France, 1907 : Jugeotte, secs commun. Avoir du G G, n’être pas une bête.
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G
France, 1907 : Jugeotte, secs commun. Avoir du G G, n’être pas une bête.
G (la cote)
Rigaud, 1881 : Objets insignifiants qu’un clerc de notaire s’approprie pendant les inventaires. (Littré.) — G pour j’ai, — dans le jargon de MM. les clercs, amis du calembour.
G. D. G.
Delvau, 1866 : Phrase ironique qu’emploient fréquemment les faubouriens, qui dédaignent d’en dire plus long, affectant de n’en pas savoir davantage. Avec ou sans g, d. g. ? disent-ils souvent, à propos des moindres choses. Il est inutile d’ajouter que ce sans g. d. g. est l’abréviation de sans garantie du gouvernement.
G. G.
Delvau, 1866 : s. m. Bon sens, jugeotte. Avoir du g.-g. N’être pas un imbécile.
Gabahoter
Delvau, 1864 : Gamahucher une femme.
Et s’il ne me suffit pas de gabahoter,
Je greluchonne alors aussi, sans hésiter.
(L. Protat)
Gabari
Virmaître, 1894 : Perdre au jeu, jargon des ouvriers de fer. L. L. Le gabari est une plaque de tôle ou de zinc taillée sur un modèle donné pour que l’ouvrier mécanicien ou menuisier puisse confectionner exactement sa pièce. Avant l’invention de la machine à diviser, une roue d’engrenage ne pouvait être juste sans le secours du gabari pour aligner les dents (Argot des ouvriers). N.
Gabari (passer au)
Rigaud, 1881 : Perdre, perdre au jeu, être vaincu, — dans le jargon des ouvriers du fer. Avoir passé un camaro au gabari, avoir gagné une partie de cartes à un camarade.
France, 1907 : Perdre au Jeu ; de l’italien gabarre, se moquer, berner. Celui qui perd est berné. Gaberie, en vieux français, fraude.
Gabarit
France, 1907 : Poitrine ; argot des marins.
— J’aime pas bien son gabarit sans bossoirs. Elle a plutôt l’air d’un moussaillon que d’autre chose.
(Jean Richepin, La Glu)
Gabatine
d’Hautel, 1808 : Fourberie ; subtilité ; menterie ; phrases flatteuses et galantes ; cajoleries.
Donner de la gabatine. Pour dire, tromper quelqu’un ; chercher à lui en faire accroire.
Delvau, 1866 : s. f. Plaisanterie, — dans l’argot du peuple, héritier des anciens gabeurs, dont il a lu les prouesses dans les romans de chevalerie de la Bibliothèque Bleue. Donner de la gabatine. Se moquer de quelqu’un, le faire aller, en s’en moquant.
Rigaud, 1881 : Raillerie, plaisanterie, tromperie ; vieux mot français.
La gabatine est franche et la ruse subtile.
(Le Docteur amoureux, comédie)
Il est vrai, notre nation
Donne souvent la gabatine.
(Scarron. Poésies)
Galans fiéfés, donneurs de gabatine.
(Deshouillères)
La Rue, 1894 : Raillerie.
France, 1907 : Raillerie, plaisanterie ; du vieux français gabe, farce. Donner de la gabatine, railler, tromper.
Gabegie
d’Hautel, 1808 : Micmac ; intrigue ; manigance ; pratique secrète ; mauvais dessein.
Il y a la-dessous de la gabegie. Pour dire quelque chose qui n’est pas naturel ; quelque manège.
Larchey, 1865 : Mauvais dessein. De l’ancien mot gaberie : tromperie. V Roquefort.
Assurément, il y a de la gabegie là-dessous.
(Deslys)
Delvau, 1866 : s. f. Fraude, tromperie. Est-ce un souvenir de la gabelle, ou une conséquence du verbe se gaber ?
Rigaud, 1881 : Fraude ; cachotterie.
La Rue, 1894 : Fraude, cachotterie.
France, 1907 : Fraude, tromperie : du viens mot gaberie, même sens.
On ne sauvera l’institution parlementaire qu’en l’appliquant d’une façon nouvelle, avec un personnel renouvelé. Ce ne sont pas quelques misérables gabegies qui sont dangereuses en soi : c’est le système lui-même, qui fait de la division des pouvoirs, dans la pratique, un mot vide de sens. Si on ne peut pas toucher par la base à l’électorat, il est devenu indispensable d’en limiter les effets, et de réduire les députés à servir le pays, non à rendre service à des électeurs.
(Nestor, Gil Blas)
Sa force l’avait matée : mais elle y opposa ses gabegies de femme. Toute la journée du lendemain, elle demeura au lit, jouant les douleurs de l’avortement, la main sur son ventre. Alors une frousse le prit de la voir accoucher avant terme.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Gabelle
d’Hautel, 1808 : Frauder la gabelle. Voy. Frauder.
Gabelou
Larchey, 1865 : Employé des contributions indirectes. — Du vieux mot gabloux : officier de gabelle. V. Roquefort.
Bras-Rouge est contrebandier… il s’en vante au nez des gabelous.
(E. Sue)
Delvau, 1866 : s. m. Employé de l’octroi, le Gabellier de nos pères.
La Rue, 1894 : Douanier ou employé d’octroi.
France, 1907 : Employé de l’octroi ou de la douane ; du vieux mot français gabelle.
Un gabelou ! dix-sept degrés plus bas qu’un chien ; passé en proverbe chez les contrebandiers à l’endroit des gardes-côtes.
(Ch. Rouget)
Pendant le siège de Paris, les gabelous étaient armés et montaient la garde concurremment avec des soldats.
(Sutter-Laumann)
Gaber
France, 1907 : Moquer, railler ; du bas allemand gabb, raillerie, ou de l’italien gabba.
Gabian
France, 1907 : Mouette, dans l’argot des matelots du Midi.
Comment en vînmes-nous à parler d’Apulée ?
Ce fut, oui ! je me le rappelle, à propos de cet oiseau blanc que l’on voit se jouer sur la crête des flots, et que l’auteur de l’Âne d’or nommait gabian, comme le nomment, encore aujourd’hui, les matelots de nos contrées.
(Paul Arène)
Gabier volant
France, 1907 : Matelot employé dans les arsenaux maritimes.
Il est toutefois des ateliers qui font exception, et dont les ouvriers possèdent des idées bien arrêtées sur leurs devoirs et même une instruction assez étendue : ainsi l’artillerie, les boussoles, la sculpture, les modèles occupent des hommes fort au-dessus de la masse, et quelquefois très distingués sous tous les rapports. Enfin, beaucoup de vieux matelots, sous le nom de gabiers volants, sont compris dans la catégorie des ouvriers ; ils sont employés à bord des navires en commission, aident aux travaux d’armement, ou confectionnent le gréement dans les magasins de la garniture. Ceux-là ne perdent point leur caractère primitif, ils restaient ce qu’ils ont toujours été depuis leur temps de mousse.
(G. de La Landelle)
Gâchage
Rigaud, 1881 : Désordre, gaspillage. — Gâcheuse, gaspilleuse.
France, 1907 : Gaspillage.
Gâcher
d’Hautel, 1808 : Au propre détremper du plâtre. Au figuré, travailler malproprement ; bousiller.
Un ouvrage gâché. C’est-à-dire, bousillé, fait à la hâte, sans soins, sans précaution.
Delvau, 1866 : v. n. Se dit à propos du mauvais temps, de la boue et de la neige qui rendent les rues impraticables. Cependant, au lieu de Il gâche, on dit plus fréquemment : Il fait gâcheux ou il fait du gâchis.
Gâcher du gros
Delvau, 1866 : v. a. Levare ventris onus.
Rigaud, 1881 : Sacrifier à la compagnie Lesage.
Virmaître, 1894 : Aller pisser comme les poules. Allusion aux maçons qui mangent énormément et qui font de même (Argot du peuple).
France, 1907 : Faire ses besoins.
L’aqua-fortiste B… devient amoureux d’une grosse servante d’auberge, super gouge d’ailleurs, en la voyant gâcher du gros.
Gâcher serré
Rigaud, 1881 : Travailler avec ardeur ; terme emprunté aux maçons.
France, 1907 : Travailler avec ardeur.
Gachette (appuyer sur la)
Merlin, 1888 : Mettre les points sur les i.
Gâcheur
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne, dans tout état, à un mauvais ouvrier ; c’est aussi dans quelques métiers le nom qui distingue celui qui dirige les ouvriers.
Delvau, 1866 : adj. et s. Écrivain médiocre, qui gâche les plus beaux sujets d’articles ou de livres par son inhabileté ou la pauvreté de son style. Argot des gens de lettres.
Virmaître, 1894 : Le président de la Cour d’assises. Quand il condamne, il gâche la vie des gens (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Compagnon charpentier.
France, 1907 : Mauvais écrivain.
France, 1907 : Président de cour d’assises.
Gâcheuse
Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille du monde de la galanterie, qui ne connaît le prix de rien excepté celui de ses charmes.
France, 1907 : Mauvaise ménagère.
Gâchifouilli
France, 1907 : Même sens que gâchis avec aggravation.
… Ce que le Père Bossuet appelle les « variations » et ce que nous nommons, nous autres. « révolutions, chabardement, gâchifouillis et leçons de la Providence » selon les styles.
(Émile Bergerat)
Gâchis
d’Hautel, 1808 : Plusieurs choses brouillées ensemble ; saleté, vilenies répandues dans quelqu’endroit ; perplexité, embarras.
Le voilà dans un beau gâchis. Se dit d’un homme qui s’est mis dans un grand embarras, ou dans un état honteux.
Delvau, 1866 : s. m. Embarras politique ou financier. Il y aura du gâchis. On fera des barricades, on se battra.
France, 1907 : Désordre.
Gadelle
France, 1907 : Groseille rouge.
Gadellier
France, 1907 : Groseillier à fruits rouges.
Gadille
France, 1907 : Rouge-gorge.
Gadin
Delvau, 1866 : s. m. Bouchon, — dans l’argot des voyous. Flancher au gadin. Jouer au bouchon.
Delvau, 1866 : s. m. Vieux chapeau qui tombe en loques. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Bouchon, — dans l’ancien argot.
Rigaud, 1881 : Chapeau délabré, chapeau qui arbore des tons roux.
Rigaud, 1881 : Soulier ; abréviation de rigadin.
La Rue, 1894 : Bouchon. Chapeau usé. Soulier.
Virmaître, 1894 : Vieux chapeau. L. L. Le gadin est un bouchon. Le jeu qui consiste à abattre le bouchon chargé de gros sous se nomme gadiner. Il y a plus de cinquante ans que cette expression est populaire (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Bouchon. Une personne qui tombe ramasse un gadin.
France, 1907 : Vieux chapeau, vieux soulier, bouchon. Flancher au gadin, jouer au bouchon.
Gadouan
Delvau, 1866 : s. m. Garde national de la banlieue, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Garde national de la banlieue dont la tenue et la propreté laissaient généralement à désirer.
Gadouard
France, 1907 : Conducteur des gadoues ou voitures d’immondices.
Gadoue
Larchey, 1865 : Sale femme. — Du vieux mot gadoue : ordure, fumier.
Fils, mon fiston, roule ta gadoue, mon homme, ça pue.
(Cat. poissard, 1844)
Rouler veut dire ici Mener plus loin.
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens, sans pitié pour les ordures morales.
Delvau, 1866 : s. f. Immondices des rues de Paris, qui servent à faire pousser les fraises et les violettes des jardiniers de la banlieue. D’où l’on a fait Gadouard, pour Conducteur des voitures de boue.
Rigaud, 1881 : Sale femme. Mot à mot : femme qui se traîne dans la gadoue, la boue.
Rossignol, 1901 : Femme de rien, rouleuse.
France, 1907 : Prostituée, du vieux mot gadoue, ordure, dérivé de l’allemand godau, jus de fumier.
— Sentez-vous cette odeur nauséabonde qu’elle exhale ? C’est un mélange d’absinthe et de puanteur de gadoue, son parfum habituel à cette fille. Elle est jeune encore, trente ans à peine. À travers ses lèvres lippues et baveuses, on aperçoit d’assez belles dents. Elle a dû être jolie.
(G. Macé, Un Joli Monde)
Cette fille avait le mot dur, l’attaque brusque, et la riposte insolente. Elle en avait vu de toutes les couleurs, et dans la crudité de son langage elle disait en parlant d’elle, et en faisant allusion à l’affreux métier de sa Jeunesse : « Je suis une vieille gadoue. »
(Louis Davyl, 13, rue Magloire)
Gadouille
France, 1907 : Sot, dupe.
Gadoule
France, 1907 : On appelle ainsi un supplice fort en usage chez les pirates du Tonkin et qu’ont subi nombre de nos malheureux soldats pris par l’ennemi. On applique au patient un chiffre déterminé de coups de lanière et sur les plaies saignantes on verse du fiel.
Gadzart
France, 1907 : Élève des arts et métiers ; abréviation de gas-des-arts.
Nous étions une soixantaine d’élèves, jeunes et vieux, résidant au Creusot ; nous convoquâmes les camarades des villes et des départements voisins, et, au jour dit, nous festoyâmes joyeusement au nombre de quatre-vingts, ni hommes ni femmes, comme dit l’Auvergnat, tous gadzarts.
Déjà du vieux Creusot la grande cheminée
Des gaz et des vapeurs vers le soir s’éclairait ;
La cloche avait sonné la fin de la journée,
Et chacun au logis pour souper accourait…
Déjà se dispersait la foule industrieuse,
Contente d’aller reposer,
Quand près de l’escalier, sur la terre boueuse,
Un groupe se mit à causer.
C’étaient de bons soldats, soldats de l’industrie,
Aux visages loyaux, pleins de cordialité,
Ils se réunissaient pour boire à la Patrie,
À la science, aux arts, à la Fraternité,
Et quelque temps après, au bruit d’une rasade
D’un vieux vin velouté,
Un soldat se leva pour chanter sa ballade,
En disant : Chers Gadzarts, écoutez !
(R. Roos)
Gaf
Bras-de-Fer, 1829 : Guet.
Gafe
Larchey, 1865 : Soldat de service. — Gafe de sorgue : Patrouille. — Gafer : Guetter. — Gafeur : Sentinelle (Vidocq). — Est-ce une acception figurée du vieux mot gafe : crochet ? — Gafer serait mot à mot accrocher (V. ce mot) les malfaiteurs. C’est une image analogue à celle que présente la raclette. V. ce mot.
Gâfe
Hayard, 1907 : Geôlier, gardien de prison, chiourme.
Gâfe (faire le)
Hayard, 1907 : Faire le guet.
Gâfe à gail
Hayard, 1907 : Garde à cheval.
Gafe à gayé
Vidocq, 1837 : s. f. — Gendarmerie ou garde municipale à cheval.
Gafe de sorgue
Vidocq, 1837 : s. m. — Gardien de marché, patrouille grise.
Gâfe de sorgue
Hayard, 1907 : Garde de nuit.
Gafe, gaffe
France, 1907 : Factionnaire, surveillant de prison, gardien, agent de police.
Les gaffes ont la vie dure. Ils tombent sur leurs pattes comme des chats.
(Mémoires de M. Claude)
Ce mot vient du bâton à crochet qui sert à happer ou harponner.
Être en gaffe, rester en gaffe, faire le guet.
Nous étions restés en gaffe afin de donner l’éveil en cas d’alerte.
(Vidocq)
Grivier de gaffe, soldat de garde.
Voir la terre au bout d’une gaffe, rester à bord. Monter une gaffe, tromper.
Gafer
Vidocq, 1837 : v. a. — Guetter, être en faction.
Gafer, gaffer
France, 1907 : Guetter, surveiller, ou simplement voir. Gaffer la mirette, ouvrir l’œil ; gaffer du riff, surveiller avec attention.
Gâferie
Hayard, 1907 : Les gardes-chiourmes.
Gafeur
Vidocq, 1837 : s. f. — Sentinelle, guetteur.
Gaff
Ansiaume, 1821 : Sentinelle.
En entrant en vergue le gaff m’a fait tomber.
un détenu, 1846 : Gardien, surveillant, vedette.
Fustier, 1889 : Gardien de la paix en bourgeois. V. plus bas Guignol.
Gaff (faire le)
Ansiaume, 1821 : guetter.
Veux-tu que je te dise ? Il n’est bon qu’à faire le gaff.
Gaffe
Clémens, 1840 : Celui qui fait le guet.
Delvau, 1866 : s. f. Bouche, langue, — dans l’argot des ouvriers. Se dit aussi pour action, parole maladroite, à contretemps. Coup de gaffe. Criaillerie.
Delvau, 1866 : s. f. Les représentants de l’autorité en général, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent probablement leur gaflach (épée, dard). Être en gaffe. Monter une faction ; faire sentinelle ou faire le guet.
Delvau, 1866 : s. m. Gardien de cimetière, — dans l’argot des marbriers.
Delvau, 1866 : s. m. Représentant de l’autorité en particulier. Gaffe à gail. Garde municipal à cheval ; gendarme. Gaffe de sorgue. Gardien de marché ; patrouille grise. On dit aussi Gaffeur.
Rigaud, 1881 : « Cette main est terrible, c’est-à-dire dans l’argot significatif du jeu, une vraie gaffe ! » (A. Cavaillé.) Elle tire tout l’argent des pontes vers le banquier comme ferait une gaffe.
Rigaud, 1881 : Balourdise. Faire gaffe sur gaffe.
Rigaud, 1881 : Patrouille ; gardien, guichetier. — Gaffe des machabées, gardien de cimetière. — Gaffe à gayet, garde municipal à cheval. — Gaffe de sorgue, gardien de nuit dans un marché. — Être en gaffe, être en faction.
La Rue, 1894 : Balourdise. Gardien. Surveillance. Guet. Bouche, langue.
Virmaître, 1894 : Faire le guet pour avertir des complices de l’arrivée de la rousse ou des passants qui pourraient les déranger (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Faire ou dire une maladresse. Prendre la main de son ami, dessous la table, croyant prendre celle de sa femme, c’est faire une gaffe.
Rossignol, 1901 : Gardien de prison.
Hayard, 1907 : Dire ou faire une bêtise.
France, 1907 : Bouche, langue ; corruption du vieux mot gave. Coup de gaffe, criaillierie. Avaler sa gaffe, mourir.
France, 1907 : Grande fille sèche et maigre. Allusion au harpon appelé gaffe.
… Une grande gaffe chaude, à nez de perroquet, qui n’avait pas trouvé à se marier malgré ses folles envies d’homme, et que les lurons s’amusaient à leurrer de promesses, la pinçant au gras des côtes, toute rouge et les paupières battantes.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
France, 1907 : Maladresse, balourdise, bévue. Faire une gaffe, commettre une maladresse.
Mme Ledouillard. — Mon mari… j’adore mon mari ; c’est extraordinaire, mais c’est comme ça. Et puis, quand par hasard j’ai envie de le tromper, je me dis : Mon Dieu ! si ça allait ne pas être meilleur, ou même moins bien, c’est ça qui serait une gaffe !
(Maurice Donnay, Chère Madame)
La gaffe, ou impair, est certainement une source innocente de rire dont la littérature actuelle a tiré l’effet comique le plus nouveau. Alfred de Musset, que Deschanel n’aime point, doit à l’étude de la gaffe un de ses plus jolis ouvrages, ce délicieux proverbe : On ne saurait songer à tout, que la Comédie-Française ne joue jamais, naturellement.
(Émile Bergerat)
Aux uns et aux autres, la réclame offerte par l’interview ne déplait pourtant pas outre mesure ; mais ils sont gênés par la brusquerie de l’interrogatoire. Les prudents craignent de faire une gaffe et les prophètes se méfient de l’improvisation. Car nous n’avons plus que de faux prophètes, sans délire sacré, des sibylles, pas bien solides sur le trépied.
(François Coppée)
À propos, dis donc à ton frère
De ne pas mettre, en m’écrivant,
Eros, le gosse de Cythère,
Avec un h en commençant.
Alors, pour réparer la gaffe,
Il en met un dans le mot cœur !
Je crois qu’au jeu de l’orthographe
Il ne sort pas souvent vainqueur.
(Jacques Rédelsperger)
Gaffe (en commettre une)
Virmaître, 1894 : Dire ou faire une bêtise, parler trop et à côté (Argot du peuple).
Gaffe à gail
France, 1907 : Gendarme à cheval, garde municipal.
Gaffe de sorgue
Virmaître, 1894 : Gardien de marché ou surveillant de maisons en construction. Autrefois, c’étaient des invalides qui remplissaient ces fonctions (Argot des voleurs).
France, 1907 : Gardien de nuit.
Gaffe des macchabées
France, 1907 : Gardien de cimetière ou de la Morgue.
Gaffer
Delvau, 1866 : v. a. et n. Surveiller.
Fustier, 1889 : Commettre des fautes, des sottises.
La Rue, 1894 : Regarder, surveiller, guetter.
Rossignol, 1901 : Faire le guet.
France, 1907 : Attendre.
Il fallait faire gaffer un roulant pour y planquer les paccins.
(Vidocq)
Gaffer, faire gaffe
Rigaud, 1881 : Surveiller. — Gaffer la mirette, ouvrir l’œil.
Gaffeur
Virmaître, 1894 : Qui commet des gaffes. Il y en a de célèbres, par exemple, dire au maître de la maison dans laquelle on est invité :
— Qui est donc cette vilaine bossue qui fait tant de grimaces.
— Monsieur, c’est ma femme (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Celui qui fait des gaffes.
France, 1907 : Éclaireur, homme aux aguets.
Gaffeur, euse
Fustier, 1889 : Du verbe argotique gaffer, commettre des impairs.
J’en connais (une femme) une qui est fort jolie, et qui possède un salon fort convenablement fréquenté… Un peu gaffeuse, par exemple.
(Charivari, avril 1887)
Gaffeur, gaffeur de braise
Rigaud, 1881 : Caissier, — dans le jargon des voleurs. Mot à mot : celui qui garde l’argent.
Gaffeur, gaffeuse
France, 1907 : Maladroit qui commet des impairs ou dit des grossièretés sans s’en douter.
Paloignon est invité à dîner. À un moment du repas, le maître de la maison regarde à droite et à gauche, paraissant impatienté.
— Vous cherchez quelque chose ? demande Paloignon d’un ton aimable.
— Oui, je cherche les cornichons.
— Ah ! c’est cela… aussi je voyais bien que vous n’étiez pas dans votre assiette.
Nous sommes, en histoire du moins, très épris de vérité aujourd’hui ; et c’est une tendance caractéristique de notre époque que de tâcher de rétablir les choses telles qu’elles furent exactement. Le pauvre Latude lui-même n’a pas échappé à ce souci de débarrasser de la part de roman les physionomies légendaires. Il reste un être fort pitoyable, dont les âmes sensibles peuvent toujours déplorer les malheurs. Mais le terrible Gascon qui était en lui apparait aussi, à la lumière des recherches, et semble un peu, s’il est permis d’employer cette expression très contemporaine, un entêté gaffeur qui fut, on peut l’avancer, son pire ennemi.
(Paul Ginisty, Causerie littéraire)
Gaffier
Clémens, 1840 : Gardien.
Rigaud, 1881 : Voleur qui rôde aux halles centrales pour faire récolte de porte-monnaie dans la poche des ménagères et des bonnes.
Fustier, 1889 : Synonyme de l’argot gaffur.
Lucien D…, soixante ans, député de la Seine-Inférieure, terriblement maladroit ; réputation méritée de gaffier.
(Bataille, nov. 1885)
Gaffeur est beaucoup plus usité.
France, 1907 : Filou.
France, 1907 : Surveillant, gardien de prison.
Gaffiller
La Rue, 1894 : Faire attention. Gaffille ! Guette.
Gaffre
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Gardien. Gaffre de garuche, gardien de prison.
Halbert, 1849 : Gardien de prison.
Gafille !
France, 1907 : Attention !
Gafiller
Fustier, 1889 : Écouter attentivement ; prêter attention à… Argot des rôdeurs.
France, 1907 : Faire attention, surveiller.
Gaga
Delvau, 1866 : s. m. Gâteau, — dans l’argot des enfants, qui, de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, emploient à leur insu l’allitération, l’aphérèse et l’apocope. Ouf !
Rigaud, 1881 : Pour gâteux, crétin. — Tiens ! Amanda et son gaga.
France, 1907 : Gâteux.
M. Dubut de Laforest a été condamné, par des magistrats atteints de bérengerisme, à deux mois de prison et 3,000 francs d’amende pour un livre longuement et sérieusement travaillé, intitulé : Le Gaga, œuvre scientifique et étude de pathologie.
Le Gaga est tout autant un ouvrage de science qu’un roman, dans le sens ordinaire du mot. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la place qu’y occupent l’histoire de la maladie, les pages consacrées à l’histoire de la décadence romaine ; les récits touchant les incubes et les succubes, les observations purement médicales et relatives aux névropathes, aux gâteux, aux satyrisiaques.
(Dubut de Laforest)
— Comme il me suffirait d’un mot, pensa Mme Michaud, pour réveiller tes souvenirs, mon pauvre gaga ! Quel âge peut-il avoir ? Il doit être vieux, vieux, et il a été ministre, ce brave maréchal ? Dans ces conditions-là, il est bien permis de perdre la tête, mais il n’est guère permis de courir après des fillettes.
(Edgar Monteil, La Jambe)
Gaga, gagace
France, 1907 : Stéphanois, Stéphanoise. C’est ainsi que se désignent entre eux les habitants de Saint-Étienne, sans d’ailleurs attacher à ce nom une signification injurieuse. Parler gaga, parler le patois de Saint-Étienne. C’était, d’abord, le nom donné aux houilleurs et aux forgerons qui s’est étendu ensuite à tous les habitants de la localité.
Gagatisme
France, 1907 : État du gaga.
Le roman tend à devenir charcotique ; tout écrivain, avide de succès immédiat, de plus d’argent que de gloire, choisit pour collaborateur le médecin spécialiste : ça s’appelle le roman scientifique. C’est en général plus mortellement ennuyeux que les aventures de La Calprenède et c’est aussi dégoûtant que les planches d’anatomie. C’est le gagatisme littéraire.
(Caribert, Paris)
Gage
d’Hautel, 1808 : Casser aux gages. Voyez Casser.
Halbert, 1849 : Cheval.
Gagel
France, 1907 : Geai.
Gager
d’Hautel, 1808 : Je gagerois ma tête à couper. Affirmation folle et extravagante, pour dire qu’on est très-sûr de ce que l’on avance.
Gagne-pain
d’Hautel, 1808 : Instrument, ou le métier avec lequel chacun gagne sa vie.
Gagne-petit
d’Hautel, 1808 : Surnom que l’on donne à un artisan ambulant, et notamment aux émouleurs de couteaux, de ciseaux, qui vont de maison en maison avec une meule sur le dos.
Gagner
d’Hautel, 1808 : Gagner la porte ; gagner les champs. Pour s’esquiver ; s’en aller ; décamper.
N’est pas marchand qui toujours gagne. Signifie que le commerce a ses vicissitudes ; que tous les jours n’apportent pas également du bénéfice.
Crier ville gagnée. Se glorifier à haute voix d’un avantage que l’on a remporté.
On leur a bien fait gagner leur avoine. Se dit des hommes ou des animaux que l’on a bien fait travailler.
Gagner des mille et des cents
Delvau, 1866 : v. a. Gagner beaucoup d’argent, — dans l’argot des bourgeois.
Gagner le gros lot
Virmaître, 1894 : C’est assez extraordinaire de ne pas mettre à une loterie et d’avoir cette chance. Ce gros lot se gagne sans billet.
La garde qui veille aux barrières du Louvre
N’en défend pas les rois.
On dit aussi : je suis assaisonné (Argot du peuple). V. Quinte, quatorze et le point.
Gagui
d’Hautel, 1808 : Une grosse gagui. Nom que l’on donne par dérision à une fille ou femme qui a beaucoup d’embonpoint, et qui fait l’enjouée, la résolue.
France, 1907 : Maritorne, grosse commère réjouie.
Je suis mon conducteur sans me faire prier ;
Nous enfilons un sombre et petit escalier ;
Nous arrivons tous deux dans un troisième étage :
J’y trouve deux gaguis d’un assez beau visage,
Qui me font en entrant force civilités ;
Louis sont partagés aussi-tôt qu’aportés.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Lui, cependant, ne disait rien de ses projets, placide, un peu sournois, l’ayant prise par besoin d’une jolie fille et par goût de sa saine jeunesse épanouie comme une plante rare parmi les gaguis épaisses et les graisseuses souillons où les autres cherchaient leurs maîtresses.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Gaguie
Delvau, 1866 : s. f. Bonne commère d’autant d’embonpoint que de gaieté. Argot du peuple.
Gahete
France, 1907 : Femme qui conçoit vite, qui devient rapidement enceinte, comme les Allemandes et les Anglaises ; du béarnais gahent, qui prend, qui se colle, gluant, visqueux.
Gahisto
Rigaud, 1881 : Diable, — dans l’ancien argot, du basque gaiztoa, mauvais.
Gai
Rigaud, 1881 : Légèrement gris. Mot à mot : mis en gaieté par la boisson.
Gai (être)
Larchey, 1865 : Montrer une gaîté due à un léger excès de boisson.
Delvau, 1866 : Avoir un commencement d’ivresse, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi Être en gaieté.
France, 1907 : Commencer à se promener dans les vignes du Seigneur.
Gail
Ansiaume, 1821 : v. Gayet.
un détenu, 1846 : Cheval.
Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot des souteneurs de filles et des maquignons. Quelques Bescherelle de Poissy veulent qu’on écrive gaye et d’autres gayet.
Boutmy, 1883 : s. m. Cheval.
Hayard, 1907 : Cheval.
Gail, gaillière
anon., 1907 : Cheval, jument.
Gail, gayet
Rigaud, 1881 : Cheval, — dans l’ancien argot. Remis en circulation depuis quelque temps, principalement par les maquignons.
France, 1907 : Cheval ; du vieux français galier.
Gail, gayet, gaillon
La Rue, 1894 : Cheval.
Gaillard à trois brins
France, 1907 : Vieux matelot, loup de mer.
J’ai travaillé, mangé, gagné mon pain parmi
Des gaillards à trois brins qui me traitaient de mousse.
(Jean Richepin, La Mer)
Gaillard d’arrière
France, 1907 : Derrière.
Un sultan, s’ennuyant, dit un matin à sou bouffon :
— Il faut, sous peine de décapitation, qu’avant la fin du jour tu me fasses la plus grande injure qu’on puisse faire à un sultan, et qu’aussitôt tu trouves, pour ton excuse, une injure plus grande encore.
Le fol, qui tenait à sa tête, comme sa tête tenait à lui, ne la perdit pas.
Il laisse tomber vigoureusement sa main sur le gaillard d’arrière du tyran turc.
Puis :
— Mille pardons, maître, je croyais taper sur celui de la sultane.
(Le Grelot)
Gaillarde
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme à qui les gros mots ne font pas peur et qui se plaît mieux dans la compagnie des hommes que dans la société des femmes. Argot des bourgeois.
Gaillardes
Virmaître, 1894 : Joues (Argot des voleurs). V. Jaffles.
France, 1907 : Joues.
La grosse Stéphanie avait de belles gaillardes, mais je leur préférais son gaillard d’arrière.
(Les Propos du Commandeur)
Gaille
Clémens, 1840 : Cheval.
M.D., 1844 : Un cheval.
France, 1907 : Chèvre ; du patois lorrain.
Gaillon
Rigaud, 1881 : Cheval. C’est une forme nouvelle de gail, gaye. Les cochers de fiacre appellent leurs chevaux tantôt des gaillons, tantôt des canards.
France, 1907 : Cheval. Voir Gail.
Gaillonnerie
France, 1907 : Écurie.
Gailloterie
Ansiaume, 1821 : Écurie.
Il y a de bons gayets dans la gailloterie, hautochons sur un.
Gaitte
France, 1907 : Argent. Corruption de l’allemand geld, même sens.
Gajard
Virmaître, 1894 : Gros homme (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Homme robuste (pour gaillard).
France, 1907 : Gros homme.
Gala
Delvau, 1866 : s. m. Repas copieux, fête bourgeoise.
Galant
d’Hautel, 1808 : Mot équivoque et trivial qui se dit de quelqu’un qui a la gale.
Delvau, 1864 : Amant — d’une galanterie douteuse, souvent.
Elle a quatre galants,
Et de la préférence
Les flatte en même temps.
(Collé)
Galanterie
Delvau, 1864 : Maladie vénérienne.
Sur la fin de la quatrième année, je m’aperçus que la supérieure m’avait communiqué ce qu’on appelle une galanterie.
(Du Laurens)
Je suis un malheureux qui ne mérite pas
De posséder si tôt de si charmants appas.
Je suis dans un état…
— Achevez, Je vous prie :
Auriez-vous attrapé quelque galanterie ?
(Legrand)
Delvau, 1866 : s. f. Le mal de Naples, — depuis si longtemps acclimaté à Paris.
Galantiser
France, 1907 : Faire la cour, le galant.
Il avait la langue dorée et s’entendait à merveille à galantiser. La sauvage Mancienne écoutant, troublée, ces galanteries qu’elle prenait au sérieux et qui coulaient comme miel des lèvres souriantes de cet élégant garçon.
(André Theuriet)
Galants
France, 1907 : Bouffettes et nœuds de rubans que portaient, sous Henri III, les seigneurs de la cour, qui avaient pris cette mode des Espagnols comme l’indique le mot. Galan, joli, mignon, dérivé de gala, fête, resté dans notre langue.
Les nobles seuls avaient le droit de porter des palmes et des galants. Mais les riches bourgeois empiétèrent sur ce droit : ils préféraient payer une amende et se parer de l’attribut des gentilshommes. Ils exagérèrent même tellement la mode que le peuple créa à leur adresse le proverbe : « Quand on prend du galant, on n’en saurait trop prendre. » L’abus amena le ridicule, et les galants disparurent du vêtement civil ; ils furent recueillis par les soldats, qui s’en parèrent à leur tour. Ce fut alors que le mol espagnol galon, diminutif de galan, se substitua au mot galant. Il fit fortune chez nous, et le proverbe resta, avec une légère modification dans son sens primitif : il est probable qu’il vivra aussi longtemps qu’il y aura des hommes amoureux des distinctions extérieures, c’est-à-dire toujours.
(Ch. Ferrand)
Galapiat
Larchey, 1865 : Galopin. — Corruption du mot.
Il dit aux avocats : Vous êtes un tas de galapiats qui vous fichez du monde.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, voyou, — dans l’argot du peuple. On dit aussi : Galapiau, Galapian, Galopiau, qui sont autant de formes du mot Galopin.
Galapiat, galapiau
Rigaud, 1881 : Galopin, mauvais drôle, — dans le jargon du peuple.
Galbe
Delvau, 1866 : s. m. Physionomie, bon air, élégance, — dans l’argot des petites dames. Être truffé de galbe. Être à la dernière mode, ridicule ou non, — dans l’argot des gandins. Ils disent aussi Être pourri de chic.
France, 1907 : Élégance, bon air. Être truffé de galbe, être à la dernière mode.
Galbeux
Delvau, 1866 : adj. Qui a du chic, une désinvolture souverainement impertinente, — ou souverainement ridicule.
Rigaud, 1881 : Qui a du galbe, de l’élégance, — dans le jargon des peintres.
Rien ne vaut encore le bon gommeux disant, avec son accent à lui, du vaudeville qu’on vient de jouer : « C’est excessivement galbeux, tout ce qu’il y a de plus galbeux ! »
(Figaro du 5 nov. 1878)
Le mot galbeux, parti des ateliers d’artistes, est un mot qui a fait son chemin. Il est très fréquemment employé, non seulement par les gommeux, mais encore par les ouvriers.
Virmaître, 1894 : Avoir du galbe, posséder un visage correct et avenant. On dit d’une jolie fille :
— Elle est galbeuse.
Au superlatif : elle est truffée de galbe (Argot des filles).
Rossignol, 1901 : Être beau ou bien mis, c’est être galbeux.
Galbeux, galbeuse
France, 1907 : Personne mise à la dernière mode.
— Tu es très galbeux, Symphorien. Monte encore un peu ton pantalon, car on ne voit pas assez tes chevilles et tes élastiques ! La mode est aux élastiques.
(Dubut de Laforest, L’Homme de joie)
Le mot est employé adjectivement, dans le sens de bon, excellent.
Les cambrioleurs de notre époque n’ont plus ces galbeuses façons : ils sont trop égoïstes et ne s’attaquent pas assez aux riches. — aussi, y a pas à dire, ils sont mal vus du populo.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Comment cela finira-t-il ? — Oh ! ce n’est pas bien compliqué ; ça finira, comme toutes les sociétés décrépites, par un cataclysme qui démantibulera le vieux monde. Et de ces ruines sortir une société galbeuse où sera inconnu le vol, — légal ou illégal — où nul n’exploitera son voisin, où chacun turbinera à sa guise, ou personne n’aura intérêt à faire des mistoufles à son semblable.
(La Sociale, 1896)
Gale
d’Hautel, 1808 : La gale ni l’amour ne peuvent se cacher. Parce que ces deux maladies ont des signes visibles ; des indices certains.
Qui a la gale la gratte. Synonyme de qui se sent morveux se mouche.
Delvau, 1866 : s. f. Homme difficile à vivre, ou agaçant comme un acarus, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Teigne.
France, 1907 : Personne désagréable, acariâtre, méchante.
Georgette passait à juste titre pour une gale et elle avait entre les mains des liasses de lettres plus que compromettantes, de ces diablesses de lettres qui s’abattent un jour comme un paquet de mitraille dans un ménage heureux et y creusent d’irréparables brèches…
(R. Maizeroy)
Gale (mauvaise)
Rigaud, 1881 : Femme acariâtre, mauvaise langue.
Galefretier
d’Hautel, 1808 : Homme d’une basse extraction, sans aveu.
Galejade
France, 1907 : Plaisanterie ; de l’idiome provençal.
Dans cet almanach (l’Armana Marsihès), en effet, sous l’habile déguisement de contes joyeux, vers chanteurs et galejades, se dissimule la violente attaque du Midi contre le Nord.
Il n’est que temps de sévir contre ces fanatiques séparatistes.
(Le Journal)
Galer
d’Hautel, 1808 : Pour gratter.
Il ne fait que se galer. Se dit de celui qui éprouve de fréquentes démangeaisons, et qui se gratte continuellement.
Galère
d’Hautel, 1808 : C’est une véritable galère. Se dit d’une maison où l’on a beaucoup de peine, et peu de profits.
Vogue la galère ! Pour au jour le jour ; prenons le temps comme il vient ; abandonnons tout au hasard ; ne pensons point à l’avenir.
Galerie
d’Hautel, 1808 : Ce sont ses galeries. Se dit d’un homme qui hante souvent le même lieu ; qui va se promener toujours dans le même endroit.
Delvau, 1866 : s. f. La foule d’une place publique ou les habitués d’un café, d’un cabaret. Parler pour la galerie. Faire des effets oratoires ; — parler, non pour convaincre, mais pour être applaudi, — et encore, applaudi, non de ceux à qui l’on parle, mais de ceux à qui on ne devrait pas parler. Que de gens, de lettres ou d’autre chose, ont été et sont tous les jours victimes de leur préoccupation de la galerie ?
Boutmy, 1883 : s. f. Salle de composition, le plus ordinairement de forme rectangulaire. Les rangs sont placés perpendiculairement à chacun des grands côtés du rectangle. L’espace laissé libre au milieu est en partie occupé par les marbres.
Galérien
d’Hautel, 1808 : Il travaille comme un galérien. Pour il est très assidu à son travail, il est alerte, laborieux, infatigable.
Galérienne
Rigaud, 1881 : « Sous les sombres galeries qui bordent, au rez-de-chaussée, la salle de danse du Casino, se tiennent volontiers des femmes grasses et maquillées… On les appelle Galériennes, parce qu’elles font galerie. » (Ces Dames du Casino, 1862)
France, 1907 : « Sous les sombres galeries qui bordent, au rez-de-chaussée, la salle de danse du Casino, se tiennent, veloutées, des femmes grasses et maquillées.
On les a flagellées d’une épithète horrible, mais d’une implacable étymologie : on les appelle galériennes, parce qu’elles font galerie. Assises sur des banquettes obscures, elles attendent que l’insecte… pardon, que le visiteur imprudent se jette dans la toile de la séduction qu’elles ont tendue ! »
(Ces Dames du Casino, 1862)
Galetas
d’Hautel, 1808 : C’est un vrai galetas. Se dit par mépris d’une chambre mal en ordre, d’une maison mal tenue d’un tripot.
Galetouse
La Rue, 1894 : Gamelle.
Galettard
France, 1907 : Riche, qui a de la galette.
— Oh ! là, là ! Mais regardez-vous donc dans la glace. Sans être un Apollon, n’empêche que Jean vous fait encore rudement la pige à tous les trois. Et puis, il est moins gourde que vous, qui ne fichez rien de vos dix doigts.
— Parbleu ! il n’a pas le sou.
— La voilà bien, la grande raison. Parce que vous êtes très galettards, vous vous croyez des malins. La belle affaire ! Est-ce vous qui l’avez gagnée, votre belle galette ou bien vos papas ?
(Yvan Bouvier)
Galette
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme maladroit, dépourvu d’intelligence.
Larchey, 1865 : Homme nul et plat ; contre-épaulette portée autrefois par les soldats du centre.
Pour revêtir l’uniforme et les galettes de pousse-cailloux.
(La Bédollière)
Aux écoles militaires, une sortie galette est une sortie dont tous les élèves profitent, même ceux qui sont punis.
Delvau, 1866 : s. f. Imbécile, homme sans capacité, sans épaisseur morale. Argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. f. Matelas d’hôtel garni.
Rigaud, 1881 : Argent. Boulotter sa galette, manger son argent, — dans le jargon des voyous.
Rigaud, 1881 : Grand, complet, — dans le jargon des Saint-Cyriens.
Rigaud, 1881 : Individu sans intelligence.
Rigaud, 1881 : Mauvais petit matelas aplati comme une galette.
Fustier, 1889 : Petit pain rond et plat qu’on sert dans certains restaurants.
La Rue, 1894 : Matelas. Imbécile. Mauvais soulier. Monnaie.
Virmaître, 1894 : Argent (Argot du peuple). V. Aubert.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Argent.
France, 1907 : Argent.
—Les femmes, ça sert à quelque chose ou ça sert à rien. Si ça sert à rien, fourrez-les dedans, mais ne vous en servez pas. Non ! ces Messieurs veulent bien rigoler ; puis, quand ils ont casqué, qu’ils en ont eu pour leur argent, ils se plaignent… On dirait qu’ils regrettent leur galette. Faudrait peut-être les prendre à l’œil ! Ça serait pas à faire !… Et le commerce donc !
(Oscar Méténier)
Ô sainte Galette dorée
Devant qui l’on est à genoux,
Par toute la terre adorée,
Bonne sainte, priez pour nous !
Telle est votre toute-puissance
Aux yeux avides des mortels,
Que même en pâte on vous encense
Et qu’on vous dresse des autels.
(Jacques Rédelsperger)
Le lendemain de la fête des Rois, un marmot demande à un autre :
Y avait-il un bébé, hier, dans ta galette ?…
L’autre répond :
— Ah ! ouiche, rien du tout, et j’ai même entendu la nuit, papa qui disait à maman : « Avant d’avoir le bébé, faudrait avoir la galette ! »
(Le Charivari)
Embrassons-nous, ma gigolette,
Adieu, sois sage et travaill’ bien,
Tâch’ de gagner un peu d’galette
Pour l’envoyer à ton pauv’ chien ;
Nous r’tourn’rons su’ l’bord de la Seine,
À Meudon, cueillir du lilas,
Après qu’j’aurai fini ma peine
À Mazas.
(Aristide Bruant)
Bouffer la galette de quelqu’un, manger son argent, le ruiner.
Solange avait à elle environ quatre cents francs d’économies couchés sur un livret de la Caisse d’épargne postale ; de son côté, Camille, pour ne pas être en reste, ni accusé un jour de lui avoir bouffée sa galette, s’ingénia, parvint à tirer une carotte de cinq cents francs à sa famille, peu aisée pourtant et souvent déjà tapée dans les grands prix.
(Paul Alexis)
On dit aussi bonne galette.
Angèle se tenait derrière sa porte. Vous la voyez d’ici : des bas à fleurs, un peigne rose, ouvert du haut en bas, sur des chairs écroulées, et qui se gonflait au courant d’air. Une âcre odeur de musc flottait autour de ses aisselles ; ses cheveux étaient rougis par le fer, et la ligne blanche du maquillage, arrêtée à son cou, faisait paraitre sa graisse plus jaune.
— C’est vrai, me dit-elle, mon mignon, que tu veux m’apporter ta bonne galette ?
(Hugues Le Roux)
France, 1907 : Fête, dans l’argot des saint-cyriens. Sortie galette, sortie générale, sortie de fête.
France, 1907 : Homme sans valeur, caractère plat comme une galette.
France, 1907 : Matelas très mince et dur.
France, 1907 : Mauvais acteur.
… Il est donc très avantageux pour le correspondant de traiter avec des galettes semblables, qui, sans cesse à l’affut de nouveaux engagements, sont obligés d’avoir recours à son entremise.
(Charles Friès, Le Correspondant dramatique)
France, 1907 : Mauvais soulier.
France, 1907 : Nom donné par les saint-cyriens à la contre-épaulette de sous-lieutenant. Il y a une chanson intitulée : La Galette, dont voici une strophe qui donnera l’idée du reste.
Notre galette que ton nom
Soit immortel en notre histoire,
Qu’il soit embelli par la gloire
D’une brillante promotion !
On dit aussi : fine galette.
Autrefois les soldats du centre portaient tous des galettes en guise d’épaulettes.
Galette (avoir ou toucher de la)
Merlin, 1888 : Avoir ou recevoir de l’argent. On dit aussi : avoir de la douille.
Galettes
Rigaud, 1881 : Souliers ramassés dans la rue par les chiffonniers et vendus deux sous la paire aux ribouiseurs.
Galeux
d’Hautel, 1808 : Qui se sent galeux se gratte. V. Gratter.
Il ne faut qu’une brebis galeuse pour gâter tout un troupeau. Signifie qu’un mauvais sujet peut corrompre toute la société où il se trouve.
Galfatre
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un garçon d’hospice, ou à un garçon d’auberge.
Rigaud, 1881 : Glouton.
Galfâtre
La Rue, 1894 : Goulu.
France, 1907 : Goinfre, goulu ; corruption du provençal galioufard, même sens.
Certes, il n’aimait pas les corbeaux ; ça lui crevait le cœur de porter ses six francs à ces galfâtres-là qui n’en avaient pas besoin pour se tenir le gosier frais.
(Émile Zola, L’Assommoir)
En un coin de la salle, à une table séparée, s’emplissait d’un rata fortement alliacé au galfâtre à grosses joues.
(Les Propos du Commandeur)
Galibot
France, 1907 : Ouvrier employé comme aide dans les travaux de mines.
Galienne
France, 1907 : Jument.
Galienne ou galière
Halbert, 1849 : Cavale.
Galier
Galifard
Larchey, 1865 : « Commissionnaire, saute-ruisseaux qui porte au client les marchandises vendues au Temple. » — Mornand.
Delvau, 1866 : s. m. Cordonnier, — dans l’argot des revendeuses du Temple.
Rigaud, 1881 : Cordonnier.
La Rue, 1894 : Apprenti cordonnier. Galifarde, apprentie, fille de boutique.
France, 1907 : Apprenti, commissionnaire ; saute-ruisseau.
Les galifards sont des façons de commissionnaires saute-ruisseaux, qui portent aux clients les marchandises vendues. Il y a aussi les galifardes.
(Félix Mornand)
Les galifardes sont plus généralement appelées trottins.
Une petite galifarde aux appas rondelets se tortillait et faisait des mines derrière le comptoir.
(Les Propos du Commandeur)
Galifard, galifarde
Rigaud, 1881 : Apprenti, apprentie, — dans le jargon des marchands du Temple.
Galifarde
Delvau, 1866 : s. f. Fille de boutique.
Galiffar
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bouchon.
Galigue
France, 1907 : Mauvais garnement ; argot des marins.
Galilée (aller en)
France, 1907 : Remanier une composition ; argot des typographes. Jeu de mot sur galée, planche carrée avec deux rebords formant l’angle droit et sur laquelle l’ouvrier met les lignes à mesure qu’il les tire du composteur. On dit aussi dans le même sens : aller en Germanie.
Galimafrée
d’Hautel, 1808 : Bribes, reste de viandes que l’on mêle et que l’on fricasse ensemble ; salmigondis.
Delvau, 1866 : s. f. Ragoût, ou plutôt Arlequin, — dans l’argot du peuple. S’emploie aussi au figuré.
France, 1907 : Ragoût de différentes viandes.
Galimart
France, 1907 : Galimatias. Vieux mot : c’était, du temps de Rabelais, l’étui à plumes que l’on portait sur soi avec l’encrier.
Galimathias
d’Hautel, 1808 : Mélange de paroles obscures ; discours embrouillés ; confusion de toutes choses disparates et qui ne peuvent s’accorder.
Galine
Vidocq, 1837 : s. m. — Jeune pédéraste. Terme des bagnes.
Galinette
France, 1907 : Coccinelle on bête à bon Dieu ; du latin gallina, poule, à cause du dos rond qui imite celui de la poule.
Galiote
Delvau, 1866 : s. f. « Complot entre deux joueurs qui s’entendent pour faire perdre ceux qui parient contre un de leurs compères. » On dit aussi Gaye.
France, 1907 : Entente entre deux joueurs pour faire perdre ceux qui parient contre un de leurs compères.
Galiotte (faire une)
Rigaud, 1881 : Tricher au détriment de ses associés et au profit d’un compère. — On fait généralement la galiotte à l’écarté : deux grecs tiennent les cartes ; l’un met cinq louis devant lui, ses associés le renforcent d’une cinquantaine ou d’une centaine de louis. Le compère tient tout et gagne tout, grâce au soin qu’a pris le premier grec de lui donner un jeu magnifique.
Galiotte ou gaye (faire une)
Vidocq, 1837 : v. a. — Se dit de deux joueurs qui s’entendent ensemble pour faire perdre ceux qui parient contre un de leurs affidés. (Voir Grec.)
Galiotte, gaye
Larchey, 1865 : Partie entamée entre une dupe et deux grecs.
Galipeteur
France, 1907 : Clown.
Galipette
La Rue, 1894 : Cabriole. Galipeteur, clown.
France, 1907 : Saut, cabriole, culbute ; du breton galipein.
Le mot galipein — il a un grand air de ressemblance, entre parenthèse, avec les vocables galoper et galopin — est constamment employé à Lorient et aux environs.
Si vous charger le premier marin venu d’une commission, vous ajoutez :
— Galipet founus ! (cours vite !)
Les habitants de Lorient connaissent tous cette expression – et aussi celle-ci :
— Je viens de faire une galipette, c’est-à-dire une course rapide.
Les paysans l’emploient pour vanter la rapidité de leurs chevaux :
— Me yo galipet mad (mon cheval court bien).
Les jeunes officiers l’emploient encore pour indiquer leurs recherches galantes et disent :
— Je vais faire une galipette.
C’est même, ajouterons-nous, dans ce sens qu’on emploie le plus souvent le terme de galipette.
(Intermédiaire des chercheurs et curieux)
Les gigolots, les gigolettes
S’tenant la main,
S’en vont faire des galipettes
Loin du chemin
Et, quand ils croient l’père et la mère
Moins attentifs,
Ils s’épous’nt, sans l’secours du maire,
Sur les fortifs !
(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)
Galipot
Delvau, 1866 : s. m. Stercus humain, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine. À proprement parler le Galipot est un mastic composé de résine et de matières grasses.
France, 1907 : En terme de marine, le galipot est un mastic composé de résine et de graisse dont on se sert pour enduire les vergues, d’où ce nom donné aux excréments.
— Eh ! dis donc, toi, tu fais bien le fier ! Il ne ferait pas bon poser un galipot sur tes godillots sans être muni d’une trique solide.
(Les Gaietés du régiment)
Galipoter
Delvau, 1866 : v. n. Cacare.
France, 1907 : Se vider les entrailles.
Galipoter le fondement
Delvau, 1864 : Besogner dans le derrière au lieu de besogner dans le devant, faire acte de bougre au lieu de faire acte d’honnête homme.
Maint’nant que j’ t’ai, sacré’ vessie,
Galipoté le fondement,
J’ te préviens qu’ j’ai z’une avarie
Qui me rong’ tout le tour du gland.
(A. Karr)
Galletausse
France, 1907 : Gamelle.
Galli-baton
Delvau, 1866 : s. m. Vacarme ; rixe, — dans l’argot des faubouriens.
Galli-bâton
France, 1907 : Vacarme, rixe.
Galli-trac
Delvau, 1866 : s. m. Poule-mouillée, homme qui a le trac.
France, 1907 : Poule mouillée. Ce nom est-il une allusion à la célèbre cantatrice Galli-Marié, la créatrice de Mignon, qui tremblait en abordant un rôle pour la première fois ?
Gallier
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Cheval.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cheval.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Galoche
d’Hautel, 1808 : Un menton de galoche. Menton pointu et recourbé.
Halbert, 1849 : Menton.
Delvau, 1866 : s. f. Jeu du bouchon, — dans l’argot des gamins.
Rigaud, 1881 : Jeu de bouchon.
France, 1907 : Jeu du bouchon.
Galons (arroser ses)
Larchey, 1865 : Payer à boire lorsqu’on est promu sous-officier.
Je ne dis pas que… avec les camarades, pour arroser mes galons.
(Cormon)
Merlin, 1888 : Fêter sa promotion, en vidant force bouteilles, suivant l’usage. En cette occurrence, ce sont généralement les parents du promu qui ont casqué.
France, 1907 : Payer à boire lorsqu’on reçoit de l’avancement.
Galons d’imbécile
Delvau, 1866 : s. m. pl. Grade subalterne obtenu à l’ancienneté, — dans l’argot des troupiers.
Rigaud, 1881 : Chevrons au-dessus du coude servant à marquer le nombre d’années de service dans un régiment.
Merlin, 1888 : Galons de soldat de 1re classe ou de caporal.
France, 1907 : Grade ou avancement obtenu à l’ancienneté.
Galop
d’Hautel, 1808 : Donner un galop à quelqu’un. Pour le gourmander, lui donner un forte mercuriale.
Il s’en va au grand galop. Se dit de quelqu’un qui est tombé en langueur, et dont la vie est fort en danger.
Larchey, 1865 : Réprimande énergique.
Tu as tant fait que ma mère va me donner un galop.
(Champfleury)
Allusion au bruit précipité des paroles.
Delvau, 1866 : s. m. Réprimande, — dans l’argot des ouvriers.
La Rue, 1894 : Vive réprimande.
Galop, galopade
France, 1907 : Réprimande.
— Non, non, je ne puis rester plus longtemps, dit le trottin au vieux satyre qui la retenait par les jupes, j’ai déjà trop tardé à écouter vos saloperies… ma mère en rentrant va me flanquer un galop !
(Les Propos du Commandeur)
Galopante
France, 1907 : Diarrhée.
Galopé
Delvau, 1866 : adj. Fait à la hâte, sans soin, sans goût.
Galopée
France, 1907 : Travail hâtif.
Puis commençait la galopée des crocheteurs, bondissant par bandes de quatre de chaque côté des rouleaux, leurs lourdes pinces en arrêt pour saisir au passage la barre de fer, dès sa sortie des cylindres. Et la barre s’allongeait, finissait par ressembler à un énorme serpent écarlate, se tordant dans la fuite et la bousculade du train.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Galoper
d’Hautel, 1808 : Travailler à la hâte, bousiller, sabouler un ouvrage.
Larchey, 1865 : Envahir au galop. Très-expressif et toujours pris au figuré.
Voilà la peur qui me galope. Qu’est-ce que je pourrai dire ?
(E. Sue) — Galoper :
Travailler à la hâte, bousiller un ouvrage.
(1808, d’Hautel)
Delvau, 1866 : v. n. Se dépêcher. Signifie aussi Aller çà et là. Activement, ce verbe s’entend dans le sens de Poursuivre, Courir après quelqu’un.
France, 1907 : Se dépêcher à une besogne, travailler à la hâte.
Galoper une femme
Delvau, 1866 : Lui faire une cour pressante.
France, 1907 : Lui faire une cour assidue et pressante.
Galopeuse
France, 1907 : Ville coquette qui galope après les hommes.
Adonc, je conviens volontiers qu’il est singulièrement pénible si l’on va, au théâtre, en compagnie d’une mère ou d’une sœur, de voir sa mère ou sa sœur placée à côté de quelque vielle galopeuse qui pue comme une boutique de parfumerie, parle haut et salue un tas de petits messieurs de petits gestes de petite gamine.
(Albert Dubrujeaud, Écho de Paris)
Galopin
d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donne aux enfans qui courrent les rues, aux petits polissons ; sobriquet injurieux quand il s’attribue à un homme, et qui équivaut à manant ; individu qui n’a aucune recommandation personnelle.
Un galopin de cuisine. Un marmiton, un tourneur de broche ; celui qui exerce les plus bas emplois dans une cuisine.
Delvau, 1866 : s. m. Apprenti, — dans l’argot des ouvriers. Mauvais sujet, — dans l’argot des bourgeois. Impertinent, — dans l’argot des petites dames.
Rigaud, 1881 : Apprenti, terme d’amitié dont se servent les ouvriers pour stimuler le zèle de l’apprenti.
Fustier, 1889 : Petit verre de bière.
France, 1907 : Petit verre de bière que l’on sert aux gens qui viennent dans un café, on un café chantant, non pour consommer, mais four simplement s’asseoir, écouter ou causer avec un camarade. Le galopin se paie aussi cher que le bock ordinaire. Chez Bruant, on sert à l’usage du patron maints galopins. Galopin est aussi une petite mesure de vin, environ un demi-setier.
France, 1907 : Polisson, apprenti. Primitivement c’est le petit garçon qui fait des commissions, qui galope. On donnait autrefois le nom de galopin aux chirurgiens sous-aides-majors des régiments. S’emploie au féminin pour désigner une fillette vive, éveillée et pas bégueule.
Voilà de singuliers arguments à donner, et vous n’y pensez pas, méchante galopine ! Un pied de nez vous me faites ? Et vos lèvres de cerises me tendent une moue à baiser. Pour que je vous pardonne, n’est-ce pas ? Eh bien ! soit, mignonne, car la morale que je vous prêchais, elle m’est odieuse. Et vous seule avez raison, coureuse d’aventures, amoureuse des hasards, immortelle et délicieuse petite Brin-de-Mai !
(Jean Richepin)
Galopin (petit)
Rigaud, 1881 : Petite chope de bière. Le galopin se vend quinze ou vingt centimes.
Galoubet
Delvau, 1866 : s. m. Voix, — dans l’argot des coulisses. Avoir du galoubet. Avoir une belle voix. Donner du galoubet. Chanter.
Rigaud, 1881 : Voix. — Avoir un bon galoubet, avoir une belle voix. — Galoubet fêlé, voix fausse, éraillée.
La Rue, 1894 : Voix.
France, 1907 : Voix. Avoir du galoubet, posséder une belle voix ; donner du galoubet, chanter.
— En scène, les fées ! Attaquons vivement le chœur d’entrée. Du galoubet et de l’ensemble.
(Paul Mahalin)
Galoubet (en avoir)
Virmaître, 1894 : Posséder une belle voix ou crier bien fort. On dit d’un chanteur émérite :
— Il a un rude galoubet.
Galoubet (nettoyer son)
Merlin, 1888 : Boire un coup.
Galouser
Halbert, 1849 / France, 1907 : Chanter.
Galtos
Rigaud, 1881 : Gamelle, — dans l’argot des marins. Passer à galtos, manger à la gamelle.
Galtouze
Merlin, 1888 : (?) Gamelle.
La Rue, 1894 : Argent.
Virmaître, 1894 : Argent (Argot du peuple). V. Aubert.
Rossignol, 1901 : Argent.
Hayard, 1907 : Argent, et aussi gamelle (en prison).
France, 1907 : Argent ; corruption de galletausse, gamelle. Quand on a de l’argent, on a droit à la gamelle ; d’où argent, gamelle, galette sont devenus synonymes.
Galtron
Halbert, 1849 : Poulain.
Rigaud, 1881 : Petit cheval, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Poulain.
Galuche
Vidocq, 1837 : s. m. — Galon.
Delvau, 1866 : s. m. Galon, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Galon. — Galucher, galonner.
France, 1907 : Galon.
Galuché
La Rue, 1894 : Galouné.
Galucher
Vidocq, 1837 : v. a. — Galonner.
Larchey, 1865 : Galonner. — Corruption de mot. — V. Tirant.
J’li ferai porter fontange et souliers galuchés.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : v. a. Galonner.
France, 1907 : Galonner.
Galuchet
Larchey, 1865 : Valet de cartes. — Allusion aux galons de sa livrée.
Cinq atouts par le monarque son épouse et le galuchet.
(Montépin)
Qu’est-ce que c’est que ça, galuchet ? — C’est le valet.
(Méry)
Delvau, 1866 : s. m. Valet, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Valet d’un jeu de cartes.
Je dormais jusqu’à cinq heures du soir et je voyais flotter sur mon traversin la grande ombre de Galuchet.
(Ed. About, Trente et Quarante)
La Rue, 1894 : Valet.
France, 1907 : Valet ; allusion au galon de la livrée.
Galupe
Rigaud, 1881 : Femme, — dans le jargon des voyous ; c’est-à-dire peau à gale.
Fustier, 1889 : Femme, fille de mauvaise vie.
Les galup’s qu’a des ducatons
Nous rincent la dent.
(Richepin)
France, 1907 : Bateau plat servant au chargement et au déchargement des navires, dans le port de Bayonne.
France, 1907 : Fille de mauvaise vie ; corruption de gaupe, par l’interpolation de l.
— V’là qu’en plein mitant de l’hiver, cette galupe se ramène avec une grossesse. Comprenez-vous ça, vous ? À son âge, s’faire faire un éfant ! On l’avait mise femme de chambre chez de grosses gens, à la ville. Une fille, quand c’est gentil et que ça va sur ses dix-neuf, ça fait son chemin, qu’on s’était dit. Ah ! sûrement quelle a fait du chemin, c’te salope-là ! Si seulement elle savait d’qui c’est, l’éfant. Mais y a l’vieux monsieur, y a l’fils, y a les domestiques, tout un tremblement dans cette fichue maison-là. Ah ! ben non, vrai, les gens ne sont pas délicats au jour d’aujourd’hui.
(Camille Lemonnier)
Les galup’s qu’a des ducatons
Nous rinc’nt la dent, nous les battons.
(Jean Richepin)
Galupier
Fustier, 1889 : Qui entretient des galupes. (Richepin)
France, 1907 : Coureur de galupes.
Le vieux galupier, ardent champion contre la licence des rues et membre de plusieurs sociétés pour l’extirpation du vice, entretenait une maîtresse toute jeune, petit trottin vicieux, qu’il avait acheté à sa tante lorsqu’elle comptait à peine quatorze ans.
(Les Propos du Commandeur)
Galure
Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, par abréviation de galurin, — dans le jargon des ouvriers. — Qui s’est assis sur mon galure ? Qui s’est trouvé mal sur mon galure ?
France, 1907 : Chapeau. Abréviation de galurin.
J’arrive à l’audience bien pomponnée, MM. les avocats sont d’ailleurs très gentils avec moi. Mais, mon Dieu ! qu’ils sont donc cocasses avec leurs manches pagodes et leur galure !
(Gil Blas)
Galure ou galurin
Rossignol, 1901 : Chapeau.
Galurin
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau. Ce mot ne viendrait-il pas, par hasard, du latin galea, casque, ou plutôt de galerum, chapeau ?
Rigaud, 1881 : Chapeau.
Vous mettez votre galurin ?
(Huysmans, les Sœurs Vatard)
La Rue, 1894 : Chapeau.
Virmaître, 1894 : Chapeau. On dit quand il a une hauteur exagérée :
— Mince de galure (Argot du peuple). V. Bloum.
Hayard, 1907 : Chapeau.
France, 1907 : Chapeau ; du bas latin galerum, chapeau.
Ton galurin, rougi par le soleil, détrempé par l’averse, ta cotte déchirée aux coudes, ton grimpant qui s’effrange, et tes godillots en gueule de poisson mort, crois-tu que ça ne trouble pas la digestion de tes exploiteurs ? tu les gênes : tu es un reproche vivant et permanent contre leur existence de jouisseurs. On va te coffrer.
(La Révolte)
La poussière et l’humidité l’ayant terni, il a été décidé qu’on ferait donner un coup de fer au vénéré couvre-chef. On confia la mission aux deux fils, qui portèrent le galurin, comme un vrai saint-sacrement, chez le chapelier du coin.
(Maurice Vaucaire)
Galurin à viskop
France, 1907 : Chapeau à larges bords.
Galvains
France, 1907 : Nom donné autrefois par les élèves de l’École polytechnique à ceux d’entre eux qui sortaient dans le service télégraphique avant la réunion de ce service à celui des postes. Galvain est une altération du nom du célèbre physicien Galvani.
Galvaudage
Larchey, 1865 : Tripotage.
Surtout pas de galvaudage ni de chipoteries.
(Balzac)
Se galvauder : Compromettre sa réputation.
Delvau, 1866 : s. m. Désordre, gaspillage de fortune et d’existence. Argot des bourgeois.
Rigaud, 1881 : Flânerie crapuleuse, dégradation morale. — Mauvaise fréquentation. Se livrer au galvaudage, s’encanailler de parti pris.
France, 1907 : Désordre, gaspillage, souillure.
M. Gigou. — Regarde le petit Gardon ; il est raisonnable, beaucoup de tenue. Seulement, il a su choisir une maîtresse dans un monde honorable, dans notre monde, une amie de sa sœur, qui ne l’affiche pas et qui ne lui coûte pas un sou.
Mme Gigou, — Ah ! oui… c’est ce qu’il faudrait à notre Georges, une femme mariée qui n’aurait pas beaucoup de liberté et qu’il ne verrait que de temps en temps. Ça le fatiguerait moins… Encore faudrait-il l’aider ; mais nous ne voyons personne, nous vivons comme des ours dans notre coin. Alors, ce garçon s’ennuie à la maison, il va n’importe où et rencontre n’importe qui.
M. Gigou. — Nous ne pouvons pas donner des bals pour coller notre fils comme on en donne pour marier sa fille !
Mme Gigou. — Mais, sans donner des bals, on peut donner des diners, des soirées. Ainsi font les Gardon, et c’est chez eux que leur fils a rencontré cette petite Mme du Tilleul, pour ne pas la nommer : on est sûr, de la sorte, qu’un enfant ne tombe pas dans le galvaudage avec des femmes de mauvaise compagnie.
(Maurice Donnay, Les Bons Parents)
Galvauder
d’Hautel, 1808 : Traiter quelqu’un avec hauteur ; le maltraiter de paroles, l’injurier.
Delvau, 1866 : v. a. Gâcher, gâter, dissiper.
France, 1907 : Salir, souiller, dissiper, gâcher ; du latin galbanum, sorte de casaque que portaient les esclaves.
Le romantisme, ou, si l’on veut, l’idéalisme, puisque les tartufes galvaudent ce terme, nous propose l’hypocrisie sous le couvert de l’illusion. Sa morale, qui est une politique au service des formes sociales rétrogrades, n’a que le souci de nous dérober au mépris de nous-mêmes.
(Joseph Caraguel)
Je ne parlerai que pour mémoire des fêteurs pratiques, qui sont enchantés qu’un camarade ou un inconnu les débarrasse d’une femme gênante, leur donne, comme on dit, barre sur elle, qui reprennent leurs anciennes habitudes, le jeu, la jolie petite camarade et le reste, et ne demandent à celle qui a désormais la bride sur le col que de ne pas trop galvauder leur nom, de ne pas faire de bruit inutile, de ne pas les obliger à endosser quelque fâcheuse grossesse. Ceux-là appartiennent au répertoire courant des vaudevilles grivois, et manquent de relief.
(Champaubert)
Galvauder (se)
Delvau, 1866 : Vivre dans le désordre ; ou seulement Hanter les endroits populaciers.
Rigaud, 1881 : S’encanailler à plaisir, se traîner moralement dans la boue.
France, 1907 : Vivre dans le désordre, fréquenter mauvaise compagnie, s’encanailler.
Exubérant de forces, d’ardeurs, de convoitises, comme brûlée par quelque flamme intérieure, telle qu’une errante qui découvre tout à coup la terre promise du haut d’une colline, qui s’élance avec des clameurs joyeuses, des regards luisants, des battements de cœur vers les paradis entrevus, elle n’eut que du dégoût, que de la répulsion pour l’homme fatigué, démoli, enfiévré dont elle était légalement la femme. Elle sentit sourdre en son corps les ferments originels, elle redevint « peuple », s’en donna à sa soif et à ses caprices, se galvauda, se prostitua.
(René Maizeroy)
Galvaudeuse
Rigaud, 1881 : Coureuse ; femme adonnée à la prostitution subalterne.
À côté de ce groupe bruyant de galvaudeuses, s’en forme un plus sérieux.
(F. d’Urville, Les Ordures de Paris)
Galvaudeux
Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, bambocheur. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Individu qui se plaît dans la fréquentation de la crapule, celui qui s’encanaille par goût.
Rigaud, 1881 : Vagabond. — Mauvais sujet. — Homme de peine qu’on emploie tantôt à une besogne, tantôt à une autre.
France, 1907 : Vagabond.
Gamahuché (être)
Delvau, 1864 : Se dit de l’un comme de l’autre sexe, la langue étant à la disposition de tous les deux.
Un vit, sur la place Vendôme,
Gamahuché par l’aquilon.
(Parnasse satyrique)
Gamahucher le canal
Delvau, 1864 : Sucer un homme, aspirer la moelle qui coule dans son canal de l’urètre.
Si, comme la race canine,
Nous pouvions, sans gêne et sans mal,
Nous gamahucher le canal.
(Dumoulin)
Gamahucher une femme
Delvau, 1864 : La faire jouir en jouant de la langue dans son con, au lieu d’y jouer de la pine. Un métier de chien !
Celle-là, sur son lit nonchalamment couchée,
Par un vieux Cupidon était gamahuchée.
(L. Protat)
Gamahuter
Fustier, 1889 : Assassiner. Argot du peuple. Du nom de l’assassin Gamahut.
B… est venu gamahuter dans les bureaux du Cri du Peuple et il a été acquitté.
(Cri du Peuple, avril 1885)
Gambade
d’Hautel, 1808 : Faire des gambades d’oreillers. Pour bailler fréquemment, ce qui dénote l’envie de dormir.
Faire ses gambades. Danser follement ; faire des singeries, des fredaines.
Gambader
d’Hautel, 1808 : Se réjouir, danser, cabrioler ; faire le fou ; se livrer à toutes les extravagances d’une jeunesse fougueuse.
Gambayer (se)
France, 1907 : Étendre les jambes ; vieux français.
Gambergement
Rossignol, 1901 : Truc. Combinaison qui se trouve dans les jeux de hasard où il n’y a rien a toucher ; le gambergement se fait de lui-même.
Gamberger
M.D., 1844 / M.D., 1844 : Compter.
Gambette
Fustier, 1889 : Jambe. Jouer des gambettes, fuir.
France, 1907 : Jambe ; de l’italien gambetta, petite jambe.
Dans un bal d’artist’s un bonhomme
De la ligu’ du pèr’ la Pudeur
S’était glissé pour voir, en somme,
Les dames décoll’tées jusqu’au cœur.
Le reconnaissant, un’ brunette
En déshabillé suggestif
Lui dit, tout en l’vant la gambette
Juste à la hauteur de son pif…
(Muffat et Desmarets)
Gambette de bois
France, 1907 : Béquille.
Gambettes
Virmaître, 1894 : Jambes.
— Elle est bien molletonnée (montée en gambettes) (Argot du peuple). V. Brancards.
Rossignol, 1901 : Les jambes.
Hayard, 1907 : Jambes.
Gambettiste
Rigaud, 1881 : Partisan de la politique de M. Gambetta ; admirateur de M. Gambetta. — Fonctionnaire nommé par M. Gambetta, à l’époque de la guerre de 1870-71. — Préfet, général gambettiste.
France, 1907 : Partisan de Gambetta, ou fonctionnaire nommé par Gambetta.
Des buveurs de bocks, des braillards de brasserie du quartier Latin furent bombardés sous-préfets, préfets, officiers supérieurs d’état-major et devinrent d’enragés gambettistes.
Gambi
France, 1907 : Estropié d’une jambe, boiteux ; du patois bourguignon.
Gambie
France, 1907 : Boiteuse.
J’ai ouï dire par mon professeur d’histoire que c’est par la façon dont cette gambie (Mlle de la Vallière) remuait en marchant la croupe, qu’elle excita le furieux amour de Louis XIV.
(Les Propos du Commandeur)
Gambier
Fustier, 1889 : Pipe en terre. Du nom du fabricant.
France, 1907 : Pipe en terre du nom du fabricant.
Gambillade
France, 1907 : Danse.
Après la gambillade
Se filant sur l’estrade
D’esbrouf je l’estourbis.
Gambillard
Delvau, 1866 : adj. et s. Homme alerte qu’on rencontre toujours marchant.
Rigaud, 1881 : Bon marcheur.
France, 1907 : Homme alerte ; chanteur qui danse.
Le vicomte. — Prête-moi les cinquante mille francs dont j’ai besoin, et je me voue à l’industrie, je me régénère par la machine à bon marché. Sans cela, je débute dans huit jours chez Lisbonne, je débute dans le genre gambillard !
Le comte. — Qu’est-ce que c’est ?
Le vicomte. — Ça veut dire que je chanterai en dansant, ou que je danserai en chantant, si tu aimes mieux. C’est ce qu’on appelle le genre gambillard !
Le comte. — Comme Paulus !
(Maurice Donnay)
Gambille
Rigaud, 1881 : Jambe.
La Rue, 1894 : Jambe. Gambiller, sauter, danser. Gambillade, cancan, danse.
France, 1907 : Jambe ; vieux français encore usité dans les campagnes du nord-est.
Gambillement
Ansiaume, 1821 : Danse.
Je préfère une rouillarde de Bordeaux à tous vos gambillements.
Gambiller
d’Hautel, 1808 : Remuer les jambes ; se démener, se trémousser.
Ansiaume, 1821 : Danser.
Les voilà tous à gambiller, il n’y a même pas de lubins à la turne.
Vidocq, 1837 : v. a. — Danser.
M.D., 1844 : Danser.
Larchey, 1865 : Danser. — Mot de langue romane. V. Roquefort. — Tout récemment une danseuse du Casino portait le sobriquet de Gambilmuche. V. Coquer. — Gambille : Jambe. Diminutif du vieux mot gambe.
Delvau, 1866 : v. n. Danser, remuer les jambes. Il est tout simple qu’on dise gambiller, la première forme de jambe ayant été gambe.
Si souslevas ton train
Et ton peliçon ermin,
Ta cemisse de blan lin,
Tant que ta gambete vitz.
dit le roman d’Aucassin et Nicolette.
Rigaud, 1881 : Danser ; sauter. — Gambilleur, gambilleuse, danseur, danseuse. — Gambilleur, gambilleuse de tourtouse, danseur, danseuse de corde.
Virmaître, 1894 : Danser. Mot à mot : faire marcher ses gambettes (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Danser.
France, 1907 : Danser, courir ; jouer des jambes ; du vieux français gambille, diminutif de gambe, latin gamba.
Le vertige noir les invite
À gambiller sur le chemin.
Les fous vont vite, vite, vite !…
Sait-on qui sera fou demain ?
(Émile Bergerat)
Houp ! la Mort au nez ridicule
Les fait sauter comme des chats ;
Tout ça gambille, gesticule,
Dans de suprêmes entrechats.
(Jean Richepin)
Aussitôt Phrasie et Dédèle, qui, entre deux contredanses au bastringue, étaient venues se faire régaler de grenadine par leurs amants, deux clampins plus jeunes qu’elles, se mirent à gambiller sous la table.ve :
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Gambilles
Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes.
Rossignol, 1901 : Jambes.
Gambilleur
Delvau, 1866 : s. m. Danseur, — dans l’argot des voleurs qui, comme de simples vaudevillistes, prennent le bien des autres où ils le trouvent. Gambilleur de tourtouse. Danseur de corde.
Rigaud, 1881 : Bourreau.
L’même gambilleur qui t’a marqué sur l’épaule gauche t’a bien marqué.
(Le nouveau Vadé, 1824)
Rigaud, 1881 : Homme politique qui saute en l’honneur de tous les régimes, pourvu qu’il y trouve quelque avantage.
Virmaître, 1894 : Danseur (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Danseur.
Gambilleur de tourtouse
Virmaître, 1894 : Danseur de corde. Gambiller, danser, tortouse, corde. Cette expression servait autrefois à désigner la corde employée par le bourreau pour expédier ses clients dans l’autre monde. L’image est juste, le condamné gambille au bout de la tourtouse (Argot des voleurs).
Gambilleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Danseur, -euse.
Gambilleur, -euse de tourtouze
Vidocq, 1837 : Danseur et danseuse de corde.
Gambilleur, euse
Ansiaume, 1821 : Danseur, euse.
Les gambilleurs et les gambilleuses, je les entortille.
Gambilleur, gambilleuse
France, 1907 : Coureur et coureuse de bals. Gambilleur de tourtouse, danseur de corde.
Gambriade
Delvau, 1866 : s. f. La danse, et principalement le Cancan.
Rigaud, 1881 : Danse échevelée.
France, 1907 : Dame élégante. D’après Lorédan Larchey, gambriade doit être une déformation de combriade et dérivé de combrieu, chapeau ; mot à mot : femme à chapeau, femme bien mise. On se rappelle qu’autrefois les bourgeoises seules se permettaient le chapeau.
France, 1907 : Danse.
Game
Halbert, 1849 : Rage.
France, 1907 : Hydrophobie. En terme de vétérinaire, c’est le goitre des moutons.
Gamelage
Rigaud, 1881 : Dénonciation, — dans le jargon des voleurs. — Gameler, dénoncer. C’est une forme nouvelle de l’ancien et classique manger le morceau : gameler, c’est-à-dire manger dans la gamelle.
Gameler
La Rue, 1894 : Quitter. Dénoncer. On dit aussi attacher une gamelle, un bidon.
France, 1907 : Dénoncer, c’est-à-dire figurativement attacher une gamelle, comme on fait aux chiens.
Gamelle
Rigaud, 1881 : Auge de maçon.
Gamelle (attacher une)
France, 1907 : Abandonner, lâcher une maîtresse sans la prévenir.
Gamelle (en attacher une)
Virmaître, 1894 : Quitter une femme avec laquelle on est collé, sans la prévenir. Rendre son tablier sans faire ses huit jours (Argot du peuple).
Gamelle (ramasser une)
Fustier, 1889 : Argot militaire. Tomber.
Gamelle (s’attacher une)
Hayard, 1907 : S’enfuir.
Gamelle (tremper une)
Rigaud, 1881 : Synonyme de tremper une soupe, — dans le jargon des ouvriers ; c’est-à-dire porter des coups, assommer de coups. — Dans le jargon des voleurs, l’expression n’est qu’une variante de gameler et a également le sens de dénoncer.
Gamelle aux amours
France, 1907 : Maîtresse de souteneur.
Gameller
Rossignol, 1901 : Quitter quelqu’un, c’est le gameller.
Gameller (se)
Hayard, 1907 : Même sens : s’enfuir.
Gamelles
Virmaître, 1894 : Seins. Les troupiers, dans les jardins publics, se placent de préférence sur les bancs, à côté des nourrices qui allaitent leurs nourrissons. Ils se pourlèchent les lèvres à la vue des nichons blancs et volumineux.
— Mademoiselle, en voilà un heureux gaillard de manger à une pareille gamelle.
Quand il y en a pour un, il y en a pour deusse.
Le camarade se penche : « Il y en aurait bien pour troisse » (Argot des troupiers). N.
France, 1907 : Seins de nourrice
Gamelliste
France, 1907 : Sobriquet donné aux royalistes depuis l’emprisonnement du fils aîné du comte de Paris, devenu prétendant, et appelé le prince Gamelle. On sait qu’il était venu en France sous prétexte de faire son service militaire et de partager la gamelle du soldat.
Gamet
Delvau, 1866 : s. m. Raisin des environs de Paris avec lequel on fait de la piquette. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Raisin des environs de Paris, raisin qui sert à faire le ginglard.
France, 1907 : Mauvais raisin avec lequel on fait de la piquette.
Gamin
Delvau, 1866 : s. m. Enfant qui croit comme du chiendent entre les pavés du sol parisien, et qui est destiné à peupler les ateliers ou les prisons, selon qu’il tourne bien ou mal une fois arrivé à la Patte d’Oie de la vie, à l’âge où les passions le sollicitent le plus et où il se demande s’il ne vaut pas mieux vivre mollement sur un lit de fange, avec le bagne en perspective, que de vivre honnêtement sur un lit de misères et de souffrances de toutes, sortes.
Ce mot, né à Paris et spécial aux Parisiens des faubourgs, a commencé à s’introduire dans notre langue sous la Restauration, et peut-être même un peu auparavant, — bien que Victor Hugo prétende l’avoir employé le premier dans Claude Gueux, c’est-à-dire en 1834.
Delvau, 1866 : s. m. Homme trop impertinent, — dans l’argot des petites dames, qui ne pardonnent les impertinences qu’aux hommes qui en ont les moyens.
Gamin (faire le)
Delvau, 1864 : Quand une femme a bien fait la patte d’araignée, collé un joli bécot sus le bout du vit d’un homme, quand, enfin, elle a usé de toutes les gamineries capables de le faire bander, elle n’a plus qu’à s’enfourcher sur la glorieux priape façonné par elle, — pour elle. — Alors : Hue ! dada !… notre gamin allant au trot, puis au galop : patatrot, patatrot ! — comme s’il sautait sur les genoux de son grand-père, — se bourre le vagin à sa fantaisie, jusqu’à ce que plaisir s’ensuivant, le cavalier tombe épuisé sur sa monture. — C’est du nanan ! — Voir le Tire-bouchon américain.
Gamin, gamine
France, 1907 : Enfant. Ce mot, dont l’étymologie est inconnue, n’est guère employé que depuis un siècle et désignait autrefois les petits déguenillés qui courent les rues de Paris.
« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l’oiseau s’appelle le moineau ; l’enfant s’appelle le gamin… Il n’a pas de chemise sur le corps, pas de souliers aux pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n’ont rien de tout cela. Il a de sept à treize ans, vit par bandes, bat le pavé, loge en plein air… culotte les pipes, jure comme un damné, hante le cabaret, connait les voleurs, tutoie les filles, parle argot, chante des chansons obscènes, et n’a rien de mauvais dans le cœur » — du moins c’est Victor Hugo qui le dit dans les Misérables en ajoutant qu’il a dans l’âme « une perle, l’innocence ! »
Il est difficile de concilier l’innocence avec tout cela. « Tant que l’homme est enfant, Dieu veut qu’il soit innocent », affirme-t-il encore. Les gamins de son temps différaient fort de ceux du nôtre !
Le docteur Grégoire, dans son Dictionnaire humoristique, a peint en trois lignes, et plus fidèlement, le gamin de Paris : « L’esprit même, et l’incarnation de tous les vices. Un gibier de potence pour qui Gavroche a plaidé victorieusement les circonstances atténuantes. »
Gaminer
Delvau, 1866 : v. n. Faire le gamin ou des gamineries.
France, 1907 : Se livrer à des jeux ou à des plaisanteries d’enfant.
Gaminerie
Delvau, 1866 : s. f. Plaisanterie que font volontiers les grandes personnes à qui l’âge n’a pas apporté la sagesse et le tact. Faire des gamineries. Écrire ou faire des choses indignes d’un homme qui se respecte un peu.
France, 1907 : Acte puéril, malséant.
Gamme
d’Hautel, 1808 : Chanter la gamme. Gronder, réprimander, quereller, faire de vifs reproches.
Changer de gamme. Changer de ton, d’entretien, de conduite, de manière de vivre.
Mettre quelqu’un hors de gamme. Le mettre hors de lui-même ; le rendre confus, le troubler.
Delvau, 1866 : s. f. Correction paternelle, — dans l’argot du peuple. Faire chanter une gamme. — Châtier assez rudement pour faire crier. On dit aussi Monter une gamme.
France, 1907 : Admonestation, gronderie. Monter une gamme, gronder. Faire chanter une gamme, administrer une correction de façon à faire crier.
Avec dame Junon sa femme
Qui souvent lui chante la gamme.
(Scarron, Virgile travesti)
Gamme (monter une)
Larchey, 1865 : Gronder, tancer crescendo.
Rigaud, 1881 : Administrer une correction à un enfant jusqu’à ce qu’il crie. — Les gosses gueulent à la tortore. — Monte-z’y leur une gamme et qu’ils nous f… la paix : — Les enfants demandent à manger. — Bats-les et qu’ils nous laissent tranquilles. (Fragment d’une conversation faubourienne prise sur le vif.) Gamme signifiait, au XVIIe siècle, réprimande, récrimination, comme le prouvent les exemples suivants :
Je m’en vais le trouver et lui chanter sa gamme.
(Molière)
Avec dame Junon, sa femme,
Qui souvent lui chante la gamme.
(Scarron)
Gammer
France, 1907 : Manger ; terme de marine dont le passage suivant donne l’explication :
Les capitaines s’invitent à dîner par signaux appropriés à ce langage : on hisse à la corne de brigantine un jambon, une dame-jeanne, ce qui veut dire : — Je puis vous recevoir ; — sinon, le pavillon en berne signifie : — J’ai du biscuit et de la viande salée à votre service ; invitez-moi, j’absorberais volontiers quelque repas meilleur. — On masque donc le grand hunier ; puis on gamme, selon l’expression consacrée, c’est dire que les uns vont visiter les autres.
(Te Goumi Niho-Touka, Les Baleiniers)
Gammifère
France, 1907 : Qui a la manie des gammes.
La campagne contre les bas-bleus est chétive ; dirigez vos coups, moralistes, contre les gammifères. Le Domisoldo, chant national, nous tue nos femmes et nos filles. Il est le fléau social. N’est-il pas sinistre de penser qu’à l’heure où vous lisez ces lignes, des millions de douces créatures font crouler la gamme inexorable et abrutissante sur les bruits enchanteurs de la nature et même sur les criailleries vivaces des marmots ?
(Émile Bergerat)
Ganache
d’Hautel, 1808 : Au propre, la mâchoire inférieure du cheval ; au figuré, perruque vieille et crasseuse.
On dit aussi, et fort injurieusement, d’un homme âgé et radotteur, qui a l’esprit lourd et pesant, c’est une vieille ganache.
Larchey, 1865 : « On dit d’un homme âgé et radoteur : C’est une vieille ganache. » — d’Hautel 1808. — Du vieux mot ganache : grosse mâchoire. V. ce mot.
Le père ganache ou le père dindon, ou bien encore le compère, c’est le nom d’un emploi dans lequel le père Brunet et Lepeintre jeune ont excellé. Ce type du vieillard imbécile et crédule est une création de Térence. On lui a donné le nom de ganache, à cause des efforts que fait la mâchoire pour articuler des sons.
(Duflot)
Larchey, 1865 : Ennemi du progrès.
Il déblatérait contre les ganaches de la Chambre.
(G. Sand)
Larchey, 1865 : Fauteuil de forme basse.
Puis s’étant blottie dans une ganache, elle tendit ses jambes.
(Achard)
Delvau, 1866 : s. f. Homme qui ne sait rien faire ni rien dire ; mâchoire. Dans l’argot des gens de lettres, ce mot est synonyme de Classique, d’Académicien.
Montesquieu toujours rabâche,
Corneille est un vieux barbon ;
Voltaire est une ganache
Et Racine un polisson !
dit une épigramme du temps de la Restauration.
Père Ganache. Rôle de Cassandre, — dans l’argot des coulisses. On dit aussi Père Dindon.
France, 1907 : Fauteuil de forme basse, commode pour les vieillards.
France, 1907 : Vieil imbécile, radoteur.
Ce type du vieillard imbécile et crédule est une création de Térence. On lui a donné le nom de ganache à cause des efforts que fait la mâchoire pour articuler les sons.
(F. Duflot)
Montesquieu toujours rabâche,
Corneille est un vieux barbon,
Voltaire est une ganache
Et Racine un polisson.
(Chant des Hugolâtres)
Ganacherie
France, 1907 : Imbécillité, préjugé, radotage de vieillard.
Implorer le ciel ? demander au nommé Dieu du courage et des forces ? Il y avait belle lurette qu’elle avait jeté par-dessus bord toutes ces ganacheries, et qu’en vraie fille de son siècle, elle ne croyait plus qu’à la raison, à la science, à l’indéfectible progrès !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Ganaderia
France, 1907 : Assemblage de taureaux ou de vaches destinés aux courses. Mot espagnol.
Il y a demain course de novillas à la Plaza, quatro bravas vacas a estocado et quatro vacas in puntas, et l’auberge où l’on musique est celle où sont descendus les bouviers andalous et meneurs de ces vaches, toute la racaille en larges sombreros poussiéreux de la ganaderia qui a fourni le bétail à l’abattoir de demain.
(Jean Lorrain)
Ganaler
un détenu, 1846 : Chanter dans les rues.
Gance
anon., 1827 : Clique.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bande, société, clique.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Clique.
Delvau, 1866 : s. f. Clique, bande, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Société nombreuse et mal choisie.
La Rue, 1894 : Société de gens tarés.
Virmaître, 1894 : Bande. Association de malfaiteurs (Argot des voleurs).
France, 1907 : Bande de voyous, association de malfaiteurs. Germanisme.
Gandille
Rigaud, 1881 : Épée, — dans l’ancien argot.
Gandin
Delvau, 1864 : Imbécile bien mis qui paie les filles pour qu’elles se moquent de lui avec leurs amants de cœur. Il reste une consolation aux gandins qui grappillent dans les vignes amoureuses après ces maraudeurs de la première heure, c’est de se dire :
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse !
(A. Delvau)
Nous soupions au sortir du bal. Quelques gandins,
Portant des favoris découpés en jardin,
Faisaient assaut d’esprit avec des femmes rousses.
(Th. De Banville)
Larchey, 1865 : Dandy ridicule. Du nom d’un personnage de vaudeville.
L’œillet rouge à la boutonnière, Les cheveux soigneusement ramenés sur les tempes comme deux gâteaux de pommade, le faux-col, les entournures, le regard, les favoris, le menton, les bottes ; tout en lui indiquait le parfait gandin, tout, jusqu’à son mouchoir fortement imprégné d’essence d’idiotisme.
(Figaro, 1858)
Delvau, 1866 : s. m. Amorce, paroles fallaces, — dans l’argot des marchandes du Temple. Monter un gandin. Raccrocher une pratique, forcer un passant à entrer pour acheter.
Delvau, 1866 : s. m. Coup monté ou à monter, — dans l’argot des voleurs. Hisser un gandin à quelqu’un. Tromper.
Delvau, 1866 : s. m. Oisif riche qui passe son temps à se ruiner pour des drôlesses, — et qui n’y passe pas beaucoup de temps, ces demoiselles ayant un appétit d’enfer. Le mot n’a qu’une dizaine d’années. Je ne sais plus qui l’a créé. Peut-être est-il né tout seul, par allusion aux gants luxueux que ces messieurs donnent à ces demoiselles, ou au boulevard de Gand (des Italiens) sur lequel ils promènent leur oisiveté. On a dit gant-jaune précédemment.
Rigaud, 1881 : Dandy dégénéré. Homme à la mise recherchée, prétentieuse et ridicule. D’où vient-il ? Est-ce de gant ? Est-ce de l’ancien boulevard de Gand ? Est-ce du nom d’un des personnages — Paul Gandin — des Parisiens de la Décadence, de Th. Barrière ? Est-ce de gandin, attrape-nigaud, en retournant la signification : nigaud attrapé ? Est-ce de dandy, avec changement du D en G, addition d’un N et réintégration de l’Y en I ? Je ne sais. — Le gandin s’éteignit en 1867, en laissant sa succession au petit-crevé qui creva en 1873, en léguant son héritage au gommeux, qui le léguera à un autre, et ainsi de suite jusqu’à la consommation des siècles.
Rigaud, 1881 : Duperie, attrape-nigaud. Hisser un gandin à un gonse, tromper un individu. — Monter un gandin, — dans le jargon des revendeurs du Temple, signifie chauffer l’article, harceler le client pour lui faire acheter quelque chose.
Rigaud, 1881 : Fort, — dans le jargon des barrières. Il est rien gandin.
Fustier, 1889 : Honnête, convenable, gentil. Argot du peuple.
Autrefois on avait deux sous de remise par douzaine. À présent, on les prend (des pièces de cuivre) chez Touchin. Il ne donne rien, ce muffle-là. Vrai ! c’est pas gandin !
(Fournière, Sans métier)
La Rue, 1894 : Duperie. Coup monté. Riche oisif.
France, 1907 : Riche oisif, jeune fainéant dont le père a travaillé sa vie durant pour qu’il passe la sienne à ne rien faire, parasite social. C’est le successeur et l’imitateur des lions du temps de Louis-Philippe, qui succédèrent eux-mêmes aux dandys et aux fashionables de la Restauration, aux beaux de l’empire, engendrés par les incroyables et les muscadins du Directoire, fils des petits maîtres de la fin du règne de Louis XV, descendants des talons rouges et des roués de la Régence, neveux des marquis de Louis XIV. Le nom de gandin parait pour la première fois en 1854 dans une pièce de Théodore Barrière, Les Parisiens, porté par un élégant ridicule, mais il ne se répandit guère dans le publie avant 1858. Gandin vient-il du boulevard de Gand, devenu le boulevard des Italiens et qui était la promenade habituelle des jeunes et riches oisifs, ou, suivant quelques étymologistes, du patois beauceron gandin, dont les éleveurs de la Beauce désignent le jeune mouton ? La bêtise, la simplicité, la passivité du mouton adolescent qui suit pas à pas celui qui le précède, et les instincts moutonniers, l’épaisse imbécillité de ces jeunes abrutis qui se copient tous en habits, en langage et en gestes offrent quelque créance à la seconde version. Cependant le public parisien ignore le patois de la Beauce, gandin adolescent mouton est inconnu sur le boulevard, et pour cette raison nous nous en rapporterons à la première.
Cigare aux dents, lorgnon dans l’œil,
Chaussé par Fabre, habillé par Chevreuil,
Un de ces élégants dont l’esprit reste en friche,
Nommés gandins hier, cocodès aujourd’hui,
Et qui nonchalamment promènent leur ennui
Depuis la Maison d’Or jusques au Café Riche…
(J.-B. de Mirambeaux)
Adieu, gandins infects, drôlesses éhontées, vous tous, abrutis qui, depuis ma majorité, n’avez cessé de jeter un froid dans mon existence. Je vous lâche !
C’était à l’Ambigu, la jeune X… des Folies Dramatiques se pavanait dans une avant-scène en compagnie de plusieurs crétins, tous gandins, et plus bêtes les uns que les autres, par conséquent.
(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais jeune homme à sa Nini)
On l’emploie adjectivement dans le sens de beau, élégant.
— Il est pourtant gandin, mon panier, insiste le gitane avec le plus pur accent du faubourg Antoine ; étrennez-moi, Monsieur, ça vaut une thune et à deux balles je vous le laisse.
(Jean Lorrain)
Gandin (monter un)
France, 1907 : Tromper ; du vieux français gande, tromperie, qui existe encore dans le Midi sous le nom de ganda et dans le Berry sous celui de gandoise.
Gandin d’altèque
Larchey, 1865 : Croix, décoration (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Décoration honorifique quelconque, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Décoration honorifique ; ruban de décoration. Gandin pour gaudin, jeu de mots argotiques, par à peu près. Gaudin veut dire peinture décorative, décoration d’appartements.
Virmaître, 1894 : Homme décoré d’un ruban quelconque. Homme portant une particule (Argot du peuple).
France, 1907 : Homme orné d’une décoration à la boutonnière.
Gandin, battre un gandin
Clémens, 1840 : Croix d’honneur, faire semblant d’être occupé.
Gandine
Delvau, 1866 : s. f. La femelle du gandin, — un triste mâle et une triste femelle.
France, 1907 : Féminin de gandin, sobriquet donné aux belles-petites d’alors.
Gandiné
France, 1907 : Décoré.
Gandinerie
Delvau, 1866 : s. f. Actions, habitudes de gandin. Peu usité.
Gandinerie, gandinisme
Larchey, 1865 : Genre du gandin.
La population du quartier latin aspira à la gandinerie, elle n’eut plus qu’un but, le luxe.
(Le Passé de ces Dames, 1860)
Le gandinisme, c’est le ridicule dans la sottise.
(G. Naquet)
France, 1907 : État de crétinisme du gandin.
Alors, le clerc, le cœur plein de joie, remerciait la bienveillante grande dame et se retirait dans sa petite chambre, où les cœurs les plus durs eussent été touchés, en voyant les efforts inutiles qu’il faisait devant sa glace pour donner un tour galant à sa chevelure et un air de gandinisme à sa démarche.
(Jules Noriac, La Bétise humaine)
Gandins d’altèque
Vidocq, 1837 : s. f. — Décoration, croix de toute espèce.
Gandisme, gandinisme
Rigaud, 1881 : Manière d’être du gandin. Art d’élever la toilette à la hauteur d’une institution. C’est dandisme avec changement de la première lettre. Dandysme pourrait bien être la véritable étymologie.
Gandouse
Rigaud, 1881 : Pour gadoue. Boue et même excréments humains.
Tous les gêneurs qui f… de la gandouse sur la route de Marianne.
(Le Titi, 1879)
France, 1907 : Boue ; corruption de gadoue.
Gane
France, 1907 : Abréviations de ganelon, traître.
Ganelon
France, 1907 : Traître, conseiller de Charlemagne, celui qui livra l’arrière-garde dans les défilés de Roncevaux et causa le désastre.
Roncevaux… Roncevaux… toute l’épopée de Charlemagne, empereur à la barbe fleurie, de Roland s’essoufflant à sonner éperdument du cor dans la gorge fameuse, les Sarrasins massés aux crêtes des rochers, au-dessus du ravin, et la traitrise de Ganelon, et les adieux d’Olivier à Roland, et les suprêmes paroles de l’archevêque Turpin ; toute la poésie du moyen âge chevaleresque et chrétien.
(Jean Lorrain)
Ganelonnerie
France, 1907 : Traîtrise.
Ganivet (pour canivet)
France, 1907 : Petit couteau. Vieux mot.
Gannaliser
France, 1907 : Embaumer un cadavre d’après le procédé du chimiste Gannal.
Gannir
France, 1907 : Crier à la façon du renard.
Gant
d’Hautel, 1808 : Ne faut-il pas mettre des gants ou des mitaines pour lui parler. Se dit lorsqu’on a adressé quelques paroles dures et désobligeantes à quelqu’un, et qu’on vous en fait reproche.
d’Hautel, 1808 : Souple comme un gant. Signifie doux, humble, que l’on manie comme on veut.
Il n’en aura pas les gants. Signifie, il n’en tirera pas vanité ; il n’en aura pas les prémices ; il ne s’attribuera pas la gloire de cette action.
Gant jaune
Larchey, 1865 : « Il n’y a plus que deux classes d’hommes en France… ceux qui portent des gants jaunes et ceux qui n’en portent pas. Quand on dit d’un homme qu’il porte des gants jaunes, qu’on l’appelle un gant jaune, c’est une manière concise de dire un homme comme il faut. C’est en effet tout ce qu’on exige pour qu’un homme soit réputé comme il faut. » — Alph. Karr, 1841.
Rigaud, 1881 : Fashionable de 1840.
France, 1907 : Homme distingué, monsieur chic, celui qui tente les filles. C’était, sous Louis-Philippe, le suprême bon ton de porter des gants jaunes.
Mais voici que, tout à coup, ce jeune homme métamorphose ses mœurs et amende la coupe de ses habits : il devient gant jaune, casse intrépidement l’angle de son faux col et se permet à la boutonnière l’œillet rouge républicain.
(Arnould Frémy)
Ganter
Delvau, 1866 : v. a. et n. Convenir, agréer, — dans l’argot des bourgeois.
Delvau, 1866 : v. n. Payer plus ou moins généreusement, — dans l’argot des filles. Ganter 5 ½. N’être pas généreux. Ganter 8 ½. Avoir la main large et pleine.
Rigaud, 1881 : S’adapter à, en parlant d’un vêtement. Cette robe la gante. — Convenir : Cette femme le gante. — Ganter juste, être avare ; ganter large, être généreux, — dans le jargon des demoiselles entretenues.
La Rue, 1894 : Convenir. Payer les faveurs d’une fille.
Virmaître, 1894 : Il ou elle me gante. Synonyme de chausse.
— Cet homme me gante, il a une rude pointure.
Pas d’explications superflues (Argot des filles).
France, 1907 : Convenir, Cela me gante, c’est-à-dire cela me va comme un gant. Même sens que botter. Dans l’argot des filles, ganter signifie posséder des qualités extrêmement viriles.
France, 1907 : Payer une fille.
Ganter cinq et demi, n’être pas généreux. Ganter huit et demi, avoir la main large et pleine.
(A. Delvau)
Gantière
Fustier, 1889 : « En langage parisien, ce mot est un pavillon qui couvre certain commerce où il ne se débite pas que de la peau de chien ou de la peau de chevreau. »
(Voltaire)
Gants
Delvau, 1864 : Ce qu’on donne aux femmes galantes comme supplément au prix convenu pour les baiser, qu’elles vous demandent avant de vous ouvrir leurs cuisses et qu’il est prudent de ne leur donner qu’après avoir joui — si elles vous ont fait jouir. Ce sont nos anciennes épingles, la drinkgeld des Flamands, le paraguantes des Espagnols et la buena mancia des Italiens — à propos de laquelle on pourrait dire, avec Rabelais, que ces sortes de femmes aiment mieux la manche que le bras.
Leurs vêtements sont élégants,
Mais toujours quelque chose y cloche :
Dans leur bourse elles ont leurs gants,
Et leur corset est dans leur poche.
(A. Delvau)
Employé dans un sens obscène pour désigner la virginité.
Elle fit toutes les grimaces que ses parents lui avaient dit de faire, pour lui faire croire qu’il en avait eu les gants.
(La France galante)
Mainte fille a perdu ses gants.
(La Fontaine)
Je puis donc m’attendre, dit Potiron, que si j’épouse cette demoiselle, je n’en aurai pas les gants.
(Voisenon)
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les deux sous du garçon des filles, — avec cette différence que les sous du premier sont en cuivre et les sous des secondes en argent, et même en or. Ce sont nos anciennes épingles, la drinkgeld des Flamands, le paraguantes des Espagnols et la buona mancia des Italiens.
Rigaud, 1881 : Pourboire donné à ces dames ; le pourboire de la prostitution.
On donne ce qu’on veut à la femme pour ses gants.
(F. d’Urville, Les Ordures de Paris, 1874)
Rossignol, 1901 : Pourboire. Celui qui fait une mauvaise opération en est pour ses gants.
France, 1907 : Gratification donnée à une fille en dehors du prix convenu. Cette expression était autrefois prise dans le sens de pourboire. Elle vient de l’espagnol paraguante.
Ces cadeaux particuliers d’argent que les clients laissent aux prostituées à titre de gratitude, comme un pourboire à un cocher, s’appellent « des gants ». Les filles se disent entre elles en parlant de cette générosité : « J’ai reçu tant pour mes gants. » C’est le seul et unique produit qu’elles retirent de leur prostitution ; mais il n’est sorte de moyens qu’elles n’emploient pour l’obtenir ; quand elles sont rusées, qu’elles ont affaire à des jeunes gens ou à des hommes compatissants, elles parviennent à leur soutirer des sommes importantes.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Méfiez-vous des intrigants
Et surtout des femmes galantes
Qui vous demanderont des gants.
(A. Glatigny)
Gants (avoir les)
France, 1907 : Avoir le mérite d’une découverte, le bénéfice d’une affaire, la virginité d’un garçon ou d’une fille.
Gants (donner pour les)
Larchey, 1865 : Donner une gratification en sus du prix convenu — Expression dont l’usage est restreint au monde de la galanterie banale. Prise au dix-septième siècle dans l’acception générale de pourboire. Elle venait de l’espagnol paragante.
Et le luy rendoit moyennant tant de paragante.
(Tallemant des Réaux)
Gants (pour mes)
Virmaître, 1894 : Pourboire sous quelque forme que ce soit. Cette expression, néanmoins, est plus généralement employée pour les filles qui réclament un supplément au prix convenu. Gant est synonyme d’épingle (Argot des filles).
Gants (se donner des)
France, 1907 : Se vanter, mot à mot : se donner à soi-même une gratification, mais elle diffère de celle donnée aux filles, en ce sens qu’on ne l’a pas méritée.
Gants de… (avoir les)
Delvau, 1866 : Avoir tout le mérite d’une découverte, tout l’honneur d’une affaire, etc. Se donner les gants de… Se vanter d’une chose qu’on n’a pas faite ; s’attribuer l’honneur d’une invention, le mérite d’une fine repartie, — en un mot, et il est de Génin, « s’offrir à soi-même un pourboire » gagné par un autre.
Ganymède
Gap
La Rue, 1894 / France, 1907 : Guet.
Garan
France, 1907 : Grue.
Garannier
France, 1907 : Giroflée jaune.
Garantisme
France, 1907 : État de garantie mutuelle qui, dans le système fouriériste, doit remplacer notre civilisation. C’est la sixième phase avant d’arriver à la complète harmonie. Ces phases, au nombre de huit, sont : l’édenisme, la sauvagerie, le patriarcat, la barbarie, la civilisation, le garantisme, le sociantisme, l’harmonie.
Garbure
France, 1907 : Soupe épaisse composée de choux hachés, de croûtes de pain et de lard salé que l’on sert dans le Midi ; de l’espagnol garbias, ragoût. On y met aussi, selon la saison, des haricots, des fèves et des pois.
Après nous être réconfortés avec la traditionnelle garbure, potage excellent du reste, surtout quand on a fait à jeun trois heures de chemin de fer, et avec le non moins traditionnel jambon de Bayonne couvert d’un grand nombre d’œufs, nous nous risquâmes à franchir sous un soleil équatorial le pont de l’Adour…
(J. Grison-Poncelet)
On dit aussi garburre.
Garçaille
France, 1907 : Petite garce, fillette. Provincialisme breton.
Vous connaissez tous la Fanchette
Que j’aimais avant d’embarquer ;
C’était ben la plus mignonnette
Des garçailles à reluquer
Entre la Vilaine et la Loire,
Verse à boire !
Entre Douarnenez et Redon,
Buvons donc !
(Théodore Rotrel)
Garce
d’Hautel, 1808 : Mot déshonnête et insultant que l’on ne donne qu’à une fille ou femme de mauvaise vie.
Delvau, 1864 : Mot qui, dans le vieux langage, a signifié fille pucelle, et qui, dans le langage moderne, signifie tout le contraire.
Car il n’aſſiert à garces diffamées,
User des droits de vierges bien famées.
(Cl. Marot)
Allons, la garce, haut la quille !
Mon vit est crânement drissé.
(A. Karr)
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui recherche volontiers la compagnie des hommes, — surtout quand ils sont riches. Un mot charmant de notre vieux langage, que l’usage a défloré et couvert de boue. Il n’y a plus aujourd’hui que les paysans qui osent dire d’une jeune fille chaste : « C’est une belle garce. » S’emploie fréquemment avec de, à propos des choses.
France, 1907 : Fille nubile ; féminin de gars, auquel l’imbécillité populaire a attribué un sens injurieux.
Le mâle est gars à quatorze ans, et la femelle est garce à douze.
(Montfaucon)
— Il me faut bien avouer que j’y fus garce au-delà même de tout ce qu’il est possible ! Il n’est amant que je ne me souvienne d’avoir trompé, soit que pour m’y résoudre celui-ci me donnât un écu, ou celui-là un nœud à mettre au chignon, ou un autre rien du tout, mais il avait de noires moustaches touffues sur de belles rouges lèvres !…
(Catulle Mendès, Le Journal)
— Oh ! pourtant je vous jure bien que je n’l’aurais pas pris si je n’l’avais pas aimé. Et puis, tu m’app’lais garce toujours… Voilà tout, que j’vous dis… J’aurais p’tê’te été autrement si on m’avait appris… Maintenant, quoi ?… j’suis perdue… vous m’maudissez… j’ai voulu être… un peu heureuse, moi, j’en avais bien le droit.
(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)
Garcette
France, 1907 : Fillette qui approche de la nubilité.
Toutes ces petites apprenties, ces trottins, ces garcettes, déjà vicieuses autant que leurs frères, marlous où aspirants marlous, et en sachant aussi long qu’eux sur le vocabulaire d’amour…
(Les Propos du Commandeur)
Garçon
d’Hautel, 1808 : Se faire beau garçon. Locution équivoque qui signifie se mettre dans un état honteux, s’embarrasser dans de mauvaises affaires.
Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur de campagne. Terme des voleurs du midi.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dans l’argot des prisons. Brave garçon. Bon voleur. Garçon de campagne. Voleur de grand chemin.
La Rue, 1894 : Voleur consommé.
Virmaître, 1894 : Les hôtes habituels des prisons appellent garçon un voleur. Le garçon de campagne est un voleur de grand chemin, qui a pour spécialité de dévaliser les garnaffes. V. ce mot (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Dans le monde des voleurs et rôdeurs de barrières, garçon veut dire homme sur qui on peut compter, incapable de faire une dénonciation. Garçon signifie aussi courageux ; celui qui fait le coup de poing à tout propos est un garçon.
Hayard, 1907 : Voleur franc, à qui ses pairs n’ont rien à reprocher ; (être) être refait.
France, 1907 : Voleur, jeune gaillard solide et d’attaque, luron qui a fait ses preuves et sur qui les camarades peuvent compter. C’est l’ancienne signification de ce mot conservée dans le monde des voleurs ; au moyen âge, appeler quelqu’un garçon constituait une grosse injure. Dans ses Curiosités de l’étymologie, Charles Nisard cite ces deux exemples :
Icelui Pierre appellast le suppliant arlot, tacain, bouc, qui vault autant à dire en langaige du pays de par delà, garçon, truand, bastard.
(Lettres de rémission de 1411)
Et lui dit : Baille moi celle espée. — Non ferai, dit l’escuyer ; c’est l’épée du roy ; tu ne vaus pas que tu l’ayes, car tu n’es qu’un garson.
(Froissard)
Garçon avait aussi le sens de lenon, de pédéraste. Ce mot a suivi une évolution exactement contraire à celle de garce.
— Sûrement, j’ai la mort dans le cœur à penser que j’peux pas te contenter, que notre bonheur ne recommencera jamais et que bientôt, quand j’aurai un petit jardin sur le ventre, si tu viens m’appeler, je ne répondrai plus. Tout de même, il faut que tu m’obéisses et que tu vives, pour te souvenir de moi, pour dire aux amis, quand on parlera de moi : Orlando était un garçon !… Il a été trahi par des copailles, mais lui ne les a pas livrés.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Garçon à deux mains
Rigaud, 1881 : Garçon boucher qui travaille tantôt à l’abattoir, tantôt à l’étal. (Vinçard)
Garçon d’accessoires
Delvau, 1866 : s. m. Employé chargé de la garde du magasin où sont renfermés les accessoires. Argot des coulisses. On dit aussi Accessoiriste.
Garçon de bidoche
France, 1907 : Garçon boucher.
Garçon de cambrouse
Ansiaume, 1821 : Voleur de campagne.
C’est un garçon de cambrouse qui n’est bon à rien.
Larchey, 1865 : Voleur de campagne.
La cognade a gayet servait le trèpe pour laisser abouler une roulotte farguée d’un ratichon, de Charlot et de son larbin et d’un garçon de cambrouse que j’ai reconobré pour le petit Nantais.
(Vidocq)
Au moyen âge, garson signifiait souvent vaurien. V. Roquefort.
Garçon de cambrouze
Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur de campagne, assassin, chauffeur.
Garçon de campagne
Bras-de-Fer, 1829 : Voleur de grand chemin.
Garçon de campagne ou de cambrousse
France, 1907 : Voleur de grand chemin, dévaliseur de maisons isolées.
Garçon, garçon de cambrouse
Rigaud, 1881 : Voleur, — dans le jargon des paysans des environs de Paris. — Garçon de campagne, voleur de grand chemin. — Brave garçon, bon voleur.
Garçonnaille
France, 1907 : Ramassis de polissons, de mauvais drôles.
Garçonner
Delvau, 1866 : v. n. Se plaire avec les petits garçons quand on est petite fille, et avec les jeunes hommes quand on est femme. Argot des hourgeois.
France, 1907 : Fréquenter les garçons.
Garçonnet
d’Hautel, 1808 : Diminutif de garçon.
Mon garçonnet. Nom que l’on donne par bienveillance à un petit garçon.
France, 1907 : Petit garçon.
Il est juste de confesser que les garçonnets sont toujours plus jeunes en esprit que les fillettes.
(George Sand)
Garçonnière
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Fille qui a des mœurs irrégulières, et qui aime à fréquenter les garçons.
Delvau, 1866 : adj. et s. Fille qui oublie son sexe en jouant avec des garçons qui profitent de cet oubli.
France, 1907 : Appartement de garçon où les femmes sont généralement bien reçues.
Aline maintenant allait trois ou quatre fois la semaine faire visite au commis-voyageur, dans la garçonnière qu’il occupait à un cinquième étage du quai des Grands-Augustins. Il avait là deux gentilles pièces très claires, très gaies, coquettement meublées, l’une en chambre à coucher, l’autre on salle à manger, salon et fumoir.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
L’épouse qui, prise en l’ornière
Des vertus, arrive dernière
Aux fêtes de la garçonnière.
(Catulle Mendès)
Et quand les sèves printanières
Mettent des baisers dans les nids,
On pleure au fond des garçonnières :
Les hivers d’amour sont finis !
(Jacques Rédelsperger)
Madame est comme une mégère,
Car elle songe avec ennui
Que la petite garçonnière
Ne la verra pas aujourd’hui.
France, 1907 : Fille qui se plaît dans la compagnie des garçons. « Toute fille est plus ou moins garçonnière. »
Garçons de campagne
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleurs de grand chemin.
Gardanne
France, 1907 : Rognure ou coupon de soie.
Garde
d’Hautel, 1808 : Descendre la garde. Tomber d’un lieu élevé ; s’en aller dans l’autre monde, mourir.
Garde (descendre la)
Larchey, 1865 : Mourir.
Kléber, un grand mâtin qu’a descendu la garde, assassiné par un Égyptien.
(Balzac)
Garde national
Delvau, 1866 : s. m. Paquet de couenne, — dans l’argot des faubouriens, irrévérencieux envers l’institution inventée par La Fayette.
Virmaître, 1894 : Paquet de couennes. On dit aussi nœud d’épée, allusion à la forme (Argot des charcutiers).
Garde nationale
Rossignol, 1901 : Voir pédé.
France, 1907 : Le mauvais soldat, malpropre et aimant ses aises, dans l’argot de l’armée, où l’on professait le plus profond mépris pour les milices citoyennes.
— Allons, espèce d’empoté, faut-il aller vous chercher une paire de gants pour ramasser votre crottin ? ou bien vous donner un congé de réforme pour maladresse et mauvaise tournure ? Propre à rien, sale soldat, cochon malade, garde national !
(Les Joyeusetés du régiment)
France, 1907 : Paquet de couenne.
Garde nationale (en être)
Virmaître, 1894 : Femme pour femme (Argot des filles). V. Accouplées.
Garde nationale (être de la)
Delvau, 1864 : Avoir des habitudes pédérastiques.
Il s’approche, je crois qu’il en veut à ma montre que je m’empresse de préserver ; il s’approche davantage, avance sournoisement la main vers l’objet chéri des dames : je vis qu’il était de la garde nationale, et alors…
(J. Le Vallois)
Rigaud, 1881 : Faire partie du régiment de Sapho, avoir un goût prononcé pour les plaisirs saphiques, — dans le jargon des filles. — Encore une qui est de la garde nationale.
Garde ta vache, bonhomme
France, 1907 : Prends garde qu’on ne te trompe.
Garde-manger
Delvau, 1866 : s. m. Water-Closet, — dans l’argot du peuple, moins décent que l’argot anglais, qui ne fait allusion qu’à l’estomac en disant : Victualling-Office.
Rigaud, 1881 : Postérieur. — Lieux d’aisances.
Rossignol, 1901 : Le ventre. Les water-closets sont aussi le garde-manger.
France, 1907 : Lieux d’aisances ; le derrière.
Garde-proye
Halbert, 1849 : Garde-robe.
Garden-party
France, 1907 : Partie de jardin. Anglicisme et superfétation dans la langue. On y prend le thé, on y émiette des gâteaux et l’on connaît le comble de l’ennui. C’est le châtiment des oisifs d’imiter en les exagérant tous les ridicules des oisifs voisins.
Pour les garden-partys, la toilette pour les dames est la toilette de ville, très habillée, avec chapeau avec brides ou sans brides. Pour les hommes, la tenue adoptée est la redingote boutonnée, chapeau gris haut de forme, gants gris perle, fleur à la boutonnière. Le grand chic, cette année, est l’hortensia ou l’orchidée, qui égayera la toilette généralement très sombre des hommes.
(Un Snob)
J’ai vu, dans la société des grandes villes australiennes, des femmes de toute beauté, de jolies figures admirablement plantées sur ces épaules superbes, plantureuses sans être exagérées ; mais j’y ai rencontré les femmes les plus frivoles qu’il se puisse imaginer. Bals, dîners, soirées, visites de convenance, garden et lawn-tennis parties, voilà le seul but, l’unique occupation de leur vie.
(Max O’Rell, La Maison John Bull et Co)
Garder
d’Hautel, 1808 : Est-ce que j’ai gardé les cochons un avec vous. Se dit à quelqu’un qui prend une trop grande familiarité ; qui vous tutoie sans en avoir le droit.
Garder une poire ou une pomme pour la soif. Ménager quand on est riche quelque chose pour le besoin qui peut venir.
Je lui en garde une bonne. Pour, j’attends l’occasion de me venger.
Chacun son métier, les vaches sont bien gardées. Signifie qu’il ne faut jamais se mêler d’une profession à laquelle le sort ne nous a point appelés.
Delvau, 1866 : v. n. Être près du bouchon ou de l’une des pièces tombées. Argot des gamins.
Garder à carreau (se)
Delvau, 1866 : S’arranger de façon à n’être pas surpris par une réclamation, par un désaveu, par une attaque, etc. Argot du peuple. Signifie aussi : Ne pas dépenser tout son argent. On dit de même Avoir une garde à carreau.
France, 1907 : Se tenir sur ses gardes, prêt à parer à tout accident ; le sens premier était : se garer des projectiles, le carreau étant le fer de la lance, ainsi que l’indiquent encore les cartes.
Armand Marrast était de ceux qui ont l’art de se faire des amis d’un jour, quoiqu’il gardât toujours une pointe d’impertinence. Il appelait ça se garder à carreau.
(Arsène Houssaye, Souvenirs de jeunesse)
Garder des charrettes (se)
France, 1907 : Cette expression fort ancienne est maintenant tombée en désuétude ; en voici l’origine à titre de curiosité. On la trouve racontée par Christine de Pisan dans le Livre des fais et bonnes mœurs du sage roy Charles : « Le comte de Tancarville demandé par le Roy s’envoya excuser disant qu’il avoit été malade pour le trop long séjour fait à Paris, pour cause de mauvais air, et pour ce s’esbattoit à chasser en la forest de Bière (Fontainebleau) mais bientôt viendroit. Le roi entendant cette excuse de mauvais air, pensa que partout où il étoit et demouroit ne devoit répugner à ses sujets, repondit au messager : « D’y a (assurément) il y a meilleure cause ; il ne voit mie bien clair, et il y a à Paris trop de charrettes ; si s’en fait bon garder. » Le comte comprit et accourut aussitôt. De quoi vint le commun mot : Gardez-vous des charrettes. »
Garder le mulet
France, 1907 : Attendre longtemps une personne qui vient de vous quitter et a promis de revenir. Cette expression fort vieille date du temps où les magistrats, médecins, et quelques seigneurs, montaient à mulet ou à mule pour aller en ville à leurs affaires ou au palais. Arrivés à destination, ils laissaient leur monture aux soins d’un valet qui attendait quelquefois fort longtemps.
Un bavard qui se promenait avec un de ses amis entre dans une maison où il n’avait — disait-il — qu’un mot à dire. L’ami l’attend à la porte et assez longtemps pour perdre patience. L’autre revient enfin et lui dit d’un ton plaisant :
— Vous gardiez donc le mulet ?
— Non, répondit l’ami un peu piqué, je l’attendais.
(Didier Loubens, Les Proverbes et locutions)
Garder les manteaux
France, 1907 : Attendre pendant que d’autres s’amusent, tenir le manteau de sa femme pendant qu’elle danse.
Garder les poulets d’Inde (aller)
France, 1907 : Se dit d’une fille de la ville qui se marie avec un paysan.
Garder un chien de sa chienne
France, 1907 : Garder rancune à quelqu’un d’une offense et se proposer de la lui rendre en double.
Garder un chien de sa chienne à quelqu’un
Delvau, 1866 : Se proposer de lui jouer un tour ou de lui rendre un mauvais office. On dit aussi Garder une dent, et, absolument, la garder.
Garder une poire pour la soif
Delvau, 1866 : Faire des économies ; épargner, jeune, pour l’heure où l’on sera vieux.
France, 1907 : Faire des économies.
Gardes nationaux
Rigaud, 1881 : « C’est ainsi qu’à Mazas, on a baptisé les haricots. » (Figaro du 15 sept. 1880)
France, 1907 : On appelait ainsi les haricots au temps où l’on mettait les soldats citoyens manquant à leurs devoirs militaires à la prison qui leur était spécialement destinée dite Hôtel des Haricots.
Gardien
Delvau, 1866 : s. m. Variété de Sentinelle ou de Factionnaire. (V. Insurgé de Romilly.)
France, 1907 : Excrément ; même plaisanterie que sentinelle et factionnaire.
Gardien (ange)
France, 1907 : Individu qui reconduit les ivrognes à leur domicile et les vole souvent en chemin.
Gardien de bananes
France, 1907 : Soldat de l’infanterie de marine appelé à faire son service dans les colonies où poussent les bananiers.
Gardiens de bananes
Merlin, 1888 : Soldats de l’infanterie de marine appelés à garder les colonies, où poussent les bananiers.
Gare
d’Hautel, 1808 : Gare la tête ceux qui en ont. Se dit en plaisantant et lorsqu’on a jeté quelque chose en l’air, pour avertir les personnes sur qui cela pourroit tomber, de prendre garde à elles.
Gare à fafflards
Virmaître, 1894 : Bureau. Allusion à l’utilité de ce meuble pour garer ses papiers. Garer, serrer, faflards, papiers (Argot des voleurs).
Garé des voitures
Larchey, 1865 : Prudent et rangé. — L’effrayant tohu-bohu de la circulation parisienne devait enfanter ce synonyme.
Rigaud, 1881 : Rangé ; retiré du tourbillon des plaisirs.
France, 1907 : Homme prudent qui se gare des accidents comme on se gare des voitures.
Gare l’eau !
France, 1907 : Pot de chambre. Dans nombre de villes du Midi, il était et il est encore d’usage de vider le vase de nuit par la fenêtre avec ou même sans l’avertissement Gare l’eau ! Les vieux quartiers de Marseille sont longtemps restés célèbres pour cette façon de se débarrasser des immondices.
Gare-l’eau
Delvau, 1866 : s. m. « Pot qu’en chambre on demande. », — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Reçoit-tout.
Garenne
France, 1907 : Nature de la femme. On y place des lapins. Voir Écuelle.
Garer son piton
Virmaître, 1894 : Mettre son nez à l’abri des coups qu’il pourrait recevoir. Cette précaution est nécessaire dans les quartiers excentriques où les souteneurs mangent sans faire de façon, le piton du bourgeois qui n’apprécie pas les charmes de leurs marmites. Avant l’annexion de la banlieue à Paris, Belleville et la Villette étaient renommés pour ce genre d’exercice (Argot des souteneurs).
Gargalet
France, 1907 : Éclat de rire, cri de joie ; de l’espagnol gargalizar, crier.
Gargamelle
Virmaître, 1894 : Le gosier. C’est une très vieille expression qui a été remplacée par celles plus modernes de dalle, sifflet, couloir (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Gosier.
France, 1907 : Gosier : vieux français. Se rincer la gargamelle, boire.
Je vais me rafraîchir un peu la gargamelle.
(Hauteroche)
C’est, dans Rabelais, le nom de la femme de Grandgousier, la mère de Gargantua.
Gargamelle, gargoine, gargue
Larchey, 1865 : Gosier. — Du bas latin. V. Du Cange. — De là le nom de Gargamelle donné par Rabelais à une gourmande. — Notre langue usuelle a encore Gargariser. V. Taper.
Gargamelle, gargouenne, gargouille
Rigaud, 1881 : Gosier.
Le froid humide du dernier voyage m’ayant enroué la gargamelle comme une charrette mal graissée.
(Épitre aux curieux, frontispice des chansons de Gaultier-Garguille)
Gargantua
Delvau, 1866 : s. m. Grand mangeur, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Gros mangeur ; allusion au héros du livre de Rabelais.
C’est un Gargantua qu’on ne peut assouvir.
(Viennet)
Gargariser (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Boin ; un canon de vin ou un petit verre d’eau-de-vie.
Rigaud, 1881 : Boire la goutte.
Rigaud, 1881 : En terme de théâtre, c’est, pour un artiste dramatique, faire ronfler les R ; pour un artiste lyrique, c’est faire rouler les notes. Le mot est du chanteur Martin.
Rigaud, 1881 : Se livrer, au piano, à une débauche d’arpèges.
Les joues enluminées, Ségurola, au piano, déchaînait une tempête de gammes vertigineuses. Aristide lui cria : Dis donc, auras-tu bientôt fini de te gargariser ?
(Hennique, La Dévouée)
France, 1907 : Boire. « Se gargariser le sifflet, ou le rossignolet. »
Gargariser le fusil (se)
Rigaud, 1881 : Boire la goutte, — dans le jargon des soldats d’infanterie. C’est une variante du « gargariser » de Rabelais : « Bâille que je gargarise. »
Gargarisme
Delvau, 1866 : s. m. Verre de vin ou d’eau-de-vie.
Rigaud, 1881 : Petit verre.
France, 1907 : Verre de vin ou, plus généralement, d’eau-de-vie.
Gargarisme, gargouillade
Rigaud, 1881 : Borborygmes ; le cri des boyaux en détresse.
Gargarismes
Rigaud, 1881 : Débauche d’arpèges.
Gargarousse
Fustier, 1889 : Gosier. (Richepin)
France, 1907 : Gosier.
Gargoine
Vidocq, 1837 : s. f. — Bouche sale, dégoûtante.
Delvau, 1866 : s. f. Gorge, gosier, γαραρεών. Se rincer la gargoine. Boire.
Virmaître, 1894 : La bouche. Par abréviation : la gargue. Quelques uns écrivent gargouenne (Argot du peuple). V. Affamée.
France, 1907 : Gosier ; vieux mot dérivé du grec gargar oun.
Tout ce qui passe par la gargoine emplit le beauge (ventre).
(Vidocq)
Gargoine (la)
Halbert, 1849 : Le museau, la bouche.
Gargot
Delvau, 1866 : s. m. Petit restaurant où l’on mange à bon marché et mal. On dit aussi Gargote.
Rigaud, 1881 : Entrepreneur d’abatage pour bouchers et charcutiers. Celui qui débite de la viande aux bouchers et aux charcutiers.
Rigaud, 1881 : Restaurant de bas étage.
France, 1907 : Petit restaurant. Abréviation de gargotte, du latin gargustium, mauvaise hôtellerie. Le Duchat fait venir ce mot de l’allemand Garküche, cuisine toujours prête.
Elle tenait un gargot
À Maisons-Laffitte,
Chez elle le cheminot
Trouvait table et gîte.
(Jules Célès)
On appelle aussi gargot le restaurateur.
Un autre fourbi qui se pratique en grand dans les prisons de la Seine, c’est ce qu’on pourrait appeler « le truc des quartiers d’hiver ».
Quand le frio s’amène, le pauvre bougre qui se trouve sans feu ni lieu se fait poisser pour une couillonnade quelconque. Habituellement, le type s’en va dans une gargotte, s’appuie un bon gueuleton et, quand vient le quart d’heure de Rabelais, il appelle le patron et le prie d’aller quérir les sergots.
Si le purotin est par hasard tombé sur un bon frère qui l’envoie se faire pendre ailleurs, il en est quitte pour recommencer chez le gargot d’à côté. La muflerie commerçante est si répandue qu’il est rare que l’empileur ait besoin de s’y reprendre à trois fois.
(La Sociale)
Gargotage
d’Hautel, 1808 : Aliment mal apprêté ; ramassis, repas servi sans propreté.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais ragoût ; chose mal apprêtée, — au propre et au figuré. On dit aussi Gargoterie.
France, 1907 : Mauvais ragoût, ratatouille.
Gargote
d’Hautel, 1808 : Mauvaise auberge, où l’on est servi malproprement, et où l’on fait maigre chère.
Vivre à la gargote. Vivre en garçon ; manger à l’auberge.
Gargoter
d’Hautel, 1808 : Boire et manger mal proprement ; fréquenter les mauvaises auberges, les cabarets borgnes.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Cuisiner à la hâte et malproprement. On trouve « Gargoter la marmite » dans les Caquets de l’accouchée. Signifie aussi Hanter les gargotes.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Travailler sans goût, à la hâte.
Rigaud, 1881 : Faire de la mauvaise cuisine, de la cuisine qui rappelle celle des gargots.
Virmaître, 1894 : Cuisinière qui rate tous ses ragoûts. Mot à mot : faire de la mauvaise cuisine, de la gargote. Gargoter un travail ou le savater, le gâcher en un mot (Argot du peuple).
France, 1907 : Faire une cuisine de gargotte, malpropre et mauvaise.
— N’est-ce pas, mon chéri, dit une nouvelle mariée, que tu ne regrettes pas ta vie de garçon ?
— Oh ! non, mon Adèle adorée, l’on gargote si mal dans les restaurants !
France, 1907 : Travailler mal et sans goût.
Gargotier
d’Hautel, 1808 : Aubergiste, mauvais traiteur ; celui qui tient gargote.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais traiteur, au propre ; mauvais ouvrier au figuré.
France, 1907 : Teneur de gargotte, mauvais cuisinier.
Gargouëne
un détenu, 1846 : Bouche, gorge.
Gargouenne
anon., 1827 : Bouche.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bouche. Plomber de la gargouenne, sentir mauvais de la bouche.
Bras-de-Fer, 1829 / France, 1907 : Bouche.
Gargouillade
Delvau, 1866 : s. f. Borborygmes. Se dit aussi de Fioritures de mauvais goût.
France, 1907 : Borborygmes.
— J’ai le ventre plein de gargouillades.
— Méfions-nous, tu vas accoucher d’un pet.
(Les Joyeusetés du régiment)
Gargouille
d’Hautel, 1808 : Grosse bouteille ; tuyau d’une gouttière par où l’eau s’écoule.
On donne aussi par mépris ce nom à une grosse fille de campagne ; à une femme replète et rebondie.
Rossignol, 1901 : Gosier.
Gargouiller
d’Hautel, 1808 : Les boyaux lui gargouillent dans le ventre. Manière populaire d’exprimer le bruit que font les intestins, lorsqu’on a besoin de manger.
Ils ne font que gargouiller. Se dit des enfans qui barbottent dans l’eau des ruisseaux.
Delvau, 1866 : v. n. Avoir des borborygmes. On dit aussi Trifouiller.
Rigaud, 1881 : Crever la faim ; avoir des borborygmes, faire de la musique avec ses boyaux.
Gargouillis
d’Hautel, 1808 : Bruit produit par l’eau qui tombe d’une gargouille ; ou par les intestins, lorsqu’on éprouve quelque besoin naturel, ou qu’on a la colique.
Gargousses de la canonnière
France, 1907 : Haricots ; argot des marins.
Gargue
Vidocq, 1837 : s. f. — Bouche.
Delvau, 1866 : s. f. Bouche, — dans l’argot des voleurs. C’est l’apocope de Gargoine.
Rigaud, 1881 : Bouche, — clans le jargon des voleurs. — Ivoires en gargue, dents blanches.
Virmaître, 1894 : La bouche (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : La bouche (de gargamelle).
France, 1907 : Gosier, bouche. Entre-bâiller la gargue, parler.
Gargue (la)
M.D., 1844 : La bouche.
Gargue, gargouenne
La Rue, 1894 : Bouche.
Garguillon
France, 1907 : Gosier ; du latin gurgulia.
Garibaldi
Larchey, 1865 : Courte chemise rouge, petit chapeau de feutre. — Allusion au costume du patriote italien.
On peut faire le dandy,
La vareuse en futaine
Et le Garibaldi
Sur le coin de l’oreille.
(Le Gai Compagnon maçon, chanson)
Rigaud, 1881 : Biscuits secs farcis de raisins de Corinthe. Ce sont les petits-fours des petits bourgeois qui donnent de petits thés.
France, 1907 : Chemise de laine rouge comme en portait le fameux général de ce nom. Chapeau de feutre noir, comme en portait également le patriote italien.
Garibaldi (coup de)
Rigaud, 1881 : Coup de tête porté par un malfaiteur dans le creux de l’estomac de celui qu’il veut dépouiller. (L. Larchey) Ce coup se nomme encore : « Coup de bélier, coup de la rencontre », et le vol qui le suit : « Vol à la dure ».
France, 1907 : Coup de tête dans l’estomac.
Garidelle (lém.)
France, 1907 : Rouge-gorge.
Garigue, garrigue
France, 1907 : Lande.
Gariole
France, 1907 : Perdrix.
Garitiau
France, 1907 : Étui à épingles.
Garnafe
Rigaud, 1881 : Fermier, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Ferme. Garnafier, fermier.
France, 1907 : Ferme ; corruption de grenasse, de l’argot des chauffeurs de l’an VIII. « Grenasse et grenassier, c’est le grand grenier à blé et l’homme qui travaille à le remplir. Les fermes du Nord et de la Beauce, où opéraient jadis les chauffeurs, étaient des fermes de céréales. » (Lorédan Larchey)
Garnaffe
Delvau, 1866 : s. f. Ferme, — dans le même argot [des voleurs].
Garnaffier
Delvau, 1866 : s. m. Fermier, paysan.
Garnafier
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fermier, cultivateur.
Bras-de-Fer, 1829 : Fermier.
Larchey, 1865 : Fermier. — Garnafle : Ferme (Vidocq).
France, 1907 : Fermier ; corruption de grenassier.
— J’ai eu tort de ne pas refroidir tous les garnafiers que j’ai mis en suage, je n’en aurais pas le taf aujourd’hui.
— Allons boire un coup, bonhomme.
— Ceci n’est point de refus.
(Marc Mario)
Garnafier, -ère
Vidocq, 1837 : s. — Fermier, fermière, paysan, paysanne.
Garnafle
Vidocq, 1837 : s. f. — Ferme, grange, maison de village.
Garnement
d’Hautel, 1808 : Vaurien, vagabond, libertin. Vulgairement on prononce garniment, ce qui est un barbarisme ; garniment est un terme d’arts.
Garnes
France, 1907 : Branches de sapin.
Sur la route blanche, étroite, montueuse, tortueuse qui va de Pelussin à Saint-Étienne, marche péniblement un âne, de moyenne taille, traînant une vielle charrette chargée de fagots de garnes.
(Charles Romain, Le Père Ambroise)
Garni
Larchey, 1865 : « Un lit en bois peint, une commode en noyer, un secrétaire en acajou, une pendule en cuivre, des vases de porcelaine peinte avec des bouquets de fleurs artificielles sous verre ; cela s’appelle un garni. » — Champfleury.
France, 1907 : Chambre garnie, ou petit hôtel meublé.
Garni de tolérance
France, 1907 : Maison de passe.
Dans les villes de province, surtout dans les villes maritimes, il est une classe de filles isolées que la police oblige à loger dans un quartier affecté à la prostitution de bas étage.
Elles habitent des maisons garnies, appelées garnis de tolérance, pour un loyer de 1 à 2 francs par jour. Ce sont de simples chambres au rez-de-chaussée, prenant jour sur la voix publique par une fenêtre et une porte. Les filles se tiennent tout le jour et souvent la nuit, jusque vers le matin, assises ou debout, sur le seuil de leur porte, pour appeler les passants. Elles forment ainsi, dans toute la longueur des rues, un double rang de sentinelles, échangeant des interpellations rauques ou aiguës, des injures ou des lazzis ; allant, venant d’une maison à l’autre ; coiffées de fleurs fanées ou de madras à carreaux ; chaussées de savates ou de sabots, débraillées, fardées, avinées, faisant aux passants des signes et des appels, elles donnent à tout le quartier un aspect étrange et repoussant.
(Dr Jeannel)
Garnison
d’Hautel, 1808 : On dit par plaisanterie d’une personne qui est sujette à la vermine, aux poux, qu’Elle a une garnison dans la tête.
Delvau, 1866 : s. f. Pediculi, — dans l’argot du peuple. Naturellement c’est une garnison de grenadiers.
Rigaud, 1881 : Réunion de poux sur une seule et même tête. — Collection de vermine dans un logement.
France, 1907 : Vermine de corps.
N’approchez pas de ce loqueteux, il a de la garnison.
Garno
Rigaud, 1881 : Garni, par antiphrase, sans doute. — Misérable chambre, misérable cabinet dégarni de meubles ; un lit, une chaise et, quelquefois, une commode, voilà l’ameublement du garno.
Rigaud, 1881 : Hôtel garni. Les garnos de dernier ordre fréquentés par la crapule de Paris ont reçu des noms typiques ; en voici quelques-uns : le Pou volant, le Grand Collecteur, le Chien mort, la Gouape, la Retape, la Carne, la Camarde, la Boîte à Domange, la Débine, le Corbillard, la Loupe, la Gadoue, l’Auberge des Claque-Dents, la Charmante, la Punaise enragée, la Ruine, l’Abattoir, la Pégrotte, la Bérésina, le Choléra, le Grand-Pré, tous noms qui présentent une signification sui generis, qui dégagent une odeur de crime et de vermine.
Rossignol, 1901 : Hôtel garni.
Garno, garnot
France, 1907 : Corruption de garni.
Et les garnos pour la plupart
Se trouvent débarrassés par
La rafle.
(É. Blédort)
Garou
France, 1907 : Sorcier ; vieux mot.
Garouage (aller au)
France, 1907 : Fréquenter les lieux suspects. Allusion au garou.
Garrau
d’Hautel, 1808 : Il ressemble à Thibaut-Garrau, il fait son cas à part. C’est-à-dire, il ne communique ses affaires à personne.
Ce Thibaut-Garrau étoit d’Orléans, et gagna beaucoup de biens dans le négoce ; mais il ne voulut jamais avoir d’associé.
Garrigue
France, 1907 : Terre inculte, en Languedoc.
Garrotage (vol au)
France, 1907 : Vol précédé de l’étranglement de la victime. Allusion an garrot avec lequel on exécute en Espagne les condamnés à mort.
Gars à poil
Delvau, 1864 : Homme qui a des couilles au cul et passe pour un rude jouteur.
… Mon aîné ?… c’est un gars à poil, et qui vous a une vraie pine de famille. Il foutra votre femme, vos deux filles, et vous enculera par-dessus le marché, histoire de dire qu’il a mis un pied chez vous.
(Les Deux Beaux-Pères)
Garuche
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prison. Comte de la garuche, geôlier.
France, 1907 : Prison. Voir Carruche.
Garzotte
France, 1907 : Sarcelle.
Gas
Delvau, 1866 : s. m. Garçon, enfant mâle, — dans l’argot du peuple, qui trouve plus doux de prononcer ainsi que de dire gars. Beau gas. Homme solide. Mauvais gas. Vaurien, homme suspect.
France, 1907 : Garçon solide. « Un rude gas », un vigoureux gaillard.
Gascar
Rossignol, 1901 : Gascon. Terme de camelot.
Gascon
d’Hautel, 1808 : Faire la lessive du gascon. Retourner sa chemise ou sa cravate, quand elle est sale d’un côté.
C’est un gascon. Pour, c’est un menteur, c’est un homme qui ne tient aucune de ses promesses.
Gasconnade
d’Hautel, 1808 : Menterie, langage de gascon.
Gasconner
d’Hautel, 1808 : Parler en gascon ; mentir ; craquer à la manière gasconne.
Gasfot
France, 1907 : Petit croc dont on se sert pour tirer d’entre les roches les crabes, homards, oursins et autres crustacés.
Gaspard
Rigaud, 1881 : Chat, rat, — dans le jargon des chiffonniers. C’est le nom du chat et du rat dans leurs rapports avec la hotte.
France, 1907 : Homme rusé et retors.
Gaspillage
d’Hautel, 1808 : Prodigalité, désordre profusion.
Gaspiller
d’Hautel, 1808 : Bouleverser, gâter ; faire des dépenses inutiles.
Gaspilleur
d’Hautel, 1808 : Brouillon, dépensier, dissipateur, prodigue.
Gassouillat
France, 1907 : Eau bourbeuse, ruisseau fangeux ; de l’italien guazzatoio, mare.
Gassouiller
France, 1907 : Farfouiller dans une mare ou une eau bourbeuse.
Gast
France, 1907 : Dégat, dévastation ; du vieux français gaster, gâter.
Gastadour
France, 1907 : Destructeur, pillard. Vieux mot.
Gastrolâtre
France, 1907 : Adorateur du ventre. Sobriquet donné autrefois aux moines.
Gat
Rigaud, 1881 : Chat, — dans l’ancien argot ; mot emprunté au provençal gat, de l’espagnol gato.
France, 1907 : Chat ; corruption de l’anglais cat.
Gâte-enfant
d’Hautel, 1808 : Qui a trop d’indulgence, trop de foiblesse pour les enfans.
Gâte-métier
d’Hautel, 1808 : Celui qui donne ses peines, ses services ; sa marchandise à trop bon compte.
Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier qui met trop de cœur à l’ouvrage ; marchand qui vend trop bon marché, — dans l’argot du peuple, qui, s’il le connaissait, citerait volontiers le mot de Talleyrand : « Pas de zèle ! Pas de zèle ! »
France, 1907 : Ouvrier, commis ou employé qui prend au sérieux sa besogne et met trop de cœur à l’ouvrage. Il gâte le métier des fainéants.
Gâte-pate
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un mauvais boulanger, à un pâtissier Jacques.
Gâte-pâte
Rigaud, 1881 : Lutteur redoutable. (L. Cladel)
Gâte-sauce
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un mauvais cuisinier, à un mauvais traiteur.
Delvau, 1866 : s. m. Garçon pâtissier.
Virmaître, 1894 : Garçon pâtissier. A. D. Gâte-sauce ne s’emploie pas exclusivement pour désigner un garçon pâtissier, cette expression s’applique à tous les métiers. Dire à un mari qu’il est cocu et troubler la félicité des amants, c’est gâter la sauce. Quand un commissaire de police tombe comme un aréolithe au milieu d’un tripot, la sauce est gâtée pour les joueurs. Dans le peuple, de tout, ce qui va mal, la sauce se gâte. Le synonyme est : ça tourne au vinaigre (Argot du peuple).
France, 1907 : Garçon pâtissier, marmiton ou généralement trouble-fête.
En face de moi se trouvait un jeune homme d’une vingtaine d’années, revêtu d’un costume de franc-tireur : casquette américaine, vareuse et pantalon bleu foncé, bottes en cuir fauve. La vareuse était fortement galonnée et, sur l’épaule gauche, retombait tu flot d’aiguillettes, comme en portent les aspirants de marine… On causa. Intrigué, je lui demandai quelle était sa profession : « Cuisinier », me répondit-il. Mon admiration baissa d’un cran. Je me sentis même humilié de mon peu de pénétration, ayant pris un gâte-sauce pour un artiste.
(Sutter Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Ils étaient quinze ou vingt
Gâte-sauce, écoliers, un tas de rien qui vaille.
(François Coppée)
Gâte-sauce littéraire
France, 1907 : Petit journaliste sans talent, sans instruction, sans style, médisant et envieux, qu’on emploie à toutes les sauces, surtout les plus sales.
Mais à côté des écrivains honnêtes, il y a malheureusement dans la presse une foule d’écrivains — que je pourrais nommer — pour qui toutes les renommées sont un sujet d’envie et de haine, et qui cherchent par tous les moyens à ternir les réputations les mieux acquises. On pourrait les nommer les petits polissons de la littérature, les gâte-sauce littéraires, les saute-ruisseaux de libraires, les ahuris et les abrutis de la petite presse.
(Victorien Monnier)
Gâteau
d’Hautel, 1808 : Mère gâteau. On appelle ainsi une mère qui a de grandes foiblesses pour ses enfans. Ce nom se donne surtout aux grand’mamans, et généralement à toutes les personnes âgées qui ont beaucoup de complaisances pour les enfans.
Trouver la fève au gâteau. Rencontrer une occasion favorable ; avoir du bonheur ; faire fortune.
Avoir part au gâteau. Être intéressé dans quelque gain ou récompense ; avoir droit à une succession.
Il ne mange pas son gâteau dans sa poche. Se dit de quelqu’un qui ne fait point de cachettes ; qui partage de bon cœur les bénéfices d’une affaire avec ceux qui la lui ont procurée.
Fustier, 1889 : Séquence. Argot des joueurs. V. infra : séquence.
France, 1907 : Argent. Avoir sa part du gateau, partager le produit d’une recette illicite.
Gâteau (papa, maman ou parents)
France, 1907 : On appelle ainsi ceux qui gâtent les enfants, les bourrent de friandises et de gâteaux et sont pour eux d’une coupable faiblesse.
Gâteau feuilleté
Delvau, 1866 : s. m. Bottes qui se délitent, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Soulier dont la semelle se divise.
France, 1907 : Chaussures dont les semelles s’effeuillent.
Gâteaux
Rigaud, 1881 : Fragments de nuages apportant dans leurs flancs des amours de six ans ou des talismans envoyés du royaume des fées, — dans le jargon des coulisses. (J. Dullot)
Gâter
d’Hautel, 1808 : Gâter un enfant. Condescendre par foiblesse à ses moindres désirs, à ses caprices ; s’en rendre absolument l’esclave.
Gâter (se)
Ansiaume, 1821 : S’apercevoir.
L’affaire est mâte, le messière ne se gâte pas.
Gâter la taille (se)
Delvau, 1866 : Pour une femme « devenir enceinte ».
France, 1907 : Devenir enceinte.
— Viens-tu, Sophie ?
— Où ?
— Dans mon lit.
— Non. Tu serais capable de me gâter la taille.
(Les Joyeusetés du régiment)
Gâteuse
Rigaud, 1881 : Long pardessus avec patte derrière formant ceinture, sorte de robe de chambre à l’usage des hommes et des femmes depuis 1873.
Que nous fait, je vous le demande, que le maréchal Canrobert ait fait son entrée dans Rome avec une redingote poudreuse et M. Patrice de Mac-Mahon avec une gâteuse ?
(John Lemoinne, Journal des Débats, du 18 janvier 1878)
France, 1907 : Longue redingote qui fait ressembler celui qui la porte à un pensionnaire de l’hospice des vieillards.
Gâteux
Delvau, 1866 : s. m. Journaliste sans esprit, sans style et sans honnêteté, — dans l’argot des gens de lettres, qui n’y vont pas de plume morte avec leurs confrères.
Rigaud, 1881 : Très sot, énormément bête.
France, 1907 : Imbécile.
J’ai reçu des volumes stupides avec dédicaces et sortant pour la plupart de l’usine Michel Lévy ; mes amis ont dit beaucoup de mal de moi, et quelques-uns de mes amis intimes quelque bien ; plusieurs cabotins m’ont demandé des réclames et plusieurs drôlesses des lettres, des recommandations : j’ai avalé des bocks frelatés, fumé des londrès douteux, lu des journaux idiots ; et enfin j’ai coudoyé une centaine de gâteux…
(Léon Rossignol)
Gatezar
Fustier, 1889 : Élève de l’École des arts et métiers. Il est facile de voir dans ce mot une corruption de Gars des Arts. Le mot est employé dans toutes les écoles d’arts et métiers et aussi par le peuple des villes où se trouvent ces écoles.
Gâtisme
France, 1907 : Imbécillité.
Gau
Delvau, 1866 : s. m. Pou, — dans l’argot des voleurs. Basourdir des gaux. Tuer des poux. On a écrit autrefois Goth ; Goth a été pris souvent pour Allemand ; les Allemands passent pour des gens qui « se peignent avec les quatre doigts et le pouce » : concluez.
La Rue, 1894 : Pou. Gau picandi, pou de corps.
Hayard, 1907 : Pou.
France, 1907 : Coq. Vieux mot, déformation du latin gallus.
France, 1907 : Pou, dans l’argot des voleurs ; corruption de Goth, Allemand. Les mercenaires allemands avaient, au moyen âge, la réputation d’être couverts de cette vermine.
Gau dîneur
Delvau, 1866 : s. m. Peintre-décorateur.
Gau picandi
Virmaître, 1894 : Pou qui pique. Quand il provoque des démangeaisons trop vives, qu’il pique trop fort, comme aux jours d’orages, par exemple, pour s’en débarrasser on le tue ; cela s’appelle : basourdir un gau (Argot du peuple).
Gau picanti
Delvau, 1866 : s. m. Le pediculus vestimenti.
Gauche
d’Hautel, 1808 : Il ne connoît pas sa main gauche d’avec sa main droite. Se dit d’un homme inexpérimenté ; d’un mauvais ouvrier qui veut passer pour habile.
Gauche (à la)
Rigaud, 1881 : À la queue, — dans le jargon des soldats de cavalerie. Vous arrivez en retard, mettez-vous à la gauche. La gauche est tout ce qui n’est pas bon. — Jusqu’à la gauche signifie, dans le même jargon, jusqu’à ce que vous n’en puissiez plus, jusqu’à la mort. Vous trotterez jusqu’à la gauche, s’il le faut.
Gauche (à) !
France, 1907 : Cri par lequel on prévient, dans les grands magasins, que l’heure du repas a sonné.
France, 1907 : Manqué !
Gauche (aller à)
Rigaud, 1881 : Aller prendre ses repas, — dans le jargon des employés de magasins de nouveautés. — Dans presque tous ces magasins, la salle à manger est à gauche, les lieux d’aisances sont à droite. De là : aller à gauche, être à gauche, aller à droite, être à droite, pour établir la différence des fonctions.
Gaucher
France, 1907 : Membre de la gauche à l’Assemblée nationale.
Gaudé
France, 1907 : Réjouissance ; latinisme. Sorte de noël que l’on chante en Provence.
Gaudeamus
France, 1907 : Festin ; latinisme : « Réjouissons-nous. ».
Gaudes
France, 1907 : Sorte de bouillie que l’on fait en Franche-Comté, dans la Bourgogne et la Bresse, avec de la farine de maïs. On connait l’offre de la paysanne au curé de son village : « Monsieur le curé, voulez-vous des gaudes ? nos cochons n’en veulent plus. »
Ève en pleurant dit à l’enfant têtu :
Que veux-tu, mon fils, que veux-tu ?
Soudain, avec un juron inédit
À faire rougir des ribaudes,
Le jeune Caïn répondit :
Je veux manger des gaudes.
(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)
Gaudiffe ou gaudille
Halbert, 1849 : Épée.
Gaudille
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / France, 1907 : Épée.
Gaudines
France, 1907 : Gaudes, dans le Languedoc ; c’est aussi festin, liesse. Être de gaudines, être en noce.
Gaudineur
Vidocq, 1837 : s. m. — Décorateur.
Larchey, 1865 : Décorateur (Vidocq). — De gaudiner : s’amuser. V. Roquefort. — La gaîté des peintres en bâtiment est proverbiale.
Rigaud, 1881 : Peintre en décors. — Du vieux mot gaudine, bosquet.
France, 1907 : Peinte en décors ; du vieux mot gaudiner, s’amuser, rire, les peintres décorateurs ayant la réputation d’être de joyeux compagnons.
Gaudissard
Delvau, 1866 : s. m. Commis-voyageur, loustic, — dans l’argot du peuple. Le type appartient à Balzac, qui en a fait un roman ; mais le mot appartient à la langue du XVIe siècle, puisque Montaigne a employé Gaudisserie pour signifier Bouffonnerie, plaisanterie.
Gaudissart
France, 1907 : Hâbleur, amusant loustic, d’après le célèbre roman de Balzac qui a pour héros un commis-voyageur de ce nom. Dans le vieux français ou trouve gaudisserie, farce, bouffonnerie, folâtrerie, du latin gaudere, s’amuser, se réjouir. Ce type ne se rencontre plus guère qu’au fond de quelque province. « Les hommes de ma génération, dit Jean Richepin, en ont contemplé encore quelques exemplaires vivants ; mais nous serons les derniers à l’avoir ainsi connu en chair et en os, et désormais l’illustre Gaudissart n’existe plus qu’en effigie dans le prodigieux musée ethnologique de la Comédie humaine. Immortel chez Balzac, Gaudissart, partout ailleurs, est mort…
C’est que les commis-voyageurs d’aujourd’hui non seulement se sont transformés, mais ont à cœur qu’on s’aperçoive de leur transformation. Eux-mêmes font en quelque sorte la police de leur dignité et ne souffrent pas qu’un d’entre eux, mauvais plaisant ou imbécile, les déconsidère. Ils sont une corporation qui a sa valeur, qui le sait et qui tient à ce qu’on le sache. Et ils n’ont pas tort. »
Il débita tout cela d’une haleine, non du ton d’un commis-voyageur, d’un Gaudissart qui fait valoir la marque de la maison pour laquelle il travaille, mais du ton important de quelqu’un qui débite des vérités qu’il faut écouter, et qui sont sérieuses, et sans lesquelles le monde s’en irait dans la débâcle.
(Félicien Champsaur)
Ces Gaudissarts, comme disent quelques orléanistes cléricaux et repus, tournent, paraît-il, aux idées socialistes et ne se gênent pas pour blaguer partout les cocasses doctrines économiques du périmé Paul Leroy-Beaulieu.
Comme tous ceux qui voyagent beaucoup, qui voient sans cesse une foule de gens nouveaux et qui comparent, les voyageurs de commerce sont, en général, fort intelligents, et rien n’est plus naturel que de les entendre prôner les idées de justice sociale.
(Alphonse Allais)
Gaudrille
France, 1907 : Débauché, fille de joie ; du patois bourguignon, dérivé du latin gaudere, se réjouir.
Une bande de gaudrilles des deux sexes déambulait en chantant par les rues.
(Les Propos du Commandeur)
Gaudriole
Delvau, 1866 : s. f. Parole leste dont une femme a le droit de rougir, — dans l’argot des bourgeois, qui aiment à faire rougir les dames par leurs équivoques.
Gaudrioler
Delvau, 1866 : v. n. Rire et plaisanter aux dépens du goût et souvent de la pudeur.
Gaudrioles
d’Hautel, 1808 : Colifichets, ornemens superflus ; gaillardises, sornettes, balivernes.
Gaudrioleur
Delvau, 1866 : s. et adj. Bourgeois farceur, qui a de l’esprit aux dépens de Piron, qu’il a lu sans le citer, et de la morale, qu’il blesse sans l’avertir.
Gauffeux
France, 1907 : Trompeur, flatteur. Vieux mot.
Que ces gazons sont verds ! que la guingette est belle !
Dit Cartouche à Lisette, en la mangeant des yeux,
Votre aspect, ma Déesse, embellit seul ces lieux.
Non, jamais je ne vis beauté plus accomplie,
Ni plus… — Pour belle, non, je ne suis que jolie,
Répond-elle à l’instant d’un petit air sucré.
Vous êtes un gauffeux…
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Gauffrier
France, 1907 : Nature de la femme. Voir Écuelle.
Gaufres (faire des)
France, 1907 : Se dit de deux personnes marquées de petite vérole qui s’embrassent.
Gaule
Halbert, 1849 : Cidre.
Rossignol, 1901 : Voir bogue.
Gaulé
Vidocq, 1837 : s. m. — Cidre.
Larchey, 1865 : Cidre (Vidocq). — Mot à mot, boisson gaulée dans les pommiers.
Delvau, 1866 : s. m. Cidre, — dans l’argot des voleurs et des paysans.
France, 1907 : Cidre. Il est fait de fruits abattus à coups de gaule.
Gaule d’omnicroche
France, 1907 : Conducteur d’omnibus.
Gaule de jettard
France, 1907 : Barreau de prison.
Gaules de schtard
Rigaud, 1881 : Barreaux de fer d’une prison.
La Rue, 1894 : Barreaux des grilles de prison.
Virmaître, 1894 : Barreau de prison. Gaule : allusion à la rigidité du fer (Argot des voleurs).
Gaulois
Larchey, 1865 : « Autrefois c’était peut-être un compliment à un écrivain que de dire : Vous êtes Gaulois. L’esprit gaulois, c’est-à-dire la belle humeur triviale, est devenu un anachronisme. » — Aubryet.
Delvau, 1866 : adj. et s. Homme gaillard en action, et surtout en paroles, — dans l’argot du peuple, qui a conservé « l’esprit gaulois » de nos pères, lesquels étaient passablement orduriers.
Gaupe
d’Hautel, 1808 : Terme d’injure et de mépris, qui se dit d’une femme malpropre et désagréable. ACAD.
Vulgairement on donne ce nom à une coureuse, à une femme de mauvaises mœurs.
Delvau, 1864 : Fille légère — comme chausson.
Delvau, 1866 : s. f. Fille d’une conduite lamentable.
La Rue, 1894 : Basse prostituée.
France, 1907 : Fille de mauvaise vie, ignoble et malpropre.
— Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles :
Marchons, gaupe, marchons…
(Molière)
— Tais-toi, mou de veau mal lavé,
Pourquoi m’appelles-tu bâtarde,
Bassinoire de corps de garde,
Gaupe ! — Moi, gaupe ! gaupe, moi !
Ah ! chienne ! pan… Tiens, v’là pour toi.
(Vadé)
Il était 10 heures du matin, Nestine, éreintée, reposait entre les bras de son amant, quand un coup violent retentit à la porte.
— Nestine… ouvre-moi !
La gamine se réveilla en sursaut.
— M’man ! C’est m’man ! nous sommes pincés !
— De quoi ? de quoi ? fit Anatole en se frottant les yeux. Ta mère ? Eh bien ! je m’en fous. Je suis chez moi et je paye mon terme…
— Veux-tu ouvrir, petite gaupe ! continua la voix de la mère. Ouvre, ou je vas chercher les fliques !
(Oscar Méténier)
Gauperie
Delvau, 1866 : s. f. Actions, conduite, dignes d’une gaupe.
France, 1907 : Conduite ou acte d’une gaupe.
Gausse
d’Hautel, 1808 : Conter des gausses. Faire des mensonges badins et plaisans ; lâcher des gasconnades.
France, 1907 : Mensonge.
Pour s’excuser d’une infraction à la règle disciplinaire, il sait aussi construire avec promptitude une gausse dont un expert chercherait en vain le côté faible.
(Henri Rolland, L’Écolier)
Gausser (se)
d’Hautel, 1808 : Pour se moquer, se jouer de quelqu’un.
Il s’emploie aussi sans pronom personnel, et signifie mentir, débiter des choses plaisantes et controuvées.
Gausser, gaussiller (se)
France, 1907 : Se moquer.
— Vous serez récompensé bien au delà de vos désirs : vous aurez mon collier de fines perles, ma ceinture orfévrée de topazes et mon ruban de front où s’enchâssent trois opales.
Le jeune seigneur s’esclaffa d’insolente façon.
— Ouais ! dit-il, je me gausse de ces quincailles-là ! En ma demeure, j’en ai ma satiété. Mais à votre frais visage, à votre fluette main blanche, petite fille, j’estime que le reste de vous est suave et tendrelet. Ce n’est donc point ce qui brille sur vos vêtements qui me tente, mais bien ce qui se cache dessous, depuis votre nuque gracieuse jusqu’à vos mignonnes chevilles.
(Charles Foley)
Jean Pichet s’gaussillait d’moi,
Y n’a pas un brin d’ma chance,
Il s’en va servir le roi
Par tous les pays d’la France.
(Vieille chanson)
Gausserie
d’Hautel, 1808 : Raillerie, moquerie, bouffonnerie.
France, 1907 : Raillerie, moquerie ; du vieux verbe gausser.
Gausseur
d’Hautel, 1808 : Moqueur, railleur, gascon ; conteur de gausses.
Gausseur, gausseuse
France, 1907 : Moqueur, moqueuse.
Margot, morbleu !
Est par trop joyeuse ;
Elle est jaseuse,
Gausseuse.
(Vadé)
Gaussiller
La Rue, 1894 : Se moquer.
Gautier-Garguille
d’Hautel, 1808 : Je ne connois ni Gautier ni Garguille. C’est-à-dire personne.
Gaux
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vermine.
Halbert, 1849 : Époux.
Larchey, 1865 : Pou (Vidocq).
Rigaud, 1881 : Poux, vermine. — Estourbir des gaux, tuer des poux.
Gaux ou picantis
Vidocq, 1837 : s. m. — Pou, vermine.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Gaux picantis
Bras-de-Fer, 1829 : Pous.
Gaux-picantis
anon., 1827 : Des pous.
Gavache
Rigaud, 1881 : Auvergnat, habitant d’un pays de montagnes.
Rigaud, 1881 : Poltron.
Et moi plus qu’un enfant, capon, flasque, gavache.
(Petrus Borel, Rhapsodies, 1831)
France, 1907 : Gueux, étranger, homme lâche et sale.
C’est ainsi que dans la Gascogne et le Languedoc on désigne les descendants des colons de la Saintonge et de l’Angoumois qui, après la peste de 1524-1523, vinrent repeupler le pays. Gabacha, en espagnol, signifie fille publique.
Gave
Fustier, 1889 : Estomac. (Richepin)
France, 1907 : Estomac ; c’est, au propre, le gosier des oiseaux.
Gavé
Ansiaume, 1821 : Ivre.
Je l’ai gavé, il roupille, c’est le moment de faire l’affaire.
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme ivre.
Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Gaviolé.
France, 1907 : Bourgeois riche et repu, gorgé de boissons et de victuailles.
Écrasons sur les pavés
Les richards et les gavés,
Ces Aryas…
Leurs femmes en falbalas
Serviront de matelas
Aux parias.
(Jean Richepin)
Gavé, gaviolé
Larchey, 1865 : Ivre (Vidocq). — Mot à mot : gorgé jusqu’au gosier. — Du vieux mot gaviot : gosier. V. Roquefort.
Gaver (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Manger, — dans l’argot du peuple, qui prend l’homme pour un pigeon.
Gaveur
France, 1907 : Celui qui paye à manger et à boire, ou qui donne la becquée aux volailles.
Un directeur de grand théâtre,
Qu’avait à s’plaind’ d’un écrivain,
Réunit, criant comme quatre,
Tous ceux qu’il traitait de copain
Et leur dit : Épurons nos listes,
Je ne veux plus fair’ le gaveur :
À ces canaill’s de journalistes,
Supprimons les billets d’faveur.
(Jehan Denain)
Gaviau
Rossignol, 1901 : Gosier.
France, 1907 : Goéland.
Gaviole
France, 1907 : Même sens que gavé ; du vieux français gaviot.
Gaviolé
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme ivre.
Gavion
d’Hautel, 1808 : Pour, le gosier, la gorge.
Il en a jusqu’au gavion. Se dit d’une personne qui a mangé avec excès, dont l’estomac ne peut plus rien contenir.
On dit vulgairement et par corruption gaviau.
France, 1907 : Gésier.
Gaviot
Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier. Serrer le gaviot à quelqu’un. L’étrangler, l’étouffer. Autrefois on disait Gavion.
Rigaud, 1881 : Gosier ; d’où gavé. — Avoir le gaviot à sec, être altéré.
Virmaître, 1894 : Le gosier. Serrer le gaviot : faire passer le goût du pain. Mot à mot : étrangler un individu (Argot du peuple). V. Qui-Qui.
Hayard, 1907 : Gosier.
France, 1907 : Gorge, gosier.
Gaviteau
France, 1907 : Bouée.
Gavot
Larchey, 1865 : Compagnon. V. Dévorant.
Delvau, 1866 : s. m. Rival du Dévorant, — dans l’argot du compagnonnage.
Rigaud, 1881 : Compagnon indépendant. — Les Gavots et les Dévorants étaient ennemis et se battaient toutes les fois qu’ils se rencontraient.
Ils se nomment compagnons du Devoir de Liberté, afin précisément qu’on ne les confonde pas avec vous autres Dévorants, qui n’êtes partisans d’aucune liberté.
(George Sand, le Compagnon du tour de France)
Le mot gavot, dans la bouche d’un Dévorant, était une injure à l’adresse du compagnon indépendant.
France, 1907 : Compagnon.
Gavroche
Delvau, 1866 : s. m. Voyou, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont lu les Misérables de Victor Hugo.
Rigaud, 1881 : Gamin de Paris. Le voyou sublime, type créé par M. V. Hugo dans les Misérables.
France, 1907 : Gamin blagueur et spirituel, tel qu’il en pousse dans les rues de Paris. Gavroche est un type des Misérables de Victor Hugo.
Gay
Larchey, 1865 : Laid, drôle (Vidocq).
Gay (être)
Vidocq, 1837 : v. p. — Être drôle, laid.
Gaye
Vidocq, 1837 : s. m. — Cheval.
Virmaître, 1894 : Cheval. Quand le cheval est vieux on dit qu’il est une rosse (Argot des maquignons).
Rossignol, 1901 : Cheval.
Rossignol, 1901 : Inventer une chose désagréable à un ami pour le faire mettre en colère, c’est lui monter une gaye.
France, 1907 : Cheval.
Gayerie
Vidocq, 1837 : s. f. — Cavalerie.
Larchey, 1865 : Cavalerie (id.).
Gayet, gail
Ansiaume, 1821 : Cheval.
Il est gerbé à 5 longes pour avoir grinchi un gayet de 200 balles.
Gayet, galier
Larchey, 1865 : Cheval. — Mot ancien ; car on trouve dans Roquefort le diminutif gaillofre ; mauvais cheval, rosse. V. Garçon.
Gayetier
France, 1907 : Joueur de cornemuse, de l’espagnol gaitero. Vieux mot.
Gaz
Delvau, 1866 : s. m. Ventris flatus. On dit aussi Fuite de gaz. Lâcher son gaz. Crepitare. Avoir une fuite de gaz dans l’estomac. Feticium halitum emittere.
Delvau, 1866 : s. m. Les yeux, que la passion allume si vite, — dans l’argot des faubouriens. Allumer son gaz. Regarder avec attention.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie. Prendre un gaz, prendre un verre d’eau-de-vie. Le gaz allume l’ivrogne.
Rigaud, 1881 : Yeux. — Allumer son gaz, regarder avec attention. — Fermer le gaz, dormir.
France, 1907 : Eau-de-vie. Elle brûle comme le gaz.
Gaz (allumer son)
France, 1907 : Regarder avec attention ; mot à mot : s’éclairer.
Gaz (éteindre son)
France, 1907 : Mourir.
Gaz (faire son)
France, 1907 : Satisfaire ses besoins.
Gaz (lâcher le)
Larchey, 1865 : Pêter. — Double allusion à la nature et à la mauvaise odeur de l’expulsion.
D’autres dans un coin, mais sans honte, Lâchent le gaz et font des renards.
(Chansonnier, 1836)
Rigaud, 1881 : Faire à voix basse l’éloge du haricot de Soissons.
France, 1907 : Lâcher un vent.
Dans un diner de l’hôtel de ville :
Un monsieur légèrement échauffé, en causant à sa voisine, laisse échapper un certain bruit.
La dame pince les lèvres, mais ne dit rien.
Quelques instants plus tard, toujours parlant à sa voisine, il en fait entendre un d’un autre genre.
La dame, cette fois, ne se contient plus :
— Ah çà ! Monsieur, vous avez donc le gaz à tous les étages ?…
Gaz dans l’estomac (avoir une fuite de)
Rigaud, 1881 : Sentir mauvais de la bouche.
Gazer
Delvau, 1866 : v. a. et n. Ne pas dire les choses crûment, — dans l’argot des bourgeois.
Gazette (lire la)
France, 1907 : Jeûner.
Gazier
Rigaud, 1881 : Celui qui a l’habitude de lâcher le gaz ; le panégyriste du haricot.
Gazon
Larchey, 1865 : Perruque mal peignée, ébouriffée comme une touffe d’herbes.
Delvau, 1866 : s. m. Perruque plus ou moins habilement préparée, destinée à orner les crânes affligés de calvitie.
Rigaud, 1881 : Chevelure apocryphe, perruque « jouant la nature », comme s’expriment les prospectus et les traités de littérature de pissotière.
Je mets mon gazon, mes favoris, mon tuyau de poêle en toile cirée et me voilà cocher.
(X. de Montépin, Le Fiacre no 13)
Rigaud, 1881 : Chevelure authentique, — dans le jargon du peuple. — Ne plus avoir de gazon sur la pelouse, être chauve.
La Rue, 1894 : Chevelure. Perruque.
Rossignol, 1901 : Cheveux, perruque. Celui qui n’a plus de cheveux, n’a plus de gazon sur la fontaine.
France, 1907 : Cheveux, perruque. Se râtisser le gazon, se peigner. Se gazonner la plate-bande, porter perruque.
Gazon de la femme
Delvau, 1864 : Les poils de sa motte.
Nature t’a fourni un corsage bien fait,
Mais un con renfrogné, dont l’ouverture ronde
Assise est platement et sans aucun gazon.
(Théophile)
Mais nos peintres, tondant leurs toiles
Comme des marbres de Paros,
Fauchent sur les beaux corps sans voiles
Le gazon où s’assied Eros.
(Th. Gautier)
Gazouiller
Halbert, 1849 : Parler.
Larchey, 1865 : Parler. — Mot de langue romane. V. Roquefort.
Laquelle de tous les deux qu’a le plus de choses dans le gazouillage.
(Vadé, 1788)
Delvau, 1866 : v. n. Parler, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Répondre.
Rigaud, 1881 : Sentir mauvais. Le gaz répand une odeur insupportable ; d’où gazouiller dans le sens de puer.
Oh ! là, là, ça gazouille, dit Clémence, en se bouchant le nez.
(É. Zola)
La Rue, 1894 : Puer.
France, 1907 : Parler.
France, 1907 : Sentir mauvais ; jeu de mot sur gaz. Avoir une fuite de gaz dans l’estomac, avoir mauvaise haleine.
— Oh ! là, là ! ça gazouille, dit Clémence en se bouchant le nez.
(Émile Zola)
Geai
d’Hautel, 1808 : On dit trivialement d’une personne qui va souvent à la selle, qu’elle est comme un geai, qu’elle a toujours le derrière ouvert, par allusion à cet oiseau qui digère les alimens aussitôt qu’il les a pris.
Géant
d’Hautel, 1808 : Aller à pas de géant. Se dit figurément, pour aller grand train ; faire de grands progrès dans une affaire.
Gebhart
France, 1907 : Gobelet ; argot des polytechniciens.
Le gebhart est un gobelet dans lequel on verse à chaque élève, à 11 heures et demie, une ration de vin d’un quart de litre ; ce vin accompagné d’un morceau de pain lui permet d’attendre le déjeuner qui n’a lieu qu’à 2 heures. Cette innovation appréciée des estomacs à jeun depuis 8 heures du matin est due au général Gebhart… On discuta longtemps pour savoir si le gobelet en question porterait le nom de Gebhart ou celui de Freycinet, alors ministre de la guerre ; à la suite d’un vote, le nom de Gebhart sortit victorieux.
(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)
Geffrard
Rigaud, 1881 : Double cinq d’un jeu de dominos ; par allusion à la couleur du président Geffrard.
Geignard, geigneur
France, 1907 : Personne qui se plaint, qui se lamente sans cesse et sans raison.
Geigneur
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui aime à se plaindre sans avoir de sérieux motifs de plainte, — dans l’argot du peuple, ennemi de ces hommes-femmes-là.
Rigaud, 1881 : Pleurnicheur sempiternel qui passe sa vie à geindre.
Gein
France, 1907 : « File d’ouvriers travaillant dans un champ, sur une même ligne, laquelle s’avance à mesure que l’ouvrage se fait »
(Lucien Adam, Les Patois lorrains)
Geindre
d’Hautel, 1808 : Plaindre ; gémir continuellement sans sujet, et souvent les mains pleines.
Delvau, 1866 : v. n. Se plaindre.
France, 1907 : Ouvrier boulanger, appelé ainsi à cause de l’effort respiratoire qu’il produit en pétrissant la pâte pour rythmer son travail, et qui ressemble à une sorte de gémissement. « Les geindres se sont mis en grève. »
Gelée
d’Hautel, 1808 : Un beau plat de gelée. Expression métaphorique, pour dire une belle gelée, un froid vif et serré.
Gelée de loup
France, 1907 : Teinture d’antimoine.
Gelée de mer
France, 1907 : Méduse.
Geler
d’Hautel, 1808 : Il gèle à pierre fendre. Pour dire il gèle fortement.
Il n’a pas le bec gelé. Se dit d’un homme qui parle continuellement ; d’un grand babillard.
Geline
France, 1907 : Poule ; vieux mot, du latin gallina.
Gelinette
France, 1907 : Poule d’eau ; corruption de gelinotte.
Gendarme
d’Hautel, 1808 : On dit d’une femme hommasse, hardie et effrontée, que c’est un vrai gendarme.
Delvau, 1864 : Concubine ou femme légitime qui, toujours pendue au bras de son homme, ou sur ses talons, le suit partout — et quand même.
Delvau, 1866 : s. m. Femme délurée et de grande taille, — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. m. Fer à repasser, — dans l’argot des ménagères, qui ont constaté que la plupart de ces utiles instruments sortaient de la maison de la veuve Gendarme. Branleuse de gendarme. Repasseuse.
Delvau, 1866 : s. m. Hareng saur, — dans l’argot des charcutiers.
Rigaud, 1881 : Breuvage composé de vin blanc, de sirop de gomme et d’eau ; très apprécié des ivrognes les lendemains des jours de fêtes bachiques. Dans leur reconnaissance, ils ont nommé le même mélange : un « protecteur ».
Rigaud, 1881 : Cigare d’un sou à bout coupé.
Rigaud, 1881 : Gaillarde qui vaut un et quelquefois deux hommes. L’ouvrier parisien appelle volontiers sa femme « mon gendarme, le gendarme », quand elle est criarde, ou quand elle est maîtresse au logis, ou quand elle vient en gesticulant l’arracher aux douceurs du cabaret.
Rigaud, 1881 : Hareng-saur.
La Rue, 1894 : Hareng saur. Cigare de cinq centimes. Logeur. Moisissure. Fer à repasser.
Virmaître, 1894 : Fer à repasser. Gendarme est le nom du fabricant le plus renommé (Argot des blanchisseuses).
France, 1907 : Boisson composée de vin blanc, sirop de gomme et eau.
France, 1907 : Cigare d’un sou.
France, 1907 : Femme de grande taille, délurée et hardie. On dit, dans le même sens, dragon.
France, 1907 : Fer à repasser, parce que, dit encore Delvau, la plupart de ces utiles instruments sortaient de la maison de la veuve Gendarme, d’où une repasseuse est appelée branleuse de gendarme.
France, 1907 : Hareng saur.
France, 1907 : Logeur en garni.
France, 1907 : Moisissure sur le vin. D’après Delvau, ce nom serait un jeu de mot parce que cette moisissure arrête le travail de bonification. On ne peut pas dire de cette explication fantaisiste : Si non cero, bene torovato.
Gendarme déguisé en bourgeois
Rigaud, 1881 : Canne à épée.
Ah ! fit-il, en repoussant vivement le poignard, ton gendarme déguisé en bourgeois.
(V. Hugo)
Gendarmer
d’Hautel, 1808 : Se gendarmer. Faire de la résistance, se débattre sur une affaire, s’escrimer, se mettre en colère.
Gendarmer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’offenser. Signifie aussi : Regimber, résister.
France, 1907 : S’offenser, se rebiffer, protester.
Gendarmes
Delvau, 1866 : s. m. pl. Moisissures que le contact de l’air développe à la surface du vin, — dont cela arrête ainsi le travail de bonification.
Rigaud, 1881 : Moisissures qui attaquent le vin, lorsqu’une barrique tire à sa fin.
Gendeletirisme
France, 1907 : Maladie épidémique qui s’est singulièrement développée depuis que la demi-instruction est mise à la portée de tous.
Gendelettre
Delvau, 1866 : s. m. Homme de lettres, — dans l’argot des bourgeois, qui font de ce mot ce que le peuple a fait du mot précédent, primitivement écrit gens d’armes.
France, 1907 : Homme de lettres. « Le moindre plumitif se dit gendelettre. »
Géné
Fustier, 1889 : Général. Argot de l’École polytechnique.
L’habitude est à l’école d’abréger tous les mots. On ne dit pas le colonel, mais le colo, le général, mais le gêné…
(Gil Blas, juin 1882)
France, 1907 : Apocope de général ; argot des polytechniciens.
Gène
Delvau, 1866 : s. f. Pauvreté, — dans l’argot du peuple, dont c’est le vice principal.
Gêne
d’Hautel, 1808 : Où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir. Proverbe populaire qui se dit en plaisantant, pour excuser les trop grandes libertés, les écarts que l’on se permet.
Gêné
Virmaître, 1894 : Malheureux momentanément, embarrassé dans ses affaires. Gêné dans ses entournures : être habillé trop étroitement. Gêné par quelqu’un : n’avoir pas ses coudées franches, être tenu en laisse. Gêné : être mal à l’aise dans un milieu auquel on n’est pas habitué. Dans le peuple, gêné a une signification toute différente. Quand une femme a un amant, elle lui dit au moment psychologique :
— Fais comme mon mari, gêne-toi (Argot du peuple). N.
Gêné dans les entournures
France, 1907 : Guindé, ne savoir que faire du ses membres.
Gêné dans ses entournures
Delvau, 1866 : Ennuyé, agacé par quelqu’un ou par quelque chose, — dans l’argot des faubouriens, qui aiment les vêtements larges et les « bons enfants ».
Général Macadam
Delvau, 1866 : s. m. Le public, qui est le Salomon de toutes les filles. On disait le général Pavé, avant l’introduction en France du système d’empierrement des rues dû à l’ingénieur anglais Mac Adam.
France, 1907 : Le public ; se disait du temps où la composition boueuse inventée par Mac Adam transformait en dépotoir les rues de Paris. Une fille publique était entretenue par le général Macadam ou le général Pavé.
Général pavé
Virmaître, 1894 : Les filles publiques qui arpentent les rues du malin au soir à la recherche de clients sont entretenues par ce général, qui est souvent bien dur pour elles. L’allusion est claire (Argot du peuple). N.
Genetin ou gennetin
France, 1907 : Raisin et vin blanc de l’Orléanais.
Gêneur
Delvau, 1866 : s. et adj. Type essentiellement parisien, — comme la punaise. C’est plus que l’importun, plus que l’indiscret, plus que l’ennuyeux, plus que le raseur : c’est — le gêneur.
Rigaud, 1881 : Importun personnage qui fait de la morale à des gens qui ne demandent qu’à s’amuser. Le peuple les envoie à Chaillot rejoindre tous ceux qui l’ennuient. À Chaillot les gêneurs !
France, 1907 : Importun, trouble-fête, indiscret.
Geneviève
France, 1907 : Genièvre.
Genevisme
France, 1907 : Langage et style des Genevois, qui s’imaginent parler et écrire le français.
Genévrette
France, 1907 : Boisson faite avec des fruits sauvages et aromatisée de genièvre, en usage surtout dans le Gâtinais. Elle sert à remplacer le vin et la bière chez les gens de la campagne.
Génie (un)
Merlin, 1888 : Un soldat du génie.
Génisse
Delvau, 1866 : s. f. Femme trop libre.
France, 1907 : Mot poli pour désigner certaines femmes plus communément appelées vaches.
Géniteur
Delvau, 1864 : Homme qui ne peut baiser une femme sans lui faire un enfant, — genitor.
Rigaud, 1881 : Père.
Trois ans se sont écoulés depuis que mon géniteur a cessé d’exister et de gouverner la France.
(Armand Charlemagne, Les trois B, 1809)
Génitoires
Delvau, 1864 : Les couilles, qui contiennent la liqueur de la génération.
Mes doigts, légèrement promenés sur les fesses, les cuisses et les génitoires de l’Adonis, paraissaient lui faire grand plaisir. — Oh ! oui, comme cela, chatouille, mon petit ange, chatouille-les bien !…
(A. de Nerciat)
Et le montrait, voyant tout chacun ses génitoires.
(Les Cent Nouvelles nouvelles)
Un roi dans les grecques histoires,
Sachant des siens la trahison,
Voulut, pour en tirer raison,
Qu’on leur coupât les génitoires.
(Cabinet satyrique)
Gennade
France, 1907 : Femme qui a épousé un homme d’une condition inférieure à a sienne. Vieux mot.
Genoper
France, 1907 : Garrotter ; argot des marins. La genope est un bout de filin qui sert à fixer deux cordages l’un sur l’autre pour les empêcher de glisser.
Genou
d’Hautel, 1808 : Il coupe comme les genoux de ma grand’mère. Se dit d’un mauvais couteau qui n’est point affilé, qui n’est point habile à la coupe.
Rompre l’anguille au genou. Se servir de moyens peu convenables pour réussir dans une affaire.
Larchey, 1865 : Tête chauve.
Il ébauchait une calvitie dont il disait lui-même sans tristesse : Crâne à trente ans, genou à quarante.
(Victor Hugo)
Delvau, 1866 : s. m. Crâne affligé de calvitie. Avoir son genou dans le cou. Être chauve.
Rigaud, 1881 : Crâne dénudé. — Homme chauve. — On voit beaucoup de genoux à l’orchestre de la Comédie-Française.
France, 1907 : Crâne chauve. Avoir son genou dans de cou, être dépourvu de cheveux.
Je la connus un peu avant son divorce, et les émotions de cette crise la rendaient plus jolie et plus intéressante. Elle était même courtisée, en même temps par un banquier fort riche, mais vieux, chauve comme un genou, et vraiment laid.
(Paul Alexis)
Bébé joue avec un vieux beau, cassé comme un divan d’hôtel meublé, chauve comme un concombre :
— Oh ! Dis, Monsieur, s’écrie tout à coup Bébé en caressant le crâne du vieux beau, pourquoi n’y mets-tu pas une jarretière ?
Genoulelète
France, 1907 : Perdrix grise.
Genre
d’Hautel, 1808 : Avoir le genre ; prendre le genre ; être dans le bon genre. Ces locutions signifient, en termes de petit maître, avoir la tournure à la mode, les airs musqués ; faire l’important.
Pour parvenir à ce que l’on nomme le bon genre, ou le suprême bon ton, il faut d’abord maniérer son langage et grasseyer en parlant ; prendre un air hautain, délibéré et suffisant ; occuper continuellement la conversation de sa personne, de ses qualités, de son savoir, de ses goûts, de ses fantaisies ; parler tantôt de son coiffeur, de son tailleur, de son bottier ; puis de ses maîtresses, de chevaux ; des spectacles, de Brunet, de Forioso, et de mille autres objets de cette importance : un homme du bon genre doit en outre avoir en main une badine, avec laquelle, lorsqu’il ne la porte pas à sa bouche, il frappe à tort et à travers sur tous les meubles qui sont autour de lui ; et s’il n’est vautré sur un sopha, en présence de toutes les femmes, debout devant une glace, sur laquelle ses yeux sont constamment fixés, il s’enthousiasme des charmes de sa personne ; et, tout en fredonnant quelqu’air fade et langoureux, il s’occupe négligemment à réparer les désordres d’une Titus ébourriffée ; enfin tout ce qui est ridicule, outré, insipide et féminin, doit se trouver réuni dans ce qu’on appelle un homme du bon genre.
On ne sait de quel genre il est, s’il est mâle ou femelle. Se dit d’un homme sournois, et qui mène une vie très-retirée.
Larchey, 1865 : Ostentation.
Un éteignoir d’argent, pus que ça de genre !
(La Bédollière)
Monsieur fait du genre : Monsieur fait ses embarras.
Delvau, 1866 : s. m. Manières ; embarras ; pose, — dans l’argot du peuple. Que ça de genre ! est son exclamation favorite à propos de choses ou de gens qui « l’épatent ».
Genre (se donner un)
Rigaud, 1881 : Vouloir paraître ce qu’on n’est pas. — Se donner un genre artiste, militaire. — Se donner du genre, singer les grandes manières.
Ne pas dîner pour s’acheter des gants.
Genre humain
d’Hautel, 1808 : Les hommes pris ensemble.
C’est l’horreur du genre humain. Se dit de quelqu’un qui inspire de l’aversion, pour lequel on a le plus grand mépris ; ou de quelque chose que l’on veut décréditer.
Genreux
Rigaud, 1881 : Élégant, celui qui fait du genre, — dans le jargon du peuple.
Une histoire scandaleuse, dont potine à cette heure tout le Paris genreux.
(Petite Lune, 1879)
France, 1907 : Poseur, homme qui fait du genre, de l’ostentation.
Gens
d’Hautel, 1808 : C’est la crême des honnêtes gens. V. Crême.
Gens de sac et de corde. Pour dire filous, voleurs qui méritent la corde.
À gens de village trompette de bois. Voyez Bois.
De fines gens. Des personnes adroites, rusées, dont il faut se méfier.
Nous prenez-vous pour des gens au — delà de l’eau. C’est-à-dire, pour des gens qui ne savent rien, auxquels on peut aisément en conter.
d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas pour de si bonnes gens, c’est pour mon père et ma mère. Se dit en badinant, lorsque l’on fait à la grosse quelque chose pour soi, et à dessein de faire entendre que l’on ne craint pas d’en avoir des réprimandes.
Nous sommes gens de revue. Se dit pour marquer la confiance que l’on a dans une personne avec laquelle on a contracté quelqu’obligation ; se dit aussi d’une affaire que l’on remet à un autre moment.
Il y a gens et gens. Pour dire que tous les hommes ne se ressemblent pas, qu’ils ont des mœurs différentes.
Vous moquez-vous des gens ? C’est se moquer des gens. Espèce d’apostrophe que l’on fait à quelqu’un qui fait des propositions déraisonnables.
Gens de lettres (société des)
Rigaud, 1881 : Chantage par lettre. — Faire partie de la Société des gens de lettres, adresser une lettre à quelqu’un en le menaçant de mort, s’il ne dépose pas une certaine somme à un endroit désigné. En pareil cas, la marche à suivre est de porter immédiatement l’épître au commissaire de police.
Gentilhommaille
France, 1907 : Ramassis de nobles, de hobereaux.
Gentilhomme
d’Hautel, 1808 : C’est un gentilhomme de Beauce, qui reste au lit quand on refait ses chausses. Se dit ironiquement d’un homme pauvre qui fait le gros seigneur.
France, 1907 : Cochon, sans doute parce qu’il ne travaille pas, s’engraisse à ne rien faire. Les Irlandais appellent le cochon « le gentilhomme qui paye la rente ».
Gentilhomme à lièvre
France, 1907 : Hobereau qui passe son temps à chasser dans ses terres ; gentilhomme campagnard de petite fortune et de petite noblesse.
Ce mot vient d’une aventure plaisante racontée par le greffier Tillet en ses Mémoires : « Les armées de Philippe V, roy de France, et d’Édouard, troisième roy d’Angleterre, estant sur le point de donner bataille, un lièvre se donna près du camp des François. Les soldats les plus proches firent, en le voyant, un si grand bruit, que ceux qui estoient à l’arrière-garde crurent qu’on estoit aux mains. Quelques écuyers, ayant eu cette pensée, vinrent se jeter aux pieds du roy pour lui demander l’accolade de chevaliers ; mais n’y ayant point eu de combat, et l’alarme se trouvant avoir esté seulement causée par un lièvre, on nomma par raillerie ceux qui avoient esté faits chevaliers, les chevaliers du lièvre. On a depuis appliqué ce proverbe aux gentilshommes casaniers et qui passent leur vie à la chasse. »
(Fleury de Bellingen, Étym. des prov. franç.)
Gentilhomme de la manche
France, 1907 : Gentilhomme qui accompagnait un prince adolescent.
Gentilhomme de parage
France, 1907 : Fils d’un père noble, pouvant être fait chevalier, tandis que le fils d’une mère noble et d’un père roturier ne pouvait aspirer à la chevalerie, tout en étant gentilhomme.
Gentilhomme de parchemin
France, 1907 : Sobriquet que donnaient les gentilshommes de vieille noblesse aux roturiers anoblis.
Gentilhomme de verre
France, 1907 : Noble qui exerçait la profession de verrier, la seule industrie qui ne fit pas perdre la noblesse.
Gentilhomme de verre,
Si vous tombez à terre,
Adieu vos qualités.
(Maynard)
Gentilhomme sous-marin
France, 1907 : Souteneur.
Gentilhommerie
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Se dit en parlant de quelqu’un de petite noblesse, ou nouvellement anobli.
Gentilhommière
d’Hautel, 1808 : Petite maison qui sert d’apanage à un noble pauvre.
Gentille (être bien)
Delvau, 1864 : Bien arranger un homme, le faire jouir à gogo.
Joli garçon, viens avec moi, tu ne t’en repentiras pas… je serai bien gentille…
(Lemercier de Neuville)
Gentille au dodo (être bien)
Delvau, 1864 : Promesse que vous fait une fille en vous raccrochant ; cela consiste à vous faire jouir comme jamais vous n’avez joui avec aucune femme, soit en vous suçant, soit en vous branlant, soit en se laissant enculer par vous, soit en vous faisant postillon pendant que vous la foutez, — et tout cela pour arriver à vous faire tirer un pauvre petit coup de deux liards qui ne vous remue pas autant que le premier baiser de votre première bonne amie.
Gentillesse
d’Hautel, 1808 : C’est une de ses gentillesses. Se dit en mauvaise part, pour c’est une de ses fredaines, un de ses tours.
Gentleman
Delvau, 1866 : s. m. Homme d’une correction de langage et de manières à nulle autre pareille, — dans l’argot des gandins. On dit aussi Parfait Gentleman, mais c’est un pléonasme, puisqu’un Gentleman qui ne serait pas parfait ne serait pas gentleman.
France, 1907 : Homme bien élevé ; anglicisme.
Un gentilhomme peut ne pas être un gentleman.
Gentleman-rider
France, 1907 : Homme du monde qui monte dans les courses ; du verbe anglais to ride, monter à cheval. Les membres du Jockey-Club et les officiers de cavalerie ont seuls le droit de monter dans les courses des gentlemen-riders.
Gentlemen
France, 1907 : Pluriel de gentleman.
Gentry
France, 1907 : Haute bourgeoisie, d’origine aristocratique ; anglicisme.
Genus irritabile vatum
France, 1907 : La race irritable des poètes. Locution tirée des Épîtres d’Horace et passée dans la langue.
Géo
France, 1907 : Géométrie et géographie, dans l’argot des écoles.
Georger
Vidocq, 1837 : s. m. — Pourpoint.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Georget
Halbert, 1849 : Gilet.
France, 1907 : Gilet. Est-ce à cause de la forme des gilets du célèbre médecin aliéniste de ce nom, mort en 1828 ?
Gerbable
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme qui doit être condamné.
Rigaud, 1881 : Menacé d’une condamnation. — Gerbé, condamné.
France, 1907 : Accusé certain d’être condamné.
Gerbe
Clémens, 1840 : Condamné.
Virmaître, 1894 : Prison. Gerbé : condamné. Gerbe à vioc : être condamné aux travaux forcés à perpétuité. Gerbe à la passe : condamné à mort (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Prison.
France, 1907 : Prison. Une gerbe, une année de prison.
Gerbé
Rossignol, 1901 : Condamné.
France, 1907 : Condamné. Gerbé à vioc ou à la vioque, condamné à perpétuité ; gerbé à la passe, condamné à mort ; gerbé à la grotte, condamné au bagne.
Gerbé (être)
M.D., 1844 / M.D., 1844 : Être condamné.
Hayard, 1907 : Condamné.
Gerbé à vioc
Ansiaume, 1821 : Condamné à vie.
Il est gerbé à vioc pour avoir ébobi un roulotier sans parain.
Gerbement
Ansiaume, 1821 : Condamnation.
Il doit son gerbement à son camarade d’affaire, qui a mangé.
Vidocq, 1837 : s. m. — Jugement.
Delvau, 1866 : s. m. Jugement, condamnation, — dans l’argot des voleurs.
Rossignol, 1901 : Condamnation.
France, 1907 : Condamnation, jugement.
La conversation, qu’ils eussent été très embarrassés d’alimenter autrement, roulait sur les camarades qui étaient au pré, sur ceux qui étaient en gerbement.
(Marc Mario et Louis Launay)
Gerbement, gerbe
Rigaud, 1881 : Jugement. — Gerber, juger ; condamner. — Gerber à la passe, gerber à la faux, condamner à mort. La passe, pour le passage de la vie à la mort. — Gerbier, juge, juré. — Gerberie, tribunal. — Planque du gerbe, cour d’assises.
Gerber
Ansiaume, 1821 : Condamner.
Ils vont le gerber à dix longes, il a des parains,
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Emprisonner.
Vidocq, 1837 : v. a. — Juger, condamner.
un détenu, 1846 : Condamner, être gerbé, être condamné.
Halbert, 1849 : Condamner.
Larchey, 1865 : Juger (Vidocq). — Mot à mot : réunir tous les actes de la vie passée, en faire une gerbe, un faisceau pour l’accusation. — Gerbement : Jugement. V. Manger. — Gerberie : Tribunal. — Gerbier : Juge.
Delvau, 1866 : v. a. Condamner. Gerber à vioc. Condamner aux travaux forcés à perpétuité. Gerber à la passe ou à conir. Condamner à mort.
La Rue, 1894 : Juger, condamner.
France, 1907 : Juger, condamner. On réunit en gerbe tous les chefs d’accusation.
— Te voilà pris avec cinq vols qualifiés, trois assassinats, dont le plus récent concerne deux riches bourgeois… tu seras gerbé à la passe.
(Balzac)
Gerber à conir sur la lune à douze quartiers
Vidocq, 1837 : v. a. — Condamner à mourir sur la roue.
Gerber à la grotte
La Rue, 1894 : Condamner au bagne ; à la vioque, à perpétuité.
Gerber à la passe
Bras-de-Fer, 1829 : Guillotiner.
Larchey, 1865 : Condamner à mort. — On dit souvent en parlant de la mort : Il faut la passer.
On va le buter. Il est depuis deux mois gerbé à la passe.
(Balzac)
Gerberie
Vidocq, 1837 : s. m. — Tribunal.
Delvau, 1866 : s. f. Tribunal, Cour d’assises.
France, 1907 : Tribunal.
Gerbier
Vidocq, 1837 : s. m. — Juge.
Clémens, 1840 : Juge.
un détenu, 1846 : Juge. Meg des gerbiers ; le président d’un tribunal.
Delvau, 1866 : s. m. Avocat d’office, — dans l’argot des voleurs, qui, certainement à leur insu, donnent à leur défenseur, médiocre porte-toge, le nom du très célèbre avocat au parlement de Paris. Signifie aussi Juge.
La Rue, 1894 : Juge. Juré. Avocat d’office.
Virmaître, 1894 : Président de la Cour d’assises (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Juge. Celui qui gerbe.
France, 1907 : Juge.
Gerbierres
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Fausses clés.
France, 1907 : Fausses clefs.
Gerce
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des voyous pour qui, sans doute, c’est la vermine.
Rigaud, 1881 : Maîtresse, — dans le jargon des voleurs. C’est garce, avec changement d’une lettre.
Virmaître, 1894 : Femme (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Femme.
France, 1907 : Fille, maîtresse ; du patois normand où gerce signifie brebis, ou peut-être de gerce, fente dans la peau, allusion aux organes sexuels, ou peut-être encore de gerce, teigne qui ronge les étoffes.
Quant au choix qu’i’ faut en faire,
Les p’tit’s gerc’s, c’est pus girond ;
Mais ça n’sait qu’l’ap’ de l’affaire
Et ça rent’ quèqu’fois sans l’rond.
(Blédort)
Gérir (se)
France, 1907 : Se conduire.
Gerlon
France, 1907 : Cuve de papetier.
Germanie (aller en)
France, 1907 : Remanier une composition ; argot des typographes. Jeu de mot ; littéralement : « Je remanie. »
Voir Aller en Galilée.
Germinisme
France, 1907 : Pédérastie ; néologisme de date récente, créé après l’aventure du comte de Germiny, membre de la Société de Saint-Vincent de Paul et président des cercles catholiques ouvriers.
Les synonymes de pédéraste sont nombreux dans l’argot des gens du monde comme dans celui des faubourgs, ce qui prouve l’étendue et la persistance de ce vice honteux, commun aux deux sexes. Nous en citerons pour mémoire quelques-uns : bique et bouc, corvette, Émile, emproseur, frégate, gosselin, Jésus, pédé, pédéro, tante, tapette, rivette.
Germinyser
Virmaître, 1894 : Membre d’un cercle catholique qui cherche à pénétrer dans un centre ouvrier. La condamnation qui frappa un personnage célèbre reconnu coupable d’un délit, qui n’était assurément qu’un acte de folie érotique a donné naissance à cette expression devenue populaire (Argot du peuple).
Gernaffe, gernaffier
France, 1907 : Ferme, fermier ; forme de garnaffe.
Gernafle
Halbert, 1849 : Ferme.
Géromé
France, 1907 : Fromage de Gérardmer ; corruption de ce mot.
Gérontocratie
Larchey, 1865 : Puissance de la routine et des anciennes idées, représentées au théâtre par le type de Géronte.
La gérontocratie sous laquelle tout se flétrit en France.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. f. Puissance des préjugés, de la routine et des idées caduques, « sous laquelle tout se flétrit en France ». — où les Gérontes sont encore plus nombreux que les Scapins. L’expression est d’Honoré de Balzac.
Rigaud, 1881 : Rabâchage, routine, idées surannées. M. Éd. About s’est souvent servi de ce mot.
France, 1907 : Gouvernement par les vieilles gens. Abus de la prétendue sagesse des viellands qui n’est presque toujours que l’impuissance. Géronte est un personnage de comédie qui représente la routine, les préjugés et l’encroutement.
Gerse
La Rue, 1894 : Prostituée.
Rossignol, 1901 : Femme.
Gerzeau
France, 1907 : Nielle.
Gerzerie
France, 1907 : Ivraie ; provincialisme.
Gésier
d’Hautel, 1808 : Le second ventricule de certains oiseaux qui se nourrissent de grains. Ce mot est absolument défiguré parmi le peuple qui prononce gigier.
Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans l’argot du peuple. Avoir mal au gésier. Avoir une laryngite ou une bronchite.
Rigaud, 1881 : Gosier. — Se laver le gésier, boire un coup.
Gesseur
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait des embarras, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Grimacier, excentrique. Je n’ai pas besoin de dire que l’étymologie de ce mot est geste, et que c’est par euphonie qu’on le prononce ainsi que je l’écris.
France, 1907 : Grimacier, faiseur d’embarras ; corruption de gesteur, qui fait des manières, des gestes.
Gesseuse
Delvau, 1866 : s. m. Femme minaudière, qui fait sa sucrée — et même « sa Sophie ».
France, 1907 : Minaudière, prude.
Gessir
France, 1907 : Sortir, être issu.
Get
Vidocq, 1837 : s. m. — Jonc.
France, 1907 : Jonc, pour jet.
Get, geti
Rigaud, 1881 : Jonc, — dans l’ancien argot.
Geule
France, 1907 : Maladie de la vigne dans laquelle les bourgeons se développent au détriment du raisin.
Ghetto
France, 1907 : Juiverie ; italianisme. Quartier de Rome, de Turin et autres villes d’Italie, réservé aux juifs et qu’on fermait la nuit au moyen de chaînes. Le nom de ghetto a été donné à tous les quartiers juifs.
Naples de même et ses ghetto révèlent mieux, en une brève escale, la crasse orientale à venir que les relations de voyage les plus documentées.
(Paul Bonnetain)
Entre ces parquets à jour l’eau fuit, rapide comme un malfaiteur. Les délayages ignobles des savonnages, des teintures, les immondices, les épluchures ont déposé un humus de vase qui est de la lie humaine. Des papiers, des débris d’assiettes collent sur ce fond une mosaïque. Des poignées de cheveux s’y fixent en façon d’algues. Et l’on songe tout ensemble à une Venise de truands et à un ghetto de lépreux, où l’ordure se coagule dans le vomissement des ivresses et dans le sang des rixes.
(Hugues Le Roux)
Gi
Halbert, 1849 / Hayard, 1907 / France, 1907 : Oui.
Gibasse
Delvau, 1866 : s. f. pl. Gorge qui a peut-être promis, mais qui ne tient pas.
Gibe
France, 1907 : Bosse ; du latin gibba, gibbosité.
France, 1907 : Chapeau, pour gibus.
Gibelet (avoir un coup de)
France, 1907 : Agir légèrement, sans réflexion, comme si l’on avait bu. Le gibelet est un petit foret qui sert à percer les tonneaux, pour en déguster le vin.
Gibelotte de gouttière
Delvau, 1866 : s. f. Chat de toits, — dans l’argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Il existe des industriels qui, la nuit, vont chasser les chats ! Ils les fourrent dans un sac de toile, les dépouillent, puis les vendent aux restaurateurs de bas-étage qui les transforment en lapin sauté ou en lapin chasseur. Ils les préparent plus particulièrement en gibelotte parce que le vin et les épices atténuent un peu l’odeur sauvage du chat-lapin. Dans les portions servies au public, jamais il n’y a de tête ; elle ferait reconnaître facilement la nature du lapin (Argot du peuple).
France, 1907 : Chat.
Giberne
Delvau, 1864 : Le fessier, d’une femme, qui est, si on le veut, une boîte à cartouches. Allusion à la place ordinaire de la giberne.
Elle a une crâne giberne, ton adorée, faut lui rendre justice. Tout est-il à elle, dis ?
(Charles Monselet)
Delvau, 1866 : s. f. La partie du corps dont les femmes augmentent encore le volume à grand renfort de jupons et de crinolines. Ce mot, — de l’argot des faubouriens, s’explique par la position que les soldats donnaient autrefois à leur cartouchière.
France, 1907 : Derrière, fesses.
La grosse dondon qui nous servait à table était agrémenté de rotondités antérieures et postérieures qui faisaient loucher les jeunes lieutenants ; on n’entendait que ces exclamations : « Pristi ! quelles avant-scènes ! Nom de Dieu ! Belle giberne ! »
(Les Gaietés du régiment)
Giberne (avoir, une belle)
Merlin, 1888 : Avoir les rotondités postérieures proéminentes.
Giberne (enfant de)
Larchey, 1865 : Enfant de troupe.
Giberne (tailler une)
La Rue, 1894 : Raconter une histoire ennuyeuse, donner une corvée désagréable.
France, 1907 : Raconter une histoire ennuyeuse. Faire porter une giberne, donner une corvée. « La giberne, dit Lorédan Larchey, se porte quand on est de service, et le service est généralement peu agréable. »
Giberner
France, 1907 : Faire une besogne désagréable.
Giberneur
Fustier, 1889 : « On appelle vulgairement giberneurs des industriels qui se livrent au commerce des herbes, telles que fougères, pervenches, feuilles de vigne, etc., servant à l’étalage des fruits et à l’ornementation des vitrines des restaurateurs et marchands de comestibles. »
(Journal des Débats, déc. 1882)
Ils ont aussi reçu le nom d’hommes sauvages, car beaucoup d’entre eux n’ont d’autres moyens de se procurer de la marchandise que les déprédations qu’ils commettent dans les propriétés de la banlieue.
Gibesse
France, 1907 : Gorge pendante et molle.
Gibier
d’Hautel, 1808 : Pour dire femme ou fille de joie ; celui ou celle que l’on peut duper facilement.
Gibier d’amour
Delvau, 1864 : Jolie fille que l’on chasse — pour mieux la tenir et la posséder.
Vrai gibier d’amour, Colette,
Par moi fut prise au collet.
(Vaubertrand)
Gibier de Cayenne
Delvau, 1866 : s. m. Voleur, ou meurtrier, — dans l’argot du peuple.
Gibier de potence
Virmaître, 1894 : Filou, voleur, souteneur ; tous ceux qui, en un mot, se mettent en dehors des lois et sont justiciables de la planche à pain ou du carré des petites gerbes (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Tout individu qui se met hors la loi.
Gibier de saint-lazare
Delvau, 1864 : Fille publique, qui mérite toujours, peu ou prou, d’aller passer quelques jours ou quelques mois dans cette prison.
Giblet
d’Hautel, 1808 : Il a un coup de giblet. Se dit d’un homme qui a la tête un peu éventée, qui est atteint de folie.
Giboudot
France, 1907 : Raisin noir des bords de la Loire.
Giboyer
Delvau, 1866 : s. m. Journaliste d’estaminet, homme de lettres à tout faire, — dans l’argot des gens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir de la comédie d’Émile Augier. Encore un nom d’homme devenu un type.
France, 1907 : Journaliste à tout faire : c’est le personnage d’une comédie d’Émile Augier.
Gibraltar
France, 1907 : Gros pâté de foie gras ; sobriquet donné aux Anglais après qu ils se furent emparés par surprise du fameux rocher qui commande l’entrée de la Méditerranée.
Vraiment, vraiment, Marguerite, il y a de quoi rire
De voir dans c’monde toutes ces figures tartares,
Des drôles d’habits, des poches comme une tirelire,
S’cachant du col comme des vrais Gibraltars.
(Vadé)
Gibre
Vidocq, 1837 : s. m. — Membre viril.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Gibus
Rigaud, 1881 : Chapeau, chapeau à claque, du nom du fabricant.
France, 1907 : Chapeau ; primitivement le chapeau à claque, du nom de l’inventeur.
…J’ai dépouillé cette minable touche
Dont m’affublait hier ce marmiteux gibus
Qu’inonda tant l’averse en haut des omnibus.
(George Bois, Cœur au vent)
Une dame en wagon attrape une colique ;
À côté d’elle était un gibus magnifique.
Le voyageur dormait… le reste va de soi.
Gibut
France, 1907 : Bossu ; de gibe.
Gicler (pour jicler)
France, 1907 : Jaillir. Vieux mot ; du latin jaculare.
Gicler, gigler, giscler, jicler
Rigaud, 1881 : Jaillir, rejaillir, couler en jet. — Le sang giscle d’une blessure. — Les gens qui chiquent gisclent en crachant. — Manière de cracher particulière aux gens qui mâchent du tabac.
Puis, v’lan, par je ne sais quels cribles, Par mille pertuis invisibles, Une eau nous jicle sur les pieds.
(A. Pommier, Paris)
Gicler, giscier
La Rue, 1894 : Jaillir, couler en jet. Cracher en jet.
Gie, grielle
France, 1907 : Froid, froidure.
Giffe ou giffle
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot du peuple, qui se rappelle sans doute que ce mot signifiait autrefois joue.
Giffle
d’Hautel, 1808 : Pour mornifle, tape, taloche.
Donner une giffle à quelqu’un. Lui appliquer un soufflet, le battre avec la main.
Giffler
d’Hautel, 1808 : Souffleter, confirmer quelqu’un, lui donner une mornifle.
Delvau, 1866 : v. a. Souffleter quelqu’un.
Gigi
France, 1907 : Gésier.
Gigolette
Delvau, 1864 : Drôlesse de quinze à seize ans qui débute dans la vie en même temps que dans le vice et qui est du bois — pourri — dont on fait les putains.
La gigolette est une adolescente, une muliérocule… qui tient le milieu entre la grisette et la gandine, — moitié ouvrière et moitié-fille.
(A. Delvau)
Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille qui a jeté sa pudeur et son bonnet pardessus les moulins, et qui fait consister son bonheur à aller jouer des gigues dans les bals publics, — surtout les bals de barrière.
Je crois avoir été un des premiers, sinon le premier, à employer ce mot, fort en usage dans le peuple depuis une quinzaine d’années. J’en ai dit ailleurs (Les Cythères parisiennes) ; « La gigolette est une adolescente, une muliéricule. Elle tient le milieu entre la grisette et la gandine, — moitié ouvrière et moitié fille. Ignorante comme une carpe, elle n’est pas fâchée de pouvoir babiller tout à son aise avec. le gigolo, tout aussi ignorant qu’elle, sans redouter ses sourires et ses leçons. »
Rigaud, 1881 : Apprentie ouvrière doublée d’une danseuse de bals publics. Comme son mâle, le gigolo, type éteint, la gigolette est venue à l’époque du succès des Mystères de Paris. C’est Rigolette encanaillée, bastringueuse, avec changement de la première lettre.
Virmaître, 1894 : Fille des faubourgs qui, à l’âge ou les autres vont encore à l’école, a déjà jeté son bonnet par dessus la Tour Eiffel. La gigolette travaille pour l’amour de l’art. Comme elle fréquente les bals publics où elle gigotte avec frénésie, l’expression gigolette est indiquée (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Femme légère, au point de vue mœurs.
France, 1907 : Grisette, coureuse de bals publics, maîtresse de souteneur.
D’après Jean Richepin, autorité en la matière, gigolette viendrait de gigue qui signifie non seulement en argot, mais en français, jambe. Une gigolette est donc une femme qui joue des jambes, c’est-à-dire qui danse. Mais dans le sens attaché à ce mot, une gigolelte n’est pas seulement une danseuse, c’est surtout une gourgandine, la maîtresse d’un gigolo, une raccrocheuse enfin. Nous trouvons alors son étymologie en anglais dans les mots giglot et gigglett signifiant tous deux coureuse, fille lascive, impudique, ce qui répond à notre cas. Giglot et gigglett dérivent du saxon geagl, folâtre, gai, bruyant, peu scrupuleux en matière de morale.
Cette origine nous semble plus naturelle que celle donnée par Berey, connu comme poète argotique sous le pseudonyme de Blédort :
« Ce mot, dit-il, avec l’acceptation actuelle, existe en argot depuis une quinzaine d’années. Dans le numéro 36 du Chat Noir (sept. 1882), on trouve ce vers :
… En f’sant masser ma gigolette.
Gigolo, dont c’est le féminin, vient des pronoms personnels moi, toi, soi ; en patois, mé, té, sé ; en argot, mézigo, tésigo, sézigo ou mézig, tésig, sézig. L’argot déforme les mots par addition ou suppression ; ainsi s’est formé le mot zig, devenu par altérations successives : zigoyo, gigoyo, et enfin gigolo. »
M. François Deloncle, qui se rallie à l’opinion de Jean Richepin, a trouvé dans différents textes du XVIIe et du XVIIIe siècle les mots gigole, gigolan et gigolard, danse, dansant et danseur. Gigolette, d’après lui, n’a paru qu’en 1836.
Tout cela ne fait que confirmer l’étymologie anglaise de giglot et gigglett, femme qui aime à lever la jambe.
Autrefois, femme de rapport,
D’un’ Terreur d’la Villette
J’étais l’unique et cher trésor ;
J’étais la gigolette
À Totor,
J’étais sa gigolette…
(L’Imagier : L. D)
Dire que pendant qu’à Nanterre
Les couples se roulent à terre,
Avec des gestes immoraux
À la Morgue les gigolettes,
En voyant nos tristes binettes,
Rigolent devant les carreaux !!!
(Georges Prud’homme)
Gigolette et Gigolo
La Rue, 1894 : Petite ouvrière doublée d’une danseuse des bals publics et son amant de cœur. Récemment le nom de gigolette a été donné abusivement à toute une classe de prostituées.
Gigolo
Delvau, 1864 : Le mâle de la gigolette — comme le pierrot est celui de Pierrette, comme le maquereau celui de la maquerelle.
Le gigolo est un adolescent, un petit homme… qui tient le milieu entre Chérubin et Don Juan, — moitié nigaud et moitié greluchon.
(A. Delvau)
Delvau, 1866 : s. m. Mâle de la gigolette. C’est un adolescent, un petit homme. Il tient le milieu entre Chérubin et don Juan, — moitié nigaud et moitié greluchon. Type tout à fait moderne, que je laisse à d’autres observateurs le soin d’observer plus en détail.
Rigaud, 1881 : Petit commis de magasin doublé d’un petit amant de cœur dont le métier, le soir, était de faire danser la gigolette.
Si tu veux être ma gigolette, moi je serai ton gigolo.
(Chanson jadis populaire)
Virmaître, 1894 : L’amoureux de la gigolette. Un vieux refrain très populaire, dit :
Si tu veux être ma gigolette
Moi, je serai ton gigolo.
Gigolo s’applique aussi à un individu peu aimable.
— Qu’est-ce qui nous a foutu un gigolo aussi bassinant que toi (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Homme, amant.
J’ai rencontré Julie au bras de son gigolo.
France, 1907 : Jeune homme dépourvu de préjugés et de scrupules, amant de la gigolette.
Est-ce qu’un vigoureux gaillard, — même quadragénaire, — ayant beaucoup retenu, ne sait pas, moralement et physiquement, rendre une maîtresse plus heureuse qu’un gigolo de vingt ans !
(Pompon, Gil Blas)
Ah ! plaignez-moi ! J’ai trop d’amis !
Totor, je te regrette !
J’avais qu’un gigolo, tandis
Que j’suis la gigolette
À trent-six…
Je suis leur gigolette !
(L’Imagier : L. D)
— Tu m’entends, salope, tu m’entends je te l’ai toujours dit et je te le répéterai toujours, tu y auras tout laissé, à tes gigolos, tout, ton avenir, ta fortune, ta gloire, et les frusques qui te trainent encore sur les fesses, et ton talent aussi…
(Jean Richepin)
Gigolo, lotte
Hayard, 1907 : Amant, maîtresse.
Gigon
Rigaud, 1881 : À l’École Polytechnique toute espèce de supplément a reçu le nom de gigon, en souvenir d’un certain Gigon, le premier admis dans une liste supplémentaire. Ainsi on dit indistinctement : un gigon de frites et un gigon d’argent. (Gaulois du 23 mars 1881)
Gigot
d’Hautel, 1808 : Pour jambes.
Étendre ses gigots. Pour étendre ses jambes, les allonger d’une manière peu décente.
Rigaud, 1881 : Jambe humaine.
Elle n’allait plus que d’un gigot.
(Scarron, Gigantomachie)
La Rue, 1894 : Oui ! Compris ! Bravo ! Signifie aussi cuisse et main large.
Rossignol, 1901 : Oui. Gigots, les cuisses.
France, 1907 : Cuisse, main large.
— Vous avez vu ses gigots ? Ah ! elle en a des gigots ! C’est les plus beaux gigots du monde officiel, on peut le dire. Et il lui en faut de la place pour s’asseoir ! Ainsi, à votre fête, vous aviez des petites chaises dorées que vous aviez louées chez Belloir, à ce qu’on m’a dit… eh bien ! il lui en fallait deux pour se poser.
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
Un cordelier exploitait gente nonne
Qui paraissait du cas se soucier :
Presto ! presto ! disait le cordelier,
Haut le gigot, le coup de vêpres sonne,
— Ne vous troublez, lui répartit la bonne,
Ami, ce n’est encor que le premier.
(L’Abbé de Grécourt)
France, 1907 : Oui, entendu.
Gigot sans manche
Delvau, 1864 : Les cuisses et les fesses d’une femme, qui n’ont de manche que le vit que l’on peut y mettre.
De Montrouge un noir habitant
Repoussant la jeune Glycère
Qui veut le conduire à Cythère,
Lui dit : — À Sodome on m’attend.
Vous avez la peau fine et blanche ;
Mais un certain défaut vous nuit :
Apprenez qu’un gigot sans manche
À notre four n’a jamais cuit.
(Blondel)
Gigoteaux
France, 1907 : Jambes.
Gigoter
Delvau, 1866 : v. n. Remuer les gigues ; danser.
France, 1907 : Danser.
… Et pendant qu’elle gigotait, furibonde, ses jupons relevés jusqu’aux jarretières, sous les rires et les huées…
(Camille Lemonnier)
On dit aussi gigoter du jarret :
— Je vous promets, dans tous les cas, de me faufiler au bal quelques minutes.
— C’est ça, et nous y gigoterons du jarret.
(Ange Pitou)
France, 1907 : Remuer, agiter les jambes, littéralement : les gigots.
Le boiteux vient, clopine sur la tombe,
Crie hosanna, saute, gigote et tombe.
(Voltaire)
L’officier souffleta le juif, de sa main gantée, avec tant de force, que le pauvre diable fut projeté de la borne sur le sol, où il gigota ainsi qu’un lièvre atteint d’un coup de feu.
(Jacques Celti, Du Nord au Midi)
J’eus avec celle-ci la même explication, mais elle eut une crise et gigota de telle sorte que je dus appeler sœur Rébecca, qui la fit revenir à elle en lui jetant un baquet d’eau sur la tête.
(Hector France, Chez les Indiens)
Gigoter dans l’espace
France, 1907 : Être pendu.
On lui mit au cou une corde, qu’on passa par-dessus les isolateurs : on le fit monter à une échelle, qu’on renversa d’un coup de pied ; plusieurs mains de bonne volonté le hissèrent et il gigota dans l’espace. Manière un peu imparfaite, mais efficace, quoique moins expéditive que celle pratiquée en prison.
(Hector France)
Gigots
Delvau, 1866 : s. m. pl. Cuisses de l’homme, — dans l’argot des faubouriens, toujours contempteurs de l’humanité.
Rigaud, 1881 : Cuisses. — Mains larges, épaisses et rouges. On dit également pour désigner ce genre de mains : « Des épaules de mouton ».
Virmaître, 1894 : Les cuisses.
— Mon cher elle a des gigots épastrouillants, c’est de la bidoche première catégorie (Argot du peuple). V. Boudinots.
Gigots (les)
Hayard, 1907 : Les cuisses.
Gigotter
Delvau, 1864 : Remuer, saccader, osciller et jouer des reins ; danser la gigue sur les reins, ayant un homme entre les cuisses. — Dans un autre cas, on dit gigotter, pour manger du gigot. D’où cette facétie :
J’aime le lapin ; ma femme préfère le gigot. Or, quand nous dînons dehors, chacun son goût : je prends mon plat de chat, mon lapin et elle son gigot. — Quand je lapine ; ma femme gigotte.
Gigue
d’Hautel, 1808 : Une grande gigue. Pour une fille grande, maigre, d’un mauvais maintien, et qui ne fait que sautiller.
d’Hautel, 1808 : Signifie aussi jambe.
Larchey, 1865 : Jambe. — Gigot est resté. — Au moyen âge, gigue signifiait cuisse.
Je me jette sur tous les deux en empoignant le Maître d’École par une gigue.
(E. Sue)
De là gigoter : remuer les jambes.
Ils gigotaient sous l’archet de Musard.
(Chauvelot aîné)
Delvau, 1866 : s. f. Femme maigre et d’une taille élevée. On dit aussi Grande gigue.
Rigaud, 1881 : Jambe. — Femme grande et maigre, femme toute en jambes. Grande gigue.
La Rue, 1894 : Jambe. Femme maigre.
France, 1907 : Femme grande et maigre.
Gigue et jon !
France, 1907 : Exclamation joyeuse des marins, annonçant une prochaine orgie.
Largue l’écoute ! bitte et bosse !
Largue l’écoute ! gigue et jon !
Largue l’écoute ! on s’y fait des bosses
Chez la mère Barbe-en-jonc.
(Jean Richepin, La Mer)
Giguer
Delvau, 1866 : v. n. Danser.
France, 1907 : Danser.
Gigues
Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes, — dans l’argot du peuple, qui s’en sert pour danser la gigue ou la faire danser aux gens qui l’ennuient. On disait autrefois gigoteaux.
Rossignol, 1901 : Les jambes.
France, 1907 : Jambes.
Gilbocque
Halbert, 1849 : Billard.
Gilboque
Larchey, 1865 : Billard (Bailly). — Onomatopée.
Rigaud, 1881 : Billard, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Billard.
Gilet
Delvau, 1866 : s. m. Estomac ; poitrine. S’emplir le gilet. Boire ou manger. Avoir le gilet doublé de flanelle. Avoir mangé une soupe plantureuse. Gilet à la mode. Belle gorge de femme, où le lard abonde.
Virmaître, 1894 : La poitrine. On dit d’une femme qui en possède une copieuse :
— La nature à rien été généreuse, pige donc le bath devant de gilet.
On dit également :
— Elle a un rude plastron.
Cela a donné naissance à un jeu de mots que les farceurs ne manquent jamais de faire. À l’époque des élections, ils arrêtent une fille dans la rue et lui demandent :
— Mademoiselle, pour qui vos tétons ?
Une autre plaisanterie est encore commune :
— Mademoiselle qu’avez-vous donc dans votre corset ?
— Du foin pour amuser les ânes ? (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Estomac, poitrine.
Gilet (le)
Hayard, 1907 : La poitrine chez la femme.
Gilet à la mode
France, 1907 : Belle gorge.
Gilet en cœur
Rigaud, 1881 : Élégant. Le surnom a été donné aux élégants qui portaient, vers 1865-66, des gilets très échancrés dits « gilets en cœur », boutonnés à deux boutons et qui montraient la chemise en grand étalage sur la poitrine. Le mot a passé, mais non la mode. Aujourd’hui les gilets en cœur bâillent sur la poitrine des gommeux.
France, 1907 : Élégant, à cause du ridicule gilet ouvert jusqu’au nombril, affectant la forme d’un cœur, à la mode depuis quelques années.
Gileton
Hayard, 1907 : Gilet.
Gille
d’Hautel, 1808 : Un grand Gille. Sobriquet que l’on donne à un niais, à un homme d’un esprit simple et borné.
Gilles
Delvau, 1866 : s. m. Nom d’homme devenu celui de tous les hommes dont l’esprit et le cœur ne se sont pas développés autant que les jambes. Paire Gilles. S’en aller, — s’enfuir.
Gilles (faire)
France, 1907 : S’enfuir précipitamment. Cette expression n’est plus guère usitée que dans le Midi : nous la donnons à titre de curiosité. S’il faut s’en rapporter au Moyen de parvenir, elle viendrait de ce qu’un certain Gilles, seigneur du Languedoc, s’enfuit pour ne pas être contraint à prendre la couronne qu’on lui offrait. On le canonisa pour ce fait.
Mais avant que passer outre, dit de bonhomme Scaliger, pourquoy est-ce que, quand quelqu’un s’en est enfui, on dit « Il a fait Gilles ! » — C’est pour ce que saint Gilles s’enfuit de son pays, et se cacha de peur d’être faít roi.
Je prens, sans balancer, ce que j’avois d’argent
De papiers, de bijoux et d’un soin diligent,
Tous quatre, de Thémis aprehendans les pates,
Sans bruit, nous faisons Gilles avec nos Dieux pénates.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Jupin leur fit prendre le saut,
Et contraignit de faire Gille
Le grand Typhon jusqu’en Sicile.
(Scarron, Virgile travesti)
On attribuait à ce saint modeste le pouvoir de guérir les cancers ; aussi désignait-on cette horrible maladie sous le nom de mal Saint-Gilles.
Gilmont
Vidocq, 1837 : s. m. — Gilet.
Delvau, 1866 : s. m. Gilet, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Georget.
Rigaud, 1881 : Gilet, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Gibet.
France, 1907 : Déformation de gilet.
Gilotin
France, 1907 : Nom donné autrefois aux boursiers du collège de Sainte-Barbe, de Gilot, fondateur de ces bourses.
Gilquin
Delvau, 1866 : s. m. Coup de poing, — dans l’argot des artistes et des canotiers. On dit aussi Coup de Gilquin.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Coup de poing.
Gimblette (faire la)
Delvau, 1864 : Se donner mutuellement des douceurs, entre pensionnaires : — se masturber. — Dans le tableau de Frago, c’est une jeune fille qui se fait lécher le con par un chien qu’elle attire avec une gimblette (petite pâtisserie appelée ainsi).
Gin
Delvau, 1866 : s. m. Genièvre, — dans l’argot des faubouriens, qui s’anglomanisent par moquerie comme les gandins par genre.
France, 1907 : Fausse eau-de-vie de baies de genièvre, que l’on fabrique en Angleterre avec des résidus de la distillation du whisky et aromatisé aux huiles de genièvre et de térébenthine. Le gin est la boisson ordinaire des femmes qui fréquentent les cabarets : c’est avec le gin qu’elles s’enivrent.
… Des pauvresses maigres à longues figures hâves et des gouges enluminées passent la tête et entrent. Elles avalent des potées de gin ou de bière, en silence, puis ressortent s’essuyant la bouche du revers de la main, ou du coin du tablier. Groupées, d’autres bavardent, essuyant des bouts de chansons ou des pas de gigue. Des jeunes de quinze ans et des vieilles de soixante hoquètent au même pot, et saoules de la même ivresse, hébétées, trébuchantes, sortent, se poussant, faisant place à d’autres, et ainsi jusqu’à minuit, l’heure où se vident les tavernes, où le publicain aidé du policeman pousse dans la rue, comme des paquets d’ordure, les clientes ivres-mortes.
(Hector France, Les Va-nu-pieds de Londres)
Fils du genièvre et frère de la bière,
Bacchus du Nord, obscur empoisonneur,
Écoute, ô gin ! un hymne en ton honneur.
(Auguste Barbier)
Laissons à l’Angleterre
Ses brouillards et sa bière !
Laissons-là dans le gin
Boire le spleen !
(Théodore de Banville)
Gingeolier
France, 1907 : Jujubier.
Gingeon
France, 1907 : Canard siffleur.
Ginger-beer
France, 1907 : Bière de gingembre. Anglicisme passé depuis quelque temps sur le boulevard. C’est une boisson composée de sucre, de jus de citron, de crème de tartre, de teinture de gingembre et d’eau. On met cette composition dans des cruchons de grès hermétiquement bouchés, que l’on tient debout dans un endroit frais, et après huit ou dix jours on obtient une boisson gazeuse, pétillante et rafraîchissante.
Ginger-bread
France, 1907 : Pain d’épices. Anglicisme ; mot à mot : pain de gingembre.
Gingin
France, 1907 : Jugement, bon sens ; de gingeole, endroit du navire où se place la boussole.
Ginginer
Larchey, 1865 : Faire une œillade.
Elle gingine à mon endroit…
(Gavarni)
Rigaud, 1881 : Cligner des yeux. — Regarder quelqu’un amoureusement.
France, 1907 : Lancer des œillades.
Ginglard
Larchey, 1865 : Piquette. — Diminutif du vieux mot ginguet : petit vin fort aigre. V. Roquefort.
Nous avons arrosé le tout avec un petit ginglard à six qui nous a fait éternuer… oh ! mais, c’était ça.
(Voizo, Chanson)
France, 1907 : Vin âpre, piquette ; du vieux ginguet, même sens.
Ginglard, guinglet ou reginglard
Virmaître, 1894 : Petit vin aigre, il faut se cramponner à la table pour le boire. Une vieille chanson dit :
C’est un nectar, un vrai chasselas
Ça vous coupe la gueule à quinze pas.
Ce petit vin tire son nom d’un clos très ancien qui était situé sur les hauteurs du Mesnil-Montant : il appartenait au XVIe siècle à un nommé Guinguet (Argot du peuple). N.
Ginglet
France, 1907 : Même sens que ginglard, corruption de ginguet.
Ginglet, ginglard, ginguet
Rigaud, 1881 : Par altération de guinguet qu’on appelait vulgairement au XVIIe siècle
chasse-cousin
En avalant du vin délicieux, tandis que vous ne buvez que du gin-guet.
(P. d’Ablancourt, Dialogues de Lucien, 1637)
Guinguette est un dérivé de guinguet — Les vins de Suresnes et d’Argenteuil sont les types du ginglard. Au XVIe siècle, on disait ginguet, pour désigner un vin vert ; le dictionnaire de l’Académie donne à ginguet la signification de petit vin faible.
Gingoule
France, 1907 : Girole ou chanterelle.
Ginguer
France, 1907 : Faire des effets de jambe.
Ginguet
d’Hautel, 1808 : Pour dire estropié, raccourci, trop court.
Un habit ginguet. Signifie un habit dans lequel il n’y a pas assez d’étoffe.
On dit aussi du vin ginguet, pour de la ripopée ; du vin qui n’est pas potable.
Giol
France, 1907 : Ivraie ; du latin lolium.
Giorno (a)
France, 1907 : Bien éclairé, comme en plein jour ; italianisme.
Gipailler
France, 1907 : S’ébattre, s’ébaudir, folâtrer ; du patois bourguignon : dérivé de gipe.
Gipe
France, 1907 : Sorte de souquenille que les palefreniers, paysans, vignerons et autres gens de peine portaient autrefois par-dessus leur pourpoint ; de l’espagnol gipo, jupon.
Comme la gipe était large et de grosse toile, le pourpoint, au contraire, étroit et ordinairement de drap, la coutume de ces gens-là, quand ils voulaient danser, sauter, folâtrer à leur aise, était de se mettre en simple gipe, d’où sont venus les noms de gipai et de gipailler.
(Guy Barozal, Noël bourguignon, 1720)
Girafe
Delvau, 1866 : s. f. Escalier en spirale, — dans l’argot des écoles de natation.
Girard, girardine
France, 1907 : Geai.
Giries
Delvau, 1866 : s. f. pl. Fausse modestie, refus des lèvres et non du cœur, — dans l’argot du peuple, qui a horreur de l’hypocrisie. Faire des giries. Faire semblant de pleurer quand on n’en a pas envie ; refuser ce qu’on meurt d’envie d’accepter. Faiseuse de giries. Fausse Agnès, fausse prude, — et vraie femme.
Rigaud, 1881 : Manières, embarras. — Faire des giries.
La Rue, 1894 : Manières, fausse modestie.
France, 1907 : Manières, fausse modestie, refus courtois d’une chose qu’on brûle d’accepter.
Elle ne le lâchait plus, lui reparlait continuellement de cet argent, lui promettant de prier pour lui, s’il voulait seulement lui dire où il avait caché… Lui cependant, la laissait dire, grommelant sourdement des jurons et par moments, quand elle se baissait, tâchant de lui saisir le cou pour l’étrangler ; mais elle se reculait, rabattait sa main inerte vers les draps, puis recommençait ses giries, têtue et bonasse. À la fin, las de lutter coutre la harpie, plus acharnée qu’un taon, il se mit à pousser des hurlements doux, pleurant et vagissant d’une voix d’enfant.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
— Pas tant de manières donc ! Râlait-il, pendant que ses mains impatientes et brutales faisaient leur office. Finissez toutes ces giries, ça ne sert à rien ! Voyons… Aline, voyons ! Et Thérèse qui m’assurait que vous étiez si bonne fille ! Je vous dis que je vous veux, là ! Et je vous aurai, je vous aurai, tonnerre de Dieu !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Girofflé
Ansiaume, 1821 : Beau, belle, joli, jolie.
Il est girofflé, je lui donnerais un fameux coup de torchon.
Girofflée
d’Hautel, 1808 : Donner à quelqu’un une girofflée à cinq feuilles. Pour lui donner un soufflet.
Girofle
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme ou femme aimable.
Larchey, 1865 : Jolie, aimable, bonne.
Montron drogue à sa largue : Bonnis-moi donc, girofle.
(Vidocq)
V. Coquer. — Giroflerie : Amabilité. — De girolle : très-bien.
Rigaud, 1881 : Beau, belle, joli, aimable. — Largue girofle, belle femme, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Beau, belle, aimable.
France, 1907 : Jolie, aimable.
Girofle (clous de)
Rigaud, 1881 : Chicots ; dents noires et cassées.
Eh bien ! qu’as-tu donc à me regarder si j’ai dans la bouche des clous de girofle au lieu de dents ?
(Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes)
Giroflée
Rossignol, 1901 : Gifle.
Si tu continues a m’embêter, je vais t’envoyer une giroflée à 5 branches.
Giroflée à cinq feuilles
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot des faubouriens, qui savent très bien le nombre des feuilles du cheiranthus, et encore mieux celui des doigts de leur main droite. On dit aussi giroflée à plusieurs feuilles, — autre ravenelle qui pousse sur les visages.
Rigaud, 1881 : Soufflet.
Oui, qu’on le peut, à preuve que v’là une giroflée à cinq feuilles que j’applique sur ta joue gauche !
(Jacques Arago, Comme on dîne à Paris)
J’ai appliqué une giroflée à cinq feuilles sur le bec du singe, sur la figure du patron.
(Le Sublime)
Vers la fin du XVIIIe siècle, l’expression n’était pas moins usitée que de nos jours, parmi le peuple.
Virmaître, 1894 : Gifle. Allusion aux cinq doigts (Argot du peuple). V. Salsifits.
France, 1907 : Soufflet.
Jacqueline se met en devoir d’ôter le bonnet à Maré-Jeanne qui lui baille une giroflée à cinq feuilles.
(Vadé)
« Pour la querelle on a la giroflée », dit le langage des fleurs.
Giroflerie
Vidocq, 1837 : s. f. — Amabilité.
Rigaud, 1881 : Amabilité, galanterie, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Amabilité, galanterie.
France, 1907 : Amabilité.
Girofléter
Delvau, 1866 : v. a. Souffleter. — Verbe créé par Balzac.
Girofletter
Larchey, 1865 : Souffleter. — De giroflée à plusieurs feuilles : soufflet.
Ah ! l’a-t-elle giroflettée !
(Balzac)
Je vous lui donnai une giroflée a cinq feuilles sur le musiau.
(Rétif, 1783)
Rigaud, 1881 : Souffleter ; mot créé par Balzac. Je ne l’ai relevé que dans la Cousine Bette.
France, 1907 : Souffleter.
Girol ou gy
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Oui.
Girole
Halbert, 1849 : Soit.
Girole, gy
Rigaud, 1881 : Oui, — dans l’ancien argot ; revenu depuis peu dans le courant argotique.
La Rue, 1894 : Oui, soit.
Girolle
Larchey, 1865 : Très-bien. V. Gy.
Delvau, 1866 : adv. Soit, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Soit, volontiers, je marche. Par abréviation on dit simplement :
— Gy, mon ange (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Entendu, convenu.
France, 1907 : Entendu, oui ; argot des voleurs.
Girolle ou gy
Vidocq, 1837 : ad. — Oui, très-bien.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Giron
Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps comprise entre la ceinture et les genoux d’une femme assise, — dans l’argot du peuple, qui a conservé précieusement ce mot, en souvenir de ce qu’il représente pour lui, fils reconnaissant.
Girond
Rigaud, 1881 : Bien mis. Être girond, faire son girond, faire le beau, poser. C’est un diminutif de girondin, dans le sens de beau. (Jargon des voyous.)
Rossignol, 1901 : Beau, synonyme de chatte. Une belle fille est gironde. Tout ce qui est beau est girond. Dans les régiments de zouaves, on nomme un girond le jeune soldat, beau garçon, qui campe avec un vieux. En route, le vieux a toutes les prévenances pour lui, il lui lave son linge, lui fait ses guêtres, lui porte ses cartouches et lui astique son fourbi. Un jour, un zouave faisait une réclamation parce que l’on voulait que le campement fût par trois et non par deux. « Laissez-les donc, dit le général qui entendait, la réclamation, camper comme bon leur semblera ; on sait bien ce que c’est que les petits ménages. » Voir Chatte.
France, 1907 : Joli, beau.
Ô quel minois girond !
Ô quel pif admirable !
Excusez, beau tendron,
Un zig impressionnable
Dont le cœur irritable
Est chipé par vos feux.
— Le français, dit la fable,
Est la langue des dieux.
(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)
Girond, gironde
Hayard, 1907 : Beau, belle.
Gironde
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Belle, jolie.
Clémens, 1840 : Gentil.
Halbert, 1849 : Fille perdue, jolie, terme de mépris énergique.
Larchey, 1865 : Jolie fille. — Terme de mépris (Bailly).
Delvau, 1866 : adj. f. Se dit de toute fille ou femme agréable, plaisante à voir ou à avoir. Argot des voleurs. On dit aussi Girofle.
Rigaud, 1881 : Jolie femme, belle femme.
La Rue, 1894 : Jolie femme.
Virmaître, 1894 : Belle femme (Argot des souteneurs). Le souteneur qui se lamente lorsqu’elle vieillit, lui chante :
Dans ce temps-là t’étais rien gironde.
Maint’nant tu toquardes de la frime
T’es comme une planche toujours en bombe,
T’es même des mois sans changer de lime.
Rossignol, 1901 : Belle.
France, 1907 : Jolie, bien faite.
Roméo. — Quelle est cette gonzesse qui déboule par ici !
Juliette. — Oh ! la jolie gueule !
Roméo. — Bonjour, Mam’zelle, vous êtes rien gironde.
Juliette. — Et vous, je vous trouve rudement chouette… Vous devez an moins vous appeler Alphonse.
Roméo. — Non. Roméo seulement.
(Le Théâtre Libre)
Ma gosse à moi, c’est eun’ gironde,
Mais a’ crân’ pas comm’ ces femm’s-là,
D’ailleurs faut qu’a’ parle à tout l’monde
Pisque c’est l’métier qui veut ça.
(Aristide Bruant)
Girondin
Rigaud, 1881 : Dupe, imbécile, — dans le jargon des camelots et des truqueurs. — Le girondin a donné, l’imbécile s’est laissé plumer.
La Rue, 1894 : Dupe.
France, 1907 : Nigaud, dupe ; argot des camelots.
Girondine
Delvau, 1866 : adj. Femme plus jeune et plus gentille que celle qui n’est que gironde.
France, 1907 : Jolie petite fille.
Girouette
d’Hautel, 1808 : C’est une vraie girouette. Se dit par mépris d’une personne légère, que l’on fait tourner à tout vent.
Larchey, 1865 : Homme politique dont les opinions changent selon le vent de la fortune. — On a publié depuis 1815 quatre ou cinq Dictionnaires de Girouettes.
Delvau, 1866 : s. f. Homme sans conscience et sans moralité, mais non sans habileté et sans esprit, qui tourne à tous les vents sociaux et politiques : royaliste avec les Bourbons, républicain avec la République, napoléonien avec l’Empire, mouton avec les gens qui bêlent, dogue avec les gens qui mordent, roquet avec les gens qui aboient, enclume avec le peuple et marteau avec le Pouvoir. Argot du peuple.
France, 1907 : Homme sans consistance, qui change à chaque instant d’opinion, dont les idées tournent comme une girouette à tous les vents. C’est en politique surtout que pullulent les girouettes.
Girouille
France, 1907 : Carotte, panais.
Gîte
d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui vient finir ses jours dans son pays natal, qu’il ressemble à un lièvre, qu’il vient mourir au gîte.
Gite (dans le)
France, 1907 : Le meilleur ; allusion au gite à la noix.
Gîter
Delvau, 1866 : v. n. Habiter, demeurer.
Gîto (dans le)
Rigaud, 1881 : Dans le soigné. — Ouvrage fait dans le gîte, ouvrage très bien fait, — dans le jargon des ouvriers qui savent que le morceau du gite-à-la-noix est le morceau le plus délicat du bœuf.
Giton
Delvau, 1864 : Fils d’Hermès et d’Aphrodite, d’après M. de Chompré — qui avait lu le Satyricon de Pétrone ; nom du jeune homme qui est devenu celui de tous les jeunes hommes — du même sexe que celui qui servait aux plaisirs d’Ascylte et d’Encolpe.
Pour dérouter mon amant
Du gout qui l’attache
De son giton prudemment
Je prends quelquefois la tâche,
Quoiqu’il soit bien dur au con
Qu’on foute son compagnon
Jusque sous sa moustache !
(Collé)
Gitre
anon., 1827 / Halbert, 1849 : J’ai.
France, 1907 : J’ai ; argot des voleurs ; mot à mot j’itre. Itrer, abréviation de litrer, signifie posséder, contenir.
Gitrer
Vidocq, 1837 : v. a. — Posséder.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Larchey, 1865 : Posséder (Vidocq). — Au moyen âge, on trouve gie pour j’ai. V. Roquefort.
Rigaud, 1881 : Avoir, posséder, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Avoir, posséder. Gitre, j’ai.
France, 1907 : Avoir, posséder.
Giverner
Delvau, 1866 : v. n. Passer la nuit à vagabonder, — dans l’argot des cochers de fiacre.
Rigaud, 1881 : Vagabonder pendant la nuit.
La Rue, 1894 : Vagabonder. Giverneur, rôdeur.
France, 1907 : Vagabonder de nuit.
Giverneur
Vidocq, 1837 : s. m. — Vagabond qui passe toutes les nuits dans la rue. Terme des cochers parisiens.
Larchey, 1865 : Vagabond couchant dans la rue (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Vagabond, rôdeur de nuit.
Rigaud, 1881 : Rôdeur de barrière, vagabond nocturne.
Virmaître, 1894 : Vagabond habitué des refuges municipaux et de la bouchée de pain. Quand le giverneur ne trouve pas à coucher, il file la comète (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Vagabond.
France, 1907 : Vagabond de nuit, noctambule.
Giverneur de refroidis
Rigaud, 1881 : Cocher de corbillard, — dans le jargon des voleurs.
Givier de bordel
Delvau, 1864 : Petite drôlesse qui fréquente avec les polissons de son âge, en attendant que les vieux polissons fréquentent avec elle, — ce qui la conduira fatalement au bordel.
Glace
d’Hautel, 1808 : Être ferré à glace. Être très-habile, très-savant dans une science ou un métier ; être inflexible à toute prière.
Être froid comme une glace. Pour, avoir un abord sérieux, flegmatique ; avoir le frisson, mourir de froid.
Rompre la glace. Vaincre les plus grandes difficultés ; ne plus garder de mesure dans une affaire.
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Verre à boire.
Vidocq, 1837 : s. m. — Verre à boire.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Verre à boire. On dit aussi glaci.
Virmaître, 1894 : Verre. On dit également glacis.
— Allons-nous sucer un glacis ? (Argot du peuple).
France, 1907 : Verre à boire ; déformation de l’anglais glass.
Glace (passer devant la)
Rigaud, 1881 : Perdre au jeu des consommations dans un café. Autrefois on annonçait les consommations et on payait soi-même au comptoir. Allusion à la glace qui est derrière la dame de comptoir, et devant laquelle le consommateur était forcé de passer. — C’est à tort, je crois, que dans la Fille Elisa, M. E. de Goncourt a donné à l’expression le sens contraire. D’après lui, passer devant la glace, c’est « une expression qui désigne l’entrée de faveur accordée, par la maîtresse d’une maison, à l’amant d’une fille. » Personne n’ignore que ces demoiselles corrompent bien des choses, mais cette expression n’a pas été corrompue jusqu’ici, même en passant par leur bouche.
La Rue, 1894 : Passer devant le tribunal. Perdre au jeu dos consommations. Partir sans payer une fille parce qu’on est son amant de cœur.
France, 1907 : Passer au comptoir pour payer des consommations perdues au jeu ; sortir d’un lupanar sans payer, parce qu’on est l’amant de cœur d’une fille.
Glace ou glacis
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Verre à boire.
Glace, glacis
Hayard, 1907 : Verre à boire.
Glace, glacis, gobbe
Larchey, 1865 : Verre à boire (Vidocq). — Le nom de la matière est appliqué à l’objet dans glace. — Glacis est un diminutif. — Gobbe est une abréviation de gobelet.
Glaci
un détenu, 1846 : Verre à boire.
Glaci, glacis
France, 1907 : Verre de vin. Se poser un glacis dans le cornet, boire.
Glacière pendue
Rigaud, 1881 : Réverbère, — dans l’ancien argot. Les voleurs disent également glacis refroidi.
France, 1907 : Réverbère.
Glacière pendue, glacis refroidi
La Rue, 1894 : Réverbère.
Glacière-pendue
Halbert, 1849 : Réverbère.
Glacis
Ansiaume, 1821 : Verre à boire.
Prêtes-moi tes glacis, nous allons picter une rouillarde.
Vidocq, 1837 : s. m. — Verre à boire.
Clémens, 1840 : Carreau en verre.
M.D., 1844 : Un verre.
Delvau, 1866 : s. m. Ton léger et transparent, — dans l’argot des artistes. Se poser un glacis. Boire, — ce qui amène la transpiration sur le visage et le fait reluire en le colorant.
Delvau, 1866 : s. m. Verre, — dans l’argot des voleurs, qui parlent anglais (glass) sans le savoir. Un glacis de lance. Un verre d’eau.
La Rue, 1894 : Verre à boire. Vitre.
Glacis ou glace
Rossignol, 1901 : Le contenu d’un verre. Prendre une consommation est sucer un glacis.
Glacis refroidi
France, 1907 : Réverbère.
Glacis, glassis
Rigaud, 1881 : Verre à boire, — dans l’ancien argot.
Glaçon
Delvau, 1866 : s. m. Homme d’un abord un peu raide, — dans l’argot du peuple, que la distinction effarouche.
Rigaud, 1881 : Personne à l’aspect froid et sévère.
Gladiateurs
La Rue, 1894 / France, 1907 : Souliers.
Glaire
Delvau, 1864 : Sperme qui sort du membre viril, et qui ressemble, en effet, à une spermosité crachée par le trou de la pine. — On dit aussi : Pousser son glaire, pour introduire son membre dans la nature de la femme.
Glais
France, 1907 : Glaïeul.
Glaive
Delvau, 1866 : s. m. Couteau à découper, — dans l’argot des francs-maçons.
Rigaud, 1881 : Guillotine, — dans le jargon des voleurs. — Passer sa bille au glaive, être guillotiné. La variante est : Être glaivé ; en souvenir du fameux et vieux cliché : « Le glaive de la justice », si prodigué sous les voûtes de la Cour d’assises.
La Rue, 1894 : Guillotine.
France, 1907 : Couteau de table ; argot des francs-maçons.
France, 1907 : Guillotine. Passer sa bille au glaive, être guillotiné.
Glaiver
France, 1907 : Guillotiner.
Gland
d’Hautel, 1808 : Un rossignol à gland. Pour dire un cochon, un pourceau.
Ferme comme un gland. Se dit, en bonne part, de toute chose dont le caractère essentiel est la fermeté et la fraîcheur ; et dans un sens contraire, de quelque chose qui est fort dur.
Delvau, 1864 : La partie supérieure du membre viril, — ainsi nommée à cause de son exacte ressemblance avec le fruit du chêne et du hêtre. On prend souvent cette partie du membre pour le membre lui-même.
Comme le gland d’un vieux qui baise
Flotte son téton ravagé.
(Anonyme)
Glas
Delvau, 1866 : s. m. Homme ennuyeux, qui répète toujours la même chose, — comme la cloche qui sonne la mort de quelqu’un. Argot du peuple. Les ouvriers anglais ont une expression du même genre : croaker, disent-ils.
France, 1907 : Personne ennuyeuse et funèbre comme le son de la cloche qui annonce l’agonie ou la mort.
Glaude
Delvau, 1866 : s. m. Innocent, et même niais. Évidemment le Glaude d’ici est un Claude, comme Colas est un Nicolas, et Miché peut être un Michel.
France, 1907 : Simple, crédule. Allusion à l’imbécile époux de Messaline.
Glaumet
France, 1907 : Pinçon.
Glaviau
Rossignol, 1901 : Crachat.
Glaviot
Larchey, 1865 : Crachat. — Le Dictionnaire d’Hautel dit Claviot. — De gaviau : gosier. V. Du Cange.
Delvau, 1866 : s. m. Mucosité expectorée, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Crachat très épais.
Virmaître, 1894 : Crachat. Un poitrinaire qui crache ses poumons lâche son glaviot. Dans les ateliers, par plaisanterie, on compte les glaviots ; arrivés à onze, les ouvriers, sans pitié, disent an malheureux :
— Il n’en faut plus qu’un pour faire la douzaine de Portugaises.
Pas ragoûtant pour les amateurs d’huîtres (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Crachat.
France, 1907 : Crachat épais.
Glavioter
Rigaud, 1881 : Se livrer à une longue et pénible expectoration matinale.
France, 1907 : Expectorer des mucosités.
Glaviotter
Delvau, 1866 : v. n. Cracher fréquemment et malproprement. Signifie aussi Débiner.
Glaviotteur
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui crache fréquemment et abondamment.
Glène
France, 1907 : Panier couvert de pêcheur.
Glier
Vidocq, 1837 : s. m. — Le diable.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Delvau, 1866 : s. m. Le Diable, — dans l’argot des voleurs. C’est une syncope de Sanglier probablement. Le Glier t’enrôle en son pasclin ! Le diable t’emporte en enfer (son pays). Signifie aussi Enfer.
Glier, boulanger ou glinet
Halbert, 1849 : Diable.
Glier, glinet
anon., 1827 : Le Diable.
Rigaud, 1881 : Diable, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Le diable ; argot des voleurs. « Que de glier t’entôle en son patelin ! » Que le diable t’emporte en enfer ! Glier est une abréviation de sanglier.
Glierr
Virmaître, 1894 : Le diable. Quand quelqu’un vous embête par trop, on dit dans le peuple :
— Va-t’en aux cinq cents diables,
— Que le diable t’emporte.
— Que le diable te patafiole.
Dans le monde des prisons on dit :
— Que le glier t’entôle en son patelin.
Patelin (l’enfer), le pays du diable (Argot des voleurs).
Glinet
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le diable.
Gliron
France, 1907 : Loir ; provincialisme. En latin gliris, même sens.
Glissade
Delvau, 1866 : s. f. Chute plus déshonorante que dangereuse pour la jeune fille qui la fait : elle ne casse que son sabot, mais il vaudrait mieux qu’elle se fût cassé la jambe. Argot du peuple. Faire des glissades. Changer souvent d’amants.
Rigaud, 1881 : Faute que commet une demoiselle en glissant dans les bras d’un amoureux. Faire des glissades, se laisser tomber dans une foule de bras tout prêts à vous recevoir simultanément ou les uns après les autres.
France, 1907 : Chute d’une fille ou d’une femme faite généralement sur herbe ou dans un lit.
Glissant
Ansiaume, 1821 : Savon.
Ma larque a besoin de glissant, il faut travailler à l’extérieur.
Vidocq, 1837 : s. m. — Savon.
Larchey, 1865 : Savon (Vidocq). — Allusion d’effet.
Delvau, 1866 : s. m. Savon, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Savon, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Savon.
Glisser
d’Hautel, 1808 : Le pied lui a glissé. Pour dire qu’une personne s’est laissée entraîner dans quel que faute.
un détenu, 1846 : Mourir, succomber.
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.
Rossignol, 1901 : Mourir.
France, 1907 : Mourir. On dit plus souvent : se laisser glisser.
Glisser (se laisser)
Rigaud, 1881 : Mourir. Mot à mot : se laisser glisser de ce monde dans l’autre.
Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).
Glissoire
Delvau, 1866 : s. f. Ruisseau gelé sur lequel les gamins s’amusent à glisser.
Rigaud, 1881 : Patinage dans le ruisseau. — Ruisseau gelé sur lequel le voyou se livre au patinage. C’est son lac du Bois de Boulogne.
Glob-trotter
France, 1907 : Voyageur. Anglicisme : littéralement, coureur du globe.
Il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe, dit la sagesse antique. Mais ce proverbe est absurde, ou, tout au moins, il a vieilli, car il n’est pas aujourd’hui beaucoup plus malaisé d’aller à Corinthe que partout ailleurs, à Levallois-Perret, par exemple. Il faut un peu plus de temps et un peu plus d’argent ; voilà toute la différence. Que votre portefeuille soit suffisamment garni de bank-notes, et votre estomac capable de supporter la nourriture monotone des hôtels et des paquebots, et vous pouvez, entre le Grand Prix et l’ouverture des Chambres, vous transformer en glob-trotter et faire la même chose que Philéas Fogg, le fameux héros de Jules Verne.
(François Coppée)
Globe
Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui la laissent souvent osciller sur son axe.
Virmaître, 1894 : La tête. Allusion de forme (Argot des voleurs).
France, 1907 : Ventre. Se faire arrondir le globe, se faire engrosser.
On s’a fait arrondir el’ globe,
On a sa p’tit’ butte, à c’que j’vois…
Eh ben, ça prouv’ qu’on n’est pas d’bois ;
A m’va’ c’te môm-là ; tiens !j’te gobe.
(André Gill, La Muse à Bibi)
— Taisez-vous, m’sieur Porphyre ! On voit bien que vous n’avez pas de filles à élever ! Et celles qui se font… qui se font arrondir le globe, comme dit votre chanson…
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Globe (s’être fait arrondir le)
Rigaud, 1881 : Être enceinte, — dans le jargon des voyous.
On s’a fait arrondir el’globe,
On a sa p’tit’ batte, à ce que je vois…
Eh ! ben, ça prouv’ qu’on est pas de bois.
(La Muse à Bibi, Nocturne)
Globes (les)
Delvau, 1864 : Les tétons, sur lesquels les lèvres voyagent sans se lasser ; — quelquefois les fesses ou les testicule.
Et sa gorge charmante, au lieu d’être enfermée
Dans un affreux corset qui l’aurait déformée,
Montrant à découvert ses deux globes polis.
Se tenait d’elle-même et sans faire aucuns plis.
(L. Protat)
Lequel montrait deux globes faits au tour,
Qu’on aurait pris pour ceux du tendre Amour.
(Voltaire)
Deux petits globes au dessous,
Pour fortifier le mystère,
Donnent le contrepoids aux coups,
Et rendent le jeu moins austère.
(Cabinet satyrique)
Globes arrondis
France, 1907 : Seins.
À peine on voyait s’élever sur son sein
Ces globes que l’Amour arrondit de sa main.
(Colardeau)
Globes arrondis (les)
Delvau, 1866 : La gorge, — dans l’argot des Académiciens. Quelques-uns ajoutent quelquefois : par la main des Grâces.
Globo (in)
France, 1907 : Littéralement dans le globe ; latinisme. En masse, en bloc, sans entrer dans les détails.
Glochette
Halbert, 1849 : Poche.
Gloria
Larchey, 1865 : Demi-demi-tasse.
Ne fût-ce qu’une absinthe ou un gloria.
(About)
Larchey, 1865 : Petit verre d’eau-de-vie versé dans une tasse de café.
À la chaleur d’une demi-tasse de café bénie par un gloria quelconque.
(Balzac)
De même que le gloria patri se dit à la fin des psaumes, ce gloria d’un autre genre est la fin obligée d’un régal populaire.
(Encyclopédiana)
Delvau, 1866 : s. m. Tasse de café noir avec un petit verre d’eau-de-vie. Argot des limonadiers.
France, 1907 : Tasse de café noir mélangé d’eau-de vie. Pris dans un verre, c’est un champoreau.
— Ce qui m’a dégoûté de la religion, disait un pur, dans une réunion publique, c’est le cynisme des prêtres. Je ne suis entré qu’une fois dans une église, et, devant l’autel, ils demandaient tous un gloria et un domino !
Gloria-maris
France, 1907 : Gloire de mer. Rare et belle coquille de mer du genre cône.
Gloriette
France, 1907 : Tonnelle dans un jarde, dans un cabaret ; de l’espagnol glorieta, cabinet de verdure.
Glorieuses (les trois)
France, 1907 : Les trois journées des 27, 28 et 29 juillet 1830.
Pendant ces trois grands jours,
Plus prompte que la foudre,
Je portais de la poudre
Aux enfants des faubourgs…
dit Charlotte la Républicaine.
Glorieux
d’Hautel, 1808 : Il fait bon battre un glorieux, car il ne s’en vante pas. Signifie qu’un homme vain et orgueilleux garde toujours le secret sur les mésaventures qui peuvent lui arriver.
Il n’est pas corps glorieux. Signifie, il est sujet aux infirmités, aux vicissitudes humaines.
Gloriole
d’Hautel, 1808 : Vanité, orgueil minutieux et mal placé.
Glou-glou
d’Hautel, 1808 : Cri du dindon ; et imitation du bruit que fait une bouteille en se vidant.
Glouglou
Hayard, 1907 : Œil poché.
Glouglouter
Delvau, 1866 : v. n. Boire, faire des glouglous en buvant. Argot des faubouriens.
France, 1907 : Boire.
Gloupine
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pinte.
Glousser
Delvau, 1866 : v. n. Parler.
France, 1907 : Parler abondamment, faire comme les dindes qui gloussent sans cesse.
Glove-fight
France, 1907 : Terme de boxe ; littéralement, combat avec des gants. Anglicisme.
Et Jim Haines m’explique que dans les glove-fights, où les boxeurs ne se servent que de gants non rembourrés, le sang coule toujours ; qu’après chaque reprise, dont la durée est déterminée d’avance, il n’est donné que trente secondes à chaque adversaire pour reprendre haleine, et que celui des deux qui à la trente et unième seconde ne peut reprendre immédiatement le combat est déclaré vaincu.
(Rodolphe Darzens, Gil Blas)
Glu
Fustier, 1889 : Ce mot a été inspiré par la pièce de M. Richepin, La Glu, jouée au théâtre de l’Ambigu. La Glu, c’est l’ancienne cocotte, la belle petite ou la tendresse d’hier.
Depuis quelques jours, on appelle ces dames des Glus. Le mot fera-t-il fortune ? Une jeune glu… une vieille glu… Parmi les glus à la mode… Cela a le défaut de faire pour l’oreille un peu calembours ; avec les grues. Bis in idem. Cela a l’avantage, par contre, de définir en désignant et surtout de ne pas poétiser le sujet.
(Monde illustré, 1883)
Gluant
d’Hautel, 1808 : On dit par raillerie d’un homme qui est enclin à la rapine, qui dérobe tout ce qui lui tombe sous la main, qu’il a les mains gluantes.
Delvau, 1866 : s. m. Enfant à la mamelle que le lait qu’il tette et qu’il laisse baver sur lui rend tout poisseux et désagréable à toucher pour quiconque n’est ni son père ni sa mère.
Rigaud, 1881 : Enfant à la mamelle. (A. Delvau) Il est attaché au sein de la mère comme de la glu.
La Rue, 1894 : Enfant à la mamelle.
France, 1907 : Enfant à la mamelle. Personne tenace dont on se débarrasse difficilement, qui se colle à vous. Une femme qu’on n’aime plus est toujours gluante.
Parait que j’suis dab ; ça m’esbloque,
Un p’tit sale, a moi l’salaud !
Ma rouchi doit batt’ la berloque,
Un gluant, ça m’f’rait pas mon blot.
(Jean Richepin)
Gluau
Delvau, 1866 : s. m. Expectoration abondante. Lâcher son gluau. Cracher malproprement.
France, 1907 : Expectoration épaisse. Pisser son gluau, accoucher.
Gluau (en poser un)
Virmaître, 1894 : Quand les agents tendent un piège pour prendre des voleurs, ils posent un gluau. Allusion au chasseur qui pose des gluaux dans les arbres pour prendre les petits oiseaux.
— Ne va pas rôder avec la Tine, vous allez vous faire poser un gluau.
Mot à mot : ne va pas avec les autres, vous allez vous faire mettre en prison (Argot des voleurs).
Gluau (lâcher son)
Rigaud, 1881 : Expectorer bruyamment.
Virmaître, 1894 : Déballer. Pisser son gluau : accoucher. Allusion à l’aspect gélatineux du nouveau-né (Argot du peuple).
Gluau (poser un)
Rigaud, 1881 : Tendre un piège à un malfaiteur. Se faire poser un gluau, se faire arrêter.
Mes anciens compagnons de vol s’étaient fait poser un gluau.
(Mémoires de Lacenaire, 1836)
La Rue, 1894 : Tendre un piège à un malfaiteur.
France, 1907 : Tendre un piège à un malfaiteur, arrêter.
Glueau
Rossignol, 1901 : Jeune enfant qui se tient constamment aux jupes de sa mère.
Glutouse
France, 1907 : Le visage.
Gnac
France, 1907 : Difficulté, querelle, embarras, obscurité. « Je ne veux pas me mêler de cette affaire, il y a du gnac. »
Voici l’explication donnée par Larousse à ce mot bizarre : « un jour, un courtisan qui sortait des appartements du Louvre cherchait vainement son manteau à l’endroit où il l’avait déposé en entrant ; s’adressant au gardien, il lui demanda quelles étaient les personnes sorties avant lui. De cette manière, il avait l’espoir de trouver son vêtement chez quelqu’une d’elles. Le gardien lui nomma deux ou trois gentilshommes gascons dont le nom se terminait en gnac, — Ah ! s’écria notre Normand, qui devait s’y connaître, puisqu’il y a du gnac ici, mon manteau est bien perdu ! »
Cette étymologie est-elle la bonne ? Nous ne nous permettrions pas de le nier, mais le mot gnac en Languedoc signifie morsure, ce qui peut conduire à une autre explication.
Gnaf
Merlin, 1888 : Cordonnier, savetier.
Gnaf, gniaf
Rigaud, 1881 : Savetier. La corporation des portiers fournit un nombreux contingent de gnafs. — Gnaf du drap, tailleur à façon, tailleur qui fait les raccommodages, autre industrie à la mode parmi MM. les portiers.
Gnafe
d’Hautel, 1808 : Un gnafe. Sobriquet que l’on donne à un savetier ; à un enfant de Saint-Crépin.
Gnan-gnan
Larchey, 1865 : Personnage mou, sans consistance. — Redoublement du vieux mot niant : rien. V. Roquefort. — Gnolle et Gnognote sont des diminutifs. — Talma écrivait à Mme Bourgoin, le 19 septembre 1825 :
Vous avez prouvé au public et à vos camarades que vous êtes en état de jouer autre chose que des gnans-gnans.
Gnangnan
Delvau, 1866 : adj. des deux g. Mou, paresseux, sans courage.
France, 1907 : Mou, fainéant. Air gnangnan, parler gnangnan ; du vieux mot niant, rien, néant.
Gnangnan, gnagne
Rigaud, 1881 : Mou, molle, sans énergie. Gnangnan est pour fainéant, que le peuple prononce feignant, avec suppression de la première syllabe et redoublement de la dernière.
Gnare, guenard
Rigaud, 1881 : Porte-carnier, rabatteur, en terme de chasseur.
Gnarrou
France, 1907 : Rongeur ; sobriquet donné aux juifs dans le Languedoc ; de gnarra, ronger.
Gnasse
Hayard, 1907 : (Mon) moi, (ton) toi, (son) lui, elle.
Gniaf
Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier, — dans l’argot des cordonniers. Savetier, — dans l’argot des ouvriers.
La Rue, 1894 : Ouvrier cordonnier. Savetier.
Virmaître, 1894 : Plusieurs degrés au-dessous du savetier. On appelle gniaf tout individu qui gâte un ouvrage. Se conduire comme un gniaf : commettre des bassesses (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Cordonnier.
Hayard, 1907 : Cordonnier, savetier.
France, 1907 : Savetier, mauvais cordonnier ou, plus généralement, mauvais ouvrier ; de l’anglais to gnaw, ronger, rogner, qui vient lui-même du grec gnafô, racler, râtisser. L’apprenti cordonnier se nommé pignouf, corruption de petit gniaf.
À ce moment, je marchais rue Maubuée ; les gniafs, on les remue à la pelle dans le quartier, — on se réunissait chez l’un, chez l’autre, et on gueulait, nom de Dieu ! La maison en tremblait.
(Père Peinard)
Ces dessins, ces abominables — rt superbes ! — dessins du Père Peinard, ébauchés au gros trait, à la manière d’affiches et d’une tonalité si puissante, en dépit du manque de couleur, savez-vous de qui ils sont ? De galvaudeux, sans doute, de bohèmes, de ratés, de vieux gredins ayant noyé dans l’absinthe leur talent de jadis — ou de gniafs en mal d’esthétique ?
Ouitche ! mes maîtres, vous croyez ça ?
Ils sont l’œuvre d’lbels, de Félix Pizano, de Luce, de toute cette jeune et vaillante phalange d’artistes classés, acclamés déjà, qui s’en viennent derrière l’illustrateur de Paris, le maître Chéret.
(Séverine, Le Journal)
— Je t’avais connu acteur et tu étais un savetier, je te subis directeur et tu n’es plus qu’un gniaf.
(Henry Bauër, Les Grands Guignols)
Gniaffe
Larchey, 1865 : Cordonnier en vieux.
C’est le cordonnier gniaffe que nous nous sommes proposé surtout de peindre.
(P. Borel)
Gniaffer
Delvau, 1866 : v. a. Travailler mal ; faire une chose sans soin, sans goût, — comme un savetier.
France, 1907 : Travailler mal et maladroitement. Gniaffer un ouvrage.
Gniafferie
France, 1907 : Saleté, mauvais procédé envers un camarade, ce que, dans le monde des lettres, on appelles muflerie.
Gniafferie (en faire une)
Virmaître, 1894 : Faire une malpropreté à un camarade. Mot à mot : se conduire vis à vis de lui comme un goujat.
Gnias ou gniasse
Virmaître, 1894 : Soi-même.
— Pas mèche de me gerber, il n’y a que nib sur mon gniasse (Argot des voleurs).
Gniasse
Rossignol, 1901 : Moi, lui. Mon gniasse, moi. Son gniasse, lui.
France, 1907 : Je, moi, mon ; argot des voleurs ; corruption de niasse, même sens. Ton gniasse, toi.
Gniasse (Mon)
Fustier, 1889 : Je, moi, me. (Richepin)
Gnient et bigore
M.D., 1844 : Rien du tout.
Gniff
Delvau, 1866 : s. et adj. Clair, dépouillé, — dans l’argot du peuple, qui dit cela spécialement à propos du vin.
Gninte
Rossignol, 1901 : Rien. Celui qui n’a que gninte, n’a rien.
Gniole
Fustier, 1889 : V. Delvau. Gnon.
Rossignol, 1901 : Bête, imbécile, niais.
Gniole, gnol
France, 1907 : Singulier, bizarre, niais, dont gniole est une corruption.
— Travailler ? Pas si gniole ! À quoi ça sert de travailler ? Est-ce que c’est une carrière sérieuse que le travail ? Est-ce qu’on en voit pas tous les jours crever de misère et de faim qui suent et s’esquintent le tempérament du lever au coucher du soleil ? Travailler ? On s’en ferait mourir ! Ah ! non, par exemple, cest pas un état, ça !
(Montfermeil)
Gnioleries
France, 1907 : Bizarreries, sottises.
Les gas ayant plein le cul de toute discipline, en pinçant pour les avaros et les aventures, voudront réagir de vive lutte contre les gnioleries de la société qui les étouffe bêtassement. Oui, cré tonnerre ! dans le populo y aura des bougres râblés qui se foutront dans le banditisme par amour de l’art ; histoire de prouver leur audace et leur nerf, en attendant de povoir foutre en jeu, à la bonne franquette, leurs riches qualités, grâce à la sociale anarchote.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Gniolle
Hayard, 1907 : Imbécile.
Gniolle, gnolle
Rigaud, 1881 : Taloche. — Propre à rien.
Gnirgou-gnargou
France, 1907 : Baragouinage. On appelle ainsi, dans le Midi, une sorte de « javanais » qui consiste à défigurer les mots en les faisant suivre d’une ou plusieurs syllabes de convention.
Gnognote
Larchey, 1865 : Chose sans valeur.
Josepha… c’est de la gnognote.
(Balzac)
Gnognotte
Delvau, 1866 : s. f. Marchandise sans valeur ; chose sans importance. Balzac a employé aussi ce mot à propos des personnes, — et dans un sens péjoratif, naturellement.
Hayard, 1907 : Rien qui vaille.
France, 1907 : Chose ou personne sans aucune valeur. Même origine que gnangnan.
Ils me font suer, avec leurs mélodies, symphonies, harmonies, oratorios… Ils auront beau racler, souffler, tapoter, ils ne feront rien d’aussi beau que la Marseillaise : « Allons, enfants de la patrie… » Voilà de la musique ! Mais leurs roucoulades, leurs pleurnicheries à porter le diable en terre, c’est de la gnognotte !
(Albert Goullé)
Les lascars useront du truc ; ils colleront des pétards au bon endroit, et le train ohéissant se jettera dans leurs bras. Le reste n’est que de la gnognotte : avec bougrement de politesse, ils passeront la visite sanitaire des voyageurs de première et de wagons-lits qui ont généralement le gousset bombé et la malle bien fournie.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
— Sais-tu la différence qu’il y a entre toi et les autres hommes ?
— Non… Va, ma belle.
— Les autres hommes, moins on est vêtue, plus ils vous admirent et vous bénissent… et toi, c’est le contraire, avoue ?
— Oh ! j’avoue !… Le costume, c’est tout !
— Et une jolie femme nue, rien ? La Vénus de Milo et les Vénus en chair et en os, de la gnognotte, alors ?
(Dubut de Laforest, Angéla Bouchaud)
Nous arrivons à une décadence qui, si l’on n’y met bon ordre, ne sera que de la gnognotte en comparaison de celle qui força jadis un empereur romain à demander un abri au Domange de son époque.
(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)
— L’exemple des autres, leurs conseils comme leur expérience, tont ça, vois-tu, c’est de la gnognotte, comme on dit à Saint-Roch. On n’apprend bien que ce qu’on apprend à ses dépens.
(Léo Trézenik, La Confession d’un fou)
Gnognotte (de la)
Rigaud, 1881 : Pas grand’ ! chose, rien de bon.
Gnole
d’Hautel, 1808 : Il n’est pas gnole. Pour dire, il est adroit, fin et rusé ; il ne s’endort pas sur ses intérêts ; il est habile à manier les affaires.
Hayard, 1907 : Coup.
France, 1907 : Coup de poing, tape. Abréviation de torgnole.
Ne t’avise pas d’approcher,
Car le diable me caracole
Si je ne t’applique une gnole
Qui tiendrait chaud à ton grouin.
(J.-J. Vadé)
Gnollais
Delvau, 1866 : s. m. Batignollais, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Abréviation de Batignollais.
Gnolle
Larchey, 1865 : Mou, sans force.
Mais il est si gnole ce gouvernement ! il est si feignant ! si propre à rien.
(Montépin)
Pas si gnolle, c’est des gosses
(Rousseliana, 1805)
Delvau, 1866 : adj. des deux g. Paresseux ; niais, — dans l’argot des faubouriens. Quelques lexicographes du ruisseau veulent que l’on écrive et prononce gniole.
Gnolle ou gnole
Virmaître, 1894 : Imbécile aussi niais qu’il est possible de l’être.
— Si ton point de côté savait que nous pagnotons ensemble, il te carderait le cuir.
— Y a pas de pet, il est trop gnolle, il a de la merde dans les chasses (Argot du peuple).
Gnolles-Ceaux
Delvau, 1866 : n. de l. Batignolles-Monceaux.
France, 1907 : Batignolles-Monceaux.
Gnolles-Chy
Delvau, 1866 / France, 1907 : Batignolles-Clichy.
Gnon
Delvau, 1866 : s. m. Meurtrissure que se fait une toupie ou un sabot, — dans l’argot des enfants ; et par extension, Blessure que se font les hommes en se battant. S’emploie au figuré.
Rigaud, 1881 : Contusion ; coup qui marque.
Virmaître, 1894 : Donner un coup ou le recevoir.
— Ce pauvre Léon, il est crapsé du gnon que lui a foutu sa pouffiace (Argot des souteneurs).
Rossignol, 1901 : Coup. Recevoir un gnon, c’est recevoir un coup.
Hayard, 1907 : Coup de poing.
France, 1907 : Coup, meurtrissure ; corruption de gnole.
A’ poussa comme un champignon
Malgré qu’alle ait r’çu pus d’un gnon
L’soir, en faisant la cabriole
À Batignolles.
(Aristide Bruant)
— C’est cinq francs de commission que vous me devez.
— Cinq gnons dans la gueule, tu veux dire.
(Jean Richepin)
Dans une réunion politique, Bigorneau reçoit un soufflet.
Il n’en faut pas davantage pour allumer… son courroux, et il parle aussitôt d’envoyer des témoins à son insulteur.
Celui-ci, éclatant de rire :
— Quel mauvais caractère a ce garçon-là ! Il se fâche pour un oui, pour un gnon !…
(Le Journal)
Gnouf-gnouf
France, 1907 : On appelle ainsi un dîner mensuel d’auteurs et d’artistes du Palais-Royal qui fut inauguré en 1858 à la suite du Punch-Grassot.
Les gnouf-gnouf se divisent en deux catégories, les gnouf-gnouf de Coblentz (ceux qui sont graves) et les gnouf-gnouf de Pologne (ceux qui sont gais).
(A. Delvau)
Graves ou gais, les gens d’esprit sont parfois bien bêtes.
Gnougnoutte
Virmaître, 1894 : Cette expression est employée par les filles dont ce n’est pas la profession d’aimer à crédit. Pas de galette, pas de gnougnoutte. L’expression est claire : pas d’argent, pas de viande (Argot des filles).
Gnourret
France, 1907 : Grognement, cri du pourceau.
Go
d’Hautel, 1808 : Tout-de-go. Librement, sans façon, brusquement, d’un seul coup, tout droit, tout bonnement.
Il y va tout-de-go. Pour, tout à la bonne, franchement.
Il y entre tout-de-go. C’est-à-dire tout droit, sans aucun effort.
Entrer dans un lieu tout-de-go. Y entrer brusquement et malhonnêtement, sans faire les salutations d’usage aux personnes qui s’y trouvent.
Gô
Rossignol, 1901 : Pou.
Go (de, ou tout de)
Delvau, 1866 : adv. Librement, sans façon, sans obstacle, — dans l’argot du peuple.
Go (parler en)
Larchey, 1865 : « Quand les termes qu’il s’agit d’altérer (en argot) sont trop courts pour pouvoir être abrégés, ils reçoivent seulement une terminaison qui en change la physionomie ; là devient lago ; là-bas, labago ; ici, icigo ; Versailles, Versigo. » — Marty Laveau. — (V. Mar, Man, Rama, Lem.)
Go (tout de)
France, 1907 : Librement, sans préparation, aisément, sans cérémonie. « Faire une chose tout de go. » On disait autrefois tout de gob, de gober, ce qui en indique l’origine : faire une chose d’une gobée.
Jadis tout alloit plus de gô :
Une main mise l’une en l’autre,
Sans curé et sans conjungo,
Fit leur hymen et rompt le nôtre,
On se marioit in petto,
Quelquefois même incognito,
Sans cierges et sans patenôtre.
(Mercure, 1735)
Quelques étymologistes font dériver cette expression du mot wallon go, qui signifie chien. Entrer tout de go serait donc entrer comme un chien.
Go ahead
France, 1907 : En tête, en avant ; anglicisme.
C’était quelqu’un. Il possédait, au suprême degré, l’esprit d’en avant, go head des Yankees. Homme d’action qui se jetterait dans la mêlée avec énergie, si jamais le destin en faisait un chef de parti politique, il pouvait être dangereux. D’ailleurs, c’était un de ses buts, après la fortune trouvée, d’être un chef en politique, un maître.
(Félicien Champsaur, Le Mandarin)
Goaille
d’Hautel, 1808 : Persifflage, moquerie ; ton railleur et piquant.
Goailleur
d’Hautel, 1808 : Persiffleur, railleur, mauvais plaisant.
Gob, gobin
Rigaud, 1881 : Bossu. Vieux mot emprunté au patois picard.
Gobage
Rigaud, 1881 : Amour. Fort gobage, amour passionné.
La Rue, 1894 : Amour. Gober, aimer.
France, 1907 : Amour.
Gobante
France, 1907 : Femme ou fille séduisante.
La petite bougresse était gobante en diable, mais, voilà le hic, surveillée comme jamais ne le fut le jardin des Hespérides par une terrible mère escortée de deux frères, redoutables héros de barrière, toujours préts à jouer du surin.
(Les Propos du Commandeur)
Gobbe
Vidocq, 1837 : s. m. — Verré à boire.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Gobbe, gobelot
Rigaud, 1881 : Calice, — dans le jargon des voleurs.
Gobe mouche
Virmaître, 1894 : Flâneur qui s’arrête à chaque boutique. Allusion à ce qu’il baille ébahi (Argot du peuple).
Gobe-la-lune
France, 1907 : Personne simple, crédule et facile à duper.
Comme nous avions raison de protester, nous autres, les artistes et les poètes, dès qu’il a été question d’édifier ce chenet monstrueux (la Tour Eiffel) ! Nous soulevâmes, je m’en souviens, l’indignalion de tous les jobards, de tous les gobe-la-lune, hypnotisés devant le « chef-d’œuvre de la métallurgie ». Eh bient ! il est réalisé le prodige, et il est abominable, et il ne sert absolument à rien.
(François Coppée)
Gobe-mouche
Halbert, 1849 : Espion.
Rigaud, 1881 : Espion, — dans l’ancien argot.
Gobe-moucherie
Vidocq, 1837 : s. f. — Franc-Maçonnerie.
Delvau, 1866 : s. f. La franc-maçonnerie, — dans l’argot des voleurs.
Gobe-mouches
d’Hautel, 1808 : Oisif, paresseux, badaud qui a toujours le nez en l’air, et qui s’éprend d’une sotte admiration pour les choses les plus simples.
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme qui bée au vent au lieu de regarder à ses côtés, où se trouve parfois un pick-pocket. Argot du peuple.
France, 1907 : Même sens que gobe-la-lune.
Je ne vais pas compter parmi les oiseaux de Paris ceux du Jardin des Plantes ou des oiseleurs du quai, non plus que les grues du théâtre, ou les gobe-mouches de la Bourse, ou les perroquets étouffés chaque jour sur le coup de 5 heures. Non, je méprise ces facéties de chroniquailleur.
(Jean Richepin)
Gobe-prune
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Tailleur.
Gobe-son
Vidocq, 1837 : s. m. — Calice.
Delvau, 1866 : s. m. Calice, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Le calice. À l’élévation le prêtre gobe son hostie (Argot des voleurs). V. Baignoire à bondieu.
Gobelet
d’Hautel, 1808 : Hausser le gobelet. Pour dire aimer à boire, avoir la passion du vin.
Gobelet (sous le)
France, 1907 : En prison.
Gobelin
Rigaud, 1881 : Gobelet d’escamoteur. — Petit gobelet dont se servent les robignoleurs pour escamoter la muscade et faire des dupes.
La Rue, 1894 : Crochet. Dé à coudre.
France, 1907 : Crochet ; dé à coudre.
France, 1907 : Démon ; du bas latin gobelinus.
Gobelius (le docteur)
Rigaud, 1881 : Recruteur de dupes, pour les maisons de jeu, — dans l’argot des joueurs du XVIIIe siècle. (Fr. Michel)
Gobelot
Ansiaume, 1821 : Ciboire.
Il est gerbé à 10 longes pour avoir grinchi un gobelot.
France, 1907 : Ciboire.
Gobeloter
d’Hautel, 1808 : Boir du matin au soir ; s’établir dans un cabaret ; s’enivrer. Et non Gobeleter, comme on le dit ordinairement.
Gobelottage
Rigaud, 1881 : Plaisir, amusement.
Gobelotter
Delvau, 1866 : v. a. Aller de cabaret en cabaret. Signifie aussi, Buvotter, boire à petits coups.
Rigaud, 1881 : S’amuser, rire, boire et chanter. — Le dictionnaire de l’Académie le donne dans le sens de boire à plusieurs petits coups.
France, 1907 : Aller boire de cabaret en cabaret, vider des gobelets. « Façon de boire, quand on n’a pas soif, dit le docteur Grégoire. Et c’est la bonne. »
— Hein ? crois-tu que ça commence à être agréable d’être député ? Qu’est-ce que ce sera quand nous serons les maîtres… les maîtres en plein ?… Ce qu’on va gobelotter !
— Ah ! mais… vous savez, il y a une grande réception au ministère du commerce, ce soir : on va gobelotter à l’œil. Ah ! merci, il est temps ! Mac-Mahon, il se fiche de ça, lui. Il a beau mouiller son uniforme, il a, pour se chauffer, le bois de l’État, il vit aux frais de la princesse ; mais nous, nous qui votons les fonds de tous les budgétivores, grands et petits, nous ne gobelottons pas. En voilà un métier de faire gobeletter les autres, si on ne gobelotte pas soi-même. Moi, ce soir, je ne dépote pas du buffet.
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
Gobelotter, gobichonner, godailler
La Rue, 1894 : S’amuser, faire la noce, faire des bons repas. Rire, plaisanter.
Gobelotteur
Delvau, 1866 : s. m. Ami des franches lippées, et des plantureuses réfections.
Rigaud, 1881 : Celui qui aime à s’amuser, ami du plaisir.
France, 1907 : Pilier de cabaret, ivrogne et fainéant.
Gober
d’Hautel, 1808 : Pour dire manger, prendre de la nourriture.
Gober des mouches. Croquer le marmot, passer une vie oisive et désœuvrée.
Il a gobé le morceau. Se dit de quelqu’un qui dans une bataille ou un duel a été blessé ; d’un homme sur lequel sont tombés tous les frais d’une affaire.
Gober la chèvre. Voyez Chèvre.
Gober. Pour, prendre, se saisir.
On l’a gobé. Pour, on s’en est saisi, on l’a mis en prison.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Attraper. Être gobé, être pris sur le fait.
un détenu, 1846 : Aimer, affectionner.
Delvau, 1866 : v. a. Avoir de la sympathie pour quelqu’un ; ressentir de l’enthousiasme pour certaines idées. Argot des faubouriens. Éprouver un sentiment subit de tendresse pour un compagnon, — dans l’argot des petites dames.
Delvau, 1866 : v. a. Croire légèrement aux choses qu’on dit, avaler les mensonges avec autant de confiance que si c’étaient des vérités.
Rigaud, 1881 : Trouver bien ; trouver à son goût. Se dit principalement des personnes. Gober quelqu’un. — Ils se gobent, ils s’aiment, ils se plaisent mutuellement. — Se gober, avoir une haute opinion de sa personne, être infatué de soi-même.
Boutmy, 1883 : v. a. Avoir de la sympathie pour : C’est un bon compagnon, je le gobe. Se gober, être infatué de sa personne.
Virmaître, 1894 : Aimer quelqu’un. Gober : croire à quelque chose, même à une chose fausse.
Virmaître, 1894 : la pilule. Gober une aventure extraordinaire. Gober (se) : s’imaginer valoir plus que les autres (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Aimer.
France, 1907 : Aimer.
Autrefois, j’aimais les gendarmes.
Drôle de goût, me direz-vous.
…
Mais je les gobais tout de même,
Comme on prise de bons enfants.
Élitre de l’armée et crème
Et fleur, ils m’étaient triomphants.
(Paul Verlaine)
Je te parlerais bien de Millaud et du Petit Journal, mais le soir même je recevrais du papier timbré. Il ne plaisante pas, le papa Millaud. Le voilà, à l’heure qu’il est, intentant trois procès à trois journaux différents, qui ne gobent pas son papier à chandelle, et qui trouvent étranges les prétentions littéraires de ce banquier journaliste, libraire et marchand de tortues.
(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)
Moi, je n’gob’ pas
El’ son du glas
D’l’églis’ du Maine,
J’aim’ cent fois mieux
Les chants joyeux
Ed’ la Mad’leine.
(Aristide Bruant)
Gontran, vous voulez m’épouser ;
Je n’dis pas non, car vous m’plaisez,
Vous n’êt’s pas trop laid, pas trop bête,
Vous vous habillez… proprement,
Vous êtes très rich’ : (Naturell’ment !)
Et J’gob’ vot’ tête.
(L. Xanrof, L’Ingénue moderne)
France, 1907 : Croire légèrement, attraper au vol ce que l’on dit ; du gaélique gob, bouche, bec. Gober le morceau, se laisser duper.
Il lui semblait qu’elle était quelque chose de plus qu’avant, reniflait à pleines narines la senteur musquée du cosmétique mangé sur les cheveux de Ginginet, en même temps s’amusait, comme d’un bon tour, de ce mari cornard et qui n’en saurait rien. Elle lui collerait une histoire, qu’il goberait comme toutes les autres, et bernique pour le reste.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Songez-y bien et croyez-le : il n’y a chez nous que ceux partis, deux, et point davantage. Ceux qui « gobent » et ceux qui « blaguent ». Car il convient de parler la langue de son temps.
Telle est la grande division. Le reste n’est que subtilite électorale.
(Émile Bergerat)
Gober (la)
Larchey, 1865 : Mourir, avaler une bourde, être victime d’un accident. — V. Esbigner.
Ce poltron-là, c’est lui qui la gobe le premier.
(L. Desnoyer)
Si bien que j’suis dupé, C’est moi qui la gobe.
(Chanson, 1854)
Delvau, 1866 : Être ruiné pour avoir trop cru aux Mercadets. Par extension : Mourir.
Rigaud, 1881 : Être dupe ; être victime, ne pas avoir de chance dans une affaire, perdre de l’argent dans une entreprise.
Gober (se)
Delvau, 1866 : Avoir de la fatuité ; s’écouter parler et se regarder dans une glace en parlant.
France, 1907 : S’aimer, tomber dans le narcissisme, éprouver pour soi une admiration sans bornes.
À l’arrivée des premières huîtres, de jeunes gommeux très friands de ces mollusques en dégustent à la devanture d’un dépôt.
Passe Gavroche :
— Ah ! zut, j’aime pas les gens qui s’gobent !
Comme notre ami Barrère, un tantinet fat, vantait devant une dame ses propres mérites, ses propres qualités :
— Au moins, vous n’êtes pas comme les huîtres… lui demanda-t-elle.
— J’espère que non, belle dame, mais pourquoi cette question ?
— Eh oui ! les huîtres, on ne les manne pas pendant les mois sans r, tandis que vous…
— Moi ?
— Vous, vous vous gobez toute l’année.
Gober la chèvre
Virmaître, 1894 : Être furieux d’une chose qui va de travers. On dit aussi pour exprimer la même idée : bouffer son bœuf. Ce que font souvent les typographes quand les casses sont embrouillées et que les lettres de différents corps y sont mélangés. Ils gobent aussi la chèvre quand un auteur méticuleux, qui ne connaît pas le métier, se mêle de leur donner des conseils (Argot d’imprimerie).
Gober le merlan
Delvau, 1864 : Sucer un homme jusqu’à l’éjaculation inclusivement, et boire le sperme qui sort de son membre frémissant, — par allusion au merlan roulé dans la farine et à sa forme allongée.
Gober sa chèvre
France, 1907 : Être en colère.
Gober sa chèvre, son bœuf
La Rue, 1894 : Être en colère.
Gober son bœuf
Delvau, 1866 : v. a. Être furieux, d’une chose ou contre quelqu’un, — dans l’argot des ouvriers.
Rigaud, 1881 : Être furieux d’une chose ou contre quelqu’un. (A. Delvau)
France, 1907 : Être furieux ; argot des typographes.
Gober un homme
Delvau, 1864 : Avoir envie de coucher avec lui.
Mon cher Arthur, Emma te gobe.
(A. François)
Goberger
d’Hautel, 1808 : Se goberger. Prendre ses aises, ses coudées franches, se dorloter.
Goberger (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se complaire dans un endroit, dans un bon lit, dans un bon fauteuil, auprès d’un bon feu ou d’une bonne table. On sait qu’on appelle goberges les ais du fond sanglé du lit.
Gobeson
Larchey, 1865 : Calice (Vidocq). — Diminutif de Gobbe.
Gobeson, gobette
Rigaud, 1881 : Verre à boire, — dans l’ancien argot.
Gobesson
France, 1907 : Calice, verre.
Gobet
d’Hautel, 1808 : C’est un bon gobet. Se dit en plaisantant d’un enfant difficile à conduire, d’un petit polisson.
Des gobets de Montmorency. Nom qu’on donne aux cerises qui viennent de la vallée de Montmorency.
Prendre quelqu’un au gobet. Le prendre au collet, au moment où il y pense le moins.
Delvau, 1866 : s. m. Morceau de viande quelconque. — dans l’argot des bouchers, qui emploient ce mot à propos delà viande non encore détaillée.
Delvau, 1866 : s. m. Polisson ; ouvrier qui se débauche, — dans l’argot du peuple. Mauvais gobet. Méchant drôle.
Rigaud, 1881 : Quartier de viande, — dans le jargon des bouchers.
Rigaud, 1881 : Vaurien. C’est-à-dire individu qui gobe, qui trouve bon… à prendre tout ce qu’il voit.
Virmaître, 1894 : Morceau de viande, bœuf ou mouton entier.
— Je ne veux pas de cette viande coupée, elle a été tripotée.
— Je vais vous en couper dans un gobet, répond le boucher (Argot des bouchers).
France, 1907 : Morceau que l’on gobe ; pièce de viande, dans l’argot des bouchers.
— Laisse-moi faire, nous mangerons de bons gobets ensemble.
(Hauteroche, Crispin médecin)
France, 1907 : Polisson, ouvrier débauché ; méchant gobet, mauvais drôle.
Gobette
Virmaître, 1894 : Gobelet de fer-blanc qui mesure 33 centilitres. Ce gobelet sert aux détenus dans les prisons pour prendre une ration de vin à la cantine où ils ont droit à trois gobettes par jour, en payant, bien entendu. Passer à la gobette, c’est prendre une tournée chez le marchand de vin (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Gobelet.
France, 1907 : « Gobelet de fer-blanc qui mesure 33 centimètres. Ce gobelet sert aux détenus dans les prisons pour prendre une ration de vin à la cantine où ils ont droit à trois gobettes par jour, en payant, bien entendu. »
(Charles Virmaître)
France, 1907 : Distribution de vin dans les prisons.
Puis vient l’heure attendue de la gobette. C’est la distribution quotidienne de vin que le cantinier est autorisé, moyennant finances, à faire aux détenus. Chacun se presse, se bouscule. C’est à qui approchera du guichet étroit par lequel passe le merveilleux et désiré gobelet contenant le liquide adoré. Malheur à qui n’est pas agile et vigoureux, car le gobelet qu’il tient et qu’il s’apprête à vider, tout à coup lui échappe, emporté par un concurrent plus prompt, plus fort. La loi de Darwin est souveraine au Dépôt. Tant pis pour les faibles !
(Edmond Lepelletier)
Gobette (un)
Halbert, 1849 : Un verre de vin de prison.
Gobeur
La Rue, 1894 : Crédule.
Virmaître, 1894 : Individu qui avale tout, même les bourdes les plus impossibles (Argot du peuple).
Gobeur, gobeuse
Rigaud, 1881 : Naïf, naïve, crédule. Mot à mot : celui qui gobe, avale tout ce qu’on lui dit.
France, 1907 : Crédule ; naïf. Le Français est né gobeur et surtout le Parisien.
Gobichonnade
Delvau, 1866 : s. f. Ripaille.
France, 1907 : Repas plantureux.
Gobichonnade, gobichonnage
Gobichonnage
Rigaud, 1881 : Amusement, plaisirs variés. — Gobichonner, s’amuser, faire un bon repas. — Gobichonneur, gobichonneuse, celui, celle qui aime à rire ; plaisant, plaisante, gourmand, gourmande.
France, 1907 : Amusement.
Gobichonner
Larchey, 1865 : Se régaler. — Diminutif du vieux mot gobiner qui avait le même sens. V. Roquefort.
Il se sentit capable des plus grandes lâchetés pour continuer à bien vivre… à gobichonner de bons petits plats soignés.
(Balzac)
Delvau, 1866 : v. n. Courir les cabarets ; faire le lundi toute la semaine. Argot des ouvriers.
France, 1907 : Festoyer.
Il se sentit capable des plus grandes lâchetés pour continuer à gobichonner.
(Balzac)
Gobichonneur
Larchey, 1865 : Gourmand.
Le roi, le triomphateur des gobichonneurs.
(La Bédollière)
Delvau, 1866 : s. m. Ami des franches lippées.
France, 1907 : Bambocheur.
— Oh donc ! je vas vous tambouriner le cuir un petit peu, moi, Fanfan La Blague, le roi, le triomphateur des chanteurs et des gobichonneurs.
(A. Lorentz, L’invalide)
Gobilleur
Halbert, 1849 : Juge d’instruction.
Rigaud, 1881 : Juge d’instruction, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Juge d’instruction : il vous tourne, vous retourne et vous roule comme une gobille.
Gobin
d’Hautel, 1808 : Terme de dérision, pour bossu, contrefait, homme laid et mal bâti.
Delvau, 1866 : s. m. Bossu.
France, 1907 : Bossu ; vieux mot.
Goblet (sous le)
Clémens, 1840 : En prison.
Gobseck
Rigaud, 1881 : Usurier, avare. Nom d’un des personnages de La Comédie humaine de Balzac. Le nom seul est une trouvaille, surtout venant après l’Harpagon de Molière.
France, 1907 : Usurier, personnage de la Comédie humaine de Balzac.
Avec son cortège damné
De Gobsecks à la mine blette
Qui vous disent d’un ton pincé :
« Ça fa tonc bas vort, la roulède ? »
(G. Jollivet)
Godaille
d’Hautel, 1808 : Débauche de bouche, alimens mal apprétés, mauvaises nourriture, mets de fantaisie.
France, 1907 : Débauche de table.
On était aux premiers jours d’octobre, les vendanges allaient commencer, belle semaine de godaille, où les familles désunies se réconciliaient d’habitude autour des pots de vin nouveau.
(É. Zola, La Terre)
Godaille, godaillerie
Rigaud, 1881 : Badinage, badinerie. — Godailler, rire, faire des farces, aimer à plaisanter. — Godailleur, celui qui aime la plaisanterie. — Flâneur. — Godailler, gobelotter, et gobichonner sont de la même famille et ont à peu près la même signification.
Godailler
d’Hautel, 1808 : Boire et manger avec excès à plusieurs reprises, riboter, faire ripaille.
Delvau, 1866 : v. n. Courir les cabarets. Ce verbe est un souvenir de l’occupation de Paris par les Anglais, amateurs de good ale.
Virmaître, 1894 : Courir les cabarets. Ce verbe est un souvenir de l’occupation de Paris par les Anglais, amateurs de good ale. A. D. Godailler est synonyme d’être en patrouille et aussi de flâner. Manquer un travail, c’est le godailler. Godailler, c’est ne jamais se trouver bien nulle part.
— On n’en fera jamais rien, c’est un mauvais ouvrier, il godaille sans cesse (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Flâner.
France, 1907 : Boire ; du vieux mot godale ou goudale, corruption de l’anglais good ale, bonne biére, ou de l’allemand goad ael, même signification.
On trouve godale dans le Roman de Berthe aux grands pieds :
Une rivière treuve qui d’un pendant avale ;
Volontiers en beust, mais trouble est cour godale.
Dans le roman d’Eustache Le Moine (XIIIe siècle), on lit goudale :
Por Diez ! biau Sire, passés nos
Je viens devers Nolrubellande (1),
Cinq ans ai esté en Irlande,
Tant ai beu de la goudale
Tout ai le vis et taint et pâle,
Or m’en revois boire des vins
À Argentuel ou à Prouvins.
(1) Le Northumberland, comté d’Angleterre.
Godailleur
Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, pilier de cabaret.
Godan
Delvau, 1866 : s. m. Rubrique, mensonge, supercherie, — dans l’argot des faubouriens. Connaître le godan. Savoir de quoi il s’agit ; ne pas se laisser prendre à un mensonge. Tomber dans le godan. Se laisser duper ; tomber dans un piège.
Rigaud, 1881 : Piège ; mensonge, mensonge inventé pour faire patienter un créancier. — Monteur de godans, menteur. Mercadet de Balzac, est un monteur de godans. C’est un dérivé de goder, se réjouir, gaudere, en latin. Le débiteur qui trompe son créancier se donne la comédie à lui-même, il se réjouit des bonnes plaisanteries qu’il débite sérieusement.
La Rue, 1894 : Piège, mensonge, tromperie.
Godan (donner dans le)
Virmaître, 1894 : Croire à un mensonge. Synonyme de couper dans le pont (Argot du peuple).
Godan (le connaître)
Virmaître, 1894 : Éventer le mensonge et ne pas se laisser tromper (Argot du peuple).
Godan, godant
France, 1907 : Niaiserie, bêtise, mensonge, piège.
Ô Muse ! idéale amoureuse,
Va-t-en ! Je ne donne plus dans
Ces ponts vieillis et ces godans !
Ô Muse ! assez de viande creuse
Est venue agacer mes dents !
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
— Ce matin, c’était le mystère de la Sainte Trinité… Te souviens-tu du mystère de la sainte Trinité ?
— Brumeusement.
— C’est crevant !… Le Père, le Saint-Esprit, le Fils !… Le Père a engendré le Saint-Esprit en se contemplant lui-même… Toi, qui commences à être un vieux type, tu comprends pas grand’chose à ça, déjà ? Alors, quoi, nous, les mômes !…. Et après, le Père a contemplé le Saint-Esprit, et ils ont engendré le Fils !… C’est dommage, dis donc, qu’on n’ait pas organisé des trains de plaisir pour assister à ça, hein ?… Ils sont trois et ils ne sont qu’un… Ils ne sont qu’un et ils sont trois !… Arrange ça… Moi, encore, je ne suis pas trop bête, j’en prends et j’en laisse ; mais, autour de moi, au catéchisme, il y a un tas de pauvres petites gourdes qui en deviennent gaga. Tiens, veux-tu que je te dise ? Seulement, tu le répréteras pas à p’tite mère, qui coupe un peu dans ces godants-là ?
(Alphonse Allais)
Godancer
Delvau, 1866 : v. n. Croire à un mensonge ; tomber dans un piège, — dans un godan.
France, 1907 : Croire à un mensonge, à une sottise, à Notre-Dame de Lourdes ou à l’Immaculée Conception.
Godant
Hayard, 1907 : Mensonge.
Godard
d’Hautel, 1808 : Être godard. Devenir père ; se dit en plaisantant de celui dont la femme est accouchée.
Rigaud, 1881 : Mari d’une femme qui accouche. (L. Larchey)
France, 1907 : Père, mari d’une femme qui accouche. C’est gaudard qu’on devrait écrire, de gaudir, se réjouir.
Je devrions toutes trois
L’y faire dire un’ neuvaine,
Tu gouayes, toi ! mais moi, si j’étais reine,
Il serait godard dans neuf mois.
(Vadé)
Servez Godard, sa femme accouche.
(Courrier burlesque, 1650)
Godasse
Hayard, 1907 : Chaussures.
Goddam
Delvau, 1866 : s. m. Anglais, — dans l’argot du peuple, qui a trouvé moyen de désigner toute une nation par son juron favori.
France, 1907 : Anglais. On a donné ce sobriquet aux insulaires de la Grande-Bretagne à cause du juron God dam ! abréviation de God damned ! damné Dieu ! que l’on met fort à tort dans leur bouche. Pendant un séjour de vingt-cinq ans en Angleterre, je n’ai pas entendu une seule fois ce juron.
Oui, la patrie ne doit pas bouger, elle ne doit pas sortir d’entre ses montagnes, sa mer, et elle a de quoi y être heureuse. Chaque an, elle secoue sa mante de blés mûrs, sa chevelure de vignes rousses ; la vie en tombe, et ceux qui la moissonnent et la vendangent sont ses vrais fils. Voilà pourquoi ce sentiment de la patrie, qu’on ne détruira jamais dans le peuple des campagnes et des villes, s’éteint peu à peu dans l’âme d’une partie de la « société », la plus opulente, et qu’elle n’y devient qu’une fantaisie de bon ton. Tandis que les humbles demeurent à côté de leur mère, souffrent ses peines et chantent ses joies, les riches partent, voyagent indifférents, et à force d’aller à droite, à gauche, de se mêler aux Goddem et aux Tarteifle, ils deviennent à la fin cosmopolites, ce ne sont plus que des Anglais et des Allemands.
(Georges d’Esparbès)
Goddem
Larchey, 1865 : Anglais.
Un gros Auvergnat piqué jusqu’au vif, Au Goddem mettant le poing sous le pif.
(Festeau)
M. Fr. Michel trouve godon dans les Poésies de Crétin, 1513.
Cryant qui vive aux godons d’Angleterre.
Mais Godon signifie là glouton et non goddem. V. Du Cange.
Gode-lureau
d’Hautel, 1808 : Damoiseau, olibrius, fat, pédant.
Godeau
France, 1907 : Niais ; de godiche.
Godelet
France, 1907 : Cidre ; du vieux mot godele, cervoise.
Godelureau
Delvau, 1866 : s. m. Jeune homme qui fait l’agréable auprès des « dames » et les réjouit, — dans l’argot des bourgeois qui n’aiment pas les Lovelaces. On écrivait au XVIe siècle gaudelereau, — ce qu’explique l’étymologie gaudere.
France, 1907 : Jeune imbécile aux manières affectées. On fait venir ce mot de voudelu, corruption de voult de Lucques.
C’était il y a une dizaine d’années, en une heureuse époque où une myriade de godelureaux et de petits imbéciles, piaillant, remuant, se poussant, s’entassant sous les colonnes du temple, gagnaient en quelques traits de crayon, sans peine, sans intelligence, les trois cents louis mensuels.
(Henry Bauër)
Les mathurins et les godelureaux
Et les baillis, ma foi, sont tous égaux.
(Voltaire)
Godemichet
Delvau, 1864 : Phallus de cuir ou de velours avec ou sans ressorts, que les femmes libertines ou pusillanimes substituent au véritable phallus de chair et d’os que la prévoyante nature nous a soudé à tous au bas du ventre pour nous reproduire, et surtout pour jouir. Ce mot vient du latin : Gaude mihi, fais-moi plaisir. Cet engin, aussi singulier qu’ingénieux, — le rival sérieux de l’homme, dont la vigueur est malheureusement limitée, — cet engin est en usage depuis que le monde est monde, c’est-à-dire livré à la corruption. Les dames romaines s’en servaient bien avant les dames françaises, comme l’indique le Satyricon, où l’on voit le pauvre Encolpe-Polyænos étrangement arrangé par Œnathée, la vieille prêtresse. — Une autre preuve, c’est le passage suivant de l’École des Filles, où Suzanne la délurée dit à Fanchon, à peine déniaisée par son ami Robinet :
J’ai leu dans un livre l’histoire d’une fille de roy, qui se servoit d’une plaisante invention, au défaut du véritable masle. Elle avoit une statue d’homme de bronze, peinte en couleur de chair et fournie d’un puissant engin d’une matière moins dure que le reste. Cest engin estoit droit et creux, il avoit la teste rouge et un petit trou par le bout, avec deux pendants en forme de couillons, le tout imité au naturel. Et quand la fille avoit l’imagination eschauffée de la présence de ce corps, elle s’approchoit de cest engin, qu’elle se fourroit dedans le con, elle empoignoit les fesses de cette statue et les trémoussoit vers elle ; et quand ce venoit à descharger elle tournoit un certain ressort qui luy sortoit derrière les fesses, et la statue jettoit incontinent par l’engin une certaine liqueur chaude et espaisse, blanche comme bouillie, dans le con de la fille, dont elle estoit arrosée et satisfaite pour le coup.
Les anciens écrivains gaillards avaient donc raison d’écrire gaudemichi — qui se rapproche plus, étymologiquement, de gaude mihi que godemichet.
L’une se trouva saisie et accommodée d’un gros godemichet entre les jambes, si gentiment attaché avec de petites bandelettes autour du corps, qu’il semblait un membre naturel.
(Brantôme)
Il ne reste plus rien du bien de mon partage
Qu’un seul godemichi, c’est tout mon héritage.
(Théophile)
Et feignant de prier en fermant son volet,
Pour un godemichet quitte son chapelet.
(Piron)
Godenot
France, 1907 : Petite figure de bois ou d’ivoire, représentant un homme ou une femme, dont se servent les escamoteurs.
Goder
Rossignol, 1901 : (?)
Goderillaux
France, 1907 : Tripes de bœuf ; vieux mot.
Godet
Delvau, 1866 : s. m. Verre à boire, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Verre à boire, dans l’argot des ouvriers, qui trouvent toujours le verre trop petit.
Godets
Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs). V. Boule de loto.
France, 1907 : Yeux.
Godiche
Delvau, 1866 : s. et adj. Niais, ou seulement timide. On dit aussi Godichon.
France, 1907 : Niais, nigaud, benêt. Corruption de Claude.
Un jour, elle était revenue au Culot, en robe de velours, des bagues à tous les doigts, si joliment astiquée que le village entier avait processionné devant les fenêtres pour la voir ; même le vieux et la vallée, interloqués par ses airs de grande dame, n’avaient su quoi lui offrir à manger. C’est ça qui s’appelait avoir de la chance ! Elle aurait pu en faire autant si elle avait été moins godiche.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
— Si, au lieu d’avoir fait de mes deux grandes, de mon Adèle comme de ma Victoire, ce que j’en ai fait, de leur avoir mis à toutes les deux le balai et l’aiguille à la main, j’avais été assez godiche pour leur faire étudier un tas de belles choses comme celles qu’on a enseignées aux princesses d’ici, de la pédagogie qu’elles appellent ça, de la géométrie… de l’anatomie, de la… mythologie, je ne sais plus quoi ! je les aurais encore sur les bras.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
— Si tu crois que c’est amusant d’être là comme une godiche de jeune fille… et de se heurter la cervelle à un tas d’affaires qu’on devine à moitié… et auxquelles on n’ose pas croire tout de même… parce que c’est tellement fort ! tellement fort ! Alors, dans ces moments-là, on pense à ses amies qui sont mariées… on va les trouver ; on les interroge tout doucement, gentiment, comme je le fais… et puis elles, qui savent à présent tout ce qu’on peut savoir et qui en font de toutes les couleurs… puisque ça leur est permis !…
(Henri Lavedan)
…Nous nous sommes regardés profondément… un de ces regards qui déshabillent le corps et fouillent l’âme… Puis, dans ses yeux, un sourire ineffable, car elle s’apercevait que, douze ans après, je la trouvais toujours belle et désirable… Puis, tout à coup, elle devint distraite… Et, à la vue d’un tout jeune homme, à l’air à la fois malin et godiche, qui l’accompagnait, j’ai compris qu’il n’était plus temps de réparer une erreur de ma jeunesse.
(Paul Alexis)
Comme autrefois, l’amour, cachant ses ailes,
Sur son blason met deux cœurs enflammés ;
Comme autrefois, les femmes sont fidèles,
Comme autrefois, les maris sont aimés.
Les amoureux seront toujours godiches ;
Les innocents seront toujours dupés ;
Les daims courront toujours après les biches,
Mais ce sont eux qui seront attrapés.
(La Toile ou mes quat’ sous, Revue de 1859)
Godiche (être ou n’être pas)
Delvau, 1864 : Se laisser ou ne pas se laisser facilement duper par les femmes, ces éternelles monteuses de coups.
Ça me rappellera… le temps où j’étais si godiche avec le sexe, où les femmes m’allumaient si facilement.
(Lemercier de Neuville)
Godichon
France, 1907 : Diminutif de godiche. Petit imbécile.
— Ce que tu à l’air abruti !… Tu ne sais pas à quoi tu ressembles ? À une tranche de melon dans une assiette, ou à un œuf sur le plat. Ce que tu as l’air godichon !
(Hook)
Godiller
Vidocq, 1837 : v.a. — Se dit lorsqu’on éprouve un accès de priapisme.
un détenu, 1846 : Frétiller, être en joie, en plaisirs.
Larchey, 1865 : Arriver au paroxysme du désir. — Diminutif de gaudir : se réjouir. V. Roquefort. — Louis Festeau a chanté Monsieur Godillard.
Delvau, 1866 : v. n. Se réjouir, être content.
Rigaud, 1881 : Donner des preuves de virilité.
La Rue, 1894 : Se réjouir, s’amuser.
Virmaître, 1894 : Se réjouir, être content. A. D. Godiller veut dire convoiter une femme. Ce couplet de la célèbre chanson d’Alphonse du Gros Caillou me dispensera d’explication :
Pourtant, des fois, fallait être solide
Le 15 août, fête de l’empereur.
C’était chez nous tout rempli d’invalides,
De fantassins, de dragons, d’artilleurs,
Dame ! Ce jour-là, ce que le soldat godille !
Eh bien tout ça sortait content de chez nous.
Godille vient du mot ancien gaudille (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : (?)
France, 1907 : Être en disposition amoureuse, ce que nos pères appelaient entrer en appétit ou se préparer à faire fête à sa dame.
Pourtant, des fois, fallait être solide,
Le quinze août, fête de l’empereur,
C’était chez nous tout rempli d’invalides,
De fantassins, de dragons, d’artilleurs.
Dam’ ! ce jour-là, c’que le soldat godille !
Eh bien ! tout ça sortait content d’chez nous !
(L’Alphonse du Gros-Caillou)
France, 1907 : Se réjouir ; corruption du latin gaudere.
Godiller (faire)
Delvau, 1864 : Faire jouir une femme ou un homme. — Éprouver un accès de priapisme ; bander.
Je veux qu’on me paie pour me faire godiller, moi !
(Lemercier de Neuville)
Godiller ou gaudiller
Delvau, 1864 : Jouir en baisant. — Cette expression a passé du dictionnaire des matelots dans celui des Parisiens, gens amphibies, moitié canotiers et moitié l’autre chose. Godiller, pour un homme de mer, c’est se servir d’un aviron appelé godille ou goudille, qui placé dans une entaille arrondie sur l’arrière d’une embarcation, lui sert à la diriger.
Puissé-je, en passant l’onde
Du fleuve au roi cornu,
Godiller ferme et dru,
Et cramper dans le cul
De ma blonde.
(É. Debraux)
Godilleur
Rossignol, 1901 : Celui qui godille souvent.
Godillot
Rigaud, 1881 : Conscrit, — dans le jargon des troupiers.
Rigaud, 1881 : Soulier. Allusion au nom du fabricant d’habillements militaires.
C’est pas moi qui userais les clous de mes godillots pour une poupée pareille.
(P. Beyle)
Merlin, 1888 : Soulier d’ordonnance, — du nom du fabricant. Godillot est aussi un terme de mépris ayant la même signification que bleu, conscrit.
La Rue, 1894 : Conscrit. Soulier.
France, 1907 : Conscrit.
Godillots
France, 1907 : Souliers et spécialement souliers de soldats, du nom du fondateur de la grande fabrique de chaussures.
Il travaillait, dit le Journal, comme ouvrier maçon, à des réparations au fort de Ham lorsque Louis Napoléon s’en évada. Ce fut lui qui prêta la blouse et le prantalon de toile grossière dont se revêtit le prince, le 25 mai 1846, pour passer devant le corps de garde, une planche portée sur l’épaule dérobant son visage à la curiosité du factionnaire.
Dès le début du troisième empire, la reconnaissance du souverain se manifesta par le don d’une somme importante et la fourniture de plusieurs parties de l’équipement militaire, entre autres des escarpins de troupe, dits godillots.
Mais que devient alors la légende de « Badinguet » ?
À la fin du Directoire, au commencement du consulat, on citait les fortunes criminelles faites par certains fournisseurs aux armées au détriment de nos superbes va-nu-pieds. Les exactions les plus éhontées, les vols les plus scandaleux se commettaient au grand jour, malgré les cris de colère de nos soldats, de nos populations et de nos généraux, et le notaire de Mme de Beauharnais pouvait dire à sa cliente :
— Épousez un fournisseur et non pas un général !
Hélas ! l’état de choses a bien peu changé.
Quant au ministre, il se soucie de tout ça comme de sa première paire de godillots.
(Camille Dreyfus, La Nation)
Un de nos deux compagnons de captivité était une espèce de bohème qu’on avait enrôlé de force et qui, détestable soldat, était toujours réprimandé par les chefs. C’est lui qui, de la distribution des effets, ayant reçu une énorme paire de godillots trop grands et par conséquent très lourds, s’écriait : « Je ne pourrai jamais courir avec ça, s’il fallait battre en retraite ! »
(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Moins de cirage aux godillots, plus de savon dans les chambrées ; moins de vexations et plus de discipline ! Et, surtout, que, du général au capitaine, les chefs se fassent voir davantage, s’enquièrent des malades, s’inquiètent de « l’ordinaire », s’occupent du soldat, ne le livrent pas entièrement aux contremaîtres de l’armée.
(Séverine, Gil Blas)
Godinette
d’Hautel, 1808 : Pour amante, maîtresse.
Embrasser quelqu’un en godinette. C’est baiser sur la bouche, en pressant avec les doigts les joues de la personne que l’on veut embrasser, ainsi que le font les enfans entre eux.
Delvau, 1866 : s. f. Grisette, maîtresse. Baiser en godinette. « Baiser sur la bouche en pinçant les joues de la personne, » — sans doute comme baisent les grisettes des romans de Paul de Kock.
Virmaître, 1894 : Grisette. Elle gode pour tous les hommes (Argot du peuple).
France, 1907 : Grisette. Baiser en godinette, c’est baiser sur la bouche en prenant les joues.
Buvons encor chopinette
De ce tout doux brandevin ;
Bois au tambour de Catin,
Je bois à ta Fanchonnette :
Baisons-nous en godinette.
(Vadé)
Goffe
Delvau, 1866 : adj. Homme mal bâti, ou maladroit, grossier de corps ou d’esprit.
France, 1907 : Mal bâti, maladroit, grossier ; du grec kophos, stupide.
Goffeur
Rigaud, 1881 : Serrurier, — dans l’ancien argot, du celte goff, forgeron.
La Rue, 1894 : Serrurier.
France, 1907 : Serrurier ; du breton goff, même sens.
Gog
France, 1907 : Abréviation de goguenot ; argot des polytechniciens.
Gogaille
d’Hautel, 1808 : Faire gogaille ; être en gogaille. Signifie faire débauche, faire un repas joyeux ; être en frairie.
De la gogaille. Se dit par mépris du vin de mauvaise qualité.
Delvau, 1866 : s. f. Repas joyeux et plantureux.
France, 1907 : Festin, de gogue.
Avec vous je faisais gogaille
Et j’étais comme un rat en paille.
(Scarron, Virgile travesti)
Gognandises
France, 1907 : Enfantillage, bêtises ; argot des canuts.
— Allons, laissez donc ce gonne tranquille… Vous savez bien qu’il ne sait dire que des gognandises.
(Joanny Augier, Le Canut)
Gogne
Clémens, 1840 : Boiteux, borgne, manchot, etc.
Gogo
d’Hautel, 1808 : Avoir de tout à gogo. Pour avoir abondamment tout ce que l’on peut désirer ; être très à son aise ; être à même de se procurer les jouissances de la vie.
Larchey, 1865 : Dupe, homme crédule, facile à duper. — Abréviation du vieux mot gogoyé : raillé, plaisanté. V. Roquefort. — Villon paraît déjà connaître ce mot dans la ballade où il chante les charmes de la grosse Margot qui…Riant, m’assit le point sur le sommet, Gogo me dit, et me lâche un gros pet.
C’est en encore ces gogos-là qui seront les dindons de la farce.
(E. Sue)
Avec le monde des agioteurs, il allèche le gogo par l’espoir du dividende.
(F. Deriège)
Delvau, 1866 : s. m. Homme crédule, destiné à prendre des actions dans toutes les entreprises industrielles, même et surtout dans les plus véreuses, — chemins de fer de Paris à la lune, mines de café au lait, de charbon de bois, de cassonnade, enfin de toutes les créations les plus fantastiques sorties du cerveau de Mercadet ou de Robert Macaire. À propos de ce mot encore, les étymologistes bien intentionnés sont partis à fond de train vers le passé et se sont égarés en route, — parce qu’ils tournaient le dos au poteau indicateur de la bonne voie. L’un veut que gogo vienne de gogue, expression du moyen âge qui signifie raillerie : l’autre trouve gogo dans François Villon et n’hésite pas un seul instant à lui donner le sens qu’il a aujourd’hui. Pourquoi, au lieu d’aller si loin si inutilement, ne se sont-ils pas baissés pour ramasser une expression qui traîne depuis longtemps dans la langue du peuple, et qui leur eût expliqué à merveille la crédulité des gens à qui l’on promet qu’ils auront tout à gogo ? Ce mot « du moyen âge » date de 1830-1835.
Rigaud, 1881 : Niais, nigaud ; abréviation et redoublement de la dernière syllabe de nigaud. Gogo pour gaudgaud. — Quelques écrivains l’ont, par raillerie, employé comme synonyme d’actionnaire. C’est le nom d’un actionnaire récalcitrant dans la pièce de Robert-Macaire.
La Rue, 1894 : Niais, dupe.
France, 1907 : Homme crédule, dupe, proie des gens d’affaires et des lanceurs d’affaires ; du vieux français gogaille, sottise, simplicité, « Paris est peuplée de gogos. » M. Gogo est un personnage de Robert Macaire et passa dans la circulation à l’époque de la grande vogue de cette pièce, c’est-à-dire de 1830 à 1835, mais le mot existait déjà depuis longtemps, puisqu’on le trouve dans une ballade de François Villon, où, raconte-t-il, la grosse Margot,
Riant, m’assit le poing sur le sommet,
Gogo me dit, et me lâche un gros pet.
En 1844, Paul de Kock donna un roman sous le titre : La Famille Gogo, et sous le même titre, en 1859, un vaudeville en cinq actes.
Avez-vous vu jouer Robert Macaire ? ou avez-vous lu ? Car il y a, sous des titres divers, Robert Macaire, pièce, et Robert Macaire, roman. Avant même que l’inventeur de cette extraordinaire et féroce bouffonnerie, inventeur resté mystérieux, — je ne m’en tiens pas aux auteurs qu’affirmait l’affiche ou la couverture, et, en tout cas, ils ont eu pour collaborateur quelqu’un qui avait plus de génie que Benjamin Entier et même que Frédérick-Lemaître. M. Tout-le-Monde ! — avant même que cette atroce farce eût popularisé Gogo, le type, sous d’autres noms, en était banal au théâtre ; car la bêtise crédule est une des formes éternelles de l’humanité. Les dieux le savent bien, et les financiers aussi.
(Catulle Mendès)
Vers minuit, la partie commençait à devenir sérieuse ; à peine si la rumeur du boulevard produisait une légère émotion parmi les membres présents, pour la plupart desquels le mot de patrie n’existe pas, car la patrie pour eux, c’était le pays où l’on peut, le plus impunément, détrousser le gogo d’une façon quelconque.
(Théodore Cahu, Vendus à l’ennemi)
Attaquer une diligence,
En ce temps de chemins de fer,
Impossible. On met, c’est moins cher
Monsieur Gege dans l’indigence,
On pousse d’infectes valeurs,
Des métaux on annonce l’ère…
C’est bien mesquin. Tout dégénère
Aujourd’hui, — même les voleurs.
(Don Caprice, Gil Blas)
Les aventures d’Arton, aussi bien dans le monde de la finance que dans le monde galant, sont banales, et mille Parisiens les ont vécues. Seulement, lui les a vécues toutes ensemble. Il brassait les affaires comme il embrassait ses maîtresses, vingt-deux à la fois. Ce fut un type. Il a sombré — tandis que plusieurs de ses collègues en escroquerie, plusieurs de ceux qui, dans cette gigantesque odyssée du Panama, se sont enrichis avec la bonne galette des gogos, tiennent aujourd’hui le haut du pavé, font de la poussière, commanditent celui-ci, asservissent celui-là, bavardent avec les ministres et consentent à ce que certains députés et certains journalistes ramassent les miettes de leur table.
(Pédrille, L’intransigeant)
Gogo (à)
Delvau, 1866 : adv. À profusion, en abondance.
France, 1907 : À profusion, en abonné.
— Console-toi, mon fils, ne quitte plus ta mère
Reste avec ton ami, fais ici bonne chère…
Aussi faisoit le drôle, il vivoit à gogo
Et jusques à midi restoit dans son dodo.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Gogoles
Rossignol, 1901 : Traces scrofuleuses sur le visage.
Gogoter
Rigaud, 1881 : Puer, — dans le jargon des barrières. — Qu’est-ce qui gogote comme ça ?
Gogotesque
France, 1907 : Qui tient du gogo, naïf, facile à duper.
Monsieur Quart aura été, parmi nous, le vivant symbole de l’épargne… de cette petite épargne, courageuse et féconde que nulle déception n’atteint, que nul malheur ne lasse et qui, sans cesse trompée, volée, ruinée, n’en continue pas moins d’entasser, pour les déprédations futures et au prix des plus inconcevables privations, un argent dont elle ne jouira jamais, et qui jamais ne sert, n’a servi et ne servira qu’à édifier la fortune et à assouvir les passions… des autres.
Abnégation merveilleuse ! Tirelire idéale, ô bas de laine !
Ce sera, dans une époque troublée comme la nôtre, d’être demeuré fidèle, per fas et nefas — par ce qui est permis et ce qui est défendu — comme dit le poète, à des traditions nationales et gogtesques.
(Octave Mirabeau)
Gogotte
Delvau, 1864 : Le membre viril, lorsqu’il manque de virilité ; vit d’enfant.
Tirez parti de ces tristes gogottes.
Vous en viendrez à pisser dans vos bottes.
(Chanson d’étudiant)
Delvau, 1866 : adj. Faible, mou, sans caractère ; malpropre, mauvais, désagréable. Argot des faubouriens. Avoir la vue gogotte. Avoir de mauvais yeux, n’y pas voir clair, ou ne pas voir de loin. Être gogotte. Être un peu niais ; faire l’enfant.
France, 1907 : Faible, mou, sans caractère. Avoir la vue gogotte, avoir la vue faible.
Gogueau
France, 1907 : Plaisant, farceur ; du vieux français gogue, plaisanterie, dérivé du latin gaudium par la substitution des consonnes d et g. On a fait, de gogue, goguenette, goguette, goguenard.
Goguelin
France, 1907 : Démon qui hante la cale et l’entrepont des navires ; corruption de gobelin.
Goguenau
Rigaud, 1881 : Récipient en fer-blanc remplissant, au régiment, l’office de tinette ; latrines portatives. — Par ironie, les troupiers appellent aussi « goguenaux » leurs gobelets en fer-blanc et leurs marmites de campagne. Par extension, sorte de valet de chambre dans une prison.
Le goguenau est un homme nommé par le concierge pour maintenir la propreté dans le corridor… et porter en certain lieu les objets odorants de la nuit.
(Ém. Debraux, Voyage à Sainte-Pélagie, 1823)
Goguenau, gogsis
La Rue, 1894 : Tinette. Vase et baquet de nuit.
Goguenaux
Larchey, 1865 : Lieux d’aisance.
Il fumera dans les goguenaux aux jours de pluie.
(La Cassagne)
Gogueneau
Halbert, 1849 : Pot de nuit.
Goguenettes
France, 1907 : Bagatelles, choses sans valeur.
— Vous serez récompensé bien au delà de vos désirs. Je vous permettrai de baiser ma fluette main blanche et, si ce n’est assez, encore qu’il m’en coûte fort, vous baiserez aussi mon frais visage.
Le jeune marchand s’esclaffa d’insolente façon.
— Ouais ! dit-il, j’ai bien cure de ces goguenettes-là ! En ma demeure, j’en prends ma satiété.
(Charles Foley)
Goguenot
Clémens, 1840 : Pot de nuit, baquet.
Larchey, 1865 : « Grand quart, vase de fer-blanc de la contenance d’un litre dont se munissent les troupiers d’Afrique. Il va au feu, sert à prendre le café, s’utilise comme casserole et comme gobelet. » — De Vauvineux.
Larchey, 1865 : Baquet servant de latrines portatives.
La meilleure place, la plus éloignée de la porte, des vents coulis et du goguenot ou thomas.
(La Bédollière)
Delvau, 1866 : s. m. Baquet-latrine, — dans l’argot des prisons et des casernes. On dit aussi Goguenaux.
Delvau, 1866 : s. m. Vase de fer-blanc, — dans l’argot des troupiers d’Afrique, qui s’en servent comme casserole et comme gobelet.
Merlin, 1888 : Gobelet, marmite en Afrique ; baquet, latrine, en France ; dans l’artillerie, les mortiers.
Virmaître, 1894 : Pot de chambre. Le locataire de la table de nuit (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Pot de chambre.
France, 1907 : Baquet qui sert de latrines. On appelle les balayeuses de rues hirondelles à goguenot.
France, 1907 : Récipient de fer-blanc dont se servent les troupiers d’Afrique pour faire la soupe ou le café.
Goguetier
Rigaud, 1881 : Ami de la goguette, ami de la chanson bachique.
Goguette
d’Hautel, 1808 : Sornettes, badinerie, mot pour rire.
Faire ses goguettes. Se divertir, faire bonne, chère, mener une joyeuse vie.
Être en goguettes. Pour dire être en joyeuse humeur.
Chanter goguette. Pour gronder, réprimander quelqu’un, lui dire des injures.
Larchey, 1865 : Société chantante. — Au moyen âge, ce mot signifiait Amusement, réjouissance.
Il y a environ trois cents goguettes à Paris, ayant chacune ses affiliés connus et ses visiteurs. L’entrée de la goguette est libre.
(Berthaud)
L’affilié de la goguette est un goguettier.
Delvau, 1866 : s. f. Chanson joyeuse. Être en goguette. Être de bonne humeur, grâce à des libations réitérées.
Delvau, 1866 : s. f. Société chantante, — dans l’argot du peuple, qui lui aussi a son Caveau.
Rigaud, 1881 : Cabaret où l’on, cultive la chanson inter pocula, en dînant et après dîner.
France, 1907 : Joie, belle humeur, suite de libations ; de gogue.
Franc ami de la goguette,
Ma chambre est une guinguette
Où je tiens festin et bal.
(Désaugiers)
… La manie de tourner tout en ridicule excite la verve de certains écrivains et le crayon de quelques dessinateurs avides de réclames scandaleuses. Journellement le public se groupe aux étalages des marchands de journaux pour regarder des gravures sans esprit, représentant des sœurs de charité, des prêtres en goguette ou des officiers et des soldats dans des tenues et des allures grotesques.
(G. Macé, Un Joli Monde)
Condamner à la déportation dans une enceinte fortifiée, pour quelques articles de journaux, un homme qui n’a jamais conspiré – est déjà bien. Ajouter trois mois de prison à cette peine qui implique la mort civile est tout à fait piquant. Ce sont là de ces facéties auxquelles se plait la magistrature, qui, alors même qu’elle est en goguette, a toujours la plaisanterie un peu macabre.
(Édouard Drumont, La Libre Parole)
Goguettier
Delvau, 1866 : s. m. Chanteur de goguettes ; membre d’une société chantante.
Goï
Delvau, 1866 : s. m. Chrétien, — dans l’argot des voleurs.
Goiffon
France, 1907 : Goujon.
Goinfrade
Delvau, 1866 : s. f. Repas copieux, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Goinfrerie.
Goinfre
Halbert, 1849 : Chantre.
Delvau, 1866 : s. m. Chantre, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Chantre. Il ouvre la bouche comme s’il allait avaler tout le monde.
Virmaître, 1894 : Chantre. Sans doute parce qu’ils ouvrent, pour chanter, des bouches aussi grandes que des fours. On y engamerait un pain de deux livres (Argot des voleurs). N.
Virmaître, 1894 : Gourmand qui mange à en crever. On dit aussi : goulaffe (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Gourmand.
France, 1907 : Chantre. Allusion à la boucle grande ouverte du chantre lorsqu’il entonne ses chants d’église.
Goinfre ou goinfreur
d’Hautel, 1808 : Glouton, écornifleur, parasite ; homme qui ne vit que pour manger.
Goinfrer
d’Hautel, 1808 : Rôder de table en table, ne chercher que mangeailles, faire le métier de parasite.
Goinfrer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Boire et manger avec excès, — comme font les gens qui ne mangent pas tous les jours.
Goinfrerie
d’Hautel, 1808 : Intempérance, débauche excessive.
Goipeur
Clémens, 1840 : Malheureux sans asile.
Goitreux
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Imbécile.
France, 1907 : Crétin, imbécile. « Aménité des gens de lettres qui se croient autorisés à l’adresser à leurs rivaux, qu’ils appellent aussi crétins pour varier leurs injures. »
(A. Delvau)
Goîtreux
Delvau, 1866 : s. m. Aménité de l’argot des gens de lettres, qui se croient autorisés à l’adresser à leurs rivaux, — qu’ils appellent aussi crétins, pour varier leurs injures.
Golf
France, 1907 : Jeu nouvellement importé d’Angleterre, où il était importé de France.
Le golf et le hockey s’appelaient chez nous la crosse, et la crosse est encore connue sous cette dénomination française au Canada, où les officiers de Montcalm l’avaient importée. Est-il bien nécessaire d’appeler bowling le jeu qui a donné son nom aux boulevards et le patinage serait-il à ce point inconnu en France qu’il faille l’appeler skating ?
(Léon Millot)
Golgothe
Virmaître, 1894 : Martyr imaginaire. Ceux qui sont atteints du délire de la persécution golgothent sans cesse (Argot du peuple).
Golgother
Delvau, 1866 : v. n. Poser en martyr ; se donner des airs de victime ; faire croire à un Calvaire, à un Golgotha imaginaire. Ce verbe appartient à Alexandre Pothey, graveur et chansonnier — sur bois.
Golgother (se)
France, 1907 : Se poser en martyr, en victime. Imiter Jésus sur le Golgotha.
Gombaud (ou, plus exactement, gombo)
France, 1907 : Sorte de mauve ou ketmie, cultivée en Algérie et dans les Antilles et dont la capsule contient un mucilage comestible.
Gomberger
Vidocq, 1837 : v. a. — Compter.
Delvau, 1866 : v. a. Compter — dans l’argot des prisons.
France, 1907 : Compter ; argot des voleurs.
Gombeux
France, 1907 : Sale, dégoûtant.
Gomme (faire de la)
Rigaud, 1881 : Faire du genre, faire l’élégant.
Si vous allez faire, quand même, de la gomme chez l’ouvrier, au moins ne grognez pas si on vous calotte.
(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres)
Gomme (la)
Rigaud, 1881 : Manière d’être, état, genre du gommeux. Classification des élégants surnommés gommeux. Il y a la haute et la petite gomme. Les commis de magasin, les seconds clercs de notaires, les collégiens en rupture de bancs… de collège, qui veulent singer les gommeux du High-Life, font partie de la petite gomme.
France, 1907 : Le monde élégant. Ce mot signifiait autrefois excellence et n’était guère employé qu’en parlant des vins.
Mais non pas d’un pareil trésor
Que cette souveraine gomme.
(Parnasse des Muses)
L’Alcazar d’Hiver avait été adopté par la gomme ; dans les loges, les baignoires, en un décor vaguement mauresque, ce n’étaient qu’horizontales et entre-bâillées, toutes les fétarles que nous fêtons encore aujourd’hui (c’est pourquoi je propose pour elles ce nom : les immortelles). Ce n’étaient que boulevardiers en habit, cravate blanche, fleur à la boutonnière ; une fois par semaine, il tenait là ses assises, le chic, le copurchic, le pschutt, le gratin, le v’lan, le flan…
Sur la scène un défilé de femmes… des grosses, des maigres, des brunes et des blondes, des châtaines et des rousses ; elles égrenaient un chapelet de naïvetés lamentables et de turpitudes sanieuses.
(Le Journal, La Vie parisienne)
Puis, les fameuses de la gomme,
Passant tout le jour à chercher,
Ainsi que Diogène… un homme
Avec qui l’on va se… cacher.
(Jacques Rédelsperger, Nos ingénues au Salon)
Gommeux
Rigaud, 1881 : Fashionable qui se trouve charmant, et que le bon gros public avec son gros bon sens trouve ridicule. Le Figaro a beaucoup contribué à mettre le mot à la mode.
Le gommeux succède au petit crevé, qui avait succédé au gandin, qui avait succédé au fashionable, qui avait succédé au lion. qui avait succédé au dandy, qui avait succédé au freluquet, qui avait succédé au merveilleux, à l’incroyable, au muscadin, qui avait succédé au petit-maître.
(Bernadille, Esquisses et Croquis parisiens)
J’ai rencontré tout à l’heure un gommeux de la plus belle pâte, ridiculement prétentieux de ton, de manières, d’allures.
(Maxime Rude)
Quant à l’étymologie, les opinions sont partagées. Pour les uns, ils sont empesés, gommés dans leur toilette, dans leurs cols, d’où leur surnom. — D’autres veulent que l’état misérable de leur santé, à la suite d’une série d’orgies, en les réduisant à l’usage du sirop de gomme, soit la source du sobriquet. Déjà, avant que le mot eût fait fortune, les étudiants appelaient « amis de la gomme, gommeux », ceux de leurs camarades qui mettaient du sirop de gomme dans leur absinthe.
Rigaud, 1881 : Pris adjectivement a le sens de joli, agréable. (L. Larchey)
La Rue, 1894 : Voir Copurchic.
France, 1907 : Jeune désœuvré, prétentieux et ridicule. C’est en 1873 que cette épithète a remplacé celle de petit crevé qui avait remplacé gandin en 1867.
Le gommeux, cet inutile, parfait modèle de ces ridicules petits jeunes gens pour lesquels la vie se résume dans le cercle, les demi-mondaines et les modes anglaises, de ces êtres qui se croient beaux parce qu’ils ont des cols cassants, des cannes dont ils sucent le bout pour se donner une contenance, des bas verts et des souliers blancs, une fleur à la boutonnière dès qu’ils sortent du lit.
(Théodore Cahu, Vendus à l’ennemi)
Dans le monde, de vieux et de jeunes gommeux attendent la sortie de pension de ces ingénues pour les épouser ; et les moins fatigués d’entre eux auront le triomphe de déniaiser ces lis élevés à l’ombre du cloître.
(Jeanne Thilda)
Maint gommeux voit de sa figure
Sortir des boutons dégoûtants,
Il faut boire de l’iodure
De potassium… C’est le printemps !
(Gramont)
Les gommeux des ancienn’s couches
Qu’ont souvent des tas d’bobos,
Jour et nuit, se flanqu’nt des douches
Afin d’se r’caler les os.
(Victor Meusy)
Au sujet des gommeux, des boudinés, des crevés, de tous ces petits atrophiés de cervelle que l’éducation et la civilisation modernes ont faits, je ne puis manquer de citer le regretté Guy de Maupassant, qui écrivait dans le Gil Blas que pour composer une galerie de grotesques à faire rire un mort, il suffirait de prendre les dix premiers passants venus, de les aligner et de les photographier avec leurs tailles inégales, leurs jambes trop longues on trop courtes, leurs corps trop gros ou trop maigres, leurs faces rouges ou pâles, barbues ou glabres, leur air souriant ou sérieux.
Jadis, aux premiers temps du monde, l’homme sauvage, l’homme fort et nu, était certes aussi beau que le cheval, le cerf ou le lion. L’exercice de ses muscles, la libre vie, l’usage constant de sa vigueur et de son agilité entretenaient chez lui la grâce du mouvement, qui est la première condition de la beauté, et l’élégance de la forme, que donne seule l’agitation physique. Plus tard, les peuples artistes, épris de plastique, surent conserver à l’homme intelligent cette grâce et cette élégance par les artifices de la gymnastique. Les soins constants du corps, les jeux de force et de souplesse, l’eau glacée et les étuves firent des Grecs les vrais modèles de la beauté humaine, et ils nous laissèrent leurs statues comme enseignement, pour nous montrer ce qu’étaient leurs corps, ces grands artistes.
Mais aujourd’hui, ô Apollon, regardons la race humaine s’agiter dans les fêtes ! Les enfants ventrus dès le berceau, déformés par l’étude précoce, abrutis par le collège qui leur use le corps, à quinze ans, en courbaturant leur esprit avant qu’il soit nubile, arrivent à l’adolescence avec des membres mal poussés, mal attachés, dont les proportions normales ne sont jamais conservées.
Et contemplons la rue, les sens qui trottent avec leurs vêtements sales ! Quant au paysan ! Seigneur Dieu ! allons voir le paysan dans les champs, l’homme souche, noué, long comme une perche, toujours tors, courbé, plus affreux que les types barbares qu’on voit aux musées d’anthropologie.
Et rappelons-nous combien les nègres sont beaux de forme, sinon de face, ces hommes de bronze, grands et souples ; combien les Arabes sont élégants de tournure et de figure !
Si l’un de nos ancêtres, un homme du XVIe ou au XVIIe siècle pouvait ressusciter, quelle stupéfaction serait la sienne en présence de l’être profondément burlesque qu’on appelle aujourd’hui la fin de siècle, un élégant !
Gomorrhe (être de)
France, 1907 : Pédéraste. Henri III était un émigré de Gomorrhe et aussi, dit-on, Frédéric le Grand.
Gon
France, 1907 : Charançon.
Gonce
un détenu, 1846 : Un jeune homme, un individu quelconque.
Delvau, 1866 : s. m. Homme quelconque du bois dont on fait les dupes, — dans l’argot des voleurs, qui ont remarqué que les bourgeois se parfumaient (concio).
Gonce à écailles
France, 1907 : Souteneur.
Gonce, goncier
Virmaître, 1894 : Bourgeois facile à tromper (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Individu quelconque.
Gonce, gonse, gonze
France, 1907 : Homme, en général. On l’écrit de ces trois différentes façons, mais la véritable orthographe serait gonse, puisque ce mot vient de l’italien gonso, niais, dupe. Cependant les voleurs et les souteneurs se désignent entre eux par ce nom.
— Il me semble que vous ne comprenez mot au langage des gonses que nous visitons.
— Des gonses ?
— Sans doute, des gonses et des gonsesses. Les habitués des établissements que nous fréquentons se désignent eux-mêmes par ces noms harmonieux.
(Louis Barron, Paris étrange)
Et pis j’sens la sueur qui m’coule,
A fait rigol’ dans l’creux d’mon dos ;
J’vas crever, j’ai la chair de poule,
C’est fini… tirez les rideaux,
Bonsoir la soc’… mon vieux Alphonse,
I’ vaut p’têt’ mieux qu’ça soy’ la fin ;
Ici-bas, quoi qu’j’étais ? un gonce…
Là-haut j’s’rai p’têt’ un séraphin.
(Aristide Bruant)
On l’emploie aussi dans sa vraie signification de niais, d’imbécile.
— Vous êtes un gonse, Monsieur, murmura le chef à l’agent porteur du bijou qu’il lui arracha aussitôt.
(Mémoires de M. Claude)
— Sapergué, dame ! moi qui suis jaloux, vouloir me souffler ma parsonnière, c’est me lécher mon beurre et me prendre pour un gonse.
(Vadé)
Gonce, gonsse
Rigaud, 1881 : Individu, le premier venu, homme, passant. Avait primitivement le sens d’entreteneur.
Une femme entretenue appelle son entre teneur un gonsse.
(Les Voleurs et les volés, 1840)
Cette acception de gonsse donnerait à penser que ce mot a été également pris dans le sens d’imbécile.
Gonce, gonzesse
anon., 1907 : Homme, femme.
Goncesse
un détenu, 1846 : Femme, fille.
Goncier
un détenu, 1846 : Corps.
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme rusé, malin, qui enfonce le gonce.
France, 1907 : Homme ; forme de gonse.
Et dir qu’i’s song’ à fair’ du plat !
Quand on les voit avec un linge,
On s’dit : — Sûr que c’tte gonzess’-là,
Si a’pond, a’va faire un singe !
Tas d’saligauds, tas d’abrutis,
Bons à rien, gonciers d’pain d’épice,
Avant d’songer à fair’ des p’tits,
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !
(Aristide Bruant)
Gond
d’Hautel, 1808 : Sortir des gonds. Pour s’impatienter, se dépiter ; sortir des bornes de son caractère.
Gondolant
France, 1907 : Drôle, amusant.
À Londres, à peine ai-je fait trois pas dans la gare que je me cogne à nouveau à un policier.
Ça devient gondolant !
(Émile Pouget)
Tout de même, est-ce assez gondolant de voir ces grosses légumes protéger des bombistes, intervenir en leur faveur, les sauver des griffes turques et les embarquer sains et saufs pour Marseille !
Cela prouve combien il y avait d’hypocrisie dans les beuglements des jean-foutres de la haute qui, à d’autres époques et dans d’autres circonstances, n’ont pas eu assez de malédictions par d’autres révoltés, — mois violents certainement que les Arméniens.
En réalité, nous en sommes tous là : on approuve ou on désapprouve suivant qu’on y a un intérêt.
(La Sociale, sept. 96)
Gondole
Fustier, 1889 : « Gondole est passé dans la langue ; on le dit couramment de l’objet qui a cessé de plaire, de la toilette de la femme et du talent que l’actualité récuse et dont la mode ne veut plus. — Non, trop gondole ! a remplacé le canaille : À Chaillot ! d’autrefois. »
(Événement, mai 1887)
Gondolé (air)
Rigaud, 1881 : Mauvaise mine. Avoir l’air gondolé, avoir le visage boursouflé ; allusion au bois gondolé.
Gondoler (se)
Fustier, 1889 : C’est, dans l’argot courant, l’équivalent exact de notre expression familière : rire à se tordre.
La Rue, 1894 : Rire avec excès.
Virmaître, 1894 : Se tordre de rire. Rire à s’en mordre l’œil. C’est gondolant (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Rire.
France, 1907 : Rire à se tordre.
Votre histoire d’omnibus, surtout, nous a beaucoup gondolées, car nous les connaissons, les omnibus, et surtout le personnel des omnibus, qui se venge bêtement sur les voyageurs et les pauvres petites voyageuses des tracasseries et de l’exploitation des grosses légumes capitalistes.
(Alphonse Allais)
Ah ! qu’j’y fais, je m’gondole
En r’luquant ta coupole !
Tu ris ! moi, je rigole ;
Bon vieux, j’épous’ ta fiole :
Aboul’ les monacos !
(Jules Célès)
Gonfle-bougres
Rigaud, 1881 : Haricots blancs.
Gonfler (faire) son andouille
Delvau, 1864 : Se masturber.
Ça m’ trifouille,
Ça m’ gargouille,
Ça fait gonfler mon andouille.
(L. L.)
Gonfler (se)
France, 1907 : Prendre des airs importants, imiter la grenouille de la fable qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. On dit aussi : se gonfler de jabot, imiter le dindon.
— Ouvre l’œil, si c’est votre nouveau curé. Un si beau monsieur ! C’est pour le coup que vos femmes vont se gonfler… et aussi vos filles. Ah ! ah ! ah ! Elles feront queue pour lui conter leurs péchés mignons.
(Hector France, Marie Queue-de-Vache)
De fait, les réacs et les richards qui auparavant ne pouvaient pas le voir en peinture commencent à se rapapilloter. Ils ont trouvé leur homme ; ils pelotent le type, lui font les yeux doux.
Et Constans de se gonfler, nom de dieu ! Il se reluque dans la glace, espérant arriver à ressembler à Badinguet.
(Le Père Peinard)
Gongonner
Virmaître, 1894 : Terme employé dans les ménages d’ouvriers lyonnais et aussi par Gnaffron dans les Guignols :
— Ma vieille colombe gongonne toujours quand je liche une chopine.
— Tais-toi donc, vieux gongon.
Gongonner, synonyme de bougonner et de ronchonner (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Grogner, bougonner.
Gongorisme
France, 1907 : Affectation, recherche du style ; de Gongora, poète espagnol du XVe siècle, créateur d’un genre faux, maniéré, compliqué de métaphores, d’hyperboles et d’archaïsme, où la pensée disparait sous le cliquetis des mots, dans un langage obscur, précieux et énigmatique. L’école décadente actuelle fait du gongorisme.
Boutonné dans son vêtement grave, avec ses cheveux blancs ras, sa longue barbiche, et son air militaire, vénérable et gongorique, il est magnifique à la barre. Il vous fait l’effet d’y relever la conscience humaine, et c’est avec respect que le présent l’interroge.
(Gil Blas)
Gonin
d’Hautel, 1808 : Homme fin et madré, peu délicat dans ses procédés.
C’est un tour de maître Gonin. C’est-à-dire une subtilité, une escroquerie.
France, 1907 : Fripon. On dit généralement maître Gonin : « Méfiez-vous de ce maître Gonin. » Gonin était un célèbre escamoteur et joueur de gobelet qui, sous le règne de Louis XIII, opérait sur le Pont-Neuf. On publia en 1713 un roman sous le titre : Les Tours de maître Gonin.
On trouve dans les Proverbes de Leroux de Lincy :
Maître Gonin est mort, le monde n’est plus grue.
Ce Gonin était sans nul doute une espèce de Mangin qui se moquait de sa clientèle.
Gonne
France, 1907 : Gamin ; argot des canuts.
Gons
M.D., 1844 : Un homme.
Gons de c.
M.D., 1844 : Une homme com-il faut.
Gonse
Rossignol, 1901 : Homme, individu dont il s’agit ; le gonse, lui ; une gonsesse est une femme.
Gonsèce
Clémens, 1840 : Marchande.
Gonsesse
M.D., 1844 : Une femme.
Gonsesse de c.
M.D., 1844 : Une femme id. (com-il faut).
Gonsier
Rossignol, 1901 : Voir gonse.
Gonsier de pain d’épice
Rossignol, 1901 : Individu sans valeur, bon à rien.
Ma p’tite Suzon, il faut que j’te bonisse
Que tes manières commencent à m’rendre arnaud ;
J’t’ai démarrée d’un gonsier de pain d’épice
Qui n’savait pas t’arranger comme il faut.
Gonsse
Clémens, 1840 : Homme.
Gonsse argoté
Clémens, 1840 : Homme, malin, rusé.
Gonsse huppé
Clémens, 1840 : Richard, homme comme il faut.
Gonsse, gossier, gonzesse
La Rue, 1894 : Homme ; femme.
Gonsser
La Rue, 1894 : Manger.
Gonze
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Niais, dupe.
Bras-de-Fer, 1829 : Dupe.
Halbert, 1849 : Homme.
Gonze, -sse
Vidocq, 1837 : s. — Homme ; femme. Terme des voleurs brabançons.
Gonze, gonzesse
Larchey, 1865 : Homme, femme. V Regout, Raleur. — Pris souvent dans le sens de Bourgeois à dépouiller.
Mais votre orange est fichée. Elle n’a point de queue ? — Allez donc, gonze.
(Vadé, 1788)
Gonzesse
Delvau, 1864 : Fille on femme de mœurs beaucoup trop légères ; fille publique même.
Allumer tous les soirs la chandelle de l’hyménée en faveur d’un tas de gonzesses…
(Lemercier de Neuville)
Ils entretienn’nt des gonzesses
Qui loge’ à la Patt’ de Chat.
(Guichardet)
Delvau, 1866 : s. f. Femme en général, et, en particulier, Maîtresse, concubine.
Rigaud, 1881 : Femme, la première venue. — Amante.
Merlin, 1888 : Maîtresse, catin, — de l’argot parisien.
Hayard, 1907 : Femme.
France, 1907 : Femme, en général, maîtresse, concubine.
Et c’est ceux-là qu’a des boutiques !
Des étalag’ ébouriffants !!
Un fonds !… des clients !!… des pratiques !…
Et des femm’ avec des enfants…
Des môm’s qui leur fait des caresses !…
Moi… j’vis tout seul comme un hibou,
Avec quoi qu’j’aurais des gonzesses ?
Ej’ vends mon crayon pour un sou…
(Aristide Bruant)
C’est nous qu’on voit passer avec des nœuds d’cravate,
Des bleus, des blancs, des roug’ et des couleur cocu ;
Et si nos p’tit’s gonzess’s traîn’ un peu la savate,
Nous avons des pantoufl’s pour leur y fout’ dans l’cul.
(Aristide Bruant)
Franchement, le coup d’œil n’avait rien de superbe,
L’assassin regrettait d’avoir risqué la gerbe,
La mise en scène était déplorable, sans chic,
Et pas une gonzesse, hélas ! dans le public.
(Paul Nagour)
Gonzesse à l’harnache
France, 1907 : Femme en carte ; littéralement, appartenant à la police.
Goret
d’Hautel, 1808 : Petit cochon.
Sale comme un goret. Comparaison injurieuse que l’on applique à un homme peu soigneux de sa personne, malpropre dans ses vêtemens.
Delvau, 1866 : s. m. Homme malpropre, petit cochon, — dans l’argot du peuple, qui a appelé la reine Isabeau la grande gore.
Delvau, 1866 : s. m. Premier ouvrier, — dans l’argot des cordonniers.
Rigaud, 1881 : Coupeur de chaussures ; premier ouvrier cordonnier.
France, 1907 : Petit garçon malpropre. Goret, petit cochon, vient de l’ancien français gore, truie, qui vient lui-même du grec goiros, en passant par l’allemand gurren, grogner.
Gorge
d’Hautel, 1808 : Faire grosse gorge. Se pavaner, faire l’orgueilleux, tirer vanité de quelque chose.
Ses ris ne passent pas le nœud de la gorge. Se dit de celui qui rit par complaisance ; d’un homme froid, flegmatique et sérieux, qui ne rit que forcément.
Rire à gorge déployée. Pour dire follement ; de toutes ses forces.
Rendre gorge. Pour vomir, dégobiller.
C’est un bon mâle, il a la gorge noire. Se dit d’un garçon jeune et vigoureux qui a la barbe noire et bien fournie.
Mettre le pied sur la gorge à quelqu’un. Tenir quelqu’un de très-près, l’opprimer ; ne pas lui donner de répit qu’il n’ait satisfait à ce qu’on exige.
Prendre quelqu’un à la gorge. En agir mal avec lui, le traiter de turc à more.
Se couper la gorge. Se battre en duel ; vider un différent à la pointe de l’épée.
Un coupe gorge. Lieu obscur et dangereux, où il ne fait pas bon à se trouver seul pendant la nuit.
Delvau, 1866 : s. f. Étui, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Étui, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Étui.
Gorge (avoir de la)
Delvau, 1864 : Posséder de plantureux tétons, — la seule richesse dont les femmes soient fières : c’est comme si elles avaient pignon sur rue.
Dis donc, a-t-elle autant de gorge que moi, ta madame !
(Henry Monnier)
Je suis sûre qu’elle ne se tient pas comme la mienne, sa gorge.
(Henry Monnier)
À voir sa gorge toute nue
Son corps tout du long étendu,
L’on jugeait qu’elle avait perdu
Sa pudeur et sa retenue.
(Grécourt)
Ma gorge se tient mieux qu’un militaire,
Mon con est boisé comme l’est Meudon,
Afin de cacher l’autel du mystère
Où l’on officie en toute saison.
(Anonyme)
Gorge (rendre)
France, 1907 : Restituer par la force ce que l’on a mal acquis.
Gorge blanche
France, 1907 : Fauvette grise.
Gorge jaune
France, 1907 : Figuier trichas.
Gorge noire
France, 1907 : Rubiette à queue rouge.
France, 1907 : Sobriquet que les protestants du Midi donnent aux catholiques qui leur ripostent par celui de parpaillot.
Du poing, il menaçait Renée qu’il aurait broyée avec volupté ; mais, en son orgueil de petit bout d’homme déjà dédaigneux du sexe faible, il se contint dignement, et se borna à laisser tomber de ses lèvres ironiques cette insulte cinglante :
— Espèce de gorge noire !
Elle eut un bond de chatte furieuse. Et les poings sur la hanche, très crâne avec son petit air de mère Angot, elle lui cria, la voix étranglée par la colère :
— Parpaillot !… Affreux parpaillot !
(Jean Dalvy, Protestante)
Gorge-chaude
d’Hautel, 1808 : Raillerie, moquerie, per sifflage.
Il fait des gorges chaudes de tout ce qu’il entend. Signifie il tourne tout en plaisanterie, en ridicule.
Gorgeon
France, 1907 : Gorgée de liquide. Avaler un gorgeon, boire.
Gorgère
France, 1907 : Gorgerette ; provincialisme.
Gorges chaudes (faire des)
France, 1907 : Se moquer de quelqu’un. D’après Didier Loubens, cette expression viendrait d’un terme de vénerie. « Gorge chaude est la façon de désigner la viande du gibier vivant ou récemment tué, que l’on donne aux oiseaux de proie, comme au faucon par exemple, et c’est parce que cet oiseau se montre très friand d’un pareil festin que l’on dit des personnes qui se réjouissent d’une chose qu’elles en font une gorge chaude ou, plus souvent, des gorges chaudes » Voilà qui est s’appeler chercher midi à quatorze heures. N’est-il pas plus simple de supposer que faire des gorges chaudes vient tout naturellement de rire au point de s’échauffer la gorge ?
Gorgette, gorgerette
France, 1907 : Sylvie ou bec-fin à tête noire.
Gorgiaser (se)
France, 1907 : Se pavaner, faire le beau. Vieux mot. Allusion an sophiste grec Gorgias, célèbre par l’enflure de son éloquence, ses antithèses brillantes, mais puériles.
Gorgniat
Delvau, 1866 : s. m. Homme malpropre, cochon, — dans l’argot des faubouriens, qui emploient cette expression au propre et au figuré.
Rigaud, 1881 : Homme malpropre, mal élevé.
France, 1907 : Individu malpropre.
Gorinfle
Hayard, 1907 : Masure de campagne.
Gorret
France, 1907 : Contremaître menuisier.
Gos (des)
M.D., 1844 : Des pous.
Gose
Rigaud, 1881 : Gosier, par apocope.
Gosier
d’Hautel, 1808 : Il a le gosier sec. Se dit d’un homme toujours disposé à boire ; et notamment d’un musicien.
Avoir le gosier ferré ou pavé. Manger, avaler les alimens quand ils sont bouillans, sans se brûler la gorge.
Un gosier d’éponge. C’est-à-dire, altéré, qui a toujours soif.
Un grand gosier. Pour un grand mangeur.
Gosier pavé
Larchey, 1865 : Gosier supportant des boissons très-fortes ou très-chaudes.
Gosse
Clémens, 1840 / un détenu, 1846 : Enfant.
Delvau, 1866 : s. f. Bourde, menterie, attrape, — dans l’argot des écoliers et du peuple. Voilà encore un mot fort intéressant, à propos duquel la verve des étymologistes eût pu se donner carrière. On ne sait pas d’où il vient, et, dans le doute, on le fait descendre du verbe français se gausser, venu lui-même du verbe latin gaudere. On aurait pu le faire descendre de moins haut, me semble-t-il. Outre que Noël Du Fail a écrit gosseur et gosseuse, ce qui signifie bien quelque chose, jamais les Parisiens, inventeurs du mot, n’ont prononcé gausse. C’est une onomatopée purement et simplement, — le bruit d’une gousse ou d’une cosse.
Conter des gosses. Mentir. Monter une gosse. Faire une arce.
Delvau, 1866 : s. m. Apprenti, — dans l’argot des typographes. Ils disent aussi Attrape-science et Môme.
Delvau, 1866 : s. m. Enfant, petit garçon, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Enfant, — dans le jargon du peuple, qui dit tantôt le gosse, tantôt la gosse, selon le sexe. — Dans le jargon des voyous, une gosse, une gosseline, c’est une fillette de quinze à seize ans ; sert encore à désigner une amante. Il est à remarquer que mion de gonesse signifiait, autrefois, petit jeune homme. (V. Oudin, Cur. franc.) Gosse pourrait bien être un diminutif de mion de gonesse.
Rigaud, 1881 : Mensonge, plaisanterie, mauvaise farce.
Boutmy, 1883 : s. m. Gamin. Dans l’imprimerie, les gosses sont les apprentis ou les receveurs.
La Rue, 1894 : Femme. Enfant. Mensonge.
France, 1907 : Enfant, et par amplification, adolescent ou fillette.
Le ménage était déjà chargé d’un gosse de dix-huit mois et la victime trouvait que c’était assez de cette sale graine qui lui suçait le sang et lui disputait la pâture. Quand elle se vit de nouveau enceinte, avec 125 francs par mois pour nourrir la maisonnée, elle se dit qu’expulser ce fœtus incapable de souffrir n’était pas un crime, mais une délivrence ; qu’arracher de sa chair cette superfétation encombrante était un droit aussi légitime, aussi imprescriptible que le suicide, puisqu’elle ne violentait que son corps et courait seule les risques.
(Marie Huot, L’Endehors)
Dans le peuple, en général — je parle surtout d’autrefois — le souvenir du temps de régiment, dépouillé de ses amertumes, éveille un regain de bonhomie et de belle humeur. On était jeune ; on n’avait que soi à penser, ni femmes, ni gosses ; on se sentait bâti à chaux et à sable… et l’on s’imaginait que ça durerait toujours !
(Séverine)
On est gosse ; on n’a pas quinze ans,
On croit ses charmes séduisants
Et l’on s’aligne :
On lance des coups d’œil luisants
Et des sourires suffisants,
Le bec en guigne.
(Blédort)
— Oui, monte, monte.
— Pas chez elle ! chez moi.
— Non, cher moi.
— J’suis la plus gosse.
— J’suis la plus cochonne.
— J’me fends de deux louis.
— Moi aussi…
(Jean Richepin)
Gosse (faire couler son)
France, 1907 : Se faire avorter.
— Il n’y a pas d’heure, pas de minute, qu’une fille enceinte ne se débarrasse de son précieux fardeau, ne fasse couler son gosse, qu’une fille-mère ne jette dans les latrines le fruit béni de ses entrailles, après l’avoir consciencieusement dépecé et déchiqueté.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Gosse, gosselin
Larchey, 1865 : Enfant, enfant mort-né. Quelquefois aussi, c’est un synonyme de jésus.
Gosselin
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Petit enfant.
Vidocq, 1837 : s. m. — Veau mort-né, se dit aussi d’un enfant nouveau-né.
M.D., 1844 : Petit garçon.
Delvau, 1866 : s. m. Nouveau-né, — dans l’argot des voleurs.
France, 1907 : Petit garçon, camarade, d’où, par extension, mignon, pédéraste.
Gosselin, gosseline
Rigaud, 1881 : Nouveau-né, petite-fille au maillot, — dans le jargon du peuple.
Gosselin, ine
Halbert, 1849 : Jeune garçon, jeune fille.
Gosselinage
un détenu, 1846 : Enfance — Gosselin. Enfant.
Gosseline
M.D., 1844 / Delvau, 1866 : Petite fille.
France, 1907 : Féminin de gosselin ; fillette, jeune fille.
Treize ans, pas plus, appas naissants,
Les traits moins jolis qu’agaçants,
La gosseline,
Cynique, frolant les passants,
Prend de petits airs languissants,
Déjà féline.
(Pierre Trimouillat)
… des gosselines qui n’ont pas encore de la poudre de riz sur leurs joues roses et fermes, qui ne savent pas leur métier et jetèrent, le printemps passé, leur vertu par-dessus le vieux moulin de là Galette.
(Mora, Gil Blas)
Elle lui plaisait, cette mignonne poupée, cette mince et frêle gosseline, à lui qui avait pour épouse et ordinaire accoutumé une sorte de mastodonte, une puissante, massive et énorme Cybèle.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Et la séance terminée, elle s’en retournait tranquille, toujours pressée, l’air ingénu, déconcertant d’une gosseline qui a enfin gagné sa journée et tout à l’heure, sa prière faite, s’endormira, les paupières à peine fermées dans son petit lit étroit.
(René Maizeroy)
Gossemar, gossemard
France, 1907 : Gamin.
Gossemard
Delvau, 1866 : s. m. Gamin, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Goussemard.
Gosser
Rigaud, 1881 : Mentir, — dans le jargon des collégiens.
Gosseur
Delvau, 1866 : adj. et s. Menteur.
Rigaud, 1881 : Menteur, hâbleur.
France, 1907 : Menteur.
Gossi
France, 1907 : Étui de faux.
Gossier
France, 1907 : Homme.
Gossier, gonssier
Rigaud, 1881 : Homme, individu. C’est une forme nouvelle de gonsse, — dans l’argot des barrières.
Gossinet
Fustier, 1889 : Petit enfant dans le langage du peuple.
Y a pas classe à la laïque, tantôt ; puisque tu es d’enterrement, emmène donc le gossinet ; ça l’amusera, c’ t’ enfant.
(Petite République française, février 1887.)
Got
Vidocq, 1837 : s. m. — Pou.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Certainement.
France, 1907 : Pou ; corruption de gou.
Goteur
Halbert, 1849 : Paillard.
Delvau, 1866 : s. m. Débauché, libertin, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Libertin qui se plaît avec des souillons de cuisine et des souillons de tous genres, vulgo : Gothons.
France, 1907 : Paillard, débauché ; argot des voleurs.
Gothique
Delvau, 1866 : adv. Vieux, suranné, — dans l’argot du peuple.
Gothon
Ansiaume, 1821 : Fille de joie.
Aujourd’hui je vais picter et rigoler avec les gothons.
Delvau, 1864 : Abréviation de Margoton, qui signifie fille de mauvaise vie.
Delvau, 1866 : s. f. Cuisinière malpropre. Signifie aussi Coureuse, — dans l’argot des bourgeois.
Merlin, 1888 : Maîtresse, catin, comme ci-dessus. — Gothon est un prénom comme Margot.
Goton
France, 1907 : Abréviation de Margoton ; fille vulgaires, malpropre et de mœurs relâchées.
— Je ne vois qu’une chose, c’est qu’un garçon qui court les bastringues et les gotons ne risque que ses deux oreilles, tandis qu’une fille, en voulant agir comme lui, s’expose à en rapporter quatre au logis, d’oreilles.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Les deux brutes se collètent et se culbutent dans le sable. Leurs muscles craquent !
Maintenant, le maigre est dessous. Le gros, pour décrocher la victoire, allonge la patte entre les cuisses de l’adversaire : il guigne les parties sexuelles… Veine ! S’il réussissait, ce serait le triomphe certain !
Et tous les pleins-de-truffe et les gotons, de jubiler au spectacle sinistre. Ça leur donne des émotions pas ordinaires… Une castration est opération rare et savoureuse.
(La Sociale)
On écrit quelquefois, mais à tort, gothon.
Or, partout, j’ai vu que les verres,
Tout larges qu’ils sont, ont un fond,
Que le sourire des chimères
Voile un ricanement profond ;
Que la plus belle des Lisettes
Finit par tourner en gothon ;
Qu’on se dégrise des grisettes
Comme on se blase du flacon.
(Alfred Delvau, Le Fumier d’Ennius)
Pleins de pudeur, nous constatons
Qu’au théâtre quelques gothons
Montrent leurs cuiss’s et leurs tétons.
(Catulle Mendès, Le Journal)
Gouache
Rigaud, 1881 : Figure, — dans l’argot des barrières ; les voyous prononcent couache, mais ce doit être une allusion aux portraits à la gouache.
La Rue, 1894 : Figure.
France, 1907 : Figure, physionomie.
Goualante
Vidocq, 1837 : s. f. — Chanson.
Delvau, 1866 : s. f. Chanson, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Chanson. Goualer, chanter. Goualeur, goualeuse, chanteur, chanteuse. Vient de gueuler. Goualer à la chienlit, crier au voleur.
La Rue, 1894 : Chanson. Goualer, gueuliber, chanter. Signifie aussi avouer à la justice.
Rossignol, 1901 : Chanson.
France, 1907 : Chanson.
Des bandits chez les Angliches y en a eu des tripotées, et c’est à force de crapuleries que la gouvernance, aidée des curés, a fait disparaître cette bonne graine. Y a des quantités de goualantes, là-bas, qui vantent les coups de main de Robin Hood.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
anon., 1907 : Chanson.
Goualantes
Halbert, 1849 : Chansons.
Goualer
Vidocq, 1837 : v. a. — Chanter.
M.D., 1844 / Halbert, 1849 : Chanter.
Larchey, 1865 : Chanter. — Vient, comme gueuler, du vieux mot goule (gula) : gosier. — Goualeur, leuse : Chanteur, teuse.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Chanter. On dit aussi Galouser.
Virmaître, 1894 : Chanter. On se souvient de la goualeuse des Mystères de Paris. La goualante signifiant chanson, la chanter, goualer, cela va de soi (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chanter.
France, 1907 : Chanter ; du vieux mot goule, gosier, gueule.
Goualer en douce
France, 1907 : Fredonner.
Mais ce qui le rendait plus beau que tout, c’est que sa fatuité avait un air de souveraine indifférence.
L’air, et aussi la chanson, ma foi !
Car il ne se contentait pas de répondre aux sourires, aux œillades et aux pst pst, en n’y répondant pas. Il y ripostait, quand il avait fini de goualer, en gouaillant, par un haussement d’épaule, un clignement de paupière qui rigolait, un méprisant retroussis de lèvre qui disait très clairement :
— Ce n’est pas pour vous que le four chauffe, mes petites chattes !
(Jean Richepin)
Goualeur
un détenu, 1846 : Chanteur des rues.
Halbert, 1849 : Chanteur.
Delvau, 1866 : s. m. Chanteur des rues. Goualeuse. Chanteuse.
Goualeur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Chanteur, chanteuse.
Goualeur, goualeuse
La Rue, 1894 : Chanteur, chanteuse.
France, 1907 : Chanteur, chanteuse.
— Dis donc, la Goualeuse, est-ce que tu ne vas pas nous goualer une de tes goualantes ?
(Eugène Sue, Les Mystères de Paris)
Goualeuse
M.D., 1844 / Halbert, 1849 / Rossignol, 1901 : Chanteuse.
Gouape
Larchey, 1865 : Débauche.
Mes amis, unissons nos voix pour le triomphe de la gouape.
(L. Reybaud)
J’aime mieux jouer la poule. — Parce que t’es un gouêpeur, mais ceux qui préfèrent le sentiment la gouape, c’est pas ça.
(Monselet)
Delvau, 1866 : s. f. Filou, — dans l’argot des faubouriens. Faiseur de poufs, — dans l’argot des cabaretiers. On dit aussi Gouapeur. Cependant gouape a quelque chose de plus méprisant.
Delvau, 1866 : s. f. Vagabondage ; fainéantise, — dans l’argot du peuple.
La Rue, 1894 : Vagabond, fainéant, débauché, filou.
Gouape (la)
Rigaud, 1881 : Vagabondage, paresse, débauche et filouterie mêlés. — Vagabond, vaurien : Une gouape.
Gouape, gouaper
Merlin, 1888 : Loustic, blagueur. — Ridiculiser quelqu’un, se moquer de lui (argot parisien).
anon., 1907 : Avoir de mauvaises fréquentations.
Gouape, gouapeur
France, 1907 : Fainéant, ivrogne et un peu escroc. Ce mot ne viendrait-il pas de l’espagnol guapo, beau, vêtu galamment ? — les fainéants ne s’occupant d’ordinaire qu’à se bien vêtir.
Découragés, les trois juges rapprochent leurs crânes beurre rance dans une délibération rapide. Pendant ce temps, Amaryllis, triomphante. se retourne et, du bout de ses doigts appliqués sur sa houche, fait s’envoler vers quelqu’un un doux baiser.
Le quelqu’un, campé au premier rang du public — joli tête de gouape — une cravate rose tendre au col, reçoit béatement les témoignages de tendresse que lui envoie Amaryllis.
(Montfermeil)
L’histoire l’amusait d’autant qu’il était bohème et gouapeur dans l’âme. La petite lui plaisait et l’excitait. Et, en vérité, tout cela était d’un imprévu absolument cocasse. La partie était presque terminée. Il en proposa une à trois. Le maître d’hôtel versa le champagne dans les coupes.
(René Maizeroy)
Oui, c’en est fait, il faut plier bagage
Et dire adieu pour toujours à Paris.
Que faire ici ? J’ai les mœurs d’un autre âge,
Du vieux quartier je suis le seul débris ;
Dernier rameau d’une tige brisée,
La ranimer, je l’essaierais en vain ;
Des vieux gouapeurs la race est épuisée ;
Non, il n’est plus, mon vieux quartier Latin.
(Lepère, député de l’Yonne)
On écrivait autrefois gouépeur :
Un soir, un gouépeur en ribotte
Tombe en frime avec un voleur
(Vidocq)
Gouape, gouapeur, gouapeuse
Larchey, 1865 : Débauché, coureur. — On trouve dans Horace vappa, avec le sens de vaurien. — Vigneul-Marville (dix-septième siècle) dit qu’il y a en Espagne de jeunes seigneurs appelés guaps qui ont rapport à nos petits-maîtres.
Pauvre Depuis, marchand de vin malheureux, que de gouapeurs trompèrent ta confiance !
(Monselet)
En 1836, J.-E. Aubry a fait une chanson intitulée : le Gouappeur, très complète comme physiologie.
Gouaper
M.D., 1844 : Coucher dehors.
Delvau, 1866 : v. a. Flâner, chercher aventure.
France, 1907 : Vagabonder, mener une vie dissolue.
— J’ai comme un brouillard de souvenir d’avoir gouapé dans mon enfance avec un vieux chiffonnier qui m’assommait de coups de croc.
(Eug. Sue, Les Mystères de Paris)
Gouapeur
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vagabond, homme sans asile.
M.D., 1844 : Homme sans asile.
un détenu, 1846 : Individu mal mis, déguenillé.
Rigaud, 1881 : Vaurien ; gouapeuse, vaurienne.
Virmaître, 1894 : Individu qui ne travaille jamais (Argot du peuple). V. Loupeur.
Gouapeuse
Delvau, 1864 : Petite drôlesse qui préfère la rue à l’atelier, le vagabondage au travail, et qui s’amuse avac les quéquettes des polissons de son âge en attendant l’occasion d’amuser les pines des messieurs plus âgés.
Gouapper
Rossignol, 1901 : Flâner, ne rien faire.
Goudale
France, 1907 : Mélange de potage et de vin. « Nos paysans, lorsqu’ils ont mangé la garbure ou toute autre soupe, versent du vin dans l’écuelle, l’assiette où ils ont laissé quelque peu de potage ; ils boivent ce mélange qu’ils trouvent très réconfortant, c’est ce qu’ils appellent ha la goudale. »
Faire la goudale, voir Lespy, Dictons du Pays de Béarn. Ce mélange de soupe et de vin se fait dans tous les pays de France et de Navarre.
Goudron
d’Hautel, 1808 : Comme de poix ; et vulgairement Godron. Ce mot, ainsi orthographié, se dit d’une espèce de pli que les femmes faisoient autrefois à leurs fraises.
Gouêper
Larchey, 1865 : « J’ai comme un brouillard d’avoir gouêpé (vagabondé) dans mon enfance avec un vieux chiffonnier. » — E. Sue.
Gouêpeur
Larchey, 1865 : Vagabond.
Sans paffes, sans lime, plein de crotte, aussi rupin qu’un plongeur, un soir un gouêpeur en ribotte tombe en frime avec un voleur.
(Vidocq)
Quant aux vagabonds adultes qu’on désigne en style d’argot des goêpeurs.
(M. Christophe)
Je couchais les bonnes nuits dans les fours à plâtre de Clichy en vrai gouêpeur.
(E. Sue)
Gouèpeur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Vagabond. Celui ou celle qui n’a ni domicile, ni moyens d’existence assurés.
Article 209 du Code Pénal. Le vagabondage est un délit.
Article 270. Les vagabonds, ou gens sans aveu, sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyen de subsistance, et qui n’exercent habituellement ni métier, ni profession.
Et c’est dans le Code d’une nation qui se pose devant toutes les autres comme la plus éclairée, que de semblables lois sont écrites. Personne n’élève la voix pour se plaindre de vous, mais le malheur vous a toujours poursuivi, donc vous êtes coupable : les haillons qui vous couvrent sont vos accusateurs ; parce que vous êtes malheureux, vous n’avez plus le droit de respirer au grand air, et le dernier des sbires de la préfecture de police peut vous courir sus comme sur une bête fauve, c’est ce qu’il ne manque pas de faire ; vous valez un petit écu, vous êtes saisi, jeté dans une prison obscure et mal-saine, et après quelques mois de captivité préventive, des gendarmes vous traînent devant les magistrats chargés de vous rendre justice ; votre conscience est pure, et vous croyez qu’à la voix de vos juges les portes de la geôle vont s’ouvrir devant vous. Pauvre sot que vous êtes, la loi dicte aux magistrats, qui gémissent en vous condamnant, des arrêts impitoyables ; quoi que vous puissiez dire pour votre défense, vous serez condamné à trois ou six mois d’emprisonnement, et après avoir subi votre peine, vous serez mis à la disposition du gouvernement pendant le temps qu’il déterminera.
Et cela ne doit pas étonner chez un peuple qui ne s’enquiert ni des capacités, ni de la moralité du législateur, mais seulement de la cote de ses impositions ; chez un peuple qui n’estime que ceux qui possèdent. Posséder doit être le rêve de tous, et tous les chemins qui peuvent conduire à la fortune doivent être suivis sans remords. Aussi tous ceux qui occupent les sommités de l’échelle sociale, et qui désirent conserver leur position, repoussent sans cesse du pied ceux qui cherchent à gravir les derniers échelons. Ils conçoivent sans peine que ceux qui n’ont pas un toit pour abriter leur tête, un vêtement pour les garantir du froid, du pain pour apaiser la faim qui les tourmente, doivent laisser tomber des regards envieux sur leurs hôtels magnifiques, leurs brillans équipages et leur table somptueuse. Ce sont des ennemis qu’il faut absolument vaincre, et le Code Pénal, que les heureux du siècle ont fabriqué pour leur usage particulier, est un arsenal dans lequel ils trouvent toujours des armes toutes prêtes ; et le vagabond, celui de tous les Parias sociaux qui souffre le plus, est aussi celui qu’ils frappent le plus rudement.
Le peuple n’a pas de pain, disait-on à une dame de l’ancienne cour ; qu’il mange de la brioche, répondit-elle. Les magistrats qui condamnent indistinctement tous les vagabonds que l’on amène devant eux, ne sont guère meilleurs logiciens que cette dame. Qu’est-ce, en effet, qu’un vagabond ? Un pauvre diable qui n’a pu trouver de travail, et qui a été mis dehors par son hôtelier, parce qu’il n’a pu payer son modeste logement. Il n’a pas dîné et s’est endormi sous le porche d’une église ou dans un four à plâtre. C’est vainement que je cherche dans tout cela un crime ou un délit. Si cet homme vous avait arraché un peu de votre superflu, sa physionomie ne serait pas livide et terreuse, ses vêtemens ne tomberaient pas en lambeaux. Qui vous a dit qu’il n’avait pas, sans pouvoir y parvenir, cherché à utiliser ses facultés ? Pourquoi donc, au lieu de le punir, ne lui donnez-vous pas ce que tous les hommes doivent obtenir, du travail et du pain ? Sont-ce les crimes que, grâce à votre législation, il commettra plus tard, que vous punissez par anticipation ? Oh ! alors, soyez plus sévères pour être plus justes ; condamnez le vagabond à mourir, mais craignez que, las de souffrir, il ne quitte un jour son humble posture et ne vienne, les armes à la main, déchirer le recueil de vos lois. Souvenez-vous des luttes sanglantes de la Jacquerie et des Gueux de Belgique. Qui succomba alors ? Le riche : il le méritait bien.
On objectera peut-être que presque tous les voleurs de profession sortent des rangs du peuple, pour prouver la nécessité des lois qui régissent les classes infimes de la société. Cette objection, suivant moi, ne peut servir qu’à prouver la vérité de ce vieux dicton populaire, qui dit que le besoin n’a point d’oreilles.
Mais, il faut le dire, s’il est vrai que la plupart des voleurs sortent des rangs du peuple, les grands criminels, à quelques exceptions près, appartiennent aux classes élevées. C’est plus souvent des salons que des mansardes que sortent les assassins et les faussaires.
Et, cependant, quelquefois on sauvera l’homme bien élevé, tandis qu’on sacrifiera à l’exemple le fils d’un ouvrier. Pourquoi cela ? L’honneur d’une famille favorisée par la fortune est-il plus précieux que celui de la famille d’un ouvrier ? Je ne le pense pas.
Suivant moi, l’homme qui comparaît devant un tribunal, après avoir reçu une éducation libérale, est, à délit égal, évidemment plus coupable que celui qui a toujours vécu dans l’ignorance. Il n’est pas nécessaire, je crois, de déduire les raisons qui me font penser ainsi. Pourquoi donc est-il presque toujours traité avec une extrême indulgence, lorsque l’on se montre si sévère envers celui qui n’a encore commis aucune faute, et dont le seul tort est d’être misérable ?
Mais les haillons qui couvrent à peine les membres amaigris du Gouèpeur parlent en sa faveur. Peut-être que, si cet homme n’avait pas voulu rester honnête, il ne serait pas sans domicile et sans moyens d’existence. Mais, ce qu’il n’a pas fait, il ne manquera pas de le faire, lorsqu’après avoir, grâce à un arrêt inique, passé quelques-unes de ses plus belles années dans une prison, il sera rendu à la liberté, il mettra alors en pratique les conseils des individus avec lesquels il aura vécu ; et si un jour ses crimes épouvantent la société, qui faudra-t-il accuser, si ce n’est elle ? Ah ! si l’on connaissait bien les antécédens de tous ceux qui gémissent dans les prisons et dans les bagues, on serait peut-être disposé à jeter un voile sur leur vie passée, pour leur permettre d’espérer un meilleur avenir.
Mais après avoir jeté un coup-d’œil sur notre législation, je me trouve forcé d’avouer que la réalisation de mes souhaits me paraît encore bien éloignée, on exige tout d’une certaine classe et cependant on ne fait rien pour elle ; quel est donc l’avenir qui lui est réservé ?
Y a-t-il en France des établissemens dans lesquels les enfans puissent, en apprenant un état, recevoir l’éducation que, dans un pays civilisé, tous les hommes devraient posséder, et en même temps contracter l’habitude du travail et de la sobriété ? Non.
Mais, me répondra-t-on, il faut de l’argent pour créer des établissemens de ce genre, et l’argent manque ; belle réponse, vraiment ! l’argent ne manque pas lorsqu’il s’agit de subventionner des théâtres auxquels le peuple ne va jamais, de payer des danseuses, ou d’ériger des obélisques. L’argent donc ne manque pas, et je crois qu’il serait beaucoup mieux employé s’il servait à fonder quelques établissemens semblables à ceux dont nous venons de parler.
Gouet
France, 1907 : Mauvais raisin.
Gouffre
d’Hautel, 1808 : C’est un gouffre d’argent. Se dit d’un objet quelconque qui nécessite de grandes dépenses d’argent.
Gouffre secret
Delvau, 1864 : Grand et vieux con. — Engouffrez-vous, messieurs, voilà l’plaisir !
Ces femmes aident autant qu’elles peuvent à la méprise par les toilettes préparatoires : … elles compriment leurs tétons mollasses et pendants, elles réarent par des locions astringentes les hiatus trop énormes de leurs gouffres secrets.
(Anecd. sur la comtesse du Barry.)
Gouge
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui vend l’amour au lieu de le donner, — dans l’argot du peuple, qui a déshonoré là un des plus vieux et des plus charmants mots de notre langue. Gouge, comme garce, n’avait pas à l’origine la signification honteuse qu’il a aujourd’hui ; cela voulait dire jeune fille ou jeune femme. « En son eage viril espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaillos, belle gouge, » dit Rabelais.
Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie, mal élevée. C’est la femelle du goujat.
Rossignol, 1901 : Femme.
France, 1907 : Fille de mauvaise vie. Vieux mot qui signifiait autrefois jeune fille, servante ; de l’hébreu goje, servante chrétienne, et qui, comme garce, a perdu sa signification première : « En son âge viril espousa Gargamelle, fille du roy des Parpaillots, belle gouge », dit Rabelais.
La belle dame devint rouge
De honte qu’on l’estimat gouge.
(Scarron)
J’ai rêvé que la Nuit n’était que la putain
D’un vieux soudard paillard qui la paie en butin,
Ce sergent aviné d’une bande en guenilles
A tué des vieillards, des enfants et des filles,
A brûlé des maisons, a mutilé des morts,
S’est vautré dans un tas de crimes sans remords,
Et le feu l’a fait noir et le sang l’a fait rouge,
Et c’était pour gagner de quoi payer sa gouge.
(Jean Richepin)
Dans l’accoutrement d’une gouge,
Orgueil des spectacles forains,
Tu faisais ondoyer tes reins
Et ta gorge ronde qui bouge.
(Théodore Hannon, Rimes de joie)
Gouge, gouine
La Rue, 1894 : Vile prostituée.
Gougette
France, 1907 : Petite gouge.
Gougniotte
Rossignol, 1901 : Tribade.
Gougnottage
Rigaud, 1881 : Honteux commerce, honteuse cohabitation d’une femme avec une autre femme.
Gougnotte
Delvau, 1864 : « Fille ou femme qui abuse des personnes de son sexe », dit M. Francisque Michel — qui, par pudeur, manque de clarté ; la gougnotte est une fille qui ne jouit qu’avec les filles, qu’elle gamahuche ou qui la branlent ; une gougnotte préfère Sapho à Phaon, le clitoris de sa voisine à la pine de son voisin.
Delvau, 1866 : s. f. « Femme ou fille qui abuse des personnes de son sexe, — d’où le verbe gougnotter, » dit Francisque Michel. On dit aussi Gusse.
La Rue, 1894 : Lesbienne, disciple de Sapho. Femme dégradée qui recherche les individus de son sexe. Synonymes : Gusse ou gousse, magnuce, chipette, puce travailleuse ponifle, satin, etc.
Virmaître, 1894 : Femme qui déteste les hommes et qui a des mœurs à part. On dit aussi gousse (Argot des filles). V. Accouplées.
France, 1907 : Créature adonnée au vice qui rendit les Lesbiennes célébres ; on dit aussi gousse.
Les personnes qui ont vu les choses de près sont unanimes à déclarer que, dans les lupanars de la plus haute classe, l’espèce des marlous jouant le rôle d’amants des pensionnaires est totalement inconnue, et que toutes les filles, sans exception, sont des tribades ; c’est le nom qu’on donne aux femmes qui se signalent par cette passion contre nature ; on dit aussi gougnottes, mais en style familier.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Sur sa lèvre un sourire essayant d’être acerbe
Passe niaisement rêveur ;
Une gougnotte, en ce tambour-major imberbe,
Seule trouve quelque saveur.
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
L’autre soir, deux cocottes de grande marque se sont prises au chignon dans un cabaret de nuit.
Et savez-vous la cause de cette bataille ? Vous croirez peut-être que ces dames se sont battues pour un jeune homme brun ou blond, ou bien pour un « boïard » enlevé par l’une des deux à sa camarade ?
Nullement. La cause en est beaucoup plus compliquée. Ces dames sont amoureuses, toutes deux, d’une blonde enfant pleine de charmes qui s’appelle Jeanne.
La petite Jeanne, qui n’a aucun goût pour visiter Lesbos, envoya promener ses aspirantes peu platoniques, ce qui ne les a pas empêchées de se jeter des carafes sur la tête et de se crier l’une à l’autre : « Oui, tu n’es qu’une g… ! »
(Gil Blas)
Gougnotte, gougne
Rigaud, 1881 : Tribade ; femme qui joue les travesties à huis clos.
Gougnotte, gousse
Larchey, 1865 : Tribade. — D’où les verbes gougnotter et gousser.
Gougnotter
Rigaud, 1881 : Se livrer au dévergondage entre femmes.
Gouille
France, 1907 : Mare, bourbe. Envoyer à la gouille, envoyer au diable.
France, 1907 : Volée de cloches. Sonner la gouille, sonner la volée.
— Les six cloches que vous avez vues, ici, marchaient. Nous étions attelés à seize dessus. Eh bien, c’était une pitié : ces gens-là, ils brimballaient comme des propres à rien, ils ruaient à contretemps, ils sonnaient la gouille !
(J.-K. Huysmans)
Gouille (à la)
Delvau, 1866 : À la volée, — dans l’argot des enfants, quand ils jouent à jeter des billes. Envoyer à la gouille. Renvoyer quelqu’un qui importune, — dans l’argot des faubouriens.
Gouille (envoyer à la)
Rigaud, 1881 : Envoyer promener.
Gouillon
France, 1907 : Sale gamin, qui barbote dans les mares, les ruisseaux des rues, la bourbe.
Gouillou
Delvau, 1866 : s. m. Gamin, voyou, — avec cette différence que le premier est le père du second, comme la lorette est la mère de la boule-rouge.
Gouin
France, 1907 : Mauvais matelot.
Gouine
d’Hautel, 1808 : C’est une franche gouine. Nom injurieux que l’on donne à une femme qui s’adonne au vice, à la crapule ; à une prostituée.
Delvau, 1864 : Nom qu’on donne à toute fille ou femme de mœurs trop légères, et que le Pornographe fait venir de l’anglais queen, reine — de l’immoralité ; mais qui vient plutôt de Nelly Gwinn, célèbre actrice anglaise qui avait commencé par être bouquetière, et qui, d’amant en amant, est devenue la maîtresse favorite de Charles II.
Delvau, 1866 : s. f. Coureuse, — dans l’argot du peuple, qui a un arsenal d’injures à sa disposition pour foudroyer les drôlesses, ses filles. À qui a-t-il emprunté ce carreau ? A ses ennemis les Anglais, probablement. Il y a eu une Nell Gwynn, maîtresse de je ne sais plus quel Charles II. Il y a aussi la queen, qu’on respecte si fort de l’autre côté du détroit et si peu de ce côté-ci. Choisissez !
Rigaud, 1881 : Guenon. Méchante femme.
Rossignol, 1901 : Prostituée.
France, 1907 : Fille de mauvaises mœurs, prostituée de bas étage.
Ce mot, d’origine anglaise, vient-il de la fameuse maîtresse de Charles II, la jolie Nelly Gwin, dont la basse extraction lui attira les sarcasmes haineux des dames de la cour ? Vient-il de queen, reine ? ou de l’anglo-saxon cwen, femme ? Nous laissons à de plus érudits le soin de le décider.
Mais une fois qu’ils ont conquis la palme désirée, ils t’oublient, vieille nourrice dont le lait leur sortirait encore du nez si on le pressait ; ils oublient qu’ils sont tes enfants, et ils te crachent joyeusement au visage pour complaire à cette gouine de Paris qui leur a laissé retrousser sa jupe sale et baiser sa bouche aux puanteurs d’égout !…
Oui, oui, tu n’es qu’une gouine, Paris de malheur ! Et une antique gouine, qui n’a même jamais été que cela !
(Jean Richepin)
Goujat
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris qui se dit d’un manœuvre, d’un artisan, d’un rustre, d’un grossier, d’un homme qui semble n’avoir reçu aucune éducation.
Delvau, 1866 : s. m. Homme mal élevé, — dans l’argot des bourgeoises.
France, 1907 : Homme grossier, mal élevé, amant d’une gouge.
Coule, ô sang rouge !
Que nul ne bouge !
La Mort est gouge ;
Moi, son goujat.
(Jean Richepin)
Goujon
d’Hautel, 1808 : Faire avaler le goujon à quelqu’un. V. Avaler.
Delvau, 1864 : Le membre viril, — qui frétille dans le con de la femme comme poisson dans l’eau.
Mais surtout prenez ce goujon,
Et mettez-le dans la fontaine
Qu’on voit tout le long, le long de la bedaine.
(Chanson anonyme moderne)
Delvau, 1866 : s. m. Homme facile à duper, — dans l’argot des filles, qui ont pour hameçons leurs sourires et leurs regards ; — ainsi que dans l’argot des faiseurs, qui ont pour hameçons des dividendes invraisemblables.
Rigaud, 1881 : Jeune voyou qui vit aux crochets d’une pierreuse ou de toute autre prostituée ignoble. « Petit poisson deviendra grand / Pourvu que Dieu lui prête vie. »
Rigaud, 1881 : Petit morceau de fil de zinc dont les marbriers se servent, en guise de clou, pour ajuster les plaques de marbre.
La Rue, 1894 : Petit souteneur. Homme facile à duper.
France, 1907 : Dupe. Avaler le goujon, mourir. Lâcher son goujon, vomir.
France, 1907 : Petit souteneur.
Goujon (avaler le)
Larchey, 1865 : Mourir.
Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il faut avaler le goujon.
(1815, Francis)
Se dit aussi pour Tomber dans un piège.
Goujon (lâcher son)
Rigaud, 1881 : Vomir.
T’as lâché ton goujon
Sur mon baluchon.
(Chans. pop.)
Goujon d’hôpital
Rigaud, 1881 : Sangsue, — dans le jargon des voyous.
France, 1907 : Sangsue.
Goujonner
Delvau, 1866 : v. a. Tromper, duper quelqu’un. On disait autrefois Faire avaler le goujon.
France, 1907 : Tromper.
Goule
d’Hautel, 1808 : La goule. Pour la bouche, le palais.
Delvau, 1866 : s. f. La gorge, le gosier, — dans l’argot du peuple, qui parle latin sans le savoir (gula).
Rossignol, 1901 : Gueule (patois normand).
France, 1907 : Défilé étroit, à la tête des montagnes.
France, 1907 : Gosier ; du latin gula. Faire péter la goule, parler.
Goulée
d’Hautel, 1808 : Ce qui peut tenir dans la bouche ; grosse bouchée.
Ce plat ne lui feroit qu’une goulée. Se dit d’un homme qui mange de très-gros morceaux à la fois.
Delvau, 1866 : s. f. Bouchée de viande ou cuillerée de soupe.
France, 1907 : Bouchée.
— Pas de ça, hein ? dit-elle… Mais comme elle tournait la tête vers lui, riant de la chatouille que cette bouche vorace lui glissait sur la peau, il sauta à ses joues, lui mangea la pourpre chaude de ses lèvres d’une goulée.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Gouliaffe
Delvau, 1866 : s. m. Gourmand, ou plutôt goinfre. Le mot est vieux, puisqu’on le trouve dans la langue romane. On dit aussi gouillafre, ou gouillaffe.
Gouliafre
d’Hautel, 1808 : Celui qui mange sans mesure et sans propreté.
France, 1907 : Glouton ; du latin gula, gueule.
Gouline
M.D., 1844 : Une valise.
Goulot
Delvau, 1866 : s. m. Bouche, gosier, — dans l’argot des faubouriens. Trouilloter du goulot. Fetidum halitum habere.
Rigaud, 1881 : Bouche, gosier. Repousser du goulot, sentir mauvais de la bouche.
France, 1907 : Gosier, bouche. Jouer du goulot, se rincer le goulot, boire. Avoir le goulot en étanche, être altéré. Voir Étanche.
Repousser du goulot, avoir mauvaise baleine.
Mon n’veu, agent qui s’enivre,
Repousse le populo ;
Ma nièce, au concert, pour vivre,
Pousse un refrain rigolo ;
Mon p’tit frèr’ repouss’ du cuivre,
Ma sœur repouss’ du goulot.
(Scie de café-concert)
Goulu
d’Hautel, 1808 : Il en mange comme un goulu. Expression triviale et exagérée, pour dire qu’un homme est fort exercé et très-habile dans un art ou une profession quelconque.
d’Hautel, 1808 : Qui fait un dieu de son ventre ; qui aime par-dessus tout, la table et la bonne chère.
Vidocq, 1837 : s. m. — Poële.
Halbert, 1849 : Puits.
Larchey, 1865 : Poêle (Vidocq). Il avale beaucoup de bois.
Delvau, 1866 : s. m. Poêle, — dans l’argot des voleurs. Se dit aussi pour Puits.
Rigaud, 1881 : Puits. — Poêle à chauffer.
La Rue, 1894 : Puits. Poêle.
Virmaître, 1894 : Dévorer ses aliments (Argot du peuple). V. Baffrer.
France, 1907 : Poêle : il dévore le combustible.
France, 1907 : Puits : il a toujours la gueule ouverte.
Goum
France, 1907 : Contingent de combattants fourmis par les tribus algériennes. Goum, en arabe, signifie troupe.
Goumier
France, 1907 : Homme du goum.
Goumri
France, 1907 : Guitare à deux cordes, en usage en Algérie.
Goupillon
Rigaud, 1881 : Commis au pair, — dans le jargon des employés de la nouveauté. C’est, sans doute, une altération de gouspillon, gouspin.
France, 1907 : Membre viril. On sait que l’instrument dont on se sert pour donner l’eau bénite est ainsi nommé à cause d’une queue de renard (goupil) que l’on y mettait autrefois et que l’on a remplacée par des soies de cochon. On appelle aussi goupillons les gens d’Église.
Tant que, sur le budget des cultes,
Vous donnerez vos millions
À tant de goupillons incultes,
Vous ne ferez que des brouillons ;
Tous ces gaillards concordataires
Palpent, en vous riant au nez,
La vache à lait des ministères
Qui les rend gras et fortunés !
(Julien Fauque)
Goupillon (le)
Delvau, 1864 : Le membre viril — avec lequel on asperge de sperme les femmes, heureuses d’être ainsi aspergées.
En priant pour la sainte Vierge,
Vous prîtes votre goupillon,
Et le tenant droit comme un cierge,
Il semblait que le cotillon
Vous donnai certain aiguillon.
(Parnasse satyrique)
Goupillonnard
Fustier, 1889 : Clérical, religieux.
Il ne pourra faire autrement… pour obtenir du bon Dieu le service dont a besoin le correspondant du journal goupillonnard.
(République anti-cléricale, août 1882)
Goupillonner
France, 1907 : Sacrifier à Vénus. Asperger quelqu’un d’eau bénite.
Il fut enterré dans un coin non béni du cimetière. — Ça, il s’en foutait dans les grandes largeurs ! Il avait trop souvent raflé les trésors des ratichons et des capucinières, pour tenir à être goupillonné après décès.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Goupillonneur
France, 1907 : Prêtre.
— Moi qui vous parle, j’ai vu mourir Gustave Maroteau sur le grabat du bagne… Nous l’avons enterré sans goupillonneur.
(G. Macé)
Goupinage
Ansiaume, 1821 : Travail.
Après un goupinage de deux plombes, il a fallu décarrer.
Goupine
Halbert, 1849 : Mise étrange.
Rigaud, 1881 : Tête, allure de voleur ; mise dans le goût de celle de Robert-Macaire.
France, 1907 : Habillement pauvre.
Goupiné
France, 1907 : Mal vêtu.
Goupiner
Ansiaume, 1821 : Travailler.
L’affaire est bonne, mais il y a à goupiner.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Faire quelque chose.
Bras-de-Fer, 1829 : Travailler.
Vidocq, 1837 : v. a. — Travailler.
Clémens, 1840 : Travailler.
un détenu, 1846 : Faire quelque chose. Un objet bien goupiné est un objet bien fait.
Larchey, 1865 : Voler. V. Estourbir, Butter.
Voilà donc une classe d’individus réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand trimar, de goupiner
(Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8)
J’ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à goupiner.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : v. a. Voler, — dans le même argot [des voleurs]. Goupiner les poivriers. Dévaliser les ivrognes endormis sur la voie publique.
Rigaud, 1881 : Voler, s’ingénier à faire le mal.
En goupinant seul et dans un pays étranger, on n’a à craindre ni les moutons ni les reluqueurs.
(J. Richepin, l’Assassin nu)
Goupiner les poivriers, voler les ivrognes.
La Rue, 1894 : Voler. Travailler.
Virmaître, 1894 : Voler. On applique également ce mot à quelqu’un de mal habillé.
— Est-il goupiné ? (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Travailler.
Hayard, 1907 : Arranger, apprêter un vol.
France, 1907 : Travailler.
— La largue est fine, et que goupine-t-elle ?
— Elle est établie, elle gère une maison.
(Balzac)
France, 1907 : Voler.
En roulant de vergue en vergue
Pour apprendre à goupiner.
(Vidocq)
Allumés de toutes ces largues
Et du trèpe rassemblé ;
Et de ces charlots bonsdrilles,
Lonfa malura dondaine !
Tous aboulant goupiner,
Lonfa malura dondé !
(Chanson de l’argot)
Dès lors arrivent les politesses d’usage ; c’est un verre de plus qu’il faut.
Jean-Louis déplore la dureté des temps.
Il se plaint de ne pouvoir goupiner ; on se plaint mutuellement.
(Marc Mario et Louis Launay)
Goupiner à la desserte
France, 1907 : Voler de l’argenterie, aux approches du dîner, au moment où l’on vient de la poser sur la table, dans les grandes maisons où l’on attend des convives.
Goupiner à la dure
France, 1907 : Tuer.
— Ce n’est pas de la blague, mais j’ai une rude guigne.
— Heureusement, me voilà.
— Si je ne t’avais pas vu, j’allais demander la place de bedeau à Montreuil.
— Tu aurais manqué de tenue.
— Tu crois ?
— J’en suis sûr.
Le Parisien jeta un coup d’œil navré sur ses vêtements en loques.
— Tu as peut-être raison, dit-il.
— Veux-tu travailler ? s’écria Vidocq.
— Je ne demande que cela.
— Ce que je vais te proposer est dur.
— Tant pis.
— Te sens d’attaque ?
— Est-ce qu’il faudra goupiner à la dure ?
(Marc Mario et Louis Launay)
Goupiner les poivriers
Vidocq, 1837 : v. a. — Voler les ivrognes qui sont trouvés sur la voie publique.
France, 1907 : Voler les ivrognes.
Goupineur
Delvau, 1866 : s. m. Voleur.
Goupineurs
Virmaître, 1894 : Voleurs qui ont la spécialité de dévaliser les pochards qui s’endorment sur la voie publique. Ils goupinent les profondes (Argot des voleurs).
Goupline
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pinte.
Vidocq, 1837 : s. f. — Pinte.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Une pinte.
Delvau, 1866 : s. f. Litre, — dans le même argot.
Rigaud, 1881 : Litre de vin, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Litre de vin.
Virmaître, 1894 : Litre de vin.
— C’est pas malin que nous étions chlasse ; à quatre, nous avons étranglé douze gouplines de ginglard à Charonne, au Petit Bonhomme qui chie (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Litre de vin ; argot des voleurs.
Gour
Vidocq, 1837 : s. m. — Pot.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Delvau, 1866 : s. m. Pot à eau ou à vin, — dans le même argot. Dans la langue des honnêtes gens, le gour est un creux plein d’eau dans un rocher, au pied d’un arbre, etc.
France, 1907 : Pot à vin ; gour de pivois, pot plein de vin.
Gour plein de pivois
Halbert, 1849 : Un pot de vin.
Gourbet
France, 1907 : Roseau qui pousse dans les sables du Médoc et dont on se sert pour couvrir les chaumières.
Gourbi
France, 1907 : Maison, butte, baraque. Le mot a été importé d’Afrique dès les premières années de la conquête. Le gourbi proprement dit est la hutte de branchages et de terre sèche qui sert d’habitation aux Kabyles et aux Arabes cultivateurs. Une romance célèbre d’Alexandre Dumas, que chantèrent en tremolo, il y a une quarantaine d’années, tous les ouvriers des faubourgs, contribua à populariser ce mot.
Ils ont pillé les gourbis de nos pères,
Brûlé nos blés, dévasté nos troupeaux ;
Les aigles seuls connaissent nos repères,
Ils sont venus y planter leurs drapeaux.
Les troupes se construisent dans leurs campements des gourbis.
À Biribi c’est là qu’on crève
De soif et d’faim ;
C’est là qu’i’ faut marner sans trêve
Jusqu’à la fin…
Le soir, on pense à la famille
Sous le gourbi…
On pleure encor’ quand on roupille
À Biribi.
(Aristide Bruant)
— Ah ! mon ami, figure-toi un pauvre capitaine de turcos qui, depuis plus d’un an, n’a eu pour reposer ses yeux que des femelles vêtues d’une simple pièce de toile fendue des deux côtés et reliée par une ceinture, un burnous en cotonnade ; dans le cheveux, des tresses en poil de chameau, — et qui, tout à coup, voit débarquer dans son gourbi une femme au teint de lis et de roses, avec des cheveux roux vénitien, un petit nez droit, des dents de chatte, le tout mis en valeur par un costume de voyage d’une élégance exquise…
(Pompon, Gil Blas)
En provençal, gourbi signifie panier.
France, 1907 : Tête. N’avoir plus d’alfa sur le gourbi, être chauve. On dit aussi : n’avoir plus de cresson sur la fontaine.
Gourd
d’Hautel, 1808 : C’est un gaillard qui n’a pas les mains gourdes. C’est-à-dire, c’est un garçon qui travaille avec ardeur ; ou auquel il ne faut pas chercher dispute.
Se prend aussi en mauvaise part, et se dit d’un homme qui aime beaucoup à prendre, et dont il faut se méfier.
Rigaud, 1881 : Tromperie, mensonge, filouterie. D’où l’ancien verbe gourrer.
Pour gourrer les pauvres gens
Qui leur babil veulent croira.
(Parnasse des Muses)
La Rue, 1894 : Pot.
Gourd, de
Delvau, 1866 : adj. Engourdi par le froid, — dans l’argot du peuple.
Gourde
d’Hautel, 1808 : Une gourde. Calebasse dans laquelle on met du vin ou des liqueurs pour se réconforter en voyage.
Un gros gourdin. Pour tricot, gros bâton.
Fustier, 1889 : Niais, imbécile.
La Rue, 1894 : Boucle d’oreille. Benêt.
Virmaître, 1894 : Homme pâteux, paysan mal dégrossi. Au superlatif : crème de gourde (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Boucle d’oreille.
France, 1907 : Sot.
Georgette continue de se lamenter ! Dame ! le vicomte représentait vingt-cinq mille francs par an ; et solide, le Breton ! Leur liaison avait débuté par de la passion, et regrets de l’argent et regrets de l’amant, Georgette mêle tout dans une seule exclamation…
— Faut-il que je sois gourde… Faut-il que je sois gourde !
(Jean Ajalbert)
— Quand par malheur je hasardais une timide observation, j’étais immédiatement gratifié d’une foule de qualificatifs empruntés, pour la plupart, au règne végétal.
Les plus doux étaient ceux de gros melon, de cornichon, de gourde, etc., quand elle ne prétendait pas que je n’étais bon qu’à manger du foin.
(Marc Mario)
Gourdé
France, 1907 : Sot, benêt.
A n’est pas pus gironde qu’ça,
Mais, vrai, ça travaill’ comme eun’ reine.
Je n’m’occup’ pas mêm’ d’ousqu’a va ;
J’s’rais gourdé d’m’en donner la peine !
A m’fait mon prêt tous les matins
Quand a’ radine à la condisse ;
A porvoye à mes p’tits besoins…
Ben, quoi qu’vous voulez que j’bonisse ?
(É. Blédort)
Gourde ou gourdée
Rossignol, 1901 : Bête, imbécile.
Gourde, goudiflot
Hayard, 1907 : Simple, naïf.
Gourdement
anon., 1827 : Beaucoup, bien.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Beaucoup.
Bras-de-Fer, 1829 : Beaucoup, bien.
Vidocq, 1837 : adv. — Beaucoup.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Beaucoup.
Larchey, 1865 : Bien, beaucoup. V. Pavillonner, Artie.
Delvau, 1866 : adv. Beaucoup, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Beaucoup, très bien, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Beaucoup.
France, 1907 : Bien, beaucoup.
Gourderie
France, 1907 : Bêtise.
Il fut un temps, vingt dieux ! où l’on se battait d’un petit patelin à un autre — sans savoir pourquoi ! C’était d’une gourderie carabinée, mais pas plus que de se battre de peuple à peuple. Ainsi, on voit ça dans l’histoire sainte : la Judée était un pays guère plus grand qu’un département — et le sacré peuple de Dieu qui perchait là était toujours à batailler avec les communes voisines.
(Le Père Peinard)
Gourdes (les)
Delvau, 1864 : Les testicules, dans lesquels il y a une provision du cordial qui réchauffe les femmes malades de langueur.
Le troupier : mes roustons, le cocher : mes roupettes ;
Le marchand de coco : des gourdes ; les grisettes :
Des machines…
(Louis Protat)
Gourdifaillage
France, 1907 : Vol de déjeuner auquel se livrent entre eux les gamins qui vont à l’école avec leur déjeuner dans un panier.
Gourdifailler
France, 1907 : Manger.
Gourdifflot
Virmaître, 1894 : Petite gourde (Argot du peuple).
France, 1907 : Petite gourde.
Gourdiflot
Rossignol, 1901 : Synonyme de gourde.
Gourdin
Delvau, 1866 : s. m. Gros bâton, — dans l’argot du peuple, qui pour le manœuvrer ne doit pas avoir les mains gourdes.
Gourdiner
Delvau, 1866 : v. a. Bâtonner quelqu’un.
France, 1907 : Bâtonner, donner des coups de gourdin.
Goure (vol à la)
France, 1907 : Offre à bas prix de marchandises de nulle valeur que l’on fait passer pour excellentes et bien au-dessus du prix qu’on en demande.
Gouré, ée
Halbert, 1849 : Trompé, trompée.
Gourée
France, 1907 : Friponnerie.
Gourer
Halbert, 1849 : Tromper.
Rigaud, 1881 : Duper, filouter.
La Rue, 1894 : Tromper. Goure, friponnerie.
Hayard, 1907 : Tromper, se gourer — douter.
Gourer (se)
Rigaud, 1881 : Ne pas observer la couleur locale, commettre un anachronisme, — dans le jargon des comédiens.
Les actrices de mélodrame se gourent quand elles courent à travers la montagne avec de petits souliers de satin blanc. À Chartres, j’ai vu Abraham mettre le feu au bûcher avec un briquet de M. Fumade.
(Petit Dict. des coulisses)
Rossignol, 1901 : Se méfier, se tromper. Celui qui craint d’être suivi par un agent pour le surveiller, se goure.
Tu te goures, si tu crois que c’est Jules qui m’a dit cela.
France, 1907 : Se tromper.
C’est la raison pourquoi qu’je m’goure.
(Jean Richepin)
Gourer, gourrer
France, 1907 : Tromper, Vieux mot.
Pour gourrer les pauvres gens,
Qui leur babil veulent croire.
(Parnasse des Muses)
Gouresse
Ansiaume, 1821 : Dame.
Il n’y avoit que 18 balles et un blard dans le flaqu de la gouresse.
Goureur
Larchey, 1865 : « Les goureurs sont de faux marchands qui vendent de mauvaises marchandises sous prétexte de bon marché. — Le faux marin qui vend dix francs des rasoirs anglais de quinze sous… goureur. — Le chasseur d’Afrique qui rapporte d’Alger des cachemires… goureur. — L’ouvrier qui a trouvé une montre d’or et qui veut la vendre aux passants… goureur. »
(H. Monnier)
Rigaud, 1881 : Escroc qui exploite la crédulité ou la bêtise de quelqu’un pour lui vendre fort cher un objet de peu de valeur. — Goureur de la haute, celui qui fait des dupes en émettant des actions d’une entreprise imaginaire, comme, par exemple, les actions de mines de pains à cacheter.
France, 1907 : « Les goureur sont de faux marchands qui vendent de mauvaises marchandises sous prétexte de bon marché. Le faux marin qui vend dix francs des rasoirs anglais de quinze sous… goureur. L’ouvrier qui a trouvé une montre d’or et qui vient la vendre aux passants… goureur. »
(Lorédan Larchey)
Goureur, euse
Halbert, 1849 : Trompeur, trompeuse.
Goureurs
Virmaître, 1894 : Les goureurs sont des individus qui se déguisent en marins étrangers venant des pays lointains. Ils offrent au public des marchandises qu’ils ont soi-disant rapportées de l’Inde ou de la Perse, et qui proviennent tout bonnement d’un bazar quelconque (Argot des voleurs).
Gourgande
Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Gourgandine, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Apocope de gourgandine.
Gourgandin
France, 1907 : Coureurs de filles.
Gourgandinage
Rigaud, 1881 : Débauche, plaisirs crapuleux.
Gourgandine
d’Hautel, 1808 : Catin, garce, fille perdue par la débauche.
Delvau, 1864 : Fille ou femme qui se laisse baiser par le premier homme venu, militaire ou pékin, gros ou petit, riche ou pauvre, qui lui offre un dîner, une robe, ou seulement un verre de jaune.
Toujours il a eu le même public mâle et femelle, les mêmes faubouriens et les mêmes faubouriennes, les mêmes voyous et les mêmes petites gourgandines.
(A. Delvau)
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui court plus que ses jambes et la morale le lui permettent, et qui, en courant ainsi, s’expose à faire une infinité de glissades. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie ; coureuse. Au XVe siècle le mot avait le sens qu’il a aujourd’hui. On disait encore gourdine et gourdane. Les gourgandines habitaient l’île de la Gourdaine dans la Cité, anciennement (au XIIIe siècle) l’île aux Vaches. C’est dans l’île aux Vaches que furent brûlés les Templiers. (P. Dufour, Hist. de la prostitution, 1852)
S’il pouvait devenir cocu
Épousant une gourgandine.
(Scarron, Poésies)
Et sans sourdines,
Mener joyeuse vie avec des gourgandines.
(V. Hugo, Châtiments)
La Rue, 1894 : Coureuse. Fille de mauvaise vie.
Gourgandiner
Delvau, 1864 : Hanter les mauvais lieux et les drôlesses qui les habitent.
Delvau, 1866 : v. n. Mener une vie libertine.
Rigaud, 1881 : Courir les bals, les soupers et les hommes. — Des drôlesses qui ne font que gourgandiner.
Gourgane
France, 1907 : Gosier ; pour gargouenne.
Gourganer
Delvau, 1866 : v. n. Manger de la prison, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Faire de la prison. Allusion aux gourganes ou fèves de marais qui forment le principal menu des établissements pénitentiaires.
Gourganes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Lentilles ou haricots, — dans l’argot des prisons et des ateliers, où les nommes sont nourris comme des bestiaux. Gourganes des prés. Celles qui constituent la nourriture des forçats. Proprement, la gourgane est une petite fève de marais fort douce.
Gourgonnage
France, 1907 : Murmure ; argot des typographes. Ce mot et les deux suivants sont une onomatopée, venant du languedocien.
Gourgonner
France, 1907 : Murmurer.
Gourgoule
France, 1907 : Remous, bruit du remous, roulement de voix.
Gourgoussage
Delvau, 1866 : s. m. Murmure de mécontentement ou de colère, — dans l’argot des typographes.
Gourgousser
Delvau, 1866 : v. n. Murmurer.
Rigaud, 1881 : Se plaindre sans cesse, se répandre en jérémiades, — dans le jargon des typographes.
Boutmy, 1883 : v. intr. Se répandre en jérémiades, en récriminations de toute sorte et à propos de tout.
France, 1907 : Se répandre en récriminations, en jérémiades de toutes sortes et à propos de tout.
(Eug. Boutmy, Argot des typographes)
Gourgousseur
Rigaud, 1881 : Celui qui se plaint sans cesse et à propos de rien. C’est une allusion au bruit produit par les borborygmes, ces plaintes que font entendre les boyaux incommodés ou en détresse.
Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui gourgousse. Nous avons défini ce type dans la première partie de cette Étude.
France, 1907 : Celui qui gourgousse.
Au point de vue des types et des caractères individuels, il est impossible d’établir des divisions précises. Le typographe est un être ondoyant et divers, essentiellement fantaisiste et prime-sautier. Pourtant nous distinguerons les genres suivants. C’est d’abord le gourgousseur, qui ne sait pas renfermer en lui-même ses impressions et qui les exhale à tout propos en plaintes, en récriminations, en doléances de toutes sortes. De mémoire de compositeur, personne n’a vu le gourgousseur satisfait. Son caractère morose et grondeur fait le vide autour de lui mieux que ne le ferait une machine pneumatique. Le gourgousseur est presque toujours en même temps chevrotin, c’est-à-dire facilement irascible.
(Eugène Boutmy, Les Typographes)
Gourmande
Delvau, 1864 : Femme trop portée sur la queue, et difficile à satisfaire à cause de cela.
Hayard, 1907 : Bouche.
Gourme
Delvau, 1866 : s. f. La fougue de la jeunesse, — dans l’argot du peuple, qui sait que cet impetigo finit toujours par disparaître avec les années, — malheureusement ! Jeter sa gourme. Vivre follement, en casse-cou, sans souci des périls, des maladies et de la mort.
Gourpline
Halbert, 1849 : Plainte.
Gourrer
d’Hautel, 1808 : Tromper, duper, friponner, escroquer quelqu’un.
Il s’est laissé gourrer. Pour, il s’est laissé attraper.
Se gourrer. Se duper soi-même ; se tromper à son préjudice, dans un calcul ou dans une spéculation.
Delvau, 1866 : v. a. Tromper, duper, — dans l’argot des voleurs, qui se sont approprié là un verbe du langage des honnêtes gens. (Goure, drogue falsifiée ; goureur, qui falsifie les drogues.)
Gourreur
Delvau, 1866 : s. m. Trompeur.
Gourt (être à son)
France, 1907 : Être content : vieille expression que l’on trouve dans Villon :
L’hôtesse fut bien à son gourt,
Car, quand vint à compter l’escot,
Le seigneur ne dist oncques mot.
Gousli
France, 1907 : Mot importé du russe ; harpe horizontale.
Gouspin
Larchey, 1865 : Mauvais gamin. — Diminutif du vieux mot gous : chien.
Quarante ou cinquante jeunes gouspins bruyants et rageurs.
(Commerson)
Delvau, 1866 : s. m. Voyou, jeune apprenti voleur, — dans l’argot des faubouriens, qui se servent de cette expression depuis longtemps.
Rigaud, 1881 : Petit polisson ; pauvre diable.
La Rue, 1894 : Voyou. Apprenti voleur.
Gouspin, goussepain
France, 1907 : Polisson, mauvais gamin, apprenti voleur.
Il en tira le corps d’un chat : « Tiens, dit le gosse
Au troquet, tiens, voici de quoi faire un lapin. »
Puis il prit son petit couteau de goussepain,
Dépouilla le greffier, et lui fit sa toilette.
(Jean Richepin)
Gouspiner
d’Hautel, 1808 : Vagabonder, faire le polisson ; jouer dans les rues à la manière des petits enfans et des écoliers.
Delvau, 1866 : v. n. Vagabonder au lieu de travailler.
Rigaud, 1881 : Vagabonder.
France, 1907 : Vagabonder ; du vieux mot gous, chien.
Gousse
Gousse (la)
Delvau, 1866 : Nom donné au banquet mensuel des artistes du Vaudeville. Il a lieu, le premier jeudi de chaque mois, chez Laumonier-Brébant.
Gousse ou goussepin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne ordinairement à un petit polisson, à un enfant d’humeur dissipée, qui ne fait que jouer dans les rues.
On donne aussi ce nom, par mépris, à celui qui dans une maison est chargé de toutes les commissions ; à un homme de fort basse extraction.
Gousse, gaupe
Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des voyous.
Goussepin
Rossignol, 1901 : Enfant.
Gousser
France, 1907 : Manger.
Gousset
Delvau, 1866 : s. m. Aisselle, — dans l’argot du peuple. Sentir du gousset. Puer.
Μασχάλη, axila, aisselle, sale odeur,
dit M. Romain Cornut, expurgateur de Lancelot et continuateur de Port-Royal.
Rigaud, 1881 : Aisselle. — Rifler du gousset, transpirer de dessous les bras.
La Rue, 1894 : Aisselle.
France, 1907 : Creux de l’aisselle.
— Vous sentez la Dame divine,
J’en jurerois sur vostre mine ;
Mon nez ne se trompe jamais
En ce qui sent bon ou mauvais,
Vostre gousset et votre haleine
Ne furent jamais d’Afriquaine,
Ils ont je ne sçay quoi du Ciel.
(Scarron, Virgile travesti)
Gousset percé (avoir le)
Larchey, 1865 : N’avoir pas un sou en poche.
Comment faire quand on a le gousset percé
(Letellier, Chanson, 1839)
Rigaud, 1881 : Être prodigue, ne pas savoir garder un sou en poche. — Ne pas avoir d’argent dans sa poche.
Gousset, gouffier
Rigaud, 1881 : Manger, — dans le jargon des voleurs.
Goût
d’Hautel, 1808 : Sentir un goût de renfermé. Exhaler une odeur de moisi.
Des goûts et des couleurs on ne peut disputer. Pour dire, chacun a son goût, ses fantaisies, ses caprices, ses inclinations.
Perdre le goût du pain. Laisser ses os dans une affaire, y mourir.
Le prix en fait perdre le goût. Signifie que l’on se dégoûte facilement d’une chose trop chère.
Goût du pain (faire passer le)
Rigaud, 1881 : Tuer.
Goût du pain (paire passer le)
La Rue, 1894 : Tuer.
Gout particulier
Delvau, 1864 : La pédérastie ou le gougnottisme, selon le sexe ; ainsi nommé parce que c’est un goût presque général chez les filles galantes de Paris.
Ne croyez pas que je contracte
Ce goût, déjà trop répandu ;
C’est bon pour amuser l’entr’acte
Quand le grand acteur est rendu.
(Béranger)
Gout pour quelqu’un (avoir du)
Delvau, 1864 : Avoir envie de coucher avec telle femme plutôt qu’avec telle autre lorsqu’on est homme, ou avec tel homme plutôt qu’avec tel autre lorsqu’on est femme.
Elle en tombera à la renverse si elle a autant de goût pour moi que vous le dites.
(La Popelinière)
Dit-on à présent : Je vous aime ?
Non, l’on dit : j’ai du goût pour vous.
(Collé)
Goûter
Delvau, 1866 : v. n. Plaire, faire plaisir.
Goûter la bride
France, 1907 : Se dit d’un cheval qui commence à obéir au mors.
Gouter les plaisirs, les ébats, les joies, etc.
Delvau, 1864 : Baiser, ce qui est la félicité suprême.
Mais qu’importe, si l’on goûte
Le doux plaisir de la chair ?
Qu’importe, pourvu qu’on foute ?
Cela vous paraît-il clair ?
(Collé)
Eh bien ! mon petit cœur, eh bien ! ma mignonnette,
Ne voulez-vous pas bien vous marier un jour
Pour goûter les ébats du petit dieu d’amour.
(Trotterel)
Quand elle eut commencé à goûter un peu les joies de ce monde, elle sentit que son mari ne la faisait que mettre en appétit.
(Bonaventure Desperriers)
Goutet
France, 1907 : Petite coupe, petit verre ; du patois méridional. Juste de quoi goûter ce que l’on boit.
Gouts contre nature (avoir des)
Delvau, 1864 : Être pédéraste, si l’on est homme, — ou gougnotte, si l’on est femme.
On ne le lui met plus !… On le lui a donc déjà mis ? L’homme que j’ai honoré de mes faveurs aurait donc des goûts contre nature ?
(Jean Du Boys)
Gouts lubriques (avoir des)
Delvau, 1864 : Être très corrompu en amour.
On l’accusa d’avoir des goûts lubriques,
Dont le récit fait dresser les cheveux ;
De dédaîgner Les amours platoniques
Et de boucher des trous incestueux.
(Ch. Boyle)
Goutte
d’Hautel, 1808 : Elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Se dit par métaphore de deux sœurs, de deux personnes qui ont une ressemblance frappante.
C’est une goutte d’eau dans la mer. C’est-à dire, un point imperceptible dans cette affaire.
Aux fièvres et à la goutte, les médecins ne voient goutte. Pour le malheur du genre humain, ce ne sont pas à ces deux fléaux seuls que se bornent leur ignorance et leurs bévues.
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner le sperme.
Elle sucerait bien la goutte
De quelque gros vit raboulé,
Mais je veux qu’un goujat la foute
Avec un concombre pelé.
(Théophile)
Larchey, 1865 : Ration d’eau-de-vie que les soldats boivent habituellement le matin avant l’appel, et les ouvriers avant l’heure du travail. — Allusion à la petite dose (goutte) d’alcool qu’on prend ou qu’on est censé prendre.
J’appelais ma mère qui buvait sa goutte au P’tit trou.
(Rétif, 1783)
Mais pourvu qu’on paie la goutte aux anciens, N’est-ce pas, colonel ?
(Gavarni)
Delvau, 1866 : adv. Peu ou point. N’y voir goutte. N’y pas voir du tout. On dit aussi N’y entendre goutte.
Delvau, 1866 : s. f. Petit verre d’eau-de-vie, — dans l’argot des ouvriers et des soldats. Marchand de goutte. Liquoriste.
Rigaud, 1881 : Mesure d’eau-de-vie de la capacité d’un décilitre. Prendre la goutte, boire un verre d’eau-de-vie. — Bonne goutte, bonne eau-de-vie. — Pour le peuple tout bon cognac, fût-il à vingt francs la bouteille, est de la bonne goutte.
France, 1907 : Petit verre de liqueur spiritueuse ; latinisme, de gutta ; boire la goutte, payer la goutte.
C’était notre coutume à Saumur de boire tous les matins la goutte avant de monter à cheval.
Il y a la goutte à boire là-bas !
Il y a la goutte à boire !
(Marche des chasseurs à pied)
Goutte (donner la)
Rigaud, 1881 : Donner à téter. — Demander la goutte, demander à téter en piaillant ou à haute et intelligible voix, comme font les enfants qui ne sont pas encore sevrés à deux ans. La mère dont les mamelles sont presque taries, ne peut plus donner qu’une pauvre goutte à son nourrisson.
Goutte (n’y voir)
France, 1907 : N’y comprendre, n’y entendre, n’y rien voir.
Ne décidons jamais où nous ne voyons goutte.
(Piron)
J’ai fermé la porte au doute,
Bouché mon cœur et mes yeux.
Je suis triste et n’y crois goutte.
Tout est pour le mieux.
(Jean Richepin)
Les types qui font métier de savoir tous les mic-macs de la diplomatie et de l’échiquier européen ont déjà rudement de la peine à se reconnaître dans ce fouillis ; à plus forte raison, les bons bougres qui ont quelque part la « politique extérieure » n’y doivent-ils comprendre goutte.
(La Sociale)
Goutte militaire
Delvau, 1864 : Sécrétion gonorrhéique qui vient chaque matin au bout du membre viril qui a été à la guerre amoureuse et qui y a été blessé — sans daigner se guérir.
Rigaud, 1881 : Souvenir persistant d’un coup de pied de Vénus.
Rossignol, 1901 : Voir plombé.
France, 1907 : Blennorrhagie chronique, appelée ainsi parce qu’elle est commune dans les régiments où le soldat ne peut guère s’offrir des filles de choix.
La chaste Suzanne :
Ah ! ces deux vieillards me dégoûtent !
Je crois même qu’ils ont la goutte
Militaire.
Le chœur :
Bien qu’ils ne l’aient jamais été !
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Goutte-roupie
France, 1907 : ou simplement roupie. Mucosité qui tombe du nez et qui est particulière aux gens qui prisent, appelée roupie à cause de sa couleur jaunâtre.
La vieille à laissé tomber une goutte-roupie dans le potage.
Gouttière (lapin de)
Rigaud, 1881 : Chat, — dans le jargon du peuple qui, chaque fois qu’on lui sert du lapin à la gargote, renouvelle la plaisanterie, parce qu’il faut bien rire un peu.
Gouttière à merde
Rigaud, 1881 : Derrière, — dans le jargon des voyous. Va donc te laver ta gouttière à merde aura crevé, tu foisonnes trop. — Faudra faire mettre un bèquet à ta gouttière à merde.
Gouverne
Delvau, 1866 : s. f. Règle de conduite ; façon d’agir.
Gouvernement
Delvau, 1866 : s. m. Épée d’ordonnance, — dans l’argot des Polytechniciens, qui distinguent entre les armes que leur fournit le gouvernement et celles qu’ils se choisissent eux-mêmes. (V. Spickel.)
Rigaud, 1881 : Dans la bouche de l’ouvrier, ce mot est synonyme de « ma bourgeoise, mon gendarme. » Quand un ouvrier parle de sa femme, il dit volontiers « mon gouvernement ». — Hier, j’ai pris un fameux bain avec des camaros, je me suis cuité dans le gîte, reusement que mon gouvernement m’a pas entendu rentrer.
Rigaud, 1881 : Épée d’ordonnance des polytechniciens. Mot à mot : épée fournie par le gouvernement.
Virmaître, 1894 : Épée à l’École Polytechnique. A. D. Gouvernement : La femme dans les ménages d’ouvriers.
— Mon vieux, pas mèche d’aller gouaper avec toi, mon gouvernement est tellement rosse que je serais engueulé toute la semaine (Argot du peuple). N.
France, 1907 : La ménagère de l’ouvrier, légitime ou non. Les Anglais disent, en parlant de la femme ou de la maîtresse qui dirige leur intérieur : Ma confortable impudence.
Gouyasse
France, 1907 : Fille à gages, chambrière. C’est, dans le patois languedocien, l’augmentatif de gouye, dont les diminutifs sont gouyette, gouyine, gouyotte, gouyale (masculin : gouyat, garçon).
Gouyassé
France, 1907 : Trousseur de jupons crottés, coureur de servantes.
Gouye
France, 1907 : Fille, femme non mariée, servante ; de gouge.
Gouze
Ansiaume, 1821 : Maître.
Il faut être bon pègre, car le gouze est marloux.
Gouzesse
Ansiaume, 1821 : Maîtresse.
Le gouze est chaud, mais la gouzesse guimpe à la couleur.
Goy, goym
Rigaud, 1881 : Chrétien, — dans le patois des marchands juifs. Râler le goye, tromper le chrétien. — Les marchands forains, mais principalement ceux du Midi, ont donné le nom de goye à l’acheteur doté d’une bonne tête d’imbécile.
La Rue, 1894 : Chrétien, dans l’argot des juifs. Râler le goye, tromper le chrétien.
Goye
Larchey, 1865 : Dupe, niais. — Signifie depuis longtemps Chrétien chez les juifs.
Le goye te mire, le pante te regarde.
(Monselet)
Rigaud, 1881 : Boiteux, — dans le jargon des méridionaux de Paris.
Goye, goym
France, 1907 : Niais, dupe. Hébraïsme ; sobriquet donné par les juifs aux chrétiens.
— Kadosch, Kadosch, Kadosch, Adonai Zebaoth (Saint, Saint, trois fois Saint est l’Éternel Zebaoth), gronda Esther. Voilà un catholique, un goye bien audacieux ! Il a du talent, du courage, ce Drumont ! Il frappe les grands juifs, des grands « ioutes », mais il a moins faim que moi : je voudrais manger tous les antisémites, tous les catholiques, les grands et les petits, tous les goyes !
(Dubut de Laforest, La Femme d’affaires)
Goyes
France, 1907 : Pâte en longs morceaux servant à engraisser les dindons.
Goyotte, goliote
France, 1907 : Bourse, poche, étui, gousset, fente d’une blouse. On dit, en patois messin, gojote. Ces mots sont le diminutif féminin de goy, goiot, gouet, serpe. La goyotte est l’étui dans lequel on met la serpe. Le contenant a pris le nom du contenu et ce nom s’est étendu à toutes sortes de poches. Voir Gouet.
Grabat
d’Hautel, 1808 : Mauvais lit. Être sur le grabat. Être dans une extrême indigence ; être à l’agonie, sur le point d’expirer, près de rendre l’ame.
Grabuge
d’Hautel, 1808 : Pour vacarme, désordre, sédition, tumulte, zizanie, querelle.
Delvau, 1866 : s. m. Trouble, vacarme, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Querelle, confusion, tapage ; de l’italien garbuglio.
Une autre étymologie est également donnée à ce mot.
Sur la pointe nord-ouest de la Crète est située la petite île de Grabuja, qui fut le théâtre de luttes fréquentes entre les Turcs et les Vénitiens après que ces derniers eurent perdu la Crète, d’où grabuge, querelle.
— Y a du grabuge à note maison, par rapport à moi et ma mère, à cause de vous. J’étais après à lire vote lettre… ma mère entrit sur le champ : alle me dit bonnement : Quoiqu’c’est qu’çà qu’tas là ? Moi j’dis, rien. Ah ! dit-elle, c’est queuque chose. Rien, j’vous dis. J’parie, dit-elle, qu’c’est queuque chose. Pardi, sa mère, j’dis, c’est rien ; et puis quand ça serait queuqu’chose, j’dis, ça n’vous f’rait rien. Là dessus alle m’arrachit vote lettre, et puis alle lisit l’écriture tout du long. Ah ! Ah ! se mit-elle à dire, c’est donc comme ça qu’vous y allez avec vote Jérôme ? Ah ! le chenapan ! il l’attrap’ra ! c’est pour ly ! on les garde ! et toi, chienne ! v’là pour toi.
(Vadé)
Quelle morale ! Et comment le populaire s’y reconnaitrait-il ? Je sais bien qu’il a la vue fatiguée par le travail, la sciure du bois et les poussières des métaux… mais ce n’est tout de même pas une bête ! Quand il sera bien imbu de cette idée : que la législation est presque uniquement établie à son seul usage ; qu’on veut une loi pour le peuple comme on lui veut une religion, afin de le mieux maintenir en servitude, mais que les dirigeants s’abstiennent volontiers de l’une et passent la jambe à l’autre, peut-être y aura-t-il du grabuge.
(Séverine)
Grace
d’Hautel, 1808 : Cela lui est venu par la grace de Dieu. Se dit d’un homme qui tout-à-coup est de venu riche, sans que l’on sache comment il a gagné son bien-être.
Gracienne
France, 1907 : Toile de lin de Bretagne.
Gracieuser
d’Hautel, 1808 : Montrer de la bienveillance, faire un bon accueil à quelqu’un, l’agréer.
Gracieux
d’Hautel, 1808 : Il est gracieux comme la porte d’une prison. Se dit d’un homme qui a l’abord dur et repoussant, qui réellement est grossier et brutal.
Graciole
France, 1907 : Sorte de poire appelée bon-chrétien.
Gradaille
France, 1907 : Les gradés ; tout ce qui dans l’armée porte soutache ou galons.
Pour que le « libérateur » vienne vite, cette gradaille qui s’abstient même de prononcer le mot « république », crainte de s’écorcher la gueule, récite des chiées d’oremus et, en attendant que vienne le moment des grandes boucheries humaines, s’entretient les tripes en état en les bondant d’alcool.
(Le Père Peinard)
Gradouble
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Plomb. Attrimer du gradouble, voler le plomb des gouttières.
Gradus ad parnassum
France, 1907 : Mot à mot : degré pour monter au Parnasse. Dictionnaire à l’usage de ceux qui perdent leur temps à versifier en latin.
Graffagnade
Rigaud, 1881 : Commerce de mauvais tableaux. — Tableau de commerce, — dans le jargon des marchands de bric-à-brac.
Graffigner
Delvau, 1866 : v. a. et n. Saisir, prendre, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Égratigner.
France, 1907 : Égratigner, griffer.
France, 1907 : Saisir.
Graffignure
France, 1907 : Égratignure.
Graffin
Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier.
France, 1907 : Chiffonier.
Graffouillat
France, 1907 : Personne qui se mêle de tout.
Grafignade
France, 1907 : Mauvais tableau ; du provençal grafignade, gribouillage.
Grafin
Rigaud, 1881 : Chiffonnier ; par allusion au crochet qui agrafe les épaves échouées le long des trottoirs.
Grafion
France, 1907 : Espèce de cerise.
Graigaille
France, 1907 : Pain.
Graillon
d’Hautel, 1808 : Au propre, excrétion de la poitrine ; au figuré, vieux restes de viande ; chiffons ; frivolités.
Sentir le graillon. Répandre une odeur de viande, ou de graisse brûlée.
Delvau, 1866 : s. f. Servante malpropre, cuisinière peu appétissante. Argot du peuple. On dit aussi Marie-Graillon.
Virmaître, 1894 : Cuisinière, laveuse de vaisselle. Fille sale qui pue la mauvaise graisse (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mauvais cuisinier. La ménagère qui lave son linge est aussi un graillon.
France, 1907 : Crachat, de gratillon ; ce que l’on gratte au fond d’une marmite.
France, 1907 : Femme malpropre, souillon, laveuse de vaisselle.
Graillonner
d’Hautel, 1808 : Faire des efforts pour cracher ; expectorer continuellement.
Vidocq, 1837 : v. a. — Entamer une conversation à haute voix, de la fenêtre d’un dortoir sur la cour ; ou d’une cour à l’autre, correspondre avec des femmes détenues dans la même prison. Le règlement des prisons défend de Graillonner.
Larchey, 1865 : Parler (Vidocq). — Diminutif du vieux mot grailler : croasser. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : v. n. Cracher fréquemment.
Delvau, 1866 : v. n. S’entretenir à haute voix, d’une fenêtre ou d’une cour à l’autre, — dans l’argot des prisons.
Rigaud, 1881 : Converser à haute voix, d’une cour de prison à l’autre, du dortoir à la cour.
Rigaud, 1881 : Cracher avec effort, tousser gras.
La Rue, 1894 : Écrire. Cracher. Parler d’une fenêtre à l’autre, dans une prison.
Rossignol, 1901 : Mal laver une chose ou un objet, c’est le graillonner.
France, 1907 : Écrire.
France, 1907 : Expulser avec effort des crachats.
France, 1907 : Parler ou chanter d’une voix grasse, parler d’une fenêtre de prison à une autre.
À 2 heures du matin, il y avait encore une vingtaine de buveurs graillonnant une complainte. Clarinette, les joues molles, stupide de sommeil, piquait des têtes dans le vide, tandis que Huriaux, vautré sur une table, dans une flaquée de bière, dormassait à poings fermés.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Graillonneur
d’Hautel, 1808 : C’est un graillonneur perpétuel. Se dit d’un homme qui graillonne, qui crachotte perpétuellement.
Larchey, 1865 : Homme qui expectore souvent.
Comme c’est ragoûtant d’avoir affaire avant son déjeuner à un graillonneur pareil !
(H. Monnier)
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui crache à chaque instant.
Graillonneur, graillonneuse
Rigaud, 1881 : Celui, celle qui graillonne.
Comme c’est ragoûtant d’avoir affaire avant son déjeuner à un graillonneur pareil !
(H. Monnier, Scènes populaires)
Graillonneuse
Delvau, 1866 : s. f. Femme qui vient laver son linge au bateau sans être du métier, — dans l’argot des blanchisseuses.
Rigaud, 1881 : Blanchisseuse par occasion. C’est le nom que donnent les blanchisseuses de profession aux ménagères qui vont au lavoir laver le linge de leur famille, parce que, ne possédant pas très bien le maniement du battoir, elles éclaboussent tout le monde autour d’elles.
Virmaître, 1894 : Ménagère qui va laver accidentellement son linge au lavoir (Argot des blanchisseuses). V. Baquet.
France, 1907 : Ménagère qui va par économie, faire la lessive au lavoir public ; argot des blanchisseuses qui disent aussi noyeuse d’étrons.
Grain
d’Hautel, 1808 : Un ventre à tout grain. Pour dire un homme peu délicat sur le manger, que les alimens les plus lourds ne peuvent incommoder ; un bélitre, un dissipateur.
Avoir des grains, amasser des grains. Pour avoir ou amasser de l’argent.
Un grain de six balles. Pour dire un écu de six francs.
Être dans le grain. Pour, être en bonne fortune ; avoir le vent en pouppe.
Un Catholique à gros grains. Voyez Catholique.
Il mangeroit cet homme avec un grain de sel. Pour dire, il est bien plus fort que lui ; il lui est infiniment supérieur.
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Écu.
Delvau, 1866 : s. m. Pièce de cinquante centimes, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Pièce de dix sous, — dans l’argot du Temple.
France, 1907 : Pièce de dix sous, dans l’argot des voleurs. Ce mot signifiait autrefois écu.
S’il avoit des grains, on lui raseroit le mynois.
(Vie de Saint-Christophe, 1530)
Grain (avoir un)
Delvau, 1866 : v. a. Être un peu fou, ou seulement maniaque, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Avoir l’esprit un peu dérangé. Mot à mot : un grain de folie.
France, 1907 : Sous-entendu : de folie. « Nous avons tous un grain qui tôt ou tard finit par germer. »
Oh ! qui dans l’Italie
N’a pas son grain de folie ?
(Musset)
J’avais dans la tête un grain de folie amoureuse et, pour rien au monde, je ne me serais décidé à perdre de vue la butte Montmartre. C’était bien assez déjà de demeurer au Pecq.
(Sutter-Laumann)
Se dit aussi pour avoir fait quelque excès de boisson. Jeu de mot sur grain, orage.
— J’avais ce soir-là un petit grain, sans quoi je n’aurais pas osé accoster la donzelle qui faisait sa sucrée comme si elle n’avait jamais tâté de ce morceau.
(Les Joyeusetés du régiment)
Grain (catholique à gros)
France, 1907 : Mauvais catholique qui ne va à l’église que parce qu’il s’y croit obligé.
Grain (écraser un)
Larchey, 1865 : Boire la goutte. Plus applicable à l’alcool dans lequel on conserve quelques grains de verjus.
Est-ce que nous n’écrasons pas un grain ?
(La Bédollière)
Boutmy, 1883 : v. Boire, s’enivrer.
France, 1907 : Boire, s’enivrer.
Grain (veiller au)
France, 1907 : Faire attention, ouvrir l’œil, veiller à ses intérêts. Cette locution vient de l’avertissement : Veille au grain ! que se donnent les marins quand ils prévoient un brusque changement de temps, une bourrasque ou un orage.
Quand les filles deviennent grandelettes, il faut que pères et mères commencent à veiller au grain.
(Les Propos du Commandeur)
Grain de brune
France, 1907 : Foulard dont se servent les rôdeurs de nuit pour étrangler leur victime.
Grain de brune, saute-cou, terre-à-terre
La Rue, 1894 : Foulard. Il sert au voleur, le soir, pour étrangler et terrasser sa victime.
Grain, gros ou petit
Vidocq, 1837 : s. m. — Écu de trois ou de six francs.
Grain, petit grain
Rigaud, 1881 : Animation causée par un commencement d’ivresse.
Graine
d’Hautel, 1808 : C’est de la graine de niais. Pour, c’est une attrape, il ne faut point ajouter foi à ce discours.
Monter en graine. Pour vieillir, se casser.
On dit d’une troupe de petits polissons, que c’est de la graine d’andouille.
Graine (mauvaise) est tôt venue
France, 1907 : Vieux dicton analogue à celui-ci : Mauvaise herbe croit toujours.
Graine (monter en)
France, 1907 : Se dit des filles qui vieillissent sans trouver un époux ou un amant, et qui se dessèchent et montent comme certains légumes qu’on laisse intacts.
Graine d’attrape
Delvau, 1866 : s. f. Mensonge, moquerie, tromperie.
France, 1907 : Tromperie.
Graine d’épinard
France, 1907 : Épaulettes des officiers supérieurs.
Graine d’épinards
Larchey, 1865 : Épaulette d’officier supérieur. — Avant d’avoir quitté la branche, ces graines ressemblent en effet assez aux grosses torsades d’épaulettes.
Les grands qui viennent au monde avec des épinards d’amiral sur l’épaule.
(L. Desnoyer)
Graine d’épinards à part, les officiers du 101e sont tous supérieurs.
(Noriac)
Delvau, 1866 : s. f. Épaulettes des officiers supérieurs, — dans l’argot des troupiers, dont ce légume est le desideratum permanent. Porter la graine d’épinards. Avoir des épaulettes d’officier supérieur.
Graine d’oignon
France, 1907 : Poudre à canon ; sans doute parce qu’elle fait pleurer les mères et les veuves.
Graine de chou colossal
Delvau, 1866 : s. f. Amorce pour duper les simples. C’est un souvenir des réclames faites il y a vingt ans par un industriel possesseur d’une variété de brassica oleracea fantastique, « servant à la fois à la nourriture des hommes et des bestiaux, et donnant un ombrage agréable pendant l’été ».
France, 1907 : Grande duperie — le Panama, par exemple.
Graine de giberne
France, 1907 : Enfant de soldat.
Graine de niais
France, 1907 : Promesse ou appeau qui ne peut tromper que des gens simples. Deux ou trois fois l’an, les brasseurs d’affaires répandent sur la place de la graine de niais.
Graine de potence
France, 1907 : Enfant qui annonce des dispositions qui, développées, le conduiront place de la Roquette.
Grains (léger de deux)
France, 1907 : Expression dont on se servait autrefois pour désigner un eunuque.
Graissage
France, 1907 : Opération préliminaire d’un solliciteur près de certains fonctionnaires grands ou petits, ou même d’une simple soubrette ou d’un valet de chambre et qui sert à aplanir les obstacles.
Graisse
d’Hautel, 1808 : La graisse ne l’étouffe pas, ne l’empêche pas de marcher. Se dit en plaisantant d’une personne très-maigre, qui marche avec vivacité.
Faire de la graisse. Dormir trop long-temps, paresser, se laisser aller à la mollesse.
Ce n’est pas le tout que des choux, il faut encore de la graisse. Se dit lorsque l’on n’a qu’une partie des choses nécessaires à une entreprise.
Vidocq, 1837 : s. m. — Les événemens de la première révolution paraissent avoir donné naissance au vol à la Graisse, qui fut commis souvent avec une rare habileté par les nommés François Motelet, Felice Carolina, italien, dit le Fou de Cette. Voici quelle était la manière de procéder de ces individus, et de presque tous ceux qui, par la suite, marchèrent sur leurs traces.
Deux hommes d’un extérieur respectable voyagaient en poste, se dirigeant vers la frontière, suivis d’un domestique ; ils descendaient toujours chez l’hôtelier qu’ils présumaient le plus riche, ou chez le maître de poste, si celui-ci logeait les étrangers.
Arrivés au gîte qu’ils avaient choisi, ils se faisaient donner le plus bel appartement de la maison, et tandis qu’ils se reposaient des fatigues de leur voyage, le domestique, cheville ouvrière du complot ourdi contre la bourse de l’hôtelier, faisait, en présence du personnel de l’hôtellerie, remiser la chaise de poste, et décharger les effets de ses maîtres. Au moment de terminer son opération, le domestique retirait de l’impériale de la voiture une petite cassette qu’il ne soulevait qu’avec peine, ce qui ne manquait pas d’étonner ceux qui étaient spectateurs de ses efforts.
C’est le magot, disait confidentiellement le domestique au maître de la maison ; et comme, à cette époque, le numéraire était plus rare et plus recherché que les assignats, celui-ci ne manquait pas de concevoir la plus haute opinion de ces étrangers qui en possédaient une aussi grande quantité.
Ces préliminaires étaient la première botte portée à la bourse de l’hôtelier ; lorsqu’ils avaient produit ce qu’en attendaient les fripons, la caisse était portée chez eux, et durant quelques jours il n’en était plus parlé.
Durant ces quelques jours, les étrangers restaient dans leurs appartements ; s’ils sortaient, ce n’etait que le soir ; ils paraissaient désirer ne pas être remarqués ; au reste, ils dépensaient beaucoup, et payaient généreusement.
Lorsqu’ils croyaient avoir acquis la confiance de l’hôtelier, ils envoyaient un soir leur domestique le prier de monter chez eux, celui-ci s’empressait de se rendre à cette invitation ; laissez-nous seuls, disait alors un des étrangers au domestique ; et, dès qu’il était sorti, l’autre prenait la parole, et s’exprimait à-peu-près en ces termes :
« La probité, Monsieur, est une qualité bien rare à l’époque où nous vivons, aussi doit-on s’estimer très-heureux lorsque par hasard on rencontre des honnêtes gens. Les renseignemens que nous avons fait prendre, et la réputation dont vous jouissez, nous donnent la conviction que vous êtes du nombre de ces derniers, et que nous ne risquons rien en vous confiant un secret d’une haute importance ; pour nous soustraire aux poursuites dirigées contre presque tous les nobles, nous avons été forcés de prendre subitement la fuite. Nous possédions, au moment de notre fuite, à-peu-près, 60,000 francs en pièces d’or, mais pour soustraire plus facilement cette somme aux recherches, nous l’avons fondue nous-mêmes et réduite en lingots ; nous nous apercevons aujourd’hui que nous avons commis une imprudence, nous ne pouvons payer notre dépense avec des lingots, nous vous prions donc de nous prêter 5,000 francs (la somme, comme on le pense bien, était toujours proportionnée à la fortune présumée de l’individu auquel les fripons s’adressaient) ; il est bien entendu que nous vous laisserons en nantissement de cette somme un ou plusieurs de nos lingots, et qu’en vous remboursant le capital nous vous tiendrons compte des intérêts. »
Cette dernière botte portée, les fripons attendaient la réponse de l’hôtelier, qui, presque toujours, était celle qu’ils désiraient ; dans le cas contraire, comme ils ne doutaient, disaient ils, ni sa bonne volonté, ni de son obligeance, ils le priaient de leur trouver, à quel que prix que ce fût, un richard disposé à traiter avec eux, et sur lequel on pût compter. C’était une manière adroite de lui faire entendre qu’ils accepteraient toutes les conditions qui leur seraient proposées. L’espoir de faire une bonne affaire, et surtout la vue des lingots que les fripons faisaient briller à ses yeux, ne manquaient de déterminer l’hôtelier ; après bien des pourparlers le marché était conclu, mais les voyageurs, soigneux de conserver les apparences d’hommes excessivement délicats, insistaient pour que le prêteur fît vérifier, par un orfèvre, le titre des lingots, celui-ci ne refusait jamais cette garantie nouvelle de sécurité ; mais comment soumettre ces lingots à l’essayeur sans éveiller des soupçons ? l’hôtelier et les voyageurs sont très-embarrassés. « Eh parbleu, » dit l’un de ces derniers, après quelques instans de réflexion « nous sommes embarrassés de bien peu, scions un des lingots par le milieu, nous ferons essayer la limaille. » Cet expédient est adopté à l’unanimité ; un des lingots est scié et la limaille recueillie dans un papier, mais les fripons savent substituer adroitement au paquet qui ne contient que de la limaille de cuivre, un paquet qui contient de la limaille d’or à vingt-deux carats ; fort du témoignage de l’essayeur, l’hôtelier livre ses écus, et reçoit en échange cinq à six livres de cuivre qu’il serre bien précieusement, et que jamais on ne vient lui redemander.
Les Graisses ne laissent pas toujours des lingots à leurs victimes, et ne procèdent pas tous de la même manière ; un individu qui maintenant porte l’épée et les épaulettes d’officier supérieur, escroqua une somme assez forte, à un prêteur sur gages, de la manière que je vais indiquer :
Il fit faire, à Paris, et par des fabricans différens, deux parures absolument semblables ; la seule différence qui existait entre elles, c’est que l’une était garnie de pierres précieuses, et l’autre d’imitations, mais d’imitations parfaites sous tous les rapports.
Muni de ces parures, l’individu alla trouver un prêteur sur gages, et lui engagea la véritable parure, puis au temps fixé il la dégagea ; il renouvela ce manège plusieurs fois, de sorte que le préteur, familiarisé avec l’objet qui lui était laissé en garantie ne prenait plus la peine d’examiner les diamans ; l’emprunteur avait toujours soin de bien fermer la boîte qui contenait la parure et d’y apposer son cachet ; il prenait cette précaution, disait-il, pour éviter qu’on ne se servît de ses diamans.
Lorsqu’il crut le moment d’agir arrivé, il alla, pour la dernière fois trouver le prêteur, et lui engagea comme de coutume sa parure, moyennant la somme de 10,000 francs, mais au lieu de lui donner la bonne, il ne lui remit que son sosie, et suivant son habitude il scella la boîte, sous le fond de laquelle il avait collé une étiquette peu apparente ; mais cette fois le cachet n’était pas celui dont il s’était servi jusqu’alors, quoique cependant il en différât très-peu.
À l’époque fixée, il se présenta pour dégager ses bijoux ; le prêteur, charmé de recouvrer avec ses écus un intérêt raisonnable, s’empressa de les lui remettre. Le fripon paie et prend sa boîte : « Tiens, dit-il, après l’avoir examinée quelques instans, vous avez mis une étiquette à ma boîte ; pourquoi cela ? — Je n’ai rien mis à votre boîte, répond le prêteur. — Je vous demande bien pardon, ce n’est pas ma boîte ; le cachet qui ferme celle-ci n’est pas le mien, » et pour prouver ce qu’il avance, il tire son cachet de sa poche ; le prêteur le reconnaît, et cependant ce n’est pas son empreinte qui est apposée sur la boîte ; pour couper court, le prêteur ouvre la boîte ; « c’est bien votre parure, s’écrie-t-il. — Vous plaisantez, répond l’emprunteur, ces diamans sont faux et n’ont jamais été à moi. »
La conclusion de cette affaire n’est pas difficile à deviner : le fripon justifia par une facture de la possession de la parure qu’il réclamait, ses relations antérieures avec le prêteur établissaient sa bonne foi. Le prêteur fut obligé de transiger avec lui, pour éviter un procès scandaleux.
Larchey, 1865 : Argent. — Il y a gras, il y a de la graisse : Il y a un bon butin à faire.
Il n’y a pas gras !
(Gavarni)
Delvau, 1866 : s. f. Argent, — dans l’argot du peuple, qui sait que c’est avec cela qu’on enduit les consciences pour les empêcher de crier lorsqu’elles tournent sur leurs gonds.
Delvau, 1866 : s. m. Variété de voleur dont Vidocq donne le signalement et l’industrie (p. 193).
Rigaud, 1881 : Argent. L’huile et le beurre ont également eu la même signification ; aujourd’hui ces mots ne sont plus employés que par quelques vieux débris des anciens bagnes.
France, 1907 : Or, argent, billet de banque, cadeau quelconque. Le mot est vieux : Lorédan Larchey cite ce passage d’une chanson gothique :
Vecy, se dit l’hotesse
Vecy bon payement vrayment :
Il n’y a pas gresse
De loger tel marc aut souvent.
Graisse (se plaindre de trop de)
Rigaud, 1881 : Se plaindre mal à propos, se plaindre quand on ne manque de rien. Encore un qui se plaint de trop de graisse.
Graisse (voler à la)
France, 1907 : Tricher au jeu ; jeu de mot sur Grèce, patrie des grecs.
Graisser
d’Hautel, 1808 : Graisser la patte à quelqu’un. Le corrompre, le gagner à force d’argent.
Graisser ses bottes. Se disposer à partir ; à voyager dans l’autre monde.
d’Hautel, 1808 : Graisser le couteau. Manger de la viande au déjeûner, ce que l’on ne fait ordinairement qu’au dîner.
Graisser les épaules, ou la peau à quelqu’un. Le battre, lui donner une volée de coups de bâton.
Graisser le marteau d’une porte. Soudoyer, gagner un portier à force d’argent.
Graissez les bottes d’un vilain, il dira qu’on les lui brûle. Vieux proverbe qui signifie que l’on ne gagne rien à obliger un méchant homme.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Donner, contribuer, fournir, gratifier.
Halbert, 1849 : Gratter.
Delvau, 1866 : v. a. Gratter, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Je vais te graisser, te battre. Graisser les poches de quelqu’un : y mettre de l’argent. Graisser sa femme : allusion au graissage de l’essieu pour que la voiture roule mieux (Argot des souteneurs).
Rossignol, 1901 : Celui qui, enjouant, arrange les cartes de façon à avoir tout le jeu pour lui, fait de la graisse ; c’est un graisseur. On dit aussi faire du suif. Quand on dit à quelqu’un : J’te vas graisser, c’est lui dire : Je vais te flanquer des coups.
Graisser la marmite
Larchey, 1865 : Payer sa bienvenue.
À mon régiment, M’fallut graisser la marmite, Et j’n’ai plus d’argent.
(Vachelot, Chansons, 1855)
Rigaud, 1881 : Payer sa bienvenue, — dans le jargon des troupiers. — Battre sa maîtresse, — dans le jargon des souteneurs.
France, 1907 : Payer sa bienvenue.
Graisser la patte
Larchey, 1865 : Remettre une somme de la main à la main, corrompre.
Delvau, 1866 : v. a. Acheter la discrétion de quelqu’un, principalement des inférieurs, employés, concierges ou valets. On dit aussi graisser le marteau, — mais plus spécialement en parlant des concierges.
France, 1907 : Donner de l’argent à quelqu’un pour le gagner, le mettre dans ses intérêts. Cette expression remonte au moyen âge : on la trouve dans un fabliau du XIIIe siècle, mais elle doit dater de beaucoup plus haut, de l’époque où le clergé s arrogea le droit de percevoir la dîme sur le produit de la vente des chairs de porc. Afin de rendre les agents du clergé moins rigides, les marchands de cochons leur mettaient dans la main un morceau de lard qui, naturellement, la leur graissait. Mais le lard étant pièce à conviction compromettante, on le remplaça par de l’argent. C’était pour percevoir plus facilement cette redevance que la foire aux jambons se tint longtemps sur le parvis Notre-Dame.
Au diable même il faut graisser la patte.
(Béranger)
« – Au galop, cocher ! » Et celui-ci dont la patte avait été préalablement graissée, fouetta. Vingt-cinq minutes plus tard, ayant débarqué dans un lit inaccessible aux bêtes de proies ailées ou non, ils y roucoulaient, ces deux pigeons, à l’abri des loups et des renards, des milans et des buses de la race humaine.
(Léon Cladel, Tragi-comédies)
Le directeur de la colonie était alors un raté de la politique, qui, jadis au quartier Latin, avait bu d’innombrables bocks avec deux ou trois futurs ministres. Ils l’avaient plus tard placé là, comme dans une sinécure. Ce fruit sec était un peu fripon. Il se laissa graisser la patte par les soumissionnaires des travaux exécutés à la colonie, et aussi par les fournisseurs. Les enfants mangèrent de la carne, ce dont personne ne se soucia ; mais l’État fut par trop volé et finit par s’en émouvoir.
(François Coppée, Le Coupable)
L’expression graisser le marteau est plus récente. C’est donner de l’argent an portier d’une maison pour s’en faciliter l’entrée.
Racine, dans les Plaideurs, fait dire à Petit-Jean :
Ma foi ! j’étais un franc portier de comédie :
On avait beau heurter et m’ôter son chapeau,
On n’entrait point chez nous sans graisser le marteau,
Point d’argent, point de Suisse ; et ma porte était close.
Graisser le train
Rigaud, 1881 : Battre, donner des coups de pied au derrière. Mot à mot : graisser le train de derrière, — dans le jargon des voyous.
Graisser le train de derrière
France, 1907 : Donner un coup de pied dans le bas du dos.
Graisser le vagin (se)
Delvau, 1864 : Se faire baiser, s’oindre le con de sperme.
C’était ma femme au retour d’un voyage,
Et qui devait n’arriver que demain ;
Elle venait consoler mon veuvage,
Et pour cela se graissait le vagin.
(Anonyme)
Graisser les bottes
Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups à quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi : Faire des compliments à quelqu’un, le combler d’aise en nattant sa vanité.
Virmaître, 1894 : Mourir. L. L. Graisser les bottes : l’extrême-onction. Mot à mot : graisser les bottes pour le voyage lointain (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Flatter bassement.
France, 1907 : Se préparer au départ, allusion à la coutume de graisser les bottes pour en rendre le cuir plus souple, ce que nos pères ne manquaient jamais de faire avant de se mettre en route. Se dit aussi pour donner l’extrême-onction, le prêtre oignant d’un peu d’huile les pieds du moribond.
Un prêtre qui psalmodie quelques phrases banales, la prière commune, qui vous graisse les bottes ; un infirmier qui attend dans un coin que l’homme ait fini pour l’enlever aussitôt, car la place est promise. Un autre râle sur un brancard à la porte.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Quand la mort viendra graisser nos bottes pour le dernier voyage.
(Noëls bourguignons)
Graisser les roues
Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon du peuple. Quand on graisse les roues, ça accélère le mouvement… des ivrognes.
France, 1907 : Boire ; se dit de quelqu’un qui boit avant de se mettre en route.
Graisser sa punaise
Delvau, 1864 : Baiser sa maîtresse.
Je lui en veux : il a graissé ma punaise.
(A. Pothey)
Graisser ses bottes
Larchey, 1865 : Se préparer au départ, et au figuré : Être près de mourir.
Delvau, 1866 : v. a. Recevoir l’Extrême-Onction, être en état de faire le grand voyage d’où l’on ne revient jamais.
Rigaud, 1881 : Être à l’article de la mort. Mot à mot : graisser ses bottes pour accomplir le grand voyage.
La Rue, 1894 : Mourir.
Graisset
France, 1907 : Rainette verte.
Grammaire Benoiton
Delvau, 1866 : s. f. La grammaire de la langue verte, — dans l’argot des journalistes, qui ont voulu ainsi fixer le passage, dans la littérature française, de la pièce de M. Victorien Sardou, la Famille Benoiton (1865-66). On dit aussi le Dictionnaire Benoiton.
Grand
d’Hautel, 1808 : Grand de taille et petit de nom. Se dit par raillerie de celui qui n’a pour tout mérite qu’une grande stature, et dont la conduite est repréhensible et généralement méprisée.
Grand comme un chien assis. Se dit par raillerie d’un fort petit homme.
Mettre les petits plats dans les grands. Mettre tout en l’air pour bien recevoir quelqu’un, pour le bien traiter.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Roi.
Grand arroseur
Delvau, 1866 : s. m. Dieu, — dans l’argot du peuple, qui devrait pourtant savoir (depuis le temps !) comment se forment les nuages et la pluie.
Grand C
France, 1907 : Dans l’argot de l’École navale, le « grand C » est le chiffre algébrique correspondant au numéro matricule le plus élevé de la promotion et qui sert à établir le calendrier spécial du bord.
Matériellement, le « grand C » est représenté par un mannequin, antiréglementaire dans tous les détails de sa tenue, qu’on fait passer en jugement et que, finalement, on jette par-dessus bord avec — d’aucuns disent sans — 51 sous dans sa poche.
L’explication de ces 51 sous du « grand C » consiste dans la défense qui est faite aux pauvres « bordaches » d’avoir jamais plus de cinquante sous dans leur poche.
Le jour où le « grand C » devient « un homme à la mer », a lieu aussi « l’adoration du sextant », — un vieux sextant en bois baptisé du nom d’Antoine.
Telles sont les gaietés du bord, qui n’empêcheront pas nos « fistots » de devenir plus tard de brillants et savants officiers de marine et de vaillants défenseurs de la patrie.
Voir Bordache, Fistot.
Grand calot
France, 1907 : Même sens que gros légume, gros bonnet.
… Il eût pouffé si quelque somnambule extra-lucide lui avait prédit que son brevet lui servirait, un jour, à dresser des biques au pas espagnol, à être un vulgaire metteur en scène, à chauffer le prestige d’un grand calot qui la connaissait dans les coins, comme disent les troupiers.
(René Maizeroy, Le Genêt)
Grand chef
Rigaud, 1881 : Préfet de police, — dans le jargon des agents de police.
Allons ! allons ! le grand chef a parlé ; filez et plus vite que ça !
(L’Univers du 1er juillet 1880)
Grand coësre
La Rue, 1894 : Chef de bande.
Grand condé
Vidocq, 1837 : s. m. — Préfet.
Grand court-bouillon
Delvau, 1866 : s. m. La mer. On dit aussi la Grande tasse, — où tant de gens qui n’avaient pas soif ont bu leur dernier coup.
France, 1907 : La mer.
Grand dabe
Larchey, 1865 : Roi.
Mais grand dabe qui se fâche dit : Par mon caloquet.
(Vidocq)
Grand flanc (du)
M.D., 1844 : Parole d’honneur.
Grand frais
France, 1907 : Vent fort et régulier ; argot des marins.
Grand jeu (le)
Delvau, 1864 : Toutes les polissonneries qui sont la ressource des filles savantes pour faire jouir les débauchés usés.
J’veux que mes cinq sens soient satisfaits : c’est c’que j’appelle le grand jeu, moi ! Le toucher ? tu m’as branlé. L’odorat ? tu m’as fait une langue à l’absinthe. La vue ? j’ai contemplé ces ordures, et toi. Il ne ne manqué plus que les satisfactions de l’ouïe et du goût.
(Lemercier de Neuville)
Grand lumignon
Delvau, 1866 : s. m. Le soleil, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Le soleil.
Grand mec
France, 1907 : Président.
Grand meg (le)
M.D., 1844 : Un président.
Grand meg des meg (le)
M.D., 1844 : Dieu.
Grand meudon
Vidocq, 1837 : s. m. — Ancienne prison du Grand Châtelet.
Grand pied (être sur un)
France, 1907 : Mener un grand train de maison.
Au XIVe siècle, la chaussure d’un prince n’avait pas moins de deux pieds et demi de long, celle d’un baron deux pieds ; un chevalier n’avait droit qu’à un pied et demi et le soulier du bourgeois était réduit à un pied, c’est-à-dire à peu près la forme du sien. Les grands seigneurs, princes et barons et même les chevaliers étaient obligés, pour pouvoir marcher, de relever la pointe de leur chaussure au moyen d’une chaînette attachée au genou. Le soulier allait ainsi se rétrécissant peu à peu, bourré de foin dans la partie du soulier que le pied ne remplissait pas, ce qui sans doute a donné naissance à cet autre dicton : « avoir du foin dans ses bottes ». Ces chaussures étaient appelées à la poulaine, soit parce qu’elles se dressaient comme le cou d’une poule, soit parce qu’elles offraient quelque analogie avec la partie antérieure d’un vaisseau, nommé poulaine. C’est de cette ridicule coutume que vient l’expression être sur un grand pied dans le monde. Cette mode grotesque, comme la plupart des modes, vient, dit-on, d’une excroissance fort laide que le comte d’Anjou, Geoffroy Plantagenet, avait sur l’un de ses pieds, et c’est pour la dissimuler qu’il imagina les souliers à la poulaine. Comme c’était un grand seigneur, tout le monde eut à cœur de l’imiter.
Grand pré
Hayard, 1907 : Le bagne.
Grand pré (le)
Virmaître, 1894 : Bagne. Les voleurs, autrefois, appelaient ainsi Toulon et Brest ; depuis ils disent la Nouvelle (Argot des voleurs).
Grand ressort
Delvau, 1866 : s. m. La volonté, le cœur, — dans l’argot du peuple, qui sait quels rouages font mouvoir la machine-homme. Casser le grand ressort. Perdre l’énergie, le courage nécessaires pour se tirer des périls d’une situation, des ennuis d’une affaire, pour rompre une liaison mauvaise, etc., etc.
Virmaître, 1894 : Le cœur. C’est en effet le grand ressort de la vie. Quand un individu meurt on dit : le grand ressort est cassé (Argot du peuple).
France, 1907 : Le cœur.
Grand singe
Fustier, 1889 : Président de la République.
Grand soulasse
Bras-de-Fer, 1829 : Assassinat.
France, 1907 : Assassinat ; argot des chauffeurs.
— Eh bien ! père Cornu, ça marche-t-il ?
— Tout à la doucette.
— Que faites-vous maintenant ?
— Toujours le grand soulasse, toujours le grand soulasse.
— On fait ce qu’on peut.
— Chacun sa partie.
— Et vous ne craignez pas la passe ?
— Eh ! on ne la craint point, ma fine, quand n’y a plus de parrains (témoins).
— Vous êtes un malin, père Cornu.
— Peut-être bien qu’oui, peut-être bien que non.
(Marc Mario, Vidocq)
Grand tour
Delvau, 1866 : s. m. Résultat de la digestion, — dans l’argot des enfants et des grandes personnes timides.
France, 1907 : Euphémisme désignant l’accomplissement des nécessités résultant du travail de la digestion. Aller au grand tour, aller faire le grand tour. Pourquoi cette expression pour aller aux cabinets ? C’est qu’elle date de l’époque où de buen retiro n’existait pas. Il fallait, pour satisfaire ses légitimes besoins, aller au dehors, souvent fort loin, à la recherche
… d’un endroit écarté
Où de se mettre à l’aise on eût la liberté.
Il ne faut pas beaucoup s’éloigner de Paris et des grands centres pour être fort gêné par ce manque de confort. Il y a peu de temps, les villes du Midi ignoraient l’usage de ce que les Anglais appellent les water-closet, et encore maintenant ils sont inconnus dans les villages corses. C’est alors que parlons, pour se mettre à l’abri des regards, il faut faire le grand tour.
Elle souffrait, la nuit, la pauvre jeune femme,
Non pas d’un mal abstrait, d’un mal qui vient de l’âme
Ni d’un accès de nerfs, ni de peines d’amour,
Mais bien, tranchons le mot, d’une forte colique ;
Aussi se leva-t-elle en costume biblique
Pour aller faire le grand tour.
(Almanach anticlérical, 1880)
Grand trimar
Vidocq, 1837 : s. m. — Grand chemin. Terme des voleurs parisiens.
M.D., 1844 : Grand’ route.
Grand trimard
France, 1907 : Grande route.
Grand trottoir
France, 1907 : Haut répertoire ; argot comique.
Il fit tant et si bien que, grâce à la protection d’un sociétaire émérite qu’il avait souvent servi dans ses représentations de tournée en jouant à côté de lui, tout chef d’emploi qu’il était, mais dans une pensée d’avenir, les rôles les plus humbles du grand trottoir, il fut admis comme pensionnaire dans la troupe des comédies ordinaires de Sa Majesté.
(L. Couailbac, Le Sociétaire de la Comédie Française)
Grand trottoir (le)
Delvau, 1866 : Le répertoire classique, — dans l’argot des coulisses.
Grand Turc
Larchey, 1865 : Le Grand Turc et Le roi de Prusse jouissent d’un égal degré de la faveur d’être employés lorsqu’il s’agit d’une fin de non-recevoir.
Ma chère, il pense à toi comme au Grand Turc.
(Balzac)
À qui voulez-vous que je le dise donc ? au Grand Turc ?
(Murger)
Delvau, 1866 : s. m. Personnage imaginaire qui intervient fréquemment dans l’argot des bourgeois. S’en soucier comme du Grand Turc. Ne pas s’en soucier du tout. Travailler pour le Grand Turc. Travailler sans profit. Ce Grand Turc est un peu parent du roi de Prusse, auquel il est fait allusion si souvent.
Grand-beau
France, 1907 : Perle soufflée avec du cristal teint.
Grand-bonnet
Halbert, 1849 / France, 1907 : Évêque.
Grand-coesre
France, 1907 : Chef de bande ; c’était autrefois le roi des mendiants.
Grand-hôtel
France, 1907 : Prison de Saint-Lazare.
— Tous les forçats se disent innocents… Vous coupez là-dedans parce que vous êtes étranger… rassurez-vous ! demain je ferai venir ici cette femme qui vous a apitoyée… une fois entre les mains des hommes, il faudra qu’elle parle sinon un séjour d’une quinzaine au Grand-Hôtel, c’est ainsi que ces dames désignent Saint-Lazare, nous rendra la demoiselle souple comme un gant…
(Edmond Lepelletier)
Grand-mecque
Halbert, 1849 : Président.
Grand-meudon
France, 1907 : Officier de paix.
Grand-montant-tropical
France, 1907 : Pantalon de cheval.
Grand-papa
Rigaud, 1881 : Surnom donné par les élèves de l’École Polytechnique au général commandant l’École.
Grand-pré
France, 1907 : Le bagne.
Grande
France, 1907 : Les malfaiteurs désignent ainsi la grande Roquette.
— Ah ! malheur ! s’il se fût trouvé là ! il aurait refroidi l’homme qui mettait la main sur sa maîtresse ; du moins, s’il avait plié sous le nombre des assaillants, il aurait cogné assez fort pour se faire envoyer trois ou quatre mois à la Grande, et là, attendre la délivrance commune.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
On dit aussi : grande maison.
Grande (la)
La Rue, 1894 : La prison de la Roquette.
Hayard, 1907 : La grande Roquette.
Grande boutique
Delvau, 1866 : s. f. La préfecture de police, — dans l’argot des voleurs, qui voudraient bien dévaliser celle-là de ses sommiers judiciaires.
Grande boutique (la)
Halbert, 1849 : La préfecture.
Grande confrérie
Delvau, 1864 : Celle des cocus, qui est, en effet, la plus nombreuse.
Quand Joseph épousa Marie,
Le grand-prêtre lui dit : Mon vieux,
Te voilà de la confrérie
Des époux et des… bienheureux !
Que près du lit de ta poulette
Vienne un ange avec un moineau…
Et qu’il lui mette, mette, mette,
Mette le doigt dans cet anneau.
(Béranger)
Grande fille
Delvau, 1866 : s. f. Bouteille, — dans l’argot des ouvriers. Petite fille. Demi-bouteille.
France, 1907 : Bouteille.
— Viens souper avec moi… une demi-douzaine de grandes filles nous attendent.
— Une demi-douzaine ! se récria le bon curé… c’est trop. Une seule me suffit et encore il ne me la faut pas trop grande.
— Comment ! si sobre que ça ?
— Hé ! je me fais vieux. Je suis comme le saint roi David, qui, lorsqu’il avait cent ans épousa la petite Abigaïl.
— Ah ! ah ! ah ! fit le commandant, éclatant de rire. Je ne te parle pas de tendrons, vieux paillard. Mes grandes filles sont des bouteilles !
(Les Propos du Commandeur)
Grande main (avoir une)
France, 1907 : Être généreux,
Grande maison
France, 1907 : Grande Roquette.
Grande tire
Vidocq, 1837 : s. f. — Grande route. Terme des voleurs de campagne.
Grande vie (mener la)
France, 1907 : Mener la grande viee : être exagérément millionnaire ; trouver spirituel de conduire, pour de l’argent, des inconnus en mail-coach ; se piquer de donner le ton à la mode dont on est l’esclave ; porter des cols surprenants, des gilets sans rivaux, des gants inouïs ; saluer avec des mouvements secs qui font honneur à Vaucanson ; avoir des dettes dont les créanciers s’honorent, des maîtresses que des écuyers de cirque vous disputent, être idiot triomphalement et ne pas faire autre chose si ce n’est « faire courir » ; puis, de temps en temps, courir soi-même jusqu’à Monte-Carlo pour se reculer, voilà à peu près toutes les noblesses de la grande vie !
Grande-sorgue
Rossignol, 1901 : La mort.
Grandes capotes
Rossignol, 1901 : Soldats de la ligne, ainsi nommés par les Arabes.
Grandes lèvres
Delvau, 1864 : Orifice du vagin de la femme ; tentacules s’emparant de tout priape qui vient regarder à l’entrée et ne le rendant à la liberté qu’après en avoir exprimé toute la moelle.
Grandir
d’Hautel, 1808 : Il grandit, mais c’est en méchanceté. Se dit par plaisanterie d’un enfant qui est opiniâtre, espiègle, lutin, et qui fait peu de progrès en croissance.
Grandouls
France, 1907 : Oiseaux que vivent en troupes dans la plaine stérile de la Crau, en Provence, ainsi que dans les Landes, près des Pyrénées, sur des bords de la Méditerranée, en Espagne, dans le sud de l’Italie, en Sicile. Il est fort difficile de les approcher et ce n’est qu’à l’affût quand la sécheresse les oblige à se désaltérer au bord des étangs et des cours d’eau, que les chasseurs peuvent les atteindre.
Grâne
Clémens, 1840 : Fameux.
Grange (la)
Delvau, 1864 : Le con.
Un jour ma Jeannette
Me dit : Robinet
Ma grange est bien nette,
Mets-y ton boquet.
(Chansons folastres)
Grange et vanner dehors (battre en)
France, 1907 : Proverbe malthusien que devraient suivre les pères de famille nécessiteux.
Granitique
France, 1907 : Impérissable.
Granp dicime condé
M.D., 1844 : Le maire ou le préfet.
Graoudgem
France, 1907 : Charcutier ; argot des voleurs.
Faire un graoudgem à la dure, voler sur un étal de charcuterie.
Graoudjem
Rigaud, 1881 : Charcutier, — dans le jargon des voleurs. — C’est gras-double estropié et doté de la terminaison jem. — Faire un graoudjem à la dure, voler un charcutier, voler du saucisson.
Graoule
France, 1907 : Guêpe.
Graphiquer
France, 1907 : Exécuter un dessin graphique avec la règle et le compas ; argot des polytechniciens.
Graphomane
France, 1907 : Écrivassier. Individu qui sans talent, sans instruction, sans expérience, est poussé par la tarentule littéraire. Les nouvelles lois sur l’instruction ont encombré le pays d’une multitude de ratés, de déclassés et de graphomanes.
Comme tant de gens, sans état fixe, il rêve de cet état illusoire qui s’appelle la carrière des lettres. Il est ou se croit littérateur, ou plutôt sa manie d’écrire a un nom scientifique : il est graphomane.
Le graphomane pullule dans notre société, où la mêlée est si rude, les places à conquérir sont si rares. Le graphomane se croit du génie et mesure son œuvre à sa prétention. Il est fiévreux, nerveux, pressé, féroce. Il n’entend ni les conseils de la patience, ni ceux même du bon sens. Il a hâte d’arriver. De quel droit n’arrive-t-il pas ? Un tel est bien là, debout, devant lui, qui lui barre le chemin et qui n’a pas plus de droits que lui à la renommée et à la vie !
Mais cet homme qui est là a travaillé trente ans de suite pour occuper le pauvre coin qu’il a conquis, de par son labeur et son talent – aidés aussi d’un peu de chance, je le veux bien, car le don n’est rien souvent sans un sourire de la capricieuse fortune.
(Jules Claretie)
Graphophile
France, 1907 : Meuble Louis XVI à vingt-six tiroirs indiquant chacun une lettre de l’alphabet.
Grapignau
France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux procureurs ; de grappiner, arrêter.
Grapiller
d’Hautel, 1808 : Faire des petits larcins, amasser en dérobant quelque petite chose.
France, 1907 : Commettre de petits larcins, faire de petits profits illicites.
L’on gruge, l’on pille
La veuve et la fille,
Majeure ou pupille ;
Sur tout on grapille
Et Thémis va
Cahin-caha.
(Panard)
Grappe
d’Hautel, 1808 : Mordre à la grappe. Mordre à l’hameçon, se laisser duper, se laisser entrainer par des paroles artificieuses.
Grappin
Delvau, 1866 : s. m. Main, — dans l’argot du peuple. Poser le grappin sur quelqu’un. L’arrêter. Poser le grappin sur quelque chose. Le prendre.
France, 1907 : Main. Poser le grappin, saisir.
Grappiner
Delvau, 1866 : v. a. et n. Arrêter, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Cueillir.
France, 1907 : Arrêter.
Gras
d’Hautel, 1808 : Jeter ses choux bien gras. Être peu économe, mettre au rebut ce dont on pouvoit encore tirer parti.
Gras comme un moine. Parce que ces religieux sont ordinairement fort gras par le peu d’exercice qu’ils prennent.
Il mourra de gras fondu. Se dit d’un homme dont l’embonpoint est extraordinaire.
Faire ses choux gras. S’en donner à cœur joie ; puiser en eau trouble.
d’Hautel, 1808 : Quand on manie le beurre, on a les mains grasses. Signifie que, lorsqu’il passe beaucoup d’argent par les mains, il en reste toujours quelque chose. Le peuple dit par corruption, quand on magne le beurre, etc.
Delvau, 1866 : adj. Gaillard, grivois, et même obscène, — dans l’argot des bourgeois. Parler gras. Dire des choses destinées à effaroucher les oreilles.
Delvau, 1866 : s. m. Profit, — dans l’argot des faubouriens. Il y a gras. Il y a de l’argent à gagner. Il n’y a pas gras. Il n’y a rien à faire là-dedans.
Delvau, 1866 : s. m. Réprimande, correction, — dans l’argot des voyous. C’est le suif des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Semonce, réprimande, — dans le jargon des ouvriers. C’est un frère qu’on a donné au suif et au savon pris dans le même sens. Attraper un gras du contre-coup en aboulant à la boîte, recevoir des réprimandes du contre-maître en arrivant à l’atelier.
Boutmy, 1883 : s. m. Réprimande. Recevoir un gras. Recevoir des reproches de la part du patron, du prote ou du metteur en pages, pour un manquement quelconque. On dit encore dans le même sens savon et suif. L’analogie est visible entre cette dernière expression et gras. Les Allemands emploient un autre terme : Recevoir son hareng hæhring.
Fustier, 1889 : Latrines. (Richepin)
La Rue, 1894 : Argent. Latrines. Avoir son gras, être tué.
Rossignol, 1901 : Beaucoup. Voilà tout ce qui me revient sur mon mois d’appointements, il n’y a pas gras.
J’ai trouve un porte-monnaie où il y avait gras.
France, 1907 : Latrines.
France, 1907 : Profit. Il y a gras, il y a des bénéfices à faire. Il n’y a pas gras, synonyme de rien à fricoter.
— Eh bien ! papa, y a pas gras, ce soir : on a beau leur ouvrir les portières, ils ne vous donneraient seulement pas un rond.
(Maurice Donnay)
France, 1907 : Réprimande. Recevoir un gras, recevoir des reproches de la part du patron, du prote, ou du metteur en pages, pour un manquement quelconque. On dit encore, dans le même sens, savon et suif. L’analogie est visible entre cette dernière expression et gras. Les Allemands emploient un autre terme : « recevoir son hareng » (hœhring).
(Eug. Boutmy)
Gras (avoir son)
Rigaud, 1881 : Être tué. (L. Larchey)
France, 1907 : Être tué ; allusion au fusil gras.
Gras (il y a)
Larchey, 1865 : Voir Graisse, Train.
Faire tant d’embarras, Quand dans le gousset y n’i a pas gras.
(Metay, Chansons)
Rigaud, 1881 : Il y a de l’argent.
M. Vervelle présentait un diamant de mille écus à sa chemise. Fougères regarda Magus et dit : — Il y a gras !
(Balzac)
Virmaître, 1894 : Il y a beaucoup d’argent.
— Nous pouvons nettoyer le gonce, il y a gras dans sa cambrousse.
C’est de cette expression, gras, qu’est née celle de dégraisseur (le garçon de banque), pour exprimer qu’il enlève le gras (Argot des voleurs). N.
Gras (parler)
Larchey, 1865 : Tenir des propos grivois (1808, d’Hautel).
France, 1907 : Dire les choses crûment, au risque d’effaroucher les pudibonds, suivre le conseil de Victor Hugo :
Ô fils, ô frères, ô poètes,
Quand la chose est, dites le mot.
ou celui de Boileau :
J’appelle un chat un chat…
Il rit, chantonne, célèbre bruyamment les plaisirs qu’il sème : il a pour présenter chaque plat une aimable insistance qui trahit le mondain rompu aux politesses distinguées des réceptions, sauf que son parler est parfois gras, à la bonne franquette.
(Paul Pourot, Les Ventres)
Gras (recevoir un)
Rossignol, 1901 : Recevoir des reproches, des réprimandes.
Gras à lard
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme chargé d’embonpoint, — dans l’argot du peuple.
Gras d’huile
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux et de mépris, pour dire un mauvais épicier ; un épicier détaillant.
Gras. On dit d’un homme qui a fait beaucoup d’affaires, sans être parvenu à s’enrichir, qu’il a bien travaillé et qu’il n’en est pas plus gras pour cela.
Parler gras. Tenir des propos grivois, indécens, obscènes.
Gras double
Ansiaume, 1821 : Plomb.
J’ai fait vingt plombes de gras double, les veux-tu ?
Vidocq, 1837 : s. m. — Plomb.
Clémens, 1840 : Plomb.
Virmaître, 1894 : Plomb (Argot des voleurs). V. Limousinier.
Hayard, 1907 : Plomb.
Gras doublier
Vidocq, 1837 : s. m. — Plombier.
Gras-bœuf
Rigaud, 1881 : La soupe et le bœuf, l’ordinaire de l’École Polytechnique, — dans le jargon des élèves de cette école.
Gras-double
Larchey, 1865 : Feuille de plomb (Vidocq). — Allusion à la facilité avec laquelle on la roule. — Gras-doublier : Voleur de plomb. C’est sur les toits qu’il exerce ordinairement. V. Limousineur.
Delvau, 1866 : s. m. Gorge trop plantureuse, — dans l’argot des faubouriens. L’analogie, pour être assez exacte, n’est pas trop révérencieuse ; en tout cas elle est consacrée par une comédie de Desforges, connue de tout le monde, le Sourd ou l’Auberge pleine : « Je ne voudrais pas payer madame Legras — double ! » dit Dasnières en parlant de l’aubergiste, femme aux robustes appas. Castigat ridendo mores, le théâtre ! C’est pour cela que les plaisanteries obscènes nous viennent de lui.
Delvau, 1866 : s. m. Plomb volé et roulé, — par allusion à la ressemblance qu’il offre ainsi avec les tripes qu’on voit à la devanture des marchands d’abats. Les voleurs anglais, eux, disent moos, trouvant sans doute au plomb une ressemblance avec la mousse.
Rigaud, 1881 : Feuille de plomb, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Seins aussi vastes que fugitifs, — dans le jargon des voyous.
La Rue, 1894 : Plomb en feuille volé sur les toits. Le voleur l’enroule autour de lui.
Rossignol, 1901 : Plomb.
France, 1907 : Appas féminins volumineux et mous.
France, 1907 : Plomb volé et généralement roulé pour être emporté plus aisément. Les voleurs disent pour cette opération : ratisser du gras-double.
— Et quelle est la clientèle de l’établissement ?
— Il y a un peu de tout, des voleurs, des filles, des souteneurs, et même des honnêtes gens… Oh ! elle n’est pas ordinaire la clientèle au père Moule-à-Singe !…
— Un joli nom !… et quel est ce père Moule-à-Singe ?
— Un recéleur, marchand de gras-double principalement…
— Du gras-double ? Oh ! c’est une spécial de tripes à la mode de Caen… On en dit les Parisiens fort friands…
— Ça n’est pas cela du tout… Le gras-double, c’est le plomb qu’on arrache aux chéneaux et aux gouttières, les tuyaux qu’on brise, les boutons de porte qu’on scie, les ferrures qu’on détache… tout le métal de construction qu’on vole s’appelle du gras-double…
(Edmond Lepelletier)
Gras-double (déjeuner du)
Rigaud, 1881 : Déjeuner de charcuterie institué le vendredi-saint par les libres-penseurs, ou mieux panseurs, qui regrettent qu’il n’y ait pas de gras-triple, pour mieux protester.
Gras-doublier
Delvau, 1866 : s. m. Plombier, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Voleur de plomb.
France, 1907 : Plombier ; argot des voleurs.
Grashou
Rossignol, 1901 : Charcutier.
Grasse
Rigaud, 1881 : Coffre-fort, — dans le jargon des voleurs. Esquinter, estourbir la grasse, forcer un coffre-fort.
La Rue, 1894 : Coffre-fort.
France, 1907 : Coffre-fort, appelé ainsi par les voleurs parce qu’il contient la graisse, l’argent.
Grat
France, 1907 : Endroit d’une basse-cour où les poules ont gratté.
France, 1907 : Petit larcin, grattage. On dit plus communément gratte.
— Oh ! je ne veux pas grever ton budget, n’aie pas peur ! Mais rien ne t’empêcherait de me faire accorder une grat, en sus de mon avancement.
…
Effectivement, au 1er janvier suivant, M. de Massonge était nommé chevalier de la Légion d’honneur, et celle que la vertueuse Paula Stradelli qualifiait si aimablement de « femme de mauvaise vie » palpait mille balles, non pas de grat, il est vrai, mais d’indemnité, ce qui était tout comme, d’indemnité pour travail supplémentaire. Et quel travail ! Cinq colonnes d’additions, évaluées à raison de deux cents francs la colonne, évaluation tout à fait « raisonnable », comme on voit, besogne ingrate même ; c’était pour rien et donné, autant dire !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Grate
Rigaud, 1881 : Gratification obtenue pour travail supplémentaire, — dans le jargon des typographes.
Boutmy, 1883 : s. f. Abréviation de gratification. La journée des typographes, dans les ateliers de Paris, est de dix heures. Quand un ouvrage est pressé, le prote fait quelquefois travailler un ou plusieurs ouvriers en dehors des heures réglementaires ou les jours fériés. Ces heures supplémentaires donnent droit à une gratification que le Tarif fixe à 25 centimes par heure. C’est ce qu’on appelle la grate. Elle a été établie surtout en vue de provoquer le maître imprimeur à occuper le plus possible d’ouvriers. Il a, on le comprend, un moyen facile d’échapper à la gratification : c’est de mettre sur le même ouvrage un nombre d’hommes suffisant pour qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir recours aux heures supplémentaires. Tous le feraient assurément, si trop souvent l’espace ne leur manquait.
Fustier, 1889 : Le bénéfice accordé aux commis de nouveautés sur la vente de certains articles.
France, 1907 : Abréviation de gratification ; argot des typographes.
La journée des typographes, dans les ateliers de Paris, est de dix heures. Quand un ouvrage est pressé, le prote fait quelquefois travailler un ou plusieurs ouvriers en dehors des heures réglementaires ou des jours fériés. Ces heures supplémentaires donnent droit à une gratification que le tarif fixe à 0 fr. 25 par heure. C’est ce qu’on appelle la grate. Elle à été établie surtout en vue de provoquer le maître imprimeur à occuper le plus possible d’ouvriers. Il a, on le comprend, un moyen facile d’échapper à la gratification, c’est de mettre sur le même ouvrage un nombre d’hommes suffisant pour qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir recours aux heures supplémentaires.
(Eug. Boutmy)
Grate (donner une)
France, 1907 : Réprimander.
Grate, gratouille
La Rue, 1894 : Gale.
Grater les pavés
Bras-de-Fer, 1829 : Vivre dans la misère.
Gratias
d’Hautel, 1808 : Deo gratias les moines sont soûls. Se dit en plaisantant lorsque quelqu’un rote en compagnie.
Gratin
Fustier, 1889 : Le gratin, c’est dans l’argot boulevardier l’ensemble du monde élégant ou soi-disant tel.
Les échotiers mondains ont trouvé un mot assez pittoresque, mais par trop irrespectueusement culinaire, pour désigner ce que nos pères — non moins pittoresques, mais plus fleuris dans leur langage — appelaient le dessus du panier. Le mot des échotiers sus-mentionnés, c’est le gratin du gratin. Elles (les jolies femmes) essaiment comme des papillons. Plus de thés au coin du feu, plus de raoûts intimes où elles ne reçoivent que le gratin.
(Du Boisgobey, Le Billet rouge.)
De gratin, on a forgé le verbe gratiner, suivre la mode, être à la mode et l’adjectif gratinant, signifiant beau, joli, distingué.
La toquade pour l’instant, c’est la fête de Neuilly, c’est là qu’on gratine. Ce qui veut dire en français moins gommeux : c’est là que le caprice du chic amène tous les soirs hommes et femmes à la mode.
(Monde illustré, juillet 1882)
Grand raoût chez la comtesse S…, un des plus gatinants de la saison. Tout le faubourg y est convié.
(Figaro, mars 1884)
La Rue, 1894 : L’ensemble du monde à la mode.
Virmaître, 1894 : Il y a du gratin, il y a de quoi. Il est gratin : il est à la mode. Pour un homme du monde, on dit : C’est un homme du gratin. On traduit dans le peuple : personna grata par personne gratinée, du gratin. Les moutards préfèrent manger le gratin qui s’attache à la casserole, quand la mère prépare la bouillie du petit frère (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Le dessus du panier, la fine fleur, le choix du monde à la mode.
— Mais oui, une reine de la main gauche, comme la tendre La Vallière, comme la majestueuse Pompadour, comme la capricieuse Dubarry, comme la fringante Lola Montès, une reine exerçant un pouvoir absolu de par ses charmes, sa jeunesse et sa beauté une reine qui verra soupirer à ses pieds le Tout-Paris élégant, artistique et aristocratique, une reine qui fera dessécher et jaunir de jalousie tout le gratin des belles-petites et même le clan raffiné des demi-mondaines. Voulez-vous être cette reine ?
(Yveling Rambaud, Haine à mort)
Malgré le mauvais temps, il y avait foule hier dans l’allée de l’Impératrice, qui est demeurée le rendez-vous de tout le gratin. L’allée des Acacias est laissée aux petites gens et aux rastaquouérines cherchant fortune.
(Gil Blas)
S’emploie aussi comme adjectif :
Le bal donné, avant-hier soir, par Mme la comtesse de Pourtalès a été l’un des plus « gratin » de la saison.
Les artistiques salons de l’hôtel de la rue Tronchet contenaient le dessus du panier du grand monde parisien.
(Gaulois)
Gratin (du)
Rigaud, 1881 : Des coups, — dans le jargon du peuple.
Un grand sec, en bras de chemise, ouvre la porte, saute sur l’homme et lui fout un gratin à le tuer.
(La petite Lune, 1879)
Refiler un gratin, donner une gifle formidable.
Gratis
Delvau, 1866 : s. m. Crédit, — dans l’argot des marchands de vin.
Rigaud, 1881 : Crédit, — dans l’argot des marchands de vin. Pour eux, faire crédit, c’est, souvent, donner la marchandise gratis.
Gratis (faire)
France, 1907 : Emprunter.
Graton
France, 1907 : Rasoir.
Gratou
Vidocq, 1837 : s. m. — Rasoir.
Halbert, 1849 : Rasoir.
Delvau, 1866 : s. m. Rasoir, — dans l’argot des voleurs.
Gratouille
Delvau, 1866 : s. f. Gale, — dans le même argot [des voleurs].
Virmaître, 1894 : La gale (Argot du peuple). V. Charmante.
Hayard, 1907 : La gale.
France, 1907 : Gale.
Gratouiller
France, 1907 : Chatouiller.
Gratouse
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Dentelle.
Clémens, 1840 : Gale.
Halbert, 1849 : Dentelle.
Delvau, 1866 : s. f. Dentelle, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 : Dentelle, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Dentelle.
Gratousé
France, 1907 : Garni de dentelles.
Gratouze
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dentelle.
Gratte
Vidocq, 1837 : s. f. — Galle.
Larchey, 1865 : Abus de confiance.
Il y a de la gratte là-dessous.
(La Correctionnelle)
Delvau, 1866 : s. f. Dîme illicite prélevée sur une étoffe, — dans l’argot des couturières, qui en prélèvent tant et si fréquemment qu’elles arrivent à s’habiller de soie toute l’année sans dépenser un sou pour cela. C’est un vol non puni, mais très punissable. Les tailleurs ont le même mot pour désigner la même chose, — car eux aussi ont la conscience large.
Rigaud, 1881 : Excédant d’une marchandise confiée à un ouvrier à façon, et qu’il croit devoir s’approprier.
Rigaud, 1881 : Gale. — Avoir pincé la gratte, avoir attrapé la gale.
Rossignol, 1901 : Bénéfice. Faire danser l’anse du panier, c’est faire de la gratte. Lorsqu’un patron donne à un ouvrier la matière première pour confectionner douze objets, et que l’ouvrier en tire quatorze, s’il garde le surplus, il fait de la gratte. Aucun ne se doute que cela constitue un vol.
France, 1907 : Vol sur les étoffes confiées aux couturières et aux tailleurs.
Gratte (en faire)
Virmaître, 1894 : Chiper sa patronne en majorant les achats (Argot du peuple). V. Gratter.
Gratte (faire de la)
Hayard, 1907 : Bénéfice malhonnête.
Gratte (la)
Delvau, 1866 : La gale, — dans l’argot des faubouriens.
Hayard, 1907 : La gale.
Gratte-couenne
Halbert, 1849 : Perruquier.
Larchey, 1865 : Barbier. — Mot à mot : gratte-peau.
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Barbier.
Gratte-cu
d’Hautel, 1808 : Il n’y a point de si belle rose qui ne devienne gratte-cu. Pour dire que quel que belle que soit une femme, ses charmes ne sont point à l’abri de l’outrage des ans.
Ce proverbe est exprimé avec beaucoup de noblesse dans ces vers d’Horace :
Non semper idem floribus est honos
Vernis. . . . . . . . . .
Gratte-cul
Delvau, 1864 : Femme qui n’est plus bonne au service amoureux.
Dans c’ siècle-ci, plus d’un mauvais sujet
Change en gratte-cul la rose la plus belle.
(É. Debraux)
Delvau, 1866 : s. m. Femme qui a été jolie comme une rose et n’a rien conservé de sa fraîcheur et de son parfum, — dans l’argot du peuple, qui ne sait pas que.
Si la jeunesse est une fleur,
le souvenir en est l’odeur.
Virmaître, 1894 : Vieille femme repoussante, laide à faire peur.
— Elle est laide comme un cul gratté à deux mains (Argot du peuple).
France, 1907 : Ancienne jolie femme, appelée ainsi de la baie du rosier qui n’a plus rien de la rose.
Gratte-lard
France, 1907 : Parasite, flagorneur.
Gratte-paille
France, 1907 : Fauvette d’hiver.
Gratte-papier
Larchey, 1865 : Fourrier. — Allusion à ses fonctions de scribe. V. Rogneur.
Delvau, 1866 : s. m. Employé, clerc d’huissier, expéditionnaire etc., — tous les scribes enfin.
Merlin, 1888 : Fourrier.
Virmaître, 1894 : Employé aux écritures (Argot du peuple). V. Chieur d’encre.
France, 1907 : Employé aux écritures, bureaucrate, comptable. On dit aussi rond-de-cuir.
J’interrogeai Victor Considérant sur Fourier, sur son maître ; et il nous parla longuement — avec quelle enthousiaste admiration ! — de cet étrange philosophe, profondément déiste, qu’on trouva mort, à genoux devant son lit, dans l’attitude de la prière, mais qui n’espérait pas en une autre vie et qui voulait que l’humanité se créât son paradis ici-bas. Il nous donna surtout des détails sur les dernières années de Fourier, celles qu’il passa à Paris, perdu dans la foule quand il comptait déjà cependant plusieurs apôtres tout dévoués et tant de disciples fervents. Il nous conta, par le menu, la singulière existence de ce Franc-Comtois, fils d’un humble boutiquier, dont le premier écrit avait attiré l’attention du premier consul, mais qui, par goût de l’obscurité, ne répondit même pas au signe que lui faisait un homme de génie ; de ce petit teneur de livres, qui rêvait de changer la face du monde en enfilant ses manches de lustrine et méditait les lois d’une société nouvelle sans jamais commettre une erreur dans ses additions, — de ce prophète gratte-papier, de ce messie rond-de-cuir.
(François Coppée)
Il semble à Paul, dont le désespoir augmente, que le mauvais destin réussit à le façonner à l’image de ces idiots de gratte-papier entassés dans les bureaux, à côté desquels il se rendra demain, puis après, puis toujours ! Quelle perspective !
(Paul Pourot, Les Ventres)
Au fond, elle était enchantée de voir partir toutes ces filles de boutiquiers et de qratte-papier, qu’elle avait prises au rabais et qui, loin de se plaindre, auraient dû s’estimer très honorées de frayer avec si noble compagnie.
(Albert Cim, Institution de demoiselles)
Gratte-pavé
France, 1907 : Miséreux qui cherche sa vie sur le pavé, au hasard des rencontres et des trouvailles.
Gratte-poux
Rossignol, 1901 : Coiffeur.
Grattée
Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus. Se donner une grattée. Se battre à coups de poing.
Gratter
d’Hautel, 1808 : S’il n’a pas de quoi, qu’il en gratte. Se dit de celui à qui on refuse des secours ; que l’on éconduit impitoyablement.
Qui se sent galeux se gratte. Se dit de ceux qui prennent pour eux personnellement les reproches que l’on fait en général.
J’aimerois mieux gratter la terre. Sert à exprimer l’aversion que l’on a pour une chose.
Un âne gratte l’autre. Se dit deux personnes de peu de mérite qui se louent réciproquement. Asinus asinum fricat, dit Phèdre.
Gratter quelqu’un où cela lui démange. Lui parler d’une chose qu’elle prend plaisir à entendre, qui la flatte.
Trop gratter cuit, trop parler nuit. V. Cuire.
Vidocq, 1837 : v. a. — Arrêter.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Raser.
Larchey, 1865 : Arrêter (Vidocq). V. Raclette.
Larchey, 1865 : Voler.
Au diable la gloire ! il n’y a plus rien à gratter.
(M. Saint-Hilaire)
Delvau, 1866 : v. n. et a. Prélever un morceau plus ou moins considérable sur une pièce d’étoffe, — de façon à pouvoir trouver un gilet dans une redingote et un tablier dans une robe.
Rigaud, 1881 : Arrêter, — dans l’ancien argot. — Garder l’excédent d’une marchandise confiée pour un travail à façon. — Chiper, retirer un profit illicite. — Il n’y a rien a gratter dans cette baraque, il n’y a pas de bénéfices à faire dans cette maison.
La Rue, 1894 : Rouer de coups. Gratter le pavé, vivre misérablement.
Virmaître, 1894 : Battre quelqu’un.
— Je vais te gratter.
Gratter : prendre, grapiller sur tout pour grossir son lopin (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Donner des coups à quelqu’un, c’est le gratter.
Rossignol, 1901 : Prendre.
Je lui ai gratté son tabac.
Rossignol, 1901 : Raser.
J’ai la barbe longue, je vais me faire gratter.
France, 1907 : Brimade militaire dont le colonel Bouchy, dans l’affaire de Lunéville, donne ci-dessous l’explication :
Il est faux que ces deux hommes aient passé à la couverte, comme l’ont prétendu certains journaux. Ils ont subi des molestations, bien plutôt qu’ils n’ont reçu de coups.
On leur a fait la plaisanterie de leur faire des moustaches avec du cirage, de les « gratter », comme on dit au régiment, — c’est-à-dire de leur frotter le corps avec le manteau roulé à l’ordonnance ; — enfin, je crois que les soldats les ont renvoyés après leur avoir donné trois ou quatre coups de pied au derrière.
Gratter (se faire)
Hayard, 1907 : Se faire raser, se faire battre ; travailler.
Gratter (se)
Rossignol, 1901 : Ne rien recevoir est se gratter. — « Tu as pris tout le fricot, moi, je me gratte. » On dit aussi : je me tape.
Gratter à la corbeille
Rigaud, 1881 : Dans le jargon de la Bourse, c’est ne plus pouvoir jouer sur les fonds publics, parce qu’on est dans l’impossibilité de fournir une couverture (provisions) à l’agent de change.
Gratter au foyer
Rigaud, 1881 : En terme de théâtre, c’est, pour un auteur, attendre le tour de sa pièce ; pour un acteur, c’est attendre un rôle.
Gratter dans la main
Delvau, 1864 : Déclaration muette. Sorte de pantomime, qui se joue discrètement dans le monde des filles. — Qu’un homme désire une femme ou… vice-versa, il lui suffit, profitant de la poignée de main d’adieu, de gratter légèrement du médium la paume de la main qu’il presse. Si la réponse a lieu de la même manière, l’affaire est dans le sac, — demande et réponse affranchie.
Gratter du jambonneau
France, 1907 : Jouer du violon ou de la mandoline.
Nous connaissons un ambassadeur, formidable budgétivore, qui occupe ses loisirs que lui laisse sa grasse sinécure à gratter du jambonneau huit heures par jour.
Nous somm’s des virtuos’s très rares,
Tout ce qu’il y a de plus chouetto, chouetto,
Nous pinçons des airs de guitares
Et nous grattons du jambonneau, bonneau !
Faut pas nous croir’ dans la purée,
Nous sommes des chanteurs rupins ;
Notre mine est très distinguée,
Partout nous faisons des béguins.
(Bourgès)
Gratter la couenne (se faire)
Virmaître, 1894 : Se faire raser (Argot du peuple).
Gratter le pavé
France, 1907 : Vivre misérablement.
Gratter les pavés
Rigaud, 1881 : Vivre dans une grande misère.
Gratter son devant
Delvau, 1864 : Se masturber.
Si j’eusse pensé que ma fille eût été si vite en besogne, je lui eusse laissé gratter son devant jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans.
(Les Caquets de l’accouchée)
Grattez le russe
France, 1907 : On ajoute généralement : vous trouverez le cosaque ; grattez le cosaque, vous trouverez l’ours. Ce dicton peu flatteur indique qu’il ne faut pas se fier aux belles manières et aux séduisants dehors de la race slave, et qu’en dépit de son vernis de civilisation, il est resté le sauvage qu’il était au temps de Pierre le Grand.
Grattoir
Larchey, 1865 : Rasoir (Vidocq). — Il gratte l’épiderme. — Grattouse : Dentelle. — Elle gratte aussi légèrement la peau.
Delvau, 1866 : s. m. Rasoir, — dans l’argot du peuple. Se passer au grattoir. Se raser.
Rigaud, 1881 : Rasoir, — Passer au grattoir, se faire raser.
France, 1907 : Rasoir. Passer au grattoir, se faire raser.
Grattou (un)
M.D., 1844 : Un rasoir.
Grattouse
Vidocq, 1837 : s. f. — Dentelle.
Hayard, 1907 : La gale.
Gravelet, gravisset
France, 1907 : Grimpereau.
Gravelois
France, 1907 : Chêne à grappes.
Gravelures
Delvau, 1864 : Obscénités dites ou chantées, comme il s’en dit et chante — principalement dans les réunions bourgeoises, chez les gens honnêtes, devant les grands parents et les petites filles.
Si j’ n’ons point d’gravelures,
C’n’est point, sur notre honneur,
Par pudeur.
(Collé)
Graver
d’Hautel, 1808 : Gravé de petite vérole. Pour, marqué de petite vérole.
Graveur en cuir
Rigaud, 1881 : Savetier.
Graveur sur cuir
Delvau, 1866 : s. m. Cordonnier, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent le tranchet pour un burin.
France, 1907 : Cordonnier.
Gravonner
Delvau, 1864 : Patiner les testicules de l’homme pendant qu’il baise.
Afin que la femme pût lui toucher, mettre la main dessus, gravonner pendant le temps de la conjonction.
(Mililot)
Gravoter
d’Hautel, 1808 : Bousiller en gravure ; n’être pas habile dans l’art des Audrans et des Edelinck.
Great attraction
France, 1907 : Grade attraction. Encore un de ces anglicismes introduits sans raison dans notre langue, et qui ne sont qu’une superfétation inutile et grotesque.
Aussi est-elle d’une tartuferie des plus écœurantes. On ne s’imagine pas le langage doucereux et les manières pleines d’affabilité des teneuses de lupanar à l’égard de celle de leurs femmes qui est l’étoile, le great attraction de la maison. Ce sont des flatteries, des cajoleries dont il est impossible de se faire une idée.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Great event
France, 1907 : Grand événement. Même observation que ci-dessus.
— L’été venu, nous le faisons d’abord paraître sur un suburbain quelconque, où il n’achève même pas le parcours. L’avant-veille du great event, nous le retirons au dernier moment dans une course où nous l’avons engagé ; nous faisons imprimer dans les feuilles spéciales les échos les plus alarmants pour la santé du cheval… cassé les paturons à l’exercice, toux persistante et, enfin, quand arrive le grand pour, nous le ramassons à cent contre un, tant que nous voulons.
(Maurice Donnay, Les Affaires)
Grébiche, grébige
France, 1907 : Cette expression, dit Eugène Boutmy, usitée seulement dans quelques ateliers, au Moniteur universel, par exemple, désigne la ligne de pied qui contient le nom de l’imprimerie suivi ou précédé d’un numéro d’ordre ; innovation faite par un nommé Grébiche.
Grebige ou grebiche
Boutmy, 1883 : s. f. Cette expression, usitée seulement dans quelques ateliers, au Moniteur universel, par exemple, désigne la ligne de pied qui contient le nom d’imprimerie suivi ou précédé d’un numéro d’ordre ; c’est sans doute le nom même de celui qui fit cette petite innovation. Ex. ; PARIS, IMP. LAROUSSE. — 1872.
Grec
d’Hautel, 1808 : Être grec. Signifie être avare, être lâdre et chiche ; tenir de trop près à ses intérêts ; être égoïste, sans pitié pour les maux d’autrui.
C’est du grec pour lui. Se dit d’une personne ignorante, simple et bornée, pour laquelle les plus petites choses sont des montagnes.
Ce n’est pas un grand grec. Pour dire, c’est un ignorant ; un homme peu industrieux.
Vidocq, 1837 : s. m. — Les Grecs n’ont pas d’âge, il y a parmi eux de très-jeunes gens, des hommes mûrs, et des vieillards à cheveux blancs ; beaucoup d’entre eux ont été dupes avant de devenir fripons, et ceux-là sont les plus dangereux, ceux qu’il est moins facile de reconnaître, car ils ont conservé les manières et le langage des hommes du monde ; quant aux autres, quels que soient les titres qu’ils se donnent, et malgré le costume, et quelquefois les décorations dont ils se parent, il y a toujours dans leurs manières, dans leurs habitudes, quelque chose qui rappelle le baron de Vorsmpire ; souvent quelques liaisons dangereuses se glissent dans leurs discours, et quelquefois, quoiqu’ils se tiennent sur la défensive, ils emploient des expressions qui ne sont pas empruntées au vocabulaire de la bonne compagnie. Au reste, si les diagnostics propres à les faire reconnaître ne sont pas aussi faciles à saisir que ceux qui sont propres à diverses corporations de voleurs, ils n’en sont pas moins visibles, et il devient très-facile de les apercevoir si l’on veut bien suivre les Grecs dans le salon où sont placées les tables d’écarté.
Lorsqu’ils se disposent à jouer, ils choisissent d’abord la chaise la plus haute afin de dominer leur adversaire, pour, de cette manière, pouvoir travailler les cartes à leur aise ; lorsqu’ils donnent à couper, ils approchent toujours les cartes le plus près possible de la personne contre laquelle ils jouent, afin qu’elle ne remarque pas le pont qui a été fait.
Les Grecs qui travaillent avec des cartes bisautées, qu’ils savent adroitement substituer aux autres, les étendent devant eux sans affectation lorsqu’ils les relèvent ; ceux qui filent les cartes les prennent trois par trois, ou quatre par quatre, de manière cependant à ce que celles qu’ils connaissent et ne veulent pas donner à leur adversaire restent sous leur pouce jusqu’à ce qu’ils puissent ou les tourner, ou se les donner, suivant la manière dont le jeu se trouve préparé.
Ce n’est pas seulement dans les tripots que l’on rencontre des Grecs ; ces messieurs, qui ne gagneraient pas grand chose s’ils étaient forcés d’exercer leur industrie dans un cercle restreint, savent s’introduire dans toutes les réunions publiques ou particulières. Ils sont de toutes les fêtes, de tous les bals, de toutes les noces ; plusieurs ont été saisis in flagrante delicto dans des réunions très comme il faut, et cependant ils n’étaient connus ni du maître du salon dans lequel ils se trouvaient, ni d’aucuns des invités.
Les Grecs voyagent beaucoup, surtout durant la saison des eaux ; on en rencontre à Bade, à Bagnères, à Saint-Sauveur, au Mont-d’Or, ils ont, comme les francs-maçons, des signaux pour se reconnaître, et quand ils sont réunis plusieurs dans le même lieu, ils ne tardent pas à former une sainte-alliance et à s’entendre pour dévaliser tous ceux qui ne font pas partie de la ligue ; ils emploient alors toute l’industrie qu’ils possèdent, et ceux qui combattent contre eux ne tardent pas à succomber. Comment, en effet, résister à une telle réunion de capacités ? Lorsque les Grecs vous donnent des cartes, ils savent avant vous ce que vous avez dans la main ; dans le cas contraire, leur compère, qui a parié pour vous une très-petite somme, leur apprend au moyen des Serts (voir ce mot) tout ce qu’ils désirent savoir.
Delvau, 1866 : s. m. Filou, homme qui triche au jeu, — dans l’argot des ennemis des Hellènes. Le mot a une centaine d’années de bouteille.
Rigaud, 1881 : Tricheur. — Dans le jargon des cochers de fiacre, un grec est un bourgeois, un voyageur qui manque de générosité ou qui ne donne pas de pourboire. Il floue le cocher.
La Rue, 1894 : Tricheur au jeu.
France, 1907 : Filou, voleur au jeu.
Pourquoi toute une nation se trouve-t-elle apostrophée de la sorte et à quelle époque remonte l’origine du mot grec au sens filou ? Cela remonte très haut, car du temps de Plaute le Grec avait déjà piètre réputation, Græca fide mercori, dit-il dans son Asinaria, commercer comme avec des Grecs, c’est-à-dire argent comptant sans leur faire crédit. « Nous avons aussi, est-il relaté dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, dans les Epistolæ ad familiares de Cicéron (VII, 18, 1) : Græculo cautio chirographi mei, où il veut dire que sa signature valait de l’or en barre, faisant allusion à l’argent comptant qu’on exigeait des Grecs, auxquels on ne faisait jamais crédit. Voilà deux citations du IIe et du Ier siècle avant Jésus-Christ. On trouvera aussi dans Tertullien, IIIe siècle de notre ère : Revera enim quale est, græcatim depilari magis quam amiciri, qui fait voir que dans ce temps-là les Grecs plumaient déjà les oies.
Je puis ajouter que les habitants de l’île de Mytilène jouissaient d’une grande réputation pour la ruse et la finesse. On raconte que, jadis, quelques marchands juifs allaient à Mytilène, se proposant de s’y établir ; mais que, se promenant dans les bazars le matin après leur arrivée, en voyant les Mytiléniotes qui pesaient les œufs qu’ils achetaient pour voir s’ils valaient bien les quelques paras qu’ils les payaient : « Les affaires vont mal ici, dit un juif aux autres, filons. » Ils s’en allèrent, et même aujourd’hui il n’y a pas encore de juifs à Mytilène. »
Dans le Virgile travesti, Scarron dit au sujet du cheval de Troie :
Enfin donc dans la ville il entre
Le maudit Roussin au grand ventre,
Farcy de grecs dont les meilleurs
Étaient pour le moins des voleurs !
Aujourd’hui, comme l’écrivait Léon Gozlan, le grec est partout ; il y a le grec marquis, le grec de passage, le grec ancien colonel, le grec homme de lettres, le grec anglais ; il est peu probable senlement qu’il y ait des grecs grecs.
— Et ces voleurs au jeu que vous nommez des grecs, y en a-t-il beaucoup ?… Ici s’en trouve-t-il ?…
— Pas plus qu’ailleurs !… Le grec est du reste l’indispensable auxiliaire du directeur de cercle… S’il n’y avait pas de grecs dans un cercle, on en ferait venir, car sans eux la partie périrait…
— Ils doivent être connus, signalés, éconduits et évincés à la longue ?
— Bah ! on s’y fait… Les joueurs à qui l’on signale un grec vous regardent avec incrédulité et semblent vous dire : « Vous croyez ?… » Si vous insistez, ils vous demandent des preuves toujours difficiles à fournir… On vous parle de diffamation, alors vous vous taisez… Souvent même on vous prie de vous taire sur un ton qui n’admet pas de réplique… c’est que l’on craint que vous n’empêchiez la partie… que vous ne troubliez le jeu… à moins d’une très grande maladresse des grecs et philosophes qui se contentent de n’opérer qu’à des intervalles raisonnables et seulement lorsqu’il y a un coup…
(Edmond Lepelletier)
Car le grec est rapace
(J’entends grec, un filou),
C’est une triste race
Qu’on rencontre partout.
(Alfred Marquiset)
Grec de Saint-Gilles
France, 1907 : C’est ainsi que les Anglais appellent plaisamment leur argot, leur « slang ». Saint-Gilles est un des quartiers les plus pauvres de Londres, où la misère s’étale dans toute sa hideur. Elle a comme partout pour compagnes l’ivrognerie et la débauche, car c’est un des quartiers qui comptent le plus grand nombre de cabarets et de bouges. Il est enclavé entre Leicester Square, Soho Square et Oxford Street.
Pourquoi les littérateurs français ne feraient-ils pas ce que n’ont pas craint de faire les littérateurs anglais, Ben Johnson, Fletcher, Beaumont et autres dramaturges du cycle shakespearien, qui parlaient si correctement le grec de Saint-Gilles ? Grec de Saint-Gilles ou langue verte, c’est tout un, et pendant que j’y suis, pourquoi donc oublierais-je Richard Brome, John Webster, Thomas Moore et Bulwer qui ont bravement emplové le slang : le premier dans A jovial Crew, or the Merry Beggars, le second dans The white Devil, or Vittoria Corombona, le troisième dans Tom Crib’s Memorial to Congress, et le dernier dans son roman de Paul Clifford ?
(Alfred Delvau)
Grèce (la)
Rigaud, 1881 : Classification des tricheurs, art de tricher. — Tomber dans la Grèce, devenir tricheur après avoir été dupe au jeu.
France, 1907 : Le monde des escrocs qui hantent les tables de jeu.
C’est des hôtels de Gesvres et de Soissons, restés fameux dans les annales du jeu, que date en quelque sorte la vaste corporation des grecs, car ils trouvèrent dans ces deux maisons une espèce de champ d’exploitation où tous les joueurs de France se donnaient rendez-vous.
Tous les malhonnêtes gens de Paris, dit Hogier-Grison, s’y rencontrèrent, s’y connurent et s’y formèrent en une sorte de vaste corporation… Il y eut des écoles de duperie ; des professeurs apprirent à tromper ; on enseigna par règles à être fripon. On institua jusqu’à des cours de tenue, de maintien, de lecture, d’écriture, de diction, etc., qui furent très suivis.
Malgré la misère qui pesait alors sur la France, on jouait d’une façon scandaleuse.
On venait à Paris rien que pour jouer, comme on va aujourd’hui à Monte-Carlo… on y jouait le même jeu.
En effet, les hôtels de Gesvres et de Soissons ne se recommandent pas seulement à la vénération de la postérité par le concours qu’ils prêtèrent aux grecs, ils se sont encore assuré l’admiration des générations futures en créant la Roulette…
Des ordonnances royales prescrivirent la fermeture des hôtels de Gesvres et de Soissons et interdirent les jeux de hasard.
Il était trop tard ; la Grèce était constituée, fondée, organisée et elle devait subsister.
(Le Monde où l’on triche)
Grécer, graisser
Rigaud, 1881 : Tricher. Être grécé, être volé au jeu.
Grèces
France, 1907 : « Filous s’entendant pour offrir à leur dupe un bénéfice considérable sur le change des pièces d’or étrangères auxquelles ils substituent, au dernier moment, des pièces fausses. »
(Lorédan Larchey)
Grécité
d’Hautel, 1808 : Villenie ; intérêt vil et bas, avarice sordide.
Grecque
Rigaud, 1881 : La femelle du grec.
Il y a également à Paris beaucoup de grecques qui fréquentent certains tripots clandestins.
(L. Paillet)
Grecque (vol à la)
La Rue, 1894 : Il consiste à offrir un gros bénéfice pour change de monnaie, de l’or contre de l’argent, par exemple. Au cours de l’opération, on substitue du plomb au rouleau d’or.
France, 1907 : « Il consiste à offrir un gros bénéfice pour change de monnaie, de l’or contre de l’argent, par exemple. Au cours de l’opération, on substitue du plomb au rouleau d’or. »
(Jean La Rue)
Grecquer
Fustier, 1889 : Tricher au jeu. Se faire grecquer, se faire voler au jeu.
J’ai rencontré mon vieux camarade Mavernot qui venait de se faire grecquer dans un tripot clandestin.
(Gil Blas, juillet 1884)
Grecquerie
Delvau, 1866 : s. f. Tricherie, art ou science des grecs. Le mot a été créé par Robert Houdin.
Grecs
Rossignol, 1901 : Individus qui ne vivent que d’escroqueries aux jeux de cartes, soit dans les cercles soit aux villes d’eaux.
Gredin
d’Hautel, 1808 : Nom injurieux qu’on donne à un homme sans foi, sans probité ; à un vagabond, à un vaurien.
On dit aussi gredine, en parlant d’une femme de mœurs déréglées.
Gréer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’habiller, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.
Greffe
d’Hautel, 1808 : Tout cela est passé dans son greffe. Se dit lorsqu’un homme retient injustement le salaire d’un autre pour en faire son profit.
Il a pris cela dans son greffe. Signifie, il a inventé, il a forgé ce qu’il débite.
Greffer
Halbert, 1849 : Manquer de nourriture.
Delvau, 1866 : v. n. Mourir de faim, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Souffrir de la faim.
Virmaître, 1894 : Attendre (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Jeûner faute d’argent.
Hayard, 1907 : Ne pas manger.
France, 1907 : Attendre ; argot des voleurs.
France, 1907 : Être dans la misère, avoir faim.
Toute la bande était devenue grave.
Une affaire était donc en train ? Elle devait être bonne, à en croire le ton de Nib. Tant mieux ! Il y avait si longtempe qu’on ne faisait que des vols à la mie de pain… on allait donc enfin se refaire de dèche et ne plus greffer.
(Ed. Lepelletier)
Greffer un tendron
Delvau, 1864 : Prendre une jeune fille pour un arbre, la grimper et lui faire un enfant.
Lorsque la charmille pousse,
D’une main légère et douce
Je lui donne une façon
Souvent je plante et je sème,
Mais, mon plaisir est extrême,
Lorsque je greffe un tendron.
(Vieille chanson anonyme)
Greffier
d’Hautel, 1808 : Il est comme le greffier de Vaugirard, il ne peut écrire quand on le regarde.
Ce proverbe vient de ce que le greffier de Vaugirard tenoit son gref dans un lieu obscur, qui n’étoit éclairé que par un œil de bœuf, de sorte qu’on ne pouvoit le regarder sans lui intercepter tout le jour.
Ansiaume, 1821 : Chat.
Ébobi ce greffier-là, nous le sauterons dans une bassine.
un détenu, 1846 / Halbert, 1849 : Chat.
Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des faubouriens, qui n’aiment pas les gens à robe noire, et emploient à dessein ce mot à double compartiment où l’on sent la griffe.
Virmaître, 1894 : Chat (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chat.
France, 1907 : Chat ; corruption de griffier.
C’est la dabuche Michelon
Qu’a pomaqué son greffier
Qui jacte par la venterne
Qui le lui refilera.
Le dabe Lustucru
Lui dit : Dabuch’ Mich’ton,
Votre greffier n’est pas pomaqué ;
Il est dans le roulon
Qui fait la chasse aux tretons,
Avec un bagaffre de fertange
Et un fauchon de satou.
(Chanson argotique de la Mère Michel, citée par V. Michel)
anon., 1907 : Chat.
Greffier, griffard
Rigaud, 1881 : Chat, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Chat.
Greffier, griffon
Larchey, 1865 : Chat. — Mot à mot : qui griffe.
Greffiers (les)
Merlin, 1888 : Les fantassins, — par allusion à la cartouchière comparée à la sacoche en cuir que portaient autrefois tous les hommes de justice et de plume et qui renfermait ce qu’il faut pour écrire.
Greffir
anon., 1827 : Dérober finement.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler adroitement, escamoter.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Dérober finement.
France, 1907 : Dérober avec promptitude et adresse, comme le chat.
Greffir, griffer
Rigaud, 1881 : Dérober adroitement, comme fait le chat.
Grègue
d’Hautel, 1808 : Espèce de haut-de-chausses.
Il a mis de l’argent dans ses grègues. Pour, il s’est bien enrichi.
Tirer ses grègues. Pour dire, s’enfuir. Voyez Guêtres.
Il en a dans les grègues. Se dit en parlant d’un homme qui a éprouvé quelque perte ou quelqu’accident fâcheux. ACAD.
Grêle
Larchey, 1865 : Tapage (Bailly) — Allusion au bruit de la grêle.
Delvau, 1866 : s. f. Petite vérole, — dans l’argot du peuple. On dit d’un homme dont le visage porte des traces de virus variolique : Il a grêlé sur lui.
Delvau, 1866 : s. m. Patron, maître, — dans l’argot des tailleurs. Le grêle d’en haut. Dieu. Grélesse. Patronne.
Rigaud, 1881 : Marques de petite vérole. — Ne s’être pas fait assurer contre la grêle, être marqué de la petite vérole.
La Rue, 1894 : Patron, dans l’argot des tailleurs.
Virmaître, 1894 : Patron. Il tombe souvent sur le dos des ouvriers comme la grêle sur les vignes.
— Attention, gare la grêle.
Signal pour prévenir les camarades (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Patron ; argot des tailleurs.
— Ils ne nous exploiteront plus, ces grêles.
(G. Macé, Un Joli Monde)
France, 1907 : Petite vérole. Ne s’être pas assuré contre la grêle, ne s’être pas fait vacciner.
France, 1907 : Tapage, bagarre.
— Il va y avoir de la grêle, c’est un raille.
(Eugène Sue, Les Mystères de Paris)
Grêle (de la)
Halbert, 1849 : Du tapage.
Grêle, grelesse
Rigaud, 1881 : Patron, patronne d’une petite maison de tailleur, — dans le jargon des tailleurs. — Grelasson, patron d’une maison de dernier ordre.
Grêler le persil
France, 1907 : Exercer son pouvoir, son ressentissement, faire peser sa colère contre des personnes méprisables ou bien au-dessous de vous par l’intelligence, l’éducation.
Grêler sur le persil
France, 1907 : Frapper des êtres inoffensifs et faibles.
Cette fois la doyenne intervint, mais pour s’en prendre bravement à Mlle Giresse, grêler, comme on dit, sur le persil.
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Grêlesse
France, 1907 : Maîtresse d’un établissement de confection.
Grelet
France, 1907 : Marteau de maçon.
Grelette
France, 1907 : Petite lime.
Grelot
Delvau, 1866 : s. m. La voix humaine, — dans l’argot des faubouriens. Faire entendre son grelot. Parler.
Rigaud, 1881 : Langue bien affilée. — Beau parleur dans les réunions publiques.
Virmaître, 1894 : La voix (Argot du peuple). V. Affaler son grelot.
Rossignol, 1901 : La parole. Celui qui parle beaucoup a le grelot bien attaché. On dit aussi : Il fait claquer son fouet.
France, 1907 : Blagueur.
France, 1907 : La voix. Affaler son grelot, se taire ; faire péter son grelot, parler.
Grelot (faire péter son)
Rigaud, 1881 : Parler. Autrefois, c’était « faire péter la goule » (la gueule).
Car avant que le jour s’écoule
Nous en ferons péler la goule
Peut-être à monsieur l’avocat.
(Poisson, Zig-Zag)
Grelot (mettre une sourdine à son)
Rigaud, 1881 : Se taire.
Grelottage
France, 1907 : Le dessus du panier de cancrerie boulevardière ; le monde des petits imbéciles dont l’art de mettre sa cravate est une des importantes préoccupations.
… S’imaginer qu’une jeune et jolie femme qui avait sa loge à toutes les premières et que toute la gomme et tout le grelottage parisien accompagnaient à la sortie des coulisses, allait se laisser séquestrer dans une maison située à Poitiers où tout le monde est couché à 9 heures du soir et où une femme qui se mettrait à la fenêtre pour respirer un peu serait arrêtée pour outrage aux mœurs ?
(Grimsel, Gil Blas)
Grelotter
d’Hautel, 1808 : Et vulgairement gueurlotter ; avoir le frisson ; trembler de froid.
Grelotteux
France, 1907 : Pauvre diable, misérable, qui grelotte sous le froid.
Il suffirait d’ouvrir tous les vastes locaux inoccupés dont la Ville de Paris dispose, le Palais des Machines, le Palais de l’Industrie, pour que tous les grelotteux de la capitale puissent venir s’y chauffer, autour de braseros dont l’alimentation ne coûterait pas cher. Les bicyclistes iraient faire leurs records ailleurs ; ils ont tout l’été et les belles routes de France pour manger des kilomètres.
(Mentor, Le Journal)
France, 1907 : Petit crétin qui suit les modes.
Un grelotteux en habit ronge et en culotte veut entrer au foyer ; l’huissier s’y oppose :
— Les déguisés, dit-il, ne peuvent pénétrer avant 4 heures.
La femme qui nous conte l’anecdote et connaît son monde ajoute dans un style relevé :
— Le grelotteux en était comme une tomate !
(Gil Blas)
Grelotteux, grelotteuse
Fustier, 1889 : Homme, femme à la mode. Le grelotteux et sa compagne la grelotteuse ont succédé en 1884 au gommeux et à la gommeuse. Et maintenant pourquoi grelotteux ? Sans doute parce que le plus souvent, épuisés par les orgies, énervés par la vie qu’ils mènent, grelotteux et grelotteuses n’ont plus qu’un sang appauvri, une santé délabrée qui les font trembler à la moindre intempérie.
On rencontre des grelotteux (c’est, je crois, le dernier terme en usage) avec l’habit noir et la cravate blanche chez Bidel…
(Moniteur universel, juillet 1884)
La baraque à Marseille (un lutteur) continue à être chaque soir le rendez-vous du gratin de nos horizontales et de nos grelotteuses.
(Écho de Paris, juillet 1884)
Aujourd’hui le dubman est remplacé par le grelotteux qui dîne au bouillon Duval.
(Gil Blas, octobre 1885.)
Grelu
Vidocq, 1837 : s. m. — Blé.
Delvau, 1866 : s. m. Blé, — dans l’argot des voleurs, qui font sans doute allusion à la gracilité de cette graminée.
Grelu, grenu
France, 1907 : Blé.
Greluchon
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; nom que l’on donne à un homme qui se laisse entretenir par une femme qui a plusieurs amans.
Delvau, 1864 : Homme qui tient le milieu entre l’amant de cœur et le monsieur, entre celui qui paie et celui qui est payé.
Delvau, 1866 : s. m. Amant de cœur, — dans l’argot des gens de lettres qui ont lu le Colporteur de Chevrier, et connaissent un peu les mœurs parisiennes du XVIIIe siècle.
Rigaud, 1881 : Jeune niais, oisif ne s’occupant que de toilette et de plaisirs (1855).
Ces créatures attirent nécessairement une nuée de jeunes lions, de greluchons aimables, etc.
(Paris-Faublas)
Autrefois greluchon avait le sens de souteneur, jeune souteneur.
France, 1907 : Amant de cœur d’une fille publique ou d’une femme entretenue par un autre. De grelu, pauvre. Les femmes invoquaient jadis un saint Greluchon pour devenir fécondes, et lui brûlaient des cierges.
On dit à tort guerluchon.
Mon aimable moitié m’aimoit très tendrement,
Et me garda deux mois la foi fidèlement,
Ensuite, me planta fort proprement des cornes :
Sitôt que je le sçus, ma fureur fut sans bornes,
Je voulus la tuer, elle et son greluchon ;
Il n’étoit plus, ma foi, de charmante Michon.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
D’une résurrection de plaisir, elle titilla des paupières, la lèvre moins sèche, la langue, hors des dents, retroussée. Mais, à la fois, tant de subtile expérience n’était pas sans lui causer quelque alarme ; il fallait qu’il lui parût bien homme du monde, pour qu’elle ne le soupçonnât point greluchon.
(Catulle Mendès, Gog)
Je ne sommes pas de ces grisettes
Qu’avont quantité d’amourettes,
Ni de ces donzelles à bichons
Qui soutenont des greluchons !
(Vadé, Le Déjeuner de la Râpée)
Là, chaque soir, accourent tout guillerets les Lovelaces de la garnison et les greluchons des casernes, moustache cirée, cœur en croc, képi sur l’oreille, jasmin dans le mouchoir, poing sur la hanche et l’œil en coulisse.
(Hector France, L’Homme qui tue)
Greluchonner
Delvau, 1864 : Synonyme de Paillassonner. Appliqué à un homme, signifierait : faire le greluchon. — Ce verbe s’applique plus logiquement à une femme galante, qui, lorsqu’elle ne travaille pas avec le miché sérieux, s’amuse avec un ami : elle greluchonne.
Delvau, 1866 : v. n. Se conduire en greluchon, comme se conduisent beaucoup de jeunes gens à qui leur famille a coupé les vivres et qui font de petits articles de petite littérature dans de petits journaux.
Rigaud, 1881 : Faire le métier de greluchon.
France, 1907 : Se conduire en greluchon.
Gremillet
France, 1907 : Myosotis.
Grenache
France, 1907 : Raisin noir à gros grains. On l’appelait autrefois garnache, de l’espagnol garnacha, sorte de raisin qui donne en Aragon d’excellent vin, d’où, en français, vin de grenache. C’est surtout des environs de Carpentras que nous arrive ce vin.
« C’est vin grec et vin de garnache », dit un vieux fabliau.
Grenadier
Larchey, 1865 : Pou. V. Négresse.
Delvau, 1866 : s. m. Pediculus, — dans l’argot des enfants, dont les mères assurent que c’est « la santé », et qui tous pourraient servir de modèles au fameux tableau de Murillo.
Rigaud, 1881 : Pou de forte taille.
La Rue, 1894 : Pou.
Virmaître, 1894 : Pou énorme. Allusion à l’expression populaire qui dit d’un enfant pouilleux : il a une rude garnison. Grenadier : pou d’élite. (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Pou.
France, 1907 : Pou, appelé ainsi à cause du mot garnison appliqué à une tête pouilleuse. Cet enfant a de la garnison.
Dans les villages et les faubourgs arriérés des grandes villes, il ne manque pas de femmes, ignorantes autant que malpropres, qui prétendent que des grenadiers sur la tête d’un enfant entretiennent la santé !
Grenadier (tirer au)
Merlin, 1888 : Découcher.
Grenadiers (tirer aux)
Larchey, 1865 : Voir tirer.
Grenadille
France, 1907 : Passiflore ou fleur de la passion.
Grenafe
Delvau, 1866 : s. f. Grange, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Grange. Les mendiants qui voyagent couchent dans les grenafes. Cela vient de ce que la grange abrite les grenailles (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Grange.
Grenafe, grenasse
France, 1907 : Grange.
Grenasse
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Grange.
Vidocq, 1837 : s. f. — Grange.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Grange.
Larchey, 1865 : Grenier. — Grenu : Blé. — Grenuche : Avoine. — Grenuse : Farine (Vidocq). — Tous ces mots dérivent de grain, comme les mots usuels de grenier, grenaille, etc. Le choix des désinences est remarquable par une sorte d’harmonie imitative. Grenuche indique bien les petites aspérités de l’avoine, et grenuse fait sentir la douceur de la farine.
Rigaud, 1881 : Grange, — dans l’ancien argot.
Grenassier
France, 1907 : Fermier.
Grenier
d’Hautel, 1808 : Un grenier à coups de poing. On appelle ainsi un enfant que l’on maltraite, que l’on frappe continuellement, et dont on fait un véritable martyr.
Il va de la cave au grenier. Au propre, se dit d’un enfant qui écrit de travers ; au figuré, d’une personne qui a l’humeur bizarre, inégale, qui est d’un fort mauvais caractère.
Grenier à coups de poing
Delvau, 1866 : s. m. Femme d’ivrogne, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Femme d’ivrogne.
Grenier à coups de sabre
Delvau, 1866 : s. m. Fille à soldats.
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Fille à soldats.
Grenier à lentilles
Delvau, 1866 : s. m. Homme dont le visage est marqué de la petite vérole.
Rigaud, 1881 : Visage marqué de petite vérole.
France, 1907 : Personne marquée par la petite vérole.
Grenier à sel
Delvau, 1866 : s. m. La tête, siège de l’esprit.
France, 1907 : La tête.
Grenipiller
France, 1907 : Vivre de maraudes, de petites rapines commises dans les campagnes, à l’instar des bohémiens.
Grenipille mal famée
Tout son soûl grenipilla.
Subit tout ce qu’il y a
D’angoisse à vivre affamée,
De guenilles s’habilla,
S’endormit sous la ramée,
Sous la bise s’éveilla.
Et, quand même, pareille à
La fleur la mieux renfermée,
Tout le monde émerveilla
D’un teint de camélia.
Grenipille mal famée
Tout son soûl grenipilla.
(Jean Richepin)
C’est guernipiller que doit s’orthographier ce mot qui vient du normand guerne, poule, et de piller. Le guernipille est donc un maraudeur, voleur de poulailler, ou de guernillier. Voir ce mot.
Grenoble (conduite de)
France, 1907 : Reconduire quelqu’un à coups de pieds, ou à coups de bâton.
Il y a trois siècles à peu près, le maréchal de Lesdiguières commandait dans le Dauphiné. Un jour, les Savoyards, en guerre avec nous, voulurent surprendre Grenoble. Ils partirent donc, munis d’échelles, pour donner l’escalade, mais le froid arriva, horrible, et les malheureux, tout transis, se traînèrent sur les routes pour rentrer dans leur pays. Les Dauphinois voulurent leur courir sus : mais, émus de pitié, ils se contentèrent d’accélérer leur marche par quelques coups de trique, au lieu de les frapper de l’épée.
Plus récemment, sous Louis-Philippe, le 35e régiment de ligne qui était en garnison à Grenoble, s’étant pris de querelle avec les jeunes gens de la ville, fut chassé à coups de pierres et de triques et le gouvernement fut obligé, à la suite de cette nouvelle conduite de Grenoble, de changer le régiment de résidence.
Grenouillage
France, 1907 : Vol de caissier.
Grenouillard
Delvau, 1866 : s. m. Buveur d’eau.
Rigaud, 1881 : Grand amateur de bains froids.
À Paris, durant tout l’été, le grenouillard se voit dans les écoles de natation.
(Ph. Audebrand)
France, 1907 : Buveur d’eau.
Grenouille
d’Hautel, 1808 : C’est un bon enfant, il n’est pas cause si les grenouilles manquent de queue. Se dit ironiquement pour exprimer qu’un homme est simple et très-borné ; qu’il n’entend malice en rien.
Grenouille. Apostrophe injurieuse que l’on adresse à une femme perdue de mœurs et de réputation.
Larchey, 1865 : Caisse, trésor.
Il tenait la grenouille.
(Vidal, 1833)
Delvau, 1866 : s. f. Femme, — dans l’argot des faubouriens, qui emploient cette expression injurieuse, probablement à cause du ramage assourdissant que font les femmes en échangeant des caquets.
Delvau, 1866 : s. f. Prêt de la compagnie, — dans l’argot des troupiers. Manger la grenouille. Dissiper le prêt de la compagnie. S’emploie aussi, dans l’argot du peuple, pour signifier : Dépenser l’argent d’une société, en dissiper la caisse.
Rigaud, 1881 : Femme stupide et bavarde, — dans le jargon du peuple.
Des propres à rien Qui ne savent faire que courir la grenouille.
(Le Sans-Culotte, 1879)
Rigaud, 1881 : Somme d’argent d’une certaine importance. — Manger la grenouille, dépenser l’argent confié, soustraire un dépôt d’argent. On a tant mangé de grenouilles, il y a tant eu de mangeurs de grenouilles depuis une vingtaine d’années, que l’expression, toute militaire, d’abord, s’est généralisée. Elle s’applique à tous ceux qui s’approprient un dépôt, et principalement aux caissiers infidèles.
La Rue, 1894 : La caisse. Prostituée vulgaire, coureuse de bals publics. Grenouillage, vol de caissier. Manger la grenouille, voler la caisse.
Virmaître, 1894 : Femme de rien (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Femme.
France, 1907 : Caisse. Manger la grenouille, voler la caisse.
France, 1907 : Fille à soldats. Elle est très souvent atteinte de la maladie diagnostiquée par Alphonse Allais : crapulite vadrouilliforme et pochardoïde. On l’appelle aussi, dans le langage du troupier, limace, bonne de quartier, balai de caserne, paillasse de corps de garde.
Grenouille (manger la)
Merlin, 1888 : Enlever la fin. caisse ; dissiper l’argent qui vous est confié.
Grenouille en goguette
France, 1907 : Figure célèbre du cancan.
Au bal, où j’ai des succès,
Quand je balance ma dame,
On me couvre de bouquets,
Chacun m’entoure et m’acclame,
Quand j’arrive au fameux pas
De la grenouille en goguette,
Les femmes disent tout bas,
En se montrant ma binette :
Voyez ce beau garçon-là,
C’est l’amant d’A, c’est l’amant d’A,
Voyez ce beau garçon-là,
C’est l’amant d’Amanda !
Grenouiller
d’Hautel, 1808 : Boire de cabaret en cabaret, vivre crapuleusement, à la manière des ivrognes.
Larchey, 1865 : Boire beaucoup d’eau.
Delvau, 1866 : v. n. Boire de l’eau.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Boire de l’eau.
Grenouillère
Delvau, 1866 : s. f. Établissement de bains.
Rigaud, 1881 : Bains froids dans l’île de Croissy. La Grenouillère a été très fréquentée par les grandes pécheresses qui y allaient laver leurs péchés.
France, 1907 : Établissement de bain en pleine eau.
Grenouillet
France, 1907 : Renoncule d’eau.
Grenouillette
France, 1907 : Reinette verte.
Grenouse
M.D., 1844 : De l’avoine.
Grenu
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Blé.
Vidocq, 1837 : s. m. — Blé.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Blé.
Rigaud, 1881 : Blé. — Grenuche, avoine. — Grenue farine, — dans le jargon des voleurs.
Grenuche
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Avoine.
Vidocq, 1837 : s. f. — Avoine.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Avoine.
Grenue
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Farine.
Grenuse
Vidocq, 1837 : s. f. — Farine.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Grès
Vidocq, 1837 : s. m. — Cheval. Terme des voleurs de campagne de la Normandie.
Rigaud, 1881 : Cheval, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Cheval.
France, 1907 : Cheval ; du vieux mot crès, vite.
Grésil
France, 1907 : Loir, du latin glitis.
Grésillon
France, 1907 : Pincée faite sur la chair.
Grésillonner
France, 1907 : Demander du crédit.
Gressier
Halbert, 1849 : Synonyme de greffier.
Grève
Delvau, 1866 : s. f. Cessation de travail, — dans l’argot des ouvriers, qui avaient, il y a quelques années encore, l’habitude de se réunir sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Faire grève. Cesser de travailler et se réunir pour se concerter sur les moyens d’augmenter le salaire. On dit aussi Se mettre en grève.
Fustier, 1889 : Lieu d’embauchage pour les ouvriers. Pris dans ce sens, le mot n’a point la consécration du Dictionnaire de l’Académie et ne se trouve pas davantage dans le Dictionnaire de Littré. C’est d’ailleurs moins un ternie d’argot qu’un néologisme employé aussi bien par le peuple que par l’Administration qui s’en sert dans ses avis officiels, ainsi qu’en témoignent les Ordonnances de Police.
Une des grèves les plus curieuses de Paris (ici le mot grève est pris dans le sens de lieu d’embauchage où se réunissent les ouvriers), est celle qui se tient rue Vaucanson, au coin de la rue Réaumur.
(Rappel, octobre 1884)
Grève (prendre un ouvrier à la)
Rigaud, 1881 : Prendre le premier venu.
Grève (se mettre en)
France, 1907 : Cette expression exprimant un fait devenu si fréquent de nos jours signifie qu’une catégorie d’ouvriers, pour une cause quelconque, cesse ont travail, pour forcer les patrons à accepter des conditions plus équitables.
Cette expression vient de l’habitude qu’avaient autrefois les ouvriers sans travail de s’assembler sur la Place de Grève pour y attendre les embaucheurs et les offres. Ils disaient : « Je vais en grève, je suis en grève », c’est-à-dire : « Je suis sans travail. »
Grézillon
Rigaud, 1881 : Prise de tabac. (A. Belot.) Les synonymes sont : nasée, muffetée.
Griaches
Rigaud, 1881 : Baquet aux excréments, — dans le jargon des prisons. (Hist. des prisons, 1797)
La Rue, 1894 : La tinette, dans les prisons.
Virmaître, 1894 : Seaux qui étaient dans les cellules des prisonniers et dans lesquels ils faisaient leurs ordures. Ce terme était employé dans les prisons vers 1790 ; on le trouve dans un rapport sur la Conciergerie, adressé au roi, qui voulait détruire l’horrible infection qui empoisonnait les malheureux (Argot des prisons).
France, 1907 : Tinettes dans lesquelles les prisonniers faisaient leurs ordures. Ce terme, dit Virmaître, était employé dans les prisons vers 1790. On le trouve dans un rapport sur la Conciergerie adressé au roi, qui voulait détruire l’horrible infection qui empoisonnait les malheureux prisonniers.
Grib’loge
Virmaître, 1894 : Individu qui se plaint lorsqu’il est battu (Argot des voleurs).
Gribane
France, 1907 : Barque à fond plat dont on se sert dans les estuaires de la Seine et de la Somme.
Gribier
Hayard, 1907 : Soldat.
Griblage
Delvau, 1866 : s. m. Plainte, cri, reproche, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Gourpline.
France, 1907 : Plainte ; argot des voleurs.
Gribouillage
d’Hautel, 1808 : Écriture indéchiffrable, discours, paroles inintelligibles.
Delvau, 1866 : s. m. Écriture mal formée ; dessin confus, incohérent. Argot du peuple. On dit aussi Gribouillis.
Gribouille
d’Hautel, 1808 : Il est fin comme gribouille qui se cache dans l’eau peur de la pluie. Voyez Fin.
France, 1907 : Naïf, imbécile.
Gribouiller
d’Hautel, 1808 : Écrire d’une manière illisible, gâter du papier ; faire de mauvais ouvrages.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Écrire illisiblement, dessiner incorrectement.
Gribouillette
d’Hautel, 1808 : Gribouillette, gribouillette. Mot dont on amuse les enfans, en faisant mouvoir les doigts sous leurs mentons, et en les chatouillant.
Jeter quelque chose à la gribouillette. Le jeter au hasard parmi une troupe d’enfans qui cherchent chacun à s’en saisir.
Delvau, 1866 : s. f. Objet quelconque lancé au milieu d’enfants, — dans l’argot des écoliers, qui se bousculent alors pour s’en emparer. Cela constitue un jeu. Jeter une chose à la gribouillette. La lancer un peu au hasard, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Jeu d’enfants qui consiste à jeter un objet en l’air pour le rattraper à la volée. Jeter à la gribouillette, jeter au hasard.
Gribouilleur
d’Hautel, 1808 : Mauvais auteur ; celui dont on ne peut déchiffrer l’écriture.
France, 1907 : Journaliste.
Quels puffistes, ces gribouilleurs !
(Léon Cladel, La Juive errante)
Grie, gris
La Rue, 1894 : Froid. Vent.
Grif
Delvau, 1866 : adj. Froid, — dans l’argot des voleurs. Grielle. Froide.
Griffard
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Chat.
France, 1907 : Aigle, chat.
Griffarde
La Rue, 1894 : Plume.
France, 1907 : Plume. On dit aussi griffonnante.
Griffarde, griffonnante
Rigaud, 1881 : Plume à écrire, — dans le jargon des voleurs.
Griffarder
M.D., 1844 : Écrire.
Griffe
d’Hautel, 1808 : Pour, mains, doigts.
On dit figurément. Il s’est fait donner sur les griffes. Pour, on l’a réprimé, il a trouvé son maître.
Être sous la griffe de quelqu’un. Être soumis à son autorité, dépendre entièrement de lui.
Hayard, 1907 : Plume.
Griffer
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Prendre.
Vidocq, 1837 : v. a. — Saisir, prendre.
Delvau, 1866 : v. a. Saisir, prendre, dérober, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Agriffer.
La Rue, 1894 : Voler. Prendre. Saisir.
France, 1907 : Creuser ; griffer un nivet, creuser un trou.
France, 1907 : Voler, prendre.
Griffes (aller à)
France, 1907 : Marcher.
— Veux-tu que j’envoie chercher une voiture pendant que tu mets ton chapeau ?
Mme Hardan. — Oh ! non, c’est à deux pas, rue Blanche : il fait sec, j’irai à griffes.
Jacques, très sous l’œil. — Qu’est-ce qui t’a appris cette expression-là ?
Mme Hardan. — Mais c’est toi, mon trésor. Tout ce que je suis, c’est toi qui me l’as appris, tout, tout, tout. Allons, je me sauve : au revoir à tout à l’heure.
(Maurice Donnay)
Griffet
France, 1907 : Martinet noir.
Griffeton
Rigaud, 1881 : Soldat ; pour griveton, — dans le jargon des voyous.
France, 1907 : Soldat : il va à griffes.
anon., 1907 : Soldat.
Griffeton, grivier
La Rue, 1894 : Soldat.
Griffleur
Halbert, 1849 : Brigadier de prison.
Griffon
Ansiaume, 1821 : Chat.
Voilà un bon griffon, il faut demain le tortiller, ébobis-le.
Vidocq, 1837 : s. m. — Chat.
Clémens, 1840 / M.D., 1844 : Chat.
Griffonier
d’Hautel, 1808 : Celui qui griffonne, qui écrit d’une manière indéchiffrable.
Griffonis
France, 1907 : Pochade à la plume.
Griffonnante
France, 1907 : Plume.
Au clair de la luisante,
Mon ami Pierrot,
Refile-moi ta griffonante
Pour broder un mot.
Ma camoufle est morte,
Je n’ai plus de rif,
Déboucle-moi ta lourde
Pour l’amour du mec.
Griffonner
d’Hautel, 1808 : Ecrire vite, à la hâte, et d’une manière illisible.
Vidocq, 1837 : v. a. — Écrire.
Halbert, 1849 : Jurer.
Rigaud, 1881 : Jurer, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Jurer.
Griffonneur
Halbert, 1849 : Jureur.
Grifler
France, 1907 : Prendre, arrêter.
Grifleur
France, 1907 : Brigadier de prison.
Grigne
Rigaud, 1881 : Grimace. C’est un dérivé de grigner. On dit qu’un chien grigne, quand les dents de la mâchoire inférieure font saillie.
Grignolet
France, 1907 : Pain.
Grignoli
France, 1907 : Raisin.
Grignon
d’Hautel, 1808 : Un grignon de pain. Pour une croûte, une bribe de pain.
Delvau, 1866 : s. m. Morceau, de pain spécialement.
France, 1907 : Juge, sans doute pour grognon.
France, 1907 : Morceau de pain sec.
C’était de nouveau un labeur de cheval que le sien : depuis quinze jours, il ne connaissait plus le lit, roupillait tout habillé une heure ou deux dans la cahière, mangeait son grignon debout, comte un portefaix entre deux coups de force.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
France, 1907 : Petit cheval.
Or, un jour — c’était du temps des papes — que le saint-père et la reine Jeanne, le saint-père sur sa mule blanche, portant l’anneau et la tiare, Jeanne sur un grignon camargue et coiffée d’un chapeau de fleurs, allaient chevauchant par ces parages…
(Paul Arène)
France, 1907 : Poire.
Grignoter
d’Hautel, 1808 : Manger sans faim, sans appétit.
Il y a à peine de quoi grignoter dans cette affaire. Se dit d’une affaire qui ne présente pas de grands bénéfices, mais où il y a cependant quelque petits profits à faire.
Grignotter
Delvau, 1866 : v. n. Faire de maigres profits, et surtout des profits illicites.
Grignou
Rigaud, 1881 : Juge, — dans le jargon des voleurs. La physionomie du juge n’a rien d’aimable pour ces messieurs.
Grignoux
France, 1907 : Grognon, mécontent, mot wallon qui désignait les démocrates liégeois au XVIIe siècle, révoltés contre les exactions du prince-évêque de Liège, Ferdinand de Bavière. Les grignoux appelaient les nobles chiroux, nom d’une espèce d’hirondelle. Leurs habits noirs et leurs bas blancs les faisaient ressembler à cette gracieuse bestiole. Grignoux et chiroux sont encore usités en Picardie.
Grigou
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, homme obscur et de néant ; sauvage, qu’une humeur noire et atrabilaire éloigne du commerce des hommes.
Vivre comme un grigou. Pour dire d’une manière vile et sordide, se retirer entièrement de la société.
Delvau, 1866 : s. m. Avare, homme qui vit sordidement.
Ce grigou, d’un air renfrogné
Lui dit : Malgré ton joli nez…
a écrit l’abbé de Lattaignant.
Gril
d’Hautel, 1808 : Être sur le gril. Pour dire être sur les épines, dans une grande anxiété ; souffrir du corps et de l’esprit.
Delvau, 1866 : s. m. Charpente légère et à jour qui s’étend au-dessus de la scène et où s’accrochent les frises. Argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Premier plancher général au-dessus de la scène, après les corridors du cintre. Son nom vient de ce qu’il est fait effectivement comme un gril. (A. Bouchard)
Grillade
Rigaud, 1881 : Infidélité conjugale, — dans le jargon des ouvriers.
Grillante
Fustier, 1889 : Cigarette. Argot du peuple.
Grillante (une)
Merlin, 1888 : Cigarette de tabac.
Grille
d’Hautel, 1808 : Épouser une grille. Pour se renfermer dans un cloître, se faire religieux ou religieuse.
France, 1907 : Carré de zinc ou de carton découpé à l’emporte-pièce dans son plein par une série d’évidements irréguliers, dont on se sert pour la correspondance secrète.
Grillé
Grillé (être)
Rigaud, 1881 : Être en prison. Allusion à la grille de la prison. Jadis on disait d’une femme qui prenait le voile : Elle a épousé la grille.
Vous souhaitez qu’elle épouse une grille.
(Hauteroche, Crispin musicien.)
Hayard, 1907 : Être devancé par un autre.
Grille (faire de la)
France, 1907 : Séduire une femme ou une fille.
— Ma femme c’est sacré !… n’y a personne qui ose faire de la grille à mon orgue… ceux que ça tenterait n’ont qu’à préparer leur étui pour mon lingue…
(Marc Mario)
Grille (jeter de la)
Virmaître, 1894 : Arrêter un individu au nom de la loi.
— Il n’y a pas de grille (il n’y a pas de danger) (Argot du peuple).
Grille (pas de)
France, 1907 : Pas de danger.
Grille des morts
France, 1907 : Barrière qui sépare dans la prison les condamnés à mort des autres détenus.
Griller
d’Hautel, 1808 : Griller dans sa peau. Bouillir d’impatience, se dépiter d’attendre ; être exposé à l’intempérie de la chaleur.
Rigaud, 1881 : Faire une infidélité conjugale. — C’est moi qui ai grillé la bourgeoise hier soir.
La Rue, 1894 : Fumer. Dénoncer.
France, 1907 : Tromper, devancer.
Griller (se faire)
Fustier, 1889 : Se faire arrêter, se faire mettre en prison. Les fenêtres du poste de la prison sont garnies de grilles.
Griller une (en)
Larchey, 1865 : Fumer une cigarette.
Passe-moi du tabac que j’en grille une.
(Lem. de Neuville)
Delvau, 1866 : v. a. Fumer une pipe ou une cigarette, — dans l’argot des artistes et des ouvriers.
Rigaud, 1881 : Fumer une pipe. — Griller une sèche, fumer une cigarette.
Grillet
France, 1907 : Grillon.
Grilleuse de blanc
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Repasseuse.
Grilleuses de blanc
Virmaître, 1894 : Les repasseuses sont souvent distraites par les passants qui admirent leurs bras blancs ; alors, si le fer est trop chaud, tant pis pour la chemise elle est grillée (Argot du peuple).
Grillou
M.D., 1844 : Un étameur.
Grimace
Fustier, 1889 : Petite boîte en usage dans les administrations publiques et qui renferme des pains à cacheter. Le dessus de la boîte sert de pelote à épingles.
Grimaudin
d’Hautel, 1808 : Petit homme vieux et rabougri ; d’une humeur morose et caustique.
Grime
d’Hautel, 1808 : Terme d’écolier. Avare, mesquin ; qui annonce des inclinations sordides.
Halbert, 1849 : Arrêté, ou qui a la figure noircie.
Delvau, 1866 : s. m. Rôle de vieux, — dans l’argot des coulisses.
Grimé
La Rue, 1894 / France, 1907 : Arrêté.
Grimelin
d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à un homme intéressé, à un lâdre qui joue mesquinement, et dont tout dénote l’avarice.
Grimelinage
d’Hautel, 1808 : Petit jeu ; tripot où l’on ne joue que très-peu à la fois.
Grimeliner
d’Hautel, 1808 : Jouer mesquinement ; faire à la dérobée quelque petit gain ; se ménager un petit bénéfice dans une affaire.
Grimer
Ansiaume, 1821 : Prendre.
Il s’est laissé grimer en laigue de Beaucaire.
Clémens, 1840 : Prendre.
Grimer (se)
Rigaud, 1881 : Se griser ; avec changement d’une lettre.
Grimoire
d’Hautel, 1808 : Il a mis çà sur son grimoire. Pour, il se souviendra-de cette action quand l’occasion s’en présentera.
Delvau, 1866 : s. m. Le Code pénal, — dans l’argot des voleurs. Grimoire mouchique. Les sommiers judiciaires.
France, 1907 : Code pénal.
Grimoire mouchique
Rigaud, 1881 : Code pénal. — Dossier judiciaire.
La Rue, 1894 : Code pénal. Dossier judiciaire.
France, 1907 : Dossier judiciaire.
Grimoire, grimoire mouchique
Vidocq, 1837 : s. m. — Code Pénal. Livre de police dans lequel sont inscrits tous les gens suspects, et ainsi que les condamnations prononcées contre eux.
Grimoirier
France, 1907 : Greffier de tribunal.
Grimpant
Rigaud, 1881 : Pantalon.
Mon grimpant se détraque et mes bottes sont blettes.
(Huysmans, Marthe)
Merlin, 1888 : Pantalon.
Virmaître, 1894 : Pantalon (Argot du peuple). V. Falzar.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 / France, 1907 : Pantalon.
Grimpant, montant, n° 11
anon., 1907 : Pantalon.
Grimpart (le)
M.D., 1844 : L’escalier.
Grimper
Delvau, 1864 : Baiser une femme, monter sur la cavale qui doit conduire au bonheur.
Neptune au fond des eaux y grimpe
Nymphes, sirènes et tritons.
(Piron)
Tu t’es laissé grimper avant que… j’t’aie donné tes gants.
(Lemercier de Neuville)
Les uns vont au bordel. Les autres
Grimpent les femmes des voisins,
Et de Priape heureux apôtres,
Vendangent les divins raisins.
(Parnasse satyrique)
France, 1907 : Connaître intimement une femme. « M. le curé a grimpé la petite Toinon. »
Grinchage
Rigaud, 1881 : Vol, friponnerie ; pour grinchissage.
Un journal racontait hier que T’Kindt était, du reste, un vrai artiste en matière de grinchage, appliqué au high-life.
(Pierre Yéron, Événement du 9 novembre 1878)
Grinchage, grinchinage
France, 1907 : Vol.
Grinchage, grinchissage
La Rue, 1894 : Vol.
Grinche
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur. Grinche de la haute pègre, voleur de distinction qui ne fait que de grands vols.
Clémens, 1840 : Voleur.
un détenu, 1846 : Petit voleur.
Halbert, 1849 : Voleur, escroc.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur. On dit aussi Grinchisseur.
Rigaud, 1881 : Filou. C’est le terme générique des voleurs adroits.
La Rue, 1894 : Voleur. Grinchir, voler. La grinche, le monde des voleurs.
Virmaître, 1894 : Voler (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Voleur. Une femme est une grincheuse ; c’est aussi une grincheuse lorsqu’elle a mauvais caractère.
Hayard, 1907 : Voleur.
France, 1907 : Voleur.
Nous étions dix à douze
Tous grinches de renom ;
Nous attendions à la sorgue,
Voulant poisser des bogues
Pour faire du billon.
(Vidocq)
Conséquemment des citoyens peuvent être divisés d’intérêts. Ainsi, le roi des grinches, Rothschild, est un citoyen de Paris. Tandis qu’un compagnon est un bon bougre de prolo, un bon fieu avec qui on partage son pain et ses misères, avec qui on est en communauté d’idées, d’espoirs et de besoins – c’est un copain ! avec qui on marche la main dans la main.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Il sait quels vices fangeux se cachent sous ces fronts domptés, sous ces physionomies immobiles et grises comme l’eau des étangs. « Dis donc, Jules… quand tu auras fait ton temps, qu’est-ce que tu voudrais être ? a-t-il un jour demandé à l’un d’eux, blondin aux yeux clairs, vers qui l’attirait une sympathie. — Grinche, comme papa », a répondu l’autre, avec un rire bref et méchant…
(François Coppée, Le Coupable)
Sans compter que grinchir, bien vite
À risquer plus ça vous invite.
C’est de voler qu’on a dessein ;
Mais un beau jour le volé bouge ;
Il veut se défendre ; on voit rouge ;
Et de grinche on est assassin.
(Jean Richepin)
Grinche (la)
France, 1907 : Le monde des voleurs.
Grinche de la haute pègre
Bras-de-Fer, 1829 : Voleur de distinction.
Grinche, chisseur
Larchey, 1865 : Voleur.
Après avoir choisi l’écrin, Le grinche paie le joaillier.
(Paillet)
Grinche, grinchisseur
Bras-de-Fer, 1829 : Voleur.
Grincher
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Halbert, 1849 : Voler.
France, 1907 : Gronder.
anon., 1907 : Voler.
Grincher, grinchir
Rigaud, 1881 : Voler. — Grinchir au prix courant, voler à l’étalage. Les variantes sont : Grinchir en plein trèpe, piocher dans le tas.
France, 1907 : Voler ; du vieux mot agricher, même sens, encore en usage dans le Maine.
Gloire à l’auteur du Juif errant,
Son livre est vrai, son œuvre est grand :
Tant que sur terre
On grinchira, de par Jésus,
Vous ne serez jamais trop lus,
Sue et Voltaire.
(Chanson du Père Lunette)
— Il tâche pour se faire ami z’avec lui, et sitôt qu’il est z’ami, il lui refile des objets grinchis dans ses poches, et puis tout est dit ; z’ou bien il l’emmène su z’une affaire, qu’il soit servi marron.
(Marc Mario et Louis Launay)
Grincheur
Rigaud, 1881 : Petit filou, apprenti voleur.
Grincheux
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme difficile à vivre, — dans l’argot du peuple et des gens de lettres.
Grincheux, grincheuse
France, 1907 : Personne mécontente, toujours grognant et de mauvaise humeur.
Un jour, nous avons tous de ces choses fâcheuses,
Une feuille, grincheuse entre les plus grincheuses,
Le journal de Legendre, attaqua cet About,
Et l’exemple, aussitôt, fut imité partout.
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Grinchir
Ansiaume, 1821 : Voler.
Il ne veut grinchir que dans les entonnes, pour moi niberg.
Bras-de-Fer, 1829 : Voler, prendre.
Vidocq, 1837 : v. a. — Voler. J’ai réuni dans cet article quelques détails sur divers genres de vols. Quelques-uns se commettent encore tous les jours ; d’autres n’ont été commis que par ceux qui les ont inventés.
Grinchir au boulon. Le Grinchissage au Boulon a été inventé, dit-on, par un individu dont les antécedens sont bien connus, et qui a pour la pêche une passion pour le moins aussi grande que celle de certain député juste-milieu. Au reste, si l’individu dont je parle n’est pas l’inventeur du Grinchissage au Boulon, il a du moins excellé dans sa pratique, comme il excella par la suite dans la pratique des vols à la Tire et au Bonjour.
Pour Grinchir au Boulon, il ne s’agit que de passer par l’un des trous pratiqués dans la devanture des boutiques, pour donner passage aux boulons qui servent à les fermer, un fil de fer ou de laiton, terminé par un crochet qui sert à saisir l’extrémité d’une pièce de dentelle qu’on amène ainsi à l’extérieur avec une grande facilité.
Il ne s’agirait, pour se mettre à l’abri de ce genre de vol, que de boucher à l’intérieur l’entrée des boulons par de petites plaques de fer.
Grinchir à la cire. Un ou plusieurs individus se rendent chez un restaurateur, déjeunent ou dînent, et s’emparent d’une ou de plusieurs pièces d’argenterie qu’ils collent sous la table au moyen d’un emplâtre de cire ou de poix. Si le maître de l’établissement s’aperçoit du vol qui vient d’être commis à son préjudice, les coupables n’ont rien à craindre, quand bien même ils seraient fouillés. Il est inutile de dire qu’un compère vient quelques instans après leur départ, enlever les pièces d’argenterie.
Le Grinchissage à la Cire fut inventé, il y a vingt années environ, par une jeune et jolie personne, qui le pratiquait de concert avec sa mère, qui était chargée de venir prendre l’argenterie. Ces deux femmes exercèrent paisiblement pendant deux ans ; mais enfin elles subirent le sort de tous les voleurs : elles furent arrêtées et condamnées. Elles confessèrent, durant l’instruction de leur procès, deux cent trente-six vols de cette nature.
Grinchir à la limonade. Un individu dont la tournure est celle d’un domestique, se présente chez un limonadier, auquel il commande dix, douze, ou même quinze demi-tasses pour Monsieur un tel, qui demeure toujours dans la même rue que le limonadier auquel il s’adresse, mais à l’extrémité opposée. Cela fait, il prend les devans et va se poster sur la porte de livraison dont il a indiqué le numéro, et, lorsqu’il voit venir le garçon, il va au-devant de lui, prend la corbeille qu’il porte, et le prie d’aller chercher de l’eau-de-vie qu’il a oublié de commander. Le garçon, sans défiance, abandonne sa corbeille, et s’empresse d’aller chercher ce qu’on lui demande. Ce n’est que lorsqu’il arrive avec le flacon d’eau-de-vie qu’il apprend, du portier de la maison indiquée, qu’il vient d’être la victime d’un audacieux voleur.
Les traiteurs qui envoient de l’argenterie en ville sont aussi très-souvent victimes des Grinchisseurs à la Limonade. Il ne faudrait cependant, pour éviter leurs pièges, que monter toujours dans les lieux indiqués les objets demandés, et de prendre, auprès du concierge de la maison, des renseignemens minutieux.
Cette dernière précaution surtout ne devrait jamais être négligée. Souvent des intrigans louent un appartement, le font garnir de meubles appartenant à un tapissier. Ils se font ensuite apporter une ou deux fois à dîner par le restaurateur voisin, puis enfin une troisième. Mais alors le nombre des convives est plus considérable, et, pour ne point donner naissance aux soupçons, celui des Grinchisseurs qui joue le rôle de l’Amphytrion a soin de demander un garçon pour aider son domestique à servir les convives. Le dîner fini, le domestique, qui est une des principales chevilles du complot, prépare l’argenterie et disparaît avec elle au moment convenu. Pendant ce temps les maîtres passent au salon pour prendre le café, et y amusent le garçon jusqu’à ce qu’ils aient, les uns après les autres, trouvé le moyen de s’évader.
Grinchir à la desserte. Le Grinchissage à la Desserte n’est guère pratiqué qu’à Paris. Un individu, vêtu d’un costume de cuisinier, le casque à mèche en tête et le tranche-lard au côté, qui connaît parfaitement la situation de la cuisine et celle de la salle à manger de la maison dans laquelle il veut voler, s’y introduit à l’heure du dîner, et s’il peut arriver dans la salle à manger avant d’avoir été remarqué, il enlève avec dextérité toute l’argenterie que les domestiques ont laissée en évidence, et trouve le moyen de disparaître sans laisser d’autres traces de son passage que le vol qu’il a commis.
Qu’on se figure, s’il est possible, la surprise extrême du maître de logis ; il veut servir le potage et ne trouve point la cuillère, c’est un oubli de la servante ; il la sonne, elle vient, et après bien des pourparlers on trouve le mot de l’énigme.
Ces vols étaient jadis beaucoup plus fréquens qu’aujourd’hui, par la raison toute simple que les plus fameux Grinchisseurs à la Desserte se sont retirés des affaires, et se sont, je crois, amendés ; l’un s’est fait usurier, et l’autre amateur de tableaux.
Grinchir au voisin. Quoique ce vol ne soit pas de création nouvelle, il se commet encore presque tous les jours, et il n’y a pas bien long-temps que la Gazette des Tribunaux entretenait ses lecteurs d’un Grinchissage au Voisin, dont un horloger de la rue Saint-Honoré venait d’être la victime. Un homme vêtu en voisin, c’est-à-dire, suivant la circonstance, enveloppé d’une robe de chambre, ou seulement couvert d’une petite veste, entre chez un horloger et lui demande une montre de prix, qu’il veut, dit-il, donner à sa femme ou à son neveu ; mais, avant d’en faire l’emplette, il désire la montrer à la personne à laquelle elle est destinée. Il prend la montre qu’il a choisie et prie l’horloger de le faire accompagner par quelqu’un auquel il remettra le prix du bijou, si, comme il n’en doute pas, il se détermine à en faire l’acquisition. Il sort, accompagné du commis de l’horloger, et après tout au plus cinq minutes de marche, ils arrivent tous deux devant la porte cochère d’une maison de belle apparence ; le voleur frappe, et la porte est ouverte. « Donnez vous la peine d’entrer, dit-il au commis de l’horloger. — Après-vous, Monsieur, répond celui-ci. — Entrez, je vous en prie, je suis chez moi. — C’est pour vous obéir, » dit enfin le commis qui se détermine à passer le premier ; à peine est-il entré que le voleur tire la porte et se sauve, et lorsque le commis a donné au concierge de la maison dans laquelle il se trouve, les explications propres à justifier sa présence, explications que celui-ci exige avant de se déterminer à tirer le cordon, le voleur est déjà depuis long-temps à l’abri de toute atteinte.
Grinchir aux deux Lourdes. Un individu dont la tournure et les manières indiquent un homme de bonne compagnie, arrive en poste dans une ville, et prend le plus bel appartement du meilleur hôtel ; il est suivi d’un valet de chambre, et aussitôt son arrivée il a fait arrêter un domestique de louage ; ce noble personnage qui mène le train d’un millionnaire, daigne à peine parler aux hôteliers ; il laisse à son valet de chambre le soin de régler et de payer sa dépense ; mais ce dernier, qui n’additionne jamais les mémoires qu’il acquitte, et qui ne prononce jamais le nom de son maître sans ôter son chapeau, remplit de cette commission à la satisfaction générale. Les voies ainsi préparées, l’étranger fait demander un changeur, qui se rend avec empressement à ses ordres, et auquel il montre une certaine quantité de rouleaux qui contiennent des pièces d’or étrangères ; le changeur examine, pèse même les pièces que l’étranger veut échanger contre des pièces de 20 francs ; rien n’y manque, ni le poids, ni le titre ; le prix de change convenu, on prend jour et heure pour terminer. Lorsque le changeur arrive allèché par l’espoir d’un bénéfice considérable, Monsieur le reçoit dans sa chambre à coucher, assis devant un feu brillant, et enveloppé d’une ample robe de chambre ; le changeur exhibe ses pièce d’or ; les comptes faits, le fripon laisse la somme sur une table, et invite le changeur à passer dans son cabinet pour prendre les pièces étrangères qu’il doit recevoir ; durant le trajet de la chambre à coucher au cabinet, l’or du changeur est enlevé par le valet de chambre ; arrivé au cabinet avec le changeur, le noble personnage a oublié la clé de son secrétaire, il s’absente pour aller la chercher, mais au lieu de revenir, il sort par une seconde porte et va rejoindre son valet de chambre.
Ce n’est point toujours à des changeurs que s’adressent les Grinchisseurs aux deux lourdes. C’est ce que prouvera l’anecdote suivante.
Un individu arrive, en 1812 ou 1813, à Hambourg, son domestique ne parle, dans l’hôtel où son maître est descendu, que des millions qu’il possède et du mariage qu’il est sur le point de contracter, mariage qui doit, dit-il, augmenter encore les richesses de cet opulent personnage. La conduite du maître ne dément pas les discours du domestique, il paie exactement, et plus que généreusement ; l’or paraît ne rien lui coûter. Lorsque cet individu crut avoir inspiré une certaine confiance, il fit demander son hôte, et lorsque celui-ci se fut rendu à ses ordres, il lui dit qu’il désirait acheter plusieurs bijoux qu’il destinait à sa future ; mais, que, comme il ne connaissait personne à Hambourg, il le priait de vouloir bien lui indiquer le mieux assorti, le plus honnête des joailliers de la ville. Charmé de cette preuve de confiance, l’hôtelier s’empressa de faire ce que désirait son pensionnaire, et lui indiqua le sieur Abraham Levy. Le fripon alla trouver ce joaillier, et lui commanda pour une valeur de 150,000 fr. de bijoux.
Le jour de la livraison arrivé, le fripon, quoi qu’indisposé, se lève cependant, et vient en négligé recevoir le joaillier dans son salon. Après avoir attentivement examiné les diverses parures, il les dépose dans un des tiroirs d’un magnifique secrétaire à cylindre, qu’il ferme avec beaucoup de soin, mais sur lequel cependant il laisse la clé ; cela fait, il sonne son valet de chambre pour lui demander la clé d’un coffre-fort qui se trouve là. Le domestique ne répond pas, le noble personnage s’impatiente, sonne encore ; le domestique ne donne pas signe de vie ; il sort furieux pour aller chercher lui-même la clé dont il a besoin.
Un quart-d’heure s’est écoulé, et il n’est pas encore revenu. « Il ne revient pas, dit le joaillier au commis dont il est accompagné, cela m’inquiète. » — Cette inquiétude se comprendrait, répond le commis, s’il avait emporté les bijoux avec lui, mais ils sont dans ce secrétaire, nous n’avons donc rien à craindre ; patience, il peut avoir été surpris par un besoin, en allant chercher son domestique. — « Ce que vous dites est vrai, mon cher Bracmann, c’est à tort que je m’alarme, répond Abraham Levy ; mais, cependant, ajoute-t-il en tirant sa montre, voilà trente-cinq minutes qu’il est parti, une aussi longue absence est incompréhensible ; si nous l’appelions ? » Le commis se range à l’avis de son patron, et tous deux appellent monseigneur ; point de réponse. « Mais la clé est restée au secrétaire, dit encore le joaillier, si nous ouvrions ? — Vous n’y pensez pas, M. Abraham, et s’il rentrait et qu’il nous trouvât fouillant dans son secrétaire, cela ferait le plus mauvais effet. » Le joaillier se résigne encore ; mais enfin, n’y pouvant plus tenir, il sonne après trois quarts d’heure d’attente ; les domestiques de l’hôtel arrivent, on cherche le seigneur qu’on ne trouve plus ; enfin, on ouvre le secrétaire. Que le lecteur se représente, si cela est possible, la stupéfaction du pauvre Abraham Levy lorsqu’il vit que le fond du secrétaire et le mur contre lequel il était placé étaient percés, et que ces trous correspondaient derrière la tête d’un lit placé dans une pièce voisine, ce qui avait facilité l’enlèvement des diamans. On courut en vain après les voleurs qui s’étaient esquivés par la seconde porte de l’appartement qu’ils occupaient, et qui étaient déjà loin de Hambourg lorsque le joaillier Abraham Levy s’aperçut qu’il avait été volé. L’un des deux adroits Grinchisseurs aux deux Lourdes dont je viens de parler est actuellement à Paris, où il vit assez paisiblement. Je crois qu’il s’est corrigé.
Quand on échange des pièces d’or, quand on vend des diamans à une personne que l’on ne connaît pas parfaitement, il ne faut pas perdre de vue sa propriété, ni surtout la laisser enfermer.
Les Grinchisseurs aux deux Lourdes escroquent aussi des dentelles de prix. Une adroite voleuse, la nommée Louise Limé, dite la Liégeoise, plus connue sous le nom de la comtesse de Saint-Amont, loua en 1813 ou 1814, l’entresol de la maison sise au coin des rues de Lille et des Saints-Pères. Cet entresol avait deux sorties, l’une sur l’escalier commun, l’autre donnait entrée dans une boutique qui, alors, n’était pas louée. La comtesse de Saint-Amont fit apporter chez elle un nombre de cartons assez grand pour masquer cette seconde entrée. Tout étant ainsi disposé, elle se rendit chez un marchand, auquel elle acheta au comptant pour 36 à 40,000 francs de dentelles. Le lendemain, un commis lui apporte ses emplettes, qu’elle examine avec le plus grand soin ; cela fait, elle prend le carton qui les contient et le place derrière les siens. Un compère, aposté pour cela, l’enlève et s’esquive. Pendant ce temps, la comtesse assise devant un secrétaire compte des écus. Mais, tout-à-coup elle se ravise et dit au commis : « Il est inutile de vous charger, je vais vous payer en billets de banque » Elle remet les écus dans le sac qui les contenait, et passe derrière les cartons. Le commis entend le bruit que fait une clé en tournant dans une serrure ; il croit que c’est la caisse que l’on ouvre. A ce bruit succède un silence de quelques minutes. Le commis suppose que la comtesse compte les billets de banque qu’il va recevoir. Mais enfin, ne la voyant pas revenir, il passe à son tour derrière les cartons, et découvre le pot aux roses. Les recherches de la police, pour découvrir la fausse comtesse de Saint-Amont, furent toutes inutiles ; on n’a jamais pu savoir ce que cette femme était devenue.
Grinchir à Location. On ne saurait prendre, contre les Grinchisseurs à Location, de trop minutieuses précautions, car on peut citer un grand nombre d’assassinats commis par eux. Lacenaire a commencé par Grinchir à Location. Les Grinchisseurs à Location marchent rarement seuls, et, quelquefois, ils se font accompagner par une femme. Ils connaissent toujours le nombre, l’heure de la sortie, des habitans de l’appartement qu’ils veulent visiter. Ils examinent tout avec la plus scrupuleuse attention, et ne paraissent jamais fixés lors d’une première visite, car ils se réservent de voler à une seconde.
Lorsque le moment de procéder est arrivé, l’un d’eux amuse le domestique ou le portier qui les accompagne, tandis que l’autre s’empare de tous les objets à sa convenance. Un Grinchissage à Location réussit presque toujours, grâce à la négligence des serviteurs chargés de montrer aux étrangers l’appartement à louer.
Les Grinchisseurs à Location servent aussi d’éclaireurs aux Cambriolleurs et Caroubleurs. Ils se font indiquer les serrures qui appartiennent au propriétaire, et celles qui appartiennent au locataire ; ils demandent à voir les clés dont ils savent prendre l’empreinte.
Beaucoup de personnes accrochent leurs clés dans la salle à manger, c’est ce qu’elles ne devraient pas faire ; c’est bénévolement fournir aux voleurs le moyen de procéder avec plus de facilité.
Grinchir à la Broquille. Les Grinchisseurs à la Broquille sont, ainsi que les Avale tout cru et les Aumôniers, une variété de Détourneurs ; et, comme eux, ils exploitent les bijoutiers.
Ces derniers donc, s’ils veulent être à l’abri de leurs atteintes, devront avoir les yeux toujours ouverts, et leur montre ou vitrine toujours close ; mais ces précautions, quoique très-essentielles, ne sont que des prolégomènes qui ne doivent pas faire négliger toutes celles dont les evénemens indiqueraient la nécessité. Par exemple : lorsque quelqu’un se présente dans la boutique d’un joaillier pour marchander des bagues ou des épingles, si le marchand ne veut pas courir le risque d’être volé, il ne faut pas qu’il donne à examiner plus de deux bagues à la fois ; si la pratique désire en examiner davantage, il remettra à leur place les premières avant de lui en remettre deux autres ; les baguiers et pelottes devront donc être faits de manière à contenir un nombre déterminé de bagues ou d’épingles.
Malgré l’emploi de toutes ces précautions, le bijoutier peut encore être volé, et voici comme : Un Broquilleur adroit examine du dehors une épingle de prix placée à l’étalage, et il en fait fabriquer une toute semblable par un bijoutier affranchi ; puis après il vient marchander celle qu’il convoite, et comme le prix, quelque modéré qu’il soit, lui paraît toujours trop élevé, il rend au marchand l’épingle qu’il a fait fabriquer, et garde la bonne ; il est inutile de dire que le numéro, la marque, l’étiquette, et jusqu’à la soie qui l’attache, sont parfaitement imités.
D’autres Broquilleurs savent parfaitement contrefaire les anneaux à facettes dont les bijoutiers ont toujours un groupe à la disposition des acheteurs ; l’un d’eux marchande et achète une bague du groupe, dont il sait adroitement faire l’échange ; le bijoutier accroche à sa vitrine un paquet d’anneaux en cuivre, tandis que le voleur s’esquive avec les anneaux d’or.
Souvent encore deux femmes dont la mise est propre, quoiqu’un peu commune, se présentent pour acheter une chaîne, elles sont long-temps à trouver du jaseron dont la grosseur leur convienne, mais lorsqu’elles se sont déterminées elles veulent savoir combien de tours la chaîne devra faire ; pour en prendre la mesure exacte ; l’une d’elles passe plusieurs tours de jazeron autour du col de sa compagne, et avec une petite paire de cisailles, qu’elle tient cachée dans sa main, elle en coupe un morceau plus ou moins long, qui tombe entre la chemisette et le dos. Cela fait, ces femmes conviennent d’en prendre une longueur déterminée, donnent des arrhes et sortent ; elles recommencent plusieurs fois dans la même journée ce vol qu’elles nomment la Détourne à la Cisaille.
un détenu, 1846 : Voler à l’étalage.
Larchey, 1865 : Voler (Vidocq). V. Turbinement, Plan, Douille, Affranchir. — Grinchissage, Vol. V. Parrain.
Delvau, 1866 : v. a. Voler quelque chose. On dit aussi Grincher. Grinchir à la cire. Voler des couverts d’argent par un procédé que décrit Vidocq (p. 205).
Grinchir à l’amour
France, 1907 : Séduire une servante, femme de chambre, cuisinière ou bonne d’enfant au cœur tendre, lui fixer un rendez-vous à une heure où l’on sait que les maitres sont absents ; on a dérobé au préalable la clef de l’appartement et tandis qu’on amuse la demoiselle aux bagatelles de la porte, un compère muni de cette clef fouille les tiroirs et fait main basse sur l’argent et les objets de valeur.
Grinchir à la bousculade
France, 1907 : Heurter quelqu’un en passant et lui arracher sa montre.
Grinchir à la broquille
France, 1907 : Substituer, en changeant de l’argent, des pièces fausses aux vraies.
Grinchir à la buque
Ansiaume, 1821 : Voler chez un bijoutier, en marchandant.
Il peut faire quelques rondinets à la buque.
Grinchir à la carre
Ansiaume, 1821 : Voler chez un bijoutier, en marchandant.
Lui, il n’est bon que pour travailler à la carre.
Grinchir à la carte
France, 1907 : Ce vol se pratique chez les marchands de pierres fines. Le filou pose négligemment une carte au préalable enduite de poix sur un brillant et la remet dans sa poche.
Grinchir à la détourne
Ansiaume, 1821 : Voler dans une boutique.
Aussitôt la sorgue arrivée, il faut tous travailler à la détourne.
Grinchir à la devirade
Ansiaume, 1821 : Voler sur une boutique.
Il a fait ce matin deux enfans de chœur à la devirade.
Grinchir à la fiole
France, 1907 : Donner à quelqu’un un stupéfiant pour le dévaliser à l’aise.
Grinchir à la lanterne
France, 1907 : Voler en s’introduisant par les vasistas d’une boutique.
Grinchir à la limonade
France, 1907 : Se faire servir un repas dans une chambre garnie et disparaître avec l’argenterie.
Grinchir à la location
France, 1907 : Voler dans les appartements à louer qu’on visite.
Grinchir au bonjour
Ansiaume, 1821 : Voler le matin pendant qu’on dort.
J’ai fait hier deux bogues d’orient au bonjour.
Grinchir au bu
France, 1907 : Voler un homme ivre.
Grinchir au pot-au-feu
France, 1907 : Enlever le dîner. Ce vol s’opère généralement chez les concierges.
Grinchir au rat
France, 1907 : Voler les rouliers, marchands forains dans les chambres d’auberge à plusieurs lits.
Grinchir au voisin
France, 1907 : Aller en voisin acheter des objets à crédit et disparaître du quartier.
Grinchir aux deux lourdes
France, 1907 : Faire attendre un cocher de fiacre, où un commis qui vient de vous remettre des marchandises non payées, à une porte pendant que l’on s’esquive par une autre. Le vol se pratique fréquemment dans les maisons qui ont deux entrées.
Grinchir de rif
Ansiaume, 1821 : Voler avec violence.
Ils ont grinchi cinq turnes de rif d’une sorgue.
Grinchire
M.D., 1844 : Voler.
Grinchissage
Ansiaume, 1821 : Vol.
Le grinchissage de la sorgue dernière n’a pas valu 1 bredoche.
Clémens, 1840 : Voler.
Delvau, 1866 : s. m. Vol. (V. Vidocq, p. 205-220, pour les nombreuses variétés de grinchissage : à la limonade, à la desserte, au voisin, aux deux lourdes, etc.)
Rigaud, 1881 : Filouterie. — Art de filouter ; métier du voleur, pratique du vol. — Maronner un grinchissage, manquer un vol. (Colombey)
Grinchisseur
Virmaître, 1894 : Voleur (Argot des voleurs).
Grinchisseur à la chicane
Delvau, 1866 : s. m. Voleur adroit, qui travaille sans compère.
Grinchisseur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Voleur, voleuse.
Grinchisseuse
Clémens, 1840 : Voleuse.
Grinchisseuse à la mitaine
Virmaître, 1894 : Voler avec les pieds. La voleuse laisse tomber un objet qu’elle cache prestement dans son soulier sans empeigne (Argot des voleurs).
Grinchu
France, 1907 : Grognon, maladif.
La cuisine était, en notre enfance, un art vénéré ; c’est aujourd’hui une industrie. Il y a des machines à couper ceci, des machines à couper cela ; les plus admirés sont ceux qui dénaturent le plus le légume qu’ils persécutent, et celui qui sera arrivé à faire un chou-fleur en pommes de terre sera sacré grand homme dans tous les sous-sols du quartier de l’Étoile.
Avec cela, des essences de toutes couleurs, de toutes espèces, de tous parfums, des résumes, des concentrés, des extraits, la nature détrônée par la chimie, la maladie en bouteilles !
Étonnez-vous donc, après cela, que Madame ait la migraine, que Monsieur ait des crampes stomacales, que les enfants soient rachitiques et grinchus !
(Jacqueline, Gil Blas)
Gringal
Rossignol, 1901 : Pain.
Gringale
Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs). V. Bricheton.
France, 1907 : Pain.
Gringalet
Delvau, 1866 : s. m. Gamin, homme d’apparence chétive, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Individu chétif.
Virmaître, 1894 : Mièvre, malingre, enfant pas réussi (Argot du peuple). V. Avorton.
France, 1907 : Malingre.
Gringette
France, 1907 : Perdrix grise.
Gringotter
d’Hautel, 1808 : Il nous a gringotté un air. Et plus communément, il nous a saboulé un air. Se dit d’un homme qui chante mal et qui a la manie de toujours vouloir fredonner.
France, 1907 : Fredonner.
Gringue
Rigaud, 1881 : Pain, — dans le jargon des ouvriers.
La Rue, 1894 / Rossignol, 1901 / France, 1907 : Pain.
Gringuenaude
d’Hautel, 1808 : Mot sale et déshonnête, espèce de petites boules ou crottes qui se forment au derrière d’une personne malpropre.
France, 1907 : Ordure spéciale aux gens qui croient avoir rempli les devoirs de la propreté quand ils ont borné leurs ablutions aux mains, aux pieds et à la figure.
Spectacle horrible et scandaleux !
Au cul du démon cauteleux,
Et de qui triomphe la fraude,
L’un d’entre les prédestinés,
Un Saint, en l’air, est, par le nez,
Pendu comme une gringuenaude.
(L’Abbé de Grécourt)
Gringuenaudes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Ordures des environs du podex, — dans l’argot du peuple qui sent souvent le faguenat à cause de cela.
Grinte
Vidocq, 1837 : s. f. — Physionomie désagréable.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Rigaud, 1881 : Figure désagréable. — Italianisme : de grinta, ride.
Griot
France, 1907 : Peuple de la Sénégambie que diffère des peuples voisins par sa religion et ses mœurs. Les griots ne contractent d’alliance qu’entre eux et ne se livrent à aucune pratique religieuse. Ils exercent parmi les nègres une espèce de profession de bouffons et chantent les louanges de ceux qui les payent. La prostitution est générale chez leurs femmes et leurs filles qui s’enivrent comme les hommes avec de l’eau-de-vie. Les nègres, tout en les méprisant, ne leur causent aucun mal ni préjudice, les considérant comme doués de pouvoirs magiques.
Que je ne fusse cependant ni médecin, ni soldat, cela n’était point pour embarrasser le griot ; car, de démentis en démentis, il chanta successivement ma gloire comme lettré, comme orateur, comme commerçant…
Si bien que pour le réduire au silence, je lui fis de nouveau servir du couscouss et du vin de palme.
(Paul Bonnetain)
Le vieux, tragiquement accroupi, pelotonné en boule sur une sorte de perchoir, semblait un de ces griots qui suivent les roitelets du continent noir, qui président aux sacrifices et aux prières, qui consacrent les amulettes.
(Champaubert)
Griotte
France, 1907 : Variété de cerise aigre à court queue ; diminutif d’aigriotte.
Les poules picoraient les griottes du verger.
(André Theuriet)
Gripard
Clémens, 1840 : Soldat.
Gripis
anon., 1827 : Meunier.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Meûnier.
Bras-de-Fer, 1829 / La Rue, 1894 : Meunier.
Grippard
Virmaître, 1894 : (et non Griffard) Chat (Argot du peuple). V. Greffier.
Rossignol, 1901 : Chat.
Grippard (?)
Rossignol, 1901 : Si vous dites à un ami qui n’est pas poli : « Les gens mal élevés sont ceux de Tarascon », c’est une façon moins grossière que de l’appeler du qualificatif que l’on entend journellement dans les rues et qui est synonyme de grippard.
Grippart
Fustier, 1889 : Chat. (Richepin)
France, 1907 : Chat : il grippe, il est pillard.
Grippe
d’Hautel, 1808 : Filouterie, friponnerie, fantaisie, caprice.
La grippe. Espèce de rhume fort commun à Paris pendant l’hiver ; comme dans cette grande capitale tout est de mode, il a été un temps où il étoit du bon ton d’avoir la grippe.
Delvau, 1866 : s. f. Caprice, mauvaise humeur contre quelqu’un, — dans l’argot des bourgeois. Avoir en grippe. Ne pas pouvoir supporter quelqu’un ou quelque chose. Prendre en grippe. Avoir de l’aversion pour quelqu’un ou quelque chose.
France, 1907 : Fille ou femme brusque, pétulante, emportée, prête à tout moment à griper au collet les gens qui lui parlent ; du patois bourguignon.
Grippe-fleur
France, 1907 : Meunier : il agrippe la fleur de farine.
Grippe-Jésus
Vidocq, 1837 : s. m. — Gendarme. Terme des voleurs du nord de la France.
Delvau, 1866 : s. m. Gendarme, dans — l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Gendarme. — Mot à mot : celui qui prend un innocent. À l’entendre, le malfaiteur est toujours une victime, un petit saint, un petit Jésus.
La Rue, 1894 : Gendarme.
France, 1907 : Gendarme.
Les coquins, dans leur argot, appellent les gendarmes grippe-Jésus, mot profond et qui n’a pas été inventé, comme le prétend Francisque Michel, « pour faire accroire que les gendarmes ne mettent la main que sur les innocents », mais parce qu’ils arrêtent même les innocents et qu’ils n’ont pas même épargné Jésus ; ce qui est bien différent.
(Charles Nisard)
Grippe-saucisses
Virmaître, 1894 : Apprenti qui va chercher le déjeuner des ouvriers et qui en chemin égratigne un petit morceau de chaque saucisse (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Apprenti qui va chercher le déjeuner des ouvriers.
Grippe-sou
d’Hautel, 1808 : Celui qui reçoit les rentes pour des particuliers, et à qui on donnoit autrefois deux liards par livre, et maintenant un sou. On donne aussi ce nom aux gens de chicane.
Grippe-sous
Delvau, 1866 : s. m. Usurier, avare, — dans l’argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Avare qui pousse sa passion jusqu’à se relover la nuit pour mettre un bouchon dans la douille de son soufflet pour en économiser le vent (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Usurier, avare.
Gripper
d’Hautel, 1808 : Voler, filouter.
Être grippé. Avoir la grippe.
On lui a grippé sa montre, son argent, son mouchoir. Pour, on lui a volé, etc.
Delvau, 1866 : v. a. Chiper, et même voler, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Dérober, agripper ; arrêter pour mettre en prison.
Loupiat, Sans-Quartier, Belle-Humeur, La Rondache,
Brise-Mâchoire, Harpin, Berry, Brûle-Moustache,
Tant d’autres dont les noms me sont presque échapés,
Et mille autres encore que la Pousse a gripé.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Gripperie
d’Hautel, 1808 : Pour, volerie, filouterie, exactions.
Grippette
Rossignol, 1901 : Plus jeune que grippard.
Griris
France, 1907 : Meunier.
Gris
d’Hautel, 1808 : À la nuit tous chats sont gris. Voyez Chat.
Gris. Pour, ivre ; qui a trop bu d’un coup.
Larchey, 1865 : Vent froid (Bailly). — Mot de la langue romane. V. Roquefort. — La bise est la sœur du gris. On dit encore souvent : un froid noir.
Delvau, 1866 : adj. Cher, précieux, — dans l’argot des voleurs. Grise. Chère, aimable.
France, 1907 : Cher ; argot des voleurs.
Gris (du)
Rossignol, 1901 : Étain.
Gris (le)
anon., 1827 : Le vent, le froid.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le vent.
Bras-de-Fer, 1829 : Vent, froid.
Halbert, 1849 : Le vent, le froid.
Rigaud, 1881 : Le vent, — dans le jargon des voleurs.
Gris comme un cordelier
Virmaître, 1894 : Saoul à n’en plus pouvoir, incapable de retrouver sa maison et être obligé de s’asseoir sur une borne pour attendre qu’elle passe. Gris, allusion à la couleur de la robe de ces religieux (Argot du peuple).
Gris d’officier
Rigaud, 1881 : Légère ivresse. (Dr Danet, Moniteur universel, 10 août 1868)
Gris jusqu’à la troisième capucine (être)
Delvau, 1866 : Être en complet état d’ivresse, à en déborder, — dans l’argot des troupiers, gui savent que la troisième capucine est près de la bouche du fusil.
Gris-bleu
France, 1907 : Gendarme, à cause de son uniforme.