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I

I

France, 1907 : Lettre qui, pour les grecs des tripots, désigne le cœur, au jeu de cartes. Le pique, le trèfle et le carreau sont désignés par Les lettres M, S, V ou Y. « Un grec, dit R. Houdin, veut donner à son compère la couleur dominante du jeu de son adversaire, il suit une phrase commençant par une des quatre lettres du mot. Ainsi, par exemple, s’il lui faut annoncer du cœur, il dit : Il fait bien chaud ; du trèfle : Sapristi ! qu’il fait chaud ! »

Iambe vengeur

France, 1907 : Locution dont se servirent, usèrent et abusèrent les farouches Jacobins que n’avaient pas encore touchés les faveurs impériales ou qui avaient trouvé trop maigre le prix offert pour la vente de leur conscience. « L’iambe vengeur est un petit instrument de torture, inventé par le chirurgien-poète breveté Archiloque, perfectionné depuis, et manié avec assez de succès par Juvénal, par Auguste Barbier, et même par Barthélemy dans sa Nemésis. Quel téméraire osera, pour disséquer nos modernes politiciens, enrichir sa trousse de ce petit bistouri ? »

Ibsénien

France, 1907 : Admirateur ou pasticheur du poète scandinave Ibsen qui fit et fait encore fureur dans quelques cénacles littéraires.

La soudaine expansion de cet engouement montre même combien il est superficiel et destiné à peu durer. Au début, il était le monopole de certains cénacles de raffinés et de jeunes esthètes à la recherche d’un frisson nouveau. Maintenant, les Ibséniens poussent comme des champignons après une nuit d’orage. L’autre jour, chez d’honnêtes bourgeois, j’entendais de jeunes dames se pâmer à propos du Canard sauvage ; la maîtresse de la maison, — qui trouve Balzac ennuyeux et déclare m’avoir pu lire jusqu’au bout le Lys dans La vallée, — faisait chorus…
… Les plus excellentes choses, dit l’auteur des Précieuses, sont sujettes à être copiées par de mauvais singes qui méritent d’être bernés. Il en sera de même chez nous de l’imitation ibsénienne.

(André Theuriet)

Ici

d’Hautel, 1808 : J’irai ces jours ici ; cette semaine ici. Solécismes, pour j’irai cette semaine-ci, ces jours-ci, etc.

Icicaille

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Ici, tout près de nous.

France, 1907 : Ici ; argot des voleurs.

lcicaille est le théâtre
Du petit dardant ;
Fonçons à ce mion folâtre
Notre palpitant :
Pitanchons pivois chenâtre
Jusques au luisant.

(Nicolas R. de Grandval)

Icicaille, icigo

Larchey, 1865 : Voir Dardant, Go.

Icigo

M.D., 1844 : Ici.

Halbert, 1849 : Ici.

Delvau, 1866 : adv. Ici, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Icicaille.

Virmaître, 1894 : Ici. On dit aussi icicaille. Icicaille est un vieux mot français ; on le trouve en effet dans une édition du Jargon, imprimée à Troyes, de 1686 à 1711.

Icicaille est le théâtre
Du petit Dardant.

On avait attribué cet opuscule à Cartouche, le célèbre voleur, mais M. Marcel Schwob détruit cette légende. Il faut croire que les voleurs ont le respect de la tradition, puisque le mot icicaille est encore en usage (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Ici.

France, 1907 : Ici ; argot des voleurs.

— Au fait, fit la mère Gougeard, vous pouvez encore bâcher une semaine icigo, puisque est carmé… C’est votre droit, si vous voulez…

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

À la Chapelle, à la Roquette,
Et dans tous les coins d’icigo,
Avec des macs à rouflaquette,
Il apprit à parler l’argot.

(Aristide Bruant)

Icigo, icicaille

Rigaud, 1881 : Ici.

À icigo, il reconnut Brujon, qui était rôdeur de barrières et, à icicaille, Babet, qui, parmi tous ses métiers, avait été revendeur au Temple.

(V. Hugo.)

La Rue, 1894 : Ici.

Hayard, 1907 : Ici.

Idalgo

Rossignol, 1901 : Italien.

Idée

Delvau, 1866 : s. f. Petite quantité de quelque chose, solide ou liquide, — dans l’argot du peuple. Cette expression est de la même famille que scrupule, larme, soupçon et goutte.

Idée (une)

Larchey, 1865 : On dit une idée, ou un soupçon, ou un scrupule, ou une larme, pour dire quelques gouttes de liquide.
Donner des idées : Inspirer d’amoureux désirs.

Idées

Delvau, 1866 : s. f. pl. Soupçons jaloux, — dans l’argot des bourgeoises. Se forger des idées. Concevoir des soupçons sur la fidélité d’une femme.

Idées (avoir, donner des)

Delvau, 1864 : Avoir, donner des envies de baiser.

Ces formes en tout sens trop longtemps regardées,
Dans son crâne embrasé font germer des idées.

Louis Protat.

Idem au cresson

France, 1907 : Même chose.

Idiot

Delvau, 1866 : s. m. Aménité de l’argot des gens de lettres, qui l’adressent volontiers aux confrères qui leur déplaisent.

Idiotisme

Delvau, 1866 : s. m. Bêtise complète ; ânerie renversante.

Idole

d’Hautel, 1808 : C’est une vraie idole. Se dit par raillerie d’une personne sans esprit, insensible et froide ; d’une idiote.

Ierchem

France, 1907 : Faire ses besoins. Déformation du mot chier au moyen de la règle du largonji qui consiste à supprimer la première ou les deux premières lettres du mot pour les reporter à la fin avec une terminaison variable é, es, oc, igue, cot, et le plus souvent em et uche et à remplacer par une autre les lettres transposées. Nous donnons au fur et à mesure dans la lettre I quelques autres exemples du largonji.

Iergue

France, 1907 : L’une des terminaisons ajoutées aux mots d’une phrase pour dérouter ceux qui écoutent. Aille, orgue, mare, muche, uche sont, avec iergue, des finales usitées dans le monde des voleurs. Exemple : Veuxaille fairorgue un coupmare avecciergue les copainuches ? Veux-tu faire un coup avec les copains ?

Ignominie

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner la nature de la femme.

Et vous cachez en vain, belle Marie,
Ce que vos saints nomment l’ignominie.

Parly.

Ignoramus

France, 1907 : Sobriquet donné aux frères de la Doctrine chrétienne, appelés aussi Ignorantins. Latinisme : mot à mot : « Nous ignorons. »

Ignorance

d’Hautel, 1808 : Ignorance crasse. Pour ignorance totale des plus simples connoissances, absurdité extrême.

Ignorantin

Fustier, 1889 : Frère des Écoles de la Doctrine chrétienne. On dit aussi Ignoramus.

Les ignoramus auxquels la plus grande partie des municipalités ont la faiblesse de confier l’enseignement de la jeunesse ouvrière…

(Anti-clérical, mai 1880.)

Igo

France, 1907 : Ici : abréviation d’icigo.

Il a été bien rincé

Larchey, 1865 : Il a été bien mouillé.

1808, d’Hautel.

Il a plu sur sa mercerie

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des gens de lettres et des rapins — d’une femme autrefois très avantagée par la Nature, et maintenant tout à fait désavantagée par la Vie. On connaît l’effet désastreux de la pluie sur les étoffes — sur les étoffes de satin principalement.

Il est bien malade, rien ne lui tient en gueule

France, 1907 : Dicton ironique signifiant : Il se porte très bien, il avale tout ce qu’on lui donne.

Il est marqué sur le nez comme les moutons de Berry

France, 1907 : Dicton encore en usage dans les provinces pour désigner quelqu’un qui, à la suite d’une rixe où d’une chute, a le nez endommagé.

Les bergers de la province du Berry ont coutume de marquer leurs moutons sur le nez pour les reconnoître.

(Fleury de Bellingen)

Il est midi

Delvau, 1864 : Se dit d’un homme qui bande violemment, dont l’aiguille est tout à fait en l’air. — Il est six heures et demi se dit d’un homme qui ne peut plus bander et dont le membre flasque, incline piteusement vers la terre.

Il est midi !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des faubouriens, pour avertir quelqu’un qui parle d’avoir à se méfier des gens devant lesquels il parle. On dit aussi Il est midi et demi.

Il faut tirer l’échelle (après lui)

France, 1907 : Se dit de quelqu’un qu’on ne peut surpasser, qui est le premier dans sa profession, qui mérite le prix. Cette expression vient du temps où la potence se dressait en maints carrefours. L’échelle en question est celle de la plate-forme patibulaire. L’usage était, quand il y avait plusieurs condamnés, de pendre le plus coupable le dernier, comme on le pratique encore pour la guillotine. Après le dernier pendu, on retirait l’échelle, dont on n’avait plus besoin. Ce dicton, désignant d’abord le plus criminel, s’appliqua à quiconque surpassait les autres, soit en mal, soit en bien. « C’est un maître paillard que le curé de Saint-Marlou : après lui, il faut tirer l’échelle ! » ou bien : « M. le sénateur Bérenger est un homme d’une haute vertu ; après lui, il faut tirer l’échelle ! »

De retour à Paris, las de tant de combats,
Je régale mes gens d’un splendide repas,
Lesquels me font présent d’une très riche épée,
Où tout au long ma vie étoit développée ;
L’art y brilloit partout du haut jusques en bas ;
Surprise, guerre ouverte, embuscades, combats,
Ruse, fuite, retour, mariage, amourettes,
Délibérations, tentatives, retraites,
Quel chef-d’œuvre ! Il falloit tirer l’échelle après,
Le bouclier d’Achille étoit guenille auprès.

(Nicolas Racot de Grandval, Cartouche)

Il fera chaud

Larchey, 1865 : Jamais. Mot à mot : il fera un temps plus chaud que celui-ci.

C’est bien. Quand tu me reverras, il fera chaud.

Méry.

Il me porte Bicêtre

France, 1907 : Il me porte malheur. Bicêtre, d’abord hôpital pour les maladies honteuses, où nos bons vieux pères n’admettaient les malades qu’après les avoir vigoureusement frappés de verges, devint ensuite prison, puis hospice de fous. D’où s’explique ce dicton qui n’est plus guère usité.

Il n’y a de femme chaste que celle qui ne trouve pas d’amant

France, 1907 : Cette locution proverbiale a mis en grande fureur l’excellent M. Quitard dans son recueil de Proverbes sur les femmes : « Que deviendrait la famille, — dit-il — que deviendrait la société, que deviendrait tout ce qu’il y a de plus sacré dans le genre humain, si cette imfâme doctrine pouvait être accréditée ? Les libertins qui la professent mériteraient d’être punis ! » Elle n’est pas neuve cependant ; sans remonter à la plus haute antiquité, on la trouve exprimée dans le premier livre des Amours d’Ovide : « Casta est quam nemo rogacit. » « Est chaste celle que nul n’a sollicitée. » Mathurin Regnier en dit autant dans une de ses Satires :

Celle est chaste, sans plus, qui n’en est point priée.

La même idée est exprimée par Jehan de Meung, dans le Roman de la Rose, et nombre de poètes de tous les pays et de tous les temps l’ont répétée. Mais de tous, Montesquieu, dans ses Lettres Persanes, a le mieux rendu l’idée générale : « Il est des femmes vertueuses ; mais elles sont si laides, si laides, qu’il faudrait être un saint pour ne pas haïr la vertu. » Nous qui ne sommes pas saints, laissons leur vertu aux chastes laiderons, pour qu’elles en fassent hommage au Père Éternel :

Après an demi-siècle à peu près révolu,
Je conserve en mourant le trésor du bel âge
Mon Dieu ! Je vous en fais hommage…
Les hommes n’en ont point voulu.

Il n’y a pas de bon dieu !

Delvau, 1866 : Phrase elliptique de l’argot du peuple, qui ne sent pas le fagot autant qu’on pourrait le croire au premier abord ; elle signifie simplement, dans la bouche de l’homme le plus en colère : « Malgré tout, je ferai ce que je veux faire, rien ne m’arrêtera. »

Il n’y a plus d’enfants !

France, 1907 : Il n’est pas question dans ce dicton de la dépopulation en France, mais de la précocité des enfants, précocité dans les choses qu’ils sont censés ne pas savoir. Il suffit d’avoir observé les enfants pour comprendre qu’en beaucoup de cas leur prétendue naïveté n’est qu’une feinte et que les parents seuls peuvent s’y tromper. Cette précocité de l’enfance est vieille comme le monde, comme la famille humaine, les anciens l’avaient remarqué avant nous, mais le dicton « Il n’y a plus d’enfants ! » est de date récente, puisqu’il est tiré du Malade imaginaire de Molière.

Il n’y a que ça

France, 1907 : C’est la seule chose sérieuse dans la vie : celle qui prime tout.

— Monsieur, vous êtes jeune, je ne vous reverrai peut-être jamais, écoutez un conseil : Il ne faut pas manquer une occasion de vous amuser, — il n’y a que ça. Croyez-en un vieux qui ne peut plus boire, qui ne peut plus manger, qui ne peut plus aller avec elles, et qui s’en retournera dans son pays sans avoir dépenser ses louis de rois !

(Hugues Le Roux)

Il n’y a si bon mariage que la corde ne rompe

France, 1907 : Le meilleur mariage est sujet à devenir mauvais, et l’époux le plus amoureux de sa femme finit quelquefois par rompre la corde, en s’apercevant qu’il est dupé.

On aime à se flatter de l’espoir décevant
D’être toujours aimé de sa douce compagne,
Mais l’amour d’une belle est un sable mouvant
Où l’on ne peut bâtir que châteaux en Espagne.

Il n’y en a pas !

Boutmy, 1883 : Réponse invariable du chef du matériel, du moins d’après le dire de MM. les paquetiers. Le chef du matériel est chargé, entre autres fonctions, de donner aux paquetiers la distribution et les sortes manquantes. On comprend qu’il soit assailli de tous côtés. On prétend que, d’aussi loin qu’il voit arriver vers lui un homme aux pièces, avant que celui-ci ait ouvert la bouche, il s’empresse de répondre à une demande qui n’a pas encore été formulée par ce désolant : Il n’y en a pas ! Dans quelques maisons, Il n’y en a pas ! est remplacé par derrière le poêle !

Il ne faut pas se marier pour la première nuit de ses noces

France, 1907 : Lorsqu’on prend femme, il ne faut pas seulement songer au plaisir de la concupiscence, mais consulter la raison. L’amour passe et la femme reste. Si une femme n’a d’autre qualité que sa beauté, en vieillissant elle devient haïssable. Locution qui a son équivalent en celle-ci : Il ne faut pas se marier pour les yeux.

Il pleut

Virmaître, 1894 : Quand un étranger pénètre dans un atelier de compositeurs typographes, les ouvriers crient : il pleut pour avertir. Il pleut veut dire : silence. Ce mot est en usage chez les forains ; quand un pitre allonge par trop son boniment, le patron lui dit :
— Écoute s’il pleut (silence).
Il pleut est également un terme ironique, une façon de répondre négativement à une demande :
Prête-moi cent sous.
— Il pleut. (Argot du peuple). N.

Il pleut !

Delvau, 1866 : Terme de refus ironique, — dans l’argot des gamins et des ouvriers.

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des typographes, pour annoncer la présence d’un étranger dans l’atelier. — Exclamation de l’argot des francs-maçons, pour s’avertir mutuellement de l’intrusion d’un profane dans une réunion.

Boutmy, 1883 : v. unipers. Exclamation par laquelle un compositeur avertit ses camarades de l’irruption intempestive dans la galerie du prote, du patron ou d’un étranger. Dans quelques maisons, il pleut ! est remplacé par Vingt-deux. Pourquoi vingt-deux ? On n’a jamais pu le savoir.

Hayard, 1907 : Exclamation signifiant :

Attention, il y a du danger ; voici du monde !

France, 1907 : Non.

France, 1907 : Exclamation pour annoncer la présence d’un étranger dans un atelier, ou, dans l’argot des francs-maçons, d’un profane dans le temple.

Il tombera une roue de votre voiture !

Delvau, 1866 : Phrase souvent employée, — dans l’argot du peuple — à propos des gens trop gais ou d’une gaieté intempestive.

Il y a de l’empile ou de l’empilage

France, 1907 : Il y a quelque tricherie dans le jeu.

Il y a du pé

Halbert, 1849 : Il a du danger.

Il y faisait chaud

Larchey, 1865 : La bataille était rude.

Ah ! vous étiez à Wagram. — Un peu. — Il y faisait chaud, hein ! — Oui, qu’il y faisait chaud.

H. Monnier.

Allusion aux feux de l’artillerie et de la mousqueterie. — On emploie Chauffer dans le même sens.

Ça chauffe ! disait-on dans les groupes.

C. de Bernard.

Illico

Larchey, 1865 : De suite.

En se promettant bien de l’envoyer illico.

Balzac.

Latinisme.
Illico : Grog d’alcool, d’eau et de sucre en usage dans les pharmacies d’hôpital. — Allusion à un terme de formulaire.

Delvau, 1866 : s. m. Potion improvisée, — dans l’argot des pharmaciens, qui composent ordinairement ce garus de teinture de cannelle, de sucre et d’alcool.

Delvau, 1866 : adv. Sur-le-champ, tout de suite, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Immédiatement, de suite. Latinisme.

Y en aurait long à dégoiser sur ce qu’on ne fit pas, et sur ce qu’on aurait dû faire en 1871.
Et d’abord, on ne marcha pas sur Versailles et on respecta la Banque.
Si, illico, les Parisiens avaient foncé sur Versailles, ils auraient pigé leurs ennemis sans défense et tout désorientés. C’eût été l’écrabouillage complet de la réaction !

(Le Père Peinard)

France, 1907 : Grog confectionné en fraude dans les hôpitaux, avec l’alcool destiné aux compositions pharmaceutiques. C’est sans doute la rapidité avec laquelle on le confectionne et on l’avale qui lui a fait donner ce nom.

Illuminé et enluminé

d’Hautel, 1808 : On confond souvent ces deux mots, et l’on dit vulgairement des cartes illuminées pour enluminées. Les rues étoient enluminées pour illuminées.

Illuminer

France, 1907 : Payer.

Mon troupier était un bijou,
Mais par jour il n’avait qu’un sou !
Mon chagrin se devine.
Je compris qu’en c’mond’ positif
L’amour n’est pas plus lucratif,
Hélas ! que la machine…
Alors j’ai pris un protecteur !
Il n’est pas joli d’extérieur,
Seulement il illumine,
Y pay’ mes rob’s et mon loyer ;
Bref, j’ai gardé c’t’amour d’huissier
Et j’ai dit zut à la machine.

Illuminés

France, 1907 : Membres d’une association mystérieuse fondée en Allemagne vers la fin du XVIIIe siècle par le docteur Weishaupt alias docteur Luys, véritable grand maître de la franc-maçonnerie et qui avait parcouru le monde sous différents noms. Le célèbre Mesmer, dont la vogue fut extraordinaire et dont le baquet est resté célèbre, fût un des adeptes de Weishaupt. « En réalité, dit Louis Blanc, les illuminés étaient des francs-maçons d’élite, des hommes extraordinaires, doués de la plus haute intelligence, choisis parmi les plus grands esprits et initiés par le docteur Luys (Weishaupt en Allemagne) aux mystères de plusieurs découvertes qui leur permettaient d’éblouir et de fasciner la foule.
Parmi ces découvertes, le magnétisme fut un de leurs moyens d’action. »

Iloirevem

France, 1907 : Ivoire, en largonji. Voir Ierchem.

Ilot

France, 1907 : Tas de maisons autour desquelles les batteuses de bitume vont à la recherche du client. Elles parcourent ainsi toujours le même chemin aux mêmes heures de façon à laisser croire qu’elles sont d’honnêtes ouvrières sortant de leur atelier. On dit dans ce sens : faire l’ilot.

Ilotier

Fustier, 1889 : Ce mot, dans le langage policier, désigne le gardien de la paix chargé de surveiller continuellement un certain nombre de rues, toujours les mêmes et qui forment, pour ainsi dire, les limites d’un îlot.

Il est clair qu’après le passage de l’îlotier en un point déterminé, ce point reste un certain temps dégarni.

(Petite République française, mai 1882.)

Ilotière

France, 1907 : Fille qui fait l’ilot.

Il ne sait pas ce que c’est qu’un ilot, ce que c’est que le travail de l’ilotière, ni la dure meule d’espoir qu’elles tournent durant des heures, les ilotières, autour d’un épais pivot de maisons, à travers des rues identiques, jusqu’à ce que le client surgisse, les délivre, leur procure un repos agité…

(Fernand Vandérem)

Image

d’Hautel, 1808 : Il est sage comme une image, collée à la porte d’un savetier. Se dit par plaisanterie d’un enfant qui, contre son ordinaire, reste calme et tranquille.

Delvau, 1866 : s. f. Lithographie, gravure, dessin, — dans l’argot des enfants et du peuple, ce grand enfant.

France, 1907 : Tache de caca au pan de la chemise d’un enfant. Mot usité dans certaines campagnes de l’Est.

Quand j’étais petite fille et que le pan de ma chemise était toujours illustré d’images, c’est vous dire, mes amis, que je ne songeais pas encore aux amoureux…

(Les Propos du Commandeur)

Imal, imau

France, 1907 : Ancienne mesure pour les grains, de la capacité d’environ 15 litres pour le blé et 19 litres pour l’avoine, dont on se servait encore il y a quelques années au pays messin.

Imbécile (galon d’)

Larchey, 1865 : Galon de soldat de première classe. Il est donné a l’ancienneté et non au mérite. — On rencontre l’équivalent de ce mot dans les autres grades.

Il passa capitaine à l’ancienneté, à son tour de bête, comme il disait en rechignant.

About.

Imbécile à deux roues

Rigaud, 1881 : Vélocipédiste, — dans le jargon des voyous.

Imbiber (s’)

Delvau, 1866 : v. réfl. Boire, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Boire. La variante est : s’imbiber le jabot.

Imbiber le goulot (s’)

France, 1907 : Boire.

Imbriaque

d’Hautel, 1808 : Un imbriaque. Homme à qui la passion du vin a fait perdre la raison.

Delvau, 1866 : s. f. Écervelé, excentrique, maniaque, — dans l’argot du peuple. A signifié autrefois Homme pris de vin. Nous ne sommes pas loin de l’ebriacus de Plaute.

Imiter

d’Hautel, 1808 : On dit au figuré, en parlant de quelqu’un qu’on a voulu imiter.
J’ai imité son exemple. Il faut dire pour bien parler, j’ai suivi son exemple.
Imiter un exemple ne se dit que dans le sens de se conformer à un modèle.

Imitez de Conrart le silence prudent

France, 1907 : Taisez-vous. Ce dicton est tiré de la première épitre de Boileau. Le salon de Valentin Conrart, où se réunissaient les beaux esprits du temps, devint le berceau de l’Académie, dont il fut à sa création nommé secrétaire perpétuel ; il ne publia jamais rien. bien qu’il fût homme d’un grand savoir et de beaucoup de bon sens, ce qui lui attire cette épigramme de Boileau :

Aussi, craignant toujours un funeste accident,
J’imite de Conrart le silence prudent.

S’il ne publia rien, il écrivit beaucoup, par imitation ou plutôt par singerie, s’il faut en croire Tallemant des Réaux qui l’a intimement connu : « A-t-on fait des rondeaux et des énigmes ? il en a fait ; a-t-on fait des paraphrases ? en voilà aussitôt de sa façon : du burlesque, des madrigaux, des satires même, quoiqu’il n’y ait chose au monde à laquelle il faille tant être né. Son caractère, c’est d’écrire des lettres couramment, pour cela il s’en acquittera bien : encore y a-t-il quelque chose de forcé ; mais s’il faut quelque chose de soutenu ou de galant, i1 n’y a personne au logis »
Voici quelques vers détachés d’une épitre de Conrart, et qui donneront l’idée de sa versification :

Au-dessous de vingt ans, la fille, en priant Dieu,
Dit : « Donnez-moi, Seigneur, un mari de bon lieu,
« Qui soit doux, opulent, libéral, agréable. »
À vingt-cinq ans : « Seigneur, un qui soit supportable,
« Ou qui, parmi le monde, au moins puisse passer. »
Enfin, quand par les ans elle se voit presser,
Qu’elle se voit vieillir, qu’elle approche de trente :
« Un tel qu’il te plaira, Seigneur, je m’en contente. »

Linière, s’étonnant de la réputation que Conrart avait su acquérir, fit à ce sujet l’épigramme suivante :

Conrart, comment as-tu pu faire
Pour acquérir tant de renom,
Toi qui n’as, pauvre secrétaire,
Jamais imprimé que ton nom ?

Immense

Rigaud, 1881 : Encore un mot très, trop même répandu dans le monde des gommeux et des gommeuses. Parle-t-on d’un acteur célèbre, voilà qu’il est immense. Tient-on un propos étonnant, c’est immense. A-t-on assisté à une fête charmante, c’était immense, etc., etc… — En signalant les néologismes à la mode en 1817, l’auteur des Lettres normandes s’exprime ainsi :

Le mot immense obtient aussi une grande vogue ; il n’est pas neuf, mais on le place d’une manière nouvelle. Nos journalistes disent d’un acteur qu’il a un talent immense ; nos jeunes gens du bel air disent, en parlant d’une femme : cette femme est accomplie, elle a un œil immense.

Aujourd’hui, nous disons simplement : « Un tel est immense. » C’est au vaudevillisme moderne qu’on doit cette nouvelle interprétation.

Immeuble

Delvau, 1866 : s. m. Maison, — dans l’argot des bourgeois.

Immortel

Delvau, 1866 : s. m. Académicien, — dans l’argot ironique des gens de lettres, qui savent très bien que l’Institut est un Léthé. Les quarante immortels. Les quarante membres de l’Académie à tort dite Française.

Impair

Delvau, 1866 : s. m. Insuccès, fiasco, — dans l’argot des artistes.

La Rue, 1894 : Insuccès. Maladresse.

Virmaître, 1894 : Commettre un impair : se couper dans un interrogatoire et dire ce qu’il ne faudrait pas. Faire un impair à quelqu’un, c’est lui manquer de respect. Impair : commettre une faute, se tromper dans l’appréciation de la valeur d’une affaire. Aller un peu trop de l’avant, c’est commettre un impair (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Se tromper, indélicatesse.

Nous ne sommes plus, des amis, depuis qu’il m’a fait un impair.

Impair (faire un)

Hayard, 1907 : Une bêtise.

Impasse

France, 1907 : Desservir une rue en impasse, c’est, dans l’argot des facteurs de la poste, commencer une distribution d’un côté, par les numéros pairs, par exemple, et la terminer par les numéros impairs. Aller successivement des numéros pairs aux impairs s’appelle fricoter.

Impavide

Delvau, 1866 : adj. Impassible, que rien ou personne n’émeut. J’ai employé cette expression il y a quatre ou cinq ans, quelques-uns de mes confrères l’ont employée aussi, — et maintenant elle est dans la circulation.

Impayable

d’Hautel, 1808 : Il est impayable. Pour il est tout-à-fait plaisant ; c’est un drôle de corps.

Delvau, 1866 : adj. Qui est d’une haute bouffonnerie, d’un caractère extrêmement plaisant, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot à propos des choses et des gens.

Delvau, 1866 : adj. Etonnant h force d’exigences, ennuyeux à force de caprices, — dans l’argot de Breda-Street.

Impedimenta

France, 1907 : Obstacles, empêchements. Latinisime.

Les malheureux qui ne pouvaient marcher assez vite, soit que ce fussent des vieillards, des blessés ou des malades, étaient frappés à coups de plat de sabre ou piqués avec la pointe. Plusieurs, que leurs camarades avaient été impuissants à traîner, s’étaient laissés tomber sur le pavé. Une balle de revolver avait mis fin à leur souffrance : la colonne se débarrassait ainsi des impedimenta.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Imper

France, 1907 : Abréviation d’impériale. Grimper à l’imper, monter sur l’impériale d’un omnibus.

Impératrice

Rigaud, 1881 : Impériale d’omnibus, — dans le jargon du régiment. Pourquoi « impératrice » ? — Simplement pour avoir l’occasion de placer un déplorable jeu de mots quand on grimpe sur l’impériale.

Impératrice (faire l’)

Fustier, 1889 : Le français ne bravant pas l’honnêteté dans les mots, il est impossible de traduire ici cette locution fort usitée chez les non-conformistes. Aux lecteurs trop curieux, je rappellerai les singulières relations de Julia et Pompée, et les renverrai, les lecteurs, à un ouvrage aussi curieux que rare : Centuria librorum absconditorum. pp. 404 et circa.

Impère

Delvau, 1866 : s. f. Apocope d’impériale, — dans l’argot des faubouriens.

Impériale

Larchey, 1865 : Bouquet de poils plus grand que la mouche et moins grand que la bouquine.

Il avait six pieds six pouces, L’impériale au menton.

Festeau.

France, 1907 : Partie supérieure d’un omnibus ou d’un wagon.

France, 1907 : Nom que l’on donnait sous le second empire à la touffe de poils qu’on portait sur le menton et que, sous la royauté, l’on appelait la royale. L’impériale ou royale faisait du premier coup reconnaître en Angleterre les Français.

Impérialiste

France, 1907 : Voyageur d’impériale ; argot des conducteurs d’omnibus.

Impossible

d’Hautel, 1808 : À l’impossible nul n’est tenu. Signifie qu’il ne faut pas exiger des gens au-delà de leurs moyens.

Larchey, 1865 : Impossible à figurer.

Avec son col exorbitant et ses lunettes impossibles.

Delvau.

Delvau, 1866 : adj. Extravagant, invraisemblable à force d’être excentrique. — Argot des gens de lettres.

Impot

Halbert, 1849 : Automne.

France, 1907 : Automne ; argot des voleurs.

Impressionnisme

Rigaud, 1881 : École de peinture ultra-réaliste qui, sans nul souci du dessin et de la composition, prétend produire des impressions, et ne produit que de mauvaises impressions sur le public.

Impressionniste

Rigaud, 1881 : Peintre ultra-réaliste. Les impressionnistes ou impressionnalistes ne peignent que l’impression. Ils jettent quelques tons sur la toile sans s’occuper ni de l’harmonie des couleurs, ni du dessin, ni du reste. Leurs œuvres ressemblent à des esquisses informes. C’est l’indication, ce n’est pas le tableau.

Chose singulière ! Duranty qui tient à ce qu’on a appelé, depuis Champfleury, l’école du réalisme, ne comprend pas toujours la peinture de Manet. Faut-il en conclure que, malgré ce qu’on pourrait penser, réalistes et impressionnistes ne regardent pas avec les mêmes yeux ?

(Maxime Rude.)

France, 1907 : Peintre qui se contente de jeter sur la toile l’impression qu’il ressent, sans se soucier de celle qu’il donne. Nombre d’impressionnistes sont des fumistes qui cachent sous des paquets de couleurs leur ignorance du dessin. Ingres eût dit, s’il avait connu ce genre nouveau de jeter non de la poudre, mais des couleurs aux yeux : « C’est la déshonnêteté de la peinture. »

Quelques-uns, les plus roublards, se servent d’un procédé presque enfantin.
Comme le pitre sur ses tréteaux, ils annoncent leur présence au publie en tirant des coups de pistolet pour l’amener devant leur baraque. Dans la nécessité, pour percer, de faire original, ils font étrange, voire même grotesque. Pour ne citer qu’un seul exemple typique : Manet, le père de l’impressionnisme, se faisait refuser exprès au Salon de 1863. Tels tous ses imitateurs.

(Max Brœmer, La Petite République)

Imprimeur marron

France, 1907 : « Ceux qui n’ont pas de quoi acheter un brevet organisent un atelier de composition et se couvrent du nom d’un imprimeur breveté. On les appelle imprimeurs marrons. Ils font le plus grand tort à la profession, parce que, pour attirer à eux les éditeurs et les ouvrages, ils travaillent à bien meilleur compte, et, en conséquence, sont obligés de réduire les salaires, spéculant ainsi, par une espèce de pacte de famine, sur la misère de l’ouvrier… »

(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)

Impromptu

d’Hautel, 1808 : Un impromptu fait à loisir. Se dit par raillerie d’une pièce de vers à laquelle on a travaillé pendant long-temps, et que l’on donne comme impromptu.

Impuissance

Delvau, 1864 : Impossibilité où se trouve un homme de bander ; soit par suite de maladies, soit pour s’être trop masturbé dans sa jeunesse, soit par un vice de conformation quelconque. C’est ce qui arrive à Encolpe (dans le Satyricon) lorsque étendu sur l’herbe, dans les bras de l’aimable libertine Circé, et au moment où il lui entr’ouvre les cuisses pour introduire son braquemart, d’ordinaire plus gaillard il est trahi par une faiblesse subite et trompe l’attente de la belle courtisane à qui le cul démange d’impatience. Un auteur moderne, qui s’est probablement rappelé ce passage de Pétrone, fait dire, à un poète qui ne bande pas, par une fille qui bande fort :

Est-ce du mépris ou de l’impuissance ?
Est-tu pédéraste ou castrat, voyons ?
Un pareil état m’excite et m’offense :
Descends de mon lit, ou bien rouscaillons !

Impuissant (être)

Delvau, 1864 : Ne pas ou ne plus pouvoir bander en l’honneur du sexe auquel nous devons la suprême jouissance — et la plus horrible maladie.

Fi de l’amour banal
Que l’homme ivre ou brutal
Nous donne en grimaçant
Quand, par hasard, il n’est pas impuissant.

Joachim Duflot.

Impure

Delvau, 1864 : À la fin du XVIIIe siècle, on donnait ce nom aux filles entretenues qui aimaient à se pavaner en public. Le mot est encore dans la circulation.

C’est une impure
Presque aussi sûre
Que ces belles
Demoiselles
Là !

Collé.

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, — dans l’argot des vieux galantins, qui ont conservé les traditions du Directoire.

In abstracto

France, 1907 : En lui-même, considéré isolément, indépendamment d’autres causes.

L’acte sexuel étant, in abstracto, un acte parfaitement naturel et commandé même par la morale en vue de la procréation et de la reproduction des hommes, ne saurait être en lui-même une mauvaise action. Ce ne peut donc jamais être qu’un mal très relatif ; si relatif que si tel époux trompé le considère comme une infamie, tel autre au contraire n’en ressentira pas le moindre ombrage.
Très fantaisiste ce délit qui existe ou n’existe pas selon le plus où moins de susceptibilité de l’époux victime.

(M. Chansa, président du tribunal civil de Foix)

In anima vili

France, 1907 : Sur le corps humain ; littéralement : sur une âme vile. Faire une expérience in anima vili, opérer, charcuter un blessé.

In articulo mortis

France, 1907 : À l’article de la mort. Latinisme.

In cauda venenum

France, 1907 : En la queue le venin. Latinisme.

In extremis

France, 1907 : À l’extrémité, sur le point de mourir. Latinisme.

Autrefois, Jenny l’ouvrière, « lâchée » par son galant, allumait sur un réchaud quatre sous de charbon de bois et tentait de « se périr » dans les prix doux. Les fissures de la fenêtre, mal bouchées par le papier de journal, laissant pénétrer un air libérateur, et le volage, prévenu par une lettre in extremis, accourait convaincu et repentant rappeler la pauvrette à la vie : ou bien — autre dénouement — un voisin, qui depuis longtemps guignait la jolie fleuriste, enfonçant la porte, chassait le mauvais gaz et ne tardait pas à dire à l’abandonnée, remise des émotions d’un premier suicide : « Voulez-vous être ma femme ? » Elle, voulait toujours être la femme de quelqu’un.

(Henry Bauer, La Ville et le Théâtre)

In fidelium (passer quelque chose)

France, 1907 : Traiter un sujet à la légère. L’on trouve dans Pasquier l’origine de cette expression :

Quand au lieu de nous acquitter de plusieurs charges auxquelles nous sommes obligés, nous les passons à la légère, on dit que nous les avons toutes passées par un fidelium. Il ne faut pas douter que nous n’ayons emprunté ce proverbe des fautes que font quelques curés quand ils ne s’acquittent pas de ce qu’ils doivent aux morts ; car comme il arrive qu’il y a tant d’obitz fondés dans une église, que dans le siècle du temps il est très difficile de s’en acquitter, où bien que la négligence des ecclésiastiques est très grande, nos anciens ont dit que tout cela se passait par un fidelium, qui est la dernière oraison dont on ferme les prières des morts, voulant dire que l’on avait employé une seule messe des morts pour tous les autres. Le même proverbe a été en usage dans toutes les autres affaires où l’on commet de semblables fautes.

(Recherches de Pasquier)

In globo

France, 1907 : En masse. Latinisme. « Toute la bande, souteneurs et filles, fut enlevée in globo. »

In manus (dire son)

France, 1907 : Recommander son âme à Dieu. Latinisme.

In medias res

France, 1907 : Au milieu des choses, en plein sujet. Locution tirée d’Horace.

In medio stat imbecillitas

France, 1907 : Les imbéciles se tiennent dans les milieux. Locution latine qui contredit cette autre : In medio stat virtus, la vertu se tient dans un juste milieu ; autrement dit, la raison est éloignée des extrêmes.

Personnellement, je ne saurais trop approuver que l’on traite d’apothicaires les gens modérés, prudents, aimables d’ailleurs, qui n’osent se ruer ni à droite ni à gauche, — in medio stat imbecillitas — et mon amour de l’excessif, dans la beauté, jusqu’au sublime, dans la grandeur, jusqu’au colossal, dans l’amour, jusqu’à la passion, dans la grâce, jusqu’à l’afféterie, dans le comique, jusqu’a la farce, mon amour, bref, de l’excès en tout ne m’incline que fort peu à m’enchanter d’un ouvrage si dépourvu de toute espèce d’exubérance, si continent, si discret, où rien ne choque !

(Catulle Mendès.)

In medio stat virtus

France, 1907 : Voir In medio stat imbecillitas.

In naturalibus

Delvau, 1866 : En chemise, ou nu.

France, 1907 : Nu, dans le simple vêtement que nous a donné la nature. Latinisme.

Nous étions deux à l’entresol
Du populaire véhicule,
Et tous deux — hasard ridicule ! —
Sans parapluie ou parasol.
Ma Compagne que je devine
Charmante in naturalibus
Me fait bientôt trouver divine
Cette averse sur l’omnibus.

(Jean Goudezki)

Il n’y avait pas à s’y tromper : c’était l’écriture de Gaston, jeune gommeux du plus riche avenir, à qui la grassouillette Olympe Latuvu daignait se montrer par les fortes chaleurs in naturalibus.

(Jean Deslilas, Fin de Siècle)

In partibus

France, 1907 : Phrase latine employée en parlant d’un prêtre à qui le pape donne le titre d’évêque dans un pays lointain, occupé par des « infidèles ». Infidèles à qui ? On sous-entend infidelium. « Le révérend père Braquemard vient d’être nommé évêque in partibus. »

Ce prince (Napoléon II), que tout jeune a moissonné la Parque
Me va mieux que son père au milieu des obus ;
Il a réalisé l’idéal du monarque,
Le souverain in partibus.

(Charles Tabaraud)

In petto

France, 1907 : Secrètement, intérieurement. Italianisme.

Désormais, notre guillotine,
Prise de pudeur enfantine,
Veut un manteau,
Et, dressant ses deux bras dans l’ombre,
Continûra son baiser sombre,
Mais in petto,
À tous les friands de la lame,
Plus de public, plus de réclame,
Rien qu’un couteau !

(Maurice Montégut)

In poculis

France, 1907 : Le verre en main ; littéralement : au milieu des coupes. On dit aussi inter pocula.

In re

France, 1907 : Réel, positif ; littéralement : dans une chose. Latinisme.

In rerum natura

France, 1907 : Dans la nature des choses. Latinisme.

In sæcula sæculorum

France, 1907 : Finale de nombre de prières de l’Église signifiant : dans les siècles des siècles, et employée dans le langage profane pour indiquer une chose de longue durée.

In solido

France, 1907 : Solidairement, en masse. Locution latine.

In tempore opportuno

France, 1907 : En temps opportun. Latinisme.

In utroque jure

France, 1907 : En l’un et l’autre droit. Cette expression latine ne s’emploie qu’avec le mot docteur : docteur in utroque jure, c’est-à-dire en droit civil et en droit canon.

In vino veritas

France, 1907 : Dans le vin la vérité. Locution latine.

In vitium ducit culpæ fuga

France, 1907 : « En fuyant une faute, on tombe dans le vice. » Locution tirée de l’Art poétique d’Horace.

In-cent-vingt-huit

France, 1907 : Terme de typographe désignant une feuille d’impression formant cent vingt-huit feuillets ou deux cent cinquante-six pages.

In-pace

France, 1907 : En paix. C’était autrefois, dans les monastères, une prison où l’on enfermait les moines ou les nonnes coupables d’indiscipline, de libre pensée ou de fornication. Des in pace on ne sortait plus.

Songez à ce que doit souffrir un malheureux qu’on arrête sur la dénonciation d’un juif quelconque, parce qu’il n’a pas voulu se laisser voler par ce juif et qu’il ne peut arriver à prouver qu’il n’a rien fait ! À qui voulez-vous qu’il s’adresse ? Défense de parler de l’instruction… Auprès de qui voulez-vous que sa plainte trouve un écho ? Défense de parler des débats…
C’est la chambre de torture sourde, la chambre de torture matelassée, afin que nul cri n’en sorte, que Sardou a montrée dans Patrie ; c’est l’in-pace dans lequel on meurt, désespéré, en se cognant inutilement la tête contre les murs.

(Drumont)

In-quarante-huit

France, 1907 : Terme de typographie pour désigner une feuille d’impression pliée en quarante-huit feuillets formant quatre-vingt-seize pages.

In-quatre-vingt-seize

France, 1907 : Même explication que ci-dessus pour quatre-vingt-seize feuillets ou cent quatre-vingt-douze pages.

In-soixante-quatre

France, 1907 : Format typographique dans lequel la feuille est pliée en soixante-quatre feuillets, ce qui fait cent vingt-huit pages

Inacostable

d’Hautel, 1808 : Qui a l’abord rude et grossier, que l’on ne peut aborder.

Inaudit

France, 1907 : Inouï.

Incarné

d’Hautel, 1808 : C’est un diable incarné. Pour dire un très-méchant homme ; se dit aussi par plaisanterie en parlant d’un enfant vif et pétulant.

Incartade

d’Hautel, 1808 : Incartade, insulte commise par indiscrétion, par étourderie ou excès de familiarité.
Le peuple dit écartade.

Inchistes

France, 1907 : Illuminés du Midi, disciples d’une Mme Inch, évidemment d’origine anglaise, qui, s’inspirant des billevesées de Jane Leade et d’Antoinette Bourignon, fonda à Montpellier, il y a environ cinquante ans, la secte qui prit son nom et dont le but était de préparer au milieu des hommes, livrés à la matière, la venue de l’Esprit pur. D’après l’Intérmédiaire, il existerait encore à Cette quelques adhérents de cette religion qui, entre autres particularités, professait l’horreur des images.

Incipit

France, 1907 : Il commence. Se dit des premiers mots d’un ouvrage. Citer l’incipit d’un livre. Latinisme.

Incommode

Delvau, 1866 : s. m. Réverbère, — dans l’argot des malfaiteurs, ennemis-nés des lumières.

Rossignol, 1901 : Réverbère.

France, 1907 : Lanterne, bec de gaz ; argot des voleurs.

Incomparable

d’Hautel, 1808 : C’est un incomparable. Nom donné aux jeunes gens qui parlent d’une manière ridicule, et qui se font remarquer par une mise et un ton affectés.

Incomplet

d’Hautel, 1808 : C’est un être incomplet. Se dit par raillerie d’un homme incommodé de quelqu’infirmité ; d’un petit homme sans moyens, tant au physique qu’au moral.

Incongru

d’Hautel, 1808 : Incivil, impoli ; ignorant, grossier, sans expérience.

Incongruité

d’Hautel, 1808 : On appelle ainsi une grossièreté ; une chose indécente, incivile.
Lâcher une incongruité. Se permettre des discours injurieux ; donner l’essor à un mauvais vent.

Delvau, 1866 : s. f. Ventris crepitus, ou Ructus, — dans l’argot des bourgeois, qui oublient que leurs pères éructaient et même crépitaient à table sans la moindre vergogne. Faire une incongruité. Crepitare veleructare. Dire une incongruité. Dire une gaillardise un peu trop poivrée, — turpitudo verborum.

Inconnobré

Rigaud, 1881 : Inconnu, — dans le jargon des voleurs.

Inconoblé

Rossignol, 1901 : Inconnu, pas encore connu. On dit plutôt : je ne suis pas conoblé.

Inconobré

Delvau, 1866 : s. et adj. Inconnu, étranger, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Inconnu.

Virmaître, 1894 : Inconnu ou étranger. On dit aussi : inconnu au bataillon (Argot des voleurs).

France, 1907 : Inconnu, étrangers ; argot des voleurs.

Inconséquence

Delvau, 1866 : s. f. Infidélité galante, — dans l’argot de Breda-Street, où le manque de probité en amour est naturellement considéré comme péché véniel.

Inconséquent

Larchey, 1865 : « Lorsque, dans le monde, une jeune dame n’a pas très-bien su étendre le voile par lequel une femme honnête couvre sa conduite, là où nos aïeux auraient rudement tout expliqué par un seul mot, vous, comme une foule de belles dames à réticences, vous vous contentez de dire : Ah ! oui, elle est fort aimable, mais… — Mais quoi ? — Mais elle est souvent bien inconséquente. » — Balzac.

Inconséquente

Delvau, 1866 : s. f. Femme qui change souvent d’amants, soit parce qu’elle a la papillonne de Fourier, soit parce qu’ils n’ont pas la fortune de M. de Rothschild.

Inconvénient

Delvau, 1866 : s. m. Infirmité, — dans l’argot du peuple. Avoir l’inconvénient de la bouche. Mériter cette épigramme de Tabourot à Punaisin :

Tu t’esbahis pourquoy ton chien,
Les estrons de sa langue touche :
Se peut-il pas faire aussi bien
Qu’il lesche ta lèvre et ta bouche ?

Avoir l’inconvénient des pieds. Suer outrageusement des pieds.

Incroyable

d’Hautel, 1808 : C’est un incroyable. Sobriquet donné aux jeunes gens du grand monde, à cause du fréquent usage qu’ils font de ce mot, et de la manière affectée avec laquelle ils le prononcent. En effet, à chaque chose qu’on leur dit, ils répondent constamment : c’est incoyable !

Delvau, 1866 : s. m. Le gandin du Directoire. On prononçait Incoïable.

Incurable (portier des)

Rigaud, 1881 : C’est sous cette dénomination qu’on désignait, en 1835, le balcon du Théâtre-Français.

C’est là que se réfugie l’opposition ultra classique des vieux amateurs.

(Jacques le souffleur, Dict. des coulisses, 1835.)

Inde iræ

France, 1907 : De là les haines. Locution latine.

Indécences (dire ou faire des)

Delvau, 1864 : Tenir des propos gaillards, avoir la parole leste et même ordurière. — Baiser avec des raffinements ignorés des simples mortels, en levrette, à la paresseuse, en cuisses, en tétons, etc.

Indecent assault

France, 1907 : Outrage aux mœurs, Anglicisme.

Trois polissons de treize à quatorze ans comparaissent devant la cour de Greenwich pour indecent assault sur la personne de Mlle Minne, âgée de douze ans. La mère, qui se doutait de quelque chose de louche, les a guettés et surpris dans un champ. À la vue de cette tête de Méduse, les deux premiers prirent la fuite et le troisième grimpa sur un arbre. Quant à miss Minnie, elle fut reconduite à coups de calottes à la maison. Examinée par le médecin, on ne trouva aucune trace de violence : c’est pourquoi les trois drôles, appréhendés d’abord, furent rendus à leur famille après avoir reçu, au préalable, de par l’ordre du magistrat, douze coups de verge de bouleau sur la partie la plus grasse des reins.

(Hector France, Lettres de Londres)

Indécrotable

d’Hautel, 1808 : Il est indécrotable ; d’une humeur indécrotable. Se dit d’un homme capricieux, brusque, grossier et fantasque ; toujours mécontent et de mauvaise humeur.

Indécrottable

Delvau, 1866 : adj. Incorrigible, — dans l’argot des bourgeois.

Indépendants

France, 1907 : Il en est de plusieurs sortes, en politique comme en peinture. Ils sont plus généralement connus sous le nom de fumistes.
En politique comme en art, leurs confrères, c’est-à-dire ceux qu’eux-mêmes appellent les enrégimentés, refusent de les prendre au sérieux.

Nous aurons fait comprendre ce qu’ils sont dans le parti de la révolution, dit Jehan des Ruelles, lorsque nous aurons dit que Maxime Lisbonne, le joyeux fumiste, est un indépendant, membre du groupe, indépendant aussi, des Égaux de Montmartre.

En peinture, quelques noms moins connus, mais non moins joyeux fumistes, donnent la note du cénacle.

Index

Boutmy, 1883 : s. m. Décision de la Chambre syndicale des ouvriers typographes qui interdit aux sociétaires de travailler dans telle ou telle maison, par suite d’infraction de la part du patron aux règlements acceptés. Les imprimeries à l’Index sont celles où le travail n’est pas payé conformément au Tarif. Les ouvriers typographes qui consentent à y travailler sont désignés sous le nom de sarrasins.

France, 1907 : « Décision de la chambre syndicale des ouvriers typographes qui interdit aux sociétaires de travailler dans telle ou telle maison par suite d’infractions de la part du patron aux règlements acceptés. Les imprimeries à l’index sont celles où le travail n’est pas payé conformément au tarif. Les ouvriers typographes qui consentent à y travailler sont désignés sous le nom de sarrasins. »

(Eugène Boutmy, Argot des typographes)

Index (travailler à l’)

Rigaud, 1881 : Travailler à prix réduit, — dans le jargon des ouvriers, qui montrent au doigt les gâte-métiers.

France, 1907 : Travailler à prix réduit. Celui qui travaille dans ces conditions est en effet montré au doigt. Dans nombre d’ateliers, la baisse des salaires a été occasionnée par les ouvriers allemands qui tous travaillent à l’index.

Indicateur

Rigaud, 1881 : Espion, mouchard ; terme technique de la préfecture de police.

La compagnie des allumettes emploie un certain nombre d’individus à surveiller les concurrents de son privilège ; elle a des indicateurs, etc.

(Petit journal, du 2 août 1877.)

France, 1907 : Individu qui donne des renseignements à la police.

Il y a deux genres d’indicateurs : les indicateurs sur place, tels que les marchands de chaînes de sûreté et les marchands d’aiguilles, bimbelotiers d’occasion, faux aveugles, etc., et les indicateurs errants : marchands de balais, faux infirmes, musiciens ambulants… Il y avait, sous l’empire, des indicateurs jusque dans le haut commerce parisien.

(Mémoires de M. Claude)

Indicatrice

France, 1907 : Femme qui prête son concours aux agents de la sûreté.

Une assez bonne fille, connaissant et mettant en pratique quelques-uns des sept péchés capitaux ; elle est intelligente, très adroite, et toujours disposée à se rendre utile à l’administration comme indicatrice.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Indien

France, 1907 : Nom que les paysans du Doubs emploient comme injure. Synonyme de juif, d’arabe, de voleur.

Indienne

Fustier, 1889 : Vêtements, effets. Argot des voleurs, « De quoi ! de quoi ! il va me fusiller mes indiennes ! Veux-tu laisser ça ou je te mets une pouce. »

(Humbert : Mon Bagne.)

La Rue, 1894 : Vêtements. Effets.

France, 1907 : Vêtements.

Indifférer

France, 1907 : Être indifférent.

Indigent

Rigaud, 1881 : Voyageur d’impériale d’omnibus, — dans le jargon des cochers de fiacre, qui professent le plus profond mépris pour les gens qui vont en omnibus.

Indigestion

d’Hautel, 1808 : On dit par raillerie d’un homme qui parle beaucoup trop, qu’il aura une indigestion de paroles.

Individu

d’Hautel, 1808 : Avoir soin de son individu. Prendre des soins minutieux de sa personne ; se dorlotter à la manière des femmes.

Induire

Rigaud, 1881 : Par abréviation pour induire en erreur.

J’ai été bien aise de voir que le citoyen Zola nous avait induits.

(La petite Lune, 1879.)

Industrie

d’Hautel, 1808 : Chevalier d’industrie. Celui qui vit d’intrigue, d’expédient ; parasite, écornifleur de dîners.

Inekto

France, 1907 : Il n’est que tôt. Argot de l’École polytechnique. Cette singulière abréviation, les élèves l’emploient à tout propos. « Lorsqu’un garde consigne a quelque peu tardé à ouvrir une grille, Inekto ! est le cri poussé par tous ceux qui attendent. À la fin d’une leçon, quand le professeur salue en se retirant, toute la promotion quitte les bancs en murmurant : Inekto ! Dans maintes circonstances, ce simple vocable permet à L’X peu bavard de formuler rapidement sa pensée. Inekto et probable paraissent former en ce moment le fonds de la langue polytechnicienne. »

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Inexpressible

Larchey, 1865 : Pantalon.

Au sortir des bancs du collège, où nous avions usé, tous deux, pendant huit mortelles années, ce que la pruderie anglaise exprime par inexpressible.

Mornand.

Delvau, 1866 : s. m. Pantalon, — dans l’argot des Anglaises pudiques, qui est devenu celui des gouailleurs parisiens.

France, 1907 : Pantalon. Ce mot nous vient en droite ligne de l’autre côté de la Manche. Les pudibondes Anglaises n’osent prononcer le mot pantalon, mais elles contemplent sans vergogne l’homme in naturalibus.

Infante

Delvau, 1864 : Maîtresse, femme aimée — les infantes, filles puinées des rois d’Espagne et de Portugal, étant supposées belles.

Qu’en dites vous, amies, qu’en dites vous, infantes,
Dont les trous sadinets vivent bien de leurs rentes ?

(Recueil de poésies françaises)

Aux petits oignons, mon infante !

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des troupiers. Les infantes étant les filles puînées des rois d’Espagne et de Portugal, sont supposées belles, et l’on sait que tous les amants jouent volontiers de l’hyperbole a propos de leurs maîtresses : ils disent « mon infante » comme ils disent « ma reine ». Une couronne leur coûte moins à donner avec les lèvres qu’une robe de soie avec les mains.

Rigaud, 1881 : Maîtresse d’un jour, femme que l’on courtise, — dans le jargon des sous-officiers.

France, 1907 : Coureuse ; jeune personne de mœurs faciles, ou simplement maîtresse. « Je vous quitte, mon infante m’attend. »

Infanterie (entrer dans l’)

Rigaud, 1881 : Être enceinte.

France, 1907 : Devenir enceinte ; jeu de mot sur enfant.

Infatuer

d’Hautel, 1808 : Être épris de sa personne ; et non effatuer, comme on ne cesse de le dire.

Infect

Larchey, 1865 : Laid. — L’infection n’est prise qu’au figuré.

Viens-tu voir la petite nouvelle ? — Pardieu ! et si elle n’est pas trop infecte, nous l’emmenons à la Maison-d’Or.

Ces Petites Dames, 1862.

Delvau, 1866 : adj. Peu généreux, — dans l’argot des petites dames, pour qui ne pas regarder à la dépense c’est sentir bon, et n’avoir pas d’argent c’est puer.

Delvau, 1866 : adj. Détestable, mal écrit, — dans l’argot des gens de lettres qui disent cela à propos des articles ou des livres de ceux de leurs confrères qu’ils n’aiment pas, à tort ou à raison.

Rigaud, 1881 : Laid, détestable. — Individu infect, œuvre infecte.

France, 1907 : Très mauvais. Livre infect, livre ennuyeux et mal écrit ; infect individu, homme digne de tout mépris. « Que d’infects personnages sont parés du signe de l’honneur ! »

Infectados

Rigaud, 1881 : Cigare d’un sou.

France, 1907 : Cigare dont on empuantit ses voisins. La régie fournit beaucoup d’infectados.

Inférieur

Delvau, 1866 : adj. Qui est indifférent ; qui semble peu important. Argot des faubouriens. Cela m’est inférieur. Cela m’est égal.

Rigaud, 1881 : Personne, chose dont on se soucie fort peu. Ça m’est inférieur, ça m’est égal.

Infi

France, 1907 : Abréviation d’infirmerie, dans l’argot polytechnicien.

Il est rare qu’on ait à soigner à l’infi quelque affection grave, car l’École, située au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, est parfaitement saine ; l’hygiène et la nourriture laissent peu à désirer. Les malades que l’on y voit le plus habituellement sont ceux qui ne sont pas soignés par les sœurs. (Voir Castapiane)

(Albert Lévy et G. Pinet)

Infirme

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, — dans l’argot du peuple et des gens de lettres. Jouer comme un infirme. Jouer très mal.

Rigaud, 1881 : Maladroit. Ouvrier qui gâche l’ouvrage, qui ne fait rien qui vaille.

Ils sonnèrent tant bien que mal, ces infirmes, et les gens accoururent au tapage.

(L. Cladel, Ompdrailles.)

France, 1907 : Imbécile, faible de cervelle.

Infirmerifique

France, 1907 : Infirmerie, en largonji.

Infirmierifuge

France, 1907 : Infirmier, en largonji.

Influencé (être)

Fustier, 1889 : Être légèrement ivre.

Influenza

France, 1907 : Maladie inventée par les médecins à court de malades au commencement de l’hiver de 1889 et qui n’est autre chose qu’une forte grippe. Mais pour la grippe on ne fait guère venir le docteur ; le malade se contente d’ordinaire de garder la chambre, tandis que la grippe, prenant soudain le nom nouveau d’influenza, le terrifie et le fait recourir à la Faculté. Comme pour toutes les maladies à nom nouveau, elle fit tomber un déluge de réclames. L’infatigable Gérandel n’a pas manqué cette bonne occasion de placer ses extraordinaires pastilles.

Depuis que sévit, à Paris, l’épidémie de grippe nommée influenza par les uns, fièvre dengue par les autres, une autre épidémie bien plus terrible s’est subitement déclarée.
Cette épidémie s’est abattue sur les lecteurs de tous les journaux français sous forme de réclames très bien faites, destinées à révéler au public une foule de remèdes contre la grippe, l’influenza, la fièvre dengue, etc.
Du jour au lendemain, des spécialités pharmaceutiques se sont rappelé qu’elles possédaient des propriétés merveilleuses contre ces actions.
Toute la pharmacie moderne y a déjà passé.
Ce serait amusant si la santé publique n’en devait souffrir.
Or, il importe de ne rien exagérer. La grippe où influenza, comme l’on voudra, est toujours la conséquence d’un rhume qui n’a pas été soigné à temps…
 
À vrai dire, cette épidémie est plus vexatoire que meurtrière et je ne crois pas que le niveau de la mortalité se soit élevé dans des proportions inquiétantes. L’influenza d’aujourd’hui n’est qu’une dilution de l’influenza d’il y a cinq ans qui, sournoisement — un grand médecin nous l’affirmait hier — fit plus de victimes que n’en avait fait le choléra de 1832.

(Grosclaude, Le Journal)

On a découvert, y a quéqu’ temps,
Un mal qu’a bien cent fois cent ans.
Et sous l’nom d’gripp’ qu’il se donnait
Personne ne le soupçonnait.
Or, vite à la mode on l’a mis
Dans l’meilleur monde il est admis.
C’est la fièvre dengue
Et l’influenza.
— Dieu, quell’ drôl’ de langue
On parle avec ça ! —
En l’appelant grippe
Ou rhum’ simplement,
Sitôt ça s’dissipe
Qu’c’est un amus’ment !

(É. Blédort)

Influenzette

France, 1907 : Diminutif d’influenza ; grippe.

La maladie en vogue n’est que l’influenzette, comme qui dirait une influenza d’opérette, où le tragique est tourné au bouffon. Il ne faut donc pas nous en alarmer outre mesure, mais, tout de même, c’est joliment désagréable, et nous avons à envier nos ancêtres qui ne connaissaient pas toutes ces maladies nouvelles, dont on se passait fort bien jusqu’ici.

(Grosclaude, Le Journal)

Ingénue

Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille innocente et persécutée par les séducteurs auxquels elle résiste vertueusement — tant que dure son rôle : la toile baissée, c’est différent. Argot des coulisses. Cet emploi commence à disparaître des théâtres et des pièces comme trop invraisemblable et par conséquent ridicule. Les actrices aiment mieux jouer les travestis.

Ingliche

Delvau, 1866 : s. m. Anglais, — dans l’argot des faubouriens, qui prononcent à peu près bien ce mot, mais qui l’écriraient probablement très mal. Ils disent aussi Inglichemann (Englishman).

Inglichmann

Larchey, 1865 : Anglais.

Avec ça que l’amiral l’avait fait habiller en inglichmann.

L. Desnoyer.

Ingriste

Larchey, 1865 : Peintre de l’école d’Ingres.

À vous Lehmann, Ziegler, Flandrin, Romain, Cozes et autres ingristes.

Ch. Blanc.

Delvau, 1866 : s. m. Peintre qui fait gris comme M. Ingres et exagère la sécheresse et la froideur de couleur de ce maître. Argot des artistes et des gens de lettres.

Rigaud, 1881 : Peintre de l’école d’Ingres, qui sacrifie tout au dessin. — Peintre qui fait gris, — en terme de peintres. — Peinture monochrome.

Ainsi devant le portrait bleu de M. Amaury-Duval et bien d’autres portraits de femmes ingristes ou ingrisées.

(Baudelaire, Salon de 1846.)

France, 1907 : Élève ou admirateur du célèbre peintre Ingres qui, suivant le critique d’art Ch. Blanc, regardait la nature à travers un voile de tristesse.

À vous Lehmann, Ziegler, Flandrin, Romain, Cozes et antres ingristes.

(Ch. Blanc)

Ingurgiter

Delvau, 1866 : v. a. et n. Boire, ou manger, avaler, — dans l’argot du peuple. Ce verbe, que n’oseraient pas employer les gens du bel air, est un des mieux formés et des plus expressifs que je connaisse : ingurgitare, — qui évoque naturellement le souvenir du fameux ingurgite vasto, cet abîme goulu où disparurent les Lyciens, les fidèles compagnons d’Enée. On dit aussi S’ingurgiter quelque chose.

Ingurgiter son bilan

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des commerçants.

France, 1907 : Mourir.

Initium sapientiæ timor domini

France, 1907 : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Locution tirée de l’Ancien Testament.

Inlenieurgem

France, 1907 : Ingénieur, en largonji. Voir Ierchem.

Innocent

d’Hautel, 1808 : Les innocens, pâtissent pour les coupables. Voy. Coupables.
Innocent. Pour, sot, idiot, homme qui ne voit pas plus loin que son nez.

France, 1907 : Fou sans méchanceté, Provincialisme.

Innumérable

France, 1907 : Innombrable. Vieux mot resté d’usage courant dans le Midi.

Inodores

Larchey, 1865 : Latrines. — V. Calme.

Fournier aux inodores Présente le papier.

Revue anecdotique.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Waterclosets, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Nom que les industriels des water-closets à 15 centimes donnent à leurs établissements qui, généralement, à l’encontre de leur enseigne, dégagent de fortes odeurs.

Inquanter

France, 1907 : Vendre à l’encan, à la criée ; du vieux mot inguant, encan.

La dite maison sera vendue et inquantée entre les héritiers.

(Coutume de Bretagne)

Inquiétudes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Démangeaisons, — dans l’argot des faubouriens. Avoir des inquiétudes dans le mollet. Avoir une crampe.

Inquiétudes dans les jambes (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir envie d’administrer un coup de pied au derrière de quelqu’un ; le prévenir charitablement de l’envie qu’on a.

Insecte

Rigaud, 1881 : Toute sorte de volaille et de gibier depuis l’oie jusqu’à la mauviette.

Fustier, 1889 : Gamin.

Inséparable

Virmaître, 1894 : Cigare à sept centimes et demi. Petites perruches. Femmes qui s’aiment (Argot du peuple). V. Accouplée.

Inséparables

Fustier, 1889 : Cigares qui se vendent quinze centimes les deux ; les débitants n’en délivrent pas moins de deux à la fois.

Cela lui permet, l’aristo, de fumer orgueilleusement des inséparables de choix.

(Dix-neuvième siècle, avril 1885.)

France, 1907 : Cigares vendus 15 centimes les deux. « La fabrication de ces cigares, dit Lorédan Larchey, remonte à 1872 et l’administration centrale des tabacs a adopté, dans ses rapports officiels, cette appellation populaire. »

Insexualité

France, 1907 : Qui n’a pas de sexe, soit au physique, soit au figuré. « Ce qui fait la vertu de certaines gens, c’est qu’ils sont atteints de cette infirmité appelée l’insexualité. »

Ah ! les luttes de Titans de la chair contre l’ineffable empyrée qu’ils veulent toujours escalader et d’où ils retombent brûlés de fièvres, les reins lassés et les lèvres crevassées de rictus, tandis qu’assagis, bienheureux, les mammifères calmes de l’humanité ruminent bêtement, le cœur vide, dans la fraîcheur d’une placide et constitutionnelle insexualité.

(Jules Monod)

Insinuant

Delvau, 1866 : s. m. Apothicaire, — dans l’argot des voleurs, qui ont voulu détrôner M. Fleurant.

Rigaud, 1881 : Apothicaire, infirmier.

Virmaître, 1894 : Pharmacien. Malgré l’invention du docteur Eguisier, qui permet avec le petit appareil que l’on sait, d’opérer seul, le mot insinuant est resté pour caractériser le pharmacien, descendant de l’apothicaire Flutencul, qui insinuait la canule de la seringue dans le derrière du malade (Argot du peuple).

France, 1907 : Apothicaire. Allusion à la seringue que ces praticiens insinuaient eux-mêmes jadis dans le fondement.

Insinuante

Rigaud, 1881 : Seringue.

France, 1907 : Seringue.

Insinuation

France, 1907 : Clystère.

Insipide

d’Hautel, 1808 : C’est insipide. Pour, c’est ennuyeux, désagréable ; locution qui exprime l’ennui, le mécontentement, et que les olibrius et les avantageux ont continuellement à la bouche.

Insolenter

France, 1907 : Injurier, insulter, dire des insolences.

Pour me consoler, il m’a raconté que c’était l’habitude des magistrats d’insolenter du haut de leur siège des gens à qui ils tireraient très bas leur chapeau dans la rue.

(Gil Blas)

Insolpé

Delvau, 1866 : adj. et s. Insolent, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Insolent, changement de la dernière syllabe.

La Rue, 1894 : Insolent.

France, 1907 : Insolent ; argot des voleurs ; en largonji, on dit insolentsoc.

Insoumise

Virmaître, 1894 : Fille en carte qui s’affranchit volontairement de la visite sanitaire imposée par le règlement. Les insoumises sont très nombreuses à Paris et forment la majeure partie du personnel de la prostitution (Argot des filles). N.

Rossignol, 1901 : Fille qui se prostitue, mais qui n’est pas inscrite sur les registres de la police des mœurs.

Inspecter les pavés

Virmaître, 1894 : Fille qui raccroche à la flan (au hasard). Elle espère voir surgir des clients (Argot des filles). N.

Inspecteur des pavés

Rigaud, 1881 : Flâneur. — Ouvrier, commis sans place et qui cherche une place, en amateur, en flânant.

Inspiré

Virmaître, 1894 : Le front (Argot des voleurs). N.

Inspiré (l’)

Hayard, 1907 : Le front.

Instantanée

France, 1907 : Fille qui accorde instantanément ses faveurs.

Institutrice

Rigaud, 1881 : Maîtresse d’une maison de tolérance, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Matrone d’un lupanar.

Instruit (être)

France, 1907 : Être adroit voleur.

Instruite (être bien)

Delvau, 1864 : Connaître à fond les divers moyens de faire jouir les hommes et de se foutre d’eux — tout en se laissant foutre par eux.

Je connais sur tout cela des femmes bien instruites.

La Popelinière.

Elle de se coucher, et lui de vous l’instruire.

Vadé.

Un jour elle trompa la vigilance de nos gouvernantes, et nous nous instruisîmes.

Diderot.

Instrument

Delvau, 1864 : Le membre viril, ou la nature de la femme.

Jamais pire homme je ne vis !
Et je crains bien votre instrument.

(Ancien théâtre français.)

La soudain sans attendre plus
Je lui happe son instrument,
Et je lui lave doucement.

(Farces et moralités.)

Et ci a l’instrument grand et gros, de la longueur du bras.

(Les cent nouvelles nouvelles.)

Touche du moins, mignonne frêtillarde,
Sur l’instrument le plus doux en amour.

Theophile.

Il lui dit qu’il savait jouer d’un autre instrument qui ravissait bien davantage.

Ch. Sorel.

Et puis pensez que l’instrument
Il faudra bien que l’on me prête.

(Farces et moralités.)

D’une on dit qu’elle ayme Hutin,
Et a l’instrument compassé
Comme un houseau de biscaïen,
Quand a le ventre deslacé.

G. Coquillard

Monsieur l’officier condamna la pauvre fille à prêter son beau et joli instrument à son mari.

Bonaventure Desperriers.

Insurgé de Romilly

Delvau, 1866 : s. m. Résultat probant de toute bonne digestion. Synonyme de factionnaire, sentinelle, etc. Cette expression date de 1848 et est due à une historiette grasse rapportée par le Corsaire de cette époque.

France, 1907 : Étron. « Cette expression — dit Alfred Delvau — date de 1848. Les Insurgés de Romilly, écrit le Corsaire, traversent tous les matins un bois voisin du canal qu’ils creusent près de Conflans (Marne). Non contents d’user du bénéfice que leur accorde le propriétaire du bois, pour abréger leur chemin, ils aiment à s’égarer dans les allées sinueuses tracées pour la méditation, et ils y déposent des marques nombreuses de leur passage. Donc, le maître du bois, se promenant un jour et découvrant à chaque pas ces faits inusités, ne put s’empêcher de s’écrier : « Dieu ! que d’insurgés ! » Le mot fut entendu, recueilli il est resté et il restera, au moins à Romilly. Il remplit d’ailleurs une fonction utile dans la langue : il remplace avantageusement le mot sentinelle, qui attendait impatiemment, depuis des siècles, qu’on le relevât. »
Je ne sais si le mot est resté à Romilly, en tout cas il m’est pas passé dans la langue malgré le vœu du Corsaire, et il n’y avait nulle nécessité qu’il rémplaçât celui de sentinelle.

Inter pocula

France, 1907 : En buvant ; littéralement : au milieu des coupes. On dit aussi in poculis.

Et le nouveau palefrenier du cirque Balbi plaida si bien sa cause, il sut trouver de tels arguments en sa faveur, que deux heures plus tard les trois associés déjeunaient plantureusement dans l’une des salles réservées du Café du Sauvage, et que, les coudes sur la table, inter pocula, on scellait et arrosait la nouvelle association…

(Georges Pradel, Dent pour dent)

Interlope

Delvau, 1866 : s. et adj. Qui appartient au monde de la galanterie, — où les smugglers des deux sexes fraudent sans cesse la Morale, la Pudeur et même la Préfecture de police. Le monde interlope. La Bohème galante.

Interloquer

Delvau, 1866 : v. a. Confondre, stupéfier, humilier, — dans l’argot du peuple.

Intermezzo

France, 1907 : Intermède. Italianisme.

Intermittente

Virmaître, 1894 : Femme qui fréquente par intervalle irrégulier, suivant les besoins de son ménage, les maisons de rendez-vous ; elle est toujours servie comme nouvelle aux étrangers (Argot des filles). N.

Interroger le pantalon d’un homme

Delvau, 1864 : Porter les yeux sur son paquet, pour savoir ce qu’il pense, s’il est en état de baiser ou non.

Urinette, qui a interrogé son pantalon : À quoi bon, puisque tu n’es pas prêt ?

Lemercier de Neuville.

Intertrigo

France, 1907 : Jargon médical pour désigner une inflammation causée par le frottement des parties sexuelles ; du latin inter, entre, et terere, trotter.

Interver

France, 1907 : Comprendre ; argot des voleurs.

Interview

France, 1907 : Entrevue d’un journaliste avec une personne dont il veut obtenir des renseignements ; reportage. Voir Interviewer.

Ce reportage, ces interviews, cette information à outrance ne sont-ils pas une conséquence de la marche et du développement de la civilisation ? Ce n’est pas nous qui avons créé le reportage : c’est l’électricité, c’est la vapeur, c’est le télégraphe, c’est le téléphone, ce sont les nouvelles conditions d’existence qui nous ont été faites par le progrès industriel. Quand on voyageait en patache et qu’une lettre mettait plusieurs jours pour venir du Havre à Paris, le reportage n’existait pas et je comprends qu’on regrette ce temps ; mais, pour ma part, j’aime à aller et à être informé vite, Question de tempérament, voilà tout.

(Paul Doumerc)

Nos pères ce contentaient d’une chronique, leurs fils veulent de l’interview, et la littérature n’est plus admise que comme la sauce du condiment.

(Guy Tomel, Le Bas du pavé de Paris)

En police correctionnelle.
— Vos nom et prénoms ?
— Hippolyte Lenglumé.
— Ou êtes-vous nés ?
— À Paris.
— Avez-vous déjà été condamné ?
Le prévenu, souriant avec politesse :
— Alors, c’est un interview ?

(La Revue des Journaux)

Interviewer

Fustier, 1889 : Encore un mot d’importation anglaise qui joue chez nous le double rôle de verbe et de substantif. Il signifie selon le cas, interroger, questionner ou reporter, courriériste. Ex. ;

Félicie L… est passée de vie à trépas, sans accompagnement de chroniqueur. Aucun reporter n’est allé interviewer la regrattière d’en bas, ou la repasseuse du cinquième.

(L. Chapron.)

Je vous dérange, mademoiselle, mille excuses ! Blowitz, interviewer… le grand interviewer Blowitz… C’est ma spécialité de tirer les vers du nez aux personnalités en vue.

(P. Ferrier.)

France, 1907 : Journaliste chargé des entrevues.

France, 1907 : Entrevoir, interroger ; argot des journalistes. Mot d’importation américaine où l’interview est devenu l’élément le plus important du journalisme. C’est notre mot entrevue revenu déformé par son passage dans la langue anglaise. L’interview est un tête-à-tête entre deux personnes dont l’une est une célébrité quelconque, ou simplement une notoriété d’un instant, et la seconde un représentant de la presse qui l’interroge sur un fait destiné à intéresser le public. À l’époque des scandales du Panama, le fameux docteur Herz fut assailli par les reporters des deux mondes et se refusa à tout interview.

Quand le rédacteur d’un journal a interviewé un amateur où un spécialiste quelconque, il devrait, avant de livrer à l’impression un récit à peine entendu dans un lieu public, au milieu des conversations, le relire à celui qui en aura la responsabilité. C’est ce que fait le greffier après la déposition de l’accusé et des témoins assignés. Quand l’intéressé a rectifié des phrases dont le sens a été modifié où dénaturé par la rédaction, le juge lui demande : Voulez-vous signer votre déposition ainsi ramenée à son sens exact ?

(Aurélien Scholl)

Intime

Larchey, 1865 : Claqueur — C’est un intime pour le théâtre.

Adolphe allait en intime au Théâtre de Madame.

Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8.

Delvau, 1866 : s. m. Applaudisseur gagé, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Un autre genre de billet (de théâtre) est appelé intime. Celui-là est donné gratis par le chef (de claque) au conscrit qui fait ses premières armes. Quand la pièce nouvelle est jouée, le subordonné remet son billet ou intime au chef, qui le vend à son profit.

(Petit dict. des coulisses.)

Par extension, le claqueur a reçu le nom d’intime.

La Rue, 1894 : Claqueur au théâtre.

France, 1907 : Claqueur au théâtre.

Intransigeant

Rigaud, 1881 : Républicain pur, qui ne transige pas avec ses opinions extrêmes. Tout comme bien d’autres, les intransigeants d’aujourd’hui deviendront des réactionnaires le joui’ où ils seront à la tête du gouvernement. Ils attendront la sortie des opportunistes pour se jeter sur les contre-marques. — Sous le titre de : L’Intransigeant a paru le 14 juillet 1880 un journal avec M. Henri Rochefort pour rédacteur en chef.

Introuvable

Rigaud, 1881 : Urinoir public en forme de rotonde et dont l’accès n’est pas précisément facile à découvrir. On les a également appelés les « tourne-autour ». L’introuvable est le successeur direct du rambuteau.

Invalide

Delvau, 1866 : s. m. Ancienne pièce de quatre sous, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Pièce de quatre sous. (Fr. Michel.) Fausse pièce de monnaie.

France, 1907 : Ancienne pièce de 20 centimes. Elle n’est plus bonne à rien, n’ayant plus cours.

Invalide du pont des Arts

Rigaud, 1881 : Académicien.

Invalo

Delvau, 1866 : s. m. Apocope d’Invalide, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Invalide.

Virmaître, 1894 : Invalide. Il est à remarquer que l’argot moderne a une tendance à transformer la finale de la plupart des expressions : sergent, sergot, mendiant, mendigot ; Saint-Lazare, Saint-Lago, etc.
Ce procédé est des plus simples ; il suffit de couper le mot et d’ajouter le suffixe o : invalide, invalo (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Invalide.

France, 1907 : Invalide.

Inventaire

d’Hautel, 1808 : Confondu avec éventaire. Voy. Éventaire.

Inventer

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas inventé la poudre. Se dit d’un homme peu intelligent ; d’un lourdeau, qui n’est capable d’aucune idée ingénieuse.

Invisible

d’Hautel, 1808 : On dit qu’une chose a passé par l’invisibilium, pour dire qu’elle est demeurée invisible ; qu’elle a été perdue ; volée, saccagée.

Invita Minerva

France, 1907 : En dépit de Minerve. Se dit des mauvais poètes qui s’obstinent à rimer malgré l’inspiration absente. Locution tirée de l’Art poétique d’Horace.

Invitation à la valse

France, 1907 : Excitation à un certain acte qu’il est bienséant de ne commettre qu’à deux.

— Eh bien ! Mademoiselle, votre belle et blanche amie est toujours un ange.
— Je crois bien ; hier je lui ai proposé cinq louis pour être d’un souper où il y aurait des hommes très bien et des femmes à falbalas. J’ai eu beau la prier, c’était un roc de glace. Ceci ne nous à pas empêchés de souper gaiement, et nous recommencerons ce soir. Vous comprenez, Monsieur, c’est une invitation à la valse.

(Arsène Houssaye)

Invite

Delvau, 1866 : s. f. Apocope d’Invitation. — Argot des faubouriens. Faire une invite à l’as. Solliciter quelqu’un de vous offrir quelque chose.

Delvau, 1866 : s. f. Apocope d’Invitation, — dans l’argot des joueurs de whist.

Invite à l’as

France, 1907 : Avances d’une femme à un homme et vice versa.

Inviteuse

Fustier, 1889 : Fille qui sert dans les brasseries.

L’inviteuse, c’est l’agente provocatrice du consommateur.

(Citoyen, avril 1882.)

France, 1907 : Servante de brasserie.

Ipéca (le Père)

Merlin, 1888 : Le docteur ; — en raison du remède fréquemment employé à l’infirmerie (l’ipécacuana). On dit aussi abréviativement : Le père Péca.

France, 1907 : Chirurgien militaire, appelé ainsi à cause du remède employé dans les régiments, l’ipécacuana dont ipéca est l’apocope.

Ipécacuana

d’Hautel, 1808 : Racine dont on se sert en médecine.
Le peuple fait une espèce d’anagramme des deux premières syllabes de ce mot, et prononce épicacuana.

Iraguère

France, 1907 : Ivresse causée par l’ivraie, dont une espèce possède cette propriété.

Ire

France, 1907 : Colère, du latin ira.

Ire-tu picte ce luisant ?

Halbert, 1849 : As-tu bu aujourd’hui ?

Irlande (en) !

Delvau, 1866 : Obliquement, à droite ou à gauche, — dans l’argot des gamins, qui emploient cette expression en jouant au bouchon ou aux billes.

Iroquois

d’Hautel, 1808 : Parler comme un iroquois. Bredouiller ; parler d’une manière inintelligible. C’est aussi un sobriquet injurieux ; et, dans ce sens, iroquois équivaut à sot, rustre, ignorant, imbécile.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot du peuple, qui ne respecte pas assez les héros de Cooper. S’habiller en iroquois. D’une manière bizarre, extravagante. Parler comme un iroquois. Fort mal.

Iroulade

France, 1907 : Torréfaction des châtaignes.

Irrégulière

France, 1907 : Femme ou fille qui se met au-dessus des préjugés sociaux, qui vit hors de la régularité conventionnelle imposée par les sots.

Irvingianisme, irvingisme

France, 1907 : Secte religieuse fondée vers 1848 par Edouard Irving, sous le nom d’Église catholique apostolique.

En l’an 1848, où la moisson de folies fut abondante, un certain nombre de bons dieux en chambre se révélèrent tout comme aujourd’hui. J’ai eu personnellement l’avantage de rencontrer jadis, chez des amis, le dernier diacre irvingien. Quand je dis le dernier, je devrais plutôt dire le seul, car la religion irvingienne n’avait jamais eu qu’un prêtre, — son fondateur, « un quarantuitard » nommé Irving — et un diacre, celui que j’ai connu. C’était un très brave homme qui exerçait la profession de photographe, place Dauphine. Tous les dimanches, vingt-cinq ou trente fidèles — le reste des irvingiens — se réunissaient dans son atelier. On roulait, dans un coin, les appareils sur leur trépied, les châssis où étaient peints en grisaille de riches salons et des parcs seigneuriaux, et l’excellent M. D… célébrait l’office. Je parle d’il y a vingt-sept on vingt-huit ans. L’irvingianisme agonisait. Il doit être définitivement mort.

(Francois Coppée)

L’irvingianisme n’est pas mort, car il fonctionne à Londres où il possède dans Garden square une magnifique église gothique construite en 1853. La folie humaine ne meurt pas.

Isaque

France, 1907 : Gomme qui découle du cerisier, du prunier.

Isolage

Delvau, 1866 : s. m. Abandon. — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Abandon. — Isoler, abandonner, — dans l’ancien argot, du vieux mot asoler.

France, 1907 : Abandon ; argot des voleurs.

Isolée

Virmaître, 1894 : Fille publique qui travaille seule dans les rues, loin de son quartier, et qui n’a pas de souteneur. L’isolée fait les bureaux d’omnibus, les jardins publics, les églises et les cimetières. (Argot des filles).

Isoler

Delvau, 1866 : v. a. Abandonner.

La Rue, 1894 : Abandonner.

France, 1907 : Abandonner.

Isoloir (se mettre sur l’)

France, 1907 : Vivre seul, se tenir à l’écart, s’éloigner des siens.

Israélite

d’Hautel, 1808 : C‘est un bon israélite. Pour dire, un homme franc et loyal, dénué de malice et de finesse.

Ita diis placuit

France, 1907 : « Ainsi l’ont voulu les dieux. » Locution latine signifiant qu’il faut se résigner à un mal, à un accident irrémédiable.

Ita est

France, 1907 : Il en est ainsi. Rien à faire. Latinisme.

Italgo

Hayard, 1907 : Italien.

Italique

Boutmy, 1883 : adj. Penché, tortu. Il a les jambes italiques, il est bancal. Le sens de ce mot vient, sans contredit, du caractère dit italique, qui est penché.

Italique (avoir pincé son)

Rigaud, 1881 : Marcher penché, ne pas marcher droit par suite d’ivresse, — dans le jargon des typographes, par allusion au caractère dit italique.

Italo

Virmaître, 1894 : Abréviation d’Italien (Argot du peuple).

Ite, missa est

France, 1907 : Vous pouvez partir, c’est fini. Mots que le prêtre chante à la fin de la messe, signifiant : Allez, la messe est dite.

Itou

d’Hautel, 1808 : Mot paysan qui signifie, aussi, pareillement, également.
Et moi itou. Pour, et moi pareillement.

France, 1907 : Aussi, Provincialisme.

Ah ! ah ! voulez-vous-t-y l’histoire
D’la Margot et du grand Frisé ?
Oh ! oh ! l’Frisé amait à boire ;
Margot itou, mais d’l’aut’ côté.
Margot mit sa cotte et ses bas,
Et s’en alla là-bas, là-bas.

(Jean Richepin)

Itrer

Halbert, 1849 : Avoir.

Delvau, 1866 : v. a. Avoir, — dans le même argot. C’est un verbe irrégulier. Ainsi : Ire-tu picté ce luisant ? (As-tu bu aujourd’hui ?).

Rigaud, 1881 : Avoir, posséder, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Avoir. Posséder. Itres-tu picté, ce luisant ? As-tu bu aujourd’hui ? V. Gitrer.

France, 1907 : Avoir. Abréviation de litrer.

J’itre mouchaillé le babillard.

(Le Jargon de l’argot)

Itre-tu picté ce luisant ? (As-tu bu aujourd’hui ?)

(Idem)

Ivoire

Delvau, 1866 : s. m. Les dents, — dans l’argot des faubouriens. Faire un effet d’ivoire. Rire de façon à montrer qu’on a la bouche bien meublée. Les voyous anglais disent de même : To flash one’s ivory.

France, 1907 : Les dents. Faire un effet d’ivoire, rire pour montrer ses dents quand on les a belles.

Ivrogne

d’Hautel, 1808 : Un serment d’ivrogne. Promesse à laquelle on ne peut ajouter foi.

Ivrogner

d’Hautel, 1808 : Fréquenter les cabarets ; gobelotter ; faire débauche de vin.

Ivrogner (s’)

Delvau, 1866 : v. réfl. Avoir des habitudes d’ivrognerie, — dans l’argot du peuple.

Ivrognesse

d’Hautel, 1808 : C’est une ivrognesse. Se dit insolemment d’une femme qui s’adonne au vin ; qui s’enivre fréquemment.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique