AccueilA B C D E F G H I J K L M N O Œ P Q R S T U V W X Y ZLiens

courriel

un mot au hasard

Dictionnaire d’argot classique
Argot classique
le livre


Telegram

Russe-français
Russisch-Deutsch
Rusianeg-Brezhoneg
Russian-English
Ρώσικα-Ελληνικά
Russo-italiano
Ruso-español
Rus-român
Orosz-Magyar
Ruso-aragonés
Rusice-Latine
Французско-русский
Немецко-русский
Бретонско-русский
Französisch-Deutsch
Allemand-français
Блатной жаргон
Soldatensprachführer
Военные разговорники

L

L

d’Hautel, 1808 : Il en a dans l’L, ou elle. Se dit d’un homme qui commence à devenir âgé, qui a passé la cinquantaine par une allusion homonymique du mot aile avec la lettre l.

Rigaud, 1881 : Lettre que les bouchers, dans leur jargon, substituent à la première de chaque mot commençant par une consonne, tandis qu’ils rejettent celle-ci à la fin en l’accompagnant des désinences em, é, lem, sem, uche, fum. Exemple : Louchébem, boucher. — Linvé loussem, vingt sous. — Loucharmuche, mouchard. — Louave, saoûl. — Lésélemfum, fille publique. — D’autres fois, ils placent le mot lésé entre deux autres comme dans : linvé lésé loussem, vingt sous ; linvé lésé lousdré, vingt francs.

L’absinthe ne vaut rien après déjeuner

Boutmy, 1883 : Locution peu usitée, que l’on peut traduire : Il est désagréable, en revenant de prendre son repas, de trouver sur sa casse de la correction à exécuter. Dans cette locution, on joue sur l’absinthe, considérée comme breuvage et comme plante. La plante possède une saveur amère. Avec quelle amertume le compagnon restauré, bien dispos, se voit obligé de se coller sur le marbre pour faire un travail non payé, au moment où il se proposait de pomper avec acharnement. Déjà, comme Perrette, il avait escompté cet après-dîner productif.

L’ange ou lance

Halbert, 1849 : L’eau.

L’artif

Halbert, 1849 : Ration de pain.

L’attiffe

Halbert, 1849 : Linge blanc.

L’avoir encore

France, 1907 : Être vierge.

Chaque matin, lorsqu’elle passait devant le quartier, les sous-officiers se disaient en se poussant le coude :
— Croyez-vous qu’elle l’ait encore ?
— Hum ! hum !
Un jour, impatientée, elle se retourna :
— Ce n’est toujours pas un de vous qui l’aura ! fit-elle.

(Les Joyeusetés du régiment)

L’estome

Halbert, 1849 : L’estomac.

L’être

Larchey, 1865 : Être vierge.

Je le suis encore, m’a-t-elle dit en riant, je voudrais cesser de l’être par un joli homme comme toi.

(Rétif, 1786)

La

Delvau, 1866 : s. m. Mot d’ordre, signal ; invitation à se mettre à l’unisson, — dans l’argot des gens de lettres. Donner le la. Indiquer par son exemple, par sa conduite, ce que les autres doivent faire, dire, écrire.

d’Hautel, 1808 : Au sortir de là. Pour quand cela seroit ainsi.
est redondant quand il est employé ainsi qu’il suit :
As-tu été là où je t’ai dit.
Il ne sait là où il a mis cette chose. Où
suffit seulement ici.

La (le)

France, 1907 : La note d’une chose, le mot d’ordre, le signal. Donner le la,indiquer ce que l’on doit faire soit en paroles, soit en action.

La camoufle s’exbigne

Halbert, 1849 : La chandelle s’éteint.

La danser

Larchey, 1865 : Être battu.

Ah ! je te tiens et tu vas la danser.

(Id.)

Larchey, 1865 : Être maltraité en paroles.

Quiconque poussait les enchères était empoigné, témoin une jeune fringante qui la dansa, mais tout du long.

(Vadé, 1788)

La faire à l’oseille

Rossignol, 1901 : Ne pas tenir parole à un ami qui compte sur vous, c’est la lui faire à l’oseille.

J’ai des échéances aujourd’hui, je comptais pour les payer sur le prêt que je t’ai fait ; ne me remboursant pas, tu me la fais à l’oseille.

La faire belle

Rossignol, 1901 : Gagner beaucoup d’argent par le travail ou toute autre façon, c’est la faire belle.

La frotte

Rossignol, 1901 : La gale.

La jeter mal

Rossignol, 1901 : Celui qui est mal habillé ou qui a un vêtement excentrique, ou qui marque mal, la jette mal.

La mine

Halbert, 1849 : Le Mans.

La morphe

Halbert, 1849 : Onguent.

La Nouvelle

Rossignol, 1901 : Le bagne.

La palférinette

Delvau, 1866 : s. f. Princesse de la bohème galante, de bal et de trottoir, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont consacré ainsi le souvenir de La Palférine de H. de Balzac.

La pousse

Halbert, 1849 : La gendarmerie.

France, 1907 : La gendarmerie ; vieil argot.

La Ramée

France, 1907 : Célèbre caporal, légendaire dans les contes de chambrée.

Les hommes se déterminent par leur sentiment le plus fort. Chez les soldats, comme dans toutes les foules, le sentiment le plus fort est la peur. Ils vont à l’ennemi comme au moindre danger. Les troupes en ligne sont mises, de part et d’autre, dans l’impossibilité de fuir. C’est tout l’art des batailles. Les armées de la République furent victorieuses parce qu’on y maintenait avec une extrême rigueur les mœurs de l’ancien régime, qui étaient relâchées dans les camps des alliés. Nos généraux de l’an II étaient ses sergents la Ramée qui faisaient fusiller une demi-douzaine de conscrits par jour pour donner du cœur aux autres, comme dit Voltaire, et les animer du grand souffle patriotique.

(Anatole France)

La reniflette

Rossignol, 1901 : Police.

La rousse

Rossignol, 1901 : Police.

La rousse en planque

Halbert, 1849 : La police vient.

La semaine des quatre jeudis

Virmaître, 1894 : On dit d’une personne sale et crasseuse qu’elle se débarbouille la semaine des quatre jeudis, c’est-à-dire jamais. Un paresseux ne travaille jamais que cette semaine-là.
— Quand allez-vous me payer mon terme ? demande un propriétaire à son locataire.
— La semaine des quatre jeudis.
Cette expression est synonyme de remettre aux calendes grecques (Argot du peuple). N.

La table est mise

Virmaître, 1894 : Les enfants du peuple portent des pantalons fendus par derrière, on en comprend la raison. Quand le moutard a fait ses besoins, il oublie de rentrer sa chemise ; il en passe toujours un lambeau, souvent taché de moutarde ; les gamins lui crient :
— La table est mise.
Allusion à la nappe (Argot du peuple). N.

La tour ou tour pointue

Rossignol, 1901 : Dépôt de la préfecture de police où sont conduits tous les individus arrêtés.

Là-bas

Larchey, 1865 : Maison de correction de Saint-Lazare.

Julia à Amandine : Comme ça, cette pauvre Angèle est là-bas ? — Ne m’en parle pas. Elle était au café Coquet a prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur qui passe, qui avait l’air d’un homme sérieux avec des cheveux blancs et une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher arrive, et… emballée ! Le monsieur était un inspecteur.

(Les Cocottes, 1864)

Delvau, 1866 : adv. de l. Saint-Lazare, — dans l’argot des filles, qui n’aiment à parler qu’allusivement de ce Paraclet forcé.

Rigaud, 1881 : Prison. — Prison de Saint-Lazare que les filles appellent encore : La campagne. — Revenir de la campagne, revenir de Saint-Lazare.

France, 1907 : Saint-Lazare, dans l’argot des souteneurs et des filles ; la maison de jeu de Monte-Carlo, dans l’argot des joueurs ; le bagne, dans celui des escarpes.

Labadens

France, 1907 : Compagnon d’étude, élève du même collège. Ce mot est de récente date et vient d’un vaudeville de Labiche, joué pour la première fois au Palais-Royal, le 26 mars 1867. L’Affaire de la rue de Lourcine, où les deux héros de cette désopilante bouffonnerie, Mistingue et Langlumé, se rencontrent au banquet annuel de l’Institution Labadens.
Il a pris avec le procès Bazaine une valeur historique. Quand Régnier voulut être mis en présence du maréchal, il se fit annoncer ainsi : « Dites que c’est un vieux Labadens. » (Lorédan Larchey).

Labago

Vidocq, 1837 : a. — Là-bas.

Rigaud, 1881 : Là-bas.

La Rue, 1894 : Là-bas. Lago, là.

France, 1907 : Là-bas.

Labo

France, 1907 : Abréviation de laboratoire ; argot de l’École polytechnique.

Les professeurs de chimie ont chacun leur labo, d’où sortent les plus remarquables découvertes… Gay-Lussac faillit trouver deux fois la mort dans son labo. La première fois, il fut blessé en préparant du potassium ; il resta aveugle pendant un mois et conserva toute sa vie les yeux rouges et faibles. Une seconde fois, il fut grièvement blessé en étudiant les hydrogènes carbonés… Il travaillait en sabots et, chaque fois qu’il obtenait un résultat nouveau, il trahissait sa joie en dansant comme un enfant dans son labo…

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Labor omnia vincit improbus

France, 1907 : « On vient à bout de tout à forces de travail. » Dicton latin tiré des Géorgiques de Virgile.

Laboratoire

Delvau, 1866 : s. m. Cuisine, — dans l’argot des restaurateurs, chimistes ingénieux qui savent transformer les viandes et les vins de façon à dérouter les connaisseurs.

France, 1907 : Cuisine. C’est en effet dans la plupart des restaurants un vrai laboratoire de chimie.

Labourer

d’Hautel, 1808 : Labourer sa vie. Pour gagner péniblement sa vie.
Il faut diablement labourer pour se retirer sur cet ouvrage. Se dit d’un ouvrage peu lucratif, où il faut travailler beaucoup pour ne pas faire grand bénéfice.
Labourer. Remuer la terre. Ce peuple change l’initiale de ce mot en r, et prononce rabourer. Il en fait de même pour tous les composés de ce verbe.

France, 1907 : Préparer.

Laboureur (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui est chargé de défricher les vagins vierges avec le soc de sa petite charrue, et de féconder les vagins stériles en déchargeant dedans.

Combien pourtant que bien faible me semble
Pour labourer à deux terres ensemble.

(Cl. Marot)

Quoi faisant, j’appliquerai dorénavant mes dix mille écus à une terre que je labourerai tout seul.

(La France galante)

Les autres enflaient en longueur par le manche que l’on nomme le laboureur de nature.

(Rabelais)

Un demi-pied de la ressemblance au laboureur de nature.

(Tabarin)

Lac (être dans le)

La Rue, 1894 : Être pris, perdu, tomber dans l’embarras ou dans la misère.

Virmaître, 1894 : Être pendu. L. L. Être dans le lac, c’est ne plus rien avoir à espérer, être aussi bas que possible. Lac, ici, est synonyme de lacet, être enlacé, pris par la misère, enserré dans les filets d’une femme ou d’un usurier, comme le pauvre oiseau dans le lac du braconnier (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Être perdu, roulé.

France, 1907 : Se trouver dans l’embarras, la gêne. Mettre dans le lac, perdre son argent.

Un ponte perd un louis à la roulette.
— Allons, dit-il d’un air résigné, encore vingt francs dans le lac !

Lacet

Larchey, 1865 : Poucette. — V. Marchand.

Lacets

Delvau, 1866 : s. m. pl. Poucettes, — dans l’argot des voleurs. Les marchands de lacets. Les gendarmes.

La Rue, 1894 : Poucettes. Marchand de lacets, gendarme.

Virmaître, 1894 : Menottes. Le gendarme ou l’agent sont des marchands de passe-lacets (Argot des voleurs). V. Alliances.

France, 1907 : Poucettes. Marchand de lacets, gendarme, agent de police.

Lacets (marchand de)

Rigaud, 1881 : Gendarme à la poursuite d’un voleur, — dans l’ancien argot.

Lâchage

Rigaud, 1881 : Abandon.

France, 1907 : Abandon.

— Mais je ne vous conte pas le plus joli. M’sieu Porphyre ! C’est qu’en même temps que la petite Lemeslier était plaquée par son amant, la grande Ancelin l’était par le sien, par « mon oncle ». Oui, double lâchage !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

— Si tu savais ce qu’il faut de mensonges, de ruses, pour te donner de temps en temps deux ou trois heures. Je t’assure que c’est nous, les femmes honnêtes, qui savons aimer. Et dire qu’après ces rendez-vous périlleux, ces déshabillages et ces rhabillages clownesques, qu’est-ce qui nous attend ? Le lâchage, le scandale ou la mort.

(Maurice Donnay)

Lachard

Virmaître, 1894 : Diamant de vitrier (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Diamant à couper le verre.

France, 1907 : Diamant de vitrier. On dit aussi lacheton.

Lachard, lacheton

La Rue, 1894 : Diamant de vitrier.

Lâche

Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Saint Lâche.

Lâche (saint)

Rigaud, 1881 : Grand paresseux.

Lachème

France, 1907 : Vache. Déformation du mot par le largonji.

Lâcher

d’Hautel, 1808 : Ce verbe reçoit un grand nombre d’acceptions parmi le vulgaire. Voici les manières les plus usitées d’en faire usage.
Lâcher quelqu’un. L’abandonner, le planter là.
On dit qu’une femme a lâché son mari, pour exprimer qu’elle l’a abandonné pour aller avec un autre ; qu’elle s’est séparée de lui.
En lâcher de bonnes. Dire des gausses, des contes bleus, des gasconnades.
En lâcher une. Pour donner essor à un mauvais vent.
Lâcher le pied. Pour s’enfuir honteusement ; montrer les talons.

Delvau, 1864 : Quitter une femme dont on est l’amant, ou un homme dont on est la maîtresse.

Après ! Milie veut te lâcher.

(Ch. Monselet)

— On dit aussi, dans le même sens : lâcher d’un cran.

Delvau, 1866 : v. a. Quitter. Lâcher d’un cran. Abandonner subitement.

Rigaud, 1881 : Quitter, abandonner.

Voilà les femmes !… ça vous lâche dans le malheur.

(Dumanoir et d’Ennery, Les Drames du cabaret, 1864)

Lâcher le coude, laisser tranquille. On dit à quelqu’un qui vous ennuie : Lâche-moi le coude.Lâcher comme un pet, abandonner sans vergogne, à l’improviste, — dans le jargon du peuple. — Lâcher la rampe, mourir. — Lâcher le paquet, faire des aveux. — Lâcher de l’argent, payer. — Lâcher l’écluse, uriner. — En lâcher un, sacrifier à crepitus.

Rigaud, 1881 : Sortir un objet, exhiber. — Lâcher le tuyau de poêle, lâcher le sifflet d’ébène.

France, 1907 : Quitter, abandonner. Se dit surtout en parlant d’un amant qui abandonne sa maîtresse et vice-versa.

— Chaque fois, il m’apporte un bouquet, nous causons… il m’appelle « Madame » — quelquefois « baronne ». Je crois que je ressemble à une de ses anciennes qui serait défunte ou qui l’aurait lâché.

(Maurice Montégut)

— Mais épouser, unir son bienheureux sort à celui d’une de ses infortunées, — avant du moins qu’un respectable héritage eût permis à cette candidate ou cette collègue de « lâcher la boîte » — ah ! mais non, grand Dieu, pas si sot !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Quand j’aurai votre âge,
J’pourrai m’arrêter,
Mais la Môm’ Fromage,
Je crois, vient d’entrer,
Gémissez, mon père,
Et priez bien, car…
J’vous lâche et préfère
Voir le grand écart.

(Henry Naulus)

Lâcher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Oublier les lois de la civilité puérile et honnête, ventris flatum emittere, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi En lâcher un ou une, — selon le sexe de l’incongruité.

Rigaud, 1881 : Produire en société un bruit trop personnel ; donner le jour à une émanation trop intime.

France, 1907 : Laisser échapper un vent.

Lâcher d’un cran

Rossignol, 1901 : « Fiche-nous la paix, tu nous ennuies, lâche-nous d’un cran. — Ma maîtresse m’a quitté, elle m’a lâché d’un cran. »

France, 1907 : Se débarrasser de quelqu’un.

— Les hommes sont si bêtes qu’ils n’estiment que ce qui coûte cher. Moi aussi, j’avais un amant, un poète, que j’adorais de tout mon petit cœur. Eh bien ! comme j’étais très sage et très douce avec lui, que je travaillais honnêtement afin de lui enlever l’ombre d’une dépense, un beau jour il m’a lâchée de plusieurs crans pour s’acoquiner avec une vieille lorette, maquillée comme un mur peint à neuf, et qui lui a mangé ses onze mille francs de capital en trois mois.

(Ces Dames du Casino, 1862)

Lâcher de (se)

Rigaud, 1881 : Faire de la dépense, faire acte de générosité, offrir quelque chose. Je me lâche de deux consommations. — Je me lâche de cinq francs.

Lâcher la bonde

Virmaître, 1894 : Se comprend de deux manières. Lâcher la bonde : faire ses besoins. Lâcher la bonde à son tempérament : donner cours à sa violence, à son mauvais caractère. Dans les ateliers, quand le contre-coup gueule trop fort, on dit : Gare, il a lâché sa bonde (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Comme la nièce du curé, se croyant seule, se baissait contre la haie, étalant son énorme arrière-train, le père François, qui se trouvait juste « en face », glissa doucement sa pelle à l’endroit précis et recueillit le résidu. Après avoir lâché la bonde, elle se releva, tourna la tête et, n’apercevant rien, secoua ses jupes avec épouvante et frénésie. Mais lui élevant alors la pelle au-dessus de le haie, lui dit d’un ton aimable : « Soyez tranquille, Mam’zelle, le voici. Il n’est pas perdu ! »

(Les Propos du Commandeur)

Lâcher la mousseline

France, 1907 : Neiger.

Le ciel restait d’une vilaine couleur de plomb, et la neige, amassée là-haut, coiffait le quartier d’une calotte de glace… Gervaise levait le nez en priant le bon Dieu de ne pas lâcher la mousseline de suite.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher la perche

France, 1907 : Mourir.

Le plus blackboulé, le plus inconnu pendant sa vie devient un grand homme aussitôt qu’il a lâché la perche.

(Le Corsaire)

Lâcher la rampe

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot des serruriers).

France, 1907 : Mourir.

Lâcher le coude

France, 1907 : Laisser quelqu’un tranquille ; s’emploie surtout dans le sens de ficher la paix.

— Lâchez-nous le coude avec votre politique… Lisez les assassinats, c’est plus rigolo.

(Émile Zola, L’Assommoir)

— Alors elle s’est mise en colère et a crié devant tout le corps de ballet réuni : « Voyez-vous cette sale puce qui dit que les autres ne connaissent pas l’amour, parce qu’elle a eu un vieil orang-outang ! » Moi de lui dire : « Tu aurais bien voulu l’avoir à ma place, et même après moi, car tu es encore contente, aujourd’hui, de ramasser mes restes. » Alors, la Salvia s’en est mêlée. Elle m’a regardée avec ses grands yeux bêtes et m’a dit : « Ce n’est pas gentil, Zéozia, ce que tu dis là. » Je me monte et je lui crie : « Toi aussi, tu as mes restes ! Lâche-moi le coude ! »

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Lâcher le coude de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Cesser de l’importuner, — dans l’argot des faubouriens. C’est plutôt une exclamation qu’un verbe : Ah ! tu vas me lâcher le coude ! dit-on à quelqu’un qui ennuie, pour s’en débarrasser.

Lâcher le paquet

France, 1907 : Dénoncer, avouer.

Et Mme Lerat, effrayée… lâcha tout le paquet à son frère.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lâcher les écluses

Virmaître, 1894 : Pisser. L’allusion est juste, malgré que cela ne fasse pas monter la Seine. On dit aussi : mon pantalon ne tient pas l’eau (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Uriner.

Tandis que la petite était en train de lâcher les écluses, jupes troussées, bien à l’aise, se croyant seule, le vieux la guignait par la lucarne.

(Les Propos du Commandeur)

Se dit aussi pour pleurer.

Lâcher ses écluses

Rossignol, 1901 : Uriner.

Lâcher son écureuil

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Lâcher son gaz

Virmaître, 1894 : Éternuer bruyamment par en bas. Quand cela arrive à quelqu’un dans la rue, les gamins lui disent :
— Dieu vous bénisse ! (Argot du peuple). N.

Lâcher un cran

Delvau, 1866 : v. a. Se déboutonner un peu quand on a bien dîné, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Se déboutonner.

Lâcher un pain

Rossignol, 1901 : Flanquer un coup de poing ou une gifle.

Lâcher une naïade

Delvau, 1866 : v. a. Meiere, — dans l’argot facétieux des ouvriers. Ils disent aussi Lâcher les écluses.

France, 1907 : Uriner.

Lâcher une pastille du sérail

Rossignol, 1901 : Odeur qui n’a rien de la pastille.

Lâcher une pastille ou une perle

France, 1907 : Laisser échapper un vent ; argot des faubouriens.

De quoi donc ?… On dirait d’un merle,
Ej’ viens d’entende un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’il vous plaît…

(Aristide Bruant)

Lâcher une sournoise

Virmaître, 1894 : Vesser en sourdine. Pet avorté (Argot du peuple).

Lâcher une tubéreuse

Delvau, 1866 : (V. Se lâcher.)

Virmaître, 1894 : Pet foireux qui répand une odeur qui ne rappelle pas précisément la rose (Argot du peuple).

France, 1907 : Lâcher un vent.

Cette petite était vive et gentille, dodue et faite autour, et je l’eusse volontiers gardée comme amie. Mais, quoique bonne à orner un lit, comme disait Rabelais, elle le parfumait trop. Elle ne faisait que lâcher en dormant une succession de tubéreuses et un chapelet de pastilles n’ayant rien de commun avec celles du sérail.

(Les Joyeusetés du régiment)

Lacheton

Virmaître, 1894 : Diamant de vitrier (Argot du peuple). V. Lachard.

France, 1907 : Voir Lachard.

Lachetourbe

France, 1907 : Misère.

Lâcheur

Larchey, 1865 : Homme sur lequel on ne peut compter. — Mot à mot : qui lâche ses amis.

Le lâcheur est la lorette de l’amitié.

(A. Scholl, 1858)

Se lâcher de : Se payer. V. Rotin.

Delvau, 1866 : s. et adj. Confrère qui vous défend mal quand on vous accuse devant lui, et qui même, joint ses propres railleries à celles dont on vous accable. Argot des gens de lettres. Lâcheur ici est synonyme de Lâche.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui abandonne volontiers une femme, — dans l’argot de Breda-Street, où le rôle d’Ariane n’est pas apprécié à sa juste valeur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui laisse ses camarades « en plan » au cabaret, ou ne les reconduit pas chez eux lorsqu’ils sont ivres, — dans l’argot des ouvriers, que cette désertion humilie et indigne. Beau lâcheur. Homme qui fait de cette désertion une habitude.

Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi les pilotes qui se chargent de conduire les bateaux depuis Bercy jusqu’au Gros-Caillou, en leur faisant traverser tous les ponts de Paris. » (É. de La Bédollière)

Rigaud, 1881 : Homme qui n’est pas partisan des liaisons amoureuses de longue durée.

Méfie-toi, Nini, c’est mon lâcheur de la semaine dernière.

(Grévin)

Tous les maris sont des lâcheurs.

(Clairville et Siraudin, Le Mot de la fin)

France, 1907 : Homme qui abandonne sa maîtresse, qui quitte ses amis, ses camarades au milieu d’une partie de plaisir ou de coups de poing. Mauvais camarade qui ne prend pas votre défense. A. Scholl a dit : « Le lâcheur est la lorette de l’amitié. »

L’heure s’avançait, amoncelant les craintes ; comme il arrive dans les tempêtes, quand un navire fait eau, beaucoup de passagers quittaient leurs places pour s’enquérir des ceintures de sauvetage et des chaloupes de sûreté. Entre quelques autres, la voix de M. Nisard s’éleva : « Restons sur nos sièges ; l’empereur est prisonnier, c’est une raison pour que nous ne l’abandonnions pas. »
Je sais bien que Nisard ne risquait pas grand’-chose en disant cela et que son dévouement était des plus platoniques. Pas moins vrai que, politique à part, cette protestation de fidélité vaut son prix, dans ce temps où il est déshonorant d’être un lâche, mais où il est très habile d’être un lâcheur.

(De Vogüé, Discours à l’Académie)

Lâcheur, lâcheuse

Rigaud, 1881 : Homme, femme sur qui l’on ne peut compter.

Cet admirable lâcheur qu’on appelle l’Angleterre.

(La France, du 8 juin 1878)

Mauvais, mauvaise camarade. — Celui, celle qui ne prend pas la défense d’un ami dont on dit du mal.

Lâchez la commande

Rigaud, 1881 : Mot à mot : lâchez le fil commandé, en terme de machiniste. C’est, au théâtre, l’ordre d’allumer le lustre.

Un machiniste est sur le théâtre ; il crie : lâchez la commande… À cet ordre, un fil descend du cintre ; on y attache une herse à gaz, et, à un nouvel ordre, la herse remonte.

(Ch. de Boigne)

Lâchez-moi d’un cran

Virmaître, 1894 : Allez-vous en. Compliment peu flatteur fait habituellement aux gens qui vous importunent. On lâche sa ceinture d’un cran quand on a trop mangé. On la serre d’un cran quand on a faim. On lâche sa femme ou sa maîtresse d’un cran quand elle est par trop embêtante. Mourir, c’est lâcher la vie d’un cran. Quand un homme est maussade en société, on lui dit :
— Allons, lâchez-vous d’un cran, déboutonnez-vous.
Ce à quoi un farceur répond. — Ah ! non, il y a des dames.
On dit aussi : remonter d’un cran dans l’estime du monde (Argot du peuple). N.

Lacorbine

Rigaud, 1881 : Surnom que se donnent entre eux les Éphestions de trottoir ; nom sous lequel les désignent généralement les inspecteurs du service des mœurs. C’est une déformation du mot « la courbée ».

Lacromuche

Rigaud, 1881 : Souteneur de filles. C’est le mot macro « maquereau » par substitution de L à M et dotation de la désinence argotique muche. Dans l’argot des bals de la barrière du Trône, la plupart très poissonneux, lacromuche sert à désigner un « garçon », un « jeune homme » quelconque.

France, 1907 : Souteneur ; anagramme de macrau avec la finale uche.

Lad

Fustier, 1889 : Garçon d’écurie.

Autour du favori un cercle s’est formé pendant que les lads sellent le cheval sous la surveillance de l’entraîneur.

(Vie Parisienne, 1882)

France, 1907 : Garçon d’écurie de courses. Anglicisme.

Le lad est la bonne à tout faire d’une écurie de courses. C’est généralement un apprenti jockey, mais son apprentissage est terrible.
À peine reçu comme stable boy ou petit garçon d’écurie, le futur jockey est admis à l’honneur d’éplucher les légumes de la femme de l’entraîneur ; peu à peu, il arrive à ratisser le jardin, arrosée les jambes des chevaux malades, balaye la cour et fait le lit de ses camarades. Mais, petit à petit, il apprend son métier, et bientôt on lui confie un cheval, — alors le lad est arrivé.
Le lad ne fait qu’un avec sa bête ; il doit la soigner et la veiller nuit et jour, il la promène et la sort pour les exercices quotidiens.
Différent des garçons d’écurie français, qui portent la blouse ou le gilet et des sabots, le lad est toujours vêtu, du matin jusqu’au soir, d’un affreux complet à carreaux… Il chausse des souliers anglais ; quelquefois possède un gant, mais brandit toujours un bambou.

(F. Laffon, Le Monde des courses)

Lafarger

Delvau, 1866 : v. a. Se débarrasser de son mari en l’empoisonnant ou de tout autre façon, — dans l’argot du peuple, plus cruel que la justice, puisqu’il fait survivre le châtiment au coupable.

France, 1907 : Empoisonner. Allusion à la célèbre Mme Lafarge qui, sous le règne de Louis-Philippe, fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité pour avoir empoisonné son mari. Peu usité.

Laffe

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La vie. Esbigner la laffe, avoir la vie sauve.

Halbert, 1849 : La vie.

Delvau, 1866 : s. f. Potage, soupe, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Soupe. On dit aussi : mouise, tambouille. Les maçons disent mortier, parce qu’ils empilent du pain dans le bol tant qu’il en peut tenir, ce qui forme une pâtée épaisse qui ressemble à du mortier (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Soupe.

Lafle

France, 1907 : Potage ; vieux jargon.

Du potage s’appelait de la lafle, à présent c’est de la menestre.

(Le Jargon ou langage de l’argot réformé)

Lago

Vidocq, 1837 : a. — Ici.

M.D., 1844 : Là.

Delvau, 1866 : adv. Là, — dans le même argot [des voleurs]. Labago. Là-bas.

Rigaud, 1881 : Ici, — dans le jargon des voleurs.

Rossignol, 1901 : La.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Là.

Lago (saint-)

France, 1907 : La prison de Saint-Lazare.

Lago (saint)

Rigaud, 1881 : La prison de Saint-Lazare.

Lagout

Halbert, 1849 : Eau à boire.

Rigaud, 1881 : Eau, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Eau à boire.

France, 1907 : Eau à boire. Écrit à tort ainsi, au lieu de l’agout, du provençal agua, eau.

Laideron

d’Hautel, 1808 : Mot injurieux et piquant, que l’on donne à une demoiselle extrêmement laide, qui fait la hautaine, la prude, la belle et l’agréable.

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme fort laide, — dans l’argot des bourgeois, dont l’esthétique laisse beaucoup à désirer. On dit aussi Vilain laideron, — quand on veut se mettre un pléonasme sur la conscience.

Laigre

Rigaud, 1881 : Fête, foire.

Hayard, 1907 : Foire.

Laigue

Ansiaume, 1821 : Foire ; marché.

C’est un pègre de laigue, il n’est bon à autre chose.

Lain

France, 1907 : Liqueur très piquante que les Siamois composent avec du riz et de la chaux. Les Européens y ajoutent du sucre et de la cannelle. Cette liqueur, qu’on laisse fermenter au soleil, est plus capiteuse que le vin. On l’appelle aussi vaque.

Laine

d’Hautel, 1808 : Des tireurs de laine. Voleurs qui détroussent les passans la nuit dans les rues.

Vidocq, 1837 : s. m. — Mouton.

Larchey, 1865 : Mouton (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Ouvrage, — dans l’argot des tailleurs.

Rigaud, 1881 : Drap, — dans le jargon des tailleurs. Avoir de la laine, avoir de l’ouvrage.

La Rue, 1894 : Ouvrage.

France, 1907 : Ouvrage ; argot des tailleurs. On appelait autrefois laine tout vêtement en général, d’où tire-laine, voleur d’habit.

Lainé

Delvau, 1866 : s. m. Mouton, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Mouton.

Laïque

France, 1907 : Nom donné aux nouvelles écoles communales.

Quand je sortis d’la laïque,
Maman, plein’ d’émotion,
M’dit : Va falloir, Angélique,
T’chercher un’ position.
Tout’s les femm’s dans not’ famille
Pour vivre ont dû travailler ;
Faut les imiter, ma fille :
Il s’agit d’te débrouiller.

(Georges Gillet)

Laïque (la)

Fustier, 1889 : L’école laïque.

Ya pas classe à la laïque, tantôt, puisque tu es d’enterrement, emmène donc le gossinet ; Ça l’amusera c’t’enfant.

(Petite République française, février 1887)

Laisser

d’Hautel, 1808 : Il y a des gens qui prennent tout, mais lui ne laisse rien. Antithèse, jeu de mots trivial et vulgaire. Pour dire qu’un homme est égoïste, qu’il aime à prendre partout ses aises, sans s’inquiéter des besoins des autres.
C’est à prendre ou à laisser. Manière pressante de mettre le marché à la main ; ne pas souffrir que l’on marchande sur quelque chose.
Laisser ses os ou ses bottes dans un lieu. Pour y perdre la vie ; y mourir.
Je lairai, tu lairas, etc. Se dit par syncope pour je laisserai, tu laisseras, etc. Manière vicieuse de parier, fort usitée parmi le peuple.

Laisser à la traîne

Ansiaume, 1821 : Oublier quelque chose.

Mon lingre et le bastringue sont à la traîne.

Laisser aller (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. N’avoir plus d’énergie, s’habiller sans goût et même sans soin ; se négliger. Argot du peuple.

Laisser aller le chat au fromage

Delvau, 1866 : Perdre tout droit à porter le bouquet de fleurs d’oranger traditionnel. L’expression est vieille, — comme l’imprudence des jeunes filles. Il y a même à ce propos, un passage charmant d’une lettre écrite par Voiture à une abbesse qui lui avait fait présent d’un chat : « Je ne le nourris (le chat) que de fromages et de biscuits ; peut-être, madame, qu’il n’était pas si bien traité chez vous ; car je pense que les dames de *** ne laissent pas aller le chat aux fromages et que l’austérité du couvent ne permet pas qu’on leur fasse si bonne chère. »

France, 1907 : Se dit d’une fille qui se laisse prendre ce qu’elle ne peut donner qu’une fois… et continue.

Laisser aller son chat au fromage

Delvau, 1864 : Se laisser foutre par un homme.

Dites-moy, et ne mentez point,
Vous êtes-vous laissée aller ?

(Farces et Moralités)

La fille a laissé aller le chat au fromage si souvent que l’on s’est aperçu qu’il fallait rélargir sa robe.

(Variétés hist. et littér.)

Laisser de ses plumes

Delvau, 1866 : v. a. Perdre de l’argent dans une affaire ; ne sortir d’un mauvais pas qu’en finançant.

France, 1907 : Perdre de l’argent dans une entreprise, une affaire quelconque.

Laisser en plan

Larchey, 1865 : Abandonner.

Et cet animal de barbier qui me laisse en plan.

(Cormon)

Laisser faire (se)

Delvau, 1864 : Consentir, quand on est femme et un peu amoureuse, à ce qu’un homme qui bande raide vous trousse, vous écarte les cuisses et vous baise.

Qui ne voulant perdre son temps,
Et craignant de mourir pucelle,
Se le laissa faire à dix ans.

(Collé)

Après, elle lui laissa tout faire.

(Tallemant des Réaux)

Chevaucher simplement une femme qui se laisse faire et que la honte ou la froideur empêchent de passer outre dans la recherche du plaisir, c st une satisfaction commune.

(Mililot)

Laisser fuir son tonneau

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des marchands de vin.

France, 1907 : Mourir.

Laisser mener par le bout du nez (se)

France, 1907 : N’avoir nulle volonté ; se laisser conduire.
Cette expression est fort ancienne et vient des Grecs qui disaient : Se laisser mener par le nez comme un buffle. En effet, aucun buffle ne devait traverser une ville sans un anneau ou une barre de fer passée dans le museau, ce qui le tenait en respect et le rendait docile à la main qui le conduisait, fût-ce celle d’un enfant. On en use d’ailleurs de même aujourd’hui pour les taureaux que l’on conduit au marché ou à l’abattoir.

Laisser pisser le mérinos

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas se hâter ; attendre patiemment le résultat d’une affaire, d’une brouille, etc. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Savoir attendre le moment favorable. Attendre patiemment le résultat d’une affaire.

La Rue, 1894 : Ne pas se bâter, attendre le résultat d’une affaire pour en profiler.

Laisser pisser le mérinos ou le mouton

France, 1907 : Attendre patiemment le résultat d’une affaire.

Il ne faut qu’un rien pour faire sortir le populo de ses gonds !
Qui nous dit que ce que certains qualifient d’avachissement et d’abrutissement n’est pas du recueillement ?
Quand le lion, avant de sauter sur sa proie, s’aplatit et rase le sol, celui qui ne le verrait qu’ainsi conclurait que cet animal est un taffeur, qu’il se fait petit pour s’effacer et se cacher…
Il n’en est rien, pourtant !
Done, que les écœurements de l’heure présente ne nous découragent pas ; faisons notre turbin de propagande, éparpillons les idées aux quatre vents et laissons pisser le mouton.

(Père Peinard)

Laisser pisser le mouton

Rossignol, 1901 : Ne pas se faire de mauvais sang, laisser aller les choses.

Laissez pisser le mouton, chaque chose vient à son temps.

Laisser ses bottes

France, 1907 : Mourir.

Laisser ses bottes quelque part

Delvau, 1866 : v. a. Y mourir, — dans l’argot du peuple.

Laisser tomber son pain dans la sauce

Delvau, 1866 : S’arranger de manière à avoir un bénéfice certain sur une affaire ; montrer de l’habileté en toute chose.

France, 1907 : Manœuvrer de façon à retirer un profit.

Laisser tomber une perle

Virmaître, 1894 : Ces perles-là ne pourraient guère se mettre aux oreilles des dames car elles n’ont pas le parfum de celles de la gazelle (Argot du peuple). V. Pousser sa moulure.

Rossignol, 1901 : Léger bruit venant des entrailles.

France, 1907 : « Ces perles-là, dit Charles Virmaître, ne pourraient guère se mettre aux oreilles des dames, car elles n’ont pas le parfum de celles de la gazelle. »

Laissez pisser le mérinos

Virmaître, 1894 : Ne vous tourmentez pas, laissez marcher les choses, elles vont bien. Autrefois on disait : Laissez pisser le mouton, ce qui est absolument la même chose (Argot du peuple).

Lait

d’Hautel, 1808 : Le vin est le lait des vieillards. Pour dire que cette liqueur, prise avec modération, ranime la vieillesse.
Vin sur lait rend le cœur gai. Se dit pour engager quelqu’un qui a déjeuné avec du lait, à boire un coup après.
Si on lui tordoit le nez, il en sortiroit du lait. Reproche que l’on fait à un jeune homme sans expérience, à un ignorant qui veut en remontrer à plus expérimenté que lui.
C’est sa vache à lait. Se dit d’une personne qui fournit à toutes les dépenses d’un prodigue, d’un dissipateur.

Delvau, 1866 : s. m. Encre, — dans l’argot des voleurs. Lait à broder. Encre à écrire. Lait de cartaudier. Encre d’imprimerie.

France, 1907 : Encre ; argot des voleurs. Lait à broder, lait de la vache noire, encre à écrire. Lait de cartaudier, encre d’imprimerie.

Lait (boire du)

La Rue, 1894 : Être content, heureux. Être applaudi, félicité.

France, 1907 : C’est, dans l’argot boulevardier, éprouver une grande et vive satisfaction en voyant ou entendant certaines choses. Un amant qui contemple amoureusement sa maîtresse ou qui entend vanter ses qualités boit du lait ; à plus forte raison quand il entend vanter les siennes propres.

À peine le couplet est-il chanté au milieu des applaudissements qu’il salue… Il boit du lait, comme on dit en style de théâtre.

(Mémoires de M. Claude)

Lait à broder

Vidocq, 1837 : s. f. — Encre.

Larchey, 1865 : Encre (id.) — Allusion ironique à la couleur de l’encre. V. Broder.

Rigaud, 1881 : Encre, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Encre. Dans les prisons, quand le lazagneur écrit une lettre pour un camarade, il dit qu’il se sert du lait à brodancher pour attendrir celui à qui on écrit. Brodancher pour broder. Encre est ici une figure, car souvent c’est le lait qui en sert. Dans les prisons on sait que toutes les lettres des détenus adressées à des parents ou à des amis passent par le greffe. Le greffier ou le directeur lit la lettre et si elle ne contient rien de contraire au règlement il la vise par ce signe : V. Le plus grand souci des prisonniers est d’éviter cette formalité gênante surtout si la lettre est adressée à un complice. Alors ils emploient le lait pour écrire entre les lignes écrites à l’encre. Pour cela il faut du lait écrémé et du papier non glacé, parce que l’écriture serait grasse, brillante et la supercherie serait apparente. Pour faire apparaître l’écriture il suffit de frapper fortement la lettre avec un chausson plein de poussière ; la poussière s’attache aux caractères qui deviennent lisibles. Autrefois dans les prisons on se servait d’oignons, mais le truc fut découvert, on n’en vend plus dans les cantines, tandis que l’on y trouve du lait (Argot des voleurs). N.

Lait à broder, lait de la vache noire

La Rue, 1894 : Encre.

Lait de vieillard

Delvau, 1866 : s. m. Vin, — dans l’argot du peuple, qui dit cela pour avoir le droit de téter jusqu’à cent ans.

France, 1907 : Vin.

Lait des vieillards

Rigaud, 1881 : Vin, s’il faut en croire les vieux ivrognes.

Laité

d’Hautel, 1808 : Une poule laitée. Pour dire un homme foible, efféminé, qui ne met aucune vigueur dans ses actions.

Laïus

Larchey, 1865 : Discours.

Dans le dialecte de l’École polytechnique, tout discours est un laïus, depuis la création du cours de composition française en 1804. L’époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent des laïus.

(La Bédollière)

Pour les officiers sortant de Saint-Cyr, le laïus est un broutta, du nom d’un professeur de l’École, doué d’une certaine facilite d’élocution. Ce qui a fait le verbe broutasser et le substantif broutasseur.

(De Vauvineux)

Delvau, 1866 : s. m. Discours quelconque, — dans l’argot des Polytechniciens, chez qui ce mot est de tradition depuis 1804, époque de la création du cours de composition française, parce que le sujet du premier morceau oratoire à traiter par les élèves avait été l’époux de Jocaste. Piquer un Laïus. Prononcer un discours. Les Saint-Cyriens, eux, disent Brouta (du nom d’un professeur de l’École), broutasser et broutasseur.

France, 1907 : Composition française et, par extension, discours ; argot des Écoles militaires, Polytechnique, Saint-Cyr, La Flèche.
Cette locution vient — disent MM. Albert Lévy et G. Pinet — de la fidélité rare avec laquelle le professeur de littérature Arnault revenait souvent sur Œdipe et sur les malheurs de Laïus, roi de Thèbes. « Allons, bon ! se disait-on, aussitôt que la leçon commençait, roulant toujours sur les tragédies grecques, voilà le Laïus qui recommence. » Et le mot est resté.
Arnault, de l’Académie française, occupait la chaire de littérature à l’École polytechnique, de 1830 à 1834. Le mot ne date donc pas de 1804, comme l’écrivait de La Bédollière.

Ce qu’il marmotte entre ses dents, c’est le petit laïus qu’il a pignoché la veille et qu’il appris par cœur. Mais, comme le brave homme a la mémoire rebelle, il a eu soin de transcrire ledit laïus et, de temps en temps, il tire de sa poche on morceau de papier qu’il examine attentivement.

(La Nation)

Faire un discours, c’est pousser ou piquer un laïus.

Pour mes adieux au fauteuil présidentiel, n’est-il pas convenable que je leur pousse aussi mon petit laïus, à mes chers « pays » ? Que pourrais-je bien leur raconter ?

(Le Journal)

Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent leur laïus.

(Émile de La Bédollière)

Laïus (sécher le)

Rigaud, 1881 : Ne pas se donner la peine de faire le discours dont le sujet a été donné par le professeur, — dans le jargon des Écoles.

Laize

Rossignol, 1901 : Femme prostituée.

Lama (grand)

Fustier, 1889 : Chef, maître suprême.

Le grand lama est arrivé hier soir. Pendant que M. Raynal se couchait, affolé par les toasts et les feux d’artifice à Montauban, M. Ferry débarquait à Cahors.

(Figaro, avril 1884)

Lambère

anon., 1907 : Argent.

Lambert

Delvau, 1866 : Nom qu’on donne, depuis l’été de 1864 à toute personne dont on ignore le nom véritable. Appeler Lambert. Se moquer de quelqu’un dans la rue.

Lambert (ohé) ! As-tu vu Lambert ?

Rigaud, 1881 : Apostrophe, cri, scie qui s’est produit pour la première fois le 15 août 1864, le jour de la fête de Napoléon III. Du bout d’une rue à l’autre, sur les impériales des omnibus, dans les gares, dans les wagons, on n’entendait que le cri de : Ohé Lambert ! As-tu vu Lambert ? Cela dura trois ou quatre mois. Depuis on a passé à d’autres exercices. — Étymologie : Une femme de la campagne, venue à Paris pour la fête du 15 août, perdit ou égara, au débarcadère du chemin de fer de l’Ouest, son mari qui s’appelait Lambert ; et, pendant plus d’un quart d’heure, on entendit cette épouse éplorée demander à tous les échos : « Lambert ! » Les détracteurs de l’Empire prétendirent que le mot était un mot d’ordre venu de la rue de Jérusalem, et mis en circulation par la police, à la seule fin de distraire le peuple des idées politiques, dont on trouvait, aux Tuileries, qu’il s’occupait un peu trop.

Lambiasse

France, 1907 : Haillons.

Lambick

France, 1907 : Bière belge. Voir Faro.

Lambin

d’Hautel, 1808 : Nom piquant que l’on donne à un homme indolent, paresseux, et qui est d’une lenteur extrême dans toutes ses actions.

Delvau, 1866 : s. et adj. Paresseux, flâneur, — dans l’argot du peuple. Il emploie ce mot depuis très longtemps, trois siècles à peu près, si l’on en croit le Dictionnaire historique de M. L.-J. Larcher, qui le fait venir de Lambin, philosophe français, « lent dans son travail et lourd dans son style ». Signifie aussi hésitant.

Lambiner

d’Hautel, 1808 : Agir mollement et avec nonchalance.

Delvau, 1866 : v. n. Hésiter à faire une chose, à prendre un parti ; flâner.

Lambinerie

d’Hautel, 1808 : Lenteur, nonchalance, tatillonnage que l’on apporte dans une affaire.

Lame

d’Hautel, 1808 : Une bonne lame ; une fine lame. Pour dire une femme adroite, fine et rusée.
On dit aussi d’un bon tireur d’armes, d’un soldat vaillant et courageux, que c’est une bonne lame.

Delvau, 1866 : s. f. Tombeau, — dans l’argot des romantiques, qui avaient ressuscité les vieux mots des poètes du XVIe siècle. Être couché sous la lame. Être mort.

Hayard, 1907 : Couteau.

Lame (vieille)

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié entre anciens militaires.

France, 1907 : Vieux camarade ; argot militaire.

Lame use le fourreau (la)

France, 1907 : Se dit à propos des personnes dont l’activité d’esprit use le corps, comme une lame qu’on entrerait et sortirait souvent de son fourreau. Hugo dit dans les Orientales, en parlant d’une jeune fille :

Son âme avait usé son corps.

Lamesque

France, 1907 : Terre glaise ; de l’espagnol lama, limon, boue.

Lamine

Delvau, 1866 : n. de l. Le Mans, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Le Mans, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Le Mans.

Lampade

France, 1907 : Quantité de liquide avalée d’un trait.

Lampagne du cans

France, 1907 : Campagne.

Lampas

Rigaud, 1881 : Gosier, gosier d’ivrogne dont la vocation est de lamper.

France, 1907 : Gosier : de lamper, boire. « S’arroser le lampas. »

À bout de salive, les musiciens s’étaient disséminés dans les cafés d’alentour et s’y humectaient largement le lampas pour se donner des forces nouvelles, tandis que des connaissances entrées avec eux embouchaient leurs instruments et s’efforçaient d’en tirer des notes.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Lampe

Delvau, 1866 : s. f. Verre à boire, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Canon.

France, 1907 : Le repas ; vieil argot, de lamper.

France, 1907 : Verre à boire ; argot maçonnique.

Lampe (il n’y a plus d’huile dans la)

Rigaud, 1881 : Il est bien près de la mort, il n’a plus de forces. Il s’éteint comme une lampe, à laquelle l’huile manque.

Lampe bleue (la petite)

France, 1907 : L’œuvre de l’Hospitalité de nuit, appelée ainsi à cause de la lampe à verres bleus qui désigne le gite aux miséreux. L’expression pour caractériser cette hôtellerie où l’on a droit à trois nuits d’hospitalité seulement est de M. E. Caro ; elle est des plus heureuses, aussi est-elle restée.

La petite lampe bleue ! C’est ainsi, en effet, qu’elle se signale, sitôt la nuit close, quand la clientèle arrive, toujours trop nombreuse, hélas ! et quand les portes de l’admirable auberge gratuite se ferment forcément, pour cause de pléthore. Il y a plus de vagabonds, dans la grande ville, qu’il n’y a de places dans les quatre établissements de l’œuvre, obligés, tous les soirs de refuser du monde. Mais enfin, cela dure, sans bruit, sans tapage, faisant de la besogne salutaire, grâce à un concours qui ne se dément pas. Un abri pendant quelques nuits, des vêtements pour ceux qui n’en ont pas et aussi quelque nourriture réconfortante pour les plus malheureux, telle est la triple mission que des gens de cœur se sont donnée et qu’ils accomplissent avec un dévouement sans lacune et sans bornes.

(Charles Canivet, Le Soleil)

Lampe-à-mort

Rigaud, 1881 : Ivrogne endurci, ivrogne que rien ne peut désaltérer.

France, 1907 : lvrogne.

Lampée

d’Hautel, 1808 : Une lampée. Terme d’ivrogne qui signifie un grand verre de vin.
Boire tout d’une lampée. Avaler un verre de vin d’un seul trait.

Delvau, 1866 : s. f. Grand coup de vin, — dans l’argot du peuple.

Lamper

d’Hautel, 1808 : Boire à grands coups, sabler, avaler tout d’un trait les verres de vin.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Boire abondamment. On disait, il y a deux siècles : Mettre de l’huile dans la lampe pour emplir un verre de vin.

France, 1907 : Boire à longs traits.

— Il lampa coup sur coup deux verres d’eau-de-vie et, se levant brusquement, se précipita sur moi, laissa tomber sa face empourprée dans ma chevelure, y mit d’ardents baisers, et comme je rejetais cette tendresse trop violente, il s’affala à mes pieds on m’enlaçant la taille.

(Louis de Caters, L’Amour brutal)

Il avait soif d’avoir bavardé tout le jour, toute la soirée, et il s’arrêta devant sa commode, se versa un verre d’eau que, d’un trait, il lampa.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Il fallut en passer par une tournée générale, et comme j’avais déjà fortement lampé au déjeuner, ma tête était très échauffée en sortant du mastroquet.

(Sutter-Laumann)

Lampeur

d’Hautel, 1808 : Un bon lampeur. Franc buveur ; homme qui vit continuellement dans la débauche et l’ivrognerie.

Lampie

Delvau, 1866 : s. f. Repas, — dans l’argot des voleurs.

Lampion

Halbert, 1849 : Sergent de ville.

Larchey, 1865 : Chapeau à cornes.

Je passe le pantalon du cipal et je coiffe le lampion.

(Bourget)

Larchey, 1865 : Œil. — Allusion à la flamme.

Si j’te vois faire l’œil en tirelire à ton perruquier du bon ton, Calypso, j’suis fâché d’te l’dire, Foi d’homme ! j’te crève un lampion.

(Chanson populaire)

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Bouteille. — Œil. — Chapeau. — Sergent de ville.

La Rue, 1894 : Chapeau. Œil. Bouteille. Gardien de la paix.

Hayard, 1907 : Verre d’eau-de-vie.

France, 1907 : Bouteille.

France, 1907 : Chapeau, à cause de sa forme.

France, 1907 : Gardien de la paix.

France, 1907 : Œil.

Si j’te vois fair’ l’œil en tir’lire
À ton perruquier du bon ton,
Irma, j’suis fâché de te l’dire,
Foi d’homme, j’te crève un lampion !

(Chanson populaire)

Lampion rouge

Fustier, 1889 : Poste de police. Allusion aux réverbères à vitres rouges qui indiquent les postes et les commissariats de police.

France, 1907 : Poste de police.

Lampions

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux, — dans l’argot des faubouriens.

Si j’te vois fair’ l’œil en tir’lire
À ton perruquier du bon ton,
Calypso, j’suis fâché d’te l’dire,
Foi d’homme ! j’te crève un lampion !

dit une chanson qui court les rues. Lampions fumeux. Yeux chassieux.

Lampistron

Virmaître, 1894 : Lanterne. Vient de lampiste, c’est le mot déformé (Argot des voleurs), V. Brulotte. N.

Hayard, 1907 : Lanterne.

France, 1907 : Lanterne ; de lampiste.

Lampistron, sourdoche

La Rue, 1894 : Lanterne.

Lance

d’Hautel, 1808 : Baisser sa lance. Rabattre de ses prétentions ; devenir humble et souple, de haut et fier que l’on étoit.
Être à beau pied sans lance. Être démonté, désarmé ; n’avoir plus d’équipages.

Ansiaume, 1821 : Eau.

J’ai bu son picton et rempli sa rouillarde de lance.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Eau.

Vidocq, 1837 : s. f. — Eau.

Clémens, 1840 : Eau, larme.

un détenu, 1846 : Eau pour boire.

Larchey, 1865 : Eau (Vidocq). — Pour désigner l’eau, on a fait allusion à son extrême fluidité ; on a dit la chose qui se lance. Dans Roquefort, on trouve lancière : endroit par où s’écoule l’eau surabondante d’un moulin. V. Mourir, Trembler.

Delvau, 1866 : s. f. Balai, — dans le même argot [des faubouriens].

Delvau, 1866 : s. f. Pluie, — dans l’argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l’argot des voleurs. À qui qu’il appartienne, il fait image.

Rigaud, 1881 : Eau. — Balai. Lancier du préfet, balayeur, cantonnier.

Merlin, 1888 : Pluie. — Il tombe des lances, il pleut. Expression empruntée à l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Eau. Pluie. Balai. Lanciers du préfet, Balayeurs.

Virmaître, 1894 : Eau, pluie.
— Il tombe de la lance à ne pas mettre un chien dehors.
Le peuple a emprunté ce mot à l’argot des voleurs.

Rossignol, 1901 : Eau.

Hayard, 1907 : Eau, pluie.

France, 1907 : Balai, à cause de son long manche.

France, 1907 : Eau.

— Je l’ai porté placidement sous la fontaine de la Maubert et je lui ai fait couler un petit filet de lance sur la tête, histoire de lui rafraîchir la coloquinte, en lui disant : Tiens, bois un coup de ça, pour te remettre ; mais, au lieu de boire, il a demandé du vin. Regardez-le gesticuler en montrant le poing à la fontaine.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Le richard, qui bourre d’avoine ses canassons quand ils ont quelques kilomètres de plus à faire, se fout comme d’une guigne que ses nègres tirent la langue et s’ingurgitent la lance bourbeuses des mares.

(Le Père Peinard)

Voici comment ils croûtent : le matin, ils bouffent un quignon et sirotent une infusion de chicorée ; à 1 heure, ils s’empiffrent de patates ; le soir, ils s’enfilent de la soupe et graissent leur pain d’un bout de lard gros comme une noisette. Si les pauvres gas ne sont pas trops à la côte, ils s’appuient une fricassée de pommes de terre dans une sauce au saindoux et à l’oignon.
Pour boisson, de la lance qui a passé sur l’infusion de chicorée dénommée café. Très rarement de la bière ou du cidre.

(Le Père Peinard)

Pivois sans lance, vin sans eau.

France, 1907 : Le pénis. Ce mot n’est plus guère employé dans ce sens.

France, 1907 : Pluie.

Profitant de l’expérience acquise par son aîné, le débutant aurait trouvé tout de suite, à la Villette ou à la Chapelle, une jeune personne qui lui aurait fait connaître les ivresses de l’amour, tout en lui permettant de passer des jours tissés de la plus douce fainéantise. Et le soir, au fond de l’assommoir, à l’abri des averses il aurait joué des « champoreaux » et des saladiers de vin chaud au zanzibar, pendant que l’innocente enfant aurait turbiné sous la lance.

(Laerte, Le Radical)

France, 1907 : Urine.

À été aussi ordonné que les argotiers toutime qui bieront demander la tune, soit aux lourdes ou dans les entiffes, ne se départiront qu’ils n’aient été refusés neuf mois, sous peine d’être bouillis en bran, et plongés en lance jusqu’au cou.

(Règlements des états généraux du Grande-Coëre)

Lancé

Larchey, 1865 : Gris.

Patara, au moins aussi lancé que le cheval, tapait sur la bête à tour de bras.

(Phys. du Matelot, 1843)

Larchey, 1865 : Rapide projection de la jambe.

Paul a un coup de pied si vainqueur et Rigolette un si voluptueux saut de carpe ! Les admirateurs s’intéressaient à cet assaut de lancés vigoureux.

(1847, Vitu)

Delvau, 1866 : adj. Sur la pente de l’ivresse, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. m. Effet de jambes, dans l’argot des bastringueuses.

Rigaud, 1881 : Légèrement pris de vin.

France, 1907 : Effet de jambes ; argot des bastringues.

À elle le pompon pour les lancés chics ! La jupe troussée jusqu’aux hanches, elle étalait la blancheur de son pantalon aux yeux du cipal ahuri.

(Les Joyeusetés du régiment)

Lance (de la)

M.D., 1844 : De l’eau.

Lance (la)

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on blesse agréablement les femmes, qui, toutes, adorent les lanciers. Une belle arme, la lance ! De beaux hommes, les lanciers !

Il dit qu’il était aussi bien fourni de lance que la femme de cul.

(Bonaventure Desperriers)

Et m’ayant montré sa lance, qui était droite, il me prit à force de corps et me coucha à la renverse sur le lit.

(Mililot)

Lance de saint Crépin

Delvau, 1866 : s. f. Alène, — dans l’argot du peuple, qui sait que saint Crépin est le patron des cordonniers.

France, 1907 : Alène, saint Crépin étant le patron des cordonniers.

Lance l’eau

La Rue, 1894 : Pompier.

Lance-l’eau

France, 1907 : Pompier.

Lance, lansquiner

anon., 1907 : Eau. Il pleut.

Lancefé

Rossignol, 1901 : Conciergerie où vont les condamnés qui font appel.

Lancequine, lansquine

France, 1907 : Pluie, averse.

— Si l’on t’entend crier, me disait-il, je te tue ; si tu ne dis rien, je donnerai de l’argent à tes parents et je les protégerai.
— Qu’est-ce qu’il leur a donné à tes auteurs !
— Quatre bons de pain qu’il m’a donnés pour eux, en me mettant à terre au coin d’une rue noire, et puis, fouette cocher ! Je ne l’ai jamais revu. Depuis ce temps, j’ai plus de goût à rien ; j’ai fait que poiroter sous les lansquines en battant mon quart…

(Louise Michel, Les Microbes humains)

Lancequiner

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Hayard, 1907 : Pleuvoir.

Lancequiner (il va)

Halbert, 1849 : Il va pleuvoir.

Lancequiner, lansquiner

Rigaud, 1881 : Pleuvoir. — Pleurer. — Uriner.

France, 1907 : Pleuvoir.

Ah çà ! pleut-i’ pas ou c’qu’i pleut ?…
Sûr i’ pleut !… j’parie eun’ chopine,
I’ fait si tell’ment noir qu’on peut
Pas seul’ment voir si i’ lanc’quine.

(Aristide Bruant)

Lancer

Halbert, 1849 : Pisser.

Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Uriner.

Lancer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. De timide devenir audacieux auprès des femmes. Argot des bourgeois.

Lancer son prospectus

Rigaud, 1881 : Jouer de la prunelle, faire entrevoir sous le feu des prunelles tout un monde de voluptés, — dans le jargon des filles.

France, 1907 : Distribuer des œillades pleines de tromperies et de promesses comme les prospectus des marchands.

Lancer une femme

Rigaud, 1881 : Produire une femme dans le monde où l’on s’amuse. La lancer sur le chemin de la fortune, la mettre à la mode. Les gandins prononçaient et les gommeux prononcent : Je la lince. Une femme lancée est une femme qui occupe un certain rang dans la prostitution dorée, un des premiers sujets du monde galant. « Bientôt on la fêtera, on viendra verser à ses pieds les richesses du Potose ; on l’habillera de soie, on emplumera son chapeau… Alors elle sera lancée. » (Les Filles d’Hérodiade, 1845)

Lanceur

Delvau, 1866 : s. m. Libraire qui sait vendre les livres qu’il édite, — dans l’argot des gens de lettres. Bon lanceur. Éditeur intelligent, habile, qui vendrait même des rossignols, — par exemple Dentu, Lévy, Marpon, etc. Le contraire de lanceur c’est Étouffeur, — un type curieux, quoiqu’il ne soit pas rare.

France, 1907 : Homme d’affaires habile. Libraire où éditeur qui sait vendre, qui fait de la réclame autour d’un livre ; argot des gens de lettres. « Le contraire de lanceur — dit Alfred Delvau — est étouffeur, un type curieux, quoi qu’il ne soit pas rare. »

Lanceuse

Delvau, 1866 : s. f. Lorette vieillie sous le harnois, qui sert de chaperon, et de proxénète, aux jeunes filles inexpérimentées, dont la vocation galante est cependant suffisamment déclarée.

France, 1907 : Vieille femme qui a passé l’âge des amours et qui s’occupe de produire de jolies filles, leur sert de chaperon pour les lancer dans la carrière du vice.

Lancier

d’Hautel, 1808 : Un chaud lancier. Un fanfaron ; un hâbleur, qui se vante d’actions qu’il n’a pas faites.

Lancier du préfet

Delvau, 1866 : s. m. Balayeur, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Balayeur. Allusion au long manche du balai qui ressemble à celui de la lance des lanciers (Argot du peuple).

France, 1907 : Balayeur des rues.

Après la cérémonie bondieusarde, au lieu d’aller prendre les instruments qui leur ont fait donner le surnom de lanciers du préfet et de se mettre à faire la toilette de la voie, les insatiables cantonniers allèrent continuer la fête religieuse au siège de leur société, sans négliger toutefois d’y mélanger quelques distraction profanes.
À chaque signe de croix, il paraît que l’on buvait un coup.

(L. Sourdillon)

Dans l’argot de l’École de cavalerie, le lancier du préfet est le commissionnaire.

Les maîtres d’hôtel défilèrent d’abord. Puis les cafetiers, les loueurs de voitures, les bijoutiers, les libraires, les artistes capillaires ; enfin la noble corporation des commissionnaires et que nous appelions les lanciers du préfet. Ce sont eux qui portent les billets doux à ces dames, et vous donnent toutes les indications nécessaires ; de plus, ils sont électeurs.

(Théo-Critt, Nos Farces à Saumur)

Lancière

Vidocq, 1837 : s. f. — Boutique de foire. Terme des marchands forains et des voleurs de Campagne.

Lanciers

Delvau, 1866 : s. m. pl. Quadrille à la mode il y a une dizaine d’années. Danser les lanciers. Danser ce quadrille.

Lanciers (danser les)

Larchey, 1865 : « Quant à cet inévitable quadrille des lanciers, je ne vous dissimule pas qu’il commence à m’agacer cruellement le système nerveux. » — Alb. Second, 1857. — V. œil ! (Mon).

Lanciner

Fustier, 1889 : Ennuyer. Lancinant, ennuyeux.

La Rue, 1894 : Ennuyer.

France, 1907 : Agacer, ennuyer.

Lançon

France, 1907 : Élancement, douleur subite et aiguë, mais de peu de durée. Quand le temps va changer, les cors aux pieds donnent des lançons.

France, 1907 : Sorte de petit éperlan aux reflets argentés qui se pêche sur les côtes de Bretagne. Il est d’une chair délicate, mais ne supporte pas le transport.

Landau

Rigaud, 1881 : Hotte de chiffonnier.

France, 1907 : Couvert de landes, landeux.

Landau à baleines

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parapluie.

Rigaud, 1881 : Parapluie.

Comme si une poupée et un landau à baleines c’était pas la même chose ! Tous les deux se retournent et vous lâchent quand il fait mauvais.

(Huysmans, Marthe)

France, 1907 : Parapluie.

Quand on voit des pékins qui se balladent avec leurs pépins et s’empêtrent les uns dans les autres, on s’écrié : « Attention ! V’là un encombrement de landaus à baleines ! »

(La Langue verte du troupier)

Landé

France, 1907 : Chenet.

Landeau à baleines

Bras-de-Fer, 1829 : Parapluie.

Landernau

Delvau, 1866 : n. de l. Ville de Bretagne située entre la Madeleine et la porte Saint-Martin, — dans l’argot des gens de lettres, qui ne se doutent peut-être pas que l’expression est octogénaire. Il y a du bruit dans Landernau. Il y a un événement quelconque dans le monde des lettres ou des arts.

Landerneau (il y a du bruit dans)

France, 1907 : Se dit d’un événement insignifiant ou de peu d’importance qui néanmoins excite les commentaires et fait aller des langues des désœuvrés et des commères. Mme de Sévigné s’est servie de cette expression, car, parlant d’un évènement destiné à exciter les potins et les commérages, elle disait ironiquement : « Cela fera du bruit dans Landerneau. » Landerneau, actuellement chef-lieu de canton au fond de la Bretagne, représentait à ses yeux le type de ces petites villes de province oisives et cancanières où l’on n’a d’autre préoccupation que de se mêler des affaires du prochain. Mais ce n’est que depuis la vogue d’une pièce de A. Duval, Les Héritiers, parue eu 1810, où la phrase « Il y aura du scandale dans Landerneau » revient plusieurs fois, que cette expression est devenue proverbiale.

Landier

d’Hautel, 1808 : (gros chenet de fer). Il est froid comme un landier. Se dit d’un homme sec et flegmatique.

Vidocq, 1837 : s. m. — Commis de l’octroi, employé aux barrières.

Halbert, 1849 : Blanc.

Delvau, 1866 : s. m. Employé de l’octroi, — dans l’argot des voleurs, qui ont conservé le souvenir du Landit de Saint-Denis.

Rigaud, 1881 : Préposé de l’octroi.

La Rue, 1894 : Employé de l’octroi. Blanc.

Virmaître, 1894 : Employé de l’octroi. Autrefois, lorsque la foire du landit battait son plein, toutes les marchandises devaient payer un droit fixe, des employés étaient préposés pour le percevoir ; les fraudeurs nombreux les nommaient les landiers. Dans le peuple, on dit des gabelous, en souvenir de la gabelle (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Douanier.

France, 1907 : Employé de l’octroi ; argot des voleurs, réminiscence de la foire du Landit de Saint-Denis.

Landière

Delvau, 1866 : s. f. Boutique de marchand forain.

Rigaud, 1881 : Boutique foraine. En souvenir de la célèbre foire du landit qui se tenait à Saint-Denis.

La Rue, 1894 : Boutique de forain.

Virmaître, 1894 : Boutique de marchand forain. Ce mot est également un souvenir de la célèbre foire du landit où les escholiers de la rue du Fouarre allaient en procession s’approvisionner de papier. Une chronique du temps dit que la tête de la colonne était à la Plaine-Saint-Denis, alors que la queue était encore sur le parvis Notre-Dame (Argot des forains).

Hayard, 1907 : Baraque de forain.

France, 1907 : Boutique de forain.

Landreux

Vidocq, 1837 : s. m. — Personnage infirme ou qui traîne une vie languissante.

(Villon)

Rigaud, 1881 : Infirme, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Invalide.

Landsturm

France, 1907 : Nom donné en Allemagne et en Suisse à la levée en masse de tous les hommes en état de porter les armes ; de land, pays, et sturm, tocsin.

Landwehr

France, 1907 : Nom donné en Allemagne à une partie de la population appelée à servir d’auxiliaire aux troupes en cas de guerre ; de land, pays, et wehr, défense.

Alors que nous n’avions que l’armée active, — car je ne compte pas la mobile qui n’était à ce moment qu’une fantaisie, et la garde nationale qui n’existait que pour rire — la Prusse ayant, elle, sa landwehr sérieuse, sa landsturm prête à entrer en ligne.
Landwehr et Landsturm étaient disséminées un peu partout… Le capitaine Fitreman était bottier rue de la Paix, à Paris ; le lieutenant Sanfans était marchand de vins à Belleville ; le caporal Shobig était balayeur municipal ; le sergent Sudelkock était cuisinier dans un grand restaurant du boulevard.

(Hogier-Grison, La Police)

Langouste

Fustier, 1889 : Argot du peuple. Chaussettes.

Languard

d’Hautel, 1808 : Pour, babillard, hâbleur, qui a plus de langue que d’effet.

France, 1907 : Bavard ; vieux mot.

Languard, e

Delvau, 1866 : adj. et s. Bavard, bavarde, mauvaise langue, — dans l’argot du peuple. Le mot sort des poésies de Clément Marot.

Langue

d’Hautel, 1808 : C’est une belle chose que la langue. Se dit par mépris en parlant d’un fanfaron, d’un pédant qui, à dessein de rabaisser les autres, se vante de faire ce dont il n’est pas capable.
S’il en avoit autant sur le bout de la langue, il ne parleroit si à son aise. Voy. Bout.
Marie quatre langues. Sobriquet offensant que l’on donne à une commère, à une femme qui s’occupe sans cesse de divulguer les secrets des autres.
Il n’a pas sa langue dans sa poche. Se dit d’un homme loquace et babillard, qui manie bien l’instrument de la parole.
Une méchante langue, une langue de vipère. Celui qui dit du mal de tout le monde.
Tirer la langue d’un pied de long. Être dans la nécessité, dans l’extrême besoin.
Avoir la langue longue. Ne pouvoir garder un secret.
Mince comme la langue d’un chat. Se dit par mépris d’une chose de peu de valeur.
Il n’aura jamais assez de langue pour le restant de ses jours. Se dit d’un parleur éternel, qui babille à tort et à travers.
Avoir la langue grasse. Au figuré, tenir des propos obscènes.
Avoir la langue bien pendue. S’exprimer avec précision et facilité.
Il lui a donné du plat de la langue. Pour, il l’a enjôlé par ses beaux discours.
La langue lui a fourché. Pour, il a dit quelque chose contre son intention.
Qui langue a, à Rome va. Signifie qu’avec le don de la parole, on peut se frayer les chemins les plus difficiles.
Il a la langue bien affilée. Se dit d’un diseur de riens, d’un homme fort indiscret.
Un coup de langue est pire qu’un coup de lance. L’un est du moins souvent aussi dangereux que l’autre.
Voilà une langue qui n’a jamais menti. Plaisanterie usitée lorsqu’on sert sur table la langue de quelqu’animal.

Langue (avaler sa)

Larchey, 1865 : Mourir. V. Claquer.

Langue (rouler sa)

France, 1907 : Mourir.

Langue aux chiens (jeter sa)

France, 1907 : Renoncer à deviner.

Langue de chat

Virmaître, 1894 : Petit morceau de savon très mince, en forme de langue de chat, que les vagabonds portent constamment dans leur poche. On nomme aussi langue de chat, une sorte de petit gâteau sec que l’on mange en buvant du thé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Petit morceau de savon très mince, en forme de langue de chat, que les vagabonds portent constamment dans leur poche. » (Ch. Virmaître)
Petit gâteau sec, mince et allongé.

Langue de la Pentecôte

France, 1907 : Langue de femme, c’est-à-dire langue de feu. Allusion au jour de la Pentecôte où, d’après les Écritures, le Saint-Esprit descendit en langues de feu sur les disciples de Jésus-Christ et leur communiqua ainsi le don des langues pour les mettre en état d’aller prêcher l’Évangile chez tous les peuples de la terre.

La glose — dit à ce sujet M. Quitard — nous avertit qu’il ne faut pas conclure de ce proverbe que tout ce que disent les femmes soit parole d’évangile, car les langues envoyées par l’Esprit saint ne descendirent pas sur elles, et celles qu’elles ont n’en sont que des contrefaçons faites par l’esprit malin. L’abbé Guillon disait, en usant d’une expression tirée d’un proverbe fort connu : « L’enfer est pavé de langues de femmes. »

Les dictons sur la langue des femmes sont fort nombreux ; citons-en quelques-uns :

— La langue des femmes est leur épée, et elles ne la laissent pas rouiller.
— La langue des femmes ne se tait pas, même lorsqu’elle est coupée.
— À femme trépassée, il faut tuer la langue en particulier.
— La rage du babil est-elle donc si forte
Qu’elle doive survivre en une langue morte ?
— Les femmes portent l’épée dans la bouche, c’est pourquoi il faut frapper sur la gaine. (Ce proverbe brutal nous vient des Allemands.)
— Les femmes sont faites de langue comme les renards de queue.
— Coup mortel git en langue de femme.
— Il se peut que sans langue une femme caquette,
Mais non qu’en ayant une elle reste muette.

Langue de vache

France, 1907 : Scabieuse des champs.

Langue des Dieux (la)

Delvau, 1866 : La poésie, — dans l’argot des académiciens, dont cependant les vers n’ont rien de divin.

Langue exercée

Delvau, 1864 : Qui possède à fond la science du gamahuchage soit pour femmes soit pour hommes.

Dit à Sophie, à la langue exercée,
De démontrer sur Édile Reynier
Comment on fait l’amour au gynécée
Et sur quel rythme il le faut pratiquer.

(J. Duflot)

Langue fourrée

Rigaud, 1881 : Allusion libertine au coup fourré de l’escrime et appliquée au langage de l’amour. En latin, lingua duplex, id est quum in basiis lingua linguæ promiscetur.

France, 1907 : Acte que les prudes mâles et femelles nomment obscènes, mais qu’ils accomplissent en cachette quand ils le peuvent. C’est ce que l’historien Gibbon nous rapporte que le fondateur de l’islamisme faisait à sa fille, la belle Fathma, quand il avait envie d’éprouver les joies du Paradis : « Ingero linguam meam in os ejus. »

Langue verte

Delvau, 1866 : s. f. Argot des joueurs, des amateurs de tapis vert. Il y a, dans les Nuits de la Seine, drame de Marc Fournier, un professeur de langue verte qui enseigne et pratique les tricheries ordinaires des grecs. Le sens du mot s’est étendu : on sait quel il est aujourd’hui. Langue verte ! Langue qui se forme, qui est en train de mûrir, parbleu !

Rigaud, 1881 : Argot des tricheurs, langue irrégulière, bas langage. Tantôt verte comme une pomme au mois d’août, tantôt verte comme un gibier trop faisandé.

France, 1907 : Nom donné primitivement à l’argot des joueurs à cause du tapis des tables de jeu, ordinairement vert. C’est, depuis le Dictionnaire de Delvau, l’argot en général. Ainsi le professeur de langue verte était un joueur ruiné, offrant ses conseils, et non un maître d’argot.

Langues (faire une ou des)

Delvau, 1864 : Introduire plus ou moins profondément sa langue dans la bouche d’une femme lorsqu’on est homme, d’un homme lorsqu’on est femme, ce qui donne un avant-goût du plaisir que l’on va goûter tout à l’heure en foutant. On dit aussi : faire langue fourrée.

Il lui fait une langue prolongée.

(H. Monnier)

Puis, lorsqu’on a dormi, l’haleine est si mauvaise,
Que, pour faire une langue, on n’est pas à son aise.

(Louis Protat)

Languier, linguier

France, 1907 : Pièce d’orfèvrerie que l’on plaçait sur les tables et qui supportait des langues de serpent. On mangeait ces langues comme une sorte de hors-d’œuvre, auxquels on attribuait la vertu de déceler le poison. Les linguiers ne furent abandonnés qu’au XVe siècle.

Languilleur

Fustier, 1889 : « Joseph deux fois par semaine, exerce au marché de la Villette la profession peu connue de languilleur. Le languilleur est l’homme auquel on amène, avant de les tuer, les cochons vivants. Il les empoigne par le cou et les serre jusqu’à ce qu’ils tirent la langue. Il la saisit et y cherche une tache qui, si elle existe, prouve que la bête n’est pas saine et doit être refusée par les bouchers. »

(Paris-Journal, 1882)

Languiner

Halbert, 1849 : Pleuvoir.

France, 1907 : Pleuvoir ; corruption de lansquiner.

Lanla landerirette

Delvau, 1864 : Refrain de couplets qui sert a gazer les gros mots. Il représente tantôt le vit, tantôt le con, etc., etc.

Auprès de sa jeune épouse,
Un mari peu complaisant
Dans une fureur jalouse
S’écria : Rien n’est plus grand
Que ton lanla landerirali
Que ton lanla landerira
À ce reproche la femme
De ce mari peu galant
Répondit ; Vilain infâme,
Que n’en puis-je dire autant
De ton lanla landerirette,
De ton lanla landerira !

(Anonyme)

Lanlaire (va te faire)

France, 1907 : Lanlaire est un mot de refrain de chanson. Lère, lan lère, lan la ! dans le Midi. Envoyer faire lanlaire c’est envoyer quelqu’un chanter, s’en débarrasser, en un mot, l’envoyer promener.

Au moins, avec une personne de leur sexe, la pudeur de ces dames ne courrait aucun péril. Mais, va te faire lanlaire ! cette femme médecin ne se mit-elle pas, dès ses débuts, sur le pied d’examiner, ou plutôt de vouloir examiner à fond — passer au spéculum — toutes ses clientes, à mesure qu’elles venaient la trouver.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Oui ! mais va te faire lanlaire, Boulange a cassé sa pipe, illico un concurrent se fout en ligne et fait un chabanais des cinq cents diables pour devenir le marlou à la mode.

(Le Père Peinard)

Lanron brutal

Ansiaume, 1821 : Pain bis.

Demain du brutal et de la lance jusqu’à la paye.

Lanscailler, lansquailler

France, 1907 : Se soulager les entrailles du produit de la digestion.

Lansq

Larchey, 1865 : Partie de lansquenet.

Cette espèce de cornichon qui l’a dansé de 1,500 fr. hier au lansq.

(Jaime)

Rigaud, 1881 : Lansquenet, nom d’un jeu de cartes.

Lansquailler

Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Lascailler.

Virmaître, 1894 : Faire ses besoins.

Je viens de mettre dans un trou rond
Ce qu’un jour avec impudence
Le ministre Thiers sur un balcon
Fit voir aux citoyens de France.

Ce quatrain est de Gérard de Nerval (Argot des voleurs).

Lansque

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Lansquenet, — dans l’argot de Breda-Street. Faire un petit lansque. Jouer une partie de lansquenet.

France, 1907 : Apocope de lansquenet ; argot des joueurs.

France, 1907 : Eau.

— Y avait des mecs qui m’ont appelée pour un fourbi, qu’ils disaient que c’était un velours… Y s’agissait de glisser un machabée au fil de la lansque. On devait avoir l’air de faire tranquillement la noce. Je m’ai sauvée…

(Louise Michel, Les Microbes humains)

Lansquinage

France, 1907 : Pleurs ; argot des voleurs.

Lansquine

Delvau, 1866 : s. f. Eau pluviale, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Pluie.

Quand je vois ces pauvres diables sans turbin… s’en aller sous la lansquine.

(Le Sans-culotte, 1878)

Virmaître, 1894 : Eau. pluie (Argot du peuple). V. Lance.

Rossignol, 1901 : Pluie. Il lansquine, il pleut.

France, 1907 : Pluie.

Aussi j’suis gai quand la lansquine
M’a trempé l’cuir, j’m’essuie l’échine
Dans l’vent qui passe et m’fait joli.

(Jean Richepin)

Lansquiner

Ansiaume, 1821 : Pleurer.

En te reconnoblant au tap, je n’ai pu m’empêcher de lansquiner.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pleuvoir.

Vidocq, 1837 : v. a. — Pleurer.

Clémens, 1840 : Pleurer.

M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Pleuvoir.

Larchey, 1865 : Pleurer. — De lance : eau.

Bien des fois on rigolle qu’on devrait lansquiner.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : v. n. Pleuvoir. Lansquiner des chasses. Pleurer.

La Rue, 1894 : Pleuvoir. Pleurer. La pluie ressemble aux hachures produites sur l’horizon par les lances d’une troupe de lansquenets. On dit aussi tomber des hallebardes.

Virmaître, 1894 : Pleuvoir.
— Il lansquine à torrent.
Lansquiner des chasses : Pleurer. La pluie tombe des yeux (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Épancher de l’eau.

Rossignol, 1901 : Pleuvoir. Le ciel se couvre, il va lansquiner.

France, 1907 : Pleuvoir. Lansquiner des châsses, pleurer.

La pluie ressemble aux hachures produites sur l’horizon par les lances d’une troupe de lansquenets. On dit aussi tomber des hallebardes.

(Jean La Rue)

Lansquiner des chasses

M.D., 1844 : Pleurer.

Lansquineur

Virmaître, 1894 : Petit mendiant qui fait semblant de pleurer à chaudes larmes sur la voie publique pour attendrir les passants (Argot du peuple).

France, 1907 : « Petit mendiant qui fait semblant de pleurer à chaudes larmes sur la voie publique pour attendrir les passants. » (Ch. Virmaître)

Lanterne

d’Hautel, 1808 : Long comme une lanterne. Nonchalant ; homme d’une lenteur extrême.
On ne lui fait point accroire que des vessies sont des lanternes. Se dit d’un homme fin, pénétrant, auquel on ne peut en compter facilement.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Fenêtre.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle l’homme met sa chandelle — sans la moucher.

Margot s’endormit sur un lit
Une nuit toute découverte,
Robin, sans dire mot, saillît,
Il trouva sa lanterne ouverte.

(Cabinet satyrique)

Hayard, 1907 / France, 1907 : Fenêtre.

France, 1907 : Ventre. Se taper sur la lanterne, se brosser le ventre, avoir faim.

France, 1907 : Veuve. On appelait lanterne autrefois les parties sexuelles de la femme. Vieille lanterne, vieille prostituée.

Lanterne (radouber la)

Rigaud, 1881 : Bavarder.

Lanterne (vieille)

Rigaud, 1881 : Femme galante qui a gagné ses invalides.

Lanterne (vielle)

Vidocq, 1837 : s. f. — Vieille courtisane.

(Villon)

Lanterne ou vanterne

Halbert, 1849 : Fenêtre.

Lanterner

d’Hautel, 1808 : Au propre, tarder, marchander, hésiter, être dans l’irrésolution ; impatienter, ennuyer.
Lanterner. Pendre quelqu’un à une lanterne : exécution funeste que le peuple se permettoit fréquemment dans les troubles de la révolution.

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer quelqu’un, le faire attendre plus que de raison, se moquer de lui.

Delvau, 1866 : v. n. Temporiser ; hésiter ; marchander et n’acheter rien. Argot du peuple.

Fustier, 1889 : N’être plus apte aux choses de l’amour.

— Dis-moi, petite… crois-tu que… ? — Dame ! vous savez, monsieur avec mamz’elle, faut pas lanterner… — Ben oui ! mais voilà ! à présent c’est que j’lanterne !…

(Almanach des Parisiennes, 1882)

Virmaître, 1894 : Faire une chose mollement, accomplir un travail à regret : lanterner pour l’achever. Lanterner : synonyme de muser (abréviation de s’amuser). Marcher comme un chien qu’on fouette (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Faire une chose lentement. Mettre deux heures pour faire un travail de vingt minutes, c’est lanterner.

France, 1907 : Ennuyer quelqu’un, se moquer de lui.

Et il s’étonna de ne plus éprouver à présent qu’un embêtement vague de mari lanterné. Sûrement non, ce n’était plus la même chose qu’auparavant ; et il soupirait, regrettait de bon temps de leur petit ménage des commencements, dans leur coin de campagne là-bas, alors qu’elle l’attendait venir le soir sur le pas de la porte, après le trimage de la galère, pour lui manger le cou et se rouler dans ses tétins.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

France, 1907 : N’être plus propre aux joutes amoureuses. Voir Limer.

— Dis-moi, petite… crois-tu que… — Dame ! vous savez, Monsieur, avec Mam’zelle, faut pas lanterner… — Ben oui ! mais voilà ! à présent que je lanterne…

(Gustave Fustier)

Lanternerie

d’Hautel, 1808 : Irrésolution, nonchalance, paresse, oisiveté, lenteur que l’on apporte dans une affaire.

Lanternes de cabriolet

Larchey, 1865 : Yeux fort saillants.

Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet…

(Gavarni)

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux gros et saillants.

France, 1907 : Yeux gros et à fleur de tête.

Lanternier

d’Hautel, 1808 : Un grand lanternier. Homme d’une excessive lenteur, irrésolu, indéterminé en toutes choses.

Delvau, 1866 : s. m. Homme irrésolu, sur lequel il ne faut pas compter.

France, 1907 : Homme lent, irrésolu, diseur de fadaises. Se dit aussi pour porteur de lanterne.

En costume de chiffonnier,
Diogène, vieux lanternier,
Observe et raille,
Semblant tout prêt à ramasser
Les hontes qu’il voit s’entasser
Sur la muraille.

(Chanson du Père Lunette)

Lanti-bardaner

France, 1907 : Se promener sans but ; errer l’âme en peine. Argot des canuts.

Fanchon, du haut de ta banquette,
Écoute la voix de l’amour,
Car tout en passant ma navette,
Je pensons à toi chaque jour,
Oui, je t’aimons,
Je te l’disons.
Je souhaitons ben que t’en fasses de même :
Ah ! quand on s’aime,
C’est si canant,
L’on va toujours se lanti-bardanant.

(Le Canut amoureux)

Lantiberner

d’Hautel, 1808 : Traîner en longueur, amuser par des discours frivoles ; abuser de la patience et de la complaisance de quelqu’un.

Lantimèche

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile ; jocrisse, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Nom d’amitié, sobriquet tout intime. — Père Lantimèche, mère Lantimèche. — Les concierges des deux sexes se donnent volontiers entre eux « du Lantimèche ».

France, 1907 : Imbécile, jocrisse. Allumeur de bec de gaz. Jeu de mot. C’est l’antimèche qu’il faudrait écrire. Se dit aussi pour appeler quelqu’un : « Eh ! Lantimèche ! »

Lantiponnage

d’Hautel, 1808 : Contes bleus, discours futiles et importuns.

Delvau, 1866 : s. m. Discours importun, hésitation à faire ou dire une chose, — dans l’argot du peuple.

Lantiponner

d’Hautel, 1808 : Hésiter, marchander, s’amuser à des bagatelles, à des riens ; passer son temps à des niaiseries ; badauder.

Delvau, 1866 : v. n. Passer son temps à bavarder, à muser.

Rigaud, 1881 : Parler pour ne rien dire.

La Rue, 1894 : Bavarder. Muser, perdre son temps à des riens.

Virmaître, 1894 : Synonyme de rasoir et de bassinant. Généralement, les concierges passent leur temps à lantiponner, c’est-à-dire à bavarder (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Embêter, ennuyer quelqu’un.

Lanturlu

d’Hautel, 1808 : Dans le langage populaire, ce mot équivaut à, allez au diable, allez-vous faire fiche.

Larchey, 1865 : Vient de l’ancien mot enturlé qui signifiait fol, étourdi. V. Du Cange. — On aura dit l’enturlé, puis lanturlu.

Delvau, 1866 : s. m. Écervelé, extravaguant, hurluberlu. On disait autrefois L’Enturlé.

France, 1907 : Écervelé ; corruption du vieux mot enturlé.

Lanturlu-lanture

France, 1907 : Refrain d’un vieux vaudeville qui eut grand succès vers 1629. L’air en étant militaire, il fut pris comme chant de marche par des vignerons révoltés qui s’attroupèrent à Dijon en février et mars 1630 et pillèrent plusieurs maisons de bourgeois. On les appela les Lanturlus de Dijon.

Lanusquet

France, 1907 : Hommes des Landes. Maigre et pauvre comme un lanusquet, proverbe méridional.

Laouth

Fustier, 1889 : Cheval. Argot des régiments d’Afrique.

Lapheur

Hayard, 1907 : Celui qui fabrique des faux papiers.

Lapin

d’Hautel, 1808 : Un lapin ferré. Nom burlesque que le peuple donne à un cheval.
Il trotte comme un lapin. Se dit de quelqu’un qui met une grande promptitude dans ses courses.
On dit par dérision d’une femme qui fait beaucoup d’enfans, que c’est une lapine.

Larchey, 1865 : Apprenti compagnon.

Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti.

(Biéville)

Larchey, 1865 : Bon compagnon.

Ils ont appelé dans leurs rangs Cent lapins quasi de ma force.

(Festeau)

C’est un fameux lapin, il a tué plus de Russes et de Prussiens qu’il n’a de dents dans la bouche.

(Ricard)

L’homme qui me rendra rêveuse pourra se vanter d’être un rude lapin.

(Gavarni)

Au collège, on appelle lapins des libertins en herbe, pour lesquels Tissot eût pu écrire un nouveau Traité. Lapin a aussi sa signification dans le monde des messageries.

et puis le jeune homme était un lapin, c’est-à-dire qu’il avait place sur le devant, a côté du cocher.

(Couailhac)

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti compagnon, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : s. m. Camarade de lit, — dans l’argot des écoliers, qui aiment à coucher seuls. On sait quel était le lapin d’Encolpe, dans le Satyricon de Pétrone.

Delvau, 1866 : s. m. Homme solide de cœur et d’épaules, — dans l’argot du peuple. Fameux lapin. Robuste compagnon, à qui rien ne fait peur, ni les coups de fusil quand il est soldat, ni la misère quand il est ouvrier.

Rigaud, 1881 : Voyageur, — dans le jargon des conducteurs d’omnibus. — En lapin, placé sur le siège d’une voiture, à côté du cocher.

La Rue, 1894 : Voyageur d’omnibus. Fameux compagnon. Lapin ferré gendarme à cheval. Poser un lapin, abuser de la confiance d’une fille en oubliant de la payer, ou bien donner un rendez-vous galant à une femme et ne pas s’y rendre.

Rossignol, 1901 : Connu des conducteurs d’omnibus qui en étouffent le plus possible ; si ce n’est pas une grosse affaire pour le dividende des actionnaires de la compagnie, c’est toujours une augmentation de salaire pour le lapineur. Chaque voyageur qui n’est pas sonné au cadran par le conducteur, c’est pour celui-ci 30 centimes de gain, et un lapin pour la compagnie. J’en ai connu un qui trouvait que ce système n’allait pas assez vite : il avait deux clés et avant d’arriver à la tête de ligne, il descendait le cadran de vingt ou trente places. Il y a aussi le lapin pour le cocher de maison bourgeoise : c’est lorsqu’il prend un client pour une petite course pendant que son maître est au cercle ou ou en visite.

Rossignol, 1901 : Homme fort, courageux. Sans doute pour faire allusion aux quarante lapins du capitaine Lelièvre, qui tinrent à Mazagran tête pendant plusieurs jours à des milliers d’Arabes. C’est à la suite de ce fait d’armes que les zéphirs ont été autorisés a porter la moustache.

Rossignol, 1901 : Promettre une chose et ne pas la tenir est poser un lapin. Un homme qui promet de l’argent à une femme et qui ne lui en donne pas lui pose un lapin.

France, 1907 : Enfant ou adolescent vicieux qui remplit dans les collèges le rôle des mignons de Henri III ou celui d’Alcibiade près de Socrate. Corruption du vieux mot lespin, prostitué, giton. Dans le Satyricon de Pétrone, on trouve le type d’un joli lapin.

France, 1907 : Individu qui s’offre gratuitement les faveurs d’une fille galante, l’ennemi intime du chameau, dit la Vie Parisienne. On a dit de l’une de ces dames :

Adore le clicquot, très bonne fille, air mièvre,
Mais ne dînerait que de pain
Plutôt que de manger du civet ou du lièvre,
Tant elle à l’horreur du lapin.

Ab una disce omnes.

— Filou ! rasta ! lapin ! Parbleu, je m’en étais doutée. Tu étais trop malin au lit ! Mais, voyez un peu, ça se promène dans les bals, ça reluque les femmes, ça a des bagues au doigt, ça offre à souper, — à l’œil, je parie ! tu es sorti pour parler au maître d’hôtel ! — ça promet des cinq louis, ça laisse sur la cheminée des albums avec des princes et des rois… et ça n’a pas de quoi payer ses chapeaux !

(Catulle Mendès, Gog)

Luce de B…, qui vient de s’installer très luxueusement sur les grands boulevards, a baptisé l’une des pièces de son appartement du nom de « Salon de l’affichage ».
En lettres d’or sont inscrits, dans un tableau spécial, les noms de tous ces grelotteux qui passent, à tort ou à raison, pour des lapins.

(Gil Blas)

France, 1907 : Luron, homme fort ou courageux, solide et vaillant gaillard. On disait autrefois vieux lapin. Plus un lapin avance en âge, dit le Dictionnaire des Ménages, plus il augmente en chair, en peau et en poil. De là l’expression vulgaire par laquelle on désigne un homme fort et solide, en disant : « C’est un vieux lapin. » Après la défense de Mazagran, du 2 au 6 février 1840, où 123 hommes des compagnies légères d’Afrique, commandés par le capitaine Lelièvre, défendirent le fort contre 12,000 Arabes, l’on dit que Lelièvre avait sous ses ordres de fameux lapins.

On ne voit pas bien ce que la France, par exemple, a gagné à ce que les vieux lapins de l’Empire aient semé leurs germes triomphants chez les peuples vaincus de l’Iliade napoléonienne, car, de ses germes, quelques-uns ont pris, soit en Allemagne, soit en Italie, — Stendhal, là-dessus, est formel — et nous avons des frères et des cousins dans les armées de la Triplice.

(Émile Bergerat)

— Eh bien ! reprit Hulot, qui possédait éminemment l’art de parler la langue pittoresque du soldat, il ne faut pas que de bons lapins comme nous se laissent embêter par des chouans, et il y en a ici ou je ne me nomme pas Hulot. Vous allez, à vous quatre, battre les deux côtés de cette route… Tâchez de ne pas descendre la garde, et éclairez-moi cela vivement.

(Balzac, Les Chouans)

Par derrière un bois de sapins,
On installe souvent la cible ;
Ce qui n’empêch’ pas qu’on la crible
Par-dessus le bois de sapins.
Nous sommes de fameux lapins !
C’est l’tir pratiqu’, car à la guerre
Nos enn’mis ne s’montreront guère,
Nous sommes de fameux lapins !

(Capitaine Du Fresnel, Chants militaires, chansons de route et refrains de bivouac)

France, 1907 : Maître de dessin à l’École polytechnique.

France, 1907 : Voyageur supplémentaire que prennent les conducteurs de diligence ou d’omnibus. C’était, en terme de messagerie, toute place ou tout port d’article perçu en fraude par le conducteur au détriment de son administration. De là l’expression poser un lapin.

Lapin (coller un)

Rigaud, 1881 : Abuser de la confiance d’une femme qui vend l’amour tout fait, en oubliant de la rémunérer.

Lapin (coup du)

France, 1907 : Coup fatal, mortel. Donner le coup du lapin. On sait qu’un coup sur le museau d’un lapin le tue net.

Depuis qu’ils ont la Marseillaise,
Que l’on entend chanter partout,
Leur patriotisme est à l’aise,
Et nous n’y sommes pas du tout ;
Par chaque note qui nous pique,
Où l’amour du pays est peint,
Ce satané poème épique
Nous donne le coup du lapin !

(Julien Fauque, Ce que disent les Jésuites)

Lapin (en poser un)

Virmaître, 1894 : Promettre cinq louis à une fille, ne pas les lui donner et lui faire son mouchoir. Faire attendre quelqu’un dans la rue par dix degrés de froid (Argot des filles). N.

Lapin (en)

Delvau, 1866 : adv. Être placé sur le siège de devant, avec le cocher, — dans l’argot du peuple.

Lapin (étouffer un)

Rigaud, 1881 : Ne pas sonner une place, — dans le jargon des conducteurs d’omnibus, lorsqu’il leur arrive de frustrer leur administration de trente centimes.

Lapin (fameux)

Rigaud, 1881 : Courageux. — Lapin ferré, gendarme.

Lapin (manger un)

Boutmy, 1883 : v. Aller à l’enterrement d’un camarade. Cette locution vient sans doute de ce que, à l’issue de la cérémonie funèbre, les assistants se réunissaient autrefois dans quelque restaurant avoisinant le cimetière et, en guise de repas des funérailles, mangeaient un lapin plus ou moins authentique. Cette coutume tend à disparaître ; aujourd’hui, le lapin est remplacé par un morceau de fromage ou de la charcuterie et quelques litres de vin. Nous avons connu un compositeur philosophe, le meilleur garçon du monde, qui, avec raison, se croyait atteint d’une maladie dont la terminaison lui paraissait devoir être fatale et prochaine. Or, une chose surtout le chiffonnait : c’était la pensée attristante qu’il n’assisterait pas au repas de ses funérailles ; en un mot, qu’il ne mangerait pas son propre lapin. Aussi, à l’automne d’antan, par un beau dimanche lendemain de banque, lui et ses amis s’envolèrent vers le bas Meudon et s’abattirent dans une guinguette au bord de l’eau. On fit fête à la friture, au lapin et au vin bleu. Le repas, assaisonné de sortes et de bonne humeur, fut très gai, et le moins gai de tous ne fut pas le futur macchabée. N’est-ce pas gentil ça ? C’est jeudi. Il est midi ; une trentaine de personnes attendent à la porte de l’Hôtel-Dieu que l’heure de la visite aux parents ou aux amis malades ait sonné. Pénétrons avec l’une d’elles, un typographe, « dans l’asile de la souffrance ». Après avoir traversé une cour étroite, gravi un large escalier, respiré ces odeurs douceâtres et écœurantes qu’on ne trouve que dans les hôpitaux, nous entrons dans la salle Saint-Jean, et nous nous arrêtons au lit no 35. Là gît un homme encore jeune, la figure hâve, les traits amaigris, râlant déjà. Dans quelques heures, la mort va le saisir ; c’est le faux noyé dont il a été question à l’article attrape-science. Au bruit que fait le visiteur en s’approchant de son lit, le moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de consolation et d’espoir que murmure son ami, il répond en hochant la tête : « N-i-ni, c’est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne passerais pas la journée. Ça m’ennuie… Je tâcherai d’aller jusqu’à demain soir… parce que les amis auraient ainsi samedi et dimanche pour boulotter mon lapin. » Cela ne vaut-il pas le « Plaudite ! » de l’empereur Auguste, ou le « Baissez le rideau la farce est jouée ! » de notre vieux Rabelais ?

France, 1907 : Aller à l’enterrement d’un camarade ; argot des ouvriers. Cette locution vient de l’habitude qu’avaient autrefois les ouvriers, en revenant de l’enterrement d’un camarade d’atelier, de se réunir dans un des cabarets avoisinant le cimetière et d’y manger une gibelotte. Le lapin est généralement remplacé maintenant par un morceau de charcuterie.

Au bruit que fait le visiteur en s’approchant de son lit, le moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de consolation et d’espoir que murmure son ami, il répond en hochant la tête : « N-i-ni, c’est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne passerais pas la journée… Ça m’ennuie… Je tâcherai d’aller jusqu’à demain soir vendredi, parce que les amis auraient ainsi samedi et dimanche pour boulotter un lapin. »

(Eugène Boutmy, Argot des typographes)

Lapin (poser un)

Hayard, 1907 : Promettre et ne pas tenir.

France, 1907 : Ne pas payer une femme galante. Il faut remonter au temps des diligences et des pataches pour trouver l’origine de cette expression. Les conducteurs avaient alors l’habitude de prendre en supplément un voyageur auquel ils faisaient payer un prix réduit dont ils ne rendaient pas compte à l’administration. Ils le prenaient hors du bureau et le faisaient descendre avant l’arrivée au bureau de la ville voisine. Quand toutes les places étaient prises, ils le juchaient où ils pouvaient, le plus souvent avec les bagages sous la bâche, et ils l’appelaient entre eux « un lapin ». « J’ai fait aujourd’hui deux lapins », disaient-ils dans l’argot de leur métier, ou « j’ai posé deux lapins au contrôleur des recettes ».
Par analogie, lorsqu’une dame du monde interlope, rendant ses comptes à son souteneur, passe un voyageur sous silence, elle pose un lapin ; de même lorsque l’amant de rencontre s’en va sans payer, il pose un lapin.
C’est surtout dans ce dernier sens que cette expression est couramment employée, et assez récemment d’ailleurs, car on ne la trouve pas dans le Dictionnaire de Delvau, ni dans son supplément par G. Fustier.

Il tira de sa poche un énorme portefeuille bourré de lettres ; et, tandis que je lisais ces lettres, toutes pleines de promesses qui n’avaient pas été tenues, le petit vieux au nez crochu murmura, en ricanant :
— Vous le voyez, Monsieur, d’humbles peaux de lapin, des peaux de lapin dont l’espèce vous est connue certainement, comme à tout homme, puisque c’est l’espèce des lapins qu’on pose.

(Jean Richepin)

Le vocable est consacré. Poser un lapin fut longtemps une définition malséante, bannie des salons où l’on cause. Maintenant elle est admise entre gens de bonne compagnie, et le lapin cesse, dans les mots, de braver l’honnêteté.

(Maxime Boucheron)

Car, et je n’y vois aucun mal,
Poser un lapin signifie :
Je vous paierai, foi d’animal !
Monsieur, bien folle est qui s’y fie.

(Théodore de Banville)

Lapin (rude)

Hayard, 1907 : Homme fort, audacieux, courageux.

Lapin (un rude)

Virmaître, 1894 : Homme fort, un risque tout, en tout et en toutes choses. Dans le peuple, une femme dit :
— Mon homme est un rude lapin (Argot du peuple). N.

Lapin anthropophage

France, 1907 : Homme inoffensif qui menace de tout dévorer.

Les habitués du café de l’Union avaient surnommé Jules Vallès le lapin anthropophage. Barbu comme Dumollard, le terrible Auvergnat n’avait qu’un rêve : il guettait Louis Veuillot comme le chat guette la souris, et jurait qu’il aurait un jour ou l’autre raison du fougueux polémiste… Vallès haïssait le passé, parce que le passé avait vu ses misères et ses souffrances ; c’était un caractère aigri, mais pas méchant, au fond, disait-on ; pourtant le lapin anthropophage n’a-t’il pas écrit quelque part : « On mettrait le feu aux bibliothèques et aux musées qu’il y aurait pour l’humanité, non pas perte, mais profit et gloire. »

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Lapin de collidor

Virmaître, 1894 : Domestique. Quand une femme vient aux halles accompagnée d’un larbin, les marchandes, en remettant les achats au domestique pour les porter à la voiture, lui disent :
— Tiens, mon vieux lapin de collidor (Argot du peuple). N.

Lapin de corridor

Hayard, 1907 : Domestique.

Lapin de gouttière

Delvau, 1866 : s. m. Chat.

Lapin de gouttières

France, 1907 : Chat.

Lapin du bois de Boulogne

Fustier, 1889 : Filles publiques qui, l’été venu, font élection de domicile au Bois de Boulogne, quærentes quos devorent.

Ces amoureuses vagabondes, qu’on appelle en langage familier les lapins du Bois de Boulogne et qui ont à leur arc plusieurs cordes…

(République française, juin 1885)

Lapin ferré

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme à cheval, — dans l’argot des voleurs. Ils l’appellent aussi Liège.

Virmaître, 1894 : Gendarme à cheval (Argot des voleurs).

France, 1907 : Gendarme à cheval ; argot des voleurs.

Lapin-ferré

Vidocq, 1837 : s. m. — Gendarme. Terme des voleurs normands.

Lapiner

France, 1907 : Accroître démesurément sa famille à l’instar du prolifique lapin.

France, 1907 : Poser un lapin.

Lapineur

Virmaître, 1894 : Genre de vol accompli par le conducteur d’omnibus qui oublie de sonner les voyageurs. Lapineur vient sans doute du nom du voyageur, qu’on désignait jadis sous le nom de lapin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Conducteur d’ommibus qui vole l’administration en ne sonnant pas tous les voyageurs.

Lapp

Rossignol, 1901 : Rien.

Il m’a fait travailler pour lapp. — Je suis malheureux, je n’ai que lapp.

Laquedrille

France, 1907 : Terme de mépris donné autrefois aux laquais. Il signifiait en Bourgogne petit laquais.

Laqueuse

France, 1907 : Grande ou petite dame qui a coutume de faire le tour du lac du Bois de Boulogne.

Laranq, larantqué

anon., 1907 : Quarante sous.

Laranque

Hayard, 1907 : Quarante.

Larante

La Rue, 1894 : Pièce de 2 fr. V. Beurre.

Larante, larantequet

France, 1907 : Quarante.

Tiens, j’te vas dir’ comment qu’on fait :
C’est pas malin… Tu vas au gonce,
Tu y dis : « T’as eun’ gueule qui m’plaît,
Viens-tu chez moi, mon p’tit Alphonse ? »
I’ dit : « Non » — mais c’est du chiquet.
Tu y r’dis : « Viens, mon p’tit Narcisse,
Viens, pour toi, ça s’ra qu’larant’quet. »
Et tu l’emmèn’ à la condisse.

(Aristide Bruant)

Non… vrai… ces chos’s-là ça m’dépasse !
Faut-i’ qu’eun’ gonzess’ soy’ paquet
D’prendre un franc cinquant’ pour eun passe
Quand on peut d’mander larant’quet.

(Aristide Bruant)

Larbin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mendiant.

Clémens, 1840 : Domestique.

un détenu, 1846 : Domestique, valet.

Delvau, 1866 : s. m. Domestique, — dans l’argot des faubouriens, qui ont emprunté ce mot à l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Domestique.

Nous avons perdu le domestique, nous avons créé le larbin. Le larbin est an domestique ce que le cabotin est au comédien.

(N. Roqueplan)

Le mot avait primitivement le sens de mendiant. C’est ainsi qu’il est expliqué dans le glossaire d’argot des Mémoires d’un forçat ou « Vidocq dévoilé ». — D’ailleurs les domestiques se livrent plus ou moins à la mendicité vis-à-vis de leurs maîtres.

La Rue, 1894 : Domestique. Suce-larbin, bureau de placement.

Virmaître, 1894 : Domestique (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Domestique.

France, 1907 : Domestique, valet. Corruption de lardin, en bas latin lardinus, gras à lard. Le peuple a appliqué par raillerie ce vocable aux laquais de bonne maison, gens d’ordinaire luisants de santé, bien nourris, bien vêtus et fainéants.

Le mot larbin, dit Dervilliers dans l’Écho du Public, me parait avoir pour origine un nom propre attribué à un personnage de comédie ou de roman populaire et personnifiant le laquais fainéant et insolent des maisons riches, tels que gavroche, gamin de Paris, et pipelet, concierge, types créés par de célèbres écrivains et dont les noms sont restés dans la langue courante synonymes des personnages qu’ils désignent.

Ancien valet de pied aux Tuileries, il laissait voir le hideux larbin qu’il était, âpre au gain et à la curée.

(A. Daudet, Les Rois en exil)

Nombre de femmes, et des plus huppées, éprouvent la même sensation de plaisir à se sentir désirée par le jeune et beau homme qui respectueusement leur ouvre la portière de leur voiture que par les freluquets et les roquentins qui fréquentent ses salons. C’est au siècle dernier surtout que l’amour des gens de maison fit des ravages, et l’on pourrait citer, si l’on consultait les chroniques de l’Œil-de-Bœuf, les noms de pas mal de nos plus fiers gommeux dont l’ancêtre fut un larbin.

Devant l’larbin qui s’esclaff’ d’aise,
Aux camaros grinchis la braise.

(Hogier-Grison)

Larbin savonné

France, 1907 : Le valet, au jeu de cartes.

Larbin, -ne

Vidocq, 1837 : s. — Domestique des deux sexes.

Larbin, larbin savonné

Rigaud, 1881 : Valet d’un jeu de cartes. — Quatorze de tyrans et trois larbins.

Larbin, larbine

Larchey, 1865 : Domestique (Vidocq).

Le faux larbin va se poster sous la porte cochère.

(Paillet)

Larbinerie : Valetaille. V. Garçon, Pieu.

Larbine

Rigaud, 1881 : Servante, bonne à tout faire.

Larbinerie

Vidocq, 1837 : s. f. — — Domesticité, valetaille.

Delvau, 1866 : s. f. Domesticité, valetaille.

Rigaud, 1881 : Domesticité.

France, 1907 : Domesticité, valetaille.

Larbinier

Virmaître, 1894 : Complice qui se déguise en domestique pendant que le cambrioleur opère. C’est le larbinier qui va préalablement en reconnaissance pour préparer le vol (Argot des voleurs).

France, 1907 : Complice d’un cambrioleur. Il se déguise en domestique et se tient aux aguets pendant que le cambrioleur opère.

Larbinisme

France, 1907 : Manière de penser et d’agir vile.

Vous êtes pauvre, voici donc votre inévitable avenir. Dilution forcée de vous-même en menues productions obligatoires, impossibilité d’écrire l’œuvre vraie et puissante, mépris final de tous et de vous-même ; vieillesse précoce et sans ressources ; agonie sous les yeux au ciel de vos « confrères », grabat d’hôpital ou de garni pour l’ultime souper, et, sauf la sépulture par souscription, la probable fosse commune de tous les Mozart du monde. Puis, une statue peut-être, en un square, où votre ombre de bronze, sempiternellement entourée de bonnes d’enfants, semblera bénir le larbinisme humain…

(Villiers de L’Isle-Adam, Contes cruels)

Larcins

Delvau, 1864 : Petits vols amoureux, commis lestement et adroitement : ravir des baisers a une fille, lui prendre les tétons, le cul, les classes, etc., etc., sont des larcins qui sont répréhensibles, — selon l’humeur et le tempérament de la victime.

L’autre jour, au fond d’un jardin,
Il vous aperçut endormie ;
Il vous fit plus d’un doux larcin…
Vous étiez donc bien assoupie ?…
Si vous dormez comme cela,
Dites votre mea culpa.

(Vieille chanson anonyme)

Larcotier

Vidocq, 1837 : s. m. — Paillard.

Rigaud, 1881 : Luxurieux, — dans l’ancien argot.

Larcottier

Larchey, 1865 : Paillard (Vidocq). — Mot à mot : larguotier : amateur de largues.

France, 1907 : Coureur de jupes ; corruption de larguottier, paillard, amateur de largues.

Larcque

Ansiaume, 1821 : Femme.

Si ta larcque n’est pas franche, elle nous conduira droit au théâtre.

Lard

d’Hautel, 1808 : Vilain comme lard jaune. Très-intéressé ; d’une avarice sordide.
Faire du lard. Dormir la grasse matinée.
Elle est grasse à lard. Se dit d’une femme qui a un embonpoint rustique et ridicule.

Delvau, 1864 : le membre viril, — que grignottent si volontiers ces charmantes souris qu’ont appelle les femmes. Voyez : Couenne, chair, viande.

Gentils galants de rond bonnet,
Aimant le sexe féminin
Gardez si l’atelier est net,
Avant de larder le connin.

(Ancien Théâtre français)

Delvau, 1866 : s. m. La partie adipeuse de la chair, — dans l’argot du peuple, qui prend l’homme pour un porc. Sauver son lard. Se sauver quand on est menacé. Les ouvriers anglais ont la même expression : To save his bacon, disent-ils.

Rigaud, 1881 : Graisse humaine. Perdre son lard, maigrir.

La Rue, 1894 : Sa propre graisse, son corps. Sauver son lard, éviter un danger. Faire du lard, paresser au lit. Signifie aussi la marmite du souteneur.

Rossignol, 1901 : Jeune enfant.

Lard (couenne de)

Rigaud, 1881 : Brosse.

Lard (faire du)

Larchey, 1865 : Engraisser.

La femme ronfle et fait du lard.

(Festeau)

France, 1907 : Se lever tard, ce que Rabelais appelait être flegmatique des fesses.

Lard (manger du)

France, 1907 : Dénoncer.

Lard (vieux)

Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé pour qualifier les vieilles rouleuses. Superlatif : Vieux lard rance (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Terme de mépris employé pour qualifier les vieilles rouleuses. Superlatif : vieux lard rance. » (Ch. Virmaître)

Un vieux lard qui rôdait chaque nuit autour du quartier en quête d’un garde d’écurie amoureux ou compatissant qui lui offrit une place sur la litière…

(Les Joyeusetés du régiment)

Lard, lardon, salé

Hayard, 1907 : Enfant.

Lardé aux pommes

Rigaud, 1881 : Ragoût de pommes de terre au lard. — Un lardé aux pommes, une portion de pommes de terre au lard.

Au prix où sont les lardés aux pommes aux trente neuf marmites.

(Tam-Tam, du 6 juin 1880)

France, 1907 : Plat de lard et de pommes de terre ; argot des gargotes.

Lardée

Boutmy, 1883 : s. f. « Composition remplie d’italique et de romain. » (P. Vinçard.) Vieilli.

France, 1907 : Dans l’argot typographique, c’est une composition remplie d’italique et de romain. Le mot est vieilli.

Larder

d’Hautel, 1808 : Au figuré, s’épancher en paroles piquantes sur le compte de quelqu’un ; le mettre en pièces dans ses propos.

Larchey, 1865 : Percer d’un coup de pointe. — Lardoire : Épée.

Vous verrez si je manie bien la lardoire.

(Ricard)

Delvau, 1866 : v. a. Percer d’un coup d’épée ou d’un coup de sabre, — dans l’argot des troupiers. Se faire larder. Recevoir un coup d’épée.

Rigaud, 1881 : Donner un coup d’épée, un coup de couteau.

Hayard, 1907 : Accoucher.

France, 1907 : Percer d’un coup de couteau, d’épée ou de sabre la peau humaine, et par suite « terme libre, dit Le Roux, qui signifie faire le déduit, se divertir avec une femme ».

Lardive

France, 1907 : Amie, compagne de prostituée.

— Après tout, mes lardives ne valent pas mieux que moi et leurs megs valent le ponte que j’ai lâché parce qu’il m’embêtait.

(Mémoires de M. Claude)

Lardoire

Delvau, 1866 : s. f. Epée ou sabre.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Épée.

Lardon

d’Hautel, 1808 : Raillerie, brocard, paroles fines et quelquefois mordantes.

Fustier, 1889 : Jeune homme. Argot du peuple.

C’que c’est que la vie ! On était quat’cinq lardons. On a tiré ensemble quinze berges de rigolade, de flemme et de jeunesse.

(Mirliton, journal, oct. 1885)

Virmaître, 1894 : Enfant. Diminutif de lard. Dans le peuple, pour la chair de l’homme ou de la femme, on dit : le lard ; comme l’enfant est le produit des deux sexes, de là, lardon. Quand quelqu’un, dans une conversation, vous pique à chaque moment, on dit :
— As-tu bientôt fini de me larder ?
Allusion au veau que le charcutier pique de lardons (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Synonyme de lard.

France, 1907 : Enfant.

La pauvresse était entourée d’une demi-douzaine de lardons plus sales et plus dépenaillés les uns que les autres. « Eh ! ma bonne femme, lui dis-je, quand on est si misérable que vous êtes, pourquoi faire tant d’enfants ? — Ah ! mon bon Monsieur, me répondit-elle d’une voix gémissante, ce n’est pas ma faute, allez ; mais chaque fois que mon homme rentre saoul, faut y passer ou gare les taloches. »

(Les Propos du Commandeur)

Larenaque

Rossignol, 1901 : Police.

Large

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas long, mais il est diablement large. Se dit d’un homme qui est très-long dans ses opérations ; qui fait attendre long-temps après lui.
Il est large, mais c’est des épaules. Voy. Épaules.
Tout du long et tout du large. Pour dire, à son aise.
Gagner le large. Pour, se sauver, s’enfuir.

Delvau, 1866 : adj. Généreux, qui ne regarde pas à la dépense, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Clément Marot :

Ils sçavent bien
Que vostre père est homme large ;
À souper l’auront, à la charge
Pour dix buveurs maistres passez.

(Traduction du Colloque d’Erasme)

France, 1907 : Généreux.

Large (du)

Rigaud, 1881 : Partez ; cédez la place.

Large (envoyer au)

France, 1907 : Envoyer promener.

Large (envoyer quelqu’un au)

Fustier, 1889 : L’envoyer promener.

Hier, je comptais presque sur lui… Ah ! bien ouiche ! il m’a envoyé au large.

(Vie Parisienne, 1882)

Large (n’en pas mener)

France, 1907 : N’être pas à son affaire.

Large (ne pas la mener)

Rigaud, 1881 : Avoir peur, n’être pas rassuré. Large des épaules, large du cul, avare.

Large des épaules

Larchey, 1865 : Avare. — Équivoque sur le mot large. — V. d’Hauthel, 1808.

Delvau, 1866 : Avare. Cette expression se trouve dans le Dictionnaire de Leroux, édition de 1786, qui n’est pas la première édition.

France, 1907 : Avare.

Largoji

Rossignol, 1901 : L’argot.

Largonji

La Rue, 1894 : Argot des bouchers consistant à déformer les mots en substituant la lettre l a la première consonne qu’on reporte à la fin du mot et qu’on fait suivre des finales é, em, es, oc, i, ique, uche. Ex. ; largonji pour jargon, lapierpès pour papier, alareilpé pour appareil, lianopuche, pour piano, élicierpem pour épicier. Quand le mot commence par in, an ou en c’est la seconde consonne oui est remplacée par l ; ex. ; enlerfem (enfer). Si la lettre l se trouve en présence de trois consonnes réunies elle se reporte à la suivante ; ex. ; entrelolsoc (entresol). Quelques mots échappent à ces règles générales : alibme (abîme), lajemcrès (jamais), etc.

France, 1907 : Argot, littéralement jargon. Cet argot, particulier aux garçons bouchers, consiste à déformer les mots en substituant la lettre l à la première consonne qu’on reporte à la fin du mot en la faisant suivre d’une finale quelconque. « Quand le mot commence par in, au ou en, dit Jean La Rue, c’est la seconde consonne qui est remplacée par l’l ; ex. : enlerfeu, enfer. Si la lettre l se trouve en présence de trois consonnes réunies, elle se reporte à la suivante ; ex. : entrelolsoc, entresol. »

Il apprit à parler l’argot,
Pas l’argot du pègre à la mie,
Ni l’argot chiqué des tatas…
Non… mais l’argot d’académie :
Largonji… chauffé sur le tas.

(Aristide Bruant)

Toutes mes chansons du pays de Largonji ont chanté dans ma tête comme des choses vécues, au cours ou au retour de mes visites à ce pays bizarre, et elles sont venues au monde telles quelles, costumées à la mode de leur pays, avec leur défroque originale, sans que j’eusse besoin de les rhabiller au décrochez-moi-ça des dictionnaires.

(Jean Richepin)

Largue

anon., 1827 : Catin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fille de joie.

Bras-de-Fer, 1829 : Femme, catin.

Vidocq, 1837 : s. f. — Femme, généralement parlant.

M.D., 1844 : Fille prostituée.

un détenu, 1846 : Une femme.

Delvau, 1864 : femme, maîtresse, dans l’argot des voleurs, des voyous et des bohèmes.

Toi non plus, ta ne m’as pas l’air d’une largue ordinaire.

(Lemercier de Neuville)

Les largues nous pompent le nœud.

(Dumoulin-Darcy)

Larchey, 1865 : Femme. — V. Coquer, Momir.

Si j’éprouve quelque malheur, je me console avec ma largue.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. f. Femme, maîtresse, — dans l’argot des voleurs et des souteneurs. Larguepé. Femme publique.

Rigaud, 1881 : Femme. — Largue en vidange, femme en couches. (Colombey.) — Largue d’altèque, jeune femme. Largue en panne, femme abandonnée.

La Rue, 1894 : Femme. Larguepé, prostituée.

Virmaître, 1894 : Femme publique. Les voleurs disent larguepé par une adjonction de finale. M. Marcel Schwob dit que largue s’explique par marque (Villon. J. de l’arg.), qu’on a eu lasquemé, puis que la finale est tombée ; de là largue. Halbert d’Angers donne largue ou lasque. C’est largue qui a subsisté (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Femme, maîtresse. À ce sujet, nous trouvons dans Francisque Michel : « Je crains bien qu’une pensée obscène n’ait présidé à la création de ce mot : ce qui me le fait soupconner, c’est que je lis, page 298 du livre d’Antoine Oudin : « Léger au large d’une femme qui a grand… » Or, large se prononçait largue à l’italienne et l’espagnole dès le XIVe siècle. »

Deux mots avaient suffi. Ces deux mots étaient : vos largues et votre aubert, vos femmes et votre argent, le résumé de toutes les affections vraies de l’homme.

(Balzac)

Quand Polyte aperçut enfin la guillotine,
Il la trouva rien piètre — et de par la bottine
De sa largue Zoé, comtesse du trottoir,
Ce n’était même pas digne de l’abattoir.

(Paul Nagour)

Largue d’altèque

France, 1907 : Belle femme.

Quand j’eu l’œil au trou de la serrure et que je l’aperçus qui laissait tomber ses frusques une à une, je me mis à loucher furieusement, disant à part moi : « Nom de Dieu ! la belle gonzesse, une vraie largue d’altèque. Et dire que c’est à cet arsouille ! Ah ! malheur ! »

(La Bande de Maître Benef)

Largue en vidange

France, 1907 : Femme en couches.

Larguepé

Rigaud, 1881 : Prostituée, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Prostituée, femme ou maîtresse de voleur.

— Ma larguepé m’attendait dans la turne, blottie dans le pieu comme une chatte frileuse.

(La Bande de Maître Benef)

Larguer

France, 1907 : Donner ; argot des gens de mer. Larguer, en terme maritime, est lâcher un cordage qui retient une voile.

— Pour lors et d’une, c’est pas tout ça, continua le matelot en quittant sa table pour venir se camper en face de Danton, vous m’avez largué de bonnes paroles, vous ; vous me faites celui d’être solide comme un gabier d’artimon. Faut pas être fier avec un pauvre matelot qui aime ses chefs et lui larguer la vérité dans le grand !

(Ernest Capendu, L’Hôtel de Niorres)

Larguottier

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, ami des largues. On dit aussi Larcottier.

La Rue, 1894 : Coureur de filles.

France, 1907 : Coureur de femmes, de largues.

Larifla

France, 1907 : Refrains.

Larigot

d’Hautel, 1808 : Espèce de flûte dont on ne fait plus usage.
S’en donner à tire larigot. S’en donner à cœur joie, mettre de l’excès dans ses plaisirs.

Larmade

France, 1907 : Cataplasme de blancs d’œufs battus dont on se sert dans le Midi.

Larme

d’Hautel, 1808 : Il pleure en filou, sans verser une larme. Voy. Filou.
Il est sur le pont de Sainte-larme. Se dit d’un enfant grimaud, qui témoigne quelqu’envie de pleurer.

Delvau, 1866 : s. f. Très petite quantité, — dans l’argot des bourgeois, qui prennent une larme d’eau-de-vie dans une larme de café et se trouvent gris.

France, 1907 : Pelite quantité de liquide.

Larme de compositeur

France, 1907 : Virgule.

Larmes (faire son)

France, 1907 : Se rengorger.

Larmes de crocodile

France, 1907 : Larmes feintes, comme celles d’un héritier qui pleure sur la tombe d’un vieux parent richard, ou, comme disaient les Romains d’un gendre sur celle de sa belle-mère. Cette locution vient des anciens qui croyaient que le crocodile gémissait en imitant la voix humaine, pour exciter la compassion des passants et les attirer dans les roseaux où il se cachait.

La bohème ! — elle a encore du bon ; — elle rit franchement à l’heure où les épiciers pleurent des larmes de crocodiles.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais Jeune homme à sa Nini)

Larmes de job

France, 1907 : Plante arundinacée dont les fruits renferment une semence de la grosseur d’un pois, d’un beau poli et de couleur jaunâtre, tirant sur le brun rouge. On se servait au moyen âge de ces graines venant de l’Orient pour en faire des chapelets ou patenôtres.

Unes patenostre de larmes de Job, esquelles à trente pièces.

(Ducs de Bourgogne)

Cette espèce de roseau est surtout cultivé dans l’île de Candie. En Chine et dans les Indes, ses graines sont fort estimées pour leur douceur.

Larmes de saint Laurent le grillé

France, 1907 : On appelle ainsi les pluies d’étoiles filantes qui tombent principalement dans les nuits du 9 au 14 août. Comme c’est à cette époque de l’année que saint Laurent fut torturé et grillé vif à Rome, au IIIe siècle de l’ère chrétienne, l’imagination populaire leur a trouvé ce nom. On sait que c’est ce saint qui, étendu sur le gril et se sentant rôti d’un côté, demanda paisiblement au bourreau qu’on le retournât pour être rôti de l’autre.

Le malheureux avait commis le crime d’être le trésorier fidèle des chrétiens, considérés alors comme une secte dangereuse. Saint Laurent était donc, de son temps, ce qu’on appellerait aujourd’hui le banquier de l’anarchie.

(Petit Parisien)

Larmon

Virmaître, 1894 : Étain (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Étain.

Larque

Clémens, 1840 : Femme publique.

Hayard, 1907 : Femme.

Larque ou largue

Halbert, 1849 : Catin.

Larron

d’Hautel, 1808 : L’occasion fait le larron. Signifie que les actions bonnes ou mauvaises, dépendent souvent des circonstances.
Il ne faut pas crier au larron. Se dit quand on achette quelque chose trop cher, ou sa juste valeur.
Il faut être marchand ou larron. Pour dire qu’un marchand qui vend trop cher dérobe.
Au plus larron la bourse. Se dit par allusion à l’histoire de Judas, à qui on avoit confié la bourse.

Larronneau

d’Hautel, 1808 : Petit filou qui exerce ses friponneries sur des choses de peu de valeur.

Larrons

Boutmy, 1883 : V. Voleurs, s. m. pl.

France, 1907 : Morceaux de papier qui se trouvent collés aux feuilles durant l’impression et qui produisent des moines, c’est-à-dire des plaques blanches sur la feuille imprimée. On les appelle plus généralement voleurs.

Lartie, lartif, larton

Larchey, 1865 : Pain. — On devrait dire l’artie, l’artif, l’arton. — Au moyen âge, artuit signifiait Repas. V. Roquefort. — Il est à remarquer que /artos/ en grec veut dire Pain — Larton brutal : Pain noir. — Larton savonné : Pain blanc. — brutal est un diminutif de brut. Savonné s’explique de lui-même. V. Tremblant. — Lartonnier : boulanger.

Lartif

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain.

un détenu, 1846 / Rossignol, 1901 : Pain.

Lartif à plafond

France, 1907 : Pâtisserie ; argot des voleurs.

Lartif ou lartille

Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs). V. Bricheton.

Lartif, larton

France, 1907 : Pain. L’article est fondu avec le nom, pour l’artif, l’arton.
On dit aussi briffe, brigadier, bringué, broule, boule de son, bricheton, pierre dure.

— Ah ! nom de Dieu ! Pas seulement deux ronds pour se foutre sous la dent une lichette de lartif, et dire qu’on a des filles qui traînent leur viande dans des sapins à ressorts !

(Les Joyeusetés du régiment)

Lartif, ou lartille, ou larton

Delvau, 1866 : s. m. Pain, — dans l’argot des voleurs qui ne veulent pas dire artie. Larton brut. Pain bis. Larton savonné. Pain blanc. Lartille à plafond. Pâté, — à cause de sa croûte.

Lartin

Rigaud, 1881 : Mendiant, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Mendiant ; vieux jargon.

Larton

Ansiaume, 1821 : Pain.

Le larton d’aujourd’hui ne vaut pas le cassant d’hier.

Bras-de-Fer, 1829 / un détenu, 1846 : Pain.

Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs). V. Bricheton.

Rossignol, 1901 : Pain.

Larton brut ou brutal

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain noir.

Larton brutal

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pain bis.

Clémens, 1840 : Pain noir.

Halbert, 1849 : Pain bis.

France, 1907 : Pain bis. Brutal est l’augmentatif de brut.

Larton brutale

M.D., 1844 : Pain bis.

Larton savoné

M.D., 1844 : Pain blanc.

Larton savonné

Ansiaume, 1821 : Pain blanc.

Aujourd’hui du larton savonné, du picton d’hôpital et deux piqu’en terre pour la tortillade.

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pain blanc.

Vidocq, 1837 : s. m. — Pain blanc.

Clémens, 1840 / Halbert, 1849 / France, 1907 : Pain blanc.

Larton, lartif

Rigaud, 1881 : Pain, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Pain. V. Arton.

Hayard, 1907 : Pain.

Lartonnier

Ansiaume, 1821 : Boulanger.

Le lartonnier a du carle, il faudra le jarriller.

Rigaud, 1881 : Boulanger.

Virmaître, 1894 : Voleur qui a pour spécialité de dévaliser les boutiques de boulangers. Lartonnier est impropre ; on devrait dire lartonneur (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Boulanger.

Lartonnier, -ère

Vidocq, 1837 : s. — Boulanger, boulangère.

Lartonnier, ière

Delvau, 1866 : s. Boulanger, boulangère.

Lartqué

France, 1907 : Quart.

— Ah ! mince…
— Ah ! mange…
— Comment ! C’est toi ?
— Non… c’est l’laitier.
— Mais, dis donc, ça fait ben un lartqué d’berge qu’on t’avait pas vue ici.
— Et mèche !

(Léon Valbert)

Las

d’Hautel, 1808 : J’en suis las comme d’une vieille morue. Se dit de quelqu’un ou de quelque chose qui obsède, qui impatiente, qui rebute.
Un las d’aller. Voy. Aller.
Las. On fait vulgairement un calembourg de ce mot ; et, quand quelqu’un dit qu’il est las, on ajoute malignement che ; ce qui fait lâche.

Las de chier (grand)

Rigaud, 1881 : Grand efflanqué, grand molasse, — dans le jargon des voyous. C’est l’équivalent moderne de l’ancien las-d’aller.

Ce rongneux las-d’aller se frottait à mes bas.

(Régnier, Satire X)

Lascailler

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pisser.

Vidocq, 1837 : v. a. — Uriner.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Pisser (Vidocq). — De lance. On dit encore : lancer de l’eau. V. Lansquiner.

Rigaud, 1881 : Uriner, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Uriner.

— Eh ! la Rouquine ! as-tu fini de lascailler ? T’as donc vidé l’abreuvoir dans ton ventre ?

(Les Joyeusetés du régiment)

Lascar

Larchey, 1865 : Fantassin.

Vient de l’arabe el-askir qui a la même signification. Date sans doute de l’expédition d’Égypte.

(De Vauvineux)

A-t-il du toupet, le vieux Lascar ! dit l’invalide dans son langage pittoresque.

(Balzac)

Delvau, 1866 : s. m. Nom que — dans l’argot des troupiers et du peuple — on donne à tout homme de mauvaises mœurs, à tout réfractaire, à tout insurgé contre la loi, la morale et les choses établies. C’est une allusion aux mœurs des matelots indiens, malais ou autres, qui naviguent sur des bâtiments européens, hollandais principalement, et qui, tirés de la classe des parias, ne passent pas pour de parfaits honnêtes gens.

Rigaud, 1881 : Soldat qui a longtemps servi, soldat qui connaît toutes les ficelles du métier.

Ah ! le lascar ! se dit Max, il est de première force, je suis perdu.

(Balzac, Un Ménage de garçon)

La Rue, 1894 : Homme roué, qui connaît toutes les ficelles.

France, 1907 : Le mot a des significations diverses et contradictoires. Il signifie un malin, habile, solide au poste, un bon salut et aussi un fainéant, un tireur au flanc.

Le commandant, un vieux lascar
Dont le sang a payé les grades,
Me dis : Merci, c’est bien, moutard !
Bientôt, comme les camarades,
Je te ferai passer gabier,
Et qui sait ?… Enfant, persévère,
Un jour tu seras officier :
Devant toi s’ouvre la carriére.

— Qu’est-ce qui m’a foutu un tas de lascars comme ça… des fricoteurs qui ne songent qu’à gobeloter ? Allons, à l’ours, et vivement !

(Les Joyeusetés du régiment)

Il signifie aussi camarade, compagnon, dans l’argot des voleurs :

— Tous les lascars de l’atelier pouvaient turbiner à leur gré. Moi, je n’avais pas plus tôt le dos tourné à mon ouvrage pour grignoter mon lartif ou pour chiquer mon Saint-Père (tabac), que le louchon était sur mon dos pour m’écoper.

(Mémoires de M. Claude)

Primitivement, lascar signifiait simplement fantassin, de l’arabe el askir, même sens.

Lascard

Merlin, 1888 : Débauché, insoumis, paresseux, — de la langue sabir.

Lasciate ogni speranza, voi ch’ entrate

France, 1907 : « Laissez toute espérance, vous qui entrez. » Vers célèbres que Dante inscrit à la porte de son Enfer.

Lasciveté

Delvau, 1864 : Prédisposition à l’amour ; art des courtisanes pour exciter les désirs des hommes.

Si la présence de l’empereur seul ne suffit pas pour les exciter, elles puisent dans leur lasciveté même un aimant mutuel.

(La Popelinière)

Cette lasciveté de formes se reflète
Dans son justement bizarre et singulier.

(A. Glatigny)

Lasqué

Virmaître, 1894 : Vingt centimes (Argot des voleurs). N.

Latakieh

France, 1907 : Tabac d’Orient.

Le petit nègre d’Éthiopie souleva la portière de brocart à franges d’or ; il était vêtu d’un tablier blanc, pas plus grand que la main, et portait des tchiboucks à bouquins d’ambre, ronds et laiteux ; d’un sachet brodé de perles, il tira le latakieh dont les brins sont fins comme les cheveux, et roux comme les poils du veau.
— J’aime autant le caporal, dit le maréchal des logis Corbineau, en se tortillant négligemment la moustache.

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Latif

Delvau, 1866 : s. m. Linge blanchi, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Linge.

Virmaître, 1894 : Linge blanc (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Linge blanc.

Latif, lattife

France, 1907 : Linge blanchi ; argot des voleurs ; d’atiffer, faire toilette.

Latin

d’Hautel, 1808 : Être au bout de son latin ; perdre son latin.
Il ne fait que cracher du grec et du latin.
Du latin de cuisine.
Pour dire, un latin barbare et corrompu.

Rigaud, 1881 : Argot, — dans le jargon des voleurs. — Le petit dictionnaire d’argot (Paris, 1827, imprimé chez Guiraudet) porte en sous-titre « latin-français », c’est-à-dire argot-français.

Latin rôti

France, 1907 : Latin que parlaient autrefois les marmitons et les cuistres dans les cuisines de l’ancienne Université. On pensait ainsi, dit Charles Nisard, faire honneur à sa profession et parler la langue de la maison… Si l’on en croit la tradition, certains pédants, ne trouvant pas toujours le mot propre, farcissaient leur latin de mots dérobés à celui des marmitons et des souillards, de ces mots qu’Érasme appelle pourris de cuire.

Mais ainsi qu’on le menoit pendre, advint qu’un seigneur passa par là, par le moyen duquel il obtint sa grâce du roy, pour avoir craché quelques mots de latin rôti, lesquels, encore qu’ils ne fussent entendus, firent penser que c’estoit quelque homme de service.

(Bonaventure des Périers)

On ne dit plus latin rôti, mais on dit encore latin de cuisine en parlant du latin d’Église, par exemple.

Latine

Delvau, 1866 : s. f. maîtresse d’étudiant.

Je suis latine
Gaiment je dîne
Sur le budget de mon étudiant !

dit une chanson moderne.

France, 1907 : Fille du Quartier Latin, maîtresse d’étudiant.

Je suis farine,
Gaiment je dîne
Sur le budget de mon étudiant.

Latqué

Hayard, 1907 / anon., 1907 : Quatre.

Latrine

Delvau, 1864 : Femme galante usée et sale, et qui continue à baiser, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas difficiles.

Pourtant on fout cette latrine !
Ne vaudrait-il pas mieux cent fois
Moucher la morve de sa pine
Dans le mouchoir de ses cinq doigts ?

(A. de Musset)

Latrompem

Rossignol, 1901 : Patron (argot de boucher).

Latronspème

France, 1907 : Patron ; défiguration de ce mot par l’argonji.

Alors c’est nous qui s’ra les maîtres,
C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons,
Y aura pus d’chefs, pus d’contremaîtres,
Pus d’directeurs et pus d’patrons !
Minc’ qu’on pourra tirer sa flemme,
On f’ra tous les jours el’Lundi !
Oui… mais si n’y a pus d’latronspème,
Qui qui f’ra la paye l’sam’di ?

(Aristide Bruant)

Latte

d’Hautel, 1808 : Pour épée, sabre.
Tirer la latte. Pour se battre au sabre ou à l’épée.
Gras et dodu comme une latte. Voy. Gras.
Tu me scies le dos avec une latte. Pour, tu m’impatientes, tu m’obsèdes par tes propos.

Delvau, 1866 : s. f. Sabre de cavalerie, — dans l’argot des troupiers. Se ficher un coup de latte. Se battre en duel.

Rigaud, 1881 : Sabre de cavalerie. — Sabre droit des dragons, — dans l’argot du régiment.

Merlin, 1888 : Sabre de cavalerie.

France, 1907 : Sabre droit ; le sabre recourbé est le bancal. « La latte était portée par la grosse cavalerie, le bancal par la cavalerie légère. »

Lattes

France, 1907 : Souliers.

Lattife

Rigaud, 1881 : Linge blanc, — dans le jargon des voleurs.

Laudable

France, 1907 : Louable, Provincialisme plus correct que le mot francs, puisqu’il vient directement du latin laudare.

Laudator temporis acti

France, 1907 : « Louangeur du temps passé. » Dicton latin tiré de l’Art poétique d’Horace et appliqué aux personnes qui trouvent que tout était mieux au temps passé qu’aujourd’hui. Manie des vieilles gens.

Laumi

Halbert, 1849 : Perdu.

France, 1907 : Perdu ; vieil argot.

Laumie

Halbert, 1849 : Perdue.

Laumir

Halbert, 1849 : Perdre.

Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Perdre, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Perdre.

Virmaître, 1894 : Perdre.
— Il a laumi son pognon (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 / France, 1907 : Perdre.

Laune

Hayard, 1907 : Agent.

France, 1907 : Gendarme.

— Comme il faut que je me planque et que ça pince trop pour filer la sorgue, je bâche ces temps-ci chez la daronne. Elle a une condition à Aubervilliers, sur le bord de la limonade, d’ous qu’on voit venir de loin les launes.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Laure

Rigaud, 1881 : Maison de prostitution, — dans l’ancien argot ; du bas latin, laura, monastère.

France, 1907 : Maison de prostitution ; argot des voleurs.

Laurent

d’Hautel, 1808 : Il est dedans comme le frère Laurent. Voy. Dedans.

Lavabe

Delvau, 1866 : s. m. Place de parterre à prix réduit, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Contre-marque achetée pendant un entr’acte ou donnée par un spectateur qui va voir chez lui la suite du spectacle. — Billet à prix réduit.

La Rue, 1894 : Place au théâtre achetée à prix réduit dans un entr’acte.

France, 1907 : Billet de théâtre acheté à prix réduit pendant un entr’acte.

Lavabes

Larchey, 1865 : « Les lavabes sont ceux que l’on fait entrer au parterre des théâtres, en ne payant que quinze sous par place. » — Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8. — « Gustave achetait un lavabe pour les Variétés. » — Id.

Lavabo

Delvau, 1864 : Cuvette spécialement destinée aux soins de propreté, qu’exige la fréquente dépense de sperme.

Tu m’as ému, Scapin… Ton discours est fort beau
Je t’amène ma fille : achète un lavabo.

(A. Glatigny)

Lavage

Delvau, 1866 : s. m. Vente au rabais d’objets ayant déjà eu un premier propriétaire, — dans l’argot des filles et des bohèmes, qui ont l’habitude de laver précisément les choses les plus neuves et les plus propres, afin de s’en faire de l’argent comptant.

Rigaud, 1881 : Vente pour cause de misère.

La Rue, 1894 : Vente au rabais d’objets dont on veut se débarrasser.

France, 1907 : Vente au rabais de ses effets et de ses meubles.

Barbet n’avait pas prévu ce lavage.

(Balzac)

Lavage, lessive

Larchey, 1865 : Vente, à gros rabais, d’objets ayant déjà eu un premier propriétaire.

Les quatre volumes in-12 étaient donnés pour cinquante sous… Barbet n’avait pas prévu ce lavage.

(Balzac)

À la Bourse, une Lessive est une opération désastreuse, qui vous nettoie. V. Nettoyer.

Lavasse

d’Hautel, 1808 : Pluie qui tombe abondamment. Il signifie aussi vulgairement gronde, blâme, reproche, réprimande.
Il a reçu une bonne lavasse. Signifie au propre, il a été bien mouillé ; et au figuré, on l’a grondé, vespérisé.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais bouillon, trop lavé d’eau, où la viande a été trop épargnée. Argot des bourgeois. Se dit aussi du mauvais café.

Rigaud, 1881 : Soupe ordinaire, — dans le jargon des prisons. Lavasse sénatoriale, lavasse ministérielle, soupe grasse. Lavasse présidentielle, soupe énormément grasse ; mot très rarement employé, et pour cause.

La Rue, 1894 : Soupe dans les prisons. Lavasse ministérielle, soupe grasse.

France, 1907 : Mauvaise soupe, mauvais café.

Lavement

d’Hautel, 1808 : Il me tourmente comme un lavement. Se dit d’une personne pressante qui ne laisse pas de répit jusqu’à ce qu’on l’ait satisfaite.
Rendre quelque chose comme un lavement. C’est-à-dire, s’acquitter d’une obligation presqu’aussitôt qu’on l’a contractée ; rendre à quelqu’un avec une précipitation affectée les politesses qu’on a reçues de lui.

Delvau, 1866 : s. m. Homme ennuyeux, tracassier, canulant, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les détersifs.

Rigaud, 1881 : Adjudant, — en style de régiment. Le mot se renverse. C’est pourquoi, à l’infirmerie, les lavements ont reçu le nom « d’adjudants ». — Laisse-moi vite passer, j’ai un adjudant dans le ventre.

Rigaud, 1881 : Ennuyeux personnage, rabâcheur, tannant. — Pressé comme un lavement, très pressé, allusion au lavement qui, une fois absorbé, n’aime pas à rester longtemps en place.

France, 1907 : Personne ennuyeuse.

— Je viens de subir un fameux lavement. — Qui donc ? — Ma belle-mère est restée plus d’une heure ici.

Lavement au verre pilé

France, 1907 : Eau-de-vie.

— Chaque matin, avant de monter à cheval, nous nous flanquions un fort lavement au verre pilé pour nous donner de l’assiette.

(Les Joyeusetés du régiment)

Laver

d’Hautel, 1808 : Pour, vendre, se défaire de ses effets, de ses bijoux.
Il a lavé sa montre, ses boucles, etc. Pour dire, il les a vendues.
À laver un More, on y perd son savon. Signifie que c’est peine perdu de parler raison à un homme incapable de l’entendre.
Laver la tête à quelqu’un. Lui faire de vives réprimandes.
Se laver les mains d’une affaire. Ne prendre aucune part à son résultat ; se mettre à couvert des reproches que l’on pourroit faire.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Vendre.

Delvau, 1866 : v. a. Vendre à perte les objets qu’on avait achetés pour les garder. Pourquoi laver au lieu de vendre ? M. J. Duflot prétend que cela vient de l’habitude qu’avait Théaulon de remettre à son blanchisseur, afin qu’il battit monnaie avec, les nombreux billets auxquels il avait droit chaque jour. (L’Institution Porcher — la claque — ne fonctionnait pas encore.) « Un jour, dit M. Duflot, le vaudevilliste avait à sa table quelques amis, parmi lesquels Charles Nodier et quelques notabilités politiques, quand le blanchisseur entra pour prendre les billets. — C’est mon blanchisseur, messieurs, dit-il. Bernier, ajouta-il, en se tournant vers lui, vous trouverez mon linge dans ma chambre à coucher ; sur la cheminée, il y a un petit paquet que vous laverez aussi. » Le petit paquet que Bernier trouva contenait les billets de spectacle, et Bernier fut obligé de comprendre que laver voulait dire vendre. Depuis ce jour, il ne manquait jamais de dire, en entrant chez Théaulon : « C’est le blanchisseur de Monsieur : Monsieur a-t-il quelque chose à laver ? »

Rigaud, 1881 : Vendre pour cause de misère ou de gêne momentanée.

Ma foi ! j’avais une marine de je ne sais plus qui, je la décroche, je la fourre dans mon châle ; et je pars laver ça.

(Ed. et J. de Goncourt)

Virmaître, 1894 : Vendre ses frusques. On dit aussi nettoyer son complet (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vendre.

J’ai lavé (vendu) mon bobino un cig.

Hayard, 1907 : Vendre ; (se laver les pieds), être relégué.

France, 1907 : Vendre à bas prix.

— Vous avez pour quarante francs de loges et de billets à vendre, et pour soixante francs de livres à laver.

(Balzac)

Laver ! (va te)

Fustier, 1889 : Expression injurieuse, synonyme de : Vous m’ennuyez !

Laver (se)

Delvau, 1864 : Faire les ablutions de prudence autant que de propreté, après le coït — qui a naturellement pollué les parties sexuelles. — C’est la grande affaire des putains, qui dépensent en un soir plus d’eau que tes ivrognes n’en boivent dans toute leur vie. C’était aussi la grande affaire des Romains post rem veneream ; ils se lavaient presque religieusement, quasi religiose. Martial en témoigne assez. — Pourquoi les femmes honnêtes n’imitent-elles pas les filles publiques, et les bourgeois les Romains ?

Les hommes, lorsqu’ils ont foutu
À double couillon rabattu,
Se lavent dans, une terrine.

(Dumoulin-Darcy)

Pourtant il leur manque, en somme
(Ce qui vaut bien un écu),
De savoir sucer un homme
Et de se laver le cul.

(De la Fizelière)

Laver (va te) !

France, 1907 : Fiche-moi le camp, sors d’ici ! Envoyer un va te laver, donner un coup de poing.

Laver la tête

Delvau, 1866 : v. a. Faire de violents reproches, et même dire des injures, — dans l’argot du peuple, qui ne fait que traduire le verbe objurgare de Cicéron.

Laver la tête de quelqu’un

France, 1907 : Le gourmander, le réprimander vertement.
Quelques « érudits » font remonter cette expression à une fâcheuse aventure arrivée à Socrate. On sait qu’il avait pour femme une mégère des plus acariâtres, nommée Xanthippe. Elle n’avait guère que des invectives et des injures à la bouche, ce qui paraît excusable à ceux qui connaissent les mœurs du sage Socrate, et un jour qu’elle était dans un de ses accès de fureur jalouse, l’ami d’Alcibiade jugea prudent de se retirer. Mais à peine avait-il mis le pied au dehors qu’il reçut sur la tête le contenu d’un vase de nuit qui lui lava complètement la tête. C’est ce qu’on appelle l’ondée de Xanthippe.

Il faut être ignorant comme un maître d’école

Laver la vaisselle

Virmaître, 1894 : V. Descendre à la crémerie.

France, 1907 : Même sens que descendre à la crèmerie.

Laver le brodage

Ansiaume, 1821 : Lever l’écriture.

En lavant le brodage il a gagné 300 balles.

Laver le tuyau (se)

France, 1907 : Boire.

Laver les pieds (se)

Rigaud, 1881 : Aller à Cayenne aux frais de l’État. Les voleurs disaient, dans le même sens, il y a quelques années : Prendre un bain de pieds.

France, 1907 : Faire la traversée pour aller à la Nouvelle-Calédonie ; argot des forçats.

Le vieux avait déjà payé, alors on l’a envoyé se laver les pieds.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Laver les yeux (se)

France, 1907 : Boire le verre de vin blanc matinal.

Laver son linge

France, 1907 : Mourir d’un coup de couteau ou sur la guillotine. Laver le linge dans la saignante, tuer, assassiner.

— Voici le pante que j’ai allumé devant le ferlampier mis au poteau ; il faut laver son linge dans la saignante. Vite à vos surins, les autres ! Une fois qu’il sera refroidi, qu’on le porte à la cave.

(Mémoires de M. Claude)

Mon linge est lavé, mon affaire est faite, je suis pris, battu.

France, 1907 : Purger une condamnation.

Laver son linge (avoir)

Virmaître, 1894 : Le condamné qui a subi sa peine a lavé son linge. Il sort de prison blanc comme neige (Argot des voleurs).

Laver son linge sale en famille

Virmaître, 1894 : Se disputer dans son intérieur, se faire des reproches sanglants (Argot du peuple).

Laver son linge sale en famille (il faut)

France, 1907 : Il ne faut pas entretenir le public des fautes des siens, ni raconter aux commères du voisinage, comme beaucoup de femmes le font, ses querelles de ménage et les frasques de son époux ; en agissant ainsi, on ne fait qu’exciter les rires.

Laver, lessiver

Larchey, 1865 : Vendre, ironiquement envoyer ses effets mobiliers à une lessive dont ils ne reviennent pas. Même allusion dans Passer au bleu et Nettoyer.

Comme ce n’était pas la première fois que j’avais lavé mes effets sans savon.

(Vidal, 1833)

Il a lavé sa montre, ses bijoux, pour dire qu’il les a vendus.

(1808, d’Hautel)

Lavette

d’Hautel, 1808 : C’est une lavette. Se dit par mépris d’une femme qui est mal vêtue ; qui est toute chiffonnée, toute mouillée.

Delvau, 1864 : Le membre viril — peu viril.

Mais c’machin, s’change en lavette,
Grâce au pouvoir d’la vertu,
Et j’ m’en tire quitte et nette
Avec un peu d’ colle au cul

(Parnasse satyrique)

Delvau, 1866 : s. f. Langue, — dans l’argot des faubouriens, qui le disent aussi bien à propos des hommes que des chiens.

Rigaud, 1881 : Langue. — Laveter, bavarder. — Laveteur, bavard.

La Rue, 1894 : Langue.

Virmaître, 1894 : Langue. Dans le peuple, cette expression veut dire mou. On dit aussi : Mou comme une chiffe, apocope de chiffon rouge, langue (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 / France, 1907 : Langue.

France, 1907 : Mou, personne sans consistance, sans parole, sans énergie, qu’on peut employer aux plus sales besognes.

Laveur

Virmaître, 1894 : Complice qui vend aux receleurs les effets volés (Argot des voleurs).

Lavoir

Delvau, 1866 : s. m. Le confessionnal, — dans l’argot des voyous, qui ne vont pas souvent y dessouiller leur conscience, même lorsqu’elle est le plus chargée d’impuretés.

Rigaud, 1881 : Confessionnal. On y fait la lessive de la conscience, plus noire, souvent, que le linge le plus sale. Lavoir public. Journal, — dans le jargon des filles.

Nous ne sommes pas venues ici pour nous engueuler à propos de ces lavoirs publics.

(H. de Lynol, Encore une industrie inconnue, 1860)

La Rue, 1894 : Confessionnal.

Virmaître, 1894 : Confessionnal. Mot à mot, on y lave sa conscience (Argot des voleurs). V. Planche à lavement.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Confessionnal.

Lawn-tennis

France, 1907 : Appellation anglaise de notre vieux jeu de balle et de raquette. « Si on avait parlé de ressusciter, dit Lorédan Larchey, nos vieux jeux de mail et de paume, la motion serait tombée à plat, mais le mail est revenu sous le nom de crocket, la paume sous le nom de lawn-tennis. Il n’en fallait pas davantage. Nos anglomanes ont accepté avec enthousiasme. »

C’est qu’on commet un véritable anachronisme en revêtant d’appellations anglo-saxonnes les jeux qui étaient populaires en France au moyen âge et que nos voisins nous ont empruntés en les baptisant d’un nom anglais. Comme le faisait remarquer notre confrère Philippe Daryl dans son livre sur la Renaissance physique, le crocket et le tennissont tout simplement des transformations de l’antique jeu de paume. Et le nom de lawn-tennis, ou paume de pelouse, est d’autant plus absurde qu’en France ce jeu a lieu en général sur du bitume ou du sable fin.

(Léon Millot)

Lazagne

Larchey, 1865 : Lettre (Vidocq). — Allusion aux lazagnes, longues bandes de pâtes d’Italie, ressemblant assez à des morceaux de papier. V. Balancer.

Delvau, 1866 : s. f. Lettre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lettre, — dans le jargon des voleurs. Balanceur de lazagnes, écrivain public.

La Rue, 1894 : Lettre. Billet de banque.

Virmaître, 1894 : Lettre (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Lettre.

France, 1907 : Pâte en forme de rubans dont la composition est la même que celle du vermicelle et, comme le macaroni, fort en usage en Italie, où on la mange au gras et au fromage.

Lazagne, lazagen

France, 1907 : Lettre ; argot des voleurs.

On appelle lazagna, en italien, une espèce de mets de pâte, et l’on dit proverbialement « comme les lasagnes, ni endroit, ni envers » pour dire « on ne sait ce que c’est ». On comprend que, ignorants comme ils le sont pour la plupart, les gueux aient appliqué cette expression aux lettres, qui d’ailleurs sont loin d’être toujours lisibles.

(Francisque Michel)

Lazagneur

Virmaître, 1894 : Prisonnier qui écrit pour ses camarades de prison (Argot des voleurs).

Lazaro

France, 1907 : Prison ; argot militaire apporté dans les régiments par les souteneurs qui avaient leurs marmites à Saint-Lazare.

Au fond, il se moquait pas mal d’être flanqué au lazaro.

(Georges Courteline)

Lazi-loffe

Vidocq, 1837 : s. m. — Mal vénérien.

Lazo-ligot

France, 1907 : Corde à nœud coulant.

Il avait l’agilité du Mexicain pour jeter le lazo-ligot, pour entourer d’un seul coup le corps et le poignet de son sujet, de façon à ce que la main restât attachée à sa hanche.

(Mémoires de M. Claude)

Lazzi-loff

Delvau, 1866 : s. m. Maladie qui ne se guérit qu’à l’hôpital du Midi et à Lourcine. Même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Syphilis.

Virmaître, 1894 : M. Prudhomme tient son fils par la main, un collégien de quinze ans, rue Notre Dame de Lorette ; il hèle l’omnibus Batignolles-Clichy-Odéon :
— Conducteur, vous passez rue de Tournon, devant chez Ricord ?
— Oui, Monsieur. Alors, poussant son fils dans la voiture :
— Montez, petit cochon ! (Argot du peuple). V. Chaude-lance.

France, 1907 : Maladie vénérienne, ce que les Anglais appellent goutte française ou fièvre de dames.

Le

Delvau, 1864 : et quelquefois aussi la. (Sous-entendu vit ou pine)

Le voilà qui se durcit vraiment… qui se raidit… Attends, que je me renverse tout a fait pour que nous le fassions entrer quelque part.

(La Popelinière)

Il dit qu’il voulait qu’on le lui coupât, qu’il ne faisait son devoir.

(La France galante)

Le 36 du mois

Virmaître, 1894 : Réponse à un créancier qui demande :
— Quand me paierez-vous ? (Argot du peuple). N.

Le mettre à quelqu’un

Larchey, 1865 : En faire accroire, tromper.

Le pète

Rossignol, 1901 : Postérieur.

Le royaume des taupes

Larchey, 1865 : La terre.

Il est au royaume des taupes, il est mort.

(Oudin, 1640)

Le, la, les

Rigaud, 1881 : Articles que messieurs les maîtres d’hôtel des maisons qui se respectent — s’inspirant des traditions de la Régence, — ne manquent jamais de placer avant le nom de chaque plat porté sur le manuscrit gastronomique, vulgo menu. Ainsi ce sera : Le potage velours, les filets de sole à la Joinville, la poularde truffée, les asperges en branche, la timbale de Bontoux. C’est-à-dire : le merveilleux potage, les admirables filets, la succulente poularde, les énormes asperges, la sans pareille timbale.

Leader

France, 1907 : Chef d’un parti ou d’un groupe politique. Anglicisme.

Député leader de l’extrême gauche, il arpentait les couloirs de la Chambre, la salle des séances, avec des allures de bretteur. On avait rappelé Warwick, le faiseur et le détrôneur de rois, à propos de lui. De même que l’Anglais, il démolissait les ministres qui ne lui plaisaient pas ou qui avaient cessé de lui plaire. Il affectait une morale et des principes rigides : c’était la couverture de l’homme. Dans les occasions solennelles, il montait à la tribune, et il y débitait une de ces harangues dont il avait le secret : phrases sèches, incidentes, autoritaires, redoutées de tous en général.

(Félicien Champsaur)

Perdue à l’ombre du plus âgé de ces leaders, très grave sous son waterproof brun et son chapeau de quakeresse, une petite bonne femme d’une vingtaine d’années écoutait sans mot dire, amusante par le contraste de son museau frisé avec la solennité un peu comique de son attitude.
Elle s’était faite l’Antigone et le secrétaire du vieux leader, venant de Neuilly à Paris, tous les jours que Dieu faisait, passer quelques heures à lui confectionner des plats sucrés et à recopier ses chroniques.

(Séverine)

Leading

France, 1907 : Article de tête d’un journal ; premier Paris. Anglicisme. Leading articulet, premier article court et médiocre.

L’Argent est roi : il régit tout. Ceux qui ne flattent pas le Veau d’or, l’Idole n’incline pas vers eux son mufle sacré. L’Argent est victorieux ; il n’était pas tout au siècle dernier ; mais, une prétendue et vaine égalité conquise, il est tout aujourd’hui ; il caractérise l’époque, « L’Argent, quel maître et quel tyran ! » — écrivait un jour un directeur de journal dans un leading articulet.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Lécassine

France, 1907 : Espèce de champignon, la mérule chanterelle. Lorsqu’on en fait un mets, il ne faut pas ménager la graisse ; aussi dit-on proverbialement : « Gourmand comme une lécassine. »

(V. Lespy et P. Raymond)

Léchard

Virmaître, 1894 : Jeune homme (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Jeune homme : argot des voleurs.

Lèche

France, 1907 : Flatterie. Piquer une lèche, flatter.

Lèche-budget

France, 1907 : Ministre, et généralement tout haut fonctionnaire, budgétivore.

Lèche-cul

Delvau, 1864 : Petit chien havanais, king’s-Charles, épagneul, ou de n’importe quelle autre race, qu’affectionnent volontiers les filles pour en être gamahuchées, — Voir Gimblette.

Rigaud, 1881 : Adulateur sans vergogne, bas flatteur.

Virmaître, 1894 : V. Fleure-fesse.

Hayard, 1907 : Peloteur, obséquieux, vil.

Lèche-cul, lèche-croupion, lèche-bottes

France, 1907 : Flatteur et, nécessairement, mouchard.

Il y a quelque temps, une jeune apprentie tisseuse obtint deux jours de permission. Une lèche-croupion raconta au singe que la jouvencelle avait été vue avec un amoureux. Quel crime !
Illico, l’apprentie a été sacquée.
Quant à la moucharde, si elle n’a pas eu le chignon crêpé, ce n’est pas que les autres ouvrières n’en aient pas eu envie…
Voilà l’infect jésuitard qui est le boute-en-train de toutes les œuvres de bienfaisance d’Orléans. La bienfaisance des capitalos, on sait comment ça se solde : par une recrudescence d’exploitation !

(Le Père Peinard)

Lèche-curé

Rigaud, 1881 : Bigot, bigote, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Dévot, dévote. Si elles ne léchaient que le curé, mais elles lèchent aussi les vicaires !

Un tas de lèche-curés assiégeaient le confessionnal du beau vicaire et, ne lui laissant pas un moment de repos, venaient le relancer jusque dans la sacristie. Ah ! les enragées bougresses ! comme je leur aurais donné du bâton !

(Les Propos du Commandeur)

Lèche-plat

France, 1907 : Parasite, gourmand.

Lèchecul

Delvau, 1866 : s. m. Flatteur outré ; flagorneur, — dans l’argot du peuple.

Léchée (peinture)

Rigaud, 1881 : Tableau peint à petits pinceaux, d’une manière minutieuse.

Lécher

d’Hautel, 1808 : Il s’en est léché les doigts. Se dit d’un gourmand à qui l’on n’a pas servi assez d’un mets auquel il prenoit goût.

Virmaître, 1894 : Peindre un tableau avec un soin méticuleux. Dans les ateliers, on dit d’un peintre lécheur qu’il fait de la peinture de demoiselle (Argot des artistes peintres). N.

Lécher le grouin

Rigaud, 1881 : Embrasser. (Dict. comique.) Aujourd’hui l’on dit plus fréquemment : sucer, se sucer le caillou.

Lécher les bottes

France, 1907 : Flatter bassement. « Il n’est guère de candidat qui ne s’attache à lécher les bottes de ses électeurs et ne s’offre à leur lécher au besoin le derrière. »

C’est parce qu’il ne rencontre pas assez d’« écrivains », au sens indépendant et probe du mot, que le public méprise les journalistes. Lécher les bottes est plus qu’une vilenie… c’est une maladresse !

(Séverine)

Lécher les murs

France, 1907 : On dit d’une personne qui a de l’embonpoint qu’elle ne s’est pas engraissée à lécher les murs.

Penses-tu que du rapace
Les trois mentons en fruits mûrs
Sont gras de lécher les murs ?
Tout l’or de la fille y passe,
Et son ventre et ses tétons,
Pour nourrir ces trois mentons.

(Jean Richepin)

Lécher un tableau

Delvau, 1866 : v. a. Le peindre trop minutieusement, à la hollandaise, — dans l’argot des artistes.

France, 1907 : Peindre minutieusement, rendre des moindres détails, s’attacher à l’exactitude, à la façon des peintres hollandais, le contraire des placards impressionnistes.

Lécheur

Delvau, 1866 : s. et adj. Qui aime à embrasser ; qui se plaît à recevoir et à donner des baisers, — dans l’argot du peuple, qui n’est pas précisément de la tribu des Amalécites.

Lécheur, lécheuse

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui, à tout bout de champ, trouve moyen d’embrasser. Celui, celle qui se fond en caresses.

Lécheuses de guillotine

France, 1907 : Nom donné en 1793 aux mégères qui accouraient aux exécutions des aristocrates.

Quand le bourreau arracha le voile rouge qui couvrait ses épaules, elle apparut si imposante dans sa beauté de marbre, que les lécheuses ce guillotine, payées pour applaudir, restèrent la bouche ouverte et les mains suspendues, muettes d’admiration.

(G. Lenotre, Les Sainte-Amaranthe)

Lectrin

France, 1907 : Pupitre qui supporte un livre ; d’où lutrin. Vieux mot à tort hors d’usage, car on ne le remplace que par une périphrase.

Il y en avait (des lectrins) à mécanisme ingénieux pour mouvoir dans les salles d’étude, et sans les déplacer, les énormes volumes en parchemin. Il y en avait de longs pour servir dans les bibliothèques ; il y en avait de toutes formes dans le chœur des églises, mais l’ange et l’aigle aux ailes déployées étant la plus ordinaire, on disait couramment l’ange et l’aigle pour le pupitre.

(Léon de Laborde)

Lectrun

France, 1907 : Prie-Dieu.

Devant l’autel s’agenouilla,
Sous un lectrun ses gants jeta.

(Roman de Wace)

Lecture (être en)

Virmaître, 1894 : Femme occupée sur sa chaise longue (Argot des filles). N.

Ledé

France, 1907 : Dix centimes ; argot des voleurs.

Lédé

Virmaître, 1894 : Dix centimes (Argot des voleurs). N.

Ledru-rollin

Fustier, 1889 : Ouvrier ébéniste. Argot du peuple et notamment des ouvriers du faubourg Saint-Antoine.

Plusieurs maisons du côté de la rue de Charonne sont toutes pleines d’ouvriers de ce genre qui ont leur établi chez eux et qui travaillent pour la trôle. Quelques-uns portent un nom spécial. On les appelle les Ledru-Rollin, parce que les bâtiments où ils ont leur nid appartenaient à l’ancien montagnard de 1848 et sont encore aujourd’hui la propriété de sa veuve.

(J. Vallès : Tableau de Paris)

Léger

d’Hautel, 1808 : Il est léger comme l’oiseau de Saint Luc. (un bœuf). Se dit par ironie d’un rustre, d’un lourdaud, d’un homme épais et de mauvaise tournure.

Légitimard

Fustier, 1889 : Partisan du comte de Chambord, de la monarchie légitime. — Qui se rapporte à la monarchie.

De Chambord, le vingt-neuf septembre,
Les légitimards ont fêté
Par un petit banquet en chambre
L’anniversaire peu vanté.

(L’Esclave Ivre, no 4)

France, 1907 : Légitimiste.

De Chambord, le vingt-neuf septembre,
Les légitimards ont fêté
Par un petit banquet en chambre
L’anniversaire peu vanté.

(L’Esclave ivre)

Légitime

Delvau, 1866 : s. f. Épouse, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Pour femme légitime. — Qu’est-ce qu’a vu ma légitime ?

France, 1907 : Épouse.

Il ne manquait jamais, quand le vent soufflait dans les voiles et qu’il y avait fort tangage, de battre la charge sur la hure de sa légitime.

(Les Propos du Commandeur)

Légitime (manger sa)

France, 1907 : Dissiper sa fortune. La légitime est la portion que la loi assure aux enfants sur les biens du père et de la mère.

Lègre

Vidocq, 1837 : s. f. — Foire.

Larchey, 1865 : Foire (Vidocq). V. Servir.

Delvau, 1866 : s. f. Foire, marché, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Foire. Marché.

Virmaître, 1894 : Foire, marché (Argot des voleurs). V. Légreur.

Hayard, 1907 : Foire, marché.

France, 1907 : Foire, marché ; argot des voleurs.

Camaro de la petit’ pègre,
Tiens les bons trucs sur la lègre…
Du croquant fais une lessive,
Chope-lui cornant, douille et sive.

(Hogier-Grison)

Légrer

Virmaître, 1894 : Lever, tromper (Argot des voleurs). N.

Légreur (le)

Virmaître, 1894 : Est un forain qui tient un jeu dans les foires et qui annonce, pour allécher le public, des lots imaginaires (Argot des voleurs). N.

Légrier

France, 1907 : Marchand forain.

Lègrier

Vidocq, 1837 : s. m. — Marchand forain.

Légumard

France, 1907 : Gros fonctionnaire, officier supérieur, homme haut placé.

L’autre samedi, pendant que Bibi pestait à travers champs contre les garces de giboulées de mars et que les frangins des villasses moisissaient dans leurs ateliers, savez-vous de quoi s’occupaient les porcs de la Chambre ? Ne sachant à quoi tuer le temps, ils s’étaient foutus à jaboter de la mévente des autres porcs, — de ceux à quatre pattes.
La mévente… un diable de mot qui a fait son chemin depuis qu’il y a trois ans et demi les vignerons du Bas-Languedoc et du Roussillon firent de la rouspétance et engueulèrent gentiment préfets et autres légumards à cause de la mévente de leurs picolos.
Et c’est contagieux ces sacrées méventes. À celle du piéton succède celle du blé ; les Bretons se plaignent de la mévente des beurres et les gas du Sud-Ouest de la mévente du bétail.

(Le Père Peinard)

Légume

d’Hautel, 1808 : Vulgairement on fait ce mot féminin, et l’on dit : de bonnes légumes, pour de bons légumes.

Fustier, 1889 : Fonctionnaire. Gros légume. Fonctionnaire puissant et haut placé.

Légumes

Delvau, 1866 : s. m. pl. Oignons, œils de perdrix, durillons des pieds, — dans l’argot des faubouriens. J’en ai entendu un s’écrier : « Oui, quand il poussera des légumes entre les doigts de pied de Louis XIV ! » On dit aussi Champignons.

France, 1907 : Oignons, durillons, œils-de-perdrix et toutes sortes d’excroissances occasionnées par notre chaussure antihygiénique ; argot des faubouriens.

Légumes (être dans les)

France, 1907 : Être chargé d’une fonction spéciale qui exempte du service ordinaire, des manœuvres, des corvées, et grâce à laquelle on peut plus ou moins battre sa flemme à son aise. Aussi les fricoteurs, carottiers, paresseux et autres lousticots ejusdem farinæ cherchent-ils à être pourvus de semblables emplois, tels que scribe chez le sergent-major, adjoint au trésorier, etc., etc. Argot militaire.

Légumes (grosses)

France, 1907 : Les officiers supérieurs, les généraux ; argot militaire passé dans le civil.

Légumier

Rigaud, 1881 : Cuisinier chargé du département des légumes, dans un grand restaurant.

La truffe n’est pas de son domaine ; elle appartient en propre au grand chef, qui la distribue d’après les besoins… et la suit de l’œil.

(Eug. Chavette, Restaurateurs et restaurés, 1867)

France, 1907 : Soldat ou sous-officier qui échappe aux désagréments du service en se réfugiant dans les bureaux.

Légumiste

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui, par respect pour les bêtes, se nourrit exclusivement de légumes, comme un vertueux brahmine. Il y a une Société des légumistes.

France, 1907 : Végétarien.

Lem

Delvau, 1866 : Désinence javanaise, — mais d’un javanais spécial aux saltimbanques, et quelquefois aussi aux voleurs. Parler en lem. Ajouter cette syllabe à tous les mots pour les rendre inintelligibles au vulgaire. On dit aussi Parler en luch — et alors on remplace lem par luch.

Lem (parler en)

Larchey, 1865 : Soumettre chaque substantif à l’emploi d’une même syllabe finale et à la transposition de deux lettres. On peut ainsi parler un français inintelligible pour les profanes. Ce système consiste : 1o à ajouter la syllabe lem à chacun des mots qui viennent à la bouche ; 2o à troquer la lettre l de lem contre la première lettre du mot qu’on prononce.

Et alors que tous les trucs seront lonbem (bons).

(Patrie du 2 mars 1852)

On parle en luch comme en lem. On combine quelquefois les deux.

France, 1907 : Ajouter cette syllabe à tous les mots pour rendre la conversation inintelligible aux pantes en mettant la lettre l au commencement du mot, à la place de la première lettre de ce mot que l’on transporte à la fin suivi de la syllabe em ; ex. : loupsem, soupe.

Lemmefuche

Hayard, 1907 : Femme.

Lempe

M.D., 1844 : Drap de lit.

Lendore

d’Hautel, 1808 : Un lendore. Pour, un nonchalant, un longis, un apathique ; un homme qui a toujours l’air endormi.

Delvau, 1866 : s. m. Paresseux, nonchalant, endormi, — dans l’argot du peuple.

Lengoter

France, 1907 : S’étendre lentement, nonchalamment, comme une petite maîtresse qui s’allonge sur son canapé.

Lenguetré

France, 1907 : Trente sous.

Lénotte

France, 1907 : Tresse, cordon. « Ma lénotte est cassée. »

Lentille

d’Hautel, 1808 : Le peuple de Paris prononce nentille ; comme il dit caneçon, au lieu de caleçon.

Virmaître, 1894 : Punaise (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Punaise.

Lentilles (plat de)

France, 1907 : Visage couvert de taches de rousseur.

— La gosseline est assez gironde, dommage qu’elle ait un plat de lentilles.
— Bah ! ça lui passera quand elle aura vu le loup !

(Les Joyeusetés du régiment)

Léon

Vidocq, 1837 : s. m. — Président de Cour d’Assises.

Delvau, 1866 : n. d’h. Le président des assises, — dans l’argot des voleurs, renards qui se sentent en présence du lion.

Rigaud, 1881 : Président de Cour d’assises, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Le président des assises.

Virmaître, 1894 : Le président de la cour d’assises.
— Quelle tapette, le léon de la planche à pain.
Léon, dans le peuple, est employé à tout propos :
— Vas y Léon, tape dessus. (Argot du peuple).

France, 1907 : Président de cour d’assises ; argot des voleurs, pour lion.

Léproserie

France, 1907 : Sobriquet donné par les antisémites aux salons des riches Israélites.

Lerch

Hayard, 1907 : Cher.

Lerida

France, 1907 : Refrain de chanson satirique qui date du siège de Lerida, Catalogne (Espagne), siège que le prince de Condé fut obligé de lever. On donna pendant le XVIIe siècle le nom de lerida à tout couplet satirique.

Lermon

Delvau, 1866 : s. m. Étain, — dans le même argot [des voleurs].

Lermon, lermond

France, 1907 : Étain.

Lermond

Halbert, 1849 : Étain.

Lermoné

Halbert, 1849 : Étamé.

Lermonée

Halbert, 1849 : Étamée.

Lermoner

Delvau, 1866 : v. a. Étamer.

France, 1907 : Étamer.

Les jambes en manche de veste

Rossignol, 1901 : Jambes tordues, mal faites.

Les routes sont sures ici, on ne verse pas souvent

Virmaître, 1894 : Exclamation d’un ivrogne dans une maison où l’on verse à boire avec parcimonie (Argot du peuple). N.

Les toiles se touchent

Virmaître, 1894 : Cette expression signifie ne pas avoir d’argent : les toiles des poches se touchent (Argot du peuple). N.

Les vingt-huit jours

Virmaître, 1894 : Quand les réservistes partent, ils emportent généralement dans un mouchoir quelques menus objets de toilette. Quand les agents arrêtent un individu, on le conduit au poste de police où on le fouille très minutieusement ; les objets qu’il possède sont enveloppés dans un mouchoir. Quand le lendemain, à 9 heures du matin, on le conduit au bureau du commissaire de police, l’agent qui le tient porte le petit paquet ; comme généralement ils sont huit ou dix à la file, quand ils passent, le peuple dit par allusion : Tiens ! les vingt-huit jours ! (Argot du peuple). N.

Lesbien

Delvau, 1866 : s. m. Ce que les voleurs anglais appellent un gentleman of the back-door. Argot de gens de lettres.

France, 1907 : Sodomite.
On disait autrelois lesbin, ainsi qu’on le voit dans le passage suivant de Dictionnaire de Le Roux : « Lesbin, pour dire un jeune homme qui sert de succube à un autre et qui souffre qu’on commette la sodomie sur lui. »

Lesbienne

Delvau, 1864 : Femme qui préfère Sapho à Phaon, le clitoris à la pine ; Parisienne qui semble née à Lesbos, « terre des nuits chaudes et langoureuses. »

Elle aime tout les rats,
Et voudrait, la lesbienne,
Qu’à sa langue de chienne
Elles livrent leurs chats.

(J. Duflot)

Delvau, 1866 : s. f. Fleur du mal, et non du mâle.

Rigaud, 1881 : Femme qui suit les errements de Sapho ; celle qui cultive le genre de dépravation attribué à Sapho la Lesbienne.

France, 1907 : Femme on fille adonnée aux plaisirs hors nature, de Lesbos, aujourd’hui Métélin, île de la mer Égée, célèbre dans l’antiquité grecque par la beauté et la corruption de ses femmes.

Lesbombe

Rossignol, 1901 : Prostituée.

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Prostituée.

L’autre soir, à la bruine, je radinais à la piaule, et je passais rue Saint-Charles, tout en roulant une sébiche. V’là une lesbombe qui me raccroche :
— Tu n’offres pas une cigarette ?
— Si, Bébé, que je lui fais.
Et j’y en donne une. Ça y faisait plaisir, est-ce pas, et moi, ça me coûtait pas grand’chose. Je pouvais faire ça.

(Oscar Méténier)

Lesbonde

Virmaître, 1894 : V. Accouplée.

Lescailler

Halbert, 1849 : Pisser de l’eau.

Lésée

Fustier, 1889 : Femme.

La frangine ! Je n’y ai seulement pas parlé ! Elle ferait bien mieux de s’occuper de ses lésées (femmes) !

(A. Humbert, Mon bagne)

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Femme ou fille publique. Elle est, en effet, lésée par son souteneur.

Devant l’Élysée-Montmartre, des voitures stationnaient. Des filles descendaient l’escalier, dans la lumière bleuâtre de l’électricité, rigoleuses, les jupes haut troussées pour montrer leurs dessous… Et, en face, dans l’ombre du large trottoir central, sous les arbres frileux, des types louches, un bout de cigarette éteinte au coin des lèvres, le dos bombé dans le mince veston, les mains aux poches, surveillaient leurs lésées, lancées sur le grand chantier du turbin.

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

Si nos doches étaient moins vieilles,
On les ferait plaiser,
Mais les pauv’ loufoques balaient
Les gras de nos lésées.

(Jean Richepin)

Lésée, lésébombe

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des voyous. — Les bouchers disent : lesélem ou lesèlumfum, lèséslem-fuch, en ajoutant lem, lumfum, ou lemfuch ; fum et fuch sont pour fumelle, altération de femelle. — Lésébombe en purée, fille publique mal mise, dans la misère.

Lésée, lésébonde

La Rue, 1894 : Fille publique.

Lésine

d’Hautel, 1808 : Avarice, parcimonie, vilenie.

Lésiner

d’Hautel, 1808 : Pour, être chiche, vilain, avaricieux, égoïste.

La Rue, 1894 : Tricher. Hésiter.

Lésineur

d’Hautel, 1808 : Qui est trop économe ; qui marchande sur la moindre chose ; qui meurt d’avarice.

Lessere

Clémens, 1840 : Faire le compère au jeu.

Lessin

Clémens, 1840 : Poltron.

Lessiner

Clémens, 1840 / La Rue, 1894 : Craindre.

Lessivage

France, 1907 : Vente de ses effets et de ses meubles.

Lessivant

Delvau, 1866 : s. m. Avocat d’office, — dans l’argot des voleurs, qui ont grand besoin d’être blanchis. Les Gilles Ménage de Poissy et de Sainte-Pélagie prétendent qu’il faut dire Lessiveur.

Virmaître, 1894 : Avocat d’office (Argot des voleurs).

Lessivant, lessiveur

France, 1907 : Avocat. S’il a du talent, il blanchit le plus crapuleux coquin ; il le lessive.

Lessive

d’Hautel, 1808 : Faire la lessive du gascon. Voyez Gascon.

Delvau, 1866 : s. f. Perte, — dans l’argot des joueurs.

Delvau, 1866 : s. f. Plaidoirie, — tout avocat ayant pour mission de blanchir ses clients, fussent-ils nègres comme Lacenaire, ce Toussaint-Louverture de la Cour d’assises.

Delvau, 1866 : s. f. Vente à perte, de meubles, de vêtements ou de livres, — dans l’argot des bohèmes et des lorettes. Faire sa lessive. Se débarrasser au profit des bouquinistes, des livres envoyés par les éditeurs ou par les auteurs, — dans l’argot des bibliopoles, qui n’en enlèvent pas assez souvent les ex-dono.

France, 1907 : Café faible comme le font certaines bourgeoises économes. On l’appelle aussi roupie de singe ou jus de chapeau.
Coulez-vous la lessive ?
Payez-vous le café ?

France, 1907 : Plaidoirie.

France, 1907 : Renvoi d’un certain nombre d’employés, épuration d’un personnel.

On a fait beaucoup de tapage à l’occasion de certaines irrégularités qui ont motivé une lessive à la Préfecture, lessive qui a porté surtout sur le service de la Sûreté.
On eût peut-être au plus sagement en faisant, comme on dit, cette lessive « en famille ». Et puis, le tapage qu’on y a fait servira-t-il à quelque chose ? J’ai bien peur que non.

(Mémoires d’un Inspecteur de la Sûreté)

France, 1907 : Vente au rabais de ses effets. Faire sa lessive, vendre les livres envoyés par les auteurs.

Catulle Mendès fait de temps à autre la lessive de sa bibliothèque.

Lessive de Gascon

Delvau, 1866 : s. f. Propreté douteuse qui ne résiste pas à l’examen, — dans l’argot des bourgeois, heureux d’avoir du linge. Faire la lessive du Gascon. Retourner sa chemise quand elle est sale d’un côté, — ce que font beaucoup de bohèmes. On connaît ce mot d’un vaudevilliste propret à propos d’un autre vaudevilliste goret : « Faut-il que cet homme ait du linge sale, pour pouvoir en mettre ainsi tous les jours ! »

France, 1907 : Malpropreté. Faire la lessive de Gascon, retourner sa chemise ou ses chaussettes et s’imaginer qu’elles sont lavées. La malpropreté des gens du Midi est proverbiale ; elle n’est pas plus la spécialité des Gascons que des Languedociens, des Béarnais, des Basques et des Provençaux. C’est précisément dans les pays où l’on devrait prendre le plus de bains qu’on en prend le moins.

Lessive du Gascon

Rigaud, 1881 : Propreté très superficielle. Un faux-col retourné, pas de chemise, et les mains à peine lavées, voilà la lessive du Gascon.

Lessive, lessivage

Rigaud, 1881 : Vente pour cause de nécessité première, vente quand même. — Grosse perte d’argent. — Mauvaise opération financière. — Plaidoyer, — dans le jargon des voleurs.

Lessiver

Delvau, 1866 : Défendre un prévenu en police correctionnelle, un accusé en Cour d’assises.

Rossignol, 1901 : Vendre. Celui qui vend ce qui lui appartient lessive.

France, 1907 : Défendre un prévenu.

Lessiver (se faire)

Delvau, 1866 : Perdre au jeu.

France, 1907 : Perdre son argent au jeu.

Lessiveur

Rigaud, 1881 : Avocat. C’est lui qui est chargé de laver le linge sale de l’accusé.

La Rue, 1894 : Avocat.

Virmaître, 1894 : Avocat. Il y a souvent des clients qui en ont besoin d’une rude de lessive pour blanchir leur conscience. V. Blanchisseur.

Rossignol, 1901 : Avocat (parce qu’il blanchit son client).

Hayard, 1907 : Avocat.

France, 1907 : Avocat. Il blanchit parfois les plus malpropres.

Lessiveur de pétrousquin

Virmaître, 1894 : Voleur qui dévalise les paysans. Mot à mot : il les lessive (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dévaliseur de campagnards.

Lest (jeter son)

Rigaud, 1881 : Rejeter par en haut le lest de la nourriture, vulgo vomir.

Lettre

d’Hautel, 1808 : Prendre tout au pied de la lettre. Pour dire, interpréter les choses dans un sens opposé à celui qu’on veut faire entendre ; se fâcher pour la plus légère plaisanterie.

Lettre de Jérusalem

Delvau, 1866 : s. f. Escroquerie par lettre, dont Vidocq donne le détail aux pages 241-253 de son livre.

France, 1907 : Escroquerie par lettre. Elle est ordinairement écrite par un détenu qui cherche à soutirer de l’argent. Le dépôt de la préfecture de police, d’où ces lettres partaient généralement, se trouvait autrefois rue de Jérusalem.

Lettre moulée

Delvau, 1866 : s. f. Le journal, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression à Paul-Louis Courier.

France, 1907 : Journal, caractères d’imprimerie.

Lettres de Jérusalem

Vidocq, 1837 : Les évènemens de notre première révolution ont donné naissance aux Lettres de Jérusalem ainsi qu’aux Vols à la Graisse et à plusieurs autres. De la fin de 1789 à l’an VI de la république, des sommes très-considérables, résultats de Lettres de Jérusalem, sont entrées dans les diverses prisons du département de la Seine, et notamment à Bicêtre. En l’an VI, il arriva dans cette dernière prison, et dans l’espace de deux mois, plus de 15,000 francs.
Voici quelle était la manière de procéder des prisonniers qui voulaient faire un arcat, c’est-à-dire escroquer de l’argent à une personne au moyen d’une Lettre de Jérusalem. Ils se procuraient les adresses de plusieurs habitans des départemens, et, autant que possible, ils choisissaient ceux qui regrettaient l’ancien ordre de choses, et qu’ils croyaient susceptibles de se laisser séduire par l’espoir de faire une opération avantageuse ; on adressait à ces personnes une lettre à-peu-près semblable à celle-ci.

Monsieur,
Poursuivi par les révolutionnaires, M. le vicomte de ***, M. le comte de ***, M. le marquis de ***, (on avait le soin de choisir le nom d’une personne connue et récemment proscrite), au service duquel j’étais en qualité de valet de chambre, prit le parti de se dérober par la fuite à la rage de ses ennemis ; nous nous sauvâmes, mais suivis pour ainsi dire à la piste, nous allions être arrêtés lorsque nous arrivâmes à peu de distance de votre ville ; nous fûmes forcés d’abandonner notre voiture, nos malles, enfin tout notre bagage ; nous pûmes cependant sauver un petit coffre contenant les bijoux de Madame, et 30 000 fr. en or ; mais, dans la crainte d’être arrêtés nantis de ces objets, nous nous rendîmes dans un lieu écarté et non loin de celui où nous avions été forcés de nous arrêter ; après en avoir levé le plan, nous enfouîmes notre trésor, puis ensuite nous nous déguisâmes, nous entrâmes dans votre ville et allâmes loger à l’hôtel de ***. Nous nous informâmes en soupant d’une personnes à laquelle on pût, au besoin, confier des sommes un peu fortes ; nous voulions charger cette personne de déterrer notre argent, et de nous l’envoyer par petites parties au fur et à mesure de nos besoins, mais la destinée en ordonna autrement. Vous connaissez sans doute les circonstances qui accompagnèrent l’arrestation de mon vertueux maître, ainsi que sa triste fin. Plus heureux que lui, il me fut possible de gagner l’Allemagne, mais bientôt assailli par la plus affreuse misère, je me déterminai à rentrer en France. Je fus arrêté et conduit à Paris ; trouvé nanti d’un faux passeport, je fus condamné à la peine des fers, et maintenant, à la suite d’une longue et cruelle maladie, je suis à l’infirmerie de Bicêtre. J’avais eu, avant de rentrer en France, la précaution de cacher le plan en question dans la doublure d’une malle qui, heureusement, est encore en ma possession. Dans la position cruelle où je me trouve, je crois pouvoir, sans mériter le moindre blâme, me servir d’une partie de la somme enfouie près de votre ville. Parmi plusieurs noms que nous avions recueillis, mon maître et moi, à l’hôtel, je choisis le vôtre. Je n’ai pas l’honneur de vous connaître personnellement, mais la réputation de probité et de bonté dont vous jouissez dans votre ville, m’est un sûr garant que vous voudrez bien vous acquitter de la mission dont je désire vous charger, et que vous vous montrerez digne de la confiance d’un pauvre prisonnier qui n’espère qu’en Dieu et en vous.
Veuillez, Monsieur, me faire savoir si vous acceptez ma proposition. Si j’étais assez heureux pour qu’elle vous convint, je trouverais les moyens de vous faire parvenir le plan, de sorte qu’il ne vous resterait plus qu’a déterrer la cassette ; vous garderiez le contenu entre vos mains ; seulement vous me feriez tenir ce qui me serait nécessaire pour alléger ma malheureuse position.
Je suis, etc.
P. S. Il n’est pas nécessaire de vous dire qu’une affaire semblable à celle que je vous propose doit être faite avec la plus grande discrétion ; ainsi, dans votre réponse, qui devra passer par le greffe de la prison avant de m’être remise, bornez-vous, seulement à me répondre, oui, ou non.

Toutes les Lettres de Jérusalem étaient calquées sur le même modèle, et tous les jours il en sortait, des prisons de la Seine, une très-grande quantité ; sur dix, sur vingt même, une tombait entre les mains d’un individu qui, par bonté d’ame, ou dans l’espoir de s’approprier tout ou partie du trésor, voulait bien se charger de la commission, et qui répondait au prisonnier. (C’est ici le lieu de faire remarquer que ce n’était jamais à celui qui avait monté l’arcat que la réponse était adressée ; un autre prisonnier était chargé de figurer, c’est-à-dire, de représenter, au besoin, le domestique infortuné du comte ou du marquis.)
Lorsque la réponse du Pantre était parvenue à l’Arcasineur, il s’empressait de lui écrire qu’il bénissait le ciel qui avait bien voulu permettre que la première personne à laquelle il s’était adressé, fût assez bonne pour compâtir à ses peines ; il était prêt, disait-il, à lui envoyer le plan qui devait le guider dans ses recherches ; mais pour le moment cela lui était impossible, attendu que, pour subvenir à ses premiers besoins, il avait été forcé de mettre sa malle, et tout ce qu’elle contenait, entre les mains d’un infirmier, en garantie d’une somme de… (la somme était toujours en rapport avec la fortune présumée de l’individu auquel on s’adressait.) Mais pourtant, ajoutait en terminant l’Arcasineur, si vous voulez avoir l’extrême complaisance de m’envoyer la somme due par moi à l’infirmier, je vous enverrai de suite le plan, et toutes les indications qui vous seraient nécessaires. La cupidité exerce un tel empire sur la plupart des hommes, que, presque toujours, le prisonnier recevait la somme qu’il avait demandée ; il arrivait même que, par excès de complaisance ou de précaution, le Sinve l’apportait lui-même, ce qui ne l’empêchait pas de subir le sort du commun des martyrs.
Les Lettres de Jérusalem ne sont pas mortes avec les circonstances qui les avaient fait naître ; tous les jours encore, des arcats sont montés dans les prisons, et l’audace des Arcasineurs est si grande, qu’ils ne craignent pas de s’adresser à des individus qui doivent, par le fait seul de leurs relations antérieures, connaître leurs us et coutumes ; cela est si vrai, qu’un Arcasineur m’adressa, il y a peu de temps, la lettre suivante :

Toulon, le 14 novembre 1835.

Monsieur,
J’ai fait du bien ; qu’il est doux, ce mot ! Ce mot renferme des pages entières, des volumes même. Un bienfait n’est jamais perdu. Quoi ! le bienfaiteur désintéressé a-t-il besoin de récompense ? Non ! Il est trop payé, s’il est humain et généreux, par cette satisfaction qui énivre les ames sensibles après un bienfait.
Telle j’étais, Monsieur, à votre égard, lors de votre évasion de Toulon, et votre nom m’eût été toujours inconnu, sans mon petit-fils, dans les mains duquel se trouvait votre biographie en me faisant le récit de cette aventure, me mit à même de connaître le nom de l’individu auquel je m’étais intéressée. Il me restait cependant le doute que vous ne fussiez tel que je le souhaitais, ce qui aurait pu attirer sur moi la divine réprobation et l’exécration des hommes. Mais l’aveugle confiance que vous eûtes en moi en était un sûr garant ; et je me disais : le coupable endurci n’aime que la nuit, le grand jour l’épouvante. Enfin le ciel même parut me l’attester, quand il vint lui-même à votre secours, et vous offrit, par le moyen de l’enterrement, la voie de salut que vous me demandâtes, et que, par un excès d’humanité, je vous promis. Pourquoi donc, Monsieur, après votre aveu et votre prière : Sauvez-moi, ame sensible, Dieu vous on tiendra bon compte, ne continuâtes-vous pas à me dire : Vous sauvez un malheureux qui n’a pas trempé dans le crime dont il a été accusé, et qui l’a plongé dans l’abîme dont il est si difficile, mais non impossible de se relever ! Cette déclaration aurait redoublé en moi l’intérêt qui me portait à vous aider, et aurait laissé en moi cette sécurité, et cette satisfaction que l’on éprouve à la suite d’un bienfait qui est ignoré de tout le monde. Mais, hélas ! comme les temps sont changés, depuis lors, pour nous ! Vous, en butte alors à la plus cruelle destinée, manquant de tout, obligé à fuir la société des hommes, et moi qui menais une vie paisible, quoique veuve d’un maître marin mort au service du roi Louis XVI, par le moyen d’un modique commerce, et une conscience pure, qui me mettait, ainsi que mes deux demoiselles en bas âge, à l’abri des premiers besoins.
Depuis que cette faible ressource m’a manqué, n’en ayant pas d’autres, je n’ai fait que languir.
Atteinte une des premières par le choléra je croyais toucher à la fin de mes maux, mais le ciel en a disposé autrement. La volonté de Dieu soit faite. Dieu a voulu m’épargner en prolongeant mon existence ; Dieu y pourvoira.
Je souhaite, Monsieur, que Dieu continue à prospérer vos affaires, et que vous soyez toujours le soutien des malheureux.
Agréez, Monsieur, les sentimens de ma considération, avec lesquels je suis,

Votre dévouée servante,
Geneviève Peyron, Ve Diaque.
Rue du Pradel, 19.

Voici en quels termes je répondis à cette lettre ; car, quoique bien convaincu qu’elle n’émanait pas de la personne qui m’avait rendu l’important service de favoriser mon évasion, mais bien de quelque Arcasineur pensionnaire du bagne de Toulon, qui avait appris la circonstance qu’il me rappelait, par mes Mémoires, je ne voulais pas, si contre toute attente mes prévisions étaient fausses, m’exposer à manquer de reconnaissance.
« Je serais mille fois heureux, Madame, si le hasard me faisait retrouver la femme qui m’a si généreusement aidé, à Toulon, lors de mon évasion ; je suis tout prêt à reconnaître, comme je le dois, ce qu’elle a fait pour moi, mais je ne veux point m’exposer à être dupe.
Ce que vous me dites, Madame, me prouve jusqu’à l’évidence que vous n’êtes pas la femme généreuse qui me procura les moyens de sortir de la ville de Toulon, et que vous ne connaissez cette circonstance de ma vie que par la lecture de mes Mémoires. Au reste, si vous êtes réellement la personne en question, vous pouvez aisément m’en donner la preuve, en me rappelant un incident qui m’arriva lorsque j’étais chez vous ; incident que la mémoire la moins locale ne peut avoir oublié ; si vous pouvez faire ce que je vous demande, je suis prêt à vous envoyer 500 fr., et même plus, etc., etc. »
L’Arcasineur ne se tint pas pour battu, et il me répondit en ces termes :

Toulon, le 30 novembre 1815.

Monsieur,
Il sied à la bienséance de répondre à une honnête missive, mais il n’est pas permis d’humilier les personnes.
Née dans une classe médiocre, appartenant à des parens dont l’honneur et la probité ont été les idoles, j’ai su répondre à leur attente, et me mériter, par une conduite toujours exempte de blâme, l’estime publique. Quoique illettrée, la nature m’a douée de ce tact qui tient lieu d’éducation soignée, et qui nous met à même de juger du procédé d’une personne. Mon petit-fils, né dans un siècle plus heureux que le mien, quant à l’instruction, a été choisi par moi pour être l’organe de mes pensées, et l’interprète de mes sentimens.
Oui, monsieur, je l’avouerai sans réserve, la tournure de votre lettre, et vos phrases ont tellement blessé mon amour-propre, que j’en ai été indignée. Vous eussiez beaucoup mieux fait de ne pas répondre que de m’offenser, et réserver votre manière de rédiger pour des ames basses et vénales. Cependant, un seul de vos paragraphes a mérité toute mon attention, et m’a paru être le plus fondé : c’est la crainte d’être trompé. J’ai apprécié vos doutes, et je les ai même admis. Mais, d’ailleurs, m’examinant attentivement, comment admettre en moi de pareilles idées, et supposer en moi un subterfuge, m’écriai-je au fond de l’ame, m’attachant à la ligne au contenu de ma lettre ! Demandait-elle une reconnaissance pécuniaire ? Contenait-elle un emprunt ? Exigeait-elle un sacrifice ? Non ! rien de tout cela. Elle ne contenait que l’épanchement sincère d’une ame sensible en apprenant l’heureux changement de votre sort ; et si la comparaison de nos destinées en différentes époques a été interprétée pour une demande quelconque, je la repousse de toutes mes forces, et hautement je m’écrie : mieux vaut mourir que s’humilier.
Quant à la preuve convaincante que vous me demandez, afin de reconnaître si je suis la personne en question, je répugnerais à la donner, précisément parce qu’elle a pour but la proposition d’une somme, si ce n’était une satisfaction personnelle. Je vous observerai donc que, soit vous, soit un autre individu auquel soit arrivé un pareil accident, vous ne fûtes jamais chez moi, n’ayant pu faire, sans me compromettre ; que le court entretien dans lequel je vous fis espérer les moyens de sortir, eut lieu publiquement, et que la circonstance et l’incident dont vous me parlez, me sont aussi inconnus que le Phénix. Et qu’enfin, n’ayant jamais joué, pendant ma vie, quoique orageuse, que des rôles honorables, je ne commencerai pas à l’hiver de mon âge à démentir mes sentimens.
J’ai l’honneur d’être,
Monsieur

Votre servante,
Genièvre Peyron, Ve Diaque.

Je ne voulus point prendre la peine de répondre à cette seconde missive. J’engage toutes les personnes qui en recevraient de semblables à suivre mon exemple.

Leudé

Hayard, 1907 : Deux.

Leurré

Halbert, 1849 : Trompé.

Leurrer

d’Hautel, 1808 : Pour duper, tromper, attrapper.
Se leurrer. Pour dire, se bercer d’une vaine espérance.

Leuxdé du même pieu

France, 1907 : Jumeaux. Leuxdé, pour les deux : les deux du même lit.

Levage

Larchey, 1865 : Opération qui consiste de la part d’un homme à faire sa maîtresse d’une femme, ne fût-ce que pour un jour. De la part d’une femme, c’est amener un homme à lui faire des propositions. — Terme de chasse.

Delvau, 1866 : s. m. Escroquerie, — dans l’argot des faubouriens. Séduction menée à bonne fin, — dans l’argot des petites dames. Galanteries couronnées de succès, — dans l’argot des gandins.

Rigaud, 1881 : Séduction facile et en coupe réglée. — Les filles font des levages dans les bals publics à coups de cancan, les femmes galantes, au théâtre, à coups de lorgnette ; les grandes cocottes, au bois de Boulogne, à coups de huit-ressorts, sur la plage à coups de costume de naïades, à Monaco à coups de cartes.

La Rue, 1894 : Escroquerie. Séduction facile. Lever une femme.

France, 1907 : Raccrochage. Levage au crachoir, lever une femme grâce au bagoût.

— Qu’allait-il devenir de cette grossesse ? Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! Elle devait bien s’y attendre, pourtant, avec la vie qu’elle menait, les intrigues qu’elle nouait, ses frasques et ses levages de chaque jour, de chaque soir.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Jane, sur le tapis vert,
Tout l’hiver,
Ayant semé sa galette,
Revint à Paris seulette,
Sans un seul petit morceau
De prince ou de rigolo.
Elle alla crier famine
Chez Thérèse, sa voisine,
La priant de lui prêter
Cent louis pour subsister
Jusqu’à son prochain levage :
Je vous pairai, je le gage,
Avant peu, foi d’animal
Car je ne suis pas trop mal.

(Edme Paz)

Levage (faire un)

Hayard, 1907 : Aller coucher avec une femme.

Levage au crachoir (un)

Virmaître, 1894 : Lever une femme par une faconde intarissable, l’éblouir par un luxe de paroles, pour l’empêcher de songer à la galette (Argot du peuple).

Levanqué

Virmaître, 1894 : Deux francs (Argot des voleurs). N.

Levanqué, larantqué

Hayard, 1907 : Deux francs, quarante sous.

Levé (être)

Delvau, 1866 : Être suivi par un garde du commerce, — dans l’argot des débiteurs.

Lève-pieds

Vidocq, 1837 : s. — Escalier, échelle.

Larchey, 1865 : Escaliers, échelle (Vidocq). — Effet pris pour la cause.

Delvau, 1866 : s. m. Échelle, escalier, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Échelle ; escalier.

Virmaître, 1894 : V. Montante.

France, 1907 : Escalier. Embarder sur le lève-pieds, descendre rapidement les escaliers.

Levée

Rigaud, 1881 : Arrestation de filles publiques ; râfle opérée par la police sur les boulevards, dans les cafés, dans les hôtels garnis, chaque fois que le flot de la prostitution menace de monter trop haut.

France, 1907 : Se dit d’une femme retenue, engagée pour l’œuvre de chair.

Dans un bal costumé du demi-monde, un jeune copurchic s’approche d’une délicieuse créature dont le galant déguisement de page met de plantureuses formes en relief et lui parle éloquemment de l’ardeur des feux que cette vue vient d’allumer.
— Vous perdez votre temps, mon cher, minaude la gente horizontale, en repoussant doucement de téméraire, la levée est faite.

— Alors, l’union libre ?
— Mais oui.
— Et, ensuite, l’éperduement vers d’autres unions libres ?
— Parfaitement.
— Pas d’hymen ?
— Si fait, jusqu’au jour où il n’y a plus d’hymen consenti par le couple hyménéen.
— Mais le devoir conjugal ?
— Un devoir lui est supérieur : le devoir d’amour.
— Elles seraient donc dans leur droit, les filles qui rôdent dans les promenoirs des music halls ?
— Oui, si, à leur espoir de la nécessaire rétribution qu’exigent les marchandes à la toilette et les loueuses de garnis, elles joignaient la joie de leurs lèvres à des levées.
— C’est aller loin !
— Non pas. Même immonde, l’amour libre vaut mieux que, même honnête, l’amour esclave. Et, quoi qu’elle fasse, de quelque façon qu’il lui plaise de mentir, sans conviction, d’ailleurs, la société moderne a pour base, comme les temples des rishis aryens, la juxtaposition, aujourd’hui moins auguste, de l’Yoni et du Lingam.

(Catulle Mendès)

Lever

d’Hautel, 1808 : Lever les épaules. Manière d’exprimer un mécontentement, un mépris intérieur.
Lever le menton à quelqu’un. Pour, le protéger, l’aider de sa fortune et de son crédit dans ses entreprises.
Lever la crète. Pour, devenir fier, hautain, orgueilleux, quand on est en bonne fortune.

Larchey, 1865 : Capter, empaumer.

Il lève un petit jeune homme. Vous verrez qu’il en fera quelque chose.

(De Goncourt)

Larchey, 1865 : Faire un levage. — V. Flanelle.

Tiens, Xavier qui vient d’être levé par Henriette.

(Monselet)

J’irai ce soir à Bullier, et si je ne lève rien…

(Lynol)

Larchey, 1865 : Voler.

Robert dit : Je suis levé et il nous appelle filous.

(Monselet)

Tiens, dit le voleur, voici un pantre bon à lever.

(Canler)

Delvau, 1866 : v. a. Capter la confiance, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi voler. Se faire lever de tant. Se laisser gagner ou « emprunter une somme de… »

Rigaud, 1881 : Prendre possession d’un titre, d’une valeur cotée à la Bourse, en terme de Bourse. — Lever cent Lyon-Méditerranée. — « Levez-vous, madame ? — Non, monsieur, je préfère que vous me reportiez », dit une dame assise à un coulissier. (La Bourse, dessin par Lefils)

Rigaud, 1881 : Séduire facilement. — Lever une femme. Ce mot, pris dans cette acception galante, remonte au siècle dernier. Nous en trouvons un premier exemple dans les Anecdotes sur la comtesse Dubarry, publiées en 1776, Londres.

Le comte philosophe, (Lauraguais) ne pouvant se passer d’une maîtresse, fut tout simplement lever une fille chez la Gourdan, comme on va lever une pièce d’étoffe chez un marchand.

Rigaud, 1881 : Tromper, mentir pour obtenir un service. — Emprunter. — Lever quelqu’un de dix francs. — Être levé, se faire lever, être trompé, être volé, se faire voler. — Pour une fille, être levée, se faire lever, c’est avoir séduit un homme, se faire suivre par un homme qui paraît animé des meilleures intentions, très animé.

Fustier, 1889 : Trouver.

Il avait appris par un de ces industriels de son monde qui ont la spécialité de lever les chopins (de dénicher des affaires)…

(Humbert, Mon bagne)

Virmaître, 1894 : Lever une affaire, la prendre à un autre. Lever un homme au café ou sur une promenade publique.
— À quelle heure vous levez-vous ?
— Quand on me couche. (Argot des filles).

Rossignol, 1901 : Corrompre. On lève un fonctionnaire en lui faisant un don d’argent ou cadeau. Les députés qui se sont laissé corrompre pour l’affaire du Panama ont été levés.

Rossignol, 1901 : Emmener chez soi ou ailleurs une femme que l’on rencontre est faire un levage ; on a lève.

Hayard, 1907 : Capturer.

France, 1907 : Arrêter.

France, 1907 : Trouver, retenir, engager pour l’œuvre d’amour.

Ces misérables enfants, détournés quelquefois du travail honnête de l’atelier, plus souvent ramassés dans la boue des carrefours et dans l’oisiveté des mauvais lieux, sont lancés chaque soir dans des endroits déserts et bien connus où ils savent lever facilement leur triste proie.

(Ambroise Tardieu, Étude sur les attentats aux mœurs)

Un homme qui lève dans un bal une demoiselle affamée, ayant sa langue bien pendue, c’est une chose qui se voit communément, et qui ne mérite pas d’être racontée.

(Théodore de Banville)

—Y a un poète qui m’a dit que comme ça j’avais l’air d’un fil de la Vierge… Hein, sont-ils chouettes, les poètes ! Y a qu’eux pour trouver de ces machins-là.
Et comme le régisseur revenait :
— Madame, on lève.
— On peut, mon neveu, en y mettant le prix.

(Jean Ajalbert)

Lever à jeun (se)

Delvau, 1864 : Se lever sans avoir fait l’acte copulatif, même une pauvre petite fois.

Souvent je me levais à jeun
D’avec ce sacrilège ;
Et jamais le défunt
N’en fit qu’un :
Le bel époux de neige !

(Collé)

Lever de rideau

Delvau, 1866 : s. m. Petite pièce sans importance, de l’ancien ou du nouveau répertoire, qui se joue la première devant les banquettes, au milieu du bruit que font les spectateurs à mesure qu’ils arrivent. Argot des coulisses.

Lever la jambe

Delvau, 1866 : v. a. Danser le chahut d’une façon supérieure. Argot des gandins.

France, 1907 : Danser le chahut.

Lever la lettre

Delvau, 1866 : v. a. Être compositeur d’imprimerie, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Prendre les lettres typographiques dans leurs casses respectives. — Terme de typographe.

Virmaître, 1894 : Prendre les lettres dans la casse pour aligner les mots dans le composteur et former les phrases (Argot d’imprimerie).

Lever la lettre ou les petits clous

France, 1907 : Composer ; argot des typographes.

Lever le bras

Delvau, 1866 : v. a. N’être pas content, — dans le même argot [des typographes].

Rigaud, 1881 : N’être pas content, — dans le jargon des typographes.

Lever le coude

Larchey, 1865 : Boire à longues rasades. — Usité dès 1808.

Ça n’a pas d’ordre, ça aime trop à lever le coude.

(Privat d’Anglemont)

Delvau, 1866 : v. a. Boire, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Boire.

Dans le plus gai des cabarets,
Dont l’hôtelier jamais ne boude,
Nous sommes cinq à six cadets
Disposés à lever le coude.
De ce jus qui nous met en train,
Nous allons écraser un grain.

(Charles Colmance)

Lever le croupion ou le cul

Delvau, 1864 : Se remuer sous l’homme, dans l’acte copulatif.

C’est plaisir de la voir lever le croupion à chaque coup de queue.

(Seigneurgens)

Elle levait toujours le cul de peur d’user les draps.

(Tabarin)

Blaise hausse la bouteille,
Et Margot lève le cul

(Collé)

Je n’aime point ces demoiselles.
Qui lèvent par trop le devant.

(Collé)

Lever le cul devant (s’être)

Virmaître, 1894 : Être de mauvaise humeur. On dit aussi : il est de mauvais poil (Argot du peuple).

Lever le cul devant (se)

France, 1907 : Se lever de mauvaise humeur ; vieux dicton.

Si un homme pond en se levant,
Ou un petit après bientost,
S’il se lève Le cul devant,
Il mangera un jour du rost,
Soit chez baillif, juge ou prévost,
Si la cuisine n’est meschante,
Du rost aura, sans nul dépost,
Veu qu’au matin le cul luy chante.

(La Médecine de Maistre Grimache)

— Qui vous fait mal, Macée, pour nous faire une mine pire qu’un excommuniement ? Vous vous êtes levée le cul le premier, vous êtes bien engrongnée.

(La Comédie des Proverbes)

Lever le pied

Delvau, 1866 : v. a. Fuir en emportant la caisse.

Virmaître, 1894 : V. Mettre la clé sous la porte.

Rossignol, 1901 : Fuir. Un caissier lève le pied lorsqu’il a levé la caisse de son patron.

Hayard, 1907 : Filer sans payer ses créanciers.

France, 1907 : S’en aller, partir.

Une fille de Bordeaux, qui avait envie de lever de pied, pria tout simplement la maquerelle de l’accompagner pour aller faire un achat quelconque. À peine dans la rue : « Adieu, Madame, lui dit-elle, je file ; maintenant, si vous avez des jambes, faites-le voir. » Et elle se sauva à la course, au grand désespoir de la matrone.

(Dr Jeannel, La Prostitution au XIXe siècle)

— Se laisser battre par un homme !… Est-ce possible ? Moi, ma chère, si mon mari se permettait seulement de lever la main…
— Eh bien ?
— Je lèverais le pied.

À la Bourse.
— C’est singulier, on ne voit plus Gondremark.
— D’autant plus singulier, en effet, qu’il devait justement lever ses titres hier.
— Il aura préféré lever… le pied.

Lever le siège

Delvau, 1864 : Débander après avoir bandé devant une femme qui fait trop de façons pour se laisser baiser.

Une trop longue défense a souvent fait lever le siège d’une place qui voulait se rendre : il arrive des accidents.

(Collé)

Lever les petits clous

Boutmy, 1883 : v. Composer. Un bon leveur est un ouvrier qui compose habilement et vite.

Lever quelqu’un

Clémens, 1840 : Emmener une personne, l’attirer dans un lieu.

Lever sous paquet

Ansiaume, 1821 : Emmener quelqu’un qui gêne.

Exbalance sous paquet le daron, je me charge du reste.

Lever un homme

Delvau, 1864 : S’arranger de façon, lorsqu’on est femme, à attirer, dans un bal ou sur le boulevard, par ses œillades ou ses effets de croupe, l’attention et les désirs d’un homme qui, ainsi allumé, suit, monte, paie et baise.

Ces filles ne vont au Casino que pour lever des hommes ou se faire lever par eux.

(A. François)

Tiens ! Xavier qui vient d’être levé par Henriette.

(Monselet)

On dit aussi dans le même sens : Faire un homme.

Delvau, 1866 : v. a. Attirer son attention et se faire suivre ou emmener par lui. Argot des petites dames. Lever un homme au souper. S’arranger de façon à se faire inviter à souper par lui.

Lever une femme

Delvau, 1864 : Ou seulement lever. Dire des galanteries à une femme, au bal ou dans la rue, et l’emmener coucher avec soi pour en faire.

J’irai ce soir à Bullier, si je ne lève rien…

(Lynol)

Delvau, 1866 : v. a. « Jeter le mouchoir » à une femme qu’on a remarquée au bal, au théâtre ou sur le trottoir. Argot des gandins, des gens de lettres et des commis. Lever une femme au crachoir. La séduire à force d’esprit ou de bêtises parlées.

Leveur

Delvau, 1866 : s. m. Lovelace de bal ou de trottoir.

Delvau, 1866 : s. m. Pick-pocket.

Rigaud, 1881 : C’est le compère du voleur à l’Américaine, celui qui est chargé de lever, c’est-à-dire de dénicher la dupe et de lier conversation avec elle. Le leveur était autrefois désigné sous le nom de jardinier.

France, 1907 : Coureur de femmes.

Un vieux Monsieur rend visite à une famille qu’il n’a pas vue depuis une douzaine d’année.
La maman appelle au salon sa fille, jolie personne de seize à dix-huit ans.
— Reconnais-tu Monsieur ? lui demande-t-elle.
La fillette fait un mouvement de surprise.
— Oui ! oui, très bien !
— Quelle mémoire ! Tu avais cinq ou six ans au plus quand il est venu nous voir pour la dernière fois.
— Mais, maman, je l’ai revu hier soir, réplique l’ingénue en regardant le vieux leveur… il m’a suivie quand j’allais chez ma tante, me demandant si je voulais aller souper avec lui.

France, 1907 : Pickpocket.

Leveur (bon)

Rigaud, 1881 : Compositeur d’imprimerie qui lève vite la lettre.

Leveuse

Rigaud, 1881 : « Il y a parmi elles, (les femmes des bals publics) une catégorie de femmes qu’on a flagellées de l’épithète de leveuses. Pour celles-ci, le bal est un prolongement du trottoir. » (Ces dames du Casino, 1862)

France, 1907 : Fille qui raccroche dans les casinos, les bals et les cafés-concerts.

Au Casino, les dames ne viennent point toutes pour s’amuser. Il y a, parmi elles, une catégorie de femmes qu’on a flagellées de l’épithète de leveuses. Pour celles-ci, le bal est un prolongement du trottoir.
La leveuse a l’instinct du chien de chasse : elle en possède le flair, pour suivre la piste de l’homme chic, provincial ou étranger, et le lever, suivant son expression cynégétique.

(Ces Dames du Casino, 1863)

Lèvre

d’Hautel, 1808 : Avoir le cœur sur les lèvres. Être sincère ; parler franchement et ouvertement. Signifie aussi éprouver une grande envie de vomir.
Avoir la mort sur les lèvres. Être dangereusement malade ; traîner en langueur.
Avoir quelque chose sur le bord des lèvres. Voy. Bord.

Levure

Rigaud, 1881 : Fuite. Pratiquer une levure, se sauver.

France, 1907 : Fuite.

Lézard

Vidocq, 1837 : s. m. — Mauvais camarade.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais compagnon, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Mauvais camarade. — Paresseux. — Voleur de chiens. — Industriel qui spécule sur les récompenses promises pour restitutions de chiens perdus. — Faire le lézard, lézarder, ne rien faire.

La Rue, 1894 : Mauvais compagnon. Voleur de chiens.

France, 1907 : Traître, mauvais compagnon ; argot des voleurs. Faire le lézard, s’esquiver. Faire son lézard, dormir, fainéanter. Prendre un bain de lézard, dormir ou s’étendre au soleil.

Lézardes

Boutmy, 1883 : s. f. Raies blanches produites dans la composition par la rencontre fortuite d’espaces placées les unes au-dessous des autres. On y remédie par des remaniements.

France, 1907 : C’est, dans l’argot des typographes, des raies blanches produites dans la composition par la rencontre d’espaces placées les unes au-dessous des autres et auxquelles tout bon compositeur doit remédier par des remaniements.

Lézine

France, 1907 : Tricherie au jeu.

Léziner

Vidocq, 1837 : v.a. — N’être pas sûr de son fait, hésiter au moment d’achever une entreprise, tromper au jeu.

Delvau, 1866 : v. a. Tromper au jeu ; hésiter avant de faire un coup. Même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Tricher ; hésiter. — Lézine, tricherie.

France, 1907 : Tromper au jeu.

Liard

d’Hautel, 1808 : Un tire-liard. Homme avide et intéressé ; fesse-mathieu.
Il n’aura qu’un liard, il répète toujours la même chose. Se dit à celui qui porte continuellement les mêmes plaintes, ou qui réitère des remontrances que l’on n’aime pas entendre.
Il est gros comme pour deux liards de beurre. Voy. Beurre.

Liarder

d’Hautel, 1808 : Être minutieux dans les affaires ; y montrer un intérêt bas et sordide ; disputer pour des bagatelles ; chicaner ; être fort économe, d’une ladrerie peu commune.

France, 1907 : Rogner, réaliser d’infimes bénéfices ou des économies mesquines.

Le petit boutiquier ?… Avec ça que son existence est dorée sur tranches ! Il est toujours à liarder, ayant la continuelle frousse de la faillite. Après être resté un quart de siècle vissé à son comptoir, vendant à faux poids et empoisonnant son monde, il a quelquefois amassé de quoi vivre de ses rentes.

(Père Peinard)

Liardeur

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui couperait un liard en quatre pour moins dépenser, — dans l’argot du peuple, qui n’est point avare, n’étant pas riche.

France, 1907 : Avare, fesse-mathieu.

Libera (chanter le)

France, 1907 : Chanter la prière des morts. Latinisme, Libera est l’impératif du verbe liberare, délivrer.

Voilà qu’elle succombe,
Elle est dans l’autre monde,
Puisqu’elle est dans la tombe,
Chantons son libera, ah ! ah ! ah !
Soyons dans la tristesse,
Et que chacun s’empresse,
Regrettant sans cesse, esse, esse, esse,
Ses charmes, ses appas, ah ! ah ! ah !

(La Belle Bourbonnaise)

Libertaire

France, 1907 : Personne qui aime la liberté complète sans distinction d’opinion.

Barsac alla siéger à l’extrême gauche de la Chambre, mais il signifia clairement qu’il n’était ni radical, ni socialiste. Il se nomma : un libertaire. Il entendait par là que, seule, la liberté de chaque individu lui serait chère. Radical il n’était : parce que ce mot ne signifiait rien ; socialiste non plus, parce que le socialisme est un dogme, et que, comme tout dogme, il est faux, n’a rien de réel, parce qu’il serait fatal pour un grand nombre en remplaçant l’autoritarisme ancien par une domination inférieure, parce que c’est une force essayant de se constituer pour asservir l’individu.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Socialistes et libertaires nous prophétisent un monde enfin libre et fraternel dans la paix et dans l’harmonie ; mais tous ces précurseurs sont, en général, de terribles individualistes, fort impatients de jouir, de satisfaire leur fameux « moi », et m’ont tout l’air de n’avoir aucune confiance dans le retour de l’âge d’or et dans la réconciliation des loups et des agneaux.
Quelques-uns sont de bonne foi, je le veux bien : mais alors ils étonnent par leur optimisme enfantin. C’est des progrès de la science, c’est de l’instruction intégrale qu’ils attendent l’avènement d’une société meilleure, persuadés qu’ils sont que les machines supprimeront le travail et qu’on peut moraliser les hommes avec des manuels. Et tant de naïveté, n’est-ce pas ? fait de la peine.

(François Coppée)

Libertin

Delvau, 1864 : Homme qui prend volontiers des libertés avec les femmes, — des libertés et le cul.

Chez ce libertin cagot
Qu’ j’ai tant d’mal à satisfaire.

(Jules Poincloud)

Libertinage

Delvau, 1864 : Talent particulier, science particulière pour faire jouir les femmes quand on est homme et les hommes quand on est femme.

Sais-tu que tu es d’un libertinage affreux, et que je ne veux point, moi, suivre ton exemple !

(La Popelinière)

Libertine

Delvau, 1864 : Femme qui connaît à merveille les secrets du métier d’amour.

J’ai vu, jeunes Français, ignobles libertines,
Vos mères, belles d’impudeur,
Aux baisers du Cosaque étaler leurs poitrines
Et s’enivrer de son odeur.

(Aug. Barbier)

Libre (être)

Rigaud, 1881 : Dans le jargon des filles, c’est n’avoir contracté aucun engagement pour la soirée et au-delà. Liberté ! que de polissonneries on commet en ton nom !

Libretailleur

France, 1907 : Librettiste sans talent, qui taille dans le répertoire d’autrui.

Lice

Larchey, 1865 : Bas de soie (Vidocq). — Les bas de soie sont plus lisses que les autres.

Rigaud, 1881 / France, 1907 : Bas de soie.

France, 1907 : Prostituée. Comparaison avec la femelle du chien de chasse.

Lices ou tirans-doux

Vidocq, 1837 : s. m. — Bas de soie.

Lichade

Delvau, 1866 : s. f. Embrassade, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Embrassade. — Bon repas, partie fine.

France, 1907 : Embrassade.

France, 1907 : Libation abondante.

Lichance

Delvau, 1866 : s. f. Repas plus ou moins plantureux. Lichance soignée. Gueuleton. On dit aussi Lichade.

Virmaître, 1894 : Repas épatant où les convives repus roulent sous la table.
— À la noce de mon cousin Ro-bosse, il y a eu une si bath lichance, que j’en ai boulotté pour quinze jours (Argot du peuple).

Lichance, liche

France, 1907 : Repas copieux, ripaille. Être en liche, être en noce.

Lichard, licharde

France, 1907 : Buveur, buveuse ; vieux mot.

Lichard, licheur

Larchey, 1865 : Gourmand. — Mot de langue romane. V. Roquefort.

Je vois que tu es toujours un fameux licheur.

(E. Sue)

Liche

Rigaud, 1881 : Bombance. — Licher, boire en fin connaisseur.

Liche-à-mort

Fustier, 1889 : Buveur intrépide. Langage plus que familier.

Il absorbe une bouteille qui file gentiment, puis une seconde ; jamais on n’avait vu un liche-à-mort de sa force.

(Gazette des Tribunaux, juillet 1884)

Liche-frite

Virmaître, 1894 : Pommes de terre frites (Argot du peuple).

France, 1907 : Pommes de terre frites.

Liche, lichette

Larchey, 1865 : Régal. Être en liche : Faire bombance.

Licher

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Boire.

Larchey, 1865 : Aimer les bons plats, faire débauche. — Jadis, on disait licharder.

Je liche chez le mannezingue, motus !

(Paillet)

Buvons plutôt bouteille. En lichant, nous ne penserons pas à toutes ces bagatelles.

(Chanson poissarde, 1772)

Larchey, 1865 : Boire. — V. Béquiller.

Puis il liche tout’la bouteille. Rien n’est sacré pour un sapeur.

(Houssot)

Delvau, 1866 : v. a. et n. Manger et boire à s’en lècher les lèvres.

France, 1907 : Boire.

Il a liché toute la bouteille,
Rien n’est sacré pour un sapeur.

(Répertoire de Thérésa)

En Normandie, les hommes accompagnent leurs sœurs ou leurs femmes jusqu’au seuil du saint lieu, puis ils se distribuent dans les joyeux petits bouchons des alentours, où l’on fait si bien la partie en lichant un coup de cidre ou de marc jusqu’à l’heure où la cloche sonore annonce aux « sexe fort » qu’il faut aller rechercher les « sexe faible. »

(Marc Anfossi)

France, 1907 : Lécher, embrasser.

Et tous les poissons lubriques, comme anguilles, congres, lamproies, ainsi nommés vulgairement parce qu’ils lichent les pierres.

(Prosper Colonius)

Tu resteras pour licher mes blessures ;
Mon pauvre chien, ne me quitte jamais.

(Vieille complainte)

Je ne connais rien de plus agréable que de passer une semaine ou deux sans apercevoir un journal ; c’est ce qui vient de m’arriver, et je m’en fiche encore les paupières ; mais toute médaille a un revers : j’ai fini par m’apercevoir, à la longue, que ce n’était pas le moyen de se tenir au courant de l’actualité.

(Grosclaude)

France, 1907 : Manger.

Je te bénis, ô mon poète,
Car c’est son rêve, à ta Nini,
D’aller licher chez Tortoni.

(Léon Rossignol)

Licher le morviau (se)

Fustier, 1889 : S’embrasser.

France, 1907 : S’embrasser.

— As-tu remarqué que plus les bonnes amies se jalousent et se détestent, plus elles se lichent complaisamment le morviau ?

Lichette

Delvau, 1866 : s. f. Petite quantité de quelque chose. Se dit aussi pour Goutte d’eau-de-vie ; petit verre.

France, 1907 : Petit morceau bon à manger.

Licheur

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Qui boit aux dépens d’autrui.

Licheur, euse

Delvau, 1866 : s. f. Homme, femme, qui aime à manger et à boire. On dit aussi Lichard.

Licheur, licheuse

Rigaud, 1881 : Buveur, buveuse. Gourmand, gourmande.

France, 1907 : Personne qui aime à bien boire et à bien manger : gourmand, parasite ; du vieux français lescheur.

Ainsi que fait un bon lescheur
Qui des morceaux est cognoisseur.

(Roman de la Rose, XIIIe siècle)

J’aime le vin par goût,
Par besoin de nature,
Fin licheur, je le jure,
Je le préfère à tout,
Il vaut mieux que la femme,
Le rosbif, le gisot ;
Mieux que le haricot
C’est lui le vrai dictame.

(Pierre Racque)

Lichonnerie

France, 1907 : Vol de friandise.

Le polisson ouvre les placards et commet toutes sortes de lichonneries.

Lichoter un rigolboche

Fustier, 1889 : Argot du peuple. Faire un bon dîner.

On va trimballer sa blonde, mon vieux ; nous irons lichoter un rigolboche à la place Pinel.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

France, 1907 : Faire ripaille.

— On va trimballer sa blonde, mon vieux ; nous irons lichoter un rigolboche…

(Huysmans, Les Sœurs Vatard)

Lico

Fustier, 1889 : Immédiatement. Abrév. d’illico.

Liddré (un)

anon., 1907 : Dix sous.

Lidré

Hayard, 1907 : Dix.

Lie

d’Hautel, 1808 : Mot du vieux langage qui signifie, vie joyeuse, bombance, bonne chère.
Faire chère lie. Faire grande chère.

Lie de froment

Delvau, 1866 : s. f. Les fumées humaines, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Excrément.

Liége

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme.

Liège

Vidocq, 1837 : s. m. — Gendarme.

Rigaud, 1881 : Gendarme. (Colombey).

France, 1907 : Gendarme ; argot des voleurs. Jeu de mot sur lier.

Lien

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas échappé, puisqu’il traîne son lien. Se dit d’un homme qui n’est pas tout-à-fait hors d’une mauvaise affaire.

Lier

d’Hautel, 1808 : J’ai bien d’autres poids à lier, que de m’occuper de cette affaire. Se dit d’une affaire de peu d’importance, et pour laquelle on n’a aucune considération.
La bécasse est liée. Se dit en plaisantant d’une fille nouvellement mariée.

Lierchème

France, 1907 : Chier. Voir Loucherbème.

Liete

France, 1907 : Liseron des haies.

Liette

France, 1907 : Lieu, bandeau, ruban servant à la toilette. Vieux mot.

À ses femmes leur partagea tout ce qui luy pouvoit rester de bagues, de carcans, de liettes et accoutremens.

(Brantôme, Marie Stuard)

Lieu

d’Hautel, 1808 : Les lieux. Terme elliptique. Pour dire les privés.
N’avoir ni feu ni lieu. Être sans domicile sans refuge.

Lieue

d’Hautel, 1808 : Faire quatorze lieues en quinze jours. Marcher lentement ; agir avec mollesse et nonchalamment.
On dit d’une personne contre laquelle on a de l’humeur, qu’on voudroit être à cent lieues d’elle.
Il est à cent lieues de ce qu’on lui dit.
Pour, il n’y fait aucune attention.

Lieue de méchants chemins en tous pays (il y a une)

France, 1907 : En toute affaire, il y a des difficultés ; chaque médaille a son revers.

Lièvre

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas courir deux lièvres à-la-fois. C’est-à-dire, traiter deux affaires en même temps.
Vouloir prendre un lièvre du son du tambour. Vouloir exécuter une entreprise avec éclat, lorsque la discrétion pouvoit seule la faire réussir.
Prendre le lièvre au collet. Saisir l’occasion dès qu’elle se présente.
Le lièvre revient toujours à son gîte. Pour dire qu’on finira par prendre un homme que l’on poursuit, dans les lieux même où il avoit habitude de se fixer.

Lièvre (soulever un)

France, 1907 : Découvrir une affaire cachée.

— C’est la sagesse même qui parle par votre bouche, Madame ! Ne soulevons jamais de lièvres !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Lignante

Rigaud, 1881 : Vie ; — vient de ligne dite « de vie », une des plus importantes au point de vue de la chiromancie.

La Rue, 1894 : Vie.

France, 1907 : Vie. Ce mot viendrait, selon Francisque Michel, de la ligne dite de vie, que les bohémiens consultent sur la main de ceux à qui ils disent la bonne aventure.

Lignard

Larchey, 1865 : Officier ou soldat des troupes de ligne.

Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la ligne, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Pêcheur à la ligne, — dans le jargon des canotiers de la Seine.

Rigaud, 1881 : Rédacteur de journal payé à la ligne.

Rigaud, 1881 : Soldat d’infanterie de ligne.

Rigaud, 1881 : Typographe chargé de la ligne courante.

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui fait spécialement la ligne courante.

Virmaître, 1894 : V. Fantaboche.

France, 1907 : Dans l’argot des typographes, c’est le compositeur chargé spécialement de la ligne courante.

France, 1907 : Peintre qui s’attache plus à la pureté du dessin, à la perfection de la ligne qu’à la couleur.

France, 1907 : Soldat d’infanterie de ligne. Les cavaliers désignent aussi les fantassins sous les sobriquets de homard, écrevisse de rempart, bigorneau, carapata, méfiant, mille-pattes, fiflot, etc.

Un dragon, de taille gigantesque, cause avec un tout petit lignard, lequel se plaint amèrement que le soleil lui tape sur la tête.
Alors le cavalier, d’un ton de supériorité dédaigneuse :
— Que dirais-tu si tu étais à ma place ? Car je crois que ma tête est infiniment plus près du soleil que la tienne !

C’est le printemps : dans sa cuisine,
Quand Madame va faire un tour,
Elle trouve avec Catherine
Un lignard jaspinant d’amour.

(Grammont)

Le petit lignard, si bon, si dévoué, si naïf, est la glorieuse personnification de notre armée. C’est un héros qui s’ignore lui-même. Dans l’âme de ce descendant des Gaulois couve le feu sacré qui fit de nous la grande nation ; au moindre choc, l’étincelle jaillit, l’odeur enivrante de la poudre éveille les instincts guerriers qui sommeillent dans sa poitrine ; quand les mâles accords du clairon retentissent, un frisson de fierté passe dans ses veines ; il s’exalte lorsque tonne la grosse voix du canon ; ses narines se dilatent en aspirant les émanations brûlantes du combat ; son sang s’échauffe, sa tête s’anime et resplendit, il pousse à pleins poumons la clameur stridente des batailles, et il s’élance avec une fougue indicible au milieu de la mêlée…
C’est alors que l’infanterie fournit ces charges fameuses, ces charges furieuses et échevelées comme les vagues de la tempête, terribles et foudroyantes comme les avalanches des Alpes.

(Dick de Lonlay, Au Tonkin)

Concluons par ces beaux vers que Geogres d’Esparbès a dédiés au 46e de ligne, à l’anniversaire de la mort du brave La Tour-d’Auvergne :

Ô lignard ! bleu soldat de France
À l’œil ferme, au cœur vivandier,
Troubade, fils du grenadier,
Pousse-caillou de l’espérance,
Coq des blés vermeils et des seigles,
Sonne l’appel des bataillons,
Arme ton ergot d’aiguillons,
Vole vers le Rhin ! sus aux aigles !
Hardi, biffin ! boucle ta hotte,
Gretchen prépare ton fricot,
Mets une aile à ton godillot,
Loge une âme sous ta capote,
Les clairons font signe aux trompettes…
Bois un quart de vieux vin gaulois,
Et comme D’Auvergne autrefois,
Vas emplir ton sac de conquêtes !

Ligne

Fustier, 1889 / La Rue, 1894 : Bande d’individus.

France, 1907 : Bande de gens

Ligne (faire la)

Rigaud, 1881 : Aux heures de la journée où les clientes sont rares, les commis en nouveautés se partagent, à tour de rôle, la vente ; c’est ce qu’ils appellent faire la ligne.

Ligne (pêcheur à la)

Rigaud, 1881 : Celui qui tire à la ligne en écrivant un article de journal.

Ligne (tirer à la)

Larchey, 1865 : Écrire des phrases inutiles dans le seul but d’allonger un article payé à tant la ligne. Vive la ligne !

Je rapporte un petit magot. Ah ! quelle chance ! Vive la ligne !

(Léonard, parodie, 1863)

Ce vivat, poussé fréquemment aux jours d’émeute où l’on veut gagner le cœur des troupes de ligne, est devenu proverbial et s’applique ironiquement à tous les cas d’enthousiasme.

Rigaud, 1881 : Allonger un article de journal payé à tant la ligne.

France, 1907 : Allonger, délayer un article de journal ou un chapitre de roman de manière à faire le plus de lignes possible. C’est le procédé qu’emploient les écrivassiers et les pondeurs de romans-feuilletons payés à tant la ligne. On les appelle pêcheurs à la ligne. « Le pêcheur à la ligne est un rédacteur qui, comme le pêcheur, vit de sa ligne. » (Balzac)

Ligne à voleur

France, 1907 : Ligne composée d’un mot ou même d’une simple syllabe qu’il eût été facile de faire entrer dans la ligne précédente en resserrant les espaces. « Les lignes à voleur, dit Eug. Boutmy, sont faciles à reconnaître, et elles n’échappent guère à l’œil d’un correcteur exercé, qui les casse d’ordinaire impitoyablement. Les lignes étant comptées pleines, on conçoit l’intérêt du compositeur à n’avoir qu’un mot à mettre dans une ligne. Toutefois c’est le fait d’ouvriers peu soigneux. »

Ligne d’argent (pêcher à la)

Rigaud, 1881 : Acheter du poisson après une pêche infructueuse.

France, 1907 : Se dit d’un pêcheur qui, revenu bredouille, achète ses poissons avant de rentrer chez lui.

Lignes à voleur

Rigaud, 1881 : Lignes composées d’une syllabe ou d’un mot de trois ou quatre lettres qu’il était possible de faire entrer dans la ligne précédente en espaçant moins large. Les lignes étant comptées pleines, on conçoit l’intérêt du compositeur à n’avoir qu’un mot à mettre dans une ligne. (Typographes parisiens, Boutmy)

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Lignes composées d’une syllabe ou d’un mot de trois ou quatre lettres qu’il était possible de faire entrer dans la ligne précédente en espaçant moins large. Les lignes à voleurs, sont faciles à reconnaître, et elles n’échappent guère à l’œil d’un correcteur exercé, qui les casse d’ordinaire impitoyablement. Les lignes étant comptées pleines, on conçoit l’intérêt du compositeur à n’avoir qu’un mot à mettre dans une ligne. Toutefois c’est le fait d’ouvriers peu soigneux.

Lignotte

Delvau, 1866 : s. f. Corde, lien, — dans l’argot des voleurs, qui répugnent sans doute à employer lignette, un mot de la langue des honnêtes gens. Ils disent aussi Ligotte.

France, 1907 : Lien

Ligore

Rigaud, 1881 : Cour d’assises.

France, 1907 : Cour d’assises. Du vieux français dérivé du latin ligare, lier, cramponner, serrer.

Ligorgnots

Rossignol, 1901 : Limousins. Presque tous les ligorgnots sont garçons maçons.

Ligorniot

France, 1907 : Maçon.

Ligot

Fustier, 1889 : Grande ficelle dont se servent les agents de police et qui entoure le poignet droit, puis le corps, à la ceinture.

Ligot, ligotte, ligotante

France, 1907 : Ficelle, courroie, corde dont se servent les agents pour attacher les poignets de ceux qu’ils arrêtent.

Ligotage

Rigaud, 1881 : Terme de police.

Le ligotage enchaîne les mains au moyen d’une ficelle que l’on serre savamment jusqu’à ce que le sang jaillisse.

(Procès de la Lanterne 27 janv. 1879, plaidoirie de Me Delattre)

Tout le monde sait depuis M. Jacob jusqu’au dernier employé de la préfecture, que les individus qui ne veulent pas avouer sont attachés et frappés jusqu’à ce qu’ils aient avoué.

(Procès de la Lanterne, déposition de M. Crouza, inspecteur de la police de sûreté, 1879)

Ligotante

Ansiaume, 1821 : Corde.

N’oublie pas la ligotante en cas d’esbrouff.

Ligote

Larchey, 1865 : Lien, corde. — Mot de langue romane. V. Roquefort. — Ligoter : Lier.

Rossignol, 1901 : Corde mince de trois mètres de long, dont se servent les agents de la sûreté pour attacher le poignet de la main droite d’un détenu. Cette corde fait deux fois le tour du ventre et retient la main dans la ceinture du pantalon ; cela suffit à paralyser les mouvements d’un détenu qui chercherait à prendre la fuite.

Ligoter

M.D., 1844 : Attacher.

Rossignol, 1901 : Attacher. Voir Ligote.

Ligottage

France, 1907 : Action de ligotter.

Ligottante

Vidocq, 1837 : s. f. — Corde.

Virmaître, 1894 : La corde (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Corde pour ligotter.

Ligottante, ligotte

Rigaud, 1881 : Corde, du latin ligare.Ligotter, lier.

Ligotte

Vidocq, 1837 : s. f. — Corde.

Clémens, 1840 : Cordes.

un détenu, 1846 : Corde.

La Rue, 1894 : Corde. Ligotter, lier fortement.

Ligotte de rifle

La Rue, 1894 / France, 1907 : Camisole de force.

Ligotte de rifle, ligotte riflarde

Rigaud, 1881 : Camisole de force. Mot à mot : liens de feu, liens brûlants.

Ligotter

Ansiaume, 1821 : Garotter.

Ils ont ligotté le messière pour lui rifauder les paturons.

Vidocq, 1837 : v. a. — Lier avec des cordes.

Clémens, 1840 : Attacher.

Delvau, 1866 : v. a. Lier, — dans le même argot [des voleurs].

Virmaître, 1894 : Attacher les mains. Quand le prisonnier est trop récalcitrant, on le ficèle comme un saucisson (Argot du peuple).

France, 1907 : Attacher au moyen d’une corde, d’une courroie ou d’une ficelle.

Nul mieux que lui ne savait prendre un malfaiteur sans l’abîmer, ni lui mettre les poucettes sans douleur, ou le ligotter sans effort.

(Mémoires de M. Claude)

Ligousse

d’Hautel, 1808 : Terme baroque et facétieux. Pour sabre, épée, flamberge, estramaçon ; toute arme tranchante.
Tirer la ligousse. Tirer l’épée, se battre avec des armes tranchantes.

Lilange

Vidocq, 1837 : s. — Lille.

Delvau, 1866 : n. de l. Lille, — dans le même argot [des voleurs].

Lillange

Rigaud, 1881 / France, 1907 : La ville de Lille.

Lillois

Vidocq, 1837 : s. m. — Fil.

Larchey, 1865 : Fil (Vidocq). — On en fait beaucoup en Flandre. V. Lyonnaise.

Delvau, 1866 : s. m. Fil à coudre.

Rigaud, 1881 : Fil, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Fil.

France, 1907 : Fil à coudre. Lille était jadis renommée pour son fil.

Limace

Ansiaume, 1821 : Chemise.

Il y avoit 2 limaces, 3 blards et 6 loubions.

Vidocq, 1837 : s. f. — Chemise.

Clémens, 1840 / M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Chemise.

Delvau, 1864 : Membre viril — qui n’est pas viril ; par exemple, celui des vieillards, qui ne sait plus relever fièrement la tête au premier appel d’une femme, et aspire honteusement a la tombe, comme le nez du père Aubry.

Bien qu’en toi sa limace ait été dégorgée,
Pour toi je bande encore…

(Louis Protat)

Delvau, 1866 : s. f. Chemise, — dans l’argot des voleurs et des vendeurs du Temple.

Delvau, 1866 : s. f. Fille à soldats, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Prostituée du dernier ordre.

Merlin, 1888 : Chemise, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Basse prostituée. Chemise.

Virmaître, 1894 : Chemise (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : V. Rôdeuse.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chemise.

France, 1907 : Chemise ; du vieil argot lime.

Alle avait eun’ robe d’reps noir,
L’matin ça y servait d’peignoir,
La nuit ça y servait d’limace.

(Aristide Bruant)

Par les accrocs de la limace
Qui se donne un air de drapeau,
Le soleil leur chauffe la peau ;Leurs godillots font la grimace.
Il fait bon dehors pour les gueux
Qui battent le pavé des rues,
Sans bidoches et sans morues
À foutre sous leurs doigts rugueux.
Les feuilles servent de limace
Aux va-nu-pieds, aux trottins ;
Est-ce pour vivre de crottins
Que depuis si longtemps on masse ?

(Ed. Bourgeois)

France, 1907 : Fille à soldats. Les Anglais disent haquenée de caserne.

Limace, lime

Larchey, 1865 : Chemise. — Mot de langue romane. Du Cange donne le même sens au latin limas.Limacier : Chemisier. V. Gouêpeur.

Rigaud, 1881 : Chemise.

En faisant son affaire sans limace on ne laisse pas de pièces à conviction près du machabé, et on n’a pas de raisiné sur sa pelure.

(J. Richepin, l’Assassin nu)

Limacier, chemisier ; limacière, lingère.

Limacière

Vidocq, 1837 : s. m. — Lingère.

Delvau, 1866 : s. f. Lingère.

France, 1907 : Lingère, chemisière.

Limaçon

d’Hautel, 1808 : C’est un limaçon qui sort de sa coquille. Se dit par mépris d’un homme obscur qui s’élève tout-à-coup au-dessus de sa condition. Beaucoup disent colimaçon.

Limande

d’Hautel, 1808 : Plate comme une limande. Se dit méchamment d’une femme maigre et dépourvue des agrémens extérieurs de son sexe.

Vidocq, 1837 : s. m. — Homme plat, sans cœur.

Larchey, 1865 : Homme nul et plat comme le poisson de ce nom (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Homme plat, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Personne molle, obséquieuse, plate au moral.

La Rue, 1894 : Homme plat.

Virmaître, 1894 : Plate comme une limande.
— Prends garde, la limande va te couper dans le pieu.
On dit également d’une femme qui a la figure en lame de couteau :
— Elle a une gueule de limande.
Quand elle grimace :
— Elle a une gueule de raie (Argot du peuple). V. Sac à os.

France, 1907 : Homme visqueux et plat comme le poisson de ce nom.

Limande (faire la)

Rigaud, 1881 : Faire l’obséquieux, se mettre à plat ventre devant quelqu’un, s’aplatir moralement. Allusion à la limande, poisson très plat.

Limasse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chemise.

Limasse, lime

anon., 1827 : Chemise.

Lime

d’Hautel, 1808 : C’est une lime sourde. Pour, c’est un sournois, un hypocrite, dont toutes les actions sont perfides et cachées.

Bras-de-Fer, 1829 : Chemise.

Vidocq, 1837 : s. f. — Chemise.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Virmaître, 1894 : Diminutif de limace (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Chemise.

France, 1907 : Chemise ; abréviation de limace ; argot des voleurs.

Lime ou limace

Halbert, 1849 : Chemise.

Lime sourde

Delvau, 1866 : s. f. Sournois, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Sournois.

Lime-sourde

France, 1907 : Sournois. Le mot est vieux : on le trouve dans Rabelais :

… les oultrageaient grandement, les appelant trops-diteux, bresche-dents, plaisants rousseaulx, galliers, chie-en-licts, averlans, limes sourdes.

Lime-sourde ne viendrait-il pas du béarnais limassourd, sournois, c’est-à-dire faire le sourd comme une limace, ainsi que l’écrivait Houre :

Voltaire a dit au sujet de l’escargot et de la limace : Je crois une et l’autre espèce sourdes, car, quelque bruit qu’on fasse autour d’elles, rien ne les alarme… Il n’est pas le premier qui ait observé cette surdité ; les Béarnais ont une certaine expression qui le prouve. Ils appellent limachourd un homme rusé qui feint de ne pas entendre. Le colimaçon se nomme limac dans leur idiome, et limac-sourd veut dire colimaçon sourd ; de manière que l’on compare, en Béarn, la surdité apparente de cet homme à la surdité réelle du colimaçon. Il fait le limassourd, prononcent les Béarnais, pour dire : Il feint la surdité du limaçon, parce qu’il ne veut pas entendre.

(Aventures de Messire Anselme, 1796)

Lime-sourde se rapporterait donc plutôt au limaçon qu’à la lime. Dans ce cas, font observer V. Lespy et P. Raymond, l’expression faire la fine sourde aurait une autre signification que celle qui lui a été donnée dans la Petite Encyclopédie des Proverbes : « Chercher par des menées secrètes à nuire à quelqu’un. »

Limer

Delvau, 1864 : Rester longtemps sur une femme sans arriver à l’éjaculation.

L’étudiant limant encore, pour l’acquit de sa conscience, car il ne bande plus aussi raide.

(H. Monnier)

Mais sans folle ivresse,
Il ne fait rien
Qu’il ne lime sans cesse.

(Collé)

Larchey, 1865 : Aller lentement en affaire.

Delvau, 1866 : v. n. « Aller lentement en affaire, » — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : S’exprimer difficilement. — Rester longtemps sur un ouvrage.

Virmaître, 1894 : Fait qui se produit après trente ans de mariage (Argot du peuple).

France, 1907 : Mettre longtemps à accomplir une certaine besogne.

— Je fus obligé de limer un quart d’heure durant, si bien qu’à la fin la gouge se fâcha.

(Les Propos du Commandeur)

Limeur

Rigaud, 1881 : Celui qui s’exprime avec difficulté. — Lent au travail.

Limogère

Vidocq, 1837 : s. f. — Chambrière.

(Villon)

Delvau, 1866 : s. m. Chambrière, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Chambrière ; vieux jargon.

Une chambrière se nommait limogère : à présent, c’est une cambrouze.

(Langage de l’argot réformé)

Limonade

Vidocq, 1837 : s. m. — Plat, assiette.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Assiette (Vidocq). — Comparaison de l’assiette à une rouelle de limon.

Delvau, 1866 : s. f. Assiette, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Eau, — dans l’argot des faubouriens. Tomber dans la limonade. Se laisser choir dans l’eau.

Delvau, 1866 : s. f. État de limonadier.

Rigaud, 1881 : Eau, — dans le jargon des ivrognes. — Se plaquer dans la limonade, se jeter à l’eau.

Rigaud, 1881 : Gilet de flanelle, — dans le jargon des voyous. C’est un dérivé de lime, qui veut dire chemise.

La Rue, 1894 : Eau. Assiette. Tomber dans la limonade, être en déconfiture.

Virmaître, 1894 : Eau. Tomber dans la limonade, ce n’est pas « se laisser choir dans l’eau », comme le dit A. Delvau, c’est tomber dans la misère : — Il est tombé dans la limonade. Il existe à ce sujet une chanson : Ah ! il est tombé dans la limonade (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Eau. Limonade veut aussi dire misère. Être dans la Limonade, c’est être miséreux.

France, 1907 : Assiette ; argot des voleurs.

France, 1907 : Déconfiture. Tomber dans la limonade, être ruiné.

— Il n’y a pas à hésiter, fit Wilhelm, puisque nous sommes dans le pétrin.
— Dans la pommade, ajouta Luigi.
— Dans la limonade, conclut John à son tour.

(Yveling Rambaud, Haine à mort)

J’suis en plein dans la limonade ;
Plus un sou, malade et vanné ;
Et je chante, en fait d’sérénade,
Cell’ du pauvre pané.

(Jules Varney)

France, 1907 : Eau ; ce que les Anglais appellent bière d’Adam.

Limonade (tomber dans la)

Rigaud, 1881 : Faire de mauvaises affaires ; se ruiner.

Limonade de linspré

Rigaud, 1881 : Champagne, — dans le jargon des voleurs. C’est mot à mot : limonade de prince.

France, 1907 : Vin de Champagne. Linspré est l’argot largonji de prince.

Limonadier de postérieurs

Rigaud, 1881 : Apothicaire. (Le Nouveau Vadé, 1824)

France, 1907 : Apothicaire, infirmier.

Limousin

d’Hautel, 1808 : Un gros Limousin. Un gros garçon bien lourd, bien épais.
Manger du pain comme un Limousin. Signifie manger beaucoup de pain.

Delvau, 1866 : s. m. Maçon, — dans l’argot du peuple, qui sait que les castors qui ont bâti Paris et qui sont en train de le démolir appartiennent à l’antique tribu des Lémovices.

Rigaud, 1881 : Maçon, gâcheur de plâtre.

France, 1907 : Maçon. La plupart des maçons de Paris sont des Limousins.

Limousine

Vidocq, 1837 : s. m. — Plomb.

Delvau, 1866 : s. f. Blouse de charretier.

Delvau, 1866 : s. f. Plomb, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Plomb en feuille ; toit en plomb.

La Rue, 1894 : Plomb en feuille.

France, 1907 : Blouse de charretier.

France, 1907 : Plomb en feuille appelé aussi gras-double, saucisson.

Limousiner

Delvau, 1866 : v. a. et n. Bâtir des maisons.

Rossignol, 1901 : Le maçon qui fait le gros d’une construction limousine ; c’est un Limousin limousinant.

France, 1907 : Bâtir.

Limousineur

Vidocq, 1837 : s. m. — Couvreur qui vole le plomb garnissant les toits.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur de plomb sur les toits.

Rigaud, 1881 : Voleur de plomb en feuille, de toitures en plomb.

La Rue, 1894 : Voleur de plomb sur les toits. V. Gras-double.

France, 1907 : Voleur de plomb sur les toits. On dit aussi voleur au gras-double.

« On donne le nom de voleurs au gras-double ou de limousineurs à des ouvriers couvreurs qui volent le plomb des couvertures, ou coupent de longues bandes avec de bonnes serpettes, puis l’aplatissent et le serrent à l’aide d’un clou. Ils en forment ainsi une sorte de cuirasse qu’ils attachent, à l’aide d’une courroie, sous leurs vêtements. » (Petit Journal.) De là le nom de limousineur qui compare ces vêtements de plomb aux gros manteaux nommés limousines.

(Lorédan Larchey)

Limousineurs

Larchey, 1865 : « On donne le nom de voleurs au gras double ou de limousineurs à des ouvriers couvreurs qui volent le plomb des couvertures, en coupent de longues bandes avec de bonnes serpettes, puis l’aplatissent et le serrent à l’aide d’un clou. Ils en forment ainsi une sorte de cuirasse qu’ils attachent à l’aide d’une courroie sous leurs vêtements. » — Petit Journal. — Allusion à leurs vêtements de plomb, non moins imperméables que les gros manteaux nommés limousines.

Limousinier

Virmaître, 1894 : Voleur de tuyaux de plomb dans les maisons en construction. Il se nomme également voleur de gras double, parce que les feuilles de plomb ou de zinc roulées ressemblent aux rouleaux de tripes que l’ou voit à l’étalage des tripiers (Argot du peuple).

France, 1907 : Entrepreneur de maçonnerie, appelé ainsi des maçons, presque tous Limousins.

Lincé

Virmaître, 1894 : Vingt-cinq centimes (Argot des voleurs).

Linceul

d’Hautel, 1808 : Drap de toile.
Le peuple de Paris prononce ce mot comme deuil, et dit linceuil, au lieu de prononcer linceul comme dans seul.

Linge

d’Hautel, 1808 : Aimer le linge fin. Expression figurée qui signifie aimer à faire sa cour au beau sexe ; avoir la passion des femmes.
Être curieux de linge sale. Locution ironique et figurée ; qui signifie être malpropre dans ses vêtemens.

Delvau, 1866 : s. m. Chemise, — dans l’argot du peuple. Jupon blanc de dessous, — dans l’argot des filles. Avoir du linge. Porter une chemise blanche. Faire des effets de linge. Retrousser adroitement sa robe, de façon à montrer trois ou quatre jupons éblouissants de blancheur et garnis de dentelles — de coton.

Rigaud, 1881 : Élégante fille publique.

La Rue, 1894 : Joueur de bonneteau. Femme galante ayant une certaine toilette.

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Femme galante qui porte de la toilette. Elle fait des effets de linge.

France, 1907 : Joueur de bonneteau.

Linge (avoir du)

Larchey, 1865 : Avoir une garde-robe bien montée.

Et Bovarine ! Qu’est-ce que c’est ? Ça a-t-il du linge ?

(Lem. de Neuville)

Lingé (être)

Rigaud, 1881 : Porter du linge blanc ; avoir une chemise blanche.

France, 1907 : Avoir du beau linge. On dit aussi faire des effets de linge, en parlant des femmes qui retroussent leur robe pour montrer qu’elles ont des jupons blancs.

Car enfin, c’est des sottises
D’aller chez des gens tout nus
Pour leur apprend’e des bêtises
À qui personn’ ne croit pus !
Pour leur y dir’ que la Vierge
À fait tout’ seule un garçon,
Rien qu’en allumant un cierge
Apporté par un pigeon.
Et puis un évêq’, ça marque,
Ça coûte très cher au Trésor,
C’est lingé comme un monarque
Et ça s’habille tout en or.
P’têt’ que là-bas, les bons nègres
— Car y a pas d’municipal —
S’engraiss’ront (c’est bêt’ d’êt’ maigres)
D’un rosbif épiscopal !

(Gringoire)

Linge (resserrer son)

France, 1907 : Mourir.

Linge à règles

Rigaud, 1881 : Personne d’une malpropreté révoltante, — dans le jargon des voyous.

France, 1907 : Femme malpropre.

Linge convenable

Rigaud, 1881 : Femme dont le souteneur n’a qu’à se louer. Mot à mot : linge, femme qui convient. — Se payer un linge convenable, devenir le Desgrieux d’une élégante Manon.

Linge lavé (avoir son)

Delvau, 1866 : S’avouer vaincu ; être pris, — dans l’argot des voleurs, qui, une fois en prison, n’ont plus a s’occuper de leur blanchisseuse.

Rigaud, 1881 : Être arrêté, — dans le jargon des voleurs. C’est la variante : d’être propre.

La Rue, 1894 : Être arrêté.

Virmaître, 1894 : Les voleurs en prison comme les troupiers, n’ont plus à s’occuper de la blanchisseuse (Argot des voleurs).

France, 1907 : Être pris ; argot des voleurs.

Lingère

d’Hautel, 1808 : Une lingère au petit crochet. Voy. Crochet.

Lingot

Virmaître, 1894 : Forain qui met de la porcelaine ou de la verrerie en loterie. La roue qui tourne pour indiquer le numéro gagnant se nomme un lingot (Argot des forains). N.

France, 1907 : Roue des boutiques foraines où l’on met de la porcelaine et de la verrerie en loterie, d’où le nom de lingot donné au forain qui tient ce genre d’établissement.

Lingre

Ansiaume, 1821 : Couteau.

Il faut toujours avoir en valade un lingre de taille.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Couteau. Refroidir avec le lingre, tuer à coups de couteau.

Bras-de-Fer, 1829 : Couteau.

Vidocq, 1837 : s. m. — Couteau.

Halbert, 1849 : Couteau.

Larchey, 1865 : Couteau (Vidocq).Lingrer : Frapper à coups de couteau. — Lingrerie : coutellerie. — Lingriot : Canif. — Quadruple allusion à Langres, ancienne capitale de la coutellerie.

Delvau, 1866 : s. m. Couteau, — dans l’argot des voleurs, qui savent que Langres est la patrie de la coutellerie. Lingriot. Petit couteau ; canif ; bistouri.

Rigaud, 1881 : Couteau. Mot à mot : couteau de Lingres, pour Langres, patrie de la coutellerie française. — Lingrerie, coutellerie. — Lingriot, petit couteau, canif.

Virmaître, 1894 : Couteau. Quelques auteurs disent lingue, c’est une erreur, lingre est une corruption de Langres, ville renommée pour la fabrication de ses couteaux (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Couteau.

Lingre, lingue

La Rue, 1894 : Couteau.

Lingre, surin, vingt deux

Clémens, 1840 : Couteau.

Lingrer

Vidocq, 1837 : v. a. — Frapper à coups de couteau.

Delvau, 1866 : v. a. Frapper à coups de couteau.

Rigaud, 1881 / France, 1907 : Donner des coups de couteau.

Lingrerie

Vidocq, 1837 : s. f. — Coutellerie.

Delvau, 1866 : s. f. Coutellerie.

France, 1907 : Coutellerie.

Lingres

anon., 1827 : Couteaux.

Lingreur

Virmaître, 1894 : Assassin qui tue à l’aide d’un couteau (Argot des voleurs).

Lingriot

Vidocq, 1837 : s. m. — Canif, bistouri, petit couteau.

France, 1907 : Petit couteau.

Lingue

M.D., 1844 : Un couteau.

Rigaud, 1881 : Couteau. C’est la forme moderne de lingre. Jouer du lingue.

Rossignol, 1901 : Couteau.

anon., 1907 : Couteau, poignard.

Lingue, lingre

France, 1907 : Couteau. Déformation de la ville de Langres, renommée pour sa coutellerie. On dit aussi linve, surin, scion, pliant, coupe-sifflet, trente-deux ou vingt-deux, allusion au prix. Jouer du lingue, donner des coups de couteau.

— Nom de Dieu ! j’y touche presque ! Attends ! Ça n’y est pas ! Passez-moi un lingue.
Orlando tira de sa poche un de ces longs couteaux qu’une virole change en poignard et dont ne se sépare jamais l’Italien du peuple.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

S’i’ veut ben s’laisser faire, on fait pas d’mal au pantre,
Mais quand i’ veut r’ssauter où ben fair du potin. Cu y fout génliinent un puit coup dlingu dans l’ventre, Pour y approndre à gueuler à deux heur’s du matin.

(Aristide Bruant)

— Comment voulez-vous qu’on ait le cœur de ficher un coup de lingue, me disait un jour une « terreur » de la « Butte », quand on n’a rien mangé depuis trois jours ?
Il parait qu’il est plus facile de donner un coup de pioche qu’un coup de lingue, car mes casseurs de glace piochaient à jeun dans le ruisseau ; ils piochaient lentement ; ils piochaient tout de même.

(Hugues Le Roux)

… Les bandits avaient repris leur vie en commun de maraudes, de pillages, de pardessus volés, et au besoin d’appartements visités et de villas escaladées, sans parler du casuel, un bon coup de lingue servi au pantre qui s’amusait à crier quand on le barbottait au détour d’une rue déserte.

(Edmond Lepelletier)

Linguer

Rossignol, 1901 : Donner des coups de couteau.

Hayard, 1907 : Frapper à coups de couteau.

Linguier

France, 1907 : Voir Languier.

Linotte

d’Hautel, 1808 : Une tête de linotte. Tête de petit maître ; légère et mal organisée, dépourvue de sens et de jugement.
Siffler la linotte. Boire à excès ; faire débauche de vin.
Siffler la linotte, signifie aussi attendre long-temps et vainement quelqu’un dans la rue.

Linqcé

Hayard, 1907 : Cinq.

Linquec

France, 1907 : Le nombre cinq déformé par le procédé de largonji.

Linspré

Vidocq, 1837 : s. m. — Prince.

Delvau, 1866 : s. m. Prince, — dans l’argot des voleurs, qui cultivent l’anagramme comme le grand Condé les œillets.

Rigaud, 1881 : Prince, — dans le jargon des voleurs. — Mot retourné.

La Rue, 1894 : Prince.

France, 1907 : Prince ; argot des voleurs, d’après les règles de largonji.

Linspre ou l’insapré

Virmaître, 1894 : C’est plutôt cette dernière expression qui est la vraie, car elle signifie inspecteur et non prince (Argot des bouchers).

Linvé

Rigaud, 1881 : Un franc, vingt sous, — dans le jargon des voyous, par abréviation de linvé loussem ; emprunté au jargon des bouchers. Déformation argotique en et lem.

Virmaître, 1894 : Un franc (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Vingt. Ce mot est de l’argot de boucher, mais il est dit par tous les individus parlant un peu argot. Les chiffres se prononcent ainsi : 1. Unlaime ; 2. Leudé ; 3. Loitré ; 4. Latequé ; 5. Linqcé ; 6. Lixsé ; 7. Leptsaime ; 8. Luihaime ; 9. Leufnique ; 10. Lixdé ; 20. Linvé ; 40. Larantequé.

Hayard, 1907 : Vingt.

France, 1907 : Pièce d’un franc. Ce sont les mots vingt sous déformés et abrégés. On dit aussi loussem.

— N’en dites pas de mal, papa : c’est mon ami ! Il a l’air comme ça un peu fier, quand on ne le connait pas, mais vous allez voir tout à l’heure, quand il va sortir… Lorsqu’il est saoul, il n’y a pas plus gentil, plus généreux. Il me refile toujours un linvé, des fois larantqué : il ne s’agit que d’être à la distribution.

(Maurice Donnay)

anon., 1907 : Vingt sous.

Lion

d’Hautel, 1808 : Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. C’est-à-dire que la mort fait disparoître tout-à-coup la puissance et les honneurs dont on étoit revêtu.
Battre le chien devant le lion. Réprimander quelqu’un sur lequel on a de l’autorité, pour une faute que commet souvent une personne que l’on n’ose reprendre.

Larchey, 1865 : « Depuis que nous avons attrapé ce mot anglais, qui s’applique à Londres à toutes sortes de notabilités, nous en avons fait abus comme du calicot et du fil d’Écosse. Il ne se fait pas un vaudeville, un feuilleton, un roman de mœurs contemporains, qui. ne parle des lions de Paris. Aujourd’hui, pour être lion, la moindre chose suffit : avec un paletot jaune, un chapeau neuf, des moustaches, vous êtes reçu lion d’emblée. » — Roqueplan, 1841. — Deriège a fait la Physiologie du Lion. — Un lionceau est un lion ridicule.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui, à tort ou à raison, — à tort plus souvent qu’à raison, — a attiré et fixé sur lui, pendant une minute, pendant une heure, pendant un jour, rarement pendant plus d’un mois, l’attention capricieuse de la foule, soit parce qu’il a publié un pamphlet scandaleux, soit parce qu’il a commis une éclatante gredinerie, soit pour ceci, soit pour cela, et même pour autre chose ; homme enfin qui, comme Alcibiade, a coupé la queue à son chien, ou, comme Alphonse Karr, s’est fait dévorer par lui, ou, comme Empédocle,

Du plat de sa sandale a souffleté l’histoire.

Être le lion du jour. Être le point de mire de tous les regards et de toutes les curiosités.

Delvau, 1866 : s. m. Le frère aîné du gandin, le dandy d’il y a vingt-cinq ans, le successeur du fashionable — qui l’était du beau — qui l’était de l’élégant — qui l’était de l’incroyable — qui l’était du muscadin, — qui l’était du petit-maître, etc. Ce mot nous vient d’Angleterre.

Rigaud, 1881 : Élégant (1840). — Lion, lionne du jour, homme, femme à la mode ; célébrité éphémère.

France, 1907 : Homme à la mode, dandy, fashionable ; toutes expressions venues d’outre-Manche. Fort usitées vers le milieu de ce siècle, elles ne le sont guère aujourd’hui que par des provinciaux qui ne sont plus dans le mouvement, Nestor Roqueplan écrivait, au moment de l’entière floraison du lion sur les boulevards, les lignes suivantes qui donnent une idée de l’homme à la mode vers 1840 :

Depuis que nous avons attrapé ce mot anglais, qui s’applique, à Londres, à toutes sortes de notabilités, nous en avons fait abus comme du calicot et du fil d’Écosse. Il ne se fait pas un vaudeville, un feuilleton, un roman de mœurs contemporaines, qui ne parle des lions de Paris. Aujourd’hui, pour être lion, la moindre chose suffit ; avec un pantalon jaune, un chapeau neuf, des moustaches, vous êtes reçu lion d’emblée. Nous avons en des muscadins, des incroyables, des impayables, des élégants, des beaux, quelques fashionables ; mais appeler lions des jeunes gens qui mangent doucement de pauvres patrimoines, c’est une parodie bien amère.

Voir Gommeux.

Lionceau

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti lion, — garçon tailleur qui cherche à se faire passer pour le comte d’Orsay ou pour Brummel, et qui réussit rarement, le goût étant une fleur rare comme l’héroïsme.

France, 1907 : Jeune homme ridicule qui affecte les manières des imbéciles plus âgés que lui dont le grand souci est la couleur d’un pantalon et la forme d’un gilet.

Lionne

Larchey, 1865 : « C’étaient de petits êtres féminins, richement mariés, coquets, jolis, qui maniaient parfaitement le pistolet et la cravache, montaient à cheval comme des lanciers, prisaient fort la cigarette, et ne dédaignaient pas le champagne frappé. »

(F. Deriège)

Delvau, 1866 : s. f. Femme à la mode — il y a trente ans. C’était « un petit être coquet, joli, qui maniait parfaitement le pistolet et la cravache, montait à cheval comme un lancier, prisait fort la cigarette et ne dédaignait point le Champagne frappé. » Aujourd’hui, mariée ou non, grande dame ou petite dame, la lionne se confond souvent avec celle qu’on appelle drôlesse.

France, 1907 : Femme, fille, sœur où maîtresse du lion. « C’étaient, dit Deriège, cité par Lorédan Larchey, de petits êtres féminins, richement mariés, coquets, jolis, qui maniaient parfaitement le pistolet et la cravache, montaient à cheval, prisaient la cigarette. » Si le type n’est pas complètement disparu, le mot est dors d’usage.

Lancée par l’hymen dans une carrière brillante, elle fut bientôt citée parmi les divinités de la mode parisienne, et aujourd’hui elle figure avec avantage dans cette élite de merveilleuses que l’on rencontre à toutes les solennités élégantes ; infatigables amazones, dédaignant les paisibles récréations de leur sexe et abdiquant le doux empire des grâces discrètes pour suivre nos dandys à la course et se mêler aux grandes et aux petites manœuvres du Jockey-Club ; reines du monde cavalier, que l’on a surnommées les Lionnes, pour rendre hommage à la force, à l’intrépidité et à l’inépuisable ardeur dont elles donnent chaque jour tant de preuves.

(Eugène Guinot)

Lionnerie

Larchey, 1865 : Monde des lions.

Nous étions installés dans un restaurant cher à la lionnerie.

(Mornand)

Delvau, 1866 : s. f. Haute et basse fashion.

France, 1907 : Monde des lions et des lionnes.

Lioubion

Clémens, 1840 : Bonnet.

Liouse

France, 1907 : Graine de lin ; de l’espagnol linueso, latin linosa.

Lipède

Rossignol, 1901 : Garçon maçon.

Lipet

France, 1907 : Vin fait avec le miel.

C’est surtout en Pologne que les vins faits avec le miel se préparent dans la plus grande perfection. Le lipet est aussi clair que le vin de Champagne ; comme lui, il pétille, et beaucoup de Polonais le lui préfèrent, tant pour le goût que pour la force. C’est à la supériorité des miels de Lithuanie que cette liqueur doit sa valeur.

(A.-F. Aulagnier)

Lipète

Rigaud, 1881 : Prostituée portée sur sa bouche.

Lipette

Hayard, 1907 : Client naïf.

France, 1907 : Prostituée.

Lipette, ligorniot

La Rue, 1894 : Maçon.

Lipette, limousinant

Rigaud, 1881 : Maçon qui pose les moellons et fait les murs.

Lipette, lipète

France, 1907 : Maçon, Limousin.

— Et quels gens habitent ce taudis ?
— Un peu de toutes sortes. Des mendiants, des vagabonds, des lipètes et des bigorniaux, c’est-à-dire des Limousins et des Auvergnats…

(Louis Barron, Paris étrange)

J’en ai eu deux : deux saligauds,
Deux tant’s, deux filous, deux fagots,
Deux vach’s, deux cochons, deux tapettes,
Qui gueulaient… qui m’foutaient des coups
Quand j’m’ach’tais eun’ robe d’cent sous,
Le lend’main d’la paye aux lipettes.

(Aristide Bruant)

Lippe

d’Hautel, 1808 : Faire ou pousser la lippe. Allonger la mine ; être de mauvaise humeur ; faire la moue.

Delvau, 1866 : s. f. Moue, grimace, — dans l’argot du peuple. Faire sa lippe. Bouder.

France, 1907 : Moue, bouderie. Les petites filles font souvent la lippe.

Lippée

d’Hautel, 1808 : Coureur de lippées. Parasite, gourmand, homme qui feroit dix lieues pour un bon dîner.

Delvau, 1866 : s. f. Simple bouchée ; repas insuffisant. Franche lippée. Repas copieux.

Lipper

Delvau, 1866 : v. n. Courir de cabaret en cabaret, y manger, — et surtout y boire.

France, 1907 : Boire.

Lippu

d’Hautel, 1808 : Qui a de grosses lèvres ; qui a l’air renfrogné et de mauvaise humeur.

Liquet

France, 1907 : Petite poire bonne à cuire, appelée aussi poire de la vallée.

Liquette

Rigaud, 1881 : Chemise. — Décarrer le centre des liquettes, démarquer du linge. Mot à mot : faire sortir le nom des chemises.

La Rue, 1894 : Chemise.

Virmaître, 1894 : V. Limace.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chemise.

France, 1907 : Chemise. On dit aussi limace. Décarrer le centre d’une liquette, démarquer une chemise.

— Mais encore, le peu que vous gagnez, pourquoi ne pas le garder, quand ce ne serait que pour vous acheter des robes, des chapeaux ?
— Et Bibi, alors, il irait en liquette… pardon, en chemise ?

(Montjoyeux)

Ce qu’on en sue des liquettes le long des sillons ! Ah ! malheur ! Et pendant ce temps, si on pouvait au moins s’enfiler de bons morceaux et se gargariser la dalle de picolos généreux et veloutés.

(Le Père Peinard)

Liquette, limace

anon., 1907 : Chemise.

Liqueur

Delvau, 1864 : Le sperme, qu’on pourrait mettre en bouteille sous le nom de Crème de cocus, car c’est avec cela qu’on les fait.

En moins de six coups de cul, je me vis arrosée largement de la liqueur amoureuse.

(Mililot)

Ja trente ans limitent mon âge
Sans avoir goûté la liqueur
Dont le petit archer vainqueur
Charme des filles la tristesse.

(Tabarin)

L’autre jour, épanchant cette ligueur divine,
Dont nos plaisirs et nous, tirons notre origine.

(Grécourt)

Le paillard darde au fond sa bénigne liqueur.

(Piron)

Liqueur (cache-bonbon à)

France, 1907 : Faux col haut et raide. Allusion aux scrofules que sert à cacher ce genre de faux col mis sans doute à la mode par des gommeux malsains.

Liqueur seminale

Delvau, 1864 : Le sperme, qui est la semence fécondante par excellence, « liqueur blanche et épaisse comme bouillie, que les amants rendent tous deux l’un dans l’antre, avec un délice qui ne se peut exprimer. »

Liquid

Larchey, 1865 : « Liquid est mis ici pour liquidation. Le coulissier, facétieux et aussi de belles manières, se plaît à abréger ses formules comme la jeunesse dédorée de l’époque, et elle dit liquid comme on dit d’autor, d’achar, soc ou démoc. » — Mornand. — « Les ventes et achats de chemins de fer se liquident tous les quinze jours et la rente à la fin de chaque mois. Si vous êtes acheteur de 3 000 fr. de rente fin du mois à 72 fr., que la rente baisse a 71 fr., votre perte s’élève à 1,050 fr., courtage compris. Vous pouvez continuer votre opération en vous faisant reporter. On ajoute alors au cours de 71 fr. le prix du report, plus un nouveau courtage. La cherté des reports tempère souvent les dispositions à la hausse. Il est en effet très-onéreux pour un acheteur de rente de passer 70 c. de report, ce qui, sur 3 000 fr. de rente, augmente de 700 fr. le prix d’achat. » — De Mériclet.

Rigaud, 1881 : Liquidation, — en terme de Bourse.

Liquide

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Liquidation, — dans l’argot des coulissiers.

Delvau, 1866 : s. m. Vin, — dans l’argot du peuple, qui fait semblant d’ignorer qu’il existe d’autres corps aqueux. Avoir absorbé trop de liquide. Être ivre.

Rigaud, 1881 : Toutes sortes de boissons, l’eau exceptée, — dans le jargon des ivrognes.

Liquide de bacchus

Virmaître, 1894 : Vin (Argot du peuple).

Liquide de canard

Virmaître, 1894 : Eau (Argot du peuple). V. Lance.

Lire

Boutmy, 1883 : v. a. Indiquer sur une épreuve, à l’aide de signes particuliers, les fautes qu’on y découvre. Lire et corriger sont pour le correcteur des mots synonymes. Lire en première, corriger la première épreuve, celle qui est faite immédiatement après le travail du compositeur. Lire en seconde ou en bon, corriger l’épreuve déjà lue par l’auteur et sur laquelle il a écrit : bon à tirer. Lire au pouce, corriger en première sans l’aide d’un teneur de copie.

France, 1907 : « Indiquer sur une épreuve, à l’aide de signes particuliers, les fautes qu’on y découvre. Lire et corriger sont pour le correcteur des mots synonymes. Lire en première, corriger la première épreuve, celle qui est faite immédiatement après le travail du compositeur. Lire en seconde ou en bon, corriger l’épreuve déjà lue par l’auteur et sur laquelle il a écrit : bon à tirer. Lire au pouce, corriger en première sans l’aide d’un teneur de copie. » (Eug. Boutmy, Argot des typographes)

Lire aux astres

Delvau, 1866 : v. n. Muser, faire le gobe-mouches ; regarder en l’air au lieu de regarder par terre, — comme astrologue de la fable.

Virmaître, 1894 : Synonyme de bailler à la lune, mettre trois heures pour faire une course de cinq minutes (Argot du peuple). V. Gobe-mouches.

France, 1907 : Baguenauder, muser, bayer aux corneilles, regarder voler les mouches.

Lire la cote avant de partir

France, 1907 : Expression de l’argot des courses dont voici l’explication :

Le propriétaire bookmaker est un propriétaire d’occasion, qui ne considère le cheval que comme un atout de plus dans son jeu déjà biseauté… Suivant l’expression consacrée, son cheval lit la cote avant de partir, et court en conséquence, autrement dit ne gagne que lorsque son maître juge la cote assez rémunératrice pour faire un coup.

(F. Laffon, Le Monde des courses)

Lire le journal

France, 1907 : Partir sans dîner.

Lire le moniteur

France, 1907 : Attendre patiemment.

C’est la malheureuse habitude des gens de Paris de faire lire le Moniteur à ceux à qui ils fixent des rendez-vous.

Lironjaime

Rossignol, 1901 : Girond. C’est de l’argot de boucher qui veut dire : bien, beau. Un beau gars est lironjaime ou girond. Une jolie femme est lironjaime ou gironde.

Lisdré

Virmaître, 1894 : V. Fricadier.

Lisette

Ansiaume, 1821 : Veste.

Si tu lisette peut m’aller, je suis renfrusquiné.

Larchey, 1865 : Gilet long. V. Tirant. — Doit avoir la même racine que Lice.

Delvau, 1866 : s. f. Gilet long, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Gilet long ; gilet de cocher.

La Rue, 1894 : Gilet long.

France, 1907 : Gilet long.

Son frusque, aussi sa lisette
Et ses tirants brodanchés
Crompe, crompe, mercandière,
Lonfa, malera, dondaine,
Car nous serions béquillés
Lonfa malera dondé.

France, 1907 : Petit couteau pour enfants.

Lisette ! (pas de ça !)

France, 1907 : Non, il ne faut pas le faire ; je m’y oppose. Cette expression est déjà ancienne et se trouve, suivant Lorédan Larchey, dans une brochure, L’Âne promeneur, publié en 1786.

Lisières

d’Hautel, 1808 : Les lisières sont pires que le drap. Voy. Drap.
Se laisser conduire à la lisière. Laisser prendre un grand empire à quelqu’un sur son esprit ; se laisser maîtriser.

Lisseau

France, 1907 : Peloton de ficelle ou de fil.

Lisserpem

France, 1907 : Uriner. Déformation du mot pisser par le largonji.

Listard

France, 1907 : Partisan du scrutin de liste.

Lit

d’Hautel, 1808 : Prendre quelqu’un au saut du lit. Se rendre chez lui de très-bonne heure, et avant qu’il ne soit levé.
Un lit de pierre ou de sel. Expression figurée, pour un amas de pierres ou de sel.
Lit de misère. On nomme ainsi le lit sur lequel on place les femmes qui sont en mal d’enfant.

Lit (être sous)

France, 1907 : Commettre une erreur, se tromper.

Lit à coups de poing (faire un, expédier un)

Rigaud, 1881 : Faire un lit à la hâte sans retourner les matelas. On dit également « faire un lit à l’anglaise ».

Litanie

d’Hautel, 1808 : Long comme les litanies. Se dit d’un lambin, d’un longis qui n’en finit sur rien.

Litarge

Virmaître, 1894 : V. Lance.

Liteaux

d’Hautel, 1808 : Raies bleues ou de toute autre couleur qui sont aux extrémités des serviettes. Beaucoup de personnes disent, une serviette, une nappe à linteaux : c’est liteaux qu’il faut dire.
Un linteau est une pièce de bois dont on fait usage dans le bâtiment.

Lithographier (se)

Delvau, 1866 : Tomber par terre, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que lorsqu’on tombe, on a le visage désagréablement impressionné par la pierre.

France, 1907 : Tomber par terre ou plus justement, sur le trottoir

Litholâtrie

France, 1907 : Culte de la pierre. On en retrouve des traces en Afrique, en Égypte, en Sibérie, en Chaldée et chez tous les sémites.

La litholâtrie était dans toute sa force, elle régnait en Europe comme en Asie, lorsque les Grecs, les Latins, les Germains et les Gaulois vinrent se fixer dans leurs nouvelles patries. L’adoration, soit directe, soit animiste, des pierres, des rochers et des montagnes était notamment répandue le long de la chaîne du Pinde, en Thessalie, en Béotie, en Épire, en Arcadie et jusqu’au Taygète et à l’Eurotas.

(André Lefèvre, La Religion)

Litière

d’Hautel, 1808 : Il est sur la litière. Se dit en plaisantant d’un homme que la débauche ou une mauvaise conduite oblige de garder le lit.

Litré

Hayard, 1907 : Trois.

Litrée

Hayard, 1907 : Litre.

Litrer

Vidocq, 1837 : v. a. — Posséder.

Larchey, 1865 : Contenir, posséder. — Ce terme a une forme aussi régulière que cuber. — V. Fourgat.

J’avais balancé le bogue que j’avais fourliné et je ne litrais que nibergue en valades.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : v. a. Avoir, posséder, — dans l’argot des voleurs. V. Itrer.

Rigaud, 1881 : Posséder, avoir, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Avoir, posséder, contenir.

Litron

Delvau, 1866 : s. m. Litre douteux servi dans un pot qui n’a pas toujours la contenance légale. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Litre qui n’a pas la taille réglementaire.

Rossignol, 1901 : Litre de vin.

Hayard, 1907 / France, 1907 : Litre.

Litroneur

France, 1907 : Ivrogne.

Au pied d’un autel où figuraient les bustes de Napoléon Ier, du duc de Reichstadt et de Louis-Napoléon, on jurait sur le poignard le rétablissement de l’empire, et le tout se terminait par quelques litres que payait le récipiendaire. Le ministre de l’intérieur, avec la singulière et aimable facilité d’élocution qui le distinguait, mit les désordres de la place du Havre sur le compte de ces litroneurs…

(Jules Richard)

Litronner

Rigaud, 1881 : Boire du vin au litre.

France, 1907 : Boire du vin.

Litronneur

Rigaud, 1881 : Buveur qui a un faible pour le vin au litre.

Littéral

Fustier, 1889 : Argot des élèves des écoles militaires qui désignent ainsi le petit livre où se trouvent la théorie, les principes de la manœuvre, livre qu’il faut savoir littéralement par cœur.

Salle affreuse, où de la théorie
Nous avons tant beuglé le littéral,
Adieu…

(Écho de Paris, avril 1884)

Littérature jaune

Delvau, 1866 : s. f. Le Réalisme, — une maladie ictérique désagréable qui a sévi avec assez d’intensité dans les rangs littéraires il y a une dizaine d’années, et dont a été particulièrement atteint Champfleury, aujourd’hui (1867) presque guéri. L’expression, fort juste, appartient à Hippolyte Babou.

France, 1907 : Littérature naturaliste.

Littératurier

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais écrivain, — dans l’argot des gens de lettres.

France, 1907 : Mauvais écrivain qui flatte le mauvais goût du public.

Livraison de bois devant la porte

Virmaître, 1894 : V. Capitonnée.

Livraison de bois devant sa porte (avoir une)

Delvau, 1866 : v. a. Se dit, — dans l’argot des faubouriens, d’une femme richement avantagée par la Nature.

France, 1907 : Se dit d’une femme fortement mamelue.

Livre

d’Hautel, 1808 : Parler comme un livre. Faire le docteur ; parler savamment et avec facilité.
Il n’a jamais mis le nez dans un livre. Se dit par dénigrement d’un homme ignorant qui est par venu à un haut emploi.
Être écrit sur le livre rouge. Être noté dans les registres publics ou particuliers, pour quelques fautes que l’on se propose de punir à la première occasion.
Faire de cent sous quatre livres, et de quatre livres rien. Revendre, échanger à bas prix ce que l’on a payé fort cher ; faire des économies mal combinées, qui font perdre d’un côté ce que l’on gagne de l’autre.

Livre (une)

Rossignol, 1901 : Cent francs.

Livre d’architecture

Delvau, 1866 : s. m. Registre qui contient les procès-verbaux d’une loge, — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Registre contenant les procès-verbaux d’une loge maçonnique.

Livre des quatre rois

Rigaud, 1881 : Jeu de cartes ! (F. Michel)

Livre des rois

Delvau, 1866 : s. m. Jeu de cartes. Argot des faubouriens.

Livre des rois ou des quatre rois

France, 1907 : Jeu de cartes ; argot des faubouriens. Les Anglais appellent le jeu de cartes livre du diable.

Livre rouge

Delvau, 1866 : s. m. Les registres du Dispensaire, — dans L’argot des filles.

Rigaud, 1881 : Registre du dispensaire, — dans le jargon des filles.

La Rue, 1894 : Registre du dispensaire.

France, 1907 : Livre où l’on inscrit les punitions dans les collèges. Registres du dispensaire, dans l’argot des filles.

À un moment où la dissipation semble vouloir faire irruption dans leur domaine, ils se lèvent tout à coup, descendent gravement de l’estrade, promènent çà et là des regards perçants, et, les mains armées du fatal carnet à punitions, qu’ils appellent ambitieusement le livre rouge, ils attendent.

(Eugène Nyon, Le Maitre d’études)

Livrer

d’Hautel, 1808 : Vendre et livrer c’est deux. Signifie que l’on ne réussit pas toujours dans les mesures que l’on prend pour tromper quelqu’un.

Livrer (se)

Delvau, 1864 : Ouvrir son cœur, ses cuisses, son cul — et par conséquent le paradis — à un homme.

Elle est réduite aujourd’hui à se livrer au petit Dupré.

(La France galante)

Je hais cette Lais qui trop facilement
Se livre aux premiers mots d’un galant qui la presse.

(E. T. Simon)

Elle a donc fait le serment de ne se livrer, selon la nature, qu’à des nobles.

(A. de Nerciat)

Livres libres, obscènes, orduriers, malsains

Delvau, 1864 : Ouvrages où l’on parle sans vergogne, comme dans celui-ci, des parties naturelles des deux sexes et de leurs fonctions ; de cons, de vits, de culs, de fouterie, de gamahucherie, etc. Ils sont abominés par les personnes honnêtes qui ne foutent que dans l’obscurité la plus complète et en faisant passer leur vit par un trou de la chemise de leur dame, et qui enseignent à la jeunesse que les enfants se trouvent naturellement sous des feuilles de chou.

Un livre incendiaire a rallumé tous les feux que mon austérité commençait d’assoupir.

(Mon noviciat)

Lob

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

Lobe

France, 1907 : Pédéraste. Voir Copaille, Jésus.

Lobeur

France, 1907 : Flatteur, cajoleur, d’où l’on a fait lobe, pédéraste.

Loc

France, 1907 : Lieu, local, maison ; du patois du Midi. Se mettre l’estomac à loc, bien manger et bien boire. Être à loc, être en bon état de santé et l’affaire.

Loc, loque

France, 1907 : Blet, blette.

Locandier

Larchey, 1865 : « Le locandier est une des nombreuses variétés des voleurs au bonjour. Sous prétexte d’examiner un logement à louer et en dépit de la présence du concierge, il vole avec dextérité. »

(A. Monnier)

Delvau, 1866 : s. m. Variété de voleur au bonjour.

Rigaud, 1881 : Voleur qui opère en visitant les appartements à louer. Sous prétexte de visiter un appartement, le locandier dérobe tout ce qu’il peut, prend l’empreinte des serrures, examine la place où il travaillera plus tard ; de l’italien locanda, maison.

Virmaître, 1894 : Variété de voleur au bonjour (Argot des voleurs). V. Bonjourier.

France, 1907 : Voleur qui, sous prétexte de visiter un appartement à louer, fait main basse sur ce qu’il peut empocher.

Locataire

d’Hautel, 1808 : C’est un mauvais locataire, de qui il faut donner congé. Locution basse et burlesque dont on sert pour excuser quelqu’incongruité, et en donnant essor à un vent importun.

Locati

France, 1907 : Voiture de louage.

Les respectables familles dont le landau austère croise, aux Acacias, le locati discret du lutteur à la boutonnière leurs ne se doutent pas, dans la sécurité de leur optimisme appuyé sur quarante mille livres de rentes, des prodiges d’invention, des dépenses de génie faites par ces jeunes hommes pour la gloire de paraître. Tandis que l’équipage débonnaire qui porte M. Perrichon et sa fortune poursuit son train-train paisible, au trot mesuré de chevaux auxquels la dignité de leur allure confère déjà une sorte de solennité bourgeoise, le subtil locati glisse au milieu des voitures, menant aux hasards de la chasse, à travers ce marché de l’Amour et de l’Argent, le viveur d’appétit violent et de bourse plate qui quête un salut, un sourire ou une affaire.

(Francis Chevassu)

Périclès avait bien été accusé, dans le temps, d’avoir un peu filouté les deniers de l’État ; mais au moins il pouvait montrer Aspasie se rendant au temple plein des statues de Phidias, dans un char d’argent. Nos Périclès sont également suspects d’avoir triché dans les comptes du budget ; mais ils vont au Bois dans des locatis. Ils aiment l’argent pour l’argent, ce qui est la dernière des hontes pour un civilisé.

(Colombine)

Locatis

d’Hautel, 1808 : Un locatis. Pour dire, un cheval de louage.

Delvau, 1866 : s. m. Cheval de louage, — dans l’argot des commis de nouveautés, à qui leurs moyens défendent les pur-sang.

Rigaud, 1881 : Habit en location ; cheval de louage ; voiture au mois et en général tous les effets mobiliers ou autres qu’on loue à la journée ou au mois.

Fustier, 1889 / La Rue, 1894 : Mauvaise voiture de louage.

Loce

France, 1907 : Grosse tarière de charpentier.

Loche

d’Hautel, 1808 : Sorte de petit poisson très-gras.
Elle est grasse comme une loche. Se dit d’une femme de petite stature, et qui a un embonpoint appétissant.

Bras-de-Fer, 1829 : Oreille.

Vidocq, 1837 : s. f. — Oreille.

Larchey, 1865 : Oreille. — Locher : Écouter (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Oreille, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Paresseux, gras, mou, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot au propre et au figuré, par allusion à la limace, grise ou rouge, qu’on voit se traîner, visqueuse, par les sentiers.

Rigaud, 1881 : Oreille. — Locher, écouter, entendre.

La Rue, 1894 : Oreille. Paresseux.

Virmaître, 1894 : Oreilles (Argot des voleurs). V. Esgourdes.

Virmaître, 1894 : Paresseux, fainéant. Allusion à la loche qui se traîne péniblement. On dit également Paresseux comme un loir. Le loir dort au soleil (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Paresseux, gras, mou ; allusion à la loche ou limace.

France, 1907 : Taloche, Coup.

Loche (mou comme une)

Rigaud, 1881 : Flegmatique, sans énergie ; par altération de mou comme une loque.

Locher

d’Hautel, 1808 : Il y a toujours quelque chose qui loche. Pour dire, qui va mal. On dit plus communément, qui cloche.

Vidocq, 1837 : v. a. — Écouter.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Écouter.

Delvau, 1866 : v. n. Branler, être près de tomber, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : N’être pas d’aplomb, menacer de tomber ; c’est clocher en supprimant le C.

La Rue, 1894 : Écouler. Perdre l’équilibre, menacer de tomber.

Virmaître, 1894 : Branler, tomber.
— Tu branles dans le manche, tu vas être renvoyé de ta place.
Ce à quoi les farceurs répondent :
— Tout ce qui branle ne tombe pas (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Chanceler.

France, 1907 : Écouter.

Loches

Hayard, 1907 : Oreilles.

France, 1907 : Oreilles ; argot des voleurs. On dit aussi esgourdes.

Pégriots, mes bons camarluches,
Vous tous qui n’êtes pas des bûches,
Dans vot’ loche entrez les conseils
D’un vieux roumard, un d’vos pareils.
Pour assurer de très bon carmes,
Malgré mess, gerbier et gendarme,
Dans l’esgourde entrez mes avis,
Sur le tas vous n’s’rez jamais pris.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Loco citato

France, 1907 : « Dans le lieu déjà cité. » Latinisme.

Locomotive

Delvau, 1866 : s. f. Fumeur acharné, — dans l’argot des bourgeois, qui, sans s’en douter emploient là une expression de l’argot des voleurs anglais : Steamer.

Locomotive (fumer comme une)

Rigaud, 1881 : Fumer beaucoup et très vite, — dans le jargon des fumeurs.

Lof

M.D., 1844 : Bête.

Lofat

Larchey, 1865 : Aspirant au grade de compagnon.

C’était pour le baptême d’un lofat… On devait le baptiser à la Courtille ; j’étais le parrain.

(La Correctionnelle)

Loff, loffe, loffard

France, 1907 : Niais, pleurard.

Le lof est le côté d’un navire qui se trouve frappé par le vent qui le fait crier. Le loffard, au bagne, est le forçat frappé par une condamnation à perpétuité et qui gémit comme un enfant sur son sort.

(Alfred Delvau)

Quand j’y pense, fallait-il que je fasse loff pour donner dans un godau pareil !

(Mémoires de Vidocq)

Loffard ou loff

Delvau, 1866 : s. et adj. Innocent, niais, pleurard, — dans l’argot des comédiens, qui ne se doutent pas qu’ils ont emprunté ce mot à l’argot des forçats, qui l’ont emprunté eux-mêmes à l’argot des marins. Le lof est le côté d’un navire qui se trouve frappé par le vent, qui le fait crier. Le loffard, au bagne, est le forçat frappé par une condamnation à perpétuité, et qui gémit comme un enfant sur son sort.

Loffat

Delvau, 1866 : s. m. Aspirant compagnon, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Apprenti, aspirant compagnon ; argot des ouvriers.

Loffe

Rigaud, 1881 : Spectateur, — dans l’ancien argot des comédiens ; c’est-à-dire imbécile, naïf. Le mot est emprunté à l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Niais, innocent. Pleurard. Faux. Mauvais.

Loffe, loffiat

Rigaud, 1881 : Niais, bêta.

Loffiat

Larchey, 1865 : Maladroit, imbécile.

France, 1907 : Stupide, bouché.

Loffitude

M.D., 1844 : Bêtise.

Delvau, 1866 : s. f. Niaiserie, bêtise.

Rigaud, 1881 : Bêtise, naïveté. — Bonisseur de loffitudes, pitre, charlatan. Mot à mot, diseur de bêtises.

France, 1907 : Simplicité, niaiserie. Bonisseur de loffitudes, diseur de balivernes.

Lofia

Ansiaume, 1821 : Imbécile, niais.

C’est un lofia qui roupille sans cesse et ne veut point travailler.

Lofiat

d’Hautel, 1808 : Idiot, homme simple, crédule et borné.
Avoir l’air un peu lofiat. Avoir l’air hébété, sot et emprunté.

Loge

Delvau, 1866 : s. f. Lieu de réunion, — dans l’argot des francs-maçons. Loge irrégulière. Assemblée de francs-maçons qui ne sont pas réguliers et avec lesquels on ne doit pas fraterniser.

Loge infernale

Delvau, 1866 : s. f. Petite loge d’avant-scène, où se mettent par tradition, les gandins, — imitateurs serviles des lions. Se dit aussi des Premières chaises du premier rang, aux concerts en plein vent comme ceux des Champs-Élysées.

Loger

d’Hautel, 1808 : Être logé aux quatre vents, à la belle étoile. Habiter une chambre ou le vent entre de tous les côtés ; coucher dans la rue, ou en plein air. Être logé chez Guillot le songeur. Être rêveur, pensif, triste, et enclin à la mélancolie.
Loger aux petites maisons. Pour dire, être fou.

Loger à l’enseigne de la lune

France, 1907 : Coucher dehors. Vieux dicton ; on dit plus communément coucher à la belle étoile.

Loger aux quatre vents

Delvau, 1866 : v. n. Demeurer dans une maison mal close, où le vent entre comme chez lui.

France, 1907 : Demeurer dans un appartement mal clos où le vent arrive le tous les côtés.

Loger le diable en sa bourse

France, 1907 : L’avoir vide. Cette expression viendrait de ce qu’autrefois les pièces d’or portaient une croix. Or la croix faisant fuir le diable, il ne pouvait loger à son aise que dans les bourses où il n’y en avait pas, c’est-à-dire les vides.

Un charlatan disoit, en plein marché,
Qu’il montreroit le diable à tout le monde,
Sy n’y eut-il, tant fut-il empêché,
Qui n’accourut pour voir l’esprit immonde,
Lors que bourses assés large et profonde
Il leur déploye et leur dit : « Gens de bien,
Ouvrez les veux, voyez, y a t’il rien ? —
Non, dist quelqu’un de plus près regardans, —
Eh ! c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien,
Ouvrir sa bourse et n’avoir rien dedans. »

(Mellin de Saint-Gelais, XVIe siècle)

Loger rue du Croissant

Delvau, 1866 : v. n. Avoir pour femme une drôlesse qui donne dans le contrat autant de coups de canif qu’il y a de jours dans l’année.

Virmaître, 1894 : Si tous les maris cocus devaient rester rue du Croissant, il faudrait prolonger cette rue jusqu’à Vincennes (Argot du peuple). V. Joseph. N.

France, 1907 : Cohabiter avec une femme qui s’écrie en voyant les cornes du croissant de la lune ou celles d’un bœuf : « Ciel ! mon mari ! »

Logeteau

Merlin, 1888 : Le maréchal des logis.

Logis

d’Hautel, 1808 : Le logis du roi. Pour geole, prison.
Il n’y a plus personne au logis. Se dit en parlant d’une personne qui est devenue folle ou qui vient d’expirer.

Loi de Lynch

France, 1907 : « Pratique de châtiment infligé sans jugement et en dehors des autorités légales par les individus qui prennent un coupable en flagrant délit ou qui se croient absolument sûrs de sa culpabilité. D’après quelques autorités, ce terme vient d’un fermier virginien nommé Lynch qui, ayant pris un voleur, au lieu de le livrer aux magistrats, prétendit qu’il serait bien mieux puni par lui-même, le pendit à un arbre et le fouetta jusqu’à ce qu’il fût mort. La loi de Lynch a aussi été attribuée à James-Fitz-Stephens Lynch qui, étant maire de Galway (Irlande), en 1493, pendit son propre fils en dehors de sa fenêtre pour avoir volé et tué des étrangers, en disant qu’il n’y avait pas besoin de juges et qu’il fallait donner un bon exemple à la postérité. Cette loi est toujours appliquée aux États-Unis, bien qu’elle soit sévèrement prohibée. » Voir Lynchage et Lyncher.

Loi de Moïse

France, 1907 : Nom que les pirates donnaient autrefois à une bastonnade de quarante coups.

Le major… traçait de sa canne toutes les manœuvres navales de ces grands capitaines et menaçait de la loi de Moïse quiconque ne comprendrait pas la finesse des évolutions tactiques propres à la flibuste.

(Marcel Schwob)

Loi de nature

France, 1907 : L’amour, ce qui horripile M. le sénateur Bérenger qui, parait-il, en sa jeunesse, ne laissait pourtant pas sa part aux cochons.

Sages à face doctorale,
Qui, sous une inepte morale,
Voulez étouffer la Raison,
Digue don daine, digue don don !
Ce que vous appelez : Luxure,
Mais c’est la loi de la nature,
C’est l’amour en sa floraison,
Digue don daine, digue don don !

(Eugène Lemercier)

Loi et les prophètes (c’est la)

France, 1907 : Cette expression s’emploie quand on veut faire entendre qu’une chose est en grande considération, d’une autorité indiscutable, comme pour les croyants la loi et les prophètes juifs.

Loin

d’Hautel, 1808 : Il en est revenu de plus loin. Se dit de quelqu’un qui est en danger, mais que l’on espère tirer d’embarras, et qui s’est trouvé dans des circonstances plus critiques, sans y avoir succombé.

d’Hautel, 1808 : Il n’ira pas loin. Pour il mourra bientôt.
Il ne voit pas plus loin que son nez. Pour il n’a aucune pénétration, aucune sagacité.
Je le vois venir de loin. Pour je me doute de ce qu’il va faire, de ce qu’il veut tenter.
Il ne le portera pas loin. Pour il sera bientôt puni.
Il est auprès de cette femme comme le bénitier de l’église, près de la porte et loin du chœur. Calembourg, pour dire qu’un homme n’est pas aimé de la femme qu’il courtise, qu’il perd son temps à lui faire la cour.

Loir

d’Hautel, 1808 : Dormir comme un loir. Dormir profondément.

Delvau, 1866 : s. m. Homme paresseux, dormeur, ami de ses aises. — dans l’argot du peuple, qui sait que cette sorte de gens, comme le mus nitela, mange les meilleurs fruits des espaliers et de la vie : d’où le vieux verbe loirer, pour dérober, voler.

France, 1907 : Dormeur, fainéant.

France, 1907 : Prison.

Loisir

d’Hautel, 1808 : Impromptu fait à loisir. V. Loisir.
Il n’a pas le loisir de se moucher ni d’être malade. Se dit d’un homme qui a de grandes occupations, qui est très-affairé.

Loité

Virmaître, 1894 : Quinze centimes (Argot des voleurs). N.

Loitré

Hayard, 1907 : Trois.

Lolo

Delvau, 1866 : s. m. Lait, — dans l’argot des enfants.

France, 1907 : Abréviation de lorette avec redoublement de la première syllabe.

On donne le nom de lolos aux jeunes beautés du quartier Notre-Dame-de-Lorette… La lolo déjeune souvent avec un pain du gruau, mais elle boit du champagne.

(Almanach du Débiteur, 1851)

France, 1907 : Lait ; jargon enfantin.

En l’honneur de sa nourrice,
Poussons un cordial bravo !
Choisie par l’impératrice,
Pour son bon lolo,
Pour son bon fofo !

(Alphonse Allais)

Lolo (fifi)

France, 1907 : Voiture à vidanges.

Lolo (gros)

France, 1907 : Cuirassier.

Lolotte

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui aime pour vivre au lieu de vivre pour aimer. Argot des faubouriens.

Lombard

Delvau, 1866 : s. m. Commissionnaire au Mont-de-Piété, — dans l’argot des ouvriers qui ont travaillé avec les Belges ; car c’est en effet le nom qu’on donne à Bruxelles, au Grand-Mont-de-Piété, et ce nom a sa valeur historique.

Lomben

Ansiaume, 1821 : Oui-non.

Le picton est lomben aujourd’hui, j’en voudrois deux rouillardes.

Londrès

Larchey, 1865 : Cigare de la Havane.

Je me rejetai dans le fond de la voiture et j’allumai un londrès.

(Mornand)

Delvau, 1866 : s. m. Cigare de vingt-cinq centimes de la Havane, — ou d’ailleurs.

France, 1907 : Cigare de la Havane de 25 centimes. Appelé ainsi parce que ce genre de cigares fut d’abord fabriqué à Londres.

Une association de commerçants vient, paraît-il, de se fonder en Allemagne pour l’exploitation du commerce des bouts de cigares. L’usine, en voie de construction, fonctionnera bientôt et, grâce à des appareils ingénieux, remettra dans la circulation, sous forme de savoureux londrès ou de capiteux havanes, des mégots que, si dédaigneusement, vous avez jetés à demi consommés.
Pourvu que la Régie ne se mette pas à suivre cet exemple !

(Le Journal)

Le soir, entre deux londrès bien allumés,
Nous récitons les vers des maîtres renommés.

(Albert Glatigny)

Long

d’Hautel, 1808 : C’est du pain bien long. Se dit d’une affaire qui ne présente qu’un bénéfice très-éloigné.
En savoir long. Être fin et rusé ; être plus instruit que n’exige la délicatesse, la franchise et l’honnêteté.
Long comme une vielle, une flûte. Se dit d’un homme extrêmement long dans tout ce qu’il fait ; ou qui est d’une grandeur extraordinaire.
Long comme un jour sans pain. Voy. Jour.
Tirer la langue d’un pied de long. Être réduit à la plus affreuse nécessité.
Il en a eu tout du long de l’aune. Pour il a été bien étrillé, bien mal traité.
Savoir le court et le long d’une affaire. En connoître tous les détails, toutes les particularités.
Faire courte messe et long dîner. Rester plus long-temps à table qu’à la messe.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Niais, dupe. Filer le long, suivre une dupe, ne pas la perdre de vue.

Clémens, 1840 : Facile à faire.

Rigaud, 1881 : Niais, dupe, — dans l’ancien argot ; mot à mot : long à comprendre.

La Rue, 1894 : Niais, dupe.

France, 1907 : Niais, dupe. Long à comprendre, à se mettre à la coule.

Long comme un jour sans pine

Delvau, 1864 : Phrase ad usum prostibuli, parce que dans un bordel, où l’amour est la seule occupation des femmes, la journée paraît longue lorsqu’il ne vient pas de michés.

Long du mur (blanchi le)

Rigaud, 1881 : Se dit d’un employé, d’un domestique, qui n’est pas blanchi aux frais de son patron, aux frais de son maître. L’employé de commerce qui n’est ni nourri ni blanchi chez son patron, dit qu’il est nourri de l’air du temps et blanchi le long du mur.

Long du mur (le)

Delvau, 1866 : Avec son argent, — dans l’argot du peuple. Pour bien comprendre cette expression pittoresque si fréquemment employée, je veux citer la réponse que me fit un jour un coiffeur : « Combien gagnez-vous chez votre patron ? — Trois francs par jour. — Alors vous êtes nourri ? — Nourri et blanchi, oui… le long du mur ! »

Virmaître, 1894 : Les murs sont blancs ; quand on s’y frotte, on blanchit ses effets. Allusion à une bonne qui, avant d’entrer en place, demande ce qu’elle gagnera :
— Nourrie, vingt francs par mois, un jour de sortie.
— Et blanchie ?
— Le long des murs (Argot du peuple). N.

Long nez, longue pine

Delvau, 1864 : Proverbe français qui ment — comme tous les proverbes. S’il ne mentait pas, il faudrait mettre l’acteur Hyacinthe dans une niche et l’adorer.

Longchamp

Larchey, 1865 : « D’autres font une excursion au longchamp, cour oblongue, bordée d’une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination. Comme c’est le seul endroit où pendant les heures d’étude, les élèves de l’École polytechnique puissent aller humer l’air, filer, causer, chercher des distractions, le lonchamp a acquis une grande importance. »

(La Bédollière)

Delvau, 1866 : s. m. Procession plus ou moins considérable de gens, — dans l’argot du peuple, qui consacre ainsi le souvenir d’une mode dont on ne parlera plus dans quelques années.

Delvau, 1866 : s. m. Promenade favorite, — dans l’argot des Polytechniciens. C’est une cour oblongue, bordée d’une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination, et où les élèves viennent fumer et causer pendant les heures d’étude.

Rigaud, 1881 : Cour réservée aux latrines de l’École Polytechnique.

Longe

Ansiaume, 1821 : Année.

Il est gerbé de 12 longes pour deux coups de lingré à une gothon.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Année. J’ai fauché le pré cinq longes, j’ai été aux galères pendant cinq ans.

Vidocq, 1837 : s. f. — Année.

Clémens, 1840 : Année.

Larchey, 1865 : Année (Vidocq). — Forme de longue. Une année est souvent longue à passer.

Delvau, 1866 : s. f. Année, — dans l’argot des voleurs, qui tirent volontiers dessus lorsqu’ils sont en prison.

Rigaud, 1881 : Année, an. — Tirer une longe, faire un an de prison.

La Rue, 1894 : Année.

Virmaître, 1894 : V. Berge.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Année.

Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Année ; corruption de longue. Argot des forçats, qui trouvent en effet longues les années passées au bagne.

Longé

Delvau, 1866 : adj. Âgé.

France, 1907 : Âgé.

Longe (marcher sur sa)

Merlin, 1888 : Se tromper grossièrement.

Longe (une)

M.D., 1844 : Une année.

Longe ou longue

Halbert, 1849 : Année.

Longis

d’Hautel, 1808 : C’est un longis. Pour un paresseux, un oisif, un homme d’une lenteur insupportable.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme nonchalant, lent à faire ce qu’il entreprend. Argot du peuple. On dit aussi Saint Longin. Longie. Nonchalante, paresseuse. On dit aussi Sainte-Longie.

France, 1907 : Nonchalant, lambin. On dit aussi Saint-Longin. « C’est un longis, on l’enverra quérir an mort. »

Longitudinem

d’Hautel, 1808 : Un longitudinem. Mot burlesque et pris du latin ; se dit d’un indolent, d’un paresseux, d’un homme nonchalant à l’excès.

Longue

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Année.

Longue caisse

France, 1907 : Nature de la ferme,

Longuette de treffle

Vidocq, 1837 : s. f. — Carotte de tabac.

France, 1907 : Cigarette.

Longuette de trèfle

Rigaud, 1881 : Tabac à chiquer, tabac en ficelle.

Longueur

d’Hautel, 1808 : Une épée de longueur. Voyez Épée.

Lontou

France, 1907 : Toulon ; argot des forçats qui ont la manie de l’anagramme.

Lophe

Larchey, 1865 : Faux. — V. Fafiot.

France, 1907 : Faux en écritures commerciales.

L’escroquerie aux lophes est celle qui se commet à l’aide de faux billets à ordre, de fausses traites signées de noms de commerçants connus, et ce n’est point une des formes de vol le moins exploitées.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Lopheur

Virmaître, 1894 : Fabricant de faux papiers (Argot des voleurs).

Lopin

d’Hautel, 1808 : Pour portion, lot.
Il a emporté un bon lopin. Signifie il a emporté une bonne portion, il a été bien partagé dans cette affaire.

Delvau, 1866 : s. m. Morceau. Signifie aussi : Postillon, crachat, expectoration abondante.

France, 1907 : Postillon, crachat.

Loque

France, 1907 : Maladie des ruches qui détruit les abeilles : d’où miel loqueux, mauvais miel.

Loque (parler en)

France, 1907 : Déguiser ses mots, par exemple faire de fou loufoque, en mettant en tête du mot la lettre l à la place de l’f que l’on reporte à la fin et qu’on fait suivre de la terminaison oque.

Loque glorieuse

France, 1907 : Le drapeau quand il a été déchiqueté par les balles.

Loquèle

France, 1907 : Facilité d’élocution, bagout ; de l’italien loquela, langage, corruption du latin loquentia.

Il y avait là Cornette, le droguiste, un gros garçon empâté dans sa graisse ; Morillon, maître clerc du notaire Robillart, une longue face jaune défigurée par un tic qui lui fronçait le nez comme sous le picotement taquin d’une mouche ; Chamerot, qu’on appelait Chaman, à cause d’une bosse qui lui remontait légèrement l’épaule ; Béchu, le voyageur de commerce, un débrouillard, un homme round en manières et réputé pour sa loquèle.

(Camille Lemonnier)

Loques

Larchey, 1865 : « Le gamin de Paris a sa monnaie à lui, qui se compose de tous les petits morceaux de cuivre façonné qu’on peut trouver sur la voie publique. Cette curieuse monnaie, qui prend le nom de loques, a un cours invariable et bien réglé dans cette petite bohème d’enfants. » V. Hugo.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Boutons de guêtre ou de pantalon, en cuivre, — dans l’argot des écoliers, qui les recueillent avec soin. Jouer aux loques. Jouer avec des boutons comme avec des billes, à la bloquette, à la pigoche, etc.

Rigaud, 1881 : Boutons de culottes avec lesquels, faute de sous, jouent les gamins. — Boutons qui, à la rigueur, servent de marques aux joueurs de loto.

Virmaître, 1894 : Vieux vêlements usés jusqu’à la corde. Cette expression s’applique également aux vieux morceaux de ferrailles qui servent d’enjeu aux enfants (Argot du peuple).

France, 1907 : Boutons en cuivre : argot des écoliers. Jouer aux loques, jouer avec des boutons. Morceaux de cuivre ; argot des voleurs.

Loqueteux

France, 1907 : Misérable, déguenillé, couvert de haillons, de loques.

Voici Noël ! Des loqueteux,
Assis sur le pas d’une porte,
Hument l’odeur des mets qu’on porte ;
Mais les plats filent devant eux…
Ils aimeraient, vaille que vaille,
Le vin de la Nativité…
Comme eux, Jésus dort sur la paille :
Ils voudraient boire à sa santé.

(Auguste Marin)

Loquette

d’Hautel, 1808 : Il faut lui arracher ce qu’il doit loquette par loquette. Se dit d’un homme qui se fait tirer l’oreille pour payer ses dettes, qui, comme on dit, est dur à la desserre.

Loqueur

La Rue, 1894 / France, 1907 : Dénonciateur.

Lorcefé

Delvau, 1866 : s. f. La prison de la Force, — dans l’argot des voleurs, qui, pour ce mot, se sont contentés de changer la place des lettres et de mettre un é au lieu d’un a. La Lorcefé des largues. Saint-Lazare, qui est la prison, la maison de Force où l’on renferme les femmes.

Rigaud, 1881 : La Force. (Ancienne prison de Paris)

France, 1907 : La vieille prison de la Force. La lorcéfé des largues, la Prison de Saint-Lazare.

Si je te fourrais à la lorcefé des largues, pour un an, le temps de ton gerbement.

(Balzac)

Lorcefé des poniffes

Virmaître, 1894 : Prison de Saint-Lazare (Argot des filles).

Lorcefée

Vidocq, 1837 : s. f. — Prison de la Force.

Lorcefée (la)

Bras-de-Fer, 1829 : La force.

Lordant

Vidocq, 1837 : s. m. — Portier.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Lordant, lourdier, lourdière

Rigaud, 1881 : Portier, portière.

Loret

Delvau, 1866 : s. m. Monsieur peu délicat et peu difficile, qui vit volontiers des miettes de la table amoureuse de la lorette. Le mot appartient à Nestor Roqueplan.

France, 1907 : Amaut de cœur d’une lorette ; mot créé par Nestor Roqueplan et hors d’usage.

Lorette

Delvau, 1864 : Femme entretenue par Monseigneur Tout-le-Monde, et qui habite volontiers dans les environs de l’église de notre dame de Lorette. D’où son nom, qui lui a été donné par Nestor Roqueplan.

Je suis coquette
Je suis lorette
Reine du jour, reine sans feu ni lieu !
Eh bien ! J’espère
Quitter la terre
En mon Hotel… Peut-être en l’Hotel-Dieu

(G. Nadaud)

Larchey, 1865 : « C’est peut-être le plus jeune mot de la langue française ; il a cinq ans à l’heure qu’il est, ni plus ni moins, l’âge des constructions qui s’étendent derrière Notre-Dame-de-Lorette, depuis la rue Saint-Lazare jusqu’à la place Bréda, naguère encore à l’état de terrain vague, maintenant entourée de belles façades en pierres de taille, ornées de sculptures. Ces maisons, à peine achevées, furent louées à bas prix, souvent à la seule condition de garnir les fenêtres de rideaux, pour simuler la population qui manquait encore à ce quartier naissant, à de jeunes filles peu soucieuses de l’humidité des murailles, et comptant, pour les sécher, sur les flammes et les soupirs de galants de tout âge et de toute fortune. ces locataires d’un nouveau genre, calorifères économiques à l’usage des bâtisses, reçurent, dans l’origine, des propriétaires peu reconnaissants, le surnom disgracieux, mais énergique, d’essuyeuses de plâtres. l’appartement assaini, on donnait congé à la pauvre créature, qui peut-être y avait échangé sa fraîcheur contre des fraîcheurs. À force d’entendre répondre « rue Notre-Dame-de-Lorette » à la question « où demeurez-vous, où allons-nous ? » si naturelle à la fin d’un bal public, ou à la sortie d’un petit théâtre, l’idée est sans doute venue à quelque grand philosophe, sans prétention, de transporter, par un hypallage hardi, le nom du quartier à la personne, et le mot Lorette a été trouvé. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a été lithographié pour la première fois par Gavarni, dans les légendes de ses charmants croquis, et imprimé par Nestor Roqueplan dans ses Nouvelles à la main. Ordinairement fille de portier, la Lorette a eu d’abord pour ambition d’être chanteuse, danseuse ou comédienne ; elle a dans son bas âge tapoté quelque peu de piano, épelé les premières pages de solfège, fait quelques pliés dans une classe de danse, et déclamé une scène de tragédie, avec sa mère, qui lui donnait la réplique, lunettes sur le nez. Quelques-unes ont été plus ou moins choristes, figurantes ou marcheuses à l’Opéra ; elles ont toutes manqué d’être premiers sujets. Cela a tenu, disent-elles, aux manœuvres d’un amant évincé ou rebuté ; mais elles s’en moquent. Pour chanter, il faudrait se priver de fumer des cigares Régalia et de boire du vin de Champagne dans des verres plus grands que nature, et l’on ne pourrait, le soir, faire vis-à-vis a la reine Pomaré au bal Mabile pour une polka, mazurka ou frotteska, si l’on avait fait dans la journée les deux mille battements nécessaires pour se tenir le cou-de-pied frais. La Lorette a souvent équipage, ou tout au moins voiture. — Parfois aussi elle n’a que des bottines suspectes, à semelles feuilletées qui sourient à l’asphalte avec une gaîté intempestive. Un jour elle nourrit son chien de blanc-manger ; l’autre, elle n’a pas de quoi avoir du pain, alors elle achète de la pâte d’amandes. Elle peut se passer du nécessaire, mais non du superflu. Plus capable de caprice que la femme entretenue, moins capable d’amour que la grisette, la Lorette a compris son temps, et l’amuse comme il veut l’être ; son esprit est un composé de l’argot du théâtre, du Jockey Club et de l’atelier. Gavarni lui a prêté beaucoup de mots, mais elle en a dit quelques-uns. Des moralistes, même peu sévères, la trouveraient corrompue, et pourtant, chose étrange ! elle a, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’innocence du vice. Sa conduite lui semble la plus naturelle du monde ; elle trouve tout simple d’avoir une collection d’Arthurs et de tromper des protecteurs à crâne beurre frais, à gilet blanc. Elle les regarde comme une espèce faite pour solder les factures imaginaires et les lettres de change fantastiques : c’est ainsi qu’elle vit, insouciante, pleine de foi dans sa beauté, attendant une invasion de boyards, un débarquement de lords, bardés de roubles et de guinées. — Quelques-unes font porter, de temps à autre, par leur cuisinière, cent sous à la caisse d’épargne ; mais cela est traité généralement de petitesse et de précaution injurieuse à la Providence. » — Th. Gautier, 1845.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui ne vit pas pour aimer, mais au contraire, aime pour vivre. Le mot a une vingtaine d’années (1840), et il appartient à Nestor Roqueplan, qui a par un hypallage audacieux, ainsi baptisé ces drôlesses du nom de leur quartier de prédilection, — le quartier Notre-Dame-de-Lorette.

Rigaud, 1881 : Femme galante, femme entretenue. M. Prudhomme l’appelle « la moderne hétaïre ». Le mot a été créé en 1840 par Nestor Roqueplan.

Comme Vénus aphrodite de l’écume des flots, la lorette était née de la buée des plâtres malsains, là-haut, dans les quartiers bâtis en torchis élégants, la petite Pologne des femmes. Roqueplan s’était fait son parrain ; Balzac son historien ; Gavarni sa marchande de mots et de modes.

(Les Mémoires du bal Mabille)

Qu’est-ce que la lorette ? C’est la loi du divorce rétablie et, pour plus d’un mari, je le dis avec tristesse, la patience du mariage… La lorette n’est ni fille, ni femme, à proprement parler. C’est une profession c’est une boutique.

(Eug. Pelletan, La nouvelle Babylone)

Elle a un père à qui elle dit : Adieu papa ; tu viendras frotter chez moi dimanche. — Elle a une mère qui prend son café quotidien sur un poêle en fonte.

(Ed. et J. de Goncourt)

Il y a mille et une manières, en apparence de devenir lorette, mais au fond c’est la même. Une pauvre fille que l’on vend, une pauvre fille que l’on trompe.

(Paris-Lorette)

Une lorette, parlant d’un entreteneur pour lequel elle a du goût, dit : « Mon homme » ; l’entreteneur qu’elle considère et respecte est son monsieur ; quant à l’entreteneur pur et simple, quoi qu’il fasse, et quoi qu’il donne, il n’est jamais qu’un mufle.

(Idem)

Aujourd’hui les lorettes célèbres de 1840 ont vieilli. Elles comptent leur dépense avec leurs cuisinières, prennent l’omnibus quand il pleut, et élèvent des oiseaux. La lorette pure est maintenant un type évanoui, une race disparue.

(Paris à vol de canard.)

France, 1907 : Femme galante d’un certain luxe de tenue. Le mot a été mis à la mode par Nestor Roqueplan, vers 1840, à cause du nombre considérable de ces filles dans le quartier de Notre-Dame-de-Lorette. « L’ensemble des rues de ce quartier, écrivait-il, s’appelle le quartier des Lorettes, et, par extension, toutes ces demoiselles reçoivent dans le langage de la galanterie sans conséquence le nom de lorettes. » Le quartier est à peu près resté le même, mais le mot n’est plus guère employé que par les provinciaux.

Lorette, dit Balzac, est un mot décent inventé pour exprimer l’état d’une fille ou la fille d’un état difficile à nommer et que, dans sa pudeur, l’Académie a négligé de définir, vu l’âge de ses quarante membres. Quand un nom nouveau répond à un cas social qu’on ne pouvait pas dire sans périphrase, la fortune de ce mot est faite. Aussi la lorette passa-t-elle dans toutes les classes de la société, même dans celles où ne passera jamais une lorette.

Les lorettes habitent invariablement rue Notre-Dame-de-Lorette, rue Bréda, rue du Helder, rue Taitbout, rue Neuve-des-Mathurins ou rue Richer. Elles ne traversent jamais la Seine et s’écartent peu de la zone des boulevards. Elles savent Barême par cœur, jouent à la Bourse, roulent équipage, éclaboussent ceux qui vont à pied, et m’admettent dans leur salon que les hommes du meilleur monde… Elles ont les hommes en profond mépris et m’estiment que les coupons de la Banque de France.

(Ces Dames. — Physionomies parisiennes)

L’autre jour, j’ai entendu faire la définition suivante d’une lorette par la petite fille d’une portière de la place Vintimille :
— Une lorette, a-t-elle dit, c’est une dame qu’a une chemise sale, emprunte dix sous à mon papa, porte des jupons bariolés comme des drapeaux, ses bijoux au clou quand elle en a, et des plumes à son chapeau. À quarante ans, elle est ouvreuse aux Délassements-Comiques.
J’ai interrogé l’enfant terrible dans le but de savoir de qui elle tenait des renseignements aussi exacts.
— Monsieur, m’a-t-elle répondu naïvement, je le sais mieux que vous, puisque c’est arrivé à ma sœur.

(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)

Enfin, dans la catégorie des clandestines, c’est-à-dire parmi des filles dont l’insoumission à la police des mœurs est continuelle, toutes, depuis la riche lorette jusqu’à la pierreuse, sont dans la nécessité de se faire protéger. On conçoit alors que la position sociale des souteneurs doit varier autant que celle dans laquelle les filles se sont elles-mêmes placées.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Lorette, lolo

La Rue, 1894 : Femme galante entretenue.

Lorgnade

France, 1907 : Facon de regarder une personne du sexe différent pour attirer son attention.

Lorgne

Larchey, 1865 : Borgne (Vidocq). — Abréviation de Calorgne. — Lorgne : As (id.).

Delvau, 1866 : s. m. Borgne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Lorgne-bè.

Rigaud, 1881 : As, — dans le jargon des voleurs. C’est-à-dire borgne. L’as est une carte borgne, n’ayant qu’un point au milieu. Les ouvriers disent « borgne » pour désigner un as. — Quatorze de borgnes, quatorze d’as. M. Fr. Michel donne lorgue ; ce doit être une faute d’impression.

Rigaud, 1881 : Borgne ; avec changement de la première lettre ; et la variante lorgnebé, — dans le jargon des bouchers.

La Rue, 1894 : Borgne. As.

Virmaître, 1894 : Borgne. On dit aussi : lorgnebé. Le borgne ne lorgne que d’un œil. On dit aussi : Il ne peut voir que d’un bon œil (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Le postérieur.

France, 1907 : As. Il n’a en effet qu’un œil.

France, 1907 : Borgne.

Lorgne, lorgne-bé

Vidocq, 1837 : s. — Borgne.

Lorgner

d’Hautel, 1808 : Regarder quelqu’un du coin de l’œil ; lancer des regards indiscrets sur quelqu’un.
Lorgner une femme. La regarder avec recherche ; en devenir amoureux.

France, 1907 : Regarder.

Pendant tout le souper, parlant de chose et d’autre,
Notre vieille sans-dent lorgnoit le bon apôtre,
Qui, loin de lui vouloir donner le moindre espoir,
Ne faisoit pas semblant de s’en apercevoir ;
Sa jeunesse, son air et sa gentille face
Commençoient d’échauffer cette vieille carcasse ;
Toujours tomboit sur lui quelqu’amoureux regard.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Lorgnerie

d’Hautel, 1808 : Coup-d’œil fréquent, regards curieux, expressifs et quelquefois incivils.

Lorgnette

France, 1907 : Trou de serrure.

Lorgnette (étui à)

France, 1907 : Cercueil.

Lorgneux

d’Hautel, 1808 : Pour lorgneur. Nom que l’on donne à un homme qui regarde avec curiosité ; à un indiscret qui cherche à connoître ce qui ne le concerne pas.

Lorgue

Vidocq, 1837 : s. m. — As.

Delvau, 1866 : s. m. As, — dans le même argot [des voleurs].

Loriot

d’Hautel, 1808 : Oiseau, qui est de la-grosseur du-merle.
Un compère Loriot. Un bon vivant, un réjoui bon temps.
C’est aussi le nom d’une espèce de pustule qui vient aux paupières.

France, 1907 : Baquet de boulanger.

Loriot (compère)

France, 1907 : Furoncle à l’œil. Appelé ainsi à cause de sa couleur qui tire sur le jaune, du latin aureolus, couleur d’or ; l’article s’est agglutiné avec le substantif, l’oriot est devenu loriot.
On disait autrefois leurieul. On trouve dans l’Évangile des grenouilles, XVe siècle :

Pour pissier entre deux maisons ou contre le soleil, on en gaigne le mal des yeulx qu’on appelle le leurieul.

L…, un artiste très pauvre, a été indisposé.
Il est rétabli et se retrouve au milieu de ses amis.
Quand on lui demande ce qu’il a eu, il répond avec un sourire tristement philosophique :
Le seul mal que l’état de ma fortune me permette sans ironie, un compère-loriot… on a ça à l’œil.

(Ange Pitou)

Lorquet

Rigaud, 1881 : Sou, — dans le jargon des voyous ; emprunté à celui des bouchers.

France, 1907 : Sou.

Lorrain

d’Hautel, 1808 : Lorrain vilain, traître à Dieu et à son prochain. Dénomination injurieuse, passée en proverbe, et que l’on applique aux habitans de la Lorraine, qui naissent, dit-on, avec le germe de ces vices odieux.

Lorrain, mauvais chien, traître à Dieu et à son prochain

France, 1907 : Dans le Disciple, Paul Bourget explique ainsi ce proverbe : « Cette épigramme exprime, sous une forme inique, cette observation très juste qu’il flotte quelque chose de très complexe dans l’âme de cette population de frontière. Les Lorrains ont toujours vécu sur de bord de deux races et de deux existences, la germanique et la française. Qu’est-ce que le goût de la traîtrise, d’ailleurs, sinon la dépravation d’un autre goût, admirable au point de vue intellectuel, éclat de la complication sentimentale ! »
Rien n’est plus faux que cette explication. Les races de frontières se sont toujours, au contraire, signalées par une exagération de patriotisme. Il faut se souvenir du temps, et il n’est pas éloigné puisqu’il date d’avant nos désastres, où la Lorraine fournissait avec l’Alsace presque toute notre cavalerie de ligne et où, dans ces patriotiques campagnes, un garçon qui n’avait pas été soldat ne trouvait guère à se marier.
Ce dicton contre la Lorraine, auquel il faut ajouter celui-ci :

— Lorrain, prente me te lard.
— Nian, cè s’use.
— Prente me tè fomme.
— Prends-lè, si te vus.

« Lorrain, prête-moi ton lard. — Non, ça s’use. — Prête-moi ta femme. — Prends-la si tu veux. »
date du XVIIe siècle. Il faut les faire remonter — dit M. Victor Courtois — à la guerre, d’environ soixante ans, dans laquelle les Lorrains combattaient pour leur indépendance et où

Français, Anglais, Lorrains que la fureur assemble,
S’avançaient, combattaient, frappaient, mouraient ensemble.

Cette lutte s’est terminée par la période transitoire du gouvernement de Stanislas, beau-père de Louis XV, et par l’annexion de la Lorraine à la France, à sa mort, en 1766. Il ne faut donc y voir que des dictons du camp français. Et les Lorrains, en revanche, traitaient les Français de Bourguignons et les mitraillaient en leur chantant :

Bourguignon salé,
L’épée au côté,
La barbe au menton,
Saute, Bourguignon.

Après l’annexion, les Lorrains, vaillants soldats et toujours fiers, devenus du reste d’excellents Français, se sont vengés des anciens sarcasmes en disant : « Ce n’est pas la Lorraine qui est devenue française, c’est les Français qui sont devenus Lorrains. »

Lors (la)

M.D., 1844 : Prison de la force.

Losse

France, 1907 : Couteau de boucher.

Lot

d’Hautel, 1808 : Gagner le gros lot. Au propre, gagner une somme considérable à la loterie. Le figuré de cette locution cache un sens libre et malhonnête que l’on s’abstient d’expliquer ici.

France, 1907 : Maladie vénérienne, syphilis.

Lotir

d’Hautel, 1808 : Le voilà bien loti. Locution ironique pour, le voilà bien avancé ; le voilà dans une belle affaire.

Loto (boule de)

France, 1907 : Œil.

Loto, boule de loto

La Rue, 1894 : Œil.

Lotte de Saint-Florentin

France, 1907 : Les lottes ou barbotes de Saint-Florentin, ville de Champagne, département de l’Yonne, fort estimées, ont donné lieu au dicton suivant :

Pour la moitié d’une lotte
Une fille trousse sa cotte.

Lou

Rigaud, 1881 : Pièce manquée, ouvrage abîmé, en terme d’ouvrier du fer. En terme de théâtre, un lou ou loup signifie froid pour froid de loup, et sert à designer un très court intervalle de temps pendant lequel, contre toutes les règles de l’art dramatique, la scène reste vide ; ce qui jette un froid « Pendant que je vais m’habiller, pour éviter un petit froid ce qu’au théâtre nous appelons un lou. » (Clairville et Siraudin)

La Rue, 1894 : Pièce manquée, argot des mécaniciens et des tailleurs.

Lou (faire un)

Rigaud, 1881 : Louter une Pièce. Rendre une pièce impropre à sa destination. Terme des ouvriers du fer.

France, 1907 : Manquer une pièce, faire une sottise. Voir Loup.

Louage

d’Hautel, 1808 : Vente, mort et mariage résolvent tout louage.

Louarfs

Hayard, 1907 : Fortifications.

Louave

Rigaud, 1881 : Soûl, — dans le jargon des bouchers. En substituant, comme dans la plupart des mots de leur jargon, L à la première lettre et ajoutant la désinence ave.

La Rue, 1894 : Ivre.

Louave (faire un)

Rigaud, 1881 : Voler un ivrogne, — dans le jargon des voleurs qui prennent leur bien un peu partout.

Louba

La Rue, 1894 : Enfant.

Loubacs

Rossignol, 1901 : Poux de corps qui se trouvent dans les parties poilues.

Loubet

France, 1907 : Tumeur gangreneuse, charbon de l’homme et des animaux, ce qu’on appelle dans nombre de provinces le mal du loup, que saint Loup à la spécialité de guérir !

Loubete

France, 1907 : Brebis dont la toison a la couleur du poil du loup ; c’est louvet par la substitution basque et pyrénéenne du b au v.

Loubine

France, 1907 : Sorte de truite,

Loubion

Ansiaume, 1821 : Bonnet.

Il a grimé mon loubion, qu’il m’avoit vu planquer plein de carle.

Vidocq, 1837 : s. m. — Bonnet.

Larchey, 1865 : Bonnet. — Loubionnier : Bonnetier.

Delvau, 1866 : s. m. Bonnet d’homme ou de femme, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Bonnet. — Loubionnier, loubionnière, marchand, marchande de bonnets. — Mercier, mercière.

La Rue, 1894 : Bonnet.

France, 1907 : Bonnet ; argot des voleurs.

Loubionnier

Delvau, 1866 : s. m. Bonnetier.

France, 1907 : Bonnetier.

Loubionnier, -ère

Vidocq, 1837 : Bonnetier, bonnetière.

Louche

Ansiaume, 1821 : Cuiller.

Ils tortillent avec des louches de sabri, ce sont des pautres.

Bras-de-Fer, 1829 : Main.

Vidocq, 1837 : s. f. — Main.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Clémens, 1840 : Cuillère.

M.D., 1844 : Une cuillère.

Halbert, 1849 : Cuiller.

Larchey, 1865 : Main. — Comparaison de la main à la grande cuiller appelée de temps immémorial louche. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : adj. Douteux, équivoque.

Delvau, 1866 : s. f. Cuiller à potage, — dans l’argot du peuple. Un mot provincial acclimaté maintenant à Paris.

Rigaud, 1881 : Main ; par allusion à la cuiller à potage dite « louche ».

Rossignol, 1901 : Cuiller à bouche.

Hayard, 1907 : La main.

France, 1907 : Cuiller à pot, écuelle ; du latin lochea.

France, 1907 : Main.

Le vingt pour cent de la galette
Aboul’ le à la cocodette ;
Puis, dans la louche des larbins,
Sème des sigs ou des rotins.

(Hogier-Grison)

Après que les anciens argotiers ont rendu compte de leurs vocations, les nouveaux venus s’approchent et fichent ronds en la saliverne, puis on leur fait faire les serments en cette sorte :
Premièrement, ils mettent le bout de leur sabre dans la dure, puis on leur fait lever la louche gauche et non la droite, parce qu’ils disent que c’est une erreur de cour…

(Les États généraux du Grand Coëre)

France, 1907 : Objet quelconque, outil.

L’homme, d’un coup d’œil rapide, passa la revue des objets garnissant la pièce.
— Rien à refrire ici, se dit-il, c’est trop lourd, des louches à se faire poisser.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

France, 1907 : Police. La louche le renifle, la police est sur ses traces.

Louche (la)

anon., 1827 : La main.

Rigaud, 1881 : La police, — dans le jargon des voleurs. — La louche renifle, la police tient la piste.

Louchée

Halbert, 1849 : Cuillerée.

Delvau, 1866 : s. f. Cuillerée, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Cuillerée.

Loucher

France, 1907 : Regarder.

Ils se remémoraient les licheries de coterie, les balades et les noces, — et aussi des filles, celles qu’ils avaient connues, des gamines qui venaient loucher, le soir, sur les vitrages de l’impasse. On leur donnait des surnoms et on leur faisait des signes, en éclatant de rire.

(Georges d’Esparbès)

Loucher (faire)

Larchey, 1865 : Faire changer de manière de voir, d’opinion.

Avec qui tu veux que je soye ? Est-ce que ça te fait loucher ?

(Monselet)

Delvau, 1866 : Donner envie ; exciter la convoitise, — dans l’argot du peuple, où l’on emploie souvent cette expression ironique pour refuser quelque chose.

Rigaud, 1881 : Gêner, embarrasser. — Faire envie, donner le désir de. — On dit vulgairement de quelqu’un qui regarde beaucoup une femme, qu’elle le fait loucher. — Une chose que l’on désire, dont on a envie, fait loucher.

France, 1907 : Exciter l’envie ou les désirs charnels. « Cette pelite femme me faisait loucher. »

Loucher de l’épaule

France, 1907 : Être bossu.

Loucher de la bouche

France, 1907 : Sourire hypocritement.

Loucher de la jambe

Delvau, 1866 : v. n. Boîter. Loucher de l’épaule. Être bossu. Loucher de la bouche. Avoir le sourire faux.

France, 1907 : Boiter.

Loucherbème

France, 1907 : Argot des bouchers. Il consiste dans la désarticulation du substantif de la langue ordinaire en le faisant précéder de la lettre l et suivre de la désinence bèmes. Ainsi boucher fait loucherbème. Cet argot est assez difficile à parler et demande de la pratique ; il est encore plus difficile à saisir des oreilles profanes. On en a augmenté la difficulté en substituant à bème, tantôt muche, tantôt mar ou oque. Voir Largonji.

Moi, j’suis gonzesse d’loucherbème,
Un soir qu’a m’fera trop lierchème,
J’y fous mon vingt-deux dans la peau.

(Aristide Bruant)

Louches

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les mains, — dans l’argot des voleurs, qui ne savent pas prendre franchement, honnêtement, et en en demandant la permission.

Louchon

Delvau, 1866 : s. m. Individu affligé de strabisme, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Personne affectée de strabisme.

Cet autre aux moustaches cirées, an masque austère d’honnête homme, a été préfet et il aime avec un emportement de collégien qui en serait à sa première passionnette une essayeuse de chez Stout, un louchon qui s’appelle Séraphine et a un nez retroussé comme par une chiquenaude. Il l’aime bêtement, bestialement.

(René Maizeroy)

Louchon, louchonne

Rigaud, 1881 : Homme, femme qui louche.

Louchonne

Virmaître, 1894 : La cuillère (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Lune.

Louer

d’Hautel, 1808 : Il a loué son ventre. Se dit d’une personne qui a été engagé à dîner quelque part.
Il est loué. Pour dire, il est invité, il est engagé ailleurs.
Cet homme a des chambres à louer dans la tête. Se dit d’un homme qui a la tête mal organisée, qui déraisonne continuellement.

d’Hautel, 1808 : Louanger, faire l’éloge de quelqu’un.
Dieu soit loué ! Exclamation qui équivaut à, Dieu merci, etc.

Louf

Virmaître, 1894 : Abréviation de loufoque (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Fou.

Louf, loufoque

Hayard, 1907 : Fou.

Louffe

Rossignol, 1901 : Celui qui lâche une louffe est un mal élevé, car il n’est pas convenable de louffer en société ; il est vrai qu’une louffe ne s’entend pas, mais se sent.

France, 1907 : Vesse : du provençal loufia, ou du breton louf.

Louffe, lousse

Rigaud, 1881 : Pet taciturne.

Louffer, louffarder

France, 1907 : Lâcher un vent silencieux.

Louffiat

Rigaud, 1881 : Mal appris, grossier personnage.

La Rue, 1894 : Mal appris. Grossier.

France, 1907 : Voyou, crapuleux.

— Voyez-vous, c’est fini, les cloches ! ou plutôt, c’est les sonneurs dont il n’y a plus !… À l’heure qu’il est, ce sont des garçons charbonniers, des couvreurs, des maçons, des louffiats, des gniaffs, ramassés pour un franc sur la place, qui font la manœuvre.

(J.-K. Huysmans)

Ah ! il y en a, il y en a, il y en a,
Que c’est de la fameuse canaille !
Ah ! il y en a, il y en a, il y en a
Qu’ça sont des fameux louffiats !

(Pothey)

Louffoc

Rossignol, 1901 : Fou.

Loufia

Rossignol, 1901 : Garçon de restaurant ou de café.

Loufiarder

Virmaître, 1894 : Vesser sourdement (Argot du peuple). N.

Loufiat

Delvau, 1866 : s. m. Voyou, homme crapuleux, — dans l’argot des faubouriens.

Hayard, 1907 : Garçon de café.

Louflon

Fustier, 1889 : Fils de franc-maçon.

France, 1907 : Fils de franc-maçon, louveteau.

Loufoque

Rigaud, 1881 : Fou, — dans l’argot des voleurs ; en remplaçant, comme dans le jargon des bouchers, la première lettre par un L, et rejetant l’F à la fin avec addition de la désinence oque.

Non, c’est pas le père Duchêne qui est loufoque, c’est vous autres qui êtes des ahuris.

(Le père Duchêne, 1879)

La Rue, 1894 : Fou.

Virmaître, 1894 : Fou (Argot des bouchers).

France, 1907 : Homme fantasque, excentrique, un peu timbré. C’est Le mot fou dénaturé par le procédé loucherbème, en remplaçant la première lettre du mot par l et ajoutant la lettre substituée à la fin du mot suivi de la terminaison oque.

Héliogabale faisant au milieu d’un festin attaquer ses convives par des panthères subitement introduites dans la salle et Guillaume II s’affublant pour fêter son hôte d’un vêtement noir semé de têtes de mort ne font qu’un seul et même aliéné.
C’est l’autorité despotique dont ils jouissent qui pousse ainsi les rois à la démence. Aussi, au lieu de s’en égayer, a-t-on toutes les raisons de trembler pour l’avenir des peuples fatalement destinés à tomber entre les mains de pareils loufoques.

(Rochefort)

Songez donc, ils peuvent imprimer que Louise Michel est folle : c’est si bon quand on est ramolli de pouvoir traiter les autres de loufoques !

(Le Père Peinard)

À forc’ de boire, elle devient loufoque,
Et comme ell’ s’tient à pein’ sur ses fum’rons,
Ses locatair’s lui flanquent des horions ;
Elle a parfois les deux yeux à la coque.

(Héros-Cellarius)

On se hasarde :
« Le beau mollet ! »
Qu’on la regarde
Cela lui plait,
Elle se moque
Et rit tout bas
Du vieux loufoque
Qui suit ses pas.

(Victor Meusy)

Loufoquerie

France, 1907 : Folie, absurdité, bizarrerie.

Comme loufoquerie conservatrice, la religion du Christ était complète.
Je sais bien que Tolstoï, un chouette écrivain russe, qui n’a pas le militarisme à la bonne, prétend en tirer des conséquences révolutionnaires ; et voici son raisonnement :
« Le Christ a défendu de tuer ; il a défendu de rendre le mal pour le mal ; dès lors, s’il n’y avait que de vrais disciples du Christ, il n’y aurait plus de soldats, plus de guerres, plus d’autorité : autrement dit, si tous les hommes seraient doux comme des moutons, il n’y aurait plus de loups. »
En théorie, c’est peut-être vrai, mais dans la pratique ça change, et l’on voit an contraire que plus le contribuable et le prolo se laissent faire, plus on les tond, plus on les opprime et plus on les égorge.

(Le Père Peinard)

Louftingue

Hayard, 1907 : Fou.

Lougé

Halbert, 1849 : Âgé.

Rigaud, 1881 : Âgé, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Âgé ; déformation de ce mot par le procédé loucherbème.

Louille

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans l’argot des voleurs. Louille est pour « fouille ».

Louis

d’Hautel, 1808 : Un louis d’aveugle. Un liard ; un jeton, ou toute autre petite pièce de monnoie de peu de valeur.
On n’est pas louis d’or, on ne peut plaire à tout le monde. Se dit pour excuser un homme qui a beaucoup d’ennemis, et parce qu’en effet il est difficile de réunir tous les suffrages, tandis que l’or plaît généralement à tout le monde.

France, 1907 : Fille dont les faveurs sont cotées vingt francs.

— Tenez, l’autre soir, à la sortie de l’Exposition, j’ai accosté une louis, une belle fille, de la toilette, des fleurs sur son chapeau et qui travaillait joliment de son état. Nous sommes montés dans sa chambre. Elle y a mis bien de la patience pour mon argent. Je suis pourtant descendu comme j’étais monté et je ne lui ai pas dit au revoir : la bête est morte.
Le vieux se tut. Les veux baissés, il regardait en dedans de soi-même, son menton tremblait.

(Hugues Le Roux)

J’couch’ quèqu’fois sous des voitures,
Mais on attrap’ du cambouis.
J’veux pas ch’linguer la peinture
Quand j’suc’ la pomme à ma louis.

(Jean Richepin)

Louis (la)

Rigaud, 1881 : Abréviation de Louis XV. — Sous le nom de « Louis XV » les souteneurs désignent les femmes publiques aux crochets desquelles ils vivent largement, par allusion à ce monarque qui passe pour avoir été très généreux avec ses maîtresses.

C’est la meilleure de toutes les Louis XV que j’ai eues.

(Max. du Camp. Paris, t. III. — 1875)

J’couch’ quéqu’fois sous des voitures ; Mais on attrap’ du cambouis. J’ veux pas ch’linguer la peinture, Quand j’ sue’ la pomme à ma Louis.

(Jean Richepin, Chanson du rôdeur)

Il convient d’observer qu’à Saint-Pétersbourg, le peuple appelle des Louis ceux auxquels en France on a donné, entre autres surnoms, celui d’Alphonse.

Louis d’or

Delvau, 1866 : s. m. Insurgé de Romilly, — dans l’argot facétieux des faubouriens, qui entendent dire depuis si longtemps et qui répètent eux-mêmes si volontiers que marcher dedans c’est signe d’argent. On dit aussi Pièce de vingt francs.

France, 1907 : Étron ; argot des faubouriens. Marcher dedans signe d’argent.

Louis d’or (n’être pas)

Delvau, 1866 : Ne pouvoir plaire à tout le monde, soit par son visage quand on est femme, soit par son caractère quand on est homme, soit par son talent quand on est artiste ou écrivain. C’est une phrase souvent employée, de l’argot du peuple, qui sait que les Louis — XV ou non — seront toujours les bien-aimés, mais qui ignore les âpres joies des grands dédaigneux, jaloux de plaire seulement à un petit nombre d’amis ou de lecteurs de choix. Odi profanum vulgus, et arceo.

Louis quinze

France, 1907 : Prostituée. « Nom donné, dit M. Richepin, à cause de la poudre de riz et des mouches à la mode dans la toilette des filles de maisons » (Lorédan Larchey). On sait que pendant le règne de l’amant de la Dubarry, la poudre et les mouches étaient en grande faveur à la cour et à la ville.

Louis XV

La Rue, 1894 : Maîtresse V. Biche.

Louise-bonne

France, 1907 : Variété de poires d’automne.

Louisette

Delvau, 1866 : s. f. Premier nom donné à la guillotine, « en l’honneur » du docteur Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de chirurgie et inventeur, du moins importateur de cet instrument de mort. On l’a appelée aussi Louison.

Louisette, louison

France, 1907 : Noms primitifs de la guillotine, à cause du docteur Louis, secrétaire de l’Académie de chirurgie, qui soumit à la Convention, et non Guillotin, cet instrument déjà connu an XVIe siècle en Allemagne, en Italie, en Angleterre et en Écosse.

Louisette, petite Louison

Rigaud, 1881 : Surnom attribué primitivement à la guillotine.

Malgré le triomphe insolent du docteur Louis, qui n’eut pas honte d’humilier son rival, jusqu’à faire appeler Petite Louison, l’instrument de mort dont la propriété se trouvait en litige, Guillotin ne tarda pas à rentrer dans ses droits.

(Alph. Cordier, Le Docteur Guillotin)

Nul n’a songé depuis à les lui contester, si bien que le sensible docteur passe pour être à la fois et le Christophe Colomb et l’Améric Vespuce de ce nouveau mode de, décollation.

Loulotte

France, 1907 : Petite dent.

Loulou

Delvau, 1866 : s. m. Petit chien-loup, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : Terme d’amitié, caresse de femme à amant ou d’amant à maîtresse. On dit aussi Gros loulou.

France, 1907 : Chien.

Les chiens chics se recrutent spécialement parmi les danois, les griffons, les caniches et les terriers. Les boules commencent à devenir à la mode et les loulous sont en passe de conquérir leurs lettres de noblesse.

(Brunay)

Les Parisiens ont chansonné M. Lozé, et lui qui était la bonté même, et qui adorait les animaux, où l’a appelé le canicide, parce qu’il rendit, un beau jour, une ordonnance fameuse qui condamnait à mort tous les chiens errants.
La vérité, c’est que s’il aimait les bêtes, il préférait les hommes, et qu’à un moment ou la rage avait fait dans Paris des progrès inquiétants, il aval dû prendre des mesures, à la demande de tous les savants, s’il m’en souvient, sur l’avis de M. Pasteur lui-même. Néanmoins, on ne lui pardonna pas les hécatombes de toutous, et j’eus moi-même bien des lances à rompre en sa faveur vis-à-vis d’amis qui avaient perdu un caniche ou un loulou.

(Mémoires de M. Goron)

Loulou de carrefour

France, 1907 : Chien sans race, né au hasard des rencontres de la rue.

De même, un bon dresseur de chiens ne demandera pas les mêmes applications à tous les sujets qu’il embrigade. Le danois et le sloughi ne seront jamais que des sauteurs, des « gens de tapis » ; le caniche triomphera dans la pantomime. Seul, le loulou de carrefour, l’admirable voyou de Paris, qui a été fabriqué au petit bonheur par un bouledogue, lui-même fils d’un épagneul, et une braque qui était un peu griffonne ; seul, cet enfant du pavé, cette fleur des rencontres imprévues, cette tirelire de races, est bon à tout ; seul il se plie à tout, il se forme à tout ; il est pitre et il est sauteur ; il joue aux dominos et il retrouve les objets perdus ; il monte sur des boules et il racle du violon ; il fait concurrence aux singes dans les ensembles de M. Corvi.
On a écrit beaucoup de pages pour savoir si, nous autres Français, nous étions des Romains, des Gaulois, des Germains, des Franks, quoi encore ? M’est avis que nous sommes tout bonnement des loulous de carrefour.

(Hugues Le Roux)

Loulou, louloutte

Larchey, 1865 : Mot d’amitié.

La louloutte à son chéri.

(Montépin)

Louloutte

Larchey, 1865 : Petite dent. — Allusion aux dents du loup dont on effraie toujours les petits enfants.

France, 1907 : Dent de petit enfant.

Loup

d’Hautel, 1808 : Faire un loup ou des loups. Jargon typographique, qui signifie faire des dettes criardes, devoir au marchand de vin, au boucher, au boulanger, à la fruitière, etc. C’est surtout pour les marchands de vin que les loups sont le plus redoutables.
La faim chasse le loup hors du bois. Pour dire que la nécessité contraint à faire ce à quoi on répugne.
Cette chose est sacrée comme la patte d’un loup. Pour faire entendre qu’il ne faut pas s’y fier.
Il ou elle a vu le loup. Se dit d’une personne qui a beaucoup voyagé, qui a une grande expérience ; et d’une jeune fille qui a eu plusieurs enfans.
Aller à la queue loup loup. Aller les uns après les autres.
Il est comme le loup, il n’a jamais vu père. Se dit d’un enfant naturel ; parce que, dit-on, le loup déchire par jalousie celui qui a couvert la louve.
Marcher à pas de loup. Doucement, dans le dessein d’attraper quelqu’un.
Quand on parle du loup, on en voit la queue. Se dit quand quelqu’un arrive dans le moment où on parloit de lui.
Manger comme un loup. Pour, manger avec excès.
Être enrhumé comme un loup. Avoir un très gros rhume. Voy. Brebis, Bergerie, Chien.

Larchey, 1865 : Dette criarde, créancier. V. d’Hautel, 1808. — Au théâtre, c’est une scène manquée. on dit faim de loup et froid de loup ! pour dire grande faim et grand froid. — ces deux causes font en effet sortir les loups du bois.

Delvau, 1866 : s. m. Absence de texte, solution de continuité dans la copie. Même argot [des typographes].

Delvau, 1866 : s. m. Créancier, — dans l’argot des typographes. Faire un loup. Faire une dette, — et ne pas la payer.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se plaît dans la solitude et qui n’en sort que lorsqu’il ne peut pas faire autrement. Argot du peuple. Malgré le væ soli ! de l’Écriture et l’opinion de Diderot : « Il n’y a que le méchant qui vit seul, » les loups-hommes sont plus honorables que les hommes-moutons : la forêt vaut mieux que l’abattoir.

Delvau, 1866 : s. m. Pièce manquée ou mal faite, — dans l’argot des tailleurs. On dit aussi Bête ou Loup qui peut marcher tout seul.

Rigaud, 1881 : Dette criarde. Créancier nécessiteux que la faim fait souvent sortir des bornes de la modération.

Rigaud, 1881 : Solution de continuité dans un manuscrit envoyé à l’imprimerie.

Boutmy, 1883 : s. m. Créancier, et aussi la dette elle-même. Faire un loup, c’est prendre à crédit, principalement chez le marchand de vin. Le jour de la banque, le créancier ou loup vient quelquefois guetter son débiteur (nous allions dire sa proie) à la sortie de l’atelier pour réclamer ce qui lui est dû. Quand la réclamation a lieu à l’atelier, ce qui est devenu très rare, les compositeurs donnent à leur camarade et au créancier une roulance, accompagnée des cris : Au loup ! au loup !

Fustier, 1889 : Dans l’argot théâtral, défaut que produit un vide dans l’enchaînement des scènes.

Les auteurs ont fort bien senti qu’il y avait là un loup comme on dit en style de coulisse, et ils ont essayé de le faire disparaître…

(A. Daudet)

Virmaître, 1894 : V. Contre-coup.

France, 1907 : Créancier et aussi la créance. Faire un loup, prendre à crédit, principalement chez le marchand de vin.

Le samedi de banque donc, à la porte de l’imprimerie sont embusqués des individus prêts à se jeter sur le passage de l’imprévoyant débiteur. C’est le tailleur, le chapelier, le bottier, le gargotier. Ils sont désignés sous la dénomination pittoresque de loups. Alors on entend crier il toutes parts : Gare aux loups !

(Jules Ladimir, Le Compositeur-typographe)

Quand la réclamation a lieu à l’atelier, ce qui est devenu très rare, les compositeurs donnent à leur camarade et au créancier une roulance, accompagnée des cris : Au loup ! au loup !

(Eug. Boutmy, Argot des typographes)

Faire un loup signifie aussi, dans l’argot des typographes, remplacer un camarade qui désire quitter un moment son travail. Un jeune margeur voulant s’absenter quelques minutes appelle un apprenti : « Viens, Aristide, fais-moi un loup, que je m’esbigne. »

France, 1907 : En architecture, le loup est une erreur commise par l’architecte dans certaine partie d’une construction. Dans l’argot des théâtres, c’est le défaut qui produit un vide dans l’enchainemenut des scènes.

Il me parut que ce silence faisait, comme on dit au théâtre, un loup — c’est un synonyme assez pittoresque de jeter un froid.

(Hugues Le Roux)

Loup (avoir vu le)

Rigaud, 1881 : Signifiait au XVIIe siècle avoir couru bien des dangers ; signifie aujourd’hui avoir couru bien des aventures galantes, en parlant d’une femme. Ces femmes-là n’ont pas besoin de parler du loup pour en voir la queue, et elles courent bien des dangers en s’abandonnant au premier venu.

France, 1907 : Se dit d’une fille qui a eu, comme disaient nos pères, commerce avec un homme. Toute femme qui a entendu sonner l’heure du berger a vu de loup.
On disait autrefois que la vue du loup coupait la parole ou tout au moins provoquait l’enrouement. « N’est-il pas vray que la venue du loup fait perdre ou pour le moins enrouer la voix à celuy qui le regarde, car il me semble que c’est pour cela qu’on dit, quand un homme est enroué, qu’il a veu de loup », dit Fleury de Bellingen.
L’origine de cette vieille légende vient de l’étonnement, du mouvement de stupéfaction que cause la vue subite d’un loup. De là on dit d’une fille qui a perdu sa virginité : « Elle a vu le loup », c’est-à-dire à été surprise, étonnée, et est restée muette.
Dans une idylle de Théocrite, L’Amour de Cynisea, on trouve, il est vrai, une autre origine. L’amant préféré de cette bergère s’appelle Lycos (le loup). Toute la plaisanterie porterait sur l’équivoque ; mais la première explication donnée par nos pères me semble tout aussi rationnelle.
On dit aussi dans le même sens voir la lune.
Le spirituel caricaturiste Caran d’Ache, dans une soirée composée exclusivement d’artistes des deux sexes, fit passer une série d’ombres chinoises. Comme les sujets de ces « ombres chinoises » auraient pu paraître un peu légers à des âmes timorées, Caran d’Ache crut devoir faire précéder son spectacle de l’apparition d’un petit loup. Quelques personnes ayant manifesté leur étonnement à la vue de cette exhibition dépourvue d’intérêt :
— Ceci, Mesdames, dit le satirique dessinateur, est pour m’assurer, avant de procéder à d’autres exercices, que chacune de vous a vu le loup.

Il ne faut pas, quand on est si liées ensemble, que l’une possède ce que l’autre à perdu, que celle-ci ait vu le loup, des bandes de loups, tandis que celle-là en est encore à se demander quel est cet animal et comment il a la queue faite.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Les petites filles de douze ans, de quinze ans, en leur immense majorité, sont mises en demeure de gagner leur vie comme elles pourront. Elles partent, comme le petit Chaperon rouge, avec des tartines dans leur panier, et elles rencontrent le loup, qui me fait qu’une bouchée des tartines et du petit Chaperon.
Ce loup, agile et peu altruiste, c’est l’homme, si ardent à proclamer la liberté pour tous, pour les faibles comme pour les forts.

(Gustave Geffroy)

Loup (connaître le)

Delvau, 1864 : De vue seulement. Avoir été baisée dans une forêt quelconque, ou sur le bord d’un bois… de lit.

Ignorant le masculin,
La novice, humble nonette,
Destine à l’enfant divin.
Certaine fente coquette,
Or, la sœur Marion qui connut le loup,
Dit : vous vous trompez, mais du tout au tout,
À Jésus, faut une quéquette.

(Al. Flan)

Loup (faire un

Rigaud, 1881 : Contracter une dette, — dans le jargon des ouvriers. — Viens-tu prendre un litre ? — As-tu du pèse ? — Non, je ferai un loup.

Loup (tuer le)

France, 1907 : Faire ripaille sans bourse délier. L’origine de cette expression méridionale mérite d’être citée. Elle montre qu’autrefois comme aujourd’hui Messieurs des municipalités savaient dauber les bons contribuables : « Les jurats, les conseillers municipaux d’Ossau ne se réunissaient jamais, pour traiter des affaires communales, sans se livrer, avant, pendant ou après la session, à quelque réjouissante inter pocula. La frairie était d’autant plus copieuse qu’aucun d’eux n’avait à se préoccuper de ce que lui coûterait son écot. Tout se payait sur les fonds de la communauté. Mais ces dépenses n’étant pas au nombre de celles qui pussent être autorisées par les règlements et les lois, on les consignait au budget sous la rubrique fallacieuse « d’indemnités accordées pour la destruction des loups ». Selon que la ripaille avait été plus ou moins forte, on inscrivait que l’indemnité avait été « accordée pour la destruction d’un loup, d’un ours ou d’une ourse ». De là les expressions graduées tuer le loup, faire ripaille ; tuer l’ours, faire grande ripaille ; tuer l’ourse, faire une ripaille pantagruélique. »

(V. Lespy et P. Raymond)

Loup de mer

France, 1907 : Marin aguerri, rompu aux fatigues et aux dangers de son métier.

Par un heureux mélange des préjugés répandus dans le monde et des premières connaissances nautiques, l’élève de seconde classe qui vient enfin de recevoir sa lettre de nomination est seul réellement digne du nom de vieux loup de mer. Il a seize ou dix-huit ans au plus, et sort, ivre de joie, de l’école de marine. Il bourre alors ses phrases de jurons et de termes marins, fume par genre, roule en marchant, parle haut dans les lieux publics et affecte d’y paraître brusque et généreux ; il prend pour modèle Jean Bart à Versailles.

(G. de la Landelle)

Ils avaient de braves figures, hâlées pur l’embrun ; des mains d’honnêtes gens, durcies par la besogne, et, sous un accoutrement de rencontre, on les devinait loups de mer, fleuranut l’algue à dix pas.

(Séverine)

Si les loups de mer sont superbes sur leur navire, sur le dos d’un cheval ils n’ont pas le même prestige. Leur assiette est médiocre. On les voit exécuter sur la selle de leur monture les mêmes mouvements que le roulis et le tangage les obligent à faire sur le pont du vaisseau. À cheval, ils se croient encore à bord, et probablement à bord ils se croient encore à cheval.
Il s’ensuit qu’un très brillant officier de marine fait, sans s’en douter, un déplorable cavalier.

(Adolphe d’Ennery, Jacqueline)

Loup-cervier

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait des affaires d’argent ; Boursier, — dans l’argot des gens de lettres.

Virmaître, 1894 : Alors que les boursiers se réunissaient devant Tortoni, on les nommait ainsi. Aujourd’hui, l’expression n’est plus en vogue, mais le boursier est toujours synonyme de loup-cervier (Argot des boursiers).

France, 1907 : Homme de bourse, financier, tripoteur. Le mot est du président Dupin.

Loup-garou

d’Hautel, 1808 : Un loup garou. Homme qui a l’humeur farouche, qui ne veut faire société avec personne.

Loup-phoque

Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui est hannetonné. Ce mot a été nouvellement introduit dans l’atelier typographique. L’orthographe que nous donnons ici est-elle exacte ? Nous ne savons ; peut-être est-ce loup-foc ou loufoc.

Loupate

Rigaud, 1881 : Pou, — dans le jargon des voyous ; emprunté au jargon des boucliers. Déformation argotique en late.

France, 1907 : Pou.

Loupe

Larchey, 1865 : Fainéantise, flânerie.

Ma salle devient un vrai camp de la loupe.

(Decourcelle, 1836)

Louper : Flâner, rôder comme un loup errant. — Mot de la même famille que chat-parder.

Quand je vais en loupant, du côté du Palais de Justice.

(Le Gamin de Paris, ch., 1838)

Loupeur : Flâneur, rôdeur.

Que faisaient-elles au temps chaud, ces loupeuses ?

(Lynol)

Delvau, 1866 : s. f. Paresse, flânerie, — dans l’argot des ouvriers, qui ont emprunté ce mot à l’argot des voleurs. Ici encore M. Francisque Michel, chaussant trop vite ses lunettes de savant, s’en est allé jusqu’en Hollande, et même plus loin, chercher une étymologie que la nourrice de Romulus lui eût volontiers fournie. « Loupeur, dit-il, vient du hollandais looper (coureur), loop (course), loopen (courir). L’allemand a Läufer… le danois lœber… ; enfin le suédois possède lopare… Tous ces mots doivent avoir pour racine l’anglo-saxon lleàpan (islandais llaupa), courir. »
L’ardeur philologique de l’estimable M. Francisque Michel l’a cette fois encore égaré, à ce que je crois. Il est bon de pousser de temps en temps sa pointe dans la Scandinavie, mais il vaut mieux rester au coin de son feu les pieds sur les landiers, et, ruminant ses souvenirs de toutes sortes, parmi lesquels les souvenirs de classe, se rappeler : soit les pois lupins dont se régalent les philosophes anciens, les premiers et les plus illustres flâneurs, la sagesse ne s’acquérant vraiment que dans le far niente et le far niente ne s’acquérant que dans la pauvreté ; — soit les Lupanarii, où l’on ne fait rien de bon, du moins ; soit les lupilli, qu’employaient les comédiens en guise de monnaie, soit le houblon (humulus lupulus) qui grimpe et s’étend au soleil comme un lézard ; soit enfin et surtout, le loup classique (lupus), qui passe son temps à rôder çà et là pour avoir sa nourriture.

Rigaud, 1881 : Bamboche, paresse, flânerie. — Bambocheur, fainéant, flâneur. — Camp de la loupe, réunion de vagabonds.

C’était, — c’est peut-être encore — une guinguette du boulevard extérieur, près de la barrière des Amandiers. Cette guinguette était flanquée, d’un côté, par un pâtissier nommé Laflème, et, de l’autre, par un marchand de vin nommé Feignant.

(A. Delvau)

La Rue, 1894 : Bamboche, flânerie, paresse. Loupeur, bambocheur, flâneur.

France, 1907 : Paresse, bamboche ; du hollandais looper, coureur. Enfants de la loupe, ouvriers bambocheurs ; bande de vagabonds.

Les Enfants de la loupe et les Filendèches habitaient de préférence l’extérieur des carrières, leurs fours à briques ou à plâtre.

(Mémoires de M. Claude)

Au coin de la rue des Montagnes, un bonhomme avait loué un terrain vague ; il avait fait planter des pieux sur lesquels il avait cloué des planches à bateaux ; il avait planté du gazon dans l’intervalle des tables, afin que les buveurs pussent cuver leur vin à l’aise ; puis, à la barrière en planches qui servait de porte, il avait barbouillé ces mots : Au Camp de la Loupe, tenu par Feignant.
Il faut croire que les loupeurs étaient nombreux, car il gagna un joli pécule.

(Charles Virmaître, Paris oublié)

Loupe (camp de la)

Delvau, 1866 : s. m. Réunion de vagabonds. C’était une guinguette du boulevard extérieur, alors près de la barrière des Amandiers. Cette guinguette était flanquée, d’un côté par un pâtissier nommé Laflème, et, de l’autre, par un marchand de vin, nommé Feignant…

Loupel

Vidocq, 1837 : s. m. — Pouilleux. Terme des Floueurs parisiens.

Delvau, 1866 : s. m. Avare ; homme tout à fait pauvre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Pouilleux. — Dans le patois du Midi pel signifie pou ; lou pel le pou.

La Rue, 1894 : Pouilleux. Avare.

France, 1907 : Avare, pouilleux. C’est le mot pou déformé par le largonji.

Louper

Delvau, 1866 : v. n. Flâner, vagabonder, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Vagabonder, paresser, bambocher. — Tirer une loupe, courir de mauvais lieux en mauvais lieux.

La Rue, 1894 : Regarder. Faire des dettes. Flâner.

France, 1907 : Faire des dettes, des loups.

France, 1907 : Flâner, courir les cabarets, les bals publics, au lieu d’aller à l’atelier.

Loupeur

Delvau, 1866 : s. m. Flâneur, vagabond, ouvrier qui se dérange.

Virmaître, 1894 : Désigne le voleur qui, à la tombée de la nuit, vole des diamants chez les bijoutiers au moyen d’une loupe à deux branches (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Mauvais ouvrier qui flâne, qui tue le temps en loupant pour attendre l’heure de la sortie et qui a plus souvent les yeux fixés sur la pendule que sur son ouvrage. En 1848, un marchand de vins, boulevard de Belleville, avait pris pour enseigne : Au camp de la loupe, tenu par Feignant (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Un individu peu courageux au travail, qui n’aime qu’à flâner, est un loupeur.

Loupeur, loupeuse

Rigaud, 1881 : Vaurien, drôlesse ; bambocheur, bambocheuse.

France, 1907 : Fainéants, débauchés.

La salle Colbus a une physionomie toute particulière parmi les bals de Paris. Sa clientèle est étrange et redoutable. Escarpes et souteneurs s’y rencontrent avec les bohèmes de la Villette, les loupeurs des fortifs, les rôdeurs du boulevard dit extérieur.

(Edmond Lepelletier)

— C’est drôle que ça fasse toujours plaisir de parler du temps où l’on était malheureux. Nom d’un chien ! je suis contente de me retrouver avec toi, tout de même ! Tu te souviens à l’école, chez les sœurs, tu faisais mes devoirs. J’étais rien loupeuse ! Et puis les pommes vertes que j’apportais et que nous allions manger dans les lieux…

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Rôdeurs, loupeurs, souteneurs, filles se pressaient autour des tables, retentissantes du choc des verres et du tumulte des conversations. Toutefois, dans cette cohue patibulaire, pas une blouse, pas un prolétaire. Tous gens comme il faut, portant le vêtement de drap bourgeois. Telle est la sévère étiquette du lieu (le caveau des halles).

(Louis Barron, Paris étrange)

Loupeuse

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie qui, n’aimant pas le travail honnête et doux de l’atelier, préfère le rude et honteux travail de la débauche.

Loupiat

Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, Loupeur, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Fainéant, chevalier de la loupe.

Loupiau

Rigaud, 1881 : Jeune, — dans le jargon des voleurs.

Loupion

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau d’homme, rond. Même argot [des faubouriens].

France, 1907 : Chapeau d’homme.

Loupiot

La Rue, 1894 : Enfant.

Virmaître, 1894 : Enfant (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Enfant.

France, 1907 : Enfant, c’est-à-dire pouilleux. De pou, déformé par le largonji.

— Ça te chagrine tant que ça, dis, d’avoir un loupiot ? Ben vrai, moi, ça m’amuse ! Je suis content, tiens ! Et puis je suis un bon garçon ! C’est pas parce qu’on a jamais passé devant M. le maire qu’on s’en aime moins ! Il est à moi ce môme-là, puisque c’est moi qui l’ai fait ! On le reconnaîtra, et puis ça fera la rue Michel.

(Oscar Méténier)

Loupruse

Delvau, 1864 : Gourgandine chaude comme une louve, et aimant à courir après les hommes.

Lourd

d’Hautel, 1808 : Lourd comme un plomb. Se dit d’un homme épais, grossier, ignorant et très-ennuyeux.
Il n’est pas lourd. Se dit en plaisantant d’un homme de petite complexion, qui fait le fanfaron, le faux brave.

Lourdaud

d’Hautel, 1808 : Un gros lourdaud. Homme rustre, brutal et sans éducation.

Bras-de-Fer, 1829 : Portier.

Lourdaut

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Portier.

Lourde

d’Hautel, 1808 : Porte. Terme d’argot.
Brider la lourde. Fermer la porte.

Ansiaume, 1821 : Porte.

La tournante ne débride la lourde, il faut la chomir.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Porte.

Bras-de-Fer, 1829 : La porte.

Vidocq, 1837 : s. f. — Porte.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Clémens, 1840 / M.D., 1844 : Porte.

un détenu, 1846 : Porte. Boucler la lourde : fermer la porte ; débrider la lourde ; l’ouvrir.

Halbert, 1849 : Porte.

Larchey, 1865 : Porte. — On ne les faisait pas légères jadis et pour cause. V. Bocson, Tremblant. — Lourdier : Portier. V. Lordant.

Delvau, 1866 : s. f. Porte, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Hôtel garni, — dans le jargon des voyous.

Rigaud, 1881 : Porte. — Débrider la lourde, ouvrir la porte, boucler la lourde, fermer la porte.

La Rue, 1894 : Porte. Hôtel garni. Lourdier, portier.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 / anon., 1907 : Porte.

Lourde (la)

anon., 1827 : La porte.

Merlin, 1888 : La porte de la salle de police, peu facile à décrocher.

Lourde, lourdière

France, 1907 : Porte. Bâcler la lourde, fermer la porte.

— Je sçavois débrider la lourde sans tournante.

(Nicolas de Grandval, Le Vice puni)

Lourdeau

Halbert, 1849 : Portier.

France, 1907 : Le diable ; déformation de l’ordeau, le sale, l’ordurier.

Lourderie

d’Hautel, 1808 : Gaucherie, faute grossière contre le bon sens, la politesse et l’urbanité.

Lourdier

Delvau, 1866 : s. m. Portier.

Fustier, 1889 : Concierge, portier. Argot des voleurs, des joueurs de bonneteau. V. Chocolat.

Rossignol, 1901 / France, 1907 : Portier.

Lourdier (le)

Virmaître, 1894 : V. Pessigner les lourdes.

Lourdier, -ère

Vidocq, 1837 : Portier, portière.

Lousse

Rigaud, 1881 : Gendarmerie départementale ; soldat de la gendarmerie départementale.

France, 1907 : Gendarmerie de campagne ; argot des voleurs. Déformation de pousse.

Loussem

France, 1907 : Pièce de vingt sous. Voir Linve.

Lousses

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarmes du département.

Loustaud (envoyer à)

Rigaud, 1881 : Envoyer coucher, envoyer au diable ; mot à mot : envoyer à la maison. Loustaud vient du provençal l’oustal qui veut dire la maison. La véritable orthographe devrait être l’oustaud. On envoie à l’oustaud, comme on enverrait « à cette niche ! »

Lousteau

Halbert, 1849 : Domicile, diable.

Lousteau, lousto

France, 1907 : Maison, domicile, prison ; corruption du vieux français hostel, avec la réunion de l’article.

Loustic ou loustique

Merlin, 1888 : Farceur, bouffon, conteur de gaudrioles qui fait rire les autres, — de l’allemand Lustig.

Louvart

France, 1907 : Jeune loup ; terme de chasse.

Louve

d’Hautel, 1808 : Une louve. Mot injurieux que l’on applique à une femme pervertie, livrée au vice et à la débauche.

Delvau, 1864 : Femme débauchée et hystérique.

Par la mort Dieu, vous dites vrai. Saint Antoine arde la louve.

(Les Cents Nouvelles nouvelles)

Car à toute heure on vous trouve
Faisant la chatte ou la louve.
En public ou à l’écart.

(Cabinet satyrique)

En outre tu es un adultère qui as souillé mon lit avec cette louve.

(Ch. Sorel)

France, 1907 : Femme ou fille livrée à la débauche ; enragée comme une louve.

Ô louve inassouvie,
Passe, folle et ravie,
Niant dans ton ardeur
Toute pudeur !

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Car tout à l’heure on vous trouve
Faisant la chatte ou la louve
En public ou à l’écart.

(Le Cabinet satyrique)

Louve (vieille)

France, 1907 : Nom donné par les royalistes à la République.

Le fusil sur l’épaule, mes gars,
Vite, vite, à la chasse,
L’on a vu la vieille louve
Courir dans le pays.
Elle a mordu plusieurs,
Elle a du sang frais sur le nez.
Le fusil sur l’épaule, mes gars,
Frappons la bête maudite !

(Chant vendéen)

Louveteau

Delvau, 1866 : s. m. Fils d’affilié, — dans l’argot des francs-maçons. On dit aussi Louveton et Louftot.

France, 1907 : Apprenti joueur de boules.

Bons maris, en ce sens du moins, que n’étant presque jamais chez eux, ils ne tourmentent point leur femme ; bons pères, parce qu’ils sont incapables de donner de mauvais conseils à leurs enfants, ne s’en occupant guère que pour en faire des louvetaux, c’est-à-dire pour leur enseigner de bonne heure les premiers éléments de la boule.

(B. Durand, Le Joueur de boules)

France, 1907 : Fils de franc-maçon.

Louvetier

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui doit partout où on a voulu lui faire crédit ; ouvrier qui demande du crédit à tout le monde et qui ne paye personne.

Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui fait des dettes, qui a des loups. Ce terme est pris en mauvaise part, car le typo auquel on l’applique est considéré comme faisant trop bon marché de sa dignité.

France, 1907 : Dans l’argot des typographes, c’est celui qui fait des dettes, qui a des loups. « Ce terme, dit Eug. Boutmy, est pris en mauvaise part, car le typo auquel on l’applique est considéré comme faisant trop bon marché de sa dignité. »

Louveur

France, 1907 : Maçon qui soulève une grosse pierre de taille ; de louver.

Louviers

Larchey, 1865 : Habit de drap de Louviers.

La veste de petite tenue avait remplacé le fin louviers.

(Ricard)

Louvoyante

France, 1907 : Manœuvre opérée par les agents de police pour disperser les rassemblements.

La méthode en usage pour disperser les rassemblements, méthode qu’on a baptisée la louvoyante, ne sert à dissiper les tapageurs un jour que pour les voir revenir le lendemain en plus grand nombre. Le Parisien, il faut l’avouer, badaud par excellence, se rend aux troubles comme à une fête, espérant toujours voir bousculer les autres et être assez malin pour ne pas être bousculé lui-même. Et quand il attrape des horions, il est furieux.

(Hogier-Grison, La Police)

Louvre

Delvau, 1866 : s. m. Maison quelconque en pierre de taille, — dans l’argot des bourgeois, pour lesquels la colonnade de Perrault est le nec plus ultra de l’art architectonique. Ils disent aussi Petit Louvre, — pour ne pas scandaliser dans leurs tombes François Ier, Henri II et Charles IX.

Lovelace

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, grand séducteur, — dans l’argot des bourgeois, qui éternisent ainsi le souvenir du principal héros du roman de Richardson (Clarisse Harlowe).

France, 1907 : Séducteur, libertin ; nom du héros de Clarisse Harlowe, célèbre roman de Richardson.

Loyalisme

France, 1907 : Dévouement à la famille royale ; terme de l’histoire d’Angleterre. « La première qualité exigée des officiers anglais est le loyalisme. »

Lubé

Hayard, 1907 : Affaire ; (le petit) faire l’amour.

Lubin

Ansiaume, 1821 : Domestique.

L’affaire étoit bonne, le lubin nous conduisoit pour son fade.

Lubre

France, 1907 : Contraction de lugubre.

Lubricité

Delvau, 1864 : Ardeur amoureuse, paillardise.

Son œil blanchit et s’illumine,
Et son flanc plein de volupté
Surpasse en ardeur Messaline
Et l’antique lubricité.

(A)

Toutes se font une joie d’enfant de se voir mettre leurs fesses à nu, d’en montrer la blancheur et le contour, et de recevoir dessus de fines atteintes de verges de myrte, de la part, d’une main flatteuse et légère, parce que ce badinage les aiguillonne et qu’il sert, en effet, à irriter la lubricité

(La Popelinière)

Luc (messire)

France, 1907 : Anagramme de cul. On peut dire luc, mais on ne peut prononcer cul. Pourquoi ? Mystère de la sottise des foules.

Lucarne

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque, pour la vue, les yeux.
Il n’a plus qu’une lucarne. Se dit d’un homme borgne ; qui n’y voit que d’un œil.

Larchey, 1865 : Lorgnon monocle.

Du malheureux monde comme ça, on n’y voit que d’un œil et encore pas sans lucarne.

(Gavarni)

Delvau, 1866 : s. f. Monocle, — dans l’argot des faubouriens. Crever sa lucarne. Casser le verre de son lorgnon.

Rigaud, 1881 : Chapeau de femme. — Monocle.

La Rue, 1894 : Monocle. Chapeau de femme.

France, 1907 : Bonnet de femme.

France, 1907 : Verre de vitre que les aborigènes du département de la Haute-Gomme se posaient encore il y a quelques années sur un œil, en l’absence duquel verre il était, paraît-il, impossible d’être un homme chic et copurchic. Cela est passé de mode.
Crever sa lucarne, casser son lorgnon.

Lucarnes

Hayard, 1907 : Les yeux.

Luce (Sainte)

d’Hautel, 1808 : À la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d’une puce. Dicton populaire, parce qu’à cette époque les jours commencent à croitre d’une manière imperceptible.

Luch (parler en)

Larchey, 1865 : Voir lem.

Luciférisme

France, 1907 : Mot nouveau introduit depuis que les sciences occultes reviennent à la mode et qu’il ne faut pas confondre avec le Luciférianisme, secte fondée au IVe siècle par l’évêque de Cagliari, Lucifer. Le luciférisme est une véritable religion se rattachant au manichéisme qui, au IIIe siècle, bouleversa le monde chrétien. C’est la croyance à deux forces qui gouvernent l’univers, la lutte permanente du Bien et du Mal, d’Adonaï et de Lucifer, également puissants, croyance des grands hérésiarques, depuis les disciples de Manès jusqu’aux Albigeois. Le luciférisme partage aujourd’hui avec le satanisme la curiosité de tous ceux qui s’occupent de l’occulte. Ce sont deux sectes de la religion diabolique opposées l’une à l’autre, comme le catholicisme et le protestantisme ; mais, dans le luciférisme comme le satanisme, le Dieu des chrétiens est considéré comme l’auteur de tous les maux ; l’hostie est profanée et la messe est dite sur l’autel d’un ventre de femme nue.

Lucque

Ansiaume, 1821 : Portefeuille.

Il n’y avoit dans son lucque que 3 billemonts, c’est un brodeur.

Vidocq, 1837 : s. m. — Faux certificats, mainnant faux passe-port.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Rigaud, 1881 : Faux passe-port, faux certificat. — Papiers. — Porte-lucque, portefeuille.

Lucques

France, 1907 : Documents ; argot des voleurs. Porte-lucques, portefeuille.

Lucrèce

Delvau, 1866 : s. f. Femme chaste, en apparence du moins, — dans l’argot du peuple, qui a entendu parler de l’héroïsme de la femme de Collatin, et qui n’y croit que sous bénéfice d’inventaire. Faire la Lucrèce. Contrefaire la prude et l’honnête femme.

Lucrèce (faire la)

Delvau, 1864 : Faire la chaste, comme l’épouse de Collatin, devant tous les Sextus, généralement quelconques, — et finir par ouvrir ses cuisses comme elle devant l’impertinent engin du fils de Tarquin le Superbe.

Le plaisir de se venger d’une femme qui avait fait la Lucrèce.

(Saint-Evremond)

Mais malgré son air virginal,
Sachez que la bougresse
À mon vit donna certain mal
Qui lui fit faire l’A…
Ah ! il m’en souviendra,
Larira,
D’avoir aimé une Lucrèce.

(Anonyme)

Lucrèce (faire sa)

France, 1907 : Affecter une vertu qu’on n’a pas. S’offenser du moindre geste et du plus anodin propos. Toutes les dévotes font leur Lucrèce. Allusion à la femme de Tarquin Collatin, qui, violée par Sextus Tarquin, se tua.

Luctrème

Rigaud, 1881 : Fausse clé, — dans le jargon des voleurs. — Filer le luctrème, ouvrir une porte à l’aide d’une fausse clé. (L. Larchey) C’est mot à mot : donner luctrème onction à une porte ; luctrème pour l’extrême, par déformation.

France, 1907 : Rossignol, fausse clef. Filer de luctrème, ouvrir une porte au moyen d’un rossignol.

Luctrême

La Rue, 1894 : Fausse clé.

Luire

La Rue, 1894 : Cerveau. Signifie aussi joli.

Luis

Fustier, 1889 : Jour. Delvau donne luisant.

Luis, luisant

France, 1907 : Jour.

Les convertis sont ceux qui changent de religion… Quand ils savent un excellent prédicateur, ils bient le trouver et lui rouscaillent ainsi : « Mon père, je suis de la religion, et tous mes parents aussi ; j’ai ouï quelqu’unes de vos prédications qui m’ont touché, je voudrais bien que vous m’eussiez un peu éclairci. »
Alors il se passe deux ou trois luisans en conférence, puis il faut faire profession de foi en public ; puis sept à huit luisans durant, ils se tiennent aux lourdes des entiffes et rouscaillent ainsi : « Messieurs et dames, n’oubliez pas ce nouveau catholique, apostolique et romain… »

(États généraux du Grand Coëre)

Je rouscaille tous les luisants au grand haure de l’oraison.

(Le Jargon de l’argot)

Luisant

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Le jour.

un détenu, 1846 : Soleil.

Halbert, 1849 : Le jour.

Delvau, 1866 : s. m. Soleil, ou Jour, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Luisard.

Fustier, 1889 : Le descendant direct du dandy et du lion. De mode en 1884, ce qualificatif n’a point tardé à être délaissé.

De toutes les appellations données depuis le commencement du siècle aux créateurs de la mode et de l’élégance, celle qui se rapproche le plus du type baptisé aujourd’hui luisant est le lion.

(Gaulois, 1884)

La Rue, 1894 : Soleil ou jour. Soulier verni.

Virmaître, 1894 : Le jour (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Chapeau haut de forme.

France, 1907 : Jeune fashionable.

Voici d’abord le pschutt, le v’lan, les luisants, comme nous les nommons aujourd’hui.

(Paul Mahalin)

Les viveurs, les luisants se succèdent avec une étonnante rapidité.

(Aurélien Scholl)

France, 1907 : Soulier verni.

Luisant, luisard

Hayard, 1907 : Le soleil.

France, 1907 : Soleil. Luizard estampille six plombes, le soleil indique six heures.

Luisant, reluit

Larchey, 1865 : Jour. — Allusion. à la lumière.

Pitanchons pivois chenâtre jusques au luisant.

(Grandval, 1723)

Luisante

anon., 1827 : La lune, la fenêtre.

Bras-de-Fer, 1829 : Chandelle.

Vidocq, 1837 : s. f. — Lune.

Halbert, 1849 : La nuit, la fenêtre.

Larchey, 1865 : Lune. — Luisard : Soleil.

Delvau, 1866 : s. f. La Lune. On dit aussi Luisarde.

Rigaud, 1881 : Lune. — Chandelle, dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Lune.

Hayard, 1907 : Fenêtre.

anon., 1907 : La lune.

Luisante, luisarde

Hayard, 1907 : La lune.

France, 1907 : Lune.

Luisants

Rigaud, 1881 : Souliers vernis, — dans le jargon des ouvriers.

Luisard

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Le soleil.

Virmaître, 1894 : V. Bourguignon.

Luisard, de

Halbert, 1849 : Le soleil, la lune.

Luisarde

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : La lune.

Luisarde, luisant

Rigaud, 1881 : Jour. — Soleil ; surnommé aussi par les voleurs le grand lumignon.

Luizarner, luiserner

France, 1907 : Éclairer faiblement, d’une façon blafarde. Vieux mot supprimé bien a tort, puisque pour le remplacer il faut employer une périphrase.

La femme qui parle latin,
L’enfant qui est nourri de vin,
Soleil qui luiserne au matin
Ne viennent point à bonnes fin.

(Pierre Grosnet)

Lumière

d’Hautel, 1808 : Allumer la lumière. V. Allumer.

Lumignon

Virmaître, 1894 : V. Bourguignon.

Lumignon (le grand)

France, 1907 : Le soleil.

Luminaire

d’Hautel, 1808 : Perdre son luminaire. Pour, perdre la vue.

Luminariste

France, 1907 : Allumeur de lampes ; argot des théâtres.

Lumps

France, 1907 : Morceaux de sucre de qualité inférieure. Anglicisme.

Lunanche

M.D., 1844 : Des lunettes.

Lunch

Delvau, 1866 : s. m. Collation légère entre le déjeuner et le dîner — dans l’argot des gandins, qui répudient ainsi notre ancien goûter. Le mot et la mode sont anglais ; seulement le lunch anglais a cet avantage sur le lunch parisien, qu’il est une réfection copieuse, — un troisième déjeuner ou un premier dîner, — destiné à ravitailler les estomacs épuisés par les luttes des bustings, quand il y a des élections.

France, 1907 : Collation légère ; anglicisme. Ce mot, qui n’a aucune raison d’être dans notre langue, ne répond nullement au lunch anglais, qui est une collation copieuse, le principal déjeuner.

Ni les lunchs, ni les dîners, ni les costumes d’amiral anglais ne font les alliances des peuples, écrivait dans la Justice Camille Pelletan, au sujet de la visite en Angleterre de l’empereur d’Allemagne. Nous vivons à une époque où ses alliances se nouent pour des raisons plus sérieuses.

Luncher

Delvau, 1866 : v. n. Manger des gâteaux arrosés de bordeaux chez un pâtissier en renom.

France, 1907 : Manger, goûter ; anglicisme.

Lundi

d’Hautel, 1808 : Petit lundi, grande semaine. Maxime populaire qui signifie que quand on ne fait pas une grande débauche le lundi, la semaine doit être lucrative.

Lundi (faire le)

Rigaud, 1881 : Chômer le lundi, — dans le jargon des ouvriers. — La plupart des ouvriers travaillent le dimanche ou une grande partie du dimanche ; en outre, ce jour-là, ils s’occupent à mettre de l’ordre chez eux ce jour-là les prix des chemins de fer sont sensiblement augmentés ; autant de raisons qui plaident en faveur du chômage du lundi. — Le lundi, c’est le dimanche des ouvriers, surtout quand la paye a eu lieu le samedi précédent.

À la table voisine de la sienne, il y avait deux hommes en habits d’ouvriers qui faisaient le lundi.

(P. Mazerolles, La Misère de Paris)

Lundicrate

Delvau, 1866 : adj. et s. Feuilletoniste du lundi, — dans l’argot des gens de lettres. Ce mot appartient à M. Pierre Véron.

Lundiste

Fustier, 1889 : V. Delvau : Lundicrate.

Ce fut cette fois un succès éclatant. J’ai voulu lire les appréciations des lundistes d’alors, j’y ai trouvé ce que j’attendais.

(P. Perret)

Lune

d’Hautel, 1808 : Être dans sa bonne ou sa mauvaise lune. Se dit des gens capricieux, qui ont tantôt l’humeur agréable, et tantôt insupportable.
C’est une pleine lune. Se dit d’une figure rebondie, d’un visage large et réjoui.
Il a un quart de lune dans la tête. Pour dire, il est un peu fou.
Faire un trou à la lune. Pour, faillir, faire banqueroute ; s’en aller furtivement ; mettre la clef sous la porte.

Delvau, 1866 : s. f. Caprice ; mauvaise humeur, — dans l’argot du peuple. Être dans ses lunes. Avoir un accès de mauvaise humeur, de misanthropie.

Delvau, 1866 : s. f. Le second visage que l’homme a à sa disposition, et qu’il ne découvre jamais en public, — à moins d’avoir toute honte bue. On dit aussi Pleine lune.

Delvau, 1866 : s. f. Visage large, épanoui, rayonnant de satisfaction et de santé. On dit aussi Pleine lune.

Fustier, 1889 : Pièce de vingt sous. Argot du bagne.

On arrivait à supprimer tout risque en achetant à la fois le servant et l’argousin. L’un ne coûtait pas plus cher que l’autre. C’était affaire de quelques lunes.

(Humbert, Mon bagne)

France, 1907 : Caprice. « Madame a ses lunes aujourd’hui. »

France, 1907 : Le derrière.

Des personnes très convenables, dit Dubut de Laforest, élevées aux Oiseaux ou ailleurs, baptisent « lune » ce que la Mouquette (de Germinal) montrait aux soldats, pendant la bataille des mineurs et des troupiers.

On connait la vieille chanson :

Veux-tu voir la lune, mon gas ?
Veux-tu voir la lune ?
Si tu ne l’as pas vue, la voilà.

Et la commère de se trousser.

Tentante divorcée à chevelure brune
Dont les seins sont cabrés comme deux pics altiers,
Le soleil aurait beau passer devant ta lune,
Il n’en éclipserait jamais les deux quartiers.

(Gil Blas)

Un soir, revenant avec ma cousine
Au milieu d’un bois, je marchais devant ;
Tout à coup, butant sur une racine,
La belle tomba, les jupes au vent.
Or, à cet instant, dans les cieux, la lune
Brilla dans son plein ; ce fut très heureux,
Car, déjà sur la terre, en voyant une,
Épaté, je dis : « Tiens, mais ça fait deux ! »

(Famechon)

La lune que j’aime
Me boude ce soir,
Et sa face blème
Ne se fait pas voir,
Prends pitié, ma brune,
De mon désespoir !
Où donc est la lune, la lune, la lune,
Où donc est la lune, ce soir ?
— Laisse ton humeur chagrine,
Réplique Colombine,
Si t’es gentil, Pierrot,
Tu la verras bientôt.

(Gilberte)

La p’tit’ môm’, pour un’ thune,
Montre à chaqu’ citoyen
Des effets de plein’ lune
Que lui peut voir pour rien.

(Léo Lelièvre)

France, 1907 : Pièce de vingt sous.

Lune (amant de la)

France, 1907 : Amoureux timide ou malheureux qui va faire nocturnement et sans résultat le pied de grue pour attendre sa belle ou soupirer sous ses fenêtres.

Lune (armée de la)

France, 1907 : Association de malfaiteurs militaires qui opérait pendant la nuit et épouvanta la province sous la Restauration.

Vidocq savait que la fameuse armée de la Lune était une association de malfaiteurs, dont les chefs s’étaient dérobés jusque-là aux investigations de la police.
Ces brigands, qui avaient organisé l’assassinat et le vol dans un rayon de plus de dix lieues, appartenaient à tous les régiments.
La nuit, ils rôdaient dans les camps ou s’embusquaient sur les routes, faisant de fausses rondes ou de fausses patrouilles et arrêtaient quiconque présentait l’espoir du plus léger butin.
Afin de n’éprouver aucun obstacle dans l’accomplissement de leurs ténébreux exploits, ils avaient à leur disposition des uniformes de tous les grades.
Au besoin, ils étaient capitaines, colonels, généraux, et ils faisaient à propos usage de mots d’ordre et de ralliement, dont quelques affidés, emplovés à l’état-major, avaient soin de communiquer la série par quinzaine.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Luné (être bien ou mal)

France, 1907 : Être de bonne ou mauvaise humeur.

Ce matin-là, il n’y eut qu’un cri dans tout le Paradis.
— Le bon Dieu est mal luné aujourd’hui. Malheur à celui qui contrarierait ses desseins !
L’impression générale était juste : le Créateur n’était pas à prendre avec des pincettes.
À l’archange qui vint se mettre à sa disposition pour le service de la journée, il répondit sèchement : Zut ! fchez-moi la paix !

(Alphonse Allais)

Lune (la faire voir)

Virmaître, 1894 : Montrer son cul :

Quand j’étais petit je n’étais pas grand
Je montrais mon cul à tous les passants.

Allusion à la rondeur ; facile à comprendre (Argot du peuple).

Lune (voir la)

France, 1907 : Se dit d’une fille qui perd sa virginité. On dit aussi voir de loup.

La petite a beau avoir de la dentelle, elle n’en verra pas moins la lune par le même trou que les autres.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Lune à douze quartiers

Delvau, 1866 : s. f. Roue, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : La roue sur laquelle on brisait autrefois les membres des criminels et même des innocents.

Lune de miel

France, 1907 : Premières semaines du mariage dont le nombre varie suivant le tempérament et le caractère des époux. Tout est douceur et miel alors dans la vie conjugale ; la femme est adorable et le mari parfait. Cette expression, qui vient de l’Orient, a été popularisée en France par un roman de Voltaire, Zadig, d’où elle a passé le détroit, car les Anglais nous l’on textuellement prise : honey moon, disent-ils.
Voici le passage de Voltaire : « Zadig éprouva que le premier mois du mariage, comme il est écrit dans le livre du Zend, est la lune de miel, et que le second est la lune de l’absinthe. »

Sur la plage, Gontran et la petite baronne. Conversation sérieuse. On agite la peu nouvelle mais toujours grave question de savoir si la lune est habitée.
— Comment, baronne, vous croyez à l’homme dans la lune ?
— Eh ! mon ami, j’y ai cru au début de mon mariage. Car quelle est la femme qui ne croit à l’homme dans la lune… de miel ?

(Pontaillac)

J’en ai vu déjà, de ces mariages, je devrais dire de ces mésalliances, qui est le mot véritable, Ils promettaient de longs jours de bonheur et de prospérité. L’amant jurait d’aimer toujours, et il était de bonne foi. Puis, au bout d’un temps plus ou moins long, l’amour s’éteignait, la lune de miel tournait en lune rousse, les discussions s’élevaient. Elles commençaient sur des reproches, elles finissaient par des injures, et aboutissaient à un scandale.

(Paul Saunière)

Lune rousse

France, 1907 : Lune d’avril. Elle est généralement accompagnée de gelée et de vents froids, aussi la fait-on présider aux nuits des couples mal assortis. « Après la lune de miel, la lune rousse. »

Lune, pleine lune

Larchey, 1865 : Derrière. — Allusion de forme. — V. Cadran.

J’ai pincé n’importe quoi, j’ai cru que c’était dans la figure. — En voilà une bonne ! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure.

(P. de Kock)

Rigaud, 1881 : Derrière.

La Rue, 1894 : Le postérieur. Pièce d’un franc. Faire un trou à la lune, faire faillite. On dit aussi passer en lunette.

Luner

France, 1907 : Regarder.

Lunes (vieilles)

France, 1907 : Choses du passé, qui n’existent plus. Aller rejoindre des vieilles lunes.

Quand la gouvernaille n’était pas satisfaite d’un journal, on lui foutait un avertissement, ensuite on interdisait sa vente sur la voie publique, on suspendait sa publication et enfin on le supprimait.
Toute cette chinoiserie est allée rejoindre les vieilles lunes !
Depuis 1881, ces procédés, commodes pour les exploiteurs qui n’aiment pas qu’on dévoile leurs trucs, ont été rayés du Code.

(Le Père Peinard)

Lunette

Delvau, 1866 : s. f. Le cercle de la trulla, — dans l’argot du peuple.

Lunette (passer en)

Rigaud, 1881 : Nuire, tromper, ruiner. — Être passé en lunette, avoir fait faillite, — dans le jargon des ouvriers du fer.

Lunette d’approche

Rigaud, 1881 : Guillotine, — dans le jargon des voyous. — Passer à la lunette, être guillotiné.

France, 1907 : Guillotine.

Lunette de viande

Merlin, 1888 : Le postérieur.

Lunettes

d’Hautel, 1808 : Si vous n’y voyez pas, mettez vos lunettes. Se dit à quelqu’un qui s’est trompé.
Voilà un beau nez à porter lunettes. Se dit en plaisantant de quelqu’un qui a un grand nez.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les nates, — qui sont en effet de petites lunes.

Lunettes (donner une paire de)

Fustier, 1889 : Argot des joueurs de billard. Livrer deux billes tellement rapprochées que l’adversaire ne peut manquer de caramboler.

France, 1907 : « Argot des joueurs de billard. Livrer deux billes tellement rapprochées que l’adversaire ne peut manquer de caramboler. » (Gustave Fustier)

Lunettes (les)

France, 1907 : Les fesses.

Lunettes (passer en)

France, 1907 : Faire de mauvaises affaires.

Lup

France, 1907 : Abréviation de lupanar, dont se servent les jeunes gens timorés, clients de ces établissements, mais dont la pudeur s’effarouche du nom.

La majeure partie des écrivains contemporains considèrent bordel comme un terme grossier et se gardent bien de l’écrire ; ils se servent du mot lupanar (ce qui, par parenthèse, revient exactement au même), ou ils mettent un b qu’ils font pudiquement suivre de plusieurs points. C’est de l’enfantillage. Ce ne sont pas les mots qu’il faut supprimer, ce sont les institutions immorales. Si le bordel est tellement honteux qu’on ne puisse en écrire le nom en toutes lettres sans manquer à la bienséance, eh bien ! qu’on le fasse disparaître et qu’il n’en soit plus question.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Lupanar

Delvau, 1864 : Bordel. Mot solide… bâti par les Romains ; on s’en sert encore.

J’ai rêvé que j’étais au fond d’un lupanar ;
C’était comme un immense et splendide bazar
Dans lequel enculeurs, enculés, maquerelle,
Maquereaux et putains se ruaient pêle-mêle.

(Louis Protat)

Je suis roublard
Et j’ pourrais écrir’ les mémoires
Du lupanar.

(Lemercier de Neuville)

Luque

Delvau, 1866 : s. m. Faux certificat, faux passeport, loques de papier, — dans l’argot des voleurs. Porte-luque. Portefeuille. Luque signifie aussi image, dessin.

La Rue, 1894 : Papiers, faux certificat, faux passeport.

France, 1907 : Image, faux certificat, faux passeport. Aquiger les luques, fabriquer de faux papiers.

Ils sont soigneux à tirer une luque ou certificat de celui qui les a reçus, et ensuite ils s’enquièrent où demeurent quelques marpeaux pieux, rupins et marcandiers dévots…

(Le Jargon de l’argot)

Au matin, quand nous vous levons,
Dans les entonnes trimardons
Ou au creux de ces ratichons
Nos luques tous leur présentons,
Puis dans les boules (foires) et frémions
Cassons des hanes (coupons des bourses) si nous pouvons.

(Chanson de l’argot)

Porte-luque, portefeuille.

Luques

anon., 1827 : Faux certificats.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Faux papiers, actes falsifiés.

Halbert, 1849 : Faux certificats.

Luquet

Halbert, 1849 : Faux papiers, images.

France, 1907 : Faux certificat, faux papiers.

Luqueur

Virmaître, 1894 : Voleur qui escroque les gens à l’aide de faux papiers (Argot des voleurs).

Lurelure (à)

Delvau, 1866 : loc. adv. Au hasard, sans dessein, sans réflexion surtout, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Au hasard, à l’aventure.

Lurette (belle)

Fustier, 1889 : Longtemps : Corruption de belle heurette, il y a belle heure que…

France, 1907 : Longtemps. Belle lurette, qui n’a aucun sens, est une corruption de belle heurette. « Il y a belle heurette que la petite Manon a vu le loup. »

Pour ses débuts comme avocat bêcheur, y a de ça belle lurette — c’était en 1883 — il fit administrer à Louise Michel et au fiston Pouget une bonne demi-douzaine d’années de réclusion.
Et le jean-fesse est, par la suite, resté digne de ce cochon de début.

(Père Peinard)

Ah ! il y a belle lurette que l’Europe observe les progrès de notre décomposition, qu’elle est fixée sur notre pourriture sociale. Le Parlement en est déjà un produit assez significatif.

(Jules Delahaye, La Libre Parole)

Luron

Vidocq, 1837 : s. m. — Saint-Sacrement, hostie.

Delvau, 1866 : s. m. Homme hardi, déluré. Joyeux luron. Bon compagnon.

Rigaud, 1881 : Hostie. — Avaler le luron, communier, — dans le jargon des voleurs.

Luron (avaler le)

La Rue, 1894 : Communier.

France, 1907 : Communier ; argot des voleurs. Luron est sans doute une corruption de le rond, hostie. Il est une autre version : le sens primitif de luron est trompeur, pipeur, berneur ; quoi de plus naturel pour les gredins peu croyants d’appeler ainsi un bon Dieu qui s’enferme dans un pain à cacheter ?

— Ça avale le luron tous les matins, et, le soir, ça fait des noces de bâtons de chaises.

(Huysmans)

Lusignante

Rigaud, 1881 : Amante, maîtresse légitime.

La Rue, 1894 : Amie, amante.

France, 1907 : Maîtresse.

Lusquin

Halbert, 1849 : Charbon.

Delvau, 1866 : s. m. Charbon, — dans l’argot des voleurs. Lusquine. Cendre.

Rigaud, 1881 : Charbon, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Charbon.

Virmaître, 1894 : Charbon (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Charbon.

France, 1907 : Charbon ; vieux jargon.

Lusquinage

France, 1907 : Petit prélèvement opéré par les charretiers sur le charbon qu’ils transportent à domicile. « Au moyen du lusquinage, les charretiers augmentent passablement leur journée. »

Lusquines

Halbert, 1849 / Rigaud, 1881 : Cendres.

France, 1907 : Cendres ; vieux jargon.

Lusquineur

Virmaître, 1894 : Voleur qui s’habille en charbonnier pour dévaliser les baquets des véritables charbonniers. C’est une variété du roulottier (Argot des voleurs).

France, 1907 : Faux charbonnier qui dévalise les baquets des véritables.

Lustre

Halbert, 1849 : Juge.

Delvau, 1866 : s. m. Juge, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. La claque, — dans l’argot des coulisses. Chevaliers du lustre. Gens payés pour applaudir les pièces et les acteurs, qui se placent ordinairement au parterre au-dessous du lustre. On dit aussi Romains.

Rigaud, 1881 : Juge, — dans l’ancien argot. Il éclaire l’affaire.

Rigaud, 1881 : Lampe, — dans le jargon des voleurs. — Lustre en toc, lampe de cuivre.

La Rue, 1894 : Juge. La claque, au théâtre.

Virmaître, 1894 : V. Palpeurs.

France, 1907 : Juge. Il domine comme le lustre la salle où il siège.

France, 1907 : La claque. Chevaliers du lustre, les claqueurs.

Lustre (admirateur du)

Larchey, 1865 : Claqueur posé au parterre sous le lustre.

Les admirateurs du lustre donnèrent, mais le public resta froid.

(L. Reybaud)

Lustre (chevalier du)

Rigaud, 1881 : Claqueur. La place ordinaire des claqueurs était et est encore, dans beaucoup de théâtres, au parterre, sous le lustre.

Lustré, ée

Halbert, 1849 : Jugé, jugée.

Lustrer

Halbert, 1849 : Juger.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Juger.

Rigaud, 1881 : Juger, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Juger.

Lustucru

d’Hautel, 1808 : Monsieur Lustucru. Mot baroque dont on se sert en plaisantant pour suppléer au nom d’une personne que l’on n’a pas présent à la mémoire, et pour laquelle on n’a aucune considération.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile ; évaporé, extravagant, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Niais, étourneau.

France, 1907 : Niais, benêt, évaporé. Ce nom déjà ancien, dit Lorédan Larchey, semble faire allusion à une interrogation niaisement ébahie : « L’eusses-tu cru ? » Cependant, dans la chanson de la Mère Michel, le père Lustucru est loin de jouer un rôle de niais :

Le père Lustucru,
Qui était dans la rue,
Lui dit : « La mère Michel,
Vot’ chat n’est pas perdu. »

Le chat n’est pas perdu, en effet, puisqu’il est dans sa casserole.

Lutinapème

France, 1907 : Prostituée ; déformation de putain.

Lux

Fustier, 1889 : Jargon des lycéens, qui entendent parler ainsi du jardin du Luxembourg.

Luxure

Delvau, 1864 : Un des sept péchés capitaux, dont le libertinage humain a fait un péché véniel — ou plutôt vénériel, dirait Commerson.

Ne parlons plus des pompes et des fêtes du plus grand des empereurs : réfléchissons combien il est plus grand dans ses luxures.

(La Popelinière)

Luysant

Vidocq, 1837 : s. m. — Jour.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Luysard

Vidocq, 1837 : s. m. — Soleil.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Luysarde

Vidocq, 1837 : s. f. — Lune.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Lycée

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs, qui y font leurs humanités et parmi lesquels se trouve, de temps en temps, un Aristote de la force de Lacenaire qui leur enseigne sa Logique du meurtre et sa Philosophie de la guillotine.

Rigaud, 1881 : Prison, — Aller au lycée, aller en prison.

La Rue, 1894 / France, 1907 : Prison.

Lycéen

France, 1907 : Prisonnier.

Lynchage

France, 1907 : Action de lyncher, c’est-à-dire d’exécuter sommairement sans attendre l’arrêt de la justice. Voir Loi de lynch.
Une scène de lynchage, qui rappelle les supplices carthaginois, s’est passée à Ecchio (Texas). Une négresse, accusée du meurtre d’un enfant blanc, a été enfermée dans un tonneau dans lequel on avait préalablement enfoncé des clous et qu’on a laissé rouler sur une pente. Le corps déchiqueté de la victime a été ensuite pendu à un arbre et criblé de balles.
Autant qu’on a pu s’en assurer, la malheureuse était innocente du crime qu’on lui amputait.
Et cela se passait en 1893 ! Braves Yankees !

Lyncher, lyncheur

France, 1907 : Mettre à mort sans jugement et servir d’exécuteur.

Près de Birmningham (États-Unis), une le dame, du nom de mistress Rusker, avait été assassinée par un nègre. Avant de mourir, elle avait, en quelques mots, donné un signalement de son agresseur. Dès que l’affaire fut connue, une forte troupe d’hommes armés se réunit.
Les justiciers rencontrèrent deux nègres près d’un bois. Les infortunés prirent la fuite.
On leur donna la chasse, et on les rattrapa. Tous les deux répondaient à peu près au signalement sommaire donné par Mme Rusker. Tous les deux protestaient de leur innocence.
Cela n’empêcha pas les lyncheurs de déclarer que l’un des deux devait être l’assassin. Un des justiciers trancha la question en s’écriant :
— Pendons-les tous les deux.
Cette proposition fut accueillie et, malgré leurs protestations, les deux malheureux furent immédiatement pendus.
Depuis on a su que les deux nègres en question étaient des hommes très pacifiques.

(Courrier de Londres)

Lynx

d’Hautel, 1808 : Avoir des yeux de Lynx. Avoir une vue perçante et indiscrète ; voir tout ce qui se passe ; appercevoir de fort loin.

Lyonnaise

Vidocq, 1837 : s. f. — Soierie.

Larchey, 1865 : Soierie (Vidocq). — Lyon est le grand centre de la fabrication des soieries.

Delvau, 1866 : s. f. Soierie, — dans l’argot des faubouriens, qui pratiquent volontiers l’hypallage et la métonymie.

Rigaud, 1881 : Soierie ; robe de soie. — Être à la lyonnaise, porter une robe de soie, — dans le jargon des voleurs qui savent qu’on fabrique beaucoup de soieries à Lyon.

France, 1907 : Soie. Être à la lyonnaise, être habillé de soie.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique