
Exécution
Rigaud, 1881 : Mise en état de faillite platonique d’un spéculateur.
Fustier, 1889 : V. Delvau : Exécuter quelqu’un.
France, 1907 : Voir Exécuter.
Exemple
d’Hautel, 1808 : Ce mot, qui suivant son acception, est tantôt masculin et tantôt féminin, est toujours de ce dernier genre parmi le peuple, qui dit en parlant d’un homme vertueux que l’on propose pour modèle : voilà une belle exemple à suivre.
Imiter un exemple. Locution vicieuse, pour suivre un exemple.
Exercer une fille
Delvau, 1864 : La baiser, pour lui apprendre le métier de fouteuse.
Exercice
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner l’acte vénérien.
La dame avait fait provision pour l’exercice du cas.
(Moyen de parvenir)
Trois femmes un jour disputaient
Quels, en l’amoureux exercice,
Les meilleurs instruments étaient
Pour savourer plus de délice.
(Cabinet satyrique)
Nous avons passé tout le jour
Dans cet exercice d’amour.
(Grécourt)
Nous employâmes plusieurs heures dans ce doux exercice.
(Louvet)
Elle se trouva un peu gênée dans sa marche, mais elle l’attribua aux exercices un peu répétés de la nuit.
(Pigault-Lebrun)
Exgarrer (s’)
Ansiaume, 1821 : S’absenter.
Il se chargea de faire le gaff, et le potence l’exgarra, je fus marron.
Exhiber
Rigaud, 1881 : Regarder, — dans le jargon des voleurs.
Exhiber ses pièces
Delvau, 1864 : Présenter son membre à la putain que l’on veut baiser et qui, elle, veut auparavant s’assurer que l’engin qui va besogner est sain et propre au service.
Exhibe tes pièces, mon petit chat.
(J. Le Vallois)
Exhiber son prussien
France, 1907 : S’enfuir ; mot à mot, montrer son derrière.
Et à bout d’invectives et hors d’haleine, la gouge, après avoir épuisé son vocabulaire, ne trouva rien de mieux que de m’exhiber son énorme prussien.
(Les Joyeusetés du régiment)
Exhibitionniste
Fustier, 1889 : Non conformiste.
Expédier
Delvau, 1864 : Faire jouir rapidement, en quelques coups de cul.
Les beaux pères n’expédiaient
Que les fringantes et les belles.
(La Fontaine)
Larchey, 1865 : Tuer. — Mot à mot : expédier en l’autre monde.
Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Tuer. C’est, mot à mot : expédier pour l’autre monde. — En terme de gastronomie, c’est ne rien laisser dans un plat, c’est nettoyer un plat.
Ensuite il n’a aucun scrupule, même après qu’on a servi fromage et fruits, de garder sur la table un morceau de viande jusqu’à ce qu’il l’ait, comme on dit, expédié.
(L. Dépret, La Cuisinière poétique.)
La Rue, 1894 : Tuer.
Hayard, 1907 : Renvoyer (dans l’autre monde), assassiner.
France, 1907 : Envoyer quelqu’un dans un monde qu’un dit meilleur.
Le prêtre s’introduit :
— Vous êtes monsieur un tel ?
— Oui, monsieur.
— Vous avez deux fils ; où sont-ils ?
— L’un est à X…, l’autre a eu des malheurs : il est à la Grande-Roquette.
— C’est de sa part que je viens vous voir… Une circonstance a voulu que je le voie ce matin.
— Ce matin. Est-ce donc vrai ce qu’on me disait à l’instant, qu’on les a expédiés tous les deux ?
— Mon ami, si vous voulez dire par là que votre enfant a payé ce matin sa dette à la justice humaine, c’est vrai.
(Simon Levral)
Ils sont là des milliers dans leurs laboratoires,
Couverts par des brevets de chimistes notoires,
Qui cherchent au grand jour, hommes intelligents,
Le moyen le plus sûr d’expédier les gens.
(Paul Nagour)
Expert
Delvau, 1866 : s. m. Officier de loge, — dans l’argot des francs-maçons.
France, 1907 : Officier de loge maçonnique chargé de s’assurer si les visiteurs qui se présentent sont réellement francs-maçons.
Exploits
Delvau, 1864 : Non ceux de Mars, dont nous ne nous occupons pas, mais ceux de l’amour. — C’est le nombre de fois que l’on a obtenu dans la même nuit ou journée les faveurs d’une femme.
Mais six exploits mirent bas le gendarme.
(Piron)
L’on courut voir avec une lumière, s’il ne lui était point arrivé quelque malheur, et on le trouva tombé sur le carme qui exploitait la nourrice au pied d’un escalier.
(Le Compère Mathieu)
Tant bien exploite autour de la donzelle
Qu’il en naquit une fille si belle.
(La Fontaine)
Un cordelier exploitait gente nonne,
Qui paraissait du cas se soucier.
(Grécourt)
Et s’exploitant de grand courage,
Ah ! que je fais là de cocus !
(Piron)
Expulser un locataire gênant
Virmaître, 1894 : Péter (Argot du peuple).
Exterminer
d’Hautel, 1808 : Que le diable t’extermine. Imprécation que l’on fait lorsqu’on est en colère.
Extinction de chaleur naturelle (jusqu’à)
Rigaud, 1881 : Tant que les forces le permettront, jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus. Faire la noce jusqu’à extinction de chaleur naturelle. Boire jusqu’à extinction de chaleur naturelle.
Extra
Larchey, 1865 : Repas plus soigné qu’à l’ordinaire.
Je crois qu’on peut bien se permettre un petit extra une fois par mois.
(Canler)
Aux tables d’officiers, un extra est un invité. — Dans un café ou un restaurant on appelle un extra, soit un plat demandé en dehors de la carte, soit un garçon de supplément qui vient aider au service.
Delvau, 1866 : s. m. Convive, — dans l’argot des tables d’hôte militaires.
Delvau, 1866 : s. m. Dîner fin, — dans l’argot des bourgeois qui traitent.
Delvau, 1866 : s. m. Garçon de supplément, — dans l’argot des cafés et des restaurants.
Delvau, 1866 : s. m. Petite débauche supplémentaire, — dans l’argot du peuple. Faire un extra. Faire une petite noce, une petite débauche de table.
Signifie aussi, seulement : Ajouter un plat à un repas trop Spartiate, un demi-setier à un déjeuner composé de pommes de terre frites, etc.
France, 1907 : Garçon de restaurant supplémentaire, dans les moments de presse. Se dit aussi pour plat, dans les restaurants, demandé en dehors de ceux auxquels le consommateur a droit.
France, 1907 : Invité à une pension militaire, et, par suite, plat ajouté à l’ordinaire et petite débauche qui s’en suit.
Le couvert était dressé. Plusieurs convives avaient été invités. C’était un extra pour fêter la proclamation de la République.
(Sutter Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Extra avec une femme (prendre de l’)
France, 1907 : Manière de faire l’amour fort appréciée des Orientaux ; ce que les Romains appelaient sacrifier à Venus aversa.
Extra muros
France, 1907 : Hors des murs. Latinisme.
Au Versailles extra muros de la noblesse a succédé le Versailles parisien des banquiers, la ville opulente, si dangereusement opulente, encerclée dans sa misère, comme une jolie main dans l’horrible menotte de fer.
Plus de rapport entre ces deux mondes de laborieux pauvres et de jouisseurs indifférents. Seules les révolutions les rapprochent… à une portée de fusil.
(Gonzague Privat)
Extra, garçon d’extra
Rigaud, 1881 : Garçon que les restaurateurs, et, principalement, les restaurateurs de la banlieue, s’adjoignent le dimanche. Les garçons d’extra n’ont que les pourboires. La plupart du temps ils doivent se contenter, pour nourriture, de la desserte de leurs clients et, pour boisson, des fonds de bouteille. Un extra qui connaît son métier, s’entend avec le chef afin de donner des portions copieuses. Il y en a qui maquillent la carte à payer avec autant d’art que le plus habile des grecs les cartes à jouer.
Extrait de garni
Rigaud, 1881 : Sale individu, sale femme, — dans le jargon des barrières. Allusion à la vermine des hôtels garnis de dernier ordre.
France, 1907 : Servante malpropre, souillon.
— Parbleu ! Je me souviendrai toujours de cette gamine à la prunelle luisante, de cet extrait de garni, qui répandait autour d’elle des parfums âcres et sadiques. C’est mon premier amour, et cela devait être. Elle avait quatorze ans. Ne vous effarouchez pas, pudiques vieilles demoiselles, pères La Pudeur ramollis, puritains farouches et imbéciles philistins ! Je n’en avais que treize. Elle sortit vierge de nos entretiens. Si j’eusse eu vingt ans de plus, ce malheur ne fût pas arrivé !
(Hector France)
Extravagant
Fustier, 1889 : Verre de bière d’une capacité plus qu’ordinaire.
France, 1907 : Grand verre de bière ; ce que les Allemands appellent vidercome, le hanap enfin. Quand on en a bu une demi-douzaine, on est capable, en effet, de toutes les extravagances.
Extrême-onction
France, 1907 : Indemnité de retour que la ferme des jeux de Monte-Carlo donne aux joueurs qui ont laissé sur le tapis leur dernier écu. On dit aussi viatique.
Ézerber
France, 1907 : Sarcler ; corruption d’éherber.
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