Virmaître, 1894 : J’en ai assez. J’en ai soupé signifie la même chose. J’ai soupe de ta fiole, de même. Donne-moi mon pied veut dire : Donnez-moi ma part. Ça fait le pied, synonyme de ça fait le joint (l’affaire) (Argot des voleurs). N.
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J’en ai mon pied
Virmaître, 1894 : J’en ai assez. J’en ai soupé signifie la même chose. J’ai soupe de ta fiole, de même. Donne-moi mon pied veut dire : Donnez-moi ma part. Ça fait le pied, synonyme de ça fait le joint (l’affaire) (Argot des voleurs). N.
J’menfoutiste
Virmaître, 1894 : Gens qui se foutent de tout et de tous. Cette catégorie devient chaque jour de plus en plus nombreuse.
— Que pensez-vous de la politique ?
— J’m’en fous.
— Votre femme vous trompe.
— J’m’en fous (Argot du peuple). N.
J’y fais
Boutmy, 1883 : J’y consens, j’approuve. On dit J’y fais comme synonyme de Je marche. V. marcher.
France, 1907 : J’approuve cela, j’y consens, dans l’argot des typographes.
Jablo (grand)
Fustier, 1889 : Lumière électrique. Argot du peuple qui trouve trop difficile à prononcer le nom de Jablockoff.
Jabot
d’Hautel, 1808 : Faire jabot. Pour se glorifier, faire le vaniteux, l’orgueilleux.
Il a un bon jabot. Se dit d’un homme qui babille beaucoup.
Il a bien rempli son jabot. Pour, il a bien mangé ; il s’en est mis jusqu’au nœud de la gorge.
Delvau, 1866 : s. m. Estomac, — dans l’argot des faubouriens, qui savent pourtant bien que l’homme n’est pas un granivore. S’arroser le jabot. Boire. Faire son jabot. Manger. On dit aussi Remplir son jabot. L’expression est vieille :
De ce vin champenois dont j’emplis mon jabot
On ne me voit jamais sabler que le goulot !
dit le grand prêtre Impias de la tragédie-parade le Tempérament (1755).
Delvau, 1866 : s. m. Gorge de femme. Chouette jabot. Poitrine plantureuse.
Rigaud, 1881 : Estomac. — Se remplir le jabot, manger.
La Rue, 1894 : Estomac.
Virmaître, 1894 : La gorge. Allusion au jabot du dindon. Dans l’argot des voleurs, on dit aussi étal, sans doute par analogie avec l’étal du boucher, sur lequel il passe toutes sortes de viandes (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Estomac.
De ce vin champenois dont j’emplis mon jabot,
On ne me voit jamais sabler que le goulot !
(Tragédie-parade de 1755)
Se disait autrefois pour cœur.
L’amour qui dans mon cœur chante ville gaignée,
Excite en mon jabot exhalaison ignée.
(Scarron)
Se dit aussi pour poitrine de femme :
La commère avait du jabot, et si dodu et si ferme que toute la garnison en louchait.
(Les Joyeusetés du régiment)
Jabot (le)
Hayard, 1907 : La gorge.
Jabot (s’arroser le)
Virmaître, 1894 : Boire.
— Toute la tine s’arrose le jabot (Argot des voleurs).
Jabotage
Delvau, 1866 : s. m. Bavardage, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Bavardage.
Jaboter
d’Hautel, 1808 : Caqueter ; parler à tort et à travers ; ne dire que des choses frivoles et inutiles.
Larchey, 1865 : Causer.
Asseyez-vous donc un peu… nous jaboterons.
(Ricard)
On trouve jaboter avec ce sens dans Roquefort.
Delvau, 1866 : v. n. Parler, bavarder. L’expression se trouve dans Restif de la Bretonne :
Lise était sotte,
Maintenant elle jabotte ;
Voyez comme l’esprit
Dans un jeune cœur s’introduit.
Rossignol, 1901 : Causer, parler.
France, 1907 : Bavarder.
Lise était sotte,
Maintenant elle jabotte.
(Restif de la Bretonne)
Le babillage politique de Léonide Leblanc, ses prétentions d’Égérie attestaient assurément plus de bonne volonté que d’information. Son esprit s’honora, du moins, par quelques curiosités intellectuelles. Elle déclarait un jour à un des plus spirituels rédacteurs en chef parisiens « Téléphonez-moi vers 5 heures, tous les jours : nous jaboterons politique… »
(Francis Chevassu)
Sous la brise fraîche,
Filant comme flèche,
Des bateaux de pêche
Passent au lointain ;
Les baigneurs barbotent,
Les vagues clapotent,
Les dames jabotent,
C’est l’heure du bain.
(L. Xanrof)
Jaboteur
d’Hautel, 1808 : Babillard, parleur éternel. Terme de mépris qui se dit d’un homme léger et indiscret qui divulgue les choses les plus importantes.
Delvau, 1866 : s. m. Bavard.
France, 1907 : Bavard ; merle.
Jabotière
France, 1907 : Espèce d’oie.
Jacasse
d’Hautel, 1808 : Une Marie jacasse. Petite fille très-babillarde, qui fait l’entendue dans tout ; une commère.
Delvau, 1866 : s. f. Femme bavarde. Se dit aussi d’un Homme bavard ou indiscret.
France, 1907 : Bavard, bavarde.
Jacasser
d’Hautel, 1808 : Bavarder, babiller, caqueter ; se mêler de toutes les affaires.
Delvau, 1866 : v. n. Bavarder.
Rossignol, 1901 : Synonyme de jaboter.
France, 1907 : Bavarder.
Des femmes jacassent avec animation au seuil des maisons. Puis voici des soldats de ligne, l’air penaud. Ils défilent entre deux haies de populaire.
(Sutter-Laumann)
Jacasseur
Delvau, 1866 : s. m. Bavard, indiscret.
France, 1907 : Bavard.
Jacobin
Delvau, 1866 : s. m. Révolutionnaire, — dans l’argot des bourgeois, qui singent les aristocrates.
Virmaître, 1894 : Pince à l’usage des cambrioleurs (Argot des voleurs). V. Monseigneur. N.
Rossignol, 1901 : Pinces en fer à l’usage des voleurs pour commettre les effractions.
Hayard, 1907 : Pince de cambrioleur.
France, 1907 : Pince-monseigneur.
France, 1907 : Sectaire à idées étroites : énergumène intransigeant, ce que les ouvriers appellent un pur. On les connaît ! Le docteur Grégoire a peint les Jacobins en deux mots dans ses Turlutaines : « Jamais hommes n’ont eu plus horreur de la tyrannie… des autres. »
Voilà une véritable physionomie de jacobin. C’est vous dire que jamais figure n’aura été plus dépourvue de noblesse. Le front n’a rien d’élevé, il fuit vers les tempes. Une pâleur livide s’étend sur les joues creuses.
(Charles de la Varenne)
Jacobinière
France, 1907 : Réunion de démagogues intolérants et farouches.
Jacobite
Fustier, 1889 : Argot politique. On appelle ainsi tout légitimiste dissident du comte de Paris et rallié à la cause de don Jayme, c’est-à-dire Jacques, fils aîné de don Carlos.
M. Cornély consacre dans le Matin un article aux Jacobites ainsi que ce journal quatricolore nomme les rares partisans de la candidature royale des princes de la maison d’Anjou.
(Univers, juillet 1884)
Jacots
Rossignol, 1901 : Mollets.
Jacque
Delvau, 1866 : s. m. Geai. — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’un sou, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Pièce d’un sou.
France, 1907 : Geai.
Jacqueline
Delvau, 1864 : Nom de femme qui est devenu celui de toutes les femmes — devenues filles.
Le banquier Kocke, chez qui toi et ta Jacqueline vous passez les beaux jours de l’été.
(Camille Desmoulins)
Larchey, 1865 : Fille de mauvaise vie. — On dit de même une Margot.
Notre Jacqueline le fouille,
Empoigna la grenouille,
Laissa là mon nigaud.
(Chanson du jeune Picard partant pour Paris)
Delvau, 1866 : s. f. Grisette, — dans l’argot des bourgeois ; Concubine, — dans, l’argot des bourgeoises.
Notre Jacqueline le fouille,
Emporte la grenouille.
Laisse là mon nigaud,
dit une vieille chanson.
Delvau, 1866 : s. f. Sabre de cavalerie, — dans l’argot des soldats.
Rigaud, 1881 : Prostituée. — Sabre de cavalerie.
La Rue, 1894 : Prostituée. Sabre de cavalerie.
Virmaître, 1894 : Grisette.
— J’ai été promener ma petite jacqueline (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Cruche de grès à long ventre, en usage en Picardie et dans le Nord.
France, 1907 : Fille de mœurs légères.
France, 1907 : Sabre de cavalerie.
Jacquemart
d’Hautel, 1808 : Au propre, figure qui représente un homme armé d’un marteau qu’on met à côté des horloges pour frapper le timbre ; au figuré, terme de dérision, petit homme sans mine, sans tournure.
Armé comme un jacquemart. Pour dire embarrassé de ses armes.
Jacques
d’Hautel, 1808 : Prendre Jacques déloge pour son procureur. Se retirer sans bruit ; mettre la clef sous la porte ; décamper.
Un Pâtissier Jacques. Un mauvais pâtissier.
Rigaud, 1881 : Sou, — dans le jargon des chiffonniers. — Qui veut mes chocottes ? — Je t’en colle dix jacques. Qui veut mes os ? — Je t’en donne dix sous.
Virmaître, 1894 : Sou (Argot du peuple). V. Fricadier. Jacques : mollets (Argot du peuple). V. Jacquots.
Rossignol, 1901 : Sou.
Rossignol, 1901 : Voir jacobin.
Hayard, 1907 : Petite pince-monseigneur.
France, 1907 : Pince-monseigneur.
— La clef n’y est pas, conclut l’Avocat en ricanant, mais c’est de la serrurerie du faubourg ; on en viendra vite à bout avec un jacques. La tuyauterie examinée pour la forme, le faux inspecteur avait habilement interrogé le jardinier sur le retour des propriétaires, sur les conditions de la garde.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Jacques (aller à Saint-)
Boutmy, 1883 : v. Faire des bourdons. Un compositeur que l’on envoie à Saint-Jacques, dit Momoro, est un compositeur à qui l’on indique sur ses épreuves des remaniements à faire, parce que celui qui corrige les épreuves figure avec sa plume une espèce de bourdon aux endroits omis pour indiquer l’omission. C’est sans aucun doute de cette grossière représentation de l’espèce de long bâton sur lequel s’appuyaient les pèlerins à Saint-Jacques-de-Compostelle que vient le mot bourdon. Il faut ajouter que l’expression Aller à Saint-Jacques est actuellement presque inusitée. V. Aller en Galilée, en Germanie.
France, 1907 : Expression dont on se servait autrefois dans les ateliers de typographie pour indiquer qu’il y avait des remaniements à faire sur les épreuves. Les corrections étaient indiquées par des barres que l’on comparait aux bâtons ou bourdons sur lesquels s’appuyaient les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, d’où le nom de bourdon leur fut donné. Remanier des épreuves indiquées par l’auteur ou le correcteur était donc prendre les bourdons comme les pèlerins qui se rendaient à Saint-Jacques-de-Compostelle. On dit maintenant : aller en Galilée ou en Germanie.
Jacques (faire le)
Merlin, 1888 : Faire l’imbécile ou bien encore pivoter. (Voir ce mot.)
Fustier, 1889 : Argot militaire. Manœuvrer et, plus spécialement, manœuvrer en décomposant. S’applique de préférence aux exercices de l’École du soldat.
(Ginisty, Manuel du parfait réserviste)
anon., 1907 : Celui qui ne comprend pas.
Jacques (un)
Ansiaume, 1821 : Un sol.
Je ne donnerais pas 12 jacques de ce qu’il grinchira en 8 reluis.
Jacques Bonhomme
Delvau, 1866 : Le peuple, — dans l’argot des faubouriens, dont les pères firent la Jacquerie. C’est le John Bull anglais, le Frère Jonathan américain, etc.
France, 1907 : Le peuple, principalement les paysans.
Jacques Bonhomme,
Triple oison,
Tu n’es pas maître en ta maison
Quand nous y sommes.
(Eugène Pottier, Chants révolutionnaires)
Jacques ou Jacquot
Delvau, 1864 : Le membre viril.
Il est hercule ou peu s’en faut,
Il faut que tout lui cède ;
Il sait démontrer comme il faut
L’amoureux intermède ;
Quand il se prépare à l’assaut
Faut voir comme il est raide,
Jacquot,
Faut voir comme il est raide !
(Al. Dalès)
… Il est nommé pine par la lorette ;
Un chose, ou bien cela, par une femme honnête ;
Jacques par le farceur…
(L. Protat)
Jacqueter, jacter
France, 1907 : Parler, bavarder.
Donc, à l’époque, on parlait d’un tas de choses… Turellement, les idées n’étaient pas aussi avancées qu’aujourd’hui. Dans les ateliers, on jacquetait, et pas mal de pauvres bougres traitaient de loufoques les copains qui parlaient de la journée de huit heures.
Faut voir ce qu’on rigolait du zigue qui gobait que huit heures de turbin c’est assez pour un ouvrier, — il était tout au plus bon à foutre à Charenton…
(Le Père Peinard)
La véritable orthographe est jacter, puisque le mot vient du latin jactare, vanter.
Il signifie aussi prier.
Sainte Lariemuche, jacte pour nosorgues !
Sainte daronne du Dabuche,
Daronne très larepoque,
Daronne gironde,
Daronne épatante,
Marmite remplie des thunes de la Sainte-Essence,
Jacte pour nosorgues,
Casserole très bat,
Cafetière rupine de la vraie ratichonnerie,
Turne de toc,
Jacte pour nosorgues,
Lourde de tielcème,
Dabuche des vieux gonzes,
Dabuche des ratichons,
Jacte pour nosorgues !
Morne du grand Dabe qui nettoie les léchés du pé du londemuche, lardonne pème à nosorgues, Dabuche !
(Catulle Mendès, Gog)
Jacquot
Delvau, 1866 : s. m. Niais, bavard, importun, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Grand Jacquot.
Virmaître, 1894 : Niais, bavard importun. A. D. Jacquot : mollet (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Niais, bavard.
Jacquots
La Rue, 1894 / France, 1907 : Mollets.
Jacta est alea
France, 1907 : « Le dé en est jeté. » Phrase attribuée par Suétone à Jules César quand celui-ci franchit le Rubicon, malgré la défense du sénat romain aux généraux à la tête d’armées, et entra ainsi en guerre avec la république. Cette locution, devenue la devise de ceux qui, après avoir hésité, prennent une résolution décisive et hardie, était en usage chez les Grecs, qui consultaient le sort au moyen de dés sur lesquels étaient gravés des caractères dont on trouvait l’explication sur des tables, comme aujourd’hui les diseuses de bonne aventure trouvent sur de petits livres l’explication des tarots.
Jactage, jacquetage
France, 1907 : Bavardage, causerie.
— Me voilà, Père Peinard, tu sais, la conversation d’il y a huit jours… Si on continuait la bavette commencée ?
C’était mon trimardeur qui rappliquait. Comme il tirait à lui un tabouret pour y poser ses fesses :
— Viens donc, que j’y fais, la mère Peinard a tellement foutu de sel dans le frichti que je n’en peux pas ouvrir le bec. Viens, nous licherons une chopotte.… Rien de tel, d’ailleurs, qu’un coup de picolo pour rafraîchir les idées.
Pour lors, on va s’installer chez le bistrot et, une fois bien calés sur la banquette, nous commençons le jacquetage.
(Le Père Peinard)
Jactance
Rigaud, 1881 : Bavardage. — Jacter, bavarder. — Jacteur, bavard, dans le jargon du peuple.
France, 1907 : Parole.
Jacte
Virmaître, 1894 : Crie (Argot des voleurs).
Jacter
Ansiaume, 1821 : Parler.
Pendant que vous jactés, j’ai grinchi deux rondines à la buque.
Clémens, 1840 : Crier.
un détenu, 1846 : Dire, proclamer, crier.
Delvau, 1866 : v. n. Parler, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté ce verbe à la vieille langue des honnêtes gens (jactare, vanter, prôner).
La Rue, 1894 : Parler. Crier. Jaquette, bavard.
Virmaître, 1894 : Parler, crier.
Si quelque pante
Se glisse et entre
Et se permet
Chez nous de faire du pet
On l’saigne, on l’frotte,
Et c’est fini par là.
S’il se cacale et jacte dans la rue
Pour ameuter tous les daims contre nous.
dit une des plus vieilles chansons d’argot connue.
Jacter vient sûrement de jacare (Argot des voleurs).
Jacter, jaspiner
anon., 1907 : Causer.
Jacteur
France, 1907 : Parleur.
Jadis
d’Hautel, 1808 : Au temps jadis. Pour anciennement, autrefois, dans l’ancien temps.
Jaffe
Ansiaume, 1821 : Soupe.
Le larton savonné rend la jaffe mangeable.
Vidocq, 1837 : s. — Potage, soupe.
(Villon)
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot du peuple, qui s’assimile volontiers les mots des ouvriers provinciaux transplantés à Paris, et qui a certainement emprunté celui-ci au patois normand.
Rigaud, 1881 : Soufflet, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Soufflet.
Jaffes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Les joues.
France, 1907 : Les joues.
Jaffet
France, 1907 : Crochet qui sert à abaisser les branches des arbres pour en cueillir les fruits.
Jaffie
France, 1907 : Potage ; argot des voleurs.
Jaffier
Halbert, 1849 : Jardin.
Delvau, 1866 : s. m. Jardin, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Jardin. — Jaffin, jardinier, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Jardin. Jaffin, jardinier.
France, 1907 : Jardin ; argot des voleurs.
Jaffin
Halbert, 1849 : Jardinier.
Delvau, 1866 : s. m. Jardinier.
France, 1907 : Jardinier ; argot des voleurs.
Jaffle
Delvau, 1866 : s. f. Soupe, potage, — dans le même argot.
Rigaud, 1881 : Soupe, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Soupe. Joue.
France, 1907 : Savon.
Jaffles ou jaffes
Virmaître, 1894 : Les joues. En Normandie, on dit jaffe pour soufflet (Argot du peuple).
Jais
d’Hautel, 1808 : Substance bitumineuse solide et d’un noir luisant.
Ce mot est continuellement pris hors de son sens, et employé pour jonc (roseau). On dit : Une canne de jais. Pour une canne de jonc. C’est un beau jais, pour un beau jonc.
Jaja (faire la)
Rossignol, 1901 : Se sauver, s’en aller.
Jalo
Halbert, 1849 : Chaudronnier.
Delvau, 1866 : s. m. Chaudronnier, — dans le même argot.
La Rue, 1894 : Chaudronnier.
France, 1907 : Chaudronnier ; argot des voleurs.
Jalousie
d’Hautel, 1808 : Le peuple dit, par corruption, jalouserie.
Jaloux
d’Hautel, 1808 : Sans les jaloux, on vivroit. Signifie que dans tout ce qu’on entreprend, on trouve toujours des concurrens.
Il en est jaloux comme un gueux de sa besace. Voy. Besace.
Il ne dort pas plus qu’un jaloux. Se dit d’un homme qui a très-peu de sommeil, parce que la jalousie empêche de dormir.
Jaluzot
France, 1907 : Parapluie. Ce nom vient d’une boutade de l’opulent propriétaire des magasins du Printemps : le lendemain du grand incendie qui détruisit le Printemps, il réunit ses employés et leur dit qu’il était complètement ruiné et avait dû emprunter vingt francs pour acheter un parapluie. Le mot est tombé en désuétude, mais on chantait il y a une dizaine d’années ce refrain idiot :
Il n’a pas de Jaluzot,
Ça va bien quand il fait beau,
Mais quand il tombe de l’eau,
Il est trempé jusqu’aux os.
Jam’ de lav’
Fustier, 1889 : Traduction : Jamais de la vie ! Expression couramment usitée il n’y a point longtemps encore et qui tend à tomber en désuétude :
On lui dit… qu’il serait bien aimable de verser une cinquantaine de francs à la caisse de l’agence. — Jam’ de lav’ ! répond le jeune homme. — Comment ! jamais de la vie ? reprend l’employé de l’agence, qui comprenait le parisien.
(Figaro, 1886)
Jamais
d’Hautel, 1808 : Jamais, au grand jamais. Espèce de serment, par lequel on affirme qu’on se gardera bien désormais de faire une chose.
La semaine des trois jeudis, trois jours après jamais. Dicton populaire, qui se dit quand on ne veut point accorder quelque chose à quelqu’un.
Jamais couard n’eut belle amie
France, 1907 : Le dicton fort ancien s’applique autant aux lâches à la guerre qu’aux timides en amour.
Les honteux ne gagnent rien auprès des femmes, généralement moins bien disposées pour eux que pour les hardis qui leur épargnent l’embarras du refus. Ce sexe aimable est comme le paradis qui souffre violence et que les violents emportent.
(M. Quitard)
Jamais maris, toujours amants
France, 1907 : Il ne faut pas se marier si l’on veut aimer longtemps, puisque, au dire de beaucoup, le mariage est le tombeau de l’amour : car, ainsi que le disait Balzac : « Il est plus facile d’être amant que mari, pour la raison qu’il est plus difficile d’avoir de l’esprit tous les jours que de dire de jolies choses de temps en temps. »
C’est ainsi que, voyant une jeune pucelle,
Damis croit qu’il serait au comble des plaisirs
S’il pouvait se lier d’une chaîne éternelle
Avec ce doux objet de ses tendres désirs ;
Mais la cage et le mariage
Ne font sentir les maux que quand on est dedans,
Pour devise, prenez cette leçon du sage :
Jamais maris, toujours amants.
(Mlle de Scudéri)
Jamais trop tard pour faire une sottise
France, 1907 : Pendant la guerre des Pays-Bas faite par Louis XIV, les magistrats, bourgeois, marchands d’Amsterdam, tous ceux enfin qui, ayant des biens à sauver, mettaient, selon l’usage, le salut du coffre bien avant celui de la patrie, s’assemblèrent et décidèrent qu’il fallait porter au roi les clefs de la ville. On passa aux votes : il en manquait un, celui d’un vieux bourgmestre qui, pendant la discussion, s’était endormi, On le réveille et on l’engage à voter immédiatement. « Quoi ? demande-t-il, — Nous avons décidé de porter les clefs au Roi de France. — Les a-t-il donc déjà demandées ? — Pas encore. – Eh bien, réplique le bonhomme, attendez au mois qu’il les demande. Il n’est jamais trop tard pour faire une sottise. »
Jambe
d’Hautel, 1808 : Jouer des jambes. S’esquiver, se sauver à toutes jambes.
Jeter le chat aux jambes de quelqu’un. Rejeter sur lui tout le blâme d’une affaire.
Cela ne lui rendra pas la jambe mieux faite. Se dit de quelqu’un qui se propose de se venger, ou de faire par dépit une chose dont il ne tirera aucun avantage.
Prendre ses jambes à son cou. Pour s’enfuir précipitamment.
Renouveler de jambes. Pour dire, redoubler de zèle.
Avoir les jambes en manches de veste. Expression burlesque, tirée d’une chanson populaire, et qui signifie avoir les jambes torses et contrefaites ; être mal bâti.
Il a la jambe mollette. Pour, il est un peu gris ; il a une pointe de gaieté.
Faire jambe de vin. Boire deux ou trois coups pour avoir plus de force à marcher.
Il a les jambes en pieds de banc de guinguette. Pour, il est bancal et contrefait.
Donner un croc en jambe à quelqu’un. Le supplanter ; lui jouer quelque perfidie.
Il a la jambe tout d’une venue, comme celle d’un chien. Se dit par dérision de celui qui n’a point de mollets.
Delvau, 1864 : La pine, qu’on appelle aussi la troisième jambe.
Ah ! Monsieur, que vous avez une belle jambe ! — Laquelle donc, Madame !… répliquait Arnal, en donnant à entendre qu’il ne s’agissait ni de la droite, ni de la gauche.
Jambe (faire une belle)
France, 1907 : Faire une chose inutile, qui n’avance à rien, qui ne porte aucun profit. « J’ai été invité à dîner par un de mes amis qui m’a offert un petit gueuleton soigné ! — Ça me fait une belle jambe… fallait me faire signe. »
Jambe (faire une belle), rendre la jambe mieux faite
Larchey, 1865 : Donner un avantage illusoire.
Tu as maudit ton père de t’avoir abandonné ? — Ça m’aurait fait une belle jambe.
(E. Sue)
S’en aller sur une jambe : Ne boire qu’une seule tournée.
Dès l’aube, on s’offre la goutte, on s’offre le canon, on s’offre le rhum, on s’offre l’absinthe ou le bitter, et l’on ne veut jamais s’en aller sur une jambe.
(La Bédollière)
Lever la jambe : Danser le cancan (haute école).
Elle levait la jambe avant Rigolboche.
(Les Étudiants, 1860)
Jambe (la)
Rossignol, 1901 : Pour dire à quelqu’un : laisses-moi, tu me rases, tu m’ennuies, ou tais-toi, en voilà assez, on dit : la Jambe, fiche-nous la paix.
Jambe (s’en aller sur une)
Rigaud, 1881 : Ne pas redoubler une tournée chez le marchand de vin. — Se contenter d’un verre de vin sur le comptoir, quand on est avec des amis.
France, 1907 : Ne boire qu’un verre avant de partir.
Jambe de dieu
Vidocq, 1837 : s. f. — Les anciens argotiers nommaient ainsi la jambe préparée de manière à ce qu’elle parût couverte d’ulcères.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Jambe de vin
Delvau, 1866 : s. f. Ivresse, — dans l’argot du peuple. Faire jambe de vin. Boire à tire-larigot.
Jambe de vin (faire)
France, 1907 : Boire copieusement pour marcher plus délibérément.
— Dès ce matin, Messieurs, j’ai fait jambe de vin.
(La Rapinière)
Jambe en l’air
Rigaud, 1881 : Potence, — dans l’ancien argot.
Jambes
Merlin, 1888 : Sortir sur les jambes d’un autre. Rester à la caserne, consigné, ou collé au bloc. Autrefois, lorsqu’un vieux brisquard vous punissait, il ne manquait guère de dire : vous sortirez sur mes jambes, c’est-à-dire : je vous consigne et moi j’irai me promener.
Jambes à son cou (prendre ses)
France, 1907 : S’enfuir, courir de toutes ses forces.
Manière de courir,
Pas commode du tout.
dit la chanson. C’était cependant la meilleure façon de se sauver pour ceux qui l’employaient, si l’on songe que les jambes dont il s’agit étaient des béquilles. Cette singulière locution vient, en effet, du temps de la fameuse Cour des miracles, réunion de tous les mendiants et malandrins de Paris. Dès que l’alerte était donnée, qu’on annonçait l’arrivée du guet ou de la maréchaussée, faux estropiés, faux culs-de-jatte, faux boiteux jetaient leurs béquilles sur leurs épaules, et faisant reprendre à leurs vraies jambes leur rôle naturel, couraient avec les fausses, pendues à leur cou.
Jambes de coq
Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes maigres, — dans l’argot du peuple. Jambes en coton. Flageolantes comme le sont d’ordinaire celles des ivrognes, des poltrons et des convalescents. Jambes en manches de veste. Jambes arquées, disgracieuses.
France, 1907 : Jambes maigres. On dit aussi mollets de coq.
Jambes de coton, de laine
France, 1907 : Personne qui flageole en marchant.
Jambes de laine
Virmaître, 1894 : Individu peu solide sur ses jambes. Quand un homme sort de l’hôpital, il a généralement des jambes de laine : il flageole. Autrefois on disait, pour exprimer la même image : jambes de coton (Argot du peuple). N.
Jambes en coton
Rigaud, 1881 : Jambes faibles. — On a les jambes en coton lorsqu’on relève d’une longue maladie.
Jambes en l’air
Delvau, 1866 : s. f. Potence, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Potence. A. D. Il est vrai que le pendu a les jambes en l’air ; mais le peuple ne donne pas du tout le même sens à cette expression quand il dit : faire une partie de jambes en l’air. Généralement cette partie se joue sans témoins. Ce jeu est connu chez tous les peuples (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Potence.
Jambes en l’air (faire une partie de)
France, 1907 : Faire l’acte charnel.
Jambes en manche de veste
Virmaître, 1894 : Individu mal bâti, tordu, qui festonne en marchant (Argot du peuple). N.
Jambes en manches de veste
France, 1907 : Jambes arquées.
C’est la mère Camus
Qui a les jamb’s en manch’s de veste
C’est la mère Camus
Qui a le nez fait comm’ j’ai l’c…
(Vieille chanson)
Jambes italiques
France, 1907 : Jambes de bancal. Allusion à l’inclinaison des caractères d’imprimerie dits italiques ; argot des typographes.
Jambinet
France, 1907 : Café avec eau-de-vie ; argot des facteurs de chemin de fer.
Jambon
d’Hautel, 1808 : Enfumé comme un jambon. Se dit quand on est dans un lieu où il y a beaucoup de fumée.
Rigaud, 1881 : Violon. — Cuisse de l’homme.
France, 1907 : Cuisse.
La petite mâtine, à peine âgée de douze ans, montrait déjà à qui voulait les voir une superbe paire de jambons.
(Les Joyeusetés du régiment)
Nous nous marions
À des Marions
Riches en jambons.
(Alphonse Allais)
France, 1907 : Violon. Racler du jambon.
Jambon (façonner son, Faire son)
Rigaud, 1881 : Casser son fusil, — dans le jargon des troupiers. — Allusion de forme entre un jambon et la crosse d’un fusil cassé.
Ali ! chenapan, tu casses ton fusil, tu fais des jambons avec ta clarinette !
(A. Camus)
Jambon (faire un)
France, 1907 : Briser son fusil ; argot militaire.
Il arrive que de jeunes idiots ou de mauvaises têtes, mécontents de leurs chefs, brisent leur fusil pour être envoyés aux compagnies de discipline, ce qui s’appelle faire un jambon.
Jambonneau
Virmaître, 1894 : Les cuisses (Argot du peuple). V. Boudinots.
Rossignol, 1901 : La tête. Celui qui n’a plus de cheveux, n’a plus de chapelure sur le jambonneau.
France, 1907 : Cuisse. Se dit aussi pour crâne. Ne plus avoir de chapelure sur le jambonneau, être chauve.
Tu dénichais des demoiselles
Demi-vierges, quart de pucelles
Pour les casinos,
Sans Falconisme et dont les rentes
Se trouvaient surtout apparentes
Dans leurs jambonneaux.
(Raoul Ponchon)
Jambonneau (ne plus avoir de chapelure sur le)
Rigaud, 1881 : Ne plus avoir de cheveux sur la tête.
Jambonneaux
Rossignol, 1901 : Les cuisses.
Jambonner
Rossignol, 1901 : Battre quelqu’un, c’est le jambonner.
Jambonner (?)
Rossignol, 1901 : On jambonne dans tous les pays, mais cela se passe toujours à deux, d’un sens différent.
Jambonner (se)
Hayard, 1907 : Se battre.
Jambons
Delvau, 1864 : Les cuisses d’une femme.
Elle a le cœur si bon, qu’en mille occasions,
Pour avoir une andouille, elle offre deux jambons.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les cuisses, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent l’homme pour un goret, et qui ont quelquefois raison. Scarron n’a pas été moins irrévérencieux :
Aussi fut Pélias le bon
Fort incommodé d’un jambon,
dit-il dans son Virgile travesti.
Janlorgne
d’Hautel, 1808 : Faire le janlorgne. Pour dire faire le sot, le neuf, le niais, le stupide.
Janneton
d’Hautel, 1808 : Nom qu’on donne communément, et par mépris, aux grisettes, aux servantes d’auberges, et généralement à toute fille de moyenne vertu.
Janrinette
France, 1907 : Espèces de poire.
Japhe
M.D., 1844 : Soupe.
Japonisme
France, 1907 : Engouement pour le Japon ou plutôt pour les bibelots venant du Japon.
Aristocrate de goût et d’allure, épris de tous les raffinements d’art et fervent du dix-huitième siècle et du japonisme, qu’il mit quarante ans de sa vie à imposer à la mode, et, par la seule force de sa passion artiste, devenu inconsciemment le directeur des consciences et du goût, M. de Goncourt était vraiment le dernier gentilhomme de lettres que possédât encore une société où tous les snobs du monde se piquent d’écrire.
(Jean Lorrain)
Japonner
France, 1907 : Donner par la cuisson aux faïences ou aux porcelaines l’apparence de celles du Japon.
Jappe
Rigaud, 1881 : Bavardage. — Japper, bavarder, crier.
France, 1907 : Bavardage, caquetage. Tais ta jappe, tais-toi.
Japper
Delvau, 1866 : v. n. Crier.
La Rue, 1894 : Crier.
France, 1907 : Crier, appeler.
Jaquette
d’Hautel, 1808 : Trousser, secouer la jaquette à quelqu’un. Pour, lui donner les étrivières, l’étriller d’importance ; ne se dit qu’en parlant des enfans à qui l’on donne le fouet.
Je ne m’en souviens non plus que de ma première jaquette. Signifie qu’on a tout-à-fait oublié une chose.
Rossignol, 1901 : Celui qui ne peut garder pour lui ce qu’il ne devrait pas dire, est une Jaquette.
France, 1907 : Bavard.
Jar
Vidocq, 1837 : s. m. — Argot.
Larchey, 1865 : Argot (Vidocq). — Abréviation du vieux mot jargon : langage. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : s. m. Argot des voleurs, qui n’est pas autre chose qu’un jargon. Dévider le jar. Parler argot. Le peuple disait autrefois d’un homme très fin, très rusé : Il entend le jar. Et souvent il ajoutait : Il a mené les oies, — le jar étant le mâle de l’oie.
Rossignol, 1901 : Argot.
Jar, jars
France, 1907 : Argot. Abréviation de jargon. Dévider le jar, parler argot.
Jardin
d’Hautel, 1808 : Jeter des pierres dans le jardin de quelqu’un. Diriger une attaque, un reproche contre quelqu’un dans une conversation générale, et sans avoir l’air de s’en occuper.
Disposer de quelque chose comme des choux de son jardin. Signifie disposer à son gré du bien de quelqu’un.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, que l’homme est chargé d’entretenir, de sarcler, de bêcher, de ratisser, et de planter — d’enfants. ;
Au demeurant, il n’y a homme qui mieux dresse et accoutre un jardin que moi.
(Noël du Fail)
Quand, se ruant tout en courroux,
Le fleuve aux ondes spermatiques,
D’Armide inondait le jardin.
(B. de Maurice)
Jardin (faire du)
France, 1907 : Débiner quelqu’un.
Jardinage
Delvau, 1866 : s. m. Débinage, médisance, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Médisance. — Jardiner, médire, parler, synonyme de médire pour beaucoup de gens. — Bêchage, bêcher, ont donné jardinage, jardiner par assimilation.
La Rue, 1894 : Médisance. Moquerie. Faire du jardin, se moquer.
France, 1907 : Médisance, calomnie, débinage.
Jardiner
un détenu, 1846 : Ennuyer, fatiguer par des paroles.
Halbert, 1849 : Se moquer, ricaner.
Larchey, 1865 : Parler en se moquant. — Vient de Jar. V. Escracher.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Débiner.
Delvau, 1866 : v. n. Parler, — dans le même argot.
Virmaître, 1894 : Médire de quelqu’un, fouiller dans sa vie, comme le jardinier fouille dans la terre pour en mettre à jour les coins les plus secrets. Jardiner est synonyme de bêcher (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Plaisanter. Blaguer quelqu’un, c’est le jardiner.
Hayard, 1907 : Médire, débiner quelqu’un.
France, 1907 : Taquiner, ennuyer, médire. Synonyme de bêcher.
Jardiner sur le tap vert
Rigaud, 1881 : Jouer aux cartes. Tap vert pour tapis vert.
Jardinet
d’Hautel, 1808 : Ne fais un four de ton bonnet, ni de ton ventre un jardinet. Aphorisme vulgaire qui signifie que mettre un bonnet trop chaud, ou manger trop de salade, sont deux choses nuisibles à la santé.
Jardinier
Delvau, 1866 : s. m. Complice de l’Américain dans le vol au charriage. C’est lui qui est chargé de flairer dans la foule l’homme simple à dépouiller.
Rigaud, 1881 : Compère du voleur à l’américaine.
La Rue, 1894 : Compère du voleur à l’américaine. Racoleur des maisons de jeu.
Virmaître, 1894 : Nom donné au complice des voleurs à l’américaine (Argot des voleurs).
France, 1907 : Voleur chargé par ses complices de chercher une dupe.
Les vols au charriage où plutôt à la mystification, presque tous commis au préjudice des émigrants en passage à Paris, nécessitent le concours de trois compères. Le premier remplit le rôle de leveur, de jardinier, c’est le charrieur. Sa mission consiste à trouver le « pigeon » pourvu d’argent et qu’il croit bon à dévaliser. Il le lève et le jardine.
(G. Macé, Un Joli Monde)
Jaret
France, 1907 : Sorte de prune.
Jargauder
France, 1907 : Couvrir la femelle, on parlant du jars.
Jargole, jergole
France, 1907 : La Normandie ; argot des voleurs.
Jargolier
Rigaud, 1881 : Normand. — Jargolle, Normandie.
La Rue, 1894 : Normand.
Jargolier, jergolier
France, 1907 : Normand.
Jargolle
Vidocq, 1837 : s. f. — Normandie.
Delvau, 1866 : n. de l. La Normandie, — dans l’argot des voleurs.
Jargollier
Delvau, 1866 : s. m. Normand.
Jargollier, -ère
Vidocq, 1837 : s. — Normand, normande.
Jargonelle
France, 1907 : Poire pierreuse.
Jargonner
d’Hautel, 1808 : Discourir, faire le raisonneur ; le docteur, sans avoir jamais rien appris ; parler de tout avec suffisance, à la manière des fats et des freluquets.
Delvau, 1866 : v. n. Babiller, bavarder, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Parler, bavarder.
Jargouiller
Delvau, 1866 : v. n. Parler confusément. On dit aussi Gargouiller.
France, 1907 : Parler confusément.
Jargouinte
Rossignol, 1901 : Bouche.
Jargue
M.D., 1844 : Argot.
Jarguer
Delvau, 1866 : v. n. Parler argot, dévider le jar.
France, 1907 : Parler argot.
Jarnac
d’Hautel, 1808 : Espèce de petit poignard.
Jouer un coup de jarnac à quelqu’un. Signifie au figuré supplanter, jouer de mauvais tours à quelqu’un ; le déconcerter dans ses projets ou dans ses entreprises. Cette locution s’emploie de beaucoup de manières, mais toujours à-peu-près dans le même sens.
Jarnac (coup de)
France, 1907 : Coup habile mais déloyal, traîtrise.
Jarnac était un gentilhomme de la cour de Henri II. Il eut une dispute avec La Châtaigneraie, autre courtisan, et l’on vida comme de coutume l’affaire en champ clos. Comme la Châtaigneraie était renommé pour sa force à l’épée, les amis de Jarnac, qui justement sortait de maladie, redoutaient fort pour lui l’issue du duel. Mais d’un coup d’épée que lui seul connaissait, il coupa le jarret de son adversaire. Ce coup en dehors des usages du duel fut jugé déloyal, et l’expression coup de Jarnac fut dès lors prise en mauvaise part.
Jarnaffe
Delvau, 1866 : s. f. Jarretière, — dans l’argot des voleurs. Jeu de la jarnaffe. Escroquerie dont Vidocq donne le procédé, pages 233-34 de son ouvrage.
Rigaud, 1881 : Jarretière ; changement des deux dernières syllabes.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Jarretière.
Jarnaffe (jeu de la)
Vidocq, 1837 : Un individu, place devant lui une table sur laquelle est une jarretière en lisière et un couteau. Il réunit deux extrémités de la jarretière, de manière à ce qu’elle forme un cercle, puis il la place sur la table, et la roule sur elle-même ; ensuite il invite les assistans à prendre le couteau qu’ils devront, pour gagner, planter dans la circonférence du cercle, de manière à arrêter la jarretière. Il exécute lui-même cette manœuvre, qui paraît très-facile ; mais lorsque le pantre tire à son tour, celui qui tient le jeu sait préparer la lisière de manière à ne jamais le laisser gagner.
Jarnaffes
Vidocq, 1837 : s. f. — Jarretières.
Jarnaffle ou jarnaffe
Virmaître, 1894 : Jarretière (Argot des voleurs).
Jarni
d’Hautel, 1808 : Juron en usage chez les paysans.
France, 1907 : Vieux juron, abréviation de « Je renie. »
Jarnicoton !
France, 1907 : Ce juron, que quelques provinciaux et quelques vieilles dames emploient encore, doit son origine à Henri IV qui, ayant l’habitude du jurer jarnidieu (je renie Dieu), en fut vertement réprimandé par son confesseur, le révérend père Cotton. « Eh bien ! ft le roi, si cela vous déplaît tant, c’est vous désormais que je renierai et je dirai jarnicoton. » Et le mot passa de la bouche du roi dans celle des courtisans et des courtisans dans le public.
Jarret
Delvau, 1866 : s. m. Bon marcheur — dans l’argot du peuple, qui emploie souvent la métonymie.
Jarret (lever le)
Rigaud, 1881 : Marcher en colonne, — en terme de troupier. — Avoir du jarret, être on marcheur.
Jarretière
d’Hautel, 1808 : Donner des jarretières à quelqu’un. Pour, lui donner des coups de sangle ou de mouchoir sur les jambes : c’est ce que les écoliers appellent donner du vinaigre.
France, 1907 : Chaîne de montre ; argot des voleurs.
Jarretières (mettre quelque chose dans les)
Rigaud, 1881 : Donner une gratification à une fille publique. Les prostituées de maison placent cet argent dans leurs bas, sous la jarretière.
Jarrillage
Ansiaume, 1821 : Abouchement.
Après deux jarrillages, il a pourtant guimpé.
Jarriller
Ansiaume, 1821 : S’aboucher.
Tu jarrilleras avec le daron et la daronne pendant que je ferai l’affaire
Jars
d’Hautel, 1808 : Il entend le jars. Se dit pour exprimer qu’un homme est fin, qu’il n’est pas aisé de lui en faire accroire.
Halbert, 1849 : Argot.
Rigaud, 1881 : Argot ; apocope de jargon. — Jaspiner te jars, dévider le jars, parler argot.
La Rue, 1894 : Argot. Dévider le jars, parler argot.
Hayard, 1907 / anon., 1907 : Argot.
Jarvillage
France, 1907 : Conversation ; argot des voleurs.
Jarviller
France, 1907 : Converser.
Jasante
Halbert, 1849 : Prière.
Delvau, 1866 : s. f. Prière, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Prière. — Jaser, prier. — Jaseur, prêtre qui dit la messe.
La Rue, 1894 : Prière.
Virmaître, 1894 : Prière.
— Y me fait suer le ratichon avec sa jasante en latimpem (Argot des voleurs).
France, 1907 : Prière.
Jaser
Halbert, 1849 : Prier.
Delvau, 1866 : v. n. Parler indiscrètement, de manière à compromettre des tiers ou soi-même, — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : v. n. Prier.
France, 1907 : Prier.
Jaspin
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Oui.
Vidocq, 1837 : adv. — Oui.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Oui.
Delvau, 1866 : adv. Oui, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Oui. — Jaspiner, parler.
La Rue, 1894 : Oui.
Rossignol, 1901 : Discours, plaidoyer.
France, 1907 : Langage, paroles.
J’ai bien quèqu’ part un camerluche
Qu’est dab dans la magistratmuche :
Son jaspin esbloqu’ les badauds.
(Jean Richepin)
France, 1907 : Oui ; argot des voleurs.
— Y a-t-il un castu dans cette vergue ? – Jaspin !
Jaspinement
Delvau, 1866 : s. m. Aboiement, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Aboiement ; argot des voleurs.
Jaspinement du cabe
Vidocq, 1837 : s. m. — Aboiement d’un chien.
Jaspiner
d’Hautel, 1808 : Jaser, bavarder, etc. Ce verbe du vieux langage est encore en usage parmi le peuple.
Jaspiner bigorne. En terme d’argot, signifie, entendre et parler le langage des filous, des voleurs.
anon., 1827 : Parler.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parler, bavarder.
Vidocq, 1837 : v. a. — Parler. Terme des voleurs parisiens.
Clémens, 1840 : Parler, dire.
M.D., 1844 : Causer.
un détenu, 1846 : Parler sur quelqu’un, bavarder.
Halbert, 1849 : Parler, raconter.
Larchey, 1865 : Parler, causer. — Diminutif de Jaser.
Ils jaspinaient argot encore mieux que français.
(Grandval, 1723)
Alle voulut jaspiner avec moi.
(Vadé, 1788)
Je lui jaspine en bigorne : « N’as tu rien a morfiller ? »
(Vidocq)
Delvau, 1866 : v. a. et n. Parler, bavarder. Jaspiner bigorne. Entendre et parler l’argot. V. Bigorne. En wallon, Jaspiner c’est gazouiller, faire un petit bruit doux et agréable comme les oiseaux.
La Rue, 1894 : Parler.
Virmaître, 1894 : Signe convenu d’aboyer sur la voie publique pendant que des complices dévalisent les poches des badauds (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Parler, causer.
Hayard, 1907 : Parler.
France, 1907 : Parler, bavarder.
Pas plus tard que la semaine dernière, jaspinant à propos de la journée de huit heures, je disais : Il ne tient qu’aux prolos de réduire la durée de la journée de travail, — qu’ils le veuillent et ça sera fait.
(Le Père Peinard)
Mon fils se faisois grand : dès sa quinzième année
Il fit voir qu’il avoit l’âme noble et bien née ;
Il jaspinoit argot encor mieux que François,
Il voloit joliment, et tuoit quelquesfois ;
Peut-être il me sied mal de tenir ce langage,
Mais à la vérité je dois ce témoignage.
(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)
Jadis, pour être avocat, il ne suffisait point de savoir parler — jaspiner, disaient des clients. Pas plus que, pour être juge, il me suffisait de siéger. De ce que l’un incarnait la justice, de ce que l’autre représentait le droit, il leur était demandé de conformer un peu leur personne à leur mission, leur vie privée à leur vie publique — et le décorum n’était point que le manteau de Japhet, dissimulant les turpitudes humaines.
(Séverine)
Jaspiner, jaser
Bras-de-Fer, 1829 : Parler.
Jaspineur
un détenu, 1846 : Parleur, bavard, orateur.
France, 1907 : Bavard.
Jatte
d’Hautel, 1808 : Cul de jatte. Celui qui est perclus de ses bras et de ses jambes. On donne aussi ce sobriquet à un homme sans capacité, sans moyens ; à un paresseux, un indolent.
Jaune
d’Hautel, 1808 : Jaune. Terme métaphorique et injurieux, pour bête ; sot, imbécile.
Dire des contes jaunes ou bleus. Dire des choses incroyables, des mensonges.
Jaune comme de l’or. Se dit de toute chose qui a cette couleur.
On lui fera voir son béjaune. Signifie qu’on fera voir à quelqu’un qu’il n’est qu’un ignorant.
Halbert, 1849 : Été.
Larchey, 1865 : Eau-de-vie.
Estaminet dit poétique, espèce de paradis perdu dans le jaune et le petit bleu.
(La Maison du Lapin blanc, typ. Appert)
Lapin blanc, que me veux-tu ? Avec ton jaune et ton camphre, Tu déranges ma faible vertu.
(Id.)
Rire jaune : Rire forcément. — Aimer avec un jaune d’œuf : Tromper. — Allusion à la couleur jaune qui est celle du cocuage.
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des chiffonniers.
Delvau, 1866 : s. m. Été, la saison mûrissante, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie. — Jaunier, ivrogne.
Rigaud, 1881 : Été, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Été. Eau-de-vie.
France, 1907 : Eau-de-vie ; argot des chiffonniers.
Lapin blanc, que me veux-tu ?
Avec ton jeune et ton camphre
Tu déranges ma vertu.
(La Maison du Lapin blanc, 1858)
France, 1907 : Été ; argot des voleurs.
France, 1907 : Or.
Jaune d’œuf (adorer avec un)
France, 1907 : Jeu de mot sur dorer.
Jaune d’œuf (avec un)
Delvau, 1866 : Phrase suffixe que le peuple emploie ironiquement avec le verbe Aimer ou Adorer. Ainsi Je t’adore avec un jaune d’œuf signifie : « Je ne l’aime pas du tout », et fait une sorte de calembour, par allusion à l’emploi connu du jaune d’œuf.
Jaune, jonc
Rigaud, 1881 : Or. — Jaunet, pièce d’or.
Jaune, jonc, jognard
La Rue, 1894 : Or.
Jaunet
d’Hautel, 1808 : Des jaunets. Pour dire des louis ; la pluie d’or ; argument auquel rien ne résiste ; qui d’un fat fait un honnête homme, et après lequel enfin tant de pauvres humains soupirent.
Larchey, 1865 : Pièce d’or.
Un seul regret, celui de n’avoir pu débarrasser les pigeons de leurs jaunets.
(Paillet)
Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’or de vingt francs, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Jauniau. Au XVIIe siècle, on disait Rouget.
France, 1907 : Pièce d’or.
Et, en attendant, il grêlait des sous, des francs, des roues de cinq balles, des jaunets, et aussi des cigares, des oranges, et il tourbillonnait encore des mouchoirs de dentelles, et des cravates de soie claire et des foulards, et des écharpes, qui venaient battre de l’aile autour du chanteur comme un vol caressant de grands papillons multicolores.
(Jean Richepin)
D’jaunets tu vas meubler ma poche,
Afin de rigoler à mort.
(Festeau)
Jaunier
Delvau, 1866 : s. m. Débitant ou buveur d’eau-de-vie.
La Rue, 1894 : Gendarme. Débitant d’eau-de-vie.
France, 1907 : Débitant d’eau-de-vie ; de jaune. Se dit aussi de celui qui la boit.
France, 1907 : Gendarme, à cause des buffleteries jaunes qu’il portait autrefois.
Jauquesu
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux et me qui équivaut à badaud, ignorant, jocrisse, niais
Javanais
Larchey, 1865 : « La Crécy parlait le javanais, cet argot de Bréda où la syllabe va, jetée après chaque syllabe, hache pour les profanes le son et le sens des mots, idiome hiéroglyphique du monde des filles qui lui permet de se parler à l’oreille — tout haut. » — Goncourt. — Ex. ; Jaunet, javaunavet ; jeudi, javeudavi ; etc., etc.
Delvau, 1866 : s. m. Langue de convention parlée dans le monde des coulisses et des filles, qui consiste à ajouter après chaque syllabe la syllabe va ou av, ad libitum, de façon à rendre le mot prononcé inintelligible pour les profanes. Les voleurs ont aussi leur javanais, qui consiste à donner des terminaisons en ar et en oc, en al ou en em, de façon à défigurer les mots, soit français, soit d’argot, en les agrandissant.
Quant aux bouchers, étaliers ou patrons, leur javanais consiste à remplacer toutes les premières lettres consonnes d’un mot, par un L et à reporter la première consonne à la fin du mot, auquel on coud une syllabe javanaise. Ainsi pour dire Papier, ils diront Lapiepem, ou Lapiepoc. Pour les mots qui commencent par une voyelle, on les fait précéder et suivre par un L, sans oublier de coudre à la fin une syllabe javanaise quelconque. Par exemple avis se dit Laviloc ou mieux Lavilour. Quelquefois aussi ils varient pour mieux dérouter les curieux ; ils disent nabadutac pour tabac, — quand ils ne disent pas néfoin du tré pour tréfoin, en employant les syllabes explétives na et né qui sont du pur javanais, comme av et va.
Rigaud, 1881 : Langage de convention qui consistait, il y a une vingtaine d’années, à intercaler les syllabes va et av entre chaque syllabe. C’était idiot et antieuphonique au dernier point. Les filles parlaient fort couramment le javanais. Il y eut un moment une telle fureur de javanais qu’on vit paraître un journal entièrement écrit dans ce langage stupide.
La Rue, 1894 : Langage de convention qui consiste à intercaler les syllabes va et av entre chaque syllabe pour défigurer les mots.
France, 1907 : Langage de convention qui consiste à déformer les mots usuels en ajoutant à chaque syllabe une syllabe additionnelle de façon à rendre ce mot inintelligible pour ceux qui ne sont pas initiés. Vers la fin du second empire, ce furent les syllabes va et av que l’on ajoutait, ce qui sans doute fit donner à ce jargon le nom de la langue de Java.
Javard
Halbert, 1849 : Lin.
Delvau, 1866 : s. m. Lin que l’on met en javelles, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Lin que les paysans mettent en javelles avant le rouissage (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Lin que l’on met en javelles.
Javoter
France, 1907 : Bavarder.
Javotte
d’Hautel, 1808 : Surnom railleur et de mépris, que l’on donne à un homme tatillon et d’une grande loquacité ; à une commère, une tailleuse de bavettes.
Delvau, 1866 : s. f. Homme bavard, indiscret, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Bavard, indiscret, chipotier. « Quelle javotte que cet Édouard ! »
France, 1907 : Nom que l’on donne à la gardeuse de véhicules des environs des Halles. Le fort qui apporte sur sa tête une manne pleine de légumes l’interpelle ainsi : Ohé ! Javotte ! La gardeuse arrive aussitôt et fait placer la marchandise dans la voiture du client.
Je
d’Hautel, 1808 : Il a l’air d’un je ne sais qui. Termes de mépris que l’on applique à un homme de mauvais ton, de mauvaise mine, et de mauvaise tournure ; à un libertin, un sot, un fat, un extravagant.
Je l’ai connu poirier
France, 1907 : Se dit d’un parvenu élevé à une haute position, soit financière, soit sociale, et que l’on a connu dans une position infime. Combien de gros pontifes qui se prélassent aujourd’hui au Sénat et dans les ministères et que l’on a connus poiriers ! L’origine que l’on donne à cette expression, que l’on trouve dans les Mémoires du duc de Saint-Simon, est assez amusante : Un curé de village avait dans son église un saint Jean en bois qui excitait la vénération de ses ouailles et attirait les pèlerins de dix lieues à la ronde. On lui attribuait toutes sortes de merveilleuses guérisons. Mais le saint était vieux, le bois vermoulu tombait en poussière. Le bon curé jugea utile de le remplacer. À cet effet, il fit couper le plus beau poirier de son jardin et confia à un artiste de la ville voisine le soin de lui confectionner un saint nouveau sur le modèle de l’ancien ; et bientôt l’église de village eut son saint Jean tout neuf et tout brillant de dorures et de fraîches couleurs. Mais les paysans n’y allèrent plus porter leurs offrandes, les pèlerins cessèrent de venir le prier. Le curé, désolé autant que stupéfait, interrogea l’un des plus zélés dévots d’autrefois, lui demandant raison de sa froideur à l’égard du grand saint Jean : « Un saint, ça ? répondit dédaigneusement le paysan. Allons donc ! Je l’ai connu poirier ! »
Je l’entortille
Ansiaume, 1821 : Je me moque de lui.
Il a voulu me faire manger, mais je l’entortille.
Je lui garde un chien de ma chienne
France, 1907 : « Je me vengerai de lui tôt ou tard » Le chien de la chienne sera naturellement dressé à le mordre.
Je m’en fiche comme de colin-tampon
Larchey, 1865 : Je ne fais aucun cas de sa personne (1808, d’Hautel). — On appelait colin-tampons les Suisses en garnison à Paris. Les mazarinades en donnèrent plus d’une preuve.
Je me la brise
Virmaître, 1894 : Je m’en vais. Quand un individu vous ennuie, dans le peuple on lui dit sans façon :
— Tu peux te la briser, il y aura moins de perte qu’une pièce de vin (Argot du peuple). N.
Je ne sais qui
Delvau, 1866 : s. f. Femme de mœurs plus que légères, — dans l’argot méprisant des bourgeoises.
Je ne sais quoi
Larchey, 1865 : Qualité indéfinissable.
Le savoir-vivre, l’élégance des manières, le je ne sais quoi, fruit d’une éducation complète.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Qualité difficile à définir ; l’inconnue d’un sentiment ou d’un caractère qu’on chercherait en vain à dégager. Argot des gens de lettres.
Je-m’en-foutisme
France, 1907 : Philosophie de l’indifférence.
Autrefois, c’était : « Je m’en moque ! » aujourd’hui, c’est : « Je m’en fous ! » Et voilà comment, chaque année, s’accentue davantage cette note lamentable et écœurante de lassitude et de dégoût.
Peut-être est-ce à cause de cela et pour bien d’autres choses encore que la société, aujourd’hui, est pleine de je-m’en-foutistes. Ils regardent d’un œil glauque, semblent écouter sans entendre, tirent la lippe en avant et leur geste signifie néant.
(Louis Davyl)
Les dames et les personnes pudibondes disent je-m’en-fichisme.
C’est pitié que de constater cette somnolence, cette veulerie, ce j’m’en-fichisme dégradant ; et que puissent subsister encore des divisions dans une place aussi menacée !
(Séverine)
Je-m’en-foutiste
France, 1907 : Indifférent.
J’suis pas un fleuriste épatante,
J’fais pas d’chichis, vous pensez bien,
Ma boutique où j’paie pas d’patente
C’est le boulevard des Italiens.
Je suis la Cigale fleuriste,
Et si vous voulez tout savoir,
Entre nous, je suis j’m’en-foutiste
Et dans la dèch matin et soir.
(Puech et Darcourt)
Je n’marche jamais. Tranquil’ comm’ Baptiste,
J’envisage tout de l’œil le plus froid ;
Droit est-ce une force ? Et Force est-ce un droit ?
Qui vivra verra… Je suis j’m’en-foutiste !
(Paul Paillette)
Jean
d’Hautel, 1808 : Il n’est que de la saint Jean. Se dit pour abaisser le mérite de quelqu’un et pour faire entendre qu’un autre lui est bien supérieur.
Un Saint Jean bouche d’or. Homme qui ne peut garder un secret ; bélitre, dissipateur.
On y a appliqué toutes les herbes de la Saint Jean. Voyez Herbe.
Jean fesse. Mot injurieux que l’on adresse à quelqu’un dans un mouvement de colère, et qui équivaut à poltron, homme sans honneur.
Jean de Nivelle. Voyez Chien.
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile ; mari que sa femme trompe sans qu’il s’en aperçoive. On disait autrefois Janin.
France, 1907 : Niais, imbécile, mari dupé.
Jean ? Que dire sur Jean ? C’est un terrible nom
Que jamais n’accompagne une épithète honnête.
Jean des Vignes, Jean Lorgne…. Ou vais-je ? Trouvez bon
Qu’en si beau chemin je m’arrête.
(Mme Desroulières)
— Pourquoi nommer Catin votre charmante fille ?
Appelez-la Catau, disait-on à Lubin.
— Non pas, dit-il ; en vain on en babille ;
Chez nous le mâle est Jean, la femelle Catin ;
C’est l’usage dans la famille.
(Pons de Verdun)
Jean (faire le saint)
Vidocq, 1837 : v. a. — Se décoiffer pour avertir ses compères de prendre les devans, et de se rendre au lieu convenu. Signal des Emporteurs.
Rigaud, 1881 : Se décoiffer. C’est un signal convenu entre voleurs. Lorsqu’ils sont censés ne pas se connaître, soit dans la rue, soit dans un lieu public, l’un d’eux fait le Saint-Jean. Traduction : Ne nous perdons pas de vue ; au travail, l’affaire est prête.
Jean (nu comme un petit Saint)
Rigaud, 1881 : À peine vêtu de mauvaises guenilles, tout nu ; se dit surtout des enfants. — Faire son petit Saint-Jean, faire l’innocent, le niais.
Jean bête
France, 1907 : Sot.
« Quand Jean bête est mort, il laissa des héritiers », dit un vieux proverbe indiquant ainsi que les sots ont beau mourir, il en pousse toujours et la race ne se perd jamais.
Jean chouart
Delvau, 1864 : Le membre viril : appelé le pénil selon Lignac, la braguette selon Rabelais, Marot et autres poètes anciens ; la verge, dans l’idiôme des nourrices et des parleurs timbrés ; le braquemart dans Robbé, Rousseau et Grécourt. ; Jean Chouart dans d’autres, etc., etc.
Jean crapaud
France, 1907 : Sobriquet que les Anglais donnent aux Français.
Jean de la suie
Delvau, 1866 : s. m. Savoyard, ramoneur, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Petit ramoneur.
France, 1907 : Savoyard. C’est la Savoie qui fournissait autrefois tous les petits ramoneurs de cheminées.
Jean de la vigne
Delvau, 1866 : s. m. Crucifix, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Crucifix. C’était le nom d’un des acteurs de bois (Jean des Vignes) du théâtre de marionnettes à l’époque des représentations de la Passion. (Fr. Michel).
France, 1907 : Crucifix.
Jean de Lagny
France, 1907 : Lambin, retardataire, individu qui ne se presse pas. « Tu es de Lagny, tu n’as pas hâte », disait-on autrefois. On fait remonter l’origine de ce dicton à Jean sans Peur, duc de Bourgogne, qui, dans son expédition de 1417 contre les Parisiens, s’attarda deux mois à Lagny.
Jean des Vignes (faire comme)
France, 1907 : Commettre des étourderies et des imprudences dont on est soi-même la première victime.
Jean des Vignes est le surnom que le peuple donna, après la bataille de Poitiers (1356), au roi Jean qui, en lançant maladroitement sa cavalerie dans les terrains coupés de palissades et plantés de vignes où le prince Noir avait placé ses archers, fut une des causes du désastre.
De même à Pavie, François Ier en mettant en branle sa gendarmerie au-devant de ses propres canons, et les rendant ainsi inutiles, entraîna la perte de la bataille.
Jean foutre
Rigaud, 1881 : Homme vil, gredin fieffé.
Jean Guêtré
Delvau, 1866 : Le peuple des paysans. L’expression est de Pierre Dupont.
France, 1907 : Le paysan.
Jean Jean
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme par trop simple, qui se laisse mener par le bout du nez, — dans l’argot du peuple.
Jean le blanc
France, 1907 : Nom vulgaire d’une espèce de faucon.
Jean le cul
France, 1907 : Imbécile.
Jean Lorgne
France, 1907 : Homme sans malice.
Jean Misère
France, 1907 : Le pauvre, le prolétaire.
Décharné, de haillons vêtu,
Fou de fièvre, au coin d’une impasse
Jean Misère s’est abattu.
— Douleur, dit-il, n’es-tu pas lasse ?
…
Malheur ! ils nous font la leçon,
Ils prêchent l’ordre et la famille ;
Leur guerre a tué mon garçon,
Leur luxe a débauché ma fille !
Ah ! mais…
Ça ne finira donc jamais ?…
(Eugène Pottier, Chants révolutionnaires)
Jean Raisin
France, 1907 : Vigneron : c’est aussi la vigne.
Dans une vieille écorce grise
Jean Raisin a passé l’hiver,
Il est en fleurs, le voilà vert ;
Jean Raisin ne craint plus la bise ;
Il est joufflu, blanc et vermeil,
Le voilà vin ; toute sa force
Ruisselant de sa fine écorce
S’échappe en rayons de soleil.
(Gustave Mathieu, Parfums, chants et couleurs)
Jean-bête
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile. C’est le cas ou jamais de citer les vers de madame Deshoulières :
Jean ? Que dire sur Jean ? C’est un terrible nom
Que jamais n’accompagne une épithète honnête :
Jean Des Vignes, Jean Lorgne… Où vais-je ? Trouvez bon
Qu’en si beau chemin je m’arrête.
Jean-fesse
Rigaud, 1881 : Avare, malhonnête homme. — Le frère jumeau de Jean foutre.
Jean-foutre
France, 1907 : Homme sans cœur et sans honnêteté. Se conduire en Jean-foutre, commettre des vilenies.
Le médiocre sera toujours l’animal le plus à redouter : car sa faiblesse est à la merci de toutes les forces. Il fait le mal avec la tranquillité de l’innocence.
C’est le médiocre qui a répandu à travers la ville le je-m’en-foutisme inventé par un sot. Garons-nous-en. Entre le je-m’en-foutiste et le Jean-foutre, il n’y a que l’épaisseur d’un imbécile.
(Louis Davyl)
La marquise de Z… interroge son nouveau valet de chambre.
— Et on vous appelle ?
— Madame : en temps ordinaire, on m’appelle Jean, tout court. Mais quand on est en colère, où m’appelle Jean-foutre.
Jean-Jean
Larchey, 1865 : « On qualifie de Jean-Jean en France le jeune indigène que la conscription a arraché à l’âge de vingt ans d’un atelier du faubourg, de la queue d’une charrue, etc. Le Jean-Jean est reconnaissable à sa tournure indécise, à sa physionomie placide. » — M. Saint-Hilaire.
Delvau, 1866 : s. m. Conscrit, — dans l’argot des vieux troupiers, pour qui tout soldat novice est un imbécile qui ne peut se dégourdir qu’au feu.
Rigaud, 1881 : Niais. — Conscrit.
France, 1907 : Homme simple, naïf, facile duper.
Vraiment, quand on songe au grouillement de misère, à l’inondation de dèche qui attige le populo, on est à se demander comment il se fait que les Jean-Jean aient le cœur à la rigolade.
(Le Père Peinard)
France, 1907 : Surnom donné autrefois aux conscrits.
On qualifie de Jean-Jean le jeune indigène que la conscription a arraché, à l’âge de vingt ans, d’un atelier ou d’une charrue.
(Émile Marco de Saint-Hilaire)
Jean-Raisin
Delvau, 1866 : Le peuple des vignerons. L’expression est de Gustave Mathieu.
Jean, Jeannot, Janin
Delvau, 1864 : Expressions désignant un mari trompé
Chez nous le mâle est Jean, la femelle Catin
C’est l’usage de la famille.
(Daillant De La Touche)
Il est Janin sans qu’il le sache…
(Ch. Sorel)
Janot est le vrai nom d’un sot.
(Ancien Théâtre français)
Jeanfesse
Delvau, 1866 : s. f. Malhonnête homme, bon à fouetter, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Avare, vilain personnage.
Ce pleutre âgé, ce jeanfesse
Qui s’affaisse
Dans le troisième dessous !
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Jeanfesse, foutre
Larchey, 1865 : Coquin, misérable.
Ça, c’est un jeanfesse.
(Ricard)
Grande colère du père Duchesne contre les jeanfoutres de chasseurs qui ont voulu faire une contre-révolution.
(1793, Hébert)
Jeanfoutre
Delvau, 1866 : s. m. Homme sans délicatesse, sans honnêteté, sans courage, sans rien de ce qui constitue un homme, — dans l’argot du peuple, dont cette expression résume tout le mépris.
Jeanin, Jeannot
France, 1907 : Même sens que Jean.
— Te ferait-elle point Jeanin, ta femme ?
(Ancien Théâtre françois)
Le pourceau que je fais Jeanin.
(Farces et moralités)
Jeannot est le vrai nom d’un sot.
(Ancien Théâtre françois)
Jeanlorgne
Delvau, 1866 : s. m. Innocent, et même niais.
Jeanne d’Arc pour le courage
Rigaud, 1881 : Demoiselle à qui il manque précisément ce qui a valu à Jeanne d’Arc son surnom.
Jeanneton
Delvau, 1864 : Synonyme de Goton. Fille de la petite vertu, servante ou grisette, qui se laisse prendre volontiers le cul par les rouliers ou par les étudiants.
Partout on vous rencontre avec des Jeannetons.
(V. Hugo) (Ruy-Blas)
Larchey, 1865 : « Servante d’auberge, fille de moyenne vertu. » — 1808, d’Hautel.
Delvau, 1866 : s. f. Fille de moyenne vertu, — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent leur La Fontaine.
Car il défend les jeannetons,
Chose très nécessaire à Rome.
France, 1907 : Paysanne, fille vulgaire et de mauvaises mœurs. Même sens que Gothon.
Sans vous brouiller avec les roses,
Évadez-vous des Jeannetons.
Enfuyez-vous de ces drôlesses,
Derrière ces bonheurs changeants
Se dressent de pâles vieillesses
Qui menacent les jeunes gens.
(Victor Hugo, La Légende des siècles)
Pourquoi ce diminutif de Jeanne est-il devenu terme méprisant ? Sans doute parce qu’il était commun dans les campagnes et porté par nombre de servantes. Une vielle bourrée limousine le rehaussait jadis :
Baissez-vous, montagnes !
Levez-vous, vallons !
M’empêchez de voir,
Ma mie Jeanneton…
Jeannette
Rigaud, 1881 : Rouet muni de plusieurs fuseaux, — dans le jargon des fileuses. Dans les filatures anglaises, ce rouet se nomme une Jenny, nom que lui a donné l’inventeur Thomas Highs.
Jeannot
d’Hautel, 1808 : Un Jeannot, un grand Jeannot. Terme d’injure et de mépris qui se dit d’un homme simple, borné et innocent. On donne aussi ce nom à un mari trop complaisant, ou qui se mêle des plus petits détails du ménage.
France, 1907 : Lapin.
Un sien cousin possédait des connaissances spéciales si développées, qu’il avait retenu toute la généalogie des lapins, dans la région qu’il habitait. Il savait, par exemple, que tel Jeannot était le propre neveu de tel autre, qui se trouvait parent par alliance de celui-ci ou de celui-là. Et comme il n’était pas de première force à la chasse, il exploitait à son profit cette érudition généalogique.
(Maxime Boucheron)
Jergole
Halbert, 1849 : Normand.
Jergolier
Halbert, 1849 : Normandie.
Jerni-coton
d’Hautel, 1808 : Sorte de juron poissard.
Jérôme
Delvau, 1866 : s. m. Canne, bâton, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Gourdin, canne, bâton ; argot populaire.
Jérôme Paturot
France, 1907 : Personnage de deux célèbres romans satiriques de Louis Reybaud, parus en 1843 et en 1848, et devenu le type de plus en plus commun de nos jours du raté de collège qui se croit propre à tout, entreprend tout et ne réussit à rien.
Jérômisme
France, 1907 : Parti du prince Jérôme Bonaparte, la faction la plus libérale du bonapartisme.
Cette opposition au roi Jérôme et à son fils se reproduisit vigoureusement après le coup d’État dans le Sénat nouveau, lorsqu’on y discuta les sénatus-consultes des 7 novembre et 25 décembre 1852, rétablissant le gouvernement impérial. Le Sénat refusait obstinément l’hérédité, non point pour entraver les désirs du chef de la dynastie napoléonienne et contaminer le pouvoir naissant, mais uniquement pour pouvoir ruiner le jérômisme.
(Jules Richard, Comment on a restauré l’Empire)
Jéromiste
Fustier, 1889 : Partisan du prince Jérôme Napoléon.
Et en effet 1 dégringolade des intransigeants, collectivistes et anarchistes est tout aussi marquée que celle des ultramontains et des jéromistes.
(Henri IV, 1881)
Jérômiste
France, 1907 : Partisan du prince Jérôme Napoléon, vulgairement appelé Plonplon. Il y eut en 1883 des comités jérômistes constituées par M. Lenglé, qui, pendant l’hiver de 1886-87, tinrent un véritable club au café Américain pour accepter définitivement la République avec réforme démocratique de la Constitution.
Ces premiers pas vers le général Boulanger, M. Thiébaud ne les fit pas seul. Ses amis, les jérômistes, étaient tous favorables à l’homme dont la popularité grandissait si vite.
(Mermeix)
Jersey
France, 1907 : Tricot de laine pour homme ou pour femme, dont se servent les pêcheurs de la côte normande et qu’ont adopté les Parisiens et les Parisiennes en villégiature. Depuis on a confectionné toutes sortes de vêtements en tissu de tricot que l’on appelle jerseys.
Avec le jersey noir qui lui moulait la taille, son tablier blanc, son air déluré, — de grands yeux bruns qui éclairaient tout le visage, des cheveux d’un blond cendré et fins comme de la soie, une bouche qui appelait d’autres lèvres, — ce brin de fille, certainement descendue de Montmartre on de Ménilmuche, valait la peine de faire une halte sérieuse et de chercher une aventure.
(René Maizeroy)
Jérusalem (lettre de)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Missive, annonce, commission qui a pour but de donner un faux avis.
Vidocq, 1837 : s. f. — (Voir Lettre de Jérusalem.)
Rigaud, 1881 : Lettre écrite de prison.
France, 1907 : Lettre écrite d’une prison pour demander des secours d’argent. Argot des voleurs. La Préfecture de police et par conséquent la prison adjacente se trouvait autrefois dans la rue de Jérusalem.
Jésuite
d’Hautel, 1808 : Nom donné aux religieux d’un ordre célèbre. On appelle vulgairement un dindon un jésuite, parce qu’on attribue l’introduction de cet oiseau en Europe aux Jésuites, envoyés comme missionnaires dans l’Inde.
Ansiaume, 1821 : Dindon.
Je donnerais 30 jacques pour tortiller ma part d’un jésuite.
Vidocq, 1837 : s. m. — Dindon.
Larchey, 1865 : Dindon (Vidocq). — C’est aux jésuites qu’on doit l’acclimatation du dindon.
Delvau, 1866 : s. m. Dindon, — dans l’argot des voleurs, qui doivent employer cette expression depuis l’introduction en France, par les missionnaires, de ce précieux gallinacé, c’est-à-dire depuis 1570.
Virmaître, 1894 : Dindon. Ce sont les jésuites qui, en 1570, ont introduit le dindon en France ; mais tous ceux qui ont été leurs victimes ne pensent pas comme les voleurs (Argot des voleurs).
France, 1907 : Cafard, dénonciateur, espions.
France, 1907 : Dindon. Le jésuite ne l’est pourtant pas ; mais il faut se rappeler que ce précieux gallinacé a été introduit en France au XVIe siècle par des missionnaires de la Compagnie de Jésus.
Jésus
Vidocq, 1837 : s. m. — Les voleurs donnent ce nom aux jeunes garçons que les Tantes, les Chanteurs, les Rouspans (Voir ces divers articles), prostituent à leur gré, et dressent en même temps au vol et à la débauche.
Halbert, 1849 : Grand jeune homme payé pour satisfaire aux passions d’un vieillard.
Larchey, 1865 : « Jeune et beau garçon lancé comme appeau près des sodomistes que veut exploiter le chanteur. »
(Canler)
Grippe-Jésus : Gendarmes. — Le jésus n’est ici qu’un homme garrotté comme le Christ, lorsqu’il fut conduit devant Pilate.
Delvau, 1866 : s. m. « Enfant dressé au vol et à la débauche, » — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Innocent, — dans l’argot souvent ironique du peuple. D’où le grippe-Jésus de l’argot encore plus ironique des voleurs, puisqu’ils appellent ainsi les gendarmes.
Rigaud, 1881 : Innocent, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Jeune filou. — Tout jeune Éphestion de trottoir.
La Rue, 1894 : Innocent. Jeune Voleur. Nouveau-né. Adolescent du troisième sexe.
Virmaître, 1894 : Jeune homme à l’aspect efféminé, frisé, parfumé, qui sert d’appât pour attirer les individus à passions honteuses. Souvent il travaille réellement pour son compte (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Jeune chatte qui sert d’appât pour faire chanter les individus portes à cette passion.
Hayard, 1907 : Jeune garçon de mœurs pédérastiques.
France, 1907 : Adolescent du troisième sexe.
Dans cette catégorie d’individus (les pédérastes) on désigne deux classes : les amateurs, ceux qui recherchent dans la pédérastie la seule satisfaction de leurs sens ;
Les prostitués qui trafiquent de leur corps ; ceux-ci prennent le nom de Jésus…
Vêtu d’un costume étriqué qui lui permet d’étaler à tous les regards ses avantages, la raie allant du front à la nuque, maquillé, une cigarette aux lèvres, le Jésus va et vient, le regard en coulisse, la bouche ou cœur, le sourire aux lèvres ; il joue avec une mince badine — qu’on peut lui arracher des mains et lui casser sur la figure si prompte fuite vous en laisse le temps.
(Jules Davray, L’Armée du vice)
Le persillard, une fois d’accord avec le chanteur pour duper son douillard, devient alors son compère, c’est-à-dire son Jésus ! Tel est dénommé aujourd’hui le persillard exploiteur.
(Mémoires de M. Claude)
Le Jésus est un jeune et beau garçon lancé comme appeau près des sodomites que veut exploiter le chanteur.
(Mémoires de Canler)
France, 1907 : Innocent, et aussi jeune voleur.
Jésus à quatre sous
France, 1907 : Enfant nouveau-né.
Jet
Delvau, 1866 : s. m. Canne, jonc, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Canne, jonc.
Jet-d’eau
d’Hautel, 1808 : Et non jeu d’eau, comme on le dit habituellement.
Jetar
France, 1907 : Prison ; argot militaire.
— J’ai ordre du sous-officier de semaine de te faire fourrer au jetar.
(Georges Courteline)
Jeté (s’en être)
Rigaud, 1881 : Être soûl. — Mot à mot : s’être jeté du liquide dans l’estomac.
Jeter
d’Hautel, 1808 : Il se jette dessus comme la pauvreté sur le monde. Se dit d’une personne qui saisit avidement quelque chose ; d’un homme affamé qui mange avec avidité, et d’un ennuyeux qui obsède par ses importunités.
Jeter un beau coton. Manière ironique, pour dire faire mauvaise figure ; ne pas bien réussir dans ses entreprises ; traîner en langueur.
Jeter des fusées. Pour vomir ; être ivre-mort.
Jeter le manche après la cognée. Se dégoûter d’une entreprise pour le succès de laquelle on éprouve de grands obstacles.
Jeter la plume au vent. Se laisser conduire par le hasard.
Se jeter à la tête de quelqu’un. Se prodiguer ; rechercher les faveurs de quelqu’un d’une manière affectée ; offrir ses services à vil prix.
Tout le monde lui jette la pierre. Se dit de quelqu’un qui, dans l’adversité, se voit accuser publiquement par ceux qui lui faisoient avant une cour assidue.
Il ne jette pas sa part aux chiens. Se dit d’une personne qui ne cède en rien de ses prétentions, ou de la part qui lui revient dans quelque chose.
Jeter de la poudre aux yeux. Briller d’un faux éclat, comme font les imposteurs, les hypocrites et les charlatans.
Jeter des perles devant les pourceaux. Tenir de beaux discours devant les ignorans ; donner des effets de valeur à ceux qui n’en connoissent pas le mérite.
Jeter de l’huile sur le feu. Exciter, animer des gens déjà en colère.
Il n’est pas bon à jeter aux chiens. Voyez Chat, Chien, Jambes.
Delvau, 1866 : v. n. Suppurer, — dans l’argot du peuple.
Rossignol, 1901 : Renvoyer, mal recevoir.
J’ai été solliciter un emploi, je me suis fait jeter.
Celui qui se fait renvoyer de son emploi ou de son atelier, se fait jeter.
Hayard, 1907 : Renvoyer, congédier.
Jeter au feu
La Rue, 1894 / France, 1907 : Dénoncer.
Jeter de la grille
Rigaud, 1881 : Requérir, au nom de la loi, contre l’accusé. Après le discours du ministère public, les voleurs disent : Le client m’a jeté de la grille ; c’est-à-dire a jeté sur moi de la grille de prison.
La Rue, 1894 : Requérir au nom de la loi contre l’accusé.
France, 1907 : « Requérir au nom de la loi contre l’accusé. » (Jean La Rue)
Jeter de la pommade
Rossignol, 1901 : Flatter.
France, 1907 : Amadouer.
Jeter de la poudre aux yeux
France, 1907 : Tromper quelqu’un par de belles paroles, des promesses mensongères, l’empêcher de voir clair dans une affaire où il sera dupé ; surprendre la bonne foi par un étalage de mérites que l’on ne possède pas. Poudre est ici pour poussière.
Ce proverbe, dit Fleury de Bellingen, prend son origine de ceux qui couroient aux jeux olympiques : ils partoient tous ensemble au signal qu’on leur donnoit. La carrière étoit semée de sable fort menu, de sorte que les plus légers à la course faisoient élever de la poussière en courant, laquelle donnoit dans les yeux de ceux qui les suivoient. De là est venue cette façon de parler que l’on emploie à l’esgard de ceux à qui l’on s’est imposé par quelque subtilitez ou beau discours.
En Provence, on dit d’un individu beau parleur qui fait ses embarras, et cherche à éblouir les naïfs et les sots, qu’il fait beaucoup de poussière.
Jeter des perles devant les pourceaux
Delvau, 1866 : v. a. Dire ou faire de belles choses que l’on n’apprécie point à leur juste valeur, — dans l’argot des bourgeois. C’est le margaritas ante porcos des Anciens.
France, 1907 : Réciter de beaux vers devant des imbéciles ; montrer des objets d’art à des philistins ; dépenser son esprit devant des rustres. C’est la traduction du proverbe latin : Margaritas ante porcos.
Jeter des pierres dans le jardin de quelqu’un
France, 1907 : Médire, calomnier, ou simplement critiquer, ou encore l’attaquer par des paroles à double entente. Allusion à une coutume superstitieuse des anciens qui consistant à jeter des pierres enchantées sur le terrain d’un ennemi pour l’empêcher de produire.
Entre gens de lettres :
— J’ai vu que dans son dernier feuilleton le critique Z… jetait pas mal de pierres dans votre jardin…
— Oui, en effet… c’est sans doute ce que l’aimable homme appelle écrire en style lapidaire !…
(Le Domino rose)
Jeter du cœur sur du carreau
Delvau, 1866 : Rendre fort incivilement son déjeuner ou son dîner, lorsqu’on l’a pris trop vite ou trop abondant.
Jeter du cœur sur le carreau
France, 1907 : Vomir.
Jeter la pierre à quelqu’un
France, 1907 : L’accuser, critiquer ses actes ou ses propos. Cette locution nous vient de la coutume des anciens Juifs de lapider les coupables. La lapidation était le châtiment ordinaire des crimes que la loi de Moïse punissait de mort. C’est à ce châtiment que Jésus fit allusion lorsqu’il dit aux pharisiens qui lui amenaient une femme surprise en flagrant délit d’adultère : « Que celui d’entre vous que n’a jamais péché lui jette la première pierre. » C’était d’ordinaire le témoin du crime qui avait le droit de jeter la première pierre à la personne qu’il accusait.
Jeter le froc aux orties
France, 1907 : Se dépouiller de la robe ecclésiastique pour rentrer dans la vie civile. Le froc désignait la partie de l’habit monacal qui couvre la tête, la poitrine et les épaules, ce n’est que par extension qu’on a appliqué ce mot au vêtement tout entier. Le moine, en quittant ou fuyant le monastère, était supposé se débarrasser hâtivement de sa robe monacale qu’il jetait aux bords du chemin, c’est-à-dire aux orties qui poussent de chaque côté.
Et toi, forçat des sacristies,
Jette donc le froc aux orties,
Le cloître a fail pousser en toi
Les moisissures de la foi,
Rome lymphatique propage
Les scrofules du moyen âge…
(Eugène Pottier, Chants révolutionnaires)
Jeter le mouchoir
Delvau, 1864 : Choisir une fille, au bordel ou au bal et l’emmener coucher avec soi ; ou, si l’on est femme, faire comprendre à un homme qu’on bande pour lui et qu’on voudrait bien se le payer.
Jetez vous-même le mouchoir
Ou bien au sort il faudra voir
Dans le dortoir,
Qui pourra vaut échoir.
Delvau, 1866 : v. a. Distinguer une femme et lui faire agréer ses hommages et son cœur, — dans l’argot des vieux galantins.
France, 1907 : Arrêter son dévolu sur une femme. Allusion à la coutume des princes orientaux qui, dans leur harem., jetaient un foulard de soie à l’odalisque qu’ils choisissaient pour la nuit.
Il existe encore dans l’Inde et en Perse certaines tribus où les jeunes filles choisissent elles-mêmes leur mari, non pas en leur jetant le mouchoir, mais en envoyant une amie ou une suivante épingler son mouchoir au turban de l’homme qu’elle honore de sou choix. Celui-ci, de par les règles de la tribu, est obligé d’épouser celle qui le juge ainsi digne de son affection, à moins qu’il ne puisse prouver qu’il est trop pauvre pour trouver la somme exigée par le père de la jeune personne. Car, au contraire de chez nous où c’est la femme qui achète son mari, c’est le mari qui achète sa femme. Ces prétendus sauvages ont du bon.
Ainsi parlant, seul dans sa chambre,
Chaque matin, Monsieur Morgan
Balance de l’air d’un sultan
Son fin mouchoir parfumé d’ambre ;
Il sort tout radieux d’espoir,
Promène sa fadeur galante,
Frais et dispos rentre le soir,
Se fait un turban du mouchoir
Et tombe aux pieds de sa servante.
(Duault)
Jeter sa gourme
France, 1907 : Se dit en parlant d’un jeune homme on d’un adolescent qui se livre à des folies. Un préjugé fort répandu fait considérer la gourme des enfants comme une espèce d’émonctoire, de dépuration nécessaire à la santé. Donc le jeune homme, à ses débuts dans le monde, doit jeter sa gourme, c’est-à-dire son trop-plein de vigueur, sous peine de le jeter dans l’âge mûr, alors que les conséquences peuvent en être terribles.
Il faut en rabattre de ce préjugé né de l’ignorance ou de l’orgueil des mères. Les gourmes ne sont que la marque répugnante, comme dit le docteur Maréchal, d’un organisme taré. Et les mères, loin de se réjouir de leur apparition, ne peuvent considérer cette hideuse éruption chez leur enfant que comme la preuve certaine d’un sang vicié et appauvri et un pronostic de scrofule.
Jeter sa langue aux chiens
Delvau, 1866 : v. a. Renoncer à deviner une chose, à la comprendre, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi Jeter sa langue aux chats.
Jeter sa langue aux chiens ou aux chats
France, 1907 : Renoncer à comprendre on à deviner une chose.
On jette aux chiens un os, un reste de nourriture dont on ne veut plus. Quand on n’a rien à répondre à une question, la langue devient inutile et bonne à jeter aux chiens. Les Romains disaient : « Je sais la vérité là-dessus : j’ai mangé de la langue du chien. » Pour eux, manger de la langue de chien était un moyen d’acquérir la sagacité de cet animal. Pour nous, donnersa langue à manger aux chiens c’est avouer qu’on manque de sagacité.
(L. Martel)
Jeter ses pelotes
France, 1907 : Être courtois près d’une femme ; vulgairement, la peloter en paroles, si ce n’est en action.
Jeter son bonnet par dessus les moulins
Delvau, 1866 : Dire adieu à la pudeur, à l’innocence, et, par suite au respect des honnêtes gens, et se lancer à cœur perdu dans la voie scabreuse des aventures amoureuses. Argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Traîner sa fleur d’oranger dans les ruisseaux (Argot du peuple).
Jeter son bonnet par-dessus les moulins
France, 1907 : Braver l’opinion publique, se moquer du qu’en dira-t-on en renonçant à la pudeur et aux bienséances. Cette expression vient probablement de ce que les femmes prises de fureur et ne pouvant plus se contenir arrachent leur bonnet de leur tête, sans se soucier de ce que peuvent dire ou penser ceux qui les voient. Il s’y attachait autrefois une autre signification : Lorsque les parents amusaient leurs enfants par des contes qu’ils ne pouvaient plus continuer, ils terminaient en disant : « Je jette mon bonnet par-dessus les moulins. »
Jeter son lest
Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser involontairement du déjeuner ou du dîner dont on s’était lesté mal à propos.
France, 1907 : Évacuer le trop-plein de l’estomac.
Jeter un coup de
Rigaud, 1881 : Aller à. Mot à mot : jeter un coup de pied jusqu’à. — (Jargon des ouvriers) — Jeter un coup de Versailles, un coup de Cherbourg, aller jusqu’à Versailles, jusqu’à Cherbourg.
Jeter un froid
Delvau, 1866 : v. a. Commettre une incongruité parlée, dire une inconvenance, faire une proposition ridicule qui arrête la gaieté et met tout le monde sur ses gardes.
Virmaître, 1894 : Au milieu d’une soirée joyeuse, raconter une histoire macabre. L’invité au maître de la maison :
— Quelle est donc cette horrible femme, laide, vieille, sèche et revêche qui fait tapisserie.
— C’est ma sœur.
Voilà qui s’appelle jeter un froid (Argot du peuple).
Jeton
d’Hautel, 1808 : Faux comme un jeton. Se dit d’un fourbe, d’un hypocrite, d’un imposteur.
Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’argent, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Piece d’argent.
Jettard
Halbert, 1849 : Cachot.
Larchey, 1865 : Cachot (Bailly) — Mot à mot : endroit où l’on vous jette.
Jettature
France, 1907 : Action de jeter des sorts ; de l’italien jettatore, sorcier, littéralement jeteur.
Les bonnes gens qui font les cornes au diable, qui portent sur eux des mains de jettature et qui prennent garde au vol des corbeaux, sont bien plus nombreux qu’on ne croit. Je n’ai pas le courage de leur donner tort.
(Hugues Le Roux)
Jeu
d’Hautel, 1808 : C’est du vieux jeu. Pour, cela est connu ; cela ne peut pas passer ; ce sont de vieux contes.
Tirer son épingle du jeu. Se dégager adroitement d’une mauvaise affaire.
Le jeu ne vaut pas la chandelle. Se dit d’une affaire où les dépenses excèdent le bénéfice.
Jeu de mains, jeu de vilains. Signifie que lorsqu’on s’escrime, pour plaisanter, avec les mains, il en résulte toujours quelqu’accident, ou même quelque sérieuse batterie.
Donner beau jeu. Offrir une occasion favorable.
Cacher son jeu. Pour, dissimuler, feindre, vivre en sournois.
Jouer à jeu sûr. Pour, avoir des sûretés ; être certain du succès d’une affaire.
À beau jeu, beau retour. Menace que l’on fait de rendre le change à quelqu’un qui a offensé.
Ce n’est pas un jeu d’enfant. Pour, c’est une chose sérieuse, importante, qui demande de la réflexion.
Cela est plus fort que le jeu. Pour dire, passe les bornes de la plaisanterie.
Faire bonne mine et mauvais jeu. Signifie dissimuler ; cacher l’état de ses affaires ; en imposer par un grand éclat, par une grande dépense.
Jeu (grand)
France, 1907 : Assassinat. Le petit jeu est le vol.
France, 1907 : Les tireuses de cartes font le grand jeu ou le petit jeu, suivant la somme que la cliente naïve consent à leur donner pour connaître l’avenir.
France, 1907 : Raffinements amoureux, chez les marchandes d’amour.
Jeu (le grand)
Rigaud, 1881 : Dans le vocabulaire des filles signifie l’usage des condiments les plus épicés que Vénus garde pour le service des débauchés blasés ; terme emprunté aux tireuses de cartes.
Jeu (le)
Delvau, 1864 : Celui que presque tous les hommes et presque toutes les femmes savent jouer et aiment à jouer — quoique souvent il ne vaille pas la chandelle qu’on use en son honneur par les deux bouts.
J’en jurerait, Colette apprit un jeu
Qui comme on sait, lasse plus qu’il n’ennuie.
(La Fontaine)
Il était une fillette
Coincte et joliette
Qui voulait savoir le jeu d’amour.
(Farces et moralités)
Vous et monsieur, qui, dans le même endroit,
Jouiez tous deux au doux jeu d’amourette.
(La Fontaine)
Le jeu te plait, petite ? Alors, nous allons recommencer.
(A. François)
Adieu,
Joyeuses fêtes,
Où le Champagne au lansquenet s’unit ;
Belles soirées
Nuits adorées.
Qu’un jeu commence et qu’un autre finit.
(Gustave Nadaud)
Jeu (vieux)
Rigaud, 1881 : Vieille école, ancien régime, vieux système. — L’écrivain qui emploie dans un livre des moyens usés, des rengaines pour charmer ses lecteurs : vieux jeu. — L’auteur dramatique dont les procédés scéniques, le dialogue rappellent soit l’exagération des romantiques, soit la monotonie des classiques : vieux jeu. — L’avocat, l’orateur qui effeuille à la barre, à la tribune, les vieilles fleurs desséchées de la rhétorique, celui qui dit : « Nos modernes Hétaïres, le vaisseau de l’État conduit par d’habiles pilotes, l’honorable organe du ministère public, l’hydre de l’anarchie ose relever la tête… » vieux jeu. — Celui qui appelle sa femme « sa moitié » ; celui qui, en quittant un ami, le prie de « mettre ses respectueux hommages aux pieds de madame » ; vieux jeu, vieux jeu.
France, 1907 : Anciennes habitudes hors de cour, usages passés de mode, plaisanteries rabattues.
Quand, vers la trentaine, le comte Sosthène d’Apremont, après une éducation provinciale et vieux jeu sous les jupons maternels, devenu grand gas balourd et hobereau savantasse, décoré du pape, avait eu, comme il convient, l’idée du mariage…
(Gaëtan de Meaulne)
Jeu de dominos
Rigaud, 1881 : Denture. Un jeu de dominos complet, bouche à laquelle pas une dent ne manque.
France, 1907 : Les dents.
Jeu de la petite oie
France, 1907 : Jeu d’amour que les jouvencelles feignent d’ignorer en faisant la petite oie.
…Et tous nos précieux galantins s’empressaient autour des falbalas de l’ambassadrice, méditaient déjà d’en faire le siège selon les règles accoutumées, de se disputer ses faveurs, de lui apprendre en hâte, si d’aventure elle l’ignorait, le jeu de la petite oie, et tout ce qui s’ensuit, pour peu que l’on prenne goût aux leçons, que l’on veuille tenter la vraie bataille après les escarmouches.
(René Maizeroy, Gil Blas)
Jeu n’en vaut pas la chandelle (le)
France, 1907 : Cela ne vaut pas la peine qu’on se donne ; les profits d’une affaire ne valent pas les dépenses.
Après bien des maux et du bruit,
On jouit enfin de sa belle.
Le feu s’éteint, le dégoût fuit ;
Le jeu valoit-il la chandelle ?
(L’abbé de Grécourt)
Jeu renouvelé des grecs
Delvau, 1864 : La pédérastie, qui était le vice de Socrate ; ou le gougnottisme, qui était le vice de Sapho.
Socrate et Sapho la Lesbienne
Ont eu des goûts assez suspects :
Tous les jours en France on ramène
Leurs jeux renouvelés des Grecs.
(Collé)
Jeudi
d’Hautel, 1808 : Cela se fera la semaine des trois jeudis. Pour dire, n’aura jamais lieu.
Jeudis (la semaine des quatre)
Larchey, 1865 : La semaine qui n’arrivera jamais, puisqu’elle n’existe pas.
C’est comme la robe que vous m’avez promise. — Tu l’auras. — La semaine des quatre jeudis.
(H. Monnier)
Jeudis (semaine des quatre)
France, 1907 : Semaine qui ne vient jamais. « Je te donnerai cela la semaine les quatre jeudis », autrement dit : Je ne te le donnerai jamais.
Pourquoi : des quatre jeudis ? Parce que jamais elle ne fait rien en son temps, se hâte de tout promettre, se hâte bien plus de ne rien tenir, et, en effet, se montre la plus étourdie des petites personnes qui manquent rarement, les matins, de mettre à leur pied droit leur soulier du pied gauche, et, voulant se mirer, tournent vers le miroir, au lieu de leur petite face, leur petite fesse. Ce n’est pas moins joli.
(Catulle Mendès, Le Journal)
Jeune
d’Hautel, 1808 : Il est fou comme un jeune chien. Se dit d’un étourdi, d’un braque.
Vous avez la barbe encore trop jeune. Se dit par reproche à un jeune garçon qui veut en apprendre à plus expérimenté que lui.
Delvau, 1866 : adj. Naïf, et même un peu sot. Quand un ouvrier dit de quelqu’un : Il est trop jeune ! cela signifie : il est incapable de faire telle ou telle chose, — il est trop bête pour cela.
Delvau, 1866 : s. m. Petit enfant ou petit animal, — dans l’argot du peuple.
Jeune (tu es trop)
Larchey, 1865 : Tu n’as pas l’intelligence nécessaire à l’accomplissement de telle ou telle chose. — Cela peut se dire à un octogénaire.
Jeune France : « Les romantiques se divisèrent en Bouzingots et en Jeune France. Les Jeune France conservèrent longtemps leurs pourpoints, leurs barbes fourchues, leurs cheveux buissonneux. » — Privat d’Anglemont. — « Ils ont fait de moi un Jeune France accompli. J’ai un pseudonyme très-long, et une moustache fort courte ; j’ai une raie dans les cheveux à la Raphaël. Mon tailleur m’a fait un gilet… délirant. Je parle art pendant beaucoup de temps sans ravaler ma salive, et j’appelle bourgeois ceux qui ont un col de chemise ; de plus j’ai fait acquisition d’une mignonne petite dague en acier de Toscane, pas plus longue qu’un aiguillon de guêpe. » — Th. Gautier, Préface des Jeune France, 1833.
Avoir son jeune homme : Être gris. — Allusion à la forte mesure de liquide qui dans les brasseries a reçu le nom de jeune homme, et qui vaut deux moos.
Chaque fois qu’il rentrait avec son jeune homme.
(Privat d’Anglemont)
Un individu en blouse qui semblait avoir son petit jeune homme.
(G. de Nerval)
Jeune angelot, vieux diable
France, 1907 : Quand on a été trop sage en sa jeunesse, le diable, qui ne perd rien, se rattrape en la vieillesse. Ce proverbe est du XVe siècle : on le retrouve au XVIe un peu modifié dans Rabelais : « De jeune hermite, vieil diable, notez ce proverbe authentique. »
Tel qui s’est toujours bien conduit
Souvent dans ses vieux jours succombe ;
Notre raison ressemble au fruit ;
Quand elle est trop mûre, elle tombe.
(Panard)
Nous avons l’antithèse : Quand le diable se fait vieux, il devient ermite.
Jeune homme
Delvau, 1866 : s. m. Double moos de bière, — dans l’argot des brasseurs parisiens.
Rigaud, 1881 : Mesure de vin de la capacité de quatre litres. Avoir son jeune homme, son petit jeune homme, être ivre, d’après l’opinion des personnes qui pensent qu’il ne faut pas moins de quatre litres de vin pour griser un homme, voire même une femme. — L’expression s’applique souvent en parlant d’une femme légèrement prise de vin et que le vin rend tendre, expansive comme si elle avait en tête un petit jeune homme idéal ; d’après l’opinion des gens qui ne sont pas ennemis d’une douce poésie.
France, 1907 : Double bock de bière, dans l’argot des brasseurs. Le demi-bock est le galopin.
Jeune homme (avoir son)
Delvau, 1866 : v. a. Être complètement ivre, de façon à se laisser mater et conduire par un enfant. Argot des faubouriens. On dit aussi : Avoir son petit jeune homme.
Virmaître, 1894 : Être ivre (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Être gris.
France, 1907 : Être gris, Joachim Duflot, pour expliquer cette expression, a imaginé je ne sais quelle histoire de Lepeintre jeune se grisant à des repas offerts par un jeune homme ami des artistes. Malheureusement, avoir son jeune homme s’explique beaucoup plus naturellement quand on sait qu’un jeune homme est une mesure de capacité contenant quatre litres.
— Tiens ta langue, tu as ton jeune homme, roupille dans ton coin.
(Edgar Monteil)
Jeune homme (suivez-moi)
Virmaître, 1894 : Rubans que les femmes laissent pendre sur leur dos (Argot du peuple). N.
Jeune seigneur
Delvau, 1866 : s. m. Gandin, — du moins d’après madame Eugénie Foa, à qui je laisse toute la responsabilité de ce néologisme, que je n’ai jamais entendu, mais qu’elle déclare, à la date du 1er mars 1840, être « le titre de bon goût remplaçant ceux de petits-maîtres, beaux-fils, muscadins, etc. » Greffier fidèle, j’enregistre tout.
Jeune-France
Delvau, 1866 : s. m. Variété de Romantique, d’étudiant ou de commis — en pourpoint de velours, en barbe fourchue, en cheveux en broussailles, avec le feutre mou campé sur l’oreille.
Rigaud, 1881 : Variété du bousingot. — C’était un bousingot fatal, à tout poil, à tout crin. Il y eut des subdivisions et des variétés du Jeune-France à l’infini ; depuis le Jeune-France blasé, jusqu’au Jeune-France étique, le saint Jean-Baptiste précurseur du petit-crevé de nos jours.
France, 1907 : On désignait ainsi, à l’éclosion du romantisme, vers 1830, une catégorie de jeunes gens portant longs cheveux, barbe fourchue, pourpoint de velours et feutre mou.
Les romantiques se divisèrent en Bousingots et en Jeune-France. Les Jeune-France conservèrent longtemps leurs pourpoints, leurs barbes fourchues, leurs cheveux buissonneux.
(Privat d’Anglemont)
Théophile Gautier a écrit un charmant volume sous le titre : Les Jeune-France.
Actuellement, on se sert de cette expression par plaisanterie pour désigner les jeunes gens.
Jeunesse
d’Hautel, 1808 : Si jeunesse savoit et vieillesse pouvoit. Signifie que l’homme seroit accompli, s’ils pouvoit joindre l’expérience et la sagesse à la force et la vigueur.
Larchey, 1865 : Fillette.
Une jeunesse d’Orléans, un marchande de cols.
(Cormon)
Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Jeune fille.
Jeunesse savait (si)
France, 1907 : Si jeune savoit et vieil pouvoit, un Jupiter il seroit. Tel est le vieux proverbe qui donne de lui-même l’explication. S’il faut s’en rapporter à l’abbé Suger, ce serait Louis VI l’auteur de ce dicton. Se plaignant vers la fin de sa vie des misères de l’homme qui, pendant la jeunesse, est hardi, fort, plein d’initiative, mais aussi de turbulence et d’étourderie, et pendant sa vieillesse, instruit par le malheur, les échecs et l’expérience, est calme et sage, mais aussi a perdu son énergie et son audace, il s’écria : Ah ! si vieillesse pouvoit ! si jeunesse savoit !
Si jeune savoit et vieil pouvoit,
Jamais disette n’y auroit,
Si jeune savoit et vieil pouvoit,
Un Jupiter il seroit.
(Vieux Proverbes)
Jeunet, ette
Delvau, 1866 : adj. Qui est un peu trop jeune, et par conséquent trop naïf. S’emploie aussi à propos d’un vin trop nouveau et que sa verdeur rend désagréable au palais.
Jeux de mains, jeux de vilains
France, 1907 : Les jeux de mains sont brutaux et se terminent généralement par des horions. Cette expression vient de l’ancien régime où les nobles portaient l’épée et s’en servaient pour régler leurs différends, tandis que les vilains ou gens du peuple n’avaient que leurs poings dont ils se servent d’ailleurs encore.
Jeux de princes
France, 1907 : Jeux extraordinaires, distractions qui ne sont ni du goût ni à la portée de tous.
Jeux innocents
Delvau, 1864 : Ainsi nommés par antiphrase sans doute, puisque ce sont les jeux les plus libertins que l’on connaisse, le jeune homme pinçant le cul à la jeune fille, ou la jeune fille faisant une langue avec le jeune homme, devant les grands parents assemblés — qui n’y voient que du feu.
Pour cet jeux innocents, source de tant de fièvres,
Qui troublent les jeunes sens,
Un monsieur a baisé, devant, les grands parents,
Tout en baisant la joue, un peu le coin des lèvres.
On a rougi cent fois…
(A. Karr)
Jeux sanglants de Mars (les)
Delvau, 1866 : La guerre, — dans l’argot des académiciens.
Ji ou gi
Vidocq, 1837 : adv. — Oui.
Jiberne
Vidocq, 1837 : s. — Guibray.
Jigler
Delvau, 1866 : v. a. et n. Sauter en s’éparpillant. Ne s’emploie qu’à propos des liquides, vin, boue ou sang.
France, 1907 : Se dit des liquides qui s’échappent violemment d’un ordre.
Jinglard
Delvau, 1866 : s. m. Petit vin suret, ou le vin au litre en général, — dans l’argot du peuple, qui ne veut plus dire ginguet, et encore moins guinguet, une étymologie cependant.
France, 1907 : Petit vin suret. Voir Ginglard.
J’entends qu’vous dit’s : Mais ce patron
Doit vous payer en conséquence ?
Du tout !… Faisant v’nir un litron,
L’vieux m’a dit : « Pour la circonstance,
Buvons c’jinglard à ta santé ;
Il faut que le corps se sustente,
Avant l’turbin, d’un peu d’gaité… »
Je suis dans un’ « boîte » épatante !
(Jules Célès)
Jingoïsme, jingoïste
France, 1907 : Synonymes anglais de chauvinisme et chauvin. Lorsque des menaces de guerre grondèrent entre la Russie et la Grande-Bretagne, il courut dans les cafés-concerts une chanson patriotique qui obtint un grand succès dans l’armée et le peuple. On la chanta longtemps dans les casernes, les rues et les ateliers. By dingo, corruption de by Gingoulph (par Gingoulph), vieux saint saxon, juron ou forme de serment très usité, terminait chaque couplet de l’un desquels nous donnons la traduction :
Nous ne demandons pas à nous battre,
Mais, par Jingo ! si nous nous battons,
Nous avons les vaisseaux,
Nous avons les hommes,
Nous avons l’argent aussi ;
Nous avons battu l’ours une fois
Et nous battrons l’ours encore,
Mais les Russes n’auront pas Constantinople,
Par Jingo !
Jiroble
Halbert, 1849 : Joli ou jolie.
France, 1907 : Joli.
Jiter
France, 1907 : Jeter : vieux mot encore usité en Lorraine et en Berry.
Dès elle a jité un soupir,
Amor li a jeté un dard.
(Ancien fabliau)
Job
Bras-de-Fer, 1829 : Niais.
Vidocq, 1837 : s. m. — Niais.
Larchey, 1865 : Niais. — Abrév. du vieux mot jobelin V. Roquefort.
Si j’étais assez job pour croire que vous me donnez toute une fortune.
(E. Sue)
Jobarder : Duper.
Je ne veux pas être jobardé.
(Balzac)
Joberie : Niaiserie (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Innocent, imbécile, dupe, — dans l’argot des faubouriens, qui parlent comme écrivaient Noël Du Fail en ses Propos rustiques et d’Aubigné en sa Confession de Sancy.
Delvau, 1866 : s. m. Tromperie, mensonge. Monter un job. Monter un coup. Monter le job. Tromper, jouer une farce.
Rigaud, 1881 : Niais, dupe. C’est jobard par apocope. — Se monter le job, se monter la tête, l’imagination. Une femme dit d’un homme qui prétend être aimé pour lui-même qu’il se monte joliment le job.
La Rue, 1894 : Imbécile. Tromperie.
France, 1907 : Niais, imbécile, dupe. Vieille allusion sans doute au biblique Job qui, devenu le pauvre que l’on sait, couvert de plaies et d’ulcères, couché sur son fumier, remerciait le ciel de ses maux. En qualifiant de son nom les niais et les dupes, le bon sens populaire indiquait qu’il se révoltait de celte insanité.
France, 1907 : Tromperie. Se monter le job, s’illusionner, se monter le coup.
France, 1907 : Veau ; argot des chauffeurs de l’an VIII.
Job (monter ou se monter le)
Merlin, 1888 : Voyez Bourichon.
Jobard
Delvau, 1866 : s. m. et adj. Homme par trop crédule, dont chacun se moque, les femmes parce qu’il est trop respectueux avec elles, les hommes parce qu’il est trop confiant avec eux. C’est un mot de vieille souche, qu’on supposerait cependant né d’hier, — à voir le « silence prudent » que le Dictionnaire de l’Académie garde à son endroit.
France, 1907 : Niais, homme crédule qui se laisse tromper par sa femme et duper par ses amis.
Jobarder
Delvau, 1866 : v. a. Tromper, se moquer ; duper. Se faire jobarder. Faire rire à ses dépens.
Rigaud, 1881 : Duper, mystifier, rire aux dépens de.
France, 1907 : Tromper, mystifier. Se faire jobarder, faire rire à ses dépens.
Le nombre de vocables et d’expressions désignant le fait de duper son prochain est très considérable, ce qui prouve combien cet art est devenu commun. Citons-en quelques-uns : affûter, amarrer, allumer, bouler, battre l’antif, conter des mistoufles, donner un pont à faucher, emblèmer, empaumer, enfoncer, entortiller, faire la barbe, faire la queue, faire voir le tour, faire à l’oseille (la), flancher, gourrer, hisser un gandin, juiffer, mener en bateau, monter un bateau, mettre dedans, promener quelqu’un, pigeonner, refaire, refaire au même, rouster, etc.
Jobarderie
Delvau, 1866 : s. f. Confiance par trop excessive en la probité des hommes et la fidélité des femmes.
France, 1907 : Confiance trop marquée en l’honnêteté du prochain.
Jobarderie, joberie
Rigaud, 1881 : Niaiserie, bêtise.
Joberie
Vidocq, 1837 : s. f. — Niaiserie.
Delvau, 1866 : s. f. Niaiserie, simplicité de cœur et d’esprit.
France, 1907 : Simplicité d’esprit.
Jobisme
Delvau, 1866 : s. m. Pauvreté complète, pareille à celle de Job. L’expression appartient à H. De Balzac.
France, 1907 : Misère semblable à celle de Job.
Desroches a roulé comme nous sur les fumiers du jobisme.
(Balzac)
Jobler
France, 1907 : Badiner, muser ; du lorrain.
Jocko
Larchey, 1865 : Pain long dont la forme fut sans doute inventée lorsque le singe Jocko était à la mode.
Des gens qui appellent un pain jocko un singe de quatre livres.
(Bourget)
Delvau, 1866 : s. m. Pain long, — dans l’argot des bourgeois, qui consacrent ainsi le souvenir du singe Jocko, un lion il y a trente ans. On dit aussi Pain jocko ou à la Jocko.
France, 1907 : Pain long, appelé ainsi du nom d’un singe qui fit fureur à Paris vers 1824 et pour qui, parait-il, on imagina cette forme de pain à cause de la croûte qu’affectionnait ce quadrumane : d’où l’on appela pendant quelque temps les boulangers jockos.
Jocrisse
d’Hautel, 1808 : Terme de décision, qui équivaut à sot, niais, jeannot.
C’est jocrisse qui mène les poules pisser. Se dit d’un homme avare et minutieux, qui se mêle des affaires du ménage.
Delvau, 1866 : s. m. Mari qui se laisse mener par sa femme, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Molière.
Jocrissiade
Delvau, 1866 : s. f. Naïveté, — ou plutôt Niaiserie.
France, 1907 : Action niaise, stupidité.
Jodot
France, 1907 : Lavis, paquet d’eau ; argot de l’École polytechnique.
Jodot était un petit vieillard charmant qui fut, pendant de longues années, professeur de dessins lavés. Tout en causant dans les salles avec une aménité parfaite, il enseignait les secrets des teintes plates et des teintes fondues. Son nom est resté synonyme de lavis.
(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)
Jodoter
France, 1907 : Laver un dessin, argot de l’École polytechnique, et par extension mouiller, asperger avec de l’eau.
On jodote un conscrit avec une bombe hydraulique, ou bien on lui verse le contenu du corio sur la tête. Se jodoter, c’est faire sa toilette. Quand il pleut, on dit qu’il jodote.
(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)
John Bull
France, 1907 : Jean Taureau. Sobriquet que les Anglais se donnent à eux-mêmes et qui sert à peindre leur vigueur et leur obstination. C’est Jonathan Swift, le célèbre auteur des Voyages de Gulliver, qui baptisa ainsi le premier ses compatriotes, et Arbuthnot, par son Histoire de John Bull, le popularisa.
Joie
d’Hautel, 1808 : Vive la joie ! l’hôpital brûle. Voy. Hôpital.
Il entend les joies du paradis, mais il n’y peut entrer. Se dit de celui qui n’est pas d’un divertissement dont il est à portée d’entendre le bruit.
Fille de joie. Fille de mauvaise vie ; courtisane.
Joindoux
France, 1907 : Pince avec laquelle on force le dernier cerceau d’un tonneau.
Joindre
d’Hautel, 1808 : On a bien de la peine à joindre les deux bouts ensemble. Signifie que le gain que l’on fait suffit à peine à l’existence ; que, sans une sévère économie, on se trouveroit fort gêné.
Joint
Delvau, 1866 : s. m. Biais pour se tirer d’affaire, — dans l’argot des bourgeois, qui découpent mieux qu’ils ne parlent. Connaître le joint. Savoir de quelle façon sortir d’embarras ; connaître le point capital d’une affaire.
Jojo
Delvau, 1866 : adj. et s. Innocent, et même Niais, — dans l’argot du peuple. Faire du jojo. Faire l’enfant, la bête.
Delvau, 1866 : adj. Joli, — dans l’argot des voyous.
France, 1907 : Joli, mièvre.
France, 1907 : Niais, bêta. Faire le jojo, faire la bête.
Joli
Larchey, 1865 : Jeté dans une position critique.
Nous. v’là jolis garçons !
(Désaugiers)
Delvau, 1866 : adj. et s. Chose fâcheuse, désagréable. Voilà du joli ! Nous voici dans une position critique.
Joli garçon
Delvau, 1866 : s. m. Se dit ironiquement et en manière de reproche de quelqu’un dont on a à se plaindre.
Joliesse
France, 1907 : Ce qui est mignon et délicatement joli.
Deux seins gonflés d’une chair qu’on devinait sons le boléro bleu et le plastron or, d’un exquis contour, fruits voluptueux d’une jeune poitrine, haut placés, tendus jusqu’à la pointe, se tenaient droits et libres, presque hors du corset, un corset quelle portait bas, presque une ceinture et dont elle aurait pu se passer. Sa joliesse était aux hanches, d’une courbe accentuée et attirante.
(Félicien Champsaur, Le Mandarin)
Jon
Clémens, 1840 : Or.
Jonathan
France, 1907 : Nom familier des Américains. On le fait généralement précéder de brother, frère : Frère Jonathan.
Jonc
d’Hautel, 1808 : Droit comme un jonc. Se dit en bonne part d’une personne qui est de grande taille, et qui a un beau maintien.
On dit aussi en mauvaise part d’un glorieux, d’un hautain qui ne s’incline jamais, qu’Il se tient droit comme un jonc. Voy. Jais.
anon., 1827 : Or.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Or. Une boc de jonc ou d’orient, une montre d’or.
Bras-de-Fer, 1829 : Or.
Vidocq, 1837 : s. m. — Or.
M.D., 1844 : De l’or.
un détenu, 1846 : Or. Une tocante de jonc : une montre en or.
Halbert, 1849 : Or.
Larchey, 1865 : Or (Vidocq). — Allusion à la couleur jaune du jonc. V. Bogue.
Delvau, 1866 : s. m. Or, — dans l’argot des voleurs, qui appellent ainsi ce métal, non, comme le veut M. Francisque Michel, par corruption de jaune, mais bien parce que c’est le nom d’une bague en or connue de tout le monde, et qui ne se porte qu’en souvenir de l’anneau de paille des gens mariés par condamnation de l’Officialité.
Rigaud, 1881 : Or, — dans l’argot des voleurs. En terme d’orfèvre c’est un anneau d’or, une bague sans chaton.
Virmaître, 1894 : Or (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Or. Tout ce qui est or est du jonc.
Hayard, 1907 : Or.
France, 1907 : Or ; argot des voleurs. Un bobe de jonc, une montre d’or.
anon., 1907 : Or.
Jonché
Halbert, 1849 : Doré.
Jonchée
Halbert, 1849 : Dorée.
Joncher
Halbert, 1849 : Dorer.
Delvau, 1866 : v. a. Dorer.
Rigaud, 1881 : Dorer, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Dorer. Duper.
France, 1907 : Dorer.
Joncherie
Rigaud, 1881 : Duperie, mensonge.
France, 1907 : Tromperie, de joncher, dorer. Dorer un objet est, en effet, tromper l’œil, faire passer jour de l’or ce qui n’en est pas. Le mot est vieux, on le trouve dans une des poésies attribuées à Villon.
Adonc le Penancier vit bien
Qu’il y eut quelque tromperie ;
Quand il entendit le moyen,
Il congneut bien la joncherie.
Joncheur
d’Hautel, 1808 : Un joncheur. Pour, jongleur, charlatan.
France, 1907 : Doreur, trompeur.
Joncs
Delvau, 1866 : s. m. pl. Lit de prison, à cause de la paille qui en compose les matelas. Être sur les joncs. Être arrêté ou condamné pour un temps plus ou moins long — toujours trop long ! — « à pourrir sur la paille humide des cachots ».
Virmaître, 1894 : Lit des prisonniers. Allusion à la dureté de la paille des matelas (Argot des voleurs). V. Plumes de beauce.
France, 1907 : Lit de prison. Coucher sur des joncs, c’est-à-dire sur la paille.
Joncs (être sur les)
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Être en prison.
Jonquille
La Rue, 1894 : Mari trompé par sa femme. Cocu.
Virmaître, 1894 : Cocu. Allusion à la couleur jaune qui est l’emblème des prédestinés (Argot du peuple).
France, 1907 : Mari trompé.
Jordan
France, 1907 : Verre d’eaux sucrée du professeur à l’amphithéâtre de l’École polytechnique, du nom d’un des professeurs qui, parait-il, le vidait et le remplissait nombre de fois pendant la leçon.
Jordonne
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime à commander, dans l’argot du peuple. On dit aussi Monsieur Jordonne, et, de même, Madame ou Mademoiselle Jordonne, quand il s’agit d’une femme qui se donne des « airs de princesse ».
France, 1907 : Homme ou femme qui aime commander, qui prend de grands airs : J’ordonne.
Jordonne (Monsieur, Madame)
Rigaud, 1881 : Homme, femme qui a la manie de donner des ordres à tout propos et surtout mal à propos.
Jorne
Vidocq, 1837 : s. m. — Jour.
Larchey, 1865 : Jour. — Vieux mot de langue d’oc. ; V. Roquefort. V. Baite, Poisser.
Delvau, 1866 : s. m. Jour, — dans l’argot des voleurs, qui d’ordinaire ne travaillent pas a giorno.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Jour.
Virmaître, 1894 : Le jour (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Jour ; argot des voleurs, corruption de l’italien giorno. Refaite de jorne, déjeuner.
Josaphat
d’Hautel, 1808 : La vallée de Josaphat. Pour dire, le gosier, la gorge.
José
Rigaud, 1881 : Billet de banque ; apocope de Joseph, mot à mot : papier Joseph.
Joseph
Delvau, 1866 : s. m. Homme par trop chaste, — dans l’argot des petites dames, qui ressemblent par trop à madame Putiphar. Faire son Joseph. Repousser les avances d’une femme, comme le fils de facob celles de la femme de Pharaon.
Fustier, 1889 : Couteau. Argot des malfaiteurs.
Bébé, condamné à mort pour un simple coup de Joseph.
(A. Humbert, Mon bagne)
La Rue, 1894 : Couteau. Mari trompé.
Virmaître, 1894 : Homme trop chaste. A.D. Joseph, dans le peuple, est le patron des cocus. On ne dit pas : tu fais ton Joseph, mais bien : tu es un Joseph, à celui qui a assez de cornes sur la tête pour alimenter de manches une fabrique de couteaux (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Mari trompé, sot en ménage, cocu. Allusion au célèbre époux de la Vierge Marie qui fut père comme on le sait.
Riez si vous voulez, impies !
Pour les corbeaux, je fuis les Pies,
Et repentant, et convaincu,
Je vais, secouant l’hérésie,
Je cours, l’âme toute saisie,
Je vole aux lieux où j’ai vécu,
Criant partout, à perdre haleine :
— « Il a sauvé la Madeleine,
Le bon Joseph, le saint Cocu ! »
(Maurice Montégut)
Le mot s’emploie aussi pour désigner un niais, timide en amour, un jeune nigaud qui laisse échapper les bonnes occasions et qui, par jocrisserie, scrupule, crainte on autre raison, fuit les avances des dames. Ceci est en mémoire de l’autre Joseph, fils de Jacob, qui repoussa les avances de Mme Putiphar.
Joseph (faire le)
France, 1907 : Faire le pudibond, le sot, jouer au moraliste comme le sénateur Bérenger.
Joseph (faire son)
Larchey, 1865 : Affecter un air chaste. V. Putipharder.
Rigaud, 1881 : Jouer au naturel, soit par timidité, soit pour toute autre raison, le rôle du Joseph biblique et pudibond à l’endroit de la belle Zuloïska. — Se faire prier pour faire une chose. — Refuser.
Allons ! encore un verre de ce bon vin ! — Non vraiment, j’en ai assez. — Ne fais donc pas ton Joseph.
Joseph (S.)
d’Hautel, 1808 : Être de la religion de Saint-Joseph ; quatre pantoufles devant le dit. C’est-à-dire, être marié. Dict. comique.
Joséphine
Delvau, 1866 : s. f. Mijaurée, bégueule, — dans l’argot des faubouriens, qui ont voulu donner une compagne à Joseph. Faire sa Joséphine. Repousser avec indignation les propositions galantes d’un homme.
Fustier, 1889 : La cagnotte, dans le jargon des joueurs. Bourrer Joséphine ; entretenir la cagnotte.
Le gérant propriétaire du cercle ne tolère cette débauche que parce que ledit croupier bourre fortement Joséphine.
(Tricolore, mars 1884)
V. sur une autre acception de Joséphine, infra au mot princesse.
Virmaître, 1894 : Mijaurée, bégueule. A. D. Joséphine est le nom donné à la tête de carton sur laquelle les modistes essayent l’effet des chapeaux avant de les ajuster sur la tête de la cliente (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Fausse clef ; argot des voleurs.
Tel grinche s’arrêtera à faire le barbot dans une cambriole (à voler dans une chambre). S’il a oublié sa Joséphine, jamais il ne se servira de la Joséphine d’un autre, de peur d’attraper des punaises, c’est-à-dire de manquer son coup ou d’avoir affaire à un mouchard.
(Mémoires de M. Claude)
France, 1907 : Mijaurée, bégueule. Il est en province, plus qu’à Paris, beaucoup de Joséphines. Faire sa Joséphine, repousser avec des airs indignés les avances même respectueuses d’un homme ; se boucher les oreilles en entendant des histoires un peu égrillardes qui faisaient franchement rire nos grand’méres. Même sens que faire sa Sophie.
Jouasser
Delvau, 1866 : v. n. Jouer mal ou sans application, pour passer le temps plutôt que pour gagner une partie. On dit aussi Jouailler.
France, 1907 : Jouer mal on sans entrain, être préoccupé d’autre choses que son jeu.
Jouasson
Delvau, 1866 : s. m. Joueur malhabile ou distrait, redouté des véritables joueurs, — qui lui préféreraient volontiers un Grec. On dit aussi jouaillon.
France, 1907 : Joueur maladroit ou distrait.
Joue
d’Hautel, 1808 : Coucher en joue. Mirer, viser quelque chose : former un dessein en soi-même.
S’en donner par les joues. Dissiper son bien ; vivre dans la débauche ; mener une joyeuse vie.
Jouer
d’Hautel, 1808 : Jouer des jambes. Pour dire, décamper, s’enfuir au plus vite.
Jouer à la faillousse. Jeu auquel se divertissent les écoliers, et notamment les petits polissons des rues, et qui consiste à introduire autant de pièces que l’on peut d’un seul coup dans un petit trou fait en terre, que l’on nomme le pot.
Faire jouer du pouce à quelqu’un. Pour lui faire débourser de l’argent contre sa fantaisie.
Jouer à quitte ou double. Risquer le tout pour le tout.
Jouer une pièce à quelqu’un. Pour, lui jouer quelque tour.
Jouer des griffes, ou des mains. Pour dire, filouter, voler avec adresse.
Jouer des prunelles. Clignoter les yeux ; regarder quelqu’un ou quelque chose avec une grande attention.
Jouer de son reste. Employer le peu de temps que l’on a à se divertir ; tenter les derniers efforts dans une affaire désespérée.
Jouer des éperons. Pour, donner des coups de pieds.
Jouer des épinettes. Pour, friponner, tricher, voler.
Il joueroit jusqu’à sa chemise. Se dit d’un joueur déterminé ; d’un homme qui s’entête au jeu.
Jouer du cœur. Pour, vomir, dégobiller.
Jouer quelqu’un par-dessus la jambe. Avoir une grande supériorité sur quelqu’un ; le gagner sans effort.
Jouer (en)
Rigaud, 1881 : Connaître, savoir faire une chose.
Passez-moi le poulet pour que je le découpe, je sais comment on en joue. — Est-il fort sur les mathématiques ? — Il en joue très bien.
Jouer (se)
Delvau, 1866 : S’arranger, s’organiser, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression à propos d’une foule de choses étrangères à la musique et au jeu. Ainsi, à propos d’un portefeuille à secret, au lieu de dire : Comment cela s’ouvre-t-il ? il dira : Comment cela se joue-t-il ?
Ce verbe s’emploie dans un autre sens, celui de faire, pour marquer l’étonnement. Comment cela se joue-t-il donc ? Tout à l’heure j’avais de l’argent et maintenant je n’en ai plus !
Jouer à courir
Delvau, 1866 : v. n. Se défier à la course, — dans l’argot des enfants.
Jouer à l’avant scène
Fustier, 1889 : Argot théâtral. Dire son rôle le plus près possible de la rampe de façon à se mettre en plus intime communication avec le public.
Jouer à la main chaude
Delvau, 1866 : v. n. Être guillotiné, — dans l’argot des voleurs, qui font allusion à l’attitude du supplicié, agenouillé devant la machine, la tête basse, les mains liées derrière le dos.
Virmaître, 1894 : Être guillotiné. Cette expression n’est plus juste, car, comme autrefois, le condamné ne s’agenouille plus pour recevoir le coup fatal, il est couché sur la planche. On dit : Il fait la planche (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Être guillotiné. Allusion à la posture du supplicié dont les mains sont attachées derrière le dos.
Jouer à la petite femme, au petit mari
France, 1907 : Imiter papa et maman, même dans les actes les plus secrets, accomplis imprudemment lorsque l’on croit les enfants endormis.
Lorsque nous voyons des bébés roses, les joues encore barbouillées de confiture, jouer à la « petite femme » et au « petit mari », nous trouvons cela délicieux, sans faire attention que cette parodie naïve dénote une observation persistante et aigue dont les effets peuvent laisser, en de jeunes et tendres cerveaux, d’indélébiles traces.
(Pierre Domerc, La Nation)
Jouer à la poupée
France, 1907 : Faire des mignardises amoureuses à une fille ou une femme.
Ô mignonnette enfant, dont les yeux sont si doux
Qu’on rêve en vous voyant d’une tendre équipée,
Il doit être charmant de jouer avec vous
À la poupée !
(Gil Blas)
Jouer à la ronfle
Delvau, 1866 : v. n. Ronfler en dormant, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Dormir en ronflant.
Jouer à pile ou face
France, 1907 : On disait autrefois : « jeter à croix et à pile », c’est-à-dire jeter en l’air une pièce de monnaie pour tirer au sort. Nos premières monnaies avaient une croix d’un côté et de l’autre le portail d’une église (pila, pilastra), usage qui remonte à Louis le Débonnaire.
Bien que l’une et l’autre de ces marques aient été supprimées, le mot pile est resté.
N’avoir ni croix ni pile, n’avoir point d’argent.
Jouer au trou-madame
Delvau, 1864 : Faire la chosette.
Il est très dangereux de jouer au trou-madame avec elle.
(Tabarin)
Jouer aux bouchons (plus fort que)
France, 1907 : et l’on ajoute : « dans la neige, avec des pains à cacheter, quand il fait beaucoup de vent », c’est-à-dire faire une chose fort difficile.
Jouer aux dames rabattues
France, 1907 : Se livrer aux jeux de Vénus.
Le jeu des dames rabattues est connu. La manière dont on y joue et ce nom ont donné lieu d’en faire ce proverbe, dont on se sert quand des hommes trouvent des femmes qui ne sont pas cruelles, ou quand elles sont de si mauvaise humeur que leurs maris s’emportent à les battre.
(Fleury de Bellingen, Étym. des Prov. franç.)
Jouer aux quilles
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
La tienne joue bien aux quilles.
(Brantôme)
Que l’un sur l’autre ils tombèrent
En jouant au beau jeu de quilles.
(Recueil de poésies françaises)
Bon compagnon et beau joueur de quilles.
(La Fontaine)
Jouer comme un fiacre
Delvau, 1866 : v. n. Jouer très mal, — dans l’argot du peuple, qui sait que les voitures imaginées, au XVIIe siècle, par Sauvage, sont les plus détestables véhicules du monde. On dit aussi Jouer comme une huître.
France, 1907 : Jouer mal.
Jouer de
Larchey, 1865 : Faire ce qu’on veut.
Nachette, en un mot, joua parfaitement du baron.
(De Goncourt)
Rigaud, 1881 : Avoir de l’influence sur l’esprit de quelqu’un, savoir prendre quelqu’un par son côté faible. Mot à mot : jouer de lui comme d’un instrument qui nous est familier. — « En voilà une qui peut se vanter de jouer des hommes, comme il faut ! »
Jouer de la flûte de l’Allemand
France, 1907 : Boire abondamment, à cause des verres longs et étroits dont les Allemands se servaient autrefois pour boire de la bière et qu’on appelle flûtes. « Comme, dit Fleury de Bellingen, ils vuident souvent et qu’ils boivent beaucoup, on dit en commun proverbe : jouer de la flûte de l’Allemand, quand on veut dire boire avec excès. »
Jouer de la harpe
Delvau, 1866 : S’assurer, comme Tartufe, et dans le même but que lui, auprès d’une femme, que l’étoffe de sa robe est moelleuse.
France, 1907 : Chatouiller les parties grasses ou sensibles d’une femme. Voir Harpe.
Jouer de quelqu’un
Delvau, 1866 : v. n. Le mener comme on veut, en tirer soit de l’argent, soit des complaisances de toutes sortes, — dans l’argot de Breda-Street, où l’on joue de l’homme comme Liszt du piano, Paganini du violon, Théophile Gautier de la prose, Théodore de Banville du vers, etc., etc.
Jouer des coudes
France, 1907 : Se faire place dans une foule en donnant des coups de coude.
Au bout d’une heure d’efforts inouïs, pendant laquelle je ne remarquai rien, tant j’étais occupé à jouer des coudes et des épaules, me glissant et me faufilant, gagnant du terrain et le reperdant pour le regagner ensuite, je parvins enfin, et je ne sais comment, à l’extrémité du pont de la Concorde.
(Sutter Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Jouer des dominos
France, 1907 : Manger
Jouer des fourchettes
Larchey, 1865 : Se sauver, s’enfuir (la Correctionnelle).
Jouer des fuseaux
France, 1907 : S’enfuir.
Lapierre vit que cela devenait vilain, juge qu’il est temps de jouer des fuseaux ; mais au moment où il se dispose à gagner plus au pied qu’à la toise, tout en laissant Jean-Louis se débarbouiller comme il l’entendrait, le garçon saisit mon Lapierre à la gorge et crie de toute la force de ses poumons :
— Au voleur !
(Marc Mario et Louis Launay)
Jouer des jambes
Delvau, 1866 : v. a. S’enfuir, — dans l’argot des faubouriens.
Jouer des mains
Delvau, 1864 : Peloter les tétons et le cul d’une femme — qui ne hait pas ce jeu, même lorsqu’elle en a le plus l’air offensé.
Je me souviens… qu’il hasarda sur cela des manières et des tons de polissonneries, qu’il s’exposait déjà à jouer des mains.
(La Popelinière)
Jouer des quilles
un détenu, 1846 : S’évader, partir, fuir, jouer des jambes.
Jouer des reins
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
L’étudiant jouant avec vigueur des reins…
(Henry Monnier)
Jouer devant les banquettes
Delvau, 1866 : Jouer devant une salle où les spectateurs ne sont pas nombreux, ainsi que cela arrive fréquemment l’été. Argot des coulisses.
Jouer du bancal
France, 1907 : Se battre au sabre. Les sabres de la cavalerie légère étaient appelés bancals à cause de leur forme recourbée. Ceux de la cavalerie de ligne, qui sont droits, sont nommés lattes.
Hardi sur eux, mon bon cheval ;
De tes sabots, brise les crânes.
J’ai derrière moi les plus crânes ;
Ils savent jouer du bancal,
Guide, emballe, cette avalanche ;
Nous aurons, ô Postérité !
Sabre rouge et conscience banche.
(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)
Jouer du cœur
Delvau, 1866 : Rejeter les vins ou les viandes ingérés en excès ou mal à propos, — dans l’argot du peuple, à qui les concetti ne déplaisent pas. Nos aïeux disaient Tirer aux chevrotins.
France, 1907 : Vomir.
Jouer du corps
Rossignol, 1901 : Non pas du cor de chasse, mais produire un autre son qu’avec un instrument.
Jouer du croupion, ou du cul
Delvau, 1864 : Jouer des fesses, faire l’acte vénérien.
Et en même temps, lui, de jouer du croupion.
(Les Aphrodites)
Ne jouez plus du cul, ma tante,
Ni moi aux dés, je le promets.
(Agrippa d’Aubigné)
Le vieux Jaquet dans une étable,
Voyant Lise jouer du cu
Avec un valet à gros rable,
En va faire plainte au cocu.
(Théophile)
Jouer du fifre
La Rue, 1894 : Se priver de nourriture.
France, 1907 : Partir sans manger.
Jouer du mirliton
Delvau, 1864 : Baiser une femme.
En jouant du mirlitir,
En jouant du mirliton.
(Refrain d’une chanson récente.)
Jouer du Napoléon
Delvau, 1864 : Faire sonner son gousset en passant devant une femme que l’on suppose aimer cette musique-là.
Delvau, 1866 : v. a. Payer ; dépenser sans compter, — dans l’argot des bohèmes, à qui ce jeu-là est interdit.
France, 1907 : Payer.
Jouer du piano
Delvau, 1866 : v. a. Se dit — dans l’argot des maquignons, d’un cheval qui frappe inégalement des pieds en courant.
France, 1907 : Terme sportique ; se dit d’un cheval qui frappe inégalement les pieds en courant.
Jouer du pouce
Delvau, 1866 : v. a. Dépenser de l’argent, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Compter de l’argent.
Rigaud, 1881 : Dépenser de l’argent. (Dict. comique.) Compter de l’argent à quelqu’un.
France, 1907 : Compter de l’argent.
Jouer du serre-croupière
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
Jouer du vingt-deux
Bras-de-Fer, 1829 : Jouer du poignard.
France, 1907 : Donner des coups de couteau ; allusion aux couteaux dont se servent MM. les chourineurs de barrière, achetés un franc dix centimes dans les bazars. Ils entaillent le cuir humain tout comme les couteaux de dix francs.
Jouer du violon
Bras-de-Fer, 1829 : Scier ses fers.
Vidocq, 1837 : v. a. — Se dit des forçats qui, pendant la route, coupent leur collier. Ce terme est celui des argousins.
Delvau, 1866 : v. a. Scier ses fers, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Jouer de la harpe.
Delvau, 1866 : v. n. Se dit — dans l’argot des écrivains fantaisistes, à propos des mouvements de systole et de diastole du cœur humain en proie à l’Amour, ce divin Paganini.
France, 1907 : Scier ses fers.
Les argousins faisaient des rondes fréquentes, pour s’assurer que personne ne s’occupait à jouer du violon.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Jouer la fille de l’air
Delvau, 1866 : v. a. S’en aller de quelque part ; s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : S’en aller, s’enfuir.
Tout marchait à ravir (pour cette canaille, s’entend), lorsque la rusée petite bonne annonça formellement, au beau matin, son intention de demander son compte et de jouer la Fille de l’Air.
(Marc Anfosse)
Jouer le cadavre
France, 1907 : Terme de joueur indiquant qu’on ne joue que lorsque la veine s’est déclarée contre quelqu’un. On prend alors les cartes pour l’achever, en faire au figuré un cadavre.
Jouer le mot
Fustier, 1889 : Argot théâtral. Souligner chaque mot à effet au point d’atténuer le caractère général du personnage qu’on représente.
France, 1907 : C’est, dans l’argot des gens de théâtre, appuyer sur chaque mot à cet effet. Ce ne sont que les mauvais acteurs qui jouent le mot, ou ceux qui ont affaire à un public ignorant et imbécile.
Jouer le point de vue
Fustier, 1889 : Argot de cercle ou mieux de tripot.
De la même famille est la « ficelle » qui consiste à suivre les cartes pendant leur distribution ; il y a des banquiers qui les donnent très haut, et l’on peut arriver, avec une certaine habitude, à les voir par-dessous. Si l’on aperçoit un neuf, on ajoute (à sa mise) tout ce qu’on peut ajouter. Cette grosse indélicatesse s’appelle jouer le point de vue.
(Carle des Perrières, Le Monde qui triche)
France, 1907 : C’est, dans l’argot des grecs, se placer de façon à apercevoir le dessous des cartes du banquier qui, de connivence, les donne de très haut. L’on ajoute alors à son enjeu, si l’on découvre le principal atout, tout ce qu’on peut ajouter.
Jouer un air (en)
France, 1907 : Courir.
Jouer un air de violon
Virmaître, 1894 : Prisonnier qui scie les barreaux de sa cellule pour s’évader (Argot des voleurs).
Jouer un pied de cochon
Larchey, 1865 : Tromper, décamper.
Vous avez donc voulu nous jouer un pied de cochon.
(Canler)
Virmaître, 1894 : Jouer un bon tour à quelqu’un ; s’en aller, le laisser en plan au moment de payer son écot, sachant qu’il est sans le sou (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Faire une méchanceté, ou une mauvaise farce à quelqu’un, c’est lui jouer un pied de cochon.
France, 1907 : Jouer un mauvais tour.
Après nous avoir bien fait poser, manger la botte et notre prêt, faire l’œil en coulisse et le pied de grue, la mâtine disparut avec un gendarme, nous jouant ainsi un pied de cochon.
(Les joyeusetés du régiment)
Joues (se faire des)
Rigaud, 1881 : Manger avec appétit, engraisser.
Joueuse de flûte
Delvau, 1864 : Fille ou femme entretenue, qui joue de la flûte avec les queues de ses contemporains.
Lorettes, cocottes et autres aimables joueuses de flûte, corruptrices de la jeunesse.
(Ch. Coligny)
Joufflu
d’Hautel, 1808 : Un gros joufflu. Garçon d’un rustique embonpoint ; lourdaud, grossier personnage.
Jouir
d’Hautel, 1808 : Il jouit d’une parfaite santé. Locution équivoque et satirique, pour dire qu’un homme est simple d’esprit ; qu’il est dénué d’intelligence et de finesse.
Delvau, 1864 : Arriver au summum du plaisir par l’éjaculation spermatique. Jouir d’une femme, la faire jouir.
As-tu de l’abbesse
À lafin joui ?
(Collé)
Dans peu de temps d’ici, vous verrez un paillard
Qui viendra, pour jouir de son beau corps gaillard.
(Trotterel)
Entre ses bras l’heureux Adam la presse,
Brûle, jouit, et dans sa folle ivresse
Il répétait : Perdre ainsi c’est gagner.
(Parly)
Ah ! comme je jouis, mon Dieu ! comme je… jouis !… Ça me va dans la plante des cheveux.
(Henry Monnier)
Il est une heure dans l’année
Où tout ce qui vit veut jouir,
où la vierge et la graminée
Ressentent le même désir.
(A. D)
Je possède l’art du casse-noisette
Qui ferait jouir un nœud de granit.
(Parnasse satyrique)
Mais, pour faire jouir, j’ai d’ailleurs un moyen
Qui jusques à ce jour m’a réussi très bien.
(L. Protat)
Tellement que s’ils voient passer quelqu’une, dont ils aient déjà joui, ils ne disent pas simplement : J’ai baisé une telle, mais bien : J’ai foutu une telle, je l’ai chevauchée.
(Mililot)
Pas sans moi ! pas sans moi !… Ensemble !… joui… jouissons… ensemble… bien ensemble !…
(Henry Monnier)
Jouissance
Delvau, 1864 : L’acte vénérien, et ce qu’on y éprouve, qui n’a pas son analogue dans les autres plaisirs humains.
Et regardant la jouissance
Comme un pas dangereux qu’il nous faut éviter.
(Grécourt)
Soudain par leur vive jeunesse
Vers la jouissance emportés,
Tous deux des moites voluptés
Boivent la coupe enchanteresse.
(Parny)
… il faut de tous ces dons savoir bien te servir,
Savoir les employer à donner du plaisir
À ceux qui dans vos bras cherchent la jouissance.
(L. Protat)
Jouisseur, jouisseuse
France, 1907 : Personne adonnée aux plaisirs de la vie, avec la conviction qu’une fois mort, on n’en pourra plus profiter.
Elle sauta les haies, franchit les fossés, coupa à travers les vignes, sans crainte de s’empaler au milieu des échalas. Mais ses petites jambes ne pouvaient lutter, les coups pleuvaient sur ses épaules rondes, sur ses reins encore frémissants du plaisir défendu, sur toute cette chair de fillette précoce et déjà jouisseuse.
(Émile Zola, La Terre)
Jouisseuse
Delvau, 1864 : Femme qui aime l’homme et qui, au lit, y va bon jeu, bon argent, donnant autant de coups de cul qu’elle reçoit de coups de queue.
Ce n’est pas une bégueule, c’est une vraie jouisseuse.
(Lemercier)
Joujou
Delvau, 1864 : Celui de l’homme est son vit.
Vive ce beau joujou
Bijou
Que la tendresse
Dresse…
Celui de la femme est son con
Ah ! permets que je pose
Le petit bout
de ma langue amoureuse
Qui serait bien heureuse
Dans ton joujou
(Marc Constantin)
Quand je n’aurais pas su d’avance que mon orifice était fait pour être pénétré, la nature et notre position m’auraient à l’instant révélé que nos deux joujoux étaient faits l’un pour l’autre.
(Mon noviciat)
Delvau, 1866 : s. m. Jouer, — dans l’argot des enfants. Faire joujou. S’amuser, — au propre et au figuré.
Delvau, 1866 : s. m. La croix d’honneur, — dans l’argot du peuple. On se rappelle les tempêtes soulevées par Clément Thomas, employant cette expression en pleine Assemblée nationale.
Joujouter
Delvau, 1866 : v. n. Jouer, faire joujou, — dans l’argot des faubouriens, qui emploient ce verbe au propre et au figuré.
France, 1907 : Jouer, faire joujou. « Le petit Anatole, précoce en diable et déjà vicieux comme un singe, essaye de joujouter avec sa bonne. »
Jouqué
France, 1907 : Perché.
Jour
d’Hautel, 1808 : Tous les jours que Dieu fasse. Espèce d’exclamation qui signifie journellement, perpétuellement, continuellement.
Ce n’est pas tous les jours fête. Signifie que l’on ne peut pas se divertir tous les jours ; qu’après avoir pris du plaisir, il faut retourner à l’ouvrage.
Il est beau comme le jour qu’il pleuvoit tant. Manière ironique de dire que quelqu’un n’est rien moins que beau.
Long comme un jour sans pain. Se dit d’une chose ennuyeuse, qui assomme par sa longueur.
Cet habit est pour à tous les jours. Locution vicieuse qui se dit d’un habit consacré aux jours ouvrables, au lieu de dire, est pour mettre tous jours, ou les jours ouvrables.
Il y a de la différence comme du jour à la nuit. Pour dire que deux choses sont tout-à-fait dissemblables.
Vivre au jour le jour. Ne rien économiser de son salaire ; dépenser chaque jour ce que l’on gagne.
Il fait du jour la nuit, et de la nuit le jour. Se dit d’un homme du monde qui passe le jour à dormir et la nuit à se divertir.
Demain, il sera jour. Se dit lorsqu’on remet une chose au lendemain.
Faire quatorze lieues en quinze jours. Être nonchalant, paresseux.
Jour de Dieu ! Espèce de jurement très-usité parmi le peuple de Paris.
Il y a beau jour ! Se dit pour exprimer qu’une affaire est terminée depuis long-temps.
Jour (bonheur du)
France, 1907 : « Un peu trop souvent, pendant que le mai parlait, elle rencontrait les yeux du jeune homme… L’étudiant en droit se rappelait que c’était ordinairement au moyen d’un miroir, porté devant elle par un meuble destiné à contenir son ouvrage, et qu’on appelait alors bonheur du jour, qu’elle opérait la fascination. Retranchée derrière ce frêle rempart, elle avait si bien combiné les lignes de réflexion du cristal, que les regards furtifs se rencontraient là obliquement. »
(H. de Latouche, Grangeneuve)
Jour de la Saint-Jean-Baptiste
France, 1907 : C’est, dans l’argot des voleurs lettrés, le jour de l’exécution. Allusion à la décollation du précurseur de Jésus que la belle Hérodiade fit violemment passer de vie à trépas. Les Anglais disent le jour du torticolis.
À la prison de la Roquette, le jour d’une exécution, les prisonniers ne descendent pas à l’atelier à l’heure réglementaire, ils savent ce que cela veut dire : C’est le jour de la Saint-Jean-Baptiste ; on décolle un copain.
(Charles Virmaître)
Jour de la Saint-Jean-Baptiste (le)
Delvau, 1866 : Le jour de l’exécution, — dans l’argot des prisons. C’est une allusion, comprise même des plus ignorants et des plus païens, à la décollation du Précurseur, dont la belle et cruelle Hérodiade ne pouvait digérer les mercuriales. Les voleurs anglais ont aussi leur allusion à ce jour fatal, qu’ils appellent le Jour du torticolis (wry-neck day).
Virmaître, 1894 : Le jour de l’exécution d’un condamné. À la prison de la Roquette, le jour d’une exécution, les prisonniers ne descendent pas à l’atelier à l’heure réglementaire, ils savent ce que cela veut dire : c’est le jour de la Saint-Jean-Baptiste : on décolle un copain (Argot des voleurs).
Journade, journal
France, 1907 : Ancienne mesure de terre d’à peu près un arpent, représentant la journée de travail d’un homme.
Journaille
Virmaître, 1894 : La journée. On dit d’un paresseux qu’il trouve la journaille plus longue que la queue au pain (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Journée.
France, 1907 : La journée de travail ; argot des faubouriens.
Journaleux
France, 1907 : Journaliste d’occasion, méchant plumitif. C’est aussi la désignation méprisante dont les bourgeois et les ouvriers se servent à l’égard des journalistes.
Les journaleux prennent leur mot d’ordre à la Préfectance ; leurs boîtes ne sont d’ailleurs qu’une succursale de la Tour pointue. De sorte, nom de Dieu ! que quand la rousse veut étouffer une saloperie, elle cligne de l’œil aux journaleux, et ça suffit ! De marloupiers à putains on se comprend.
(Le Père Peinard)
Le journaleux dit quelquefois ce qu’il pense, mais il pense rarement ce qu’il dit.
(Dr Grégoire)
Journalistes à richer
Virmaître, 1894 : Les vidangeurs. Cette expression vient d’un mauvais calembour. Les journalistes publient souvent des fausses nouvelles. Les vidangeurs recherchent les fosses nouvelles (Argot du peuple). N.
Journée
d’Hautel, 1808 : Il a bien gagné sa journée. Se dit par raillerie de quelqu’un qui a cassé ou brisé une chose de prix.
Journée (avoir fait sa)
Rigaud, 1881 : Avoir gagné l’argent nécessaire aux dépenses de la journée, — dans le jargon des filles.
Journoyer
Delvau, 1866 : v. n. Ne rien faire de la journée, flâner. Argot du peuple.
France, 1907 : Passer la journée à ne rien faire ; flâner.
Jours (les 28 ou 13)
Merlin, 1888 : Réservistes ou territoriaux.
Jouste
Rigaud, 1881 : Près, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Près ; argot des voleurs. Corruption du vieux mot jouxte, latin juxta. « Je trimardais jouxte la lourde »
Jouste ou juxte
Halbert, 1849 : Près, contre, proche.
Joyau
Delvau, 1864 : Signifie : 1o Le membre viril.
Vous ne vous enfuyez de ce joyau qu’on vous fait voir, que parce qu’aussi bien il est trop loin de vous.
(Ch. Sorel)
Je jouissais d’autant plus délicieusement, que j’avais longtemps langui après la possession du joyau qui était tout entier dans mon étui.
(Mémoires de miss Fanny)
2o La nature de la femme.
Ce tablier couvre leur joyau, dont les Hottentots dont idolâtres.
(Voltaire)
Voyez fille qui dans un songe
Se fait un mari d’un amant ;
En dormant, la main qu’elle allonge
Cherche du doigt le sacrement ;
Mais faute de mieux, la pauvrette
Glisse le sien dans le joyau.
(Béranger)
3o La virginité
Pour demander à ce peuple méchant
Le beau joyau, que vous estimez tant.
(Voltaire)
Madame Brown me gardait toujours jusqu’à l’arrivée d’un seigneur avec qui elle devait trafiquer de ce joyau frivole qu’on prise tant et que j’aurais donné pour rien au premier crocheteur qui aurait voulu m’en débarrasser.
(Mémoires de miss Fanny.)
Joyeuse
d’Hautel, 1808 : Une bande joyeuse. Gens qui se réunissent pour se divertir.
France, 1907 : Épée, sabre.
Joyeux
Rigaud, 1881 : Surnom des zéphirs, soldats du bataillon d’Afrique.
France, 1907 : Soldat des bataillons d’Afrique.
I’s sont d’la ru’, c’est des joyeux…
Oui… mais c’est des joyeux honnêtes,
Et malgré qu’ça soy’ que des bêtes
I’s ont d’la bonté plein les yeux.
(A. Bruant, Les Quat’ pattes)
Jtourbe
Rossignol, 1901 : Éteint, mort.
Ma camoufle est jtourbe, je n’ai plus de rifle.
Jubé
d’Hautel, 1808 : En venir à Jubé. Se soumettre, devenir. Humble, être réduit à l’obéissance par l’impitoyable nécessité.
Jubécien
France, 1907 : Grimacier, faiseur de façons.
Jubécien, ienne
Delvau, 1866 : adj. et s. Grimacier, grimacière, qui fait des façons, des giries.
Jubilation
d’Hautel, 1808 : Une figure de jubilation. Mine gaie et réjouie, comme on en voit à la plupart des buveurs.
Delvau, 1866 : s. f. Contentement extrême, — dans l’argot du peuple. Visage de jubilation. Qui témoigne d’un très bon estomac.
France, 1907 : Joie : du latin jubilare.
Jubiler
Delvau, 1866 : v. n. Se réjouir.
Jucher
d’Hautel, 1808 : Où est-il aller se jucher ? Se dit par mépris d’un homme qui s’est logé dans un quartier peu fréquenté ; et à un étage très-élevé.
Judacer
Vidocq, 1837 : v. a. — Embrasser quelqu’un pour le tromper.
Larchey, 1865 : Trahir. — Judacerie : Trahison (Vidocq). — Allusion biblique.
Judacer, judaïser
Rigaud, 1881 : Tromper, trahir, dénoncer.
Judacerie
Vidocq, 1837 : s. m. — Embrassement, accolade, fausse démonstration, trahison.
Judas
d’Hautel, 1808 : Traître comme Judas. Se dit d’un hypocrite, d’un homme perfide, qui vous trahit en secret.
Un baiser de Judas. Fausses caresses, trahisons.
Bran de Judas. Pour, taches de rousseur qui viennent au visage.
Avoir un poil de Judas. Pour, avoir le poil roux ardent.
Delvau, 1866 : s. m. Petite ouverture au plancher d’une chambre située au-dessus d’une boutique, et qui trahit ainsi la présence d’un étranger dans celle-ci. Les judas parisiens sont les cousins germains des espions belges et suisses.
Delvau, 1866 : s. m. Traître ; homme dont il faut se méfier, — dans l’argot du peuple, chez qui est toujours vivante la tradition de l’infamie d’Iscariote. Baiser de Judas. Baiser qui manque de sincérité. Barbe de Judas. Barbe rouge. Bran de Judas. Taches de rousseur. Le point de Judas. Le nombre 13.
Judas (barbe de)
France, 1907 : Barbe rouge.
Judas (bran de)
France, 1907 : Taches de rousseur.
Judas (le point de)
Rigaud, 1881 : Le nombre treize.
Judas (point de)
France, 1907 : Le nombre treize, Judas étant le treizième apôtre.
Judasser
Delvau, 1866 : v. n. Embrasse, pour tromper — comme Judas Iscariote fit au Christ. Signifie aussi simplement : Tromper, trahir.
France, 1907 : Donner un baiser de Judas, caresser pour mieux tromper.
Judasserie
Delvau, 1866 : s. f. Fausse démonstration d’amitié ; tour, perfidie ; trahison.
Rigaud, 1881 : Dénonciation ; fausse démonstration d’amitié.
France, 1907 : Trahison.
Judée
Delvau, 1866 : n. de l. Préfecture de police, — dans l’argot des voleurs, qui ont appris à leurs dépens le chemin de la rue de Jérusalem. Ils disent aussi Petite Judée.
La Rue, 1894 : La préfecture de police.
Virmaître, 1894 : La préfecture de police. Ce mot n’est plus en circulation depuis la démolition de la rue de Jérusalem (Argot des voleurs).
France, 1907 : Nom que les voleurs donnaient à la préfecture de police ; la rue de Jérusalem, actuellement démolie, y conduisait.
Judée (la petite)
Rigaud, 1881 : La préfecture de Police.
Judée (la)
Hayard, 1907 : La préfecture de police.
Juge de Montravel (ressembler au)
France, 1907 : Ce dicton, qui n’est plus guère en usage, mérite d’être donné à titre documentaire.
Ce juge de Montravel en Périgord, dont parle Brantôme, avait près de lui, quand il rendait la justice, une grande épée à deux mains. Si l’une des parties, mécontente de la sentence rendue, en appelait, il empoignait son épée et, l’appuyant sur le cou du plaignant, lui faisait une telle peur en le menaçant de le lui couper net s’il ne se désistait de l’appel, que l’autre se hâtait de se déclarer satisfait. François Ier, faisant allusion à la manière absolue dont régnait Louis XI disait qu’il ressemblait au juge de Montravel.
Juge de paix
Ansiaume, 1821 : Bâton.
Il faut ébobir le cabot avec le juge de paix.
Delvau, 1866 : s. m. Bâton, — parce qu’il est destiné à mettre le holà. Cette expression fait partie de l’argot des voleurs et de celui des faubouriens.
Delvau, 1866 : s. m. Tourniquet de marchand de vin, qui condamne à payer une tournée celui qui perd en amenant le plus petit nombre. Argot des ouvriers.
Rigaud, 1881 : Bâton. — Tourniquet de marchand de vin où se jouent les consommations.
La Rue, 1894 : Bâton. Tourniquet de marchand de vin. Balances.
Virmaître, 1894 : Le lit. Dans le peuple, on trouve qu’après une dispute et même une bataille, le lit est un instrument de raccommodement. Cette expression vient d’une enseigne d’un marchand de meubles établi boulevard de Belleville. L’enseigne figurait un lit complet, et sur l’oreiller placé au milieu, il y avait cette inscription : Au Juge de Paix. (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : Un cornet contenant trois dés, la partie qui se nomme Zanzibar se joue sur le comptoir du marchand de vins. Ce jeu est ainsi appelé parce qu’il met les joueurs d’accord (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Jeu qui se compose d’un cornet et de trois dés, qui se trouve sur le comptoir des marchands de vin et qui est surnommé zanzibar ; il sert à trancher la question de qui payera la consommation ; de là, juge de paix.
France, 1907 : Balances.
France, 1907 : Bâton. Ce que les Arabes appellent Sidi matraque.
France, 1907 : Le lit. C’est dans le lit, en effet, que mari et femme, amant et maîtresse, en désaccord, se réconcilient.
France, 1907 : Tourniquet de marchand de vin.
Juge de paix (le)
Hayard, 1907 : Le lit.
Jugeotte
Larchey, 1865 : Jugement, avis.
Dis-moi z’un peu franchement,
Là dessus ta petite jugeotte.
(Léonard, parodie, 1863)
Delvau, 1866 : s. f. Jugement, logique, raison, bon sens, — dans l’argot du peuple, pour qui cela remplace la judiciaire.
Rigaud, 1881 : Bon sens ; jugement sain.
Hayard, 1907 : Jugement, intelligence.
France, 1907 : Bon sens, jugement.
Comme beaucoup de gens à cette époque, il me semblait qu’une République fédérale était ce qui pouvait le mieux convenir à notre pays. Je m’étais dit, dans ma jugeotte de gamin de Paris, que les citoyens de Montmartre ne ressemblant en rien à des Bretons, il était criminel et inepte de vouloir faire vivre les uns et les autres sous les mêmes lois.
(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Au lieu de dire, ce qui serait juste : « Un Tel est une canaille, quoique avocat ! » la simpliste jugeotte des foules englobe la collectivité tout entière dans l’abaissement d’un seul. Et les raffinés amplifient : « Un Tel, etc., parce que avocat ! » L’agréable chose, pour la très grande majorité d’honnêtes gens confondus ainsi avec les brebis galeuses !
(Séverine)
Jugeotte (en avoir)
Virmaître, 1894 : Bien juger les choses, avoir un jugement sain (Argot du peuple).
Juger
d’Hautel, 1808 : Il juge de cette affaire comme un aveugle des couleurs. Voy. Aveugle.
Juger sur l’étiquette. Juger de quelqu’un d’après les apparences.
Juger à boule-vue. Pour dire au hasard ; inconsidérément.
Jugerie
France, 1907 : Jugement.
Parmi les pauvres bougres qui, en passant en jugerie, insultent les chats-fourrés, les traitant de vaches, ou bien leur fichent leur soulier à la tête, y en a la plupart — presque la moitié — qui en faisant ça ne visent qu’à se faire augmenter la dose.
(La Sociale)
Jugeur
France, 1907 : Magistrat.
Place à la magistrature !
Ces vieux jugeurs à faux poids
Font tenir la dictature
Dans le caoutchouc des lois.
(Eugène Pottier, Chants révolutionnaires)
Juguler
Delvau, 1866 : v. a. Importuner, ennuyer, égorger d’obsessions.
Rigaud, 1881 : Agacer, ennuyer, horripiler.
Toi, monsieur le difficile, si ça te jugule, tu peux t’en aller.
(E. Scribe, L’Honneur de ma fille)
Vos invectives commencent à me juguler.
(Dumersan et Varin, les Saltimbanques)
Jugulant, agaçant.
La Rue, 1894 : Importuner. Ennuyer.
France, 1907 : Obséder, importuner, ennuyer.
Juif
d’Hautel, 1808 : Riche comme un juif. Pour dire excessivement.
C’est un juif. Pour dire un avare, un usurier.
Il est comme le juif errant. Se dit d’un homme que l’on rencontre partout, qui n’a ni feu ni lieu.
Delvau, 1866 : s. m. Prêteur à la petite semaine, — dans l’argot des étudiants.
Rigaud, 1881 : Usurier ; avare.
Juif errant
Delvau, 1866 : s. m. Grand marcheur, homme qui va par monts et par vaux, comme Ahasvérus, que Jésus — « la bonté même » — a condamné à marcher « pendant plus de mille ans ».
Juifaillon
France, 1907 : Petit Juif ou simplement Juif.
Je reconnais là un de ces juifaillons qui infestent le pays des Morticoles…
(Léon Daudet)
Juiffer
Delvau, 1866 : v. a. Tromper en vendant ; avoir un bénéfice usuraire dans une affaire.
France, 1907 : Tromper en vendant. Imiter les Juifs.
Juifon
France, 1907 : Juif.
Juifon, juifasse,
Mon c… sur ta face !
(Dictons vosgiens)
Juilletiser
Vidocq, 1837 : v. a. — Détrôner.
Delvau, 1866 : v. a. Faire une révolution, détrôner un roi, — dans l’argot du peuple, qui a gardé le souvenir des « glorieuses journées » de 1830.
Jujotte
Rossignol, 1901 : Savoir juger les choses.
Jules
Delvau, 1866 : s. m. Pot qu’en chambre on demande, — dans l’argot des faubouriens révolutionnaires, qui ont éprouvé le besoin de décharger la mémoire de saint Thomas des ordures dont on la couvrait depuis si longtemps.
Aller chez Jules. C’est ce que les Anglais appellent To pay a visit to mistress Jones.
Rigaud, 1881 : Pot de chambre ; tinette, latrines portatives des troupiers. Jules a remplacé le vieux Thomas, source d’éternelles plaisanteries. Jules est plus nouveau. On dit au régiment passer la jambe à Jules ou pincer l’oreille à Jules lorsqu’on est de corvée pour vider les tinettes.
Merlin, 1888 : Tonneau percé d’un bout, posé sur l’autre, et portant deux crochets de fer sur les côtés. C’est le meuble indispensable des salles de discipline d’où les soldats ne peuvent sortir, même pour satisfaire certains besoins. Les soldats chargés de transporter ce fameux baquet tirent les oreilles à Jules ; quand, pour le vider, ils le font basculer, ils lui passent la jambe.
La Rue, 1894 : Tinette.
Virmaître, 1894 : Pot de chambre (Argot du peuple). V. Goguenot.
Rossignol, 1901 : Baquet qui se trouve dans toutes les salles de police ou violons. Un vase de nuit est aussi nommé Jules ou Thomas.
Hayard, 1907 : Camarade à Thomas : le pot de chambre.
France, 1907 : Baquet-tinette ; argot militaire.
— Mais pour en revenir à mon histoire, maintenant que tu sais que les canards ils sont des animaux plus décents et moins parfumés que toi, dis un peu voir comment tu t’y prendrais pour faire traverser le pont de la ville à cinquante canards, après les avoir fait manger, sans que pas un y laisse sur le pont ce que tu vas donner à Jules.
(La Baïonnette)
Pincer l’oreille à Jules, prendre le baquet par les anses. Passer la jambe à Jules, vider le goguenot. Aller chez Jules, aller aux cabinets. Travailler pour Jules, manger.
Pauvre pousse-crotte, je trotte,
J’astique et je frotte
Tous mes cuirs avec un bouchon.
— Ah ! mon vieux cochon ! —
Toi ! tu vas, tu viens, tu circules…
Réveils ridicules :
Moi, je pince l’oreille à Jules,
À Jules !
(Louis Marsolleau)
Julot
France, 1907 : Sobriquet donné par les souteneurs et les filles à l’escouade des agents des mœurs. On dit aussi Monsieur Jules.
— Acrée ! nos marmites : c’est la casserole ! Ninie, débine-toi, v’là Julot.
(A. Bruant, Les Bas-fonds de Paris)
Jumelles
Delvau, 1866 : s. f. pl. Partie du corps qui constitue la Vénus Callipyge, — dans l’argot des voleurs, héritiers des Précieuses, lesquelles appelaient cette partie Les deux sœurs.
Rigaud, 1881 : Continuation du dos.
La Rue, 1894 : Partie postérieure du corps. On dit aussi cuvette et les deux sœurs.
France, 1907 : Fesses.
Il tomba à genoux devant ces superbes jumelles.
(Les Propos du Commandeur)
Juncade
France, 1907 : Jonchée d’herbes, de branches dont on couvrait les rues à la Fête-Dieu.
Jupière, jupasse
Rigaud, 1881 : Couturière qui fait les jupes des robes.
Juponner
France, 1907 : Courir le guilledou.
Elle m’acceptait aucune invitation, ne donnait jamais de bal. Aussi la considérait-on comme une incurable malade, et plaignait-on le marquis d’être rivé à un tel boulet, lui surtout qui exubérait de santé, qui adorait le monde, qui eût rêvé de jeter l’argent par les fenêtres, de juponner sans trêve, d’accorder sa vie sur un brante de violons.
(Champaubert)
Juponnier
Rigaud, 1881 : Celui qui aime les femmes, le jupon.
France, 1907 : Coureur de filles.
C’était le plus grand juponnier que j’aie jamais connu. Sans cesse en chasses dans le champ des fauvettes, ayant l’art de plaire et celui de s’y prendre, il revenait rarement bredouille.
(Les Propos du Commandeur)
Jurer
d’Hautel, 1808 : Jurer comme un charretier embourbé. Jurer, sacrer, à toute outrance.
Il ne faut jurer de rien. Pour dire que les choses que l’on croit les plus impossibles, peuvent souvent arriver.
Jurer comme un sacre
France, 1907 : Un sacre était un ancien canon, dont ou ne se sert plus depuis longtemps, qui pesait 2,830 livres et lançait un projectile de 5 livres. Comme ce fut un des premiers canons en usage et que le bruit était bien supérieur au reste de la mousqueterie, on disait de quelqu’un qui faisait grand tapage et jurait bruyamment : il jure comme un sacre.
Jurymètre
France, 1907 : « Notre confrère Bataille a dressé une fort spirituelle et fort terrifiante statistique du jury français. Il résulte de son jurymètre qu’il n’est pas indifférent, pour un accusé, d’être « jurifié » ici ou là : pour le même crime on est, quelques degrés de méridien au-dessus ou au-dessous, acquitté où condamné à mort. »
(Ed. Lepelletier, Écho de Paris)
Jus
d’Hautel, 1808 : Il est dans son jus. Manière triviale de dire qu’une personne grasse est toute en sueur.
Un tire jus. Pour dire un mouchoir ; ce qui sert à essuyer les évacuations du cerveau.
C’est jus verd ou verd jus. Pour dire, c’est tout un, c’est absolument la même chose.
Delvau, 1866 : s. m. Grâce, élégance, bon goût, — dans l’argot des faubouriens, pour qui certaines qualités extérieures, naturelles ou acquises, sont la sauce de certaines qualités de l’âme. Avoir du jus. Avoir du chic, de la tournure. Être d’un bon jus. Être habillé d’une façon grotesque, ou avoir un visage qui prête à rire.
Delvau, 1866 : s. m. Profit, bénéfice que rend une affaire.
Rigaud, 1881 : Élégance, — dans le jargon des gommeux qui ont voulu donner un pendant au mot chic. (V. Juteuse).
Fustier, 1889 : Voici un mot qui, en argot, a plusieurs sens et notamment deux acceptions bien opposées. On le trouve, en effet, dans Delvau et Larchey comme synonyme de vin, mais il sert aussi à désigner l’eau. Je l’ai plusieurs fois entendu prononcer avec ce dernier sens. Les uns disaient jus de grenouille et les autres jus, tout court.
L’autre le suit, l’empoigne par sa ceinture et le lance dans la Seine en disant : Va dans le jus.
(Galette des Tribunaux, août 1884)
La Rue, 1894 : Élégance. Eau. Vin.
France, 1907 : Élégance, bon goût. « Cette fille a du jus », c’est-à-dire du chic. Faire du jus, faire de l’embarras.
France, 1907 : Profit, bénéfice d’une affaire. Les gens de loi cherchent à faire rendre le plus de jus à la cause qu’on leur confie.
France, 1907 : Vin ; eau-de-vie.
Gimanton, le garde d’écurie du troisième peloton, jugea le moment propice pour aller boire son jus, remonter dans sa chambrée y prendre sa part du café matinal.
(F. Vandérem)
Jus (coup de)
Rigaud, 1881 : Mot à mot : coup de jus de raisin.
J’aime mieux aller chez la mère à Montreuil… et je me collerai un coup de jus.
(A. Bouvier, la Lanterne du 19 juillet 1877)
Jus d’échalas
Delvau, 1866 : s. m. Vin.
France, 1907 : Vin.
Jus de baromètre
Rigaud, 1881 : Mercure.
Te n’ sens pas toi-même l’jus de baromètre, hé non, c’est qu’ je tousse.
(Le Nouveau Vadé)
Jus de bâton
Larchey, 1865 : Coup de bâton.
Pour passer votre rhume, j’ai du jus de bâton.
(Aubert, Chanson, 1813)
Delvau, 1866 : s. m. Coup de bâton.
Rigaud, 1881 : Coups de bâton.
France, 1907 : Coups.
Jus de bras
France, 1907 : Vigueur.
Encore un tour au treuil ! Hardi ! Du jus de bras !
V’là le fer du chalut qui sort son nez au ras,
Encore un tour ! Il va saillir hors de la tasse !
(Jean Richepin, La Mer)
Jus de briques
France, 1907 : Vitriol.
— Vous avez vos hommes, vous autres les poupées des grands boulevards, faut nous laisser les nôtres, où sans ça l’on vous torchera la frimousse avec du jus de briques.
(Eugène Lepelletier)
Jus de chapeau
Virmaître, 1894 : Mauvais café, celui que les femmes vendent le matin au coin des rues, aux ouvriers qui se rendent à leur travail. Quand il pleut sur un chapeau, le jus a exactement la couleur de ce café (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mauvais café.
Hayard, 1907 : Café noir.
Jus de chapeau, jus de chique
France, 1907 : Mauvais café. On dit aussi roupie de singe.
Ce n’est pas que les consommations y étaient de premier choix, la bière était de la lavasse, le cognac du vitriol et le café du jus de chique, mais nous trouvions tout cela délicieux à cause des yeux de la jolie fille qui nous servait.
(Les Propos du Commandeur)
Jus de chique
Rigaud, 1881 : Café, — dans le jargon des troupiers. Allusion à la couleur du café. La variante est : Jus de chapeau, à cause de la couleur foncée de la transpiration militaire.
Jus de chique ou de chapeau
Merlin, 1888 : Café. L’opinion émise par les soldats eux-mêmes sur la qualité de ce liquide dans les casernes vient corroborer celle que nous avons exprimée au mot Champoreau. Il y a, d’ailleurs, trois espèces de café : le zig (1re qualité) que se réservent le cuisinier et le caporal ou brigadier d’ordinaire, charité bien ordonnée… Puis le bitt, destiné au chef ; enfin le jus de chique ou de chapeau (3e et problématique qualité) distribué aux troubades.
Jus de couillon
Delvau, 1864 : Le sperme, le nec plus ultra des jus.
Vous qui, du haut de ce balcon,
Riez de ma misère,
S’il pleuvait du jus de couillon,
On vous verrait sous la gouttière.
(Piron)
Lorsque Molière fait dire à Elmire :
Aucun jus, en ce jour, ne saurait me charmer…
il a la même idée que Piron, seulement ; il s’exprime d’une façon plus honnête.
Jus de navet dans les veines (avoir du)
Rigaud, 1881 : Manquer d’énergie. Variante : Avoir du sirop d’orgeat dans les veines.
Jus de réglisse
Delvau, 1866 : s. m. Nègre ou mulâtre.
Rigaud, 1881 : Nègre.
France, 1907 : Nègre, homme de couleur.
Jus de tarentule
France, 1907 : Boisson fort en usage dans le Far-West. Le jus de tarentule se fait avec deux quarts d’alcool, quelques pêches brûlées, une carotte de tabac noir, le tout mis dans un baril, où l’on verse cinq gallons d’eau. Trappeurs et Indiens raffolent de cette décoction, certainement le mélange le plus capiteux que l’on puisse imaginer. Si l’on s’enivre, l’ivresse ne dure pas moins d’une semaine.
Nous poussâmes nos chevaux dans la rivière qu’ils traversèrent à la nage… L’eau étant glaciale et la quantité le jus de tarentule que nous dûmes absorber pour entretenir la circulation fut surprenante.
(Hector France, Chez les Indiens)
Jus summum sæpe summa injusticia
France, 1907 : « La loi strictement exécutée est souvent la suprême injustice » Dicton latin.
Jusqu’à la gauche
France, 1907 : Jusqu’à une grande étendue ; pendant longtemps.
Vous serez consigné jusqu’à la gauche… C’était son mot ce « jusqu’à la gauche », une expression de caserne qui ne signifie pas grand-chose, mais personnifie l’éternité.
(Georges Courteline)
Jusqu’à plus soif
Delvau, 1866 : adv. À l’excès, extrêmement, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos de tout.
France, 1907 : À l’excès.
Jusqu’au boutien (journal)
Rigaud, 1881 : Journal qui a soutenu la politique du maréchal de Mac-Mahon après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 1877. — Allusion à la phrase qui figurait dans l’ordre du jour adressé par le Maréchal à l’armée, le 9 juillet suivant : « J’irai jusqu’au bout. »
Les journaux jusqu’au boutiens affirment avec ensemble que, etc.
(La France du 10 août 1877)
Juste
d’Hautel, 1808 : Comme de juste. Pour, c’est naturel : c’est de toute justice.
Juste comme de l’or. Pour dire parfaitement.
Juste et carré comme une flûte. Se dit en riant d’une chose quelconque qui ne remplit pas le but que l’on désire, mais dont, néanmoins, on se sert faute d’autre.
Delvau, 1866 : s. f. La Cour d’assises, — dans l’argot des voleurs, qui s’étrangleraient sans doute à prononcer le mot tout entier, qui est Justice.
Juste (la)
Vidocq, 1837 : La Cour d’Assises.
Rigaud, 1881 : Cour d’assises. Abréviation de « la justice. »
La Rue, 1894 : La cour d’assises.
France, 1907 : La cour d’assises, appelée ainsi par moquerie.
Juste milieu
Delvau, 1866 : s. m. Député conservateur quand même, ami quand même du gouvernement régnant. Argot des journalistes libéraux. On dit aussi Centrier.
France, 1907 : Le derrière où le devant.
Debout sur son lit, la gamine se mit d’abord à gambader, faire la culbute, jouer avec son oreiller, me lancer son traversin, puis tout à coup levant sa chemise avec des éclats de vire, me fit voir son juste milieu.
(Les Propos du Commandeur)
Juste-milieu
Larchey, 1865 : Partisan du statu quo politique, en opposition à la gauche qui représente le côté radical ou avancé, et à la droite qui se retranche dans le maintien des anciens principes. V. Centrier.
Luc riait comme un républicain qui voit le juste-milieu recevoir un soufflet.
(Ricard)
Juste-milieu : Derrière.
Mayeux envoya la pointe de sa botte dans le juste-milieu de Mlle Justine.
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. m. L’endroit consacré par la jurisprudence du Palais-Royal comme cible aux coups de pied classiques et aux plaisanteries populaires.
Justiciard
France, 1907 : Magistrat.
— Tiens, vous aussi, Monsieur le Procureur général, vous cherchez des médailles ?
— C’est le goût de presque tous les justiciards.
(Balzac)
Justification
Boutmy, 1883 : s. f. Longueur de la ligne, variable suivant les formats. Au figuré, Prendre sa justification, c’est prendre ses mesures pour faire quelque chose.
France, 1907 : C’est, en terme de typographie, la longueur de la ligne, variable suivant les formats. Bonne justification, ligne bien arrêtée dont l’espacement est régulier. Prendre sa justification, prendre des mesures, tirer des plans au figuré.
Juter de l’œil
France, 1907 : Pleurer.
Je reluquais La gosseline. Je voyais bien qu’elle boudait, qu’elle avait le cœur gros : je m’approchais pour la consoler, mais voilà que subito elle se met à juter de d’œil !
(Les Joyeusetés du régiment)
Juteuse
Rigaud, 1881 : Femme élégante, femme qui a du chic, — dans le jargon des gommeux. C’est celle qui semble toute remplie du jus de la distinction. Le mot est bienvenu et semble être appelé à un bel avenir. Nous en avons trouvé un exemple dans un numéro de la Vie moderne, juin 1880.
Juteuse (affaire)
France, 1907 : Délit où crime fertile en détails scabreux. Se dit aussi d’une cause qui rapporte la forte somme aux avocats et aux avoués.
Juteux
Virmaître, 1894 : Il a du jus, il est rupin. Une affaire est juteuse, quand elle donne beaucoup de bénéfices. Tomber à l’eau, c’est tomber dans le jus. Boire du vin, licher un coup de jus. Faire du jus, faire de l’embarras (Argot du peuple). N.
Juteux, euse
Delvau, 1866 : adj. Qui donne de grands bénéfices, qui rend un grand profit, qui a du jus enfin.
Juteux, juteuse
France, 1907 : Élégant, élégante.
Juxte
anon., 1827 : Près, contre.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Près, auprès.
Bras-de-Fer, 1829 : Près, contre.
Jy
M.D., 1844 : Oui.
France, 1907 : Oui, pour Gy.
Jy, mon ange
Clémens, 1840 / La Rue, 1894 : Oui, monsieur.
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