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M

M’as-tu-vu, matuvu

France, 1907 : Sobriquet donné aux acteurs qui n’abordent jamais un camarade sans lui poser cette question : « M’as-tu vu dans tel ou tel rôle ? »

Et comme me le disait dernièrement l’ambassadeur marquis de K…, prince de Q… :
— Febvre, c’est très bien vos Mémoires. J’espère qu’on n’appellera plus maintenant les comédiens des mastuvus, mais des mastulus.
Mot profond, que je me garderai bien d’atténuer par un commentaire…

(Jean Maure, Le Journal)

Le café Matuvu est l’estaminet du théâtre où se donnent rendez-vous les artistes.

Homm’s aux faces de curé,
Femm’s au masqu’ peinturluré,
Ont des toilettes clinquantes,
Très voyantes.
Les femm’s ont comme parure
Bijoux d’un prix inconnu,
Les homm’s un col de fourrure,
Café Matuvu.

(Chambot et Girier, Les Chansons des cabots)

Ma tante

Rossignol, 1901 : Mont-de-piété.

Mabilien

Rigaud, 1881 : Élégant qui fréquente le bal Mabille. — Coiffeur, commis de magasin qui danse à Mabile.

Mabilienne

Rigaud, 1881 : Demoiselle qui va au bal Mabille comme les spéculateurs sur les fonds publics vont à la Bourse.

Les mabiliennes de 1863 se subdivisent en plusieurs catégories : La dinde, la solitaire, la grue.

(Les Mémoires du bal Mabille.)

Mabillard, mabillarde

France, 1907 : Nom donné aux jeunes gens et aux demoiselles de mœurs légères, habituées du bal Mabille.

Mabillarde, grue mabillarde

Rigaud, 1881 : Demoiselle qui, au bal Mabille, fait beaucoup de frais de conversation dans l’espoir de séduire un riche étranger, mabilien de passage. — Souvent elle s’aperçoit trop tard, hélas ! que le riche étranger n’est ni riche ni étranger.

Maboul

Merlin, 1888 : Imbécile, toqué, — de l’arabe.

Fustier, 1889 : Niais, un peu fou.

Suivant l’expression d’Eugène Tourte, elle était un peu maboule, rêvassant près de son bon ami à des amours câlins.

(Huysmans, Les Sœurs Vatard)

Le père ? dit Landart, il ne peut pas gagner sa vie ; malheureusement il est un peu maboul.

(Sirven et Siegel : Les Drames du Mont-de-Piété, 1886.)

La Rue, 1894 : Un peu fou, timbré.

France, 1907 : Fou, toqué. Mot arabe rapporté par les soldats d’Afrique.

— Depuis que je ne suis plus rosse, je vois rose. C’est peut-être fou ; mais je m’en fous. Au moins c’est gai. Tandis que c’était sinistre, oh ! oui, bougrement sinistre, de toujours tout voir à travers ma bile, ma sale bile. Sans compter que c’est peut-être quand je voyais tout à travers ma bile que j’étais maboul.

(Jean Richepin, Flamboche)

De vin point du tout hasardeux,
Voire – pourquoi m’en taire ? —
Nous en foutîmes tous les deux
Trois bouteilles par terre.
Ça valait bien ça, Dieu vivant !
Ou je deviens maboul
Non, mais me voyez-vous buvant
Des eaux à la Bourboule ?

(Raoul Ponchon)

Maby

France, 1907 : Boisson américaine composée d’eau, de sirop clarifié, de patates rouges et d’oranges sures. Après une fermentation de trente heures environ, on obtient un vin clairet agréable, mais fort enivrant et occasionnant, dit Le docteur Aulagnier, des coliques venteuses.

Mac

Delvau, 1864 : Abréviation de maquereau.

Ça m’ fera peut-être rigoler un brin, de changer d’rôle, et de mac devenir miché.

Lemercier de Neuville.

Après tout, ce n’est pas si bête
D’avoir fait quatre cents binettes.
D’hommes de lettr’s, de peintr’s et de mac ?

A. Pothey.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Maquereau, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Apocope de maquereau, souteneur de filles ; et mecque avec changement de l’a en e. — De maque, marchand ; d’où maquignon.

Virmaître, 1894 : Diminutif de maquereau. Quelques-uns écrivent mec, d’autres mecque. C’est mac qui est le vrai mot (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Individu qui vit du produit d’un labeur vaginal.

Hayard, 1907 : Souteneur.

France, 1907 : Abréviation de maquereau.

Mac à la mie de pain

Rossignol, 1901 : Souteneur à qui la marmite donne peu d’argent.

Mac-Farlane

Delvau, 1866 : s. m. Paletot sans manche, — dans l’argot des gandins et des tailleurs.

Mac-farlanes

Larchey, 1865 : Long pardessus sans manches, avec grand collet tombant sur le devant.

Ils portent des mac-farlanes.

Les Étudiants, 1860.

Mac-Mahon

Rigaud, 1881 : Les dragons ont donné ce nom à la tête de Méduse qui surmonta leurs casques. — T’as joliment bien astiqué Mac-Mahon, ce matin. — D’autres l’appellent la « République », parce qu’ils se figurent que c’est la tête de la République, (comme si elle avait le don de pétrifier ses ennemis.) — Je m’en vas donner un coup d’astiqué à la République.

France, 1907 : Nom donné par les régiments de cuirassiers et de dragons à la tête de Méduse du cimier de leur casque.

Mac-Mahonat

Rigaud, 1881 : Gouvernement du maréchal de Mac-Mahon, second président de la troisième République française.

Mac-Mahonien

Rigaud, 1881 : Partisan du gouvernement du maréchal de Mac-Mahon. — Feuille mac-mahonienne, journal dévoué à la politique du maréchal.

Mac-Mahonnat

France, 1907 : Période pendant laquelle le maréchal de Mac-Mahon occupa le poste de président de la République, c’est-à-dire de 1873 à 1879.
Tout le monde connaît le mot resté célèbre : « J’y suis, j’y reste ! » que fit le maréchal et la réponse de Gambetta : « Il faut se soumettre ou se démettre. »

Mac, maca

La Rue, 1894 : Apocope de macquereau, macquerelle. Maman maca, maîtresse d’une maison de tolérance.

Mac, macque, macchoux

Larchey, 1865 : Maquereau. — Maca : Maquerelle. — Macchoux est une corruption du mot maquereau. — Mac et maca sont deux abréviations. — Par un hasard singulier, la première de ces abréviations donne la clef même du mot Au moyen âge, le mot maque signifiait : vente, métier de marchand. V. Roquefort. — De là sont venus maquillon ou maquignon et maquerel ou maquereau. Le maquereau n’est qu’un maquignon de femmes. Pendant tout le moyen âge, on a écrit maquerel ou maqueriau. Ce dix-neuvième siècle a oublié la véritable source du mot qu’il a confondu avec celui du poisson, d’où les synonymes de poisson et de barbillon.

Le métier de mac autrefois n’était guère exercé que par des voleurs et des mouchards… maintenant les prêtresses de Vénus Callipyge ont pour amants des jeunes gens de famille.

1837, Vidocq.

Le macque est le souteneur des filles de la plus basse classe. Presque toujours c’est un repris de justice.

Canler, 1863.

Une vieille maca : Entremetteuse, femme vieillie dans le vice.

1808, d’Hautel.

Maca

d’Hautel, 1808 : Une vieille Maca. Terme de mépris. Entremetteuse ; femme vieillie dans le vice et la débauche, et qui vit du commerce honteux de prostitution.

Delvau, 1864 : Maquerelle, entremetteuse, femme vieillie dans le vice.

Rigaud, 1881 : Maquerelle, proxénète. — Mère maca, macquecée, maîtresse d’une maison de tolérance. Maca suiffée, riche matrone.

France, 1907 : Tennancière de lupanar. Abréviation de maquerelle ou peut-être de macaque, guenon. On dit aussi maman-maca.

France, 1907 : Morgue. Abréviation de machabé.

Macabé

La Rue, 1894 : Cadavre.

Macabée, machabée

Rigaud, 1881 : Cadavre quelconque d’homme ou d’animal. Se disait autrefois plus particulièrement du cadavre d’un homme noyé ou de celui d’un animal.

Ce gros machabée, horrible pendu,
Sur la dalle froide, on vient de l’étendre ;
Il a les contours accrus d’un scaphandre,
Et de ses haillons le mur est tendu.

(Le Pavé, 1879.)

Macabées (case des)

Rigaud, 1881 : Cimetière. Mot à mot : maison des cadavres. — Le clou des macabées, la Morgue ; c’est-à-dire le Mont-de-Piété des cadavres, l’endroit où l’on met les cadavres en dépôt.

Macabre

Rigaud, 1881 : Mort. C’est une variante de machabée. — Viens-tu piger les macabres au musée des claqués ?

Boutmy, 1883 : s. m. Un mort. Ce mot paraît venir de ces danses macabres que les artistes du Moyen Âge peignaient sur les murs des cimetières. La Mort conduisait ces chœurs funèbres. On dit plus souvent Macchabée.

Macache

Delvau, 1866 : adj. Mauvais, détestable, — dans l’argot des ouvriers qui ont été troupiers en Algérie. On emploie ordinairement ce mot avec bono : Macache-bono. Ce n’est pas bon, cela ne vaut rien. Signifie aussi Zut !

Merlin, 1888 : Négation — de l’arabe.

France, 1907 : Non. Négation arabe rapportée par les troupes d’Afrique.

— Allons, les deux rosses, debout !…
— Pourquoi donc faut-y qu’on se lève ?
— Pour aller, reprit l’adjudant, casser la glace des abreuvoirs. Là-dessus, assez causé ; debout !…
— Debout à 3 heures du matin ? Ah ! macache !

(Georges Courteline)

On dit aussi macache bono.

Macadam

Delvau, 1866 : s. m. Boue épaisse et jaune due à l’ingénieur anglais Mac Adam.

Delvau, 1866 : s. f. Boisson sucrée qui ressemble un peu comme couleur à la boue des boulevards macadamisés.

Rigaud, 1881 : Vin blanc nouveau de Bergerac. Il présente l’aspect d’une boue liquide et jaunâtre. — Garçon ! deux macadams.

Rigaud, 1881 : Bière noire anglaise, porter.

Virmaître, 1894 : Accoster les hommes. L. L. On voit d’ici les filles faire le macadam qui est la chaussée des boulevards, pour raccrocher sans doute les omnibus, les fiacres et les becs de gaz. Macadam est le nom donné à un vin blanc épais, venant soi-disant de Montbazillac, qui est vendu par les mastroquets au moment des vendanges (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Vin blanc nouveau qui n’a pas fermenté.

France, 1907 : Vin blanc épais vendu par les cabaretiers à l’époque des vendanges.

Chez nous, c’est sous le noir et bas plafond d’un bouge que les voyous blafards, couleur tête de veau, font la vendange. Ils ont pour vin doux et nouveau le liquide appelé macadam, une boue jaunâtre fade.

(Jean Richepin, Le Pavé)

Macadam (faire le)

France, 1907 : Se promener sur le trottoir pour raccrocher les hommes. John Macadam est le nom de l’ingénieur écossais qui inventa ce système de pavage des rues fait avec des cailloux ou du granit concassé que l’on soumet ensuite, pour l’aplanir, à une forte pression à l’aide d’un rouleau.

Macadam (fleur de)

France, 1907 : Prostituée qui fait le trottoir. Général Macadam, le public. « Cette belle fille est entretenue par le général Macadam. »

Macadamiser

Delvau, 1866 : v. a. Empierrer les voies publiques d’après le système de Mac Adam.

Macahée

Rigaud, 1881 : Souteneur ; c’est un dérivé de mac.

Macaire

Larchey, 1865 : Malfaiteur audacieux, spirituellement cynique, affectant en toute occasion les manières d’un homme bien élevé. — Ce type étrange date, comme l’on sait, du drame de l’Auberge des Adrets ; il doit toute sa fortune à Frédérick-Lemaître qui, en créant le rôle de Macaire, a caractérisé pour toujours une classe particulière de criminels.

Ils se croyaient des Macaires et n’ont été que des filous.

Luchet.

Delvau, 1866 : s. m. Escroc ; agent d’affaires véreuses ; saltimbanque, — dans l’argot du peuple, qui a conservé le souvenir du type créé par Frédérick-Lemaître au théâtre et par Daumier au Charivari. On dit aussi Robert-Macaire.

Macaire (Robert)

France, 1907 : Type de la friponnerie audacieuse et cynique. C’est, avec Bertrand, de principal personnage du célèbre mélodrame en trois actes de Benjamin Antier, Saint-Amand et Paulvante, L’Auberge des Adrets, représenté à l’Ambigu-Comique en 1823. Frédérick-Lemaître, après l’insuccès de la première représentation, créa ce rôle qui le posa comme un artiste hors ligne.

Le nom de ce personnage, dit Lorédan Larchey, caractérise aujourd’hui toute une classe de la société.

 

Incapables de crimes aussi bien que de vertus, ils ont laissé de leurs poils aux buissons de la police correctionnelle, et c’est tout : leur basse histoire n’a pas même en toujours les honneurs du Bulletin des Tribunaux ; ils se croyaient des Macaires et n’ont été que des filous.

(Luchet)

Connais-tu le pays où fleurit l’or rangé ?
Le pays des beaux trucs et des bonnes affaires ;
Où de scrupules vains aucun cœur n’est chargé,
Où dans toute saison butinent les Macaires ;
Où rayonne et sourit, sous les yeux du syndic,
Dans un chahut constant un éternel trafic ?

Macairien

Rigaud, 1881 : Usé jusqu’à la corde, complètement déformé ; objet de toilette qui rappelle en partie le costume délabré de Robert-Macaire.

On y voit une troupe de malheureux couverts d’humides et boueux haillons, le chef orné de chapeaux macairiens.

(H. Berlioz, Les Grotesques de la musique)

France, 1907 : Individu possédant les aptitudes du Macaire. « Réputation macairienne », réputation de filou.

Macairisme

France, 1907 : Friponnerie cynique.

Macaque

France, 1907 : Femme vieille et laide ; de l’espagnol macaca, guenon.

Macaron

Larchey, 1865 : Dénonciation. — Du vieux mot maque : vente. V. Roquefort. — Un dénonciateur vous vend à la police.

Dans le nez toujours tu auras mes macarons et cabestans.

Vidocq.

Macaroner : Trahir.

Delvau, 1866 : s. m. Huissier, — dans l’argot des voyous. Traître, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Huissier. Allusion aux panonceaux qui figurent à la porte des huissiers. — Dénonciateur.

La Rue, 1894 : Huissier. Dénonciateur.

France, 1907 : Traître, dénonciateur ; argot des voleurs.

Dans le nez toujours tu auras
Macarons et cabestans.

(Commandements des voleurs)

Cet homme qui criait si fort contre ceux que les gens de sa sorte nomment des macarons s’est un des premiers mis à table.

(Mémoires de Vidocq)

France, 1907 : Huissier.

Macaron, dans le peuple, veut dire huissier ; dans l’argot des voleurs, il veut dire traître. Il est vrai qu’il n’y a pas grande différence entre les deux. Un voleur est traître en dénonçant ses complices : un huissier est traître vis-à-vis des malheureux.

(Ch. Virmaître)

Macaronage

La Rue, 1894 : Trahison.

France, 1907 : Dénonciation, trahison.

Macaroner

Bras-de-Fer, 1829 : Découvrir.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Agir en traître.

Virmaître, 1894 : Vient de macaron. Macaron dans le peuple veut dire huissier ; dans l’argot des voleurs, il veut dire traître. Il est vrai qu’il n’y a pas grande différence entre les deux. Un voleur est traître en dénonçant ses complices ; un huissier est traître vis-à-vis des malheureux (Argot des voleurs). N.

Macaroni

Merlin, 1888 : Corses ou Italiens. Par allusion à leur mets favori.

Fustier, 1889 : C’est ainsi que les gens de bourse désignent plaisamment dans leur jargon le fonds d’État italien.

Le Macaroni se cramponne ; il voudrait se fixer, ou, si vous aimez mieux, se figer au pair.

(Gil Blas, juin 1887.)

Le bourgeois commerçant ou boursicotier dit : Je prends ferme ; le macaroni se soutient ; les huiles fléchissent.

(Gazette de France, octobre 1886.)

Macaroni (le)

France, 1907 : La rente italienne.

Macaroniste

France, 1907 : Chanteur burlesque ; mot d’origine italienne.

… Avec nous, à la station de Clarens, s’était embarqué un quatuor de musiciens italiens, un mandoliniste, deux violons, et une femme portant une guitare. Comme il n’y a guère de basteau sans cette espèce d’orchestre, je n’avais pas pris garde à ces quatre macaronistes qui allaient sans doute nous miauler Santa-Lucia ou Funiculi.

(Jean Richepin)

Macaronnage

Rigaud, 1881 : Dénonciation d’un camarade.

Macaronner

Halbert, 1849 : Agir en traître.

Rigaud, 1881 : Dénoncer, trahir un camarade, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Dénoncer, trahir.

Macaronner, macaroniser (se)

Rigaud, 1881 : Se sauver, filer, — dans le même jargon ; allusion au macaroni qui, lui aussi, file à sa manière.

Maccabée

anon., 1907 : Cadavre.

Macchabée

Delvau, 1866 : s. m. Cadavre, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion, sans s’en douter, aux sept martyrs chrétiens. Mauvais macchabée. Mort de dernière classe, ou individu trop gros et trop grand qu’on est forcé de tasser, — dans l’argot des employés des pompes funèbres.

Boutmy, 1883 : s. m. Un mort. V. Macabre.

Virmaître, 1894 : Cadavre. Se dit plus particulièrement d’un noyé que les mariniers retirent de l’eau. Les croque-morts disent aussi du mort qu’ils vont enlever :
— Emballons vivement le macchabée, il fouette à en crever (Argot du peuple). V. Bouffi.

Hayard, 1907 : Cadavre, généralement de noyé.

Macédoine

Rigaud, 1881 : Combustible, en terme de chauffeur de chemin de fer.

Virmaître, 1894 : Combustible. L. L. Macédoine est une salade composée de toutes sortes de légumes ; on la nomme salade russe. Macédoine est également synonyme d’arlequin (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Salade russe. Elle est composée de toutes sortes de légumes ; c’est aussi un arlequin, composé de toutes sortes de viandes.

France, 1907 : Combustible ; allusion aux briquettes d’agglomérés où entrent quantité de matières. Argot des chemins de fer.

Macfarlane

France, 1907 : Pardessus sans manches avec un grand collet. Anglicisme.

Machabé

Rossignol, 1901 : Cadavre. Celui qui s’est noyé, s’est machabé.

Machabée

Larchey, 1865 : « On appelle machabée tout être, homme ou animal, qui est privé de vie, et que l’on rencontre flottant sur un cours d’eau ou échoué sur le rivage. » — Val. Dufour. — Machabée : Juif. — Allusion biblique.

France, 1907 : Sobriquet donné aux vignerons d’Issoudun qui ont assez de bien pour s’occuper toujours chez eux. L’emploi de ce sobriquet, dont le sens n’est pas déterminé, ne parait pas remonter plus loin que 1830.

France, 1907 : Juif.

France, 1907 : Cadavre, principalement cadavre de noyé. « Je ne vois d’autre origine à cette expression, dit Francisque Michel, que la lecture du chapitre XII du deuxième livre des Machabées, qui a encore lieu aux messes des morts ; ou plutôt c’est de là que sera venue la danse macabre, dont l’argot a conservé le souvenir. » Machabée, qu’on écrit à tort macchabée, vient simplement de l’arabe magbarah, cimetière, dont on a fait macabre. Machabée est donc une corruption de macabré.

J’avais beaucoup à m’occuper du repêchage des macchabées, comme disent les mariniers de la Seine dans leur argot sinistre. Je ne sais si jadis on payait moins le sauvetage d’un vivant que le repêchage d’un mort, comme le racontent les vieux bateliers, mais ce que je sais bien, c’est que pour toucher la prime, plus forte dans le département de la Seine que dans celui de Seine-et-Oise, j’ai vu des bateliers remonter jusqu’à Neuilly, ayant un cadavre à la remorque. Et je me vois encore sur la berge, obligé souvent de monter dans une barque pour procéder aux constatations, car un préjugé veut que les repêcheurs de cadavres ne les tirent jamais complètement du fleuve et leur laissent tout au moins les pieds dans l’eau. Pourquoi ? Personne ne l’a jamais su. Mais le préjugé persiste toujours.

(Mémoires de M. Goron)

Les sacristains et les abbés
Répètent des cantiques
Pour attirer les machabé’s
Dans leurs sacré’s boutiques.
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

(Aristide Bruant)

Ce mot a donné lieu à un certain nombre d’expressions macabres : case des machabées, cimetière ; clou des machabées, morgue ; mannequin à machabées, cercueil.

Machaber

France, 1907 : Tuer, faire un machabée.

Mache-fèves

France, 1907 : Bredouilleur.

Machedru

France, 1907 : Gourmand.

Mâcher

d’Hautel, 1808 : Une santé de papier mâché. Complexion foible, mauvais état de santé.
Mâcher de haut. Manger sans appétit ; pignocher.
Mâcher à vide. Soupirer après une succession ; n’avoir ni pain ni pâte.
Il ne sait que mâcher. Se dit d’un homme qui ne fait rien qui vaille, excepté à table.
De l’ouvrage tout mâché. Pour dire tout préparé, tout disposé.
Il faut lui mâcher les morceaux. C’est-à-dire, lui faire le plus difficile de la besogne.

Mâcher (ne pas le)

Larchey, 1865 : Parler franchement sans murmurer entre ses dents.

Quand j’ai lieu de vous en vouloir, Ah ! n’ayez pas peur que j’vous l’mâche !

De Longchamps, Ch., 1809.

Mâcher de haut

Delvau, 1866 : v. a. Manger sans appétit, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Manger sans faim.

Mâcher les morceaux

Delvau, 1866 : v. a. Préparer un travail, faire le plus difficile d’une besogne qu’un autre achèvera. Argot du peuple.

France, 1907 : Faire le plus difficile d’une besogne, pour la laisser achever à un autre.

Mâcher les mots

Delvau, 1866 : v. a. Choisir les expressions les plus chastes, les moins blessantes. Ne pas mâcher les mots à quelqu’un. Lui dire crûment ce qu’on a à lui dire.

Mâcher les mots (ne pas)

Virmaître, 1894 : Dire carrément à quelqu’un ce que l’on pense. Parler grossièrement : ainsi, dans le peuple, quand on dit merde à quelqu’un, on répond : mâche (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Parler ouvertement, dire sa façon de penser, suivre le précepte de Boileau, appeler un chat un chat ou celui de Victor Hugo :

Ô fils et frères, ô poètes,
Quand la chose est, dites le mot.

Quelqu’un, dans ce dîner de camarades où l’on ne mâchait pas les mots, détailla l’ironique bouffonnerie où après tant d’autres, avec sa grosse verve brutale, son observation à fleur de peau a esquissé une tranquille association d’adultère, un de ces partages de femme entre le mari et l’amant qu’admet peu à peu le monde, qui finit par perdre son apparence de faute secrète, de scandale, que légitiment et que cimentent des années d’attachement.

(Champaubert, Le Journal)

Mâcheur

d’Hautel, 1808 : C’est un grand mâcheur. Se dit trivialement d’un épicurien, d’un homme qui aime beaucoup les plaisirs de la table.

Machiavélisme

France, 1907 : Mot employé pour exprimer la mauvaise foi, l’astuce, la théorie du crime politique et de la tyrannie.
Cette opinion a été basée sur la réputation que des traditions contemporaines avaient faite à l’œuvre de Machiavel. En effet., dans son traité du Prince, l’illustre Florentin, en examinant ce qu’est une principauté, combien il y en a d’espèces, comment on les conserve et comment on les perd, enseigne que les mots de bonne foi, de justice, de clémence et d’humanité doivent être constamment dans la bouche des princes, mais qu’ils ne sont tenus de ne faire que ce qu’ils jugent nécessaire à la conservation de leur pouvoir.
Le prince a donc le droit de tromper, d’empoisonner, d’égorger, pourvu que tout se fasse habilement. Mais une lecture attentive montre que le livre de Machiavel est un avertissement pour les peuples. « J’ai, dit-il, enseigné aux princes à être tyrans, mais j’ai aussi enseigné aux peuples à détruire les tyrans. »

Machicadour

Merlin, 1888 : Se dit de quelqu’un ou d’un objet. Synonyme de chose, machin.

Machicot

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais joueur, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Mâchoire.

France, 1907 : Mauvais joueur.

Machicoulis

Rigaud, 1881 : Cachotterie ; subterfuge ; mot familier à mesdames les concierges qui prononcent généralement machecoulis.

Machiller

France, 1907 : Mâchonner, mâcher doucement, manger sans faim ; provincialisme.

Machin

Larchey, 1865 : L’homme ou la chose dont on ne peut se rappeler le nom. V. Chose.

M. Mâchin, pardon ! je ne me rappelle jamais votre nom.

H. Monnier, 1840.

Dans la Gabrielle d’E. Aubrier, l’avoué Chabrière prie sa femme de faire « un machin au fromage. »

Delvau, 1866 : s. m. Nom qu’on donne à une personne ou à une chose sur laquelle on ne peut mettre une étiquette exacte. On dit aussi Chose.

France, 1907 : Mot banal dont on se sert pour remplacer un nom dont on ne se souvient pas ; équivalent de Chose. « Eh ! dites donc, vous là-bas. Chose, Machin ? » C’est, suivant Nisard, le vieux mot meschin, jeune valet, ou moischin, jeune homme, dont le son s’est corrompu et le sens détourné. On l’applique aux choses comme aux gens.

Aujourd’hui, faut à ces d’moiselles
Des machins avec des dentelles
Et des vrais bijoux en vrai or.

(Aristide Bruant)

Machin ou machine

Delvau, 1864 : La nature de la femme, le membre viril, — dans le langage des gens pudibonds qui n’osent pas appeler les choses par leur nom.

Que mettras-tu dans mon con, en m’enfilant ? Mon machin.

H. Monnier.

Fiez-vous à ma cuisine,
Célibataires blasés,
Pour remonter la machine
Et flatter vos goûts usés.

L. Festeau.

Secrets appas, embonpoint et peau fine,
Fermes tétons et semblables ressorts,
Eurent bientôt fait jouer la machine.

La Fontaine.

Mais finis donc, imbécile !
Sacré nom de Dieu d’gredîn !
Si tu n’me laiss’s pas tranquille,
J’ vas pisser sur ton machin.

(Parnasse satyrique.)

Machin, machine

d’Hautel, 1808 : Mots insignifians et vulgaires, dont le premier n’est qu’un barbarisme du second ; le peuple en fait un fréquent usage, et les applique indistinctement aux personnes et aux choses dont les noms ne se présentent pas sur-le-champ à sa mémoire.
C’est Machin ou Machine qui a ce que vous demandez. Pour c’est tel ou telle.
C’est un machin. Pour c’est un objet, un ustensile quelconque, etc.
Prêtez moi votre machin ; voilà votre machin. Pour suppléer au nom de la chose que l’on demande ou que l’on rend.
C’est une vraie machine. Se dit d’un homme borné, sans intelligence auquel, comme on dit, il faut mettre les points sur les ii dans tout ce qu’on lui commande ; qui ne va que par routine, et ne fait rien de son propre mouvement.

Machina (deus ex)

France, 1907 : Littéralement, dieu au moyen d’une machine ; se disait autrefois d’un dieu quelconque que l’on faisait descendre sur la scène au moyen d’une machine, pour amener le dénouement d’une pièce compliquée, dénouement qui n’eût pu être fait naturellement. Maintenant le deus ex machina est le personnage qui vient trancher une situation.

A-t-on besoin d’un maître d’hôtel, d’un pur sang, de meubles curieux et anciens, pense-t-on à donner un bal, à organiser un cotillon, faire jouer la comédie, rêve-t-on, pris de lassitude, de se marier, de faire une fin, il tient le coup sans sourciller, il est le deus ex machina, qui sauve la situation.

(Colombine, Gil Blas)

Machine

Delvau, 1866 : s. f. Chose quelconque dont on ne peut trouver le nom, — dans l’argot des bourgeois, qui ne connaissent pas exactement la propriété des termes. Ainsi il n’est pas rare d’entendre l’un d’eux dire à un artiste, en parlant de son tableau : « Votre petite machine est très jolie. » Grande machine. Grande toile ou statue de grande dimension.

Rigaud, 1881 : Œuvre littéraire ou artistique. Grande machine, grand tableau, drame à grand spectacle.

France, 1907 : Production théâtrale. « Tartenpion est en train de monter une grande machine au Châtelet. »

À Nohant, George Sand venait de lire trois actes. L’auditoire semblait froid, hésitant : « Allons, s’écria l’illustre auteur, il faudra faire une autre machine », et elle jette le manuscrit an feu.

(E. Lemoine)

Machine à moulures

Rigaud, 1881 : Derrière.

Machine à voter

France, 1907 : Voir Député de buvette.

Mâchoire

d’Hautel, 1808 : C’est une mâchoire, une vieille mâchoire. Épithète injurieuse qui se dit d’une personne sans capacité dans un art ou un métier ; d’un ignorant, d’un sot.
Jouer des mâchoires. Manger avidement, faire honneur à la table.

Larchey, 1865 : Suranné. — V. Ganache.

L’on arrivait par la filière d’épithètes qui suivent : ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l’épithète la plus infamante, académicien et membre de l’Institut.

Th. Gautier, 1833.

Vieille Mâchoire : Personne sans capacité, ignorant, sot.

1808, d’Hautel.

Delvau, 1866 : s. f. Imbécile, — dans l’argot du peuple, qui sait avec quelle arme Samson assomma tant de Philistins. Signifie aussi : Suranné, Classique, — dans l’argot des romantiques, — ainsi que cela résulte d’un passage des Jeune France de Théophile Gautier, qu’il faut citer pour l’édification des races futures : « L’on arrivait par la filière d’épithètes qui suivent : ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l’épithète la plus infamante, académicien et membre de l’Institut. »

Mâchoire (vieille)

Rigaud, 1881 : Personne à idées arriérées. L’expression était très usitée en 1830, au beau temps de l’École romantique.

France, 1907 : Imbécile, encroûté, ignorant, synonyme de ganache, de vieille barbe et autres épithètes dont les jeunes gens gratifient ceux dont ils ne partagent pas les idées et qui les ont précédés dans les luttes de la vie.

L’on arrivait par la filière d’épithètes qui suivent : ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire, ganache, au dernier degré de décrépitude, à l’épithète la plus infamante, académicien et membre de l’institut.

(Théophile Gautier)

Mâchonner

d’Hautel, 1808 : Au propre, mâcher avec difficulté ; au figuré, murmurer, marmonner, parler entre ses dents.

Delvau, 1866 : v. n. Parler à voix basse ; murmurer, maugréer.

Mâchouiller

France, 1907 : Mâcher lentement : provincialisme.

Machurat

d’Hautel, 1808 : Nom injurieux qu’on donne généralement à un mauvais ouvrier.

Machurer

d’Hautel, 1808 : Bousiller, faire de mauvaise besogne ; il signifie aussi barbouiller, noircir.

Delvau, 1866 : v. a. Barbouiller, noircir.

Mackintosh

France, 1907 : Sorte de pardessus importé d’Angleterre.

Ce fut un terrible dimanche. La sortie de la messe avait été lugubre, toute de mackintosh et de capuchons rabattus sous la pluie ; par la rafale et par l’ondée, Old England avait triomphé une fois de plus dans le faste attristant dés pardessus caoutchoutés et des tartans écossais.

(Jean Lorrain)

Maçon

Rigaud, 1881 : Pain de quatre livres, — dans le jargon des voyous. — C’est une rareté que de ne pas rencontrer, le matin vers neuf heures, un maçon sans un énorme pain sous le bras.

Maçon de pratique

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier en bâtiment, — dans l’argot des francs-maçons.

Maçon de théorie

Delvau, 1866 : s. m. Franc-maçon.

Macquart (chair à)

France, 1907 : Viande d’équarrisseur. Voir Bifteck.

Patrons ! tas d’Héliogabales !
D’effroi saisis,
Quand vous tomberez sous nos balles,
Chair à fusils,
Pour que chaque chien, sur vos trognes,
Pisse, à l’écart,
Nous leur laisserons vos charognes,
Chair à Macquart !

(Jules Jouy)

Ça t’étonn’ ?… ben, vrai, tu m’épates ;
C’est la vi’… faut porter l’licou
Tant qu’on tient un peu su’ ses pattes
Et tant qu’on peut en foute un coup,
Et pis après c’est la grand’ sorgue,
Toi, tu t’en iras chez Macquart,
Moi, j’irai p’têt ben à la Morgue,
Ou ben ailleurs… ou ben aut’ part.

(Aristide Bruant)

Macrotage

Rigaud, 1881 : Métier du souteneur.

Macrotage, maquereautage

France, 1907 : Situation d’un individu qui vit aux frais d’une femme. Singulière anomalie, le voyou de barrière qui vit aux frais de sa marmite est considéré comme le dernier des hommes, et l’homme de salon qui vit aux frais de sa femme est salué avec tontes les marques de la plus haute considération.

Macroter

Rigaud, 1881 : Faire le métier de souteneur. Macroter une affaire, être l’intermédiaire dans une affaire louche, malpropre, comme un prêt usuraire, une combinaison financière à l’adresse des gogos.

France, 1907 : Vivre aux dépens d’une femme.

Macrotin

Delvau, 1864 : Apprenti maquereau ; voyou qui se fait la main avec les petites gourgandines dont il vide les poches sans le moindre scrupule, en attendant qu’il puisse exercer sur une plus grande échelle, avec de plus grandes allés.

Oui, c’est un métier commode
Et qui devient à la mode :
Mao, macrotin…
Vive le macrotin !

L. de Neuville.

Rigaud, 1881 : Apprenti souteneur ; souteneur surnuméraire.

Virmaître, 1894 : Petit maquereau d’occasion qui glane par-ci par-là quelques sous, en attendant qu’il soit assez fort pour avoir une marmite à lui seul. Le petit macrotin commence généralement à être raton et pégriot (Argot des souteneurs). N.

Hayard, 1907 : Jeune souteneur.

France, 1907 : Jeune maquereau, ou simplement maquereau.

L’homme. — Chameau !… Vieille dégoutation !… Et le plus chouette, c’est que c’est elle qui est saoule, justement !
La femme. — Moi ?… Eh ben ! t’en as une santé !
L’homme. — Tu parles s’y faut qu’jen aye une, pour rester de là, collé depuis près de trente berges avec une vieille peau pareille !…
La femme. humiliée, — Vieux macrotin !
L’homme — Comment qu’t’as dit ?
La femme. — Vieux macrotin !
L’homme. — Répète un peu !… Je te refile un marron par le blair, tu verras si c’est d’l’eau d’savon.
La femme. — Vieux macrotin !…

(Georges Courteline)

Maculature (attraper une)

Rigaud, 1881 : Se griser, — dans le jargon des ouvriers pressiers.

France, 1907 : S’enivrer. Les synonymes sont nombreux, ce qui indique la fréquence du vice. En voici les principaux : s’allumer, se cingler le blair, se cardinaliser, se coller une biture, se coaguler, se culotter, s’empoivrer, s’empaffer, écraser un grain, s’émerillonner, s’émécher, s’enluminer, se flanquer une culotte, faire cracher ses soupapes, se farder, se foncer, mettre son nez dans le bleu, partir pour la gloire, se poisser, se pocharder, prendre une barbe, se piquer le nez, se piquer le tasseau, se schniquer, se tuiler, etc.

Madame

d’Hautel, 1808 : Elle fait la madame. Se dit d’une parvenue qui se dorlotte et se donne des airs de duchesse.
Maintenant c’est une grosse madame. Se dit par raillerie en parlant d’une femme qui n’a pas toujours été dans une bonne condition.
Jouer à la Madame. Se dit des petites filles qui contrefont en jouant les manières des femmes ; se font des complimens, et se visitent entr’elles.

Delvau, 1864 : Nom que les filles d’un bordel donnent à leur abbesse, pour laquelle elles ont le respect qu’elles n’auront jamais pour la vertu.

Ce sont nos petits bénéfices, à nous, pauvres filles… Madame nous prend tout et ne nous laisse rien.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : Nom que les filles de maison donnent à leur maîtresse, — à l’abbesse.

Delvau, 1866 : s. f. Dame, — dans l’argot des petites filles. Jouer à la Madame. Contrefaire les mines, les allures des grandes personnes.

Rigaud, 1881 : Nom que les filles de maison donnent à la maîtresse de l’établissement.

Madame, la grasse et bedonnante Madame.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

Madame à ses vapeurs

France, 1907 : Les vapeurs sont une maladie imaginaire non seulement des femmes, mais aussi des hommes. Elle fit fureur au XVIIe et au XVIIIe siècle, et il était de bon ton de l’avoir de temps en temps. Nos coquettes en ont conservé l’usage.
« C’est un mal qui attaque beaucoup de gens », disait Molière. Un jour, le célèbre docteur Falconnet fut mandé près d’une dame atteinte de vapeurs : « Ce qu’il y a de plus extraordinaire, dit-elle, c’est que je mange, bois et dors très bien. — Oh ! laissez faire, dit Falconnet, je vous donnerai des médecines qui vous ôteront tout cela. »
Le meilleur remède aujourd’hui pour une dame qui a ses vapeurs ou ses nerfs est de lui jeter un verre d’eau au visage. Elle est radicalement et pour toujours guérie.

Madame Canivet

Rigaud, 1881 : Femme qui fait mettre tout sens dessus dessous dans un magasin de nouveautés et s’en va sans rien acheter.

France, 1907 : Cliente qui fait déballer une quantité de marchandises et part sans rien acheter.

Madame Cardinal

France, 1907 : Mère d’actrice, femme qui trafique des charmes de sa fille, qui la lance dans la prostitution. Ce nom est tiré d’une pièce d’Halévy.

Durant seize ans, cette femme a caressé, dorloté, élevé, instruit sa lignée ; puis, quand l’enfant est devenue une belle fille désirable, taillable et corvéable, la mère pare cette chair fraîche et pure, l’oint et la parfume et l’accompagne fièrement au seuil de l’alcôve où attend quelque pourceau doré. « Travaille bien, ma fille, dit Madame Cardinal, fais ton chemin ; travailler, c’est prier. »

(Henry Bauer)

Madame la Ressource

Delvau, 1866 : s. f. Marchande à la toilette ; revendeuse.

Rigaud, 1881 : Revendeuse à la toilette.

Virmaître, 1894 : La marchande à la toilette, la brocanteuse, le mont-de-piété (ma tante), tous ces rongeurs sont madame la Ressource pour les pauvres gens qui vendent ou engagent leurs dernières nippes (Argot du peuple).

France, 1907 : Marchande à la toilette, brocanteuse.

Pauvres filles ! elles ont commencé à la lueur du gaz, dans les cafés du boulevard, coiffées de chapeaux à panaches et vêtues de robes à traîne, décrochées chez Madame La Ressource.
Où finissent-elles ? Je l’ignore. Un soir, comme au temps où elles guettaient les hommes, elles se perdent dans la nuit, et un matin la police les ramasse, non plus pour les conduire au poste, mais pour les jeter à la fosse commune !

(Louis Davyl)

Madame la rue (aller voir)

Rigaud, 1881 : Aller travailler, — dans le jargon des chiffonniers, pour qui la rue est l’atelier.

Madame Manicon

Rigaud, 1881 : Sobriquet qu’on donnait aux sages-femmes au XVIIIe siècle. (Le Roux, Dict. comique.)

Madame Tiremonde

Delvau, 1866 : s. f. Sage-femme, — dans l’argot des faubouriens. Les voyous disent Madame Tirepousse. Au XVIe siècle, on disait Madame du guichet et Portière du petit guichet.

Madame Tiremonde ou Tirepousse

France, 1907 : Sage-femme.

Madame Véto

Delvau, 1866 : Marie-Antoinette. On connaît la chanson ;

Madam’ Véto s’était promis
De faire égorger tout Paris ;
Mais son coup a manqué,
Grâce à nos canonniers !
Dansons la carmagnole,
Vive le son
Du canon !

Madeleine (faire suer la)

Rigaud, 1881 : Faire travailler son argent sur le tapis vert ; avoir de la peine à gagner en trichant, — dans le jargon des grecs.

Madelon

France, 1907 : Fille de mœurs légères. Abréviation de Madeleine.

J’ai mon chapeau de Madelon,
Dont on m’appelle Madeleine,
Ou le plus souvent nous allons
Gaudir en toute joie mondaine.

(Jean-Michel de Beauvais, 1542)

Mademoiselle

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Homme dont les goûts sont antiphysiques.

Mademoiselle du Bitume

Virmaître, 1894 : Péripatéticienne qui foule le bitume du matin au soir. Le bitume, c’est son atelier, sou champ de manœuvres, elle y règne en souveraine, elle l’a conquis à la pointe de ses bottines (Argot du peuple).

France, 1907 : Fille publique plus à plaindre qu’à blâmer.

Mademoiselle du pont neuf

Virmaître, 1894 : Fille publique. L’allusion est typique. Comme sur le Pont-neuf tout le monde y passe librement, avec cette différence toutefois que le pont est à péage (Argot du peuple). N.

Mademoiselle du Pont-Neuf

France, 1907 : Même sens que Mademoiselle du Bitume.

Comme sur le Pont-Neuf, dit Charles Virmaître, tout le monde y passe librement, avec cette différence toutefois que le pont est à péage.

Mademoiselle Manette

Delvau, 1866 : s. f. Malle.

France, 1907 : Porte-manteau, malle. Jeu de mot sur manne, malle.

Madine oui ! Madine non !

France, 1907 : Exclamations employées dans les départements du Centre pour Mon Dieu oui ! Mon Dieu non !

Madrice

Delvau, 1866 : s. f. Finesse, habileté, madrerie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Malice. — Madrin, madrine, malin, maligne. La langue régulière a « madré » dans le même sens.

La Rue, 1894 : Malice.

Virmaître, 1894 : Finesse. Vient de madré.
— Il a roulé le palpeur, il est rien madrice, le gonce (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Ruse, malice.

France, 1907 : Finesse, ruse. « Il a de la madrice. » De madré, rusé.

Faiseur, va-t’en à la marmite
D’temps en temps faire une visite ;
Bidonne tes bons camaros,
C’est un truc des plus rigolos,
« C’est un zig, dira la police,
Très bath et rempli de madrice… »

(Hogier-Grison)

Madrin

Delvau, 1866 : adj. et s. Habile, fin, madré.

France, 1907 : Rusé ; argot des voleurs.

Madrouillage

France, 1907 : Faute, bévue ; argot des voleurs.

Mafflu

Delvau, 1866 : adj. et s. Qui a une face large, épanouie, — dans l’argot du peuple. Grosse mafflue. Grosse commère. On dit aussi grasse maffrée et grosse mafflée.

Maflée

d’Hautel, 1808 : Une grosse maflée. Terme railleur pour dire femme ou fille joufflue, d’un embonpoint rustique.

Magasin

Fustier, 1889 : Trottoir, dans le jargon des filles et de leurs souteneurs.

C’est là (dans un cabaret) que les macs vont régler leurs affaires avec leurs marmites lorsqu’elles arrivent du magasin.

(Courrier Français, nov. 1888.)

Magasin de blanc

Delvau, 1864 : Bordel — où l’on dépose en effet des quantités considérables de sperme.

La Rue, 1894 : Prostibulum.

Virmaître, 1894 : Maison de tolérance. Il est assez difficile d’expliquer le pourquoi de cette expression ; elle vient sans doute de ce que dans le peuple, tous ceux qui vivent de la femme sont des mangeurs de blanc. La maquerelle est dans ce cas (Argot du peuple). N.

Magasin de blanc ou de fesses

France, 1907 : Maison de prostitution.

La belle Victoire, après une vie de bâtons de chaise, ayant hérité d’une vieille tante dévote, se mit à tenir un magasin de fesses dans un quartier discret fréquenté par de pieux personnages.

(Les Propos du Commandeur)

Magistrat

d’Hautel, 1808 : Un magistrat à la galoche. Sobriquet que l’on donne aux petits garçons qui polissonnent et jouent dans les rues.

Magistratmuche

France, 1907 : Magistrature.

Magnan

France, 1907 : Sorte d’économe chargé de la nourriture à l’École polytechnique.

Pourquoi l’appelle-t-on Magnan ? N’est-ce pas dans une magnanerie qu’on élève les vers à soie ? Le magnan est donc à juste titre celui qui nourrit les cocons… C’est le magnan qui préside à l’achat des vivres. C’est lui que l’on acclame quand le menu est satisfaisant ; c’est lui qu’on charge d’imprécations quand le ragoût n’a que des os. Oh ! Alors, quatre cents voix demandent sa tête, voire même sa hure !

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Magnanière

France, 1907 : Manière.

Magne

France, 1907 : Affectation, manières. Faire des magnes, prendre des airs.

Mais la partie où l’on s’gondole,
Qu’est la plus chic et la plus drôle,
C’est un bon flambe à l’étouffoir ;
Pour le meg, c’est un assommoir !
On lui fait le neuf de campagne,
Changement, duss, coup d’ongle et magne ;
Il se tir’ final’ment chambré,
Sans bonnir à l’autorité !…

(Conseils d’un vieux cagout aux jeunes volaillons, recueillis par Hogier-Grison)

Magnée

France, 1907 : Prostituée.

Magner (se)

France, 1907 : Se dépêcher.

Magnes

Rigaud, 1881 : Manières, embarras. — Faire des magnes. — As-tu fini tes magnes ?

Virmaître, 1894 : Abréviation de manières. Magne est ici pour façon.
— Ne fais donc pas tant de magnes, il faut y aller carrément.
— Tu fais des magnes ma vieille, ça ne prend pas (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Manières.

Hayard, 1907 : Manière.

Magnette

France, 1907 : Nom. Magnette blague, faux nom.

Magneuse

Delvau, 1866 : s. f. « Femme oui se déprave avec des individus de son sexe, » dit M. Francisque Michel, qui va bien loin chercher l’étymologie de ce mot, — dans lequel il veut voir une allusion malveillante à une communauté religieuse, tandis qu’il l’a sous la main, cette étymologie.

France, 1907 : Lesbienne. Voir Manieuse.

Magneuse, manieuse, magnuce

Rigaud, 1881 : Dévergondée qui éprouve un penchant honteux pour les autres femmes.

Magni magnie, magnien, magnin

France, 1907 : Termes injurieux, variant suivant les provinces, donnés aux auvergnats, ramoneurs, chaudronniers ambulants ; de l’italien magnano, serrurier.

Mon cœur à besoin d’une flamme,
Il est sec, car je ne sais rien,
Rien de la femme,
Vivre ainsi, c’est vivre en magnin.

(Alfred Marquiset)

Magnifique

d’Hautel, 1808 : C’est magnifique et pas cher. Se dit par ironie d’une chose pour laquelle on a conçu de l’aversion, du mépris.

Magnoter

d’Hautel, 1808 : Pour dire, manier souvent quelque chose ; caresser quelqu’un ; le flatter, le cajoler avec les mains, et quelquefois avec indiscrétion.

Magnuce

La Rue, 1894 : Voir Gougnotte.

Magnum

Fustier, 1889 : Bouteille de capacité plus qu’ordinaire. Argot de restaurant.

Quelques-uns des prix méritent d’être cités. Ce sont d’abord six bouteilles de Château-Lafitte, 1865 — de ces doubles bouteilles qu’en style de sommelier on appelle des magnum…

(Lanterne, décembre 1884.)

Magnusse, magnuce

France, 1907 : Lesbienne. On dit aussi manieuse ou magneuse. Voir Gougnotte.

Magot

d’Hautel, 1808 : Bourse, amas d’argent caché, coffre fort d’un avare.
Trouver un bon magot. Mettre la main sur une grosse succession. Hériter de beaucoup d’argent comptant.

d’Hautel, 1808 : Un magot de la Chine. On nomme ainsi par dérision un homme petit, laid et difforme. On dit dans le même sens un vilain magot.

Delvau, 1866 : s. m. Homme laid comme un singe ou grotesque comme une figurine chinoise en pierre ollaire.

Delvau, 1866 : s. m. Économies, argent caché, — dans l’argot du peuple. Manger son magot. Dépenser l’argent amassé.

Rigaud, 1881 : Tabatière en bouleau, tabatière dite « queue de rat », — dans le jargon du peuple.

Rigaud, 1881 : Argent économisé. L’ancien magot se mettait — les paysans le mettent encore — dans un vieux bas ; de là, le nom de magot, bourse grotesque.

France, 1907 : Argent caché.

Tel pasteur qui a de nombreux catéchumènes riches se fait de fort jolies annuités grâce aux seuls rendements de son instruction religieuse.
Une grande dame, mère d’une demi-douzaine de filles et de deux garçons, donnait à la communion de chacun de ses enfants des cigares de cinq sous roulés dans des billets de mille francs.
D’autres, au cours de leur visite, se bornent à glisser leur offrande soit dans un coffret, soit dans un vase ; quelquefois tout drôlement sur la cheminée.
Après le départ des visiteurs, le pasteur, suivi de sa femme effarée et de ses enfants, furète anxieux dans les moindres petits recoins et dans tous les objets en évidence pour découvrir le magot !…

(Jean Dalvy, Protestante)

Dans le temps les vieux faisaient leur magot,
Petit à petit dans le bas de laine ;
Mettant de côté chacun s’en écot,
Dans le temps les vieux faisaient leur magot,
Ils avaient parfois la marmite pleine ;
Maintenant on jeûne, on meurt à la peine
Sans laisser de quoi pour payer l’impôt.

(L. Chevreuil)

Mahomet

Fustier, 1889 : Petit sac de cuir que les forçats portent suspendu sur la poitrine, entre la peau et la chemise et qui leur sert à enfermer leurs économies.

(V. Humbert : Mon bagne.)

France, 1907 : Touffe de cheveux que les Arabes gardent sur l’occiput et par où l’ange Azraël doit les saisir pour les porter au pied du trône d’Allah. C’est par là aussi qu’ils se saisissent entre eux pour se couper plus aisément la tête.

Maigre

d’Hautel, 1808 : Il trotte comme un chat maigre. Se dit d’un homme qui marche fort vite, qui va toujours courant.
Il est chargé de maigre. Se dit par raillerie d’un homme étique et desséché.
Maigre comme un hareng-saure ; comme un squelette. Comparaisons inciviles, pour dire qu’une personne est très-maigre. On dit aussi : C’est une maigre échine.

Maigre (du) !

Delvau, 1866 : interj. Silence ! — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Silence ! — dans le jargon des voleurs.

On aime une femme, on se sacrifie pour elle, puis il vient un jour où la femme vous dit : Oh ! du maigre ! va t’asseoir sur le bouchon, tu me gênes !

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

La Rue, 1894 : Interjection : Silence !

France, 1907 : Attention ! Argot des voleurs.

En vain se démanche-t-il à faire le signe qui doit le sauver : Du maigre ! du maigre ! crie-t-il à tue-tête.

(Mémoires de Vidocq)

Maigre comme un cent de clous

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement maigre. On dit aussi Maigre comme un coucou, et Maigre comme un hareng sauret.

Rigaud, 1881 : Excessivement maigre. Les variantes sont : Maigre comme un coucou, maigre comme un hareng saur.

Maigrelet

d’Hautel, 1808 : Diminutif de Maigre. De fort petite complexion.

Maigrement

d’Hautel, 1808 : Payer un ouvrage maigrement. Pour dire, en payer à peine les dépenses ; ne laisser qu’un très-mince bénéfice à faire à son entrepreneur.

Maigret, maigrette

d’Hautel, 1808 : Un petit maigret, une petite maigrette. Se dit par dérision, de personnes fluettes et maigres.

Mail

d’Hautel, 1808 : Espèce de marché à Paris, où l’on vend des pommes.
Vas-t’en au mail, tu auras une pomme rouge. Manière grossière de refuser à une demande, d’envoyer promener celui qui la fait.

Mail-coach

France, 1907 : Voiture attelée à quatre chevaux de piste à grandes guides. Anglicisme.

Les sonneurs du temps n’ayant pas de mail-coachs pour y accrocher ces monuments encombrants, on se préoccupa de les réduire et c’est vers le XVe siècle qu’on eut l’idée de replier les tubes les uns sur les autres de manière à diminuer le volume sans atténuer le son. Les cors d’harmonie, trompettes et clairons étaient nés.

(Jean Frollo)

Et les fouets claquent et les cris redoublent, et s’en vont roulant les berlines et mail-coachs, les coucous, les voitures de déménagement, les omnibus hors d’usage, tout cela sonnant la ferraille et les grelots…

(F. Laffon, Le Monde des courses)

Maillache

France, 1907 : Treillis en fil de fer formé de mailles.

Maillard (fermer)

France, 1907 : Dormir. Fermeture Maillard, sommeil. Être terrassé par Maillard, tomber de sommeil. Allusion à un industriel de ce nom, inventeur d’une espèce de volet.

Maille

d’Hautel, 1808 : Compter à sou, maille et denier. Être très-près regardant.
Il sait à sou, maille et denier, ce qui lui revient dans cette affaire. Se dit d’un homme minutieux, qui est très-éclairé sur ses propres intérêts.
N’avoir ni sou ni maille. Être dénué d’argent.
Un pince-maille. Tire-liard, homme fort avare, très-intéressé.
Elle vaut mieux écu qu’elle ne valoit maille. Se dit de quelque chose que l’on a amélioré.
Avoir maille à partir. Pour, avoir querelle, dispute, contestation avec quelqu’un.
Maille à maille. Pour, l’un après l’autre.

Maille à maille se fait l’auberjon

France, 1907 : L’auberjon est une ancienne armure qui se faisait de la même manière qu’on a fait depuis les cottes de mailles. Le travail était long et difficile, aussi a-t-il donné lieu à ce dicton pour indiquer qu’il n’y a rien dont, avec de la patience et du temps, on ne puisse venir à bout.

Maille à partir (avoir)

France, 1907 : Avoir un démêlé avec quelqu’un. Partir (du latin partire) signifie partager, diviser, et était employé autrefois dans ce sens. Maille était une petite monnaie de billon, au-dessous du denier, de la valeur d’une obole environ et dont le nom servait et sert encore à exprimer une chose de très mince valeur : n’avoir ni sou ni maille.

Ne laisser de sa bourse échapper une maille.

(Boileau)

Avoir maille à partir avec quelqu’un veut donc dire avoir une maille à partager, c’est-à-dire une chose infime, avoir des discussions, des différends, des tracasseries.
Il y a plusieurs autres expressions proverbiales sur le mot maille :
Faire la maille bonne,
garantir que le compte est juste, à une maille prés.
À sou, maille et denier, faire exactement un compte.
Je vaux aujourd’hui plus de sous qu’hier je ne valais de mailles.
Il y avait les mailles parisis et les mailles tournois.

Mailloché

France, 1907 : Timbré ; synonyme d’avoir reçu un coup de marteau.

Mailloche (il est)

Virmaître, 1894 : Synonyme d’avoir reçu un coup de marteau. On connaît la légende de Martin et Martine, de l’horloge de Cambrai, qui a donné naissance au dicton populaire pour qualifier un être déséquilibré :

— Il a passé à Cambrai, il a reçu un coup de marteau.

Mot à mot : il est timbré (Argot du peuple). N.

Maillocher

Rigaud, 1881 : Travailler, — dans le jargon des souteneurs, pour qui le travail est la surveillance exercée sur leurs maîtresses dans le but de les empêcher de perdre leur temps, parce que le temps c’est de l’argent.

La Rue, 1894 : Pour la prostituée, c’est travailler (de son métier) ; pour le souteneur c’est surveiller la marmite qui travaille.

Rossignol, 1901 : Travailler.

France, 1907 : Travailler.

France, 1907 : Surveiller une prostituée, la fouiller pour s’assurer qu’elle ne cache pas dans ses vêtements une partie de son gain. Argot des souteneurs.

Maillochons

Virmaître, 1894 : Les pieds. Allusion au bruit que font les pieds en marchant.
— Ils frappent le pavé, ce qui produit des coups de mailloche (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Les pieds Allusion au bruit qu’on fait en marchant.

Main

d’Hautel, 1808 : Il ne sait où mettre ses mains. Pour, il a l’air gauche et décontenancé ; il est dans un extrême embarras : se dit aussi pour exprimer que quelqu’un est dans l’ivresse du succès.
Faire quelque chose à deux mains trois cœurs. Pour dire, avec zèle et empressement ; de tout cœur.
Passez cela de main en main jusqu’au plus vilain. Se dit à dessein de plaisanter une personne dans les mains de laquelle doit rester l’objet que l’on fait passer.
Il a la main chaude. Pour dire que quelqu’un est en train de gagner au jeu.
Il est à deux mains. Se dit d’un homme propre à plusieurs emplois, ou que l’on occupe à différentes choses.
Il le surpasse haut la main. Pour, il le passe de beaucoup, il lui est bien supérieur.
Jeu de mains, jeu de vilains. Signifie qu’il n’y a que les gens mal élevés qui jouent à se frapper.
Fermez la main, et dites que vous ne tenez rien. Manière de dire à quelqu’un qu’on ne veut pas lui accorder ce qu’il demande.
Est-ce que tu as des mains de beurre. Se dit à une personne maladroite, qui laisse tomber tout ce qu’elle porte à la main.
Donner de la main à la main. C’est-à-dire mutuellement.
Il a toujours ses mains dans ses poches. Se dit d’un fainéant, d’un homme qui vit dans l’oisiveté.
Il a une belle main pour chanter et une belle voix pour écrire. Voyez Chanter et Écrire.
Il vaut mieux tendre la main que le coup. Pour il est moins déshonorant de demander l’aumône, que de s’exposer à être pendu en exerçant des vols et des brigandages.
Un homme de main. Pour dire, auquel on peut se fier pour l’exécution d’une chose difficile.
Faire la main. Pour faire des gains illicites et déshonnêtes.
L’argent lui fond dans les mains. Se dit d’un prodigue, d’un dissipateur.
Ils sont comme les deux doigts de la main. C’est-à-dire, inséparables ; ils vivent dans une grande familiarité.
Tous les doigts de la main ne se ressemblent pas. Signifie que dans la société, on rencontre des humeurs et des caractères différens.
Il faut regarder à ses mains plutôt qu’à ses pieds. Se dit d’un homme dont la probité est suspecte.
Il est Normand, il a les mains crochues. Parce qu’on prête beaucoup de finesse et d’habileté aux habitans de cette province, surtout dans leur manière de traiter. Il est certain que, quelque peu fondé que soit leur droit dans une affaire, ils ont l’adresse de la faire tourner toujours à leur avantage.
Il ne va jamais sans ses mains. Se dit d’un escroc, d’un fripon, d’un homme qui vit d’une industrie infâme.
De marchand à marchand, il n’y a que la main. Pour dire, qu’il suffit de toucher dans la main entre marchand, pour conclure un marché. Signifie aussi que le commerce égalise toutes les conditions.
Mettre le pain à la main de quelqu’un. L’assister dans la nécessité, ou lui ouvrir le chemin de la fortune.
Les mains lui démangent. Pour, il a envie de se battre ; il y a long-temps qu’il s’est battu.
Il a la main à la pâte. Pour, il est dans un emploi lucratif où il fait de bons profits.
Il faut aller bride en main dans cette affaire. Pour dire, prudemment, avec retenue.
Il a des mains de laine et des dents de fer. Se dit d’un homme nonchalant et paresseux, qui ne sait rien faire que boire et manger.
C’est un homme de sa main. Pour une de ses créatures.
Prenez cela de ma main. Pour, ayez confiance dans ce que je vous donne. Locution marchande, pour engager les chalands à acheter.
Jouer à la main chaude. Au propre, jouer au jeu de la main chaude ; au figuré, avoir les mains liées derrière le dos, comme le sont ordinairement les patiens que l’on conduit au supplice, et par allusion avec ce jeu. Voy. Chaude.
Mettre la main à la pâte. Se mêler des travaux les plus difficiles, des plus petits détails d’une affaire ; prendre part aux services domestiques ; se servir soi-même.
Il n’y va pas de main morte. Pour, il touche ferme ; il travaille avec ardeur.

Rigaud, 1881 : Série de coups gagnés, — dans le jargon des joueurs de baccarat et de lansquenet. — Avoir la main, tenir les cartes à son tour. — Prendre la main, prendre les cartes qu’un joueur quitte après un ou plusieurs coups de gain. — Passer sa main, ne pas prendre les cartes à son tour. — Passer la main, passer les cartes après un ou plusieurs coups gagnés. — Brûler la main, jeter au panier les cartes du talon, après avoir gagné, en banque, un certain nombre de coups.

Rigaud, 1881 : La totalité des cartes constituant une partie, soit au baccarat, soit au lansquenet. La main réglementaire est de quatre jeux de cinquante-deux cartes.

Main (acheter à la)

Fustier, 1889 : Acheter comptant.

Il joignait à ce commerce connu… les prêts usuraires à la petite semaine et la vente au bazar avec de gros bénéfices, d’objets fabriqués en salle et qu’il achetait à la main, bien au-dessous de leur valeur.

(Humbert : Mon bagne.)

Main chaude (jouer à la)

Larchey, 1865 : Être guillotiné. V. Raccourcir.

Rigaud, 1881 : Être guillotiné. Allusion à la position du patient.

France, 1907 : Être guillotiné. Allusion à la posture du condamné mis sur la bascule et dont les mains sont liées derrière le dos. Acheter à la main chaude, payer comptant.

Main experte (avoir la)

Delvau, 1864 : Savoir bien branler les hommes, chose difficile, en effet, et pour laquelle toute femme galante doit faire un apprentissage fort long et très minutieux, — manutieux, dirait Commerson.

J’ai les deux mains expertes,
Entrez dans mon boudoir.

A. Montémont.

Main légère (avoir la)

Delvau, 1864 : Se dit d’une femme versée dans l’art de la volupté, qui branle un homme avec une telle dextérité qu’il jouit sans savoir à quoi attribuer sa jouissance, à une bouche ou à une main.

Main me démange (la)

France, 1907 : Cette expression se met dans la bouche d’une personne qui a une violente démangeaison de corriger quelqu’un.

Mainesse

Rossignol, 1901 : Femme.

Mains courantes

Merlin, 1888 : Se dit plaisamment pour pieds ou souliers.

Rossignol, 1901 : Pieds. Des souliers sont aussi des mains courantes.

France, 1907 : Pieds, souliers, bottes. Étuis de mains courantes, chaussures.

Mains croches

Rossignol, 1901 : On désigne ainsi un voleur.

Mains de beurre

Delvau, 1866 : s. f. pl. Mains maladroites, qui laissent glisser ce qu’elles tiennent. Argot du peuple.

Mains nickelées

France, 1907 : Mains fermées, mains d’avare qui ne s’ouvrent pas facilement.

Les ladres invoquent encore un prétexte pour s’excuser d’avoir, comme on dit au faubourg, les mains nickelées. « Nous avons peur d’offenser, disent-ils, nous craignons qu’on ne nous refuse. » Qu’ils se rassurent !

(François Coppée)

Mains-courantes

Rigaud, 1881 : Souliers, — dans le jargon des ouvriers.

Maique

France, 1907 : Fille. Vieux mot.

Mais

d’Hautel, 1808 : Il a toujours des si et des mais à votre service. Pour, il trouve des obstacles dans tout ; à redire et contredire en toute chose.
On dit aussi, dans le sens opposé, il n’a ni si ni mais, pour, il est franc, ouvert, éloigné de toute-finesse.
N’en pouvoir mais ; je n’en puis mais. Pour, je n’y peux rien ; ce n’est pas ma faute.

Maison

d’Hautel, 1808 : Il est comme les enfans de bonne maison, à table jusqu’au menton. Se dit en plaisantant d’un homme très-petit, qui siège à une table fort élevée.
On le traitera en enfant de bonne maison. Pour on le châtiera d’importance, comme il le mérite.
Qui veut tenir nette sa maison, n’y mette ni femme, ni enfans, ni pigeons.
N’avoir ni maison ni butin.
N’avoir aucun héritage à espérer.
Charbonnier est maître en sa maison. Signifie que chacun est maître de vivre chez lui comme il lui plaît.
La maison du roi. Pour dire, prison, cachot, maison de justice.
Cette terre a été vendue par-dessus les maisons. Pour dire, excessivement chère.
C’est la maison du bon Dieu, on n’y boit ni on n’y mange. Se dit par raillerie d’une maison où l’on ne reçoit personne à manger.
Fait comme un brûleur de maisons. Se dit d’un homme mal vêtu, dont l’habillement est dans le plus grand désordre.
Quand on voit brûler la maison de son voisin, on a sujet d’avoir peur. Se dit à un homme qui présume qu’on va lui faire le même mal qu’on a fait à son voisin ou à son associé.

Maison (dame de)

France, 1907 : Maîtresse d’une maison de tolérance.

Maison (être en)

France, 1907 : Compter dans le personnel d’un lupanar.

— Not’ fille elle est ben placée à Paris.
— Elle est en condition ?
— Non, elle est en maison.

(Les Propos du Commandeur)

Si a veut pas s’faire eun’ raison,
Un matin j’y jambonne l’blaire,
Et pis après je m’fais la paire
Et j’prends eun’ gonzess’ en maison.

(Aristide Bruant)

Maison (femme de)

Rigaud, 1881 : Pensionnaire d’une maison autorisée. — Être en maison, appartenir à une maison autorisée, — dans le jargon des filles.

Maison (gens de)

Rigaud, 1881 : Messieurs et mesdames les domestiques. — Les gens de maison donnent une fois par an un très beau bal à la salle Valentino, ce qui leur procure l’occasion de singer, une fois par an, les belles manières de leurs maîtres.

Maison à gros numéro

Delvau, 1864 : C’est le Lupanar des anciens et le Bordel des modernes. Sur le premier étaient peintes les armes parlantes du dieu de Lampsaque — une pine gigantesque et ses deux agréments. Sur le second est peint un énorme numéro qui engage les passants libertins à y entrer.

C’est l’infecte maison ou l’effroi se promène,
L’auberge dont l’enseigne est un gros numéro.

A. Glatigny.

Maison à partie

Rigaud, 1881 : Maison de prostitution clandestine où certaines femmes du monde, certaines actrices en renom, vont faire concurrence aux filles des maisons autorisées.

Maison à parties

France, 1907 : Maison de jeu qui couvre une maison hospitalière. On y passe de la partie de cartes à la partie de dames, de l’as de trèfle à l’as de cœur ou de pique.

Un grand salon est ouvert à tous les amateurs ; on risque galamment quelques louis, et entre deux parties on passe à une autre variété d’exercice dans une chambre ad hoc. Quelques-unes de ces maisons, connues sous le nom de maisons à parties, sont le suprême du genre.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Maison à parties ou de passe

Delvau, 1864 : Maison particulière, d’apparence honnête, où les filles libres viennent tirer leurs coups avec les michés qu’elles ont levés en route.

Maison à Uzerche château en Limousin

France, 1907 : Uzerche est une petite ville de la Corrèze, actuellement chef-lieu de canton. Elle était fort importante autrefois et passait pour la seconde ville du bas Limousin. Située sur une colline escarpée au pied de laquelle coule le torrent de Vézère, on la disait presque imprenable, d’autant que chaque maison paraissait comme une petite citadelle, de là le dicton : Qui a maison à Uzerche a chasteau en Lymousin.

Maison de campagne

Merlin, 1888 : Tente du soldat, — par calembour.

France, 1907 : Prison.

Maison de Molière (la)

Delvau, 1866 : Le Théâtre-Français, — dans l’argot des sociétaires de ce théâtre, qui n’y exercent pas précisément l’hospitalité à la façon écossaise. Sous le premier Empire c’était le Temple du goût, et, sous la Restauration, le Temple de Thalie.

Maison de passe

France, 1907 : Maison où l’on accueille les personnes de différents sexes qui s’y donnent rendez-vous.

Un grand nombre de maisons de passe sont sous la coupe de la polie. Ce sont des maisons tolérées par l’administration, à qui elles rendent de fréquents services en dénonçant les prostituées inscrites qui viennent s’y cacher.

(Dr Jeannel)

Eh quoi ! une malheureuse que la faim, la misère poussent sur le trottoir est exposée, à chaque minute, à être ramassée dans une de ces rafles qui, de temps à autre, soulèvent de dégoût le cœur de Paris, et, dans ces lupanars autorisés, où la gargote du jour se transforme la nuit en maison de tolérance, à moins que ce ne soit — pis encore ! — en maison de passe, la police laisse, sous son œil bienveillant, avec la fameuse permission de 3 heures du matin, se pratiquer le marchandage de chair humaine le plus éhonté, le plus révoltant qui se puisse imaginer.

(La Nation)

Maison de société

Delvau, 1866 : s. f. Abbaye des S’offre-à-tous, — dans l’argot des bourgeois.

Maison de société ou à gros numéro

France, 1907 : Lupanar. Fille de maison, prostituée pensionnaire d’un lupanar. Maîtresse de maison, tenancière d’un lupanar.

Maison de tolérance

Delvau, 1864 : Bordel, que non-seulement la préfecture de police tolère, mais encore qu’elle autorise pour la satisfaction des besoins du public célibataire — et surtout marié.

Maison de verre

France, 1907 : Lieu de rendez-vous où les ébats des amoureux sont livrés, à leur insu, à la curiosité lascive de jeunes et vieux débauchés par d’imperceptibles lucarnes. Les messieurs sont appelés les voyeurs.

Quant à ses aventures anacréontiques, s’il faut ajouter foi à tout ce qu’on raconte, elles atteindraient un chiffre assez considérable pour le placer au nombre des jouisseurs les plus émérites et les plus effrénés ; mais il est à regretter, dit-on, qu’il ait quelquefois recherché ses favorites parmi les habituées des maisons de verre telles que celle de la rue Duphot, lesquelles servent de rendez-vous aux amours aussi faciles que libertines, et que tolère avec tant de complaisance la police des mœurs.

(Numa Gilly, Mes Dossiers)

Maison des hussards

France, 1907 : Nom donné, sous le second empire, à un repaire de pédérastes, à cause de la veste courte et de coupe militaire qu’ils portaient et à l’aide de laquelle ils attiraient les regards dans les lieux publics.

Maison hospitalière

France, 1907 : Mot employé par les gens le bon ton pour désigner un lupanar ou une maison de passe.

Un soir, après un diner copieux entre anciens camarades de collège, diner faussement cordial, où les hommes les plus graves, à force d’évocations enfantines, prennent des allures et des aspects de vieux gamins, — Combarailles, Citronnet et le gros Frédéric, avec deux ou trois copains encore, tous absolument gris, s’en furent achever la soirée dans une maison hospitalière des alentours de la Bibliothèque nationale.

(Maurice Montégut, Gil Blas)

Maison où l’on est libre

Rigaud, 1881 : Maison où une fille est libre de recevoir des visites à toute heure du jour et de la nuit sans encourir la moindre observation de la part du concierge, — dans le jargon des coryphées du trottoir.

Maisonnée

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, pour désigner : une famille qui demeure dans une même maison.

Delvau, 1866 : s. f. Les personnes, grandes et petites, qui composent une famille, — dans l’argot du peuple.

Maître

d’Hautel, 1808 : Il est maître de mettre les chiens à la porte, et lui le premier. Se dit d’un homme qui s’arroge des droits et une autorité que le véritable maître ne lui a point conférés.
Monsieur le maître. Nom flatteur que les artisans donnent aux gens de qualité qui les employent.
Tel maître, tel valet. Pour dire que les valets imitent leur maître. Ce proverbe se prend plus souvent en mauvaise part qu’en bonne.
Il faut être compagnon de sa femme, et maître de son cheval. Signifie qu’il faut traiter sa femme avec douceur, et son cheval avec sévérité.
Un maître Gonin. Un rusé, un finot, un homme peu délicat en affaires, qui ne cherche qu’à tromper ceux qui traitent avec lui.
Maître Aliboron. Entremetteur ; homme dénué de toutes connoissances, et qui veut faire l’entendu dans tout.
Maître fripon ; maître sot ; maître fou. Se dit par exagération, et pour donner plus de force à ces sortes d’épithètes.
Passer maître quelqu’un. Pour, dîner sans lui ; ne pas l’attendre.
Passer maître. Signifie aussi prendre une maîtrise ; et, figurément, surpasser celui dont on a pris des leçons.
Trouver son maître. Rencontrer quelqu’un plus fort, plus savant que soi.
C’est la cour du roi Pétaut, tout le monde y est maître. Se dit d’une maison mal tenue, où chacun y fait ce qu’il veut. Voy. Pétaut.

Maître chanteur

France, 1907 : Individu qui exploite les passions de certains autres sous la menace d’une dénonciation. Le prix de son silence est tarifé suivant la position sociale du coupable. Des gens très honorables ont dû passer par les exigences des maîtres chanteurs, de crainte du scandale.

Maître Gonin (un tour de)

France, 1907 :

Gardez-vous-en, c’est un maître Gonin ;
Vous en tenez, s’il tombe sous sa main,

dit La Fontaine.
Un maître Gonin était donc un fripon rusé, un adroit coquin. Cette expression, qui n’est plus guère usitée, remonterait à une espèce de charlatan du nom de Gonin que servait en qualité de magicien dans la domesticité de François Ier. En 1713, une sorte de roman anecdotique en deux volumes parut sous le titre : Les Tours de Maître Gonin. C’est une compilation d’anecdotes burlesques où le magicien de François Ier joue le rôle principal.

Maître Jacques

France, 1907 : Homme à tout faire, apte à tous travaux. Expression tirée de l’Avare de Molière, où le domestique du nom de maître Jacques est à la fois cocher, valet de chambre, cuisinier.

Dans mon escouade, sous prétexte que j’étais le plus jeune, où m’aurait volontiers donné le rôle de maitre Jacques. Aller chercher du bois, faire et entretenir le feu, faire la cuisine, — peu compliquée, il est vrai— balayer la chambre, etc. Je regimbais et de violentes querelles surgissaient entre moi et les autres, surtout avec le caporal, duquel on obtenait tout avec un petit verre.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Ah ! c’était un fameux sergent que maître Jacque !
Ses officiers l’avaient doté de ce surnom
Pour avoir, certain jour et dans certaine attaque,
Joué de tout un peu, fusil, sabre et canon.

(Paul Déroulède, Nouveaux Chants du soldat)

Maître Jacques ou contrecoup

Rossignol, 1901 : Contremaître.

Maître-autel

Delvau, 1864 : Le mont de Vénus, universel objet d’adoration de la part des fidèles qui y voient resplendir leur Dieu — ou plutôt leur déesse.

Elle est belle, ma Joséphine ! elle a un chouette maître-autel !… un riche tabernacle !…

Tisserand.

Maîtres chanteurs

Virmaître, 1894 : Individus qui font payer des imbéciles pour acheter leur silence. Il y en a de différentes catégories. Le maître chanteur financier qui fait chanter les sociétés financières. Le maître chanteur qui se sert d’un Jésus pour faire chanter l’homme à passions contre nature. Il y a des maîtres chanteurs dans toutes les classes de la société (Argot du peuple).

Maîtresse

Delvau, 1864 : Fille ou femme dont on est le maître, — quand on n’en est pas l’esclave battu, cocu et content ; épouse illégitime à laquelle on est plus fidèle qu’à l’épouse légitime, et qui se moque de vous tout autant que celle-ci ; la femelle du marlou.

Le maître de quelques-unes, c’est leur mari, espérons-le, pour l’honneur de la morale ; le maître d’un plus grand nombre, c’est leur caprice ; le maître de toutes, c’est leur luxe… Quant à l’amant, il n’en saurait être question ici… D’ailleurs, quand une femme a un amant, elle est sa maîtresse : ce n’est donc pas lui qui en est le maître.

H. de Pène.

Pour la femme, soyez bon !
Prouvez-lui votre tendresse !
C’est ce bougre de Léon
Qu’est l’amant de ma maîtresse.

G. Nadaud.

Et moi, nom d’un… quoi que j’ possède ?… Un pantalon, qu’ le commissaire m’a déjà fait dire qu’on voyait c’ que j’portais ; des gilets, j’en manque, j’en ai jamais éva avec toi : des bottes qui r’niflent, quand j’marche pas sûr ses tiges… Et j’ai une maîtresse.

H. Monnier.

Maîtresse de piano

Delvau, 1866 : s. f. Dame d’âge ou laide qui vient chaque matin chez les petites dames leur faire les cors, ou les cartes, ou leur correspondance amoureuse. Argot de Breda-Street.

Virmaître, 1894 : Professeur qui apprend aux cocottes illettrées le moyen de tirer des carottes par correspondance à leurs amants. En fait de musique elle coupe les cors et tire les cartes. Elle procure au besoin (Argot des filles).

France, 1907 : Entremetteuse qui, sous prétexte d’enseigner la musique, procure des jeunes filles aux vieux messieurs.

Major

Larchey, 1865 : « Le chirurgien, le tambour-major, le sergent-major, enfin le gros et inévitable major, sont dénommés indistinctement majors. »

L. Huart.

Delvau, 1866 : s. m. Chirurgien, — dans l’argot des soldats.

Rigaud, 1881 : Chirurgien militaire, — dans le jargon des troupiers.

Major de queue

France, 1907 : Le dernier d’une promotion à l’École polytechnique.

Major de table d’hôte

Delvau, 1866 : s. m. Escroc à moustaches grises et même blanches, à cheveux ras, à redingote boutonnée, à col carcan, à linge douteux, qui sert de protecteur aux tripots de la banlieue.

Rigaud, 1881 : Pseudo-militaire retraité dont l’emploi consiste à découper la volaille, dans une table d’hôte, et à tricher au jeu après dîner, quelquefois en attendant le dîner, quand les dupes abondent.

La Rue, 1894 : Escroc, ayant l’apparence d’un militaire retraité, qui pérore aux tables d’hôte et triche aux cartes après le dîner.

Virmaître, 1894 : Individu à tout faire, qui est maquereau à l’occasion. Le major a toutes les apparences d’un militaire en retraite ; il porte à la boutonnière une rosette multicolore d’ordres exotiques. Le major de table d’hôte est un rastaquouère de premier ordre (Argot du peuple et des filles).

France, 1907 : Ancien on pseudo-militaire qui préside aux tables d’hôte des tripots auxquelles son extérieur donne un certain air de respectabilité.

Un grand homme ne demeure pas toujours un grand homme, ni un événement un grand événement. Certain jour arrive où les forces que cet homme ou cet événement représentait à notre imagination, et par lesquelles il dominait notre existence, sont épuisées, de telle sorte que sa domination et son prestige cessent d’être réels. Dans l’ordre des faits, dans l’ordre intellectuel aussi, la Révolution française a cessé de nous faire sentir son impulsion, et, pareille à ces vieux héros polonais qui, après avoir étonné le pan-slavisme, ne furent plus, en changeant de milieu, que des majors de table d’hôte, elle doit se contenter d’occuper la place d’honneur dans les toasts des comices agricoles.

(Maurice Barbès)

Major de tête

France, 1907 : Élève de l’École polytechnique classé avec le numéro 1.

Majoritard

France, 1907 : Membre de la majorité de la Chambre. Individu qui se met toujours du côté du nombre, et, quand on tient le balai, du côté du manche.

Le czar Nicolas II, souverain maître de la Russie, vient de reconnaitre dans un ukase « le triste sort de ceux qui, plongés dans la misère, cherchent vainement un asile et un travail » ; ce maître après Dieu pense qu’il est urgent de venir en aide à des malheureux en leur procurant du travail. De telles réflexions devraient faire rougir de honte (s’ils pouvaient rougir !) nos gouvernants, ministres et députés majoritards, trop occupés à entretenir leur graisse pour se préoccuper de ceux qui meurent de faim, faute de trouver de l’ouvrage.

(Alphonse Argence, Le Monde nouveau, octobre 1895)

Majors

Rigaud, 1881 : Premiers élèves reçus à l’École Polytechnique. — Major de queue, dernier élève reçu à l’École.

Mal

d’Hautel, 1808 : Le mal de l’un ne guérit pas celui de l’autre. Signifie qu’ici-bas, les chagrins et les peines sont personnels, et que les plaintes ne délivrent personne du mal qu’il ressent.
C’est de l’onguent miton mitaine, qui ne fait ni bien ni mal. Se dit d’un remède sans efficacité.
Il n’est pas mal, pour mettre dans le canal. Voy. Canal.
Mal sur mal n’est pas santé. Se dit de plusieurs accidens qui arrivent coup sur coup.
Qui mal l’y veut, mal l’y torne. Signifie qu’il arrive souvent le mal que l’on souhaite aux autres.
Chacun sent son mal. Se dit lorsque quelqu’un ressent une peine secrète dont il ne veut pas faire connoître la cause.
Être mal à cheval. Pour dire, avoir des affaires dérangées, ruinées.
Aller de mal en pis. Signifie tomber journellement dans de plus grands embarras, dans de plus grands inconvéniens ; il se dit aussi d’un malade qui empire.
Mal d’autrui n’est qu’un songe. Voy. Autrui.

Mal (faire)

Larchey, 1865 : Faire pitié.

Qu’on vienne baiser son vainqueur — Comme tu me fais mal !

Gavarni.

Mal a gauche

France, 1907 : Maladroit ; jeu de mot.

Mal au genou (avoir)

France, 1907 : Être enceinte.

Mal au ventre

France, 1907 : Loterie des baraques foraines, dans l’argot des forains.

— Tu ne t’aperçois donc pas, répondit l’Avocat, que si Panpan ne touche pas à la table, il s’y appuie ? Avec sa hanche, il pousse une tringle glissée dans l’épaisseur du bois ; il pèse sur le pivot, l’arrête à volonté.
— C’est même pour cela, conclut Panpan, que la loterie s’appelle, entre nous, le mal au ventre.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Camaro de la petit’ pègre,
Tiens les bons trucs sur la lègre :
La Parfaite et le quarante-huit,
Le Mal au ventre et le Biscuit.
Du croquant fais une lessive,
Chope-lui cornant, douille et sive ;
Puis, si tu rebouinais l’arnac,
Défouraille, t’irais dans l’lac.

(Hogier-Grison)

Mal aux cheveux (avoir)

France, 1907 : Être indisposé au lendemain d’une débauche.

Mal aux pieds (avoir)

Merlin, 1888 : Être chaussé de guêtres de toile. Celles-ci mal ajustées, ont, en effet, l’apparence de linges, de bandages entourant les pieds.

Mal blanchi

Larchey, 1865 : Nègre.

Va donc ! mal blanchi, avec ta figure de réglisse.

Bourget.

Delvau, 1866 : s. et adj. Nègre, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Nègre. Une plaisanterie populaire très usitée consiste à dire à un nègre :
— Si on te conduit chez le commissaire, je ne te vois pas blanc (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui a la peau noire.

Hayard, 1907 : Nègre.

France, 1907 : Sobriquet infamant donné aux députés et aux sénateurs compromis dans des affaires véreuses et avant bénéficié d’une ordonnance de non-lieu. Dans les tripotages du Panama, le nombre des mal blanchis fut considérable. On prétendit que, s’il avait fallu poursuivre, les trois quarts des députés et des sénateurs eussent été mis à Mazas.

Ce serait une injustice historique de méconnaître en Grévy un patron, un précurseur. Certes, avant lui, nous avions eu pas mal de députés et sénateurs pris en flagrant délit de vol ; c’est un risque professionnel ; mais il a créé un genre, le genre des non-lieu.
Comme l’honorable M. Schœlcher fut surnommé « le père des nègres », le peu honorable Grévy peut être dit « le père des mal blanchis ».

(Maurice Barrès, La Cocarde)

France, 1907 : Nègre.

Mal choisi

Delvau, 1866 : s. m. Académicien, — dans l’argot des faubouriens, qui ont parfois raison.

Mal de Naples

France, 1907 : Nom donné autrefois à la syphilis. On disait aussi mal italien, mal de Sicile.

Ce fléau d’Amérique, les Français l’ont d’abord appelé le mal italien : après l’entrevue de François Ier et de Henri VIII au camp du Drap d’or, les Anglais en firent le mal français. On ferait bien de l’appeler le mal philosophique, car il compte parmi ses victimes Pierre le Grand, Christian VII, Frédéric II, Joseph II, Léopold II, Louis XV, le duc d’Orleans-Égalité, le prince de Lamballe, le maréchal de Saxe, le duc d’Aiguillon, de Brienne, Amelot, le marquis d’Argens, le comte de Tilly, Mirabeau, soi-disant l’ami des hommes, Gentil-Bernard, La Harpe, Linguet et surtout Chamfort, qui en offrit le plus beau cas.

(Louis Nicolardot, Les Cours et les salons au dix-huitième siècle)

Mal de Sicile

France, 1907 : Syphilis. Voir Mal de Naples.

— Arrière, pendarde ! Tu n’auras ni les sous d’or, ni la montre de ma grand’tante. D’autant plus que je crois reconnaître en toi, sous ton habit d’Égyptienne, une de la rue Glatigny, qui mit en fort mauvais point, l’autre semaine, un cocquebin, mon courtaud de boutique, lequel avait voulu apprendre, la veille de ses noces, son office de mari : et non seulement la mariée en eut le mal de Sicile, mais les sept ou huit cousins, et autres gens, à qui elle avait promis la desserte du repas nuptial. C’est une famille qui a vraiment lieu de se plaindre.

(Catulle Mendès)

Mal de terre

France, 1907 : Épilepsie.

Mal des ardents

France, 1907 : Nom donné au moyen âge à la syphilis, qu’on appelait aussi mal ou feu sacré. « Il est certain que l’opinion publique, sans trop se rendre compte de ce que ce mal pouvait être, en attribuant l’invasion à un châtiment du ciel et la guérison à l’intercession de la Vierge et des saints. Ce furent sans doute les ecclésiastiques qui débaptisèrent le mal sacré pour lui imprimer, comme un sceau de honte, le nom de mal des ardents, que le peuple changea depuis en mal de Saint-Main et en feu Saint-Antoine, parce que ces deux saints avaient eu l’honneur de guérir ou de soulager beaucoup de maladies. Le pape Urbain II fonda, sous l’invocation de ce dernier saint, un ordre religieux dont les pères hospitaliers prenaient soin exclusivement des victimes du mal des ardents.

(Le Bibliophile Jacob, Recherches sur les maladies de Vénus)

Mal donne

Rossignol, 1901 : Dans un partage, celui qui ne croit pas avoir sa part dit : il y a mal donne, c’est à recommencer.

Mal embouché

Delvau, 1866 : adj. et s. Insolent, grossier, — dans l’argot du peuple.

Mal ficelé

Delvau, 1866 : s. m. Garde national de la banlieue, — dans l’argot des faubouriens.

Mal moulé

Rossignol, 1901 : Individu difforme.

Mal nommés

France, 1907 : « Nom que donnent par dérision les ouvriers aux pièces aux ouvriers en conscience. »

(Eug. Boutmy, Argot des typographes)

Mal ou feu Saint-Antoine

France, 1907 : L’un des noms de la syphilis au moyen âge. En raison des guérisons qu’on lui attribuait, saint Antoine était devenu le patron des lépreux et des syphilitiques. C’est pourquoi le porc, sujet à la lèpre et dont la chair est malsaine dans les pays chauds, devint son animal symbolique. « Que le feu Sainct-Antoine vous arde le boyau culier ! » disait-on au temps de Rabelais. Voir Mal des ardents, Mal des Naples.

Mal peignée

France, 1907 : Fille publique, appelée ainsi vers 1860, non parce que ces demoiselles ne se peignent pas, mais à cause de leur chevelure hérissée, de leur coiffure, dite à la chien.

Mal pensants (journaux)

France, 1907 : Feuilles publiques qui ne pensent pas comme vous. Les cléricaux emploient surtout cette expression pour les journaux républicains, quand ceux-ci racontent quelque fredaine des membres du clergé.

Les journaux mal pensants ne manquent jamais de relater ces esclandres. Aussi, pour que la quantité ne puisse en être connue, l’archevêque a autorisé les prêtres du diocèse à ne pas porter la soutane.

Mal pour le canal (pas)

Rigaud, 1881 : Se dit en parlant d’une femme laide, en observant un temps d’arrêt après le mot mal.

Mal rasés

Merlin, 1888 : Sapeurs.

Mal sacré

France, 1907 : Voir Mal des ardents.

Mal Saint-Avertin

France, 1907 : On appelait ainsi autrefois la folie furieuse dans laquelle entrent les alcooliques. Elle avait plusieurs degrés, dit Charles Nisard. Le premier indiquait un simple vice de caractère, comme par exemple celui qui se manifeste chez les personnes gâtées dans leur enfance, et qui s’emportent jusqu’à la fureur à la moindre contradiction. Le dernier degré était l’épilepsie.

Comme on traitait le mariage
D’une maligne et d’un malin,
Un des parents dit : C’est dommage,
Ils se battront soir et matin.
Lors dit un d’entre eux, le plus sage :
Il les faut mettre ensemble, afin
Qu’à tout le moins saint Avertin
Ne puisse troubler qu’un ménage.

(Des Accords des Touches)

Mal Saint-Fiacre

France, 1907 : Hémorroïdes.
« Le mal Saint-Fiacre la puisse prendre et la faire trotter ! » dit un vieux dicton, mauvais souhait adressé aux femmes acariâtres, car l’on sait que ce mal fort déplaisant vient de l’âcreté des humeurs.
Fleury de Bellingen cite à ce sujet les six vers burlesques suivants :

Grand bien fait ce mal de Saint-Fiacre,
Qui veut dire autant que fiacre,
Quand on vide le sang du cu
À gens mornes comme cocu,
À la phrénésie enragée
Par le cu la tête est purgée.

(L’Hippocrate dépaysé)

Mal Saint-François

France, 1907 : Misère. Saint François était le fondateur des ordres mendiants. Nos pères avaient mis une foule de maux sous le patronage de saints. Le mal Saint-Genou était la goutte, le mal Saint-Antoine la syphilis, le mal Saint-Gilles le cancer, le mal Saint-Jean le mal caduc, le mal Saint-Main la gale. On disait d’une galeuse : demoiselle de Saint-Main.

Saint Cloud guérit les clous ; saint Cornet les sourds ; saint Denis, l’anémie ; saint Marcou, les maux de cou ; saint Eutrope, les hydropiques ; saint Aignan, les teigneux ; et il est généralement admis que l’on doit prier le jour de la Toussaint pour se préserver de la toux.
Et voilà comment le bon peuple de France est toujours le peuple le plus éclairé et le plus spirituel de l’univers !

(Hector France, Le Roman du curé)

Mal Saint-Gilles

France, 1907 : Voir Gilles.

Mal Saint-Martin

France, 1907 : Ivrognerie, ivresse. Vieille expression hors d’usage qui a pour origine la vente des vins qui se faisait à la foire de la Saint-Martin.

Mal sucré

France, 1907 : Faux témoin.

Mal uni

Rossignol, 1901 : Celui qui a le visage marqué de la petite vérole.

Mal vêtus (dieu aide les)

France, 1907 : « Dieu prend pitié des pauvres gens. » Dicton inventé pour faire prendre patience aux déshérités de la vie. Il en est quantité de ce genre : Dieu aime la créature à qui il envoye du mal pour luy souvenir de luy… Dieu mesure le froid à la brebis tondue… Dieu donne le froid selon la robe, etc., etc. Mais le facétieux bon sens de nos pères a répondu par d’autres adages à cette soporifique eau bénite : Dieu donne fil à toile ourdie, c’est-à-dire qu’il accorde ses faveurs à ceux qui n’ont besoin de rien.

Mal-à-gauche

Delvau, 1866 : s. et adj. Maladroit, — dans l’argot facétieux et calembourique des faubouriens.

Mal-blanchi

Rigaud, 1881 : Nègre, mulâtre. — Superficiellement guéri de la syphilis.

Mal-donne

Delvau, 1866 : s. f. Fausse distribution de cartes. — dans l’argot des joueurs.

Mal-nommés

Boutmy, 1883 : s. m. pl. Nom que donnent par dénigrement les ouvriers aux pièces aux ouvriers en conscience.

Mal-sucré

Rigaud, 1881 : Faux témoin, — dans le jargon des voleurs.

Malade

d’Hautel, 1808 : Il n’en mourra que les plus malades. Se dit en plaisantant, pour faire entendre qu’un danger n’est pas grand ; qu’on espère s’en tirer sain et sauf.
On dit aussi, dans le même sens, Bien malade qui en meurt.
Vous voilà bien malade !
Se dit par raillerie, pour, plaignez-vous donc, vous en avec bien sujet ?

Larchey, 1865 : Prisonnier. — Maladie : Emprisonnement (Vidocq). V. Hôpital.

Delvau, 1866 : adj. et s. Prisonnier, — dans l’argot des voleurs, qui ont perdu la santé de l’âme. Être malade. Être compromis.

Rigaud, 1881 : Arrêté ; inculpé. — Maladie, emprisonnement, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Accusé. Emprisonné.

Malade (être)

Bras-de-Fer, 1829 : Être en prison.

France, 1907 : Être en prison ; argot des voleurs.

Malade du pouce

Larchey, 1865 : Fainéant dont la paresse constitue la seule infirmité. — Malade du pouce : Avare.

Il est malade du pouce. Ça empêche les ronds de glisser.

Monselet.

C’est-à-dire : ses doigts ne peuvent se résoudre à laisser échapper la moindre monnaie.

Delvau, 1866 : adj. Paresseux, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Avoir le pouce démis pour son argent.

Delvau, 1866 : adj. Avare, homme qui n’aime pas à compter de l’argent, — aux autres. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Avare. — Paresseux.

France, 1907 : Paresseux. Se dit aussi pour avare.

Maladie

Delvau, 1866 : s. f. Emprisonnement ! Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Emprisonné (Argot des voleurs).

France, 1907 : Emprisonnement.

Maladie !

Rigaud, 1881 : Exclamation des voyous, quand on leur dit quelque chose qui leur déplaît, quand ils ne veulent pas faire quelque chose.

Maladie (la)

Delvau, 1864 : C’est celle qui n’a pas besoin de nom — quoiqu’elle en ait un — pour être sue de ceux qui lisent les affiches des Charles-Albert, des Giraudeau de Saint-Gervais, des Ollivier, et autres Fontinaroses modernes. C’est celle que Pline appelait morbus sonticus, et Celse major morbus !

Le soir, ils vont voir des gueuses
Qu’ils baisent dessus leurs lits.
Pour leurs femmes (les malheureuses !)
Ils y donnent la maladie.

Guichardet.

Maladie de neuf mois

Rigaud, 1881 : Grossesse. — Ce ne sera rien, c’est une maladie de neuf mois.

France, 1907 : Grossesse.

Maladie du pouce

France, 1907 : Paresse ou avarice.

Maladroits (sonner aux)

Rigaud, 1881 : « Quand on sonne pour l’exercice à pied, les cavaliers disent qu’on sonne aux maladroits, parce que ce travail n’est imposé qu’aux conscrits. » (Fr. de Reiffenberg, La Vie de garnison.)

Maladroits (sonnerie des)

France, 1907 : Sonnerie qui appelle les soldats à l’exercice.

Malaisée (danser la)

France, 1907 : Recevoir une raclée.

Malandre

d’Hautel, 1808 : Espèce de crevasse, de fente, qui se fait au pli du genou d’un cheval.
Il se porte bien, il n’a ni suros ni malandre. Pour dire qu’une personne n’a aucune infirmité.

Malandré, malandreux

France, 1907 : Malade, indisposé.

Malandreux

Delvau, 1866 : s. et adj. Infirme ; malade ; mal à son aise, — dans l’argot du peuple. On disait autrefois Landreux.

Malapatte

France, 1907 : Maladroit ; littéralement, mal à la patte.

Malappris

d’Hautel, 1808 : Un malappris. Homme grossier, sans éducation ; un brutal, un rustre.

Malastiqué

France, 1907 : Malpropre ; argot militaire.

Malbâti

d’Hautel, 1808 : Un malbâti. Terme injurieux. Se dit d’un bambin, d’un marmouzet, d’un vaurien, d’un misérable.

Malbête

d’Hautel, 1808 : Chicanneur, querelleur, homme dangereux, dont il faut se méfier.

Maldine

Delvau, 1866 : s. f. Pension bourgeoise, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Collège ; établissement scolaire. C’est-à-dire endroit où l’on dîne mal.

France, 1907 : Pension bourgeoise, restaurant à bon marché.

Mâle

d’Hautel, 1808 : Pour homme, mari, époux. Elle étoit avec son mâle, pour avec son mari.
Un laid mâle, un vilain mâle. Pour dire un homme mal fait, rempli de difformités.
Il a la gorge noire, c’est un franc mâle. Pour dire un homme robuste et vigoureux.
C’est un mariage d’épervier, la femelle vaut mieux que le mâle. Se dit d’un mariage ou la femme l’emporte par son intelligence, sa force et son activité sur son mari ; parce que l’épervier mâle est plus foible et plus chétif que la femelle.

Delvau, 1866 : s. m. Homme, — dans l’argot des faubouriennes, qui préfèrent les charretiers aux gandins. Beau mâle. Homme robuste, plein de santé. Vilain mâle. Homme d’une apparence maladive, ou de petite taille. Signifie aussi Mari.

Mâle (le)

Delvau, 1864 : L’homme.

Je préfère en amour une certaine pose :
Le mâle, sur le dos, sous la femme est placé.

L. Protat.

Male-nuit (donner la)

France, 1907 : Empêcher de dormir. C’était, au moyen âge, un des pourvoir que s’attribuaient les sorciers et les sorcières. Il suffisait de regarder une certaine étoile et de lui dire : « Je te salue, étoile lumineuse, et te conjure d’aller bailler la male-nuit à telle personne, selon mes intentions. » Et le conjurateur terminait en répétant trois fois : « Va, petite ! Va, petite ! Va, petite ! »

Malechance

Delvau, 1866 : s. f. Fatalité, mauvaise chance, — dans l’argot du peuple.

Malédiction !

d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjection qui marque le mécontentement.
C’est une malédiction ! Pour dire que l’on ne peut réussir en rien, que tout ce que l’on entre prend tourne mal.

Malemort

d’Hautel, 1808 : Cet homme mourra de malemort. Pour finira mal, aura une fin funeste.

Malepeste

d’Hautel, 1808 : Sorte de juron qui marque la surprise, l’étonnement. Malpeste comme il y va !

Males semaines

France, 1907 : Incommodités sexuelles, expression des départements du Centre.

La petite lui refusa malgré ses vives instances. Il crut que c’était par vertu ; rien de cela : elle avait ses males semaines.

(Les Cent Curés)

Malfrat

Delvau, 1866 : s. m. Vaurien, homme qui mal fait, ou gamin qui mal fera, — dans l’argot des paysans de la banlieue de Paris. M. Francisque Michel donne Malvas, en prenant soin d’ajouter que ce mot est « provençal » et qu’il est populaire à Bordeaux. M. F. Michel a beaucoup plus vécu avec les livres qu’avec les hommes. D’ailleurs, les livres aussi me donnent raison, puisque je lis dans l’un d’eux que le peuple parisien disait jadis un Malfé (malefactus) à propos d’un malfaiteur, et donnait le même nom au Diable.

Fustier, 1889 : Argot des vagabonds. Le malfrat est un ouvrier travaillant parfois dans les carrières situées aux environs de Paris, mais qui cherche surtout dans ces carrières un gîte et un abri pour échapper aux recherches de la police. Le malfrat s’appelle aussi malfera ou malfranc.

France, 1907 : Mauvais drôle, vagabond ; sans doute, corruption de mal fera.

Malgache

Fustier, 1889 : Argot boulevardier. Ce mot, synonyme de chic, d’élégant, n’a pas vécu. D’ailleurs il n’était pas né viable et avait été mis en circulation en 1886, alors qu’un certain nombre de Malgaches étaient venus s’exhiber au Jardin d’acclimatation.

De mondaines, peu ou point ; en revanche, plusieurs de nos mousseuses les plus malgaches étaient là.

(Événement, février 1887.)

Malgracieux

d’Hautel, 1808 : Pour incivil, rude, grossier, malhonnête au dernier point.

Malgré

d’Hautel, 1808 : Malgré lui et ses dents. Pour malgré ses efforts ; quoiqu’il fasse ; en dépit de lui.

Malheur

d’Hautel, 1808 : C’est un petit malheur. Se dit, en plaisantant, d’un accident peu important, et pour exprimer que l’on en est tout consolé.
C’est un malheur causé par un accident. Voy. Accident.

Malheureux

d’Hautel, 1808 : Il est si malheureux, que je crois qu’il se noyeroit dans un crachat. Pour dire que les choses les plus probables, les entreprises les mieux calculées, ne réussissent même pas à un homme qui est dans le malheur.
Les malheureux n’ont point de parens. C’est à-dire, que tout le monde le abandonne.
Il est malheureux en fricassée. Pour dire, il ne fait rien qui vaille ; rien ne lui réussit.
Malheureux au jeu, heureux en femme. Proverbe plus plaisant que réel.

Fustier, 1889 : C’est ainsi que dans les gargotes, dans les restaurants à bas prix, le consommateur nomme le dessert connu sous le nom de quatre mendiants.

Garçon, un lapin chasseur, un panaché, quatre-malheureux et un litre de piccolo, cria notre voisin de table.

(Gagne-Petit, mai 1886.)

Malheureux (être)

Virmaître, 1894 : C’est l’état de pauvreté, en français. En typographie, cette expression a une autre signification. Dans une équipe, chacun, à tour de rôle, a son tour de malheureux, la liste en est affichée dans l’atelier de composition. Les malheureux restent après les autres pour corriger, faire les morasses et serrer les formes (Argot d’imprimerie). N.

Malheureux (tour de)

Boutmy, 1883 : Expression récemment introduite dans les journaux et qui est synonyme de Morassier. (V. Morasse et Morassier.)

France, 1907 : Se dit des ouvriers typographes qui restent après les autres pour corriger la morasse ou épreuve faite à la brosse d’une page de journal avant le serrage définitif de la forme. Voir Morasse et Morasser.

Malice

d’Hautel, 1808 : Des malices cousues de fil blanc. Pièges grossiers et maladroits ; tours mal combinés que l’on aperçoit au premier coup-d’œil.

d’Hautel, 1808 : C’est la boîte à la malice. Se dit en plaisantant d’un enfant espiègle, éveillé, et qui annonce des dispositions.
Un innocent fourré de malices. Homme qui joue le simple et le niais, et dont tout le plaisir est de nuire à ses semblables.

Malin

d’Hautel, 1808 : Malin comme une chouette. Manière ironique et contradictoire de dire que quelqu’un est sot et stupide, qu’il a l’air gauche et embarrassé.
Un malin. Pour dire un homme fin, rusé ; très-habile et très-versé dans un art ou une science quelconque.
C’est bien malin. Pour, c’est bien difficile ; c’est un beau miracle.
Le gros malin. Se dit par raillerie d’un homme sot et stupide, qui met beaucoup d’efforts et de vanité à exécuter des choses qui n’offrent par elles-mêmes aucune difficulté.

Malin de la rue de la Plume

France, 1907 : Habile, savant. Avant l’instruction gratuite et obligatoire, celui qui avait une belle écriture passait, aux yeux du peuple, pour un savant.

L’orgueil a perdu les types : ils se sont crus les pauvres fourneaux, des malins de la rue de la Plume. Une seule idée les a tarabustés : lâcher l’atelier pour vivre en marlous sur le dos du populo.

(Le Père Peinard)

Malines

France, 1907 : Large pantalon de grosse toile que les ouvriers mettent par-dessus un autre pantalon pour éviter de l’abîmer en travaillant.

Malingre

d’Hautel, 1808 : Valétudinaire, cacochyme ; homme d’une santé foible et chancelante.

Malingrer

Larchey, 1865 : Souffrir (Vidocq). — Malingre se dit encore pour souffreteux.

Delvau, 1866 : v. n. Souffrir, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Souffrir.

France, 1907 : Souffrir.

Malingreux

anon., 1827 : Ceux qui ont de fausses plaies.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Malade.

Bras-de-Fer, 1829 : Qui a de fausses plaies.

Halbert, 1849 : Ceux qui ont de fausses plaies.

Delvau, 1866 : s. et adj. Souffreteux, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Anciens sujets de la Cour des Miracles, chargés d’exhiber de fausses plaies.

France, 1907 : Faible, chétif. C’était autrefois une variété de mendiants qui simulaient des maladies ou se faisaient des plaies factices.

Malingreux sont ceux qui ont des maux ou plaies dont la plupart ne sont qu’en apparence.

(Le Jargon de l’argot)

Malitorne

d’Hautel, 1808 : Pour sot, niais, stupide et mal bâti.

Delvau, 1866 : s. f. Femme disgracieuse, laide, mal faite, — malè tornata.

Malle

d’Hautel, 1808 : Il a chié dans ma malle jusqu’au cadenas. Voyez Cadenas.
Il a été troussé en malle. Pour dire qu’une personne a été enlevée subitement par une maladie.
On le dit aussi des choses que l’on enlève par surprise et promptement.
Il porte toujours sa malle sur son dos. Se dit par raillerie d’un bossu.

France, 1907 : Salle de police.

— En voilà assez, faut en finir ; tout le peloton couchera à la malle ce soir.

(Georges Courteline)

Malle (chier dans la)

Larchey, 1865 : Faire affront. Mot à mot : chier dans la poche d’autrui.

On se torche à présent de la foi conjugale. Quoi qu’il en soit, Léandre a chié dans ma malle.

Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.

Malle (faire sa)

France, 1907 : Mourir, partir pour le grand voyage.

Malle (grosse)

Merlin, 1888 : Prison.

Malle à quatre roues

Merlin, 1888 : Fourgon de cavalerie.

Malle en cuir

Fustier, 1889 : Solliciteur. Argot des officiers de marine qui désignent ainsi ceux de leurs camarades sans cesse voyageant… sur la ligne de Paris, une petite valise à la main, pour aller solliciter une faveur quelconque au Ministère.

Malo

France, 1907 : Garde-crotte fixé aux hottes des élèves de l’École polytechnique ; appelé ainsi du nom du capitaine Malo qui annonça aux élèves cette innovation introduite en 1892 par le général Gebhart.

Malot taré

France, 1907 : Carte biseautée.

Il apprenait à fausser le centre de gravité des boules orientales. Il construisait des malots tarés, truquait le plancher des billards, vendait des combinaisons de martingale. Et, depuis des années, il poursuivait la fabrication d’une roulette avec laquelle il comptait s’enrichir, avant que les flics ne la bridassent.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Malotru

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris ; homme de néant, misérable ; et généralement toute personne mal vêtue, maussade ou grossière.

Malouse

France, 1907 : Boîte ; argot des voleurs.

Maltaire

Halbert, 1849 : Louis d’or.

Maltais

Larchey, 1865 : Cabaretier. — Beaucoup de Maltais exercent cette profession en Algérie, d’où vient le terme.

Delvau, 1866 : s. m. Cabaretier, — dans l’argot des troupiers qui ont été en Algérie.

France, 1907 : Cabaretier, épicier, restaurateur de bas étage. Allusion aux Maltais d’Algérie qui occupaient et occupent encore ces industries.

Maltaise

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de vingt francs, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Écu. Pièce de vingt francs.

Virmaître, 1894 : Pièce de vingt francs (Argot des voleurs). V. Sigue.

France, 1907 : Pièce de vingt francs. On dit aussi sigue.

Maltèses

Rigaud, 1881 : Écus, — dans l’ancien argot ; en souvenir de la monnaie qui avait cours sur les galères de Malte.

Malthe

d’Hautel, 1808 : Faire des croix de Malthe. Pour dire, jeûner par contrainte, être réduit à la nécessité. S’ennuyer, trouver le temps long, bâiller.

Maltouse

Rigaud, 1881 : Contrebande. — Mastiquer la maltouse, faire la contrebande.

La Rue, 1894 : Contrebande. Maltousier, contrebandier.

Virmaître, 1894 : Contrebande. Halbert d’Angers dit pasquiner la maltouse. C’est une erreur ; c’est pastiquer, parce que ce mot veut dire passer. Mot à mot, pastiquer la maltouse : passer de la contrebande, faire la fraude sur des objets soumis aux droits de d’octroi (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Contrebande.

Hayard, 1907 : Fraude, contrebande.

Maltouse ou maltouze

France, 1907 : Contrebande. Pratiquer la maltouse, faire la contrebande.

Maltousier

Rigaud, 1881 : Contrebandier.

France, 1907 : Contrebandier.

Maltouze

Larchey, 1865 : Contrebande. — Maltouzier : Contrebandier.

Delvau, 1866 : s. f. Contrebande, — dans l’argot des voleurs, les maltôtiers modernes (malle tollere, enlever injustement). Pastiquer la maltouze. Faire la contrebande.

Maltouzier

Delvau, 1866 : s. m. Contrebandier.

Malzingue

France, 1907 : Cabaretier.

— Allons, venez casser un grain de raisin.
Nous entrâmes chez le malzingue le plus proche.

(Mémoires de Vidocq)

Maman

d’Hautel, 1808 : Une grosse maman. Non que l’on donne à une femme qui a un embonpoint gracieux et appétissant.

Rigaud, 1881 : Vache, — dans le jargon des bouchers qui appellent « papa » le taureau ; ce qui ne les empêche pas de vendre taureau et vache pour du bœuf.

Maman-maca

Virmaître, 1894 : Maquerelle qui tient une maison de tolérance. Les pensionnaires appellent la tenancière maman, quand elle est vieille, ce qui est fréquent, elles y joignent le mot maca, abréviation de macaque qui, dans le peuple, signifie vieille guenon (Argot des filles). N.

Mamelles

Delvau, 1864 : Les tétons.

O contours veloutés, mamelles féminines !

Cantel.

Hélas ! qui pourrait voir sans rougir des femmes et des jeunes filles entièrement découvertes, étaler sans honte, jusque dans la maison du Seigneur, leurs mamelles toutes nues… Dans le principe du moins, ces mondaines, ont commencé par échancrer le bord et le dehors de leurs habits. Puis, cette échancrure a gagné jusqu’à la chemise, que dis-je ! jusqu’à la chair toute nue. À la fin, elles ont tellement rongé et échancré le derrière et le devant de leurs habits, que les épaules et les tétons en sont demeurés tout-à-fait nus.

(Discours sur la nudité des mamelles.)

Mamours

France, 1907 : Caresses en paroles ou en action ; abréviation de mes amours ou mon amour. Faire des mamours.

Il faut avoir la conscience de s’avouer la vérité, même quand elle est sale. Jusqu’ici nous avons nagé jusqu’au bec dans l’hypocrisie et le mensonge. En voilà assez ! Voyons froidement ce que nous sommes et ce que valent nos liens, nos prétendues tendresses, les mots gentils, les caresses et les mamours qui constituent, ici-bas, les affections conjugale, paternelle, filiale, et cœtera pantoufle ?… Eh bien, ça ne vaut rien, moins qu’une pièce du pape ou qu’une Suisse assise.

(Henri Lavedan, Les Jeunes)

Eh bien, nous autres qui n’avons pas faim ; qui n’avons pas froid ; à qui la société prodiguerait volontiers les mamours et les risettes, mais qu’étreint, mais qu’émeut la souffrance d’autrui, nous entendons rester, quoi qu’il arrive, quoi qu’on risque, les avocats, les assistants, les tenants de l’humaine Douleur !
Ouvrez vos codes et vos geôles, recevez vos instructions, rédigez vos verdicts — nous sommes prêts ! Notre pensée restera libre et marchera de l’avant !…

(Séverine)

Mamours (faire des)

Rigaud, 1881 : Faire des amitiés, se répandre en câlineries.

Manche

d’Hautel, 1808 : Branler dans le manche. Voyez Branler.
Jeter le manche après la Cognée. Voyez Cognée.
Se moucher sur la manche. Proverbe qui vient de ce qu’autrefois on mettoit un mouchoir sur sa manche pour se moucher.
Se moucher sur sa manche, signifie aussi être novice, sans expérience, d’une grande simplicité.
Ne pas se moucher sur la manche. Être hardi, courageux, entreprenant, n’avoir pas l’air, emprunté dans le monde. Ne pas se laisser faire la loi.
Avoir quelqu’un dans sa manche. Être sûr de ses bons offices ; être en droit d’en disposer à son gré.
Il ne se fait pas tirer la manche. Pour il fait cette chose de bonne volonté, d’une manière gracieuse.
C’est une autre paire de manches. Pour c’est une affaire tout à fait différente.
Avoir la conscience large comme la manche d’un cordelier. Pour n’être ni délicat, ni scrupuleux sur le point d’honneur.
Il en mettroit deux comme celui-ci dans sa manche. Se dit pour abaisser le mérite d’un homme, et élever à ses dépens celui d’une autre personne.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Quête. Faire la manche, quêter.

Bras-de-Fer, 1829 : Quête.

Delvau, 1866 : s. f. Quête ; aumône, — dans l’argot des saltimbanques. Faire la manche. Quêter, mendier.

Delvau, 1866 : s. f. Partie, — dans l’argot des joueurs. Manche à (sous-entendu : Manche). Se dit quand chacun des joueurs a gagné une partie et qu’il reste à faire la belle.

Rigaud, 1881 : Quête. — Faire la manche, faire la quête, attraper le public en faisant la quête, — dans le jargon des saltimbanques.

Rigaud, 1881 : Patron. Un mot que le journal le Tam-Tam a lancé dans la circulation et qu’il pourrait bien avoir créé. Le mot lui plaît, car il n’y a pas de numéros où il ne se trouve répété plusieurs fois.

Rigaud, 1881 : Partie de cartes, — dans le jargon des joueurs.

La Rue, 1894 : Partie, au jeu. Mendicité. Quête. La manche, le monde des mendiants. Coup de manche, mendicité à domicile.

Rossignol, 1901 : Maladroit. Il est maladroit comme un manche à bastos.

France, 1907 : Mendicité, quête.

France, 1907 : Le pénis.

En me tâtant le pouls au manche, elle me prédisait la santé.

(Cabinet satirique)

N’est plus guère employé dans ce sens.

France, 1907 : E. Blédort, dans ses Chansons de faubourg, donne les diverses significations argotiques de ce mot. En voici quelques extraits :

Un mot souvent déconcertant,
Pour l’exotique qui l’entend,
C’est « manche »,
Avec « une » ou bien avec « un »,
Les deux genr’s ont son sens chacun
Dans « Manche »,
César, escomptant l’avenir,
De certain balai croyait t’nir
Le manche.

Sentant son patron s’amener,
L’arpett’ crie, en cessant d’flâner :
« V’là l’manche ! »
Du maladroit ou du croquant
Gavroche dit en se moquant :
« Quel manche ! »
Quand il a produit son effet,
L’artiste en plein vent vite fait
La manche.

Sans le voir aussi court qu’ils l’ont,
Des gens se croi’nt le bras plus long
Qu’la manche.

Si, chez vous, un sang français bout
Et qu’un’ main franche soit au bout
D’vot’ manche,
Jamais ne vous déconcertez,
Après la cogné’ ne jeter
Pas l’manche.
Quand on a perdu l’premier point,
Gardez l’espoir de n’perdre point
L’aut’ manche…
Qu’on cit’ Cambronne à l’Alsacien,
Aussitôt il répond : « Eh pien,
« Doi, manche ! »

(E. Blédort)

Manche (avoir dans sa)

Delvau, 1866 : Disposer de quelqu’un comme de soi-même, — dans l’argot du peuple.

Manche (avoir la première)

France, 1907 : « Chez nous, l’émeute, sous toutes ses formes, a toujours la première manche et ne cède que devant les forces organisées de la police ou de l’armée. »

(Nestor, Gil Blas)

Manche (avoir son)

Virmaître, 1894 : Être formidablement en colère. Un compositeur typographe qui a de la mauvaise copie (la mienne par exemple) qu’il ne peut lire, a son manche contre l’auteur. Heureusement que ce n’est pas celui du balai. Synonyme d’avoir sa chèvre (Argot d’imprimerie).

Manche (faire la)

Rigaud, 1881 : « Exercer la mendicité à domicile avec des allures bourgeoises et quelquefois même de grand seigneur, mais de grand seigneur ruiné. » (Paris-Vivant, Le Truqueur, 1858.)

Virmaître, 1894 : Mendier, quêter. Les voleurs restés en liberté font la manche pour venir en aide à un camarade qui est en prison. Les sœurs de charité font la manche dans les maisons aisées pour soulager les pauvres et les malades des hôpitaux (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Mendier, tendre la main ou la sébile.

Le birbe avait l’air de faire la manche dans les garnaffes et les pipés.

(Mémoires de Vidocq)

Manche (la)

Rossignol, 1901 : Mendicité. Mendier, c’est faire la manche. Faire une quête, une souscription, c’est faire la manche.

Manche (le)

Delvau, 1864 : Le vit, que la femme empoigne quand elle désire en être cognée.

Je l’empoignai par le manche et le menai au pied du lit, où je me couchai à la renverse, l’attirant dessus moi : je m’en-cognai moi-même son vit dans mon con jusque aux gardes.

Mililot.

Mais, belles, sachez qu’un beau manche
Réchauffe aussi bien qu’un manchon.

Théophile.

Manche (se mettre du côté du)

Rigaud, 1881 : Agir avec prudence, se ranger à l’opinion du parti le plus fort, — dans l’argot des politiciens. Le mot est du duc de Morny.

Manche à balai

Merlin, 1888 : Hautbois.

France, 1907 : Jambe maigre. Exhiber ses manches à balai.

Y en a qu’exhib’nt de gros mollets,
Y en a qu’ont d’vrais manch’s à balais
Et n’ont pas l’air d’en êtr’ honteuses.

(Émile Hauton, Les Pédaleuses)

Manche à gigot

France, 1907 : Il ne s’agit pas ici de cette ridicule espèce de manches que les dames ont depuis quelques années remises à la mode, mais d’une plaque bleue portant le mot loué que les cochers de fiacre accrochaient à leur véhicule lorsqu’ils y traînaient un client. Cette plaque, supprimés depuis longtemps, fut appelée ainsi du nom d’Albert Gigot, préfet de police de 1877 à 1879, qui la prescrivit, on n’a jamais su pourquoi, car elle ne servait à rien.

Manche à manche

Virmaître, 1894 : Quand deux adversaires ont perdu chacun une partie, ils sont manche à manche (Argot des voleurs). V. Belle.

France, 1907 : Égalité dans une partie au jeu.

Manche de veste

Larchey, 1865 : Jambe arquée comme une manche d’habit.

Mosieu Belassis, moi j’ai pas des jambes en manches de veste.

Gavarni.

Manche de veste (jambes en)

France, 1907 : Jambes torses.

Manchette (coup de)

France, 1907 : Coup de sabre, enseigné dans les salles d’escrime, par lequel on entaille le poignet de son adversaire.

— Une… deux… parez celui-là, c’est le coup de flanc. Ah ! ah ! pas assez malin. Voici le coup de manchette ! Pif ! paf ! Ça y est.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Manchettes (donner les)

France, 1907 : Prendre entre l’index et le médium le poignet d’une personne et le lui froisser par un mouvement rapide.

Mancheur

Rigaud, 1881 : « On appelle mancheurs ceux (les saltimbanques) qui n’ont ni baraque, ni tente en toile, mais simplement la permission, de par le préfet ou le maire, de se tordre les membres, de se casser les reins comme ils l’entendent, dans les carrefours, sur les places, au coin des rues ! Pour bureau de recette, ils ont une soucoupe cassée, un vieux plat d’étain. » (J. Vallès.)

Rigaud, 1881 : « L’espèce de truqueur dit mancheur s’introduit, sous divers prétextes, chez les gens riches ou qu’il sait généreux, et tâche de les intéresser à ses malheurs réels ou imaginaires. » (Paris-Vivant, Le Truqueur, 1858.)

France, 1907 : Acrobate de rue, ainsi nommé parce qu’il fait la quête ou manche.

Manchière

Rigaud, 1881 : Couturière qui fait les manches des robes.

Manchiste

Hayard, 1907 : Mendiant (de manchot).

Manchon

Delvau, 1866 : s. m. Chevelure absalonienne, — dans l’argot des faubouriens. Avoir des vers dans son manchon. Avoir çà et là des places chauves sur la tête.

France, 1907 : Tête garnie d’une abondante chevelure. Avoir des vers dans son manchon, avoir le crâne dégarni.

Manchon (avoir des vers dans son)

Virmaître, 1894 : Avoir le crâne dénudé par place. Allusion aux mites qui font des stries dans les étoffes de laine (Argot du peuple).

Manchon de la femme

Delvau, 1864 : Les poils qui constituent sa motte, assez fournie pour tenir lieu de manchon.

Et la tribune de Florence
Au cant choqué montre Vénus
Baignant avec indifférence
Dans son manchon ses doigts menus.

Th. Gautier.

Je n’ prêt’ pas mon manchon
Mignon,
Je n’ prêt’ pas mon manchon.

Laujon.

Manchot

d’Hautel, 1808 : Il est manchot des deux bras. Se dit d’un homme peu industrieux, ou d’une maladresse extrême.
On dit dans le sens contraire. Il n’est pas manchot. Pour il est vigoureux ; il se bat courageusement ; il ne se laisse pas marcher sur le pied.

Delvau, 1866 : s. m. Homme maladroit comme s’il avait un bras de moins. N’être pas manchot. Être très adroit, — au propre et au figuré.

Manchot (n’être pas)

France, 1907 : Être brave, travailleur, dur à l’ouvrage.

— Je vois que cette arrestation vous étonne ! continua le chef de la Sûreté, d’un air bonhomme. Vous avez tort ! Si vous êtes habiles, de notre côté nous ne sommes pas manchots.

(Théodore Cahu, Vendus à l’ennemi)

Et si l’on n’est pas des manchots,
Nous pourrions, à l’angle des rues,
Faire dans la nuit, la pêche aux morues.

(Clovis Hugues)

Sur le pavé sale et gluant qui glisse, –
Glisse, mon conteau ! glisse en ta coulisse ! —
Les bois sont montés ; on n’est pas manchot !
Les matins sont chauds.

(Maurice Boukay)

Mandale

Hayard, 1907 : Gifle.

Mandalle

Rossignol, 1901 : Gifle.

Mandant

France, 1907 : Abréviation de commandant ; argot de l’École polytechnique.

Mandarin

Delvau, 1866 : s. m. Personnage imaginaire qui sert de tête de Turc à tous les criminels timides, — dans l’argot des gens de lettres.
Il a été inventé par Jean-Jacques Rousseau ou par Diderot comme cas de conscience. Vous êtes assis tranquillement dans votre fauteuil, au coin de votre feu, à Paris, cherchant sans les trouver, les moyens de devenir aussi riche que M. de Rothschild et aussi heureux qu’un roi, parce que vous supposez avec raison que l’argent fait le bonheur, attendu que vous avez une maîtresse très belle, qui a chaque jour de nouveaux caprices ruineux, et que vous seriez très heureux de la voir heureuse en satisfaisant tous ses caprices à coups de billets de banque Eh bien, il y a, à deux mille lieues de vous, un mandarin, un homme que vous ne connaissez pas, qui est plus riche que M. de Rothschild : sans bouger, sans même faire un geste, rien qu’avec la Volonté, vous pouvez tuer cet homme et devenir son héritier, sans qu’on sache jamais que vous êtes son meurtrier. Voilà le cas de conscience que beaucoup de gens ont résolu en chargeant Volonté à mitraille, sans pour cela en être plus riches, mais non sans en être moins déshonorés. Je ne devais pas oublier de le signaler dans ce Dictionnaire, qui est aussi bien une histoire des idées modernes que des mots contemporains. D’ailleurs, il a passé dans la littérature et dans la conversation, puisqu’on dit Tuer le mandarin. À ce titre déjà, je lui devais une mention honorable.

Mandarin (tuer le)

France, 1907 : Voici le passage de Jean-Jacques Rousseau qui a donné lieu à cette expression :

S’il suffisait pour devenir le riche héritier d’un homme qu’on n’aurait jamais vu, dont on n’aurait jamais entendu parler et qui habiterait le fin fond de la Chine, de pousser un bouton pour le faire mourir, qui de nous ne pousserait pas ce bouton ?

(Émile, ou de l’éducation)

Dans son remarquable roman Le Mandarin, Félicien Champsaur a développé ce thème et arrive à la même conclusion :

Un mandarin vit, là-bas, en Chine, dans sa famille ; vous ne le connaissez pas, vous ne l’avez jamais vu ; il ne vous apparait que comme un fantoche vêtu d’une robe de soie amusante, la tête rasée et une queue de cheveux dans le dos ; mais il mange et pense à peu près comme vous. C’est notre frère en joie et en souffrance. Or, vous pouvez le tuer impunément. Ne cherchez pas à expliquer par quelle suggestion empoisonnée, par quel fluide extraordinaire, plus subtil et plus puissant que l’électricité, votre volonté, à une telle distance, va accomplir un assassinat. Vous pouvez tuer, magiquement, par un geste, en levant ce verre ; de l’or est là, un tas de billets de banque, un million. Tuerez-vous ? Si vous êtes gêné de répondre, attendez d’être chez vous, tout seul, la nuit, la porte close. Si vous levez le doigt, un homme sur un point quelconque du globe, un homme comme vous, — mais ni de vos parents, ni de vos amis, ni même un indifférent sur votre chemin, — synthétisons, un mandarin, sous ce doigt levé qui dirige vers la victime la projection de votre pouvoir occulte et momentané de yogui occidental — tombe foudroyé ; alors, pauvre vous serez riche. S’il n’était impossible, d’un dilettantisme inutilement criminel, combien accepteraient le pacte tentateur ? Presque tous, et d’honnêtes gens, des boursiers, des bourgeois bourgeoisants, des industriels, des commerçants, des épiciers, des magistrats. À une certaine heure de sa vie, quel est celui d’entre les hommes qui, dans la solitude, une seconde n’a pas dit oui au tentateur ?

Mandarin, mandarinat

France, 1907 : Fonctionnaire, fonctionnarisme.

Le Gaulois ne se contente pas de rompre des lances contre la bureaucratie. Il fuit également campagne contre l’abus des grades universitaires, contre le mandarinat français en général et contre le baccalauréat en particulier. Et l’organe de M. Jules Simon cite Frédéric Bastiat, exactement comme si M. Simon n’avait jamais été le protecteur en titre du susdit mandarinat.
Frédéric Bastiat, qui était loin d’être une bête, avait le baccalauréat en horreur. Il le regardait comme l’ennemi mortel de la liberté. Il prétendait qu’avec cet examen uniforme, servant d’initiation à la vie, on tuait toute diversité, toute originalité, qu’on éteignait l’esprit français.
« C’est le communisme en matière d’idées », disait-il. Il comparait les bacheliers aux mandarins. La France et la Chine sont deux pays composés d’examinateurs, qui sont fonctionnaires, et de candidats qui aspirent à l’être. La Chine, suivant lui, faisant cela pour le bonheur et la gloire des Japonais, et la France pour la prospérité de l’Allemagne et de l’Angleterre.
Nous n’étions pourtant pas, de son temps, aussi amoureux qu’aujourd’hui des diplômes et des examens. Aujourd’hui, il faut produire un diplôme pour être maîtresse de coupe et d’assemblage dans une école de jeunes filles… Un peuple de mandarins et de mandarines.
Dans l’admirable préface qu’il a écrite pour la seconde édition d’un chef d’œuvre, mon maître J.-J. Weiss conte à ravir une anecdote bien amusante ; en 1857, il était agrégé d’histoire, il fut chargé d’un cours de littérature. Tous les ronds-de-cuir du ministère de l’instruction publique crièrent an scandale. Agréé d’histoire, qu’il enseigne l’histoire ! De quel droit cet historien vient-il parler de poésie ? Et M. J.-J. Weiss ajoute qu’il mesura dès lors la toute-puissance des mandarins français.
Depuis lors, nous avons fait au moins une révolution, démoli l’Empire, subi l’invasion, payé des impôts formidables. Les mandarins sont plus omnipotents qu’ils n’ont jamais été.

(Gil Blas)

Mandat (déposer son)

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon parlementaire.

Il paraît que l’honorable M. Mallet du Gard a déposé son mandat. C’est l’euphémisme qu’on emploie à Versailles pour indiquer qu’un représentant du peuple a droit à une oraison funèbre de M. Grévy.

(Figaro du 4 décembre 1878.)

Mandat impératif

France, 1907 : Engagement pris par un candidat à la députation de voter comme le lui ordonnent ses électeurs.

Mandibules

Delvau, 1866 : s. f. pl. Le bas du visage, — dans l’argot du peuple. Jouer des mandibules. Manger. On dit aussi Jouer des badigoinces.

France, 1907 : Dents, mâchoire. Jouer des mandibules, manger.

Mandole

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot des marbriers de cimetière. Jeter une mandole. Donner un soufflet.

Rigaud, 1881 : Soufflet, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau) Jeter une mandole, donner un soufflet.

France, 1907 : Soufflet, gifle. Jeter une mandole, donner un soufflet.

Mandolet

Halbert, 1849 : Pistolet.

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Pistolet, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Pistolet.

France, 1907 : Pistolet ; vieil argot.

Mandolle (en jeter une)

Virmaître, 1894 : Donner un soufflet à quelqu’un (Argot des voleurs). V. Giroflée à cinq feuilles.

Mandrin

d’Hautel, 1808 : Nom d’un voleur, d’un brigand insigne, qui est devenu commun à tout voleur, escroc ; filou ; et que l’on donne généralement aux gens sans foi, sans probité.

Delvau, 1866 : s. m. Bandit, homme capable de tout, à quelque rang de la société qu’il appartienne, sur quelque échelon qu’il se soit posé. Cette expression — de l’argot du peuple — est dans la circulation depuis longtemps. On dit aussi Cartouche, — ces deux coquins faisant la paire.

France, 1907 : Vaurien, scélérat, mauvais sujet. Du nom d’un célèbre coupeur de bourses qui fut roué à Valence, le 26 mai 1755, après avoir terrorisé longtemps les bourgades du Midi, à la tête d’une bande désignée d’après lui sous le nom de les Mandrins. En décembre 1754, Louis Mandrin, à la tête de soixante-cinq bandits, contraignait la mairie et la ferme des sels d’Autun à lui donner 20.000 livres. Le lendemain, il résistait avec succès à un détachement de hussards et de chasseurs commandé par le colonel Fisher, mais cet officier avant reçu du renfort, Mandrin fut complètement battu à Guénand, près Brion, dans le baillage d’Autun. D’autres disent que ce furent des volontaires du Dauphiné qui s’emparèrent de lui au bourg de la Sauvelat en Velay.

Sur ces entrefaites, des marchands de bon sens populaire, dégonfleurs d’outres et propagateurs de Libre examen, eurent la curiosité de se pencher sur la vie des plus illustres diplomates et en particulier sur celle de ce Talleyrand qui en est le type consacré, et ils virent que cette vie n’en laissait rien, pour le crime, l’infamie, de mensonge, les trahisons et toutes les hontes aux existences abominables des Mandrin des Cartouche et des exemplaires les plus abjects de la bête humaine.

(Émile Bergerat)

Manestre

France, 1907 : Maîtresse, concubine.

Manette (Mlle)

Larchey, 1865 : Malle (Vidocq). — Diminutif de manne : malle d’osier.

Manette (mademoiselle)

Rigaud, 1881 : Petite malle.

Manezingue

Halbert, 1849 : Marchand de vin. On dit aussi mastroquet.

Mange-bénef

Rigaud, 1881 : Mange bénéfice ; dissipateur.

Mange-merde

Rigaud, 1881 : Apostrophe voyoucratique ; homme absolument vil et méprisable.

Mangeaille

d’Hautel, 1808 : Viandes, alimens peu recherchés. Ce mot n’est bien placé qu’en parlant de la nourriture des animaux.

Delvau, 1866 : s. f. Nourriture.

Mangeoire

d’Hautel, 1808 : Tourner le dos à la mangeoire. Faire tout le contraire de ce qu’il faut pour arriver à son but.

Delvau, 1866 : s. f. Restaurant, cabaret, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Restaurant.

Mangeoire (tourner le c. à la)

Merlin, 1888 : Être malade ; manquer d’appétit.

Manger

d’Hautel, 1808 : Manger l’ordre. Perdre mémoire de ce dont on avoit été chargé ; oublier totalement une commission.
Quand on est trop bon, le loup vous mange. Signifie que rien n’est plus pernicieux que l’excès de la bonté.
Elle mange comme un moineau. Se dit d’une femme qui fait la petite bouche, la sobre, ou qui est réellement d’une très-petite dépense sur la nourriture.
Cela se laisse manger. Pour dire qu’une chose sans être excellente, est fort agréable au goût.
Il en mangeroit deux comme lui. Pour marquer la supériorité d’une personne, et abaisser le mérite de quelqu’un qui exerce la même profession.
Il a mangé son pain blanc le premier. Pour dire que quelqu’un a fait l’ouvrage le plus facile en premier : que le commencement de sa vie a été plus heureux que n’est la suite.
Manger dans la main de quelqu’un. Pour, abuser de la bonté, de la complaisance de quelqu’un.
Manger de la vache enragée. Éprouver les angoisses de la faim, de la soif, et toutes les douleurs de la misère et de la fatigue ; apprendre à être sage à ses dépens.
N’as-tu pas peur qu’il te mange. Pour qu’as-tu à craindre ? pourquoi ne lui parlerois-tu pas ?
Se manger l’ame ; ou le blanc des yeux. Pour, se quereller ; vivre en mauvaise intelligence ; se disputer sans cesse sur des riens.
Manger quelqu’un des yeux. Le regarder avec affectation.
Manger quelqu’un de caresses. Lui faire de grandes amitiés ; le cajoler, lui faire des complimens à n’en plus finir.
Manger la moitié de ses mots. Bredouiller ; ne pas prononcer d’une manière intelligible ; serrer les dents en parlant.
Cela ne mange point de pain. Se dit de bijoux, ou d’effets quelconques dont on fait l’acquisition, afin de ne pas mal employer son argent ; pour faire entendre que ces objets ne coûtent rien à garder, et qu’on trouvera bien moyen d’en tirer parti au besoin. Se dit aussi, et dans le même sens, des papiers que l’on regarde comme inutiles, mais que quelques circonstances peuvent rendre nécessaires.
Manger son pain à la fumée du rôt. Voy. Fumée.
Manger son pain dans sa poche. Vivre heureux ; vivre dans l’aisance, sans y faire participer qui que ce soit.
Manger son blé en herbe, ou vert. Manger avance le bénéfice d’une affaire ou d’une spéculation ; vivre sur le crédit d’une succession qui n’est pas encore ouverte ; dépenser avec prodigalité, et généralement faire un mauvais usage de sa fortune.
Voilà ce que les rats n’ont pas mangé. Se dit ironiquement en montrant quelque chose que l’on avoit gardé secrètement.
Il sait bien son pain manger. Pour, il a soin de sa personne ; il sait vivre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dénoncer, avouer. Manger le morceau, avouer le crime.

Delvau, 1866 : v. a. Subir, avoir, faire, — dans l’argot du peuple. Manger de la misère. Être besogneux, misérable. Manger de la prison. Être prisonnier. Manger de la guerre. Assister à une bataille.

La Rue, 1894 : Faire chanter. Mangeur, maître chanteur (V. Chanter). Faire manger, faire profiter du produit d’une filouterie.

Manger dans la main

Delvau, 1866 : v. n. Prendre des familiarités excessives, abuser des bontés de quelqu’un.

Manger de ce pain-là (ne pas)

Delvau, 1866 : Se refuser à faire une chose que l’on croit malhonnête, malgré le profit qu’on en pourrait retirer ; répugner à certains métiers, comme ceux de domestique, de souteneur, etc.

Manger de la chair crue

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Si elles savaient ce que c’était de manger de la chair crue la nuit.

Marguerite de Navarre.

Manger de la merde

Delvau, 1866 : Souffrir de toutes les misères et de toutes les humiliations connues ; en être réduit comme l’escarbot, à se nourrir des immondices trouvées sur la voie publique, des détritus abandonnés là par les hommes et dédaignés même des chiens. Cette expression — de l’argot des faubouriens — est horrible, non parce qu’elle est triviale, mais parce qu’elle est vraie. Je l’ai entendue, cette phrase impure, sortir vingt fois de bouches honnêtes exaspérées par l’excès delà pauvreté. J’ai hésité d’abord à lui donner asile dans mon Dictionnaire, mais je n’hésite plus : il faut que tout ce qui se dit se sache.

Manger de la merluche

France, 1907 : Se mortifier. La merluche ou morue sèche ne se mange guère qu’en carême, temps de mortification pour les bons catholiques.

Manger de la vache enragée

Delvau, 1866 : v. a. Pâtir beaucoup ; souffrir du froid, de la soif et de la faim ; n’avoir ni sou ni maille, ni feu ni lieu ; vivre enfin dans la misère en attendant la richesse, dans le chagrin en attendant le bonheur. Cette expression est de l’argot du peuple et de celui des bohèmes, qui en sont réduits beaucoup trop souvent, pour se nourrir, à se tailler des beefsteaks invraisemblables dans les flancs imaginaires de cette bête apocalyptique.

Virmaître, 1894 : Malheureux qui ne mange pas tous les jours.
— Ah ! tu ne veux pas travailler, propre à rien, tu vas foutre le camp, tu mangeras de la vache enragée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Ne pas arriver, tout en travaillant beaucoup à ne pouvoir se donner le strict nécessaire.

France, 1907 : Souffrir de misère et de privations. « C’est très bon pour les jeunes gens de manger un peu de vache enragée. Ça leur apprend à vivre. »

Tout le monde, je parle de ceux qui ont porté le noble harnais militaire, a goûté, plus ou moins, à la vache enragée, mais il n’en est qu’un très petit nombre qui se soient trouvés dans le cas des officiers et sous-officiers du 4e escadron du 3e spahis, de s’en empiffrer avec délectation. Et par le fait, si nous fûmes réduits à dévorer la vache traditionnelle, c’était un peu de notre faute.

(Hector France, Sous le burnous)

Manger des briques

Rossignol, 1901 : Ne rien avoir à manger, c’est bouffer des briques à la sauce cailloux.

France, 1907 : Se mal nourrir.

Honnête ouvrier des fabriques,
Sois toujours humble et toujours bon ;
Le travailleur mange des briques,
Le patron suce du bonbon.
Pour l’aimer, pour le satisfaire,
Redouble d’efforts empressés :
Jamais tu n’en pourras trop faire,
Tu n’en feras jamais assez !

(Jules Jouy)

Manger des pissenlits par la racine

Delvau, 1866 : v. a. Être mort.

Manger du bœuf

Delvau, 1866 : v. a. Être pauvre, — dans l’argot des ouvriers, qui savent combien l’ordinaire finit par être fade et misérable.

Manger du fromage

Delvau, 1866 : Être mécontent ; avoir de la peine à se débarbouiller de ses soucis. On connaît l’épigramme faite en 1814 contre Cambacérès, duc de Parme :

Le duc de Parme déménage ;
Plus d’hôtel, plus de courtisan !
Monseigneur mange du fromage,
Mais ce n’est plus du parmesan…

France, 1907 : Être mécontent. Alfred Delvau cite, à ce sujet, l’épigramme faite en 1814 contre Cambacérès :

Le duc de Parme déménage ;
Plus d’hôtel, plus de courtisan.
Monseigneur mange du fromage,
Mais ce n’est pas du parmesan.

Cette expression n’a plus guère cours.

France, 1907 : Aller à l’enterrement. Cette expression vient de la coutume qu’ont les familles ouvrières parisiennes de collationner chez le marchand de vin en revenant du cimetière. On dit aussi, dans le même sens, manger du lapin.

Manger du mérinos

Delvau, 1866 : v. a. Jouer au billard, — dans l’argot des habitués d’estaminet. Ils disent aussi Manger du drap.

Manger du mérinos, du drap

France, 1907 : Jouer au billard.

Manger du pain et du fromage

Virmaître, 1894 : Repas de funérailles. C’est une vieille coutume. Quand on enterre un camarade, on mange du pain et du fromage, ou on casse la gueule à un lapin en souvenir du mort (Argot du peuple).

Manger du pain rouge

Delvau, 1866 : v. a. Vivre d’assassinats impunis, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Vivre d’assassinats.

France, 1907 : Vivre du produit d’un assassinat.

Manger du pavé

Delvau, 1866 : v. a. Chercher de l’ouvrage et n’en jamais trouver, — dans l’argot des coiffeurs. Trimer, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Chercher de l’ouvrage et n’en pas trouver.

France, 1907 : Battre inutilement le pavé à la recherche d’ouvrage.

Manger du prêtre

France, 1907 : Dénoncer en paroles ou en écrits les méfaits du clergé. C’était, il y a quelques années, l’habitude de certains journalistes de manger tous des matins du prêtre. Ils en ont tant donné à manger au public qu’il en a eu une indigestion. Le malaise passé, on y reviendra, car ces Messieurs du clergé nous confectionnent de temps à autre des plats remplis de condiments.

Manger du prêtre doit être évidemment une nourriture aussi répugnante que malsaine. Certains tempéraments cependant en prennent l’habitude et ne s’en trouvent pas plus mal, témoin Voltaire, qui passa le plus clair de son existence à mordre la gent ensoutanée et ne vécut pas moins jusqu’à quatre-vingt-quatre ans.
Il est vrai que le dénommé Mithridate avait longtemps avant lui tellement pris l’habitude des poisons violents, qu’il les absorbait impunément.

(Ch. Perinelle)

Manger du safran

France, 1907 : Rire souvent et à propos de rien. Allusion à une croyance populaire d’après laquelle le safran aurait la propriété de dilater le corps, de chauffer le cœur, d’obliger, pour respirer, à ouvrir souvent la bouche.

Manger du sucre

Delvau, 1866 : v. a. Recevoir des applaudissements, — dans l’argot des comédiens.

France, 1907 : S’entendre louer, applaudir.

Manger l’anguille sans la sauce

Delvau, 1864 : Retirer vivement la pine d’un homme au moment où il va décharger, afin de n’avoir pas d’enfants de lui, — la sauce de cette anguille étant fort agréable, mais aussi pleine d’inconvénients.

Prenez donc des précautions !
Sans la sauce mangez l’anguille !
Beau moyen et bien éprouvé :
J’en suis pour un enfant trouvé.

Béranger.

Manger la botte

Rossignol, 1901 : Faire à une femme une cour assidue sans arriver à un résultat.

France, 1907 : Se dit d’un amoureux qui va dépenser son argent dans un café ou un cabaret où il y rencontre soit une servante, soit une demoiselle de comptoir à son goût et qui l’attache là comme un cheval au râtelier. Expression triviale en usage dans la cavalerie.

Manger la chandelle (ne pas)

Delvau, 1866 : N’avoir rien contre soi qu’on puisse reprocher, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens qu’il ne connaît pas assez pour en répondre. Ainsi quand il dit : C’est un bon enfant, il ne mange pas la chandelle, cela signifie : Je n’en sais ni bien ni mal, ce n’est ni mon ami ni mon ennemi.

Manger la grenouille

Virmaître, 1894 : Caissier qui mange le contenu de la caisse. Notaire qui vole les fonds qui lui sont confiés. Sergent-major qui lève le pied avec la solde de sa compagnie. Se dit en général de tous ceux qui mangent l’argent qui ne leur appartient pas. Cette expression vient de ce que, en Hollande, les banquiers avaient pour emblème protecteur, sur la serrure de leur coffre-fort, une grenouille en bronze ; lorsque le coffre-fort était fracturé, la grenouille était déplacée. De là, manger la grenouille (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Voler la caisse. Dissiper les fonds dont on est dépositaire.

Cette expression, dit Ch. Virmaître, vient de ce que, en Hollande, les banquiers avaient pour emblème protecteur, sur la serrure de leur coffre-fort, une grenouille en bronze ; lorsque le coffre-fort était fracturé, la grenouille était déplacée. De là, manger la grenouille.

 

On vient de servir une fricassée de grenouilles.
— Vous aimez ça ? demande un monsieur à son voisin de table.
— Les grenouilles ! je crois bien ! J’en mange fort souvent.
Le monsieur, avec un aimable sourire :
— Vous êtes dans la banque ? Caissier, sans doute ?

 

— Alors, tu as volé comme un gratte-papier, et pour ce grand chameau !… Encore, si tu avais volé pour ta mère, ce serait honorable. Mais, nom de Dieu ! aller manger la grenouille et apporter la monnaie dans cette baraque, c’est ça qui m’enrage !… Dis ? qu’as-tu donc dans le coco pour te crever à ton âge, avec un pareil gendarme ? Ne mens pas, je vous ai vus tout à l’heure faire vos saletés.

(Émile Zola, Le Capitaine Burle)

Manger la laine sur le dos de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le tromper, et même le voler, sans qu’il proteste ou s’en aperçoive. Même argot [du peuple].

Manger la soupe à la quéquette

Rossignol, 1901 : C’est à la suite de cela qu’arrivent les bébés.

Manger la soupe avec un sabre

France, 1907 : Être affligé d’une bouche énorme ; argot militaire.

Manger la vache enragée

Larchey, 1865 : Endurer des privations.

Sans l’illusion, où irions-nous, elle donne la puissance de manger la vache enragée des arts.

Balzac.

Son père dit qu’il veut lui faire manger de la vache enragée.

E. Sue.

Manger le blanc des yeux (se)

Delvau, 1866 : Se dit de deux personnes qui se regardent avec colère, comme prêtes à se jeter l’une sur l’autre et à se dévorer.

Manger le bon Dieu

Delvau, 1866 : v. a. Communier, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Communier. L’allusion est claire (Argot du peuple).

Manger le fruit d’une femme

Delvau, 1864 : Gamahucher une femme, enceinte peut-être.

Prends gardé !… Tu vas manger mon fruit.

Jean du Boys.

Jean, rentrant chez lui, à l’improviste, trouve Pierre, son voisin, la tête entre les cuisses de sa femme, et bien en train de la gamahucher. — Fouchtra ! s’écrie-t-il, cha m’étonne plus, chi je n’ai pas d’enfants ; j’en fais tous les jours, et Pierre me les mange !

Manger le gibier

Delvau, 1866 : v. a. Ne rien exiger des hommes, ou ne pas rapporter intégralement l’argent qu’ils ont donné, — dans l’argot des souteneurs oui disent cela à propos des filles, leurs maîtresses.

La Rue, 1894 : Dans l’argot des filles, ne pas rapporter intégralement au souteneur l’argent reçu d’un client.

France, 1907 : Ne pas rapporter intégralement au souteneur l’argent donné par un client : allusion au mauvais chien de chasse.

Manger le lapin de quelqu’un

France, 1907 : Se régaler en revenant du cimetière. Manger son lapin, inviter ses camarades en prévisions de sa mort. « Eh ! les copains, je compte sur vous pour manger mon lapin. »

Manger le morceau

Bras-de-Fer, 1829 : Dénoncer.

Delvau, 1866 : v. a. Trahir un secret ; ébruiter trop tôt une affaire, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. a. Faire des révélations, nommer ses complices, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Casser le morceau.

Virmaître, 1894 : Dénoncer ses complices, ou avouer ses méfaits (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Aveux faits par un voleur qui fait connaître ses complices. Il a mangé le morceau.

Hayard, 1907 : Dénoncer ses complices.

France, 1907 : Dénoncer, faire des révélations ; argot des voleurs.

Le morceau tu ne mangeras
De crainte de tomber au plan.

(Commandements des voleurs)

— Comment ! s’écria la femme, voudras-tu manger le morceau ? Ah ! Joseph, quelle réputation tu vas laisser à nos enfants !

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

À la sollicitude dont le Parquet l’entoure, il est bien évident qu’on essaie de la récompenser du service qu’elle lui a rendu en mangeant le morceau.

(Henri Rochefort)

On dit aussi manger du lard.

Manger le morceau, se mettre à table

anon., 1907 : Parler, avouer.

Manger le mot d’ordre

Delvau, 1866 : v. a. Ne plus se le rappeler, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Oublier un ordre, ne plus se rappeler une consigne ; argot militaire.

Manger le nez (se)

Delvau, 1866 : Se battre avec acharnement, — dans l’argot des faubouriens, qui jouent parfois des dents d’une manière cruelle. Par bonheur, ils jouent plus souvent de la langue, et, dans leurs « engueulements », — qui rappellent beaucoup ceux des héros d’Homère, — s’il leur arrive de dire, en manière de début : « Je vais te manger le nez ! » ils se contentent de se moucher.

France, 1907 : Se battre. Cette expression n’est pas seulement symbolique, elle exprime une réalité, et, dans les disputes et les batailles des souteneurs et des voyous de barrière, il arrive souvent que l’un des adversaires coupe d’un coup de dents le nez de l’autre.

Puisque ce rêve de paix universelle est traité d’utopie par ceux-là mêmes qui auraient le plus d’intérêt à le propager : puisque, à les en croire, l’humanité se mangera le nez et les tripes jusqu’à la consommation des siècles, pourquoi laisser place à la confusion, pourquoi ne pas préciser le mode de meurtre qui conciliera à son auteur le plus d’indulgence — et, parfois, de sympathie ?

(Séverine)

Manger le pain hardi

Delvau, 1866 : v. a. Être domestique, — dans l’argot du peuple, qui veut marquer que ces sortes de gens mangent le pain de leurs maîtres, sans se soucier autrement de le gagner.

Manger le pâté de castor

France, 1907 : Se donner des stimulants d’amour. Ce dicton provençal viendrait d’un monastère des environs d’Avignon, le prieuré de Belles-Ombres, autrefois célèbre pour ses pâtés de castor. Les castors abondaient jadis dans le Rhône ; mais, venant à diminuer à cause de la grande consommation que les riverains en faisaient, les moines le remplacèrent par du lièvre, le vendant toujours sous l’étiquette de castor, comme les gargotiers donnent du chat sous le nom de lapins. Or nul n’ignore que le lièvre jouit de propriétés aphrodisiaques dont les effets furent tels chez les Avignonais, s’il faut s’en rapporter à Paul Arène, que le prieuré fut mis en interdit par les édiles. D’où le conseil donné proverbialement aux jeunes gens des deux sexes qui, par timidité ou candeur, manquaient de fougue amoureuse, d’aller au prieuré de Belles-Ombres manger le pâté de castor.

Manger le poulet

Delvau, 1866 : v. a. Partager un bénéfice illicite, — dans l’argot des ouvriers, qui disent cela à propos des ententes trop cordiales qui existent parfois entre les entrepreneurs et les architectes, grands déjeuneurs.

France, 1907 : Partager des profits illicites.

Manger les pissenlits par la racine

France, 1907 : Être mort et enterré.

Manger les sens (se)

Delvau, 1866 : S’impatienter, se mettre en colère, — dans l’argot des bourgeois.

Manger ou faire sauter la grenouille

Larchey, 1865 : Dissiper les fonds dont on est dépositaire. V. Crapaud.

Il a fait sauter la grenouille de la société.

L. Reybaud.

Manger son avoine en son sac

France, 1907 : Manger seul et dans son coin, comme font les avares qui se cachent de peur d’avoir à partager leur pitance. Cette locution, fort vieille et d’origine méridionale, vient de la coutume qu’ont les charretiers et les muletiers de suspendre au nez de leurs bêtes le sac où se trouve la pitances d’avoine, de façon que chaque animal mange à part sa ration, sans que le voisin en puisse prendre.

Manger son beefsteak

Delvau, 1866 : v. a. Se taire, — dans l’argot des faubouriens, qui ne devraient pourtant pas ignorer qu’il y a des gens qui parlent la bouche pleine.

Manger son blé en herbe

France, 1907 : Hypothéquer sur son avenir, emprunter sur sa succession, dépenser follement ce qui doit vous revenir.

Prenant argent d’avance, achaptant cher, vendant à bon marché, et mangeant son bled en herbe.

(Rabelais)

Les Italiens disent : mangiare l’agresto il guigno, manger le verjus en juin.

Auprès d’épinoctes maîtresses,
J’ai laissé, lambeau par lambeau,
Et de mon cœur, et de ma peau,
Et mon amour, et ma jeunesse,
Auprès d’épinoctes maîtresses
Dont j’oubliai jusqu’aux adresses ;
J’ai semé, — le geste fut beau…
J’ai semé d’un geste superbe ;
Mais j’ai mangé mon blé en herbe,
Mon bœuf, je l’ai mangé en veau…

(Franc-Nohain)

Manger son pain blanc le premier

Delvau, 1866 : v. a. De deux choses faire d’abord la plus aisée ; s’amuser avant de travailler, au lieu de s’amuser après avoir travaillé. Cette expression, — de l’argot du peuple, signifie aussi : Se donner du bon temps dans sa jeunesse et vivre misérablement dans sa vieillesse.

France, 1907 : On dit d’un homme qui, après avoir été dans l’aisance, se trouve dans la gêne, qu’il a mangé son pain blanc le premier. Cette locution nous reporte au temps où l’on mettait le pain blanc an rang des comestibles les plus délicats. Dans le XIVe siècle, le pain blanc le plus renommé était celui de Chailli, village près de Longjumeau. Le pain de Gonesse acquit de la réputation au XVIe siècle. À cette époque même, la vente du pan blanc n’était que tolérée, le gouvernement craignait qu’on en mangeât trop ! Les pains ordinaires étaient le pain bourgeois, nommé depuis pain de ménage, le pain bis-blanc et le pain bis. Il ne faut pas compter le pain de chapitre, pain inventé par un boulanger du chapitre de Notre-Dame de Paris : il ne différait du pain bourgeois que parce qu’il était moins plat. — Il est fils de prêtre, dit un adage du XVIe siècle, il mange son pain blanc le premier.

Manger sur

Larchey, 1865 : Dénoncer.

François a mangé sur vous.

Canler.

Manger sur l’orgue

Halbert, 1849 : Dénoncer ses pratiques ou complices.

Delvau, 1866 : v. n. Dénoncer un complice pour se sauver soi-même ou atténuer son propre crime, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Manger sur quelqu’un.

Virmaître, 1894 : Charger un complice. Mot à mot : lui mettre ses méfaits sur le dos pour essayer de s’en décharger (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Charger un complice.

France, 1907 : Dénoncer. Orgue a ici la signification de personne. Mon orgue, moi. On dit aussi manger sur quelqu’un.

Le coqueur libre est obligé de passer son existence dans les orgies les plus ignobles. En relations constantes avec les voleurs de profession dont il est l’ami, il s’associe à leurs projets. Pour lui tout est bon : vol, escroquerie, incendie, assassinat même ! Qu’est-ce que cela lui fait ? Pourvu qu’il puisse manger sur quelqu’un et qu’il en tire un bénéfice.

(Mémoires de Canler)

Manger un lapin

Delvau, 1866 : v. a. Enterrer un camarade, — dans l’argot des typographes, qui, comme tous les ouvriers, s’arrêtent volontiers chez le marchand de vin en revenant du cimetière.

Manger un morceau

Clémens, 1840 : Vendre une affaire (un délit).

Manger une soupe à l’herbe

France, 1907 : Se coucher au soleil, flâner.

Manger une soupe aux herbes

Delvau, 1866 : Coucher dans les champs. Argot des faubouriens.

Manger, manger le morceau

Larchey, 1865 : Dénoncer, avouer.

Le morceau tu ne mangeras de crainte de tomber au plan… — Paumé tu ne mangeras dans le taffe du gerbement.

Vidocq.

Manger, manger le morceau, manger sur l’orgue

La Rue, 1894 : Dénoncer un complice, révéler un secret.

Manger, manger le morceau, Manger sur, Manger du lard

Rigaud, 1881 : Dénoncer un complice, révéler un secret. — Manger dans la main, être très familier, ne pas observer les distances sociales. — Manger de la misère, manger de la prison, subir la misère, la prison. — Manger de la vache enragée, être misérable. — Manger de la merde, être dans le dénûment le plus profond, être abreuvé de souffrances physiques et morales. — Manger sur le pouce, manger à la hâte. — Manger du drap, jouer au billard. — Manger du pavé, chercher en vain de l’ouvrage. — Manger la laine sur le dos de quelqu’un, vivre aux dépens de quelqu’un, le ruiner sans le faire crier. — Manger du pain rouge, dépenser l’argent provenant d’un assassinat. — Manger à tous les râteliers, accepter de tous les côtés, sans scrupules. — Manger le Bon Dieu, communier. — Manger du sucre, être applaudi au théâtre. — Manger le poulet, partager un pot de vin, partager un bénéfice illicite. — Manger le gibier, faire sauter l’anse du panier de la prostitution, — dans le jargon des souteneurs qui n’entendent pas la plaisanterie sur ce chapitre. — Manger le pain hardi, être domestique. — Manger son pain blanc le premier, dépenser sans compter avec la misère à venir. — Manger l’herbe par la racine, être mort depuis longtemps. — Manger ses mots, parler vite et d’une manière incompréhensible. — Manger la consigne, oublier un ordre qu’on vous a donné. — Avoir mangé la bouillie avec un sabre, avoir une très, grande bouche. — Se manger, se manger le nez, se disputer vivement de très près, se menacer d’en venir aux mains. — Se manger les sangs, s’inquiéter. — Se manger les pouces, s’impatienter.

Mangerie

d’Hautel, 1808 : Pour, exaction, monopole, dilapidation, tour de bâton ; escroquerie, filouterie, vol.
Relever mangerie. Pour, recommencer à manger.

Mangeur

d’Hautel, 1808 : Mangeur de choux. Lapin nourri avec des choux, et dont la chair est bien inférieure à celle du lapin de garenne.
Mangeur de blanc Homme sans délicatesse, sans honneur, et de mauvaise vie, qui se laisse entretenir par les femmes.
Mangeur de soupe apprêtée. Paresseux, fainéant, oisif, qui veut prendre part aux bénéfices d’une affaire, sans s’y être donné le moindre mal.
Mangeur de chrétien. Procureur, avocat, huissier ; en un mot, tout ce qui tient à la chicane.
Mangeur de charrettes ferrées ; mangeur de petits enfans. Mauvais sujet, sans bravoure ; mauvaise tête ; fanfaron.
Mangeur de pommes. Nom que l’on donne par ironie aux Normands.

M.D., 1844 : Celui qui, faisant partie d’une bande, dénonce les autres.

Larchey, 1865 : Dissipateur. — Mangeur de galette : Fonctionnaire vénal (Vidocq). — Mangeur de blanc : Homme se faisant entretenir par une femme. V. d’Hautel. — Mangeur de blanche serait plus juste. — Mangeur de bon Dieu, de messes : Dévôt.

Quittez vos tanières, antiques comtesses, mangeuses de mes ses.

Départ de la Cour, Ch., 1830.

Delvau, 1866 : s. m. Dissipateur, viveur, — dans l’argot du peuple.

Fustier, 1889 : Dénonciateur, espion. Argot des prisons.

Ce sont les révélateurs qu’on appelle les mangeurs, la musique.

(J. Vallès.)

Mangeur de blanc

Delvau, 1864 : Souteneur de filles, maquereau qui vit du sperme dépensé par les autres hommes, avec de l’argent, au profit de sa maîtresse, etc.

Mangeons du blanc ! Mangeons du blanc !
Ça vaut mieux que manger du flan !
Mangeons du blanc jusqu’à l’aurore,
Et que Phoebus nous trouve encore
Mangeant du blanc !

Lemercier de Neuville.

Je voulais tâter du métier de miché, mais je vois que celui de mangeur de blanc est encore le meilleur.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Souteneur de filles.

La Rue, 1894 : Souteneur.

Virmaître, 1894 : Homme qui vit aux dépens des autres, et particulièrement des femmes qui se livrent à la prostitution. L’allusion est suffisamment claire pour se passer d’explication (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voir mac.

Hayard, 1907 : Souteneur.

France, 1907 : Amant de cœur d’une fille publique. Dans les maisons de prostitution, on appelle blanc le jeton que la matrone remet à la fille après chaque passe ; ce jeton représente le tarif de la maison, c’est-à-dire la somme versée par le client.

J’arrêtai notamment un individu qui répondait au sobriquet de « Leblanc », sans doute parce qu’il en mangeait, comme on disait dans son monde, et dont la spécialité était de faire l’agent des mœurs.
Il connaissait les misérables de mœurs inavouables qui rôdent le soir aux Champs-Elysées ou sur les boulevards, ces prostitués mâles parmi lesquels se recrutent les plus dangereux bandits.
Leblanc les suivait avec patience, et, dès qu’il les voyait en conversation avec de vieux messieurs bien mis, il intervenait, se disant « agent des mœurs » arrêtait les prétendus délinquants, et ne les relâchait que contre des sommes plus ou moins fortes qu’on lui remettait toujours pour éviter le scandale…

(Mémoires de M. Goron)

Le blanc était une ancienne monnaie qui valait cinq deniers.
Gros-René dit à Marinette dans le Dépit amoureux :

Tiens, encor’ ton couteau. La pièce est riche et rare,
Il te coûta six blancs lorsque tu m’en fis don.

Mangeur de bon Dieu

Delvau, 1866 : s. m. Bigot, homme qui hante plus volontiers l’église que le cabaret. Argot du peuple.

France, 1907 : Dévot qui communie souvent, avale et digère son créateur.

— Et c’est du propre d’aller manger le bon Dieu en guignant les honmnes.

(Émile Zola)

On dit aussi mangeur de messes.

Mangeur de choucroute

Delvau, 1866 : s. m. Allemand.

Mangeur de choux

France, 1907 : Voleur qui travaille seul, pour son propre compte, qui n’appartient à aucune bande.

Mangeur de crucifix

France, 1907 : Bigot, hypocrite. Allusion à l’habitude qu’ont les fanatiques religieux de couvrir de baisers les crucifix, les médailles et autres images.

Mangeur de galette

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui trahit ses camarades pour de l’argent.

Rigaud, 1881 : Celui qui bat monnaie au moyen de dénonciations. — Fonctionnaire ami du pot de vin.

France, 1907 : Dénonciateur, mouchard. Galette est, en ce cas, le synonyme de morceau.

Mangeur de petites pattes

France, 1907 : Riche, bourgeois. « Le bourgeois, dit le paysan, recherche les mets délicats, le gibier fin, perdrix, cailles, alouettes, bécasses et autres oiseaux à petites pattes. »

Mangeur de pommes

Delvau, 1866 : s. m. Normand.

Mangeur de prunes

France, 1907 : Tailleur. On dit aussi pique-prunes.

Mangeurs de foin

Merlin, 1888 : Épithète autrefois donnée aux grenadiers, qui, marchant généralement en tête, s’emparaient pour leur campement de tout le foin et de toute la paille des environs. Quand le gros des troupes arrivait, il ne trouvait plus rien ; les grenadiers avaient mangé le foin.

Mangeuse

Rigaud, 1881 : Gaspilleuse.

Mangeuse de viande crue

Delvau, 1866 : s. f. Fille publique. L’expression est vieille : elle se trouve dans Restif de la Bretonne.

Virmaître, 1894 : Cette figure dégoûtante, mais très caractéristique, désigne une fille publique qui a une certaine spécialité (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Prostituée exerçant une certaine industrie.

Mangone

France, 1907 : Animal fantastique qui affecte la forme d’une dinde, se cache dans les réduits obscurs où il se lamente sans cesse. « C’est le diable », disent les paysans du Centre. D’où le nom de mangone à une personne qui ne fait que se plaindre et gémir. « Oh ! la vilaine mangone ! »

Mangonner

France, 1907 : Parler entre ses dents, grogner.

Maniable

d’Hautel, 1808 : Il n’est guère maniable. Se dit d’un homme rude, qui a l’humeur âpre et revêche, et dont on ne vient pas aisément à bout. Le peuple prononce magnable.

Manicle

d’Hautel, 1808 : Pour, manège, manigance.
Il entend la manicle. Pour, il est adroit, rusé, il comprend toutes les finesses.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bracelet. (Manicle signifie aussi l’anneau que l’on rive au bas de la jambe des forçats, et auquel est attachée la chaîne qu’ils ne quittent qu’en sortant du bagne.)

Delvau, 1866 : s. f. Se dit de toutes les choses gênantes, embarrassantes, comme le sont en effet les manicles des prisonniers. Ce mot vient de manicæ, menottes. Les forçats, qui ne sont pas tenus de savoir le latin, donnent ce nom aux fers qu’ils trament aux pieds ; en outre, au lieu de l’employer au pluriel, comme l’exigerait l’étymologie, ils s’en servent au singulier : c’est ainsi que de la langue du bagne il est passé dans celle de l’atelier. Frère de la manicle. Filou.

La Rue, 1894 : Toute chose gênante, comme les menottes. Frère de la manicle, confrère en vol.

Manicle (frère de la)

Rigaud, 1881 : Confrère en vol.

France, 1907 : Compagnon de vol.

Manicon

Delvau, 1864 : Surnom que le populaire, donne volontiers aux sages-femmes, — on devine pourquoi.

Manicotier

France, 1907 : Faiseur de petites affaires, de petits commerces, et naturellement un peu filou ; patois du Centre.

Manier

d’Hautel, 1808 : Quand on manie le beurre, on a les mains grasses. Pour dire, que quand il passe beaucoup d’argent par les mains, on en ressent toujours quelque bénéfice.
Le peuple fait entrer un g dans la terminaison de ce verbe, et le conjugue ainsi : je magne, tu magnes, il magne, etc. Je magnois, je magnerai ; magner, etc. Au lieu de, je manie, tu manies, etc. ; je maniois, je manierai ; manier, etc.

Delvau, 1864 : Peloter une femme — où un homme.

Mais, Monsieur, vous, baisez mes fesses à tout moment ; vous me maniez partout !

La Popelinière.

On ne peut donc sans scandale manier un peu les breloques du monde ? — Sacrebleu ! quelles breloques ! c’est bien aussi la montre, ma foi.

A. de Nerciat (Les Aphrodites.)

Ma bonne, disait Rosette, il veut toujours me faire manier sa sottise et prendra la mienne.

La Popelinière.

C’est des marlous, n’y prends pas garde ;
Viens, que j’ te magne ton outil.

H. Monnier.

Manier (se)

Fustier, 1889 : Se masturber. — Se sauver, fuir.

France, 1907 : Se masturber.

Manière

d’Hautel, 1808 : Cela frise un peu la manière. Pour, est trop affecté.
Il a été étrillé de la bonne manière. Pour, il a été bien maltraité ; il a beaucoup perdu dans cette entreprise.
Par manière d’acquit. Négligemment ; sans avoir l’air d’y toucher.

Delvau, 1864 : Se dit du faire particulier aux femmes galantes qui, souvent, ont autant de manières que les plus illustres artistes, — première manière, seconde manière, etc.

Changer de masque, c’est fort mal
Quand on n’est plus dans l’ carnaval,
P’t-être aussi qu’ vous changez d’ manière
Et qu’aux femmes vous voulez plaire ;
Ce s’rait deux bons goûts à la fois.
J’ vous crois fait’ pour en avoir trois.

Béranger.

Delvau, 1866 : s. f. Façon de se conduire avec les hommes, — dans l’argot des drôlesses habiles, qui ont ainsi comme les grands artistes, leur première, leur seconde, leur troisième manière. Le cynisme en paroles et en actions peut être la première manière d’une courtisane, et la pudicité, voire l’honnêteté, sa troisième manière, — la plus remarquable et la plus dangereuse.

Manière (1re, 2me, 3me)

Larchey, 1865 : Ligne de conduite ou manière de faire son rapport avec l’âge, les progrès, ou les calculs d’un artiste, d’un écrivain, d’un intrigant, etc.

Faustine en était encore au désintéressement, sa première manière, ainsi qu’elle disait elle-même, en empruntant le langage des artistes.

dit M. Amédée Achard, dans ses Petits-Fils de Lovelace, d’une fille qui joue le désintéressement afin de mieux enlacer ses victimes.

Manières

Larchey, 1865 : Air d’importance.

Ça fait des manières et ça a dansé dans les chœurs…

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Embarras, importance exagérée ; mines impertinentes ; simagrées, — dans l’argot des faubouriens.

Manigance

d’Hautel, 1808 : Artifice, subtilité, tromperie, intrigue.
Il y a là-dessous quelque manigance. Pour, quelque ruse, quelqu’intrigue.

Delvau, 1866 : s. f. Intrigue, fourberie, — dans l’argot du peuple.

Manigancer

d’Hautel, 1808 : Tramer secrètement une petite intrigue.

Delvau, 1866 : v. a. Méditer une fourberie ; préparer une farce, un coup, une affaire.

Manigancerie

Rigaud, 1881 : Petit complot domestique, mauvaise ruse.

Manille

Halbert, 1849 : Anneau des forçats.

Manips

France, 1907 : Abréviation de manipulation ; argot de Polytechnique.

Les manips de chimies ont pour objet d’exercer les élèves à faire certaines préparations et les analyses chimiques les plus usuelles.
Vêtus de la longue blouse de toile, ils passent deux heures devant un fourneau, au milieu des cornues, des flacons, des chalumeaux, des queues de rat.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Manique

d’Hautel, 1808 : Tirer la manique. Faire le métier de cordonnier.
Cet homme est de la manique. Pour, est cordonnier, ou savetier.

Delvau, 1866 : s. f. Métier ; cuir dont les cordonniers se couvrent la main. Connaître la manique. Connaître à fond une affaire. Sentir la manique. Sentir le cuir ou toute odeur d’atelier.

Rigaud, 1881 : Métier, — en terme de compagnon.

La Rue, 1894 : Pratique du métier.

France, 1907 : Moyen, manière. « Il ne sait pas la manique », il ne sait pas s’y prendre ; patois du Centre.

Manival

Rigaud, 1881 : Charbonnier, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Marchand de charbon ; argot des voleurs.

Manivelle

Delvau, 1866 : s. f. Chose qui revient toujours fastidieusement ; travail monotone, ennuyeux. C’est toujours la même manivelle. C’est toujours la même chanson.

Manneau

Delvau, 1866 : pron. pers. Moi, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Mézingaud et Mézière.

Mannequin

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai mannequin. Pour dire, un homme sans caractère, qui n’agit que d’après la volonté des autres, ou dont on se rend absolument maître.

Delvau, 1866 : s. m. Voiture quelconque, et spécialement Tape-cul, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme de paille, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Demoiselle de magasin sur le dos de laquelle on essaie les confections, devant les acheteurs, — dans le jargon des marchands de nouveautés.

Rigaud, 1881 : Cabriolet, voiture à deux roues. — Hotte de chiffonnier. — Mannequin à machabées, corbillard, ou encore mannequin du trimballeur de dégelés, de refroidis, de machabées.

La Rue, 1894 : Imbécile. Voiture.

France, 1907 : Imbécile toujours habillé à la dernière mode.

France, 1907 : Hotte de chiffonnier.

France, 1907 : Homme méprisable, sans valeur.

Mannequin (tu n’es qu’un)

Virmaître, 1894 : Pas grand’chose de bon. Mannequin : individu guindé, habillé à la dernière mode. Mot à mot, qui ressemble à un mannequin exposé à la porte d’un tailleur. Mannequin : hotte de chiffonnier (Argot du peuple).

Mannequin de machabées

Virmaître, 1894 : Corbillard. Allusion au panier dans lequel est jeté le condamné après l’exécution (Argot des voleurs). V. Omnibus de coni.

France, 1907 : Corbillard, cercueil.

Mannequin du trimballeur des refroidis

Halbert, 1849 : Corbillard.

Delvau, 1866 : s. m. Corbillard, — dans l’argot des voleurs.

Mannesingue, minzinguin

Larchey, 1865 : Marchand de vin. — Mot à mot : homme (mann) vendant à boire (zu trinken). On a dit d’abord Mannestringue, puis mannesingue. Minzinguin est un diminutif corrompu. — V. Licher.

Quel est celui-là ? — Un ami, un vrai, un marchand de vin… — Un mannezing ?

G. Bourdin.

Le roi est un bon zigue qui protège les minzinguins.

Cabassol.

Mannezingue

Delvau, 1866 : s. m. Cabaret ; marchand de vin, — dans l’argot des faubouriens, qui n’emploient ce mot que depuis une trentaine d’années. On dit aussi Minzingouin et Mannezinguin.
Voilà un mot bien moderne, et cependant les renseignements qui le concernent sont plus difficiles à obtenir que s’il s’agissait d’un mot plus ancien. J’ai bien envie de hasarder ma petite étymologie : Mannsingen, homme chez lequel on chante, le vin étant le tirebouchon de la gaieté que contient le cerveau humain.

La Rue, 1894 : Marchand de vin.

Rossignol, 1901 : Marchand de vin.

France, 1907 : Marchand de vin : c’est-à-dire homme du zing : man-zing, à moins qu’il ne faille s’en rapporter à l’étymologie donnée par Delvau, qui ferait de mannezingue un mot tout à fait germanique : Mannsingen, homme chez lequel on chante, le vin étant, dit-il, Le tire-bouchon de la gaieté que contient le cerveau humain.

Les mannezingues ont toutes les audaces.
L’un d’eux, l’autre jour, dans le quartier Montmartre, voulant se donner tout le temps nécessaire pour faire des mouillages abondants, a pris le parti de fermer sa boutique.
Et les passants ont pu lire ces mots écrits à la craie sur la devanture :
« Fermé pour cause de baptême. »

(Le Journal)

J’suis républicain socialisse,
Compagnon, radical ultra,
Révolutionnaire, anarchisse,
Eq’cœtera… eq’cœtera…
Aussi j’vas dans tous les métingues,
Jamais je n’rate un’ réunion.
Et j’pass’ mon temps chez les mann’zingues
Oùs qu’on prêch’ la révolution.

(Aristide Bruant)

Mannezingueur

Delvau, 1866 : s. m. Habitué de cabaret.

Manœuvre

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Au propre, compagnon maçon ; au figuré, nom que l’on donne à un ouvrier qui travaille grossièrement ; qui ne sait pas son métier.
Un rusé manœuvre. Homme artificieux ; finot.

Manœuvrer du cul

Delvau, 1864 : Remuer des fesser quand on est sous l’homme, soit pour l’aider à décharger, soit parce que la jouissance arrache à la femme d’involontaires et lascives torsions de croupe.

Fait l’étroite pour lui, même quand elle est large,
Et manœuvrant du cul, jouit quand il décharge.

L. Protat.

Manon

Delvau, 1866 : s. f. Gourgandine, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Maîtresse, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Fille de joie. Réminiscence de l’héroïne du célèbre roman de l’abbé Prévost, Manon Lescaut.

Manquant-sorti

France, 1907 : Personne qui ne comprend pas la plaisanterie.

Manque

France, 1907 : Trahison, perfidie. Être à la manque, trahir.

Gaffré était comme la plupart des agents de police, sauf la manque, bon enfant, mais un peu licheur, c’est-à-dire gourmand comme une chouette.

(Mémoires de Vidocq)

Manque (à la)

Delvau, 1866 : adv. À gauche, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Endommagé et Malade.

Rigaud, 1881 : Absent, sorti ! — dans le jargon des ouvriers. — Être à la manque, être absent. — Ne pas être franc ; trahir.

Rigaud, 1881 : À gauche. Mauvais, laid, défectueux. Indiscret. Incertain. Avoir à la manque, ne pas avoir.

La Rue, 1894 : Mauvais, laid, défectueux. — Tronche à la manque, mauvaise mine, physionomie qui ne dénote rien de bon, — dans le jargon des voleurs, pour qui tous les agents de la police ont des tronches à la manque.

France, 1907 : À gauche. Qui n’est pas dans le vrai sens ; de l’italien alla manca.

Les gardes-chiourmes sont au nombre de deux. De l’un, rien à dire : c’est un sac à mistoufles, aussi rossard que ses pareils. Quant à l’autre, il n’est pas banal : c’est un collecto qui a été candidat au conseil cipal et a accouché d’un caneton.
Il est frais le socialo à la manque !
Mon de Dieu, s’il amène jamais un prolo de son bagne à penser comme lui, je veux bien qu’on me la coupe. Et ça se comprend. On ne juge pas les hommes d’après ce qu’ils pensent, mais bien d’après ce qu’ils font.
Or, comme le birbe ne fait rien de chouette, y a pas de danger que ses esclaves soient attirés vers lui.

(Le Père Peinard)

Affaire à la manque, mauvaise affaire. Gonse à la manque, individu sur lequel on ne peut compter. Fafiots à la manque, faux billets de banque. Balle à la manque, visage de borgne.

Manquer

d’Hautel, 1808 : Il ne lui manque que la parole. Se dit d’un chien ou de tout autre animal qui a un instinct extraordinaire ; qui exécute tout ce qu’on lui commande avec une grande précision.
On dit aussi d’un portrait très-ressemblant, qu’Il ne lui manque que la parole.
Il la manqué belle.
Pour dire qu’on a laissé échapper une occasion favorable ; que l’on s’est tiré d’un grand péril ; que l’on a évité un danger imminent.

Manquer à ses devoirs

Delvau, 1864 : Faire son mari cocu — ce qui est le seul devoir auquel les femmes ne manquent jamais.

Si vous aviez un peu de vertu dans l’âme, vous sentiriez aussi ce qu’il en coûte à une femme bien née pour manquer à ses devoirs et faire un pas comme celui-ci.

La Popelinière.

Manquer de respect à une femme

Delvau, 1864 : La violer — de son propre consentement, mais à fond de train, pour se faire pardonner l’irrévérence de cette action.

À l’encontre d’un talon rouge qui avait manqué de respect à une intendante, mais qui n’a pu achever de lui en manquer entièrement.

Collé.

Manquer de voix

Delvau, 1864 : Chanter un air à une femme, avec la queue, et s’en tenir là, volontairement ou involontairement. Baiser mollement.

Quand des voix qu’il me dut
Vint l’éclat dont il brille,
Avec moi que de fois
Il a manqué de voix.

Béranger.

Manquer le train

France, 1907 : Perdre une bonne occasion ; manquer sa fortune, le but de la vie.
On dit aussi manquer le coche.

A débute par un beau livre ; B, à vingt-cinq ans, expose un beau tableau… Les mille obstacles de la bohème leur barrent le chemin. Ils resteront intelligents, mais… ils ont manqué le train.

(Tony Révillon)

Manquesse

Rigaud, 1881 : Mauvaise note, — dans le jargon des voleurs. — Refiler la manquesse, être mal noté.

France, 1907 : Mauvais renseignements donnés sur un prisonnier.

Manquiller

Halbert, 1849 : Faire.

Manteau

d’Hautel, 1808 : Garder les manteaux. Assister à un duel ; n’y être que simple spectateur ; faire le guet ; demeurer les bras croisés, quand les autres travaillent.
Il a un bon manteau pour son hiver. Se dit par plaisanterie de quelqu’un qui a un gros rhume, ou, les fièvres, au commencement de l’hiver.
Manger son pain sous son manteau. Se dit d’un égoïste, d’un avare, qui ne fait jouir personne de son bien.
Faire quelque chose sous le manteau. Pour dire, d’une manière furtive, cachée.
Cela est fait sous le manteau de la cheminée. Se dit d’une affaire concertée en cachette ; faite à plaisir, et que l’on présente comme arrivée accidentellement.

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Rôle où l’acteur porte un manteau. (Littré.)

Il avait, comme artiste, une scène de composition, une autorité de manière qui, jointes à une excellente diction, faisaient de son jeu dans les rôles proprement appelés les manteaux un sujet d’études des plus attrayants.

(Revue britannique.)

Manteau d’arlequin

Delvau, 1866 : s. m. Draperie qui entoure le rideau d’avant-scène, — dans l’argot des coulisses. « On l’a nommée ainsi, dit M. J. Duflot, parce que du temps de la Comédie italienne les rideaux de théâtre ne tombaient pas comme des rideaux d’alcôve en glissant sur des tringles ; or, comme Arlequin, au dénoûment de la pièce, était toujours le dernier comédien qui saluait le public de sa batte, le rideau, qui se fermait sur lui, semblait lui faire un manteau. »

Manteau de la cheminée (sous le)

France, 1907 : En famille, en petit comité.

Jusque vers le milieu du XIIe siècle, les habitations de nos aïeux — même des seigneurs — n’avaient pas de cheminées. Pour chauffer les appartements, on se servait de brasières dans lesquelles on entretenait de la braise recouverte de cendres. Ce fut dans les monastères qu’on commença à construire des cheminées dans les grandes salles ; les châteaux imitèrent bientôt cet exemple, mais on construisait ces cheminées tellement larges qu’on pouvait y faire rôtir des moutons et même des veaux entiers devant des feux composés de troncs d’arbres ; sous le manteau de ces cheminées la famille entière pouvait prendre place et l’on voit encore certains châteaux avec des cheminées sous les manteaux desquelles le châtelain faisait dresser son lit pendant l’hiver.

(Jean-Bernard)

Manteaux (garder les)

France, 1907 : Ne pas prendre part aux divertissements de ceux qu’on accompagne, les regarder s’amuser, jouer un rôle ridicule, comme les maris qui, dans les fêtes de village, gardent le châle on le manteau de leur femme pendant que la commère se trémousse avec un galant.

Manu adjuvante

France, 1907 : « À l’aide de la main. » Latinisme.

Les mots, les jugements ne s’appliquent pas à tous les hommes… Mirande avait, entre nous, soif de célébrité. Il va être célèbre, les femmes vont l’adorer, se passionner pour sa cause, et il va devenir, dans leur esprit, une sorte de héros. Combien désireront coucher avec lui ! Et y coucheront, manu adjuvante, tontes celles qui ont au bout du doigt un peu d’imagination ! Ah ! il ne sera pas à plaindre, il aura de la gloire ! Et de l’amour !

(Féliciens Champsaur, Le Mandarin)

Manuéliser (se)

Delvau, 1864 : Se masturber.

C’est le seul moyen d’être sage au couvent, puisqu’on ne peut l’être sans se clitoriser ou se manuéliser.

Mercier de Compiègne.

Du bon Guillot le vit se raidissait,
Et le poignait si fort concupiscence,
Que dans un voin se manuélisait.

Piron.

Manuelle

Rigaud, 1881 : Prostituée décrépite qui tend à la débauche une main secourable quoique souvent couverte de gale.

Ces filles vieilles, laides, décrépites et dégoûtantes, appelées pierreuses dans l’administration, qui se désignent sous le nom de manuelles.

(Parent-Duchatelet, De la prostitution.)

Manufacture

d’Hautel, 1808 : Le peuple dit par corruption manifacture.

Manuscrit belge

Boutmy, 1883 : s. m. Copie imprimée. On a appelé de ce nom cette sorte de copie peut-être parce que les ouvriers belges, assez nombreux à Paris, ne pouvant autrefois déchiffrer la copie manuscrite, on ne leur donnait à composer que les réimpressions. Aujourd’hui, cette distinction a à peu près disparu. Voici une autre explication de cette expression : en Belgique, il y a trente ans, les imprimeurs ne vivaient que de contrefaçons ; on ne composait donc jamais ou presque jamais chez eux que sur des livres. Voilà pourquoi, sans doute, on a donné le nom de manuscrit belge à toute copie imprimée. L’expression est alors plus fine, plus satirique que dans l’hypothèse précédente ; elle raille spirituellement l’indélicatesse de nos voisins, qui se procuraient de la copie à trop bon marché.

France, 1907 : Texte imprimé que l’on donne à copier dans une imprimerie.

On a appelé de ce nom cette sorte de copie, dit Eugène Boutmy, peut-être parce que les ouvriers belges, assez nombreux à Paris, ne pouvant autrefois déchiffrer la copie manuscrite, on ne leur donnait à composer que les réimpressions. Aujourd’hui, cette distinction a à peu près disparu. Voici une autre explication de cette expression : en Belgique, autrefois, les imprimeurs ne vivaient que de contrefaçons ; on ne composait donc jamais ou presque jamais chez eux que sur des livres. Voilà pourquoi, sans doute, on a donné le nom de manuscrit belge à toute copie imprimée. L’expression est alors plus fine, plus satirique que dans l’hypothèse précédente ; elle raille spirituellement l’indélicatesse de nos voisins, qui se procuraient de la copie à trop bon marché.

(Argot des typographes)

Manzingue

Clémens, 1840 : Marchand de vin.

Mappemonde

d’Hautel, 1808 : On donne ce nom en plaisantant, aux seins d’une femme lorsqu’ils sont trop volumineux.

France, 1907 : Le derrière.

Ce qui dans tous les corps à la surface ronde,
Ce qu’on ne montre point que l’on ne soit surpris,
Et ce que dans le sexe on renomme à Paris,
Fut la nouvelle mappemonde.

(Grécourt)

Se dit aussi pour les seins d’une femme quand ils sont volumineux.

Maqua

Delvau, 1866 : s. f. Entremetteuse, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques cents ans. On a écrit Maca au XVIe siècle.

Maquart

France, 1907 : Viande. Bifteck de Maquart, viande de cheval, du nom d’un équarrisseur.

Maqué ou Maccé

Rossignol, 1901 : La fille publique qui a un amant ou qui en prend un, est maquée : elle a un mac.

Maque, maquecée

France, 1907 : Maîtresse d’un lupanar ; de maq, abréviation de maquerelle, et cé, femme d’argent.

Maquecée

Delvau, 1866 : s. f. Abbesse de l’abbaye des S’offre-à-tous, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Abbesse d’une maison de tolérance. Vient des deux mots : maq, abréviation de maquerelle, et de cé, femme d’argent ; de là maquecée (Argot des souteneurs). N.

Maquecée, maquerelle

Hayard, 1907 : Tenancière de maison de tolérance.

Maquer (se)

France, 1907 : Se manger, se battre.

Quand i’ nous arriv’ qu’un mèche
S’met à nous r’luquer,
Qu’on voit qu’avec lui y a mèche
D’pouvoir se maquer,
Faut qu’nous l’ayons corps et âme,
Et, si quéqu’cato
La trouv’ mauvaise et réclame,
Nous tirons l’couteau.

(E. Blédort)

Maquereau

d’Hautel, 1808 : Libertin, homme pervers, qui fait l’infâme métier de prostitution.

Delvau, 1864 : Défenseur de beautés faciles qui le payent ; entremetteur.

Le roi fit choix du conseiller Bonneau,
Confident sûr et très bon Tourangeau.
Il eut l’emploi, qui certes n’est pas mince,
Et qu’à la cour où tout se peint en beau,
Nous appelons être l’ami du prince ;
Mais qu’à la ville, et surtout en province,
Les gens grossiers ont nommé maquereau.

Voltaire. (La Pucelle.)

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles, ou plutôt Soutenu de filles, — dans l’argot du peuple.
II est regrettable que Francisque Michel n’ait pas cru devoir éclairer de ses lumières philologiques les ténèbres opaques de ce mot, aussi intéressant que tant d’autres auxquels il a consacré des pages entières de commentaires. Pour un homme de son érudition, l’étymologie eût été facile à trouver sans doute, et les ignorants comme moi n’en seraient pas réduits à la conjecturer. Il y a longtemps qu’on emploie cette expression ; les documents littéraires dans lesquels on la rencontre sont nombreux et anciens déjà ; mais quel auteur, prosateur ou poète, l’a employée le premier et pourquoi l’a-t-il employée ? Est-ce une corruption du mæchus d’Horace (« homme qui vit avec les courtisanes, » mœcha, fille) ? Est-ce le μακρός grec, conservé en français avec sa prononciation originelle et son sens natif (grand, fort) par quelque helléniste en bonne humeur ? Est-ce une contraction anagrammatisée ou une métathèse du vieux français marcou (matou, mâle) ? Est-ce enfin purement et simplement une allusion aux habitudes qu’ont eues de tout temps les souteneurs de filles de se réunir par bandes dans des cabarets ad hoc, par exemple les tapis-francs de la Cité et d’ailleurs, comme les maquereaux par troupes, par bancs dans les mers du Nord ? Je l’ignore, — et c’est précisément pour cela que je voudrais le savoir ; aussi attendrai-je avec impatience et ouvrirai-je avec curiosité la prochaine édition des Études de philologie de Francisque Michel.
Au XVIIIe siècle, on disait Croc de billard, et tout simplement Croc, — par aphérèse.

Virmaître, 1894 : Les uns croient que ce mot vient de l’hébreu machar, qui signifie vendre, parce que c’est le métier de ces sortes de gens de vendre les faveurs des filles. D’autres font dériver cette expression d’aquarius ou d’aquariolas, parce que chez les Romains les porteurs d’eau étaient les intermédiaires de la prostitution, d’où nous avons fait, en ajoutant la lettre M, Maquariolus. et que de là s’est formé le nom de maquereau. D’autres encore affirment que ce mot vient du latin macalarellus, parce que dans les anciennes comédies, à Rome, les proxénètes de la débauche portaient des habits bizarres, et ils étayent leur opinion sur ce que ce nom n’a été donné à l’un de nos poissons de mer que parce qu’il est mélangé de plusieurs couleurs dans le dos (Dessessart, Dictionnaire de police, Bulenger opuscul.) Quoi qu’il en soit, la signification du mot maquereau est de vivre aux dépens de quelqu’un, mais l’expression s’applique plus généralement à ceux qui vivent de la prostitution des femmes. Souteneur, qui vit des filles publiques, ou mari qui laisse sa femme se prostituer, lequel est un maquereau légitime (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui vit aux dépens des autres.

Hayard, 1907 : Souteneur.

France, 1907 : Individu qui vit d’une femme ou de la prostitution d’une ou de plusieurs femmes. Nous disons sans ambages que l’homme sans le sou qui épouse une femme riche, quelle qu’elle soit, est un maquereau.
L’étymologie de ce mot est assez douteuse. D’après les uns, il viendrait de l’hébreu machar, vendre, le maquereau vendant ou trafiquant des faveurs des filles ; d’après d’autres, dit Ch. Virmaître, cette expression viendrait d’aquarius ou d’aquariolus, parce que chez les Romains les porteurs d’eau étaient les intermédiaires de la prostitution, d’où nous avons fait, en ajoutant la lettre M, maquariolus, d’où l’abréviation maquereau.
Dessessart, dans son Dictionnaire de polices, et Bulenger affirment que ce mot vient du latin macalarellus, bariolé, parce que, dans les anciennes comédies, les proxénètes portaient des vêtements bizarres, et que, d’après eux, le nom de maquereau a été donné au poisson de mer bien connu, parce qu’il est mélangé, bigarré de plusieurs couleurs sur le dos.

Venez tous, vrais maquereaux
De tous estats, vieux et nouveaux.

(François Villon)

On dit qu’une reine de Crète,
Dont Dédale fut macquereau,
D’une passion indiscrète
Brûla jadis pour un taureau,
Je le crois, certes, puisque Jeanne
Soupire aujourd’hui pour un âne.

(Le sieur Ménard)

On a chanté dans le monde des marlous. Souteneurs à rouflaquettes, soutenus en gris perle ont été de la fête. Ils ont dansé en l’honneur de leur patron ; l’absinthe a eu sur les zincs des éclats d’émeraude, le champagne aurait pu perler dans les coupes de Bohême des grandes prostituées et sur les tables de quelques nobles dames. Depuis toujours il y a eu des poissons dans tous les mondes, des poissons à dos vert et à ventre blanc. Oh ! marlous pour marlous, c’est encore des alphonses. Qu’on l’avoue ou qu’on s’en cache, que ce soit à la Villette, que ce soit à l’Étoile, le rôle est le même si le décor change ; la honte est égale pour le rastaquouère et pour le maquereau.

(Fin de Siècle)

Pour en finir avec ce mot, citons un passage tiré d’un curieux livre, Noel Borguignon, de Gui Barozai, pseudonyme de Bernard de La Monnoye, imprimé à Dijon en 1720 : « Maquereau, injure qu’on apprend aux oiseaux qui parlent ; sur quoi certain curé disait un jour dans son prône qu’il vaudroit bien mieus leur apprendre de bons oremus. On trouve dans Villebardouin qu’en 1200 un des ambassadeurs de Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut pour la guerre sainte, avoit nom Alard Maqueriaus. M. Huet qui a trouvé que Paillard, nom de famille, étoit originairement un nom propre corrompu de Paul, dont on avoit d’abord fait Paulard, ensuite Pauliard et enfin Paillard, n’hésiterait pas à dire que maqueriaus étoit de même originairement un nom propre corrompu de Macaire, dont on avoit fait le diminutif macaireau, prononcé depuis maqueriaus » — ajoutons maquereau.

Maquereau, maquerelle

La Rue, 1894 : Souteneur. Proxénète.

Maquereautage

Delvau, 1866 : s. m. Exploitation de la femme qui exploite elle-même les hommes ; maquignonnage. On prononce Macrotage.

Maquereauter

Delvau, 1866 : v. a. et n. Vivre aux dépens des femmes oui ne vivant elles-mêmes qu’aux dépens des hommes. On prononce Macroter. Maquereauter une affaire. Intriguer pour la faire réussir.

France, 1907 : Fréquenter les prostituées, vivre à leurs dépens.

Ce qu’il y a d’enquiquinant, c’est que les grosses légumes, pour couper la chique à notre esprit de révolte, ont entrepris de nous avachir en nous infusant leurs vices. Ils ont manœuvré pour nous donner l’envie de louper, de feignasser, de vivre à rien foutre, en maquereautant ou putassant — afin de nous rendre incapables d’agir.

(Le Père Peinard)

Maquereautin

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti débauché, jeune maquereau. On prononce Macrotin.

Rossignol, 1901 : Souteneur qui n’est pas dans l’opulence.

France, 1907 : Jeune souteneur, petit maquereau. On dit aussi macrotin.

C’est un maquereautin rigouillard en rupture de barrières, qui a pris du ventre à fréquenter des légumeux et pas autre chose, mal embouché avec ça : « p;Des façons avec mézigue, qu’il fait à Carnot, en lui tapant sur son ventre factice, ouh là là ! Et ta sœur, est-ce qu’elle fait la planche ?… Pas de magnes, eh ! n’ailles pas te gober, parce que t’es le mec des mecs…

(Le Père Peinard)

Maquerellage

d’Hautel, 1808 : Trafic honteux de débaucher et de prostituer les femmes.

Delvau, 1866 : s. m. Proxénétisme.

Maquerelle

d’Hautel, 1808 : Féminin de maquereau, dont il a toutes les significations et dans un sens plus étendu encore.

Delvau, 1864 : Grosse dame qui se charge de procurer de l’ouvrage aux petites dames, et qui pousse parfois la complaisance jusqu’à les aller chercher dans leurs famille.

Le troisième privilège des châtrés, c’est qu’ils sont fort renommés en leur fidélité en fait de maquerellage.

(Variétés hist. et litt.)

Tenant par acte misérable
Le maquerellage honorable.

(Cabinet Satyrique)

Tant qu’elle conte sa querelle
À une vieille maquerelle.

Mathéolin

Et puis dites que les moustiers
Ne servent point aux amoureux,
Bonne maquerelle pour eux
Est ombre de dévotion.

Cl. Marot.

Aussi n’épargne-t-il pas les mères qui sont maquerelles de leurs propres filles.

H. Estienne.

Car l’honneur d’une femme souffre beaucoup quand elle est vue avec une maquerelle.

P. de Larivet.

Delvau, 1866 : s. f. Femme qui trafique des filles. Au XVIIIe siècle on disait Maqua.

Virmaître, 1894 : Maîtresse de maisons de tolérance ou de maisons de rendez-vous, femme qui vit du travail des filles (Argot du peuple), V. Maman-Maca.

Rossignol, 1901 : Tenancière d’une maison de tolérance ou de rendez-vous. Une proxénète est aussi une maquerelle.

France, 1907 : Tenancière de lupanar : femme qui en procure une autre aux hommes ou qui entraîne les jeunes filles à la débauche.

Lorsqu’elles sont ainsi devenues riches, les maquerelles se retirent généralement à la campagne, dans leurs terres. Elles cachent avec soin leur origine, deviennent dames patronnes, dames quêteuses, font des œuvres de piété. Comme presque toutes ces femmes sont dévotes, elles tombent entre les mains des prêtres, pour qui, comme on sait, l’argent n’a pas d’odeur, et qui, tenant par la confession le secret de leur passé, leur soutirent une bonne partie de la richesse qu’elles ont ramassée dans la boue de la prostitution. Il n’est personne qui ignore à Paris la fin édifiante de la fameuse Farcy, maquerelle devenue plusieurs fois millionnaire, qui accaparée par le clergé, fait construire quantité de chapelles, qui fonde dans les séminaires des bourses pour l’instruction des jeunes abbés pauvres, et qui sera peut-être canonisée quelque jour.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

— Va, si je faisions un chapelet de maquerelles, tu ferais bien le pater.

(Vadé)

Et puis, dites que les moustiers
Ne servent point aux amoureux,
Bonne maquerelle pour eux
Est ombre de dévotion.

(C. Marot)

Maquet

France, 1907 : Maquereau.

Son maquet, c’est mon camarade,
I’ veut ben que j’fade
Avec eux,
Aussi j’l’aim’ mon beau-frère Ernesse,
Il est à la r’dresse
Pour nous deux.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Maqui

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mettre du rouge.

Delvau, 1866 : s. f. Rouge, fard, — dans l’argot des voleurs. C’est probablement une apocope du vieux mot Maquignonnage.

Rigaud, 1881 : Apocope de maquillage, maquille. Dérivé de masque. — En terme de grecs, le maquillage consiste à marquer les cartes qu’on a intérêt à connaître. Il y a les maquis au coup de pouce, au coup d’ongle, au coup d’épingle, à la mine de plomb, à la pièce et autres, suivant l’inspiration du grec et la tête des dupes.

La Rue, 1894 : Rouge, fard. Maquillage.

Maqui (mettre du)

anon., 1827 : Se mettre du rouge.

Halbert, 1849 : Se mettre du rouge.

Maqui, maquis

France, 1907 : Rouge, fard ; corruption de masque.

Ma largue n’s’ra plus gironde,
Je serai vioc aussi :
Faudra, pour plaire au monde,
Clinquant, frusque, maquis,
Tout passe dans la tigne (monde)
Et quoiqu’on en jaspine,
C’est un foutu flanchet.

(Winter, forçat, 1829)

Maquignon

Delvau, 1864 : Un monsieur qui fait la traite des blanches, — le mango antique.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait tous les métiers, excepté celui d’honnête homme, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Trafiqueur ; sophistiqueur.

France, 1907 : Tripoteur d’affaires véreuses, habile monteur de coups, faiseur de dupes.

Bien que notre époque ait donné naissance à une effrayante quantité de floueurs de toute espèce, et qu’elle ne paraisse pas s’arrêter dans cette voie éminemment progressive, elle ne peut cependant usurper la gloire d’avoir enfanté le maquignon. Le maquignon est né depuis longtemps et a eu l’avantage très mérité de servir de modèle aux plus fins exploiteurs de la crédulité à la française et surtout parisienne.

(Albert Dubuisson)

Maquignon à bidoche

Fustier, 1889 : Variété de souteneur.

Maquignonnage

d’Hautel, 1808 : Tripotage, intelligences secrètes ; commerce illicite ; intrigue contraire à la bienséance et à la probité.

Delvau, 1866 : s. m. Proxénétisme ; tromperie sur la qualité et la quantité d’une marchandise ; abus de confiance.

Rigaud, 1881 : Gredinerie commerciale ; vente à faux poids ; falsification de marchandises ; sophistication.

France, 1907 : Tripotage, tromperie sur la marchandise vendue. Se dit aussi pour maquerellage.

Maquignonnage, pour maquerellage, métier des maquereaux et des maquerelles, qui font négoce des filles de débauche.

(Cholières)

Maquignonner

d’Hautel, 1808 : Intriguer ; tripoter une affaire en dessous main ; faire un commerce secret.

Delvau, 1866 : v. a. Faire des affaires véreuses.

France, 1907 : Tripoter, tromper, faire des dupes.

Il y avait près d’un demi-siècle en effet que Prangins, ce vieux routier de la politique, brassait et maquignonnait des affaires, bâtissait et démolissait des ministères, entassait articles de revue sur articles de journaux, contradictions sur contradictions, feuillets sur feuillets, ayant noirci des tombereaux de papier à ce métier de hurleur quotidien ou de quinzaine acclamé d’ailleurs, populaire, riche, illustre et entouré de flatteurs, de commensaux, sans amis mais non sans clients.

(Claretie, Monsieur le Ministre)

Maquillage

Delvau, 1864 : Tricherie féminine qui consiste à dissimuler, à l’aide de pâtes, de cosmétiques et d’onguents, les ravages que le temps apporte au visage le plus frais.

Celle-ci, une fois entrée, relève la mèche de la lampe posée sur la cheminée, mais pas trop cependant, afin de ne pas trahir son maquillage.

Lemercier de Neuville.

Et ce qui prouve que ce n’est pas là une mode nouvelle, c’est que je trouve dans un poète du XIIIe siècle, Gaultier de Coinsy, les vers suivants :

Telle se fait moult regarder
Par s’en blanchir, par s’en farder,
Que plus est laide et plus est blesme
Que peschiez mortels en caresme.

Larchey, 1865 : Le maquillage est une des nécessités de l’art du comédien ; il consiste à peindre son visage pour le faire jeune ou vieux, le plus souvent jeune.

Dans certains théâtres on voit de jeunes aspirantes qui se font des yeux jusqu’aux oreilles et des veines d’azur du corset jusqu’aux tempes ; ce ne sont pas des femmes, ce sont des pastels. Cette première catégorie de grues s’appelle les maquillées.

Joachim Duflot, Dict. des Coulisses.

Delvau, 1866 : s. m. Application de blanc de céruse et de rouge végétal sur le visage, — dans l’argot des acteurs et des filles, qui ont besoin, les uns et les autres, de tromper le public, qui, de son côté, ne demande qu’à être trompé. Blanc de céruse et rouge végétal, — je ne dis pas assez ; et pendant que j’y suis, je vais en dire davantage afin d’apprendre à nos petits-neveux, friands de ces détails, comme nous de ceux qui concernent les courtisanes de l’Antiquité, quels sont les engins de maquillage des courtisanes modernes : Blanc de céruse ou blanc de baleine ; rouge végétal ou rouge liquide ; poudre d’iris et poudre de riz ; cire vierge fondue et pommade de concombre ; encre de Chine et crayon de nitrate, — sans compter les fausses nattes et les fausses dents. Le visage a des rides, il faut les boucher ; l’âge et les veilles l’ont jauni, il faut le roser ; la bouche est trop grande, il faut la rapetisser ; les yeux sont trop petits, il faut les agrandir. Ô les miracles du maquillage !

Rigaud, 1881 : L’art de peindre et d’orner le visage ; action qui consiste à faire d’une figure humaine un pastel. — Mélange de vins. — Restauration de tableau. — Fraude en tout genre.

France, 1907 : Art de se peindre le visage

Pour réparer des ans
L’irréparable outrage.

Elles font une prodigieuse dépense de cosmétiques et de parfumeries. Presque toutes se fardent les joues et les lèvres avec une naïveté grossière. Quelques-unes se noircissent les sourcils et le bord des paupières avec le charbon d’une allumette à demi brûlée. C’est ce qu’on appelle le maquillage.

(Léo Taxil)

C’est pendant le Directoire que le maquillage fut poussé jusqu’aux dernières limites de l’extravagance. On vit se promener au Palais-Royal, du côté du Cirque et de l’allée des Soupirs, des femmes au visage barbouillé couleur lilas. Cette mascarade dura près d’une semaine ; on se moqua et la mode passa.

Le souci te bleuira l’œil
Mieux que les crayons et les pierres,
Et nos veilles, à tes paupières,
Coudront le liséré de deuil…
Des lards sont un vain barbouillage,
Il ne résiste pas au pleur.
Je veux que mon amour brûleur
Soit ton éternel maquillage.

(Th. Hannon, Rimes de joie)

Nous chantons pour vous amuser,
Nous sommes vieux, bien avant l’âge ;
Notre visage est presque usé
Par le gaz et le maquillage :
C’est nous les cabots,
Qui ne sont pas beaux.

(Chambot et Girier, La Chanson des cabots)

Maquillages

France, 1907 : Assemblage de choses confuses, tripotage. « Les panamistes ont fait un tas de maquillages. »

Maquillé du pognon

M.D., 1844 : Faire de l’argent.

Maquillée

Delvau, 1866 : s. f. Lorette, casinette, boule-rouge, petite dame enfin, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Fille publique, femme ridiculement et naïvement fardée.

Dans certains théâtres on voit de jeunes aspirantes qui se font des yeux jusqu’aux oreilles et des veines d’azur du corset jusqu’aux tempes ; ce ne sont pas des femmes, ce sont des pastels. Cette catégorie de grues s’appelle les maquillées.

(J. Duflot, Dictionnaire des coulisses)

Maquiller

anon., 1827 : Travailler, battre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Travailler, battre. Maquiller les brêmes, battre les cartes.

Bras-de-Fer, 1829 : Travailler, battre.

M.D., 1844 : Arranger quelque chose.

un détenu, 1846 : Cameloter, brocantage.

Halbert, 1849 : Chicaner, travailler, battre.

Larchey, 1865 : Farder. — Même origine que le mot suivant. On sait que les maquignons maquillent à merveille un cheval pour lui donner une meilleure apparence.

Larchey, 1865 : Agir, machiner.

C’est par trop longtemps boire ; Il est, vous le savez, heure de maquiller.

Grandval, 1723.

Maquiller un suage : Se charger d’un assassinat. — Maquiller son truc : Faire sa manœuvre. — Maquiller une cambriolle : Dévaliser une chambre. — Maquiller les brèmes : Jouer aux cartes. V. Momir. Ce verbe paraît venir du vieux mot maquillon : maquignon, qui vient lui-même de maque. V. Roquefort et Fr. Michel. — Maquignonner, c’est, en effet, machiner n’importe quoi, pourvu qu’on y gagne.

Delvau, 1866 : v. a. Faire agir, machiner, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. Signifie aussi Tromper, tricher, user de supercherie. Maquiller les brèmes. Jouer aux cartes, — dans le même argot. Signifie aussi Tricher à l’écarté. Maquiller son truc. Faire sa manœuvre ; Maquiller une cambriolle. Dévaliser une chambre ; Maquiller un suage. Se charger d’un assassinat. Même argot.

Rigaud, 1881 : Faire ; frauder ; farder ; trafiquer. Dérivé de maquignon.

La Rue, 1894 : Faire. Frauder. Voler. Farder. Trafiquer. Maquiller la brème, préparer un jeu de cartes pour tricher.

Virmaître, 1894 : Se farder le visage.

Pour réparer des nuits l’irréparable outrage.

Quand un ouvrage est raté, on le maquille pour le faire accepter.
Maquiller un tableau. Il existe des peintres spéciaux qui font du vieux avec du neuf. Une toile est fabriquée par un rapin quelconque, une signature de maître figure au bas, le maquilleur lui donne l’aspect de la vétusté, et un amateur naïf l’achète.
Il y a comme cela des Velasquez peints à Montmartre (Argot des filles et des peintres). N.

Rossignol, 1901 : Tripoter, arranger. Celui qui en jouant arrange les cartes, de façon à avoir un beau jeu et gagner, maquille les brêmes.

Hayard, 1907 : Farder, déguiser, changer d’aspect, vendre.

France, 1907 : Tromper, falsifier.

J’ai fait par comblance
Gironde larguecapé (maîtresse)
Soiffant picton sans lance,
Pivois non maquillé.

(Winter, forçat, 1829)

France, 1907 : Travailler, et naturellement voler, le vol étant un travail.

Cambriolle tu maquilleras
Par carouble et esquintement,

disent les commandements des voleurs pour faire pièce à ceux de l’Église.

Qu’est ceci, mes enfants, écoutez-vous vos flames ?
Et perdez-vous ainsi le tems avec des femmes ?
C’est boire trop long-tems, aimer et baléller ;
Il est, vous le savez, heure de maquiller :
Levez-vous, finissez bonne chère et musique,
Partez, et travaillez pour le bien de la clique ;
C’est trop, indignes cœurs, vous devriez rougir
D’un si lâche repos, quand il est tems d’agir.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Maquiller un gayet, donner au moyen de certains procédés l’apparence d’un bon cheval à une rosse ; maquiller le papelard, écrire ; maquiller un suage, préparer un assassinat ; maquiller le vitriol, falsifier de l’eau-de-vie.

— Vieille drogue, tu as changé de litre !… Tu sais, ce n’est pas avec moi qu’il faut maquiller ton vitriol.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Maquiller (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se couvrir le visage de carmin et de blanc, — dans l’argot des petites dames, dont la beauté est l’unique gagne-pain, et qui cherchent naturellement à dissimuler les outrages que les années — et la débauche — peuvent y faire.

Rossignol, 1901 : Se farder. L’agent de la sûreté se maquille sans se farder ; son maquillage consiste tout simplement à mettre une blouse ou veste d’ouvrier pour se rendre méconnaissable.

Maquiller à la sorgue

Bras-de-Fer, 1829 : Voler la nuit.

Maquiller les brêmes

anon., 1827 : Jouer aux cartes.

Bras-de-Fer, 1829 : Jouer aux cartes.

Halbert, 1849 : Tromper aux cartes.

Maquilleur

Rigaud, 1881 : Tricheur. Maquilleuse, tricheuse.

France, 1907 : Tricheur au jeu de cartes.

Maquilleur de gayés

Rigaud, 1881 : Individu chargé par un maquignon de rendre une rosse présentable à la vente. Le maquillage des gayés est souvent pratiqué par le maquignon lui-même. Ce maquillage consiste : pour les chevaux poussifs, à leur administrer, sous le nom de potion, une affreuse drogue qui les guérit… pendant un jour ou deux ; pour les chevaux couronnés, à coller sur leurs genoux des poils de chevaux morts ; pour l’assortiment d’un attelage, dans l’emploi de la teinture. Il y a encore le limage des dents, la taille des oreilles et une foule d’autres supercheries inspirées par les circonstances et l’état de la bête.

Maquilleuse de brèmes

France, 1907 : Tireuse de cartes. C’est généralement une procureuse pour les deux sexes.

Maquilleuse de brêmes

Virmaître, 1894 : La tireuse de cartes. Il en existe de célèbres dans le monde des filles. Elles font des recettes fructueuses. La maquilleuse de brêmes ne se borne pas à tirer les cartes, elle procure pour les deux sexes. Généralement, c’est une ancienne fille sur le retour qui ne peut plus peloter que le valet de cœur (Argot des filles).

Maquyer la frime

Clémens, 1840 : Se peindre le visage.

Maquyer les brèmes

Clémens, 1840 : Marquer les cartes.

Maquyer les douilles

Clémens, 1840 : S’arranger les cheveux.

Maquyer ou maquiller un truque

Clémens, 1840 : Faire un état.

Maquyer un faffe

Clémens, 1840 : Faire ou altérer un passe-port.

Mar

Larchey, 1865 : Désinence arbitraire. V. Rama.

Quant au reste de la langue, on se bornait (en 1830) à retrancher la dernière consonnance pour y substituer la syllabe mar. On disait Épicemar pour épicier, Boulangemar pour boulanger, Cafemar pour café, et ainsi de suite. C’était de l’esprit dans ce temps-là. Il est vrai que nos pères ont tous ri à se tordre en mettant le mot turlurette la fin de chaque couplet de chanson. Que signifiait mar ? Que voulait dire turlurette ? Absolument la même chose. Personne n’a jamais pu le savoir.

Privat d’Anglemont.

Méfie-toi… Le jeune épicemar est très-fort au billard et au piquet.

Champfleury.

Delvau, 1866 : Désinence fort à la mode vers 1830, — comme les Osages. On retranchait la dernière syllabe des mots et on y substituait ces trois lettres qui donnaient un « cachet » au langage des gens d’esprit de ce temps-là. On disait Boulangemar pour Boulanger, Épicemar pour Épicier, etc. C’était une sorte de javanais mis à la portée de tout le monde. Il en est resté malheureusement quelques éclaboussures sur notre langue. (Lire les Béotiens de Louis Desnoyers.)

Rigaud, 1881 : Désinence argotique. Perruquemar, perruquier, policemar, agent de police ; boutiquemar, boutiquier. La plupart des mots de la langue régulière qui n’ont pas d’équivalents en argot, se forment au moyen de la désinence mar, les autres au moyen des désinences much ou mince.

France, 1907 : « Désinence fort à la mode vers 1830 — comme les Osages. On retranchait la dernière syllabe des mots et on y substituait ces trois lettres, qui donnaient un « cachet » au langage des gens d’esprit de ce temps-là. On disait : boulangemar pour boulanger, épicemar pour épicier. C’était une sorte de javanais mis à la portée de tout le monde. Il en est resté malheureusement quelques éclaboussures sur notre langue. »

(Alfred Delvau)

Mar-chef

Rigaud, 1881 : Maréchal des logis chef, par abréviation ; et jamais abréviation ne fut plus justifiée.

Marabout

d’Hautel, 1808 : Un petit marabout. Nom injurieux que l’on donne à un homme laid, renfrogné et fort petit.

Maraicher

d’Hautel, 1808 : Jardinier qui cultive un marais.
On dit vulgairement marécheux.

Maraille

Delvau, 1866 : s. f. Le peuple, le monde, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Le monde, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Le peuple, le monde.

France, 1907 : Foule, peuple, gens.

La maraille rappliquait de tous les coins du patelin pour voir raccourcir le gonce.

Marais

d’Hautel, 1808 : Se sauver par les marais. Payer ses créanciers, se tirer d’embarras par de mauvaises raisons.
Demoiselles du Marais. Filles publiques, ainsi nommées, parce que ce quartier en renfermoit autrefois un grand nombre.

Maraud

d’Hautel, 1808 : Terme d’injure et de mépris, que l’on adresse à quelqu’un dans un mouvement de colère, et qui équivaut à frippon, coquin, malôtru.
On dit, et dans le même sens, Maraude au féminin.

Maraudaille

d’Hautel, 1808 : Troupe de fripons, de coquins, de brigands.

Maraude (en)

France, 1907 : Se dit d’un cocher de fiacre qui cherche des clients en revenant d’une courses, sans être rentré à la station de voitures.

Marauder

Delvau, 1866 : v. n. Raccrocher des pratiques en route, — dans l’argot des cochers de voitures de place, qui frustrent ainsi leur administration. On dit aussi Aller à la maraude et Faire la maraude.

Rigaud, 1881 : Faire la contrebande des voyageurs ; prendre des voyageurs au détriment d’un client’qui a loué une voiture à la journée, — dans le jargon des cochers de remise.

Maraudeur

Delvau, 1866 : s. m. Cocher en quête d’un « bourgeois ». On dit aussi Hirondelle.

Rigaud, 1881 : Cocher qui racole la pratique, pendant que son bourgeois fait une visite, pendant qu’il est au cercle, au restaurant.

Marbre

d’Hautel, 1808 : Froid comme un marbre. Flegmatique ; homme rêveur et taciturne ; ame sans pitié, sans compassion pour le malheur d’autrui.

Delvau, 1866 : s. m. Table sur laquelle, dans les imprimeries, les typographes posent les paquets destinés à être mis en page. Avoir un article sur le marbre. Avoir un article composé, sur le point de passer, — dans l’argot des typographes et des journalistes.

Rigaud, 1881 : C’est, en terme de journaliste, tout paquet composé qui stationne sur la table de fonte d’une imprimerie, en attendant le moment d’être appelé aux honneurs de la mise en page. — Être sur le marbre, attendre l’insertion d’un article composé. — Avoir du marbre, avoir en réserve des faits divers, des articles « des quatre saisons ». C’est, pour un journal, avoir du pain sur la planche. — Il y a toujours sur le marbre un choix d’articles « Variétés » ; — ce sont les en-cas, les bouche-trous réservés pour les jours où la copie manque, pour les jours où les annonces faiblissent. Ordinairement le dimanche on écoule le marbre de la semaine, dans les journaux qui ne laissent rien perdre.

Virmaître, 1894 : Ainsi nommé parce que c’est une table en fonte. Table sur laquelle les typographes alignent les paquets composant les articles. Avoir un article sur le marbre : attendre son tour pour être imprimé. Quand un article reste trop longtemps sur le marbre, il faut le distribuer. Marbre est une ironie pour les pauvres journalistes. Leurs articles refroidissent sur le marbre (Argot d’imprimerie). N.

Marbre (sur le)

France, 1907 : Manuscrit composé, mais non encore imprimé ; argot des typographes et des journalistes. « Mon article est sur le marbre, il attend la mise en pages. »

Dernièrement, chez Peters, le rendez-vous des égorgeurs et des hommes de lettres, un peut jeune homme… était sur le tapis.
Le débinage était carré.
— Les articles de X… ne sont pas toujours drôles, dit Timothée Trimm, il devrait se soigner.
— Il faut l’excuser, repartit Adrien Marx, si ses articles sont froids, c’est qu’ils restent trop sur le marbre.

(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)

Marc (un de)

Rigaud, 1881 : Un verre d’eau-de-vie de marc. — Un marc anisette, un verre d’eau-de-vie de marc et anisette mêlées.

Marcandier

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Marchand.

Bras-de-Fer, 1829 : Marchand.

Bras-de-Fer, 1829 : Celui qui a été volé.

Clémens, 1840 : Marchand.

Halbert, 1849 : Marchand.

Larchey, 1865 : Marchand. — On trouve dans Roquefort mercadier. V. Solir, Farre.

Delvau, 1866 : s. m. Marchand, — dans l’argot des voleurs, qui emploient là une expression de la vieille langue des honnêtes gens.

La Rue, 1894 : Marchand.

Virmaître, 1894 : Cette expression désigne les marchands, quel que soit leur commerce (Argot des voleurs).

Marcandier, marcandière

France, 1907 : Marchand, marchande ; argot des voleurs. On appelait autrefois de ce nom une certaine catégorie de mendiants qui prétendaient avoir été attaqués et dévalisés par des voleurs de grand chemin.

Marcandiers sont ceux qui voyagent avec une grande bourse à leur costé, avec un assez chenastre frusquin, et un rabas sur les courbes (épaules), feignant d’avoir trouvé des sabrieux (voleurs) sur le trimard qui leur ont osté leur michon tontine (tout leur argent).

(Le Jargon de l’argot)

On écrit aussi mercandier.

En roulant de vergue en vergue (ville)
Pour apprendre à goupiner,
J’ai rencontré la mercandière,
Lonfa malura dondaine !
Qui du pivois solissait (vendait du vin),
Lonfa malura dondé !

(Chanson en argot citée par Vidocq)

Marcandiers

anon., 1827 : Ceux qui disent avoir été volés. Marcandier signifie encore un marchand.

Marcanti

Rossignol, 1901 : Marchand. On désigne ainsi en Algérie les marchands de denrées et liquides qui suivent les colonnes expéditionnaires.

Marcassin

d’Hautel, 1808 : Au propre, le petit d’un sanglier ; au figuré, sobriquet injurieux que l’on donne à un petit homme laid et difforme.

Delvau, 1866 : s. m. Petit garçon malpropre et grognon, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Apprenti peintre d’enseignes.

France, 1907 : Apprenti d’un peintre d’enseignes.

March-logis

Merlin, 1888 : Apocope de maréchal des logis.

Marchand

d’Hautel, 1808 : Marchand de tout, vendeur de rien. Se dit par raillerie d’un courtier, d’un homme qui commerce sur toute chose, et qui n’a aucune espèce de fonds.
Un négociant, marchand de sangles. Vendeur de bagatelles, de colifichets, de bibus, de riens.
N’est pas marchand qui toujours gagnée. Signifie que les affaires que l’on fait dans le commerce ne présentent pas toutes de bénéfices réels certains.
Tromper le marchand. Pour acheter quelque chose à vil prix.
Il en sera le mauvais marchand, ou il n’en sera pas le bon marchand. Se dit d’un commerçant qui fait une affaire hasardeuse, et d’une personne qui fait quelqu’action dont il aura à se repentir.

Marchand d’eau chaude

Delvau, 1866 : s. m. Cafetier.

Rigaud, 1881 : Limonadier.

France, 1907 : Limonadier, cafetier. On dit aussi marchand d’eau de javelle.

Marchand d’eau de javel

Rigaud, 1881 : Marchand de vin, — dans le jargon du peuple qui tient, au service des cabaretiers, un assortiment d’expressions dont la force donne une idée de la nature des boissons qu’on lui débite.

Marchand d’hommes

Delvau, 1866 : s. m. Agent de remplacement militaire, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Agent de remplacement militaire, au temps où il était permis aux fils à papa d’envoyer d’autres se faire tuer pour eux, moyennant une somme relativement minime. Les sergents recruteurs de jadis étaient aussi appelés marchands de chair humaine.

Marchand de cerises

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais cavalier.

France, 1907 : Mauvais cavalier ; argot militaire. Monter à cheval comme un marchand de cerises ou une paire de pincettes.

Marchand de chair humaine

France, 1907 : Proxénète, propriétaire de maison à gros numéro.

Marchand de chiffons du régiment

Merlin, 1888 : L’officier d’habillement.

Marchand de cirage

Fustier, 1889 : Commandant d’un navire. Argot du bagne.

Est-ce que le marchand de cirage (elles appelaient ainsi le commandant) nous faisait peur ?

(Humbert : Mon bagne.)

Marchand de femmes

Delvau, 1866 : s. m. Négociateur en mariages.

Marchand de lacet

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme.

Marchand de lacets

Larchey, 1865 : Gendarme — Il offre aux malfaiteurs des lacets (poucettes) que ceux-ci trouvent toujours trop chers. V. Hussard.

France, 1907 : Gendarme. Voir Hussard de la guillotine.

Marchand de lignes

France, 1907 : Auteur qui écrit dans un but de lucre et non dans un but de gloire.

Je crois fermement que le jour où n’auraient plus accès à l’Académie certains hommes éminents qui ne font point de livres, elle tomberait de bonne heure au niveau de cette corporation de marchands de lignes qu’on nomme la Société des Gens de lettres.

(Albert Dubrujeaud)

Marchand de marrons

Rigaud, 1881 : Se dit d’un officier portant mal l’habit civil, — dans l’argot militaire.

Marchand de mort subite

Rigaud, 1881 : Médecin, — dans le jargon du peuple. Autrefois l’expression ne s’appliquait qu’aux charlatans. Depuis que tant de médecins ont fait concurrence à tant de charlatans, elle s’est étendue jusqu’à ceux-là.

C’était bien sûr le médecin en chef… tous les marchands de mort subite vous ont de ces regards-là.

(É. Zola.)

Dans la bouche des voyous l’expression s’applique encore à tout individu qui, par maladresse, peut occasionner un accident. Ainsi, un mauvais cocher, un charretier imprudent, sont des marchands de mort subite.

Merlin, 1888 : Prévôt d’armes.

Virmaître, 1894 : Le maître d’armes et le bourreau. Le maître d’armes apprend à ses élèves les moyens de tuer un homme proprement. Le bourreau coupe la tête du condamné pour lui apprendre à vivre (Argot du peuple). N.

Marchand de morts subites

France, 1907 : Maitre d’armes, bourreau, médecin empirique, charlatan.

Marchand de puces

Merlin, 1888 : Préposé aux lits militaires. Voilà une dénomination dont nous avons bien souvent reconnu là justesse !

Fustier, 1889 : Argot militaire. Individu qui a dans les régiments la fourniture des lits.

Marchand de puces ou de punaises

France, 1907 : Employé civil préposé à la literie ; argot militaire.

La veille du départ du régiment apparaît un pékin en chapeau à haute forme, flanqué à gauche de l’adjudant de casernement., et à droite d’un fourrier. Le pékin en chapeau à haute forme, c’est le marchand de punaises, le préposé des lits militaires.

(A. Foubert, Le 39e d’artillerie)

Marchand de sommeil

Delvau, 1866 : s. m. Logeur en garni, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Teneur de chambres et cabinets garnis… de vermine, la plupart du temps ; logeur à la nuit et à la corde. Marchand de soupe. Maître de pension ; homme juste mais sévère qui, sous prétexte d’enseigner le grec et le latin à l’espoir de la France, tient une table d’hôte où fleurissent le haricot, la lentille, la pomme de terre et le chou.

La Rue, 1894 : Logeur. Marchand de soupe, maître de pension.

France, 1907 : Hôtelier, propriétaire de garnis.

Marchand de soupe

Larchey, 1865 : Maître de pension qui spécule sur la nourriture de ses élèves.

Style universitaire ! Les marchands de soupe doivent être bien fiers.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : s. m. Maître de pension, — dans l’argot des écoliers.

France, 1907 : Chef d’institution.

N’est pas marchand de soupe qui veut. On exige certaines garanties et des connaissances. Le chef d’institution a été nourri sur le giron de l’Université. Il a fait ses humanités ; il est bachelier au moins, officier d’Académie, quelquefois chevalier de la Légion d’honneur. Il a sucé les racines grecques, scandé des vers latins, pleuré avec Virgile sur les amours de Didon :

Pauvre Didon, où t’a réduite
De tels amants le triste sort ?

Il s’est couché, couronné de roses, dans le lit d’ivoire d’Horace, la tête appuyée sur le sein de Lydie ; il a goûté en désir au doux vin de Syracuse, invectivé la vieille courtisane « digne d’avoir pour amants des éléphants noirs » et poussant plus loin ses débauches d’imagination pervertie par les classiques, il a chanté au jeune esclave, dont les belles filles jalousent la bancheur du teint :

Le myrte sied bien à ton front,
Lorsque tu remplis ma coupe,

tout en rêvant aux étranges amours du berger Corydon et du bel Alexis…
Il a débuté par être maître d’études, comme Alphonse Karr, Vallès et Daudet, ou même professeur de septième, et s’il a entrepris le commerce des soupes universitaires, c’est souvent par amour du métier — il en est pour tous les goûts – mais surtout pour atteindre ce météore

Qui vers Colchos guida Jason.

(Hector France, Les Va-nu-pieds de Londres)

Marchand de tirelaine

France, 1907 : Voleur de nuit.

Marchande

France, 1907 : Navire de commerce à voiles ; argot de l’École navale.

Marchande de chair humaine

Rigaud, 1881 : Nom que donnent, entre elles, les filles de maison à la propriétaire de l’établissement. Un philosophe attardé dans un de ces antres entendit un mot bien profond. Comme il s’étonnait devant une des pensionnaires du luxe de la maison :

Et dire que c’est nous qui gagnons tout ça… ! soupira la malheureuse.

Marchandes d’ail

Rossignol, 1901 : Celles qui aiment l’ail au lit. Voir gousse.

Marchandise

d’Hautel, 1808 : Elle a montré toute sa marchandise. Se dit en plaisantant d’une demoiselle, qui en tombant a laissé voir ses appas les plus secrets.
Moitié guerre, moitié marchandise. Pour dire moitié de gré, moitié de force.
Faire valoir sa marchandise. Rehausser son mérite ; donner un nouveau charme à ses attraits ; faire l’orgueilleux ; vanter son savoir et ses qualités personnelles.
Il en fait métier et marchandise. Pour, c’est sa coutume, son occupation habituelle.
Marchandise qui plaît est à demi-vendue. Signifie que l’on ne regarde pas au prix d’une chose qui flatte.

Delvau, 1864 : La nature de l’homme et celle de la femme, qui, toutes deux, mais la dernière surtout, sont un objet de commerce.

J’ouvre boutique, et faite plus savante,
Vous mets si bien ma marchandise en vente,
Subitement affinant les plus fins,
Qu’en peu de temps fameuse je devins.

J. du Bellay

Je veux une Phillis entre l’haut et le bas,
Qui ne fasse pas trop valoir sa marchandise.

Bussy-Rabutin.

Voyons, montre-moi ta marchandise, mon petit couillon chéri.

J. Le Vallois.

Rigaud, 1881 : Le contenu d’une fosse d’aisances, — dans le jargon des vidangeurs.

France, 1907 : Excrément.

I’s’roule dans la marchandise,
Que cochon d’enfant !

(Colmance)

Marchands d’hommes

Larchey, 1865 : Agent de remplacement militaire, négrier.

D’un marchand d’hommes, je vois l’enseigne.

Léonard, Parodie, 1863.

Détestable anglais ! ajouta le marchand d’homme.

L. Desnoyer.

Marchands de lacets

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Gendarmes.

Marchands de sommeil

Rossignol, 1901 : Ceux qui tiennent des hôtels garnis.

Marche

France, 1907 : Système pour gagner au jeu, appelé ainsi parce qu’il est progressif et procède comme une marche. Il est peu d’habitués des tables de roulette et de trente et quarante qui n’aient une marche spéciale qui doit leur assurer de gros gains à un moment donné ; mais la ruine complète précède généralement ce moment.

— Ma profession n’est pas incompatible avec le goût des beaux-arts : je suis professeur de roulette… j’enseigne une martingale absolument infaillible… Monte-Carlo ne tiendrait pas debout trois semaines si je pouvais l’attaquer avec mon système.
— L’avez-vous essayé, votre système ?
— Cent fois, mille fois !…
— À Monaco !
— Non, Monsieur… c’est trop loin et le voyage coûte trop cher… j’ai expérimenté ma marche absolument certaine chez des amis…
— Et vous jouiez quelle mise ?
— L’unité de départ était de cinq haricots représentant cinq francs…
— Oh ! je la connais votre martingale ; malheureusement, elle ne réussit que lorsqu’on joue des haricots…

(Edmond Lepelletier)

Marché

d’Hautel, 1808 : Mettre le marché à la main. Dire le fait à quelqu’un ; le congédier, lui donner le choix de conclure ou de rompre un marché.
Un marché d’or. Hyperbole, pour dire un marché très-avantageux.
Il a bientôt fait son marché. Pour il a bientôt pris sa résolution.
On n’a jamais bon marché de mauvaise marchandise. Pour dire que, quelle que soit la modicité du prix que l’on mette à une mauvaise chose, on la paie toujours trop chère pour le peu d’usage qu’elle fait.
Tu le paieras plus cher qu’au marché. Se dit pour menacer quelqu’un dont on a reçu quel qu’offense.
Il en a été quitte à bon marché. Pour dire que quelqu’un s’est tiré d’une mauvaise affaire à peu de frais, ou avec une punition plus légère qu’il ne devoit s’y attendre.
Bon marché vide le panier, mais il n’emplit pas la bourse. Signifie que quand on vend trop bon marché., on débite promptement sa marchandise, mais souvent aux dépens de sa bourse.

Marche à terre

Larchey, 1865 : Fantassin.

Quand tu étais dans la cavalerie, tu n’étais pas dans les marche à terre.

Vidal, 1833.

France, 1907 : Sobriquet donné par les cavaliers aux fantassins, et par les artilleurs à cheval aux artilleurs à pied, les conducteurs aux servants.

Le conducteur, qui comprend l’importance de sa position et apprécie ses vingt sous de paye à leur juste valeur, sait résonner fièrement ses éperons devant le servant, qu’il traite avec dédain de grivier, de marche à terre et de carapata. Le servant, mortifié dans sa dignité d’homme, répond au conducteur en l’appelant crottin. Et l’honneur sauf, chacun demeure dans ses limites respectives.

(A. Joubert, Le 39e d’artillerie)

Marche de flanc

Delvau, 1866 : s. f. Le sommeil, ou seulement le repos, — dans l’argot des sous-officiers.

Rigaud, 1881 : Repos sur le lit de camp, — dans le jargon des troupiers. — Razzia, maraude, — dans le jargon des soldats du bataillon d’Afrique.

France, 1907 : Le repos ou le sommeil. Faire une marche de flanc, se coucher, s’allonger.

Marché des pieds humides

Fustier, 1889 : La petite Bourse qui pendant longtemps s’est tenue en plein air ; les spéculateurs étaient ainsi exposés à toutes les intempéries, et, quand il pleuvait, pataugeaient dans les flaques d’eau.

Le marché des pieds humides qu’on est venu plaisanter, est bien plus loyal qu’on ne le pense. Là, pas d’affaires à terme ; argent contre titres ; titres contre argent.

(Le Mercure, journal, 1882.)

France, 1907 : La petite bourse où se réunissent les spéculateurs après la fermeture de la grande ; appelé ainsi parce que ce marché se tenait en certains coins en plein air.

Marche des zouaves

Merlin, 1888 : Les soldats se rendant à la visite du docteur, exécutent la marche des zouaves.

Marche oblique

Rigaud, 1881 : Sonnerie qui appelle les cavaliers punis au corps de garde. Ainsi nommée, parce qu’on ne s’y rend pas le cœur léger, mais d’un air piteux, en rasant les murs, en s’effaçant, obliquement.

Marche oblique individuelle

Merlin, 1888 : Ralliement des soldats consignés pour répondre à l’appel. Ils y arrivent isolément, de points divers : des chambrées, de la cantine, quelquefois même d’un café voisin de la caserne. Il faut user de ruse pour rentrer sans être vu, faire maints détours ; de là, marche oblique.

Marche par le flanc (exécuter la)

Merlin, 1888 : Dormir, se coucher.

Marche-à-terre

Delvau, 1866 : s. m. Fantassin, — dans l’argot de la cavalerie.

Rigaud, 1881 : Soldat d’infanterie de ligne.

Marchef

Merlin, 1888 : Maréchal des logis chef.

France, 1907 : Syncope de maréchal des logis chef.

Marcher

d’Hautel, 1808 : Marcher comme un basque. Être habile et leste à la marche.
Il ne faut pas lui marcher sur le pied. Se dit d’un homme très-susceptible, qu’on n’offense pas impunément, et qu’il faut prendre garde de choquer.
Je ne sais sur quelle herbe il a marché. Se dit d’une personne qui est dans son jour de mauvaise humeur.
Marcher sur des épines, sur des précipices, sur des œufs. Être dans la perplexité, dans l’inquiétude.

Delvau, 1866 : v. n. Être de la même opinion ; consentir, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Approuver, être du même avis, — dans le jargon des typographes. — Je marche avec lui, je l’approuve.

Boutmy, 1883 : v. intr. Être de l’avis de quelqu’un. Je marche, j’approuve.

La Rue, 1894 : Consentir, être d’accord. Quant une offre convient, on marche, c’est-à-dire on accepte. Dans le cas contraire on ne marche pas. Marcher avec quelqu’un, faire une affaire avec quelqu’un ou être en communauté d’idées avec lui.

Rossignol, 1901 : Croire une chose invraisemblable ou un mensonge, c’est marcher.

France, 1907 : Être de l’avis de quelqu’un, approuver ; argot des typographes.

Marcher au pas

Delvau, 1866 : Obéir, filer doux, — dans le même argot [du peuple]. Faire marcher quelqu’un au pas. Agir de rigueur envers lui. On dit aussi : Mettre au pas.

Rigaud, 1881 : Obéir, être mené militairement. Faire marcher quelqu’un au pas, contraindre quelqu’un à l’obéissance, le mener durement.

France, 1907 : Être discipliné. « Je vous ferai marcher au pas, je vous apprendrai l’obéissance. »

Marcher dans les souliers d’un mort

Rigaud, 1881 : Avoir fait un héritage. — Compter sur les souliers d’un mort, compter sur un héritage. Le peuple dit :

Celui qui compte sur les souliers d’un mort, marche longtemps nu-pieds.

France, 1907 : Hériter de quelqu’un.

Marcher dedans

Delvau, 1866 : Rencontrer sous son pied un insurgé de Romilly, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Mettre les pieds sur une sentinelle. Marcher dans la merde, suivant un dicton populaire, cela porte bonheur. On dit d’un homme heureux en toutes choses, à qui tout réussit :
— C’est pas possible, il a marché dans la merde.
On dit également :
— Il a écrasé un colombin (Argot du peuple), N.

Marcher dessus

Rigaud, 1881 : Être sur une bonne piste, — dans le jargon des voleurs.

Marcher sur la chrétienté

Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de souliers ou avoir des souliers usés, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Marcher pieds nus, marcher avec des souliers qui menacent à chaque instant de quitter les pieds.

France, 1907 : Marcher pieds nus.

Marcher sur le dernier quartier

Virmaître, 1894 : User le restant de ses souliers. Par dérision, on dit à un homme dont les souliers boivent l’eau du ruisseau :
— Tes pafs sont pochards.
On dit encore :
— Tu vas t’enrhumer, tes rigodons ont un courant d’air (Argot du peuple). N.

France, 1907 : User ses souliers jusqu’à ce qu’ils boivent l’eau.

Marcher sur le pied

Delvau, 1866 : v. n. Chercher querelle à quelqu’un, — une querelle d’Allemand ; saisir le moindre prétexte pour se fâcher, — dans l’argot des bourgeois. N’aimer pas qu’on vous marche sur le pied. Être très chatouilleux, très susceptible.

Marcher sur sa longe

Rigaud, 1881 : S’obstiner encore à monter sur les planches malgré que l’âge ait sonné depuis longtemps l’heure de la retraite, — en terme de théâtre. — C’est le défaut de beaucoup de grands acteurs.

France, 1907 : Rester trop tard à la scène, continuer à jouer les ingénues quand on a cinquante ans ; argot des coulisses.

Et maintenant que j’ai fini, sachez, ami lecteur, que je vais quitter définitivement le théâtre, car je ne veux pas marcher sur ma longe, ce qui veut dire, parmi nous, s’attarder sur la scène et n’y plus produire d’effet.

(Mémoires d’un jeune premier)

Marcher sur une mauvaise herbe

France, 1907 : Il a marché sur une mauvaise herbe, il lui est arrivé quelque chose qui l’a mis de mauvaise humeur ; cette locution est tirée d’une superstition commune autrefois dans les campagnes de France et d’Allemagne sur une prétendue herbe que semait la foudre et qui avait la propriété d’égarer les gens qui marchaient dessus. C’est cette superstition qui fait encore dire aux Normands que celui qui a perdu son chemin dans les bois a marché sur une mauvaise herbe.

Marcher tout seul

Rigaud, 1881 : Être en état de décomposition, en parlant du fromage. Le fromage qui marche seul est habité par une colonie de ces petits vers blancs si vivaces qui sont loin d’effrayer les amateurs. « Tant pis pour eux », disent-ils. — « Apportez-moi du Roquefort », demande un consommateur au garçon d’un gargjot. — « Appelez-le, monsieur, il marche tout seul. » — Le fromage est une source de plaisanteries à l’usage des personnes qui trouvent beaucoup d’esprit aux commis voyageurs.

Marcher, marcher au pas

Larchey, 1865 : Être contraint à obéir.

Empereur Nicolas, les Français et les Anglais te feront marcher au pas.

Layale, Ch., 1855.

Marches basses

France, 1907 : Nom donné autrefois aux parties génitales de la femme.

Marches du palais

Delvau, 1866 : s. f. pl. Rides du front, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Les rides longitudinales du front.

Marcheur

France, 1907 : Coureur de jupes, débauché, viveur. On dit plus généralement vieux marcheur.

Le petit vicomte, nouvellement marié, a présenté sa jeune femme au vieux marcheur, son oncle.
— Eh bien ! vous plait-elle ? demande-t-il.
— Si elle me plaît ? Répond le vieux marcheur, tous mes compliments ! Je t’en souhaite beaucoup comme ça…

(Le Journal)

Gobé seul’ment pour sa galette,
Un vieux marcheur, lundi dernier,
Rigolait avec un’ poulette
En cabinet particulier.

(Muffat et Desmarets)

Marcheuse

d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donne aux femmes qui conduisent les courtisanes, qui les accompagnent dans le lieu de leur trafic.

Delvau, 1864 : Femme qui a été fille et qui, ne l’était plus, est chargée de conduire dans les chemins du vice celles qui le sont encore.

Ses fonctions sont d’appeler les passants à voix basse, de les engager à monter dans le bordel où, d’après ses annonces banales, ils doivent trouver un choix exquis de jeunes personnes. Dans, la maison de tolérance de première ligne, il y a ordinairement plusieurs marcheuses dont l’emploi principal est de promener les filles d’amour sur les boulevards et dans les passages.

Larchey, 1865 : « Un simple bonnet la coiffe ; sa robe est d’une couleur foncée et un tablier blanc complète ce costume. Les fonctions de la marcheuse sont d’appeler les passants à voix basse, de les engager à monter dans la maison qu’elle représente, où, d’après ses annonces banales, ils doivent trouver un choix exquis de jeunes personnes. »

Béraud.

Enfin arrivent les marcheuses… Elles marchent pour les filles demeurant en hôtel garni ; celles-ci n’ont qu’une chaussure et un jupon blanc Faut-il qu’elles exposent dans les boues leur unique habillement, la marcheuse affrontera pour elles les chemins fangeux.

1783, Mercier.

Larchey, 1865 : « La marcheuse est un rat d’une grande beauté que sa mère, fausse ou vraie, a vendu le jour où elle n’a pu devenir ni premier, ni deuxième, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l’état de coryphée à tout autre, par la grande raison qu’après l’emploi de sa jeunesse, elle n’en pouvait pas prendre d’autre. Pour qu’un rat devienne marcheuse, c’est-à-dire figurante de la danse, il faut qu’elle ait eu quelque attachement solide qui l’ait retenu à Paris, un homme riche qu’elle n’aimait pas, un pauvre garçon qu’elle aimait trop. C’est un débris de la fille d’Opéra du dix-huitième siècle. »

Balzac.

Delvau, 1866 : s. f. Rat d’une grande beauté que sa mère, fausse ou vraie, dit H. de Balzac, a vendue le jour où elle n’a pu devenir ni premier, ni deuxième, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l’état de coryphée à tout autre, par la grande raison qu’après l’emploi de sa jeunesse elle n’en pouvait pas prendre d’autres. C’est un débris de la fille d’Opéra du XVIIIe siècle.

Delvau, 1866 : s. f. Femme en bonnet et en tablier blanc, dont les fonctions « sont d’appeler les passants à voix basse et de les engager à monter dans la maison qu’elle représente ».

Rigaud, 1881 : Racoleuse d’une maison de tolérance.

Fille publique qui fait la porte, c’est-à-dire qui, du seuil des maisons de joie, appelle les passants.

(Paris-Vivant, la Fille, 1858.)

C’est-à-dire la femme stationnant sur le seuil de la porte de la maison de tolérance.

(Béraud, Les Filles publiques de Paris, t. II, 1839.)

Par ordonnance de police, les marcheuses doivent être âgées d’au moins quarante ans… Est-ce pour inspirer plus de confiance ?

Rigaud, 1881 : Dame comparse du corps de ballet, à l’Opéra.

La Rue, 1894 : Dame comparse au théâtre. Racoleuse.

Virmaître, 1894 : Belle femme qui figure à l’Opéra, Marcheuse : la femme qui appelait les passants en termes très engageants ; elle détaillait avec complaisance les charmes de la marchandise qui était dans l’intérieur de la maison. La marcheuse était généralement un beefteack à corbeau hors d’âge et de service. Les marcheuses furent supprimées à la porte des maisons de tolérance par arrêté de M. Andrieux, préfet de police, en 1881 (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : La femme qui fait les cent pas à la porte d’une maison de tolérance où elle est pensionnaire pour y amener des clients, c’est la marcheuse.

Hayard, 1907 : Femme qui fait le trottoir.

France, 1907 : Jolie fille qui figure dans un Corps de ballet.

La marcheuse est un rat d’une grande beauté que sa mère, fausse où vraie, à vendue le jour où elle n’a pu devenir ni premier, ni second, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l’état de coryphée à tout autre, par la grande raison qu’après l’emploi de sa jeunesse elle n’en pouvait pas prendre d’autre. Pour qu’un rat devienne marcheuse, c’est-à-dire figurante de la danse, il faut qu’elle ait eu quelque attachement solide qui l’ait retenue à Paris, un homme riche qu’elle m’aimait pas, un pauvre garçon qu’elle aimait trop.

(Balzac)

… Les marcheuses, dont le nom tristement significatif indique qu’elles seraient mieux sur l’asphalte où on les a prises, que sur les planches de l’Opéra.

(Théophile Gautier)

France, 1907 : Fille qui se promenait sur le trottoir devant une maison de tolérance pour engager les passants à y entrer. Un arrêté du préfet de police Andrieux supprima en 1881 ce genre d’excitation à la débauche.

Les fonctions de la marcheuse sont d’appeler les passants à voix basse, de les engager à monter dans la maison qu’elle représente, où, d’après ces annonces banales, ils doivent trouver un choix… Il y a ordinairement plusieurs marcheuses dont l’emploi principal est de promener les filles d’amour sur les boulevards et dans les passages.

(F. Béraud)

La marcheuse est reconnaissable à ses chapeaux modestes, uniformément noirs, qui écrasent sa tête plus qu’ils ne la couronnent. C’est elle qui a lancé la première en France ces interminables waterproofs, ces cache-misère, longs comme un de ces jours sans pain qu’elle a plus d’une fois connus.

(Édouard Petit)

Marchfeld

Rigaud, 1881 : Champ de manœuvre, — dans l’argot de Saint-Cyr.

Fustier, 1889 : C’est ainsi que les élèves de l’École de Saint-Cyr appellent le champ de manœuvres.

Que les jours d’hiver nous parurent longs, les après-midi sombres pendant lesquels nous épelions le b a ba du métier dans le marchfeld que balayaient âprement les bises.

(Maizeroy : Souvenirs d’un Saint-Cyrien.)

Marchi

France, 1907 : Syncope de maréchal des logis ; on dit aussi margi, margis.

Et tous ces souvenirs lui revenaient en foule tandis qu’elle tenait tête à un superbe marchi de spahis en train de vider consciencieusement avec elle un immense cruchon de curaçao.

(Gil Blas)

Marchis

Merlin, 1888 : Corruption de maréchal des logis.

Marchotte

France, 1907 : Pédale du rouet à filer du métier de tisserand.

Marco

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, — dans l’argot des gens de lettres, qui disent cela depuis la pièce de leurs confrères Lambert Thiboust et Barrière, Les Filles de marbre, dont l’héroïne principale s’appelle Marco.

France, 1907 : Surnom que l’on donnait, vers 1860, aux petites dames, d’après la pièce célèbre de Lambert Thiboust et Barrière, Les Filles de marbre, dont tout le monde connait la ritournelle :

Connais-tu Marco la belle
Dans les salons tout en fleurs…

Marcouse

Rossignol, 1901 : Le teneur du jeu de bonneteau fait, en manipulant les trois cartes, une corne à l’une d’elles pour allécher le joueur, puis il décorne cette carte pour en corner une autre que la gagnante, lorsqu’il sait qu’un des parieurs s’en est aperçu : c’est la marcouse ou cornanche.

Hayard, 1907 : Carte marquée par le bonneteur.

Mardi

d’Hautel, 1808 : Mardi s’il fait chaud. Manière de dire à quelqu’un qu’on ne peut pas lui accorder ce qu’elle demande, ou qu’on ne tiendra pas ce qu’on promet.
Mardi-gras. Terme donné au dernier jour du carnaval, parce qu’il est suivi immédiatement du carême, ou l’on doit faire maigre.

Mardi, s’il fait chaud !

Delvau, 1866 : Les calendes grecques du peuple, qui y renvoie volontiers quand il veut se moquer ou se débarrasser d’un importun. Ce mardi-là et le Dimanche après la grand’messe font partie de la fameuse Semaine des quatre jeudis.

Mare

Rossignol, 1901 : Avoir assez d’une chose ou d’une femme, c’est en avoir son mare.

Maré

Rossignol, 1901 : Signifie : tais-toi, laissez-moi, ça suffit. Cela dépend comment ce mot est employé ; avoir assez d’une chose, c’est en être maré.

Je suis maré du jeu, j’ai joué toute la journée. — Je suis maré de t’entendre récriminer. — Tu ne vas pas en dire davantage, je suis maré de tes observations.

Maré !

Hayard, 1907 : Interjection qui signifie : « Assez ! »

Maré (être)

France, 1907 : Être blasé.

Marécageux (œil)

Larchey, 1865 : Œil voluptueux, à demi-noyé de langueur.

Mais que tu danses bien la galope, Avec ton œil marécageux.

Chans. populaire.

Marée

d’Hautel, 1808 : Faire quelque chose malgré vent et marée. Pour dire malgré tous les obstacles, toutes les difficultés qui s’opposent à l’exécution d’une affaire.

France, 1907 : Répulsion, dégoût. Allusion à l’odeur du poisson peu frais.

Marée en carême, mars en carême

France, 1907 : Ces deux expressions proverbiales ont chacune une signification distincte qu’il ne faut pas confondre. Arriver comme marée en carême signifie arriver à propos, comme le poisson en temps de jeûne.
Arriver comme mars en carême, c’est venir régulièrement et comme une chose qui ne manque jamais à époque fixe, ainsi que le mois de mars pendant le carême.

Marer

La Rue, 1894 : Être blasé. Avoir maré, en avoir assez. Marez, assez ! arrêtez !

Mareules

France, 1907 : Grosses guêtres tricotées.

Marez !

France, 1907 : Assez ! arrêtez !

Margajat

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Petit garçon qui raisonne de tout à tort et à travers, qui fait le hautin, l’important ; qui a peu de savoir et de capacité.
Parler margajat. Parler un langage inusité, barbare et intelligible.

Margalou

France, 1907 : Individu qui exerce toutes sortes de petits commerces. Terme de mépris.

Margauder

Larchey, 1865 : Décrier la marchandise. — Corruption du mot marchander.

Madame trouve moyen de margauder.

La Correctionnelle.

Delvau, 1866 : v. n. Dénigrer quelqu’un ; décrier une chose. Argot des bourgeois. Est-ce que ce verbe ne viendrait point de la jacasserie continuelle de la pie, dite margot, qui joue le rôle de commère parmi les oiseaux ? Mais alors il faudrait écrire margoter, ou tout au moins margoder.

France, 1907 : Déprécier une marchandise pour l’avoir à meilleur prix.

Marge

d’Hautel, 1808 : Avoir de la marge. Avoir du temps devant soi pour conclure une affaire.

Margis

France, 1907 : Abréviation de maréchal des logis.

Margot

d’Hautel, 1808 : Nom fort injurieux que l’on donne à une courtisane, à une femme de mauvaise vie ; synonyme de gaupe, putain, raccrocheuse.
Margot la Résolue. Sobriquet insultant que l’on donne à une femme hardie et sans pudeur, dont on entend continuellement le caquet, et qui se mêle de toutes les affaires.

Delvau, 1866 : s. f. Pie, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, concubine, — dans l’argot des bourgeois. Vivre avec des margots. Vivre avec des filles ; passer le meilleur de son temps à filer le plus imparfait amour aux pieds d’Omphales d’occasion, sans avoir l’excuse du fils d’Alcmène, — qui du moins était un hercule.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui a jeté son bonnet et sa pudeur par-dessus les moulins. On dit aussi Margoton.

Virmaître, 1894 : Femme de peu.
— Tu n’es qu’une sale Margot.
Pourquoi chercher dans Margot le diminutif de Marguerite ?
Toutes les Marguerites ne sont pas de Bourgogne.
Il y en a qu’on aimerait à effeuiller.
On dit aussi Margoton (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Femme de mœurs légères.

France, 1907 : Pie.

Et la portière,
Sous la gouttière,
Pend la volière
De dame Margot.

(Désaugiers)

Margot, goton

Larchey, 1865 : « Nom fort injurieux donné à une courtisane, à une femme de mauvaise vie. » — 1808, d’Hautel. — « Nous le tenons. Nous savons où demeure sa margot. » — E. Sue. — On dit aussi sa jacqueline. (V. ce mot). — Dans son Vieux Cordelier, Camille Desmoulins apostrophe ainsi Hébert : « Le banquier Kocke, chez qui toi et ta Jacqueline vous passez les beaux jours de l’été. »

Margot, Margoton

Delvau, 1864 : Nom de femme qui est devenu celui de toutes les femmes — devenues filles.

Priape dérogea, Vénus fit la Catin.
Cette contagion infecta les provinces,
Du clerc et du bourgeois passa jusques aux princes.
La plus mauvaise garce eut ses adulateurs,
Et jusqu’à la Margot, tout trouva des fouteurs.

(L’Art priapique.)

Villon sut le premier dans ces siècles grossiers
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers,
Redonner le mouchoir aux filles de bon ton,
Et laisser la province enfiler Margoton.

(L’Art priapique.)

Nous le tenons : nous savons où demeure sa margot.

Eugène Sue.

J’ai peu d’estime pour l’argot ;
Mais au besoin, je le tolère.
Si je rencontre une margot,
Je la regarde sans colère.

Phil. Dauriac.

France, 1907 : Grosse fille vulgaire et de mœurs faciles.

Margouillat

Fustier, 1889 : Argot militaire. Spahis.

France, 1907 : Spahi, du nom d’un roman de Marcel Frescaly, intitulé Le 6e Margouillats.

Margouiller

France, 1907 : Manier malproprement ; provincialisme.

Margouillis

d’Hautel, 1808 : Gâchis, embarras, désordre, embrouillamini ; ordures, lavure d’écuelles.
Mettre quelqu’un dans le margouillis. Pour dire, dans l’embarras, dans la peine.

Delvau, 1866 : s. m. Gâchis, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot au propre et au figuré.

France, 1907 : Embarras, gâchis.

… Est-il point un homme là-dedans,
Qui porte un habit rouge, une perruque noire ?
Messieurs, dans cette chambre il est, dit-il, à boire :
Montez ; et lui soudain de happer le taillis,
Laissant le pauvre sot dedans le margouillis.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Margoulette

d’Hautel, 1808 : Pour, bouche.
Il feroit tout pour la margoulette. Se dit d’un gourmand à qui on fait faire tout ce que l’on veut, en lui donnant à dîner, en le régalant ; d’un homme : qui met tous ses plaisirs à manger.
Il est venu la margoulette enfarinée. Voyez Gueule.

Larchey, 1865 : Bouche. — Diminutif de marge. Les lèvres forment la marge du palais. Peut être aussi diminutif corrompu du vieux mot gargoule : bouche.

Delvau, 1866 : s. f. La bouche, considérée comme avaloir. Rincer la margoulette à quelqu’un. Lui payer à boire.

Rigaud, 1881 : Visage : — Margoulette de travers, mauvaise mine, mine fatiguée. — Déboiter la margoulette, porter des coups au visage.

La Rue, 1894 : Visage. La bouche.

Virmaître, 1894 : La bouche. Il existe en Bourgogne des vases en terre vernissée qui ont un goulot semblable à la bouche. Pour cette raison, on appelle ces vases des goulettes. Mar a tout simplement été ajouté, déformant le mot primitif pour en former un autre qui a le même sens, car les nourrices disent aux enfants :
— Viens que j’embrasse ta petite goulette.
Rincer la margoulette à un ami,
c’est lui payer à boire (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Gosier. Rincer la margoulette à quelqu’un, lui payer à boire. Débrider la margoulette, manger. Se dit aussi pour figure, partie inférieure du visage.

Mille bombes, il parle de haut, le chameau ! Faut voir comme il nous traite ; il dit « nos ouvriers » comme on dit « mon chien ou ma pipe ». Turellement faut pas qu’ils bougent nos ouvriers ; sans quoi, gare ! on leur cassera la margoulette.

(Le Père Peinard)

Souvent au milieu de la nuit,
La margoulette enfarinée…

(Festeau)

Margoulin

Larchey, 1865 : Débitant, dans la langue des commis voyageurs.

Parfois le margoulin est fin matois.

Bourget.

Delvau, 1866 : s. m. Débitant, — dans l’argot des commis voyageurs.

Rigaud, 1881 : Petit boutiquier, marchand d’objets de peu de valeur. — Mauvais ouvrier, celui qui n’est pas au courant de son métier, — dans le jargon du peuple.

Tonnerre de Dieu ! me voilà devenu voyageur de commerce : je m’en vais donc voir ces margoulins.

(Monsieur Mayeux, voyageur de commerce, dessin.)

La Rue, 1894 : Débitant. Mauvais ouvrier.

Virmaître, 1894 : Débiteur de mauvaises boissons. Marchand de vin qui a une fontaine dans sa cave pour fabriquer le fameux cru de Château la Pompe. Margoulin : méchant ; ouvrier, fainéant, grossier, brutal, qui lève plus souvent le coude qu’un marteau. C’est, dans le peuple, un gros terme de mépris que de dire à un individu :
— Tu n’es qu’un margoulin ! (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Petit patron, petit industriel.

France, 1907 : Voyageur de commerce campagnard, petit détaillant.

Tout le public des tourlourous, des garde-convois, quelques margoulins venus là après dîner, entonnait en chœur l’immonde gaudriole, claquant la mesure avec les paumes, tambourinant sur les tables à coups de poing, bourrant le sol de retombées de talons.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

France, 1907 : Mauvais ouvrier, ivrogne et fainéant.

Margoulinage

Rigaud, 1881 : État, métier du margoulin.

Margouliner

Rigaud, 1881 : Vendre des marchandises de peu de valeur, des marchandises défraîchies. — Faire un tout petit commerce en boutique.

Margoulis

Rigaud, 1881 : Grabuge, gâchis.

Marguerites

Delvau, 1866 : s. f. pl. Poils blancs de la barbe, — dans l’argot du peuple, qui a parfois des images aussi poétiques que justes. Il dit aussi Marguerites de cimetière.

Marguerites de cimetière

France, 1907 : Poils blancs dans les cheveux ou la barbe.

Marguillier de bourrache

France, 1907 : Juré. Allusion à la tisane de bourrache que l’on donne aux malades atteints de fièvre ; les séances de la cour d’assises donnant généralement la fièvre aux accusés.

Marguinchon

France, 1907 : Fille de mœurs dissolues.

Mari jonquille

France, 1907 : Cocu.

Mari malheureux

Delvau, 1864 : Mari, peut-être cossu, — mais à coup sûr, cocu — sans cédille.

Delvau, 1866 : s. m. « Le dernier de Paul de Kock », — dans l’argot pudibond des bourgeois.

Mariage

d’Hautel, 1808 : Faire un mariage. Mêler chacun le peu d’argent qu’on a ; en composer une petite somme pour se divertir. En terme d’imprimerie, c’est boire bouteille, avant de se mettre en train à l’ouvrage, avec le compagnon que l’on s’est choisi.
Un mariage de Jean de vignes. Un concubinage, que l’on appelle plus communément, mariage à la détrempe. Voyez ce mot.

Delvau, 1864 : Collage légitime de l’homme et de la femme, qui a le vit pour trait d’union, plus les enfants qui peuvent résulter dudit collage. Selon Balzac :

Le mariage est une association de mauvaise humeur, pendant le jour, et de mauvaise odeur pendant la nuit.

Rigaud, 1881 : Corde de justice, corde à étrangler, — dans le jargon des cordiers des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est cette corde que l’exécuteur des hautes-œuvres appelait « tourtouse ». — Tourtouse par extension signifiait encore gibet, potence. (Hurtaut, Dict. des homonymes, 1775.)

Mariage à l’anglaise

France, 1907 : Mariage suivi d’une séparation, où chacun vit de son côté. Cette expression n’a aucune raison d’être et ne peut s’expliquer que par la mutuelle malveillance qui existe entre Les Français et leurs voisins d’outre-Manche. On ne trouve pas plus de mauvais ménages en Angleterre qu’en France.

Mariage à la détrempe

Delvau, 1866 : s. m. Union morganatique, — dans l’argot des ouvriers. « Nos bons amis nos ennemis » ont une expression de la même famille : Wife in water colours (femme à l’aquarelle, en détrempe), disent-ils à propos d’une concubine.

Virmaître, 1894 : Mariage à la colle. Quand elle est trop détrempée, le papier ne tient pas. Autrefois, avant l’annexion de la banlieue à Paris, on disait :
— Ils sont mariés au treizième arrondissement.
Parce qu’il n’y en avait que douze.
Aujourd’hui on dit au vingt et unième, parce qu’il n’y en a que vingt (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Faux mariage. Cohabitation sans l’assistance du maire ou du curé. Cette expression est venue sans nul doute du manque de consistance de ces sortes d’union. Les Anglais ont la même expression : Femme à l’aquarelle (Wife in water-colours).
On dit aussi pour indiquer un mariage sans curé ou maire : Passer devant — ou derrière — la mairie.

Mariage d’Afrique

France, 1907 : Union illégitime.

Mariage de garnison

Fustier, 1889 : Liaison qu’un militaire en garnison contracte avec une femme et qui n’a pas d’autre durée que celle du séjour dans la garnison.

Mariage de mai

France, 1907 : Union conjugale formée sous de fâcheux auspices. Dans certaines campagnes, surtout celles du Centre, le mois de mai passe pour être défavorable aux mariages, et aussi funeste que le vendredi pour nombre d’idiots parisiens ou provinciaux. Ce préjugé est un reste du paganisme, comme d’ailleurs la plupart de nos préjugés.

Mariage en détrempe

Rigaud, 1881 : Concubinage, mariage pour rire. — La variante est : Mariage à la parisienne.

Marianne

Delvau, 1866 : s. f. La République, — dans l’argot des démocrates avancés. Avoir la Marianne dans l’œil. Clignoter des yeux sous l’influence de l’ivresse.

Rigaud, 1881 : Prénom de la vraie République des faubourgs, la République coiffée du bonnet phrygien, la République aux « puissantes mamelles » chantée par Barbier.

C’est la Marianne qui a pris possession de l’Elysée et de nos administrations, et c’est la Marianne qu’adoptent en ce moment toutes nos municipalités.

(Petite République Franc. 24 fév. 1880.)

Ce prénom, si commun chez les femmes du Midi, lui a été donné d’abord dans le Midi comme un hommage et un souvenir, puis adopté par toute la France.

France, 1907 : La République rouge.

Elle est plus maligne que notre pauvre Marianne, cette forte Église apostolique et romaine qui implante l’un de ses représentants partout où il y a un certain nombre d’âmes réunies. Elle ne laisse pas le moindre troupeau d’ouailles sans berger. Aussi, vous voyez comme elle tient le monde ! Elle a les petits, les pauvres et les faibles. Elle a tous les villages et leurs hameaux. Oh ! l’étonnante, l’admirable organisation que celle du clergé ! Songez que plus d’un siècle après Voltaire et la Révolution, on construit encore, du ponant au levant et du nord au sud, partout, toujours, de plus en plus, des basiliques et des basiliquettes sur le territoire de la… démocratie scientifique, et qu’il y a pas un périmètre de deux hectares peut-être qui ne fleurisse sa boîte à messe et à prêche, avec, autour, le presbytère et la cure.

(Émile Bergerat)

On m’interrompait fréquemment pour trinquer à la santé de Marianne. Le vin me montait au cerveau… J’étais sons le coup d’une triple ivresse : celle du patriotisme, celle du vin, celle de l’amour.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Brusquement, une génération s’est levée, qui ne s’enivre que de bocks idéaux, ne connait d’autre maîtresse que la Marianne ; et en elle revivent les sentiments généreux, les soucis altiers, les nobles abnégations des jeunesses de 1830 et 1869, dont le souvenir est si justement légendaire.

(Joseph Caraguel)

Mon nom à moi, c’est Marianne,
Un nom connu dans l’univers,
Et j’aime à porter d’un air crâne
Mon bonnet rouge de travers.

Mariase

Bras-de-Fer, 1829 : Vaurien.

Mariasse

France, 1907 : Mauvais drôle.

Marichau

France, 1907 : Maréchal ferrant. Voir Malchau.

Marida

Rossignol, 1901 : Mariée.

France, 1907 : Femme mariée ; argot des voyous, du béarnais marida, marier.

Marida (se)

France, 1907 : Se marier.

J’n’ai jamais connu d’aut’ famille
Que la p’tit’ marmaill’ qui fourmille,
Aussi quand ej’ m’ai maréda,
J’m’ai mis avec un’ petit’ grue
Qui truquait, le soir, à dada,
Dans la rue.

(Aristide Bruant)

Marie

d’Hautel, 1808 : Nom de femme auquel on ajoute souvent une épithète injurieuse.
Marie chiffon. Se dit d’une femme ou d’une fille, qui se mêle de tout ce qui ne la regarde pas ; qui fait des caquets.
Marie grognon. Se dit d’une femme ou d’une fille qui a l’humeur inégale ; qui est toujours à bouder, à grimauder.
Marie quatre langues. Bavarde, caqueteuses, mauvaise langue.
Marie bon bec. Babillarde ; commère hardie et éveillée.
Marie à la coque. Voyez Coque.
Marie mouvette. Petite fille turbulente, d’une pétulance extraordinaire, qui est toujours en mouvement.

Marie Jordonne

Rigaud, 1881 : Petite fille qui, à l’école, aime à commander ses camarades.

Marie salope

Rigaud, 1881 : Femme sale et sale femme, par allusion aux bateaux dragueurs appelés des maries-salopes.

Marie-bon-bec

Delvau, 1866 : s. f. Femme bavarde, « un peu trop forte en gueule », — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Bavarde, prompte à la riposte.

Marie-couche-toi-là

Delvau, 1866 : s. f. Femme facile, — trop facile.

Virmaître, 1894 : Femme qui se met sur le dos pour un oui ou un non. Rôdeuse de caserne (Argot des troupiers). N.

France, 1907 : Rôdeuse de caserne, dans l’argot des troupiers, toujours prête à exécuter ce commandement.

— Entends-tu, Marie-couche-toi-là, la marguinchon de tous les goujats ?

(Vadé, Catéchisme poissard)

Marie-jabotte

France, 1907 : Bavarde.

J’ai déjà dit que l’oncle Paul était né vieux garçon. Il avait, dès ce temps-là, une foule d’innocentes manies. Il ne supportait pas que les gens de service touchassent aux couteaux à découper. Il voulait qu’on servit les pièces de viande et de gibier tout entières sur la table. En même temps qu’il les découpait, à la mode d’autrefois, il aimait à conter des anecdotes. Il s’arrêtait en l’air, une aiguillette au bout du couteau, quelque carcasse de dindon suspendue.
Alors, Paparel battait la chamade avec sa tabatière d’argent.
— Paul… Paul… sacré Paul !… m’entends-tu ?… Il ne m’entend pas ! Marie-jabotte !… Saint Lambin !… C’est sa faute si les enfants s’endorment sur leurs chaises avant la salade !

(Hugues Le Roux, Mémoires d’un enfant)

Marie-je-m’embête

France, 1907 : Femme ou fille qui fait des façons, des cérémonies, qui se fait prier, qui embête tout le monde.

— J’inviterais bien au gueuleton la petite Fifine, elle est gentille à croquer, mais elle fait trop sa Marie-je-m’embête.

(Les Propos du Commandeur)

Marie-je-m’embête (faire sa)

Fustier, 1889 : Faire, des façons ; se faire prier.

Ah çà ! voyons ! quand tu resteras là à faire ta Marie-je-m’embête ! Ça n’avancera à rien ! Venez-vous oui ou non ?

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Marie-mange-mon-prêt

Fustier, 1889 : Argot militaire. Maîtresse du soldat.

France, 1907 : Fille à soldat, avec laquelle celui-ci dépense son argent. On dit quelquefois simplement Mange-mon-prêt.

… Dans la famille, toutes les filles aînées étaient fatalement d’incorrigibles gouges, de la chair à soldats et à matelots, des Mange-mon-prêt finies, inévitablement condamnées au parquage infamant des filles soumises.

(Paul Bonnetain, Argot de la caserne)

Marie-pique-rempart

Virmaître, 1894 : Femme qui rôde la nuit sur les remparts, aux environs des postes de soldats. On devine ce qu’elle cherche : un gîte et un restant de soupe. Huit ou dix jours plus tard, le troupier sait ce qu’elle a apporté (Argot des troupiers). N.

France, 1907 : Femme qui rôde la nuit autour des remparts et des casernes à la recherche d’un gîte et le reste ; le souper est rarement compris.

Marie-sac-au-dos

Virmaître, 1894 : Femme toujours prête. Allusion aux troupiers qui, quand le quartier est consigné en vue d’un événement quelconque, campent dans la cour de la caserne sac au dos, prêts à partir (Argot des troupiers). V. Rempardeuses. N.

Marie-salope

Delvau, 1866 : s. f. Femme de mauvaise vie.

Delvau, 1866 : s. f. Bateau dragueur, — dans l’argot des mariniers de la Seine.

France, 1907 : Bateau dragueur. Se dit aussi pour fille ou femme de mauvaise vie.

La Seine fait vivre bien d’autres gens encore que les marins d’eau douce. Ce sont les lessiveuses qui battent à coups redoublés le linge, que l’eau gonfle. Ce sont les ravageurs de la Seine, ces chiffonniers du fleuve, qui butinent sur les débris tirés de la vase. Ce sont les dragueurs et leurs bruyantes machines qui nettoient le fond, ramassent la boue, et que le peuple surnomme des Marie-salope.

(Paul Alexis)

Marier

d’Hautel, 1808 : Vous serez mariée cette année. Se dit par plaisanterie en versant la fin d’une bouteille à une demoiselle.

Marier Justine

Delvau, 1866 : Précipiter un dénouement, arriver vite au but, — dans l’argot des coulisses. Cette expression date de la première représentation d’un vaudeville des Variétés, Thibaut et Justine, joué sous la direction de Brunet. La pièce gaie en commençant, avait, vers la fin, des longueurs. Le public s’impatiente, il est sur le point de siffler. L’auteur ne mariait Justine qu’à la dernière scène, encore bien éloignée. « Il faut marier Justine tout de suite », s’écria le régisseur, pour sauver la pièce. Et l’on cria des coulisses aux acteurs en scène : « Mariez Justine tout de suite ! » Et l’on maria Justine, et la pièce fut sauvée, — et l’argot théâtral s’enrichit d’une expression.

Marigot

France, 1907 : Rivière aux bords escarpés ; terme militaire employé au Sénégal.

Le marigot avait des bords à pic, et à peine à 200 mètres au delà on voyait flamber les feux de bivouac ; ces feux étaient répartis en une série de grands groupes échelonnés sur plus d’un kilomètre, et par leur nombre on juge de l’exactitude des renseignements qui portaient à sept ou huit mille hommes l’armée de Malinka-mory. Huit mille hommes, et l’on était trois cents ; si on ne les surprenait pas, on était perdu. Et pas moyen de passer le marigot. Toute tentative pour entailler les berges n’eût pas manqué de faire du bruit et de donner l’éveil. Il y eut là un de ces moments d’émotion terrible comme on n’en éprouve qu’à la guerre.

(Le Temps)

Marin d’eau douce

Delvau, 1866 : s. m. Canotier de la Seine, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Canotier de rivière, conducteur de péniche ; on les appelle aussi marins de la Vierge Marie.

Ce sont des carapatas ou marins de la Vierge Marie, ainsi nommés parce qu’ils ne courent jamais aucun danger, race amphibie qui ne vit que sur les canaux.

(Privat d’Anglemont)

Marine

Fustier, 1889 : Argot des lycéens. Est marine dans leur jargon, le camarade qui se prépare à l’école navale.

Marine (la petite)

France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois aux galères.

Marine (la)

Rigaud, 1881 : Première carte à prendre au talon, — dans le jargon des joueurs de bezigue. Je prends pour voir la marine.

Maringotte

Rigaud, 1881 : Grande voiture de saltimbanque, sorte de maison roulante où naît et meurt le saltimbanque, où il fait la cuisine et l’amour.

La Rue, 1894 : Voiture de saltimbanque.

France, 1907 : Voiture de forains, de saltimbanques où loge toute une famille.

Déjà les maringottes étaient signalées sur les routes ; l’une après l’autre, au pas d’une maigre carne tirant sur l’attelle, elles escaladaient la dure montée qui menait à la place, avec leurs petits hublots tendus de rideaux rouges ; et une troupe de ramonichels, en penaillons qui béaient sur des torses bruns et nerveux, s’occupaient de monter contre l’église leurs tréteaux.

(Camille Lemonnier)

Mario, mariole, mariolle

France, 1907 : Malin, rusé. Les écrivains qui emploient ce mot ne se sont pas encore entendus sur son orthographe.

Il y a deux camps parmi les petits colons, deux camps ennemis.
Le pante, en argot ordinaire, c’est la dupe, la victime. Le mariolle, c’est le malin, celui qui sait se tirer d’affaire. Donc, à la Colonie, le pante et le mariolle sont tout simplement le bon et le mauvais sujet. Le pante, flétri de ce nom par les autres comme d’un ridicule et d’une infamie, se soumet sans résistance à la dure discipline, tâche de faire de son mieux, est laborieux et obéissant. Il est rare ; et, parfois, il faut le dire, le pante n’est qu’un hypocrite, qui fuit le chien couchant auprès des gardiens, dénonce et trahit ses camarades…
Quant aux mariolles, ce sont les indomptables, les incorrigibles. Pareils aux fruits véreux que l’entassement achève de corrompre, ils sont entrés vicieux dans le bagne ; ils en sortiront scélérats. C’est l’histoire de presque tous ces malheureux enfants, et c’est la condamnation de l’absurde régime de promiscuité qu’on leur impose. Les pénitenciers d’enfants sont des pépinières de voleurs et d’assassins. On les enferme, pendant de longues années, avec l’espoir — oh ! bien faible — de les amender ; puis, un beau jour, on les lâche, exaspérés contre le sort, perfectionnés dans le mal, mûrs pour le crime.

(François Coppée, Le Coupable)

Toujours le même fourbi : se dispenser d’agir et croire à une intervention supérieure et extra-humaine.
Et donc, il n’y eut rien de changé : les prêtres de l’État remplacèrent les représentants de Dieu. À leur tour, ces birbes-là bénéficièrent de la nigauderie populaire, vivant bien et tirant riche profit des préjugés et de l’ignorance.
Or, de même que, dans le cours de la kyrielle de siècles que l’humanité a égrenés, les hommes avaient changé de Dieu, — croyant tomber sur le vrai, — le seul, l’unique — assez mariol pour faire leur bonheur ;
De même, quand ils eurent changé d’idolâtrie, remplace la croyance en Dieu par la superstition de l’État, ils changèrent de « forme » gouvernementale, comme ils avaient souvent changé de « forme » divine.

(Le Père Peinard)

I’s aurons beau fair’ leur mariole
Sous prétesque qu’i’s ont l’pognon,
J’en ai soupé, moi, d’leur sal’ fiole.
En attendant d’leur fout’ des gnons
Sur la gueul’, j’vais crier c’que j’pense !
Tant que l’populo sommeill’ra,
J’emmerd’rai les ceuss’ qu’a d’la panse ;
Et l’jour d’la révoltes on verra.

(Aristide Bruant)

Mariol

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Malin

Mariol, mariolle

Rigaud, 1881 : Coquin rusé, malin. C’est une variante de marlou.

Mariole

Virmaître, 1894 : Malin, rusé, roublard. On est mariole ou on le fait. Dans les ateliers, un mariole passe pour un phénix. Mariole doit être pris ici comme synonyme de marlou.
— Tu n’as pas coupé la patte à coco, tu n’es pas si mariole que ça, on pourrait bien te river ton clou.
Il existe une chanson qui dit :

Tant qu’il y aura des pantes.
Les marioles boulotteront.

(Argot du peuple et des souteneurs). N.

Rossignol, 1901 : Malin, roublard.

anon., 1907 : Malin.

Mariole, mariol ou mariaule

Boutmy, 1883 : adj. Qui est tout à fait malin, difficile à tromper ; se dit encore d’un ouvrier très capable.

Mariolisme

Boutmy, 1883 : s. m. Qualité de celui qui est mariole ou ce qu’il fait. Rare.

Mariolle

Delvau, 1866 : s. m. Homme adroit, rusé, plus habile que délicat, et même un peu voleur, — dans l’argot des souteneurs. J’ai entendu cette phrase : « Tant qu’il y aura des pantes, les mariolles boulotteront. »

Delvau, 1866 : s. et adj. Malin, ingénieux, rusé, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Malin, rusé.

Hayard, 1907 : Malin, roublard.

Mariolle (faire le)

Merlin, 1888 : Poser pour le torse ; ne pas frayer avec les camarades.

Marion garde la maison

France, 1907 : Ce vieux dicton, qu’on emploie encore en Province pour désigner une ménagère frustrée de tous plaisirs, ou une jeune fille reléguée à la maison comme Cendrillon, tandis que ses frères et sœurs s’amusent au dehors, est une allusion à une pièce de théâtre en vers français, composée à la fin du XIIIe siècle par Adam de la Halle intitulée Le Jeu de Robin et Marion, sur laquelle on a fait une foule de chansons et de pastourelles. Mais il paraît qu’il ne faut pas trop plaindre Marion de rester à la maison, car avec Robin le temps ne lui semblait pas long.

Marionnette

Delvau, 1866 : s. f. Soldat, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Soldat. (Fr. Michel.)

France, 1907 : Soldat ; on le fait tourner, pivoter et se décarcasser comme une marionnette.

Marionnettes

d’Hautel, 1808 : On lui fera danser les marionnettes. Pour, on lui apprendra à vivre ; on le mettra dans un droit chemin.
C’est une véritable marionnette. Se dit d’un homme léger ; d’un farceur ; d’un mauvais bouffon.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Partisans, mâles ou femelles, d’une bastringueuse du nom de Maria, qui florissait en l’an de grâce 1839 à la Grande-Chaumière et à la Chartreuse, et à qui une autre joueuse de flûte du nom de Clara disputait le sceptre du cancan et le prix de chahutage. Les partisans de cette dernière s’appelaient Clarinettes.

Maritorne

d’Hautel, 1808 : Une grosse maritorne. Une femme qui a beaucoup d’embonpoint ; qui est mal bâtie, et d’une humeur désagréable.

Marjolé

France, 1907 : Moucheté, grivelé.

Marjolet

d’Hautel, 1808 : Céladon, sot, ignorant, qui fait l’entendu dans tout ; poule mouillée, qui n’a de l’homme que le nom.

Marjolures

France, 1907 : Mouchetures, enjolivements en forme de dessin.

Markouse

Virmaître, 1894 : Carte marquée visiblement par le bonneteur. Mais aussitôt qu’elle a été vue par la dupe, elle est démarquée. Il la devine, mais ce n’est plus la même (Argot des camelots).

France, 1907 : Carte dont se sert le bonneteur pour duper le pante. Il l’étale visiblement à celui-ci, la lui marque, mais quand le badaud met le doigt dessus, croyant l’avoir bien suivie de l’œil, c’est une autre qu’il retourne.

Marle

Rossignol, 1901 : Malin.

France, 1907 : Souteneur, corruption de marlou. Être marle, connaître la vie, être malin.

On ne s’embêtait pas un seul instant ; le marle, non, le maître offrait du champagne… et il en vendait !
Il vendait de tout, même… surtout des gonzesses, sous prétexte de lancer des artistes : les vieux y trouvaient leur compte et lui aussi !

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

Marlou

Clémens, 1840 : Adroit.

un détenu, 1846 : Individu impropre a rien, un fainéant et un voleur adroit, fin, rusé, malin.

Delvau, 1864 : Variété de maquereau, d’homme sans préjugés, qui non-seulement consent à recevoir de l’argent des filles galantes, mais encore en exige d’elles le poing sur la gorge et le pied dans le cul.

La plus sublime de ces positions, c’est celle du marlou.

Frédéric Soulié.

C’est des marlous, n’y prends pas garde.

H. Monnier.

Larchey, 1865 : Souteneur. — Corruption du vieux mot marlier : sacristain. — Les souteneurs étaient de même appelés sacristains au dix-huitième siècle. On en trouve plus d’une preuve dans Rétif de la Bretonne.

Un marlou, c’est un beau jeune homme, fort, solide, sachant tirer la savate, se mettant fort bien, dansant la chahu et le cancan avec élégance, aimable auprès des filles dévouées au culte de Vénus, les soutenant dans les dangers éminents…

Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8.

Par extension, on appelle marlou tout homme peu délicat avec les femmes, et même tout homme qui a mauvais genre.

Cadol.

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles, — dans l’argot des faubouriens. Pourquoi, à propos de ce mot tout moderne, Francisque Michel a-t-il éprouvé le besoin de recourir au Glossaire de Du Cange et de calomnier le respectable corps des marguilliers ? Puisqu’il lui fallait absolument une étymologie, que ne l’a-t-il demandée plutôt à un Dictionnaire anglais ! Mar (gâter) love (amour) ; les souteneurs, en effet, souillent le sentiment le plus divin en battant monnaie avec lui. Cette étymologie n’est peut-être pas très bonne, mais elle est au moins aussi vraisemblable que celle de Francisque Michel. Il y a aussi le vieux français marcou.

Delvau, 1866 : s. et adj. Malin, rusé, expert aux choses de la vie.

Rigaud, 1881 : Mauvais drôle, malin. — Souteneur de filles, — dans l’ancien jargon du peuple.

La Rue, 1894 : Souteneur. Filou. Malin, rusé. Front.

Virmaître, 1894 : Individu qui vit de la prostitution des femmes. Marlou vient du vieux mot marlier, avec un changement de finale (Argot des filles).

Rossignol, 1901 : Malin. Un souteneur c’est aussi un marlou.

Hayard, 1907 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneurs du vieux mot marlier, sacristain, dénomination que le souteneur portait autrefois. Par extension, quand un homme marié a des rapports intimes avec une femme mariée, on dit que c’est son marlou.

Un marlou, Monsieur le Préfet, c’est un beau jeune homme, fort, solide, sachant tirer la savate, se mettant fort bien, dansant le chahut et le cancan avec élégance, aimable auprès des filles dévouées au culte de Vénus, les soutenant dans les dangers, sachant les faire respecter et les forcer à se conduire avec décence, oui, avec décente et je le prouverai. Vous voyez donc qu’un marlou est un être moral, utile à la société ; et vous venez les forcer à en devenir le fléau, en forçant nos particulières à limiter leur commerce dans l’intérieur de leurs maisons…

(Réclamation des anciens marlous au Préfet le police)

Quand faut aller servir c’tte bon Dieu d’République,
Où qu’tout l’monde est soldat malgré son consent’ment.
On nous envoi’ grossir les bataillons d’Afrique,
À caus’ que les marlous aim’nt pas l’gouvernement.

(Aristide Bruant)

L’rendez-vous d’Alphonse et d’Polyte,
L’tremplin où Nana tient sa cour,
Où l’marlou conduit sa marmite,
C’est l’pont Caulaincourt !

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Souteneur.

Marlou à la mie de pain

Virmaître, 1894 : Marlou qui ne sait pas faire travailler sa marmite ou qui en a une récalcitrante. Je lis dans les Lamentations d’un souteneur :

Quoi ? C’est éteint… tu r’buttes au flanche.
Y’a pu de trottinage à la clé.
Des dattes pour que tu fass’la planche,
L’anse de la marmite est cassée. (Argot des souteneurs). N.

France, 1907 : Souteneur qui ne sait ou ne peut tirer parti de sa marmite.

Marlou de charlotte

France, 1907 : Exécuteur des hautes œuvres.

Marloupatte

France, 1907 : Souteneur.

Ce marloupatte pâle et mince
Se nommait simplement Navet ;
Mais il vivait ainsi qu’un prince…
Il aimait les femmes qu’on rince.

(Jean Richepin)

Marloupier

France, 1907 : Souteneur.

Le Panama remémore à la foultitude de gobeurs bougrement oublieux ! qui coupent sans fin ni cesse dans les bateaux des Jean-foutre de la haute que notre gouvernance n’est qu’un ramassis de marloupiers.

(Père Peinard)

Marloupin

Virmaître, 1894 : Jeune marlou qui fait son apprentissage dans les bals publics. On dit aussi goussepin : petit vagabond dont la première étape est la petite Roquette et la dernière souvent, la grande. Goussepin gouspiné : voler (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Jeune marlou.

France, 1907 : Jeune marlou.

Quand on paie en monnaie d’singe
Nous aut’ marloupins,
Les sal’s michetons qu’a pas d’linge,
On les pass’ chez paings.

(Jean Richepin)

Et quand il sut jacter nature,
L’entraver comme un marloupin,
Il fit de la littérature,
Et l’on entendit Montépin
Et Collas et d’autres rengaines
Hurler, crier, sur tous les tons,
Et gueuler comme des baleines,
… Et ce que nous nous en foutons !…

(Aristide Bruant)

Marlouserie

Delvau, 1866 : s. f. Profession de Marlou. Se dit aussi pour Habileté.

France, 1907 : Ruse, malice.

Marlousier

anon., 1827 : Maquereau.

Bras-de-Fer, 1829 : Maquereau.

Halbert, 1849 : Maq…., souteneur de fille de joie.

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti marlou.

Virmaître, 1894 : Malin, rusé, diminutif de marlou (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Souteneur malin et rusé ; gaillard à la coule.

Marlousserie

un détenu, 1846 : Fainéantise, paresse, vivotage, volerie.

Marmaille

d’Hautel, 1808 : Troupe, rassemblement petits enfans ; petits polissons qui font des espiègleries, des niches aux passans dans les rues.

Delvau, 1866 : s. f. Troupe, nichée d’enfants, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Marmaillerie.

Marmelade

d’Hautel, 1808 : Avoir le derrière en marmelade. Pour avoir les fesses meurtries ; comme il arrive quand on va à cheval, sans en avoir l’habitude, ou que l’on voyage dans une mauvaise voiture, qui cahote continuellement.
On dit aussi d’une chose quelconque qu’elle est en marmelade, pour dire qu’elle est écachée, brisée en morceaux.

France, 1907 : Misère : on dit aussi panade.

Un jeune paysan naïf et candide va consulter une somnambule extra-lucide, à qui il demande des éclaircissements sur le sort qui lui est réservé.
La pythonisse de répondre :
— Mon pauvre garçon, vous resterez dans la marmelade jusqu’à votre âge mûr.
— Et après ?
— Après ? Vous y serez habitué.

Marmier

Rigaud, 1881 : Berger, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Berger ; argot des voleurs. Vieux mot.

Marmion

France, 1907 : Bourse.

Marmite

d’Hautel, 1808 : Il a le nez fait en pied de marmite. Se dit d’un homme qui a le nez large et épaté.
Un écumeur de marmite. Pour dire, un parasite ; un piqueur d’assiette.
La marmite est bonne dans cette maison. Pour dire, qu’on y fait bonne chère.
La marmite est renversée. Signifie que l’on n’a plus son couvert dans une maison.
On dit aussi qu’Une chose fait bouillir la marmite, ou sert à faire bouillir la marmite, quand elle fournit à l’entretien de la maison.

Delvau, 1864 : Putain, — la femelle naturelle du maquereau, à qui elle fournit de quoi manger, boire et rigoler avec ou sans elle.

Tu es un crâne fouteur… et… si tu y consens, ce n’est pas toi qui me donneras de la braise, c’est moi qui serai ta marmite.

Lemercier de Neuville.

Larchey, 1865 : Fille publique nourrissant un souteneur. — Allusion facile à saisir.

Un souteneur sans sa marmite est un ouvrier sans ouvrage.

Canler.

Marmite de terre : Prostituée ne gagnant pas d’argent à son souteneur. — La Marmite de fer gagne un peu plus. — La Marmite de Cuivre rapporte beaucoup. — (Dict. d’argot, 1844.)

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des souteneurs, qui n’éprouvent aucune répugnance à se faire nourrir par les filles. Marmite de cuivre. Femme qui gagne — et rapporte beaucoup. Marmite de fer. Femme qui rapporte un peu moins. Marmite de terre. Femme qui ne rapporte pas assez, car elle ne rapporte rien.

Rigaud, 1881 : Maîtresse d’un souteneur. Elle fait bouillir la marmite.

Rigaud, 1881 : C’est ainsi que les dragons appellent leurs casques. — Je récure la marmite pour la revue de demain.

Merlin, 1888 : Cuirasse.

La Rue, 1894 : La femme du souteneur. Marmite de terre, qui rapporte peu ; marmite de fer, qui rapporte davantage, marmite de cuivre, qui rapporte beaucoup.

Virmaître, 1894 : D’après M. Lorédan Larchey, c’est une fille publique nourrissant son souteneur. Un souteneur sans sa marmite est un ouvrier sans ouvrage, dit Canler. La marmite de terre est une prostituée qui ne gagne pas de pognon à son souteneur. La marmite de fer commence à être cotée ; elle gagne un peu de galette. La marmite de cuivre, suivant Halbert, c’est une mine d’or. Marmite, d’après Pierre, est une femme qui n’abandonne pas son mari ou son amant en prison et lui porte des secours. Le peuple qui ne cherche ni si haut ni si loin, considère tout tranquillement la femme comme une marmite. Quand elle trompe son mari avec son consentement, elle fait bouillir la marmite. Quand elle fait la noce pour son compte, qu’elle ne rapporte pas, il y a un crêpe sur la marmite (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Fille publique qui nourrit son male et souvent toute sa famille.

Hayard, 1907 : Prostituée qui a un souteneur.

France, 1907 : Maîtresse d’un souteneur ; elle l’entretient, fait bouillir la marmite.

Un souteneur sans sa marmite (sa maîtresse) est un ouvrier sans ouvrage, un employé sans place, un médecin sans malades ; pour lui, tout est là : fortune, bonheur, amour, si ce n’est pas profaner ce dernier mot que de lui donner une acception quelconque à l’égard du souteneur. Or, les contraventions sont nombreuses pour les filles publiques ; la moindre infraction aux règlements de police est punie administrativement d’un emprisonnement plus ou moins long, mais à coup sûr toujours ruineux pour le souteneur qui a les dents au râtelier pendant le temps que sa marmite est à Saint-Lazare.

(Mémoires de Canler)

C’est nous les p’tits marlous qu’on rencont’ su’ les buttes,
Là oùsque le pierrot au printemps fait son nid,
La oùsque dans l’été nous faisons des culbutes,
Avec les p’tit’s marmit’s que l’bon Dieu nous fournit.

(Aristide Bruant)

Un’ marmite,
Un pot quelconqu’ bath ou laid,
Un’ marmite,
Qui n’limite
Pas trop l’fricot, si vous plaît.

(E. Blédort)

On ne saurait trop le répéter, c’est une Gomorrhe épouvantable que Saint-Lazare, et l’on y incarcère, à quelque condition sociale qu’elles appartiennent, toutes les prévenues. De la catin de ruisseau à l’épouse infidèle d’une brute jalouse, toutes les classes s’y peuvent coudouyer ; et dans une même cellule, une adultère du meilleur monde peut connaître ce supplice de tout son être, cette humiliation de toutes ces pudeurs, de toutes ses fiertés, cette atroce sensation de salissure physique et morale, de respirer l’air que respirent et que souillent des marmites de carrefour, d’entendre leurs propos, d’assister à leurs jeux, et quels jeux ! enfin d’être l’objet d’un caprice, d’un « béguin » d’une d’entre elles, et de subir le contact de mains, de lèvres, cherchant ses lèvres, sa gorge, son sexe…

(Léopold Lacour)

Maint’nant elle est chic, à c’que j’crois,
Elle a des bijoux, un’ voiture,
Sur l’boulevard j’la vois parfois :
Sa tête, on dirait d’la peinture,
Le soir, ell’ soupe avec un vieux,
Chez Brébant, où y a tant d’marmites…
P’t’êtr’ bien qu’au fond elle aim’rait mieux
Rev’nir à mes pomm’s de terr’ frites.

(Ch. de Saint-Héaut)

En t’filant la comète eun’ nuit,
Dans l’ombre il aperçut d’vant lui
Eun’ guérite :
Tant pis, qu’i s’dit, j’vas m’engager :
J’pourrai dormir, boire et manger
Sans marmite.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Femme de mauvaise vie.

Marmite à Domange

Rigaud, 1881 : Voiture de vidange.

Marmite anarchiste

Virmaître, 1894 : Comme la précédente, celle-là ne rapporte pas ; elle fait sauter — pas les écus, mais les maisons. C’est une marmite qui n’est guère en faveur, car elle fait perdre la tête (Argot du peuple). N.

Marmite de cuivre

Halbert, 1849 : Prostituée qui rapporte beaucoup.

France, 1907 : Maîtresse de bon rapport pour son souteneur. Marmite de fer, maîtresse qui ne rapporte que peu ; marmite de terre, maîtresse qui ne rapporte rien ; marmite en deuil, misère au logis, absence de client ; on dit alors qu’il y a un crêpe sur la marmite.

Marmite de fer

Halbert, 1849 : Prostituée qui rapporte peu.

Marmite de terre

Halbert, 1849 : Prostituée qui ne gagne pas d’argent à son souteneur.

Marmite est renversée (la)

Rigaud, 1881 : Locution dont se servent les bourgeois de Paris qui vont faire un petit extra au restaurant, ou qui, ayant donné congé à leurs bonnes, sont forcés de dîner au restaurant, ou qui contremandent un dîner.

Marmiteux

d’Hautel, 1808 : Pour, taciturne, triste, piteux de mauvaise humeur, qui est mal dans ses affaires.

Delvau, 1866 : s. et adj. Piteux, ennuyé, malade, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Souffrant, pleurnicheur. L’épithète de « marmiteux » a été accolée au nom d’un de nos hommes politiques, ancien ministre, sénateur, académicien, orateur disert, mais larmoyant.

Virmaître, 1894 : Homme qui a sans cesse la larme à l’œil. Corruption par extension du mot miteux (qui a la cire aux yeux) (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Pleurnichard, qui cherche à apitoyer sur lui.

La Révolution a livré la France aux hommes d’argent qui, depuis cent ans, la dévorent. Ils y sont maîtres et seigneurs. Le gouvernement apparent, composé de pauvres diables piteux, miteux, marmiteux et calamiteux, est aux gages des fins renards. Depuis cent ans, dans ce pays empanaché, quiconque aime les pauvres est tenu comme traître à la société. Et l’on est un homme dangereux quand on dit qu’il est des misérables.

(Anatole France, Les Lys rouges)

Marmiteux, honteux d’être né,
Rongé d’ennui et de vermine,
Au hasard le gueux mit son nez,
Malgré soucis, pluie et famine.

(André Gill, La Muse à Bibi)

On condamne à mort un malheureux qui érafla les nez d’une demi-douzaine d’honorables ; par la terreur d’un engin opportunément déposé, à 2 heures du matin, au seuil d’un grand magasin, on refrène le mouvement de pitié publique. Donc, on va couper le cou de l’anarchiste Vaillant à l’aube prochaine. Et maintenant, apprenez, maîtres gueux, à respecter les justes du Parlement et à ne pas mépriser les dieux de la République !

(Henry Bauer)

Marmiton

d’Hautel, 1808 : Nom méprisant que l’on donne indistinctement aux gens de cuisine ; mais plus ordinairement à celui qui y est chargé des plus bas détails.

Marmiton de Domange

Rigaud, 1881 : Vidangeur.

Virmaître, 1894 : Vidangeur. On dit aussi : marmiton de Richer (Argot du peuple).

France, 1907 : Nom donné aux vidangeurs du temps ou Domange avait le monopole des vidanges de Paris.

Marmiton de M. Domange

Delvau, 1866 : s. m. Vidangeur, — dans l’argot des faubouriens, qui ne se doutent guère qu’ils ne font que répéter une expression du XVIe siècle : « Marmiton de la gadouarde », lit-on dans les Après-disnées du seigneur de Cholières. Cela ne vaut pas, comme délicatesse ironique, le goldfinder des Anglais.

Marmonner

d’Hautel, 1808 : Murmurer sourdement entre ses dents. Le peuple dit, par corruption, marronner.

Delvau, 1866 : v. a. Parler entre les dents d’un air fâché ; murmurer, gronder, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Marmotter.

Marmot

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, qui se dit d’un petit garçon qui fait l’important, qui fait l’entendu dans les choses qu’il ne connoît pas.
Croquer le marmot. Attendre avec impatience ; s’ennuyer ; trouver le temps long ; ne rien faire de ses dix doigts.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, et, par extension, Homme chétif. Croquer le marmot. Attendre en vain.

Marmot (choquer le)

La Rue, 1894 : Ne pas voir arriver ce qu’on attend.

Marmot (croquer le)

France, 1907 : Attendre inutilement. D’après Lorédan Larchey, croquer le marmot ne serait qu’un équivalent de marmotter. En effet, celui qui attend murmure et marmotte des injures contre celui qui le fait attendre. Mais s’il faut s’en rapporter à Didier Loubens, cette expression devrait son origine au gros morceau de fer ou heurtoir qui était attaché à la porte principale des anciennes maisons et qu’à cause de la figure qu’il représentait, le plus souvent une tête de singe, ou de tout autre animal à physionomie grotesque, on appelait le marmot. Quand un visiteur frappait inutilement ce heurtoir, il pouvait dire : « J’ai longtemps fait craquer le marmot » ; de là, par altération, on est venu à cette expression, croquer le marmot.

Marmot (nourrir un)

France, 1907 : Préparer un vol.

Marmotier

Rigaud, 1881 : Petit Savoyard. Allusion aux marmottes que montrent ces jeunes galopins lorsque le ramonage des cheminées a dit son dernier mot.

Marmotte

Delvau, 1864 : Le con, — qui ne dort jamais. — Allusion au poil d’une motte bien garnie.

Un soir, ma sœur me dit : Si nous étions dans le même lit, tu pourrais faire entrer ta petite broquette qui est toujours raide dans la bouche de ma petite marmotte que tu aimes tant.

(Anti-Justine)

Delvau, 1866 : s. f. Madras que les femmes du peuple se mettent sur la tête pour dormir.

Delvau, 1866 : s. f. Boîte ou carton d’échantillons, — dans l’argot des commis-voyageurs.

Rigaud, 1881 : Femme, — dans le jargon des souteneurs ; par altération de marmite.

Rigaud, 1881 : Boîte de placier. Boîte où les commis voyageurs mettent les échantillons.

Virmaître, 1894 : Madras que les marchandes portent encore sur la tête en guise de coiffure. Marmotte : diminutif de marmite.
— Tu n’es qu’une sale marmotte (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Femme qui se prostitue.

France, 1907 : Mouchoir de coton ou de soie que les femmes de certaines campagnes et les marchandes des rues portent sur la tête.

Coiffée d’une simple marmotte, un fichu sur les épaules, les seins bombés, la croupe rebondie, elle était plus charmante ainsi que les belles dames avec leurs chapeaux à plumes et leurs manteaux de velours.

(Les Propos du Commandeur)

France, 1907 : Boîte de commis placier. Allusion aux boîtes où les petits Savoyards enferment leur marmotte.

Marmotter

d’Hautel, 1808 : Parler entre ses dents ; murmurer sourdement.

Marmotteur de patenôtres

France, 1907 : Dévot, hypocrite.

Les marmotteurs de patenôtres,
Vicaires, desservants, curés,
Devant le Veau d’or sont vautrés,
« Exploitez-vous les uns les autres ! »
Tel est leur mot d’ordre divin,
Et Cartouche leur sert d’exemple,
Il faudrait que Jésus revint
Pour chasser les marchands du Temple !

(Gringoire, Gazette rimée)

Marmottier

Delvau, 1866 : s. m. Savoyard, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Savoyard. On sait que c’est une spécialité des petits Savoyards d’exhiber des marmottes.

Marmouse

Halbert, 1849 : Barbe.

Delvau, 1866 : s. f. Barbe, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Barbe, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Barbe.

France, 1907 : Barbe ; argot des voleurs.

Marmouser

Delvau, 1866 : v. n. Bruire, comme l’eau qui bout, — dans l’argot du peuple.

Marmouset

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; morveux, sot, niais ; homme mal fait et de petite taille.
C’est aujourd’hui fête, les marmousets sont aux fenêtres. Se dit en plaisantant, quand on voit à la fenêtre des gens que l’on méprise.

Halbert, 1849 : Pot ou marmite.

Delvau, 1866 : s. m. Pot-au-feu, — dans l’argot des voleurs, par allusion au marmousement du bouillon. Le marmouset riffode. Le pot bout.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin, homme de mine chétive.

Virmaître, 1894 : Le pot au feu.
— Amène ta morue ce soir, nous boulotterons, mince de bidoche dans le marmouset.
Allusion au bruit que fait l’eau en bouillant : elle marmouse (Argot des voleurs).

France, 1907 : Petite marmite.

Marmouset, marmyon, marmite

Rigaud, 1881 : Pot au feu.

Marmousin

France, 1907 : Enfant. On dit aussi marmouset.

Marne (faire la)

France, 1907 : Rôder le long d’une rivière à la chasse à l’homme.

Marner

un détenu, 1846 : Travailler.

Larchey, 1865 : Voler.

Il y a des cabrioleuses très habiles qui, feignant une erreur, s’élancent dans les bras du voyageur qu’elles veulent marner : « C’est toi, mon loulou, s’écrient-elles, viens donc que je t’embrasse ! » On prétend que ces donneuses de bonjour sont rarement mises à la porte par le provincial, affriolé par des caresses de haut goût.

Alb. Monnier.

Du vieux mot Marronner : pirater.

Delvau, 1866 : v. n. Travailler avec ardeur, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. a. Voler, — dans l’argot des revendeuses du Temple.

Rigaud, 1881 : Travailler, — dans le jargon des ouvriers.

La Rue, 1894 : Travailler. Voler. Racoler les hommes au bord des rivières.

Virmaître, 1894 : Signifie travailler. Les voleurs disent également marner pour voler, puisque voler est pour eux travailler. Marner est une variété du vol à l’embrassade, à l’exception toutefois qu’il est généralement pratiqué par des femmes (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Travailler.

Hayard, 1907 : Travailler.

France, 1907 : Voler. Travailler dur ; argot des voyous.

Marner, faire la marne

Rigaud, 1881 : Exercer la prostitution le long d’une berge, tout le long, le long de la rivière.

Marneur

Rigaud, 1881 : Travailleur, ouvrier. Les pauvres marneurs s’échinent pour le patron, à ce qu’ils disent souvent.

France, 1907 : Travailleur actif ; argot populaire.

Marneuse

Rigaud, 1881 : Prostituée qui guette sa proie au bord de l’eau, et qui, dans le feu de la conversation, saura lui voler son argent. La marneuse a les allures et le langage d’une domestique dans le malheur.

France, 1907 : Prostituée de bas étage qui exerce son industrie le long des rivières.

Marneuses

Virmaître, 1894 : Filles publiques qui travaillent au bord des rivières. On dit aussi : poniffes et magneuses. Cette dernière expression indique une spécialité (Argot des souteneurs).

Marnière

Rossignol, 1901 : Fille qui vit de la Prostitution sur les bords de la Marne.

Marnois

Virmaître, 1894 : Souliers énormes. Synonyme de péniche (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Souliers.

France, 1907 : Souliers énormes ; argot des voleurs.

Maron

anon., 1827 : Du sel.

Bras-de-Fer, 1829 : Du sel.

M.D., 1844 : Être arrêté avec preuve.

Halbert, 1849 : Sel.

Maron mâl

M.D., 1844 : Pris en flagrand délit.

Maron, marron

France, 1907 : Pris sur le fait.

— Non, il n’est pas possible, disait l’un, pour prendre ainsi marons les voleurs, il faut qu’il s’entende avec eux.

(Mémoires de Vidocq)

La raille, maron, te servira
Pour un deuxième gerbement.

(Commandements des voleurs)

Président, gérant, commissaire,
Croupier, prêteur et secrétaire,
Ne donnez à manger qu’à ceux
Qui voudraient faire les froisseux,
Sans cris, fadez-vous la cagnotte ;
Sans vous tirer une carotte,
Soyez aminch’s comme cochons,
La disput’ vous rendrait marrons.

(Hogier-Grison)

Maronner

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pester, être vexé.

France, 1907 : Manquer, faire fausse route. Affaire maronnée, tentative infructueuse ; on en sort maron et l’on maronne.

— Il y a du renaud à l’affaire… elle est maronnée, le dabe est revenu.

(Mémoires de Vidocq)

Maroquin

d’Hautel, 1808 : Terme d’injure et de mépris, pour dire, un homme de bas alois, d’une condition très obscure.
On dit, et menaçant quelqu’un, qu’on lui donnera sur son maroquin, pour dire, sur sa peau.
C’est un plaisant maroquin.
Pour dire, un drôle, un original, un bouffon.

Marot

France, 1907 : Rusé.

Marotte

Delvau, 1866 : s. f. Caprice, entêtement, manie, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Lubie.

Puisque la loi ne nous défend pas assez, faisons-nous justice nous-mêmes, comme les Yankees, ce peuple d’aplomb qui ne poursuit pas d’inutiles marottes.

(Gil Blas)

Pour le décider et le réveiller en cette torpeur, les femmes devaient lui lire dans la Bible, au Livre des Rois, l’épisode des amours de Salomon, lui donner de leur voix vibrante le mirage des luxures légendaires.
Bientôt les évocations du passé le laissèrent aussi insensible que le reste et, s’entêtant à demeurer sur la brèche, à ne pas avouer sa déchéance, le malheureux eut une suprême marotte, se fit amener, toutes les fois qu’il devait délibérer avec ses sept ministres sur les affaires de l’État, de superbes et impeccables filles qui auraient été dignes de poser l’ensemble chez un sculpteur épris des beaux mythes païens ou de figurer dans une baraque foraine.

(Champaubert)

Marotte (avoir une)

Virmaître, 1894 : Idée fixe qui varie suivant les tempéraments. Tous les collectionneurs sont des gens à marotte. Marotte est synonyme de dada. Marotte signifie également chanter.
— À toi, la Saucisse, c’est ton tour de marotte (Argot des voleurs). N.

Marottier

Larchey, 1865 : Marchand ambulant.

Delvau, 1866 : s. m. Bimbelottier, camelotteur, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Marchand ambulant.

La Rue, 1894 : Marchand ambulant.

France, 1907 : Colporteur, marchand ambulant qui passe dans les villages vendant des articles de mercerie : argot des voleurs à la confrérie desquels le marottier appartient généralement.

Marouffle

d’Hautel, 1808 : Terme d’injure, qui équivaut à fripon, vaurien, gueux, homme de débauche et de mauvaise vie.

Marpau

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Amant d’une fille publique.

La Rue, 1894 : Maître. Homme.

Marpau. marpaut

France, 1907 : Le maître de la maison. Vieux mot, terme injurieux.

Pour n’offenser point le marpaut
Afin qu’il ne fasse défaut
De foncer à l’appointement.

(Le Pasquil de la rencontre des cocus)

L’après le Dictionnaire comique de Le Roux, marpaut était autrefois employé à Paris pour sot, niais, nigaud, badaud. Notons à ce sujet que Francisque Michel fait observer que le mot morpion, injurieuse épithète, dérive sans doute de marpaut.

Marpaud

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux et méprisant que l’on donne, à Paris, aux hommes qui fréquentent les mauvais lieux ; il signifie aussi niais, sot, nigaud, badaud.

Marpaut

anon., 1827 : Maître, homme.

Bras-de-Fer, 1829 : Homme, maître.

Halbert, 1849 : Maître, homme.

Marquant

anon., 1827 : Homme.

Bras-de-Fer, 1829 : Homme.

Halbert, 1849 : Homme, souteneur.

Delvau, 1866 : s. m. Maître, chef, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Maître. — Ivrogne. — Souteneur, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Maître. Ivrogne. Souteneur.

France, 1907 : Maître, chef de bande, souteneur, homme d’une prostituée, d’une marque.

Marquant (être)

M.D., 1844 : Annoncer de l’aisance.

Marque

d’Hautel, 1808 : Marque de cela. Pour preuve de cela.
Faire porter de ses marques à quelqu’un. Le maltraiter, lui donner des coups, dont il reste marqué.

anon., 1827 : Fille.

Bras-de-Fer, 1829 : Fille.

Halbert, 1849 : Fille.

Delvau, 1866 : s. f. Femme, — dans le même argot [des voleurs]. Marque de cé. Femme légitime d’un voleur. Marque franche. Concubine.

Rigaud, 1881 : Fille publique.

Fustier, 1889 : Femme qui a deux cordes à son arc : la prostitution et le vol.

La Rue, 1894 : Fille publique. Marque de cé, marquecé, femme légitime du voleur. Marque franche, maîtresse du voleur.

France, 1907 : Mois ; argot des voleurs, de l’italien marchese, « Il a été messiadieu à six marques pour pegrasse », il a été condamné à six mois pour vol. Quart de marque, semaine. Tirer six marques, être emprisonner pour six mois.

Il ne saurait être douteux, dit Francisque Michel, que ce nom ne soit venu à cette division de l’année de l’infirmité périodique qu’ont les marques ou femmes, lorsque la Lune, pour tenir sa diète et vaquer à ses purifications menstruelles, fait marquer les logis féminins par son fourrier, lequel pour écusson n’a que son impression rouge.

France, 1907 : Fille, femme prostituée. Une marque de cé, une femme légitime de voleur. Marque franche, maîtresse et associée de voleur. On dit aussi marquise, dans le même sens.
Ce mot marque dérive de l’espagnol, car on trouve dans l’ancienne Germania espagnole marca, marquida et marquisa dans le sens de femme publique.

Marqué

Clémens, 1840 : Mois.

un détenu, 1846 : Mois.

Delvau, 1866 : s. m. Mois, — dans le même argot [des voleurs]. Quart de marqué. Semaine.

Virmaître, 1894 : Être ridé comme une vieille pomme (Argot du peuple).

Marqué (être)

Delvau, 1866 : S’être battu et avoir l’œil poché. Argot des faubouriens.

Marque (horizontale de)

France, 1907 : Fille ou femme du demi-monde, richement entretenue. Elle est de petite marque quand elle n’a ni hôtel, ni chevaux, ni voiture.

Décidément je ne sais quelle ardeur guerrière a soufflé sur nos horizontales de grande marque et de petite marque, mais depuis un mois nous avons à enregistrer un nouveau combat singulier dont elles sont les héroïnes.

(Le Figaro, octobre 1886)

Marqué (il est)

Virmaître, 1894 : Être gravé par la petite vérole (Argot du peuple). V. Poêle à marrons.

Marqué (quart de)

Rigaud, 1881 : Semaine.

Marque à l’A

France, 1907 : Être homme de mérite, d’honneur et de probité. Autrefois, les meilleures pièces de monnaie, celles qui se frappaient à Paris, étaient marquées d’un A. On les distinguait ainsi des monnaies frappées dans les provinces et que étaient d’un aloi inférieur.

Marqué à la fesse

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme méticuleux, maniaque, ennuyeux, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Homme maniaque, méticuleux, ennuyeux. (A. Delvau)

France, 1907 : Radoteur, maniaque, ennuyeux. Allusion aux vieux chevaux réformés sur la fesse desquels on faisait une marque au fer rouge.

Marqué au B

Delvau, 1866 : adj. Borgne ou bossu, ou bigle, ou boiteux, ou bavard, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Bigle ; borgne ; boiteux ; bossu, ou bancal. L’expression était courante au XVIIIe siècle ; elle n’a pas cessé d’être populaire.

Marque de cé

Virmaître, 1894 : Femme légitime de voleur. Femme d’argent (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Femme de voleur.

Marque de cé, marquecé

Rigaud, 1881 : Femme légitime d’un voleur.

Marque de la vaisselle

Delvau, 1864 : Le membre viril, — avec lequel nous poinçonnons à notre chiffre le vagin des femmes, qui cependant n’a pas besoin de cela pour être trouvé de bon aloi et pour circuler de main en main.

Marque franche, marquise

Rigaud, 1881 : Maîtresse d’un voleur ; par abréviation de remarque. La maîtresse, comme la femme légitime du voleur la marquecé, est ordinairement employée à un travail d’observation ; elle remarque, d’où les mots marquecé et marque franche. M. Francisque Michel fait venir marque de l’ancien espagnol marca, marquida et marquisa, femme publique. Les voleurs ne vont pas chercher aussi loin des étymologies. Marquise, la marquise, est un sobriquet très fréquemment donné à celles des filles de maison qui sont un peu moins communes d’allures et de langage que leurs compagnes. Beaucoup de voleurs ont pour maîtresses des filles de cette catégorie.

Marque mal

France, 1907 : Personne laide et de vilaine tournure.
Dans l’argot des typographes, c’est celui qui reçoit les feuilles de la machine à imprimer. On a fait le verbe marquer mal.

La vie en liberté ne semblait pas avoir beaucoup perfectionné l’ancien « jeune détenu ». Avec sa veste en lambeaux et sa casquette de marinier à visière plate, Mahurel marquait mal, comme on dit au faubourg : et sa tête de bélier, au nez busqué et aux yeux ronds, était surtout remarquable par un teint terreux, qui aurait été plus convenable pour une pomme de terre en robe de chambre que pour un jeune homme faisant ses débuts dans le monde.

(François Coppée, Le Coupable)

Du moment qu’on marche, on a réponse à tout. « Où allez-vous ?— À Vernecourt. — D’où venez-vous ? — De la Garenne-sous-Bois. » On vient toujours de quelque part pour aller quelque part. La police n’en demande pas davantage, et même si on marque mal, elle pense en elle-même : « C’est bon. Qu’ils aillent se faire pendre dans le département d’à côté.

(H. Lavedan)

Au temps des compteurs, deux femmes cherchent un fiacre.
— Pourquoi ne pas prendre celui-ci qui a un compteur ? Nous n’aurons pas de discussion, le compteur marque bien.
— Oui, mais c’est le cocher qui marque mal !

(Le Journal)

Comme on dit marquer mal, on dit marquer bien.

Vers 11 heures arrive un monsieur qui marquait bien, oh ! par exemple, impossible de mieux marquer. Favoris mousseux et grisonnants ; redingote avec une belle rosette multicolore ; monocle ; bref, l’aspect cossu d’un attaché d’ambassade sous l’empire, au temps où nous avions encore une diplomatie cossue.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Ne plus marquer, se dit d’une femme arrivée à la grande maturité et qui ne peut plus plaire, expression tirée de l’hippologie. On ne peut plus reconnaître à ses dents l’âge certain d’un vieux cheval. « Il ne marque plus. » De même la susdite femme ne marque plus son linge.

Marque ou Marquet

Rossignol, 1901 : Mois. Un individu condamné à trois mois de prison est condamné à trois marques ou marquets.

Marqué ou marquets

Virmaître, 1894 : Mois (Argot des voleurs).

Marque-mal

Rigaud, 1881 : Receveur de feuilles à la machine, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Margeur, ou plutôt receveur de feuilles à la machine.

Fustier, 1889 : Individu contrefait. — Variété de souteneur.

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un qui a un vilain aspect (Argot du peuple).

Marque, marqué

Rigaud, 1881 : Mois.

Elle tire six marques à Saint-Lazare.

(Canler.)

Marque, marquet

La Rue, 1894 : Mois. Quart de marquet, semaine.

Marquer

d’Hautel, 1808 : Marquez cette chasse. Pour, souvenez-vous de cette action, je m’en vengerai.

M.D., 1844 : Avoir l’air riche.

Marquer (bien)

Rigaud, 1881 : Être bel homme. — Avoir belle prestance, avoir une physionomie qui prévient en votre faveur. — Marquer mal, avoir mauvaise mine, mauvaise façon.

Marquer (ne plus)

Delvau, 1866 : v. n. Vieillir, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Être vieux.

Virmaître, 1894 : Femme qui n’a plus d’échéance à chaque fin de mois (Argot du peuple).

Marquer à la fourchette

Virmaître, 1894 : Marchand de vin qui majore ses notes. Allusion aux quatre dents de la fourchette ; il fait quatre raies à la fois (Argot du peuple).

France, 1907 : Système employé par les cafetiers et les restaurateurs chez qui l’on a crédit et qui marquent deux ou trois consommations quand vous n’en avez qu’une. Ils se rattrapent ainsi sur les clients qui payent des pertes que leur font subir ceux qui ne payent pas.

Marquer avec une fourchette

Delvau, 1866 : v. a. Exagérer le compte d’un débiteur, en marquant 4 quand il a dépensé 1, — ainsi qu’il arrive à beaucoup de cafetiers, de restaurateurs, de tailleurs, pour se rattraper sur une bonne paye, distraite, des pertes qu’ils ont subies avec une mauvaise, plus distraite encore.

Marquer le coup

Delvau, 1866 : v. a. Trinquer, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : v. a. Toucher légèrement son adversaire, — dans l’argot des professeurs d’escrime, boxe, etc.

Rigaud, 1881 : Trinquer.

Marquer les points

Rigaud, 1881 : Être troisième dans une partie qui devait être carrée. Assister aux épanchements de deux cœurs amoureux.

Marquer son linge

Delvau, 1866 : v. a. Embrener sa chemise ou sa culotte. Argot du peuple.

Marquet

Hayard, 1907 : Mois.

Marquet (un)

M.D., 1844 : Un mois.

Marquette

France, 1907 : Petite fille ou adolescente qui se livre à la prostitution ; diminutif de marque.

Marqueur

Larchey, 1865 : « On appelle marqueur, dans le langage des estaminets de Paris, l’individu chargé de faire la partie des habitués, quand ces derniers manquent de partenaires. La plupart donnent des leçons au cachet. » — Montépin. — Appelés ainsi parce qu’ils se chargent de marquer les points.

Marquin

anon., 1827 : Couvre-chef.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chapeau.

Bras-de-Fer, 1829 : Couvre-chef.

Halbert, 1849 : Couvre-chef.

Rigaud, 1881 : Casquette ; chapeau mou.

Marquis

d’Hautel, 1808 : C’est un marquis de Carabas. C’est-à-dire, un Gascon qui vante les titres, les terres et les châteaux qu’il ne possède pas.

Marquis d’Argentcourt

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui rendrait des points à Job, mais ne pourrait lui rendre que cela, — n’ayant absolument rien autre. On dit aussi Marquis de la bourse plate.

France, 1907 : Noble ruiné.

Marquis de C… verte (arriver comme le)

France, 1907 : Venir en retard. Arriver comme Grouchy après la bataille.

Marquis de la bourse plate

Rigaud, 1881 : Faiseur d’embarras sans le sou, pauvre diable qui cache sa misère.

Virmaître, 1894 : Homme absolument sans le sou (Argot du peuple). V. Les toiles se touchent.

France, 1907 : Vaniteux misérable.

Marquis de la braguette

Merlin, 1888 : Le maître tailleur.

Marquis de la croupière ou du culeron

Merlin, 1888 : Le maître sellier.

Marquis du tire-pied

Merlin, 1888 : Le maître bottier.

Marquise

anon., 1827 : Femme.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Femme.

Bras-de-Fer, 1829 : Femme.

Halbert, 1849 : Femme.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Le saladier de vin blanc sucré des bourgeois, — comme le saladier de vin blanc est la marquise des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Breuvage composé de vin blanc, de sucre, de citron et d’eau de seltz. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Maîtresse. Saladier de vin blanc.

France, 1907 : Voir Marque.

Marquisette

France, 1907 : Petite marquise.

En face de la haute cheminée, sur un chevalet, un portrait de marquisette du siècle dernier se prélassait avec cette grâce particulière aux marquisettes de jadis. Le cadre, à simple monture d’or, s’ornait d’un tulle lilas formant ici et là des nœuds frais, à d’autres endroits de coquets bouillons. Et, sur la toile, vivait, presque, Marquisette.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Marraine

Delvau, 1866 : s. f. Témoin femelle, dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Témoin femelle (Argot des voleurs).

France, 1907 : Témoin femelle ; argot des voleurs.

Marrant

France, 1907 : Risible, ridicule.

Marre

France, 1907 : Amusement. Être à la marre, se sentir en train de s’amuser. En avoir pris une marre, s’être bien amusé ; d’où le verbe se marrer, s’amuser, se réjouir.

Marré

Virmaître, 1894 : En avoir assez, s’ennuyer d’être en prison.
— Je vais me marrer pendant cinq berges (Argot des voleurs).

France, 1907 : Assez ! Arrêtez !

— Vieille saloperie, va !… Vieille ordure !
— Ordure toi-même.
— Marré ! Marré ! Tu répètes toujours la même chose.

(Georges Courteline)

Marre (en avoir)

anon., 1907 : En avoir assez.

Marré (être)

France, 1907 : Être blasé, en avoir assez.

Aussi, sûr que c’est ben fini,
C’est ben marré, c’est n, i, ni…
J’en veux pus d’marlous, ça m’bassine ;
Et pis quand ej’ me f’rai chopper,
J’aurai personne à m’occuper
Si j’me faisais foute à Lourcine.

(Aristide Bruant)

Marrer (se)

France, 1907 : S’ennuyer.

Va-t’en trouver la grand’ Nana,
Dis que j’la prie
D’casquer pour moi, j’y rendrai ça
À ma sortie.
Surtout n’y fais pas d’boniments,
Pendant qu’je m’marre
Et que j’bois des médicaments
À Saint-Lazare.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : S’amuser.

Marri

d’Hautel, 1808 : Il y a plus de marris que de contens. Signifie qu’il y a plus de gens qui se plaignent, qu’il n’y en a qui se disent heureux.

Marron

d’Hautel, 1808 : Au propre, espèce de grosse châtaigne ; au figuré, terme d’imprimerie, libelle, ouvrage fait clandestinement, sans permission.
On a fait de ce mot, le substantif marronneur, ouvrier qui fait des marrons ; et le verbe marronner, imprimer, vendre ou colporter des marrons.
Se servir de la pate du chat pour tirer les marrons du feu. Se servir de quelqu’un pour faire une chose que l’on n’ose hasarder soi-même.

Clémens, 1840 : Pris, arrêté, reconnu.

un détenu, 1846 : Individu pris sur le fait.

Halbert, 1849 : Surpris.

Larchey, 1865 : En flagrant délit de vol ou de crime. — Du vieux mot marronner : faire le métier de pirate, de corsaire. V. Roquefort. — Marron serait en ce cas une abréviation du participe marronnant. — Paumer marron, Servir marron : Prendre sur le fait. — V. Servir, Estourbir.

J’ai été paumé marron.

La Correctionnelle.

Delvau, 1866 : s. m. Rapport, procès-verbal des chefs de ronde, — dans l’argot des soldats.

Delvau, 1866 : s. m. Livre imprimé clandestinement, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Contusion, coup et principalement coup qui marque le visage ; par allusion à la couleur qu’arbore la partie contusionnée. — Coller des marrons, attraper des marrons. La variante est : châtaigne qu’on prononce châtaigne.

Rigaud, 1881 : Celui qui exerce illicitement un métier. — Paumer, servir marron, prendre en flagrant délit de vol. — Marron sur le tas, pris en flagrant délit de vol. Marron est une déformation de marry, ancien mot qui veut dire contrit.

Rigaud, 1881 : Brochure imprimée clandestinement. — Procès-verbal des chefs de ronde. (A. Delvau)

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier compositeur travaillant pour son propre compte chez un maître imprimeur, qui lui fournit le matériel et auquel il paye tant pour cent sur les étoffes.

La Rue, 1894 : Livre imprimé clandestinement. Rapport des chefs de ronde. Coup au visage. Homme qui exerce illicitement un métier. Paumé marron, pris en flagrant délit de vol.

Virmaître, 1894 : Livre imprimé clandestinement (Argot d’imprimerie).

Rossignol, 1901 : Recevoir un coup de poing, c’est recevoir un marron.

Hayard, 1907 : Livre imprimé clandestinement.

France, 1907 : Pris. On écrit aussi maron.

Pendant qu’t’étais à la campagne
En train d’te fair’ cautériser,
Au lieur ed’rester dans mon pagne,
Moi, j’mai mis à dévaliser ;
Mais un jour, dans la ru’ d’Provence,
J’me suis fait fair’ marron su’ l’tas,
Et maint’nant j’tire d’la prévence
À Mazas.

(Aristide Bruant)

Être paumé ou pommé marron, être pris.

On la crible à la grive
Je m’la donne et m’esquive,
Elle est pommée marron.

Être servi marron, même sens.

— Que je sois servie marron au premier messière que je grincherai, si je lui en ouvre seulement la bouche.

(Mémoires de Vidocq)

France, 1907 : Ouvrier compositeur qui travaille pour son propre compte chez un maître imprimeur, qui lui fournit, moyennant au tant pour cent, le matériel.

France, 1907 : Coup de poing.

— Vous voyez de quoi il retourne, les enfants, dit Nib, en reprenant son ton ironique. Monsieur se mêle de nos petites affaires… Il veut s’occuper de nos gonzesses… Il s’informe de ce que nous avons fait de la môme qu’il a vue avec nous… Il est pas mal curieux, le Monsieur !…
— Fiches-y un marron par la g… ! dit Mille-Pattes.

(Edmond Lepelletier)

Marron (être)

Delvau, 1866 : Être la victime de quelque chose, être la dupe de quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens. Être servi ou paumé marron. Être pris sur le fait encore nanti des objets soustraits, — dans l’argot des voleurs.
Je ne crois pas qu’il faille, à propos de cette expression, remonter à Régnier, à La Fontaine et à Molière, et citer la fable de Bertrand et Raton, comme l’a fait Francisque Michel avec une vraisemblance plus apparente que réelle. Au premier abord, on songe à ces marrons que le singe fait tirer du feu par le chat, mais en y réfléchissant, on ne tarde pas à comprendre qu’il faut chercher ailleurs l’origine de cette expression. Le verbe marronner, que Francisque Michel ne cite pas, quoiqu’il soit fréquemment et depuis longtemps employé par le peuple, ce verte est-il antérieur ou postérieur à celui qui nous occupe en ce moment ? Voilà ce qu’il aurait fallu rechercher et dire, car s’il est antérieur, comme tout le fait supposer, nul doute qu’il ait donné naissance à Être marron. En outre, voilà longtemps, me semble-t-il, qu’on appelle nègre marron un nègre fugitif, — qu’on reprend toujours. Que le lecteur daigne conclure.

Marron (pris)

Rossignol, 1901 : Un individu pris en flagrant délit de vol est pris marron sur le tas.

Marron sculpté

Delvau, 1866 : s. m. Tête grotesque, personnage ridicule, — dans l’argot du peuple, qui a fait allusion à ces fantaisies découpées dans les marrons d’Inde, à la mode il y a une vingtaine d’années. On dit aussi Pomme de canne.

Rigaud, 1881 : Tête grotesque rappelant celles qu’on sculpte dans des marrons. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Figure laide ou ridicule.

France, 1907 : Tête grotesque, vilaine figure.

Marron-male

Halbert, 1849 : Le vol sur soi.

Marroniste

Rigaud, 1881 : Marchand de marrons.

Le marroniste lui-même, s’est logé chez le marchand de vin.

(Balzac, Paris et les Parisiens.)

Marronner

Larchey, 1865 : Bouder, murmurer. — C’est, selon d’Hautel, une corruption du mot marmonner : marmotter.

J’peux pas voir ça, moi ! je marronne tout haut.

Cogniard, 1831.

Delvau, 1866 : v. a. Maugréer, être de mauvaise humeur, — dans l’argot du peuple. Faire marronner quelqu’un. Le faire attendre en murmurant et plus que la politesse et la raison ne le permettent. Signifie aussi Faire enrager, taquiner.

Rossignol, 1901 : Mécontent, de mauvaise humeur.

Marronner un grinchissage

Virmaître, 1894 : Cette expression n’est pas juste, car marronner veut dire en vieux français pirate, et, en même temps, bouder, murmurer entre ses dents. Les voleurs l’emploient pour dire qu’ils ont manqué un vol (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Échouer par maladresse dans une tentative de vol.

Marronner une affaire

Delvau, 1866 : v. a. Manquer un vol par maladresse, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Manquer un vol par maladresse.

Marronner, maronner

France, 1907 : Soupçonner.

— Je maronne que la roulotte de Pantin trime dans le sabri.

(Victor Hugo, Les Misérables)

Marrons

Delvau, 1864 : Les testicules.

Tire de sa poche une longue ficelle, lui lie les deux marrons que vous savez.

(Nouvelles de Grassini.)

Dam’ Putiphar, sans médire,
Les aimait, je crois, assez ;
Pourtant Joseph, an doit l’dire,
N’avait que des marrons glacés.
Marrons, marrons,
Bien pleins et bien ronds,
Tout le monde en voudra,
Ils brûl’nt, ces gros-là !

Alphonse.

Rigaud, 1881 : Crottins ; par allusion de forme, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

Marseillades

France, 1907 : Facéties ; exagérations, vantardises des Marseillais ; synonyme de gasconnades.

Pourtant, il ne s’emballa point. Il voulut même sans doute approfondir le mouvement qui, à un expert tel que lui, devait sembler factice. Il s’aperçut d’abord que dans ce satané pays de la blague, les goûts socratiques sont surtout consacrés par la rigolade et que leur exception n’alimente guère que le rire. Réduits par la morale populaire à la valeur de sondages anatomiques, ils servent surtout de thème aux facéties de fumoir et particulièrement aux marseillades : on n’a pas le vice sérieux sous le gai soleil de la terre franche.

(Émile Bergerat)

Marseillaise

Larchey, 1865 : Pipe courte et poreuse fabriquée à Marseille.

Et tout en parlant ainsi, il chargeait et allumait sa marseillaise.

Luchet.

Delvau, 1866 : s. f. Pipe courte, dont le fourneau est à angle droit avec le tuyau.

Rigaud, 1881 : Pipe en terre fabriquée à Marseille.

La pipe dite marseillaise a eu longtemps les sympathies exclusives de tous les fumeurs sincères et convaincus.

(Paris-Fumeur.)

Elle est un peu délaissée aujourd’hui ; il paraît que les fumaillons trouvent qu’elle ne culotte pas assez vite. Albert Flocon, l’ancien membre du gouvernement provisoire en 1848, ne fumait que dans des « marseillaises ». Il contribua beaucoup à en propager la mode dans les clubs.

France, 1907 : Courte jupe fabriquée à Marseille. Avoir une Marseillaise dans le kiosque, être timbré.

Enfin, pour sûr, la politique lui aura tourné la tête. Il a une Marseillaise dans le kiosque.

(Baumaine et Blondelet)

Il ne s’agit pas, dans l’exemple ci-dessus, de courte pipe, mais du célèbre chant trop ressassé de Rouget de Lisle.

Marsoin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Contrebandier de côtes.

Marsouin

d’Hautel, 1808 : Poisson. C’est un vilain marsouin. Se dit, par injure, d’un homme laid, difforme, mal bâti.

Delvau, 1866 : s. m. Homme laid et mal fait ; marin.

Rigaud, 1881 : Surnom du soldat d’infanterie de marine. Le synonyme est : Gardien de banane.

Rigaud, 1881 : Contrebandier.

France, 1907 : Soldat d’infanterie de marine, parce que, comme le marsouin, il va sur la terre et sur l’eau.

Nous sommes à moitié marins
Et, comme de vieux mathurins,
Nous savons essuyer les grains
Quand le flot fait rage.
Hommes de bonne volonté,
L’ennemi par nous est dompté :
La patrie a toujours compté
Sur notre courage !
Par nous le pays est vainqueur :
Nous allons partout, sans rancœur,
Et nous montrons toujours du cœur
À l’ouvrage.
Pour notre drapeau
Exposant sa peau,
Le marsouin est notre espérance,
Car c’est au marsouin
Qu’incombe le soin
De porter au loin
Les trois couleurs de notre France.

(Blédort, Chansons de Faubourg)

On donne aussi le nom de marsouin, par analogie, aux gens de la côte et principalement aux maîtres baigneurs de nos plages.

Sur la plage de Dieppe, un baigneur essaie vainement d’apprendre à sa cliente, une jolie Parisienne, à nager sur le dos.
— C’est pourtant pas bien difficile, dit à la fin le marsouin… Faites quasiment comme si vous étiez couchée avec vot’ mari…

(Le Diable amoureux)

Mme Girandol, prenant une leçon de natation, reproche vivement à son baigneur le sans-gêne de sa pantomime sous-marine.
— Baste ! répond le marsouin, c’est dans l’eau : votre mari ne peut pas nous voir !

(Jacques Rolland)

France, 1907 : Contrebandier.

Marsouins

Merlin, 1888 : Sobriquet donné aux soldats de l’infanterie de marine.

Marteau

d’Hautel, 1808 : Être entre l’enclume et le marteau. Voyez Enclume.
Graisser le marteau. Soudoyer le concierge d’un hôtel, ou le portier d’une maison, pour s’en faciliter l’entrée.
N’être pas sujet au marteau. Signifie, n’être pas assujetti à se rendre à une heure fixe au travail, ou à ses repas.

Rossignol, 1901 : Fou.

Martel

d’Hautel, 1808 : Avoir martel en tête. Être jaloux, inquiet, méfiant, ombrageux.

Martelé n’entre que plus avant (clou)

France, 1907 : Plus on répète une chose, plus on la grave dans la mémoire.

D’ailleurs écoutez bien cette histoire maudite,
Et que, si quelques-uns vous l’ont déjà redite,
Si déjà vous l’avez entendue et souvent,
Tant mieux : clou martelé n’entre que plus avant.

(Paul Déroulède, Chants du Soldat)

Martin

Fustier, 1889 : Argot des marchands de vin qui désignent ainsi un horrible breuvage composé d’eau-de-vie de marc teintée de cassis ; d’où marc teint et de là Martin.

Si parfois un étranger vers les deux heures du matin, vous offre un martin, prenez garde ! Cette boisson traîtresse en diable produit sur l’organisme les effets les plus désastreux.

(Charivari, octobre 1885.)

La Rue, 1894 : Eau-de-vie de marc teintée de cassis.

France, 1907 : Eau-de-vie de marc teintée de cassis.

Martin (fournir)

France, 1907 : Porter des fourrures. Martin est le nom familier de l’ours.

Martin-bâton

France, 1907 : Trique avec laquelle on frappe. D’après Fleury de Bellingen, Martin viendrait d’un gros marteau de forge appelé martinet. Menacer quelqu’un de Martin-bâton serait donc le menacer d’un rotin qui lui caresserait les épaules aussi rudement que le marteau dit martinet frappe l’enclume. D’autres disent que cette expression vient d’un grand brutal nommé Martin qui, abusant de sa force, frappait à tort et à travers avec un solide bâton.

Martin-rouan

La Rue, 1894 : Gendarme.

France, 1907 : Gendarme : du vieux français rouin, officier de justice, prévôt.

Martin, c’est nourrir un bel âne (nourrir)

France, 1907 : Ce dicton, encore en usage dans certaines provinces, s’applique aux parents qui élèvent de vaniteux imbéciles. On en trouve l’origine dans les manuscrits de Gaignières :

Un cordelier ayant esté convié par un seigneur de basse Bretagne de venir disner chez luy, plusieurs personnes le raillèrent sur son embonpoint ; une entre autres le voulant entreprendre, luy dit d’un ton sérieux :
— Pouvez-vous bien, mon père, aller à pied si chargé de graisse ?
— Non, repartit-il aussitost, je suis contraint de me servir d’un asne, encore ne vaut-il guères.
Un autre de la compagnie voulant pousser le moine, luy dist :
— Je crois que vostre couvent ne manque pas d’en entretenir de bons.
— Pardonnez-moy, répondit le moine, nos asnes sont si maigres, qu’a peine peuvent-ils se soutenir ; ce n’est pas comme vostre mère qui en nourrit de gros et gras. Aussi a-t-elle mieux moyen que nous de les entretenir.
La repartie fut trouvée d’autant meilleure que celuy qui parlait à ce père s’appelait Martin. C’est d’où est venu cet ancien proverbe : La mère qui a nourri Martin a nourri un bel asne.

Martingale (serrer la)

Merlin, 1888 : Mener rudement.

Martingalier

France, 1907 : Joueur qui croit avoir découvert un système infaillible pour gagner aux jeux de hasard, tels que la roulette et le trente et quarante.

C’est un martingalier. C’est un des abstracteurs de quintessence moderne, qui s’imaginent avoir trouvé la marche infaillible pour faire sauter les banques.

(Jean Richepin)

Martingalle

d’Hautel, 1808 : Coureuse, courtisanne, femme de mauvaise vie.

Martre

d’Hautel, 1808 : Prendre martre pour renard. Se tromper, se méprendre grossièrement.

Martyr

Delvau, 1866 : s. m. Le caporal, — dans l’argot des soldats, qui ont constaté que ce simple gradé se donnait plus de mal que les autres gradés ses supérieurs et pour une paye moins haute.

France, 1907 : Caporal ; argot militaire.

Martyr (un)

Merlin, 1888 : Un conducteur d’artillerie.

Marxiste

France, 1907 : Partisan des doctrines de Karl Marx.

Que l’on compare leur attitude (celle de Guesde et de Vaillant) à celle des socialistes allemands qui réclamaient encore tout récemment au Reichstag, par l’organe de Bebel, qu’ils prendraient tous les armes si la France osait revendiquer ses provinces volées.
Dans leur rêve de fédération socialiste universelle, les marxistes de France sont évidemment les dupes volontaires ou involontaires des marxistes allemands, et je les ai trop souvent entendus exalter la supériorité intellectuelle de la race germanique pour croire qu’ils sont des dupes involontaires.

(La Nation)

Mas

France, 1907 : Ferme ; patois provençal.

C’était le fils d’un fermier de la Provence. L’enfant avait d’abord grandi au milieu de la nature, des travaux de la ferme. Son esprit vif et pénétrant le classait déjà en dehors des autres petits garçons de son âge, et ses parents songèrent à en faire autre chose qu’un paysan. Ils s’imposèrent alors de grands sacrifices, et l’envoyèrent au collège de la petite ville proche de leur mas.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Mascander

France, 1907 : Frapper avec violence.

Le soir, l’amant était rentré plus saoul que de coutume ! Il avait cherché des « raisons » à sa maîtresse parce que la soupe était trop chaude ou qu’elle était trop froide.
La femme s’était rebiffée. Alors, il avait saisi un fer à repasser, et les voisins l’avaient surpris en train de mascander la malheureuse étendue à terre…
Il l’aurait tuée tout à fait si l’on n’était intervenu. On l’avait descendu de force et remis aux mains des gardiens.

(Oscar Méténier)

Mascarade

d’Hautel, 1808 : Pour farce, fredaine, tours de jeunesse.

Mascot

France, 1907 : Garçon qui n’a eu aucune relation intime avec une femme.

Si les mascottes portent bonheur, les mascots portent malheur ; et la prédominance du désastre dans l’humanité provient sans doute de cette circonstance que, contrairement à l’opinion généralement admise, ceux-ci sont plus nombreux que celles-là. Dès qu’un mascot apparaît dans une honnête famille, les portraits d’ancêtres s’éboulent des murs, les chiens gardiens mangent les perroquets mangeurs de tulipes rares, les robes se tachent toutes seules (le mascot n’y est pour rien), les pantalons craquent (non pas par sa faute !), les poules pondent des œufs noirs (il n’est pas nègre !), et, en un mot, les plus formidables catastrophes se précipitent abondamment sur la maison, cage de ce serin.

(Catulle Mendès)

Mascotte

Rigaud, 1881 : Fétiche au jeu. — Porte-chance. — Autant de joueurs, autant de mascottes. Tantôt c’est un sou troué, tantôt un fragment de n’importe quoi, un bouton, une petite épave de l’amour, une boucle de cheveux. — Un joueur donne à un pauvre, mascotte ; celui-ci refuse l’aumône à un malheureux, mascotte ; cet autre se promène jusqu’à ce qu’il ait rencontré un bossu ou un cheval blanc, mascotte ; ainsi à l’infini. — Il y a quelques années, à Monaco, un petit bossu réalisa d’assez beaux bénéfices rien qu’à faire toucher sa bosse aux joueurs superstitieux. Les prix étaient ainsi fixés : Un simple frottement, cinq francs ; frottement prolongé, dix francs ; droit de stationnement sur la bosse, vingt francs. La saison finie, notre homme regagnait Paris et enlevait son monticule… C’était un faux bossu.

France, 1907 : Fille qui a son pucelage.

Mais depuis quelques mois, Clara dédaignait ce genre d’amoureux. On la rencontrait partout avec une élève d’une classe voisine, Jeanne Durel, ingénue de seize ans, à la tête angélique d’un ovale allongé, aux bandeaux plats aux grands yeux bleus, une vierge de Greuze qu’on avait surnommée la Mascotte, et mille bruits honteux couraient parmi les élèves sur l’intimité des deux inséparables.
… Une fois, elle avait répondu par serrement de main à Jeanne Durel qui, furtivement, dans un couloir, l’avait embrassée en pleine bouche, à lèvres humides. L’ingénue à la tête angélique l’avait emmenée chez elle, après la classe, et l’y avait retenue deux heures. Clara était sortie de là honteuse, dégoûtée d’elle-même et n’avait plus jamais voulu, depuis, retourner chez la Mascotte.

(Henry Bauer, La Comédienne)

— Et dire que je mourrai sans avoir le pucelage de quelqu’un ! Ça serait mon rêve de trouver un débutant ! Je le payerais même, si je savais en rencontrer un !
— V’là ton affaire, dit un volontaire, le brigadier… c’est une mascotte !
— C’est vrai ? fit Blondinette en me saisissant par le cou.
— Il est fou ! répondis-je en haussant les épaules, mais je me sentais rougir jusqu’aux yeux.
— Écoute, mascotte ou non, ça ne fait rien, montons !

(Oscar Méténier, Le Brigadier Mascotte)

France, 1907 : Fétiche de joueur.

France, 1907 : Chapeau de feutre mou dont le fond se plie en soufflet.

France, 1907 : « C’est, depuis 1886, dit Lorédan Larchey, ce qu’on appelait, il y a quatre-vingts ans, un cul de Paris et un polisson ; il y a cinquante ans, une tournure. Seulement cet accessoire a grossi avec le temps (1889). »

Traînes crottées, mascottes trop en arrière et gorges plus en avant qu’il ne faudrait pour marquer bien.

(Paul Verlaine)

Masculiniser (se)

France, 1907 : Maladie fort à la mode de nos jours dans un certain clan féminin qui s’ingénie à se rendre odieux et ridicule.

Ah ! gardons-nous comme d’une peste des lionnes à tous crins qui se masculinisent et s’ingèrent d’endosser la défroque usée jusqu’à la trame des Clorinde et des Bradamante !

(Albert Dubrujeaud)

Masque

d’Hautel, 1808 : Jeter le masque. Se montrer à découvert après s’être caché pendant long-temps ; ne plus se contraindre en rien ; se livrer à ses passions sans réserve.
Donner un masque à quelqu’un. Pour, lui donner un soufflet.

Delvau, 1866 : s. m. Vilaine figure, homme fort laid.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme un peu coquine, — dans l’argot du peuple, qui ne dit pas cela en trop mauvaise part.

Masquer en alezan

France, 1907 : Peindre un cheval pour tromper les acheteurs. Terme de maquignon. Voir Maquiller un gayet.

Massacre

d’Hautel, 1808 : Mauvais ouvrier, qui gâte tout ce qu’il touche, qui saboule l’ouvrage.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier qui travaille mal, qui gâte l’ouvrage, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi Gaspillage de choses ou d’argent.

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui abîme l’ouvrage.

Rossignol, 1901 : Personne ayant un vilain physique.

Rossignol, 1901 : Marque de la petite vérole.

France, 1907 : Gâcheur, ouvrier maladroit.

Massage

un détenu, 1846 : Ouvrage.

Rigaud, 1881 : Travail, travail fait avec ardeur.

France, 1907 : Travail.

Masse

d’Hautel, 1808 : C’est une grosse masse. Se dit par mépris d’une femme toute ronde, sans grace ni tournure.

Delvau, 1866 : s. f. Grande quantité de gens ou de choses, — dans l’argot du peuple. En masse. En grand nombre, en grande quantité.

La Rue, 1894 : Travail. Masser, travailler dur.

France, 1907 : Somme versée autrefois au compte du soldat. Avoir la masse complète, posséder une bourse bien garnie ; expression militaire.

France, 1907 : Somme placée par un joueur sur le tapis.

Quatre coups, masse en avant, il gagna, et fit sauter la banque qui, d’ailleurs, n’était pas considérable. Sans plus attendre, il se leva, empocha son gain et prit la porte : mais, sur son passage, il eut le temps d’entendre Philippe Marnier, le banquier décavé, qui murmurait rageusement : « Il est cocu, cet oiseau-là ! »

(Maurice Montégut)

Croupier, au lieu d’bourrer ta pipe,
Si le banquier est un bon type,
Bourre le trou, ta valade aussi,
Surtout sans fair’ bonnir un cri…
Si ton voisin battait morasse,
Plaque-lui deux sigs dans sa masse,
S’y r’naude envoie-le lascailler,
Cesse d’bourrer pour… étouffer.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours.)

France, 1907 : Produit du travail d’un condamné qu’on lui remet à sa sortie de prison.

Avec les quelques louis de sa masse, il s’acheta des vêtements convenables, — pas de luxe inutile, des habits qui passent sans qu’on les voie, — partit pour l’Allemagne, se trouva, quatre jours après le levé d’écrou, aux environs d’Ober-Ursel, attendit le soir dans une auberge de la route.

(Catulle Mendès, La Vie et la Mort d’un clown)

Massé

Delvau, 1866 : s. m. Coup de queue donné perpendiculairement à une bille, — dans l’argot des joueurs de billard.

Rigaud, 1881 : Coup de queue de billard porté perpendiculairement à la bille.

France, 1907 : Travail.

Masse complète (avoir la)

Merlin, 1888 : Avoir le portemonnaie garni.

Masse noire

France, 1907 : Caisse mystérieuse que le fantassin, né méfiant, s’imaginait gardée par le capitaine de sa compagnie, où il enfermait tous les profits illicites tirés de l’ordinaire, de l’équipement, de l’habillement, etc. Inutile de dire que la masse noire n’a jamais existé que dans l’imagination du troupier.

Massepain

Fustier, 1889 : Individu sur lequel on fait, dans certaines maisons, des… expériences, in anima vili — Argot militaire : Valet d’un jeu de cartes.

Virmaître, 1894 : Ce nom se donne généralement à une sorte de gâteau que l’on vend dans les foires ; il a aujourd’hui une signification bien autrement « fin-de-siècle » ; il sert à désigner la catégorie d’individus qui ont à Paris des salons d’essayages pour dames, avant de les expédier dans les maisons hospitalières de France ou de l’étranger (Argot des souteneurs). N.

France, 1907 : Valet d’un jeu de cartes ; argot militaire.

France, 1907 : « Ce nom, dit Charles Virmaître, sert à désigner la catégorie d’individus qui ont à Paris des salons d’essayages pour dames, avant de les expédier dans les maisons hospitalières de France et de l’étranger », ou encore, d’après Gustave Fustier, « individu sur lequel on fait, dans certaines maisons, des… expériences in anima vili ».

Masser

M.D., 1844 : Travailler.

un détenu, 1846 : Travailler.

Delvau, 1866 : v. n. Travailler, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Payer, donner l’argent de sa masse. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Travailler consciencieusement.

Virmaître, 1894 : Travailler, peiner ferme. Allusion au cantonnier qui casse avec une masse les cailloux sur les routes. Il n’existe pas de métier plus pénible, il est vrai qu’ils n’en prennent qu’à leur aise, car la sueur des cantonniers n’a pas de prix. Ce n’est sûrement pas eux qui ont créé la fameuse légende, que les riches mangeaient la sueur du peuple (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Travailler.

Hayard, 1907 : Travailler.

France, 1907 : Travailler dur : allusion à la masse dont se sert le cantonnier pour casser les cailloux.

Pour gagner mon argent, moi, j’masse ;
J’voudrais pas des sous qu’on ramasse
Sur l’pavé.

(Aristide Bruant)

Tu sais, j’dis ça à ton copain,
Pa’c’que j’vois qu’c’est un gonc’ qui boude,
Mais entre nous, mon vieux lapin,
J’ai jamais massé qu’à l’ver l’coude.

(Jean Richepin)

Masseur

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme laborieux.

Rigaud, 1881 : Ouvrier laborieux ; masseuse, ouvrière laborieuse.

France, 1907 : Bon ouvrier, travailleur actif et consciencieux.

Massié

un détenu, 1846 : Travailleur, ouvrier.

Massif

d’Hautel, 1808 : Un esprit massif. Pour dire lourd, dénué de graces ; qui approche de la bêtise.

Mastar

Rigaud, 1881 : Plomb, — dans le jargon des voleurs. — La faire au mastar, voler du plomb.

Mastar au gras-double

France, 1907 : Vol de plomb sur les toits.

Mastardier

Virmaître, 1894 : Faire le mastar au gras double (Argot des voleurs). V. Limousinier.

France, 1907 : Voleur de plomb.

Mastaré

France, 1907 : Plombé.

Mastaroufleur

Rigaud, 1881 : Voleur de plomb.

Mastic

Delvau, 1866 : s. m. Sens interverti, lignes ou mots déplacés dans le trajet de la galée au marbre, et occasionnant par cela même une confusion où souvent l’auteur a grand’peine à se reconnaître. Argot des typographes.

Delvau, 1866 : s. m. Le pain ou la viande, — dans l’argot des francs-maçons.

Delvau, 1866 : s. m. Homme, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Homme, — dans l’argot des canotiers.

Rigaud, 1881 : Transposition, confusion dans la mise en page par suite de mauvaise interposition d’une galée, — en terme de typographe.

Rigaud, 1881 : Homme, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bredouillement, discours diffus et embrouillé, — dans le jargon des typographes ; par allusion au mastic, confusion dans une galée, dans la mise en page. — Faire un mastic, se perdre dans un tas de phrases sans pouvoir arriver à se faire comprendre.

Boutmy, 1883 : s. m. Discours confus et embrouillé. Faire un mastic, c’est s’embrouiller dans les explications que l’on donne ; c’est quelquefois dire le contraire de ce que l’on voulait dire, commencer une phrase et ne pouvoir la terminer.

La Rue, 1894 : Homme. Le pain ou la viande. Affaire embrouillée.

Virmaître, 1894 : Terme usité en imprimerie pour indiquer qu’il y a erreur dans le classement des phrases et des alinéas, ce qui rend l’article tout à fait incompréhensible (Argot d’imprimeur).

France, 1907 : Pain, viande, en général tout ce qui se mastique.

France, 1907 : Maquillage, dans l’argot théâtral. Faire son mastic, se peindre la face.

France, 1907 : En termes de typographie, c’est un mélange de lettres et de phrases qui rend un article incompréhensible.

France, 1907 : Discours confus et embrouillé. Dans l’argot des typographes, faire un mastic, c’est s’embrouiller dans les explications que l’on donne, dire le contraire de ce que l’on voulait, commencer une phrase qu’on ne peut finir.

Mastic (péter sur le)

Virmaître, 1894 : Le peintre en bâtiment qui, le lundi, veut flâner, emploie cette expression pour dire qu’il ne veut pas travailler : — Je pète sur le mastic (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Flâner, ne pas aller à l’atelier.

C’est l’ensemble de ces travaux de badigeon qui constitue le mastic. Un mastic consciencieux exige près d’une heure de peine.

(Paul Mahalin)

Mastiquer

Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot du peuple en général, et en particulier des francs-maçons, qui se livrent à la mastication comme de simples profanes.

Rigaud, 1881 : Manger ; c’est-à-dire se livrer à la mastication.

Rigaud, 1881 : « Cacher ingénieusement les avaries et les voies d’eau d’un soulier, au moyen d’un enduit spécial de graisse noire ou autre drogue équivalente. » (F. Mornand, La Vie de Paris)

La Rue, 1894 : Manger.

France, 1907 : Manger. La fréquence des équivalents indique mieux que toutes les statistiques morales la place tenue par certaines passions et les besoins naturels. Nous avons déjà vu quelle place tenait dans les synonymes l’acte qui perpétue les espèces et celui au moyen duquel on s’abreuve, en voici pour le manger une légion : béquiller ; becqueter ; tortiller du bec ; bouffer ; boulotter ; briffer ; brouter ; chiquer ; casser la croustille ; se caler, se calfater le bec ; se coller quelque chose dans le fanal, dans le fusil, dans le tube ; chamailler des dents ; cacher ; se caresser l’angoulême ; clapoter ; croustiller ; charger pour la Guadeloupe ; déchirer la cartouche ; débrider la margoulette ; se l’envoyer ; engouler ; engueuler ; effacer ; friturer ; friper ; se faire le jabot ; gobichonner ; gonfler ; se graisser les balots ; jouer des badigoinces, des dominos, des osanores ; se lester la cale ; mettre de l’huile dans la lampe ; morfailler ; se mettre quelque chose dans le cadavre ; pitancher ; travailler pour Jules ; passer à la tortore ; tortorer, etc.

Mastiqueur

Rigaud, 1881 : Savetier qui mastique des chaussures. Le mastiqueur ne rapiote pas.

France, 1907 : Savetier.

Mastoc

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme gras, gros, épais, lourd, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Homme lourd, épais, Germanisme, de mastochs, bœuf gras (mast, nourriture ; ochs, bœuf). Ce mot s’emploie adjectivement.

Mais elle a trouvé fort banales
Nos danses : — Tout ça, c’est mastoc,
A-t-elle fait. Vos bacchanales
En habit noir, vrai, c’est rien toc !

(Jean Richepin)

Mastoquer

un détenu, 1846 : Manger, engraisser.

Mastro, mastroc

France, 1907 : Abréviation de mastroquet.

Tout récemment, j’étais allé voir
Une fille de qui chez un mastroc, un soir,
J’avais fait connaissance…

(André Gill)

Mastroquet

Larchey, 1865 : Marchand de vins. Mot à mot : l’homme du demi-setier. — Vient de demi-stroc : demi-setier.

Delvau, 1866 : s. m. Marchand de vin, — dans l’argot des faubouriens. Ne serait-ce pas une corruption de mastoquet, homme mastoc, le marchand de vin étant ordinairement d’une forte corpulence ?

Virmaître, 1894 : Marchand de vin. Dernière transformation du mot mannezingue. Mann, homme, zinc, par corruption zingue, comptoir (Argot du peuple). V. Bistro.

Rossignol, 1901 : Marchand de vin.

Hayard, 1907 : Marchand de vin.

France, 1907 : Cabaretier, marchand de vin au détail. On attribue à Louis Veuillot, le célèbre rédacteur en chef de l’Univers, la paternité de ce mot bizarre.

Celles qui se trainent depuis la chute du jour jusques au milieu de la nuit, s’usant les jambes jusques aux genoux en arpentant les distances, se morfondant sur les trottoirs, aux coins des rues, toujours à l’affût, se portant sans cesse d’un point à un autre, et quêteuses poussives du rentrant attardé, toujours inquiètes de la rousse, fuyant l’argousin et marchant de longues heures, trempées d’humidité, transies de froid à travers les ténèbres et les brouillards, et n’ayant pour tout refuge, après la petite pièce si péniblement gagnée, que le comptoir du mastroquet où l’on boit ce qui met le vert-de-gris dans le ventre et oxyde l’estomac.

(Louis Davyl)

Les scènes scandaleuses, renouvelées de Lesbos, dont on peut être témoin dans ces maisons tolérées jusqu’à 3 heures du matin, alors qu’on fait contravention au mastroquet du coin s’il dépasse minuit…

(La Nation)

Les ouvriers ont toujours eu un faible pour les farceurs qui les grugent, et quand ces farceurs sont par-dessus le marché des mastroquets, ils les adorent.

(L’Avenir de Calais)

Au tribunal.
— Accusé, vous avez eu un passé quelque peu orageux ?
— C’est vrai, mon président.
— Cependant, vous paraissiez avoir mis un peu d’eau dans votre vin ?
— Fallait bien, mon président, j’étais devenu mastroquet.

(L’Écho de Paris)

Comme un nigaud, j’ai cherché noise
Aux patrons, à l’autorité :
Aujourd’hui, je n’ai qu’une ardoise
Chez le mastroquet d’à côté.

(Alfred Capus)

Mastroquet ou Mastroc

Boutmy, 1883 : s. m. Marchand de vin. Les écrivains de la Semaine des familles affirment que ce mot est dû à M. Louis Veuillot, le célèbre rédacteur en chef de l’Univers.

Mastroquet, bistro

La Rue, 1894 : Marchand de vin.

Mastroquet, mastroc

Rigaud, 1881 : Marchand de vin ; et troquet, par abréviation. Par corruption pour demi-stroc, mi-stroc, demi-setier. C’est-à-dire le patron du demi-setier.

Mastrouille

France, 1907 : Grosse femme laide : masse de chair.

Masturbation

Delvau, 1864 : Pseudonyme honnête de Branlage.

Qu’enfin, tous les soldats sans reproduction,
N’aient plus qu’un seul recours : la masturbation.

Fernand Desnoyers.

Masturber (se)

Delvau, 1864 : Se livrer à l’onanisme, aux solitaires.

De mes cinq doigts je fais une pucelle :
Masturbons-nous, c’est le plaisir des dieux.

(Chanson anonyme moderne.)

Mata

Rigaud, 1881 : Faiseur d’embarras ; apocope de matador.

France, 1907 : Jeu de dominos dans lequel on doit toujours arriver au chiffre 7. Par exemple, s’il y a un 3, il faut mettre à côté un 4. Les dominos qui font 7 à eux seuls, comme le 5-2, sont les matadors ou mata et peuvent se placer indifféremment d’un côté on de l’autre. Le double blanc est un mata.

France, 1907 : Faiseur d’embarras ; abréviation de matador.

Matache

France, 1907 : Écheveau de fil, poignée d’épis ; patois méridional, de l’italien matassa, tas, écheveau, amas.

Matador

d’Hautel, 1808 : Un gros matador. Pour, un riche bourgeois, un gros fermier ; un homme puissant par son emploi, son crédit ou sa fortune.

Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, de fait ou d’apparence, — dans l’argot du peuple. Faire le matador. Faire des embarras.

Virmaître, 1894 : Partie de dominos. Les gros dés : double-six, double-cinq, etc., sont les matadors (Argot du boulevard). N.

Virmaître, 1894 : Homme riche ou qui en a les apparences.
— Tu fais le matador, pour : Tu fais rudement tes embarras (Argot du peuple).

France, 1907 : Glorieux, rodomont, faux brave. Terme emprunté de l’espagnol. Le matador, dans les courses de taureaux, est celui qui est chargé de mettre le taureau à mort, exécution qui ne se fait que lorsque l’animal exténué, harassé, affolé, ayant perdu déjà une partie de son sang, tient à peine debout. Se dit aussi pour gros bonnet, homme considérable.
Mata signifie en espagnol frapper, tuer.

Or donc, la danse commença jeudi dernier, sur le coup de midi, à Constantinople : une cinquantaine de révolutionnaires arméniens, revolver au poing, s’emparèrent de la Banque Ottomane ; les employés furent sans peine fichus en déroute et seuls quelques gros matadors furent cueillis et gardés comme otages.

(La Sociale)

Matagot

Delvau, 1866 : s. m. Homme bizarre, original, amusant par son esprit ou par sa laideur de singe.

France, 1907 : Plaisant, amusant, grotesque ; Rabelais employait ce mot dans le sens de singe.

Ci n’entrez pas, hypocrites, bigots,
Vieux matagots, marmiteux, boursouflés.

Matagrabolique

France, 1907 : « J’oserai dire encore que peu de nos contemporains ont feuilleté les Deux Cadavres dont s’honora Frédéric Soulié,

Auteur néfaste à la grammaire.

Le genre truculent, féroce et romantique n’a rien fourni de plus pharamineux que cette effroyable rapsodie. Entre autres sornettes, un fils de Cromwell (autant qu’il m’en souvienne) assassine et viole, sur le cercueil paternel, une fille de Charles Ier. Toutes gentillesses écrites, au surplus, dans un auverpin matagrabolique, prudhommesque et grandiloquent : le Sinaï chez l’épicier ! »

(Tybalt, Écho de Paris)

Matamore

d’Hautel, 1808 : Fanfaron ; faux brave, dont tout le courage est en jactance.
Un chapeau à la matamore. C’est à dire à la manière des vauriens, des crânes.

Matassin

Delvau, 1866 : s. m. Personnage ridicule, en parole ou en action, — dans l’argot des gens de lettres, qui se souviennent de leur Molière.

Matatane

Fustier, 1889 : Argot militaire. Salle de police.

Match

France, 1907 : Pari, compétition, principalement aux jeux athlétiques. Cet anglicisme ne s’employait autrefois que pour les paris sur le turf. Le pluriel est matches.

Notre aristocratie s’effondre. Voyez à quel résultat nous aboutissons, nous : Robert ne fait rien, il ne rêve que matches à bicyclette ou à l’escrime ; Isabelle est une petite folle et Jacqueline presque une révoltée.

(Pierre Salles, Miracle d’amour)

Matelas

Rigaud, 1881 : Tablier de forgeron.

Matelas ambulant

Rigaud, 1881 : Fille publique.

France, 1907 : Fille qui fut le trottoir, appelée plus poétiquement fleur de bitume.

Matelassée

Virmaître, 1894 : Femme qui a des seins énormes. Son estomac est matelassé. Quand c’est une fille et qu’elle maigrit, son souteneur lui dit :
— Tu t’débines des matelassés.
Quand une femme est plate comme une limande elle se matelasse en bourrant son corset d’assez de coton pour donner l’illusion. Les femmes fin-de-siècle en portent en caoutchouc qu’elles gonflent chaque matin (Argot des souteneurs).

Matelasser (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Garnir le corsage de sa robe d’assez de coton pour tromper les yeux — des myopes.

France, 1907 : Se rembourrer, remplacer les charmes et les appas absents par des postiches. C’était autrefois du coton, c’est maintenant du caoutchouc.

Trop frêle, trop maigre pour tenter les amoureux, elle passait chaque matin une bonne heure à se matelasser l’estomac et son postérieur de petite guenon.

(Les Propos du Commandeur)

Matelassier

France, 1907 : Genre spécial de voleur dont Pierre Delcourt donne l’explication dans Paris voleur.
Le matelassier « fait » les matelas, il est vrai, mais pas à la façon qu’on pourrait croire. Cet industriel ne pratique jamais seul.
Le plus souvent, toujours, devrions-nous dire, il appartient à une bande de « déménageurs » et n’opére sur les matelas que lorsqu’il n’a que cette pitance, assez maigre, comme seuls moyens de subsistance.
Comme il est assez difficile d’emporter, en plein jour, un pareil ustensile de ménage sans être remarqué, les matelassiers, au nombre de deux ou de trois, entrent dans une villa, toujours au moment où on emménage, défont un ou plusieurs matelas, en prennent la laine et se la placent sur la poitrine, entre leurs vêtements.
Entrés maigres dans l’immeuble, ils en sortent gras. Un certain nombre d’allées et de venues suffisent au débitement complet d’un matelas qu’on réduit aisément, par ce procédé aussi simple que pratique, à l’état de galette.

Matelot

Larchey, 1865 : « Tous deux amis et se nommant mutuellement mon matelot : ce qui est le plus grand terme d’affection connu sur le gaillard d’avant. » — Phys. du Matelot, 1843.

Delvau, 1866 : s. m. Copain, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.

Matelotte (trimer à la)

France, 1907 : Naviguer.

Et de Nantes jusqu’à Bordeaux,
Trime à la matelotte,
N’ayant qu’un tricot sur le dos,
Et pour fond de culotte
Le drap de sa peau.

(Jean Richepin, La Mer)

Mateluche

France, 1907 : Mauvais matelot.

Matériaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les aliments en général, — dans l’argot des francs-maçons, pour qui manger c’est travailler. Ils disent aussi Parfums.

France, 1907 : Nourriture ; argot des francs-maçons.

Matérielle

Fustier, 1889 : « Et alors, quelques malheureux pontes… se sont livrés au terrible travail qui consiste à gagner avec des cartes le pain quotidien, ce que les joueurs appellent la matérielle. »

(Belot : La Bouche de Madame X.)

France, 1907 : Gain modeste et journalier des pontes vivant sur les maisons de jeu. Faire sa matérielle, gagner sa journée au jeu.

— Je vous ferai remarquer que si ma maîtresse avait cinquante ans, je ne serais pas obligé de jouer : j’espère qu’elle subviendrait amplement à mes besoins, car je ne joue pas pour m’amuser, je joue pour gagner ma matérielle, pour vivre, en un mot.

(Maurice Donnay)

Quelques malheureux pontes se sont livrés au terrible travail qui consiste à gagner avec des cartes le pain quotidien, ce que les joueurs appellent la matérielle.

(Adolphe Belot, La Bouche de Madame X.)

— Quels sont les habitués ?
— Les boursiers, des entrepreneurs aux affaires compromises, des commerçants aux abois, des fils de famille dont le cercle est la profession… Ils y déjeunent, ils y font leur courrier ou un somme sur un confortable divan de moleskine, et y gagnent leur matérielle — c’est-à-dire les deux ou trois louis quotidiens nécessaires à leurs dépenses en dehors du cercle — avant ou après le dîner, selon la chance…

(Edmond Lepelletier)

Maternelle

France, 1907 : Mère ; argot des écoles. « Ma maternelle à casqué de vingt sous. »

Math

Fustier, 1889 : Mathématiques. Argot des collégiens.

Ils (les médecins) démolissent l’infranchissable barrière qui, dès le collège, sépare les forts en math des forts en thème.

(Événement, août 1885).

Je suis obligé de les bûcher très dur, ces sales math !

(Vie Parisienne, février 1888.)

France, 1907 : Mathématiques ; argot des écoles.

Mathurin

d’Hautel, 1808 : Des tranchées de St.Mathurin. Accès de folie ; parce que l’on a coutume d’invoquer ce saint pour la guérison des fous.

Fustier, 1889 : Nom que les marins, par plaisanterie, donnent aux navires en bois.

Est-ce que vous voudriez rétablir ces vieux mathurins, comme nous les appelons, pour remplacer les bateaux à vapeur ?

(Amiral Saisset : Journal officiel, janvier 1872.)

Fustier, 1889 : Matelot.

Je veux parler du simple matelot à qui l’on donne le nom de mathurin, de même qu’on gratifie le soldat du surnom de Dumanet.

(Figaro, 1882.)

Rossignol, 1901 : Matelot.

France, 1907 : Matelot, marin, homme attaché à la mâture.

J’ai passé une heure de ravissement au milieu des matelots qui étaient chargés de cirer le plancher, car ils avaient une amusante façon d’accomplir leur corvée : ils couchaient les moins lestes dans des couvertures et les traînaient sur le parquet sous prétexte d’activer la besogne. Je dois dire que leur quartier-maître trouvait ingénieux le procédé, et il avait raison ! Parlez-moi des mathurins pour agrémenter les corvées !

(Auguste Marin)

Parler mathurin, parler la langue des matelots.

Je ne suis pas de ces vieux frères premier brin
Qui devant qu’être nés parlaient ja mathurin,
Au ventre de leur mère apprenant ce langage,
Roulant à son roulis, tanguant à son tangage.

(Jean Richepin, La Mer)

Mathurins

Halbert, 1849 : Dés à jouer.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Dés à jouer, — dans l’argot des voleurs. Mathurins plats. Dominos.

La Rue, 1894 : Dés à jouer. Dominos. Matelots.

Virmaître, 1894 : Dés pipés qui servent aux camelots pour voler au 7, au passe-dix et à la consolation (Argot des camelots).

Hayard, 1907 : Dés pipés.

France, 1907 : Dés pipés ; argot des voleurs. Mathurins plats, dominos ; argot populaire.

Ces objets, dit Francisque Michel, doivent leur nom d’argot à leur ressemblance avec le costume des trinitaires, vulgairement appelés mathurins, qui chez nous portaient une soutane de serge blanche, sur laquelle, quand ils sortaient, ils jetaient un manteau noir.

Matignon

Halbert, 1849 : Messager.

Delvau, 1866 : s. m. Messager, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Messager ; argot des voleurs.

Matin

d’Hautel, 1808 : Il faudroit se lever bien matin, pour lui en revendre. Se dit d’un homme fin, adroit et subtil, qui déjoue facilement les pièges qu’on lui tend.
Qui a bon voisin à bon matin. Signifie qu’on n’a jamais de querelle, qu’on vit tranquillement chez soi quand on a un bon voisin.

Mâtin

d’Hautel, 1808 : Au propre, chien.
Voilà un beau mâtin, s’il vouloit mordre. Pour dire qu’un homme auroit beaucoup d’intelligence et de capacité, s’il vouloit s’employer.

Delvau, 1866 : s. m. Homme rusé, expert en toutes sortes de choses, — dans l’argot du peuple.

Matin !

d’Hautel, 1808 : Interjection basse et populaire qui marque la surprise, le mécontentement.
Matin ! l’affaire est embarrassante.

Mâtin !

Delvau, 1866 : Exclamation oui sert à marquer l’admiration la plus violente ou la douleur la plus vive. On dit aussi Sacré mâtin.

Mâtin, mâtine

Larchey, 1865 : Personne déterminée, brusque, peu commode. — Terme emprunté à la race canine.

Kléber, un grand mâtin qu’a descendu la garde, assassiné par un Égyptien.

Balzac.

Ah ! mâtine de Turquie.

Remy, ch., 1854.

Mâtine

Delvau, 1866 : s. f. Gaillarde qui n’a pas peur des hommes.

Matinée

d’Hautel, 1808 : Dormir la grasse matinée. Voy. Dormir.

Matines

d’Hautel, 1808 : Le retour vaudra pis que matines. Pour dire que la fin d’une affaire sera pire que le commencement.
Corriger le magnificat à matines. Corriger quelque chose à contre-sens et mal-à-propos.

Matines (doit-on chanter Te Deum avant) ?

France, 1907 : Il ne faut pas se réjouir avant l’heure, ni s’amuser avant que la corvée soit faite. Le Te Deum étant une action de grâce et matines un service désagréable à cause de l’heure matinale ont donné lieu à cette expression proverbiale. On disait aussi à peu près dans le même sens : Commencer matines par tousser et souper par boire. Ou encore : Chanter Magnificat à matines.

Matois

d’Hautel, 1808 : Un fin matois, un fûté matois. Pour dire, un homme artificieux, fin, subtil, et rusé.

Delvau, 1866 : s. m. Homme rusé, et même un peu fourbe. On dit aussi fin matois, malgré le pléonasme.

Hayard, 1907 : Matin.

France, 1907 : Matin ; argot des voleurs.

Le condé de Nanterre et un quart d’œil, suivis d’un trêpe de cuisiniers, sont aboulés ce matois à la taule.

(Mémoires de Vidocq)

Matois (le)

M.D., 1844 : Le matin.

Matoise

Delvau, 1866 : s. f. Intrigante, — ou seulement Femme habile à vendre sa marchandise. On dit aussi Fine matoise.

Matoiserie

d’Hautel, 1808 : Finesse, ruse, fourberie.

Matot

France, 1907 : Coureur de jupes. Bon matou, individu apprécié des dames.

Matou

d’Hautel, 1808 : Chat. Terme d’injure, quand on l’applique à un homme.

Delvau, 1864 : Le mâle de la femme, cette chatte amoureuse.

Allons, mon gros matou, grimpe-moi d’autor et d’achar !

De Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Homme aimant les femmes. Bon matou. Libertin.

Matouas

Halbert, 1849 : Matin.

Matra

France, 1907 : Débris.

Tous ces vieux fatras,
Tous ces vieux matras,
Tous ces vieux plâtras
Et vieux patatras !…

(Montesquiou-Fezensac)

Matraque

Delvau, 1866 : s. m. Bâton, canne, — dans l’argot des faubouriens qui ont servi dans l’armée d’Afrique. Ils ont entendu des Arabes, s’essayant au français, dire : ma traque pour ma trique, et ils ont pris cela pour du sabir.

France, 1907 : Bâton. Mot rapporté par les soldats d’Afrique.

Entre la Calle et Souk-Arras nous avions brûlé le pays. Vous dire pourquoi, j’en serais bien en peine ; une poule volée à un colon influent, un coup de matraque appliqué par un Bédouin ruiné sur la tête d’un juif voleur, quelques centaines de mille francs à faire passer dans la caisse d’un fournisseur ami d’un ministre, et pif, paf, boum, coups de fusil, obus, fusées, coups de canon, coups de sabre et finalement le feu aux gourbis, aux jardins et aux moissons.

(Hector France, Sous le Burnous)

Matras

d’Hautel, 1808 : Flèche. Il s’en va comme un matras désempenné. Se dit d’un homme qui sort sans les choses qui lui sont nécessaires ; qui s’embarque dans une affaire sans avoir les moyens de la faire réussir.

Matricule

d’Hautel, 1808 : Registre. Rayons la matricule. Pour dire, n’en parlons plus ; qu’il n’en soit plus question.

Matricule (user son)

Rigaud, 1881 : Être sous les drapeaux. Mot a mot : user le numéro matricule attribué à chaque soldat.

Matriculer

Merlin, 1888 : Voler, — par ironie, le numéro matricule étant la seule marque de propriété, au régiment.

Matriculer (se faire)

Fustier, 1889 : Se faire punir. Argot militaire.

France, 1907 : Se faire punir ; argot des régiments, parce qu’on prend le numéro matricule des hommes punis.

Matrimonium

France, 1907 : Mariage ; latinisme.

Matrone

d’Hautel, 1808 : En mauvaise part, se dit d’une femme qui fait métier de prostitution.

Mats (les deux)

France, 1907 : La guillotine ; argot des voleurs.

Matte (enfant de la)

France, 1907 : Voleur. Matte vient de l’italien matta, extravagance, folie. D’après Francisque Michel, enfant de la matte signifierait enfant de la folie.

Maturbes

anon., 1827 : Dés.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dés.

Bras-de-Fer, 1829 : Dés.

Halbert, 1849 : Dés à jouer.

France, 1907 : Dés à jouer, dents. Jouer des maturbes, manger.

Maturité

d’Hautel, 1808 : Être en âge de maturité. Être majeur ; être bon à marier.

Maube

France, 1907 : Diminutif de Maubert. La place Maube.

Maubert, mauberte

Fustier, 1889 : Argot des voyous qui désignent ainsi l’homme, la femme nés dans le quartier de la place Maubert, la place Maube : comme ils disent, ou y habitant.

Celle-ci est née rue Galande. C’est une Mauberte, et les Maubertes ne rompent jamais tout à fait avec leur famille…

(Du Boisgobey : Paris-Bandit.)

Maubeugienne

Rigaud, 1881 : Femme galante qui habite la rue de Maubeuge, une rue qui compte beaucoup d’hétaïres modernes, comme dirait Joseph Prudhomme.

Maugré

France, 1907 : Malgré, préposition encore employée dans les campagnes du nord de la France ; maugra dans le Var ; maugrat, dans le Béarn.

France, 1907 : Gouverneur d’une prison ; argot des voleurs qui se sont aperçus que leur gouverneur maugréait constamment.

Maugrée

Halbert, 1849 : Directeur de prison.

Rigaud, 1881 : Directeur de prison.

Mauricaud

France, 1907 : Tirelire ; argot des voleurs.

Il faut tomber sur ce mauricaud.

(Mémoires de Vidocq)

Mauvais

d’Hautel, 1808 : Faire le mauvais. Pour, menacer, faire le crâne, le fanfaron.

Mauvais coucheur

Delvau, 1866 : s. m. Homme difficile à vivre.

France, 1907 : Individu de mauvais caractère, avec lequel il est difficile de vivre ; allusion au temps où, dans les régiments, l’on couchait deux dans le même lit.

Le meilleur est de faire la sourde oreille et d’opposer la force d’inertie. C’est ce que font les malins. Si l’on discute, on est perdu. Et c’est ce qui m’arrive. Sergents et caporaux me traitent de mauvais coucheur, de réclameur, et, comme je suis le seul à rechigner à présent, je m’incline et pars avec les autres.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Mauvais lieu

Delvau, 1864 : Endroit où l’on pelote les femmes, même où on les baise, bordel.

Pour amener sa Lucrèce
À souffrir ce petit jeu
Le bonhomme sans finesse,
Met la scène en mauvais tien.

Collé.

Mauvaise !

Fustier, 1889 : Exclamation qu’emploient les enfants dans la plupart de leurs jeux pour signifier à leur adversaire que le coup qu’ils viennent de jouer ne compte pas. (V. Bonne.)

Mauvaise (elle est)

Larchey, 1865 : Cette histoire n’est pas bonne, cet acte est déplaisant. On dit dans le même sens : Je la trouve mauvaise.

Quant à exiger qu’elles comprennent ce qu’elles disent, n’y pensez pas. — Elles la trouveraient mauvaise.

Les Cocottes, 1864.

Rigaud, 1881 : La plaisanterie est mauvaise, cela n’est pas de mon goût. Locution mise à la mode en souvenir d’un vaudeville de Lambert-Thiboust et Grangé, Le Guide de l’étranger dans Paris (1860), pièce dans laquelle l’un des personnages s’écrie à chaque instant : « Elle est mauvaise. »

France, 1907 : Se dit en parlant d’un mauvais tour, d’une chose désagréable à laquelle on ne s’attendait pas. « Je la trouve mauvaise. »

Mauvaise herbe croît toujours

France, 1907 : Ce dicton fort ancien désigne ces enfants têtus, malfaisants et d’un caractère insupportable, qui croissent et poussent mieux que leurs camarades d’une nature plus tranquille.

Male herbe croist tantost, ce dit t’on en proverbe.

(Jean de Meun, XIIIe siècle)

Mauvaise troupe

Delvau, 1866 : s. f. Garnement, vagabond, fainéant, — dans l’argot du peuple. Quelquefois la même expression est employée dans un sens amical, comme, par exemple, pour convier quelqu’un au départ : Allons, en route, mauvaise troupe ! lui dit-on.

France, 1907 : Les mots sont généralement précédés de En route. C’est l’expression employée, depuis le premier empire, par les sous-officiers qui avaient du mal à faire lever et mettre en marche les jeunes soldats.

Le régiment à passé,
Il faut que je le rattrape,
Bah ! qu’importe ! sans souci,
En route, mauvaise troupe !
Le principal, ce coup-ci,
C’est d’arriver pour la soupe,
Et pour la bataille aussi.

(Jean Richepin)

Mauvaiseté

d’Hautel, 1808 : Pour méchanceté, noirceur ; on disoit dans le vieux langage mauvaisetié.

France, 1907 : Méchanceté ; provincialisme.

Mauve

Rigaud, 1881 : Parapluie en coton, — dans le jargon du peuple.

Il avait de l’eau jusque dans les narines et il reniflait, lamentable et grotesque, avec sa mauve en loques.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Hayard, 1907 : Absinthe.

Mauviette

d’Hautel, 1808 : C’est une véritable mauviette. Se dit d’une femme de foible complexion ; d’un homme qui fait la poule mouillée, qui ne peut supporter ni travail ni fatigue.

Delvau, 1866 : s. f. Décoration à la boutonnière, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Trompe-l’œil.

Delvau, 1866 : s. et adj. Enfant, et même grande personne d’un tempérament délicat, d’une apparence chétive.

Rigaud, 1881 : Croix d’honneur ; bijou honorifique.

France, 1907 : Brochette de décorations.

Maximum

France, 1907 : Latinisme, signifiant : au plus haut degré.

La salle de la Comédie-Française a quatorze cents places, et lorsque toutes ces places sont louées ou achetées par le public, elle peut réaliser pour la soirée une recette de huit mille francs. C’est ce qu’en argot professionnel on appelle le maximum.

(Émile Bergerat)

Mayer

France, 1907 : Le client payant ; argot des filles, importé par les prostituées allemandes, de meier, fermier.

Mayeux

Larchey, 1865 : Bossu. — Un peu avant 1830, d’innombrables charges, parmi lesquelles on distinguera celles de Traviès, eurent pour objet un bossu du nom de Mayeux : c’est le type d’un homme ridiculement contrefait, vaniteux et libertin, mais brave et spirituel à ses heures. De là son nom donné à tous ceux qu’affligent la même infirmité.

Ici d’affreux petits mayeux.

De Banville.

Delvau, 1866 : s. m. Bossu, — dans l’argot du peuple, qui se souvient du type créé par le caricaturiste Traviès, vers 1830. Se dit, par extension, de tout Homme laid au physique et au moral.

France, 1907 : Bossu, contrefait ; argot populaire. Le type de Mayeux est une création du caricaturiste Traviès, qui, de 1830 à 1840, obtint un succès colossal. Libertin, frondeur, chauvin, blasphémateur, et de plus homme à bonnes fortunes, il suivait les femmes, leur débitait des propos cyniques, donnait des sérénades, sortant, avec un air de comique lascivité, d’un rendez-vous : « Adieu. farceuse, sois tranquille, je reviendrai ! » faisant l’empressé, les jours de pluie, en venant au secours d’une « beauté » à demi noyée : « Je suis Français, n… de D… ! » s’adressant des compliments : « Il faut convenir que ma maîtresse est une femme gaillarde », ou encore, surpris par sa légitime épouse en flagrant délit. Traviès n’a créé que ce type de Mayeux, il y est resté rivé. D’autres silhouettes légendaires l’ont détrôné ensuite, qui étaient plus au goût du jour.

Mazagran

Delvau, 1866 : s. m. Café froid à l’eau de Seltz, — dans l’argot des garçons de café. Se dit aussi de tout café, chaud ou froid, servi dans une chope de verre, au lieu de l’être dans une tasse.

Rigaud, 1881 : Café servi dans un verre ; une aberration de buvaillons de café, qui lui enlèvent ainsi sa principale qualité : l’arôme. Ce sont les officiers, retour d’Afrique, qui ont importé cette mode.

Virmaître, 1894 : Café servi dans un verre. Par abréviation on dit un mazag. (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Café sans eau-de-vie. Ce mot date de 1840.

France, 1907 : Café faible servi dans un verre au lieu de l’être dans une tasse ; c’est la toute la différence. Il faut y ajouter une plus grande quantité d’eau.

Et son plaisir, après ses délicieuses parties de jacquet au café de l’Espérance, rue Saint-Jacques, en compagnie de vieux camarades, était de s’accouder à ce balcon et d’y culotter sa pipe en lampant son mazagran.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Mazarin

France, 1907 : Sorte de gâteau.

Mazaro

Larchey, 1865 : Prison militaire qu’il ne faut pas confondre avec la salle de police (our). Dans celle-ci l’homme puni passe seulement la nuit sur une paillasse ; dans l’autre, il reste jour et nuit couché sur la planche.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Prison de la rue du Cherche-Midi ; prison militaire.

La Rue, 1894 : Prison militaire du Cherche-Midi.

Mazaro (petit ou grand)

Merlin, 1888 : Salle de police ou de prison. Réminiscence du nom de Mazas.

Mazarot

France, 1907 : Salle de police, mais plus spécialement la prison, et particulièrement la prison militaire de la rue du Cherche-Midi.

Les hôtes habituels de Mazarot sont : les bibassiers, les enflammés et les malastiqués.
Ces derniers, que la négligence dans l’entretien de leurs effets rend tributaires de la sonnerie des consignes, sont les moins nombreux.
Les bibassiers ou gais compaings en fait de haute beuverie, très souvent attardés par leur belle vaillantise à humer le piot et à se gargariser à l’aide de la purée septembrale, tiennent la corde dans le steeple-chase qui aboutit à Mazarot.
Pourtant, ils ne distancent que de bien peu les enflammés, à qui leur passion pour le beau sexe fait souvent oublier le chemin de la caserne, ou tout au moins l’heure inexorable de l’appel.

(Ch. Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)

On l’écrit aussi mazaro.

Quand il punit, même guitare ;
On connait bien son numéro ;
C’est un gaillard qu’est pas avare
Des jours de clou, de mazaro,
Avec lui la dose est meilleure,
Et quand les autres, sans discours,
Aligneraient quarante-huit heures…
Le doubl’ vous colle quatre jours.

(Griglet)

Maze

France, 1907 : Abréviation de Mazas.
À ce propos, il nous a paru curieux de rechercher l’origine du nom de Mazas, et voici ce que nous avons trouvé, à notre vive surprise :
Mazas était, sous le premier empire, colonel de la 34e brigade. Son courage était à ce point légendaire que ses soldats l’avaient surnommé le Brave : il avait pris part à vingt batailles, essuyé le feu de toutes les troupes coalisées ; cent fois, il avait eu de terribles aventures, risqué sa peau pour assurer le gain d’une victoire ; son corps portait, de la nuque au talon, des balafres énormes, et si sa mâchoire était toute de travers sous sa rude moustache, c’est qu’un coup de fusil l’avait fracassée. Un jour, à Austerlitz, trouvant que la déroute de l’ennemi était trop lente à se dessiner, Mazas avait, en un coup de folie, commis une grave imprudence et s’était fait broyer par un boulet de canon.
Pour récompenser tant d’héroïsme, Napoléon, en 1806, avait décidé qu’une place de Paris porterait ce nom glorieux, et Mazas était entré dans l’histoire, en la compagnie des preux de l’épopée impériale.
Mais, quarante-cinq ans plus tard, afin de donner l’hospitalité à des gueux et à des assassins, une prison s’élevait à côté de cette place ; les architectes avaient déployé, dans sa construction, tous les raffinements de la prudence et de la solidité ; ils l’avaient faite spacieuse, avec des cellules noires comme des tombeaux et des serrures où grinçaient des clefs longues comme des sabres. Et quand cette prison, chef-d’œuvre d’architecture pénitentiaire avait été achevée, on n’était pas allé chercher bien loin un nom pour la baptiser. Il y avait tout à côté la place Mazas, pourquoi n’y aurait-il pas la prison Mazas ? Et vite on avait gravé sur la porte les cinq lettres glorieuses.
C’est ainsi que le héros d’Austerlitz et de vingt combats fameux, l’homme qui avait donné sa vie pour défendre son drapeau et était tombé sur le champ de bataille en criant : « Vive la France ! » servit un jour d’enseigne à une maison de scélérats.
N’est-il pas affreusement choquant de voir le nom d’un héros ainsi disqualifié par l’inconsciente application qu’on en a faite à une maison de prévention ?
À quoi pensent donc les débaptiseurs officiels qui pullulent, pourtant à l’Hôtel de Ville ?
Nous leur indiquons — avec le plus grand désintéressement — une admirable occasion d’exercer leur zèle.
Qu’ils se hâtent donc d’effacer l’injure, prolongée depuis un demi-siècle, qu’on a faite au brave Mazas.
Ils n’ont qu’à choisir, parmi tant de notabilités contemporaines, pour remplacer, à propos, ce nom trop glorieux…

Mazet

France, 1907 : Petite maison de campagne dans le Midi, ce qui s’appelle aussi bastide et cabanon.

Mazette

d’Hautel, 1808 : C’est une mazette. Pour dire, un homme sans habileté, sans industrie dans tout ce qu’il fait ; qui n’a ni force ni santé.
On appelle aussi un mauvais cheval, une mazette.

Delvau, 1866 : s. f. Conscrit, — dans l’argot des troupiers. Homme de petite taille, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Conscrit. — Avorton. Propre à rien.

Merlin, 1888 : Vieux cheval qui n’obéit ni à la cravache, ni à l’éperon (cavalerie).

France, 1907 : Recrue, homme ou femme de rien.

Je tiens en haine ces mazettes
Courant, le soir, les guilledous,
Se vendant pour des anisettes,
Parlant aigre, buvant du doux.

(Théodore Hannon, Rimes de joie)

Mais ton nom courait leurs gazettes
Parmi ceux de quantes mazettes
Dont le nom me fuit ;
Ils te célébraient après boire,
Et tu prenais pour de la gloire
Tout ce vilain bruit.

(Raoul Ponchon)

Mazille

d’Hautel, 1808 : Pour, argent.
Amasser, ou avoir de la mazille. Pour, avoir de l’argent ; être à son aise.

Me, me, adsum qui feci

France, 1907 : « C’est moi qui ai fait cela. » Locution latine.

Mea culpa (faire son)

France, 1907 : Confesser sa faute, avouer ses torts. Latinisme, allusion aux paroles des dévots qui se frappent la poitrine… allégoriquement, au confessionnal : mea culpa, mea maxima culpa !

Mec

anon., 1827 : Bon Dieu.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dieu.

Bras-de-Fer, 1829 : Bon dieu.

Fustier, 1889 : Souteneur.

C’est tout d’même chouette pour (une pierreuse)
D’avoir un mec comme celui-là ?

(De Gramont : La Femme à Polyte.)

La Rue, 1894 : Souteneur. Individu méprisable.

Virmaître, 1894 : (pour meg) Chef, patron, Dieu, le mec plus ultra (Argot des voleurs).

France, 1907 : Maître, chef. La véritable orthographe de ce mot est meg.

Quelle femme n’a frémi d’aise une fois, à la pensée d’aller se promener dans Paris, son derrière posé sur ses mains, devant elle, bien en évidence, à la libre disposition de l’amateur ? Douces et charitables âmes !… Race féminine, cent fois chère ; exquise aumône jetée par le Maître de tout à la détresse des pauvres déshérités !… Hélas ! le Mec infâme est là, qui crie à l’ange consolateur : « Reste ici !… Reste ici, te dis-je ! Ne va pas où ton cœur t’appelle ! » — « Marche ! » criait la voix formidable à Ahasvere, le Juif errant. — « Marche ! crie-t-il lui aussi. Marche !… Mais ne marche que pour la galette, ou je t’envoie mon pied quelque part ! »

(Georges Courteline)

anon., 1907 : Type homme.

Mec à la colle forte

Rigaud, 1881 : Gredin redoutable, homme des plus dangereux, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Se dit d’un voleur redoutable, par opposition au mec à la mie de pain. Voleur de rien (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur ou souteneur à poigne, redoutable coquin.

Mec à la manque

Rigaud, 1881 : Méchant homme, — dans le jargon des voyous.

Mec à la mie de pain

France, 1907 : Voleur maladroit et craintif.

C’était un môme assez costeau,
Mais il ’tait avec eun’ cathau
Qu’était blèche :
I’ la r’levait à la mi’ d’pain,
Il était, au lieu d’êt’ rupin,
Dans la dèche.

(Aristide Bruant)

Vous m’direz : Mon vieux cochon,
Quand on veut qu’eun’ marmott’ turbine,
Faut pas qu’alle ay’ l’air d’un torchon
Ni qu’a soy’ trop dans la débine,
— Oui… mais ça m’fait r’naquer du fla
D’avoir l’air d’un mec à la mie,
Quand on s’paye eun’ anatomie
Et eun’ gueul’ comm’ la cell’ que v’là.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Mec à la redresse

Rigaud, 1881 : Bon garçon, honnête homme.

L’ignoble gommeux dépravé
Qui séduit un’ fill’ puis la flanque
Avec un goss’ sur le pavé,
C’est un mec à la manque !
Mais l’bougre qui — quand il a r’çu
D’un’ jeunesse des preuv’s de tendresse,
L’épous’ carrément par là d’ssu,
C’est un mec à la r’dresse.

(La Petite Lune, 1879.)

Fustier, 1889 : Tout individu qui en impose par ses qualités ou ses vices.

Seules, quelques individualités hors pair, des mecs à la redresse, parviennent à se faire dans l’opinion une haute place.

(Humbert : Mon bagne.)

Aujourd’hui le mot mec a pris une très grande extension. Il s’emploie pour désigner avec mépris un individu quelconque.

France, 1907 : Homme fort et courageux.

Mec à sonnettes

Rigaud, 1881 : Homme riche, — dans le jargon des rôdeurs de barrière. En argot, sonnettes signifient « argent », ce qui sonne dans la poche.

Mec de la guiche

France, 1907 : Souteneur.

Paraît qu’dans l’temps, chez Charles dix,
L’oncle d’son oncle était cocher.
Ça fait qu’il est légitimisse,
La République all’ le fait chier,
J’lui dis quéqu’fois : t’as donc z’un titre ?
Tu m’l’as jamais dit, mais pourquoi ?
Y m’répond toujours : Paye un litre
En attendant l’retour du roi.
Lui seul peut rendr’ la France heureuse,
Mais t’es trop bêt’ pour parler d’ça.
C’est tout d’mêm’ chouett’ pour un’ pierreuse
D’avoir un mec comm’ celui-là !

(André Gill)

Mec de la rousse

France, 1907 : Préfet de police.

Mec des gerbiers

France, 1907 : Exécuteur des hautes œuvres.

Mec ou meg des megs

Halbert, 1849 : Dieu.

Mec, meck, meg

Rigaud, 1881 : Maître, monsieur ; de magnus, grand. — Le meg des megs, Dieu, le maître des maîtres. — Mec des gerbiers, bourreau.

Méca

France, 1907 : Abréviation de mécanique ; argot des polytechniciens.

Mécanicien

Rigaud, 1881 : Taquin ; mot à mot celui qui mécanise, — dans le jargon des voyous. — M’en parle pas, un mécanicien qui me scie le dos tout le jour.

Rigaud, 1881 : C’est sous le pseudonyme de « mécanicien » que les aides exécuteurs désignent volontiers leur état. (Figaro du 27 avril 1879.)

France, 1907 : Aide de l’exécuteur des hautes œuvres.

Mécanique

France, 1907 : Guillotine.

Mécanique (la)

Rigaud, 1881 : La guillotine. C’est le nom officiel que lui donnent le bourreau et ses aides.

Mécaniser

Larchey, 1865 : Ennuyer. — Mot à mot : réduire à un rôle passif, mécanique.

Malgré qu’ça vous mécanise, Ça vous demande encore crédit.

Chansons, Clermont, 1837.

Et… Canalis regarda fixement Dumay qui se trouva, selon l’expression soldatesque, entièrement mécanisé.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. a. Vexer quelqu’un, le tourmenter, se moquer de lui, et même en médire un peu, — dans l’argot des faubouriens. Francisque Michel « trouve le germe de cette locution dans un passage des Vies des dames illustres de Brantôme », et ce germe, c’est mœquaniqueté… Le malheur est que jamais « locution ne fut plus moderne ». Quant a son « germe », le premier mécanicien venu le trouverait en conduisant sa machine.

France, 1907 : Guillotiner.

France, 1907 : Ennuyer quelqu’un, le vexer, le tourmenter.

Alors la donzelle, fatiguée de cet incessant pelotage qui ne menait à rien, se tourna soudain, furieuse, vers le bélitre :
— Avez-vous bientôt fini de me mécaniser ? dit-elle.

(Les Propos du Commandeur)

Mécaniseur

Delvau, 1866 : s. m. Railleur, médisant.

Méchanceté

d’Hautel, 1808 : Grandir en méchanceté. Voy. Grandir.

Méchant

d’Hautel, 1808 : Faire le méchant. Faire le mutin, le mauvais sujet ; menacer, faire le fanfaron.
Les bons pâtissent pour les méchans. V. Bon.

Méchant (pas)

Larchey, 1865 : Encore une expression éminemment parisienne, dont la portée est plus grande qu’on ne pense. On dit d’une toilette mesquine, d’un homme inepte, d’un livre sans valeur : Ça n’est pas méchant ; ça ne mord pas ! — comme on dit d’un homme zélé : C’est un féroce.

Achetez un caloquet plus méchant, votre tuyau de poêle n’est pas trop rup.

Lem. de Neuville.

France, 1907 : Inférieur, de peu de valeur, anodin. « Un livre pas méchant, une poésie pas méchante, » Cette expression tendrait à prouvé qu’il faut être méchant pour être apprécié.

Méche

anon., 1907 : Cinquante centimes.

Mèche

d’Hautel, 1808 : Découvrir la mèche. Éventer un complot, un dessein, une entreprise, que l’on tenoit secrète.
En terme typographique, lorsque les ouvriers viennent proposer leurs services au prote de l’imprimerie, ils demandent, s’il y a mèche, c’est-à-dire, si on peut les occuper. Les compositeurs demandent s’il y a mèche pour la casse ; et les pressiers, s’il y a mèche pour la presse.

Bras-de-Fer, 1829 : Demi-heure.

Halbert, 1849 : Moitié, demi-heure.

Larchey, 1865 : Moitié. — À six plombes et mèche : À six heures et demie. V. Momir. — Être de mèche : Être de moitié (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Travail, ouvrage à faire, — dans l’argot des typographes. Chercher mèche. Chercher de l’ouvrage.

Delvau, 1866 : s. f. Possibilité de faire une chose. Il y a mèche. Il y a moyen. Il n’y a pas mèche. Cela n’est pas possible. On dit aussi elliptiquement : Mèche !

Delvau, 1866 : s. f. Moitié, demi, — dans l’argot des voleurs. Être de mèche. Partager un butin avec celui qui l’a fait. Signifie aussi Demi-heure. D’où, sans doute, l’expression des faubouriens : Et mèche.

Delvau, 1866 : s. f. Intrigue, secret. Découvrir la mèche. Tenir les fils d’une intrigue, connaître à temps un dessein fâcheux.

Rigaud, 1881 : Plus, davantage. — Combien avez-vous perdu, au moins vingt francs ? — Et mèche. Par allusion à la mèche d’un fouet.

Rigaud, 1881 : Moyen. — Y a-t-il mèche, y a-t-il moyen ? — Il n’y a pas mèche. Beaucoup d’ouvriers, quand ils demandent à un patron s’il a de l’ouvrage à leur donner, disent :

Y a-t-il mèche ?
J’ n’ai plus un rond de c’ que j’avais d’ pécune,
Tu vois, ma fille, n’y a plus mèch’ de lamper.

(Sénéchal, Le Retour de Croquignet, chans.)

Rigaud, 1881 : Complicité ; de moitié. Être de mèche, être complice, partager, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Plus, davantage. Moyen, possibilité de faire : Y a-t-il mèche ? Intrigue, secret : Découvrir la mèche. Travail : Chercher mèche. Complicité, de moitié : Être de mèche. Signifie aussi un quart d’heure.

Virmaître, 1894 : Les mauvais ouvriers qui voyagent sans cesse demandent mèche dans les ateliers qu’ils rencontrent sur leur route :
— Y a-t-il mèche de travailler ?
Mèche pour moyen (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Moyen, possibilité.

Y a-t-il mèche d’aller au théâtre a l’œil. — Non, il n’y a pas mèche.

Hayard, 1907 : Quart, être de moitié.

Hayard, 1907 : Moyen (pas mèche : pas moyen); de mèche, de connivence.

France, 1907 : Travail. Chercher mèche, chercher de l’ouvrage.

France, 1907 : Possibilité de faire une chose. Il y a mèche, c’est possible ; il n’y a pas mèche, c’est impossible.

Toutes les vieilles étiquettes, c’est de la gnolerie : boulangistes, badinguistes, royalistes, républicains… fumisterie que tout ça. Y a qu’une chose, c’est que nous sommes tous des richards et des patrons : conséquemment, nous tenons l’assiette au beurre et nous voulons la garder. Faut être à l’œil pour que le populo ne la casse pas… Donc y a mèche de s’entendre !…

(Le Père Peinard)

Quoi ! j’verrais les mecs d’la finance
S’engraisser avec not’ argent,
Quand y’en a d’aut qu’ont pas d’pitance
Et s’cal’nt des briqu’s de longs mois d’temps !
J’verrais passer dans leurs calèches
Tous ces salauds, ces abrutis,
Quand el’ purotin y a pas mèche
Qu’i’ fass’ boustifailler ses petits…

France, 1907 : Cordage embrasé suspendu au plafond dans un récipient en cuivre, qui sert à allumer les pipes et les cigares ; argot de l’École navale.

Mêche

M.D., 1844 : Moitié de quelque chose.

Mèche (demander)

Boutmy, 1883 : v. Offrir ses services dans une imprimerie.

France, 1907 : Offrir ses services dans une imprimerie.

Mèche (et)

France, 1907 : Et davantage. « Combien avez-vous payé cette fille ? Un louis ?— Et mèches. » Six plombes et mèche, six heures et demie.

Mèche (être de)

Bras-de-Fer, 1829 : Être de complicité.

France, 1907 : Être d’accord.

Thévenet est parti ce matin pour Bordeaux, où il plaide ; mais, soyez sans crainte, lui et moi ne faisons qu’un. Quand j’ai besoin de lui, je n’ai qu’à le siffler par téléphone. Nous sommes de mèche.

(Jacques Mayer)

Mèche (il y a mèche, il n’y a pas)

Larchey, 1865 : Il y a moyen il n’y a pas le plus petit moyen d’aboutir. Le mot fait image. Quand on a la mèche, on a bientôt fait de tirer la corde à soi.

En termes typographiques, lorsque les ouvriers proposent leurs services au prote de l’imprimerie, ils demandent s’il y a mèche, c’est-à-dire : si on peut les occuper.

1808, d’Hautel.

Mais il te fera pincer. — Pas si bête ! il n’y a pas mèche.

E. Sue.

Mèche (roulement de)

France, 1907 : Roulement de tambour qui annonce la reprise du travail ; argot de l’École navale.

Mèche (vendre la)

France, 1907 : Trahir. C’est éventer et non vendre qu’il faudrait dire ; mais le populaire n’y regarde pas de si près.

On se chamaillait, entre concurrents groupés autour du même os ; mais on savait bien, au fond, que ce n’était pas « arrivé », qu’il y avait, sous cet étalage de haine, bien moins de différences de doctrines que d’antagonismes de personnalités — et surtout d’intérêts.
Tandis que celui-là, soit rigolo, soit féroce, il va mettre les pieds dans le plat, débiner le truc, vendre la mèche, devant les journalistes « bourgeois » qui écoutent, blagueurs et amusés, en mordillant leur plume, et qui reproduiront tout au long, le lendemain, l’intervention tragique ou cocasse du malavisé.
Aussi les orthodoxes du socialisme ont inventé une arme de guerre contre ces gêneurs. Pour tout bon marxiste, qui dit anarchiste dit mouchard. Et parmi ceux qui l’affirment, il en est qui le croient — à force de l’avoir répété !
Les vieux anarchos s’en moquent ; les novices, moins habitués aux luttes courtoises de la politique, s’emballent et donnent dans le panneau.

(Jacqueline, Gil Blas)

Méchef

d’Hautel, 1808 : Mésaventure, malheur, disgrace, infortune, désastre.

Méchi

Larchey, 1865 : Malheur (id). — Abrév. du vieux mot méchief. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Malheur, — dans le même argot [des voleurs]. C’est assurément le meschief de notre vieille langue.

France, 1907 : Malheur, misère : corruption du vieux français meschief.

Mechillon

Hayard, 1907 : Quart.

Méchillon

Delvau, 1866 : s. m. Quart d’heure.

France, 1907 : Quart d’heure.

Mecque

Rossignol, 1901 : Lui, individu.

Connais-tu ce mecque-là. — Qu’est-ce qu’il nous embête, ce mecque-la.

Médaillard

France, 1907 : Appellation dédaigneuse que les artistes qui n’ont reçu aucune récompense au Salon donnent à ceux de leurs confrères plus protégés ou plus méritants.

Médaille

d’Hautel, 1808 : Tourner la médaille. Changer de discours ; dire le contraire de ce que l’on pense ; considérer le bien et le mal d’une affaire.
La médaille est renversée. Pour, la fortune a changé ; les circonstances ne sont plus les mêmes.
Toute médaille a son revers. Pour dire, que toute affaire a ses avantages et ses inconvéniens.
Vieille médaille. Se dit ironiquement d’une vieille femme qui affecte beaucoup de prétentions.

Larchey, 1865 : « La jolie voix ! dit Schaunard en faisant chanter les pièces d’or. — Comme c’est joli, ces médailles ! ajouta Rodolphe. » — Murger.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de cinq francs en argent, — dans l’argot des artistes et des faubouriens. Le mot sort de la Vie de Bohême, d’Henry Murger. Médaille dor. Pièce de vingt francs.

Médaille (avoir la)

Fustier, 1889 : Argot de sport.

Il y a une expression consacrée dans l’argot du turf et qui est très significative : Avoir la médaille. On dit d’un monsieur qu’il a la médaille quand il fait une commission pour le compte du propriétaire. Cela veut dire qu’il est commissionnaire. Il a la médaille. Dès qu’on s’aperçoit qu’un monsieur a la médaille, c’est-à-dire qu’il a reçu mission du propriétaire de parier pour son cheval, il ne reste plus qu’à lui emboîter le pas…

(Paris Illustré, 1884.)

Médaille de saint Hubert

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de cinq francs, — dans l’argot des marbriers de cimetière, qui savent que ces médailles-là préservent de la rage de dents.

Médaille en chocolat

Delvau, 1866 : s. f. Médaille de Sainte-Hélène, — dans l’argot des faubouriens, par allusion à sa couleur de bronze noir. On a dit aussi Médaille de commissionnaire et Contremarque du Père-Lachaise.

Médaille ou médaillon

Virmaître, 1894 : V. Pièce de dix sous.

Médaille ou Monarque

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pièce de cinq francs.

Médailles

Rigaud, 1881 : Argent.

France, 1907 : Nom que les gens du peuple donnent aux décorations, qu’elles soient croix ou médailles. Médaille de Saint-Hubert, pièce de cinq francs ; médaille d’or, pièce de vingt francs ; médaille en chocolat, nom que l’on donnait à la médaille de Sainte-Hélène que portaient les vétérans du premier empire. On l’appelait aussi médaille de commissionnaire ou contremarque du Père-Lachaise.

Médaillon

Larchey, 1865 : Derrière (Vidocq). — Allusion de rondeur.

Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps où Paul de Kock fait se fendre la culotte de ses héros, ou sur laquelle il les fait volontiers tomber. C’est un mot de l’argot des voleurs, qui donnent ainsi un pendant au portrait de l’argot des faubouriens. Médaillon de flac. Impasse, cul-de-sac.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Décrocher le médaillon, donner un fort coup de pied au derrière.

Virmaître, 1894 : Derrière. Les joueurs de manille appellent ainsi les as, par corruption de manillon, quelques-uns disent le merdaillon (Argot du peuple).

France, 1907 : Pièce de dix sous.

France, 1907 : Fond de culottes. Le derrière.

Médaillon de flac

France, 1907 : Cul-de-sac.

Médecin

d’Hautel, 1808 : Un médecin d’eau-douce. Pour dire, un mauvais médecin.
Après la mort, le médecin. Se dit lorsqu’un remède est administré quand il n’y a plus de ressource.

Larchey, 1865 : Avocat (id). — Ne soigne-t-il pas les malades à l’hôpital ? V. ces deux mots. — De là le mot médecine : bon conseil.

Delvau, 1866 : s. m. Avocat, — dans l’argot des voleurs, qui ont besoin d’être guéris de l’accusation, souvent mortelle, qui pèse sur eux.

Rigaud, 1881 : Avocat, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Avocat.

France, 1907 : Avocat. Il conseille à l’hôpital, c’est-à-dire à la prison. Tant que le prisonnier est sous les verrous, il est malade ; libéré, il est guéri. Argot des voleurs.

Médecin des morts

Rigaud, 1881 : Ordonnateur des pompes funèbres.

Médecine

d’Hautel, 1808 : Avaler la médecine. Pour dire, se résoudre à quelque chose qui répugne ; prendre son parti.
Cela sent la médecine. Se dit des alimens ou des breuvages qui ont une odeur désagréable, qui sentent le goût des drogues.

Delvau, 1866 : s. f. Plaidoirie.

Delvau, 1866 : s. f. Personne ennuyeuse, obsédante, dont on avale à contre-cœur les discours. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Conseil. Médecine flambante. Bon conseil, avis salutaire.

Rigaud, 1881 : Conseil. — Plaidoyer.

La Rue, 1894 : Plaidoirie. Conseil.

France, 1907 : Personne fatigante, ennuyeuse. Elle produit au figuré l’effet d’une purge, elle fait aller.

France, 1907 : Conseil d’avocat, défense. Une médecine flambante, un bon avis, une superbe défense.— Collez-moi cinquante balles, et je vous coque une médecine flambante.

(Mémoires de Vidocq)

Médecine (une)

Halbert, 1849 : Un conseil.

Médeciner

d’Hautel, 1808 : Se médeciner. Terme ironique qui signifie prendre continuellement, sans nécessité, des médicamens.

La Rue, 1894 : Empoisonner.

France, 1907 : Traitement des maladies, surtout par les empiriques de campagne.
Les façons de médeciner sont aussi grotesques qu’amusantes… pour ceux qu’on ne médecine pas. En voici quelques échantillons : tel empirique charge la poitrine d’un malade atteint de pleurésie d’un gros matou tout chaud qu’on vient d’exécuter ; tel autre place sur l’épigastre une planchette et la serre de toutes ses forces à l’aide d’une corde jusqu’à ce que le patient sente craquer ses côtes : c’est pour relever le crochet de l’estomac ! lisez : guérir la gastrite. Avez-vous des coliques ? Buvez un verre d’urine. Si ce sont des rhumatismes, il faut de la graisse de chrétien. Cette drogue ne se trouve pas dans les pharmacies, mais le guérisseux en conserve un petit pot, qu’il fait payer fort cher. Mais les plus habiles et les plus appréciés des bonnes femmes, ce sont ceux qui les médecinent à l’aide de paroles cabalistiques. Il en est pour toute espèce de maux. Ajoutons qu’un pâté de rats est souverain contre les fièvres tenaces. Peut-être pensez-vous que nous parlons de la façon de médeciner au moyen âge ? Erreur, nous parlons de la fin du XIXe siècle.

Médianimique

Delvau, 1866 : adj. Qui appartient au médium. Facultés médianimiques. Celles que possèdent les médiums et qui leur permettent d’entrer en communication avec les Esprits, — à ce qu’ils disent. L’expression a été forgée par Delage.

Médicamenter

d’Hautel, 1808 : Médicamenter une affaire. Conduire sagement, et avec prudence, une affaire.

Médicinal

d’Hautel, 1808 : Qui sert de remède ; beaucoup disent à tort, médecinal.

Médiocratie

France, 1907 : Gouvernement des médiocres. « L’oligarchie a succédé à la monarchie, et la médiocratie à l’oligarchie. »

En politique, je n’admets guère que deux sortes de gouvernement : l’anarchie — proh pudor ! — ou le « bon tyran », que prônait justement Balzac. Quant au règne de la médiocratie, résumée par son élite, bonsoir !
Il me semble que Balzac, avec son grand mépris des ridicules bourgeois, n’était pas si loin que cela de cette outrance : et peut-être, s’il eût été notre contemporain, eût-il abouti à semblable conclusion.

(Séverine)

Médium

Larchey, 1865 : Homme qui prétend servir d’intermédiaire entre ses semblables et certains esprits plus ou moins infernaux. — Ses évocations sont désignées aussi par un adjectif nouveau : médianymique.

Delvau, 1866 : s. m. Individu qui évoque les Esprits, — les lémures, auxquelles les modernes croient avec la même foi aveugle que les anciens. Le mot est nouveau, si la chose est vieille. Argot des spirites.

Rigaud, 1881 : Interprète de l’autre monde. Celui qui se charge de mettre le premier naïf venu en rapport de conversation avec feu M. de Voltaire ou avec tout autre grand homme trépassé. Le médium est le trucheman entre ce monde et l’autre. Il y a des gens qui se font des rentes avec ce métier-là.

Méfiant

France, 1907 : Sobriquet que les cavaliers donnent aux fantassins ; argot militaire.

Méfiants (les)

Merlin, 1888 : Les fantassins, qui combattent le plus souvent sac au dos, et ce, dit-on plaisamment, dans la crainte d’être volés.

Meg

un détenu, 1846 : Chef, maître. Meg des gerbiers : un président de tribunal.

Delvau, 1866 : s. m. Maître, roi, — dans l’argot des voleurs, qui, quoique affranchis, sont volontiers les esclaves de quiconque est plus fort, plus rusé, plus coquin qu’eux… Meg des megs. Dieu. Meg de la rousse. Le préfet de police.
Les Bescherelles de la haute pègre prétendent qu’il faut écrire et prononcer mec et non meg.

La Rue, 1894 : Maître, roi, chef. Meg des megs. Dieu ou préfet de police.

Rossignol, 1901 : Homme important.

France, 1907 : Le maître ; du latin magnus, grand. Voir Mec.

Il y a un mot qui reparait dans toutes les langues du continent avec une sorte de puissance et d’autorité mystérieuse. C’est le mot magnus. L’Écosse en fait son mac qui désigne le chef du clan ; l’argot en fait le meck et plus tard le meg, c’est-à-dire Dieu.

(Victor Hugo, Les Misérables)

Meg de la rousse (le grand)

Virmaître, 1894 : Le préfet de police (Argot des voleurs). V. Dabe des renifleurs.

Meg des Megs

Rossignol, 1901 : Dieu.

Hayard, 1907 : Dieu.

France, 1907 : Dieu.

Il y a dans chaque groupe professionnel, dans chaque métier, dans chaque art, dans chaque vice et dans chaque criminalité an roi, un maître, un praticien supérieur à tous : le meg des megs, comme on dit dans l’argot classique pour désigner le bon Dieu, le plus malin des mariolles, puisqu’il a finalement roulé, jusqu’en enfer, le diable qui ne passait point pour un Claude.

(E. Lepelletier, Écho de Paris)

Meg, mec

Larchey, 1865 : Maître. V. Chique. — Du vieux mot Mège : chef, souverain. V. Roquefort, au mot megedux. — Mec des mec : Dieu. V. Rebâtir.

Mégalomane

France, 1907 : Individu qui aime les gens titrés, les grands : c’est le snob anglais. Hellénisme formé de mégalon, grand, et de manie.

Mégalomane, il s’imaginait créer une espèce : au lieu de bras, les hommes avaient des ailes, et les femmes, des cornes à la place des yeux ; puis les sexes divers se confondaient, et d’un millier d’êtres jaillissait un seul type avec une poitrine de vierge, une queue de serpent, des pattes de chien et un œil servant de bouche, d’oreilles humaines, de langue et de mains ; — et, le monstre disparu, naquirent des variétés infinies de bêtes épouvantables, toutes les horreurs de l’Apocalypse, tous les rêves obscènes d’un vieillard érotique.

(Dubut de Laforest, Morphine)

Mégalomanie

France, 1907 : « Paris n’est pas seulement le paradis des femmes, c’est aussi l’Eldorado de toute cette flibuste d’outre-monts et d’outre-mer, qui, lasse de végéter chez elle dans an prolétariat famélique et sans gloire, y vient, sous des noms ronflants et avec des titres de contrebande, exploiter notre incurable mégalomanie.
Faux comtes roumains et romains, faux princes polonais, faux grands d’Espagne, faux ducs de Scandinavie, faux landgraves de Gérolstein, faux pachas d’Égypte, faux marquis du Brésil, faux commodores de l’Amérique du Sud, toutes les variétés du rastaquouérisme grouillent dans ce simili d’Hozier, comme, dans l’égout collecteur, tous les détritus de la capitale. »

(Émile Blavet)

Mégard

France, 1907 : Chef de bande ; argot des voleurs.

Mégère

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris dont on qualifie une femme colère, emportée et criarde.

Mégo

Rigaud, 1881 : Bout de cigare, bout de cigarette.

Des moutards de treize ans fumaient des mégots et salivaient.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Argent sur lequel on ne comptait pas, excédent de recette.

France, 1907 : Abréviation de mégohm, unité électrique ; terme employé depuis plusieurs années pour signifier électricité et même, par extension, toute la physique. C’est ainsi qu’on dit : « Nous allons à l’amphi de mégo. »

(Albert Lévy et G. Pinet, Argot de l’École polytechnique)

Mégo, mégot

France, 1907 : Bout de cigare.

… Les ramasseurs de bouts de cigares et de cigarettes, un des mille petits métiers des dessous parisiens. Dans le langage argotique, on les appelle les ramasseurs de mégos. Ces individus que l’on voit marcher le long des terrasses des cafés, le regard fixé à terre, forment une sorte de corporation assez étendue, dont le rendez-vous est à l’ancien « Drapeau Rouge ». C’est là que se fait la cote, la hausse et la baisse de la marchandise, selon que la récolte a été plus ou moins fructueuse.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Près des théâtres, dans les gares,
Entre les arpions des sergots,
C’est moi que j’cueill’ les bouts d’cigares,
Les culots d’pipe et les mégots.

(Jean Richepin)

Un colonel d’artillerie visite une poudrière. Il arrive devant la grille en fumant un superbe panatellas à peine entamé.
— On ne fume pas ! crie la sentinelle.
— Mais…
— On ne fume pas ! c’est la consigne !
— C’est bon, mon garçon, je vous félicite de votre zèle….
Le colonel jette le cigare et rentre.
Aussitôt, la sentinelle ramasse le mégot et le fume avec délices.

(La Nation)

Y a plus moyen d’écrire un mot
Sans voir rappliquer un sergot
Qui vous ramass’ comme un mégot,
C’est la consigne !

(Aristide Bruant)

Mégot

Merlin, 1888 : (?) Bout de cigare ou de cigarette.

La Rue, 1894 : Bout de cigare que ramasse le mégotier.

Rossignol, 1901 : Bout de cigarette ou cigare fumé.

Mégottier

Fustier, 1889 : Industriel oui ramasse les bouts de cigares, les mégots.

Là, sont réunis pêle-mêle des biffins… le mégottier avec son pistolet à la saind-homme.

(Réveil, 1882.)

France, 1907 : Ramasseur de bouts de cigares et de bouts de cigarettes.

Mégue (le grand)

Clémens, 1840 : Dieu, ou un chef quelconque.

Meilleur

d’Hautel, 1808 : Tirer ou boire du meilleur. Pour dire, tirer ou boire du meilleur vin.

Meilleure chose du monde (la)

Delvau, 1864 : La fouterie, qui est le plaisir des dieux et des déesses, des hommes et des femmes — l’excelsior de toutes les jouissances connues.

Comment, si c’est quelque chose de bon ! C’est la meilleure chose du monde !

Mililot.

Mélancolie

d’Hautel, 1808 : Il n’engendre pas de mélancolie. Se dit d’un homme qui vit joyeusement ; qui n’a point de soucis.
Le tombeau de la mélancolie. Le vin, les contes gaillards.

Mélasse

France, 1907 : Misère ; a pour synonymes en argot panade, limonade, purée.
Dans la mélasse on est englué ; dans la panade on est affadi ; dans la limonade, noyé.

Nous aut’s les républicains,
Nous somm’s d’un’ drôle d’famille,
Où les gens les plus malins
Pourraient pas r’trouver leur fille,
Mais moi jamais ça n’m’émeut
D’être né dans la mélasses ;
Tous les chiens sont pas d’bonn’ race :
On a les parents qu’on peut.

(Jules Célès)

Mélasse (être dans la)

Virmaître, 1894 : Dans la misère jusqu’au cou (Argot du peuple) V. Purée.

Mélasse (tomber dans la)

Rigaud, 1881 : Être sous le coup d’une catastrophe financière ; avoir fait de mauvaises affaires.

Mélasson

Fustier, 1889 : Niais, imbécile.

Faut-il que vous soyez mélasson pour vous être ainsi fourré la gueule dans le beurre I

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Maladroit, niais.

Mêlé

Larchey, 1865 : Mélange d’eau-de-vie et de cassis, ou moins souvent de toute autre liqueur.

Aimez-vous l’eau-de-vie ? Dame ! on vend ytout du mêlé.

Vadé, 1755.

Coquelin, des verres de mêlé pour ces dames.

1845, Privat d’Anglemont, le Prado.

Delvau, 1866 : s. m. Mélange d’eau-de-vie et de cassis, ou d’anisette et d’absinthe, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Mélange d’une liqueur forte et d’une liqueur douce. — Mêlé-cass, eau-de-vie et cassis mêlés, le nectar des déesses du cordon.

Mêlé cass.

Virmaître, 1894 : Mélange d’eau-de-vie et de cassis que les ouvriers boivent le matin sur le zinc pour tuer le ver. On dit dans le peuple :
— Faire ses dévotions à Notre-Dame de Mêlé-Cassis (Argot du peuple). N.

Mêlé-cass

France, 1907 : Abréviation de mêlé-cassis, mélange de cassis et d’eau-de-vie. On dit aussi simplement mêlé.

Dame ! on vend itout du mêlé ;
En voulez-vous, Monsieur l’enflée ?

(Vadé)

Si vous racontez, d’aventure, à quelqu’un de ces mondains qui s’ennuient sans répit parce qu’ils veulent s’amuser sans cesse, comment un ouvrier, l’autre soir, s’est oublié à la guinguette ; comment un paysan, pour s’être grisé dimanche dernier à la fête votive, n’a pas pu travailler lundi, ah ! ah ! mes bons amis, vous entendez alors de la belle musique ! Comprenez-vous ces brutes, des maçons ou des laboureurs, qui ont fait la grande fête ! — En vérité, le peuple empiète ! Le mêlé-cass insulte la veuve Cliquot !…. Où en sommes-nous, bon Dieu ! si le canon sur le zinc fait concurrence à la fine seringue que le petit Chose porte dans son étui à cigares et le petit Machin dans le talon de ses bottes !

Mêlé-casse

Rossignol, 1901 : Eau-de-vie mêlée de cassis.

Mêler

d’Hautel, 1808 : Mêler les cartes. Pour dire, embrouiller une affaire.
Un marchand mêlé. Intrigant ; homme qui fait plusieurs métiers, ou qui est versé dans diverses sciences.
Un Jean qui se mêle tout. Un homme qui fait le bon valet, qui se charge de toutes les affaires.
Avoir les dents mêlées. Être ivre.
Mêlez-vous de filer votre quenouille. Se dit aux femmes qui veulent prendre part aux affaires des hommes.

Mêler ses sabots

France, 1907 : Coucher avec une femme ou une fille. Expression normande.

Melet

Halbert, 1849 : Petit.

Virmaître, 1894 : Petit, petite (Argot des voleurs).

France, 1907 : Petit, étiolé, mince, chétif ; argot de voleurs.

Melet, te

Delvau, 1866 : adj. Petit, petite, — dans l’argot des voleurs.

Melette

Halbert, 1849 : Petite.

Méli-mélo

Delvau, 1866 : s. m. Confusion, mélange chaotique, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression au propre et au figuré.

France, 1907 : Confusion.

Mélinite

France, 1907 : Fille de joie.

Hier, en rentrant chez elle, la plantureuse mélinite trouva dans ses escaliers six jeunes potaches armés jusqu’aux dents.
— Être ou ne pas être… Nous aimer ou mourir ! s’écrièrent en chœur les six collégiens, en braquant sur Edwige leurs six revolvers.

(Gil Blas)

Mélisse

d’Hautel, 1808 : Eau de mélisse. On dit vulgairement de l’eau de milice.

Mélo

France, 1907 : Abréviation de mélodrame.

Mélo, c’est un mélo, un mélodrame pour tout de bon, soigneusement cuisiné, avec les ingrédients fameux de cette sorte de ratatouille : guet-apens et assassinat. suppression d’enfants, innocent injustement accusé et même guillotiné, justiciers improvisés se substituant à la justice humaine impuissante, et ne tardant pas à atteindre les meurtriers triomphants, et ne manquant pas de réhabiliter la mémoire de la victime…
C’est un mélo sans tambour ni trompette bourré de vertueuses ingénues, de fieffés coquins, d’adjurations et de prières, comme une oie de marrons. On y voit un homme généreux qui se promène à travers ces dix tableaux, distribuant en passants les billets de mille dont son portefeuille est garni. On y voit une fieffée coquine, la femme de ce petit manteau bleu, tramant avec une bande de sacripants le meurtre de son mari et la suppression de la petite Mionne, sa propre fille, Messieurs, jadis exposée à la charité publique et recueillie par un brave diable de saltimbanque…

(Henry Bauer, Écho de Paris)

Melon

d’Hautel, 1808 : Il est aussi difficile de trouver un bon melon qu’une bonne femme. L’un et l’autre cependant ne sont point introuvables.

Larchey, 1865 : Niais, élève de première année à l’École de Saint-Cyr.

Vous êtes si melons à Châtellerault.

Labiche.

Qui viennent me brimer, moi, malheureux melon.

Souvenirs de Saint-Cyr.

On dit aussi cantaloup.

Ah ça ! d’où sort-il, ce cantaloup ? Sur quelle couche monsieur son papa l’a-t-il récolté, ce jeune légume ?

Ricard.

Delvau, 1866 : s. m. Élève de première année, — dans l’argot des Saint-Cyriens.

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, nigaud. Cette injure, — quoique le melon soit une chose exquise, — a trois mille ans de bouteille, et son parfum est le même aujourd’hui que du temps d’Homère : « Thersite se moquant des Grecs, dit Francisque Michel, les appelle πέπονες. » Il y a longtemps, en effet, que l’homme, « ce Dieu tombé », ne se souvient plus des cieux, puisqu’il y a longtemps que la moitié de l’humanité méprise et conspue l’autre moitié.

Rigaud, 1881 : Nouveau venu, élève de première année à l’école de Saint-Cyr.

En ma qualité de melon, j’avais reçu, comme ennemi, un nombre prodigieux de coups de traversin sur la tête.

(Vicomte Richard, Les Femmes des autres)

Rigaud, 1881 : Chapeau rond et bas de forme, à la mode en 1880. Pareil aux phares à éclipse, le melon paraît, disparaît et reparaît, suivant les caprices de la mode.

Merlin, 1888 : Jeune sous-lieutenant de l’école.

Fustier, 1889 : On appelle ainsi au prytanée militaire tout élève faisant partie du troisième bataillon.

C’est au troisième bataillon des élèves, c’est-à-dire au bataillon des melons que l’agitation est très grande.

(Revue alsacienne, juillet 1887.)

(V. Melon au Dictionnaire.)

La Rue, 1894 : Imbécile. Élève de première année à Saint-Cyr.

France, 1907 : Nigaud. Nouveau, élève de première année dans l’argot de Saint-Cyr et du Prytané militaire de la Flèche. Ce sobriquet viendrait de ce que jadis les nouveaux saint-cyriens entraient à l’école le jour de la Saint-Mellon, 22 octobre.

Connaissez-vous une spirituelle caricature de Draner, dans laquelle un saint-cyrien imberbe, un vrai melon, murmure mélancoliquement, en cirant ses bottes maculées de boue :
— Avoir cent mille livres de rentes, descendre des croisades et cirer ses bottes ! Enfn, papa m’a dit : Noblesse oblige !

(René Maizeroy, Souvenirs d’un saint-cyrien)

Fanatisez à l’exercice
Devant l’ancien qui vous instruit,
Sans quoi la salle de police,
Melons, vous attend cette nuit.

(Vieille chanson de Saint-Cyr)

France, 1907 : Chapeau à fond bombé.

Après avoir examiné des pieds à la tête Chrétien, qui, malgré la misère, était encore assez proprement mis :
— Mince de frusques ! dit Mahurel. Un complet, un melon, du linge… T’as donc un héritage ? Paies-tu un verre ?…

(François Coppée, Le Coupable)

Melonner

France, 1907 : Tromper. Traiter quelqu’un en melon, c’est-à-dire en dupe, en imbécile.

Ce que m’inspirent les prospectus, les réclames, les annonces, les discours d’apparat, les professions de foi, ce n’est pas tant le goût de ceux qui les font, que le mépris de ceux qui les croient. Comment, braves gens ! vous avez été melonnés vingt fois ; vous avez donné dans tous les panneaux ; vous avez perdu votre argent ; vous avez risqué le pain de vos enfants dans une foule de combinaisons soit honnêtes, soit déshonnêtes, et vous n’êtes pas satisfaits ? Vous avez vu

Melton

France, 1907 : Drap fort et uni, tissu en Angleterre.

Membre (le)

Delvau, 1864 : Sous-entendu viril. Le grand outil générateur, que nous faisons travailler comme un cheval et que les femmes adorent comme un dieu.

Jouis-tu, cochon ? Ah ! le beau membre !

Lemercier de Neuville.

On voit, sous les feuilles de vignes
Que leur impose la pudeur,
S’agiter de gros membres dignes
d’admiration — ou d’horreur.

Anonyme.

Monseigneur le vit, ou madame la pine — Outre ces deux noms, ce noble personnage, qui veut chaque jour être fêté, possède plus de prénoms qu’il n’en faudrait pour refaire le calendrier… républicain. Je cite les principaux :

L’acteur, l’affaire, les agréments naturels, l’aiguille, l’aiguillon, l’aiguillette, l’andouille, l’arbalète, l’ardillon, l’aspergès, l’asticot, la baguette, le balancier, le bâton à un bout, le bâton de sucre de pomme, le bâton pastoral, le battant de cloche, la béquille du père Barnaba, le berlingot, la bibite, le bidet, le bijou, le bistouri, la bite, le bogue, le bonhomme, le bouchon, le boudin blanc, le bougeoir, la bougie, le bout de viande, le boute-feu, le boutejoie, la boutique, le boyau, la braguette, le bracquemard, le bras, la briche, la broche, le broque, la burette, le canon à pisser, la carotte, le cas, le carafon d’orgeat, le cavesson, cela, ce qu’on porte, la chair, le chalumeau, le champignon, la chandelle, la chanterelle, la charrue, la chenille, la cheville d’Adam, la cheville ouvrière, le chibre, le chiffe, le Chinois, le chose, le cierge, la cigarette, la clé, le clou, la cognée, le cognoir, le coin, la colonne, le compagnon fidèle, la corde sensible, le cordon de saint François, le cornichon, la couenne, la courte, le criquet, le dard, le dardillon, le degré de longitude, le devant, le doigt du milieu, le doigt qui n’a pas d’ongle, dom ou frère Frappart, le dressoir, le drôle, l’écoutillon, l’engin, l’épée, l’étendard d’amour, le fils, le flacon d’eau-de-vie, le flageolet, la flèche, la flûte à un trou, le fourrier de nature, la gogotte, la grosse corde, le goujon, le goupillon, la guigui, la guiguitte, la haire, le hanneton, l’herbe qui croit dans la main, l’histoire, le honteux, Jacques, la jambe, Jean Jeudi, Jean Chouart, la laboureur de nature, la lance, la lancette, le lard, la lavette, la limace, le machin, le Mahomet, le manche du gigot, la marchandise, le mirliton, le mistigouri, le moineau, le moineau, la navette, le nerf, le nœud, l’obélisque, le onzième doigt, l’os à moelle, l’outil, l’ouvrier de nature, le paf, le panais, le pénis, le pondiloche, le perroquet, la petite flûte, le petit frère, le petit voltigeur, la pierre à casser les œufs, la pierre de touche, le pieu, le pignon, le pis, la pissottière, le poinçon, la pointe, le poireau, la potence, le poupignon, Priape, la quéquette, la queue, le robinet de l’âme, Rubis-Cabochon, la sangsue, saint Agathon, saint Pierre, le salsifis, la sentinelle, la seringue, le sifflet, le sous-préfet, le sucre d’orge, le trépignoir, la triquebille, la troisième jambe, le tube, la verge, la viande crue, etc. etc.

Membre de la caravane

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme de mœurs douteuses, — dans l’argot du peuple, qui emploie une périphrase pour dire camelu.

France, 1907 : Fille publique. Euphémisme pour chameau.

Membrer

France, 1907 : Travailler, faire l’exercice.

Poussant éternellement devant eux une brouette qu’ils avaient soin de laisser éternellement vide, s’arrêtant pour contempler les camarades qui membraient.

(Georges Courteline)

Membru

d’Hautel, 1808 : Qui a de gros membres ; homme grand, fort et vigoureux.

Même (mettre a)

Larchey, 1865 : Tromper. V. Emblème. — On dit aussi Faire au même, Refaire au même.

Même tabac

France, 1907 : Même chose, synonyme de kif-kif.

À Saint-Denis, même tabac : la jeunesse s’est fendue d’une chouette manifestance devant le buste de la République ; quand les patriotes bourgeois ont eu fermé leur égout à paroles et cessé de célébrer en phrases macaroniques la prise de la Bastille, un riche fieu s’est fendu d’un discours démoucheté que le populo a applaudi.

(Le Père Peinard)

Memento, homo, quia pulvis es

France, 1907 : « Souviens-toi, homme, que tu es poussière. » Paroles que prononce le prêtre en frottant le front des fidèles avec un peu de cendre, le mercredi des Cendres.

Mémoire

d’Hautel, 1808 : Un mémoire ďapothicaire. Mémoire ou les prix sont exagérés, trop forcés ; où les articles sont embrouillés de manière à ce qu’on n’y puisse rien connoître.

d’Hautel, 1808 : Quand on n’a pas de mémoire, il faut avoir de bonnes jambes. Signifie que quand on a oublié quelque chose, il ne faut pas être paresseux pour l’aller rechercher.
Il a la mémoire d’un lièvre, il la perd en courant. Se dit d’un étourdi, d’un écervelé.
Il a la mémoire courte. Se dit par plaisanterie de quelqu’un qui manque à ses promesses ou qui ne paie pas à l’époque qu’il a donnée.

Menaces

d’Hautel, 1808 : Tes menaces et rien c’est la même chose. Pour dire à quelqu’un qu’on se moque de ce qu’il dit ; qu’on ne redoute pas sa colère.
Tel menace qui tremble. Signifie que celui qui menace a souvent plus peur que celui qu’il cherche à intimider.

Ménage

d’Hautel, 1808 : Un ménage de bouts de chandelles. Épargne sordide ; fausse économie des petites choses.
Un ménage gâté. Se dit d’un méchant homme marié à une mauvaise femme.
Brouille-ménage, gâte-ménage. Celui qui met le désordre entre deux époux.
Vivre de ménage. Pour dire, vendre ses meubles, ses effets pour manger.
Remuer le ménage de quelqu’un. Saisir, vendre ses meubles par autorité de justice.

Ménage (faire le)

Rigaud, 1881 : Mêler les dominos quand la pose est à l’adversaire.

Ménage à la colle

Fustier, 1889 : V.Delvau : Mariage à la détrempe.

Les commissaires iront-ils vérifier le désintéressement de 60,000 ménages à la colle qui se cachent dans les faubourgs ?

(Télégraphe, 1882.)

Ménage à la colle, à la détrempe

France, 1907 : Cohabitation d’un couple non marié, concubinage.

Ménager la chèvre et le chou

France, 1907 : Ne donner tort à personne, afin de ne pas se faire d’ennemis.
Voici, en même temps qu’un exemple, une façon originale de ménager la chèvre et le chou :

Une dévote, un jour, dans une église,
Offrit un cierge au bienheureux Michel,
Et l’autre au diable. « Oh ! oh ! quelle méprise !
Mais c’est le diable. Y pensez-vous ! ô ciel !
— Laissez, dit-elle, il ne m’importe guères,
Il faut toujours penser à l’avenir.
On ne sait pas ce qu’on peut devenir,
Et les amis sont partout nécessaires.

Ménagère

d’Hautel, 1808 : Ma ménagère. Pour dire ma femme, mon épouse.

Ménagier

France, 1907 : Recueil de recettes, de conseils relatifs à la bonne direction d’une maison. Il y avait autrefois dans chaque famille un ménagier que la maîtresse de céans consultait religieusement et faisait lire à ses filles.

On retrouvait, il n’y a pas longtemps, un document précieux, au point de vue de l’histoire des mœurs. C’était ce que nos ancêtres eussent appelé un ménagier, un recueil de conseils intimes, relatifs à la bonne direction de la maison, un manuel de morale, un traité de civilité. Cette compilation résumait les idées courantes, les principes reçus ; elle entrait dans les moindres détails de la vie quotidienne.

(Paul Ginisty)

Mendacem oportet esse memorem

France, 1907 : Locution latine tirée des Mimes du poète Publius Syrus, que Corneille à traduite par ce vers du Menteur :

Il faut bonne mémoire, après qu’on a menti.

Mendiant

France, 1907 : Fourneau. Il demande sans cesse à être alimenté.

Mendiant à la lettre

France, 1907 : Tout de mendiants se disent journalistes qu’on ne saurait être étonné qu’un journaliste ait la fantaisie de se dire mendiant. Toutefois, ce n’est pas pour se donner les émotions neuves de la mendicité que notre élégant confrère Hugues Le Roux, coiffé pour la circonstance d’un feutre roussi, vêtu d’un long paletot dit « cache-misère », découvrant du linge douteux, la barbe inculte, la moustache tombante, est allé sonner aux portes dans diverses maisons du quartier Marbeuf. L’ingénieux chroniqueur voulait savoir, par expérience personnelle, combien peut recueillir dans sa matinée un mendiant à la lettre, c’est-à-dire un mendiant qui, muni d’une lettre de demande et de quelques recommandations plus ou moins authentiques, vient solliciter la charité à domicile.
Hugues Le Roux (nous dit Paul Foucher à qui nous empruntons l’amusant récit de cette odyssée) a gravi quelques étages et a rapporté de son expédition douze francs et un vieux pantalon. Inutile d’ajouter qu’il a envoyé l’argent à une bonne œuvre (celle de l’Enfance abandonnée) et qu’il est néanmoins prêt à le rendre de sa poche aux donataires, si ceux-ci en manifestaient le désir. Quant au pantalon, il paraît qu’il a trouvé un locataire.

Cette expérience démontre que le métier de mendiant à la lettre peut rapporter à celui qui l’exerce habilement les vingt-cinq francs par jour d’un député. Elle démontre aussi que nous ouvrons notre bourse avec trop de facilité et que c’est un peu notre faute si les mendiants volent les pauvres.

(Les Annales politiques et littéraires)

Mendigo

La Rue, 1894 : Mendiant.

France, 1907 : Mendiant ; faux pauvre.

Cette classe importante compte une foule de types : la fausse veuve avec enfants, le faux martyr politique, le mendiant à domicile, le faux épileptique, le faux ouvrier sans travail, le faux mari dont la femme se meurt faute d’argent pour un remède, etc., etc.

(Rabasse)

Quant à l’ouvrier sans travail, dont la femme pleure au logis, dont les gosses crèvent la famine, et qui bat le pavé en quête d’un labeur qui semble le fuir, gare à lui s’il s’assied un quart d’heure sur un banc pour reprendre haleine, gare à lui, surtout, s’il est mal vêtu. « À Nanterre, mendigo ! »

(La Révolte)

Faignant, lui ! Lui, lâche ! Infamie !
Un soir, on rafla son amie.
Emballée ! Ouste ! À Saint-Lago !
Ainsi tombé dans la mélasse,
Qu’auriez-vous fait, vous, à sa place ?
Lui, sans honte, il fut mendigo.
Oui, dans sa débine complète,
Pour qu’elle eût un peu de galette,
Quelques maigres douceurs là-bas,
Lui, se grimant en cul-de-jatte,
Il tendit bravement la patte
Aux sous qu’on ne lui donna pas.

(Jean Richepin)

iens, qu’est-c’ que c’est donc que c’gros moine
Qui rigole sous son capuchon ?…
J’suis bêt’… c’est l’fameux saint Antoine ;
Je le r’connais à son cochon !
Et c’vieux mendigo qui s délabre ?
Pour sûr, il ignor’ l’emploi d’l’eau !
Ce doit êtr’ ce pouilleux d’saint Labre,
Va donc prendre un bain, eh ! salop !

Mendigo, mendigoteu

Rigaud, 1881 : Mendiant. — J’aime pas les mendigos qui pissent des châssis tout le temps : est-ce qu’il y a pas du turbin pour tout le monde ? — Mendigotage, mendicité.

Mendigot

Fustier, 1889 : « Le mendigot n’est pas tout à fait le mendiant. Le mendigot est une sous-variété du trimadeur.il va mendier dans les châteaux ou dans les maisons aisées et renseigne les Monteurs de coups. »

(Clairon, 1882.)

Virmaître, 1894 : Mendiant. D’un petit mendiant on dit qu’il mendigotte. Mendigot, changement de finale (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mendiant.

Hayard, 1907 : Mendiant.

Mendigote

France, 1907 : Mendiante.

Cette vieille mendigote, qui n’avait jamais aimé rien autre sur terre que l’argent, ne s’était-elle pas avisée de s’intéresser à la jeune fille… Elle la cajolait, elle la traitait avec douceur… elle pleurnichait même en lui parlant, en la regardant… Elle prétendait qu’elle lui rappelait une fille qu’elle avait eue dans le temps et qui avait disparu.

(Edmond Lepelletier)

D’aucunes sont assassinées par un voyou — juste châtiment de quiconque a chouriné la pitié dans le cœur des crédules, tordu le cou aux illusions des simples, rendu les bons, mauvais, et les mauvais, pires !
Plaigne qui voudra ces fins tragiques ! Moi, j’y demeure insensible et suppute seulement le bien que les mendigotes ont empêché de faire. Que de pauvres diables, que d’infortunées ont dû crever de faim et de douleur parce que la compassion de celui qui leur serait venu en aide avait été tarie misérablement par ces créatures !
Oh ! ce mot, dit justement, hélas : « On ne me refait pas deux fois ! » — ce qu’il a tué de gens !

(Jacqueline, Gil Blas)

Mendigoter

Rigaud, 1881 : Mendier, — dans le jargon des voleurs. La variante est : Simonner.

Rossignol, 1901 : Mendier.

Mené (une)

M.D., 1844 : Une douzaine.

Menée

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Douzaine. Une menée de ronds, douze sous.

Halbert, 1849 : Douzaine.

Delvau, 1866 : s. f. Douzaine, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Douzaine. — Une menée de ronds, une douzaine de sous, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Douzaine.

Virmaître, 1894 : Une douzaine.
— Nous étions une menée pour ratiboiser le goncier ; pas mèche d’en venir à bout, c’était un rude lapin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Douzaine. Une menée d’ornichons, une douzaine de poulets ; une menée d’avergots, une douzaine d’œufs ; une menée de ronds, une douzaine de sous (argot du temps de Cartouche).

Menée (une)

Hayard, 1907 : Une douzaine.

Menée d’avergots

anon., 1827 : Douzaine d’œufs.

Bras-de-Fer, 1829 : Douzaine d’œufs.

Halbert, 1849 : Douzaine d’œufs.

Menée de ronds

anon., 1827 : Douze sous.

Bras-de-Fer, 1829 : Douze sous.

Halbert, 1849 : Douzaine de sous.

Mener

d’Hautel, 1808 : Mener tambour battant. Traiter quelqu’un sans ménagement ; ne pas lui donner le temps de se reconnoître dans une affaire.
Il se laisse mener par le bout du nez. Se dit d’un homme sans caractère, qui se laisse aller à toutes les volontés des autres.
C’est un aveugle qui en mène un autre. Se dit d’un homme sans esprit et sans jugement, qui se mêle de conduire un autre homme.
Mener le branle ou la bande. Mettre tout le monde en train ; donner l’exemple.
Mener bien sa barque. Être prudent en affaire ; être heureux dans ses spéculations.
Mener quelqu’un par la lisière. S’en rendre absolument maître ; le diriger entièrement.
Mener. Pour se moquer, faire aller, promener quelqu’un.
Mener beau bruit, mener grand bruit. Pour, faire tapage, faire fracas.

Mener douce et joyeuse (la)

Rigaud, 1881 : Mener une joyeuse existence.

Eh bien ! mes petits agneaux, il paraît qu’on la mène douce et joyeuse, ici.

(Dumanoir et A. d’Ennery, Les Drames du cabaret)

Mener en bateau

Rossignol, 1901 : Faire une promesse à quelqu’un, le faire patienter, aller et venir, sans jamais tenir parole, est le mener en bateau (le faire aller).

Mener grand bruit, grand train

France, 1907 : Très vieille locution. Mener, dont l’orthographe était mainer, signifiait produire, du latin manare.

Mener large (n’en pas)

Delvau, 1866 : Avoir peur, se faire humble et petit, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Être mal à l’aise, avoir des appréhensions ; « serrer les fesses », dit Ch. Virmaître.

— Ah ! fit-elle, tu as meilleure figure ! Et, tiens ! veux-tu savoir ? moi aussi, ça va mieux… Tu n’as rien remarqué, tout à l’heure, dehors ? Je n’en menais pas large. Dieu de Dieu ! qu’on est malheureux et qu’on a du noir, des fois ! On a beau avoir perdu le droit d’être gaie ou triste, ça remue tout de même de penser que v’là encore une année qui s’amène, hein ? et qu’y a rien pour vous dire un mot… Va, je te comprends…

(Alexandre Hepp)

Une fois la fumée dissipée, on verra une vingtaine d’assistants sur le flanc, foudroyés du coup ou n’en menant pas large.

(Paul Alexis, Cri du Peuple)

Mener les poules pisser

Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot du peuple, d’un homme qui s’amuse aux menus soins du ménage et porte le jupon au lieu de porter la culotte. L’expression date du XVIIe siècle. Dans un ballet de la cour de Gaston, duc d’Orléans, on voit Jocrisse qui mène les poules pisser. Jocrisse est là le type du genre.

France, 1907 : Se dit d’un benêt qui s’occupe des menus soins du ménage. Une vieille pièce montre Jocrisse, le type du genre, menant pisser les poules.

Mener par le bout du nez

Delvau, 1866 : v. a. Faire ce qu’on veut d’une femme, quand on est homme, d’un homme quand on est femme. Se laisser mener par le bout du nez. Être d’une faiblesse extrême, faire la volonté des autres et non la sienne propre.

Mener par un chemin ou il n’y a pas de pierres

France, 1907 : Faire marcher quelqu’un rapidement, le contraindre à une obéissance prompte, sans qu’il puisse résister, comme si on le poussait dans un chemin où nulle pierre, nul obstacle ne gêne la marche.

Mener pas large (n’en)

Virmaître, 1894 : Être fort mal à son aise. Mot à mot : serrer les fesses ou n’être pas dans ses petits papiers. Le condamné qui va être exécuté n’en mène pas large (Argot du peuple).

Mener pisser

Delvau, 1866 : v. a. Forcer un homme à se battre en duel. Argot des troupiers. On ne le mène pas pisser ! Une phrase de l’argot du peuple, qui emploie pour indiquer le caractère d’un nomme qui ne fait que ce qu’il veut, et non ce que les autres veulent. Elle se trouve dans Restif de La Bretonne.

Rigaud, 1881 : Pousser quelqu’un à se battre en duel, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Forcer un homme à se battre en duel. On sait quel effet produit la peur sur la vessie. Henri IV déclarait bravement qu’avant chaque bataille il pissait dans ses chausses.

Menesse

M.D., 1844 : Ma femme.

un détenu, 1846 : Femme.

Delvau, 1864 : Femelle de l’homme en général — et, en particulier, de l’homme sans préjugés qu’on appelle maquereau.

En ai-je t’y reçu, de l’argent des menesses ! Oh ! là là !…

Lemercier de Neuville.

Rigaud, 1881 : Prostituée, — dans l’ancien argot. — Femme à voleurs. — Gredine à la fleur de l’âge. — Fille de maison, — dans le jargon des troupiers.

Merlin, 1888 : Femme, maîtresse, catin, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Prostituée. Fille ou femme de voleur.

Virmaître, 1894 : Femme (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Femme. Probablement du grec mènès, mois, lune, soit à cause des pertes mensuelles de la femme, soit à cause de son postérieur appelée lune, à moins que menesse ne vienne de l’allemand mensch, coureuse d’hommes.

Ménesse

Clémens, 1840 : Fille, ou femme de voleur.

Halbert, 1849 : Maîtresse.

Larchey, 1865 : Femme, maîtresse (Dict. d’Argot, 1844).

Hayard, 1907 : Femme.

Menesses

Delvau, 1866 : s. f. pl. Filles de maison, — dans l’argot des soldats.

Menestre

Halbert, 1849 : Soupe.

Delvau, 1866 : s. f. Soupe, potage, — dans l’argot des voleurs et des honnêtes gens.

Mon docteur de menestre en sa mine altérée,
Avoit deux fois autant de mains que Briarée,

dit Mathurin Régnier, en sa satire du Souper ridicule.

L’ingrat époux lui fit tâter
D’une menestre empoisonnée,

dit Scarron, en sa satire contre Baron.

France, 1907 : Soupe ; de l’italien menestra.

L’ingrat époux lui fit tâter
D’une nenestre empoisonnée.

(Scarron)

Ménestre

Merlin, 1888 : Soupe, de l’italien ministra.

Ménétrier

d’Hautel, 1808 : Il ressemble au ménétrier, il vient en voiture et s’en retourne à pied. Se dit d’un homme qui se fait conduire en voiture dans un lieu, et qui s’en retourne à pied.
Il est comme le ménétrier du village, il n’a pire logis que le sien.

Menette

d’Hautel, 1808 : Une sœur menette. Sobriquet que l’on donne aux fausses dévotes, aux hypocrites qui affichent de la dévotion.

Meneur, meneur en bateau

Rigaud, 1881 : Les voleurs désignent sous ce nom tout accusé qui cherche à égarer l’action de la justice, en l’entraînant sur une fausse piste. C’est un moyen de gagner du temps.

Meneuse

Fustier, 1889 : Femme qui attire le passant dans une rue écartée pour le livrer à des travailleurs qui le volent toujours et l’assassinent quelquefois.

France, 1907 : Prostituée qui attire les passants dans un endroit désert où des souteneurs les dévalisent.

Meneux de loups

France, 1907 : On appelle ainsi dans nombre de campagnes de pauvres diables qui passent pour sorciers et qui jouissent de la faculté de fasciner les loups, de s’en faire suivre aux cérémonies nocturnes et diaboliques qui se passent au fond des forêts. Le meneux de loup est très redouté des vieilles paysannes Ils ont le pouvoir de se changer en loups-garous !

Meneux de poules pisser

France, 1907 : Sot, naïf, crédule. Provincialisme.

Menfoutiste

Fustier, 1889 : Indifférent, sceptique. La paternité de ce mot qui a jusqu’ici vécu appartient à M. Aurélien Scholl.

Le grand parti des menfoutistes fait chaque jour de nouvelles recrues. L’indifférence a gangrené tous les cœurs.

(Événement, 1884.)

De menfoutiste est dérivé menfoutisme, synonyme d’indifférence, de scepticisme.

Le menfoutisme a soufflé aujourd’hui sur toutes les conventions, sur tous les partis sociaux, sur toutes les illusions, sur toutes les croyances.

(Événement, 1884.)

Il parut en cette même année 1884 au mois de janvier un canard qui avait pour titre : Le Jemenfoutiste.

France, 1907 : Abréviation de je-m’enfoutiste. Voir ce mot.

Il y a beaucoup de partis en France ; mais celui qui tend à devenir le plus nombreux, c’est le parti des nimportequistes, autrement dit des zutistes, autrement dit des menfoutistes.

(Scaramouche)

Mengin

Delvau, 1866 : s. m. Charlatan politique et littéraire. Encore un nom d’homme devenu un type applicable à beaucoup d’hommes.

France, 1907 : Charlatan ; du nom d’un célèbre charlatan qui vivait sous le second empire, et devenu de type du faiseur de boniments, spirituel et railleur. Il vendait des crayons dorés, du haut d’un somptueux équipage, portant avec lui tout un orchestre. Coiffé d’un casque, vêtu d’une houppelande à ramages, il savait en moins de rien réunir la foule et la retenir par ses amusantes facéties. Avec ses crayons qu’il vendait en grande quantité, il donnait un jeton doré ressemblant à un louis et sur lequel, outre son effigie étaient inscrits ces vers :

Dans ce portrait frappant que chacun examine,
Reconnaissez Mengin et sa barbe aux flots d’or ;
Mais c’est en vain qu’ici chacun vante sa mine,
Celle de ses crayons vaut beaucoup mieux.

Le fait est que ses crayons ressemblaient à la plupart des crayons sans l’enveloppe dorée ; il les tallait avec un sabre et effritait une planche en feignant de taper dessus avec un maillet. Un morceau de ver était naturellement, en ce cas, substitué an crayon. On l’écrit à tort Mangin.

Quand j’dis qu’je l’vends, c’est z’un’ figure,
Entre nous, on n’me l’prend jamais.
Vrai, ya déjà longtemps qu’i’ dure ;
Pourtant, i’ n’est pas pus mauvais
Qu’un aut’, mais ya z’un’ concurrence !!
C’est à qui qui s’ra l’pus filou…
C’qu’i yen a des Mangin en France…
Moi, j’vends mon crayon pour un sou.

(Aristide Bruant)

Menil, mesnil

France, 1907 : Demeure, habitation. Vieux mot, du roman mansile.

Ménilmuche

France, 1907 : Ménilmontant ; argot parisien.

Menin

Delvau, 1864 : Fouteur, — garçon d’honneur qui doit partager vos jeu — et vos joies, Mesdames. — Ce mot vient de l’espagnol menino, jeune page.

La petite comtesse, à côté du prélat, lui serrait de temps en temps la main par-dessous la nappe, pour lui faire comprendre combien elle le préférait pour menin à son peu naturel ami.

(Le Diable au corps.)

Menotte

d’Hautel, 1808 : Diminutif de main ; nom qu’on donne aux mains des petits enfans.

France, 1907 : Main, surtout petite main, le contraire du battoir. On disait autrefois mainettes.

Dans les maisons où il n’y a pas de chef, c’est une bonne à tout faire qui tient la queue de la poêle. On la surveille un peu parce qu’il faut bien occuper son temps, mais quant à mettre soi-même la main à la pâte, on craindrait d’abimer cette menotte qui, cependant, ne tient sa distinction que de l’anémie.

(Jacqueline, Gil Blas)

Menottes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Mains, — dans l’argot des enfants, des mères et des amoureux. On disait mainettes au temps jadis, comme le prouvent ces vers de Coquillart :

Tousjours un tas de petits ris,
Un tas de petites sornettes.
Tant de petits charivaris,
Tant de petites façonnettes,
Petits gants, petites mainettes.
Petite bouche à barbeter…

Menouille

Rigaud, 1881 : Argent ; monnaie.

Le samedi, quand on déballe la menouille de la paye sur la table.

(Le Sublime.)

La Rue, 1894 : Monnaie.

Virmaître, 1894 : Monnaie (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Monnaie.

France, 1907 : Monnaie.

Mens agitat molem

France, 1907 : « ’esprit meut la matière. » Dicton tiré de l’Énéide de Virgile.

Le poète, riche de ses illusions, n’est jamais seul dans la nature. Pour lui, le mens agitat molem, l’esprit animant la matière, est pris au sérieux.

(Le Pelletier de la Sarthe)

Mens divinior

France, 1907 : Le souffle divin. Expression latine tirée d’une satire d’Horace. C’est l’étincelle sacrée du poète.

Mens sana in corpore sano

France, 1907 : « Âme saine dans un corps sain. » Sain de corps et d’esprit ; expression latine tirée de Juvénal et devenue le précepte de l’école de Salerne.

Mensale

France, 1907 : Ligne qui traverse le milieu de la paume de la main, en chiromancie.

Mensonge

d’Hautel, 1808 : Un puant mensonge. Pour, un mensonge grossier et évident.
Tout songe est mensonge. Signifie qu’il ne faut pas ajouter foi à ce que les rêves présagent.

Mensonge cotonneux

Delvau, 1864 : Tétons d’ouate que les femmes maigres substituent aux tétons de chair qu’elles n’ont pas.

Il dévoilera les mensonges cotonneux de madame.

Théophile Gautier.

Mentant

France, 1907 : Témoin qui dépose d’après ce qu’il a entendu dire ; patois méridional.

Menterie

France, 1907 : Mensonge. Provincialisme.

Menteur

d’Hautel, 1808 : Menteur comme un arracheur de dents. Voy. Arracheur.
Menteur d’hiver. Celui qui, par cérémonie, dit n’avoir pas froid, quand il est transi, et qui refuse de s’approcher du feu.

Menteuse

anon., 1827 : Langue.

Clémens, 1840 : Langue.

Halbert, 1849 : Langue.

Delvau, 1866 : s. f. La langue, — dans l’argot des voleurs, dont M. de Talleyrand s’est fait le plagiaire prolixe en disant : « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. » Les voleurs anglais ont la même expression ; ils appellent la langue prating cheat (la trompeuse qui bavarde, ou la bavarde qui ment).

Rigaud, 1881 : Langue. Les voleurs font souvent acte de diplomatie.

La Rue, 1894 : Langue.

Virmaître, 1894 : Langue. On dit par opposition d’une langue d’animal :
— Allons manger une langue qui n’a jamais menti.
Parce qu’elle ne parle pas (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Langue.

Hayard, 1907 : Langue.

Menteuse (la)

M.D., 1844 : La langue.

France, 1907 : La langue, appelée aussi la battante, le chiffon rouge, la diligence de Rome, la rouscaillante.

Mentibule

d’Hautel, 1808 : Pour dire, mâchoire.

Mentir

d’Hautel, 1808 : Il n’enrage pas pour mentir. Voy. Enrager.

d’Hautel, 1808 : À beau mentir qui vient de loin. Se dit des personnes qui, au retour de leurs voyages, racontent des choses invraisemblables, parce qu’il est difficile de les convaincre de fausseté.
Faire mentir le proverbe. Faire quelque chose contre la routine et l’opinion du vulgaire.
Il en a menti par sa gorge. Manière affirmative de dire à quelqu’un qu’il en a menti.

Menton

d’Hautel, 1808 : Un menton de galoche. Un menton long et recourbé.
Lever le menton. Se vanter, s’enorgueillir, se glorifier ; faire le fat, le fanfaron.
Il est table jusqu’au menton, comme les enfans de bonne maison. Voy. Maison.

Menton (s’en mettre ou s’en fourrer jusqu’au)

France, 1907 :

Que ce soit poule ou caneton,
Perdreaux truffés ou miroton,
Barbue ou hachis de mouton,
Pâté de veau froid ou de thon,
Nids d’hirondelles de Canton,
Ou gousse d’ail sur un croûton,
Pain bis, galette ou panaton,
Fromage à la pie ou stilton,
Cidre ou pale-ale de Burton,
Vin de Brie ou branne-mouton,
Pedro-jimenès ou corton,
Chez Lucullus ou chez Caton,
Avalant tout comme un glouton,
Je m’en mettrai jusqu’au menton,
Sans laisser un seul rogaton
Pour la desserte au marmiton.

(Th. Gautier, Épître à Garnier)

Menton de galoche

Delvau, 1866 : s. m. Long, pointu et recourbé comme celui de Polichinelle. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Menton qui avance comme celui du classique Polichinelle. On dit de celui ou de celle qui possède un menton semblable qu’il fait carnaval avec son nez (Argot du peuple).

Mentule

Delvau, 1864 : Mot purement latin (mentula) signifiant le membre viril.

En tirant sa mentule en l’air, les compissa.

Rabelais.

On voyait une fourbe de filles qui semblait tirer a qui mieux mieux une mentule grosse et longue à proportion.

(Le Synode nocturne des tribades.)

Je n’eusse, hélas ! enduré tant de maux
Comme j’ai fuit, qui or comme animaux
Rongent le frein de ma triste mentule.

(Cabinet satyrique.)

Menuaille

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; amas, rassemblement de petites choses et de peu de valeur.

Menuisière

Delvau, 1866 : s. f. Redingote longue, très longue, trop longue, comme les affectionnent les ouvriers, pour prouver qu’ils ne ménagent pas plus le drap que les bourgeois. Argot des rapins.

Rigaud, 1881 : Redingote de l’ouvrier endimanché.

France, 1907 : Longue redingote.

Menzingue

un détenu, 1846 : Marchand de vin.

Mépris

d’Hautel, 1808 : Trop de familiarité engendre le mépris. Signifie qu’il ne faut pas laisser prendre de familiarité à ses inférieurs, parce que souvent ils en abusent.

Mépriser

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas mépriser la marchandise. Locution des boutiquiers de Paris, pour dire que quand on ne veut pas de la marchandise qu’ils montrent, il ne faut pas la dépriser.

Méquard

Larchey, 1865 : Commandant. — Méquer : Commander. — De mec : maître.

Delvau, 1866 : s. m. Commandant, mec, dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Maître. — Méquer, commander ; dérivés de mec.

Virmaître, 1894 : Commandant d’une bande de voleurs (Argot des voleurs).

France, 1907 : Augmentatif de mec, chef de bande.

Méquer

Delvau, 1866 : v. a. Commander.

France, 1907 : Commander ; de meq, meg, chef.

Méquillon

Fustier, 1889 : Variété de souteneur.

France, 1907 : Jeune souteneur.

Mer

d’Hautel, 1808 : C’est la mer à boire. Pour dire qu’une affaire, qu’une entreprise offre de grandes difficultés ; qu’elle présente de grands obstacles pour son exécution ; qu’un ouvrage est ennuyeux, ou que l’on n’en peut venir à bout ; qu’il traîne en longueur.
On dit aussi dans le sens opposé. Ce n’est pas la mer à boire. Pour dire qu’on vaincra les difficultés quelles qu’elles soient.
Il avaleroit la mer et les poissons. Se dit d’un affamé, d’un grand mangeur ; d’un homme qui a une grande altération.
Salé comme mer. Se dit d’un ragoût, d’une sauce, d’un mets quelconque qui est très-salé.
C’est une goutte d’eau dans la mer. Pour exprimer que les secours que l’on reçoit dans un grand denûment, sont trop foibles pour vous tirer d’embarras.
Porter de l’eau à la mer. Faire des présens à des gens plus riches que soi ; porter une chose dans un lieu où elle abonde.
Labourer le rivage de la mer. Se donner des peines inutiles.
Voguer en pleine mer. Avoir des affaires bien établies ; être en chemin de faire fortune.
Qui craint le danger.ne doit point aller en mer. Pour dire que lorsqu’on est peureux, il nef aut pas s’exposer dans une affaire dangereuse.

Delvau, 1866 : s. f. Le fond du théâtre, quel que soit le décor. Argot des coulisses. Aller voir la mer. Remonter la scène jusqu’au dernier plan.

Rigaud, 1881 : Décor du fond, au théâtre.

Mer à boire (c’est la)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — de toute chose ennuyeuse ou difficile à faire ; et, — dans l’argot des bourgeois — de toute affaire qui traîne en longueur et ne peut aboutir. Ce n’est pas la mer à boire. Se dit, au contraire, de toute chose facile à faire, de toute entreprise qu’on peut aisément mener à bonne fin.

Mérangoises

France, 1907 : Dévoiement d’estomac causé par un excès de nourriture ou de boissons. Provincialisme qu’on n’entend plus guère que dans quelques campagnes de l’Orléanais. On trouve dans le dictionnaire de Ménage l’étymologie de ce mot qui viendrait d’un certain Des Méranges, ministre de la religion réformée, qui, arrivé de Genève à Orléans en 1559, et étant monté en chaire après de trop copieuses libations, vomit sur son auditoire. De là faire méranges, pour dégobiller, dit Ménage, d’où mérangoises, vomissure. Cependant, ce qui contredirait l’origine rapportée par Ménage, c’est que l’on trouve dans le Glossaire de la langue romane de Roquefort : « Mérange, marance, maranche, peine, douleur, affliction, ennui. »

Mercadet

Larchey, 1865 : Faiseur. V. ce mot.

Delvau, 1866 : s. m. Nom d’un personnage de Balzac qui est devenu celui de tous les brasseurs d’affaires véreuses, de tous les pêcheurs de goujons en eau trouble.

France, 1907 : Tripoteur d’affaires, agioteur adroit, banquier véreux. C’est le nom d’un personnage de Balzac dont d’Ennery arrangea une pièce, Mercadet le faiseur, jouée au Gymnase le 9 septembre 1851. Les mercadets deviennent de plus en plus nombreux de nos jours ; ils encombrent le Sénat, la Chambre. On les trouve partout.

Mercandier

Delvau, 1866 : s. m. Boucher qui ne trafique que sur les viandes de qualité inférieure.

Rigaud, 1881 : Boucher qui vend de la basse viande, de la camelotte en fait de viande.

Hayard, 1907 : Marchand.

Mercanette

France, 1907 : Sarcelle.

Mercanti

Rigaud, 1881 : Marchand, — dans le jargon des soldats retour d’Afrique.

France, 1907 : Trafiquant, marchand. Terme de mépris.

Je réclamerai plus que jamais la flétrissure de tous les mercantis de la politique, et ces gens-là sont, du reste, au premier rang des opportunistes et autres, qui nous ont condamnés, dans l’espoir de se débarrasser de nous, parce que nous gênions leur petit commerce…

(Henri Rochefort)

— Pas vu ma femme ! s’écria le mercanti, mais alors où est-elle ? Ah ! la garce, elle ne m’en fait pas d’autres. Elle a emporté avec elle un jambon première qualité et des conserves que je vous destinais, Messieurs, et que j’ai pris soin d’empaqueter moi-même ; je parie que la coquine a filé avec les turcos. Oui, Messieurs, à part ce vin, elle a tout raflé et, tel que vous me voyez, je n’ai pas mangé depuis hier.

(Hector France, Sous le Burnous)

Merce

Virmaître, 1894 : Pour merci (Argot des voleurs).

France, 1907 : Merci ; argot des voleurs.

Mercenaire de l’immobilité

Delvau, 1866 : s. m. Modèle, — dans l’argot des rapins.

France, 1907 : Modèle d’atelier de peintre.

Mercerie

d’Hautel, 1808 : Il a plu sur sa mercerie. Pour dire que le commerce, les affaires de quelqu’un vont mal, qu’elles sont en mauvais état.

Mercerie (il a plu sur sa)

Rigaud, 1881 : Ses affaires vont mal, il est sur le point de faire faillite. (Le Roux, Dict. comique.) Peu usitée à Paris, l’expression est encore très répandue dans la Province et principalement en Picardie.

France, 1907 : Se dit d’une femme qui a perdu ses appas.

Merci

d’Hautel, 1808 : Merci de ma vie. Manière de parler propre aux femmes de basse condition, lorsqu’elles sont en colère.
Voilà le grand merci que j’en reçois. Se dit d’une personne ingrate ; équivaut à voila la reconnoissance qu’elle témoigne de tout ce que j’ai fait pour elle.

Mercier

d’Hautel, 1808 : Il tueroit un mercier pour un peigne. Se dit, d’un homme qui est sujet à la colère, et qui s’emporte pour peu de choses.
À petit mercier, petit panier. Signifie, qu’il faut régler ses dépenses sur le gain de son travail ; ne pas dépenser plus qu’on gagne.
Au jour du jugement chacun sera mercier, chacun portera son panier. Pour dire, que chacun répondra personnellement de ses fautes.

Mercuriale

d’Hautel, 1808 : Donner une mercuriale à quelqu’un. Pour dire, le réprimander vivement.

Mercuriale (faire ou recevoir une)

France, 1907 : Faire ou recevoir des reproches où des remontrances.
On donnait le nom de mercuriales à des assemblées du parlement dans lesquelles les officiers royaux devaient rendre compte de leurs actes, et le président requérait le châtiment ou le blâme contre ceux qui avaient abusé de leurs fonctions. Ces assemblées se tenaient toujours un mercredi (jour de Mercure) et, d’après l’ordonnance de Villers-Cotterets (1539), devaient avoir lieu chaque trimestre ; mais il n’y en eut plus tard que tous les six mois, le premier mercredi après Pâques et après la Saint-Martin, et enfin une fois par an, à la rentrée des tribunaux. Le discours prononcé s’appelait mercuriale.
Avant François Ier, Charles VIII en 1493 et Louis XII en 1498 avaient déjà fait chacun un édit au sujet de ces assemblées.
Ménage, que Molière ridiculisa sous le nom de Vadius dans les Femmes savantes, tenait tous les mercredis des réunions qu’il nommait ses mercuriales et où l’on faisait de la critique littéraire. La mercuriale des marchés, registre où les maires des communes inscrivent la hausse ou la baisse des prix des grains, des foins, etc., tire également son nom des assemblées du parlement, car on s’y occupait aussi de la question du prix des denrées.

Merdaille

d’Hautel, 1808 : Troupe de petits enfans, de petits polissons.

Delvau, 1866 : s. f. Troupe importune de petits enfants.

France, 1907 : Troupe d’enfants sales et déguenillés. « Une tapageuse merdaille sortait de l’école des frères. »

Merdaillerie

France, 1907 : Tas de gens importuns et sans valeur.

Merdaillon

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux, que l’on donne à un jeune homme qui fait important, à un bambin ridicule.

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans conséquence, méprisable, poltron. Argot du peuple. On dit aussi Merdeux.

Virmaître, 1894 : Moins que rien, une sous-merde (Argot du peuple). V. Avorton.

France, 1907 : Enfant malpropre, ou simplement gamin ; s’écrit merdayon dans le patois jurassien.

C’est d’abord une bande de petits merdaillons du Palais : une brochette de gratte-papiers de la baraque s’étaient associés avec un avocat et un chicanous pour faire cracher les types à qui les jugeurs cherchaient pouille, plus ou moins mal à propos.

(Le Père Peinard)

Merde

d’Hautel, 1808 : De la merde à Marie-Gaillard, ou du prince d’Orange. Les écoliers apellent ainsi une espèce de mélasse, que les épiciers vendent en cornet, et dont ils sont très-friands.
Merde. Mot ignoble et grossier, dont le bas-peuple se sert dans un sens négatif ; pour dire qu’ou ne se soumettra pas à une chose que l’on exige.
Plus on remue la merde plus elle pue. Signifie qu’il ne faut pas approfondir une matière dégoûtante, une affaire déshonnête.
Aux cochons la merde ne pue pas. Pour dire que l’on peut parler de choses sales, devant les personnes malpropres, ou d’une condition vile.
Un maître de merde, un auteur de merde. Expression basse et injurieuse, pour dire qu’on ne fait nil cas de son maître, d’un auteur, d’une personne quelconque.
On dit ignoblement, et par mépris, d’un homme brusque et grossier, d’un butord, qu’il est poli comme une poignée de merde.

Larchey, 1865 : « Mot ignoble et grossier dont le bas peuple se sert dans un sens négatif. » — d’Hautel, 1808. — V. Cambronne.Merde : Homme mou, sans consistance. — Merde alors ! Exclamation destinée à peindre une situation critique, un accident funeste. Elle peut se traduire ainsi : Alors, voici le moment de crier merde.

Delvau, 1866 : s. f. Homme sans consistance, sur lequel il n’y a pas moyen de compter dans les circonstances graves.

Rigaud, 1881 : Personne faible de caractère.

Rigaud, 1881 : Le fond de la langue française parlée par le peuple des faubourgs qui a toujours ce mot plein la bouche.

Rigaud, 1881 : Exclamation qui sert à désigner le nec plus ultra de l’indignation ou de la colère, ou du découragement. (Voir les Misérables de V. Hugo.)

Virmaître, 1894 : À bout d’argument, dans le peuple, on dit :
— Merde, est-ce français ?
C’est-à-dire : Me comprends-tu ?
Ce à quoi on répond :
— Goûtes tes paroles.
— Tu peux te retourner et te mettre à table.
— S’il pleuvait de la merde et que chacun en ait suivant son grade, t’en aurais un rude paquet, car tu es le colonel des imbéciles (Argot du peuple). N.

Merde !

Delvau, 1866 : Exclamation énergique dont Cambronne ne s’est servi qu’une fois, le 18 juin 1815, et dont le peuple se sert tous les jours, — dix fois plutôt qu’une. Ah ! merde alors ! Exclamation qui n’échappe que dans les situations critiques, fatales, comme, par exemple, lorsqu’on perd au jeu, lorsqu’on casse sa pipe, etc.

Merde (avoir chié les trois quarts de sa)

Rigaud, 1881 : Être vieux et usé, avoir perdu à jamais la santé, être très malade. — Eh ! dis donc, ma vieille, comme t’es décati ! on dirait que t’as chié les trois quarts de ta merde.

Merde (ça ne vaut pas une)

Rigaud, 1881 : Ça ne vaut rien du tout ; c’est au-dessous de tout ce qu’on peut imaginer. — Au Salon, combien de tableaux ne valent pas une merde !

Merde (faire sa)

Rigaud, 1881 : Se montrer hautain, faire le fendant, prendre de grands airs.

France, 1907 : Faire l’important, le fier.

Merde (peint avec de la)

Rigaud, 1881 : Mal peint, mauvaise application des couleurs, — dans le jargon des peintres. — Je ne sais pas où diable il va chercher ses couleurs, cet animal-là, c’est peint avec de la merde.

Merde (se fondre en)

Rigaud, 1881 : Faire de fréquentes visites aux lieux d’aisances, avoir le dévoiement. — dans le jargon du peuple. — Ben sur que si ça continue, je vas me fondre en merde.

Merde d’oie (couleur)

France, 1907 : Jaune et vert.

Merde de chien

France, 1907 : Personne ou chose de peu de valeur. « Certains de nos représentants à l’étranger sont de la merde de chien. »

Merde de chien (c’est de la)

Rigaud, 1881 : C’est exécrable, très mauvais.

Merde de pie

Fustier, 1889 : Pièce de cinquante centimes. Argot du bagne.

Un blavin ! Tu me le redemanderas demain pour une merde de pie.

(Humbert : Mon bagne.)

France, 1907 : Pièce de dix sous ; argot du bagne.

Merde du diable

France, 1907 : Assa fœtida, à cause de son odeur.

Merderie

d’Hautel, 1808 : Ce sont des merderies. Pour ce sont des choses frivoles, de mauvaises raisons.
On dit aussi faire des merderies. Pour, se montrer poltron dans une affaire, après avoir fait le fanfaron.

Merdeux

d’Hautel, 1808 : Ce n’est qu’un petit merdeux. Terme injurieux qui se dit d’un poltron, d’un fat sans esprit, sans talent ; et d’un fanfaron qui n’a que du babil.
Il sent son cas merdeux. Pour, il est dans son tort ; ses affaires sont mauvaises.
Il est comme un bâton merdeux, on ne sait par où le prendre. Se dit d’un homme qui a l’humeur acariâtre et revêche, qui brusque tous ceux qui s’adressent à lui.

Larchey, 1865 : « Terme injurieux qui se dit d’un poltron, d’un fat sans esprit. » — 1808, d’Hautel. — « Bâton merdeux : Homme qui brusque tous ceux qui s’adressent à lui. » — Id.

Merdeux (bâton)

Delvau, 1866 : s. m. Homme d’un caractère inégal, fantasque, ombrageux, désagréable, qu’on ne sait par quel bout prendre pour lui parler et le faire agir.

Merdivore

France, 1907 : Mangeur de merde. Certains insectes sont merdivores.

Mère

d’Hautel, 1808 : La mère. Terme familier et d’amitié, dont on se sert en parlant à une femme âgée et de basse condition.
C’est le ventre de ma mère, je n’y retourne plus. Se dit lorsqu’on s’est tiré d’une affaire où l’on s’étoit imprudemment engagé ; d’un lieu où l’on a couru quelque danger, et où l’on ne veut plus retourner.
Sa mère n’en fait plus. Se dit par raillerie d’un homme qui prend des soins affectés et minutieux de sa personne.
Il veut apprendre à sa mère à faire des enfans. Signifie il veut apprendre à qui en sait plus que lui.
Des contes de la mère l’Oye. Pour dire des contes en l’air, des contes de vieille.
On l’a renvoyée chez sa grand’mère. Se dit d’une personne qui fait une demande indiscrète et que l’on envoie promener.

France, 1907 : Dépôt acide d’un tonneau de vinaigre que l’on emploie dans les ménages, par l’addition répétée du vin pour entretenir la provision acidulée. On appelle aussi de ce nom toute substance propre à provoquer la fermentation.

Mère à tous

Rigaud, 1881 : Vieille courtisane, — dans le jargon des filles.

Mère abbesse

Delvau, 1864 : Maîtresse d’un couvent de s’offre-à-tous : — Maquerelle.

Sortez vite et rentrez souvent,
Le jour baisse,
Servez votre abbesse ;
Mes filles, malgré pluie ou vent,
En avant, pour l’honneur du couvent.

Béranger.

France, 1907 : Maîtresse de lupanar.

Mère au bleu

Delvau, 1866 : s. f. La guillotine, — dans l’argot des voleurs, qui veulent faire croire aux autres que c’est le chemin du ciel, sans le croire eux-mêmes.

Virmaître, 1894 : La guillotine. Les voleurs veulent faire croire que c’est le chemin du ciel. A. D. Pas du tout, c’est parce que le condamné n’y voit que du bleu (Argot des voleurs).

France, 1907 : Guillotine.

Mère aux anges

France, 1907 : Femme qui recueille les enfants abandonnés par leurs parents, et les dresse à la mendicité.

Mère d’actrice

Delvau, 1864 : Vieille femme que louent les jeunes femmes de théâtre pour éloigner d’elles les galants — qui ne sont pas assez riches.

Mère d’occase

Rigaud, 1881 : Pseudo-mère d’actrice. Mère de fille galante qui fait la cuisine, cire les bottes et débat les prix.

Mère d’occasion

Delvau, 1866 : s. f. Chaperon que se choisit une actrice jeune qui veut se faire respecter — des gens pauvres. C’est ordinairement une vieille drôlesse chevronnée par le vice.

Dont le menton fleurit et dont le nez trognonne,

et dont la principale fonction consiste à conclure les marchés avec les nobles étrangers attirés autour de sa fille — adoptive — comme les papillons autour d’une lampe.

Virmaître, 1894 : Les mendiantes louent à des industriels du quartier Mouffetard des petits enfants qu’elles traînent dans les rues pour exciter la charité publique. Ces enfants changent chaque jour de mère ; de là mère d’occasion ou de rencontre (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Mendiante qui loue de petits enfants pour les traîner avec elle dans les rues afin d’exciter la pitié.

Mère de petite fille

France, 1907 : Bouteille de vin.

Mère des compagnons

France, 1907 : Aubergiste qui reçoit les ouvriers appartenant à certains métiers, et leur procure le gite et le couvert jusqu’à ce qu’ils aient trouvé de l’ouvrage.

Mère l’oie (contes de la)

France, 1907 : Contes pour amuser les enfants.

Mère-abbesse

Delvau, 1866 : s. f. Grosse femme qui tient un pensionnat de demoiselles — indignes d’orner leur corsage du bouquet de fleurs d’oranger traditionnel. L’expression se trouve dans Restif de la Bretonne.

Merifflauté

Halbert, 1849 : Chaudement vêtu.

Meringue (en)

La Rue, 1894 : En décomposition.

Mérinos

Delvau, 1866 : s. m. Personne qui a l’haleine forte, — dans l’argot des faubouriens, qui se plaisent aux calembours.

France, 1907 : Personne dont l’haleine laisse à désirer sous le rapport de la fraîcheur et de la pureté, enfin qui pue comme un bouc.

Mérinos (manger du)

France, 1907 : Jouer au billard : allusion aux accrocs.

Mériter

d’Hautel, 1808 : Il ne mérite pas de vivre. Se dit par indignation d’un homme qui n’a aucune vertu sociale, qui est avare, égoïste et méchant.

Merlade

France, 1907 : Nichée de merles.

Merlan

d’Hautel, 1808 : Un merlan à frire. Sobriquet que l’on donne à un perruquier, à cause de la poudre qui couvre ordinairement ses habits.

Larchey, 1865 : « Sobriquet donné à un perruquier à cause de la poudre qui couvre ordinairement ses habits. » — d’Hautel, 1808.

La Peyronie est chef de perruquiers qu’on appelle merlans parce qu’ils sont blancs.

Journal de Barbier, 1744.

Delvau, 1866 : s. m. Coiffeur, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l’invention de la poudre à poudrer, parce qu’alors les perruquiers étaient toujours enfarinés comme prêts à mettre en la poêle à frire. Le Journal de Barbier en fait mention, ce qui lui donne plus d’un siècle de circulation.

Rigaud, 1881 : Surnom donné autrefois à celui qui s’appelle aujourd’hui « artiste en cheveux ».

La Rue, 1894 : Perruquier.

Virmaître, 1894 : Coiffeur perruquier. Quand le perruquier met de la poudre de riz à son client, il l’enfarine comme le merlan avant d’être mis dans la poêle à frire (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Perruquier, coiffeur.

Hayard, 1907 : Coiffeur.

France, 1907 : Coiffeur, perruquier. Ce sobriquet date de l’époque où la mode était de porter des perruques poudrées. Les perruquiers, constamment occupés à poudrer les têtes, se trouvaient enfarinés comme des merlans que l’on va frire.

M. Edmond, le coiffeur de Madame, sollicitait chaque matin l’honneur de renouveler les raies de Mademoiselle : Madeleine acceptait volontiers. Alors, le perfide merlan crêpait, embrouillait, démêlait et remêlait à plaisir l’épaisse chevelure de la jeune fille, afin d’avoir tout le temps possible de lui débuter des sornettes…

(Jules Noriac, Le Grain de sable)

Et donc, je tire mon chapeau
À ces bonnes têtes de canne,
Mais auparavant, dans leur peau,
Que l’immortalité boucane,
Un dernier coup de sarbacane !
À ces bribes, dont le merlan,
Quand ils se font coiffer, ricane,
Je veux offrir leur jour de l’An.

Merlan (rouler des yeux de merlan frit)

Virmaître, 1894 : Homme langoureux et timide qui, n’osant adresser la parole à une femme, la regarde en roulant des yeux (Argot du peuple). N.

Merlan frit (œil de)

France, 1907 : Œil pâmé comme celui d’un amant en extase devant sa maîtresse.

Merlan frit (yeux de)

Rigaud, 1881 : Jeu de prunelles qui entrent en pâmoison et montrent le blanc des yeux.

Merlander

France, 1907 : Coiffer.

Merle

d’Hautel, 1808 : Un fin merle. Un rusé, un homme adroit, un fripon.
Si vous faites cela, je vous donnerai un merle blanc. Se dit pour exprimer qu’on ne croit pas qu’une chose puisse se faire.
Un dénicheur de merles. Un hâbleur.

France, 1907 : Nom d’oiseau employé comme épithète injurieuse précédé généralement de vilain ou de beau. « C’est un beau merle que mon mari ! » Un merle blanc est la chose introuvable, mais si l’on veut voir de vilains merles jacasser comme des pies, il faut aller dans les réunions publiques. Un dénicheur de merles est un gaillard habile à se procurer ce dont il a besoin, et quand il ne trouve pas, faute de grives, il doit se contenter de merles.

France, 1907 : Mot qui, dans la bouche des gens polis, remplace celui de Cambronne.

Sur la plage, entre deux vieilles gardes :
— Vois-tu, ma chère, les jeunes gens d’aujourd’hui sont bien mal élevés. Ainsi le petit Arthur, je l’adore, n’est-ce pas ? et c’est le cas de dire pour ses beaux yeux. Eh bien, l’autre soir, je lui demandais de me dire des noms d’oiseaux : il m’a répondu : Merle.

Merlifiche

La Rue, 1894 : Saltimbanque. Vagabond.

France, 1907 : Saltimbanque ; corruption du vieux mot merlifique, merveilleux.

Ah ! ah ! personn’ ne sait c’qu’il fiche
Depuis qu’il roul’ par les grands ch’mins.
Oh ! oh ! p’t’êt’ qu’il est merlifiche,
Va-trop d’chartier ou tend-la-main.

(Jean Richepin)

Merlin

Rigaud, 1881 : Jambe, — dans le jargon des charpentiers.

France, 1907 : Jambe ; allusion à la hache de ce nom.

Merlousier

Rigaud, 1881 : Malin ; rusé ; pour marlou, — dans l’ancien argot. Merlousière, fine commère.

France, 1907 : Rasé.

Merlusine

d’Hautel, 1808 : Faire des cris de merlusine. C’est-à-dire, des cris perçans ; et par extension, des beuglemens, des hurlemens affreux.

Merrain

d’Hautel, 1808 : Il y a du merrain dans cette maison. Pour dire, il y a du train, du tapage ; le désordre y règne.

Merriflauté

France, 1907 : Chaudement vêtu ; argot des voleurs.

Méruche

Delvau, 1866 : s. f. Poêle, — dans l’argot des voleurs. Méruchée. Poêlée. Méruchon. Poêlon.

France, 1907 : Poêle à frire.

Méruché

Halbert, 1849 : Poêle.

Méruchon

Halbert, 1849 : Poêlon.

France, 1907 : Poêlon.

Merveille

d’Hautel, 1808 : Voilà une grosse merveille. Se dit pour abaisser le mérite d’une action.
Promettre monts et merveilles. Faire de belles promesses, pour engager quelqu’un dans une affaire.
C’est une des sept merveilles du monde. Pour dire, que quelque chose est d’un mérite supérieur.

Merveilleux

France, 1907 : Surnom des ancêtres, sous le Directoire, de nos boudinés et gommeux actuels, ce qu’on appelait la jeunesse dorée et qui n’est plus que la jeunesse demi-dorée. Théophile Gautier a décrit ainsi le merveilleux :

À l’avant-scène se prélassait un jeune merveilleux, agitant avec nonchalance un binocle d’or émaillé. Un habit de coupe singulière. hardiment débraillé et doublé de velours, laissait voir un gilet d’une couleur éclatante et taillé en manière de pourpoint ; un pantalon noir collant dessinait exactement ses hanches : une chaine d’or pareille à un ordre de chevalerie chatoyait sur sa poitrine ; sa tête sortait immédiatement de sa cravate de satin sous le liséré blanc de rigueur à cette époque… Les cheveux rasés à la Henri III, la bouche en éventail, les sourcils troussés vers les tempes, la main longue et blanche, avec une large chevalière ornée à la gothique, rien n’y manquait.

Mésallier

d’Hautel, 1808 : N’a-t-il pas peur de se mésallier ? Se dit par ironie d’un homme qui dédaigne la compagnie de gens qui valent souvent mieux que lui.

Mesiere

M.D., 1844 : Monsieur.

Mésière

Halbert, 1849 : Un provincial, une victime.

Mésigo

France, 1907 : Moi. On dit aussi méière ou mézigue.

Mesoyage

France, 1907 : Petite culture à la bêche.

Mesquinerie

d’Hautel, 1808 : Ladrerie, économie sordide ; présent fait avec parcimonie et avarice.

Mess

Delvau, 1866 : s. m. Table où mangent en commun les officiers d’un même régiment. Encore un mot d’importation anglaise, à ce qu’il paraît : The Mess, dit le Dictionnaire de Spiers ; to mess, ajoute-t-il. C’est plutôt un mot que nous reprenons à nos voisins, qui pour le forger ont dû se servir, soit de notre Mense (mensa), qui a la même signification, soit de notre Messe (missa), où le prêtre sacrifie sous les espèces du pain et du vin.

Rigaud, 1881 : Le mess est un cercle militaire avec une réfection spécialement affectée aux officiers d’un même régiment.

Anatole, le garçon du mess, venait d’apporter la bougie et les cigares.

(Vicomte Richard, Les Femmes des autres)

Rigaud, 1881 : Agent de la sûreté. Abréviation de Messieu pour « monsieur ». Un de ces mess me lâche de la filature, un agent de la brigade de sûreté me suit.

France, 1907 : Pension des officiers d’un même corps. Le mot comme la chose vient d’outre-Manche. C’est Napoléon III qui, ayant vécu en Angleterre et frappé des avantages résultant pour les officiers d’un régiment d’une table commune, institua l’usage du mess dans sa garde. Le régiment des guides eut le premier mess et l’empereur donna 12,000 francs pour son argenterie. Déjà, pendant l’expédition de Crimée, les officiers des divers régiments s’étaient formés en mess à l’instar des officiers anglais. Mess, qui signifie en anglais plat, mets, gamelle, vient du latin missa, messe, repas.

Le mess à des avantages incontestables ; les conversations animées y font oublier les heures ; la confusion des grades y est complète et la camaraderie absolue : tel qui tient le dé de la conversation, qui parle de tout avec la liberté la plus complète, vient d’obéir et obéira demain, tout à l’heure, sans broncher, au supérieur qui le coudoie. Là, les hommes s’examinent, apprennent à se connaître, à s’apprécier ; ils se rapprochent selon les hasards des sympathies, sans distinction d’épaulette. Il règne dans les mess un certain laisser-aller qui entretient l’animation à table ; il y a les boute-en-train, ceux qui sont intarissables sur l’anecdote. On parle du métier, on raconte ses hauts faits, ses aventures de garnison. On rit des dangers connus et l’on fait des charges sur les choses de la guerre, souvent si tristes et que l’on croit mieux braver ainsi. À la suite de la malheureuse guerre de 1870, nos officiers ont senti la nécessité, non plus seulement de se nourrir et s’amuser, mais aussi de s’apprécier et de s’instruire. Presque partout, le cercle remplace ou plutôt complète le mess.

(Pierre Larousse)

Ces mess de la garde étaient supérieurement tenus et le service ne laissait rien à désirer. Les domestiques nombreux, pris parmi les hommes du régiment, portaient la livrée bleu de ciel à boutons d’or et, les jours de gala ou de réception, la culotte courte, les bas blancs et les souliers à boucles. À l’heure des repas, un domestique ouvrait à deux battants la porte conduisant à la salle à manger et le maître d’hôtel, très correct, en habit noir, s’avançant sur de seuil, annonçait à haute voix : « Le colonel et ces Messieurs sont servis. »

(Marcel de Baillehache, Souvenirs intimes d’un lancier de la garde impériale)

Mess (ces)

Rossignol, 1901 : Agents des mœurs ainsi nommes par les filles publiques.

Débinons-nous, voila ces mess.

Messager

d’Hautel, 1808 : Messager du diable. Homme qui apporte toujours de mauvaises nouvelles.
Il sent le pied de messager. Se dit d’un ruisseau qui exhale une odeur désagréable ; d’un fromage affiné.
On ne trouve jamais de meilleur messager que soi-même. Pour dire, que quand on veut savoir le vrai d’une affaire, il faut s’en informer soi-même.

Messaline (Valérie)

Delvau, 1864 : Impératrice romaine, deuxième femme de Claude. Célèbre par son impudicité et ses étonnantes débauches : la plus fameuse putain de son temps. Après avoir souillé la couche impériale, en y recevant des amants de toutes les conditions, elle osa, du vivant de son époux, épouser publiquement Silius, jeune homme qu’elle aimait éperdûment. Claude, à cette nouvelle, la fit mettre à mort avec tous ses complices, l’an 48 de J.-C. Juvénal, dans ses Satires, s’exprime ainsi, au sujet de cette grande impure :

Quand de Claude assoupi la nuit ferme les yeux,
D’un obscur vêtement sa femme enveloppée,
Seule, avec une esclave, et dans l’ombre échappée,
Préfère à ce palais tout plein de ses dieux,
Des plus viles Phrynés le repaire odieux.
Pour y mieux avilir le nom qu’elle profane,
Elle emprunte à dessein un nom de courtisane :
Son nom est Lisisca ; ces exécrables murs,
La lampe suspendue à ces dômes obscurs,
Des plus affreux plaisirs la trace encor récente,
Rien ne peut réprimer l’ardeur qui la tourmente.
Un lit dur et grossier charme plus ses regards
Que l’oreiller de pourpre où dorment les Césars.
Tous ceux que dans cet antre appelle la nuit sombre,
Du regard les invite et n’en craint pas te nombre.
Son sein nu, haletant, qu’attache un réseau d’or,
Les défie, en triomphe, et les défie encor.
C’est là que, dévouée à d’infâmes caresses,
Des muletiers de Rome épuisant les tendresses,
Noble Britannicus, sur un lit effronté,
Elle étale à leurs yeux les flancs qui t’ont porté.
L’aurore enfin paraît, et sa mine adultère
Des faveurs de la nuit réclame le salaire.
Elle quitte à regret ces immondes parvis,
Ses sens sont fatigués et non pas assouvis.
Elle rentre au palais, hideuse, échevelée.
Elle rentre, et l’odeur autour d’elle exhalée
Va, sous le dais sacré du lit des empereurs,
Révéler de la nuit les lubriques fureurs.

Messe (être à la)

Rigaud, 1881 : Arriver en retard à l’atelier, — dans l’argot des ouvriers.

Virmaître, 1894 : Quand un ouvrier arrive à l’atelier cinq minutes après la cloche, la porte est fermée, il perd un tiers ou une demie journée ; il va pendant ce temps boire des canons sur le zinc, l’autel des pochards ; le mastroquet officie. De là, aller à la messe (Argot du peuple).

France, 1907 : Arriver en retard à l’atelier.

Quand un ouvrier arrive à l’atelier cinq minutes après la cloche, la porte est fermée, il perd un tiers ou une demi-journée ; il va pendant ce temps boire des canons sur le zinc, l’autel des pochards ; le mastroquet officie. De là, aller à la messe.

(Ch. Virmaître)

Messe (fesser la)

Rigaud, 1881 : Dire la messe au galop, — dans le jargon des vieilles dévotes.

Messe du diable

Delvau, 1866 : s. f. Interrogatoire, — dans l’argot des voleurs, qui sont volontiers athées.

Rigaud, 1881 : Interrogatoire, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Interrogatoire du juge.

France, 1907 : Interrogatoire d’un accusé par le juge d’instruction.

Messes

d’Hautel, 1808 : Chanter des messes. Locution triviale et burlesque qui signifie boire fréquemment, faire un repos dans tous les cabarets.
Il ne faut pas se fier d’un homme qui entend deux messes. Pour, il faut se défier des hypocrites, des faux dévots.

Messie

d’Hautel, 1808 : Il est attendu comme le messie. Se dit d’un homme dont, on désire vivement la présence et qui se fait attendre long-temps.

Messier

France, 1907 : Agent de la sûreté ; on sait que le messier est une sorte de garde champêtre, qui surveillait les arbres fruitiers et les vignes avant qu’on ne fasse la récolte.

Messière

Clémens, 1840 : Honnête homme.

Delvau, 1866 : s. m. et f. Victime, — dans le même argot [du peuple]. Messière franc. Bourgeois. Messière de la haute. Homme comme il faut. Ne serait-ce pas le Messire du vieux temps ?

La Rue, 1894 : Monsieur. Dupe, victime. La messière, la police.

France, 1907 : Police.

France, 1907 : Monsieur, bourgeois ; corruption du vieux mot messer, seigneur.

J’enquill’ dans sa cambriole
Espérant de l’entiffer ;
Je rembroque au coin du rifle
Lonfa malura dondaine !
Un messière qui pionçait,
Lonfa malura dondé !

Messière franc

France, 1907 : Bourgeois, littéralement franc-bourgeois.

En faisant nos gambades,
Un grand messière franc
Voulant faire parade
Serre un bogue d’Orient.

Messière, mézière

Rigaud, 1881 : Dupe, imbécile. — Victime. Messière franc, bourgeois. — Messière de la haute, homme riche ou homme qui paraît riche.

Messières

Virmaître, 1894 : Victimes. Cet mot est très vieux ; il a été employé par Eugène Sue, à propos du personnage du Maître d’école, à qui la Chouette dit :
— Ma vieille fourline, attention, v’la les messières (Argot des voleurs).

Messire

d’Hautel, 1808 : Messire-Jean. Nom d’une espèce de poire que l’on appelle par corruption, mi-sergent.

Messire Luc

Delvau, 1864 : Le cul, — par anagramme. (Voir aussi noc et tiv.)

Delvau, 1866 : s. m. Anagramme facile à deviner, — dans l’argot des érudits amis de la scatologie.

France, 1907 : Anagramme de cul.

Mesure

d’Hautel, 1808 : Prendre la mesure d’un habit à quelqu’un. Se dit en plaisantant, pour lui caresser les épaules ; lui donner des coups de bâton.
Passer la mesure. Sortir des bornes de la bienséance et de l’honnêteté.
Il ne faut point avoir deux poids ni deux mesures. Pour, il faut en tout agir franchement, sans partialité, et d’une manière uniforme.
Il fait tout avec poids et mesure. Se dit d’un homme qui agit avec lenteur ; qui fait tout avec une précaution minutieuse.

Mesurer

d’Hautel, 1808 : À brebis tondue, Dieu mesure le vent. Voy. Brebis.
Mesurer son verre. Boire avec plaisir ; s’enivrer.
Mesurer des yeux. Juger de la distance ou de la grandeur d’un objet, par le moyen des yeux.
Mesurer quelqu’un des yeux. Le regarder avec fierté et hauteur ; le toiser depuis les pieds jusqu’à la tête.
Mesurer son épée avec quelqu’un. Pour, se battre avec lui.
Se mesurer avec quelqu’un. Pour dire, se battre.

Mesurer de l’avoine (pas fait pour)

France, 1907 : Expression populaire, employée comme critique d’une fille ou d’une femme qui repousse les amoureux. Ce n’est pourtant pas fait pour mesurer de l’avoine, dit-on en parlant du déduit d’amour.

Guérigny est un patelin de la Nièvre où les bigottes qui ne sont pas encore aussi racornies que des peaux de bique sont dans la désolation.
Elles avaient un curé qui, en compagnie de son vicaire et d’un ratichon ami, menait une vie de patachon. C’est foutre pas ces trois frocards qui ont contribué à la dépopulation de la France !
Ces corbeaux-là se payaient des noces à tout casser, — et ils n’oubliaient pas le sexe !
La supérieure du couvent, une vieille guenon, plus laide que les sept péchés capitaux, et chipie en diable, est allée casser du sucre à mossieu l’évêque.
Sur ce, le curé et le vicaire ont été fichus à la porte.
Mais, avant de prendre la poudre d’escampette, le ratichon est monté en chaire et s’est fendu d’un sermon gondolant :
« Mes très chers frères, qu’il a dégoisé, la supérieure, jalouse de ma popularité, m’a débiné parce que je ne fréquente pas les riches et que j’en pince pour les bonheurs terrestres. Dame, je crache pas dessus… on m’a dit que c’était pas fait pour mesurer de l’avoine, et j’ai voulu m’en rendre compte, malgré mes jupons… »

(Le Père Peinard)

Mésus

France, 1907 : Mauvais usage. Vieux mot.

Mésuser

d’Hautel, 1808 : Pour, abuser. Ce mot vieillit, et n’est plus de la bonne conversation.

Métal

Larchey, 1865 : Argent.

Et t’as pas de métal.

Ricard.

Delvau, 1866 : s. m. Argent, — dans l’argot du peuple, qui, sans s’en douter, se sert de la même expression qu’Horace : Metallis potior libertas (La liberté vaut tout l’or du monde).

Métaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. L’argent ; or, argent ou cuivre, — dans l’argot des francs-maçons.

Méthode Chevé

Delvau, 1866 : s. f. Manière de jouer au billard contraire à l’usage : y jouer avec une cuiller, avec les doigts, avec deux queues, etc. Argot des bohèmes. S’applique aussi au Bilboquet, quand on le prend par la boule et qu’on veut faire entrer le manche dedans.

Métier

d’Hautel, 1808 : Chacun son métier, les vaches sont bien gardées. Pour dire, que tout va bien quand chacun se mêle de sa besogne.
C’est un mauvais métier que celui qui ne nourrit pas son maître.
Il fait tous les métiers.
Se dit d’un intrigant, d’un fripon ; d’un homme qui n’a point d’état fixe.
Servir à quelqu’un un plat de son métier. Faire un tour de hardiesse, de fourberie ; on le dit aussi en bonne part, pour faire quelque chose avec délicatesse, d’une manière agréable et qui excite la surprise.
Le métier ne vaut plus rien depuis que tout le monde s’en mêle. Se dit en plaisantant d’une chose facile que tout le monde entreprend.
Elle fait le métier. Pour dire qu’une femme est prostituée, fait un commerce honteux.
Il en fait métier et marchandise. Pour dire qu’un homme a coutume de faire quelque chose ; qu’il en existe.
Gâte-métier. Sobriquet que l’on donne à un ouvrier qui travaille à bas prix ; à un marchand qui vend à bon compte.

Larchey, 1865 : Habileté d’exécution.

Vois toutes ces esquisses : il y a de la main, du métier ; mais où est la conception, où est l’idée ?

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : s. m. Habileté d’exécution, adresse de main, — dans l’argot des artistes. Avoir un métier d’enfer. Être d’une grande habileté.

Métier (le)

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Cousin, c’est pardieu la plus belle
Et qui entend mieux le métier,
Que femme qui soit au quartier.

J. Grevin.

Le métier d’amour en effet
Est une assez plaisante affaire ;
Ce métier-là plus on te fait,
Et moins on est propre à le faire.

Daceilly.

Et dans, cet amoureux métier,
De maître il devient écolier.

Parny.

Métier d’enfer (avoir un)

Rigaud, 1881 : Être très habile dans son métier, — en style d’artiste.

Métingue

France, 1907 : Réunion, assemblée. Francisation du mot anglais meeting, participe présent du verbe to meet, se réunir, s’assembler. On doit prononcer mitingue.

Saluez Sa Majesté ! Vous croyez être des démocrates, des citoyens d’une république, des hommes indépendants, des serfs émancipés, des révolutionnaires ayant brisé tout joug injuste, renversé toute barrière désagréable, secoué toute tyrannie pénible. Allons donc ! vous pourrez, dans les métingues, déclamer contre le capital, conspuer les chéquards, vouer aux gémonies, les maîtres chanteurs, les panamistes et les victimes de M. Dopffer, le Jeffreys français, vous n’en serez pas moins les respectueux sujets de Sa Majesté Préjugé, un monarque qui ne porte pas de numéro, car il est unique et éternel.

(Edmond Lepelletier)

J’suis républicain socialisse,
Compagnon, radical ultra,
Révolutionnaire, anarchisse,
Eq’cœtera… eq’cœtera…
Aussi, j’vas dans tous les métingues,
Jamais je n’rate un’ réunion,
Et j’pass’ mon temps chez les mann’zingues
Oùsqu’on prêch’ la révolution.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Métiver

France, 1907 : Moissonner.

Métivier

France, 1907 : Ouvrier des champs, journalier qui se loue pour la saison des travaux. Vieux mot, du latin messis, moisson.

Mètre (chevalier du)

France, 1907 : Commis de nouveauté.

Mets des dieux

France, 1907 : C’est ainsi que Néron appelait en riant les champignons, faisant allusion à ceux que sa mère Agrippine fit servir à l’empereur Claude, qui mourut après en avoir mangé. Or, comme les empereurs romans étaient, après leur mort, honorés de l’apothéose, le plat qui avait tué Claude et l’avait mis dans l’Olympe au rang des immortels était, suivant Néron, un mets divin. La vengeance était aussi un mets des dieux.

Mettre

d’Hautel, 1808 : Mettre les petits plats dans les grands. Se dit pour exprimer l’empressement que l’on met à recevoir quelqu’un.
Mets ça dans ta poche. Locution ironique qui se dit à quelqu’un qui s’est attiré des paroles pi quantes ou quelque mauvais traitement.
Mettre la charrue devant les bœufs. V. Bœuf.
Mettre son nez partout. Se mêler mal-à-propos, et par indiscrétion, de ce qui ne vous concerne pas, comme font ordinairement les curieux et les indiscrets.
Mettre le cœur au ventre, ou le feu sous le ventre. Voyez Feu.
Se mettre sur la friperie de quelqu’un. Signifie se mettre sur le compte de quelqu’un ; le maltraiter en actions et en paroles.
Se mettre sur son propre. S’endimancher, s’approprier.
Il a mis le doigt dessus. Pour, il a deviné juste.
Mettre tout en capilotade. N’épargner personne dans ses médisances, dans ses bavardages ; mettre tout en pièces.
Se mettre sur son quant à moi. Faire entendre par des paroles vaniteuses qu’on est au-dessus des gens qui vous entourent.
Se mettre en quatre pour quelqu’un. Lui rendre des services importans ; faire tout au monde pour l’obliger.
Mettre le pied clans la vigne du Seigneur. Pour, boire à excès, s’enivrer.
Mettre quelqu’un ou quelque chose au rang des oublis. Pour, perdre absolument le souvenir d’une promesse que l’on a faite à quelqu’un ; oublier totalement ce dont on s’étoit chargé.
Il ressemble aux chaudronniers, il met la pièce à côté du trou. Se dit de quelqu’un qui applique un remède à côté du mal, qui se méprend sur l’emploi de quelque chose.
Se mettre à la gueule du loup. Courir un grand danger, en voulant en éviter un petit ; se fier à un fourbe, à un hypocrite.
Mettre la main à la pâte. Mettre la main à l’œuvre ; se mêler des plus petits détails d’un ouvrage.
Mettre en presse. Emprunter, mettre en gage.
Mettre à quia. Pousser à bout, mettre à l’extrémité, réduire une personne à ne savoir que devenir.
Mettre in pace. Mettre en terre, inhumer ; emprisonner, enfermer.
Mettre les voiles au vent. Pour dire, se décharger le ventre ; faire ses besoins naturels.
Mettre quelqu’un en jeu. Le citer, le mêler sans son aveu dans une affaire.
Mettre les pieds dans tous les souliers. Essayer de tout ; se mêler dans toutes les affaires.

Mettre (le)

Delvau, 1864 : Introduire son membre dans la nature d’une femme.

Réveille-toi, petite gueuse ; je veux te le mettre encore une fois au moins.

La Popelinière.

Notre héros se forma vite…
Le mit-il, ou le lui mit-on ?
N’y eut pas d’affront.

Al. Pothey

Adam voulut le mettre :
Eve le sentit mettre.
Viens, bande-à-l’aise,
Vite, mets-le-moi.

Collé.

France, 1907 : Mot libre, pour chevaucher, se divertir avec une femme. Ce mot est équivoque et malicieux, car une personne laisse-t-elle tomber son busc ou son gant, on dit : « Mademoiselle, voulez-vous que je vous le mette ? »

(Le Roux, Dictionnaire comique)

Mettre à l’ombre

Delvau, 1866 : v. a. Mettre en prison, — dans l’argot du peuple. Tuer, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Aller en prison. En effet, on ne craint pas l’ardeur du soleil (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mettre en prison ou à la salle de police.

France, 1907 : Mettre en prison.

Le souteneur voleur pratique le vol au rendez-moi, lorsque sa marmite est fêlée : c’est la désignation de la fille dont il vit, et qui se trouve à d’ombre ou prisonnière pendant plusieurs semaines. Souvent, sa maîtresse, pour se rendre libre, ou changer de souteneur, le pousse à voler avec le secret espoir qu’il se laissera prendre.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Surtout, pas de brusquerie ; il faut être poli avec les pochards et, au besoin, s’excuser de les avoir mis momentanément à l’ombre dans leur propre intérêt.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Mettre à même

Delvau, 1866 : Tromper, — dans l’argot des faubouriens.

Voyez quel emblème !
Sa nièc’ d’Angoulême
Nous met tous à même !

dit une chanson de 1832.

Mettre à pied

Delvau, 1866 : v. a. Suspendre un employé de ses fonctions pendant plus ou moins de temps. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Suspendre quelqu’un de son emploi, pour un temps déterminé. Cette locution nous vient des Romains, où le censeur retirait son cheval au chevalier qui tenait une conduite indigne de son rang. Cet usage fut conservé au moyen âge, mais il offrait un caractère ignominieux, car le chevalier dégradé ainsi publiquement était censé avoir vécu et l’on récitait sur lui l’office des morts. Dans les régiments de cavalerie, l’on punit en route les cavaliers qui blessent leurs chevaux ou les indisciplinés en les obligeant à suivre à pied la colonne.

Qui met-on à pied aujourd’hui ? Les cochers de fiacre qui ont été insolents, les employés qui sont inexacts, et généralement tous les pauvres diables qui ont trop de promptitude à faire valoir leurs droits et pas assez à remplir leurs devoirs. Cette mise à pied n’est que temporaire ; elle devient définitive en certaines circonstances et c’est alors une destitution. »

(Charles Nisard)

Mettre à poil (se)

France, 1907 : Se dévêtir complètement, se mettre dans le costume de notre premier père avant le péché.

Un peintre célèbre, que je ne nommerai pas pour ne pas effaroucher sa modestie, avait pris un modèle exquis, une charmante fille de seize ou dix-sept ans, encore très innocente. Charmé de sa beauté, il l’engagea vivement à poser pour le nu. Comme elle faisait quelque difficulté pour se déshabiller devant le peintre, qu’elle rougissait et tremblait, il lui dit pour l’encourager :
— Allons, ma petite, n’ayez pas peur, que diable !… Pour vous habituer, je vais me mettre aussi à poil !

Mettre à quelqu’un (le)

Delvau, 1866 : v. a. Le tromper ; lui conter des bourdes qu’il accepte pour des vérités, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Tromper quelqu’un, mystifier quelqu’un.

France, 1907 : Le tromper, lui en faire accroire.

Mettre à table (se)

Delvau, 1866 : Être disposé à dénoncer ses complices ; être sur le point de faire des révélations, — dans l’argot des voleurs qui veulent manger le morceau.

Rigaud, 1881 : Trahir, dénoncer, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Dénoncer. Trahir. Mettre à table. Donner une part.

France, 1907 : Commencer à avouer, dénoncer. Voir Moutonner. C’est généralement à table, au dessert, que ce font les coïncidences, les aveux.

Toute l’habileté de l’agent est de se montrer avec le malfaiteur un copain qui comprend très bien la situation et qui est à cent lieues de s’indigner des crimes commis par son convive.
Il n’inspirerait qu’une confiance relative à celui qu’il veut faire avouer, l’homme de police appartenant à l’armée du Salut, qui commencerait par dire :
« Malheureux, le crime que vous avez commis est infâme ! Demandez pardon à Dieu et aux hommes ! »
L’agent, tout au contraire, doit procéder avec un mépris complet de la morale.
— Eh bien, mon vieux, dit-il, pourquoi que tu ne dis pas la vérité ? C’est toi qui as fait le coup ! tout le monde le sait, et puis, tu n’en mourras pas ! Avoue donc, c’est bien plus malin ; il n’y a rien de meilleur pour les circonstances atténuantes. Allons, un peu de courage, mets-toi à table.

(Mémoires de M. Goron)

Mettre à toutes les sauces (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Faire tous les métiers pour gagner sa vie, — dans l’argot du peuple.

Mettre au chaud

Virmaître, 1894 : V. Rouscailler.

Rossignol, 1901 : Voir rouscailler.

Mettre au chaud (chercher à)

France, 1907 : Courtiser très activement une fille ou une femme pour le motif non platonique.

Mettre au fait (se)

Delvau, 1864 : Se déniaiser, s’habituer a l’homme en jouant des reins avec lui.

Tu as bien tort ; si tu nets mets pas au fait, ton mari te prendra pour une bête.

La Popelinière.

Mettre au fourgat

Bras-de-Fer, 1829 : Recéler.

Mettre au pied du mur

France, 1907 : Pousser quelqu’un dans ses derniers retranchements, le mettre dans l’impossibilité de répondre, comme quelqu’un qui, placé entre un mur et son ennemi. doit s’avouer vaincu.

Mettre au rancart

France, 1907 : Mettre de côté.

C’est le vice capital de notre théâtre, de notre littérature romanesque, de faire consister l’existence dans un événement aussi mesquin que l’adultère. Non ! l’humanité n’est pas enserrée dans les jambes illicitement offertes d’une femme mariée et les êtres ne sont pas hypnotisés par la contemplation d’un organe placé au-dessous d’un nombril.
Il y a autre chose dans nos préoccupations que le rapport des sexes. Regardez autour de vous, interrogez-vous, lecteur, et demandez-vous si les questions du salaire, du pain quotidien, si le souci de l’avenir, l’éducation des enfants, si la santé, si même le jeu, la spéculation, l’ambition, et encore la politique, le patriotisme, la religion, si, pour quelques-uns, la littérature, l’art, si, pour le plus grand nombre, les affaires, le métier, la profession, le « business », ne tiennent pas plus de place dans l’existence, ne sont pas la « vie » cent fois plus que le déraillement conjugal dont cent auteurs, à côté de l’observation vraie et de l’humanité surprise dans sa sincérité, ont fait le pivot de toute action dramatique, le moule de toute action humaine, le ressort vital ? Quand mettrons-nous au rancart cette trop vieille catachrèse ?

(Jean de Montmartre)

Mettez au rancart, Miss, les évangiles,
Pour un idéal moins marmoréen,
Prenez pour appui des bras moins fragiles
Que les bras troués du Nazaréen.

(Gringoire)

Mettre au vert (se)

France, 1907 : Se ranger.

Monsieur l’Hiver se lève tard
À midi, sur le boulevard,
Il suit les filles, les oiselles ;
Et sous un parapluie ouvert,
Dans l’espoir de se mettre au vert,
Il parle d’amours éternelles.

(Auguste Marin, Femmes d’hiver)

Mettre aux champs quelqu’un

France, 1907 : L’inquiéter, le troubler, le provoquer, en un mot le faire venir sur le champ, le pré, le terrain, comme les troupiers disent aujourd’hui. Cette expression nous vient du moyen âge, où les appels sur le champ, c’est-à-dire les duels, faisaient fureur.

Quand c’était de seigneur à seigneur, dit Charles Nisard, ou de seigneur à abbé ou à évêque, les uns et les autres se mettaient aux champs avec leurs gens et le combat singulier était une mêlée. Les vassaux avaient beau se plaindre, résister, s’emporter, il fallait qu’ils marchassent et se missent aux champs. La civilisation moderne a réduit ces appels et en a simplifié les formalités. Aujourd’hui, l’offensé envois deux témoins prier poliment l’offenseur de vouloir bien venir se faire couper la gorge. Celui-ci vient, et, pour ne pas se laisser vaincre en politesse par celui-là, lui coupe la gorge le premier. Quelquefois aussi, il ne vient pas. Mais la première fois que l’offensé le rencontre, il se contente de lui caresser légèrement l’une et l’autre joue avec deux doigts, et l’honneur est satisfait.

(Curiosités de l’étymologie)

Mettre avec (se)

Larchey, 1865 : Vivre maritalement.

En se mettant avec Lise, le général aurait dû nous dire : J’ai ça et ça à payer ; il ne l’a pas dit, et ce n’est pas délicat.

Ricard.

Rigaud, 1881 : Vivre en état de concubinage.

Dernièrement, je rencontrai une belle actrice : elle me dit : Je cherche quelqu’un pour me mettre avec. Se mettre avec est l’expression consacrée dans le langage des coulisses.

(Paris-Comédien.)

France, 1907 : Vivre maritalement.

Mettre avec quelqu’un (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vivre maritalement, — dans l’argot des ouvriers et des grisettes.

Mettre bien (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Ne rien se refuser, — dans l’argot du peuple, qui dit cela à propos de tout, excepté à propos de vêtements. Ainsi, en voyant quelqu’un boire beaucoup, il lui dira : « Tu te mets bien, toi ! »

Rigaud, 1881 : Avoir les moyens de se passer toutes ses fantaisies ; faire de la dépense.

Mettre dans de beaux draps

Delvau, 1866 : v. a. Engager quelqu’un dans une affaire scabreuse, dans un mauvais pas, dans un danger quelconque. On dit aussi : Être dans de beaux draps.

Mettre dans la pommade

Delvau, 1866 : v. a. Gagner quelqu’un au jeu. Argot des faubouriens. Signifie aussi Tromper, jouer un tour.

Mettre dans le mille

Delvau, 1866 : v. a. Réussir dans une entreprise. Se dit aussi pour : Donner un coup de pied au derrière de quelqu’un.

Rigaud, 1881 : Réussir. — Toucher juste. — Allonger un coup de pied au cul d’un indifférent ou d’un ami.

Virmaître, 1894 : Réussir une affaire du premier coup. Terme usité chez les pédérastes : mille : podex (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Avoir réussi dans une affaire, être tombé juste, c’est avoir mis dans le mille.

France, 1907 : Terme usité chez les pédérastes et qui se passe d’explication.

France, 1907 : Réussir du premier coup. Allusion au coup gagnant du jeu du tonneau qu’on obtient en lançant son palet exactement sur le numéro 1000.

Pour venir en aide aux nénés
Des petites mamans jolies ;
Pour apaiser des nouveaux-nés
Les soifs toujours inassouvies,
L’inventeur à mis dans de mille !

Mettre dans les fesses (se le faire)

Delvau, 1864 : Se faire enfiler.

L’ dimanche, au sortir de la messe,
Elles dis’t toutes, mais en vain :
Nicolas, mets-moi dans la fesse
C’ qu’est dans ton pantalon d’ nankin.

Darcier.

Mettre dans son sac

Delvau, 1866 : Recevoir des injures ou des coups sans y répondre ; encaisser des soufflets ou des sottises sans en donner reçu.

Mettre de l’eau dans son vin

Delvau, 1866 : v. a. S’humilier après avoir été arrogant ; reconnaître ses torts.

Mettre de plomb dans la tête

France, 1907 : Assagir. C’est aux têtes légères qu’on met du plomb, pour les rendre plus posées.

Ce sport, la loi le permet
D’après son enquête,
Aux ouvriers cela met
Du plomb dans la tête ;
Voilà pour les désœuvrés
Une cible offerte :
Messieurs les patrons, tirez !
La chasse est ouverte.

(Diatribe du docteur Akakia, La Petite République)

Mettre dedans

Larchey, 1865 : Tromper.

Il met les gabelous joliment dedans. On a descendu plus de vingt fois dans sa cassine, jamais on n’a rien trouvé.

E. Sue.

Serais-je pris pour dupe ! — Eh ben ! conv’nez que vous êtes d’dans.

Vadé, 1756.

Delvau, 1866 : v. a. Mettre en prison. Signifie aussi Tromper.

Rigaud, 1881 : Tromper. — Mettre en prison. — Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Tromper. Emprisonner.

Rossignol, 1901 : Voir Mettre à l’ombre.

France, 1907 : Tromper, duper, induire en erreur ; se dit aussi pour emprisonner.

Que pensez-vous donc de la politique ? C’est l’art de mettre le peuple dedans… c’est l’art de mettre ses collègues dedans ; c’est l’art de mettre ses ennemis dedans, c’est l’art de mettre ses amis dedans. La politique, c’est l’art de rouler tout le monde. Il n’y a rien qui soit moins franc, il n’y a pas de duplicité, de mensonge, de fausseté comparable à la politique.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Le prévenu, très chic, monocle à l’œil.
— Enfin, Monsieur le juge, que peut-on bien me reprocher ?
— On vous reproche d’avoir abusé de votre situation pour ruiner un certain nombre de malheureux.
— Allons donc !
— Tous ceux qui ont affaire à vous, vous les mettez dedans…
— Vous aussi, Monsieur le juge !

(Tribunaux comiques)

Les yeux baissés et la jou’ rose,
C’matin, j’pris l’costum’ de ma sœur ;
L’mair’ ne s’aperçut pas d’la chose,
Et dam’, je profitai d’l’erreur !
Mais quand j’eus r’çu l’prix d’l’innocence,
Je m’disais en riant à plein’s dents :
C’que c’est tout d’mêm’ que la r’ssemblance,
Comme on peut mettr’ son mond’ dedans !

(Villemer-Delormel)

Mettre du beurre dans les épinards

France, 1907 : Améliorer une chose. « Ah ! mille dieux, serons-nous toujours assez andouilles pour attendre que la Providence gouvernementale mette du beurre dans les épinards ?
Pourquoi ne pas comprendre que tout ce qu’elle peut faire est un emplâtre sur jambe de bois ?

(Le Père Peinard)

Mettre du beurre dans ses épinards

Delvau, 1866 : v. a. Introduire un peu de gaieté dans sa vie ; avoir des chances heureuses.

Mettre du linge sur ses salsifis

Fustier, 1889 : Mettre des gants.

France, 1907 : Se ganter.

Mettre du noir sur du blanc

Rigaud, 1881 : Écrire, — dans l’argot des gens qui ne savent pas lire.

Qu’un jeune homme ait, dix ans, dans le fond d’un collège,
Mis du noir sur du blanc, il semble que le roi
Soit chargé de son sort, et lui doive un emploi.

(C. Bonjour, Le Protecteur et le Mari, acte 1, sc. VI.)

Mettre du pain dans le sac de quelqu’un

Fustier, 1889 : Lui faire son affaire ; le battre, le tuer.

Mettre du papier dans sa sonnette

Virmaître, 1894 : V. Affaler son grelot.

France, 1907 : C’est le conseil que les ouvriers donnent à leurs ménagères trop bavardes, mais le conseil est rarement suivi.

Mettre en appétit

Delvau, 1864 : Exciter l’ardeur vénérienne.

Chevaucher trois ou quatre coups ne fait que mettre en appétit ; il faut continuer tant qu’il y en a, pour nous donner du passe-temps.

Mililot.

Il n’est rien qu’une femme trouve plus mauvais que quand l’homme la met en appétit, sans la contenter.

Bonaventure Desperriers.

Mettre en brasserie (se)

Fustier, 1889 : Servir dans une brasserie.

Cédant à des suggestions funestes, elle se mit en brasserie, c’est l’expression consacrée.

(F. Sarcey : XIXe siècle, 1881.)

Mettre en brindezingue (se)

Virmaître, 1894 : Faire la noce. Être dans les brindezingues : être pochard (Argot du peuple). N.

Mettre en bringue

Delvau, 1866 : v. n. Mettre en morceaux, briser.

Virmaître, 1894 : Mettre en morceaux, briser. A. D. Bringue, signifie femme maigre, l’expression est donc fausse. Mettre en bringue, est synonyme de brindezingue (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Briser.

Mettre en dedans

La Rue, 1894 : Forcer une porte.

Mettre en dedans (la)

Rigaud, 1881 : Forcer une porte, — dans le jargon des voleurs.

Mettre en œuvre

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Elle manda secrètement le fils d’un cordonnier, son voisin, et le fit venir en l’étable des chevaux de son père, et le mît en œuvre comme les autres.

(Les Cent Nouvelles nouvelles.)

Et à la vérité, on en met de bien pires en œuvre.

(T. des Accords.)

Et en disant cela, il la mit en œuvre.

D’Ouville.

Mettre en pâte

Delvau, 1866 : v. a. Renverser un ou plusieurs paquets en les transportant ou en imposant, — dans l’argot des typographes. On dit aussi Tomber en pâte.

Virmaître, 1894 : Les compositeurs lient les paquets de caractères avec une ficelle. Quand le paquet est mal lié ou que le bout de la ficelle est emprisonné, le metteur en pages met le paquet en pâte, c’est-à-dire que les caractères se mélangent et qu’il faut recomposer. Quand, dans le paquet, Il y a des lettres qui ne sont pas du corps, ou que le paquet n’a pas été assez mouillé, en le déliant, si les lettres tournent, on appelle cela : faire un soleil (Argot d’imprimerie). N.

France, 1907 : Renverser plusieurs paquets de composition ; argot des typographes.

À cette dernière et brillante transformation de son idée, le rêveur n’y tient plus, il fait un mouvement comme pour prendre la coupe, et dans ce mouvement, sa composition, retenue par une simple ficelle, tombe avec bruit et se met en pâte, c’est-à-dire que toutes les lettres sont éparpillées, mêlées, amalgamées, répandues dans une confusion horrible.

(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)

Mettre en plan

Larchey, 1865 : Rester en gage chez un restaurateur jusqu’à l’acquittement de sa note.

France, 1907 : Mettre en gage. Plan est un vieux mot indiquant une prestation ou redevance, que le seigneur exigeait de son vassal pour se dédommager de l’abandon de certains droits. La mise en plan d’un fonds était donc l’abandon de ce fonds, un gage échangé contre un avantage déterminé. La différence de cette expression avec son sens actuel est que le dépositaire du gage recevait une somme pour ce gage, tandis qu’aujourd’hui il la paye. Ne pas confondre mettre en plan avec laisser en plan, qui signifie quitter, abandonner. « Il a mis sa montre en plan. Il a laissé sa femme en plan. »

Charivari !
Pour qui ?
Pour Grosjean
Qui a laissé sa femme en plan.

(Coutumes provinciales)

Mettre en quatre (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Montrer du zèle pour quelqu’un ou pour quelque chose, — dans l’argot des bourgeois.

Mettre en rang d’ognons (se)

Delvau, 1866 : Se placer les uns derrière les autres, — dans l’argot du peuple. On disait autrefois d’un homme, qu’il se mettait en rang d’ognons quand il se plaçait dans celui où il y avait des gens de plus grande condition que lui.

Mettre en rang d’oignons (se)

France, 1907 : Se placer les uns derrière les autres. Les forcenés de recherches étymologiques ont découvert une singulière origine à cette expression pourtant si naturelle. Voici ce qui est écrit en leurs doctes livres : « Un sire de la Fontaine, baron d’Oignon et seigneur de Vaumoise, était grand maitre des cérémonies sous Henri II, François II, Chartes IX et Henri III. Lorsqu’il présidait aux fêtes publiques, il répétait si souvent ce cri : « Serrez les rangs ! » qu’il se fit remarquer par ce tic. En rapprochant la possession de sa baronnie d’Oignon avec l’idée des oignons qu’on serre les uns contre les autres, on forma le proverbe. »

Mettre en suage

Bras-de-Fer, 1829 : Chauffer les pieds.

Mettre l’andouille au pot

France, 1907 : Accomplir l’acte vénérien.

Mettre la charrue devant les bœufs

France, 1907 : Commencer une chose par la fin.

Mettre la clef sous la porte

Virmaître, 1894 : Se sauver, déménager furtivement. Se dit communément d’un commerçant qui, ne faisant pas ses affaires, abandonne sa boutique (Argot du peuple).

Mettre la clef sous la porte, sous le paillasson

France, 1907 : Quitter furtivement son domicile… pour n’y plus rentrer.

— Voilà, dit-il. L’homme est beaucoup moins intéressant qu’on ne vous l’avait dit… D’abord, il n’est pas marié… il vit avec une ouvrière, maritalement… depuis une dizaine d’années… Je n’ai pas compris si la femme a quitté son mari pour suivre Picard, ou si c’est ce mari qui avait mais, la clef sous la porte…

(Hugues Le Roux)

Mettre la clef sous le paillasson

Virmaître, 1894 : V. Mettre la clef sous la porte.

Mettre la main à la pâte

Delvau, 1866 : Aider à un vol et participer à ses bénéfices.

Mettre la main au feu (en)

France, 1907 : Avancer une chose dont on est certain, ou dont on croit être certain.
Vieux souvenir de la barbarie de nos pères. Du VIe au XIIIe siècle, où un concile de Latran mit fin à cette superstition, les gens accusés ou simplement soupçonnés d’un crime étaient obligés, pour se justifier, soit de saisir un fer rouge, soit de placer leur main dans les flammes. Si la main sortait intacte de l’épreuve, l’accusé était déclaré innocent.
On essayait l’innocence par trois manières : le duel ou jugement de Dieu, l’eau ou l’huile bouillante, ou le feu ardent, dans la confiance que Dieu protégeait l’innocent et le préservait de tout mal. À quelques-uns on présentait un gantelet de fer rougi à blanc et l’accusé devait y plonger son bras jusqu’au coude. Un chroniqueur du XIIIe siècle raconte comment un pauvre diable, accusé de je ne sais quel délit, sut se dispenser de cette redoutable épreuve. Il répondit qu’il était prêt à ganter le terrible engin si l’archevêque revêtu de son étole voulait le lui remettre en main. Le prélat déclina de remplir cet office et convint, avec l’accusé, que l’usage venait des barbares et qu’il ne fallait pas tenter Dieu.
En dit que Cunégonde, femme de l’empereur Henri de Bavière, ayant été accusée l’adultère, offrit de se disculper en marchant pieds nus sur des socs de charrue ardents. L’empereur en fit disposer douze et la vertueuse princesse ayant marché sur onze s’arrêta sur le douzième et, là, fit un petit discours affirmant que jamais homme n’avait attenté à sa vertu !
On dit aussi : Je n’en voudrais pas pour tenir un fer chaud, pour : je n’en voudrais pas répondre.

Mettre la puce à l’oreille

Delvau, 1866 : v. a. Inquiéter quelqu’un par une fausse nouvelle. C’est l’alicui curam et angorem animi creare des Latins.

France, 1907 : Inquiéter quelqu’un par une nouvelle désagréable ; éveiller son attention.

Mettre la table pour les asticots

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des voyous.

Mettre la tête à la fenêtre

Delvau, 1866 : v. a. Être guillotiné, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Condamné à mort qui passe la tête dans la lunette (Argot des voleurs).

Mettre le chien au cran du repos

Delvau, 1866 : Dormir, — dans l’argot des soldats.

Mettre le cœur sur carreau

Rossignol, 1901 : Vomir.

Mettre le foutre à la bouche de quelqu’un

Delvau, 1864 : L’exciter à la fouterie par des discours libertins, par des images obscènes, ou par des attouchements polissons.

Ingrat ! tu m’as mis le foutre à la bouche !
J’allais presque entrer dans le paradis !

(Parnasse satyrique.)

Mettre le moine

Delvau, 1866 : v. a. Passer un nœud coulant au pouce du pied d’un soldat pendant son sommeil, et tirer de temps en temps la corde par petites secousses : les contorsions douloureuses qu’il fait, sans se réveiller, sont très drôles, au dire des troupiers farceurs. Au XVIe siècle on disait Bailler le moine.

Mettre les bâtons

France, 1907 : Courir.

Mettre les bouchées doubles

Virmaître, 1894 : Se dépêcher de faire quelque chose. Synonyme de manger un morceau sur le pouce, à la hâte. Cette expression est employée pour tout ce qui est fait précipitamment (Argot du peuple).

Mettre les jambes en l’air

Rossignol, 1901 : Faire tomber quelqu’un en se battant, c’est lui mettre les jambes en l’air ; on dit aussi faire une partie de jambes en l’air, ce qui veut dire rouscailler.

Mettre les petits plats dans les grands

Delvau, 1866 : v. a. Se mettre en frais pour bien recevoir ses invités, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Se mettre en frais pour bien recevoir.

À table, car il était bien près de midi quand j’avais mis le pied hors du lit, le repas fut plein d’entrain — nous avions pour convive un de nos amis qui allait partir le jour même en province, et l’on avait mis les petits plats dans les grands pour le bien traiter.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Mettre les pieds dans le plat

Delvau, 1866 : Ne conserver aucun ménagement, ne prendre aucune précaution, ni garder aucune mesure en parlant ou en agissant. Argot du peuple.

France, 1907 : Parler ou agir sans retenue, sans ménagement.
M. John Lemoine, l’académicien, dans un parallèle entre Jonathan et John Bull, a écrit du premier : « Il est un peu casseur d’assiettes, il met les pieds dans de plat. »

Mettre les points sur les i

France, 1907 : Expliquer clairement, minutieusement une chose.

Il leur avait mis les points sur les i. C’était un bon coup, d’une exécution très facile. Il connaissait très bien les lieux. L’escalade pouvait se faire aisément par ici, le mur extérieur est peu élevé à cet endroit. Puis, on passe par là, contre les écuries, à pas de loup ; on fait le tour de la maison. L’entrée principale est là, par devant. Avec une pince-monseigneur et trois ou quatre rossignols, on est maître de la position.

(Yveling Rambaud, Haine à mort)

Mettre les pouces

France, 1907 : Céder, se soumettre, s’avouer vaincu.
Sous l’empire romain, dans les combats de gladiateurs, lorsque l’un des combattants était vaincu, il était d’usage que le peuple et les vestales présents dans le cirque demandassent sa grâce en levant le pouce ; si, au contraire, on voulait qu’il fût mis à mort, on baissait le pouce.
Domitien exigea que ce fût le gladiateur lui-même qui s’avouât vaincu et demandât la vie en élevant le pouce de la main droite. Celui qui ne faisait point le signe exigé était aussitôt achevé par le vainqueur.

Mettre les voiles

France, 1907 : Courir ; argot des gens de mer.

Mettre quelqu’un à toutes les sauces

Rigaud, 1881 : Employer quelqu’un à toute sorte de besogne.

Mettre sous bande

Rigaud, 1881 : Ensevelir, — dans l’argot des communautés religieuses.

Mettre sous le linge (se)

Delvau, 1864 : Se glisser entre deux draps pour y faire l’amour.

Je n’ai pas été plutôt arrivé qu’elle m’a sauvé au cou avec ardeur, et que ; s’apercevant que je bandais, et raide, elle s’est mise immédiatement sous le linge, ou nous avons joué des reins avec enthousiasme.

J. Le Vallois.

Mettre sous presse

Delvau, 1866 : v. a. Mettre en gage.

Mettre sur le dos

France, 1907 : Attribuer à quelqu’un une faute qu’il n’a pas commise. Se décharger sur autrui d’un méfait.

Je veux parler de l’épisode
Où la fille chaste, oh ! combien !
Cache un enfant dans sa commode !
C’est vécu… c’est tout à fait bien !
Et cette mère de famille
Qui, surprise par son époux,
Met tout sur le dos de sa fille,
Afin d’apaiser le jaloux !

(Jacques Rédelsperger)

Mettre sur le dos (se)

Delvau, 1864 : Se placer pour être baisée, afin da faire avec un homme la bête à deux dos.

Sur le dos nonchalamment
Tout recevez votre amant ;
Pas le moindre mouvement,
Autant, ma foi,
Sentir ta femme auprès de soi.

Béranger.

Mettre sur les dents

Delvau, 1866 : Épuiser, fatiguer, éreinter quelqu’un.

Mettre sur les fonds de baptême (se)

Virmaître, 1894 : Quand le nourrisseur de poupard a mal renseigné ses complices et qu’ils sont dans une position difficile, pour se sauver et n’être pas paumés marrons :
— Ils sont sur les fonds de baptême (Argot des voleurs).

Mettre sur les fonts du baptême (se)

Delvau, 1866 : Se mettre dans une position difficile, embarrassante, compromettante. Argot des voleurs.

Mettre tous ses œufs dans le même panier

Delvau, 1866 : Confier toute sa fortune à un seul banquier ; aventurer tout ce qu’on a dans une entreprise. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Placer tous ses fonds dans une même affaire, tout son argent à la même banque. Faire dépendre d’une seule entreprise son sort. N’avoir qu’une corde à son arc.

Un vieux proverbe a dit que l’homme sage
Dans un panier ne met pas tous ses œufs.

(Lebrun)

Mettre une épingle à sa cravate

Virmaître, 1894 : S’enfiler un demi-setier (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Boire un demi-setier ; argot populaire.

Mettre une épingle à son col

Rossignol, 1901 : Manger. Boire un verre de vin est aussi mettre une épingle à son col.

Mettre une femme à mal

Delvau, 1864 : La baiser, — ce dont elle se trouve ordinairement très bien.

Il avait mis à mal toutes les femmes qu’il avait entreprises.

Richelet.

Mettre une femme dans la circulation

Delvau, 1864 : La forcer — après l’avoir frappée à son effigie — à avoir tout le monde pour amant. Séduire une jeune fille, lui faire un enfant, et l’abandonner, c’est la jeter.

Mettre une gamelle (se)

Rigaud, 1881 : Se sauver de prison. Allusion à la vitesse avec laquelle détale un chien à la queue duquel on a attaché une casserole.

Mettre une homme en état

Delvau, 1864 : Le préparer, par un pelotage savant, à l’accomplissement de son devoir d’homme.

C’est dans ce moment-là, pour le mettre en état
Et pouvoir arriver à quelque résultat,
Qu’il faut de son métier connaître les roueries
Et n’être pas novice en polissonneries.

Louis Protat.

Mettre une pouce

Fustier, 1889 : Frapper, battre.

De quoi, de quoi, il va me fusiller mes indiennes (me voler mes vêtements). Vas-tu laisser ça ? ou je te mets une pouce.

(Humbert : Mon bagne.)

Mettre une robe de soie pour voyager la nuit

France, 1907 : Faire le bien en cachette.

Metz (les usuriers de)

France, 1907 : C’est ainsi qu’on appelait les Messins, à cause du grand nombre de juifs qui habitaient et qui, sans doute, habitent encore cette ville.

Meublant

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, galant homme qui met une femme galante dans ses meubles. L’expression est toute récente.

Meublant (c’est)

Rigaud, 1881 : Ça fait de l’effet et ça tient de la place comme meuble. Un piano, une armoire à glace sont meublants, — dans le jargon des tapissiers.

Meuble (vieux)

Larchey, 1865 : Personne usée, incapable de service.

Prends garde à toi, vieux meuble, affreuse bohémienne !

Les Folles Nuits du Prado, 1854.

Rigaud, 1881 : Vieille femme, vieille courtisane.

Meublée (femme ou fille)

France, 1907 : Même sens que capitonnée.

Meubler

d’Hautel, 1808 : Il a la tête bien meublée. Mauvaise locution qui signifie que quelqu’un a du savoir, de l’érudition.

Fustier, 1889 : Réparer des ans l’irréparable outrage, se mettre de faux mollets, de faux appas.

— Je suis devenue si maigre que je n’ose mettre une robe décolletée. — On met un corsage carré. — Impossible aussi, car il faut encore meubler le carré et avoir des bras.

(Le Voltaire, 1882.)

Meudon (grand)

La Rue, 1894 : Officier de paix. Mouchard.

France, 1907 : Officier de paix, mouchard ; argot des voleurs.

Meulard

Larchey, 1865 : Veau (Vidocq). V. Pavillonner. — Allusion au mugissement du veau.

Delvau, 1866 : s. m. Veau, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Veau, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Veau.

Virmaître, 1894 : Veau. Allusion à la mollesse de la viande. On dit aussi : un bœuf en bas âge (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Veau.

Meule

La Rue, 1894 : Sans argent.

Virmaître, 1894 : Vide. C’est veule qu’il faudrait dire, veule signifie mou. Meule est une corruption (Argot des souteneurs). N.

Rossignol, 1901 : Sans argent.

France, 1907 : Corruption de veule, mou, vide, qui se laisse aller.

J’comprends, quand eun’ gonzesse est meule,
Qu’a monte avec des gens qu’est saouls,
Mais qu’a fass’ dés homm’s à trent’ sous !…
J’y fout’rais mon poing su’ la gueule !

(Aristide Bruant)

Meulé

Hayard, 1907 : Vidé.

Meules de moulin

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les dents, principalement les molaires, qui broient le pain, — dans l’argot du peuple, qui emploie sans s’en douter une expression tout à fait biblique. Les ouvriers anglais disent grinders (les broyeuses).

France, 1907 : Dents.

Meunier

Delvau, 1866 : s. m. Receleur de plomb volé.

La Rue, 1894 : Receleur.

Virmaître, 1894 : Receleur qui a la spécialité d’acheter aux mastardiers ou voleurs de gras double, le plomb, l’étain ou le zinc, volés dans les maisons en construction (Argot des voleurs).

France, 1907 : Receleur. En échange des objets volés, il donne la farine, c’est-à-dire la subsistance.

Meûnier

d’Hautel, 1808 : Il n’y a rien de plus hardi que la chemise d’un meûnier. Parce que, dit-on, elle prend tous les matin un larron au collet.
D’évêque il est devenu meûnier. Se dit d’une personne à qui les circonstances ont été défavorables, et qui, d’une haute condition, est tombée dans une médiocre.

Meunier (d’évêque devenir)

France, 1907 : Descendre des grandeurs, tomber dans une condition inférieure à celle qu’on occupait. D’après quelques étymologistes, il faudrait dire aumônier. Mais il parait qu’un certain évêque de Nevers, voyageant en Suisse vers le milieu du XVIe siècle, s’enfuit de Genève avec une femme dont il était devenu amoureux et fut, à cause du scandale, obligé de jeter le froc aux orties et de se faire meunier pour vivre.
Devenir d’évêque meunier est le titre d’une nouvelle d’un conteur italien du XIVe siècle du nom de Sacchetti, du moins traduite sous ce titre par Simon de Troyes. L’Intermédiaire des chercheurs et curieux en donne le canevas dans un des numéros de l’année 1874 :

Barnabo Visconti, duc de Milan, demande à un évêque de lui résoudre quatre questions : Combien il y a de la terre au ciel ? Combien la mer contient d’eau ? Que fait-on en enfer ? Combien valait la personne du duc ? L’évêque est fort embarrassé de résoudre de pareilles questions : mais son meunier s’en charge pour lui. Pour la distance de la terre au ciel et le contenu de la mer, dit les chiffres qui lui passent par la tête, et ajoute que si le duc en doute, il n’a qu’à les faire vérifier. Pour ce qui se passe en enfer, il le renvoie au poème du Dante ; et il estime sa personne à vingt-neuf deniers, un de moins seulement que n’a été estimée celle de Jésus-Christ. Visconti est si charmé de l’esprit de ce meunier, qu’incontinent il le fait évêque au lieu de son ancien maître, qu’il oblige à se charger du moulins.

Meurt de faim

France, 1907 : Petit pain d’un sou.

Meurt-de-faim

Delvau, 1866 : s. m. Petit pain d’un sou, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Misérable, pauvre diable, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Meurt-la-faim et Crève-la-faim.

Rigaud, 1881 : Petit pain d’un sou.

Meurtrier

d’Hautel, 1808 : Assuré comme un meurtrier. Se dit d’un effronté, d’un homme sans pudeur, que rien ne peut intimider ni faire rougir.

Mézière

anon., 1827 : Moi, simple.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Simple, dupe, facile à dépouiller.

Bras-de-Fer, 1829 : Moi, simple.

Mézière, mézigo

La Rue, 1894 : Moi.

Mezière, mezigue

Rigaud, 1881 : Moi, — dans le jargon des voleurs.

Mezières

Larchey, 1865 : Bourgeois. — Corruption du vieux mot Messires. V. Regout.

Mézigo

Delvau, 1866 : pron. pers. Moi, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Mézigue, Mézère, et Ma fiole.

Rossignol, 1901 : Moi.

Mezigue

Virmaître, 1894 : Moi. On dit aussi mezigo (Argot des voleurs).

Mézigue

Larchey, 1865 : Moi (Vidocq). V. Pavillonner.

France, 1907 : Moi.

L’gardien des travaux fait du rif
À ménuit… et comme il est zigue,
I’laiss toujours chauffer mézigue
Et rôtir mon marceau d’lartif.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Mézigue, mon orgue

Hayard, 1907 : Moi.

Mézique

Rossignol, 1901 : Moi.

Mezza-voce

France, 1907 : À demi-voix. Italianisme, de mezza, moyenne, et voce, voix. Terme musical.

Mezzo-forte

France, 1907 : À demi fort. Italianisme, de mezzo, moyen, et forte, fort. Terme musical.

Mezzo-soprano

France, 1907 : Voix plus grave que le soprano et plus aiguë que le contralto.

Mezzo-termine

France, 1907 : Moyen terme.

Mezzo-tinto

France, 1907 : Teinte moyenne, appelée plus généralement manière noire, en terme de graveur.

Mi

France, 1907 : Moi. Corruption du latin mihi, encore en usage dans nombre de provinces, entre autres en Picardie, en Languedoc, en Bretagne, en Lorraine.

Envers mi, n’soyez pas trop difficile,
Veuillez écouter chin que j’vas vous dir,
Pour sujet d’mes chansons, j’ai pris not’ ville
Car tout Roubaignou s’lon mi dort et fir.

(Henri Loridan, Chansons en patois de Roubais)

Mon cœur est toujours endormy,
Réveille-le-my.

(Clément Marot)

Mi-temps

Virmaître, 1894 : Milieu. A. Delvau écrit mitan, ce n’est pas exact (Argot du peuple).

Miaulard, miauleur

France, 1907 : Nom vulgaire des mouettes et des goélands.

Miauler

d’Hautel, 1808 : Se dit du cri des chats.
Le peuple supprime l’u de ce mot et dit mialer, comme on dit piailler.

Mib

France, 1907 : Chose dans laquelle on excelle ; argot des voyous.

Mib ou Mibre

Delvau, 1866 : s. m. Tour de force quelconque, chose où l’on excelle, — dans l’argot des gamins. C’est mon mib ! C’est mon triomphe ! Signifie aussi Défi. C’est ton mib, c’est-à-dire : Tu ne feras jamais cela.

Mic-mac

Delvau, 1866 : s. m. Fourberie, tromperie cachée, intrigue, — dans l’argot du peuple.

Fustier, 1889 : Difficulté, complication, chose inintelligible.

C’est un mic-mac où personne ne comprend rien.

(Zola : Pot-Bouille.)

France, 1907 : Intrigue, tripotage, menées suspectes : de l’allemand mischmasch, même sens.

La politiqu’, viande creuse,
Bouillie aux chats, affreux mic-mac,
Ne rend pas la mâchoire heureuse
Et ne met rien dans l’estomac,
Ta poule au pot, brave Henri quatre,
On l’attend toujours sous l’ormeau :
Notre fin de siècle marâtre
Ne nous offre que du chameau !

(Émile Second)

Micameau

France, 1907 : Demi-tasse de café.

— Entrez donc un instant, père Gérard, nous allons faire un petit bout de conversation tout en prenant un demi.
— Ah ! oui, c’est ainsi qu’on appelle par ici une demi-tasse de café.
— Ça a encore bien d’autres noms : on dit aussi prendre un micameau ou un sou de moka.

(Marc Mario)

Michaud

Rigaud, 1881 : Tête, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Tête. Faire un michaud, dormir.

France, 1907 : Tête ; argot des voleurs.

Michaud (faire son)

Rigaud, 1881 : Dormir.

Michaud (faire un)

Boutmy, 1883 : v. Dormir un somme. Employé dans d’autres argots parisiens.

France, 1907 : Dormir.

Michaut

d’Hautel, 1808 : Avoir michaut. Pour dire, avoir envie de dormir, être tourmenté par le sommeil.
Faire son michaut. Pour, dormir un somme.

Miche

d’Hautel, 1808 : Grosse morceau de pain.
Un donneur de miche. Celui qui est en pouvoir de distribuer des faveurs, les pensions, les charges, les emplois.
Miche de St. Étienne. Nom que l’on donne aux pierres, parce que ce saint fut lapidé.
À la porte où l’on donne les miches, les gueux y vont. Pour dire que l’on courtise ceux qui distribuent les graces, les honneurs.

Delvau, 1866 : s. f. Gros morceau de pain, — dans l’argot du peuple. Se dit aussi pour Pain entier.

Et moins encor il fait du bien
Aux pauvres gens, tant il est chiche ;
Si il a mangé de leur miche.

(Les Touches du seigneur des Accords.)

Delvau, 1866 : s. f. Dentelle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Dentelle, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Dentelle. Argent. Pain.

France, 1907 : Dentelle.

Miché

Delvau, 1864 : Homme galant forcé d’acheter ce que les femmes galantes donnent pour rien à leurs amants de cœur.

Allumer tous les soirs la chandelle de l’hyménée en faveur d’un tas de gonzesses et d’autant de michés.

Lemercier de Neuville.

Surtout selon l’argent donné par le miché.

Louis Protat.

Larchey, 1865 : Homme payant l’amour d’une femme. — Peut venir des vieux mots michon : sot (V. Roquefort) ou michon : argent de poche (V. d’Hautel).

On appelle miché Quiconque va de nuit et se glisse en cachette Chez des filles d’amour, Barbe, Rose ou Fanchonnette.

Mérard de Saint-Just, 1764.

Dans une Protestation des Filles de Paris, 1790, nous lisons :

Ce pourfendeur de Mars avait bien affaire aussi de se présenter pour nous enlever nos michés.

« La biche étudiante qui avait levé un michet quelconque. » — 1860, les Étudiants du Quartier latin. On disait aussi micheton « All’ me dit : Mon fiston, Étrenne ma tirelire. Je lui réponds : Ma poule, tu m’ prends pour un mich’ton. » — Le Bâtonniste à la Halle, Aubert, 1813. Outre le miché proprement dit, il y a le miché sérieux et le miché de carton — « 1/ Le michet sérieux équivaut à l’entreteneur… Dans un lieu de plaisir où les femmes sont nombreuses, les jeunes gens se disent souvent, comme un mot d’ordre : Messieurs, ne parlez pas à la petite une telle, elle est ici avec son michet sérieux. Le même individu se désigne aussi par ce mot : Ponteur. Ce dernier mot, pris dans le vocabulaire des jeux, vient du verbe Ponter (V. Ponter). — 2/ Le michet de carton est un jeune homme bien élevé, qui fréquente les femmes entretenues. Il ne va jamais coucher chez elles, sauf durant les interrègnes des michets sérieux. En tout autre cas, sa maîtresse vient chez lui. Il ne donne que des cadeaux, paie à souper, à dîner dehors, à déjeuner chez lui. Il conduit aux courses en voitures et au théâtre en petites loges de baignoires Il ne sort point dans la rue avec les femmes. Il les salue au bois d’un petit geste. » — Cadol. — Il y a longtemps que le carton symbolise une apparence trompeuse. Saint-Simon appelait déjà le duc du Maine un roi de carton, c’est-à-dire un roi de cartes. V. Carton, Mikel.

Delvau, 1866 : s. m. Homme quelconque, jeune ou vieux, laid ou beau, disposé à acheter ce qui ne devrait jamais se vendre, — dans l’argot des filles, qui emploient depuis longtemps cette expression, contemporaine de michon (argent) et de miche (pain).

On appelle miché…
Quiconque va de nuit et se glisse en cachette
Chez des filles d’amour, Barbe, Rose ou Fanchette,

dit un poème de Médard de Saint-Just (1764).
Miché de carton. Amant de passage, qui n’offre que des gants de filoselle. Miché sérieux. Protecteur, ou amant généreux qui offre une boîte entière de gants.

Delvau, 1866 : s. m. Client, — dans l’argot des photographes ; homme ou femme qui achète, qui paie, — dans plusieurs autres argots.

La Rue, 1894 : Niais. Dupe. Homme qui pave généreusement les faveurs d’une Aile. Miché de carton, homme qui paye mal ou pas du tout les filles.

Virmaître, 1894 : Homme qui monte avec une fille, en payant, ou qui y couche. Miché était déjà connu en 1764. Merard de Saint-Just dit ceci :

D’où vient qu’on appelle miché
Quiconque va de nuit et se glisse en cachette
Chez des filles d’amour, Barbe, Rose ou Fanchette (Argot des souteneurs).

Hayard, 1907 : Riche client d’une fille.

France, 1907 : Niais, dupe, ou simplement client, dans l’argot des souteneurs et des prostituées. Le miché est celui qui paye, du vieux mot michon, bien, richesse. Mais les michés n’apportent pas toujours la richesse, il y en a qui ne payent pas ou qui payent peu : ce sont les michés de carton. Quant à ceux qui payent bien, on les appelle michés sérieux.

Les femmes – dit Léo Taxil — appellent « michés sérieux » les clients qui montent et flanelles ceux qui se contentent de peloter et de payer un petit verre…
On a prétendu, ajoute-t-il, que toutes les prostituées de Paris avaient un argot ou un jargon qui leur était particulier ; ceci n’est pas exact, nous avons vu qu’elles désignent le client sous le nom de miché, le visiteur qui ne monte pas sous celui de flanelle. Pour elles, les inspecteurs sont des « rails », un commissaire de police un « flique », une jolie fille une « gironde » ou une « chouette », une fille laide un « roubion », etc. Ce sont là des expressions qui font partie du langage des souteneurs qui, eux, possèdent un véritable argot ; elles en retiennent quelques mots et les mêlent à leur conversation. Quant aux prostituées qui s’entendent avec les voleurs et qui n’ont recours au libertinage que pour cacher leur réelle industrie, il n’est pas étonnant qu’elles ont adopté le jargon de leurs suppôts ; mais on ne peut pas dire que ce langage soit celui des prostituées.

(La Prostitution à Paris)

Or, quelqu’un les remarque et se met à les suivre,
L’espoir de voir finir la dèche les enivre ;
Leur pas se ralentit, d’instinct, sans faire exprès…
Le monsieur est bien mis et fume des londrès,
Tandis que leurs premiers amants fumaient la pipe ;
Elles tournent la tête, et jetant sur ce type,
Par-dessurs leur épaule, un regard curieux,
Songent : « Oh ! Si c’était un miché sérieux ! »

(André Gill, La Muse à Bibi)

Un vieux miché, un vieux beau.

Tel au printemps un vieux miché
Parade en galante toilette.

(André Gill)

On écrit aussi michet.

Vous êt’s tous des fils de michets
Qu’on envoie téter en nourrice ;
C’est pour ça qu’vous êt’s mal torchés…
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Le client.

Miché de carton

Delvau, 1864 : Honnête homme qui achète de l’amour en marchandant, ce qui le fait mépriser des amoureuses.

Les Valaques ont près des femmes une grande réputation de mauvaise foi… Aussi elles les évitent et les ont placés au premier rang des michés de carton.

Vermorel.

Virmaître, 1894 : Homme à qui une fille demande cinq louis et qui lui offre quarante sous. On dit aussi : miché à la mie de pain (Argot des filles).

Miche de profonde

France, 1907 : Argent.

Miche de profonde, michon

Rigaud, 1881 : Argent. — L’argent est le pain de la poche.

Miche de Saint-Étienne

Rigaud, 1881 : Pierre, par allusion à la lapidation de saint Étienne.

Miché galetteux

France, 1907 : Miché qui a de l’argent ; autrement dit, miché sérieux.

Il n’y a pas au Conservatoire une seule gamine de quinze ans qui, au bout de six mois, ne pense à avoir un miché galetteux pour lui fourrer du luxe…

(Victorien du Saussay, L’École du vice)

Miche sérieux

Delvau, 1864 : Homme qui ne regarda pas à la dépense avec la femme qui l’a levé à Mabille ou sur le boulevard, et dont il devient souvent le Monsieur.

Fichtra ! C’est un miché sérieux !

Lemercier de Neuville.

Miché, Mikel, Miquel

Rigaud, 1881 : Nigaud ; homme simple, dupe, gobe-mouche. Monter un miquel, duper quelqu’un à qui on avait promis monts et merveilles.

Michel (ça fait la rue)

France, 1907 : Sous-entendu : le-Comte, jeu de mots sur compte.

— Eh bien, si j’y coupe pas, v’là tout, je coucherai à la boîte comme les camarades, et ça fera la rue Michel.

(Georges Courteline)

Michel cassant ses œufs

France, 1907 : Le tonnerre.

Michelet (faire le)

France, 1907 : Se glisser dans les foules pour palper les parties charnues des femmes.

Le vieux sénateur ne manquait jamais un de ces sermons mondains qui, pendant le carême, attirent les dames du noble faubourg ; il attendait pieusement la sortie et, perdu dans la foule, il se livrait avec une ardeur toute juvénile à ces manœuvres qu’on appelle en termes vulgaires faire le michelet.

(Les Propos du Commandeur)

Michelet, Michelin (faire le)

Rigaud, 1881 : C’est, à la faveur d’une cohue, dans l’obscurité, apprécier, à la manière de Tartuffe, l’étoffe de la robe d’une Elmire quelconque. Il y a des amateurs qui ne vont au milieu des foules que pour faire « les michelins ». Au spectacle de Guignol aux Champs-Élysées, les soldats font les michelins auprès des bonnes d’enfants. Autrefois le grand rendez-vous des michelins était au théâtre Comte. Grâce à l’obscurité nécessitée par la représentation des Ombres chinoises, les michelins avaient beau jeu. Parfois se faisait entendre le cri de quelque Lucrèce effarouchée ; mais le spectacle n’en était pas troublé, et des rires étouffés répondaient seuls à cet appel de la vertu indignée.

Michelets (avoir ses)

Rigaud, 1881 : Avoir ses menstrues, — dans le jargon des femmes qui ont lu le livre de Michelet sur l’Amour.

Michet

Rigaud, 1881 : Homme qui paye les femmes autrement qu’en belles paroles. Mot connu au XVIIIe siècle. — Michet sérieux, celui sur qui une femme peut compter, celui qui donne beaucoup d’argent et a passé un bail. Elles (les pierreuses) tournent la tête, et, jetant sur ce type, « Par dessus leur épaule un regard curieux, » Songent : « Oh ! si c’était un miché sérieux ! » (La Muse à Bibi, Les Pierreuses.) Bon Michet, oiseau de passage généreux. — Michet de carton, oiseau également de passage, mais marchandeur, un qui ne dit pas son nom et qu’on ne revoit plus.

Rossignol, 1901 : Homme généreux qui dépense sans regarder. Lorsqu’une fille publique trouve un client, elle a rencontré un michet ; s’il n’est pas généreux, c’est un michet à la mie de pain. Celui qui dépense sans compter et à qui l’on vend plus cher qu’à un autre est encore un michet.

Micheton

Delvau, 1866 : s. m. Petit miche, homme à qui les marchandes d’amour font un rabais.

Rigaud, 1881 : Michet en raccourci. Jeune homme, rhétoricien, qui apporte à une femme le peu d’argent dont il dispose, et qui, au besoin, en dérobe à sa famille.

Virmaître, 1894 : Petit miché qui rale sur le prix des faveurs des filles (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Homme qui paye les femmes.

Hayard, 1907 : Petit miché.

France, 1907 : Petit miché, qui paye peu ou marchande.

Michetonner

France, 1907 : Chercher un micheton.

Jeanne, t’en souvient-il des dèches d’autrefois ?
Las ! Alors tu portais moins de batiste fine,
Tu n’allais pas encore michetonner au Bois.

Micheuse, mirante, miradon

La Rue, 1894 : Glace.

Michon

d’Hautel, 1808 : Il a bien du michon. Pour, il a bien de l’argent pour avoir des miches.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Argent. Faire du michon, amasser de l’argent.

France, 1907 : Fortune, richesse : avoir du michon. Foncer du michon, payer. De michon est venu miché.

Michon (du)

anon., 1827 : De l’argent.

Bras-de-Fer, 1829 : De l’argent.

Halbert, 1849 : Du pain blanc.

Micmac

d’Hautel, 1808 : Manigance, intrigue, embarras, désordre, confusion.

Microbe

France, 1907 : Injure signifiant avorton, être sans aucune valeur.

On se prend à douter si l’avenir, au lieu de désigner notre siècle par le nom de quelque rare génie, ne l’appellera pas le siècle de microbes ; nul mot ne rendrait mieux notre physionomie et le sens de notre passage á travers les générations.

(M. de Vogüé)

France, 1907 : Du grec micros, petit, et bios, vie. Mot créé vers 1878 par Sédillot, chirurgien de Strasbourg, pour désigner les plus petits représentants de la nature vivante. Ces êtres se mesurent par millièmes ou dixièmes de millième de millimètre. Les microbes se reproduisent avec une vitesse prodigieuse. En 24 heures, 16 millions d’individus peuvent provenir d’un seul. Un millimètre cube de sang corrompu donne en un jour le nombre de 5,000 milliards de micro-organismes. La doctrine microbienne, dite théorie parasitaire ou doctrine du contage animé, explique les phénomènes de la contagion et de l’épidémicité des maladies infectieuses. Les fièvres éruptives, la fièvre typhoïde, les pneumonies, les abcès, les furoncles, la tuberculose, etc., sont causés par la pénétration du microbe dans l’organisme.
On dit « ensemencer » ou « cultiver » les microbes parce que, par une suite de gradations insensibles, ils se rattachent aux moisissures et aux algues, ce qui les a fait considérer à tort comme des végétaux.

Microbiologie

France, 1907 : Étude du microbe. « On peut dire que la microbiologie a pris naissance avec les travaux de Pasteur sur le vin et la bière. »

(Jules Héricourt)

Microscope

d’Hautel, 1808 : Instrument qui grossit les objets. Le peuple dit par corruption mitroscope.

Midi

d’Hautel, 1808 : À midi précise, sur les midi. Beaucoup de personnes parlent ainsi, au lieu de dire au masculin et au singulier à midi précis ; sur le midi. Il en est de même du mot minuit.
Chercher midi à quatorze heures.
Chercher une chose où elle n’est pas. Voyez Heure.
Chercheurs de midi. Filous qui s’introduisent dans les maisons, pour y exercer des vols.
Il ne voit pas clair en plein midi. Se dit d’un homme entêté, qui a peu de jugement, et qui ne veut pas convenir de ses erreurs.

Rigaud, 1881 : Trop tard. — Il est midi, cela n’est pas vrai. — Les ouvriers se servent encore de cette expression dans le sens de : « Méfions-nous », lorsqu’il y a des étrangers à l’atelier.

France, 1907 : Trop tard. Il est midi, je ne vous crois pas, cela n’est pas vrai. Il est midi sonné, ce n’est pas possible, c’est défendu.

— Faut pas te figurer comme ça que t’as le droit de te coller un bouc… Quand tu seras de la classe comme me v’là, ça se pourra, mais jusque-là, c’est midi sonné.

Midi !

Delvau, 1866 : Exclamation du même argot [du peuple], employée pour signifier : Trop tard ! Il est midi ! C’est-à-dire je ne crois pas un mot de ce que vous dites ; « Je ne coupe pas dans ce pont-là ! »

Merlin, 1888 : Trop tard ! ou tu peux t’ fouiller ! (argot parisien).

La Rue, 1894 : Trop tard. Il est midi ! cela n’est pas vrai.

Midi (chercheurs de)

France, 1907 : On appelait ainsi autrefois des filous qui se glissaient dans les maisons, un peu avant le dîner de midi, pour faire main basse sur l’argenterie.

Midi (il est)

Larchey, 1865 : Il n’est plus temps. — Date du temps où midi était l’heure du repas, celle où cessait toute affaire.

Midi à quatorze heures (chercher)

France, 1907 : Chercher des difficultés où il n’y en a pas, tergiverser.

Elle commença, sans chercher autrement midi à quatorze heures, par surexciter Flamboche et l’affoler au désir. Sous cet amour respectueux et presque religieux, qui se dupait lui-même à se croire en extase uniquement devant la splendeur morale de la sainte, elle avait tout de suite flairé, elle, le secret bouillonnement de la puberté en éveil. Elle en avait tant l’expérience, de ces chaleurs animales dont fermentent les adolescents ! Elle en avait tant su éteindre, après les avoir attisées dans son officine de la rue de la Lune !

(Jean Richepin, Flamboche)

Midinette

France, 1907 : Trottin ou jeune ouvrière qui sort de l’atelier ou du magasin à midi, soit pour déjeuner, soit pour prendre l’air. Le mot est de Paul Arène.

Au déjeuner, par bandes, se tenant par le bras, les ouvrières descendent, emplissent les trottoirs de gaieté débordante, causent à voix aiguë, s’interpellent sans souci des calembredaines que leur débitent les passants ; à cette heure, à ce quart d’heure plutôt, l’amour est mis de côté, laissé pour plus tard, on a un instant pour respirer à l’aise loin de la patronne et de ses cris, de l’ouvrage abrutissant, de l’air lourd, chargé d’odeurs fades qui écœurent et tandis que les poumons s’atrophient dans la position courbée où vous force à vous tenir l’ouvrage sans cesse renaissant… Aussi le quart d’heure est-il largement employé au récit des incidents importants de la veille, fâcheries d’amoureux, bourrades de la mère, observations sévères d’un père ébranlé dans sa crédulité par des veillées si fréquentes en morte-saison ; le tout entrecoupé de — ma chère ! — de rires qui partent, éclatent tout à coup comme des fusées sous le nez du suiveur interdit, décontenancé, qui lâche prise. Saluez, les midinettes passent !

(Jules Davray, L’Amour à Paris)

Midship-ça !

France, 1907 : Exclamation des élèves de l’École navale à la clôture d’un cours.

Quelle que soit l’application déployée par les élèves dans leurs différents cours, on comprend facilement qu’ils en voient arriver la fin avec plaisir.
Pour les uns, c’est l’année de fistot qui se termine ; pour les autres, c’est le galon d’aspirant qui s’approche. Ainsi, toutes les fois qu’un cours est clôturé, les fistots, pour témoigner leur joie, dès que le professeur a quitté l’amphithéâtre, crient-ils par trois fois : Ancien-ça ! expression elliptique signifiant : Désormais nous n’assisterons plus à un cours de même nature qu’en qualité d’ancien.
De leur côté, les anciens, à la fin de chaque cours, crient par trois fois : Midship-ça ! midship étant le nom anglais des aspirants de marine.

(Un ancien officier, Histoire de l’École navale)

Midship, midshipman

France, 1907 : Aspirant de marine. Anglicisme.

Dans les allées, un flot naissait, plus mêlé, des soldats, des marins, des officiers de tous corps, des filles à toilette tapageuse, des ouvrières riant très haut et des jeunes gens par bandes, — beaucoup de jeunes gens, une jeunesse de province, calicots ou commis, — des étudiants en médecine, des midships aussi, des aide-médecins, des sous-lieutenants en bourgeois qui, très gais, brocardaient les femmes au passage.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Midshiper

France, 1907 : Se dispenser de faire quelque choses, carotter le service ; argot du Borda.

(Un ancien officier, Histoire de l’École navale)

Mie

d’Hautel, 1808 : Jeûner entre la mie et la croûte. Ne point observer de jeûne.

France, 1907 : Pas, point. Vieux mot qui n’est plus usité que dans certaines provinces : du latin mica, petit morceau, miette.

Maître Adam le Bossu, qui bossu n’étais mie,
Voici qu’on te réveille en ta gloire endormie !
S’il est des malveillants pour en être étonnés,
Réponds-leur, bon raillard, avec un pied de nez.

(Jean Richepin)

On dit ironiquement dans le Centre : manger de la mie, pour plaider, être en procès, — les procès vous réduisant aux miettes (mica).

Mie de pain

Larchey, 1865 : Vermine (Vidocq). — Allusion à la démangeaison causée par une mie de pain égarée.

Delvau, 1866 : s. f. Pou, — dans l’argot des voleurs, qui savent combien une miette de pain égarée sous la chemise cause de démangeaisons à la peau.

Delvau, 1866 : s. f. Chose de peu de valeur, — dans l’argot des typographes. Ils disent cela à propos des gens qui ne leur conviennent pas.

Rigaud, 1881 : Objet de nulle valeur. — Individu déplaisant, — dans le jargon des typographes. — Pellicules de la tête, — dans le jargon des enfants.

Boutmy, 1883 : s. f. Chose de peu d’importance, de mince valeur Compositeur mie de pain, ouvrier peu habile. Metteur en pages mie de pain, celui qui n’a que des ouvrages de peu d’importance, ou qui n’est chargé que par occasion de la mise en pages d’un travail de cette sorte.

Virmaître, 1894 : Pou. On sait combien une mie de pain est désagréable sur la peau ; le pou occasionne une démangeaison semblable (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Moins que rien. Les typos, par la grande habitude, savent, du premier coup d’œil, discerner un bon article d’un mauvais. Le mauvais, c’est de la mie de pain (Argot d’imprimerie).

Rossignol, 1901 : Pou.

dis donc, Gugusse, quoiq’t’as sur le cou ? — C’est une mie de pain. — Une mie de pain ? ça marche !

France, 1907 : Pou.

— Oui, hier, je me peignais avec les doigts, rapport que j’ai oublié mon démêloir dans mon dernier garni. Vlan ! Voilà que j’en ramène un. Saleté de bête ! que je dis, et j’allais l’écraser quand je vois un capitaine d’artillerie qui passe avec sa dame.
— Permettez, mon officier, que j’y fais.
— Quoi donc ?
— Là, sur votre dolman, une mie de pain, vous aurez coudoyé quelqu’un de sale.
Et je fais celui qui enlève le pou en ayant l’air de me cacher de la dame.
— Merci, mon ami, qui dit.
Et il m’allonge une pièce de vingt ronds.

(Guy Tomel, Le Bas du pavé parisien)

France, 1907 : Chose de nulle valeur. Ouvrier mie de pain, mauvais ouvrier. Mac à la mie de pain, souteneur qui ne sait pas tirer profit de sa marmite.

Pègr’… mais pas pègre à la mie d’pain,
Pègre d’naissanc’, d’autor et d’riffe,
Pègre d’la haute et j’colle un paing
Au pantrio, quand i’ se r’biffe.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Mie de pain (à la)

Hayard, 1907 : De peu de valeur.

Mie de pain à pattes

France, 1907 : Petit jeune homme chétif et bien mis, gommeux. Argot populaire.

Mie de pain à ressort

Hayard, 1907 : Pou.

Miel !

Delvau, 1866 : Interjection de l’argot des bourgeois, amis de l’euphémisme.

France, 1907 : Exclamation que les gens polis emploient pour merde. On dit également miel de blé.

Miel (c’est un)

Delvau, 1866 : Phrase de l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos de tout, et surtout mal à propos. Une chose leur paraît bonne ou belle : C’est un miel. Ils entrent dans un endroit qui pue : C’est un miel. On se bat devant eux à coups de poing ou de couteau, et le sang coule : C’est un miel, etc., etc.

Rigaud, 1881 : C’est bon, c’est amusant, très agréable ; et par ironie, c’est laid, ennuyeux, désagréable.

France, 1907 : C’est une chose excellente. On dit aussi : C’est un beurre !

Mielleux

d’Hautel, 1808 : Avoir un air mielleux. Pour dire fade, doucereux, comme sont ordinairement les fourbes et les hypocrites.

Miette

d’Hautel, 1808 : Faire sauter les miettes. Manger avec un grand appétit, avidement ; mettre les morceaux doubles, comme il arrive lorsqu’on a pris beaucoup d’exercice, ou que l’on s’est appliqué à un travail pénible.
Rendre les miettes. Pour vomir, rendre les alimens que l’on a pris avec excès.

Miette (une)

Larchey, 1865 : Un peu.

Minute ! je me chauffe les pattes une miette.

Gavarni.

Delvau, 1866 : Un peu, — dans l’argot du peuple.

Mieux vaut règle que rente

France, 1907 : Régler l’emploi d’un revenu si modique qu’il soit est préférable que dépenser au delà d’un revenu même considérable ; l’homme de fortune modeste qui règle sa dépense est plus riche que l’opulent qui dépense sans compter.
« On ne devient pas riche, dit Fielding, parce que l’on gagne, mais par ce que l’on épargne. » C’est la traduction du dicton italien : Lo sparagno è to primo guadagno, l’épargne est le premier gain. Les Anglais, gens pratiques, ont une quantité de dictons sur ce sujet. En voici quelques-uns : Waste not, want not : ne gaspillez rien, vous n’aurez besoin de rien. Take care of the pence, the pounds will take care of themselves : prenez soin des sous, les pièces d’or prendront soin d’elles-mêmes. A fool and his money are soon parted, un écervelé et son argent sont bientôt séparés. A fool may make money, but it takes a wise man to spend it ; un fou peut gagner de l’argent, mais il faut un sage pour le dépenser. Wilful waste makes woeful want, grands gaspillages engendrent grands besoins. A penny saved is a penny got, sou épargné est sou gagné.

Mièvre

d’Hautel, 1808 : Eveillé, espiègle ; joyeux, débauché.

Miévrerie

d’Hautel, 1808 : Petite malice, tour de jeunesse.

Miévreté

d’Hautel, 1808 : Fredaines, malignité.

Mignard

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot de la boucherie, le bélier que l’on place devant les moutons pour les faire entrer à l’abattoir.

… ce bélier parjure que l’argot de la boucherie appelle un mignard, et la pègre de la Roquette un mouton, parce qu’il sert à conduire ses frères au supplice.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

anon., 1907 : Enfant.

Mignarder

France, 1907 : S’amuser, jouer surtout avec des filles.

Mignardise

d’Hautel, 1808 : Affectation de gentillesse, de délicatesse ; flatterie, enjôlerie, caresses fines et intéressées.

Mignon

d’Hautel, 1808 : Un mignon. Homme d’une lâche complaisance, asservi à d’infâmes caprices.
Un péché mignon. Inclination fautive dans laquelle on tombe à tout moment.
Argent mignon. Épargnes, économie, abondance d’argent comptant, que l’on dépense en frivolités, que l’on emploie à satisfaire ses moindres désirs.

Delvau, 1864 : Jeune pédéraste… passif. — Apollon à belles fesses. — L’histoire faisant mention des pages de Henri III, qui étaient non-seulement ses favoris, mais encore ses mignons, ne laisse pas de doute sur l’emploi qu’ils avaient auprès de leur maître.

Ce qu’il est le plus naturel de faire à la femme est précisément ce dont elle se soucie le moins ;… tantôt elle veut qu’où la traite comme un mignon… tantôt, etc…

A. de Nerciat.

Petit fils, petit mignon, Mâle ou femelle, Je sais ton nom.

Béranger.

Et j’abandonne au vicaire de Dieu
Ses trois clés d’or, ses fulminantes bulles,
Son Vatican, son cardinal neveu,
Ses beaux mignons, ses nièces et ses mules.

Parny.

France, 1907 : Jeune garçon servant aux plaisirs hors nature ; du celtique mion, amour, ou de l’ancien allemand minnia, même sens. Les mignons d’Henri III sont restés célèbres ; lorsqu’ils se battirent avez ceux du duc de Guise, on chanta dans les rues ce De profundis :

Que Dieu reçoive en son giron
Quélus, Schomberg et Maugiron !

D’ignobles débauches, entremêlées de capucinades et de coups d’épée, furent toute la vie de ces mignons, qui, du reste, moururent tous jeunes pour la plupart.

(Laroussse)

Et j’abandonne au vicaire de Dieu
Ses trois clefs d’or, ses fulminantes bulles,
Son Vatican, son cardinal neveu,
Ses beaux mignons, ses nièces et ses mules.

(Piron)

Mignon de couchette

France, 1907 : Joli garçon aimé des femmes, ce que le peuple appelle plus crûment tiroir à putain.

Le voilà le beau fils, le mignon de couchette,
Le malheureux tison de ta flamme secrète.

(Molière)

… Ce beau mignon de couchette
Dont Achille vengea la mort.

(Scarron)

Mignonne

Delvau, 1864 : Nom que l’on donnait au XVIIe siècle, à l’époque de leur apparition, à toutes les femmes entretenues.

Les riches seigneurs et les financiers ne se faisaient pas faute d’entretenir plusieurs mignonnes à la fois dans différents quartiers de la ville, ou même de les réunir ensemble comme dans un sérail.

P. Dufour.

Il me faut donc chercher quelque jeune mignonne,
Que, pour fille de chambre, en gaussant je lui donne.

J. De Schélandre.

Mignot

France, 1907 : Câlin, qui aime à être caressé ; de mignon. Parler mignot, parler en mignardant.

Ainsi ce n’est pas chose vainne,
Sa femme mignote et fetisse (bien faite),
De peur d’enlaidir à la peine,
Refuse à devenir nourrisse.

(Coquillard, XVIe siècle)

Mignoter

d’Hautel, 1808 : Caresser, dorloter, traiter délicatement. Il se dit particulièrement des enfans.
Se mignoter. Se traiter avec beaucoup de précaution, mettre de l’affectation dans les soins qu’on prend de sa personne.

Fustier, 1889 : Cajoler, embrasser, faire mignon.

Elle mignotait Céline, sa préférée, dont la tignasse jaune de chrome l’intéressait.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Caresser.

Mignotise

d’Hautel, 1808 : Flatterie, cajolerie, basse caresse.

Mijaurée

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux et méprisant que l’on donne à une femme qui s’en fait trop accroire ; à une bégueule, et généralement à ces indolentes, à ces idiotes toujours malades, et qui ne sont bonnes à rien.

Delvau, 1864 : Fille ou femme qui, devant l’homme, affiche des prétentions par des manières affectées et ridicules qui nous font… pisser. — Oh ! la ! la !

Ne va pas avec moi faire la mijaurée.

Regnard.

Fi des coquettes maniérées !
Fi des bégueules du grand ton !
Je préfère à ces mijaurées
Ma Jeannette, ma Jeanneton.

Béranger.

Delvau, 1866 : s. f. Femme dédaigneuse et plus bégueule qu’il convient, — dans l’argot des bourgeois. Faire la mijaurée. Faire des manières et des façons pour accepter une chose. On dit aussi Minaudière.

Mijoter

d’Hautel, 1808 : Mijoter une affaire. La traiter doucement, avec beaucoup de prudence ; la mener petit à petit au succès.
Se mijoter. Le même que mignoter.

Delvau, 1866 : v. a. Entreprendre à la sourdine ; préparer lentement, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe au figuré.

Rigaud, 1881 : Combiner avec soin. — Mijoter une affaire, une intrigue. — Mijoter un livre.

France, 1907 : Bouillir lentement, se préparer de longue main.

Comprenez donc que ce mot République, nous ne le gardons que pour la frime, ça fait patienter les ventres creux, —— en attendant la monarchie se mijote.

(Père Peinard)

J’suis pourtant pas un imbécile !…
Pour mijoter un coup d’fric-frac,
Ya pas deux comm’ mon gniasse au mille…
Mais quand i’ faut marcher, j’ai l’trac !

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Mijou

Hayard, 1907 : Malade.

France, 1907 : Faux malade. Faire Le mijou, simuler une maladie.

Mijou (faire le)

Virmaître, 1894 : Simuler une maladie (Argot des voleurs).

Mikel

Larchey, 1865 : Dupe (Vidocq). — C’est le nom de Michel dont le diminutif michon signifiait autrefois sot. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Dupe, — dans l’argot des saltimbanques.

Mikel, miquel

France, 1907 : Sobriquet que les diseurs de bonne aventure donnent à leurs dupes ; du nom propre Michel, qui signifiait autrefois niais, comme aujourd’hui Jean-Jean, Colas, etc.

Milet (un)

anon., 1907 : Mille francs.

Miliasse

France, 1907 : Bouillie de grains de maïs.

Milieu

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas de milieu à cela. Pour, il n’y a pas d’autre parti à prendre ; il faut en passer par-là.

Delvau, 1864 : Le con, par devant ; — le cul, par derrière. — Il n’y a pas de milieu, nom de Dieu !

Ce n’était que l’enjeu, nom de Dieu !
Pour luron de ma sorte.
Je fêtai son milieu ! nom de Dieu !
Trois fois avant que j’ sorte, nom de Dieu !
J’ fous la quatrième à la porte, nom de Dieu !
J’ fous la quatrième à la porte.

F. de Calonne.

Le doux milieu demandait à sa dame.
Pour y trouver un repos bienheureux.
Et la pauvrette s’est donnée
D’un vit par le milieu du corps.

Collé.

Milieu (empire du)

France, 1907 : Le plus puissant empire de la terre, celui que gouverne le roi Éros et qui s’étend du nombril aux cuisses.

Un prêtre confessait une jeune personne, de celles qui jettent dès l’âge de quinze ans leur bonnet par-dessus les moulins de la Galette. Elle avait trouvé un vieil imbécile amoureux fou d’elle qui consentait à lui donner son nom ; mais elle avait exigé que le mariage se fit à l’église, bien que le vieux fût un franc-maçon pratiquant et farouche mangeur de prêtres.
Le dit confesseur la félicitait : « Quel empire vous avez ! » disait-il.
Et la mutine enfant répondit :
— Je sais bien, mon père ; c’est l’empire du milieu.

Militaire

d’Hautel, 1808 : La goute militaire. Pour dire le rogomme, l’eau-de-vie que les soldats ont coutume de boire le matin à jeun.

Millard

France, 1907 : Variété de mendiants qui portent une besace sur leurs épaules et opèrent plus spécialement dans les campagnes.

Millards sont ceux qui trollent sur leur andosse de gros gueulards ; ils truchent plus aux champs qu’aux vergnes, et sont haïs des autres argotiers, parce qu’ils morflent ce qu’ils ont tout seul.

(Le Jargon de l’argot)

Mille

d’Hautel, 1808 : Il a des mille et des cents. Pour dire, que quelqu’un a beaucoup d’argent ; qu’il est très à son aise.

Fustier, 1889 : Argot des libraires. L’édition totale d’un ouvrage, d’un roman quelconque, étant donné — ce qui est une supposition — que cet ouvrage est tiré à mille exemplaires.

Depuis quelque temps on lit sur la couverture des volumes d’une maison de librairie : Premier mille ou sixième mille ou dixième mille. Mille quoi ? Mille exemplaires, cela se devine, mais cela n’en est pas moins de l’argot et quel argot !

(Événement, 1883).

Le dernier roman de M. Daudet a eu une envolée heureuse. Le cinquantième mille est depuis longtemps dépassé.

(Français, juillet 1884.)

France, 1907 : Voir Mettre dans le mille.

Fera-t-il beau, fera-t-il laid ?
C’est un problème difficile,
Chacun prédit ce qui lui plaît :
Tant mieux si l’on met dans de mille !

Millé

Hayard, 1907 : Billet de mille francs.

Mille (mettre dans le)

Fustier, 1889 : Réussir pleinement.

Mille millions de milliasse

Rigaud, 1881 : Enormément, un nombre infini de fois, tout ce que l’esprit du peuple peut concevoir de plus élevé comme chiffre.

Mille pattes

Rossignol, 1901 : Soldat d’infanterie.

Mille-langues

Delvau, 1866 : s. m. Personne bavarde, indiscrète, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Bavard.

Mille-pattes

Merlin, 1888 : Infanterie, régiment ou bataillon de fantassins. Le mot fait image.

Fustier, 1889 : Fantassin.

France, 1907 : Sobriquet donné par les cavaliers aux fantassins.

Il arrive parfois
Que la bourse est bien plate,
On n’est pas des bourgeois
Quand on est mille-patte,
Si l’on n’peut se payer
Sa petite chopine,
Faut souvent se fouiller
Passant d’vant la cantine !…
Aussi vive mon quart de vin
Dont la distribution sonne !
Vive ce nectar purpurin !
Vive la France qui le donne !

Milled

La Rue, 1894 : Mille francs.

Virmaître, 1894 : Billet de mille francs (Argot des voleurs). N.

Millegroux

France, 1907 : Loup-garou.

Millerand

France, 1907 : Raisin à grains nombreux et sans pépins ; du latin mille et granum, grain.

Millerie

Halbert, 1849 : Loterie.

Delvau, 1866 : s. f. Loterie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Loterie, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Loterie.

Virmaître, 1894 : Loterie que tiennent les camelots dans les fêles publiques (Argot des camelots).

Hayard, 1907 : Loterie de camelot dans les foires.

France, 1907 : Loterie foraine ; argot des camelots.

Millet

d’Hautel, 1808 : C’est un grain de millet dans la gueule d’un âne. Se dit quand les secours que l’on donne à quelqu’un sont bien au-dessous de ses besoins.

Rossignol, 1901 : 1000 francs.

France, 1907 : Mille francs.

Millet à la bouche d’un âne (grain de)

France, 1907 : Peu de chose.

Millet, millot

Rigaud, 1881 : Billet de banque de mille francs.

Quarante millets ! Telle était cette aubaine.

(La France, du 13 mars 1879.)

Milliards

anon., 1827 : Ceux qui portent des bissacs sur le dos.

Halbert, 1849 : Ceux qui portent des bissacs sur le dos.

Milliasse

d’Hautel, 1808 : Il y en a par milliasse. Se dit d’un lieu qui renferme une multitude d’êtres, d’insectes, comme les fourmis, les moucherons.

Milliasses

Delvau, 1866 : s. f. pl. Fort grand nombre. Argot du peuple.

Milord

Delvau, 1864 : L’entreteneur — anglais ou toulousain — d’une femme galante.

Le notaire est son milord.

H. De Balzac.

J’allons fair’ sauter les sacoches
De ce bon mossieu, son milord.

L. Festrau.

Une demoiselle entretenue ne se contente pas de son seul entreteneur appelé ordinairement Mylord Pot-au-feu. Elle a un amant en titre, qui ne paye que les chiffons ; un Guerluchon, c’est un amant qu’elle paye ; un Farfadet, c’est un complaisant ; et un Qu’importe est une personne qui vient de temps en temps, qui est sans conséquence ! et paye au besoin les petites dettes criardes.

(Correspondance d’Eutylie, 1,132.)

Larchey, 1865 : On donne moins ce nom aux Anglais qu’à ceux dont les largesses rappellent l’opulence britannique. Au moyen âge, milourt avait déjà le même sens, avec une acception plus ironique encore. C’est, comme Anglais, un fruit de nos anciennes guerres.

Ce sont milourdz qui ne voulsissent point d’hostes avoir.

Cretin, Épitre à Charles VIII.

Et je vous attise un beau feu au dessoubs et vous flambois mon milourt comme on faict les harencs sorets à la cheminée.

Rabelais, Ch., 14.

Le gros tailleur se dit négociant. À sa tournure il n’est pas milord russe.

Sénéchal, Ch., 1852.

Être sur le boulevard de Gand, se donner un air milord.

Ed. Lemoine.

Milord est souvent synonyme du miché sérieux décrit plus haut. exemple :

Le notaire est son milord.

Balzac.

Larchey, 1865 : Cabriolet à quatre roues.

On vote vingt-deux sous à Clémence pour un cabriolet milord.

Méry.

Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, en apparence du moins, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l’occupation de Paris par les Anglais.

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, — dans l’argot des petites dames. Leurs mères, plus prosaïques et moins vaniteuses, disaient Milord pot-au-feu, comme en témoigne ce couplet de Désaugiers :

Lorsque nous aimons,
Nous finançons
Afin de plaire.
D’où vient qu’en tout lieu
On dit : « Un milord pot-au-feu. »

Delvau, 1866 : s. m. Cabriolet à quatre roues, — dans l’argot des cochers.

Rigaud, 1881 : Entreteneur, à l’époque où les Anglais passaient our être généreux avec les dames qui vivent de la générosité publique.

France, 1907 : Nom que les voyous donnent à tout Anglais ou tout Américain qui paraît riche.

France, 1907 : Entreteneur d’une petite dame.

J’allons faire sauter les sacoches
De ce bon monsieur, ton milord.

(Festeau)

On disait autrefois de l’entreteneur : Milord Pot-au-feu ; c’est en effet lui qui fait bouillir la marmite.

Lorsque nous aimons,
Nous finançons
Afin de plaire ;
D’où vient qu’en tout lieu
On dit : Um milord Pot-au-feu.

(Désaugiers)

France, 1907 : Cabriolet à quatre roues

Milord l’arsouille

France, 1907 : Sobriquet donné à lord Seymour qui, vers la fin de la Restauration et au commencement du règne de Louis-Philippe, se rendit célèbre à Paris par ses excentricités. C’était un homme accompli, jeune, gai, d’une force herculéenne, spirituel et immensément riche, écrasant tons les jeunes gens qui voulaient rivaliser avec lui par son luxe inouï et ses excentricités colossales. Il purgea par la seule force de son poing la Courtille de tous ses batailleurs, de ses terreurs, de ses mangeurs de nez.

Lorsque sa voiture, attelée de six chevaux, accompagnée de piqueurs donnant de la trompe et de courriers enrubannés, montait le boulevard, c’était un grand hourra, comme aux jours de feu d’artifice, quand part des Tuileries la fusée signal. On s’arrêtait, on se pressait, on se bousculait pour voir passer la mascarade modèle. Tous les gens de la suite, les cavaliers, les amazones, les cavalcades et les voitures de masques lui faisaient cortège : ils étaient glorieux de faire croire au bon public massé sur les trottoirs, aux femmes qui paradaient dans les calèches des deux files, et même aux municipaux, qu’ils faisaient partie de cette aristocratique saturnale. Et lui, calme et tranquille comme un dieu antique, il inondait de bonbons et de dragées tous ses obscurs admirateurs…
— C’est Milord l’arsouille ! Vive Milord l’arsouille ! exclamaient les gamins… Les excentricités de Milord l’arsouille n’ont pas duré plus de trois ou quatre ans.

(A. Privat d’Anglemont)

Mils

France, 1907 : Nom d’un exercice gymnastique emprunté aux Persans et qui se fait au moyen de massues.

Mimele

Rossignol, 1901 : Argot hébreu qui signifie chatte.

Mimi

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des artistes et des bohèmes, qui ont emprunté cette expression à Henry Murger, qui l’avait empruntée à Alfred de Musset.

France, 1907 : Maîtresse ; du nom de l’héroïne d’un roman d’Henri Murger.

Ici, deux étudiants poursuivaient le cours de leurs études médicales à travers une partie de jacquet sur une table bravement couverte de chopes vides et de verres d’absinthe. Là, quatre figures enluminées discutaient gravement la question du dîner, et supputaient ce que l’on pouvait retirer de tel ou tel attentat sur la bonne foi paternelle. Plus loin, un groupe se livrait avec ardeur à ce que Victor Hugo appelle littérature et philosophie mêlées. Dans un coin, un étudiant en droit apprenait le Code dans les yeux bleus d’une Mimi anonyme, tandis qu’un vieux carabin considérait avec attention le mélange de l’eau qui tombait goutte à goutte dans son verre avec une absinthe suisse qui s’y trouvait. La salle était obscurcie par la fumée des pipes, à travers laquelle on apercevait des têtes coiffées de bérets rouges placés d’une façon impossible.

(Eugène Vermersch, Le Laticum moderne)

Minable

Delvau, 1866 : adj. et s. Pauvre, misérable ; mesquin ; de mauvaise mine, — dans l’argot du peuple.

Minauder

d’Hautel, 1808 : Affecter des mines et des manières ; faire le gracieux.

Minauderie

d’Hautel, 1808 : Toner doucereux, grimacier et affecté.

Minaudier

d’Hautel, 1808 : Qui affecte des manières ridicules, qui fait l’agréable.

Mince

d’Hautel, 1808 : Des minces. On appeloit ainsi vulgairement le papier monnoie, connu sous le nom d’assignats, quand il étoit en émission ; c’est maintenant le nom que le peuple donne aux billets de banque.
Mince comme la langue d’un chat. Se dit par mépris d’une chose peu épaisse, qui n’a de valeur qu’autant qu’il y a beaucoup de matière.
Il est assez mince. Pour dire, il n’est pas trop à son aise.
Avoir l’esprit mince. Pour avoir peu d’esprit, être borné.

Larchey, 1865 : Papier à lettres (Vidocq). — Allusion d’épaisseur.

Delvau, 1866 : s. m. Papier à lettres, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. De peu de valeur, morale ou physique, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses. Mince alors !

Rigaud, 1881 : Papier à lettres, billet de banque, papier. — Le mot mince pour désigner papier date de la création des assignats.

Boutmy, 1883 : adj. Pris adverbialement Beaucoup, sans doute par antiphrase. Il a mince la barbe, il est complètement ivre. Commun à plusieurs argots.

La Rue, 1894 : Papier. Billet de banque. Mince ! Beaucoup, très.

Virmaître, 1894 : Rien. Mais, dans le peuple, cette expression sert à manifester l’étonnement.
— Ah ! mince alors, elle en a une nichée dans la paillasse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Ce mot sert à marquer l’étonnement, et signifie beaucoup.

Vois ce que j’ai pris de poisson ! Mince alors. — Le patron offre à dîner : mince ce que nous allons nous les caler.

France, 1907 : Papier à lettres ; argot des voleurs.

France, 1907 : Beaucoup. Mince de chic ! Mince de potin ! Mince de colle ! Mince de rigolade ! Mince de pelle !

Depuis qu’nous somme on république,
On fourr’ ces mots un peu partout.
Nos gouvernants sont ironiques,
Ils la connaiss’nt pour s’fout’ de nous,
Sur les monuments, les écoles,
Les mairies, on voit ces trois mots,
Comm’ si qu’c’était vrai. Minc’ de colle !
C’qu’on te gourr’, mon vieux populo !

(Le Père Peinard)

Je r’viens d’un’ noce aux Batignolles,
Minc’ de rigolade ! Ah ! chaleur !
Les invités avaient des fioles
À fair’ pâmer un saul’ pleureurs 
Y avait d’quoi rir’ comm’ un’ baleine
En voyant parents et mariés.

(Jeanne Bloch)

Mince !

Fustier, 1889 : Exclamation qui répond à zut ! ou à : ah ! non ! alors !

Ah ! mince alors ! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse.

(Meilhac et Halévy : Lolotte.)

A aussi le sens de beaucoup.

Hayard, 1907 : Expression à peu près équivalente à « zut ! »

France, 1907 : Exclamation exprimant un étonnement réel ou feint.

Malgré qu’il avait pas d’état,
Ça fit tout d’suite un bon soldat,
Et pis mince
Qu’i’ mangeait à gueul’ que veux-tu ;
Il ‘tait nourri, logé, vêtu
Comme un prince.

(Aristide Bruant)

Mince alors !

France, 1907 : Exclamation ironique.

Entre Alphonses :
— T’as pas vu la femme qu’a eune peau que quand on la frotte, a laisse jaillir des étincelles ?
— Mince alors !… C’est rien chouette ! Son type n’a qu’à la frotter pour qu’elle éclaire !…

Mince de

Rigaud, 1881 : Beaucoup de ; rien que ça de. Locution employée par le peuple hors de tout propos devant un autre mot, pour en marquer à la fois le nombre et la bonne qualité. — Mince de toilette à la clé, mince de politesse, mince de beurre, mince de tableaux, mince de chic.

Mince, mince que

Rigaud, 1881 : Je crois bien, comment donc, certainement que. — Mince que je voudrais le voir. — Mince qu’il est bate.

Mince que t’as raison.

(J. Lermina, Les Chasseurs de femmes, 1879.)

Vous avez des places ? — Mince ! si j’ai des places ? Une loge de face.

(Le Gavroche, 1879)

Les voyous emploient encore le mot mince comme synonyme du fameux mot de Cambronne, à la fin d’une phrase, comme argument décisif : Ah ! mince alors.

Mincer

France, 1907 : Hacher, couper en petits morceaux. Vieux mot.

Minces

Delvau, 1866 : s. m. pl. Billets de banque, — dans l’argot des faubouriens, qui, originairement, ont donné ce nom aux assignats.

Minçon

Clémens, 1840 : Morceaux.

Mine

d’Hautel, 1808 : Tourner la mine du côté de la marmite. Phrase facétieuse. Pour aller dîner ; aller prendre un repas.
Faire grise mine. N’être pas de bonne humeur ; avoir l’air sérieux et triste.
Faire bonne mine et mauvais jeu. Cacher le désordre de ses affaires, en montrant une grande tranquillité.
Faire la mine à quelqu’un. Pour le bouder, lui montrer de la mauvaise humeur.
Mine éventée. On appelle ainsi ironiquement une fille qui s’est laissée séduire.

Mine à chier dessus

Rigaud, 1881 : Vilain visage, — dans le jargon du peuple. Qu’est-ce qu’il vient vous emm… ieller, celui-là, avec sa mine à chier dessus ?

France, 1907 : Vilaine figure.

— Qu’est-ce qu’il vient nous emmieller celui-là, avec sa mine à chier dessus ?

On dit aussi dans le même sens : mine à coucher dehors, c’est-à-dire avoir une figure à qui personne ne voudrait ouvrir la porte de chez soi pour y passer la nuit.

Mine à poivre

France, 1907 : Cabaret.

Lui était un bon, un chouette, un d’attaque. Ah ! zut ! le singe pouvait se fouiller, il ne retournerait pas à la boîte, il avait la flemme. Et il proposait aux deux camarades d’aller au « Petit bonhomme qui tousse », une mine à poivre de la barrière Saint-Denis, où l’on buvait du chien tout pur.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Mine revenante

Rigaud, 1881 : Mine qui revient, visage agréable.

Minerve

Fustier, 1889 : Argot de joueurs. Filouterie qui rappelle celle dite du neuf de campagne. (V. cette expression).

D’ordinaire, le baccara se joue avec deux cartes dont l’assemblage forme le point et, si le banquier veut bien y consentir, une troisième qu’il donne découverte au tableau qui la demande. Quelquefois dans ces trois cartes il n’y a pas de quoi gagner sa vie, au contraire. Les malins en ont ajouté une quatrième, cachée celle-là qu’ils tiennent dans leur main gauche et que, par un travail analogue à celui dont j’ai parlé plus haut, ils arrivent à substituer à l’une de celles qui leur sont données régulièrement. D’habitude, les prestidigitateurs qui font la minerve adoptent un quatre ou un cinq, une carte qui peut s’adapter à toutes les combinaisons pour faire un point très honorable.

(C. des Perrières : Paris qui triche.)

France, 1907 : Petite machine à imprimer que l’on lait mouvoir avec le pied.

France, 1907 : Carte que substitue le grec à celle que le banquier lui a donnée.

Minerviste

France, 1907 : Imprimeur qui travaille à la minerve.

Minet

Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des enfants. Ils disent aussi Minon.

France, 1907 : Chat. On dit aussi minon.

Minette

d’Hautel, 1808 : Nom d’amitié que l’on donne à une petite fille.

Delvau, 1864 : Gamahuchage de la femme par l’homme, et quelquefois de l’homme par la femme, — au moyen de la langue, qui a l’air de laper le sperme comme les chats lapent le lait.

Allons, ma fille, une minette, pour que je bande.

J. Le Vallois.

Le bougre lui fait minette.

Gustave Nadaud.

Elle a l’étrange goût
Qu’on la foute en levrette,
Elle vous fait minette
Et puis avale tout.

Joachim Duflot.

Et maintenant, mon agneau… fais-moi une minette distinguée, digne du coup que nous allons tirer ensemble.

Lemercier de Neuville.

Larchey, 1865 : Mot d’amitié. V. Chat.

Oui, minette, je me calme.

De Courcy.

Virmaître, 1894 : V. Descendre à la crémerie.

Minette (faire)

France, 1907 : Caresser une femme de la façon appelée descendre à la crèmerie.

Cette expression, dit Ch. Virmaître, est employée par des filles qui n’aiment pas les hommes : elle est suffisamment claire.

Elle est employée aussi par les hommes qui aiment trop les femmes.

Mineur

d’Hautel, 1808 : Cela ne fait pas le compte des mineurs. Se dit en plaisantant de quelque chose qui blesse les intérêts d’une personne compromise dans une affaire.

Halbert, 1849 : Manseau.

France, 1907 : Manceau ; argot des voleurs.

Minima de malis

France, 1907 : « Des maux choisir le moindre », dicton latin tiré de Phèdre.

Ministère

d’Hautel, 1808 : Avez-vous besoin de mon ministère ? Pour, avez-vous besoin de mes services ; puis-je vous être utile ?

Ministrable

France, 1907 : On appelle ainsi, en argot parlementaire, les personnalités de la Chambre dont on peut faire des ministres à un changement de cabinet.

Après l’élection de Carnot, le général Boulanger fit pressentir les chefs du parti radical, les ministrables.

(Mermeix)

Ministre

Rigaud, 1881 : Pour le soldat, tout individu crevant de santé, bien placé ou bien renté, que rien n’émeut, content de lui, gros et gras à lard est un « ministre ». Il y a, comme on voit, un grand fond d’observation chez le troupier français. — Gros ministre, marche donc, si tu peux, ou roule, si tu peux pas marcher.

Rossignol, 1901 : Mulet. En campagne, les mulets sont des ministres parce qu’ils sont toujours charges des affaires de l’État.

France, 1907 : Mulet, cheval de bât ; argot militaire spécialement de l’armée d’Afrique. Cette appellation burlesque vient de ce que les mulets, chevaux de bât sont chargés, disent les soldats, des affaires du régiment, comme les ministres de celles de l’État. Dans certains départements du Centre, ministre, qu’on prononce minisse, est le nom donné aux baudets (Voir Mazarin).

Dans l’enquête sur le chemin de fer de Clermont, un cantonnier chargé de constater la circulation journalière sur une route écrivait dans son rapport : « Le… (quantième), huit chevaux, six bœufs, dix vaches, trois ministres. » Nous nous sommes plu à constater que ce sobriquet était antérieur à l’établissement du régime représentatif ; il date peut-être des guerres de religion, et aura été employé en haine de ceux, comme on disait, de la religion prétendue réformée et de leurs ministres. Se dit notamment à la Charité, l’une des villes de sûreté des protestants, dans la paix dite boiteuse et mal assise ; à Sancerre, ville fameuse par le siège qu’elle a soutenu après la Saint-Barthélémy, et surtout à Asniéres, village encore tout protestant, aux portes de Bourges. L’explication la plus honnête est celle qu’on tire simplement du latin minisier, serviteur.

(Jaubrert, Glossaire du centre de la France)

Ministre de l’intérieur

Virmaître, 1894 : Doigt. Allusion à une coutume très en usage dans les couvents de jeunes filles (Argot du peuple).

France, 1907 : Doigt ; argot populaire. « Allusion, dit Charles Virmaître, à une coutume en usage dans les couvents de jeunes filles. »

(Dictionnaire d’argot fin de siècle)

Ministresse

France, 1907 : Femme de ministre.

— Comment est-elle devenue ministresse, après avoir porté tant de bonheur chez tant d’étudiants ?
— Elle est devenue ministresse le plus simplement du monde. Le sénateur Dumas avait l’habitude de passer ses soirées au café de la Source. Lorsque Dumont lâcha Gabrielle, il la recueillit. Il était jovial, ce brave Dumas. Ces deux gaietés se convinrent et ça fit un beau petit collage.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Minois

Halbert, 1849 : Nez.

Delvau, 1866 : s. m. Nez, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Nez. Visage.

France, 1907 : Nez, visage.

Plus d’œil que de fond ; plus de mousse que de vin. Il donne plus de plaisir que d’amour ; il engendre plus de caprices que de passions ; et je suis loin d’en faire un reproche au minois.

(Dr Grégoire)

Minois, mine

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voleurs.

Minon

d’Hautel, 1808 : Nom que les enfans donnent aux chats.
Il entend bien chat, sans qu’on dise minon. Pour, il entend le demi-mot, et sans qu’on lui explique.

France, 1907 : Nom familier du chat. Il entend bien chat sans qu’on dise minon, il comprend a demi-mot.

Minon Minette (faire)

Delvau, 1864 : Se gamahucher mutuellement, homme et femme ; faire tête-bêche.

Minon-minette

France, 1907 : Cachotterie. Faire des minons-minettes. Entrer en minon-minette, entrer à la dérobée, en sournois, comme une chatte.

Minoribus (in)

France, 1907 : « Dans les moindres », être rangé parmi les intimes.

Minot

d’Hautel, 1808 : Ils ne mangeront pas un minot de sel ensemble. Pour, ils ne seront pas long-temps unis, bons amis.

Minotaure

France, 1907 : Mari trompé. Minautoriser un mari, séduire sa femme.

Minotaure, risé

Larchey, 1865 : « Quand une femme est inconséquente, le mari serait, selon moi, minotaurisé. » — Balzac.

Minotauriser

Delvau, 1866 : v. a. Tromper un homme avec sa femme, comme Paris avec la femme de Ménélas. Argot des gens de lettres. L’expression sort de la Physiologie du mariage d’H. de Balzac.

Minotauriser un homme

Delvau, 1864 : Le faire cocu, — allusion aux cornes du Minotaure de l’Ile de Crète.

Quand une femme est inconséquente, le mari doit être, selon moi, minotaurisé.

H. De Balzac.

Minstrel

France, 1907 : Chanteur déguisé en nègre qui s’accompagne sur un banjo. C’est notre vieux mot ménestrel revenu déformé par son passage en Angleterre.

Boulogne et le Havre enfin, leurs bars, les music-halls et les minstrels aidant, ont-ils besoin d’un ciel gris, d’une mer embrouillardée pour « entraîner » leurs hôtes de passage à la vie anglo-saxonne ?…

(Paul Bonnetain)

Mintzingue

France, 1907 : Cabaretier. Formé de manzingue.

Depuis ce temps elle est toujours pompette
Et chez l’mintzingue ell’ croque le magot.

(L’Almanach chantant, 1869)

Minuit

d’Hautel, 1808 : À minuit précis, sur le minuit. Ce mot est toujours singulier et masculin ; c’est à tort que l’on dit continuellement à minuit précise, sur les minuit. Voy. Midi.

Larchey, 1865 : Nègre (Vidocq). — Allusion à la couleur sombre de la nuit.

Delvau, 1866 : s. m. Nègre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Nègre. — Enfant de minuit, voleur.

La Rue, 1894 : Nègre.

Minuit (enfant de messe de)

France, 1907 : Coureur de filles, libertin.

Minus-habens

France, 1907 : Terme scolastique pour désigner un enfant ou un homme de peu de moyens ; littéralement ayant moins, sous-entendu : que les autres.

Minusseries

France, 1907 : Affaires sans importance, minuties. Provincialisme.

Minute

d’Hautel, 1808 : Minute ! Espèce d’exclamation, pour dire, un moment ; arrêtez, n’achevez pas.

Minute !

France, 1907 : Attention, doucement.

Minzingo

France, 1907 : Cabaretier, marchand de vin. Corruption de manzingue.

Je la rencontrai chez le minzingo qu’est au coin du boulevard ; elle s’enfilait un demi-setier avec le tambour-maître. « Ah ! la gironde gonzesse, que je me dis : quinze ans et pas de corset ! »

(Les Joyeusetés du régiment)

Minzingue

Rigaud, 1881 : Marchand de vin. Et les variantes minzingo, mind-zingue, manzinguin, qu’on prononce en faisant sonner fortement le premier N.

La philosophie, vil mindzingue, quand ça ne servirait qu’à trouver ton vin bon.

(Grévin).

Pauvre Dupuis manzinguin, malheureux.

(Privat d’Anglemont).

Minzinguin

Larchey, 1865 : « Le roi est un bon zigue qui protège les minzinguins. » — Cabassol. — V. Mannezingue.

Mioche

d’Hautel, 1808 : Pour, petit enfant.
Avoir des mioches. Pour avoir des enfans.
C’est aussi un terme de mépris que l’on applique à un petit homme qui fait le fanfaron ; à un fat qui n’a ni force, ni talent.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, — dans l’argot du peuple, pour qui un nouveau-né est une miette d’homme, et dont le corps pétri de lait, presque sans os et sans muscles, ressemble à de la mie de pain.

France, 1907 : Enfant, petit garçon ; du latin mica, petit morceau, mie. On dit, pour une petite fille, une mioche.

Ah ! Je voudrais les tenir ici, ceux qui déplorent la dépopulation de la France, les crocodiles économistes qui conspuent Malthus, et déclarent les ouvriers coupables de ne pas « peupler » davantage !
Elle a suivi leur doctrine, celle-là ! Elle s’est mariée toute jeune, n’a pas triché dans l’amour, apporte sa nichée de cinq moutards à la patrie ! Elle a crû, multiplié, re-peu-plé !
Qu’est-ce que la patrie fait pour elle ? Elle la laisse crever de faim, tout simplement, elle et ses cinq petits citoyens !
Avant d’encourager les malheureux à reproduire, est-ce qu’on ne devrait pas avoir la pudeur de s’occuper de nourrir les mioches déjà nés ! Il en meurt cent vingt mille par an, de vos futurs conscrits. Commencez donc par les nourrir et les élever, avant de reprocher aux malheureux leur souci de l’avenir, et d’aller rechercher dans le linge sale des sages-femmes les traces de méfaits que vous justifiez !

(Jacqueline, Gil Blas)

Mioche, mion

Larchey, 1865 : Bambin. — Mion est un mot de langue romane (V. Roquefort) dont mioche serait le diminutif. — V. Dardant.

C’est à moi que reviendra le droit d’être le parrain de tous les mioches.

Bourget.

Rigaud, 1881 : Petit enfant, petit garçon. — Mion de gonesse. Adolescent. — Mion de boule, voleur.

Mion

anon., 1827 : Garçon.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Filou de bas étage.

Bras-de-Fer, 1829 : Garçon.

Halbert, 1849 : Garçon.

Hayard, 1907 : Enfant.

France, 1907 : Petite mesure pour le vin ; provincialisme.

France, 1907 : Petit garçon, marmot, mioche ; même origine que ce dernier mot, à moins qu’il ne vienne du vieux français dérive du grec meion, moindre.

Fonçons à ce mion folâtre
Notre palpitant.

(Nicolas Grandval)

France, 1907 : Canard siffleur.

Mion de boule

Halbert, 1849 : Filou.

France, 1907 : Filou, coupeur de bourse ; argot du temps de Cartouche.

Mions de boule

anon., 1827 : Coupeurs de bourse, filoux.

Bras-de-Fer, 1829 : Coupeurs de bourse, filous.

Miot

France, 1907 : Brin, miette ; du patois bas normand ; même sens dans le patois béarnais ; miette, dans la Meuse.

Miou

Virmaître, 1894 : Enfant. Allusion au miaou du jeune chat (Argot du peuple).

Mipe

d’Hautel, 1808 : Défi, bravade ; terme d’écoliers.
Faire un mipe. Défier un camarade au jeu ; jouer au plus habile, à qui sera le plus fort, qui l’emportera.

Miquel

Clémens, 1840 : Facile à faire.

La Rue, 1894 : Facile à faire. Niais, dupe.

Miquelot (faire le)

France, 1907 : Faire l’hypocrite religieux : du sobriquet donné aux pèlerins de Saint-Michel.

Miracle

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas encore crier miracle. Se dit d’une affaire dont le succès, quoique presqu’assuré, n’est cependant pas encore absolument décidé.
Voilà un beau miracle ! Se dit ironiquement, pour diminuer le prix d’une action.
Il a fait un miracle. Pour, il lui est arrivé un malheur, il a brisé ou cassé quelque chose.
À miracle. Pour dire, à merveille, parfaitement, on ne peut mieux.

Mirador

France, 1907 : Belvédère que l’on construit dans les maisons d’Espagne ou les provinces espagnoles ; de mirari, regarder.

Miradou

Larchey, 1865 : Miroir (Vidocq). — Mirauder voulait dire autrefois regarder.

Delvau, 1866 : s. m. Miroir, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Miroir ; mot emprunté au provençal. — La variante est : mirelaid.

Virmaître, 1894 : V. Mirante.

France, 1907 : Miroir.

Mirancul

France, 1907 : Apothicaire, vieil argot.

Mirante

France, 1907 : La glace.

Mirauder

France, 1907 : Regarder, admirer ; du latin mirari ; ne s’emploie guère que dans cette expression ; mirauder un œuf, regarder au travers pour juger s’il est frais.

France, 1907 : Ajuster, attifer, faire la toilette. « Je viens de mirauder la gosseline. »

Mire-laid

d’Hautel, 1808 : Pour dire un miroir, et par une allusion maligne avec la personne qui s’en sert.

Delvau, 1866 : s. m. Miroir, — dans l’argot du peuple.

Mirecourt

Delvau, 1866 : s. m. Nom d’homme qui est devenu celui de tous les pamphlétaires de plus de passion que de talent. Théodore de Banville est le premier qui, en littérature, ait fait de ce nom propre un substantif courant. Il restera, il doit rester.

Rigaud, 1881 : Violon. M. Fr. Michel assure que c’est parce qu’on fabrique beaucoup de violons dans les Vosges que les voleurs ont donné au violon le nom d’une petite ville de ce département. — C’est tout simplement parce que pour jouer du violon on regarde l’instrument de très près ; l’exécutant le met pour ainsi dire sous son nez : mirer de court, regarder de près, a fait mirecourt.

France, 1907 : Violon ; argot des voleurs. La ville de Mirecourt, sous-préfecture des Vosges, est célèbre pour ses instruments de musique, principalement la fabrication les violons.

Mirelaid

France, 1907 : Miroir.

Mirement

France, 1907 : Mirage ; argot des marins. Être en mirement, paraître dans une situation plus élevée qu’on ne l’est réellement.

Mirer

d’Hautel, 1808 : Se mirer dans ses plumes. Se dit d’un fat qui est idolâtre de sa personne ; qui s’admire avec complaisance, s’enthousiasme de sa fadeur et de son insipidité.

Mirette

Halbert, 1849 : Œil.

Larchey, 1865 : Œil (id). — L’œil est un petit miroir.

Rigaud, 1881 : Prunelle de l’œil. — Sans mirettes, aveugle. Mirettes en glacis, mirettes glacées, lunettes. Mirette en caouche, télescope ; caouche pour caoutchouc.

Mirettes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Yeux, — dans l’argot des voyous.

La Rue, 1894 : Yeux.

Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Yeux.

Hayard, 1907 : Yeux.

France, 1907 : Les yeux.

Comm’ je pionçais, l’aut’nuit, dans ma chambrette,
V’là feu ma doch’ qui radin’ subito.
Mêm’ qu’elle avait encor peint ses mirettes,
Poudré son blair et rougi son museau,
Bien tendrement la v’là qui me regarde :
Tremble, qu’a m’dit, fillette, pour tes jours,
À Jéhovah, vois-tu., faut prendre garde,
Car le vieux Juif te jouera d’vilains tours.

(Willy)

Mirettes, quinquets

anon., 1907 : Yeux.

Mireur

Rigaud, 1881 : Espion, observateur, — dans le jargon des voyous. — Quand ils auront fini de se ballader, tous ces mireurs !

France, 1907 : Employé aux caves des Halles pour y inspecter les provisions.

Deux cents becs de gaz éclairent ces caves gigantesques, où l’on rencontre diverses industries spéciales… Les mireurs qui passent à la chandelle une délicate révision des sujets ; les « préparateurs de fromages » qui font jaunir le chester, pleurer le gruyère, couler le brie, ou piquer le roquefort…

(E. Frébault)

Mirjolures

France, 1907 : Enjolivements à plat.

Mirlicoton

France, 1907 : Pêche d’automne appelée aussi poire jaune.

Mirlifichures

France, 1907 : Colifichets, objets de parure. Vieux mot.

Mirliflor, mirliflore

France, 1907 : Prédécesseur du gommeux ; de mirer et de fleur.
Francisque Michel voit dans mirliflore une altération de mille-fleurs, bouquet de plusieurs leurs odorantes dont se paraient les élégants du siècle dernier, tandis que Littré pense que c’est une altération de mirlifique, altération elle-même de mirifique, mirificus, merveilleux. Le mirliflor florissait vers 1820.

Ces favoris de la mode appelés roués sous la Régence, merveilleux sous Louis XV, mirliflores sous Louis XVI, incroyables sous le Directoire, agréables sous l’empire, étaient-ils inférieurs aux lions de nos jours ?

(Sophie Gay)

Avec des bouquets comme celui-là, ou des œillets rouges flambants comme braise, et résistants dans les bagarres, on s’en allait, les demi-soldes, les « brigands de la Loire », au café Lamblin, à la Rotonde. Les mirliflores nous y attendaient, avec des œillets blancs au revers de leur habit de drap fin.
Ce n’était pas long. Un mot, une gifle ! « Vive le roi ! — Vive l’empereur ! » Et ce qu’on se battait !

(Sévérine)

Mirliflore

d’Hautel, 1808 : Un merveilleux ; un fat, un homme fort épris de sa personne.

Delvau, 1866 : s. m. Le gandin de la Restauration, qui est toujours le Lion pour le peuple.

Mirlipot

France, 1907 : Infusion de sauge. On s’en sert pour remplacer le thé.

Mirliton

Delvau, 1864 : Un des nombreux synonymes des mots : vit, pine et con, — très usité dans les chansons et les poésies légères.

Je ne connais sur la terre
Que deux séduisants objets :
Ce vin qui remplit mon verre
Et d’un tendron jeune et frais.
L’étroit mirliton, etc.
Le cynique Diogène
Blâmait toujours le plaisir,
Et lui-même, dans Athènes,
Il empoignait pour jouir
Son vieux mirliton, etc.

J. Cabassol.

Vos mirlitons, Mesdames, à présent,
Sont grands trois fois plus qu’ils ne devraient être.

Grècourt.

Mais où placer un Amphion
Qui n’a qu’un petit mirliton ?

(Chanson anonyme moderne.)

Delvau, 1866 : s. f. La voix humaine, — dans l’argot des faubouriens. Jouer du mirliton. Parler, causer.

Rigaud, 1881 : Voix. — Jouer du mirliton, parler.

France, 1907 : Ce n’est pas la trompette du plaisir, c’en est l’instrument, ce que Rabelais appelait Maistre Jehan Chouart ou Maistre Jehan Jeudi. Jouer du mirliton, sacrifier à Vénus, ou, suivant Maître Alcofribas, frotter son lard.

Ce soir, ma ménagère
Trouvant que j’rentrais tard,
J’lui dis : Écout’, ma chère,
J’apport’ pour le moutard
Un joli p’tit mirlitire,
Un charmant p’tit mirliton.
Là-d’sus, se mettant à rire,
Ma femm’, qui change de ton,
Veut jouer du mirlitire,
Veut jouer du mirliton,
Veut jouer du mir, du li, du ton,
Du mirliton !

(Le Mirliton)

Mirliton s’employait aussi autrefois pour la nature de la femme :

Auprès de toi, ma mignonne,
Mon cœur est comme l’aimant,
Et mon aiguille friponne
Cherche le pôle charmant
De ton mirliton.

(Le Nouveau Tarquin, 1731)

Mirmidon

d’Hautel, 1808 : Un mirmidon. Terme de mépris ; nain, bamboche ; homme étourdi, indiscret, in considéré.

Mirnte

Virmaître, 1894 : La glace (Argot des voleurs).

Mirobolamment

Larchey, 1865 : Merveilleusement.

À meubler mirobolamment sa maison.

Balzac.

Delvau, 1866 : adv. Merveilleusement. Cet adverbe appartient à H. de Balzac.

Mirobolant

Larchey, 1865 : Merveilleux.

La cravate mirobolante.

Ed. Lemoine.

Je me sens d’une incapacité mirobolante.

Balzac.

Delvau, 1866 : adj. Inouï, merveilleux, féerique.

France, 1907 : Merveilleux, extraordinaire.

Mais une vingtaine d’années plus tard, le conseil cipal qui, par extraordinaire, était à la hauteur, se dit qu’en somme ce terrible malfaiteur avait été un bon zigue, secourable aux miséreux et dur aux richards, et on planta sur sa tombe des fleurs mirobolantes. Maintenant encore, ce qu’il suce par la racine, ce n’est pas des pissenlits ; c’est des rosiers, des géraniums et des lilas.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Mirobolard

France, 1907 : Augmentatif de mirobolant.

Reste Littré. Je lui souhaite
De rencontrer plus laid que lui,
Ou de se faire une autre tête,
Et de mettre dans un étui
Celle qu’il possède aujourd’hui,
Pour que l’avenir la regarde ;
Car jamais le soleil n’a lui
Sur laideur plus mirobolarde.

(Jean Richepin)

Miroder

Rigaud, 1881 : Regarder, arranger.

Elle monta seule et nu-pieds sur l’échelle et sur l’échafaud et fut un quart d’heure mirodée, rasée, dressée et redressée par le bourreau.

(Madame de Sévigné, Lettres.)

Miroir

Rigaud, 1881 : Coup d’œil rapide jeté sur le talon d’un jeu de piquet, sur les premières cartes à distribuer au baccarat, — dans le jargon des grecs ; une manière de connaître le jeu de l’adversaire.

Miroir à putains

Delvau, 1864 : Beau garçon, souvent trop beau pour rien faire, dont toutes les filles raffolent et qu’elles payent l’une après l’autre — et même quelquefois ensemble.

Larchey, 1865 : Garçon dépourvu de distinction mais riche de cette beauté banale qui séduit le commun des femmes.

Delvau, 1866 : s. m. Beau garçon, — dans l’argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le témoignent ces vers de Scarron :

Dis-lui qu’un miroir il putain,
Pour dompter le Pays Latin
Est un fort mauvais personnage.

Rigaud, 1881 : Joli visage d’homme à la manière des têtes exposées à la vitrine des coiffeurs.

Virmaître, 1894 : Joli garçon qui s’en croit beaucoup, une espèce de « Nicolas » de faubourg.

Dis-lui qu’un miroir à putain
Pour dompter le pays latin
Est un fort mauvais personnage.

Celle expression était employée au temps de Scarron (Argot du peuple).

France, 1907 : Joli garçon recherché par les femmes.

C’est un type parisien assez remarquable à cet égard, par exemple, que l’époux d’une couturière où d’une modiste qui gagne bien sa vie. Quelquefois — pas souvent — il est occupé, au dehors, par un petit emploi dont il garde le produit pour ses menues débauches. Mais, la plupart du temps, il ne fait rien, ou presque rien. Il tient les livres de sa femme, prépare les factures, tout au plus.
C’est toujours un homme aimé pour lui-même, un joli garçon, un miroir à… ce que vous savez. Trop beau pour rien faire, il est pareil au lys de l’Écriture.

(François Coppée)

Pour me donner un nom qui me soit convenable,
Chloris, ton jugement est plus que raisonnable,
Quand tu viens m’appeler un miroir à putains,
Je n’en refuse point le titre ni l’usage ;
Il est vrai, je le suis, tes propos sont certains,
Car tu t’es bien souvent mirée et mon visage.

(Saint-Amand)

Miroir à putains, à grues

La Rue, 1894 : Homme d’une beauté banale.

Miroir aux alouettes

Delvau, 1864 : Pièce d’or que l’on fait briller dans un bal et sur laquelle les drôlesses tombent toutes rôties — par le désir.

Miroir de Vénus

France, 1907 : Sorte de campanule.

Miroton

France, 1907 : Tranches de bœuf bouilli accommodé aux oignons.

C’est que pour pouvoir, savoir et vouloir faire un miroton, la première condition est d’être portière. Et si je n’étais plus portière, je ne saurais plus faire les mirotons.

(Théodore de Banville)

Mirquin

Halbert, 1849 : Bonnet.

Delvau, 1866 : s. m. Bonnet, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Bonnet.
— J’ai vu une gerce au rastue de Saint-Lago ; elle était rudement gironde avec sou melet mirquin ; il y manquait un rayon de miel (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Bonnet.

France, 1907 : Bonnet de femme ; argot des voleurs.

Mirzale

Larchey, 1865 : Boucle d’oreille (Vidocq). — Même construction que dans cabe, combre, calvin. Une mirzale est mot à mot : ce qui mir-oite z’à l’oreille.

Rigaud, 1881 : Boucle d’oreilles.

Mirzales

Delvau, 1866 : s. f. pl. Boucles d’oreilles, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Boucles d’oreilles.

Virmaître, 1894 : Boucles d’oreilles (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Pendants d’oreilles.

France, 1907 : Pendants d’oreilles ; argot des voleurs.

Misce stultitiam consiliis brevem

France, 1907 : « Mêle à ta sagesse un peu de folie. » Locution latine tirée des Odes d’Horace.

Mise

d’Hautel, 1808 : C’est de mise. Pour, c’est reçu ; cela peut être dit.

Mise (faire sa)

Delvau, 1866 : Payer le droit de circulation sur « le pont d’Avignon », — dans l’argot des filles.

Rigaud, 1881 : Payer la patente, — dans le jargon des filles.

Mise à pied

Larchey, 1865 : Mise en non activité.

Une mise à pied enseigna à notre inspecteur à faire plus exactement son service.

Canler.

Delvau, 1866 : s. f. Privation de fonctions et d’appointements. Argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Suppression momentanée de paye pour un cocher, un agent de police. — Interdiction momentanée de jouer faite à un acteur par son directeur, sans suppression d’appointements.

France, 1907 : Privation temporaire de fonctions, et par conséquent d’appointements. Voir Mettre à pied.

Mise bas

France, 1907 : Vêtements des maîtres qui reviennent aux domestiques.

France, 1907 : Cessation volontaire de travail d’une équipe de compositeurs, à la suite de quelque mécontentement.

France, 1907 : Accouchement, dans l’argot des ouvriers, qui comparent leur compagne à une chatte ou une chienne.

Mise en train

Rigaud, 1881 : Première tournée, station matinale chez le marchand de vin, — dans le jargon des ouvriers pressiers, en souvenir de la mise en train des presses.

Mise-bas

Delvau, 1866 : Accouchement, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Vêtements des maîtres qui reviennent de droit aux domestiques, lesquels se croiraient lésés et réclameraient si l’on portait trop longtemps ces vêtements.

Delvau, 1866 : s. f. Grève, chômage volontaire, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Congé que s’octroie un ouvrier typographe.

Boutmy, 1883 : s. f. Grève, cessation de travail dans un atelier. Les mises-bas ont lieu pour infraction au Tarif ou au règlement consenti par les patrons et les ouvriers.

Virmaître, 1894 : Quand une équipe de compositeurs est mécontente pour une raison ou pour une autre, elle met bas, elle quitte le travail (Argot d’imprimerie).

Miseloque

France, 1907 : Le monde des gens de théâtre, acteurs, chanteurs, danseurs et leurs congénères féminins ; tout ce monde qui s’affuble de loques. Jean Richepin explique ce terme d’argot dans une spirituelle ballade :

Croire que l’on a du génie,
Et même en avoir, et pourtant
Rester de la race honnie
Que jusqu’en nos jours va fouettant
L’envie ou le rire insultant
Du bourgeois faisant l’Archiloque
Contre ceux qui l’amusent tant,
Voilà, c’est ça la misloque.

Prince ou larbin, en en sortant
Devenir une triste loque
Que l’oubli tout entier attend,
Voilà, c’est ça la misloque.

Jouer la misloque, jouer la comédie.

Miseloquier, miseloqueur

France, 1907 : Acteur.

Miser

France, 1907 : Mettre, faire l’acte vénérien.

Misérable

d’Hautel, 1808 : C’est un misérable. Terme de mépris. Pour, c’est un pauvre sire, un mauvais sujet, un vaurien.

Larchey, 1865 : Petit verre. V. Monsieur.

Delvau, 1866 : s. m. Verre d’eau-de-vie d’un sou, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Verre de vin du broc à 15 centimes.

La Rue, 1894 : Verre de vin au broc.

France, 1907 : Verre de vin au broc ; petit verre d’eau-de-vie, dans les campagnes vendéennes. Deux misérables font une demoiselle ; deux demoiselles font un petit pot.

Misère

d’Hautel, 1808 : Le collier de misère. Pour dire, le travail journalier, les occupations habituelles qui procurent l’existence.
Crier misère. Pour, se plaindre continuellement et souvent sans sujet.

Delvau, 1866 : s. f. Petite quantité ; chose de peu d’importance : petite somme, — dans l’argot des bourgeois.

Misérer

Delvau, 1866 : v. n. Souffrir de la misère, — dans l’argot du peuple. On dit aussi : Ficher la misère.

Miserere

France, 1907 : Supplication, prière. Latinisme.

Misères

Delvau, 1866 : s. f. pl. Taquineries, petites méchancetés, — dans l’argot des bourgeois. Dire des misères. Taquiner quelqu’un en lui contant des choses qui le contrarient, qui l’inquiètent. Faire des misères. Agacer quelqu’un, lui jouer un tour plus ou moins désagréable.

Miséreux

Virmaître, 1894 : Malheureux. Homme qui est dans une profonde misère (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui est dans la misère.

France, 1907 : Pauvre, nécessiteux.

Combien faut-il que le froid ait fait de martyrs pour que cesse l’inertie administrative ? Y a-t-il un quantum de cadavres à atteindre pour que l’on songe aux miséreux qui déambulent la nuit, le long des rues, échouent dans les postes de police, la faim au ventre, la rage au cœur, ou s’abattent sur les bancs des promenades publiques en exhalant leur dernier râle ?

(Mentor, Le Journal)

Eh bien ! il est temps de dire à ces eunuques du devoir, à ces fourbes de l’humanité, à ces pontifes d’une religion burlo-macaronico-humanitaire, qu’ils ne donnent le change à personne, que nul ne se méprend sur leurs véritables intentions, et que « l’ami des détenus » ne nous intéresse guère plus que sa fangeuse clientèle, et qu’enfin nous réservons notre pitié — la vraie, celle-là — pour les miséreux blancs de conscience et de casiers judiciaires et notre admiration pour les hommes de cœur qui, sans distinction de parti, de religions ou de doctrines, se préoccupent d’améliorer la situation du travailleur.

(P. Peltier d’Hampol, La Nation)

Sinistre sans jamais s’asseoir,
Fuyant les sergots en maraude,
Le miséreux sur le trottoir,
Comme un voleur, dans l’ombre rôde ;
Christ sans haine pour ses bourreaux,
Il s’arrête, ouvrant la narine,
Devant les larges soupiraux
D’où monte une odeur de farine.

(Jules Jouy)

Miséricorde

d’Hautel, 1808 : À tout péché miséricorde. Signifie que toute faute, quelle qu’elle soit, doit trouver son pardon.

Misloque

Larchey, 1865 : Comédie (Vidocq).

Je joue la mislocq pour un fanandel en fine pégrenne.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. f. Théâtre, — dans l’argot des voleurs. Jouer la misloque. Jouer la comédie.

Rigaud, 1881 : Comédie, — dans le jargon des voleurs. — Flancher la misloque, jouer la comédie. — Misloquier, misloquière, acteur, actrice. — Misloquier schpil, très bon acteur.

La Rue, 1894 : Théâtre, comédie.

Virmaître, 1894 : Théâtre (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Théâtre.

Misloquier

La Rue, 1894 : Acteur.

Misloquier, ère

Delvau, 1866 : s. Acteur, actrice.

Misogallisme

France, 1907 : Haine du français.

Le misogallisme, dit M. Félix Varjoux dans la Revue d’histoire contemporaine, n’est pas d’invention récente. C’est au livre d’Allieri, le Misogallo, paru à la fin du dernier siècle, qu’il doit son origine. Dans ce livre se trouvait le sonnet que les ennemis de la France ont si volontiers répandu. Inutile de le reproduire ; ceux qui le connaissent n’auraient aucune satisfaction à le lire, et il ne semble pas nécessaire de le faire connaître à ceux qui l’ignorent. Depuis cette époque, le misogallisme a toujours existé en Italie, fort ou faible, apparent ou caché ; il s’est toujours montré à certaines époques. L’affection qui unit les enfants d’une même famille est rarement toujours égale et sereine ; après les querelles revient la tendresse. La France et l’Italie sont sœurs.

Mississipi (au)

Delvau, 1866 : adv. Très loin, — dans l’argot du peuple, pour qui l’Amérique est un pays aussi éloigné de lui que la lune. C’est l’équivalent de : Au diable au vert (ou Vauvert).

France, 1907 : Très loin, au diable ; argot populaire.

Mistenflûte

France, 1907 : Sobriquet général que l’on donne encore en province, par plaisanterie, aux personnes dont on ne sait pas ou dont on ne veut pas dire le nom.

Misti

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Mistigri, — dans l’argot des brelandières de brasseries.

France, 1907 : Abréviation de mistigri ; argot des joueurs. Le mistigri est le valet de trèfle qui a donné son nom à un jeu où, pour gagner, il faut faire brelan avec ce valet escorté de deux autres.

Misti, mistigri

Rigaud, 1881 : Valet de trèfle.

Mistich

La Rue, 1894 : Voleur étranger. Demi-heure, demi-setier.

Mistiche

Rigaud, 1881 : Demi. — Une mistiche, une demi-heure. — Un mistiche, un demi-setier, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Demi-setier.

Mistick

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur étranger.

Rigaud, 1881 : Voleur étranger. (Mémoires d’un forçat, glossaire d’argot, 1829.)

Misticker

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler en pays étranger.

Mistigri

Delvau, 1866 : s. m. Valet de trèfle, — dans l’argot des joueurs. Se dit aussi d’un Jeu de cartes où l’on a gagné quand on a fait brelan avec le valet de trèfle escorté de deux autres valets.

Mistigris

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti, — dans l’argot des peintres en bâtiment. Balzac a-t-il emprunté son rapin de ce nom aux peintres en bâtiment, ou ceux-ci à l’auteur de la Comédie humaine ?

France, 1907 : Apprenti peintre en bâtiment.

Mistious

France, 1907 : Manières empruntées, embarras. Faire des mistious.

Miston

M.D., 1844 : Jeune homme.

Mistone

M.D., 1844 : Demoiselle.

Mistonne

Hayard, 1907 : Jeune fille.

France, 1907 : Fille ; corruption de fistonne.

Ma mistonne est eun’ chouett’ mènesse,
Alle est gironde et bath au pieu,
C’est c’qu’on appelle eun’ rich’ gonzesse ;
Aussi j’l’aim’ ben ! mais, nom de Dieu !
Ya pas moyen qu’a tais’ sa gueule…

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Mistoufle

Delvau, 1866 : s. f. Farce ; méchanceté ; trahison, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Mauvais procédé, taquinerie, méchanceté. — Coup de mistoufle, combinaison, coup en dessous, coquinerie.

La Rue, 1894 : Farce. Misère.

Rossignol, 1901 : Causer des ennuis à quelqu’un ou le taquiner est lui faire des mistoufles.

Hayard, 1907 : Misère.

Mistoufle (être dans la)

Rossignol, 1901 : Être dans la misère.

Mistoufles

Virmaître, 1894 : Faire des misères, causer des désagréments à quelqu’un (Argot du peuple).

France, 1907 : Désagréments, ennuis.

Les médecins de nos jours, avec leurs théories parasitiques, ne voient plus que microbes partout, que microbes acharnés à nous faire des mistoufles, comme on dit à Montmartre.

(Armand Silvestre)

Le deuxième me fit des « pouffes »,
Le troisièm’ me fit tatouer,
L’quatrièm’ me fit des mistoufles
Et le cinquièm’ me fit suer,
Le sixième fit des manières,
L’septièm’ me fit du boniment,
Le huitièm’ me fit des misères,
Le neuvièm’ me fit un enfant.

(René D’Esse)

Employé au singulier, mistoufle signifie misère.

Et fichtre, c’est très légitime que l’appétit vienne enfin au populo : il a un ventre, c’est pour l’emplir ! Il a parfaitement raison de vouloir jouir de l’existence et de n’en plus pincer pour confire dans la mistoufle.

(Le Père Peinard)

Mistouflet

France, 1907 : Poupart, mignard, enfant gâté.

Mistouflier

France, 1907 : Malheureux, misérable.

Cette garce d’Assistance publique a été remise sur le tapis…
On lui en a envoyé de toutes les couleurs : on lui a seriné qu’en fait de secours elle n’en aboule qu’aux amis recommandés — et qui n’en ont pas besoin – et, qu’à bien voir, les seuls types réellement assistés sont les gratte-papiers et toute la kyrielle d’employés de son administration ; on lui a prouvé qu’au lieu d’empêcher les mistoufliers de crever la faim et au lieu de soigner les malades elle prend plaisir à voir pâtir et crampser les uns et les autres.

(Le Père Peinard)

Si nous sommes mistoufliers en diable, c’est que nous turbinons de trop : on s’abrutit et on n’a plus la force de foutre un pain aux salopiots de la haute qui vous manquent de respect.

(Le Père Peinard)

Mistro

La Rue, 1894 : Le vent.

France, 1907 : Le vent ; de mistral.

Mistron

Delvau, 1866 : s. m. Le jeu de mistigri, — dans l’argot de Breda-Street.

Rigaud, 1881 : Jeu de trente-et-un, nom d’un jeu de cartes. — Mistronner, jouer au trente-et-un.

France, 1907 : Le jeu de trente et un aux cartes.

Mistroneur, euse

Delvau, 1866 : s. et adj. Amateur de mistron.

Mistronneur

France, 1907 : Amateur du jeu de trente et un.

Mitaine

d’Hautel, 1808 : Des mitaines à quatre pouces. Se dit par plaisanterie d’un expédient inutile que l’on propose dans une affaire.
Cela ne se prend pas sans mitaine. Pour dire, il faut y apporter beaucoup de soin.
Onguent miton mitaine. Remède qui n’opère d’aucune façon, qui ne fait ni bien ni mal.

Fustier, 1889 : Voleuse, détourneuse à la mitaine. Femme portant des souliers très plats, sans talons et qui, dans un magasin, fait tomber des objets Qu’elle ramasse avec le pied déchaussé et cache dans son soulier. Cette sorte de voleuse ne s’attaque, en général, qu’aux dentelles de prix.

La Rue, 1894 : Variété de voleuse des magasins de nouveautés.

Mitaine (vol à la)

France, 1907 : Variété de vol à la détourne pratiquée dans les grands magasins par des femmes pour enlever des dentelles ou des objets faciles à dissimuler. Vêtue d’une robe longue, chaussée de souliers larges et de bas coupés laissant les doigts pied libres, la voleuse, en examinant des dentelles, en fait tomber à terre qu’elle ramasse avec un pied déchaussé et glisse dans le soulier. Ce vol demande une certaine dextérité.

Mitaines (prendre des)

France, 1907 : Agir on parler avec circonspection.

… Notre état,
C’est de fouetter au sang, comme Croquemitaine,
Tous les petits vauriens, sans prendre de mitaines.

« On en met trop », dit le docteur Grégoire, et il a raison. Pourquoi tant de mitaines pour parler à des fumistes !

Mitan

Delvau, 1866 : s. m. Milieu, — dans l’argot du peuple.

Hayard, 1907 : Milieu.

France, 1907 : Milieu, moitié. Provincialisme ; du latin medietas, moitié. Au mitan, au milieu, dans l’Est et la plupart des provinces. En tudesque, on écrit mittau ; en bas breton, mittain. La mer du mitan, la Méditerranée.

Le boufon qui vist cela dit : Et moi je voudrois estre au beau mitan.

(Brantôme)

Ai fai tremblai les quatre quarres
Et le mitan de l’univers.

(Noël bourguignons)

Jadis on disait mer du mitan, pour mer Méditerranée.

D’autre part, il voyait monter de la Bretagne
Grand nombre de vaisseaux sur l’ondeuse campagne,
Aux armes des François, et la mer du mitan
Ses galères conduire ès eaux de l’Océan.

(Jacques Corbin, La Sainte Franciade)

Mitar

Rossignol, 1901 : C’est le cachot ; mais c’est aussi le violon, comme on dit lamigo à Bruxelles.

Mitard

Virmaître, 1894 : Cachot (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Cellule.

France, 1907 : Cachot. Prisonnier insubordonné que l’on met en cellule ; argot policier.

Mite

Delvau, 1866 : s. f. Chassie des yeux.

Rigaud, 1881 : Violon, prison, — dans l’argot des voleurs. Soufflé et au mite, arrêté et au violon, Mitonner. Embêter. Ça mitonne le pauvre monde, — dans le jargon des voyous.

Mite, mite-au-logis

Rigaud, 1881 : Sécrétion des yeux ; déplorable jeu de mots sur mythologie.

Mite, mitis, mitou, mitoux

France, 1907 : Chat ; du latin mitis, doux, à cause du poil soyeux de l’animal.

Il prophétisait vrai, notre maitre Mitis.

(La Fontaine)

Miterne

France, 1907 : Jonchère ; argot des pêcheurs.

Miteux

d’Hautel, 1808 : Il a les yeux tout miteux. Se dit d’un homme qui a les yeux tout humides de pleurs ; remplis de chassie ou d’humeur.

Delvau, 1866 : adj. Qui a les yeux chassieux.

France, 1907 : Pauvre, misérablement vêtu.

Quand nous arrivâmes à la posada, on ne voulut pas nous recevoir ; l’aubergiste nous trouvait, comme disait La Martinière, mon compagnon de route, trop miteux.

(Hector France, Sac au dos à travers l’Espagne)

Se dit aussi pour chassieux :

En rentrant, cet après-midi, à mon hôtel, par un des faubourgs de la ville, j’ai aperçu, assis sur une borne de pierre, à l’angle d’une rue, un très vieux juif. Le nez crochu, la barbe en fourche, l’œil miteux, couvert de guenilles puantes, il chauffait, au soleil, sa carcasse décriée.

(Jacques Celte, Du Nord au Sud)

Quand il s’adressait à sa fiancée et lui souriait, son œil miteux demeurait immobile, sans flamme et sans chaleur. On eût dit qu’il lui faisait la cour en chiffres.

(Louis Daryl, 14, rue Magloire)

Miton-mitaine

Delvau, 1866 : s. m. Remède inoffensif, expédient inutile, secours inefficace. On dit aussi : Onguent miton-mitaine.

Miton-mitaine (onguent)

France, 1907 : Objet sans valeur ; expédient inutile.

Mitonner

d’Hautel, 1808 : Ménager adroitement ; conserver.
Mitonner quelqu’un. S’emparer de son esprit.
Mitonner une affaire. La disposer de manière à la faire réussir.

Delvau, 1866 : v. a. Préparer de longue main.

La Rue, 1894 : Embêter. Préparer de longue main.

Mitou

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Malade.

Mitraille

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; nom que l’on donne généralement à des choses de peu de valeur, et dont on ne fait aucun cas ; basse monnoie.

Larchey, 1865 : Monnaie de cuivre. — On disait autrefois mitaille. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. f. Monnaie, gros sous, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela depuis longtemps.

Rigaud, 1881 : Une certaine quantité de sous s’appelle de la mitraille.

France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois à la monnaie de billon.

Mitrailleuse (étouffer une)

Fustier, 1889 : Boire un verre de vin.

France, 1907 : Boire un verre de vin.

Mitre

Larchey, 1865 : Cachot (Vidocq). — Au moyen âge le mitre était le bourreau.

Delvau, 1866 : s. f. Cachot, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Prison. — Mitré, prisonnier.

La Rue, 1894 : Prison.

Virmaître, 1894 : Cachot. Allusion à la mitre de l’évêque, qui est un signe de dignité. Être au cachot, pour un voleur, est un titre à la considération de ses pareils.
— Où donc est Barbe-à-Poux ?
— Il est mitré pour huit jornes (Argot des voleurs).

France, 1907 : Cachot ; argot des voleurs.

Allusion à la mitre de l’évêque, qui est un signe de dignité. Être au cachot pour un voleur est un titre à la considération de ses pareils.

(Ch. Virmaître)

Être mitré, être mis au cachot.

Mitron

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un garçon boulanger.

Halbert, 1849 : Boulanger.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier boulanger, — dans l’argot du peuple. Le petit mitron. Le Dauphin, fils de Louis XVI, — du boulanger, comme l’appelaient les Parisiens en 1792.

France, 1907 : Mitre, coiffe en papier.

France, 1907 : Garçon boulanger, surnommé ainsi à cause du bonnet pointu ou mitre qu’ils portaient autrefois.

Croyez-vous que les bons bougres qui, en 1789, foutirent à sac l’usine Réveillon, incendièrent les octrois, défoncèrent le couvent Saint-Lazare, firent la chasse aux accapareurs, prirent la Bastille et, en octobre, allèrent à Versailles chercher « le boulanger, la boulangère et le petit mitron ! » étaient ferrés à glace sur les théories et étaient des républicains sans tare ?
Camille Desmoulins disait plus tard : « En 89, nous n’étions pas deux républicains en France ! »
Ce qui n’a pas empêché de raccourcir Louis Capet en 1793.
La Révolution, en germe en 1789, avait donc mis cinq ans à s’épanouir.

(Le Père Peinard)

Quand l’mitron dans les pains gémit,
Dans le lointain je crois entendre
Un peuple affamé qui frémit ;
Mon âme tressaille à ce bruit ;
Je n’ai jamais pu m’en défendre !

(Jules Jouy)

Mixte

Fustier, 1889 : Argot des gens à la mode pour qui cet adjectif, détourné de son vrai sens, a remplacé le mot épicier qu’on prit en 1830 et longtemps après cette époque pour désigner toute chose commune, de mauvais goût, toute personne ayant un genre vulgaire. L’expression être mixte couramment employée en 1886 est aujourd’hui abandonnée.

Quant au rire, n’en parlons pas ; rire n’est plus seulement canaille, c’est mixte.

(Gazette de France, janvier 1886.)

Mob

France, 1907 : La populace, la canaille. Anglicisme, contraction du latin mobile vulgus, le vulgaire inconstant, léger ; ces deux défauts étant précisément le propre de la populace.

En est-on à ignorer qu’il y a, dans la Ville-Lumière, un mob abominable, un ramassis de gredins qui ne sont pas tous repris de justice, la justice ayant négligé de les prendre une première fois, sadistes du ruisseau, qui aiment le sang pour le sang ?

(Nestor, Gil Blas)

Mobile

Larchey, 1865 : Garde mobile. De 1848 à 1850, on a dit souvent la mobile, un mobile.

Qui sait comment cela eût fini si la mobile ne s’en fût mêlée. Brave mobile !

L. Reybaud.

À la révolution de juillet, on donnait déjà ce nom aux volontaires de la Charte.

Pour m’engager dans la mobile j’avons quitté veste, tablier.

Patriote Buteux, 1830.

Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la garde nationale mobile.

Delvau, 1866 : s. f. La garde nationale mobile formée en 1848 avec les fils du peuple — et aux dépens du peuple. C’est aussi le nom que portait, en 1830, la légion des Volontaires de la Charte.

Mobilier

Delvau, 1866 : s. m. Les dents, — dans l’argot des voleurs, héritiers des Précieuses qui disaient l’ameublement de la bouche.

Mobiliser (se)

Fustier, 1889 : Faire un voyage. Allusion à l’essai de mobilisation fait en 1887 dans le sud-ouest.

Je me suis mobilisé ; j’ai bouclé une valise, pris une voiture…

(Voltaire, septembre 1887.)

Moblo ou moblot

Delvau, 1866 : s. m. Garde mobile, — dans l’argot des faubouriens.

Moblo, moblot

France, 1907 : Déformation populaire de mobile. Ce mot date de la formation de la garde mobile de 1870-1871. On sait qu’il y avait une autre garde mobile en 1830 et en 1848, cette dernière composée de très jeunes gens qui se rendirent tristement célèbres dans les massacres d’insurgés en juin, sous Cavaignac.

Jeunesse héroïque,
Arme ton flingot,
Pour la République,
En avant, moblot !

(Eugène Pottier)

Moblot

Rigaud, 1881 : Garde mobile.

Moc

France, 1907 : Gobelet breton.

Les enquêtes et les contre-enquêtes s’étaient succédé à grand renfort de mocs de cidre et de coups de penbass. La question tournait à l’aigre ; la politique commençait à l’exploiter à propos d’une élection prochaine : il était temps d’en finir.

(Léon de Tinseau, La Meilleure Part)

Moc-aux-Beaux

Fustier, 1889 : Quartier de la place Maubert. — On dit aussi Mocaubocheteau.

Les mèques de la Mocaubocheteau, v’là des mèques sérieux, des gonsiers qui crachent noir comme de l’encre…

(Humbert : Mon bagne.)

France, 1907 : Quartier de la place Maubert ; argot des voleurs. Jeu de mot.

Moc-aux-beaux, mocaubocheteaux

La Rue, 1894 : Le quartier Maubert.

Mocassin

France, 1907 : Souliers ; allusion aux chaussures des Peaux-Rouges appelées mokissin.

Mocassins

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers, — dans l’argot des ouvriers qui ont lu les romans américains de Cooper, de Gabriel Ferry et de Gustave Aymard.

Moche

La Rue, 1894 : Laid.

Rossignol, 1901 : Laid, bête. On dit aussi mouche. Une personne laide est moche. Une vilaine pièce de théâtre est moche.

France, 1907 : Paquet de vers qu’on attache an bout d’une ligne pour amorcer.

France, 1907 : Laid, mauvais.

anon., 1907 : Laid.

Moco

France, 1907 : Sobriquet donné aux Marseillais.

— Sais-tu bien te déguiser ?
— Je suis passé maitre dans cet art. Je me travestirai en Marseillais un peu grotesque. J’ai habité Marseille et je sais imiter l’accent des mocos.

(Simos Boubée, Le Testament d’un martyr)

Mode

d’Hautel, 1808 : Chacun sa mode. Pour, chacun vit à sa manière, suivant son goût.

Mode (concierge à la mode)

France, 1907 : Concierge associé ou complice d’escrocs de la fameuse bande noire.

La bande noire était — et est encore, car le dixième à peine des membres sont arrêtés — une formidable association ayant pour spécialité d’exploiter le commerce des vins de Paris, de la Bourgogne et du Bordelais… Pour chaque affaire, le courtier recevait dix francs. Le concierge, désigné sous le nom bizarre de concierge à la mode, n’était pas moins bien rétribué. Il touchait dix francs également.

(Le Voltaire, 1886)

Modèle

Delvau, 1866 : s. m. Homme ou femme qui pose dans les ateliers. Argot des artistes. Modèle d’ensemble. Qui pose pour l’Académie, pour tout le corps, au lieu de ne poser que pour la tête, ou pour n’importe quelle partie spéciale du corps.

Modèle (vieux)

Fustier, 1889 : Grand-parent.

Il avait éloigné tous les vieux modèles, comme nous disons au couvent, pour désigner les grands-parents.

(Vie Parisienne, 1882.)

Moderato

France, 1907 : Terme moyen entre le lento et le presto ; argot musical.

Modéré

France, 1907 : Politicien appartenant au juste milieu, ennemi des exagérations des partis et des sectaires.

Il sait très bien que dans la bouche des modérés liberté signifie licence illimitée du riche, impuissance éternelle du pauvre, parce que celui qui n’a rien ne peut rien pour améliorer son sort sans le secours de ses semblables. Et il sait très bien aussi, ce peuple si longtemps trompé, que sur les mêmes lèvres justice est un mot qui signifie privilège.

(Germinal, Mot d’Ordre)

Si fuir les factions c’est être modéré,
De cette injure alors je me suis honoré.

(L. Laya)

Moderne

Delvau, 1866 : s. m. Fashionable, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Jeune homme qui suit de très près la mode, par opposition à antique, qui ne la suit plus du tout. L’expression est voyoucratique. — Eh ! va donc, moderne, avec ton châssis de rechange !

Modernisme

France, 1907 : École nouvelle de littérature qui se pique de modernité et affecte de n’employer que des néologismes.

Il ne laisse lire à Estelle que de la prose décadente et des vers déliquescents, il ne lui permet de jouer sur son piano que des morceaux de musiciens exotiques auprès desquels Wagner n’est qu’un compositeur de romances d’albums, et il lui a procuré la connaissance de quelques poètes qui poussent le modernisme jusqu’à porter des chapeaux Louis XIII, des manteaux espagnols du temps de Philipe II et des chevelures dans le genre de celle de Clodion…

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Modillon

Rigaud, 1881 : Apprentie modiste de deuxième année.

France, 1907 : Apprentie modiste de deuxième année.

Modiste

Rigaud, 1881 : Journaliste qui accommodait son esprit au goût du jour, qui suivait la mode, la plume à la main. Le reporter a détrôné le modiste.

Modiste en ragoût

Fustier, 1889 : Cuisinière. Argot des garçons bouchers.

Modus faciendi

France, 1907 : Manière de faire ; latinisme.

Modus operandi

France, 1907 : Manière d’opérer.

Modus vivendi

France, 1907 : Manière de vivre.

Moelle

d’Hautel, 1808 : Pourri jusque dans la moelle des os. Locution basse et triviale qui se dit d’un homme affecté d’une mauvaise maladie, telle qu’en a ordinairement un libertin, un mauvais sujet.

France, 1907 : Vigueur, énergie.

Moelleux

Rigaud, 1881 : Coton, dans l’ancien argot.

France, 1907 : Coton.

Moellonneuse

La Rue, 1894 : Fille qui se prostitue dans les chantiers.

France, 1907 : Prostituée qui exerce son métier dans les bâtiments en construction, c’est-à-dire au milieu des pierres et des moellons. Voir Pierreuse.

Moélon

d’Hautel, 1808 : Faire des moélons. Pour manger de grosses bouchées de pain à la fois, et coup sur coup.

Moelonneuse

Fustier, 1889 : Femme qui se prostitue dans les chantiers.

Mœurs (les)

France, 1907 : La police des mœurs.

— Heureusement que j’ai fini par tomber sur la Viande, un type qui m’a comprise, un garçon rangé et économe ! Si je l’avais connu il y a vingt ans… j’aurais de quoi aujourd’hui… Mais je regrette rien, je me suis bien amusée ! Je sais bien que j’ai moins d’agrément, je ne suis plus jeune… mais je ne crève pas de faim tout de même !… J’ai appris à vivre. Je manigance mon petit truc tranquillement et je mange tous les jours mon content !… Je suis bien avec les mœurs, qui savent que si je braille quelquefois, je ne suis pas méchante ; eh bien ! alors, qu’est-ce que tu veux de plus ?

(Oscar Méténier, Madame la Boule)

Dieu sait si les mœurs et les messieurs à rouflaquettes s’entendent pour cogner sur ces pauvres filles ! Après avoir avalé plusieurs litres à seize sur le zinc du coin, que de fois arrive-t-il que l’agent en bourgeois et le souteneur en six ponts s’entendent comme larrons en foire pour vider la marmite et l’envoyer à Saint-Lago !

(La Nation)

Mof

France, 1907 : Terme de mépris par lequel les Hollandais désignent les Allemands.

Mofflet

France, 1907 : Pain mollet ; vieux mot encore usité en certaines provinces.

Moignet

France, 1907 : Mésange à longue queue.

Moinaille

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris dont on se sert en parlant des gens qui s’adonnent à la vie monacale.

Moine

Delvau, 1866 : s. m. Partie d’une épreuve qui n’a pas pris l’encre et vient blanche au lieu d’être imprimée. Argot des typographes. On dit aussi Loup.
Les typographes anglais ont le même mot ; ils en ont même deux pour un : monk and friar. Le monk, c’est notre moine, c’est-à-dire une feuille maculée ou imprimée trop noire. Le friar, c’est un moine blanc, c’est-à-dire une feuille qui est imprimée trop pâle.

Delvau, 1866 : s. m. Bouteille de grès que l’on remplit d’eau chaude et que l’on place au pied du lit. Argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Endroit sur une forme qui n’a pas été touché par le rouleau et qui, par suite, n’est pas imprimé sur la feuille. (Boutmy.)

Boutmy, 1883 : s. m. Endroit sur une forme qui n’a pas été touché par le rouleau et qui, par suite, n’est pas imprimé sur la feuille.

Virmaître, 1894 : Qu’une épreuve typographique soit faite à la brosse ou à la machine, la partie qui ne prend pas l’encre se nomme un moine (Argot d’imprimerie).

France, 1907 : Tache blanche, vide laissé sur une feuille d’impression non touchée par le rouleau ; terme de typographie.

France, 1907 : Nom de la toupie dans certains départements et surtout du jeu de sabot, parce que le sabot reçoit des coups de fouet comme un religieux la discipline.

Moine (l’habit ne fait pas le)

France, 1907 : Ce ne sont ni les apparences ni la parure qui font l’honnête homme. Ce dicton, qui est très ancien, se trouve sous différentes formes dans les fabliaux du XIIIe siècle : Li abis ne fait pas l’ermite ; Li abis ne fait pas le religieux ni la bonne conscience : Tous ceulx ne sont pas clercs qui en portent le semblant, ne chevaliers qui portent espérons. Dans son Prologue, Rabelais écrit : « Vous mesmes dictes que l’habit ne fait pas le moine, et tel est vestu d’habit monachal qui au dedans n’est rien moins que moine. »

Tel a robe religieuse,
Doncques il est religieux,
Cet argument est vicieux
Et ne vault une vieille gaine,
Car la robe ne fait le moyne.

(Le Roman de la Rose)

Le moyen âge s’est fort moqué des moines, et non sans raison, et les dictons qui les tournent eu ridicule ou les flagellent abondent. Citons-en quelques-uns. La vue d’un moine était de mauvais augure, d’où bailler le moine pour signifier porter malheur à quelqu’un. « C’est une méchante chair que de moine, encore vaut-elle pis que d’abbé. » « Il n’est envye que de moyne. » « Pour un moine faut couvent de filles. »

Le moine, la none et la béguine
Sont fort pires que n’en ont la mine.

« Grand navire veult grand’eau et gros moine gros veau. »

Mieux vaut gaudir de son patrimoine
Que le laisser à un ribaud moine.

Moine blanc

France, 1907 : Fromage.

Moine bourru

France, 1907 : Grognon.

France, 1907 : Fantôme qui, d’après une vieille superstition populaire qui a cours encore dans certaines campagnes, paraissait aux approches de Noël, et tordait le cou à ceux qu’il rencontrait. Bourru est une corruption de bure.

Moine répond comme l’abbé chante (le)

France, 1907 : Il faut toujours être de l’avis de ses chefs, dicton à l’usage des gens prudents et timorés, vulgairement appelés lèche-culs.
L’abbé est le supérieur de l’abbaye, et les moines tiennent le même langage et sont du même avis que leur supérieur. Gustave Nadaud, dans son amusante chanson des Deux gendarmes, a donné à ce proverbe une nouvelle tournure :

— Brigadier, répondit Pandore,
Brigadier, vous avez raison.

Moine-lai

Delvau, 1866 : s. m. Invalide tombé en enfance, comme on en voit quelques-uns dans la Salle de la Victoire, — l’infirmerie de l’Hôtel des vieux braves.

Moineau

d’Hautel, 1808 : Tirer sa poudre aux moineaux. Employer inutilement, et en frivolités, son argent, ses amis, son crédit.
Voilà une belle maison, s’il y avoit des pots à moineaux. Se dit par raillerie, d’une petite maison de campagne.
Un joli moineau. Terme de dérision, pour dire, un homme laid, difforme, et de peu d’esprit.

Delvau, 1864 : Le membre viril — que les femmes, ces charmants oiseleurs, prennent si facilement à la glu de leur con.

Ouvre… ouvre tes cuisses, prends mon moineau mets-le en cage.

La Popelinière.

Delvau, 1866 : s. m. Se dit par ironie, — dans l’argot du peuple, — d’un homme dont on a à se plaindre, ou qui se vante mal à propos. On ajoute un qualificatif pour renforcer l’ironie : Tu es un joli moineau ! C’est le pendant de : Tu es un joli coco !

France, 1907 : Homme sans consistance et de nulle valeur. Ce qualificatif est généralement précédé des adjectifs triste ou vilain : vilain moineau, un triste moineau, une personne vile ou désagréable.

Moineau de Lesbie (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril — qui est le moineau affectionné de toutes les femmes, excepté des Lesbiennes.

Moines

France, 1907 : Montants en bois qui soutiennent la queue du marteau de forge.

Moines attendent l’abbé (attendre quelqu’un comme les)

France, 1907 : C’est-à-dire en dînant attendre les pieds sous la table.
La minutie calculée de l’emploi des heures exigeait dans les monastères que l’on n’attendit personne ; aussi, quand sonnait la cloche du repas, on se mettait à table, sans attendre le supérieur.
Autres dictons ironiques : « Quand l’abbé tient taverne, les moynes peuvent aller au vin. » « Quand l’abbé danse à la cour, les moynes sont en rut aux forêts. »

Nonnains, moisnes, prestres et poullets
Ne sont jamais pleins ne saoulés.

 

Des moines ni des pigeons
N’introduis dans ta maison.

Moinet

France, 1907 : Moineau franc.

Moineton

France, 1907 : Petit moine.

Moinette

France, 1907 : Religieuse ; vieux mot.

Moinillon

France, 1907 : Petit moine.

Moiniot

France, 1907 : Enfant de chœur ; vieux mot.

Moinotin

France, 1907 : Mésange charbonnière.

Moins

d’Hautel, 1808 : Il a fait en moins de rien. Pour, il est expéditif et très-prompt dans ses opérations.

Moins une

Rossignol, 1901 : Veut dire : il était temps. On dit de quelqu’un qui manque de faire une chute, il était moins une qu’il ne tombât.

Mois

d’Hautel, 1808 : J’ai l’âge du Petit-Poucet, tous les ans douze mois. Réponse que l’on fait en riant, à quelqu’un qui demande votre âge, et auquel on ne veut pas le faire connoître.
Elle en a pour ses neuf mois. Se dit d’une fille qui s’est laissé séduire, et qui porte le fruit de sa foiblesse.

Mois de cinq semaines

France, 1907 : On appelle ainsi, dans certaines usines, les mois où la paye se fait sur le pied de cinq semaines, parce qu’on y reporte quelques jours du mois précédent ou du suivant.

Mois de nourrice

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les années qu’oublie volontairement de compter une femme qu’on interroge sur son âge. Se dit aussi de toute personne qui se trompe dans un calcul et oublie quelques fractions importantes.

France, 1907 : Les années que les femmes, passé un certain âge, oublient toujours de compter.

Mois de pioche

France, 1907 : « L’emploi du temps à l’École navale est réglé par un tableau de service, arrêté avant la rentrée des élèves, et qui ne reçoit de modifications qu’après la clôture des cours, pendant le mois réservé à la préparation des examens de sortie ou de fin d’année et dit : mois de pioche. »

(Histoire de l’École navale)

Moïse

France, 1907 : « Mot satirique, dit Le Roux, qui signifie cocu, homme à qui on a planté des cornes. » C’est à cause des deux rayons de feu dont les peintres bibliques ont coutume d’orner la tête du législateur des Hébreux.

Moisir

d’Hautel, 1808 : L’argent ne moisit pas dans sa poche. Se dit d’un prodigue, d’un dépensier, d’un dissipateur.

Delvau, 1866 : v. n. Rester longtemps à la même place, ou en possession du même emploi, — dans l’argot du peuple qui emploie surtout ce verbe avec la négative.

France, 1907 : Rester longtemps à la même place. On lit dans quelques bureaux de rédaction : « Prière aux raseurs de ne pas moisir ici. »

Moisir (ne pas)

Rigaud, 1881 : Ne pas rester longtemps dans un endroit ; ne pas occuper longtemps un emploi.

Moisson

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas mettre la faucille dans la moisson d’autrui. Pour dire qu’il ne faut rien entreprendre sur la charge, la fonction, ou les droits de son prochain.
Faire une bonne moisson. Ramasser beaucoup d’argent ; faire une bonne recette.

Moisson d’autrui plus belle que la sienne

France, 1907 : On envie toujours ce qu’autrui possède ou récolte.

Moissonneur

Virmaître, 1894 : Le commissaire de police. En effet, il moissonne ceux qui sont amenés à son burlingue. Mot à mot : il les fauche comme des blés mûrs… pour la prison (Argot des voleurs). V. Quart d’œil.

Moitié

d’Hautel, 1808 : Il faut en rabattre la moitié. Pour exprimer qu’un récit est exagéré ; qu’il est entremêlé de mensonges.
Moitié chair, moitié poisson. Se dit d’un homme dont on ne peut définir le naturel ; ce qu’il aime ou ce qu’il hait ; ce qu’il veut, ce qu’il ne veut pas.

Delvau, 1864 : Épouse légitime, avec qui l’on ne fait qu’un, grâce au nœud qui sert de trait d’union.

Peters, dis-moi, par amitié,
Pourquoi que l’usage réclame
Qu’à Paris on nomme moitié
Ce qu’au village on nomme femme
— C’est que Paris est un pays
Où se prodiguent tant les dames,
Que là, les trois quarts des maris
N’ont que ta moitié de leurs femmes.

(Ancien Vaudeville — des Variétés.)

Delvau, 1866 : s. f. Épouse, — dans l’argot des bourgeois, qui ne disent pas cela avec le même respect que les Anglais disant the better half.

Moka

France, 1907 : Café en général ; argot populaire.

Puis, mal nippée, affreux dessous,
S’offrant des mokas à deux sous,
La gosseline,
Pour de vils êtres toujours soûls,
Vendra son corps et pliera sous
Leur discipline.

(Pierre Trimouillat)

Moka (fort de)

Larchey, 1865 : Voir café.

Mol ou Molle (être)

Fustier, 1889 : Argot du peuple. N’avoir pas d’argent ; être sans le sou.

Molanche

anon., 1827 : Laine.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Laine.

Bras-de-Fer, 1829 : Laine.

Halbert, 1849 : Laine.

Larchey, 1865 : Laine (Vidocq). — Diminutif de molle.

Delvau, 1866 : s. f. Laine, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Laine, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Laine.

France, 1907 : Laine.

Molard

Delvau, 1866 : s. m. Mucosité expectorée, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Crachat très gras, le frère du glaviot. — Molarder, cracher gras.

Virmaître, 1894 : Cracher des mucosités qui filent comme du macaroni. Graillonner salement. Quand un large crachat s’étale sur un trottoir, on dit :
— Quel beau molard (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Crachat.

Hayard, 1907 : Crachat.

France, 1907 : Expectoration du gosier.

Molarder

Delvau, 1866 : v. n. Graillonner, expectorer abondamment.

France, 1907 : Cracher.

Avec des raclements de gosier qui rauquaient crapuleusement, il ramenait du fond de sa poitrine quelque mucosité gluante et la lançait en l’air d’un long jet sifflant, comme il eût voulu à toutes leur cracher à la face.
Mais cela ne le dépoétisait point, même cela ; et beaucoup, la plupart, pour tout dire, absolument folles de lui, allaient jusqu’à trouver qu’il molardait d’une façon chic.

(Jean Richepin)

Molardoir

France, 1907 : Crachoir.

Molécule

Rigaud, 1881 : Petit enfant, — dans l’argot des écoles. (L. Larchey)

Molester

d’Hautel, 1808 : Chagriner, inquiéter, tourmenter, donner de la peine et du souci.

Molette

Virmaître, 1894 : La bouche. Je ne vois pas bien qui a pu donner naissance à cette expression. La molette sert à un éperon, elle sert aussi à couper la pâte pour une certaine espèce de gâteau ; enfin, quoi qu’il en soit, ce mot est usuel (Argot des voleurs). N.

Molette d’argent

Merlin, 1888 : Croix d’honneur.

Molière

Delvau, 1866 : s. m. Décor de salon simple dans lequel peuvent se jouer presque toutes les comédies de feu Poquelin. Argot des coulisses. Tous les théâtres, notamment ceux de province, ont un certain nombre de décors de magasin, d’un emploi fréquent et commun : le molière, le rustique, le salon riche, la place publique, la forêt, la prison, le palais, et le gothique (intérieur). Avec cela on peut tout représenter, les tragédies de Racine et les vaudevilles de M. Clairville.

Moliériste

France, 1907 : Admirateur fanatique de Molière. Les moliéristes ont fondé un banquet annuel qui se distingue par le fétichisme qui y préside. S’il faut en croire Grimsel, du Gil Blas, les convives ne s’y présentent que chaussés de souliers Molière : on n’y boit que de l’eau puisée à la fontaine Molière, et, après toute espèce de toasts à la Molière, on va terminer la soirée au cirque Mollier, qu’on est, pour cette circonstance spéciale, tenu d’appeler cirque Mollierre.

Le moliériste se divise en plusieurs sous-genres. Nous avons celui qui, s’emparant de ce mot sans gêne : « Je prends mon bien où je le trouve », recherche de 8 heures du matin à 7 heures du soir à qui Molière a bien pu faire ces emprunts dont il a proclamé la légitimité. Deux moliéristes ont failli s’entr’égorger à propos de la fameuse scène des Fourberies de Scapin : « Qu’allait-il faire dans cette galère ? » L’un soutenait qu’elle était bien du grand homme ; l’autre affirmait qu’on la retrouvait tout entière dans le Pédant joué, de Cyrano de Bergerac, ce qui constituait à la charge de Molière un honteux plagiat.
Nous avons aussi le moliériste qui, sans pousser l’imitation jusqu’à porter des hauts-de-chausses et des manches de dentelles, relève ses moustaches et frise sur le haut de la tête ses cheveux qu’il laisse tomber sur ses épaules, de façon à ressembler de son mieux à l’auteur du Misanthrope.
À ces divers cas de moliérisme intensif, rabique ou sous-cutané, s’ajoute celui du moliériste collectionneur. Lui n’a jamais lu Molière et serait hors d’état d’en citer un vers. Il se contente de rechercher, pour les placer dans une vitrine, des objets ayant appartenu à ce puissant poète dramatique. Il a le cordon d’un des souliers qu’il portait en scène lorsqu’il y est mort de la rupture d’un anévrisme. Il montre à ses visiteurs une quittance de loyer signée J.-B. Poquelin.
Mais le vrai, le pur moliériste est celui qui, au banquet annuel créé pour célébrer l’anniversaire de la naissance du grand homme, se lève, et après avoir porté un toast à son immortalité, se déchaîne en apostrophes virulentes contre la Béjart, sa femme, qui l’a trompé toute sa vie, paraît-il, soit avec des grands seigneurs, soit avec des cabotins.

(Henri Rochefort)

Mollange

France, 1907 : Boue liquide qui ne peut se tenir en tas et qu’on pousse avec le balai dans les égouts.

Mollard

Larchey, 1865 : Graillon, expectoration laborieuse. Du vieux mot moller : s’efforcer. V. Roquefort.

Mollasse

Delvau, 1866 : s. f. Femme lymphatique, dolente, sans énergie, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Mou ; homme ou femme sans énergie.

C’est égal, c’était le bon temps, on était jeune, on aurait mangé des cailloux, on avait dans le corps une machine de la force de trente-six mille chevaux, tandis qu’à présent on était mollasse, avec l’ennui d’un ventre à traîner partout. Et il frappait du poing sur la table, criant à pleine voix ce mot mollasse comme une injure, ses petites prunelles grises roulant avec une colère comique dans le frémissement de ses joues congestionnées. Mollasse ! mollasse ! c’était le mal du siècle.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Mollet

d’Hautel, 1808 : Il a été à St. Malo, les chiens lui ont mangé les mollets. Se dit par raillerie d’un homme qui n’a pas de mollets.

Molleton

France, 1907 : Espèce de canard sauvage.

Mollette

France, 1907 : Tête arrondie des os.

Mollusque

Delvau, 1866 : s. m. Homme à l’esprit étroit, aux idées arriérées, qui se renferme dans la tradition comme l’escargot dans sa coquille.

Rigaud, 1881 : Sot personnage, imbécile.

France, 1907 : Imbécile, homme arriéré.

Mollusque (huître, moule, etc.)

La Rue, 1894 : Niais, imbécile.

Moloquin

France, 1907 : Couleur de mauve ; vieux français.

Molosse

Delvau, 1866 : s. m. Gros chien, — dans l’argot des bourgeois qui ne sont pas fâchés de prouver de temps en temps qu’ils ont quelque teinture d’Histoire ancienne.

France, 1907 : Adjudant ; argot de l’École navale ; comparez avec chien du quartier, argot militaire.

Momaque

Halbert, 1849 : Petit enfant. On dit aussi moutard.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Enfant.

— Elle a du vice cette momaque, et puis elle est assez gentille ! dit le policier en pourléchant ses grosses lèvres sensuelles. Car ce chasseur de femmes était grand amateur du gibier qu’il traquait.

(Edmond Lepelletier)

Momard

Rigaud, 1881 : Variante de môme, usitée au régiment.

Mais il faut’ lui donner un nom à ce momard !… Il faut le baptiser !

(A. Arnault, Les Zouaves)

Mome

un détenu, 1846 : Petit garçon livré à la pédérastie.

Halbert, 1849 : Enfant.

Môme

Delvau, 1866 : s. m. Petit garçon ; voyou ; apprenti, — dans l’argot des ouvriers. On pourrait croire cette expression moderne ; on se tromperait, car voici ce que je lis dans l’Olive, poème de Du Bellay adressé à Ronsard, à propos des envieux :

La Nature et les Dieux sont
Les architectes des homes
Ces deux (ô Ronsard) nous ont
Bâtis des mêmes atômes.
Or cessent donques les mômes
De mordre les écriz miens…

Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille ; maîtresse, — dans l’argot des voleurs, pour qui elle ressemble plus à une enfant qu’à une femme. Ils disent aussi Mômeresse.

Rigaud, 1881 : Enfant. — Dans le patois poitevin on appelle un jeune homme, un jeune garçon un momon, un momeur.

Les chants finis, viennent les momons. Ce sont des garçons qui portent à la mariée un présent caché dans une corbeille.

(Ed. Ourliac, Le Paysan poitevin)

Les variantes sont, outre momard, momacque, momignard, mignard.

Ohé ! ohé ! les moutards, les moucherons, les momignards, qui est-ce qui s’ paye le Lazar ?

(A. Joly, Fouyou au Lazary. Chans.)

Môme d’altèque, jeune homme. — Môme, jeune fille, amante précoce, — dans le jargon des voleurs. — C’est ma môme, elle est ronflante ce soir. C’est ma maîtresse, elle a de l’argent ce soir.

Virmaître, 1894 : Petit. On appelle aussi une femme la môme. Il y en a de célèbres : la Môme-Fromage, la Môme-Goutte-de-Sperme, la Môme-Caca. On dit aussi momaque (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Petit, jeune, enfant.

France, 1907 : Petit garçon ou petite fille ; du vieux français momme, grimace, d’où momerie.

— Grenipille, la marmaille
Va venir manger tes seins,
Un tas de mômes malsains
Qui grouilleront dans la paille
Sur tes bras pour traversins,
Elle dit : Vaille que vaille !
Je nourrirai mes poussins
D’aumônes ou de larcins,
Je suis enfant de canaille,
J’eus des aïeux assassins.
Et vous, êtes-vous des saints ?
— Grenipille, la marmaille
Va venir manger les seins.

(Jean Richepin)

Elle à douze ans, la pauvre môme,
Elle vend des fleurs chaque soir ;
Elle est pâle comme un fantôme,
Ses grands yeux sont cerclés de noir.

(Paul Nagour)

France, 1907 : Fille, maîtresse de souteneur. « C’est ma môme, cette gironde, et ce qu’elle est bath au pieu ! »

— Pi-ouit !… Hop !… hop !… Barrez, les mômes, c’est la rousse : on va vous faire !

(A. Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

anon., 1907 : Enfant.

Môme (taper au)

France, 1907 : Commettre un infanticide.

Môme (taper un)

Rigaud, 1881 : Faciliter une fausse-couche, déterminer un avortement, commettre un infanticide, — dans le jargon des voyous. Les variantes sont : Faire couler un môme, faire couler un enfant.

Rigaud, 1881 : Commettre un vol. (L. Larchey)

France, 1907 : Voler.

Môme (truc du)

France, 1907 : « Beaucoup de filles ont adopté ce truc qui réussit toujours. Elles empruntent à une amie, à une voisine, à la maîtresse du garni où elles demeurent un môme qu’elles emmènent promener dans un square quelconque. Pendant que l’enfant joue, la fille fait de l’œil aux passants. Si un agent la prend, elle crie, rassemble le monde, et, pendant qu’on la traîne ou qu’on la porte, car elle refuse obstinénement de marcher, le petit à qui on a fait la leçon accourt en pleurant et en réclamant sa maman. Le public indigné proteste et force l’agent à lâcher la fille, qui va recommencer ailleurs. »

(Hogier-Grison, La Police)

Môme bastaud

Fustier, 1889 : Individu aux mœurs inavouables et qui se prête à toutes les exigences.

— Et de la môme ? — De la môme bastaud, oui, tant que tu voudras… les autres, de la peau. — Chouette alors.

(Humbert : Mon bagne.)

France, 1907 : Prisonnier qui se livre aux vices hors nature de ses compagnons.

Môme d’altèque

Delvau, 1866 : s. m. Adolescent, — dans le même argot [des voleurs].

Virmaître, 1894 : Jeune homme beau et efféminé que l’on rencontre vêtu d’un ça ne te gêne pas dans le parc (veston), d’un pantalon collant gris clair, d’une cravate voyante à larges bouts, et maquillé la plupart du temps, On le rencontre dans la galerie d’Orléans, au Palais-Royal, ou au passage Jouffroy. Ce n’est pas l’omnibus qu’il attend. On les nomme aussi chouard en souvenir du fameux procès Germiny (Argot du peuple). N.

Môme noir

Rigaud, 1881 : Séminariste, dans le jargon des voleurs. Variante : Canneur du mec des mecs : c’est-à-dire qui a peur de Dieu.

Môme, momaque

La Rue, 1894 : Enfant. Jeune maîtresse. Signifie aussi Éphestion de trottoir. Taper un môme, commettre un vol.

Môme, momignard, momaque

Larchey, 1865 : Petit enfant. — Du vieux mot momme : grimace. Les petits enfants en font beaucoup. — On dit encore momerie. En ce sens momaque et momignard sont les diminutifs dont Le second seul est pris en bonne part.

Les rats dont nous voulons parler sont des mômes.

Paillet.

Elle entre avec un enfant dans un magasin et en faisant semblant de poser son momignard a terre.

Id.

Momentanée

Fustier, 1889 : Femme galante avec laquelle on n’a qu’un entretien d’un moment. Deux journalistes ont réclamé la paternité de ce mot. M. Pierre Véron d’abord qui l’aurait imprimé tout vif dans le Charivari du 17 août 1885 ; M. Guillaume Livet, ensuite, qui l’a inventé et donné dans le Figaro en 1884.

France, 1907 : Jeune personne ainsi nommée parce qu’on l’aime momentanément.

Les hommes de la génération actuelle, quand ils n’épousent pas une jeune fille pour son argent avec l’intention, bien arrêtée, de ne plus s’occuper d’elle, le lendemain du mariage, croient faire beaucoup d’honneur à l’amour en traitant leur femme comme ils ont traité leur momentanée. Ils veulent rendre le mariage amusant, et pour cela ils l’assimilent à l’accouplement dont ils ont l’habitude. Ils dépravent leur femme par l’enseignement d’une grammaire que les honnêtes femmes commencent à comprendre ; ils révèlent des mystères si étranges qu’en dépit de tout, la curiosité s’éveille ; ils ont peur des préjugés, et ils suppriment, dans l’intimité, la pudeur, comme une politesse inutile, comme un préjugé.

(Louis Ulbach)

Voir Horizontale.

Momerie

d’Hautel, 1808 : Grimace, singerie, façon, cérémonie, air faux et trompeur.

Delvau, 1866 : s. f. Hypocrisie ; fausse dévotion, — dans l’argot du peuple.

Momicharde

France, 1907 : Petite fille.

— Envoie les petites… qu’elles aboulent, les momichardes.

(Louise Michel)

Momie

d’Hautel, 1808 : C’est une momie d’Égypte. Se dit, par ironie et par mépris, d’une femme indolente, paresseuse, insouciante, qui ne se hausse ni ne se baisse ; que rien ne peut émouvoir.

Delvau, 1866 : s. f. Homme ou femme sans énergie, qui n’aime pas à se remuer.

Mômier

France, 1907 : Cafard, hypocrite religieux, faiseur de momeries et débiteur de patenôtres.
C’est le sobriquet donné autrefois aux calvinistes, principalement aux calvinistes suisses.

Il paraît qu’avoir sauvé une femme russe de la potence et un républicain français du peloton d’exécution constitue un crime aux yeux des mômiers protestants, décidément aussi abjects que les sacristains catholiques.

(Henri Rochefort)

Momière

Delvau, 1866 : s. f. Sage-femme, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Momeuse et Madame Tire-môme.

Mômière

Rigaud, 1881 : Sage-femme, — dans le jargon des voleurs. Les variantes sont : Mômeuse, déballeuse de mômes.

Momière, momeuse

France, 1907 : Sage-femme, appelée aussi tire-môme et tire-monde. Au XVIIe siècle, on la nommait Madame du guichet, ou portière du petit guichet.

Momignard

Delvau, 1866 : s. m. Petit garçon, plus petit encore que le môme. On dit au féminin Momignarde.

Virmaître, 1894 : Diminutif de môme. Petit enfant (Argot des voleurs). V. Abéqueuse.

Rossignol, 1901 : Petit enfant.

France, 1907 : Diminutif de môme.

Pauvre momignarde ! à l’âge où tous les gosses devraient jouer, courir, sauter, offrir aux baisers du soleil leur front en liberté, être déjà maman ; remplacer, qui sait ! la mère partie, peut-être pour le tombeau.
… Aussi nul enjouement, nulle gaieté, un sourire grave, un regard lent, comme en ont les vieux. Déjà « grande personne », déjà expérimentée, déjà mère de famille, l’aspect connu de la femme « qui à souffert » — à huit ans !

(Montfermeil, La Nation)

Momignardage

Rigaud, 1881 : Accouchement ; et la variante : Décarrade du crac. — Momignardage à l’anglaise, momignardage en purée, fausse-couche.

Momignardage à l’anglaise ou en purée

France, 1907 : Fausse couche.

Mominette

Virmaître, 1894 : Absinthe servie dans un petit verre mousseline. Allusion à la petitesse du verre, qui est un môme, en le comparant à un grand verre (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Absinthe servie dans un verre à bordeaux.

Hayard, 1907 : Petit verre d’absinthe.

Momir

Larchey, 1865 : Accoucher d’un môme.

Ma largue aboule de momir un momignard d’altèque qu’on trimbalera à la chique à six plombes et mèche pour que le ratichon maquille son truc de la morgane et de la lance.

Vidocq.

Rigaud, 1881 : Accoucher. — Momir pour l’aff, accoucher avant terme ; par allusion aux fœtus conservés dans l’alcool, l’aff. La variante est : Décarrer du crac.

Mômir

Delvau, 1866 : v. n. Accoucher.

La Rue, 1894 : Accoucher. Momeuse, tire-môme, sage-femme.

France, 1907 : Accoucher, faire un môme.

Momon

France, 1907 : Prostituée de douze à quinze ans ; peu usité.

Mon fad

M.D., 1844 : Ma part.

Mon linge est lavé

Halbert, 1849 : Je suis vaincu.

Virmaître, 1894 : Quand deux individus se battent, celui qui est vaincu dit qu’il a son linge lavé. Être arrêté a la même signification (Argot des voleurs).

France, 1907 : Mon affaire est faite, autrement dit : Je suis foutu.

Mon œil !

Delvau, 1866 : Exclamation ironique et dédaigneuse de l’argot des faubouriens, qui l’emploient soit comme formule de refus, soit comme marque d’incrédulité.

Mon oncle

France, 1907 : Nom donné au sergent-major gardien de la porte d’entrée à l’École polytechnique.

Un colonel commandant en second l’École avait l’habitude, en s’adressant aux élèves, de leur dire « Mes enfants » et ceux-ci, tout naturellement, l’avaient surnommé « Papa » ; or, le sergent-major ressemblait d’une manière frappante au colonel : tout naturellement aussi on l’appelait « mon oncle » et le nom est resté à ses successeurs.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Mon orguibus

M.D., 1844 : Moi-même.

Mon rat

Larchey, 1865 : Terme d’amitié.

Monac

France, 1907 : Abréviation de Monaco.

Monaco

Delvau, 1866 : s. m. Sou de cuivre — dans l’argot du peuple, qui consacre ainsi le souvenir d’un roitelet, Honoré V, prince de Monaco, mort de dépit en 1841, dit A. Villemot, de n’avoir pu faire passer pour deux sous en Europe ses monacos, qui ne valaient qu’un sou.

Rigaud, 1881 : Pièce d’un sou. — Avoir des monacos, avoir de l’argent, — dans l’ancien argot du peuple.

La Rue, 1894 : Sou. Monnaie.

France, 1907 : Monnaie, argent ou or ; argot populaire.
L’expression est ancienne ; elle remonte su XIVe siècle, où un seigneur de Monaco, Rainier III, ruiné au service de la France, dont les finances mises à sec par les guerres ne permettaient pas de le dédommager de ses sacrifices, fut une nuit assailli dans Paris, sous le règne de Charles VI, par une bande d’assassins, les maillotins, appelés ainsi parce qu’ils assommaient avec des maillets de fer. Il leur jeta sa bourse vide en s’écriant : « Partagez-vous-la, bonnes gens, elle ne contient que monnaie de Monaco ! » C’est depuis, paraît-il que par dérision on disait d’une monnaie qui n’avait pas cours ; argent de Monaco ; puis on a dit simplement monaco pour exprimer de l’argent. « Il est vrai qu’il y a une autre version qui met sous le règne d’Honoré V mauvaise réputation de la monnaie monégasque : nous trouvons cette anecdote dans les chroniques de Haillau. »

(Goulin, Monaco à travers les âges)

On sait que les princes de Monaco ne frappent plus que des pièces de cent francs.

— Que devient donc Saint-Marsupiaux ? On ne le voit plus…
— Il tire des pigeons à Monaco.
— Et Juliette, sa petite camarade, que fait-elle pendant ce temps-là ?
— Elle soutire des monacos aux pigeons.

Monacos

Larchey, 1865 : « Honoré V, mort de dépit en 1841, de n’avoir pu faire passer pour deux sous en Europe ses monacos, qui ne valaient qu’un sou. » — Villemot. — V. Coller.

Monant

Larchey, 1865 : Ami (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Ami, — dans l’argot des voleurs. Monante. Amie.

Monant, monante

France, 1907 : Ami, amie ; argot des voleurs.

Monarque

Larchey, 1865 : Roi de cartes.

Ou si c’est un roi qu’elle relève, elle s’écrie : Je pince le monarque.

M. Alhoy.

Larchey, 1865 : Pièce de monnaie. — Allusion à l’effigie royale.

Il va nous donner quequ’vieux monarque pour y boire à la santé…

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de cinq francs, — dans l’argot du peuple. Monarques. Les rois d’un jeu de cartes.

Rigaud, 1881 : Roi d’un jeu de cartes.

Rigaud, 1881 : Argent, dans le jargon des filles. — Avoir fait son monarque, avoir gagné sa journée.

France, 1907 : Roi de cartes ; argot des joueurs.

France, 1907 : Pièce de cinq francs, nommée aussi roue de derrière. Dans l’argot des filles, c’est argent en général. « Faire son monarque », avoir trouvé des clients.

Mondaine (demi)

France, 1907 : Femme qui joint l’élégance à la légèreté de mœurs. On les désignait à la fin du dernier siècle sous le nom de fille du monde.

Les demi-mondaines ont toujours plus de robes que de chemises.

(Lorédan Larchey)

Vous croyez qu’elles portent des chapeaux de vingt-cinq louis, des robes de dix mille francs, qu’elles ont des voitures attelées de chevaux sans prix ? Vous croyez que, en des hôtels somptueux, elles laissent tomber, le soir, en rentrant, après des soupers merveilleux, des manteaux de renard bleu, l’hiver, et, l’été, de légères pelisses de point d’Angleterre noir, entre les mains de trois femmes de chambre empressées ? Vous croyez qu’elles dorment, au fond des appartements de soie dorée, en des alcôves de dentelle ailée, et qu’on leur sert, en des tasses de Chine, le chocolat matinal ? Erreur parfaite. Tout ce triomphe semble être, n’existe pas en réalité. Et elles ne sont que des mensonges parés d’apparences. Il y a les chapeaux, mais il y a la modiste avec la note pas payée. Il y a les robes, mais il y a le couturier qui menace de la police correctionnelle. Il y a les voitures, amis il y a le cocher qui réclame quatre mois de foin et d’avoine ; et chaque matin, au seuil des hôtels, il y a l’huissier, bientôt suivi du commissaire de police, si on tarde à ouvrir la porte ! Car, la vérité, c’est que Paris, qui n’a pas d’argent, bien qu’il feigne d’en dépenser, n’est plus assez riche pour entretenir, tout à fait, ses courtisanes, même illustres, et la plus opulente des demi-mondaines est citée à la justice de paix pour quarante-deux francs qu’elle doit au blanchisseur !

(Catulle Mendès)

Monde

d’Hautel, 1808 : Il y a monde et monde. Se dit finement pour faire entendre que tous les individus ne se ressemblent pas, n’ont pas les mêmes manières d’agir ; qu’il y en a de plus élevés, de plus polis les uns que les autres.
Depuis que le monde est monde. Pour dire, depuis un temps immémorial.
Il est allé loger au bout du monde. Pour dire que quelqu’un est allé habiter un quartier éloigné et peu fréquenté.
Il s’en est allé dans l’autre monde. Pour, il est mort.
C’est le monde renversé. Pour dire, qu’une chose est faite à contre-sens ; dans un ordre opposé à la raison.
De quel monde venez-vous ? Se dit en plaisantant à quelqu’un qui ignore les nouvelles les plus-répandues.
Vous ne changerez pas le monde. Pour dire, l’usage le veut ainsi.
Savoir son monde. Pour, savoir vivre ; se bien comporter en société.

Rigaud, 1881 : Public payant, — dans le jargon des saltimbanques. Ainsi, il peut y avoir foule autour d’un banquiste, et pas de monde.

Monde (demi)

France, 1907 : Monde de la prostitution élégante.

Dans ce qu’on appelle le demi-monde, il y a nombre de filles en carte, véritables chevaliers d’industrie de la jeunesse et de l’amour, qui, bien en règle avec la préfecture, mènent joyeuse vie pendant quinze ans et éludent constamment la police correctionnelle.

(Léo Taxil)

Monde (petit)

Rigaud, 1881 : Bourgeoisie, dans le jargon du faubourg Saint-Germain. — Lentille, — dans celui des voleurs.

Monde au balcon (il y a du)

France, 1907 : Se dit d’une femme à la gorge opulente.

Monde de bouche

France, 1907 : On appelle ainsi dans les départements du Centre les commensaux d’une ferme, ouvriers et domestiques, nourris à la ferme, par opposition à ceux qui apportent leur pitance.

Monde renversé

Delvau, 1866 : s. f. La guillotine, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Guillotine.

France, 1907 : La guillotine.

Mondine (langue)

France, 1907 : Idiome languedocien.

Ô Toulouse ! ô grande cité du haut Languedoc, aime toujours ta langue mondine et souviens-toi que près de tes remparts, le Montfort fut écrasé comme une grosse figue noire sous un quartier de roc…

(L’Alouetteur du Lauraguais)

Monerin

France, 1907 : Variété de pêche.

Moneron

France, 1907 : Petite monnaie de billon en cours pendant la Révolution.

Monfier

Delvau, 1866 : v. a. Embrasser, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Embrasser, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Embrasser.

France, 1907 : Embrasser ; argot des voleurs.

Mongniasse

France, 1907 : Moi ; argot des voyous.

Monial

France, 1907 : Monastique.

Moniche (la) ou Monique

Delvau, 1864 : La motte, — avec toutes ses circonstances et dépendances.

Lorsque Venus vint au monde,
Elle avait la motte blonde,
Les tétons bien relevés
Et les poils du cul frisés,
En voyant cette moniche,
Le grand Jupin s’écria :
Heureux celui qui se niche
Dans un con comm’ celui-là.

Anonyme.

Après cela, c’est son tour de fêter toutes ces petites moniches.

(Aphrodites.)

Monnaie

Delvau, 1866 : s. f. Argent, — dans l’argot du peuple. Plus que ça de monnaie ! Quelle chance !

Rigaud, 1881 : Exemption. — Faire de la fausse monnaie, faire des exemptions fausses. (Albanès, Mystères du collège, 1845.)

Monnaie (plus que ça de)

Larchey, 1865 : Exclamation admirative équivalant à Quelle bonne fortune !

Mon homme a la croix d’honneur. Pus que ça d’monnaie !

Ricard.

Monnaie de singe

Rigaud, 1881 : Payement en grimaces, en plaisanteries. Payer en monnaie de singe.

La Rue, 1894 : Grimace.

Virmaître, 1894 : Une monnaie qui n’a pas cours à la Banque de France, car les garçons de recette n’accepteraient pas des grimaces en paiement (Argot du peuple).

France, 1907 : Grimaces.
D’après les étymologistes, cette expression daterait du temps de saint Louis. Ce roi qui avait toujours besoin d’argent, comme d’ailleurs tours les monarques, rendit une ordonnance d’après laquelle tous les animaux introduits dans Paris devaient acquitter un certain droit. Les saltimbanques et les montreux de bêtes exotiques, gens peu cossus d’ordinaire, cherchaient à esquiver cet impôt, et comme généralement ils avaient tous un ou plusieurs singes, ils s’arrêtaient aux barrières et faisaient danser et gambader leurs bêtes devant les commis du fisc, qui, pour les récompenser de ce spectacle gratis, les laissaient passer sans payer.
D’autre part, on cite un tarif de saint Louis qui règle les droits de péage des singes à l’entrée de Paris, ainsi conçu : « Si le singe appartient à un joueur, celui-ci le fera jouer devant le péager qui sera tenu de se contenter de cette monnaie » : autrement on payait quatre deniers.
On dit donc de quelqu’un qu’il paye en monnaie de singe, lorsqu’il s’acquitte de ce qu’il doit par des grimaces, des révérences ou des promesses.

Monnoie

d’Hautel, 1808 : On se perd en battant de la fausse monnoie. Pour dire, c’est temps perdu que de corriger un vaurien, et par allusion avec les faiseurs de fausse monnoie.
Payer en monnoie de singe. Pour dire, en mauvaises raisons, en gambades.
Il est décrié comme de la vieille monnoie. Se dit d’un homme perdu de réputation.
Il n’a point de monnoie, faute de grosses pièces. Se dit par ironie d’un homme qui n’a pas d’argent, et qui dit continuellement pour ne pas payer, qu’il n’a pas de monnoie.
Monnoie fait tout. Pour dire, qu’avec de l’argent on fait tout ce que l’on veut.
Il feroit de la fausse monnoie pour lui. Se dit d’un homme qui est extrêmement attaché à un autre.
Il l’a payé en même monnoie. Pour, il lui à rendu la pareille ; cette locution se prend toujours en mauvaise part.

Monocle

Larchey, 1865 : Lorgnon simple.

Adapte donc un monocle à l’arcade de ton œil gauche !

Montépin.

Monôme

Fustier, 1889 : Promenade qu’exécutent à Paris et à l’époque des examens, les candidats aux diverses écoles du gouvernement. Le monôme consiste à marcher l’un derrière l’autre, en file indienne. Le monôme le plus connu est celui de l’X.

France, 1907 : Sorte de file indienne qu’à certaines époques scolaires forment les collégiens ou des étudiants ; du grec monos, seul. Chacun met les deux mains sur les épaules de celui qui le précède, et l’on s’avance dans une direction convenue en chantant quelque scie d’école. Le premier en tête est désigné sous le nom d’archi-veau.
C’est une transformation de la danse antique appelée grue qui figure sur le bouclier d’Achille, dans laquelle, à l’imitation des longues files de grues volant dans l’espace, les danseurs, se tenant par la main, décrivaient des circonvolutions.

Puis, pour augmenter la migraine
Que ce vieux raseur propagea,
Le maudit palmarès égrène
Les noms de chaque lauréat ;
Et c’est long, très long, plus longs même
Encor que cela ; tour à tour
Le monôme des forts en thème
Monte les marches d’un pas lourd.

(Jacques Rédelsperger)

Monôme des X

France, 1907 : Monôme des candidats à l’École polytechnique.

Quand les compositions écrites sont terminées, les taupins, candidats des lycées et des écoles préparatoires, se réunissent sur la place du Panthéon. Ils s’organisent en longue file indienne… et partent processionnellement sous la conduite du premier taupin de France, le premier de ceux qui ont échoué l’année précédente. Ce gigantesque mille-pattes va, vient, serpente, frappant le sol en cadence, lançant dans les airs des chansons du caractère le plus profane ; il ne rappelle que de bien loin, dans ses tours et ses détours, le jeu auquel les Grecs se plaisaient à donner une forme orchestrique. Il se dirige d’abord vers la cour du Collège de France… puis il descend le boulevard au milieu de la foule ahurie, interceptant la circulation, suit les quais jusqu’au terre-plein du Pont-Neuf, et après une ronde échevelée autour de la statue de Henri IV, se rend chez la « mère Moreau », le fameux débit de prunes et de chinois.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Qui gên’ la circulation,
Bouscul’ la population,
S’fait fich’ au bloc comme un seul homme ?
C’est le monôme !
Qui va de l’autre côté d’l’eau
Prendre un’ prun’ chez la mèr’ Moreau,
S’évanouit comme un fantôme ?
C’est le monôme !
Le lend’main, qui qu’a mal aux ch’veux,
Qui s’plaint d’avoir la tête en feux,
Et pendant l’cours pique un p’tit somme ?
C’est le monôme !

(Xanrof)

Monôme polytechnicoprotestant

France, 1907 : Entente spontanée de tous les protestants pour cacher les histoires scabreuses qui surgissent dans leur parti. L’on sait en effet que rien n’est plus moral que les protestants ; ce sont eux qui sont à la tête de toutes les sociétés pour l’extinction du vice ! Cependant c’est surtout dans les pays protestants, témoin l’Angleterre et l’Allemagne, qu’il semble fleurir le plus, mais il se cache… ce qui n’empêche pas les scandales comme ceux de la Pall Mall Gazette et celui des petits télégraphistes d’éclater quelquefois. Le pudibond Bérenger, le pasteur Dide, et le pieux Jules Simon, tous sénateurs, faisaient partie du monôme polytechnicoprotestant.

Toujours le monôme polytechnicoprotestant !… si… l’accident fût arrivé à… à la femme d’un officier catholique par exemple… ça n’eût pas fait tant d’histoires, et toute cette boue, — comme vous dites, — n’eût pas été remuée… mais ici il s’agit d’une protestante !… une protestante, songez donc ! est-ce qu’une protestante peut faillir ?… (il n’y a qu’à Mme de Staël que ça a été permis… et il y a si longtemps…) une protestante !… allons donc !… et tous les protestants, orthodoxes ou pas, se dressent comme un seul homme… on évoque l’ombre des illustrations du parti… tout le monde est fourré dans l’affaire, depuis Luther jusqu’à Guizot… en passant par Mélanchthon, Wolf, Leibniz, Schelling, Fichte, etc., etc…

(Gil Blas)

Monorabiot

France, 1907 : Voir Rabiot.

Monorgue

France, 1907 : Moi ; argot des voleurs.

Monostichographe

France, 1907 : Appareil qui permet aux aveugles d’écrire et dont l’inventeur est M. Costel.
Pour se servir de ce petit appareil qui est en bois et d’un prix modeste, il faut que l’aveugle ait su écrire. Il ne s’adresse donc pas aux aveugles-nés.
Le Bulletin de la Société d’encouragement en donne la description suivante :

Cet appareil se compose d’un pupitre sur lequel se rabat, à charnière, une planchette percée d’une fente longitudinale ayant la hauteur d’une écriture ordinaire. Sur le pupitre et sous cette planchette se pose la feuille de papier, fixée vers sa partie supérieure (par un moyen très simple, et à la portée de l’aveugle) à un petit cylindre en bois.
Une règle posée avec deux tenons sur la planchette, à une distance convenable au-dessous de la fente, sert à guider la main de la personnes qui écrit. Lorsqu’une ligne est finie, ce qu’annonce la butée de la plume ou du crayon contre l’extrémité de la fente, l’écrivain fait tourner le petit cylindre en bois ; une petite roue munie de quatre dents, sur lesquelles appuie un ressort, assure l’égalité de chaque enroulement, calculé pour former l’interligne voulu.
Enfin, un curseur, pouvant courir le long de la fente, est tenu de la main gauche par l’aveugle qui écrit, lui servant à accompagner sa plume ou son crayon, lui permettant par suite de s’arrêter, de reprendre à volonté la ligne commencée, sans le moindre danger d’embrouiller l’écriture.

Monouille

Hayard, 1907 : Monnaie.

France, 1907 : Argent, monnaie ; argot populaire.

S’il n’eût craint les débinages, il aurait sacrifié ses deux héritiers… La mort dans l’âme, il s’est décidé à leur sauver la mise, et à verser la belle monouille.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Monseigneur

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Levier ou pince en fer.

Bras-de-Fer, 1829 : Pince.

Larchey, 1865 : Pince à forcer les portes. — Jeu de mots. — Quelle est la porte ne s’ouvrant pas lorsqu’on annonce monseigneur ? — Si, comme l’affirme M. Fr. Michel, on a dit autrefois Monseigneur le Dauphin et par abréviation Dauffe, nous voyons encore là un calembour sur le dos fin de la pince qui permet son introduction. Caroubleur. V. Caroubleur.

Delvau, 1866 : s. m. Pince de voleur, qui sert à crocheter les portes. Les voleurs anglais disent de même Bess ou Betty.

Rigaud, 1881 : Pince à effraction. Ainsi nommée parce que jadis rien ne résistait à celui à qui l’on donnait du « monseigneur ».

La Rue, 1894 : Pince à effraction.

Rossignol, 1901 : Pince en fer à l’usage des voleurs.

France, 1907 : Pince dont se servent les voleurs pour forcer les portes.

Arrive la nuit. Avec les bonnes dispositions de la population actuelle, avec cette armée, sans cesse croissante, de rôdeurs de nuit, souteneurs, caroubleurs, casseurs de portes, vagabonds, ivrognes, poivriers et escarpes, qui se répand dans Paris, cherchant fortune à la force du monseigneur ou à la pointe du surin, il n’est pas prudent de laisser sortir seul un gardien en uniforme. On est donc obligé de les faire circuler par deux.

(Hogier-Grison, La Police)

On appelle aussi monseigneur la barre de fer en forme de pince dont se servent les paveurs.

Monseigneur (pince)

Virmaître, 1894 : Outil qui sert spécialement à fracturer les portes ; il est tout spécialement employé par les cambrioleurs. Cet outil en acier mesure 45 centimètres de hauteur et 23 millimètres de circonférence. Il est connu depuis le XVIIIe siècle. C’était un des principaux instruments dont se servait le légendaire Cartouche (Argot des voleurs).

Monseigneuriser

Delvau, 1866 : v. a. Crocheter une porte.

France, 1907 : Honorer quelqu’un du titre de monseigneur, donner du monseigneur.

Irai-je, adulteur sordide,
Encenser un sot dans l’éclat,
Amuser un Crésus stupide,
Et monseigneuriser un fat ?

(Gresset)

France, 1907 : Forcer une porte ; argot des voleurs.

Monsieu

France, 1907 : Nom donné au porc dans les départements du Centre, parce que ce n’est pas un animal de travail et qu’on le nourrit à rien faire. Les Irlandais appellent le porc « le gentleman qui paye le loyer ».

Monsieur

d’Hautel, 1808 : Monsieur vaut bien madame. Pour dire que deux personnes sont d’un mérite égal ; ou par raillerie, qu’elles ne valent pas mieux l’une, que l’autre.
Il fait le monsieur, le gros monsieur. Se dit d’un homme obscur, d’un parvenu qui oublie sa première condition, qui fait le fier, le hautain, l’homme d’importance.
Traiter quelqu’un de monsieur gros comme le bras. Voy. Bras.

Larchey, 1865 : Mesure de capacité.

Il existe de plus une certaine eau-de-vie dont le prix varie suivant la grandeur des petits verres. Voici ce que nous lûmes sur une pancarte : Le monsieur, quatre sous ; la demoiselle, deux sous ; le misérable, un sou.

G. de Nerval.

Larchey, 1865 : Entreteneur. V. Amant de cœur.

On ne peut pas parler à mademoiselle. Et le mosieur… n’y est pas ?

Gavarni.

En argot de galanterie, le mot d’époux désigne l’entreteneur ; mais il n’est pas le seul. Suivant le degré de distinction d’une femme elle dit : Mon époux, — mon homme, — Mon monsieur, — mon vieux, — monsieur chose, — mon amant, — monsieur, — ou enfin monsieur un tel. — Sauf dans la haute aristocratie où l’on dit : Monsieur un tel, ce mot mon époux est général, il se dit dans toutes les classes.

Cadol.

Delvau, 1866 : s. m. Verre d’eau-de-vie de quatre sous, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, — dans l’argot de Breda-Street. On dit aussi Monsieur Chose. Monsieur bien. Homme distingué, — qui ne regarde pas à l’argent.

Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, homme bien mis, — dans l’argot du peuple. Faire le Monsieur. Trancher du maître ; dépenser de l’argent ; avoir une maîtresse.

Rigaud, 1881 : Verre de vin de cinq sous, verre de vin de la bouteille servi sur le comptoir du débitant.

Rigaud, 1881 : Nom que la femme entretenue et sa bonne donnent à l’entreteneur.

Rigaud, 1881 : Mari d’une maîtresse de maison de tolérance, — dans le jargon des pensionnaires de l’établissement.

Monsieur, avec son épaisse barbiche aux poils tors et gris.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

France, 1907 : Mesure de capacité. Ce mot n’est plus guère en usage. On l’employait encore vers 1850.

Il existe, écrivait Gérard de Nerval, une eau-de-vie dont le prix varie suivant la grandeur des verres : le monsieur est tarifé quatre sous ; la demoiselle, deux sous ; le misérable, un sou.

France, 1907 : Entreteneur d’une fille.

Monsieur (faire le, faire-son)

Rigaud, 1881 : Faire de la dépense, s’endimancher, — dans le jargon des ouvriers.

Monsieur (le)

Delvau, 1864 : L’homme bienveillant qui honore de sa protection quelque jeune femme sans feu ni lieu, l’habille, la met dans ses meubles et oublie régulièrement un louis ou deux sur sa cheminée. C’est le miché cristallisé.

On ne peut pas parler à mademoiselle. Et le monsieur… n’y est pas ?

Gavarni.

Monsieur Bambou

Delvau, 1866 : s. m. Canne, — dans l’argot des souteneurs, qui en procurent la connaissance aux épaules des filles réfractaires à leur demande d’argent.

Monsieur Bazar

Fustier, 1889 : Argot de l’école de Saint-Cyr. Le Saint-Cyrien lui-même.

La dernière quinzaine a été dure pour Monsieur Bazar, ainsi que se qualifie l’élève de l’École militaire.

(Soleil, 1887.)

Monsieur bien

France, 1907 : Dans l’argot des filles ou des petites ouvrières, c’est un individu bien mis, jeune ou vieux, beau ou laid, mais qui parait cossu.

Elle a dans les vingt ans, celle petite, et vit comme elle peut, au jour le jour : pas « fille » cependant, ni au sens administratif, ni au sens public du mot… mettons débutante en galanterie. Une amie lui proposa de l’emmener à un dîner, un grand dîner, donné par des messieurs bien, et elle accepta.

(Séverine)

C’est la saison des foins. Les faneuses aux prés,
En rythmant des chansons naïves, vont par bandes
Vers ces foins odorants au couchant empourprés,
— Pour plus d’un monsieur bien savoureuses prébendes.

(Théodore Hannon, Les Vingt-quatre coups de sonnet.)

Monsieur de Kock (le dernier de)

France, 1907 : C’est ainsi que pendant quelque temps on appela les cocus. Théophile Gautier, dans les Jeune-France, en donne l’explication :

En ce temps, il venait de paraître un roman de M. Paul de Kock. intitulé le Cocu. Ce fut un scandale merveilleux ; une affiche colossale se prélassait effrontément à tous les coins de rue et derrière les carreaux de tous les cabinets de lecture. Ce fut un grand émoi paru toute la gent liseuse. Les lèvres pudibondes des cuisinières se refusaient à prononcer l’épouvantable mot. Toutes les virginités de magasin étaient révoltées ; la rougeur monta au front des clercs d’huissier. Il fallait bien pourtant se tenir au courant, et demander le maudit roman. Alors (admirez l’escobarderie !) fut trouvée cette honnête périphrase : — Avez-vous le dernier de M. de Kock ? — Dernier de M. de Kock, par cette raison, a signifié cocu pendant quinze jours.

Monsieur de Paris

Delvau, 1866 : s. m. L’exécuteur des hautes œuvres, — dans l’argot des bourgeois.

Monsieur de Pètesec

Delvau, 1866 : s. m. Homme un peu roide, un peu orgueilleux.

Monsieur Dimanche

Delvau, 1866 : s. m. Créancier, — dans l’argot des bohèmes, qui jouent souvent la scène de Don Juan.

Monsieur Duce

Clémens, 1840 : Prévenir.

Monsieur Dufour est dans la salle

Delvau, 1866 : Phrase par laquelle un acteur avertit un de ses camarades qu’il joue mal et va se faire siffler. Quelquefois on dit : Le vicomte Du Four est dans la salle.

Rigaud, 1881 : Avertissement d’acteur à acteur lorsqu’un rôle est mal interprété, lorsque le public est sur le point de témoigner son mécontentement.

Monsieur Hardi

Delvau, 1866 : s. m. Le vent, — dans l’argot du peuple.

Monsieur Jules

France, 1907 : La brigade des mœurs.

Ce soir-là, des individus à l’œil louche, à la face patibulaire quoique bourgeoisement mis, s’étaient entassés de bonne heure dans le poste de police de la rue Bochard-de-Saron, sorte de caverne creusée dans les bâtiments du collège Rollin. C’était Monsieur Jules au grand complet, c’est-à-dire la brigade des mœurs, mobilisée à la requête de quelque sénateur pudibond et ami de ses aises.

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

Monsieur le bon

France, 1907 : Le premier venu, n’importe qui, celui qui se présente, dans l’argot des filles. Dans celui de la police, c’est l’individu arrêté à coup sûr.

Il y a un mot, dans l’argot des agents, qui, à ce point de vue, est absolument typique :
« Il faut que l’homme soit fait bon », cela veut dire qu’il faut que l’homme soit arrêté dans des conditions telles qu’il ne puisse échapper à la condamnation, qu’il soit « bon » pour la prison, la réclusion, le bagne et même la guillotine.

En argot de police et des malfaiteurs, « faire quelqu’un », cela veut dire l’arrêter. Ainsi, la nuit, quand vous passez sur les boulevards et que vous entendez deux filles qui, en causant entre elles, disent : « Tu sais, une telle a été faite à la porte de l’Américain », cela veut dire : « Une telle a été prise par les agents » ; c’est l’équivalent de la gigolette des cafés-concerts « qui s’est fait chopper dans la rue ».
Bruant, de son côté, a fait une chanson sur Monsieur le bon, l’inculpé que les agents ont fait bon pour les juges.

Cette difficulté de faire bon l’homme dénoncé oblige parfois les agents à suivre pendant quinze jours, trois semaines le voleur qu’ils savent être un professionnel du vol, dont la malhonnêteté ne peut être discutable un instant, mais qu’il faut prendre cependant presque en flagrant délit, pour que, sûrement, les magistrats le condamnent.

(Mémoires de M. Goron)

Alors el’ marle est arrêté,
Et pis on l’emmène à la butte
Ousqu’i’ fait sa dernièr’ culbute,
À la barbe d’la société…
Et pendant que l’bingue i’s’apprête
À poser son doigt su’l’bouton,
L’marle i’ dit en passant sa tête :
V’là Monsienr l’bon !

(Aristide Bruant)

Monsieur Lebon

Delvau, 1866 : Bon compagnon qui paye volontiers pour les autres. Argot du peuple.

Monsieur Personne

Delvau, 1866 : Personne, nul.

Rigaud, 1881 : Individu sans notoriété, le premier venu, — dans le jargon des gens de lettres.

Monsieur Pigeon

Delvau, 1866 : Type du garde national de la Restauration.

Monsieur Raidillon

Delvau, 1866 : s. m. Homme fier et susceptible. On dit aussi : Monsieur Pointu.

Monsieur Vautour

Delvau, 1866 : s. m. Propriétaire, — dans l’argot des bohèmes, qui disent cela depuis l’opéra comique intitulé : Maison à vendre, dans lequel on chante :

La maison de M. Vautour
Est celle où vous voyez un âne.

Rigaud, 1881 : Propriétaire qui ne connaît pas d’autre Dieu que le dieu terme. — Usurier.

France, 1907 : Propriétaire, usurier ; argot populaire.

— Vous accorder un nouveau délai pour le capital ?… Mais depuis trois ans, vous n’avez pas seulement pu rattraper les intérêts !
— Ah ! père Vautour, ça court si vite, vos intérêts !

(Gavarni)

Monsieur Véto

Delvau, 1866 : Louis XVI, — dans l’argot des révolutionnaires de 1792, par allusion au veto du 19 juin sur les décrets concernant le camp sous Paris et la déportation des ecclésiastiques.

Monsieur, Madame de Péte-sec

Rigaud, 1881 : Homme, femme qui s’imagine être sortie de la cuisse de Jupiter. Personne hautaine, froide, orgueilleuse.

Monsignore

France, 1907 : Prélat italien, évêque in paribus, nommé par le pape, mais qui n’est pas reconnu comme évêque en France.

Le procès de monsignore Maret, dont la spécialité fut d’apprendre aux petites filles ce qu’on ne fait d’ordinaire qu’aux grandes demoiselles, a été le véritable scandale de ces derniers temps.

(Charles Tabaraud, Almanach anticlérical, 1880)

Monsignori

France, 1907 : Pluriel de monsignore.

Il y a dans l’Église, des hommes — on n’ose pas dire des prêtres — cousus de violet, galonnés d’or et de vert, que les naïfs prennent pour des évêques, et que les experts appellent, avec un ironique sourire, des monsignori. Quant au clergé sérieux, il ne fait pas plus attention à ces hommes que s’ils n’existaient pas ; car il les voit ayant sous les oripeaux de la prélature la même physionomie d’excommuniés qu’ils eurent toujours depuis le séminaire.
La moitié de ces monsignori vient de Rome avec des titres achetés.

(Jean de Bonnefond, Le Journal)

Monstre

Larchey, 1865 : Détestable, monstrueux, au figuré. V. Largonji.

J’en ai assez de vos monstres de concerts.

P. de Kock, 1845.

Larchey, 1865 : Colossal.

Elle lui apporte un bouquet monstre.

M. Alhoy.

Delvau, 1866 : s. m. Les paroles qu’un musicien adapte à un air trouvé par lui, en attendant les paroles plus poétiques du librettiste.

Delvau, 1866 : adj. Étonnant, colossal, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Énorme, colossal. Succès monstre.

Rigaud, 1881 : Canevas d’une pièce de théâtre, d’un livre. — Bouts-rimés dont le sens et la rime importent peu et qu’un compositeur de musique donne au parolier pour lui indiquer la mesure et la coupe des strophes qu’il convient d’appliquer à une mélodie.

France, 1907 : Libretto ; argot des gens de théâtre.

France, 1907 : Énorme, colossal ; s’emploie adjectivement.

Monstre d’homme

Rigaud, 1881 : Libertin, partisan du système de l’infidélité à outrance, — dans le jargon des petites dames.

Monstrico

Larchey, 1865 : Petit monstre.

Ce petit monstrico !

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Personne laide comme un petit monstre. Le mot appartient à H. de Balzac.

France, 1907 : Vilaine figure.

Monstrum horrendum

France, 1907 : « Monstre horrible », commencement d’un vers de Virgile où le poète latin fait le portrait du cyclope Polyphème à qui Ulysse vient de crever l’œil.

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum…

« Monstre horrible, affreux, énorme, privé de lumière…

Monsu

France, 1907 : Mamelle. Le mont qu’on suce. Les seins de la femme ont quantité de noms : avant-postes, avant-scènes, nénés, nichons, œufs sur le plat, oranges sur l’étagère, etc.

Mont

d’Hautel, 1808 : Le mont pagnote. Éminence d’où les poltrons regardent sans aucun danger ce qui se passe dans une attaque de place.
Promettre des monts d’or à quelqu’un. Lui faire de belles promesses, lui donner de belles espérances.

Larchey, 1865 : Mont-de-Piété. — Abréviation. — V. Tante.

Elle tient comme qui dirait un petit mont bourgeois… elle prête sur gages et moins cher qu’au grand mont.

E. Sue.

Delvau, 1866 : s. m. Établissement du Mont-de-Piété, — dans l’argot des faubouriens. Le grand Mont. Le Mont-de-Piété de la rue des Blancs-Manteaux. Le Petit Mont. Le commissionnaire au Mont-de-Piété.

Mont (le grand)

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété de la rue des Blancs-Manteaux ; le chef-lieu de ce grand département du prêt sur gages.

Mont (petit)

France, 1907 : Commissionnaire du Mont-de-Piété.

Mont de Vénus

Delvau, 1864 : La petite éminence placée à l’entrée du con de la femme, qu’on appelle vulgairement la motte.

Car il faut des oublis antiques
Et des pudeurs d’un temps châtré
Venger dans des strophes plastiques,
Grande Vénus, ton mont sacré !

Th. Gautier.

Montagasse

France, 1907 : Pie-grièche.

Montage

Rigaud, 1881 : Cartes préparées. — Un beau montage, cartes préparées qui ont fourni une longue carrière, — dans l’argot des grecs.

Boutmy, 1883 : s. m. Ensemble de pratiques ou de paroles qui ont pour but de faire croire à quelqu’un une chose qui n’existe pas, et surtout de le faire agir en vertu de cette fausse croyance. On dit aussi montage de coup. Cette plaisanterie est fréquente dans les ateliers ; mais le compagnon, « né malin », ne coupe pas toujours.

Montage de coup

France, 1907 : Tromperie.

Je n’coup’ pas du tout
Dans c’montag’ de coup.

(Aug. Hardy)

Montagnard

Delvau, 1866 : s. m. Cheval de renfort destiné à être mis en flèche aux omnibus pour les montées difficiles.

Delvau, 1866 : s. m. Beignet au centre duquel est un peu de confitures de groseilles. L’expression date de 1848 : elle a été appliquée à cette sorte de beignet, par les Associations de cuisiniers, et n’a pas plus duré qu’elles.

Rigaud, 1881 : Cheval de renfort.

France, 1907 : Républicain avancé, partisan des doctrines de la Montagne.

Montagnards

Rigaud, 1881 : Haricots rouges. — Je me suis collé une biture de montagnards au vin.

Montagne

d’Hautel, 1808 : Les montagnes ne se rencontrent point, mais les hommes se rencontrent. Se dit par menace pour faire entendre à un homme qu’on se vengera de lui quand l’occasion s’en présentera ; ou lorsqu’on rencontre inopinément quelqu’un qu’on ne s’attendoit pas à voir.

Montagne de géant

Rigaud, 1881 : Potence, — dans l’ancien argot.

Montagnole

France, 1907 : Qui vient de la montagne.

Montaison

France, 1907 : Fermentation : vieux mot.

Montant

Clémens, 1840 : Pantalon.

M.D., 1844 : Pantalon.

un détenu, 1846 : Pantalon.

Halbert, 1849 : Pantalon.

Larchey, 1865 : Pantalon. — Le mot a été fait pour les anciennes culottes qui montaient assez haut. — V. Tirant.

Delvau, 1866 : s. m. Pantalon, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Forte saveur ; relief bien accusé. Se dit à propos des choses et des personnes. Une phrase a du montant quand elle est énergique. Une femme a du montant quand elle a du cynisme.

Rigaud, 1881 : Mur. — Pantalon ; c’est le mur de la décence.

Rigaud, 1881 : Bas.

Quoi que ça veut dire ? criait une autre, des montants de soie dans de vieux ripatons !

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

La Rue, 1894 : Mur. Pantalon. Pas.

Virmaître, 1894 : Pantalon. Il monte en effet le long des jambes. Le montant à pattes d’éléphant est, depuis des années, le signe distinctif des citoyens à trois ponts (Argot des souteneurs). V. Falzar. N.

Rossignol, 1901 : Pantalon.

France, 1907 : Saveur au physique ou au moral ; excitant. Un vin qui a du montant, une femme qui a du montant.

Lorsqu’une blonde se mêle d’être piquante… elle a encore plus de bouquet, plus de montant qu’une brune.

(Eugène Sue)

L’amour charnel, qui n’est fait que de sensualité, est inspiré soit par la beauté, soit par l’élégance, soit par le montant, soit par l’étrangeté. La beauté, l’élégance et l’étrangeté sont trois accessoires de l’amour dont l’importance mérite une étude spéciale… Au montant peut suffire l’honneur d’un paragraphe.
Le montant — qui est une expression à la fois mondaine et argotique — consiste dans le mélange impressionnant de la laideur et de l’élégance ou de l’étrangeté jointe à la simplicité. Une femme a du montant quand, sans avoir rien de régulier et d’habituel en elle-même, elle se distingue par quelque particularité qui parle aux sens. Cette femme-là n’est point invoquée par les chercheurs de sensations, mais, quand elle se présent, elle fouette impérieusement le désir.

(Machecoul, Don Juan)

France, 1907 : Pantalon.

Montante

anon., 1827 : Culotte.

Bras-de-Fer, 1829 : Culotte.

M.D., 1844 : Une chaise.

Halbert, 1849 : Culotte.

Delvau, 1866 : s. f. Échelle, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Échelle, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Échelle. L’image est frappante. Quand, autrefois, l’échafaud était élevé de treize marches que le condamné devait gravir, on nommait les marches la montante du calvaire (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Échelle.

France, 1907 : Échelle.

Montante, lève-pieds

La Rue, 1894 : Échelle.

Monté (être bien ou mal)

Delvau, 1864 : Avoir un membre viril d’une belle longueur, ou d’une exiguïté fâcheuse.

Elis en fut quitte pour faire élection des plus gros montés, qui se pouvaient trouver.

Brantôme.

C’est que t’as l’air d’en avoir pour deux… T’es bien monté… mâtin.

Lemercier de Neuville.

Monté (être)

France, 1907 : Être exalté.

Je ne défends pas ces exagérations de forme, — je les ai en grippe. Littérairement et socialement je les juge mauvaises, pensant que quand on se mêle de parler au peuple, il faut lui faire l’honneur de lui parler comme à un souverain et pas comme à un voyou.
Mais ce garçon est jeune, encore une fois, exalté, avec les belles fougues des débuts. Puis il s’est bourré le cerveau, comme un pistolet trop chargé, avec les sentences de celui-ci, les oracles de celui-là. Bref, il est monté.

(Jacqueline, Gil Blas)

Monte en l’air

Virmaître, 1894 : Les cambrioleurs. Ils sont ainsi nommés parce que ces voleurs opèrent généralement dans les chambres de domestiques situées aux étages supérieurs. Ils montent en l’air (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Cambrioleur.

Monte-à-regret (abbaye de)

France, 1907 : L’échafaud, la guillotine, autrefois la potence. Maintenant que l’échafaud est au ras du sol, cette expression n’est plus usitée. Les périphrases pour désigner l’acte de tuer légalement, ce qui ne veut pas dire avec justice, son semblable, sont nombreuses : au XIIIe siècle, en parlant d’une condamnation à la potence, on disait mettre à la bise ; au XIVe et au XVe, vendanger à l’échelle, avoir collet rouge, croitre d’un demi-pied, faire la longue lettre, tomber du haut mal, puis plus tard : servir de bouchon, faire le saut, donner un soufflet à une potence, donner le moine par le cou, approcher du ciel à reculons, danser un branle en l’air, gigoter dans l’espace, avoir le chanterelle au cou, faire le guet à Montfaucon, faire le guet au clair de la lune, être branché, bénir des pieds, danser sans plancher, tirer la langue d’un demi-pied, etc., etc. ; ce qui prouve que le supplice du prochain a toujours suscité des plaisanteries. François Villon, qui, en prison au Châtelet en 1557, pour un vol commis dans le village de Rueil s’attendait d’un jour à l’autre à être pendu, plaisanta sur son sort :

Je suis François, dont ce me poise,
Né de Paris auprès Ponthoise :
Or, d’une corde d’une toise,
Saura mon col que mon col poise.

Montée (être bien)

France, 1907 : Posséder certaine qualité qui rendait le célèbre assassin Pranzini la coqueluche des dames.

Montées

d’Hautel, 1808 : Les montées. Pour dire, les escaliers.

Montépinades

France, 1907 : Romans populaires pleurnichards et ridicules au moyen desquels certains auteurs crétinisent le peuple et s’en font cinquante mille francs de rente.

Mais pourquoi, dira-t-on, les littérateurs consentent-ils à descendre au rez-de-chaussée ? Préféreriez-vous que la place fût laissée entière aux montépinades et aux richebourderies ? Il y a même chez les plus grands le désir de se manifester dans une forme populaire, accessible à tout le monde, sans compter le bénéfice immédiat, car enfin c’est plaisir et orgueil que de réunir les deux termes séparés par Chrysale : la bonne viande et le beau langage.

(Henrz Bauer, La Valle et le Théâtre)

Monter

d’Hautel, 1808 : Monter sur les planches. Pour ; se faire comédien, histrion, batteleur.
Monter sur ses ergots. Élever la voix avec chaleur ; parler avec audace, s’emporter.
Cette fille monte en graine. Se dit d’une demoiselle qui vieillit sans se marier.
Monté comme un Saint-George. Pour dire, qu’un homme est sur un mauvais cheval.

Delvau, 1864 : Avoir un miché, et aller dans une chambré quelconque du bordel tirer un coup avec lui.

Rester ici au lieu d’aller au salon avec toutes ces dames… toujours descendre et ne jamais monter.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : v. n. S’emporter, se mettre en colère, — dans l’argot du peuple. Faire monter quelqu’un. L’exaspérer, l’agacer.

Rigaud, 1881 : Pour monter une pièce nouvelle, la préparer, — dans le jargon du théâtre. — Est-ce qu’on monte quelque chose pour le mois prochain ?

Rigaud, 1881 : Exciter quelqu’un à faire une chose. Il a fallu joliment le monter pour arriver à lui faire dire oui. — L’exciter contre quelqu’un. Il l’a monté contre son frère ; c’est, mot à mot : monter la tête. — Être monté, être surexcité, être très en colère.

La Rue, 1894 : S’emporter. Enflammer, surexciter.

Monter (se)

Rigaud, 1881 : Se passionner, exagérer les choses, s’exalter. Mot à mot : se monter la tête.

France, 1907 : S’enflammer.

Monter à cheval

Rigaud, 1881 : Être atteint d’une tumeur inflammatoire dans la région de l’aine, tumeur désignée sous le nom de « poulain ». (Argot des voyous).

Monter à l’arbre

Delvau, 1866 : v. n. Être le jouet innocent de quelques farceurs qui font pour vous, homme, ce que d’autres farceurs font pour Martin, ours, au Jardin des Plantes, — sans réfléchir que, furieux d’être ainsi joué, vous pouvez leur casser les reins d’un coup de griffe. On dit aussi Monter à l’échelle.

France, 1907 : Attendre ce qui ne viendra jamais.

Les gens qui montent à l’arbre, c’est-à-dire les naïfs, les crédules à qui on fait croire que la colonne Vendôme a été élevée par les Romains et que l’obélisque compte retourner bientôt en Égypte.

(Aurélien Scholl)

Monter à l’échelle

Rigaud, 1881 : S’impatienter, se mettre en colère.

Virmaître, 1894 : Être guillotiné. Mot à mot : monter à l’échelle de l’échafaud. L. L. Monter à l’échelle a une toute autre signification dans le peuple ; cela veut dire : faire mettre quelqu’un en colère.
— Il a la tête près du bonnet, il s’enlève comme une soupe au lait.
On dit aussi :
— Il a un si sale caractère qu’il grimpe à tout bout de champ (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Se fâcher, se mettre en colère. Si l’on plaisante un ami et qu’il se fâche il monte à l’échelle.

France, 1907 : Être guillotiné. Allusion aux marchepieds que le condamné gravissait pour monter sur l’échafaud. Il est maintenant au ras du sol.

France, 1907 : Se mettre en évidence pour une chose qui n’en vaut pas la peine.

France, 1907 : Se mettre en colère.

Dès qu’on se trouva seuls, entre amis, on but encore de larges rasades, Les têtes s’échauffant, la conversation en fit autant, et l’idée saugrenue vint à Mlle Marthe de faire monter à l’échelle le naïf curé, en le régalant à sa façon d’un cours de philosophie religieuse.

(Achille Mélandri, Les Sœurs Hedouin)

Monter à la butte

France, 1907 : Être guillotiné.

— Salop ! tu as de la veine que j’ai pensé à ma mère ! Je t’ai visé deux fois avant de jeter mon revolver, mais j’veux pas monter à la butte parce que ça lui ferait trop de peine.

(Mémoires de M. Goron)

Monter à poils

France, 1907 : Monter un cheval sans selle ni étriers.

Monter aux châsses

Rossignol, 1901 : Passer un moment avec une fille publique sans débourser d’argent, est monter aux châsses. Monter sans payer sur la tour Eiffel est monter aux châsses.

Monter d’un cran

Rigaud, 1881 : Obtenir de l’avancement.

Monter des couleurs

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mentir pour connaître la vérité. Monter un coup, tendre un piège.

Larchey, 1865 : Mentir.

As-tu fini ? Pour m’éprouver, tu veux monter des couleurs, belle Zaïre, mais cela ne va pas.

Decourcelle, 1840.

Monter en graine

Delvau, 1866 : v. n. Vieillir, — dans l’argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des filles destinées à coiffer sainte Catherine.

Rigaud, 1881 : Grandir. — Votre moutard monte en graine.

France, 1907 : Se dit d’une fille qui, ayant depuis longtemps coiffé sainte Catherine, approche de l’âge où il est difficile de trouver un mari.

Monter en l’air

Rossignol, 1901 : Celui qui commet le vol à l’aide d’effraction ou fausses clés monte en l’air.

France, 1907 : Voler avec effraction. C’est généralement dans les étages supérieurs, loin du concierge, c’est-à-dire en l’air, que les cambrioleurs opèrent. D’où le nom de monte-en-l’air donné à ces industriels.

Bien que l’Avocat n’eût point précisé la nature du travail qu’il proposait, Orlando devina tout de suite qu’il s’agissait de monter en l’air. Pour sa part, jamais il n’avait volé. Il serait mort de faim plutôt que de dérober à un étalage, de mettre, comme un Anglais, la main dans les poches. Mais, ainsi que tout Italien de montagne, il coulait dans ses veines une pinte de sang de bandit, la révolte du maquis, l’audace du rançonneur de diligences, de l’homme qui vit en guerre avec un fusil sur l’épaule, qui lève contribution sur les grandes routes et finit d’un coup de feu.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Monter la garde

Rigaud, 1881 : Aller et venir sous les fenêtres d’une belle, devant la porte de son magasin, ni plus ni moins qu’un soldat de l’amour en faction.

Monter la tête (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se donner un courage factice, soit en buvant, soit en se répétant les outrages qu’on a subis et dont on veut tirer raison. Argot du peuple.

Monter la tête à un homme

Delvau, 1864 : Le faire bander par des polissonneries en paroles ou en actions.

Mais rien ne monte la tête,
Non, rien n’est plus polisson
Qu’une langue toujours prête
À vous lécher le bouton.

Lemercier de Neuville.

Monter le baluchon (se)

Fustier, 1889 : (V. Delvau.) Se monter le coup.

Monter le bobéchon

France, 1907 : Tromper.

Partout germent les riches idées : partout poussent les bons bougres ! Oui, partout, même en Vendée — ce département qui, avec trois ou quatre autres de la Bretagne, avait la réputation d’être tant et plus sous la coupe des curés. Il n’en est rien, foutre ! — les Vendéens et les chouans sont de vieux souvenirs – et la calotte et le roy peuvent se fouiller : pas plus qu’à ceux d’ailleurs, ils ne monteront le bobéchon.

(Le Père Peinard)

Monter le bourrichon (se)

Delvau, 1864 : Se monter la tête, ou plutôt l’imagination à propos d’une femme avec qui l’on désire coucher ou d’un homme que l’on se rêve pour amant. Se dit spécialement des filles qui ont des toquades pour tel ou tel homme, coiffeur ou poète, peintre ou goujat, qui a un grand talent ou un gros paquet.

Conserve tes vers pour une autre Muse
Qui se montera mieux te bourrichon.

(Parnasse satyrique.)

France, 1907 : S’illusionner.

— Le mariage ? mais personne ne veut de nous, ma chatte ! Ne faut pas nous monter le bourrichon ! Nous n’avons pas le sou, et les hommes de notre condition, les hommes que nous pourrions épouser, petits commerçants ou bureaucrates, n’ont que faire de filles sans dot.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Monter le cou (se)

Rossignol, 1901 : Se croire plus que l’on est.

Monter le coup

Clémens, 1840 : Faire accroire ce qui n’est pas.

Larchey, 1865 : Tromper. V. coup.

Larchey, 1865 : Tendre un piège.

C’est des daims huppés qui veulent monter un coup à un ennemi.

E. Sue.

La Rue, 1894 : Tromper. Monter un chopin, préparer un vol. Monter la couleur, monter un schtosse, mentir, tromper.

Rossignol, 1901 : Mentir, abuser, tromper.

France, 1907 : Tromper.

— Travailler…! Mais à quoi, je me le demande ! Que sais-tu faire ? De quelle besogne es-tu capable ? Paresseux, gourmand, jouisseur, il te faut la vie facile, toute faite, sans secousses, les petits repas bien préparés, et le chocolat le matin, dans ton lit. Ce n’est pas à moi que tu monteras le coup sur tes capacités !

(Adolphe Mayer, Le Moyen de parvenir)

Il la rencontra par hasard,
Comm’ i’ s’prom’nait sur le boul’vard,
Certain jour qu’il avait la flemme ;
Ell’ lui parut gentill’ comm’ tout,
I’ s’dit : « J’m’en vais lui monter l’coup ;
J’m’en vais lui fair’ gober que j’l’aime »

(Georges Mys)

Monter le coup (se)

Delvau, 1864 : Être crédule, s’imaginer que toutes les femmes sont vertueuses, ou que l’on peut les baiser sans les payer.

Si tu croit que je suis novice, tu t’ monte le coup.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se faire des illusions à propos de quelqu’un ou de quelque chose ; s’attendre à une félicité improbable ou à une fortune impossible. On dit aussi se monter le baluchon.

France, 1907 : S’illusionner, se créer des chimères.

— Instruisez les gens de fabrique et d’usine, faites-en des petits avocats, des raisonneurs, des blagueurs, qu’est-ce qu’il adviendra ? C’est qu’à force de s’monter de coup, ils se croiront les messieurs, ne voudront plus travailler, et, dans tous les cas, feront du fichu ouvrage.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Bref, on n’est pas de bois. On ne sait pas ce que l’on espère. On attend sans savoir quoi. On se monte le coup.

(Paul Hervieu)

Monter le coup à quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le tromper ; lui promettre une chose qu’il désire et qu’on sait ne pas pouvoir lui donner ; mentir. On dit aussi Monter des couleurs et monter le Job.

Monter le coup aux hommes

Delvau, 1864 : Leur promettre mille jouissances par des provocations de toilette, de regards, de paroles, d’attouchements — et se contenter de les faire jouir prosaïquement.

Et cette crinoline !… En voilà encore une invention qui nous aide à monter le coup aux hommes.

Lemercier de Neuville.

Monter le job

Hayard, 1907 : Même sens — cambrioler.

France, 1907 : Tromper, duper, mentir.
Job est l’abréviation du vieux français jobelin, niais, sot ; monter le job est donc faire une dupe, un sot.

Ah, si le populo se doutait combien on lui monte le job ! S’il savait que les gas d’attaque qu’on guillotine, qu’on déporte, qu’on persécute jusqu’à plus soif, ne sont pas les bêtes méchantes que racontent les marlous de la haute… ça changerait de face !

(Le Père Peinard)

Monter le job (se)

Virmaître, 1894 : Se monter le coup. Croire que c’est arrivé ou vouloir le faire croire à un autre (Argot du peuple).

Monter le verre en fleur (se)

Virmaître, 1894 : Se monter le coup à soi-même. S’illusionner sur toutes choses. S’imaginer être aimé par désintéressement. En un mot, croire que c’est arrivé
— Mon miché qui s’est monté le verre en fleur que j’y allais de mon voyage, faut-y qu’il soit poire (Argot du peuple). N.

Monter le verre en fleurs (se)

France, 1907 : S’illusionner.

Monter quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. L’exciter par des paroles à faire une chose qu’il ne ferait pas de lui-même.

Monter sur la planche

Rossignol, 1901 : Comparaitre devant un tribunal.

Monter sur la table

Larchey, 1865 : Avouer ses crimes et ceux de ses complices (Vidocq). — Il paraît y avoir une certaine relation d’origine entre manger le morceau et monter sur la table.

Delvau, 1866 : v. n. Lever le masque, — dans l’argot des voleurs, qui ne font cela que par bravade, comme Lacenaire s’accusant lui-même d’un crime pour entraîner dans sa chute un complice.

Rigaud, 1881 : Faire des révélations.

France, 1907 : Faire des aveux ; argot des voleurs.

Monter sur le tonneau

Rigaud, 1881 : Mettre de l’eau dans une barrique de vin. — (Argot des cabaretiers).

Monter sur ses ergots

Delvau, 1866 : v. n. S’emporter, faire de violents reproches à quelqu’un, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Monter sur ses grands chevaux.

France, 1907 : S’emporter, se rebiffer comme un coq.

Monter sur ses grands chevaux

France, 1907 : Prendre de grands airs, se montrer hautain, se lâcher.
Cette expression est une allusion au temps de la chevalerie où les barons et les chevaliers montaient sur leurs destriers, c’est-à-dire leurs chevaux de bataille, lorsqu’ils partaient en guerre. Les chevaux devaient naturellement être grands et solides pour pouvoir porter leur cavalier et sa lourde armure. En temps ordinaire, le seigneur et la châtelaine montaient un cheval d’allure aisée et élégante, mais moins capable de résister aux fatigues, appelé le palefroi. Monter sur son grand cheval était donc se préparer au combat.

Monter un bateau

Virmaître, 1894 : Faire croire à une affaire imaginaire ; présenter à des niais un projet de mise en actions pour exploiter une fonderie de pavés ou une filature de pains de sucre. Monter un bateau, synonyme de monter le coup (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Faire croire à un ami une chose qui n’existe pas.

Hayard, 1907 : Tromper.

France, 1907 : Tromper.

Qui qui fait percer des canaux et des isthsses ?
Ah ! mes bons amis, c’est les capitalisses.
Si les anarchiss’s avaient des capitaux,
À l’actionnaire i’s mont’rai’nt les mêm’s bateaux.

(Jules Jouy)

On dit aussi promener en bateau.

— Avant que la destinée eût fait de moi un escroc, j’étais un simple fumiste. Disons qu’un escroc est un fumiste intéressé, ou que la fumisterie, c’est de l’escroquerie à blanc. Il n’y a pas de joie plus délicate que celle de charrier les gens.
Mme Tamanoir. — Charrier ?
Henri. — Charrier ou promener en bateau. Je vais, tout à l’heure, promener un jeune homme en bateau, mais non pas à l’œil, et j’attends de lui un copieux salaire… Voilà des gens qui sortent de la Banque…. Allons, me voici devenu un pauvre musicien de théâtre. Je lui offrirai des billets. Les jeunes Parisiens aiment les billets de théâtre. Ce jeune homme, qui entre au restaurant, n’est pas mal. Il a un binocle et un petit cerveau. Au revoir, maman. Le dîner à sept heures ? J’espère vous rapporter du dessert.

(Tristan Bernard)

Monter un bateau, un battage

La Rue, 1894 : Préparer une mystification.

Monter un battage, un bateau

Rigaud, 1881 : Préparer un mensonge, combiner une mystification, — dans le jargon des voleurs. — Monter un coup, le coup. (V. Coup).

Monter un chopin

Fustier, 1889 : Argot des voleurs. Préparer un mauvais coup, un vol.

Monter un coup

Larchey, 1865 : Inventer un prétexte.

Je monte plus d’un coup pour vanter l’auteur Dorville.

1817, Brazier.

Monter un gandin

Larchey, 1865 : « Dans l’armée d’Afrique, c’est essayer de consommer sans payer le cabaretier maltais. » — De Vauvineux. Gandin : Tromperie. — Du vieux mot gandie : tromperie. V. Du Cange.

France, 1907 : Tromper.

Les galifardes et les râleuses se promènent devant les boutiques hiver comme été, et aussitôt qu’un noble étranger se hasarde dans leurs parages, elles se le disputent avec des câlineries fort embarrassantes pour lui : il s’agit pour elles de monter un gandin.

(Alfred Delvau, Le Fumier d’Ennius)

Monter un schtosse

Rigaud, 1881 : Mentir, avoir de la malice, chercher à mystifier. — C’est une variante de monter le coup, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Mentir. Synonyme de monter le coup à quelqu’un. Stoss en allemand veut dire coup. Ce mot s’est francisé et court les ateliers.
— Pour faire le lundi et ne pas avoir son sac, on monte un schtosse au patron en lui disant que l’on va à l’enterrement de son père.
Il en est qui ont enterré leur père autant qu’il y a de jours dans l’année (Argot du peuple). N.

Monter une femme

Delvau, 1864 : La baiser, — ce qui est une façon, cavalière de s’exprimer. — La femme est une monture.

Pute ne tient conte
Qui sur son cul monte,
Toz il sont éguals.

(Anciens Fabliaux.)

Le vin si fort le surmonta
Que sur ses deux filles monta.

(Recueil de poésies françaises.)

Disant qu’il ne voulait laisser si aisément une si belle monture, qu’il avait si curieusement élevée, que premièrement il n’eût monté dessus, et su ce qu’elle saurait faire à l’avenir.

Brantôme.

Vous serez le premier qui monterez sur elle,
J’en jure par ma foi, c’est une demoiselle.

Théophile.

Mais ça était un pauvre monteur que ce monsieur le Dauphin.

Tallemant des Réaux.

Mais quand je fis de ma bourse ouverture,
Je ne vis onc plus paisible monture.

Cl. Marot.

Or, allons donc, et je m’assure
Que vaut trouverez la monture
Aussi gaillarde et bien en point.

J. Grévin.

Il n’y a si vieille monture, si elle a le désir d’aller et veuille être piquée, qui ne trouve quelque chevaucheur malotru.

Brantôme.

De qui les femmes aux courtisans
Servent bien souvent de monture

(Recueil de poésies françaises.)

Notre rustre n’eut pas sur sa monture douce
Fait trois voyages seulement,
Qu’il sentit du soulagement.

La Fontaine.

Un aumônier n’est pas si difficile
Il va piquant sa monture indocile,
Sans s’informer si le jeune tendron
Sous son empire a du plaisir ou non,

Voltaire.

Monsieur, je vous entends bien ; vous voulez monter sur moi.

Noël du Fail.

France, 1907 : Avoir avec elle un commerce charnel. « Qui monte la mule la ferre », qui se sert d’une femme ou d’un objet doit en payer l’entretien.

Monter une gamme

France, 1907 : Gronder.

Monter une scie

France, 1907 : Ennuyer quelqu’un.

Monteur de coups

Larchey, 1865 : Faiseur.

Je serai le seul monteur de coups À qui tu r’pass’ras en arrière Tes gros sous.

Festeau.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui vit de mensonges et d’expédients, chevalier d’industrie ; escroc.

France, 1907 : Menteur, chevalier d’industrie, escroc.

Monteur de parties

France, 1907 : Impresario ou artiste dramatique dont la spécialité est de donner en province des représentation.

Monteuse de coups

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui joue du sentiment avec plus ou moins d’habileté et s’en fait plus ou moins de revenus.

Rigaud, 1881 : Comédienne en chambre, femme capable de faire voir à ses amants la lune en plein midi ; femme qui joue la comédie de l’amour.

Montigène

France, 1907 : Né dans la montagne ; vieux mot.

Montmorency

Larchey, 1865 : À Paris, on appelle ainsi les cerises du nom de l’endroit où elles sont réputées. On dit de même Montreuil pour pêche, Fontainebleau pour raisin de treille, Valence pour orange. — Qui n’a entendu crier :

V’là des mémorenci, trois sous la livre !

Delvau, 1866 : s. f. Cerises de Montmorency, — dans l’argot du peuple, qui dit de même Montreuil pour pèche, Fontainebleau pour raisin de treille, Valence pour orange.

France, 1907 : Cerise, à cause de la réputation qu’a cette localité d’en produire d’excellentes.

Montparno

France, 1907 : Montparnasse.

J’ai flasqué du poivre à la rousse,
Elle ira de turne en garno.
De Ménilmuche à Montparno,
Sans pouvoir remoucher mon gniasse.

(Jean Richepin)

Montrance

France, 1907 : Échantillons, spécimen, de quoi montrer ; patois du Centre. « La graine n’a pas levé, il n’y en a pas même montrance.
Ostensoir où l’on expose la sainte hostie. La prière suivante est récitée par les personnes pieuses au moment de l’élévation :

J’y vois la rose, j’y vois la fleur,
J’y vois la montrance du Seigneur.

Montre

d’Hautel, 1808 : Je n’ai pas ma montre, elle est chez le charron. Réponse facétieuse d’une personne qui n’a pas de montre, et à qui l’on demande quelle heure il est.
Ce sont les vignes de la Courtille, belle montre peu de rapport. Persifflage que l’on exerce sur ceux qui veulent paroître avec un grand éclat.
Il peut passer à la montre. Se dit d’un homme qui a bonne mine, bonne tournure ; et signifie qu’il peut être reçu dans la bonne compagnie ; qu’il a assez de talens pour occuper les hauts emplois.

Montre-cul

France, 1907 : Non donné par les bonnes gens de province et les vieilles dévotes aux objets d’art, statues, tableaux, gravures, etc., qui exposent des nudités, et qui les scandalisent.

— Je suis entrée dans l’atelier de ce peinturlureur, ça doit pas être grand’chose de propre, allez, ma bonne dame, et j’en suis sortie toute honteuse ; on n’y voit que des montre-cul.

(Les Propos du Commandeur)

Montrer

d’Hautel, 1808 : Montrer les talons. Se retirer de quelque lieu ; s’enfuir.
Montrer la corde. Pour dire, faire quelque chose de mesquin, qui annonce la petitesse d’esprit, le peu de talens et de moyens, la misère et la pauvreté.
Montrer son nez quelque part. Se faire voir un instant en quelque endroit.
On dit aussi d’un habit dont la trame est élimée et usée, qu’Il montre la corde.
Montrer de quel bois on se chauffe.
Montrer à quelqu’un ce que l’on sait faire ; ne pas se laisser molester.
Montrer visage de fer. Faire résistance ; montrer du courage, de la fermeté ; être hardi, intrépide.

Montrer au doigt

France, 1907 : Se moquer de quelqu’un, le désigner du doigt en signe de mépris. Les Romains montraient le doigt du milieu aux gitons, aux mérétrices, à tous les individus notés d’infamie. C’était une grave insulte, d’où le médium était appelé infâme. On l’emploie maintenant à un autre usage.

Montrer la couture de ses bas

Delvau, 1866 : Rompre son engagement, — dans l’argot des cabotins.

France, 1907 : Rompre un engagement avec un directeur de théâtre en s’en allant sans rien dire.

Montrer le béjaune à quelqu’un

France, 1907 : Lui montrer sa simplicité ou sa bêtise. Béjaune est la contraction de bec jaune, expression empruntée à la couleur du bec des oiseaux qui sortent de l’œuf ; on l’applique à un ignorant, un niais, un sot.
Il y avait aussi, au moyen âge, dans les collèges de Paris un droit établi sur les nouveaux venus qu’on appelait le béjaune, et l’argent ainsi prélevé était employé à un régal auquel tous les écoliers prennent part. Ces béjaunes donnèrent, lieu à des désordres, car une ordonnance de police de 1311 punit d’amende ceux qui acquittent le béjaune.

Montrer le bout de l’oreille

France, 1907 : Laisser entrevoir son caractère.

Montrer le cul

France, 1907 : Échouer honteusement.

Montrer les dents

France, 1907 : Se fâcher, se rebiffer, faire voir qu’on est prêt à riposter à une attaque.

Montrer les talons

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : S’enfuir.

Montrer patte jaune

France, 1907 : Montrer de l’or.

Bête, mais expérimentée, la Savate conçut des inquiétudes, quant aux cinq louis : elle aurait dû exiger qu’il les lui fit voir ; ce qu’on appelle montrer patte jaune.

(Catulle Mendès, Gog)

Montrer sa boutique

Delvau, 1864 : Exhiber ses pièces sexuelles, montrer son cul à un homme ou son membre à une femme.

En tombant, elle a montré toute sa boutique.

d’Hautel.

Montrer son degré de longitude

Delvau, 1864 : Sortir du pantalon son membre viril — de plus ou moins de longitude — et s’en servir pour mesurer la distance qu’il y a entre les deux méridiens, la méridien femme et le méridien homme, à la grande satisfaction de tous les deux.

Je vis après ce polisson
En si fière attitude
Qu’il m’enflamme en me montrent son
Degré de longitude.

Collé.

Montrer son nez

Delvau, 1866 : v. a. Faire une courte apparition quelque part, — dans l’argot des employés qui, après avoir montré leur nez à leur ministère, ne craignent pas de lui montrer aussitôt les talons.

Montretout

France, 1907 : Veston que portent généralement les pédérastes et qui ne descend que jusqu’aux hanches, laissant voir les formes.

France, 1907 : Nom donné par les filles publiques à la visite sanitaire à laquelle elles sont astreintes tous les quinze jours. Elles y étalent en effet au docteur chargé du dispensaire tout ce qu’on ne laisse voir d’ordinaire qu’à son mari ou à son amant.

Quand les filles vont à Montretout, si elles sont malades, elles sont retenues et dirigées sur l’infirmerie de Saint-Lazare.

(Ch. Virmaître)

Montretout (aller à)

Rigaud, 1881 : Aller à la visite, — en terme de fille soumise.

Virmaître, 1894 : Quand les filles vont au dispensaire, tous les quinze jours, pour passer la visite sanitaire, elles montrent tout au docteur (Argot des filles).

Hayard, 1907 : Fille publique qui va à la visite.

Montreuil

France, 1907 : Pêche, à cause de la réputation qu’a cette localité d’en produire d’excellentes ; on l’appelle du reste Montreuil-aux-Pêches.

Montreuil (du)

Rigaud, 1881 : Pêche de Montreuil. — J’ai du beau Montreuil.

Montrouge, boyaux rouges

France, 1907 : Son donné à la petite commune de Montrouge, arrondissement de Sceaux, à cause de la grande foire aux bestiaux qui se tenait chaque lundi entre Sceaux et cette localité.

Monument

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des ouvriers.

Monzu, mouzu

Rigaud, 1881 : Mamelles de nourrice, — dans l’ancien argot.

Moquer

d’Hautel, 1808 : Se moquer de la barbouillée. Signifie faire des propositions ridicules ; n’être intimidé de rien.

Moquer comme de colin-tampon (s’en)

France, 1907 : Voir Colin-Tampon.

Une aimable demi-mondaine se présente au rez-de-chaussée de son seigneur et maître.
— Absent ! lui répond le valet de chambre du galant.
— Et où est-il ?
— Je crois que Monsieur m’a dit qu’il allait voir Françoise de Rimini.
— De Rimini ou pas de Rimini, s’écria la demi-mondaine, c’est ça qui m’est égal ! Il peut bien aller voir toutes les Françoises du monde. Pourvu qu’il casque, je m’en moque come de Colin-Tampon.

Moquer comme de Jean de Vert (s’en)

France, 1907 : Ne pas s’en soucier, ne pas s’en inquiéter. Cette expression, encore en usage dans certaines provinces, date de 1636, où les Espagnols, commandés par Jean de Werth, s’avancèrent jusqu’à Pontoise dans une marche sur Paris. Les Parisiens ne s’inquiétèrent que peu de cette marche, levèrent promptement des troupes et repoussèrent victorieusement l’ennemi.

Moquer comme de l’an 40 (se)

Larchey, 1865 : Sous-entendu, de l’an 40 de la République, c’est-à-dire d’un an qui n’arrivera point. Expression due sans doute aux royalistes.

Je m’en moque comme de l’an 40.

Jaime.

Moquer comme de l’an quarante (s’en)

Delvau, 1866 : Complètement, comme d’une année qui n’arrivera jamais. Argot des bourgeois. Le peuple dit : S’en foutre comme de l’an 40.

France, 1907 : Sous-entendu : de la République. Locution inventée par les royalistes en 1793, indiquant que la République n’atteindrait jamais cet âge.
Il est une autre explication de ce dicton qui en fait remonter l’origine au XIe siècle, époque à laquelle le clergé avait fait courir le bruit que le monde devait finir en l’an 1040. Les populations effrayées se dépouillaient de leurs biens, qui ne devaient plus leur servir, en faveur de l’Église et des moines, afin d’obtenir la rémission de leurs péchés et une place au paradis. Mais la terrible année 1040 passa sans entrave et dès lors tout le monde s’en moqua.

Moquer du tiers comme du quart (se)

France, 1907 : Se moquer de tout.

Moqueur

d’Hautel, 1808 : Appelle-le moqueur de bête. Se dit en plaisantant à un homme simple dont on se joue, pour lui faire entendre qu’en se moquant de lui, on ne se moque que d’une bête.

Morace

Delvau, 1866 : s. f. Inquiétude, danger, remords, — dans l’argot des voleurs, qui ont cependant très rarement des « puces à la muette ». Battre morace. Crier à l’assassin.

Virmaître, 1894 : Cri.
— Si le pante morace et que les becs de gaz accourent, lingre le pour ne pas être paumé (Argot des voleurs). N.

Morailler

France, 1907 : Ronger, grignoter ; de l’instrument de maréchal appelé moraille.

Morasse

Delvau, 1866 : s. f. Dernière épreuve d’un journal, — dans l’argot des typographes, qui savent mieux que personne être moracii, c’est-à-dire en retard, morari.

Rigaud, 1881 : Épreuve d’une page entière de journal tirée à la brosse sur la forme. — Il y a la une, la deux, la trois et la quatre. Vient de : moratio, retard, attente, en latin, parce qu’on attend avec impatience la morasse pour quitter le journal, ou encore parce que la morasse se fait souvent attendre.

Boutmy, 1883 : s. f. Épreuve faite à la brosse d’une page de journal avant le serrage définitif de la forme. Se dit aussi des ouvriers qui restent pour corriger cette épreuve et qui attendent pour partir que le journal soit prêt à être mis sous presse, et aussi du temps pendant lequel ils attendent. Morasse vient d’un mot latin : mora, retard.

La Rue, 1894 : Inquiétude, danger, remords. Battre morasse, crier à l’assassin.

France, 1907 : Épreuve d’imprimerie tirée avant l’arrangement final de la mise en pages ; de morari, être en retard.

France, 1907 : Ennui, tourments. Avoir la morasse ; être dans la morasse.

Morasse (battre)

Larchey, 1865 : Crier à l’assassin. V. Battre.

France, 1907 : Crier à l’assassin.

Morasse, morace, moresque

Rigaud, 1881 : Danger ; ennui. — Battre morace, crier à l’assassin, crier au voleur.

Morassier

Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui fait partie de la morasse.

France, 1907 : Ouvrier typographe qui fait le tirage de la dernière épreuve avant la mise sous presse.

Morbac

Virmaître, 1894 : Moutard désagréable. Morbac, diminutif de morpion (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voir loubac.

Hayard, 1907 : Morpion.

Morbaque

France, 1907 : Enfant désagréable ; morpion, avec changement de finale.

Morbec

Rigaud, 1881 : Vermine tenace qui fait élection de domicile sur certaines parties du corps humain.

La Rue, 1894 : Vermine. Enfant désagréable.

France, 1907 : Vermine ; morpion, avec changement de finale.

Morbleu ! tubleu !

d’Hautel, 1808 : Interjections qui marquent l’étonnement.

Morceau

d’Hautel, 1808 : Morceau d’Adam. On appelle ainsi l’éminence qui paroît à la gorge des hommes.
Il aime les bons morceaux. Se dit d’un homme qui aime la bonne chère, qui a le palais délicat.
Mettre les morceaux doubles. Manger avec précipitation, à la hâte.
Il s’endort le morceau dans le bec. Se dit de quelqu’un qui se couche aussitôt après souper, et pour faire entendre qu’il s’endort facilement.
Tailler les morceaux bien courts à quelqu’un. Lui faire une bien petite part ; lui donner à peine de quoi exister.
On lui a taillé les morceaux. Pour on lui a prescrit ce qu’il falloit faire.
Morceau avalé n’a plus de goût. Pour dire qu’on oublie bientôt un service.
Ça fait un beau morceau. Se dit par ironie d’une personne, ou d’une chose dont on veut abaisser la valeur.
Les premiers morceaux nuisent aux derniers. Signifie que, lorsqu’on a bien mangé au commencement d’un repas, on ne peut plus guère manger à la fin.
Manger un morceau. Prendre un repas à la hâte, à la dérobée.

France, 1907 : Fille sale.

Morceau (beau ou vilain)

Delvau, 1864 : Belle ou vilaine fille.

Nous allons voir si l’état d’miché vaut l’mien, et si je s’ra assez chançard pour tomber sur un bon morceau…

Lemercier de Neuville.

Morceau (brebis qui bêle perd un)

France, 1907 : Quand on parle beaucoup, on perd le temps de manger, et surtout celui d’agir. Un vieux proverbe dit :

Grand diseur,
Petit faiseur.

Les bavards ne sont généralement pas hommes d’action ; toute leur énergie coule en salive.

Morceau (faire le)

Rigaud, 1881 : Réussir certaines parties d’un tableau, — dans le jargon des peintres.

France, 1907 : Briller dans les détails ; argot des peintres.

Morceau (manger, casser, avaler le)

France, 1907 : Dénoncer.

Il n’y a pas à s’illusionner, la rousse trouve toujours moyen de se faufiler dans les conciliabules les plus secrets, ou, à son défaut, il se trouve un sale cochon pour casser le morceau.

(La Sociale)

De morceau tu ne mangeras
De crainte de tomber au plan.

(Vidocq)

Morceau d’architecture

Delvau, 1866 : s. m. Discours lu ou parlé, — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Discours ; argot des francs-maçons. « Le F… Tartempion a fait un très beau morceau d’architecture contre la religion, mais il a mis sa fille chez les sœurs, son fils chez les frères, et laisse aller sa femme à confesse. »

Morceau d’un homme (le)

Delvau, 1864 : Son membre viril — dont la femme est si friande.

Et quelle qu’en soit la longueur,
Aucun morceau ne lui fait peur.

(chanson anonyme moderne.)

Morceau de gruyère

Delvau, 1866 : s. m. Figure marquée de la petite vérole, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion aux trous du fromage de Gruyère.

Virmaître, 1894 : Individu grêlé dont le visage est percé de trous comme une passoire. Morceau de gruyère est une allusion aux innombrables trous dont ce fromage est percé (Argot du peuple). N.

Morceau de pain

France, 1907 : Expression par laquelle on désigne une somme infime, bien au-dessous de la valeur de la chose dont on se dessaisit. « Vendre un objet pour un morceau de pain », c’est-à-dire pour presque rien.

À Londres, pendant mon dernier exil, je partais à la chasse presque tous les matins. Seulement, au lieu de m’essayer à faire lever des lapins que je n’aurais pu manger et qu’il m’eût été pénible de mettre à mort, je giboyais dans Covent-Garden ou dans Saint-James, et j’y ai eu, à nombre de reprises, de beaux coups de fusil, notamment un Géricault superbe qui se tenait tapi dans le coin le plus obscur d’une salle de vente, d’où je l’ai délogé moyennant cette somme indéterminée qu’on appelle un morceau de pain.

(Rochefort, Les Aventures de ma vie)

Morceau de pâte ferme

Rigaud, 1881 : Écrit, page de littérature, article de journal, discours, œuvre d’art, sans esprit, d’un style lourd, compassé.

France, 1907 : Morceau de littérature sans alinéas ni phrases courtes. Léon Cladel avait la spécialité des morceaux de pâte ferme.

Morceau de roi

Delvau, 1866 : s. m. Belle fille, jeune et appétissante, — dans l’argot des bourgeois, parmi lesquels on trouverait sans peine quelques Lebel, si on en avait besoin pour quelque Parc-aux-Cerfs.

Morceau de salé

Delvau, 1866 : s. m. Femme chargée d’embonpoint, — dans l’argot du peuple. Se dit aussi de quelqu’un malpropre d’habits ou de discours.

France, 1907 : Grosse femme lourde et chargée de graisse.

Morceau honteux

Delvau, 1866 : s. m. Le dernier morceau d’un plat, — dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas y toucher, malgré les sollicitations de leur appétit, parce que la « civilité puérile et honnête » le leur défend.

Morciller

France, 1907 : Diviser, partager, couper en petits morceaux, en fragments. Morciller du pain, du bois.

Morcillerie

France, 1907 : Parcelle, morceau de peu d’importante, de peu d’étendue. « Les prés de ce domaine sont tout à morcilleries. »

Mordante

Delvau, 1866 : s. f. Scie, lime, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lime. Scie.

La Rue, 1894 : Lime, scie.

Virmaître, 1894 : Lime. On dit d’un individu fielleux, qui ne peut prononcer une parole sans dire une méchanceté, qu’il est mordant comme une râpe (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Lime.

France, 1907 : Scie, lime : argot des voleurs.

Mordette

France, 1907 : Larve de hanneton.

Mordicus

d’Hautel, 1808 : Adverbe latin.
Il soutient cette chose mordicus. Pour dire avec ténacité, opiniâtreté.

Mordienne (à la grosse)

d’Hautel, 1808 : Sans façon, sans finesse.

Mordre

d’Hautel, 1808 : Ils ne se mordront pas. Se dit par plaisanterie de deux personnes que les mêmes occupations rassemblent dans un même lieu, et qui se tiennent l’une et l’autre aux deux extrémités.
S’il t’égratigne, mords-le. Se dit, pour exciter deux personnes à se battre.
Mordre à l’hameçon. Prêter l’oreille à des paroles trompeuses, se laisser aller à des propositions insidieuses.
S’en mordre les pouces. Se repentir d’avoir manqué une occasion.
Mordre. Pour comprendre, se pénétrer de quelque chose.
Il a peine à y mordre. Pour, il a peine à concevoir, à apprendre cette science.

Hayard, 1907 : Voir.

Mordre (ne pas)

Larchey, 1865 : Être sans force, sans esprit ou sans talent. V. Méchant.

Delvau, 1866 : v. n. Être sans force, sans esprit, sans beauté, — dans l’argot des faubouriens et des filles. On dit aussi, en employant la même ironie : N’être pas méchant.

France, 1907 : Être inoffensif, sans talent. Écrire des articles qui ne mordent pas, c’est-à-dire qui ne laissent aucune trace, aucune empreinte.

Mordre (se faire)

Delvau, 1866 : Se faire reprendre, réprimander, humilier, battre, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Se faire réprimander ; recevoir des coups.

Mordre la poussière

France, 1907 : Tomber, rouler à terre. Cette expression vient directement du latin terram ore momordare et n’était nullement figurative, car dans les combats du cirque les gladiateurs blessés ou mourants mordaient le sable ou la poussière de l’arène pour étouffer leur douteur et ne pas se déshonorer en laissant échapper le moindre cri.

Je me rappelle qu’un jour où je venais de lire quelques pages de l’Histoire du Consulat et de l’Empire par M. Thiers, je m’étonnais naïvement chez Théophile Gautier de la désolante platitude de forme qui « distingue » le style de cet académicien.
— Est-il possible, lui disais-je, qu’un homme de cette qualité intellectuelle écrive de la sorte, et qu’on lise dans son œuvre des phrases de cette rédaction : « Il avait plu toute la journée… Vingt mille Autrichiens mordirent la poussière !… »
Le maître réfléchit un moment et fit :
— L’as-tu entendu parler ?
— Non, jamais, confessai-je en rougissant.
— Eh bien ! va l’entendre, et tu comprendras.
J’y allais donc, à la Chambre, et, en effet, je compris. L’art des « vingt mille Autrichiens mordant la poussière un jour de pluie », c’était de l’art oratoire, il triomphait à la tribune.
— Tu vois, tu vois, résuma Gautier, Thiers c’est le « orateur », comme Scribe est le « homme de théâtre ».

(Émile Bergerat)

Mordre les lèvres (se)

France, 1907 : Signe d’impatience et de dépit qui se rend encore par cette expression : serrer les lèvres comme un chat qui boit du vinaigre.
Homère dit qu’après un discours du jeune Télémaque, des aspirants à la main de sa mère Pénélope se mordirent les lèvres et gardèrent le silence.

More

d’Hautel, 1808 : Traiter quelqu’un de turc à more. Le traiter sans ménagement, sans considération.

Mores en noces, Juifs en Pâques, chrétiens en plaidoyers dépensent leurs deniers

France, 1907 : Ce vieux dicton fait allusion aux dépenses et naturellement aux goûts des Maures, des Juifs et des chrétiens. Les Maures, prodigues galants et fastueux, se plaisent aux fêtes et à l’éclat ; les Juifs, avares et parcimonieux d’ordinaire, ne reculent devant aucune dépense pour célébrer dignement les fêtes de Pâques ; outre les repas et les réjouissances en l’honneur de leur agneau pascal, ils distribuent à leurs amis même d’une religion différente des pains azymes, ornés de rubans, sans rien demander en échange ! Quant aux chrétiens, chicaneurs, bavards et de mauvaise foi, ils se ruinent en procès.

Moresque

France, 1907 : Danger, peur ; corruption de morasse.

— Oh ! c’est que nous avons eu la moresque d’une fière force : je sais bien que quand je m’ai senti les verts au dos, le treffe me faisait trente et un.
Les « verts » étaient les fantassins de la garde de Paris, dont uniforme était vert.

(Marc Mario et Louis Launay)

Moret, morette

France, 1907 : Noir, noire ; patois du Centre, du vieux français more, dont on a fait maure. On emploie aussi substantivement : « Cette garcette est noire comme une morette. » On retrouve le même mot dans le patois du Béarn, écrit et prononcé mouret, mourelle.

Morfante, morfiante

Rigaud, 1881 : Assiette.

Morfe

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Repas.

Bras-de-Fer, 1829 : Repas, mangeaille.

Delvau, 1866 : s. f. Repas, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot et ses dérivés à la vieille langue des honnêtes gens.

Rigaud, 1881 : Repas, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Repas.

Virmaître, 1894 : Repas. Refaite du matin, déjeuner. Refaite du jorne, dîner. Refaite de sorgue, souper. Refaite exprime bien l’action de se refaire l’estomac. Morfer est ici pour manger (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Repas.

France, 1907 : Repas ; du vieux français morfier, manger. En argot italien, bouche se dit morfia.

— Veux-tu venir prendre de la morfe et piausser avec mezière en une des pioles que tu m’as rouscaillée ?

(Le Jargon de l’argot)

Morfe (la)

Halbert, 1849 : Le repas, la mangeaille.

Morfé (la)

anon., 1827 : Le repas, la mangeaille.

Morfiailler

Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans le même argot [des voleurs], plagiaire de la bonne langue : « Là, là, là, c’est morfiaillé, cela ! » dit Rabelais au Propos des beuveurs. On dit aussi Morfer, Morfier et Morfiller.

Virmaître, 1894 : Manger. Vieux mot employé par Rabelais au Propos des Beuveurs. Où diable les escarpes ont-ils été dénicher cette expression ? (Argot des voleurs).

Morfiante

anon., 1827 : Assiette.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Assiette.

Bras-de-Fer, 1829 : Assiette.

Halbert, 1849 : Assiette.

Delvau, 1866 : s. f. Assiette. On dit aussi Limonade.

La Rue, 1894 : Assiette.

France, 1907 : Assiette.

Morfier

anon., 1827 : Manger.

Bras-de-Fer, 1829 : Manger.

Morfier, morfigner

Halbert, 1849 : Manger.

Morfier, morfiller

La Rue, 1894 : Manger. Morfiller un truc, avouer un crime.

Morfier, morfiller, morfiler

Rigaud, 1881 : Manger. — Se morfiller le dardan, s’inquiéter.

Morfiler

Rossignol, 1901 : Passer.

Nous avons vu morfiler le bœuf gras sur la place de la Bastille.

Hayard, 1907 : Manger.

France, 1907 : Manger ; corruption du vieux français morfiailler.

Morfiller

M.D., 1844 : Manger.

Larchey, 1865 : Faire, manger. — Du mot de langue romane morfier : manger. V. Du Cange. — Morfillante : assiette. — V. Chêne, Jaspiner.

Calvi morfile sa dernière bouchée.

Balzac.

Morfiller le dardant (se)

Delvau, 1866 : Se faire du mauvais sang, se manger le cœur.

Virmaître, 1894 : Se faire du mauvais sang, se manger le cœur. A. D. Morfiller veut bien dire manger, mais dardant signifie amour. C’est morfiller le vermeil (sang) ou le palpitant (cœur) (Argot des voleurs).

Morfiller un truque

Clémens, 1840 : Avouer un crime, manger.

Morgane

Larchey, 1865 : Sel (Vidocq). — De morganer. V. Momir.

Delvau, 1866 : s. f. Sel, — dans le même argot. Flouant de la morgane. Escroquerie commise au moyen d’un paquet de sel et d’un mal de dents supposé.

La Rue, 1894 : Sel.

France, 1907 : Sel ; du vieux francs morganer, mordre.

Il revint avec deux livres de pommes de terre.
— Tiens, dit-il, en les déposant toutes fumantes sur la table, en voilà des goujons péchés à coups de pioche dans la plaine des Sablons, ils ne sont pas frits, ceux-la.
Il se fit apporter de la morgane, et bien qu’une heure auparavant Vidocq eût fait un excellent dîner chez Martin, il tomba sur les pommes de terre et les dévora comme s’il n’eût pas mangé de deux jours.

(Mémoires de Vidocq)

Morgane, muron

Rigaud, 1881 : Sel, — dans l’ancien argot. — Muronner, saler.

Morganer

Clémens, 1840 : Mordre.

M.D., 1844 : Mordre.

un détenu, 1846 : Mordre.

Larchey, 1865 : Mordre (id.). — Mot de langue romane. V. Roquefort (Mordant).

Delvau, 1866 : v. a. Mordre, — dans le même argot. Signifie aussi Nuire, comme le prouvent ces deux vers de la parodie du Vieux Vagabond de Béranger, par MM. Jules Choux et Charles Martin :

Comme un coquillon qui morgane
Que n’aplatissiez-vous l’gonsier ?…

Rigaud, 1881 : Mordre, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Mordre.

Rossignol, 1901 : Mordre.

Morgue

d’Hautel, 1808 : Endroit où l’on met les corps dont la justice se saisit.
Et non morne, comme on le dit habituellement.

Morguenne, morguai

d’Hautel, 1808 : Jurons de paysans qui ont la même signification que morbleu, mordienne.

Morguer

d’Hautel, 1808 : Braver, défier, insulter ; railler quelqu’un.

Moricaud

d’Hautel, 1808 : Un moricaud, une moricaude. Se dit en plaisantant de ceux qui ont la peau brune ; et notamment des femmes. On appelle aussi de ce nom une espèce de guigne noire.

Larchey, 1865 : Broc (Vidocq). — Allusion à la couleur noire que lui donne le vin.

Delvau, 1866 : s. m. Charbon, — dans le même argot. Signifie aussi Broc de marchand de vin, — qu’un long usage a noirci.

Delvau, 1866 : s. et adj. Nègre, mulâtre, — dans l’argot des faubouriens. Moricaude. Négresse.

Rigaud, 1881 : Charbon, — dans l’ancien argot.

Rigaud, 1881 : Broc de vin, broc en bois pour le vin.

La Rue, 1894 : Broc de vin. Charbon. Nègre.

France, 1907 : Nègre, mulâtre.

France, 1907 : Charbon.

France, 1907 : Broc de vin.

Moricaud, moricaude

Rigaud, 1881 : Nègre, négresse.

Morigéner

d’Hautel, 1808 : Corriger, réprimander, et non moriginer.

Morillo

Larchey, 1865 : Chapeau à petits bords, l’opposé du bolivar. V. ce mot.

C’était le temps de la lutte des républiques de l’Amérique méridionale contre le roi d’Espagne, de Bolivar contre Morillo. Les chapeaux à petits bords étaient royalistes et se nommaient des morillos ; les libéraux portaient des chapeaux à larges bords qui s’appelaient des bolivars.

V. Hugo.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau à petits bords que portaient les royalistes au temps de la guerre entre Bolivar et Morillo, c’est-à-dire entre les Républiques de l’Amérique du Sud et le roi d’Espagne. Les libéraux, eux, portaient le bolivar.

France, 1907 : Chapeau espagnol à petits bords.

C’était le temps de la lutte de l’Amérique méridionale contre le roi d’Espagne, de Bolivar contre Morillo. Les chapeaux à petits bords étaient royalistes et se nommaient des morillos ; les libéraux portaient des chapeaux à larges bords qui s’appelaient des bolivars.

(Victor Hugo)

Morjue (à la grosse)

France, 1907 : Sans façon, sans apprêts, à la bonne franquette ; patois meusien. On dit en Picardie : à la grosse morbleute, ou à la grosse morguène ; ailleurs, à la grosse mordienne.

Morlingue

Virmaître, 1894 : Porte-monnaie. D’aucuns disent morningue. Il serait plus juste de dire morniflingue, puisque mornifle veut dire monnaie (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Porte-monnaie.

Hayard, 1907 : Porte-monnaie.

France, 1907 : Porte-monnaie.

— V’là tes fringues… aboule le pèze, et s’il n’y a que nib dans ton morlingue… c’est peau, dalle et niente avec mézigotte ! Oh ! Ji… trois fois ji… Tu peux virer du figne et rebondir à la lune…

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

Su’ l’boul’vard estérieur nous faisons not’ mariolle,
Et pis l’soir quand les ross’s ed’bourgeois sont couchés,
Nous chauffons les morlingu’s aux bons passants en fiolle
Pendant qu’nos p’tit’s marmit’s vid’nt les bours’s des michés.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Porte-monnaie.

Morlingue, porte-mornifle

La Rue, 1894 : Porte-monnaie.

Mornante

Halbert, 1849 : Bergerie.

Delvau, 1866 : s. f. Bergerie, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Bergerie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Bergerie ; de morne, mouton, qui vient lui-même de moraine, laine. Vieux mot.

Morne

anon., 1827 : Mouton, brebis.

Bras-de-Fer, 1829 : Mouton, brebis.

Halbert, 1849 : Mouton, brebis.

Larchey, 1865 : Mouton (Vidocq). — Du vieux mot moraine : laine. V. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. f. Brebis, mouton. On dit aussi Morné, ou plutôt mort-né, qui est la véritable orthographe, parce que c’est la véritable étymologie du mot.

Rigaud, 1881 : Mouton. — Mornier, berger.

La Rue, 1894 : Mouton. Mornante, bergerie.

France, 1907 : Mouton. Voir Mornante. Courbe de morne, épaule de mouton.

France, 1907 : Dans l’ancien argot des imprimeurs, c’était le manuscrit à composer.

Mornée

Halbert, 1849 : Bouchée.

Delvau, 1866 : s. f. Bouchée.

La Rue, 1894 : Bouchée.

France, 1907 : Bouchée ; argot des voleurs.

Mornée, mornos

Rigaud, 1881 : Bouche, bouchée, — dans l’ancien argot.

Mornier

Halbert, 1849 : Berger.

Delvau, 1866 : s. m. Berger.

France, 1907 : Berger.

Morniffle

Virmaître, 1894 : Gifle.
— Je vais te plaquer une morniffle sur la hure si tu m’emmerdes longtemps (Argot du peuple). V. Giroflée à cinq feuilles.

Morniffleur

Virmaître, 1894 : Fabricant de fausse monnaie, argent, or, ou billets de banque (Argot des voleurs).

Mornifle

d’Hautel, 1808 : Pour dire, soufflet, coup de la main applique sur le visage.
Appliquer une Mornifle. Pour confirmer, donner un soufflet.

Clémens, 1840 : Monnaie.

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, coup de poing, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Monnaie, — dans l’argot des voleurs, qui se la disputent à coups de poing. Mornifle tarte. Fausse monnaie.

Rigaud, 1881 : Soufflet. — Détacher une mornifle, donner un soufflet.

La Rue, 1894 : Soufflet. Monnaie.

Rossignol, 1901 : Monnaie.

Rossignol, 1901 : Gifle.

Hayard, 1907 : Fausse monnaie, gifle.

France, 1907 : Monnaie ; mornifle tarte, fausse monnaie.

France, 1907 : Soufflet, gifle.

Mornifle, morningue

Rigaud, 1881 : Monnaie. — Mornifle tarte, fausse monnaie. — Porte-morningue, porte-monnaie. — Refiler de la fausse mornifle, émettre de la fausse monnaie. (Jargon des voleurs.) Porte-morningue appartient aussi au vocabulaire du peuple.

Mornifleur

Rossignol, 1901 : Faux monnayeur.

France, 1907 : Faux monnayeur.

Mornifleur tarte

Delvau, 1866 : s. m. Faux-monnayeur.

Rigaud, 1881 : Faux-monnayeur.

La Rue, 1894 : Faux monnayeur.

Morningue

France, 1907 : Bourse.

Mornos

anon., 1827 : La bouche.

Bras-de-Fer, 1829 : Bouche.

Halbert, 1849 : La bouche.

Virmaître, 1894 : La bouche. Manger une bouchée, avaler une mornée (Argot des voleurs).

Morphe (la)

France, 1907 : Onguent.

Morphée

Delvau, 1866 : s. m. Sommeil, — dans l’argot des académiciens et des bourgeois. Se jeter dans les bras de Morphée. Se coucher. Être dans les bras de Morphée. Dormir.

Morphée (être dans les bras de)

France, 1907 : Dormir, Morphée étant le dieu du sommeil.

Chez un sénateur très collet monté, et membre de la Société pour l’extinction du vice, un ami se présente à 10 heures du matin.
— Monsieur le sénateur est-il visible ?
— Oh ! non, Monsieur, répond le domestique, il est… très occupé.
— Très occupé ! s’exclame l’ami… Je comprends ; il est dans les bras de Morphée.
— Ah ! dame, Monsieur, je ne sais pas si elle s’appelle Morphée ; mais elle est entrée hier soir et je ne l’ai pas vue ressortir.

Morphiner (se)

France, 1907 : S’empoisonner à petites doses au moyen de piqûres à la morphine.

Si les pauvres sont en proie à l’alcool, les médecins se sont ingéniés pour infliger aux riches l’amour des stupéfiants. Beaucoup se morphines. D’autres se piquent à la cocaïne, respirent de l’éther, fument de l’opium, mâchent du haschisch, absorbent des pilules mystérieuses qui leur enlèvent l’usage de leurs facultés et les plongent dans une demi-ivresse où ils perdent le sentiment du juste et de l’injuste, de la servitude et de la liberté. Nul n’échappe à ces toxiques, ni les femmes, ni les vieillards, ni même les enfants.

(Léon Daudet, Les Morticoles)

Morphinomanie

France, 1907 : Manie de se piquer à la morphine. Le mot est nouveau comme la chose ; et comme tout ce qui est nouveau, la morphinomanie a pris une extension considérable en peu d’années. Voici une statistique qui montre la diffusion énorme de cette manie toxique, suivant les professions, représentant le nombre des morphinomanes pour 100 dans tous les pays :
Médecins. 40 ; femmes de médecins, 10 ; femmes galantes, 14 ; ouvrières, 13 ; ouvriers, 6 ; négociants, 8 ; militaires, 7 ; pharmaciens, 3 ; étudiants en médecine, 3 ; employés, 3 ; étudiants en droit, 2 ; hommes de lettres, 0.7 ; avocats, 1,07 ; prêtres, 0,3 ; hommes politiques, 0,4 ; artistes, 0,9 ; professeurs, 0,4 ; religieuses, 11 ; infirmières, 2 ; artistes femmes, 1.4 ; jeunes filles, 0,5 ; sages-femmes, 0,5 ; femmes d’officiers, 1,1 ; femmes de négociants, 3,4. Sans profession : hommes, 15,5 ; femmes, 43,1. Les chiffres ont été établis sur 630 hommes et 350 femmes.
Ainsi, les personnes qui se morphinisent le plus, ce sont d’abord les femmes riches sans profession, ensuite les médecins. Les médecins, 40 pour 100, c’est effrayant ! Ils sout bien placés pour abuser de la morphine.

Morphologie

France, 1907 : Science qui traite de la forme et de la structure des corps ; du grec morphé, forme, et logos, discours.

Le délire de la statistique et la peste du diagramme sont devenus des fléaux publics ; qui aurait dit, il y a seulement dix ou quinze ans, que de telles pratiques deviendraient usuelles dans une démocratie intelligente et libre ? que toute personne arrêtée, au premier prétexte ou sans prétexte, pourrait être conduite devant des mathématiciens et des géomètres d’État, chargés de dresser la carte morphologique de leur individu, homme ou femme, jeune ou vieux, et qu’on ferait de ces cartes la plus curieuse et la plus suggestive des collections nationales ?
On a déjà proposé d’étendre l’anthropométrie à tous et à toutes, comme il convient dans un siècle de suffrage universel égalitaire et scientifique.

Morpion

Delvau, 1864 : Pou de corps, parasite de l’homme et de la femme, qui s’attache spécialement aux parties sexuelles — d’où il est difficile de le déloger, à moitis d’employer l’onguent mercuriel ou l’essence de citron.

Cent mille poux de forte taille
Sur ta motte ont livré bataille
À nombre égal de morpions,
Portant écus et morions.

Th. Gautier.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin, enfant désagréable, irritant, — dans l’argot du peuple. On dit aussi, par respect humain, morbaque ; mais la première expression vaut mieux, parce qu’elle est plus franche. Elle se trouve avec son sens entomologique dans les Touches du seigneur des Accords, qui dit à Barbasson :

Tu as ta barbe si rude,
Et les cheveux si épais,
Qu’il semble avoir deux forêts
Où loge une multitude
De morpions et de poux,
Au lieu de cerfs et de loups.

Rigaud, 1881 : Personne dont on ne peut se débarrasser, importun qui s’attache à vos pas.

Virmaître, 1894 : Insecte qui occasionne des démangeaisons fort désagréables. Par analogie, on dit de quelqu’un dont on se débarrasse difficilement :
— Il colle comme un morpion.
On dit également : mille pattes (Argot du peuple).

Morpionner

Rigaud, 1881 : S’attacher aux pas de quelqu’un, obséder.

Mors

d’Hautel, 1808 : Prendre le mors aux dents. Se dit de ceux qui de la plus grande nonchalance, montrent subitement une activité, une promptitude extraordinaire.

Morsures

Delvau, 1864 : Marques rosées que les gens qui baisent se font mutuellement dans les spasmes de la jouissance.

Je suis, mon cher savant, si docte avis voluptés,
Lorsque j’étouffe un homme en mes bras veloutés,
Ou lorsque j’abandonne aux morsures mon buste.

Ch. Baudelaire.

Mort

d’Hautel, 1808 : Les morts ont toujours tort. Pour dire qu’on excuse toujours les vivans aux dépens des morts.
Il a la gueule morte. Se dit d’un fanfaron, d’un médisant, d’un grand parleur à qui il est arrivé quelque mortification.

d’Hautel, 1808 : La mort n’a pas faim. Se dit par pitié et par mépris en parlant d’une personne réduite à la dernière misère, ou pleine d’infirmités, et qui vit cependant malgré toutes ces vicissitudes.
Mourir de sa belle mort. Mourir de mort naturelle.
Avoir la mort dans l’ame ; entre les dents ; sur le bord des lèvres. Être dans un mauvais état de santé, être à l’agonie.
La mort fera un triste repas. Se dit d’un malade maigre et décharné.
Il est bon pour aller chercher la mort. Se dit d’un musard, d’un lambin, d’un homme qui est très long dans toutes les commissions qu’on lui donne.

Delvau, 1866 : s. m. Partner imaginaire à qui l’on réserve des cartes comme s’il était vivant, — dans l’argot des joueurs de whist et de mistigri. Faire un mort. Jouer le whist à trois personnes, en découvrant le jeu de la quatrième — absente. Prendre le mort. Changer les cartes qu’on vous a données, et qu’on trouve mauvaises, contre celles réservées au partner imaginaire.

Rigaud, 1881 : Enjeu augmenté après coup par le procédé de la poussette. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Condamné, — dans le jargon des voleurs.

Fustier, 1889 : Malade. Argot des élèves de l’École de Saint-Cyr. Se faire porter élève-mort.

Mort (à)

France, 1907 : Beaucoup, considérablement, en quantité. « Il y a eu du blé à mort cette année. Il y avait du monde à mort à cette assemblée. »

« C’est un bon ouvrier, il travaille à mort », à mort (usque ad mortem), jusqu’à extinction de la force agissante ou productive.
Avoir la mort dans le dos, être mort dans le dos, locution pour exprimer l’état d’exténuation d’un animal.

(Cte Jaubert, Glossaire du Centre)

Mort (faire le)

Larchey, 1865 : Jouer le whist à trois personnes, en découvrant le jeu d’un quatrième partenaire imaginaire.

Mais nous ne sommes que trois ! — je ferai le mort.

Achard.

France, 1907 : Se taire, observer la plus grande discrétion…

Imiter de Conrart le silence prudent.

Un seul article parut, et il était si parfaitement insignifiant qu’il passa inaperçu et qu’on ne soupçonna point que son auteur était une victime célèbre. Le préfet fut averti cependant, et ce qui était bien superflu, il crut devoir user de rigueur pour interdire cette collaboration. Mme Lafarge a raconté, avec son habituelle phraséologie, cette scène où le fonctionnaire, découragé devant cette fureur sans cesse renaissante d’écriture, essaya de la convaincre que ce qu’il y avait de mieux à faire pour elle était de faire la morte. Il fut bien reçu ! Une fois de plus il s’en alla, exaspéré par les imprécations qui accueillirent ses remontrances.

(Paul Ginisty)

Mort aux gosses

France, 1907 : Femme qui détruit le fœtus dans le ventre de sa mère ; nourrice campagnarde chez qui certaines abominables créatures envoient leurs enfants pour les faire lentement périr.

Justement une jeune commise du bureau des Titres venait de tomber malade, malade alitée, et, à certains indices faciles à démêler, le médecin de l’Administration, le docteur Henrion, avait reconnu les manœuvres coutumières aux fabricantes et marchandes de mort aux gosses, raccommodeuses de l’honneur des demoiselles et vigilantes gardiennes de la tranquillité des familles.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Mort aux vaches !

France, 1907 : Cri de haine et de vengeance, apostrophe des bas-fonds sociaux, des prisons et des bagnes contre ceux qui arrêtent, jugent, emprisonnent, condamnent, depuis le gendarme, l’agent obscur, jusqu’au premier magistrat.

On leur fait l’coup du culbutant,
On leur fait l’artiche et les poches,
Et quand i’rouspèt’nt en partant,
Quand i’font du pet… gare aux broches !
Nous somm’s là !… Et si les bochons
Suffis’nt pas… on a des eustaches
Pour les saigner comm’ des cochons !
À bas les pant’ et mort aux vaches !

(Aristide Bruant)

Mort subite (marchand de)

France, 1907 : Maître d’armes, pharmacien.

Mort-dans-le-dos

Delvau, 1864 : Homme froid, mou, indolent, insensible et sans énergie : — incapable de bander, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les lymphatiques. — Synonyme de Pisse-froid.

Mortel

France, 1907 : On désigne ainsi dans le Centre tout individu ou animal atteint d’une maladie mortelle, « Christophe est ben malade, mais il n’est pas mortel. »

Mortels, glissez, n’appuyez pas

France, 1907 : « N’insistez pas sur les sujets scabreux. » Ce vers, cité proverbialement, est de la facture d’un pauvre diable de poète nommé Roy, qui, vers 1730, dit Édouard Fournier, eut plus d’esprit que de succès et fut plus sifflé et même bâtonné qu’applaudi. Il terminait un quatrain placé en bas d’une de ces gravures représentant les saisons, communes au commencement du XVIIIe siècle et représentant l’hiver sous la figure d’un groupe de patineurs :

Sur un mince cristal l’hiver conduit leurs pas.
Le précipice est sous la glace.
Telle est de vos plaisirs la légère surface :
Mortels, glissez, n’appuyez pas.

Morticole

France, 1907 : Médecin. Le nom, créé par Léon Daudet dans son remarquable roman Les Morticoles, est composé du latin mors (mort) et colere (cultiver), mot à mot : gens vivant sur la mort.

Ces deux tartuffes sont présidents de sociétés similaires, qui donnent aux morticoles l’apparence de la vertu, telles que « l’Éloge conjugal », « la Femme préservée », « la Pudeur laïque » et vingt autres établissements, crèches, maisons de refuge et de retraite pour les jeunes filles, les jeunes femmes, les veuves, sortes de harems qu’entretiennent ces docteurs et où ils trouvent de la chair fraîche, de l’argent, des décorations.

(Léon Daudet, Les Morticoles)

Morticole s’emploie aussi adjectivement :

Un vieil article du code morticole défend aux docteurs d’accepter les legs de leurs clients, tant l’on craint qu’ils ne hâtent l’échéance avec délices ; mais il est des moyens pour tourner cette difficulté. Le plus simple est d’engager les suicidés à laisser leur fortune à une salle déterminée d’hôpital…
Je remarque que les morticoles se plaisent à employer les termes les plus extraordinaires, tirés du grec et du latin, quelquefois de l’hébreu, qui servent à masquer leur ignorance…
Cet énorme succès tenait à la simple connaissance de la femme morticole qui, de vingt à trente ans, a de la vanité ; de trente à quarante, des sens ; de quarante à cinquante, de l’ambition et de l’esprit d’intrigue ; de cinquante à soixante, un tempérament d’entremetteuse…
Les uns étaient allés s’échouer dans une sorte de lazaret, où ils avaient succombé à d’horribles contagions. D’autres étaient tombés aux mains des morticoles, faiseurs d’expériences, les plus redoutables de tous, qui les avaient torturés d’une manière atroce, afin d’attirer sur leurs nullités l’attention des académies.
Il y avait même cinq ou six de ces infortunés qu’on avait laissés mourir de faim, pour observer si leur estomac ne se digérerait pas lui-même.

(Léon Daudet)

Morticoliser

France, 1907 : Soigner, traiter les malades, les entretenir avec soin, tuer les malades suivant les règles d’Esculape.

Quand j’eus achevé mon récit, nous sortîmes, et nous suivions le fleuve jusqu’au delà de la ville, dans ces quartiers désolés où ne poussent que des herbes malsaines, où rôdent des animaux venimeux, où la fumée des usines saccage l’atmosphère. C’est là que j’entendis sur le bel Avigdeuse et sa façon de morticoliser des histoires qui me glacèrent d’effroi…

(Léon Daudet)

Mortier

France, 1907 : Cuvier à faire la lessive.

Mortification

France, 1907 : Argot de l’art culinaire. C’est l’action décomposante qui s’exerce dans la chair des animaux depuis le moment où ceux-ci ont été abattus, jusqu’à celui où ces chairs, ayant subi l’action reposante, on atteint leur apogée et peuvent être livrées à la consommation.

Morue

d’Hautel, 1808 : J’en suis las comme d’une vieille morue. Se dit d’une personne que l’on supporte avec peine, dont on est fatigué, dégoûté.

Delvau, 1864 : Femme de mauvaise vie, qu’on pourrait appeler — si l’ichthyologie ne s’y opposait pas formellement — la femelle du maquereau.

Vous voyez, Françoise, ce panier de fraises qu’on vous fait trois francs ; j’en offre un franc, moi, et la marchande m’appelle… — Oui, madame, elle vous appelle… morue !

Gavarni.

Larchey, 1865 : Femme abjecte.

Vous voyez, Françoise, ce panier de fraises qu’on vous fait trois francs ; j’en offre un franc, moi, et la marchande m’appelle… — Oui, madame, elle vous appelle… morue !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. f. Femme sale, dégoûtante, — dans l’argot des faubouriens. Se dit aussi, comme injure, d’une Femme laide et d’une gourgandine.

Rigaud, 1881 : Lot d’ouvrages manuscrits que les anciens colporteurs faisaient imprimer à leurs frais. — Les canards ont eu raison des morues.

Rigaud, 1881 : Femme qui pue ; salope, — dans le jargon des Halles. Épithète dont ces dames gratifient volontiers les bourgeoises qui déprécient la marchandise ou qui, marchandent trop. Mot à mot : qui pue comme une morue.

La Rue, 1894 : Femme sale ou de mauvaise vie.

Virmaître, 1894 : Terme employé par les femmes des halles pour répondre aux râleuses qui leur offrent un prix dérisoire de leurs marchandises.
— Va donc, morue, faudrait-y pas te foutre du beurre avec et te le porter à ton poussier (Argot du peuple).

France, 1907 : Qualificatif que les voyous et leurs compagnes donnent volontiers à toute femme qui leur déplaît. On connait la charge de Gavarni :

— Vous voyez, Françoise, ce panier de fraises qu’on vous fait trois francs ; j’en offre un franc, moi, et la marchande m’appelle.
— Oui, Madame, elle vous appelle… morue.

 

On dissertait à n’en plus finir sur l’affaire : l’un prouvait qu’on devait fermer les maisons de tolérance ; l’autre en voulait aux maisons de passe ; celui-ci réclamait le célibat des concierges qui, mariés, n’enfantaient que des morues et des maquereaux… Les loges des concierges produisent quatre-vingt-dix-neuf pour cent des filles d’amour.

(Victorien du Saussay, L’École du vice)

Morutier

France, 1907 : Pêcheur de morues.

— Il y a longtemps que je navigue, vous le savez, et j’ai rarement vu la mer aussi en colère. Si nous avons pu tenir avec notre gréement tout neuf, pensez à ceux qui ont été surpris sans avoir pareil atout dans leur jeu. Surtout près de la côte, avec les courants terribles qui vous drossent sur les roches en un rien de temps ! Et puis, c’est l’époque du retour des morutiers. Hier, au moment où le chambard a commencé, il y en avait plusieurs autour de nous et je n’aurais pas voulu être à leur place. Il faut avoir bourlingué sur ces goélettes, comme je l’ai fait pendant six campagnes, pour savoir ce qu’elle valent. Ah ! malheur, quelle vie de chien on mène là-dessus !

(Ivan Bouvier)

Morvaillon

d’Hautel, 1808 : Terme badin et de mépris. Pour dire, un bambin, un marmouset, un petit bonhomme qui fait le fanfaron, l’entendu.

Morvandiau, morvandelle

France, 1907 : Homme, femme du Morvan.

C’est les filles de Château-Chinon
Les petites Morvandelles
Qui ont vendu leur cotte et cotillon
Pour avoir des dentelles.

Morveau

d’Hautel, 1808 : Lécher le morveau à quelqu’un. Le caresser, lui faire une cour assidue, l’embrasser continuellement.

Morveux

d’Hautel, 1808 : Un morveux. Terme injurieux qui équivaut à blanc bec, petit sot ; fat, ignorant ; homme sans expérience et sans capacité.
Il vaut mieux laisser son enfant morveux, que de lui arracher le nez. Voyez Arracher.
Qui se sent morveux, se mouche. V. Galeux.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin ; homme sans conséquence, — dans l’argot du peuple, qui daigne quelquefois moucher ces adversaires-là comme les autres.

France, 1907 : Polisson, adolescent qui se donne les airs d’homme.

C’est alors que je vis éclater, dans toute leur splendeur, la sottise et la présomption humaines. Des employés de bureau, des épiciers, des savetiers, des morveux de dix-sept ou dix-huit ans se mettaient en avant pour obtenir un grade quelconque flattant leur vanité, tandis que des braves gens qui avaient servi et connaissaient le métier militaire se tenaient à l’écart ou étaient évincés.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Morviau

Delvau, 1866 : s. m. Le nez, — dans l’argot des faubouriens. Se dit aussi pour les Mucosités qui sortent du nez.

Rigaud, 1881 : Morve. — Petit morveux.

France, 1907 : Nez. Lécher de morviau, embrasser.

Lécher le morviau, manière de parler ironique qui signifie caresser une femme, la courtiser, la servir, faire l’amour, de même que lécher le grouin, baiser, être assidu et attaché à une personne.

(Le Roux, Dictionnaire comique)

France, 1907 : Fruit de l’if, à cause sans doute de la nature glaireuse de sa capsule.

Morviau, morviot

France, 1907 : Sécrétion de la membrane muqueuse du nez.

Dans les veines d’ces estropiés,
Au lieu d’sang il coul’ du morviot.
Ils ont des guiboll’s comm’ leur stick,
Trop d’bidoche autour des boyaux,
Et l’arpion plus mou qu’du mastic.

(Jean Richepin)

Moscobo

France, 1907 : Moscovite, Russe.

— Attention, les enfants, préparons-nous à fabriquer le moscobo.

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Moss

France, 1907 : Pot de bière, de la capacité de deux canettes.

Je revoyais le beau Danube, aux eaux d’un bleu vert, les brasseries hongroises sur le bord même du fleuve, où les vieux hussards viennent fumer leur pipe au long fourneau de porcelaine, en buvant de la bière allemande, où les belles filles blondes s’assoient sans façon près de vous, après avoir placé sur votre table le moss couvert d’écume, et où moi-même je venais passer des nuits entières, regardant à travers les branches courir l’eau du fleuve et écoutant, dans une sorte d’extase, les mélopées saccadées et mélancoliques des étranges bohémiens.

(Carle des Perrières)

Mossieu à tubard

France, 1907 : Monsieur en chapeau haut de forme.

— Qu’est-ce que vous avez fait au bon Jésus et à ces damnés hommes, chérie de mes entrailles ? Dégoisez ça à votre mignonne maman, mon pauvre petit poulet d’hôpital.
— Rien, dit la petite en pleurnichant, essuyant alternativement dans son tablier son nez en trompette et ses yeux vicieux ; c’est un Monsieur à tubard qui m’a raccrochée parce que je vendais des fleurs à des vieux gentlemen.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Mot

d’Hautel, 1808 : Il est comme le dindon de la vallée, il ne dit mot, et n’en pense pas plus. Se dit par raillerie, d’un idiot, qui n’a rien de bon à dire, et qui fait le penseur, le réfléchi.
Qui ne dit mot, consent. Pour dire, qu’en certaines occasions le silence tient lieu du consentement.
S’il ne dit mot, il n’en pense pas moins. Signifie qu’un homme a plus d’esprit, plus de sentiment qu’il ne le paroît.
Le fin mot. Pour la clef, le secret d’une affaire ; le dernier mot.
Entendre le demi-mot. Comprendre promptement ce qu’une personne veut dire.
Mots gras. Mots licencieux, paroles obscènes.
Mots de gueule. Injures, grossièretés, que se disent entr’eux les gens de basse condition, quand ils se querellent.

Delvau, 1866 : s. m. Trait spirituel, repartie plaisante, — dans l’argot des gens de lettres. Faire des mots. Émailler la conversation de plaisanteries et de concetti.

Mot de Cambronne

France, 1907 : Euphémisme que les puristes emploient pour désigner ce qu’au dire de Victor Hugo, Cambronne a répondu aux Anglais qui, à Waterloo, le pressaient de se rendre et ce que Lachambeaudie a chanté dans une fable célèbre qui porte la date de 1863 :

Au soleil, sous un mur, une merde fumait
Et parfumait
Les airs et le gazon à cent pas à la ronde.
C’était bien, s’il faut croire aux récits des passants,
La plus belle merde du monde.
À ses pures vapeurs mariant leur encens,
Vingt étrons soupiraient pour ses appâts naissants,
Mais un cochon survient, la flaire, la regarde,
Et l’avale sans sel, sans poivre et sans moutarde.
Comme une merde, hélas ! chacun passe á son tour.
Le temps est un cochon qui détruit sans retour
La beauté, la gloire et l’amour.

Poulet-Malassis a donné ce sonnet dans son Parnasse satyrique du XIXe siécle, et y a joint l’autographe de Lachambeaudie fac-similé.

Mot de Cambronne (le)

Delvau, 1866 : Ce n’est pas « La garde meurt et ne se rend pas ! » mais tout simplement « Merde ! » La phrase propre n’eût peut-être pas été entendue au milieu du bruit du canon, dans cette mêlée sanglante de Waterloo ; tandis que le mot énergique que tout le monde connaît était la seule réponse possible en un pareil moment.

Mot de la fin

Delvau, 1866 : La nouvelle à la main, souvent cruelle pour quelqu’un, par laquelle un chroniqueur doit terminer sa chronique.

France, 1907 : Nouvelle à la main qui doit être spirituelle ou mordante, par laquelle un journaliste termine sa chronique ou ses échos.

Mot de la fin du dernier carré

France, 1907 : Il a été prononcé par Cambronne à la bataille de Waterloo, suivant une légende adoptée par Victor Hugo, qui n’a pas hésité à écrire en gros caractères, dans les Misérables ce mot qu’il trouve sublime : Merde ! Affaire de goût. On dit aussi mot de Cambronne.

Si j’en crois la légende, on l’entendit retentir un soir le mot de la fin du dernier carré, dans le plus illustre des foyers, devant les portraits pompeux et les bustes triomphaux — et lancé par quelle voix délicieuse ! (la voix d’or de Sarah Bernhardt.)

(François Coppée, Le Journal)

Mot de valeur

Delvau, 1866 : s. m. Mot ou phrase d’un rôle, qu’un acteur lance avec finesse ou avec énergie, selon les cas, et qui produit un grand effet sur le public. Argot des coulisses. La Croix de mon père ou de ma mère, — Je ne mange pas de ce pain-là, — J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez l’âme, etc., etc., sont des mots de valeur.

Motif

Delvau, 1866 : s. m. Sujet de paysage, — dans l’argot des artistes.

France, 1907 : Sujet de paysage, de tableau ; argot des peintres.

Par un reste d’habitudes anciennes, quand il allait dans la campagne, il emportait toujours son chevalet, sa boîte à couleurs, une toile et un pliant. Il choisissait un motif, s’asseyait sur le pliant, bourrait sa pipe, se gardait, comme d’un crime, d’ouvrir sa boîte ou de piquer son chevalet dans la terre, et là durant des heures, il regardait… Il regardait les choses, non de cet œil bridé et clignotant qu’ont les peintres, mais de l’œil panthéiste des bêtes, au repos, dans les prairies.

(Octave Mirbeau)

Motionnaire

France, 1907 : Individu qui, dans les clubs ou à la Chambre, propose constamment des motions.

On parle partout, dons les clubs et au coin des rues ; il y a le motionnaire, état récent que cette ardeur de parler a institué. Un motionnaire est un coureur d’assemblées populaires, ayant dans la mémoire trois ou quatre cents mots redondants, des phrases à effet, deux ou trois grands mouvements à tiroir. Avec ce bel ensemble de moyens oratoires, un tel homme trouve le secret de gouverner et d’agiter les réunions.

(Le Parlement)

Mots

Delvau, 1866 : s. m. pl. Injures ; reproches, — dans l’argot des ouvriers et des grisettes. Avoir des mots avec quelqu’un. Se fâcher avec lui.

Mots (avoir des)

Larchey, 1865 : Échanger des reproches.

En rentrant du bal avec ton amant, vous avez eu des mots, et il t’a flanquée à la porte.

Montépin.

France, 1907 : Échanger des reproches, des injures.

Mots à queue

Virmaître, 1894 : C’est une plaisanterie d’atelier fort amusante. C’est un homme de l’artichaud Colas. On en a fait des à-peu-près tout aussi drôles sur les heures. Il est une heure, (teneur) de livres. Deux heures, (deux sœurs) de charité. Trois heures, (toiseur) vérificateur. Quatre heures, (cardeur) de matelas. Cinq heures, (zingueur) plombier. Six heures, (ciseleur) sur métaux. Sept heures, (cette heure) est la mienne. Huit heures, (huîtres) d’Ostende. Neuf heures, (neveu) de son oncle. Dix heures, (diseur) de bonne aventure. Onze heures, (on se) réunira à la maison mortuaire pour midi (Argot des ateliers).

Mots gras

Delvau, 1866 : s. m. pl. Gaillardises, — dans l’argot des bourgeois, dont le langage est taché de ces mots-là.

Mots inconnus

Delvau, 1864 : La kyrielle de cris d’ardeur, de mots étouffés, mourants et sans suite que l’on prononce dans le paroxysme de la jouissance, tels que : …Tout à toi !… à moi !… arrête… là !… ah !… plus vite… va donc !… ah ! je sens… je fonds… arrête… je jouis… oh !…

Qu’elle est superbe en son désordre,
Quand elle tombe lès seins nus,
Qu’on la voit, béante, se tordre
Dans un baiser de rage, et mordre
En criant des mots inconnus.

A. de Musset.

Motte

Delvau, 1864 : Le Mont-Sacré, la petite éminence osseuse qui couronne la nature de la femme, et qui est quelquefois glabre, mais le plus souvent pubescente, c’est-à-dire, couverte de poils.

Et quand il trouve la chemise, il la lève et m’appuie la main sur la motte, qu’il pince et frise quelque temps avec les doigts.

Mililot.

Le mécréant se reculons,
Et regagne ses bataillons ;
L’un va pleurer sur une motte,
Et l’autre hélas ! sur les couillons.

B. de Maurice.

Ces petits cons à grosse motte,
Sur qui le poil encor ne glotte,
Sont bien déplus friands boucans.

(Cabinet satyrique.)

Mais toutes ces beautés, mon Aline, croîs-moi,
Cèdent à la beauté de ta motte vermeille.

Théophile.

Rigaud, 1881 : Maison centrale de force et de correction, — dans le jargon des voleurs. — Dégringoler de la motte, sortir d’une maison centrale.

France, 1907 : Proéminence du pubis chez la femme : on l’appelle aussi mont de Vénus. Théophile Gautier l’a décrit en quatre vers :

Une touffe d’ombre soyeuse
Veloute, sur son flanc poli,
Cette envergure harmonieuse
Que trace l’aine avec son pli…
Voyez ce muguet trousse-cotte
Qui voudrait nous manier la motte !
Oui, c’est pour lui qu’on cuit cheu moi !
Quien, l’abbé, v’là toujours pour toi…

(Vadé)

Les galants du dernier siècle l’appelaient le verger de Cypris.

France, 1907 : Maison centrale.

Motteux

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier en mottes à brûler, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Marchand de mottes.

Motu proprio

France, 1907 : De son propre mouvement ; latinisme.

Motus

France, 1907 : Silence ; latinisme. Les marins de la flotte disent motus dans l’entrepont pour annoncer l’arrivée d’un supérieur.

— Eh bien, sais-tu à qui je pensais devant tous ces petits malheureux ? Au gredin, au père, qui avait lâché la maman, une pauvre diablesse mise par lui dans l’embarras ; car c’est toujours la même histoire… Maintenant, mon magistrat, fouille ton Code. Sur la recherche de la paternité, motus !… Voyons, la main sur la conscience, est-ce de la justice ? Et le misérable qui plante là une fille grosse ne devrait-il pas tâter un peu de la prison ?…

(François Coppée, Le Coupable)

Motus !

d’Hautel, 1808 : Exclamation, pour dire ; silence ! chut ! paix !

Mou

d’Hautel, 1808 : Mou comme chiffe. Se dit d’un homme foible, sans caractère et facile à gouverner.
Quand l’un veut du mou, l’autre veut du dur. Voyez Dur.

Mou (se gonfler le)

France, 1907 : S’enorgueillir, faire le fier.

Dans cette caserne, où règne une discipline de maison centrale, une vingtaine de prolos et environ soixante-dix ouvrières y triment dur.
Le silence absolu — tout comme dans les prisons — est le premier article du règlement. Et les amendes grêlent ! Pour la moindre couillonnade, retard ou autre chose, y a une retenue de salaire à la clé.
Et, les bons Lougres, n’allez pas croire que dans cette sale baraque on gagne des mille et des cents : la paye des femmes varie de 7 à 13 francs par semaine.
Nom de Dieu, y a guère de quoi se gonfler le mou !

(Le Père Peinard)

Mou comme une chique

Virmaître, 1894 : Homme de peu de consistance, sans volonté, qui travaille mollement. Allusion au morceau de tabac que le chiqueur a mâché toute une journée : il est mou. De là, mou comme une chique (Argot du peuple).

Mou de veau

Delvau, 1864 : Gorge flasque, tombante.

L’autre dit que sa gorge était un, mou de veau.

L. Protat.

Mou enflé

France, 1907 : Grossesse.

Mou enflé (avoir le)

Rigaud, 1881 : Être enceinte, — dans le jargon des voyous.

Mou pour ton chat

Virmaître, 1894 : Quand on regarde avec insistance une jolie fille et que cela ne lui plaît pas, elle répond :
— Ça, mon vieux, c’est pas du mou pour ton chat.
D’aucunes, plus expressives, disent :
— Tu peux regarder, c’est pas de la viande pour ton serin (Argot du peuple). N.

Mou-mou

France, 1907 : Espèce de crapaud aquatique nommé ainsi par onomatopée à cause de son cri ; patois du Centre

Moucadou

d’Hautel, 1808 : Mot baroque, qui signifie mouchoir.

Moucaire

Rigaud, 1881 : Femme laide, — dans le jargon des voyous. De l’arabe moukère. (V. ce mot.)

Mouchailler

anon., 1827 : Regarder.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écouter, épier.

Bras-de-Fer, 1829 : Regarder.

Halbert, 1849 : Regarder.

Delvau, 1866 : v. n. Regarder, observer sans en avoir l’air, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Regarder à la dérobée, regarder en dessous.

La Rue, 1894 : Regarder à la dérobée.

France, 1907 : Regarder.

— Eh ! dis donc, petite gaupe, qu’est-ce que tu as à mouchailler comme ça les sous-offs au lieu de reluquer tes casseroles ?

(Les Joyeusetés du régiment)

Mouchailler, moucharder

Larchey, 1865 : Espionner, dénoncer. — En 1455, les gueux ou coquillards de Dijon disaient déjà mouschier à la marine, pour dénoncer a la justice.

Moucharabi

France, 1907 : Petite fenêtre des maisons de l’Orient couverte d’un grillage de bois.

Dans cette admirable ville qui vous prend tous les pores, vous ouvre tant de sensations, et qui elle-même s’intitule la Fée aux mille amants, on sent peser sur soi la peine de l’homme seul ; rues où ne passent que quelques ménagères vagues et pressées ; boutiques, — merceries, modes, où derrière le comptoir ou la machine à coudre on n’aperçoit que l’homme au fez imperturbable ; volets mi-clos, moucharabis où l’on n’entrevoit pas même un bout de voile blanc qui tremble ; on est comme amputé de la moitié du genre humain et appauvri de ce qui est en réalité le meilleur de soi…

(Alexandre Hepp)

Mouchard

Delvau, 1866 : s. m. Portrait peint, parce qu’il a l’air de vous regarder, où que vous vous mettiez.

Delvau, 1866 : s. m. Agent de police, — dans l’argot du peuple qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Molière. Se dit aussi de tout individu qui a l’air d’espionner, de tout ouvrier qui rapporte, etc.

Rigaud, 1881 : Portrait à l’huile. (Delvau).

La Rue, 1894 : Agent de la police de sûreté. Espion. Portrait.

France, 1907 : Vers la fin du XVIIe siècle, on donnait le nom de mouchard aux petits-maîtres qui fréquentaient les Tuileries, pour voir autant que pour être vus. C’est maintenant l’injure que l’on adresse à tout espion, à tout dénonciateur, qu’il appartienne ou non à la police. Il y a des mouchards partout et dans tous les rangs de la société, à l’école, à l’atelier, dans les régiments, dans le monde. Qui n’a été dans sa vie la victime de quelque mouchard ?

— Moi, j’étais déjà en chemise, et lui, il ôtait son pantalon pour se mettre au lit. « Mouchard ! Mouchard ! Sale mouchard ! » J’en bavais ! Ah ! il a beau être fort, j’ai été plus forte que lui. Je l’ai empoigné à bras-le-corps, je l’ai jeté dans l’escalier, je lui ai fait descendre les marches à coups de pied dans les reins, et je l’ai fichu hors de la maison. Non, dire que j’ai couché pendant quatre ans avec cette crapule ! que je l’ai embrassé partout, ce salaud-là ! Si j’avais eu un couteau, je te les lui aurais coupé les… !

(Catulle Mendès, La Maison de la vieille)

France, 1907 : Portrait. Il aide à découvrir.

Mouchard à bec

La Rue, 1894 : Réverbère.

France, 1907 : Réverbère. Il est en effet dangereux de se livrer à quelque délit ou de commettre un crime sous la clarté d’un bec de gaz.

Mouchard à becs

Delvau, 1866 : s. m. Réverbère, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Réverbère.

Mouchard, mouche

Larchey, 1865 : Espion de police. — On connaît l’indiscrétion des mouches ; elles se fourrent partout. — Dans une brochure de circonstance qui parut en 1625 (le Marchand arrivé sur les affaires du temps), on enjoint aux cabaretiers de frauder les droits de perception en ayant du vin chez leur voisin et n’allant le chercher que la nuit

pour n’estre pas veuz des mouches de ce païs icy qui valent pire que des guespes d’Orléans.

Dans ses Politiques, Vincent Cabot (Toulouse, 1636) traite, en son chapitre II,

Des mouschards et escouteurs desquels les princes et les républiques se servent pour sçavoir les nouveautés et les entreprises.

Hayard, 1907 : Policier.

Moucharde

Clémens, 1840 : Lune.

Larchey, 1865 : Lune. V. Cafarde.

Mais bientôt la patraque au clair de la moucharde nous reluque de loin.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. f. La lune, qui, de ses gros yeux ronds, a l’air d’assister au détroussement ou au meurtre d’un homme sur une route.

Rigaud, 1881 : Lune, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : La lune.

Virmaître, 1894 : La lune. Elle se montre souvent fort mal à propos pour déranger messieurs les voleurs dans leurs expéditions nocturnes (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : La lune.

France, 1907 : La lune. Les malfaiteurs s’en défient autant que des becs de gaz.

Mais déjà la patrarque,
Au clair de la moucharde,
Nous reluque de loin.

(Vidocq)

France, 1907 : Espionne, rapporteuse. Dans la police, les femmes sont de précieuses auxiliaires, car elles ont des moyens de s’insinuer qui les rendent, sous ce rapport, bien supérieures aux hommes. Plus fines, plus persévérantes, inspirant moins de défiance ; elles peuvent s’introduire sans inspirer de soupçons là où la présence d’un homme serait immédiatement suspecte. « Elles ont, en outre, observe M. Goron dans ses Mémoires, un talent tout particulier pour se lier avec les domestiques et les portières ; elles s’entendent fort bien à établir des rapports et à bavarder sans être indiscrètes ; communicatives en apparence, alors même qu’elles sont le plus sur la réserve, elles excellent à provoquer les confidences.
Enfin, à la force près, elles ont au plus haut degré toutes les qualités qui constituent l’aptitude à la mouchardise ; et, lorsqu’elles sont dévouées, la police ne saurait avoir de meilleurs agents…
Dans maintes occasions, Vidocq eut recours au ministère des mouchardes ; presque toujours il fut satisfait de leurs services.
Cependant, comme les mouchardes sont des êtres profondément pervertis et plus perfides peut-être que les mouchards, avec elles, pour ne pas être trompé, il avait besoin d’être constamment sur ses gardes. »

Moucharde (la)

Hayard, 1907 : La lune.

Moucharder

Delvau, 1866 : v. a. et n. Espionner la conduite de quelqu’un.

Mouche

d’Hautel, 1808 : Faire d’une mouche un éléphant. Faire du bruit pour rien, faire passer quelque chose de néant pour une merveille.
Faire querelle sur un pied de mouche. Intenter un procès pour une bagatelle, pour la moindre des choses.
Il est bien tendre aux mouches. Signifie, il est sensible aux moindres incommodités, il se choque de peu de chose.
Dru comme mouche. Pour dire, tout un coup, tout à-la-fois.
Il ne faut qu’une mouche pour l’amuser. Se dit d’une personne oiseuse, d’un domestique musard.
Prendre la mouche. Se piquer, se choquer, être d’une grande susceptibilité.
Fine mouche. On appelle ainsi une personne artificieuse, fine, et rusée.
Quelle mouche vous pique ? Pour, qui a pu vous offenser, vous irriter, vous mettre en colère ?
Sentir des mouches, Se dit d’une femme enceinte que les premières atteintes du mal d’enfant tourmentent.

Halbert, 1849 : Vilain.

Larchey, 1865 : « Mouche, pour ceux qui ne comprendraient pas le langage parisien, signifie mauvais. » — Troubat. — Un volume intitulé les Mystères des théâtres, par un vieux comparse, publié en 1844, donne mouche dans le même sens. V. Toc.

Delvau, 1866 : s. f. Mousseline, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Agent de police, — en général et en particulier.

Delvau, 1866 : adj. des deux g. Mauvais, laid, désagréable, embêtant comme une mouche, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Agent de police.

Fustier, 1889 : On désigne ainsi à Paris les bateaux à vapeur qui font sur la Seine un service de transport à l’usage des voyageurs.

Malgré… les chiens et les chevaux qu’on baigne… les bateaux qu’on décharge, les mouches qui passent en fouettant l’eau de leurs ailes et en la troublant de leur fumée, la Seine largement engraissée par les détritus de la grande ville abonde en poissons.

(Bernadille.)

On désigne aussi ces bateaux sous le nom d’hirondelles.

La Rue, 1894 : Mousseline. Mauvais. Laid.

Virmaître, 1894 : Laid, bête, ridicule.
— Elle est rien mouche, la môme à Poil-aux-pattes (Argot du peuple).

France, 1907 : Sobriquet donné vers 1840 aux jeunes femmes que les maîtresses de table d’hôte hébergeaient gratis pour attirer les clients mâles.

Un trait caractéristique de la table d’hôte, c’est la présence d’une ou deux jolies femmes (selon l’importance de l’établissement) qui s’affranchissent régulièrement chaque jour des prosaïques tribulations du quart d’heure de Rabelais. Ces dames sont placées au centre de la table : elles ne doivent pas avoir plus de vingt-cinq ans, être à peu près jolies, mais surtout excessivement aimables. On ne tient pas précisément à la couleur des cheveux, cependant on préfère les brunes : c’est plus piquant et d’un effet plus sûr et plus général. À ces conditions, ces dames sont traitées avec toutes sortes d’égards, exposées à toutes sortes d’hommages, et dînent tous les jours pour l’amour de Dieu et du prochain. Ces parasites femelles, qu’on désigne généralement sous le nom de mouches (soit à cause de la légèreté de leur allure, soit plutôt par analogie avec le rôle qu’elles jouent dans cette circonstance), ne se trouvent néanmoins que dans les tables d’hôte du premier et du dernier degré.

(Auguste de Lacroix)

France, 1907 : Police, policier.
On a été chercher lien loin l’origine de mouche et mouchard, jusqu’à l’attribuer à un certain Mouchy qui remplissait le métier d’agent secret du cardinal de Lorraine, tandis qu’ils viennent tout simplement de l’insupportable insecte dont nous avons tous eu à souffrir. C’est, dit avec raison Charles Nisard, son impudence et son importunité qui ont fait appeler mouchards les curieux, les effrontés qui se fourrent partout, mettent le nez dans tout, et qui, sans s’arrêter à l’épiderme, vont droit aux nerfs de leur victime et la tuent moralement. D’où naturellement ces noms furent donnés à la police les mots mouche, moucher (espion, espionner) sont, observe Ch. Ferrand, très anciens dans notre langue. Le peuple en a fait mouchard, moucharder, par la simple raison que la terminaison ard implique chez nous un sens défavorable, comme on le voit par les mots bavard, vantard, cafard, soudard, pleurard, pendard, communard, etc.

— Oui, oui, il est de la mouche, gare aux coups de casserole.

(Félix Remo, La Tombeuse)

Il vit un espion qui le regardait faire ;
Il fuit ; l’autre le suit de carfour en carfour.
Ils arrivent enfin proche un certain détour ;
Alors, se retournant, l’impatient Cartouche
De la bonne façon rosse la pauvre mouche,
Et, rempli de colère, il l’étrille à souhait.

(Nicolas de Grandval, Le Vice puni, 1726)

France, 1907 : Petite touffe de poils sous la lèvre inférieure.

France, 1907 : Petite rondelle de taffetas noir que les femmes se collaient autrefois sur le visage et même ailleurs pour rehausser la blancheur de leur teint. Voici, à titre de curiosité, le langage des mouches à l’usage des coquettes : « La femme passionnée ou qui veut paraître telle place sa mouche au coin de l’œil ; celle qui vise à la majesté la colle au milieu du front ; l’énjouée, sur le bord de la fossette formée par la joue quand on rit ; la galante, au milieu de la joue ; la sentimentale, au coin de la bouche ; la gaillarde, sur le nez ; la coquette, sur les lèvres : la discrète, au-dessous de la lèvre inférieure, vers le menton.

France, 1907 : Mauvais, vilain. Abréviation de mouchique.

Mouche (faire)

France, 1907 : Atteindre au centre de la cible sur le point noir appelé mouche et, par extension, frapper au bon endroit, ne pas manquer son coup.

Hors les cas délicats où la séduction, le détournement et la naissance d’enfants imprévus déterminent nettement la responsabilité du mâle, nos jurés devraient se montrer impitoyables pour ces justicières improvisées que le printemps affole, et qui font mouche à tous coups sur les crânes de leurs volages. Le printemps fait excuser bien des bêtises, mais pas celle-là !

(Mentor, Le Journal)

Mouche (la)

Rigaud, 1881 : La police ; tout ce qui relève de la préfecture de police.

La Rue, 1894 : La police.

Mouche (prendre la)

France, 1907 : Se fâcher, se piquer, se formaliser pour peu de chose. On dit d’une personne trop susceptible qu’elle prend souvent la mouche. Les Français passent pour être dans ce cas. Un psychologue allemand s’est demandé quelle était l’attitude d’un homme découvrant qu’on lui a servi une mouche dans son verre de bière. Il a obtenu, à la suite d’observations réitérées, les résultats suivants :
« L’Espagnol paie et sort. Le Français prend d’abord la mouche du bout des doigts et l’écrase puis il prend la mouche — au figuré — et couvre le personnel d’invectives ! L’Anglais répand la bière sur le plancher, s’écrie : « Garçon, encore un bock ! » et parle aussitôt d’autre chose. L’Allemand retire la mouche, puis boit la bière. Le Russe ne s’inquiète pas pour si peu : il avale la mouche et la bière. Enfin de Chinois savoure d’abord la mouche en gourmet, puis hume lentement le bock. »

Je fis un soir la connaissance
D’un aimable petit tendron,
Qu’avait une tell’ redondance
Qu’on aurait dit deux p’tits bidons !…
Ell’ ne fut pas du tout farouche,
Et quand… dans l’cou je l’embrassai,
La belle, au lieu de prendr’ la mouche,
En se pâmant me répétait :
Au temps !…
R’commencez-moi c’mouvement !
Tâchez d’aller plus viv’ment !

(Griolet)

Mouche à la section

France, 1907 : Mal noté dans son quartier. Cette expression vient évidemment de notre première Révolution où les bons citoyens se mouchardaient les uns les autres et donnaient sur leurs ennemis ou ceux qui simplement leur déplaisaient les renseignements qui généralement envoyaient ceux-ci à la guillotine.

Mouche à miel

Fustier, 1889 : Argot des écoles. Se dit des aspirants à l’École centrale.

France, 1907 : Candidat à École centrale des arts et manufactures. Allusion à l’abeille d’or qui orne leur casquette et leur collet.

Mouche, moche, mouchique

Rigaud, 1881 : Laid, mauvais, sans valeur, désagréable. — Toc a succédé à mouche avec le même sens, et moche, variante de mouche, a battu en brèche toc, déjà démodé parmi les voyous. — Être mouchique à la sec, être mal noté dans son quartier, avoir eu déjà des démêlés avec le commissaire de son quartier. Sec est mis par abréviation de section.

Moucher

d’Hautel, 1808 : C’est un gaillard qui ne se mouche pas du coude, ou du pied. Se dit d’un homme difficile à, persuader et qu’il ne faut pas heurter.
Il n’a pas le temps de se moucher. Pour, il est très-occupé, il a des affaires considérables.

Larchey, 1865 : Boucher. V. Esbrouffer.Moucher : Corriger, remettre les gens à leur place. Mot à mot : éteindre leur insolence. — Moucher : Tuer, c’est-à-dire éteindre la flamme de la vie.

Aussi ne se passait-il guère d’heures qu’il n’y eût quelqu’un de mouché.

Mém. de Sully, seizième siècle.

Je l’enfile par un coup droit. Encore un de mouché.

Randon.

Du vieux mot muchier : cacher, couvrir. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. a. Attraper, donner une correction, un soufflet, — dans le même argot [des faubouriens]. Se faire moucher. Se faire battre. On dit aussi Se faire moucher le quinquet.

Rigaud, 1881 : Battre. — Remettre quelqu’un à sa place. — Se faire moucher, se faire remettre à sa place.

La Rue, 1894 : Battre. Tuer.

Rossignol, 1901 : Faire mal. Celui qui s’est fait mal s’est mouché.

France, 1907 : Se dit des bestiaux qui s’agitent comme si des mouches les piquent ; argot du Centre.

Moucher (se)

Delvau, 1864 : Bander, baiser ou se branler — afin de décharger.

Le vieux maréchal de Villerol ayant été envoyé à Lyon, en 1717, pour apaiser une sédition, ce ne furent pendant son séjour que réjouissances et. fêtes continuelles. Une grande dame de Paris, ayant appris que les Lyonnaises s’empressaient fort d’écrire au maréchal, écrivit à l’une d’elles : « Mandez-moi donc à qui M. le maréchal a jeté le mouchoir. » La vieille madame de Breault, qui habitait Lyon, et qui avait été autrefois des amies de Villerol, vit cette lettre et dit à celle qui la lui montrait : « Écrivez à votre amis qu’il y a longtemps que le maréchal ne se mouche plus. »

P. Larousse.

Rigaud, 1881 : Faire, disparaître de l’argent, s’approprier quelques pièces d’or ou d’argent prises dans la masse constituant une banque, — dans l’argot des garçons de jeu. C’est ordinairement en se mouchant que s’exécute ce tour d’escamotage ; de là le nom.

Moucher du pied (ne pas se)

Delvau, 1866 : Avoir le geste prompt et le soufflet facile. Signifie aussi Avoir des allures de bourgeois, et même de grand seigneur. On dit dans le même sens : Ne pas se moucher du coude.

France, 1907 : Expression populaire employée à l’égard de quelqu’un qui a de la fortune, des rentes, qui se donne du genre, ou qui a simplement une bonne éducation. « Il ne se mouche pas du pied », dit-on.
Elle viendrait de ce qu’autrefois l’un des tours les plus familiers aux paillasses et aux pitres était de se passer rapidement le pied sous le nez. Les polissons et les voyous s’amusaient à imiter ce tour grotesque et ridicule, le contraire des bonnes manières et de la gravité.
On emploie aussi cette expression pour désigner un homme instruit et habile, et c’est dans ce sens qu’on trouve au premier acte de Tartuffe :

Certes, Monsieur, Tartuffe, à bien prendre la chose,
N’est pas ou homme, non, qui se mouche du pied.

Les Grecs disaient : se moucher du coude, allusion à un mouvement bien connu des pauvres gens qui, n’ayant pas de mouchoir, se servent de leur avant-bras pour s’essuyer le nez. « Je suis fils d’un homme qui se mouchait du coude », répondit Antisthènes le cynique à quelqu’un qui le questionnait sur sa famille.
Dans son Dictionnaire des Curieux, Ch. Ferrand donne une autre explication de cette expression : « Le verbe réfléchi se moucher n’a rien à voir dans cette locution… Le texte primitif était : ne pas s’émoucher du pied.
« Émoucher veut dire encore chasser les mouches, abigere muscas.
« Émouchette, émouchoir désignent des objets, des instruments qui servent à chasser les mouches, et émoucheur désigne une personne dont la fonction consiste à empêcher les mouches d’approcher d’une autre personne…
« Du temps de Rabelais, on disait émoucheteur. À Rome, il y avait des émoucheurs de profession, ou plutôt des esclaves uniquement chargés de chasser les mouches des maisons… Soit parce que les mouches sont chez nous moins importunes et moins nombreuses qu’à Rome, soit parce que nous sommes moins sybarites, chacun se charge de faire soi-même la police sur son visage. Donc, l’homme s’émouche avec la main… toutes les bêtes, même celles pourvues d’un appendice, s’émouchent avec le pied. Voilà pourquoi nos pères disaient ne pas s’émoucher du pied, en parlant d’un homme qui n’était pas une bête.

— Deux ans, rien que deux ans et vous serez convaincues l’une et l’autre, que si je ne me mouche pas du pied, ainsi que vous me l’avez quelquefois reproché, je n’ai pas besoin de mes pouces ni d’aucun de mes doigts pour m’essuyer les narines.

(Léon Cladel, Juive errante)

Moucher la chandelle

Delvau, 1864 : Retirer son membre du vagin de la femme, au moment de l’éjaculation, afin que le suif qui en coule ne le brûle pas, et surtout n’y dépose pas de la semence d’enfante.

Comment, disait-il,
D’un mari, ma belle,
Malgré la chandelle
Tromper l’œil subtil ?
— Mouchez, disait-elle.

Victor Mabille.

Larchey, 1865 : S’adresser pour l’explication aux cinq vers suivants qui jouent très-finement sur le mot :

Comment, disait-il, D’un mari, ma belle, Malgré la chandelle, Tromper l’œil subtil ? — Mouchez, disait-elle.

V. Mabille.

Delvau, 1866 : v. a. Être décidé à mourir sans postérité. On dit aussi Effacer.

Rigaud, 1881 : Pour les collégiens, c’est s’inspirer du jeune Onan. Pour les hommes mariés, c’est suivre l’école matrimoniale de Malthus.

France, 1907 : S’abandonner à des pratiques solitaires ; être décidé, dit Delvau, à mourir sans postérité.

Moucher la chandelle comme le diable moucha sa mère

France, 1907 : « Un scélérat nommé Le Diable, à cause de toutes les mauvaises actions qu’il avoit faites, ayant esté condamné à la mort, pria avant l’exécution qu’il pût voir sa mère. On la fit venir, il l’embrassa, mais en mesme temps il luy prit le nez avec ses dents, et l’emporta en luy faisant reproche de sa mauvaise nourriture. Depuis, lorsqu’on a atteint une chandelle pour avoir rasé le luminon trop bas en la voulant moucher, on dit moucher la chandelle comme le diable moucha sa mère. »

(Fleury de Bellingen, Étym. des prov. franc.)

Moucher le quinquet

France, 1907 : Battre.

— Allons, mouche-lui le quinquet, ça l’esbrouffera.

(Théophile Gautier)

Moucher le quinquet (se faire)

Virmaître, 1894 : Recevoir une verte correction, une formidable volée (Argot du peuple).

Moucher sa chandelle

Delvau, 1866 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Moucher sur sa manche (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. N’avoir pas encore l’expérience nécessaire, la rouerie indispensable ; en être à ses débuts dans la vie. Ne pas se moucher sur sa manche. Être hardi, résolu, expérient, « malin ». Cette expression est la révélation d’un trait de mœurs certainement oublié, et peut-être même ignoré de ceux qui l’emploient : elle apprend qu’autrefois on mettait son mouchoir sur sa manche gauche pour se moucher de la main droite.

Moucheron

Larchey, 1865 : Enfant.

La portière et son moucheron.

Léonard, parodie, 1863.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin, enfant, apprenti, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Enfant. — Apprenti.

L’an passé, papa a mis pour moi quinze cents francs à la tontine, et v’là déjà trois moucherons de claqués !…

(Rando)

France, 1907 : Garçon marchand de vin.

France, 1907 : Enfant ; argot populaire.

— Approche ici, moucheronne… qu’est-ce que tu sais faire ?
— Rien, Monsieur.
— Eh bien, viens coucher avec moi, je t’apprendrai à travailler.

(Les Joyeusetés du régiment)

Mouches (à cause des)

France, 1907 : Dans l’argot des typographes, quand on ne veut pas répondre à une question, l’on dit : C’est à cause des mouches.

Mouches (envoyer des coups de pied aux)

Rigaud, 1881 : Mener une conduite déréglée, — dans le jargon des coulisses. C’est ce que le peuple appelle : Jeter son bonnet par-dessus les moulins.

Mouches (tuer les)

Virmaître, 1894 : On dit de quelqu’un qui a une haleine infecte :
— Il tue les mouches à quinze pas (Argot du peuple). V. Pot de chambre cassé dans l’estomac.

Mouches à quinze pas (tuer les)

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

Tiens, Paul s’est lâché du col ;
Est-y fier depuis qu’il promène
Clara, dont la douce haleine
Fait tomber les mouches à quinze pas.

(Colmance)

Mouches au vol (tuer les)

Rigaud, 1881 : Sentir mauvais de la bouche. La variante est : Tuer les mouches à quinze pas.

Mouches d’hiver

Delvau, 1866 : s. f. pl. Flocons de neige. Il tombe des mouches d’hiver. Il neige.

France, 1907 : Flocons de neige.

Mouchettes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Mouchoir, — dans l’argot des faubouriens, qui s’en servent pour les chandelles.

France, 1907 : Mouchoir de poche.

Mouchettes (des)

Larchey, 1865 : Non.

Tu m’as volé ! tu vas rendre ! — Des mouchettes.

Léonard, id.

Mouchettes (des) !

Delvau, 1866 : Exclamation de refus, de la même famille que Des navets ! Du flan ! etc.

France, 1907 : Équivalent de : du flan ! des navets ! des nèfles ! et autres parisianismes pétillants d’esprit.

À 8 heures, tu te lèveras. Après t’être bien et dûment maquillée, tu descendras tes quatre étages en passant rapidement devant la loge de ton concierge. S’il t’arrête au passage et te la souhaite bonne et heureuse, tu lui répondras : Je la connais, ce n’est pas à moi qu’on la fait celle-là ; des mouchettes !

(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)

Moucheur

d’Hautel, 1808 : Un habile moucheur. Se dit en plaisantant de celui qui en voulant moucher les chandelles les éteint.

Moucheur de chandelle

Rigaud, 1881 : Militant de l’école d’Onan. — Militant de l’école de Malthus.

Moucheur de chandelles

France, 1907 : Jeune homme ou enfant adonné à la masturbation. Le duc d’Angoulême était, dit-on, un grand moucheur de chandelles.

Mouchic

un détenu, 1846 : Infirme.

Mouchique

Clémens, 1840 : Laide, mauvaise, sévère.

Delvau, 1866 : adj. Laid, mauvais, — dans l’argot des voleurs, qui, pour forger ce mot, n’ont pas dû songer aux moujiks russes de 1815, comme l’insinue Francisque Michel, mais ont eu certainement en vue leurs ennemis naturels, les mouchards. Être mouchique à la section. Être mal noté chez le commissaire de police de son quartier.

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement muche, — dans l’argot de Breda-Street.

La Rue, 1894 : Laid, mauvais, sévère. Mouchique à la section, mal noté dans son quartier.

Virmaître, 1894 : Laid à faire peur. Vient du mot russe mejiks (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Mauvais, sans valeur.

C’était un’ tonn’ pas mouchique,
C’était un girond tonneau,
L’anderlique, l’anderlique,
L’anderliqu’ de Landerneau.

(André Gill)

Mouchique à la section

Virmaître, 1894 : Mal noté dans son quartier. Quartier est synonyme de section, depuis la division des arrondissements en sections pour les votes (Argot du peuple). N.

Mouchoir

Delvau, 1866 : s. m. La main, — dans l’argot des faubouriens, qui ont l’habitude de s’en servir pour moucher les autres et se moucher eux-mêmes. Ils s’en servent aussi comme Aniterge.

Delvau, 1866 : s. m. Aniterge, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Pistolet de poche.

Mouchoir (faire le)

France, 1907 : Voler dans les poches.

Mouchoir à bœufs

Rigaud, 1881 : Champ.

Aujourd’hui la belle est une maison à quatre étages, une ferme en Beauce, un mouchoir à bœufs, un moulin !

(Madame de Girardin, Correspondance parisienne.)

France, 1907 : Pré.

Mouchoir d’Adam

Delvau, 1866 : s. m. Les doigts.

France, 1907 : Les doigts.

Mouchoir de poche

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet de poche, avec lequel on peut moucher les importuns de nuit à quinze pas. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Revolver.

Mouchon

France, 1907 : Lumignon de la chandelle qui se forme à l’extrémité de la mèche, quand on la laisse brûler trop longtemps sans la moucher ; en certains villages de Lorraine, mouchon est un tison.

Moudère

France, 1907 : Moiteur.

Moudre

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Et moulait au moulin de la dame toujours très-bien, sans y faire couler l’eau.

Brantôme.

Et en jouant et passant le temps ensemble commencèrent à moudre fort et ferme.

P. de Larivet.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Jouer de l’orgue de Barbarie ou de la serinette. On dit aussi Moudre un air.

Moudre du poivre

France, 1907 : Faure des reproches, injurier.

La commandante ne perdait aucune occasion de m’agoniser, me traitant de petite empotée, de petite andouille. À la fin, impatientée et furieuse de m’entendre toujours traiter de la sorte, je me promis de lui river son clou. Ça ne tarda pas. Le lendemain, comme elle recommençait à me harceler parce qu’elle trouvait que je n’allais pas assez vite, me disant : « Mais remuez-vous, petite momie ; vous ne saurez donc jamais vous trémousser ! » je lui ripostai : « Ce n’est pas ce que votre mari me dit. » Ce qu’elle en a moulu, du poivre !

(Les Propos du Commandeur)

Moudre un air

Rigaud, 1881 : Jouer l’orgue de Barbarie.

France, 1907 : Jouer de l’orgue de Barbarie.

Moue

d’Hautel, 1808 : Pousser la moue. Être de mauvaise humeur, faire la grimace, regarder quelqu’un avec mépris.

Mouée

France, 1907 : Foule qui se meut ; vieux français.

Mouf

Fustier, 1889 : Abréviation de Mouffetard. La rue Mouf, la rue Mouffetard.

Le garçon du marchand de vin d’à côté secouait un panier à salade et quelques gouttes d’eau atteignirent le front de la jeune fille qui se retourna et s’écria avec une voix de rogomme et le plus pur accent mouf-mouf : Ah ! mince… tu pourrais donc pas secouer tes pissenlits d’équerre, espèce ed’mastroc empaillé !

(Clairon, 1882.)

France, 1907 : Abréviation de Mouffetard, l’un des quatiers les plus pauvres et les plus populeux de Paris. Tribu des Beni-Mouf, habitants du quartier Mouffetard ; champagne mouf, breuvage composé d’oranges pourries ramassées sur les tas d’ordures et dont font usage les chiffonniers. Les oranges, après avoir été lavées, sont jetées dans un baril plein d’eau où elles fermentent pendant plusieurs jours, on y ajoute de la cassonnade, on met le liquide en bouteilles, et après plusieurs jours il n’est pas plus mauvais que certains vins vendus sous le nom de champagne. C’est le cliquot du pauvre.

Moufflanté, merriflauté

La Rue, 1894 : Chaudement vêtu.

Moufflanter (se)

France, 1907 : S’habiller chaudement.

Moufflard

d’Hautel, 1808 : Qui a un gros visage, qui a la figure pleine, bouffie.

Moufflet

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, gamin, apprenti, — dans l’argot du peuple, qui a dit autrefois moufflard, dérivé du verbe mouffler (enfler le visage), inusité aujourd’hui.

Rigaud, 1881 : Enfant.

La Rue, 1894 : Enfant.

Moufflonner dans le son

France, 1907 : Être guillotiné.

Moufier

Halbert, 1849 : Baiser.

Moufion

Fustier, 1889 : Mouchoir ; Moufionner, se moucher.

Mouflet

France, 1907 : Enfant, jeune sot.

Mouflon

La Rue, 1894 : Mouchoir.

Mouillante

anon., 1827 : Morue.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Morue.

Halbert, 1849 : Morve.

Larchey, 1865 : Soupe (Vidocq). — Mouillante : Morue. — On sait que la morue trempe ordinairement dans des baquets d’eau.

Delvau, 1866 : s. f. Soupe, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Morue. — Soupe, et aussi bouillante, — dans l’ancien argot.

Virmaître, 1894 : La soupe (Argot du peuple). V. Laffe.

France, 1907 : Soupe.

Mouillante, mouise

La Rue, 1894 : Soupe.

Mouillard

France, 1907 : Ivrogne.

Mouillé

d’Hautel, 1808 : Être mouillé comme un canard. Être trempé, avoir reçu une grande averse.
Faire la poule mouillée. Se dorloter, faire le paresseux, le sans cœur.
C’est du papier mouillé. Pour dire qu’une étoffe est de peu de valeur.
Se couvrir d’un drap mouillé. Alléguer de mauvaises excuses.

France, 1907 : Connu de la police.

Mouillé (être)

Delvau, 1866 : Être ivre, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. pron. Être signalé comme suspect, — dans l’argot des agents de police.

Rigaud, 1881 : Être mal noté. — Être signalé à la police.

La Rue, 1894 : Être signalé à la police. Être ivre.

Mouiller

d’Hautel, 1808 : Qui touche mouille. Dicton bachique, qui signifie que, lorsqu’on touche à un verre rempli de vin, il faut le boire ; et que lorsqu’on boit, il faut payer.
Mouiller. Pour dire boire, hausser le coude.

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, — au bout duquel les deux, acteurs se sentent réciproquement inondés de sperme.

La nature entière se pâme
Sous un baiser mystérieux,
Et se mouille comme une femme,
Sous le vit du plus beau des dieux.

(Parnasse satyrique.)

Rigaud, 1881 : Attraper une punition, — dans l’argot du régiment.

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Jouer bien. — Mouiller à ou dans ; toucher des droits d’auteur.

France, 1907 : Voler.

Si la présence d’un agent leur est signalée, loin de s’en émouvoir, elles tournent autour de lui et cherchent à lier conversation. L’une d’elles a dit à un inspecteur en surveillance à la porte des magasins du Bon Marché : « Mon ami, vous perdez votre temps, vous n’arriverez pas à me prendre. Je mouille, mais il faut me faire maronne.

(G. Macé, Un Joli Monde)

France, 1907 : Se griser et, par extension, se passionner.

— Seulement, voilà le chiendent ! Ce qu’elle l’est, mouillée, ce n’est rien de le dire. Pas vrai, la Ginn ? Car, depuis cinq ans que nous nous sommes lâchés, ou que tu m’as lâché, plutôt, je vois bien à ta gueule que tu en mouilles toujours autant pour ces cochons d’hommes, hé, la gosse ?

(Jean Richepin)

Mouiller (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Boire avec excès.

Rigaud, 1881 : Commencer à se griser. On se mouille, on s’émèche, on se culotte, on se poivre.

Mouillez-vous pour sécher, ou séchez pour mouiller.

(Rabelais, l. I.)

Mouiller la dalle (se)

France, 1907 : Boire.

En mouillant la dalle à la rousse,
Y a pus d’pet qu’nous ayons la frousse
D’nous voir dans l’lac.

(E. Blédort)

Mouiller les pieds (se)

Fustier, 1889 : Aller à Nouméa.

Interrogé, il s’écria : Vous me ferez faucher le pré, mais je ne veux pas que les camarades se mouillent les pieds.

(Événement, 1882.)

Mouiller ses bibelots

Virmaître, 1894 : Pisser dans son pantalon (Argot du peuple).

Mouiller ses draps

Delvau, 1864 : Avoir des pollutions nocturnes ; jouir comme Ixion, d’une nuée qui a le con d’une femme ou la pine d’un homme.

Il n’est que toi, V***, ma toute belle,
Qui seule, hélas ! te chatouillant le sein.
Fais chaque nuit des rêves de pucelle,
Et sans plaisir mouilles ton travertin.

J. Duflot.

Mouiller une femme

Delvau, 1864 : Décharger à son profit la provision de sperme que l’on a dans les couilles.

Va… va… va… petit homme… Ah ! cela vient… Tu me mouilles… Ah !…

H. Monnier.

Mouillette

France, 1907 : Membre viril.

Un honnête homme était reprimandé
Pour ce qu’après avoir mis sa mouillette
Dans le coquetier mal gardé
De je ne sais quelle fillette
Troussant volontiers ses jupons…

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Mouisard

Rossignol, 1901 : Miséreux.

Mouïsard

France, 1907 : Miséreux, vagabond.

Mouise

Clémens, 1840 : Soupe.

Rossignol, 1901 : Soupe.

Rossignol, 1901 : Misère.

Mouïse

France, 1907 : Misère.

Y a pas à chercher midi à quatorze heures, ni à s’emberlificoter de sciences sociales. La cause de la mévente des produits agricoles est dans la mouïse où sont plongés les bons bougres des cités.
Et, réciproquement, si des frangins de l’usine chôment, c’est parce que les gas de la cambrousse ne vendant pas leurs produits ne peuvent acheter ceux des autres.
Quant à la falsification, elle a la même cause que la mévente : la bourse trop plate des ouvriers.
Si ça ronflait, cré pétard ! si les salaires étaient élevés, que le boulot ne manquât pas aux bons bougres, y aurait pas besoin d’interdire les raisins secs, la margarine, ou les viandes trichinées d’Amérique.

(Le Père Peinard)

Je vends des cartes transparentes ;
Mais c’est un truc rud’ment usé,
C’est pas ça qui m’donn’ra des rentes
Ni mêm’ de quoi me fair’ raser.
Ah c’est pas rigolo la mouïse !
J’fais un peu d’tout pour m’les caler ;
J’n’avais qu’un’ bell’ môm’, la grand’ Louise :
V’là qu’ell’ vient de s’faire emballer.

(Jules Varney)

Mouïse, dèche

anon., 1907 : Misère.

Mouisse

Delvau, 1866 : s. f. Soupe économique, potage à la Rumfort, — dans l’argot des voleurs et des troupiers.

Moukaire

Merlin, 1888 : Femme, — de l’espagnol.

Moukala

Fustier, 1889 : Fusil. Argot des régiments d’Afrique.

Moukalah

Merlin, 1888 : Fusil, — de l’arabe.

France, 1907 : Fusil. Mot arabe introduit par les soldats d’Afrique.

Moukère (avoir sa)

Rigaud, 1881 : Être en bonne fortune, — dans l’argot du régiment. C’est une expression d’importation africaine. En arabe, moukère signifie femme.

Moukère, mouquère

France, 1907 : Femme. Même provenance que ci-dessus, corruption de l’espagnol mujer, passé en langue sabir.

Et le père du condamné se souvenait des beaux jours d’Afrique, des galons de sergent, des moukères sortant de leur gourbi, chaque nuit, pour vendre de l’amour aux zouaves dans les camps ; il se souvenait d’autre chose !

(Auguste Marin)

— Ah çà ! qu’est-ce qu’ils fricotent donc, ces bougres-là ! Pas de factionnaire ? Hé ! Brigadier ! Vous allez finir la nuit au clou, mon bel ami. Et gare le motif ! Et le salaud de factionnaire, donc ! Ah ! nom de Dieu ! En voilà des fumistes… Tas de Parisiens, va ! Je donne ma tête à couper qu’ils ont trouvé une mouquère. Nous allons rire.

(Hector France, Les Mystères du monde)

Moulade

France, 1907 : Pièce de fer où passe le bout du timon d’un chariot.

Moulard

France, 1907 : Superlatif de moule, imbécile ; argot populaire.

Moule

d’Hautel, 1808 : Cela ne se jette pas au moule. Se dit d’un ouvrage qui demande des soins et du temps.
Le moule n’en est pas rompu. Se dit d’une chose dont on ne doit pas regretter la perte.
Le moule en est perdu. Se dit en plaisantant d’un homme qui a perdu sa mère.
Le moule du pourpoint. Pour dire le corps.

Rigaud, 1881 : Imbécile. C’est un pendant à huître, pris dans le même sens.

Il faudrait être rudement moule pour trouver qu’on vous a fait perdre votre temps.

(Tam-Tam du 16 mai 1880.)

France, 1907 : Imbécile, naïf, mou.
Moule est employé aussi adjectivement ; air moule, démarche moule.

C’est un dimanch’ que je connus Octave,
Le garçon chic, et des mieux élevés ;
Il avait à l’œil profond, et la voix suave,
La barb’ soyeuse et les ch’veux parfumés…
Je l’avais pris tout d’abord pour un’ bête,
À son air moule et ses gauches façons :
Mais, quand j’le vis reluquer mes nichons…
Alors, je l’compris ! C’était un poète !

(Henri Bachmann)

Moule à blague

France, 1907 : Bouche.

Moule à blagues

Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot des faubouriens.

Moule à boutons

Delvau, 1866 : s. m. Pièce de vingt francs, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Louis d’or.

Moule à claques

Delvau, 1866 : s. m. Figure impertinente qui provoque et attire des soufflets, — dans l’argot du peuple. Se dit aussi pour la main, qui distribue si généreusement les soufflets.

France, 1907 : Individu à visage déplaisant ou impertinent.

Moule à gaufre

Virmaître, 1894 : Individu dont le visage a été ravagé par la petite vérole. Allusion au moule employé par les gaufriers (Argot du peuple). N.

Moule à gaufres

Delvau, 1866 : s. m. Figure marquée de trous de petite vérole, — par allusion cruelle aux dessins capricieux des deux plaques de fer qui servent à faire la pâtisserie légère et croquante qui nous vient des Flandres et qu’affectionnent les enfants.

Rossignol, 1901 : Individu grêlé.

Moule à gaufres, à pastilles

France, 1907 : Visage grêlé.

Moule à melon

Rigaud, 1881 : Bossu.

Moule à merde

Delvau, 1864 : Le cul, — d’où la merde sort en effet moulée en corde à puits.

D’un moule à merde il fait un moule, à pine,
Et bat le beurre au milieu d’un étron.

(Chanson anonyme moderne.)

Rigaud, 1881 : Derrière.

Moule à pastilles, moule à gaufres

Rigaud, 1881 : Visage marqué de petite vérole, par allusion aux trous des moules à pastilles.

Moule à pets

Virmaître, 1894 : Homme qui se lâche facilement. Dans le peuple on dit :
— Avec un vent pareil, il va pleuvoir de la merde.
On dit également :
— Si on chante comme ça à ton enterrement, il y aura plus de cochons que de curés (Argot du peuple). N.

Moule aux guillemets

Delvau, 1866 : s. m. C’est l’Huile de cotrets des troupiers.

Moule de gant

Larchey, 1865 : Soufflet. — La main est un moule de gant.

Ne faut pas avoir un air, sans ça j’te repasse un moule de gants qui ne t’en restera pas une dent.

1844, Cat. poissard.

Je lui donnai sur sa face un moule de gant.

Rétif, 1783.

Delvau, 1866 : s. m. Soufflet, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Soufflet.

La Rue, 1894 : Soufflet. Moule de pipe, tête grotesque.

France, 1907 : Soufflet.

Moule de pipe à Gambier

Rigaud, 1881 : Personne grotesque ; caricature vivante.

France, 1907 : Tête grotesque.

Moule du bonnet

Delvau, 1866 : s. m. La tête, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Rabelais.

Moule est cassé (le)

Virmaître, 1894 : Se dit d’un personnage exceptionnel, inimitable. L. L. Cette expression n’est pas prise dans ce sens parmi le peuple ; elle est employée pour dire d’une femme qui a passé l’âge, qui ne marque plus, qu’elle ne peut plus faire d’enfants : le moule est cassé (Argot du peuple). N.

Mouler

d’Hautel, 1808 : Il est moulé. Pour dire, il est bien dans toutes ses proportions ; il est fait à peindre.
Il se fait mouler. Se dit d’un homme qui fait imprimer un ouvrage de sa composition.
Il croit tout ce qui est moulé. Se dit d’un homme simple et crédule qui croit tout ce qu’il lit d’imprimé.

Mouler un sénateur

France, 1907 : Faire un étron. Les Anglais disent : enterrer un quaker.

Mouler une Vénus

France, 1907 : Même signification que ci-dessus.

Moulin

d’Hautel, 1808 : Faire venir l’eau au moulin. Procurer de l’aisance, du bien-être à sa famille par son industrie, ses peines, son travail.
Moulin à vent. Pour dire le derrière.
C’est un vrai moulin à vent. Pour c’est un homme sans caractère ; qui n’a pas de volonté qui lui appartienne.
Cela lui ressemble comme à un moulin à vent. Se dit d’une comparaison qui n’est pas bien fondée.

Delvau, 1866 : s. m. Maison du receleur de plomb volé, qu’on appelle le meunier.

La Rue, 1894 : Maison du receleur (meunier).

Virmaître, 1894 : Boutique du receleur. C’est pour cette raison, sans doute, que l’on nomme le receleur, le meunier (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Boutique de recéleur (argot des plombiers et couvreurs).

France, 1907 : Boutique de recéleur.

Moulin à café

Delvau, 1866 : s. m. Orgue de Barbarie, qui semble en effet moudre des airs. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mitrailleuse, — dans le jargon des soldats. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : « De temps à autre, on fait une rafle des malheureuses créatures inscrites sur le livre de la police dite des mœurs, on en fait une cargaison qu’on expédie dans une colonie. Les femmes ainsi dépaysées sont ce qu’on appelle, en terme de police, passées au moulin à café. »

(Procès de la Lanterne, 27 janv. 1879, plaidoirie de Me Delattre.)

Merlin, 1888 : Mitrailleuse.

Virmaître, 1894 : Le tribunal correctionnel. Allusion à la vitesse avec laquelle les juges expédient les affaires. Les prévenus sont condamnés à la vapeur (Argot du palais). N.

France, 1907 : Mitrailleuse : passage à tabac.

Quiconque n’a pas assisté à la brutalité de certaines charges, à l’iniquité de certaines arrestations ; quiconque n’a point pénétré un peu les mystères du poste, et n’a pas, surtout, assisté à une séance du moulin à café, ne peut s’imaginer quels ferments de haine germent au cœur des contribuables contre ceux qu’ils paient pour assurer leur sécurité.

(Séverine)

Moulin à m…

La Rue, 1894 : La bouche. Personne mal embouchée.

Moulin à merde

Delvau, 1864 : Se dit d’une vilaine bouche, — comme de la plus mignonne et la plus rosé.

Si vous croyez baiser une belle petite bouche, avec des dents bien blanches, vous baisez un moulin a merde ; tous les mets les plus délicats : les biscuits, les pâtés, les tourtes, les farcis, les jambons, les perdrix, les faisans, le tout n’est que pour taire de la merde mâchée.

(Lettre de la duchesse d’Orléans à l’Electrice de Hanovre.)

Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot du peuple. L’expression est horriblement triviale, j’aurais mauvaise grâce à le dissimuler, mais le peuple est excusé de l’employer par certaine note du 1er volume de la Régence, d’Alexandre Dumas.

Rigaud, 1881 : Personne mal embouchée.

Virmaître, 1894 : La bouche. En mangeant, elle travaille pour Richer (Argot du peuple).

Moulin à paroles

Virmaître, 1894 : Femme bavarde qui ne tarit pas, qui parle avec volubilité. Elle broie les paroles comme le moulin, le café (Argot du peuple).

Moulin à vent

Delvau, 1866 : s. m. Le podex, — dans l’argot facétieux et scatologique des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Derrière.

Et le monde n’en mange plus que de la mouture de moulin à vent.

(Il Putanismo.)

Virmaître, 1894 : Le derrière. Dans la Chanson du Propriétaire on trouve : Moulin à eau par devant, Moulin à vent par derrière. (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Le derrière.

Moulin à vent pour cul, derrière. Moulin à vent, parce qu’on donne l’essor à ses vents par cette ouverture-là.

(Dictionnaire comique)

Moulin à vents

Hayard, 1907 : Le derrière.

Moulin, maison du meunier

Rigaud, 1881 : Recéleur. — Boutique de recéleur.

Moulinage

Delvau, 1866 : s. m. Bavardage, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bavardage.

France, 1907 : Bavardage.

Mouliner

Delvau, 1866 : v. n. Bavarder.

Rigaud, 1881 : Parler beaucoup ; dire des niaiseries.

La Rue, 1894 : Bavarder.

France, 1907 : La terre mouline, lorsque divisée, craquelée par la sécheresse, elle se laisse aller comme la farine qui tombe du bluteau. Patois du Centre.

France, 1907 : Bavarder, faire aller sa langue comme une roue de moulin. Ce verbe, comme le substantif précédent, s’applique spécialement à l’incessant bavardage du beau sexe.

Moulinet

France, 1907 : Petit moulin à café ou à poivre.

Mouloir

Halbert, 1849 : Bouche.

Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bouche ; dent.

La Rue, 1894 : Bouche.

France, 1907 : Bouche, dents.

Moulure

France, 1907 : Excrément.

Moulure (faire une)

Rigaud, 1881 : faire ses nécessités. Variante : Pousser une moulure.

Moumoutte

Rossignol, 1901 : Les faux cheveux que l’homme dénude se met sur le dessus de la tête pour cacher son calvitie, c’est une moumoutte ou un gazon.

Moune

France, 1907 : Singe, guenon, femme laide ou de mauvaise vie.

Mouniche

Rigaud, 1881 : Le sexe d’une femme.

France, 1907 : Parties sexuelles de la femme.

Mounin

Delvau, 1866 : s. m. Petit garçon, apprenti, — dans l’argot des faubouriens.

Mounine

Rigaud, 1881 : Petite fille grimacière, petite espiègle.

Mouquet

France, 1907 : Lumignon, bout de chandelle.

Mouquette

Fustier, 1889 : Femme galante. Le mot a été pour la première fois, croyons-nous, lancé par M. Delpit. Le romancier était-il alors hanté par le souvenir de l’héroïne de Germinal, la Mouquette, car le livre de Zola venait paraître, cela est possible, mais nous n’affirmons rien. Toujours est-il que peu de temps après l’apparition de ce mot, un rédacteur du journal Le Dix-neuvième siècle en donnait cette étymologie, très vraisemblable d’ailleurs : « Les Arabes appellent les femmes moukair ; les soldats d’Afrique ont rapporté ce mot en France, et, chez les ouvriers qui ont fait campagne en Algérie, il n’est pas rare d’entendre adresser aux femmes l’appellation de mouquerre, corruption évidente de moukair. C’est d’ailleurs le mot espagnol mujer prononcé avec l’accent guttural. C’est mouquerre qui est le père de mouquette. La généalogie du nouveau mot peut donc ainsi s’établir : moukair, mot arabe ou espagnol ; mouquerre, mot d’argot de barrière ; mouquette, mot d’argot pschutteux. » Qu’en pense M. Delpit ?

La mouquette de haute marque qui vient de faire sa vente…

(Événement, 1885.)

France, 1907 : Prostituée.

Je regardais l’autre jour, au Concours hippique, la petite barrière qui nous sépare — nous autres femmes du monde — de cet être bizarre, exécrable, étonnant et… nécessaire que l’on a, suivant les époques, appelé lionne, cocotte, hétaïre, belle petite, tendresse, horizontale, momentanée, mouquette, ou chiffonnée, afin de n’omettre aucune catégorie de cette vaste corporation…
En l’an de grâce 1890, elles ont en effet conquis de haute lutte leur place au grand soleil. À mesure que la société se démocratise, mesure que l’on tient moins compte des rangs, des castes et des privilèges sociaux, l’argent devient Dieu et nos rivales voyant que tout peut s’acheter, ne s’inclinent plus que devant le veau d’or — sans doute par un sentiment de confraternité.

(Colombine, Gil Blas)

Mourache

France, 1907 : Fauvette à tête noire.

Moure

France, 1907 : Jeu fort pratiqué en Italie par les matelots, les lazzaroni, etc., qui consiste à se montrer rapidement un ou plusieurs doigts de la main, en même temps que le partenaire doit en nommer le nombre.

Ces deux compagnons appréciaient chez Orlando une habileté de doigts développée dès l’enfance par la pratique de la moure, la dextérité d’un prestidigitateur dans les tours de cartes. Et l’orgueil enfantin de l’ouvrier italien avait été flatté par la considération que ces clients de choix témoignaient pour ses mérites.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

France, 1907 : Figure gentille.

Mourir

d’Hautel, 1808 : Mourir tout envie. Pour mourir subitement, ou d’une maladie vive et prompte.
On ne sait qui meurt ni qui vit. Pour dire que la dernière heure est incertaine, et qu’il faut prendre ses assurances par écrit.
Un meurt de faim. Pour dire un insolvable, un homme qui n’a aucune espèce de fortune.
Mourir d’une belle épée. Perdre au jeu par quelque coup extraordinaire.
Vous me faites mourir. Pour, vous m’impatientez, vous m’importunez.
Mourir de rire. Avoir un fou rire ; rire avec excès.
Mourir d’envie, de désir, d’impatience de voir quelque chose. Désirer ardemment.

Delvau, 1864 : Arriver, par l’excès de la jouissantes vénérienne, à un état de béatitude — ou plutôt d’hébétement — qui vous enlève aux choses de la terre et vous transporte dans le monde inconnu où l’on ne pense plus, où l’on ne parie plus, où l’on ne remue plus, où l’on nage dans une atmosphère spermatisée.

Vous me voyez, tendre fougère, Avec mon berger chaque jour Mourir dans tes bras de l’Amour.

(Épigrammes.)

Laisse Roger baiser ta gorge ronde
Et Louis se mourir dans tes bras.

J. Duflot.

Mourir (tu t’en ferais) !

Rigaud, 1881 : Tu ne le voudrais pas. Cela est au-dessus de tes forces. — Expression dont le peuple a abusé comme : de tant d’autres et qu’il mettait : à toutes sauces. — Voulez-vous m’embrasser ? demandait un jeune homme timide à une drôlesse. — Tu t’en ferais mourir. — Voulez-vous m’accompagner jusqu’à la Bastille à pied ? — Tu t’en ferais mourir.

Mourir son pain gagnant

France, 1907 : Mourir jeune, dans la force de l’âge, en plein rendement, car c’est là surtout l’essentiel pour le paysan du Centre et d’ailleurs, de rapporter, de rendre.

Mouscaille

Clémens, 1840 : Excréments.

Delvau, 1866 : s. f. Le résultat de la digestion, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Gadoue. Excréments.

Virmaître, 1894 : La marchandise que l’on abandonne avec satisfaction dans les châlets de nécessité. Mouscailler : faire ses besoins (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Déjections.

France, 1907 : Excréments ; argot des prisons.

Cette semaine on vient de découvrir deux superbes pots aux roses — où les roses sont remplacées par de la fine fleur de mouscaille — qui prouvent surabondamment que si on veut trouver de la justice quelque part, c’est pas dans la turne où règnent les enjuponnés qu’il faut s’égarer.

(Le Père Peinard)

Foutre, non ! Parmi les socialos politicards, il peut y avoir des cocos qui ont de l’honnêteté, mais qué que ça prouve ? Rien, sinon qu’ils manquent de flair. Y a des types qui pourraient écraser 36.000 étrons, pétrir la mouscaille de leurs dix doigts… parce qu’ils ne sentiront rien, c’est-y une preuve que ça ne pue pas ?

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Mouscaille (?)

Rossignol, 1901 : Matière qui sert à faire la poudrette.

Mouscaille ou moustille

Merlin, 1888 : Expression littéralement traduite par le mot de Cambronne.

Mouscaille, mousse

Rigaud, 1881 : Matière fécale.

Mouscailler

Larchey, 1865 : Aller à la garde-robe (Vidocq). — De mousse.

Delvau, 1866 : v. a. Alvum deponere.

Rigaud, 1881 : Se défaire de la matière fécale.

France, 1907 : Faire ses besoins. L’esprit gaulois, vivement porté vers la scatologie, s’est exercé à plaisir sur les fonctions naturelles de l’humaine nature, et les périphrases exprimant l’acte de mouscailler sont des plus nombreuses. Voici les principales : aller à la selle, aller faire une ballade à la lune, aller au numéro cent, aller quelque part, aller à ses affaires, aller où le roi va seul, aller chez Jules, aller où le roi n’envoie pour lui personne, aller voir Bernard, aller au buen-retiro, cracher de la fesse, déponer, déposer une pêche, une médaille de papier volant ; débourrer une pipe, defalquer, enterrer son colonel, écrire à un juif, envoyer une dépêche à Bismarck, fogner, flaquer, flasquer, faire des cordes, faire le grand, faire une commission, faire une moulure, filer, flaquader, fuser, filer le câble de proue, faire un pruneau, un pêche ; faire ronfler le bourrelet, la chaise percée, faire corps neuf ; gazonner, gâcher le gros, galipoter ; mousser, mouler un sénateur, une Vénus ; poser un pépin, un factionnaire, une sentinelle ; mettre une lettre à la poste ; pousser son rond, tarter.

Mouscailler ou filer du proye

Halbert, 1849 : Ch…

Mouscailler, ou filer du proye

anon., 1827 : Ch.

Mouscailleur

Fustier, 1889 : Vidangeur.

Là sont réunis pêle-mêle des biffins… des mouscailleurs.

(Réveil, 1882.)

Mouscailleux

La Rue, 1894 : Fantassin. On dit aussi pousse-cailloux, mille-pattes, cul-rouge.

Mouscaillier

Bras-de-Fer, 1829 : Ch…

Mouscailloux

Rigaud, 1881 : Fantassin, pour pousse-cailloux.

France, 1907 : Fantassin ; argot des voleurs. On ne peut voir là que l’équivalent de merdeux, dit Lorédan Larchey, les malfaiteurs n’aiment pas les soldats.

Mouscouillousse

d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à un homme que l’on méprise, à un petit polisson.

Mousmé

France, 1907 : Japonaise.
M. Victor Orban a donné dans le sonnet suivant une jolie description de la mousmé.

Les fleurons argentés d’épingles en fuseaux
Ornent ses cheveux noirs d’un vol d’aiglette blanche,
Et ses vêtements bleus, resserrés sur la hanche,
Sont brodés d’éclatants dragons d’or et d’oiseaux.
Sous la véranda haute, au bruit lointain des eaux,
Tout le jour elle songe et s’accoude et se penche
Et, parfois, fait vibrer sa guitare à long manche
Qui rend le son plaintif du vent dans les roseaux.
À travers les bambous, parmi les berbes grêles,
Sans fin monte le cri strident des sauterelles
Qu’enivrent les parfums de l’air lourd et brûlant.
Et la mousmé bercée, et souriant, dilate
Et laisse errer son œil oblique et somnolent
Vers le ciel jaune où meurt le soleil écarlate.

(L’Orient et les tropiques)

Ils avaient (les Japonais) alors des costumes éclatants, de belles armes chimériques faites pour orner, non pour tuer, et dans leurs maisons en bambou égayées de vives aquarelles, leurs mousmées, mignonnes femmes fleurs, peintes commes des fleurs et comme elles fragiles, lesquelles ne connaissaient d’autre vertu que d’être belles, et d’autre devoir que d’aimer.
Laissant les hommes s’enlaidir, elles restaient fidèles à leur costume et continuaient au Japon, comme dans les escales fréquentées par les marins d’Europe, à exercer leur doux ministère de prêtresses de la beauté.
Va-t-on nous gâter les mousmées ?

(Paul Arène)

Mousquet

d’Hautel, 1808 : Crever comme un mousquet. Mourir d’excès de débauches ; mourir d’indigestion.

Mousquetaire gris

Delvau, 1866 : s. m. Pou, — dans l’argot du peuple, qui aime les facéties.

Rigaud, 1881 : Pou.

La Rue, 1894 : Pou.

Virmaître, 1894 : Pou. Allusion à la couleur de cet horrible animal que pourtant certains adorent. Un amateur marchande un pou à un chiffonnier ; il lui offre d’un pou magnifique un prix dérisoire. L’éleveur le remet délicatement dans sa chemise en lui chantant le refrain célèbre : Tu n’en veux pas ! J’l’remets dans ma chemise. Ça n’mange pas d’pain. (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Pou.

Moussaillon

France, 1907 : Diminutif de mousse. Sobriquet donné aux aspirants de marine.

Tout le temps où il ne dormait pas, où il n’était pas à table, où il ne courait pas derrière les jupes d’une gamine, s’écoulait à dresser ainsi ses oiseaux, à leur enfoncer dans le cerveau des exclamations de caserne, des brailleries de beuglant. Cet élevage difficile lui servait à payer ses frais d’amour, à acquitter ses dettes dans les alcôves nombreuses où il s’attardait de ci de là, comme s’il avait eu encore des reins souples de moussaillon.

(Mora, Gil Blas)

Pour combattre la flotte anglaise
Comme il faut plus d’un moussaillon,
J’en f’rons deux à ma Paimpolaise
En rentrant au pays breton !

(Théodore Botrel, La Paimpolaise)

Moussante

Delvau, 1866 : s. f. Bière de mars, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Bière. — Encore un de ces mots qui n’ont pas demandé de grands frais d’imagination.

La Rue, 1894 : Bière.

Virmaître, 1894 : Bière (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Bière.

France, 1907 : Bière.

Moussard

Halbert, 1849 : Chataignier.

France, 1907 : Châtaignier.

Mousse

d’Hautel, 1808 : Pierre qui roule n’amasse point de mousse. Signifie, qu’il ne faut pas changer à chaque instant de métier, si l’on veut amasser de la fortune ; mais bien en choisir un, et s’y tenir.

anon., 1827 : M.

Bras-de-Fer, 1829 : M…

Halbert, 1849 : Excrément.

Larchey, 1865 : Excrément. — On s’injurie fréquemment dans le peuple par ces mots : Vent et mousse pour toi !

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti commis, — dans l’argot des calicots.

Delvau, 1866 : s. f. Le résultat de la fonction du plexus mésentérique, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Vieux mot injurieux, très en vogue aux XVe et XVIe siècles, synonyme de bran et auquel à succédé le fameux « merde » de nos jours, qui semble répondre à toutes les situations tendues.

Mousse pour le guet ; bran pour les sergents.

(Adages français.)

La Rue, 1894 : Excrément. Mousser, aller à la selle. De la mousse ! Non ! Rien ! Mousserie, latrines.

Rossignol, 1901 : Couteau.

France, 1907 : Excrément. Vieux mot.

Mousse (faire de la)

Rigaud, 1881 : Faire des embarras, chercher à briller, faire grand étalage de toilette.

La dite belle se promenait devant ces agents, faisant le plus de mousse possible aux yeux des nobles étrangers.

(Figaro du 28 oct. 1878.)

Rossignol, 1901 : Faire des épates ou des manières, c’est faire de la mousse.

Mousseline

Halbert, 1849 : Pain blanc.

Delvau, 1866 : s. f. Pain blanc, léger, agréable au toucher comme au goût, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Fers dont on charge un prisonnier, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Pièce d’argent. — Pain blanc. — Sorte de gâteau de Savoie.

Rigaud, 1881 : Fers de prisonniers. (Larchey.)

La Rue, 1894 : Fers de prisonniers. Pain blanc. Pièce d’argent.

France, 1907 : Pièces d’argent.

France, 1907 : Pain blanc.

France, 1907 : Fers d’un condamné à la chaîne.

Mousser

d’Hautel, 1808 : Faire mousser un succès ; un avantage ; sa réputation. Pour dire, exagérer le mérite d’un succès ; chercher à en hausser la valeur ; vanter sa réputation.

Halbert, 1849 : Satisfaire ses besoins.

Delvau, 1866 : v. n. S’emporter, être en rage, de dépit ou de colère, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir du succès, — dans l’argot des gens de lettres et des comédiens. Faire mousser. Préparer le succès d’un auteur ou d’une pièce par des éloges exagérés et souvent répétés.

Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere.

Rigaud, 1881 : Être en colère. — Exagérer. — Faire mousser, exagérer les dualités d’une personne, la valeur d’une chose.

France, 1907 : S’impatienter.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Mousser (se faire)

Delvau, 1866 : Se vanter, parler sans cesse de ses talents ou de ses qualités. Argot du peuple.

France, 1907 : Se faire valoir.

Mousserie

Halbert, 1849 : Latrine.

Delvau, 1866 : s. f. Water-closets, — dans l’argot des voyous.

Virmaître, 1894 : Fosse d’aisance des prisons (Argot des voleurs).

France, 1907 : Latrines.

Mousseuse

Fustier, 1889 : Femme galante, à la mode.

Mousseuse est pimpant, léger, provocant, vaporeux ; mousseuse donne bien l’idée du bruissement de la soie, du froufrou du satin, de la joyeuse envolée des jupes de batiste et de dentelles. La mousse est ce qui brille, scintille, pétille, émoustille. Voilà pourquoi mousseuse, un mot significatif et complet, mérite droit de cité ; voilà pourquoi mousseuse court grand’chance d’être adopté par la gent boulevardière… Les débutantes ès-galanterie deviendront des moussettes.

(Voltaire, 9 mars 1887.)

France, 1907 : Nom par lequel quelques journalistes désignent les demoiselles qui trafiquent de ce que Dumas fils appelait leur capital.

Un de nos confrères du Voltaire propose d’appeler mousseuses les jolies créatures dénuées de préjugés qui, a dit M. Prudhomme, « passent une existence qui pourrait être plus chastement employée à faire des indécences qui leur rapportent de l’argnt ».
Mousseuse ne saurait nous déplaire ; le terme est galant et non dénué de signification.
Va donc pour mousseuse.
Je doute que mousseuse ait la fortune d’horizontale.

(Maxime Boucheron, Écho de Paris, 1881)

Mousseux

d’Hautel, 1808 : Il a un genre mousseux. Se dit d’un homme qui a une mauvaise tournure ; qui a les mœurs, les manières et les habitudes des gens de dessus le port.

Delvau, 1866 : adj. Redondant, hyperbolique, — dans l’argot des gens de lettres et des comédiens.

Moussu

Delvau, 1866 : s. m. Le sein de la femme, d’où sort le lait, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Riche, puissant.

Moussue

Halbert, 1849 : Chataigne.

Delvau, 1866 : s. f. Châtaigne, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Châtaigne.

Moustache

d’Hautel, 1808 : On lui a donné sur les moustaches. Pour, on l’a frappé au visage.
Le peuple se sert aussi de ce mot dans un sens exagéré, et pour exprimer que quelqu’un excelle en quelque chose, il dit qu’Il est moustache.
Du vin moustache.
Pour dire, du bon vin.

Moustachue

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme à moustaches, — dans l’argot des bourgeois.

Moustier ou il est (laissez le)

France, 1907 : « Ne rien changer, tout étant pour le mieux. » Devise des conservateurs.

Ce proverbe, dit Pasquier, que l’on applique à tous les changements qui se peuvent faire, marque particulièrement combien il est dangereux de rien changer dans les constitutions de l’Église, et qu’il vaut toujours mieux laisser les choses comme elles sont.

Excellent Pasquier ! En voilà un qui n’était pas pour le progrès !

Moustique

France, 1907 : Mauvais, malfaisant comme l’insecte de ce nom. Avoir un moustique dans la boîte au sel, être un peu fou.

Moustique dans la boîte au sel

Virmaître, 1894 : V. Asticot dans la noisette.

Mout

Rigaud, 1881 : Beau, — dans le jargon des voyous.

France, 1907 : Beaucoup ; du vieux français moult, très, extrêmement, du latin multum.

Moutard

anon., 1827 : Enfant.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Enfant.

Bras-de-Fer, 1829 : Enfant.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin, enfant, apprenti, — dans l’argot du peuple, qui, n’en déplaise à P. J. Leroux et à Francisque Michel, n’a eu qu’à regarder la chemise du premier polisson venu pour trouver cette expression.

France, 1907 : Petit garçon.

Au reste, si l’insolence envers la roture peut être admise comme preuve de noblesse, cette aristocratie de l’enfance en est possédée au plus haut degré, et l’égalité tant vantée du collège n’existe pas réellement. Ces patriciens superbes comprennent toute la plèbe qui les entoure sous la dénomination injurieuse de moutards ou de mômes et se livrent à leur égard à des extorsions et à des abus de pouvoir qui caractérisent un despotisme effréné.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Moutarde

d’Hautel, 1808 : Rêver à la moutarde. Faire le pensif ; prendre sans sujet un air rêveur et mélancolique.
C’est de la moutarde après dîner. Se dit de quelque chose nécessaire à une affaire, qui arrive long-temps après qu’on y a supplée.
La moutarde lui monte au nez. Se dit de quelqu’un qui commence à s’impatienter, à s’échauffer ; à se mettre en colère.
S’amuser à la moutarde. Pour dire, à des bagatelles, à des frivolités.
Il n’appartient pas à tout vinaigrier de faire de bonne moutarde. Signifie qu’il n’est pas donné à tous les auteurs de faire de bons ouvrages.
Il est fin comme moutarde. Se dit d’une personne très-rusée.
Sucrer la moutarde. Adoucir son chagrin ; modérer son ressentiment ; reprendre quelqu’un d’une manière piquante, sans cependant le choquer.

Delvau, 1866 : s. f. Le stercus humain.

La Rue, 1894 : Excrément. Moutardier, derrière.

France, 1907 : Excrément. Baril à moutarde, le derrière.

En le lançant, il dit : Prends garde,
Je vise au baril de moutarde.

(La Suite du Virgile travesti)

Moutarde (s’amuser à la)

France, 1907 : Lambiner :s’arrêter à des bagatelles qu’on trouve sur son chemin. Ce dicton s’emploie surtout en parlant des domestiques ou des enfants qui s’attardent quand on leur envoie faire des commissions.

Moutarde (sucrer la)

France, 1907 : Adoucir un reproche un peu mordant. On dit de quelqu’un qui commence á se fâcher que la moutarde lui monte au nez.

Moutarde après dîner

Rigaud, 1881 : Trop tard, chose inutile, qui n’est pas venue au moment opportun.

France, 1907 : Chose désirée qui arrive quand on n’en a plus besoin.

Moutardier

d’Hautel, 1808 : Il se croit le premier moutardier du pape. Se dit d’un homme qui marque du dédain, de la fierté et de la hauteur envers ses semblables.

Delvau, 1866 : s. m. Le podex. On disait autrefois Baril à la moutarde, et Réservoir à moutarde.

Delvau, 1866 : s. m. Goldfinder. On dit aussi Parfumeur.

Rigaud, 1881 : Derrière.

France, 1907 : Le derrière, maitre Luc.

— En face ! Je n’ai pas besoin de renifler ton moutardier.

(Émile Zola)

Moutardier du pape

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui s’en fait accroire, imbécile vaniteux. On dit qu’il se croit le premier moutardier du pape.

La Rue, 1894 : Vaniteux.

France, 1907 : Vaniteux.

Un pape — on ne dit pas lequel, mais c’est du temps que les papes habitaient Avignon — était harcelé par un Dijonnais qui se prétendait son neveu et demandait, à ce titre, quelque faveur spéciale. Sa Sainteté, lassée de ces importunités, dit à son secrétaire :
— Ce gaillard ne me laissera pas en paix. Il se peut qu’il soit mon parent. À quel emploi pourrais-je le nommer ?
— Saint-Père, répondit le secrétaire, j’ai pris déjà des informations ; il existe, en effet, quelque parenté lointaine, mais le postulant ne me paraît avoir besoin de rien, du moins pécuniairement. C’est un riche fabricant de moutarde.
— Voilà notre affaire, dit en riant le pape. Écrivez-lui de m’envoyer quelques pots de moutardes, et faites-lui savoir que je le nomme mon premier moutardier.
Le Dijonnais, — dit Ch. Ferrand — heureux de cette réponse, proclama partout sa bonne fortune, et se para en toute circonstance du titre original qui lui était conféré. Ses voisins ne manquèrent pas d’en rire, et depuis lors le dicton s’est acclimaté avec le sens que tout le monde connaît.

Moutardier du pape (premier)

Rigaud, 1881 : Sot orgueilleux.

Moute

La Rue, 1894 : Beau.

Mouton

d’Hautel, 1808 : Chercher cinq pieds à un mouton. Exiger d’un autre plus qu’il ne doit, ou d’une chose plus qu’elle ne peut produire.
Revenir à ses moutons. Revenir à un discours commencé et interrompu, dans lequel l’intérêt se trouve compromis.
Mouton. Homme aposté dans les prisons par la justice, pour tirer par ruse les secrets d’un prisonnier.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mouchard de prison.

M.D., 1844 : Homme de leur société qu’ils supposent y avoir été mis pour s’associer seulement à la conversation et les dénoncer ensuite. Dans les prisons, la police y met beaucoup de ces gens qui, ayant l’air d’être détenus, causent avec les prisonniers, et finissent par donner des indices très précieux à la police qui les transmets ensuite à la justice.

un détenu, 1846 : Mouchard.

Halbert, 1849 : Mouchard.

Larchey, 1865 : « En prison, le mouton est un mouchard qui parait être sous le poids d’une méchante affaire et dont l’habileté consiste à se faire prendre pour un ami. » — Balzac. — Allusion ironique à la fausse candeur de ces compères. — Moutonner : Dénoncer. V. Coqueur.

Delvau, 1866 : s. m. Matelas, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à cause de la laine dont il se compose ordinairement. Mettre son mouton au clou. Porter son matelas au Mont-de-Piété.

Delvau, 1866 : s. m. Dénonciateur, voleur qui obtient quelque adoucissement à sa peine en trahissant les confidences de ses compagnons de prison.

Rigaud, 1881 : Matelas.

Rigaud, 1881 : Homme de compagnie d’un prisonnier, et chargé par la police de devenir l’homme de confiance du même prisonnier.

La Rue, 1894 : Matelas. Prisonnier qui espionne et dénonce son compagnon.

Virmaître, 1894 : Matelas. Quand il est plus que plat, on dit : galette (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Dénonciateur qui vend ses complices. Prisonnier qu’on place dans une cellule avec un autre prévenu pour le moutonner. C’est-à-dire le faire avouer dans la conversation (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Prisonnier qui dénonce ses co-détenus.

France, 1907 : Sous le chapeau de la guillotine est fixé le glaive, lame d’acier triangulaire emmanchée dans une forte masse de plomb appelé le mouton. Le couteau a trente centimètres de largeur, il est haut de quatre-vingts centimètres y compris le mouton. Il frappe avec une force terrible, car tombant d’une hauteur de deux mètres quatre-vingts centimètres, son poids multiplié par la vitesse de la chute est de 163 kilos en arrivant sur le cou du condamné.

France, 1907 : Pelite boule dont les bonneteurs se servent dans le jeu appelé calot. Ce jeu, encore plus dangereux pour le naïf que le bonneteau, se compose de trois quilles creuses, sous lesquelles l’artiste voleur fait passer le mouton en changeant les quilles de place, tour à tour à droite, à gauche, au milieu, en les glissant sur la table avec la boulette dessous.

France, 1907 : Matelas, à cause de la laine.

France, 1907 : Dénonciateur enfermée dans la cellule d’un criminel ou supposé tel, avec la mission de le faire parler et avouer ses forfaits.

Il existe deux sortes de coqueurs détenus : la première, qui prend le nom de moutons, est composée d’individus qui, renfermés dans les prisons, cherchent à captiver la confiance de leurs compagnons de détention pour obtenir l’aveu des crimes qu’ils ont commis, et la connaissance des preuves et pièces de conviction qu’on pourrait produire à leur charge. Lorsque deux de ces individus se trouvent dans la même prison, ils ignorent complètement le rôle qu’ils jouent chacun de son côté, et il n’est pas rare de voir ces deux moutons multiplier les rapports pour se dénoncer mutuellement, croyant rendre de grands services à la police et en être généreusement récompensés.
Les qualités essentielles du coqueur détenu sont, avant tout, l’habileté et la prudence. Il est excessivement difficile et même fort dangereux de jouer un rôle pareil dans une prison, car celui qui est mouton court risque d’être assassiné par ses compagnons s’ils viennent à le savoir. Aussi la police parvient-elle rarement à décider les voleurs à moutonner leurs camarades.

(Mémoires de Canler)

Des confrères à moi ont prétendu naguère que le plus souvent M. Grévy n’était guidé dans ses signatures que par les rapports de la prison même. Un condamné qui est en proie à de violentes angoisses, qui refuse énergiquement de faire le piquet consolateur et traditionnel avec son mouton, qui sanglote, hurle et se frappe la tête contre les murs, était à peu près certain de voir sa peine commuée.

(Albert Dubrujeaud, Écho de Paris)

France, 1907 : Compère dans le vol à l’américaine. C’est celui qui aborde le naïf qu’on se propose de dévaliser, généralement au paysan ou un provincial.

La bande était au complet, il y avait le mouton, celui qui lie la conversation avec la victime, le « riche étranger », qui échange son portefeuille contre le porte-monnaie du volé, et enfin les « hirondelles » qui voltigent autour du groupe et se chargent de prévenir à coups de sifflet de l’arrivée des agents.

(La Nation)

France, 1907 : Ancienne pièce d’or appelée ainsi parce que l’agneau pascal était sculpté sur l’une de ses faces.

Mouton (casserole)

Rossignol, 1901 : L’homme que l’on met en cellule avec un autre détenu pour avoir ses confidences.

Mouton de Panurge

France, 1907 : Sauter l’un après l’autre comme les moutons de Panurge, faire comme tout le monde, imiter sottement ses voisins.
Cette expression est tirée de Rabelais. « Panurge, retournant du pays de Lanternois, se trouva sur le bateau avec Dindenault, le marchand de moutons. Après de longs débats, il lui en achète un, le paye, « choisit de tout le troupeau un beau et grand mouton, et l’emportoit criant et beslant, oyant tous les aultres et ensemblement beslants et regardants quelle part on menoit leur compagnon… Soubdain, je ne sçai comment, Panurge, sans aultre chose dire, jecte en pleine mer son mouton criant et beslant ». Tous les autres moutons criant et bêlant se jettent en mer à la file. « La foule estoit à qui premier y sauteroit après leur compagnon. Possible n’estoit les en garder. Comme vous sçavez estre du mouton le naturel, tousjours suivre le premier, quelque part qu’il aille. Le marchand, tout effrayé de ce que devant ses yeux périr voyoit et noyer ses moutons, s’efforçoit de les empescher et retenir de tout son pouvoir. Mais c’estoit en vain. Tous à la file saultoient dedans la mer et périssoient. Finablement il en print un grand et fort, par la toison sur le tillac, cuidant ainsi le retenir et sauver le reste aussi conséquemment. Le mouton fut si puissant qu’il emporta en mer avec soi le marchand, et fut noyé… Autant en firent les aultres bergers et moutonniers, les prenants uns par les cornes, aultres par les jambes, aultres par la toison. Lesquels tous feurent pareillement en mer portés et noyés misérablement. »

À partir de ce moment, j’eus mes admirateurs. Ils se recrutèrent, d’abord, parmi les fruits secs qui seraient bien aises d’écraser les supériorités réelles sous certaines célébrités excentriques et d’une valeur discutable. L’admiration pour la médiocrité qui se déguise en bizarrerie est une des formes les plus fréquentes de la jalousie littéraire. Puis, vint se mettre à la suite de mes thuriféraires une bonne partie du troupeau des moutons de Panurge. Aujourd’hui, la foule ne veut plus être avec la foule. Bien des gens, pour éviter la banalité, se jettent à corps perdu dans l’océan de l’absurde. Comme, de temps à autre, parmi les insanités que je publie, j’intercale certaines des choses raisonnables que l’on me refusait autrefois, les critiques s’occupent de mes œuvres et me regardent comme un génie égaré qui eût pu monter très haut s’il n’eût été entraîné par les désordres d’une vie anormale et les chimères d’un esprit exalté.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Moutonaille

France, 1907 : Foule. Elle se conduit généralement comme un troupeau de moutons.

Moutonnage

France, 1907 : « Si nous allons à l’Hôtel des ventes, rendez-vous de ce gros publie du bric-à-brac, nous trouverons, au milieu d’une infinité de mystères, la foule serrée, attentive au bruit que va produire le marteau du commissaire-priseur ; ce moment psychologique, celui du moutonnage, comme disent les marchands, favorise les pickpockets, les coupeurs de poches et les aberrés passionnels. »

(G. Macé, Un Joli Monde)

Moutonnaille

Delvau, 1866 : s. f. La foule, — dans l’argot du peuple, qui sait par expérience personnelle quelle est la contagion de l’exemple.

Moutonner

un détenu, 1846 : Chercher à arracher un secret.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Moucharder et dénoncer.

Rigaud, 1881 : Espionner.

France, 1907 : Dénoncer.

Celui qui est mouton court risque d’être assassiné par ses compagnons ; aussi la police parvient-elle rarement à décider les voleurs à moutonner leurs camarades.

(Mémoires de Canler)

Moutonnier

d’Hautel, 1808 : Bête d’habitude ; celui qui fait tout ce qu’il voit faire aux autres.

France, 1907 : Dupe qui a la simplicité du mouton, qui se laisse aller où on la pousse.

Je vais d’abord vous entretenir du vol à l’américaine, que le presse de tous les pays, par son immense publicité, a constamment dévoilé. Malgré sa forme grossière, rien n’y fait, on le croit impossible ; et les moutonniers, c’est ainsi qu’on les appelle, se laissent toujours prendre. Les reporters parisiens font tous leurs efforts pour mettre les gens naïfs à l’abri de ces voleurs ; et c’est avec raison qu’ils ajoutent au bas de leurs articles, pour ainsi dire quotidiens, que la crédulité humaine est sans bornes et que le nombre des « gobeurs » s’augmente autant que celui des flous.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Moutons (revenir à ses)

France, 1907 : Retourner à son sujet.
Cette expression proverbiale est tirée de la farce de l’avocat Patelin, attribuée à Pierre Blanchet, poète du XVe siècle. Patelin, qui a escroqué une pièce de drap à un marchand, parait devant le juge comme avec d’un berger fripon que le marchand veut faire punir. Mais le marchand, qui reconnaît dans Patelin le voleur de son drap, entremêle d’une façon comique ce drap et ses moutons, et qui oblige le juge à lui dire sans cesse : « Mais revenez à vos moutons. »

Moutons du Berry (marqués sur le nez comme les)

France, 1907 : Fleury donne ainsi l’étymologie de cette expression : « Les bergers de la province du Berry ont coutume de marquer leurs moutons sur le nez pour les reconnaître. On a fait un proverbe de cet usage, que l’on employe de ceux qui par querelle ou autre accident sont marqués au nez. » Autre dicton plus impertinent pour les Berrichons : « Quatre-vingts moutons et un Champenois font cent bêtes, d’aucuns par malice font d’un Berrichon la centième. »

Mouture

d’Hautel, 1808 : Tirer d’un sac deux moutures. Vouloir tirer plusieurs avantages d’un même travail, ou se faire payer deux fois.

Mouvante

Halbert, 1849 : Bouillie.

Mouvement (être dans le)

Fustier, 1889 : « Cet hôte arrivait de Paris ; il avait un nom connu presque célèbre, il était dans le mouvement… »

(De Montépin : Sa Majesté l’Argent.)

France, 1907 : Être au courant de ce qui se fait, de ce qui se dit ; être moderne ; faire comme tout le monde.

La femme de la haute finance tient à la fois de la grande dame et de la bourgeoise dans le mouvement. Elle a, de la première, l’extérieur, l’élégance, le scepticisme, le genre de vie ; de la seconde, l’origine, l’éducation, les façons, le luxe, les préjugés, le souci prudhommesque et superficiel des convenances.

(Gil Blas)

Mouver

France, 1907 : Remuer, s’agiter ; vieux français.

Mouver (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se remuer, — dans l’argot du peuple.

Mouvette

d’Hautel, 1808 : Marie mouvette. Petite fille turbulente, d’une pétulance extraordinaire, qui est toujours en mouvement.

La Rue, 1894 : Agent de police.

Virmaître, 1894 : Indicateur qui fournit des indications à la police. C’est généralement un camelot ; il se meut d’un point à un autre, suivant les cas (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Indicateur de la police, délateur ; synonyme de casserole.

Mouzu

Halbert, 1849 : Téton ou mamelle.

Moyambine

Larchey, 1865 : Voir panama.

Moyen-agiste

Delvau, 1866 : s. et adj. Amateur des choses et admirateur des idées du moyen âge. Le mot est de H. de Balzac.

Moyenâgeux, moyenâgiste

France, 1907 : Artiste ou écrivain qui traite du moyen âge. Tableau ou écrit qui rappelle les sombres couleurs de ce que les ignorants appellent le bon vieux temps, qui était celui des cruautés et des superstitions.

Je n’ai connu vraiment que M. Barbey d’Aurevilly qui ait eu cette fierté d’esprit et cette indépendance de caractère. Mais M. d’Aurevilly l’avait à l’espagnole, un peu campé à la façon d’un premier rôle, le jarret tendu et le poing sur la hanche, avec je ne sais quoi de mélodramatique et de moyenâgeux, qui l’ont fait surnommer le Connétable des lettres ; ses mots à l’emporte-pièce, ses saillies cruelles et ses fantaisies imprévues avaient toutes comme un panache dix-huit cent trente ; son verbe exagéré et violent se pavanait pour ainsi dire dans le pourpoint de velours cramoisi de Théophile Gautier à la première d’Hernani.

(Jean Lorrain)

Dans le but de ressembler à une femme du vieux peintre Botticelli, Mlle Estelle (qui enrage de s’appeler Estelle, un nom bourgeois et mil huit cent trente) est une jeune personne tout à fait moderniste : or le modernisme consiste, comme vous le savez, à copier tout ce qu’on peut trouver de plus ancien. Le comble du modernisme, c’est de faire des pastiches de Villon et de les débiter dans des cabarets moyenâgeux.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Moyenner

France, 1907 : Négocier, ménager, arranger.
« Il n’y a pas moyen de moyenner », c’est-à-dire d’arriver à un arrangement, de venir à bout d’un dessein. Dans cette locution redondante, moyenner est employé comme neutre.

Moyens

Delvau, 1866 : s. m. pl. Richesse, — dans l’argot des bourgeois. Avoir des moyens. Être à son aise. Signifie aussi : Aptitude, dispositions intellectuelles, capacités.

Muche

Delvau, 1866 : s. m. Jeune homme poli, doux, aimable, réservé, — dans l’argot des petites dames qui le trouvent trop collant.

Delvau, 1866 : adj. Excellent, délicieux, parfait, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des choses, à propos de la Patti comme à propos d’une soupe à l’oignon.

Rigaud, 1881 : Très bon, supérieur. — Jeune homme timide auprès des dames de la rue de Maubeuge.

La Rue, 1894 : Très bon, excellent. Jeune homme timide et réservé avec les femmes.

France, 1907 : Poli, timide ; argot des filles.

France, 1907 : Excellent, parfait ; argot populaire.

Mucher (se)

France, 1907 : S’assembler, se grouper ; de l’espagnol mucho, nombreux.

Qui donc greluche,
Greluche
Le glas !
Qui donc se muche,
Se muche
Là-bas ?

(Chanson de bagne)

Muet

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas muet. Pour dire, il parle hardiment ; c’est un babillard un grand parleur.

France, 1907 : Sobriquet que l’on donnait à l’adjoint qui assistait l’examinateur aux examens de sortie de l’École polytechnique et avec lequel il s’entendait pour fixer la note de l’élève. « On avait cru trouver dans ce système, disent MM. Albert Lévy et G. Pinet, une garantie d’impartialité et de plus grande justice ; vers l’année 1870 on y renonça. » On l’appelait muet parce qu’il n’avait pas le droit de questions.

Muet comme un chien d’Amérique

France, 1907 : Ce dicton, encore en usage en province, repose sur un passage d’une Histoire de la découverte de l’Amérique, où il est dit que, dans l’île à laquelle Christophe Colomb donna le nom de Sainte-Marie-de-la-Conception, il trouva des chiens muets.

Muette

Larchey, 1865 : Exercice dans lequel, par espièglerie ou par antipathie pour un chef, les élèves de Saint-Cyr ne font pas résonner leurs fusils.

Lorsque vient le tour de commandement d’un gradé ou d’un chef détesté, on convient de lui donner une muette.

De la Barre.

Larchey, 1865 : Conscience (Vidocq). — Mot inventé pour les hommes qui n’ont pas de conscience.

Delvau, 1866 : s. f. La conscience, — dans l’argot des voleurs, qui ont arraché la langue à la leur. Avoir une puce à la muette. Avoir un remords ; entendre — par hasard ! — le cri de sa conscience.

Delvau, 1866 : s. f. Exercice muet, c’est-à-dire pendant lequel on ne fait pas résonner les fusils, par taquinerie ou par fantaisie. Argot des Saint-Cyriens. Donner une muette. Faire un exercice.

France, 1907 : Exercice pendant lequel on ne fait pas résonner les fusils, pour taquiner l’instructeur ; argot des saint-cyriens.

Muette (avoir une puce à la)

Virmaître, 1894 : Condamné qui a des remords. On dit aussi : jouer à la muette (ne pas parler) (Argot du peuple).

Muette (la grande)

France, 1907 : L’armée.

Nous voulons, et nous n’avons pas tort, qu’elle (l’armée) reste la grande muette ; car elle personnifie la patrie, elle regarde constamment pour nous tous au delà de la frontière, elle est en dehors et au-dessus de nos luttes de partis. En échange de ce service, de cette tenue, de ce sacrifice permanent, elle a droit à des garanties.

(Ernest Judet, Le Petit Journal)

Muette (la)

M.D., 1844 : La conscience.

Halbert, 1849 : La conscience.

La Rue, 1894 : La conscience.

Rossignol, 1901 : Conscience.

France, 1907 : La conscience. Avoir une puce à la muette, éprouver un remords.

D’après la réponse de mon individu, je sais tout de suite si j’ai affaire à un honnête homme ou à un bon vivant d’une conscience facile.
Si mon compagnon se récrie avec indignation, je me reprends aussitôt :
— Vous avez bien raison. Il faudrait être bien canaille pour flibuster un homme aussi confiant et aussi généreux.
Mais si un geste, un clignotement des yeux m’a révélé l’état d’âme de « ma victime », très disposée à une bonne affaire, malgré toutes les protestations de sa conscience, la muette, comme nous disons en argot, je fais signe à mon compère l’Anglais, qui, sous prétexte de demander le lavabo au garçon, me laisse seul quelques instants avec le pante.
C’est alors que je dois déployer toute mon habileté. C’est le moment difficile, le moment où l’on peut faire un beau travail.

(Mémoires de M. Goron)

Muf (faire sauter le)

Merlin, 1888 : Faire du café avec le marc de la veille.

Mufe, mufle

Rigaud, 1881 : Maçon.

Muffée

Fustier, 1889 : Argot du peuple pour qui ce mot est synonyme de verrée.

D’ temps en temps, un’ pauv’ muffée au Caveau ou chez les bistros de la Révolte.

(Mirliton, journal, octobre 1885.)

Rossignol, 1901 : Être bien ivre, c’est en avoir une muffée.

France, 1907 : Ivresse. Avoir une muffée, être complètement ivre.

Muffée (en avoir une vraie)

Fustier, 1889 : Être gris, en état d’ivresse.

Muffée (en avoir une)

Virmaître, 1894 : S’être empiffré jusqu’à en étouffer. Avoir une soulographie numéro un. Muffée : n’en plus pouvoir (Argot du peuple). N.

Muffée (prendre une)

anon., 1907 : Se griser.

Muffle

d’Hautel, 1808 : Pour, visage.
Un vilain muffle. Pour, un détestable visage ; une très-laide figure.

Halbert, 1849 : Imbécile.

Delvau, 1866 : s. m. Visage laid ou grotesque, plus bestial qu’humain, — dans l’argot du peuple, qui se sert de cette expression depuis trois cents ans. Il trouve plus euphonique de prononcer Muffe.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier, — dans l’argot des filles, qui n’aiment pas la blouse.

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, goujat, brutal. M. Francisque Michel à qui les longs voyages ne font pas peur, s’en va jusqu’à Cologne chercher une étymologie probable à cette expression, et il en rapporte muf et mouf, — afin qu’on puisse choisir. Je choisis muffle, tout naturellement, autorisé que j’y suis par un trope connu de tous les philologues, la synecdoque, par lequel on transporte à l’individu tout entier le nom donné à une partie de l’individu.

La Rue, 1894 : Mal élevé, grossier. Maçon.

Virmaître, 1894 : Communément, ce sont les maçons qu’on appelle ainsi. La chanson dit :

Tous les muffles que nous connaissons
Ne sont pas à la grève.


En effet, il y a plusieurs genres de muffles :
Tout individu qui se conduit mal avec quelqu’un est un muffle.
Muffle
est synonyme de goujat (Argot du peuple).

Mufflerie

Delvau, 1866 : s. f. Sottise, niaiserie ; brutalité. On dit aussi Mufflelonnerie.

Muffleton

Delvau, 1866 : s. m. Petit muffle, jeune imbécile. Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’on prononce Muffeton.

Muflard

France, 1907 : Professeur de gymnastique ; argot de l’École navale.

Mufle

Rigaud, 1881 : Mal élevé, grossier personnage. Le peuple prononce mufe.

France, 1907 : Homme mal élevé, grossier et hôte, digne d’avoir un mufle au lieu de figure.

Le dimanche, c’est le jour de sortie des mufles. On ouvre les portes toutes grandes et on les lâche. Ils circulent, ils font ce qu’ils veulent. On ne voit que des gens laids, mal habillés, gauches, qui parlent fort et qui rient bête. Ils ont un nom : les endimanchés. Ils sont en récréation. Les jardins publics, les avenues, les boulevards, les cafés leur appartiennent. Ils envahissent les musées et ils disent devant la Joconde ou la Victoire de Samothrace des choses écœurantes, à taper dessus. Des brutes joviales. Les parents se mettent le doigt dans l’œil et les enfants dans le nez. Qu’est-ce que c’est que ces gens-là ? D’où sortent-ils ? C’est de l’humanité inférieure.

(Henri Lavedan)

On dit et écrit à tort muffe.

Ceux qui tuent journellement, lentement, des travailleurs, par économie sur le matériel ou sur le salaire, le font du moins, il faut en convenir, dans des enceintes ad hoc et privées, loin des beaux quartiers, sans scandale et sans bruit… d’une façon comme il faut. Le sang ne coule que par accident…
Tandis que les explosions indignent, effrayent — tout le monde eût pu y être — et font passer les anarchistes pour des muffes, ce qui nuit toujours à l’avenir d’un parti.

(Séverine, Le Journal)

France, 1907 : Gymnastique. Poudre de mufle, résine ; argot de l’École navale.

Mufle (pain de)

Rigaud, 1881 : Pain de quatre livres fendu, pain que consomment généralement les maçons.

Mufle, muffe, feton

Larchey, 1865 : Homme mal élevé, grossier. — Allusion au mufle d’un animal. — V. Balancer.

Eh ! dis donc, la belle blonde, tu vas quitter ces deux muffles et t’en venir avec moi.

E. Sue.

Vois-tu, muffeton ? lui disait la dame.

G. de Nerval.

Muflée

Rigaud, 1881 : Quantité, grand nombre. Une muflée de plats, — dans le jargon des ouvriers.

Mufleman

Rigaud, 1881 : Mufle ; tournure anglaise donnée à ce mot.

Elle conservait en même temps Alfred, un mufleman de la pire espèce.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Muflerie

France, 1907 : Grossièreté, sottise.

— Sais-tu, toi qui parles, interrompt l’homme aux chausses délabrées, pourquoi on a fermé Saint-Eustache ?
Eh bien ! je vas te le dire. C’est à force de leur avoir fait des mufleries. D’abord, en rigolade, y en avaient qui venaient se laver dans les bénitiers. Le curé ronchonnait, mais laissait ouvert. Puis voilà un qui a fait ses ordures dans un journal et qu’a été le poser sur l’autel. Misère de bon sang ! C’est-y des choses à faire ? Le curé a fermé sa boîte, moi je te dis qu’il a bien fait.

(Guy Tomel, Le Bas du pavé parisien)

Mufleton

France, 1907 : Jeune imbécile.

Mufleton, muffeton

Rigaud, 1881 : Apprenti maçon.

Mufleville

France, 1907 : Une petite ville quelconque où les habitants sont stupides, grossiers, ignorants.

Connaissez-vous Mufleville ? Un lieu charmant. Si j’avais des rentes suffisantes, c’est là que j’irais peut-être finir mes jours.
Trois mille habitants. Je ne dis pas trois mille âmes. Qui de nous peut affirmer qu’il a une âme immortelle ? À coup sûr, pas le tiers des Muflevillois. La plupart d’entre eux étant plutôt faits pour la digestion que pour la pensée. En somme, une petite ville de province comme il y en a tant, où les femmes vont à la messe et où les hommes vont au café…
L’église est du XIe siècle (style roman), et les opinions de M. le curé sont presque de la même époque. Aussi ce vénérable ecclésiastique est-il fort maltraité dans les conversations des bourgeois, au Café du Progrès, aussi bien que dans les entretiens des ouvriers et des cultivateurs, au fond des cabarets et devant le comptoir à petits verres du marchand de tabac. Ce qui n’empêche pourtant pas tout ce monde-là d’envoyer ses enfants au catéchisme et de faire enterrer ses morts avec la croix et la bannière…
Citoyens Français de la troisième République, vous voyez d’ici Mufleville et les lieux circonvoisins. Vous en êtes tous — plus ou moins.

(François Coppée)

Muflevillois

France, 1907 : Habitant de Mufleville.

Électeurs de Mufleville, la France a les yeux sur vous. Dimanche dernier, les bons citoyens ont constaté avec peine que, sur plus de sept mille électeurs inscrits, six mille seulement avaient pris part au scrutin. Un assez grand nombre d’entre vous, par un sentiment de dégoût qui ne s’explique pas en présence de personnalités aussi éminentes que MM. des Mufliers, Dumufle et Muflet, ont diposé dans l’urne un bulletin blanc. D’autres, plus coupables encore, n’ont même pas pris la peine de se déranger. Muflevillois, il ne faut pas qu’on puisse vous reprocher deux fois une pareille faute. Au prochain scrutin de ballotage, accomplissez tous votre devoir civique.
Aux urnes ! Aux urnes ! Pas d’abstentions !

(François Coppée)

Muflisme

France, 1907 : Grossièreté, bêtise ; muflerie.

Concluant du particulier au général, ayant à souffrir bien souvent du muflisme de quelques fonctionnaires, de l’arrogance de quelques notables ; blessé à tort, offensé sans raison, l’officier laisse percer sa rancune ; néglige de l’abdiquer aux yeux du soldat, qui s’en autorise et traite la ville en pays conquis.

(Séverine)

Muid

d’Hautel, 1808 : Gros comme un muid. Se dit d’un homme très-replet, et d’un monstrueux embonpoint.

Muitar

France, 1907 : Prison ; argot des voleurs.

Mule

d’Hautel, 1808 : Têtu comme une mule. Pour dire, très-obstiné. Voy. Mulet.

Mulet

d’Hautel, 1808 : Une tête de mulet ; entêté comme un mulet. Se dit d’un homme très-entêté, très-obstiné, qui ne veut faire qu’à sa tête.
Faire garder le mulet à quelqu’un. Le faire attendre, lui faire croquer le marmot.
Travailler comme un mulet. Travailler à des ouvrages très-fatigans, porter de lourds fardeaux.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier qui aide le metteur en page, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Diable. (F. Michel.) — Metteur en pages en second dans une imprimerie.

Rigaud, 1881 : Artilleur de marine.

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui aide dans son travail un metteur en pages surchargé de besogne. Le mulet est en conscience ; son office reçoit encore le nom de fonctions ; il serre et desserre les formes, fait corriger les paquetiers, fait faire les épreuves et descend ou porte les formes aux machines.

France, 1907 : Ouvrier qui aide le metteur en pages ; argot des typographes.

France, 1907 : Diable, à cause des longues oreilles.

France, 1907 : Artilleur de marine.

Mulot

d’Hautel, 1808 : Endormir le mulot. Surprendre, duper, tromper quelqu’un, lui tendre des pièges, des embûches.

Multa cadunt inter calicem supremaque labra

France, 1907 : « Beaucoup de choses tombent entre la coupe et les lèvres. » Locution latine tirée du critique Aulu-Gelle. Nous avons : « Il y a loin de la coupe aux lèvres. »

Multiplication

d’Hautel, 1808 : La multiplication des espèces. Pour dire, la fausse monnoie.

Multiplier

d’Hautel, 1808 : Multiplier les armes du roi. Être faux monnoyeur, fabriquer de la fausse monnoie.

Munition

d’Hautel, 1808 : Pain de munition. Le peuple dit habituellement et par corruption pain d’amonition.
Avoir des munitions de gueule.
Pour, avoir de quoi manger, de quoi se régaler, se divertir, faire ribote.

Munitions d’amour

Delvau, 1864 : Le fard, les pommades, etc. pour les femmes, et, pour les hommes, de bons vits bien bandants.

Il part : après un mois d’absence,
Il revient avec cent amis,
Jeunes, discrets et bien munis.

Paret.

Mur

d’Hautel, 1808 : Les gens du gros mur. Pour dire de basse condition, de bas aloi ; des artisans, des hommes brusques, grossiers, et mal élevés.
Tirer au mur. Se passer de quelque chose, être oublié dans une distribution.
Les murs ont des oreilles. Se dit quand on parle dans un lieu où l’on pourroit être entendu.
Il tireroit de l’huile d’un mur. Se dit d’un homme rusé, adroit et artificieux, qui vient à bout de tous ses desseins, de toutes ses entreprises.
Être au pied d’un mur sans échelle. Manquer une entreprise, sur le succès de laquelle on comptoit, faute de ne s’être pas pourvu de toutes les choses nécessaires pour son exécution.
Mettre quelqu’un au pied du mur. Le mettre dans l’impossibilité de reculer, le pousser à bout.

France, 1907 : Compère de voleur à la tire. Il sert à cacher ses opérations.

Mur (être mur)

anon., 1907 : Être ivre.

Mur guilloutet

France, 1907 : Mur de la vie privée, appelé ainsi du marquis Louis-Adhémar de Guilloutet, député au Corps législatif pour les Landes et qui, vers 1863, fit voter une loi interdisant toute enquête dans la vie privée.

Ne vous imaginez pas que je gâche ici du plâtre pour rebâtir le mur de la vie privée avec les moellons écroulés de la loi Guilloutet. Je comprends très bien qu’un homme public a quelquefois pour devoir — et pour intérêt — de montrer en plein jour les plus intimes détails de son existence. Néanmoins, laissez-moi rire en songeant au spectacle bouffon qui nous est promis — que sait-on ? pour bientôt peut-être — lorsque nous jouirons d’un gouvernement socialiste ayant établi l’égalité des salaires et sous lequel le ministre de l’intérieur ne touchera que cinq sous par jour, comme les camarades.

(François Coppée)

Muraille (battre la)

France, 1907 : Être ivre, décrire des zigzags qui vous jettent d’un mur à l’autre.

Et plus pleins que des futailles,
Des rues battant les murailles,
Escortés de cent canailles,
Ils rentrèrent à la maison.

(Piron)

Murer

Rigaud, 1881 : Battre, porter des coups. — Je te vas murer.

La Rue, 1894 : Assommer, tuer. Se murer, se battre.

Rossignol, 1901 : Frapper quelqu’un c’est le murer.

France, 1907 : Frapper ; littéralement accoler au mur.

— J’avais rencontré J., dit-elle. C’est mon pays. Il m’offrit un verre de vin. J’acceptai, naturellement. Il me pria de lui servir de nourrice et de venir chez lui. Là, il commença à m’embrasser. Ma foi, comme pour le verre de vin, il n’y avait pas de refus. Il ne me déplaisait pas, cet homme. Il voulut même m’habiller avec une chemise de sa femme. Mais voici qu’il me propose des choses que je ne pouvais accepter, et qu’il me menace de me murer si je dis un mot.
Alors, je me suis défendue. Il y avait sur la table, à ma portée, un litre vide. Je m’en empare et le lui ai cassé sur la tête. Voilà toute l’affaire. Vous pensez, mon président, que je n’avais que ce moyen de protéger ma vertu.

(Gazette des Tribunaux)

Mures

Rossignol, 1901 : Coups.

Murette

Delvau, 1866 : s. f. La giroflée des murailles, — dans l’argot des paysans des environs de Paris.

France, 1907 : Giroflée des murailles ; argot des paysans des environs de Paris.

Murgériforme

France, 1907 : Style à la Murger.

On va me trouver, j’en ai peur, bien murgériforme et un peu « pauldekockniste ». Pour le moment, on ne s’intéresse plus qu’aux dames pâles d’Ibsen, sans cœur ni sexe, qui lâchent leur mari et leurs enfants sans qu’on sache au juste pourquoi, parce qu’elles ont du vague à l’âme et que tout n’est pas pour le mieux sur ce globe. Moi, je veux bien ; mais je n’ai d’émotion vraie que devant les choses moins compliquées.

(François Coppée)

Murgérisme

Delvau, 1866 : s. m. Littérature mal portante, marmiteuse, pleurarde ; affectation de sensibilité ; exagération du style et de la manière d’Henry Murger, — dont les imitateurs n’imitent naturellement que les défauts.

France, 1907 : Imitation de Murger.

Murgériste

Delvau, 1866 : s. et adj. Qui appartient à l’école de Murger, qui en a les défauts sans en avoir les qualités.

Muron

Halbert, 1849 : Sel.

Delvau, 1866 : s. m. Sel, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Sel. Muronnière : la salière (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Sel.

France, 1907 : Sel. Vieux mot.

Muronner

Halbert, 1849 : Saler.

Delvau, 1866 : v. a. Saler.

France, 1907 : Saler.

Muronnier

Halbert, 1849 : Saunier.

Delvau, 1866 : s. m. Saunier.

France, 1907 : Saunier.

Muronnière

Halbert, 1849 : Salière.

Delvau, 1866 : s. f. Salière.

France, 1907 : Salière.

Musard

d’Hautel, 1808 : Celui qui ne fait que niaiser ; gobe mouches.

Delvau, 1866 : s. et adj. Flâneur, gobe-mouche, — dans l’argot du peuple. Nous avons, en vieux langage, Musardie pour Sottise.

France, 1907 : Flâneur, désœuvré, individu qui s’amuse à des riens.

Musarder

Delvau, 1866 : v. n. Flâner. On dit aussi Muser.

France, 1907 : Flâner, perdre son temps.

Musardine

Delvau, 1864 : Drôlesse qui hante les Concerts-Musard, où le miché donne plus qu’ailleurs.

On dit une musardine, comme jadis on disait une lorette.

Albéric Second.

Larchey, 1865 : Habitué femelle des Concerts-Musards, de 1858 à 1860.

On dit une musardine, comme jadis on disait une lorette.

A. Second.

Delvau, 1866 : s. f. Habituée des Concerts-Musard, — où n’allait pas précisément la fine fleur de l’aristocratie féminine. Le mot a été créé par Albéric Second en 1858.

France, 1907 : Habituée des bals Musard. Albéric Second mit en circulation vers 1858 ce mot qui remplaça pendant quelque temps lorette dans le langage boulevardier.

Muscade

d’Hautel, 1808 : Partez muscade. Pour dire, allez vous-en ; retirez-vous.
Partez muscade, vous reviendrez cannelle. Locution burlesque très-usitée parmi le peuple.
Partez muscade. Expression des joueurs de gobelets, des escamoteurs, en faisant leurs tours.

Muscade ? on en a mis partout (aimez-vous la)

France, 1907 : Cette locution proverbiale signifiant « On a tout fait pour vous être agréable » est un vers du Repas ridicule de Boileau :

Qu’avez-vous donc – dit-il — que vous ne mangez point ?
Je vous trouve aujourd’hui l’âme tout inquiète,
Et les morceaux entiers restent sur votre assiette,
Aimez-vous la muscade ? On en a mis partout.

Muscadin

d’Hautel, 1808 : Pour dire fat, olibrius, fanfaron ; faquin rempli de musc, parfumé de toutes sortes d’odeurs.

Delvau, 1866 : s. m. Fat, dandy plus ou moins authentique, — dans l’argot du peuple, qui a conservé le souvenir des gandins du Directoire.

France, 1907 : On donne encore ce nom, dans les campagnes, aux farauds de village, aux fils de gros fermiers qui singent les jeunes gens de la ville, aux élèves d’huissier ou de notaire aux manières prétentieuses. C’est une réminiscence du 9 thermidor, de ce qu’on appelait alors la jeunesse dorée, et des modes du Directoire : de musc, à cause des parfums dont ils se couvraient.

Museau

d’Hautel, 1808 : C’est un plaisant museau ; voilà un beau museau. Se dit ironiquement en parlant d’un homme qui fait des minauderies, qui veut faire l’agréable.
À regorge museau. Expression populaire qui signifie excessivement, et qui ne se dit que des choses à manger.

Delvau, 1866 : s. m. Entonnoir en carton, au petit bout duquel est adaptée la loupe, — dans l’argot des graveurs sur bois, qui s’en coiffent le front.

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois par les faubouriens aux gardes nationaux de la banlieue, sans doute à cause de leur mine et de leur tournure grotesques.

France, 1907 : Nez.

Le plus gros de la bande, F. Sarcey, lécheur de bottes et de fesses, en grogne de joie ; il donne la patte aux copains de la Bataille : c’est à qui foutra le museau dans plus de saloperies !

(Le Père Peinard)

Museau !

France, 1907 : Sorte d’interjection signifiant chut ! silence ! qu’on lance à celui qui bavarde trop haut dans la salle d’étude, à l’amphi, ou même à celui qui parle à tort et à travers. C’est une forme abrégée de l’expression peu parlementaire : « Tais ton bec ! » ou « Ferme ton museau ! »

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Museaux (fricassée de)

France, 1907 : Embrassade, surtout les embrassades entre amants et celles entre femmes qui font d’autant plus de fricassées de museaux qu’elles se détestent davantage.

Moi, ça m’emmerde l’jour de l’an :
C’est des giri’s, c’est des magnières,
On dirait qu’on est des rosières
Qui va embrasser sa maman.
C’en est des fricassés d’museau :
Du p’tit môme à la trisaïeule
Les générations s’lich’nt la gueule…
En d’dans ça s’dit : Crèv’ donc, chameau !

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Musée des claqués

Rigaud, 1881 : La Morgue, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : La Morgue.
Figurant au Musée des claqués, cadavre.

Muselé

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme qui n’est bon à rien qu’à bavarder, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Propre à rien, maladroit.

France, 1907 : Imbécile, propre à rien. Allusion au chien à qui l’on a mis une muselière.
Le célèbre acteur Paulin-Ménier reçut au matin d’un ami de collège la lettre suivante :

Mon cher ami,
J’ai promis de vous voir à mon arrivée à Paris ; me voici. Je vous attends à dîner demain, à 6 heures.
Bernard,
Faubourg Saint-Denis.

— Faubourg Saint Denis ! dit Choppart, et pas de numéro ?
Il s’abstint, naturellement.
Deux jours après, nouvelle lettre :

Mon cher Monsieur,
Je vous ai attendu avec ma femme, et vous n’êtes pas venu. Cela n’est pas gentil.
J’espère que nous serons plus heureux dix aujourd’hui, 6 heures !
Bernard.

Il n’y avait même plus faubourg Saint-Denis. Avait-il déménagé ? où le chercher ?
Le lendemain, dernière lettre de Bernard :

Monsieur,
Vous m’avez fait poser. Vous n’êtes qu’un sale cabotin et un muselé.
Bernard.
Faubourg Saint-Denis, 344, au 3e, la porte à gauche.

Museler

Fustier, 1889 : Imposer silence. — Se museler, se taire.

France, 1907 : Fermer la bouche, dans l’argot des polytechniciens, manière d’obliger un camarade à garder le silence : « On lui dit, par exemple : « Musèle-toi, mon cher, tu viens de perdre une belle occasion de te taire ! » À l’inverse, démuseler c’est retrouver la parole après qu’on est longtemps resté muselé… Museler une porte, c’est la fermer ; museler un rosto, c’est l’éteindre ; museler un casert, c’est le barricader de manière à empêcher une invasion des anciens. Museler est encore synonyme de fermer, cacher. On musèle un bouquin en l’enfermant avec soin. »

(Albert Lévy et G. Pinet)

Musequin

France, 1907 : Mignon, damoiseau ; vieux mot.

Musette

d’Hautel, 1808 : Couper la musette à quelqu’un. Phrase triviale et populaire qui signifie étonner, surprendre quelqu’un, ou le contrarier dans ses projets, lui couper la parole.

Larchey, 1865 : Voir Piper, Couper.

Delvau, 1866 : s. f. Voix. Couper la musette à quelqu’un. Le forcer à se taire.

Delvau, 1866 : s. f. Sac à avoine, — dans l’argot des charretiers, qui le pendent au museau de leurs chevaux. Ils disent aussi Pochet.

Delvau, 1866 : s. f. Gibecière en toile à l’usage des troupiers et des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Petit sac à avoine. C’est l’en-cas des chevaux de fiacre et des chevaux de charroi.

Merlin, 1888 : Petit sac en toile, comme ceux qu’on attache au museau des chevaux.

France, 1907 : Voix : argot populaire. Couper la musette, imposer silence.

France, 1907 : Figure.

Musette (couper la)

Virmaître, 1894 : Empêcher quelqu’un de parler. On dit aussi : lui couper la chique (Argot du peuple).

Musette (elle n’est pas dans une)

France, 1907 : Argot théâtral signifiant, en parlant d’une actrice : « Elle n’est pas dans son rôle, elle joue moins bien qu’autrefois. » Cette expression remonte à Mlle Page, qui se montra excellente dans le rôle de Musette, de la Vie de bohème d’Henri Murger, jouée pour la première fois aux Variétés en 1849. Elle n’eut pas de plus belle page dans son histoire, car dans les autres rôles qu’elle créa elle n’atteignit jamais celui de Musette ; aussi disait-on par plaisanterie : « Elle n’est pas dans une Musette. » Et l’expression passa aux autres artistes qui ne soutenaient pas leur première réputation.

Musette (fermer sa)

Merlin, 1888 : Se taire.

Musette (s’en faire jouer un air)

Virmaître, 1894 : Expression employée dans les maisons de rendez-vous pour désigner un certain travail très estimé des écoliers (Argot des filles).

Musicien

Larchey, 1865 : Dénonciateur. — Allusion au bruit de la musique. V. Coqueur.

Delvau, 1866 : s. m. Dictionnaire, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Dictionnaire, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Délateur. — Joueur qui se répand en plaintes contre le sort.

La Rue, 1894 : Dictionnaire. Délateur. Haricot.

Virmaître, 1894 : V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Voir musique.

Hayard, 1907 : Détenu qui vend ses complices.

France, 1907 : Ouvrier maladroit, incapable de faire son travail ; argot des typographes.

France, 1907 : Dénonciateur qui vend ses complices. Voir Mouton.

Musiciens

Larchey, 1865 : Haricots. — Allusion au bruit des vents qu’ils forment dans les entrailles.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les haricots, qui provoquent le crepitus ventris, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Haricots.

Hayard, 1907 : Haricots.

France, 1907 : Haricots.

France, 1907 : Corrections faites sur les marges l’une page, à cause des traits qui les soulignent.

Musico

France, 1907 : Nom primitif des cafés-concerts, dont l’existence remonte à l’année 1770, à la première vogue du boulevard du Temple.
L’Almanach forain caractérisait les cafés-concerts : musicos ou cafés des boulevards dans lesquels on entend de la musique, etc.
Ce nom de musicos sous lequel ces établissements sont désignés en Hollande ne s’est pas maintenu en France.
On les a appelés :
1o Cafés-chantants ;
2o Cafés-concerts ;
3o Beuglants.
Aux approches de la Révolution, il y avait un grand nombre de cafés-chantants, et le décret de l’Assemblée nationale qui établissait la liberté illimitée du théâtre vint encore l’augmenter.
En Angleterre, on les appelle music-halls.

Musique

d’Hautel, 1808 : Musique enragée ; musique des chiens et des chats. Musique discordante et pitoyable.
Il est réglé comme un papier de musique. Se dit de quelqu’un qui mène une vie uniforme et régulière.

Delvau, 1866 : s. f. Morceaux de drap cousus les uns après les autres. Argot des tailleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Lots d’objets achetés à l’Hôtel des Ventes, — dans l’argot des Rémonencqs.

Delvau, 1866 : s. f. Ce qui reste au fond de l’auge, — dans l’argot des maçons. Par extension, Résidu d’un verre, d’un vase quelconque.

Rigaud, 1881 : Plaintes, doléances au jeu. — Faire de la musique, se plaindre d’avoir mauvais jeu, d’avoir perdu.

Bisset payait avec des jurements, des trépignements, des grognements, faisait une musique infernale.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Petite musique, petit jeu, petite mise au jeu.

Rigaud, 1881 : Lot de bric-à-brac acheté à l’Hôtel des Ventes. — Petit pain, c’est-à-dire flûte.

Rigaud, 1881 : Grande quantité de corrections indiquées sur la marge des pages, de telle sorte que l’épreuve a quelque analogie d’aspect avec une page de musique. (Boutmy.)

Rigaud, 1881 : Dénonciation. — Passer à la musique, être confronté avec un dénonciateur.

Rigaud, 1881 : Culot de l’auge des maçons. — Résidu d’un verre, d’un vase quelconque. (A. Delvau)

Boutmy, 1883 : s. f. Grande quantité de corrections indiquées sur la marge des pages, de telle sorte que l’épreuve a quelque analogie d’aspect avec une page de musique. En un autre sens, groupe de compositeurs qui calent fréquemment par suite de leur incapacité. On dit encore en ce sens la petite musique

Fustier, 1889 : Dénonciateur.

Il est trop musicien !

(Gil Blas, 1882.)

Bon enfant au surplus, du sang et pas de musique (incapable d’une dénonciation).

(Humbert : Mon bagne.)

La Rue, 1894 : Lot de bric-à-brac. Gouttures des verres que recueille le marchand de vin. Culot de l’auge des maçons. Ruse. Petit pain. Plaintes, doléances. Dénonciation.

Rossignol, 1901 : Dénonciateurs condamnés mis séparément en la prison de la Roquette pour éviter qu’ils se fassent casser les reins.

France, 1907 : Tricherie au jeu.

France, 1907 : Ruse.

France, 1907 : Résidu de l’auge ; argot des maçons.

France, 1907 : Récriminations, criailleries.

France, 1907 : Classe de dénonciateurs.

La classe que les voleurs désignent sous le nom de musique est composée des malfaiteurs qui, après leur arrestation, se mettent à table, c’est-à-dire font des révélations sur les vols qu’ils ont commis, ainsi que sur leurs complices.
Les coqueurs, pendant le cours de l’instruction, quelquefois un an ou deux, sont placés, à la Conciergerie, dans une pièce séparée, et n’ont aucune relation avec les autres prisonniers, qui sans cette précaution, leur feraient un mauvais parti pour se venger de leur trahison.
Recevant toutes les semaines, en récompense des services rendus, une ou deux pièces de cinq francs, suivant l’importance des renseignements qu’ils ont donnés à la police, ils attendent tranquillement le jugement de leur affaire, et, après leur condamnation, restent à la Conciergerie ou sont envoyés à Sainte-Pélagie, dans des salles séparées, pour y subir leur peine.
Là, ils trouvent encore moyen de rendre des services à la police, qui fait passer devant eux tout individu arrêté qu’elle suppose devoir être un repris de justice, un voleur de profession ou un forçat en rupture de ban, dont elle croit ne pas connaitre le véritable nom, et s’il appartient à l’une de ces trois catégories, il est rare qu’il ne soit pas reconnu par l’un des musiciens.

(Mémoires de Canler)

France, 1907 : Assemblage de morceaux de drap ; argot des tailleurs.

France, 1907 : Articles de bric-à-brac.

Musique (être de la)

France, 1907 : Être à abri des mauvais coups, des dangers d’un métier, comme le sont les musiciens d’un régiment.

Rappelle-toi nos clairs printemps,
La chose n’est pas si lointaine,
Et fais grâce à ma quarantaine
En ne songeant qu’à mes vingt ans.
Que si l’existence tragique
Est un combat… en vérité,
N’avons-nous pas toujours été
Un tantinet dans la musique ?

(Raoul Ponchon)

Musique (faire de la)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Sonder ou dégrader les murs d’une prison pour s’évader.

Musique (faire, jouer de la)

Fustier, 1889 : Dénoncer.

Musique (passer à la)

France, 1907 : Être placé en présence d’agents pour l’identification.

Musique à tour de bras

Merlin, 1888 : Batterie des tambours.

Musique, Petite musique

Rigaud, 1881 : Groupe de compositeurs d’imprimerie qui calent fréquemment par suite de leur incapacité, — dans le jargon des typographes. Ils se plaignent souvent, ils font ce que vulgairement on appelle « de la musique » ; de là le surnom.

Musiquer

Delvau, 1866 : v. n. Faire de la musique d’amateur, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Marquer une carte d’un petit coup d’ongle, d’un signe imperceptible pour les autres, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Marquer une carte avec l’ongle ; argot des grecs.

Musser

Delvau, 1866 : v. n. Sentir, flairer.

France, 1907 : Sentir, flairer.

France, 1907 : Se cacher, se glisser : littéralement, se mettre dans un trou ou passer à travers le trou comme un rat ; patois de l’Est et du Centre. Se musser, se fourrer dans un trou, sous une table. Le mot est vieux, on le trouve dans les Cent Nouvelles (XVe siècle) :

Il nous faut musser quelque part céans.

Une rue de Paris où l’on reléguait les filles perdues portait le nom de Pute-y-musse (Putain s’y cache) ; elle est devenue par corruption rue du Petit-Muse ; de même la rue Gilles-Cœur, qui porte encore ce nom gravé dans la pierre de sa première maison sur le quai, est devenue ridiculement rue Git-le-Cœur.

Mutilés (les)

Merlin, 1888 : Soldats des compagnies de discipline, qui y ont été envoyés pour s’être blessés ou coupé un membre, dans le but d’échapper à la conscription.

Mutuelle

Delvau, 1866 : s. f. L’École mutuelle.

Mycophile

France, 1907 : « C’est le nom que se donnent entre eux les amateurs de champignons (du grec mukès, champignon, et philein, aimer). Les mycophiles sont légion. Malgré les accidents signalés annuellement par les journaux, ils n’en continuent pas moins de récolter et de savourer les mystérieux cryptogames qui foisonnent sous bois et offrent aux regards des observateurs le curieux assemblage des vertus les plus exquises et des plus détestables caractères. Ce bizarre monde végétal a plus d’une analogie avec la société humaine ; les pires scélérats y vivent côte à côte avec les braves gens et déguisent hypocritement sous d’honnêtes apparences leur naturel pernicieux. Il faut un flair subtil et une savante sagacité pour discerner les bons des méchants dans cette foule bigarrée. »

(André Theuriet)

Mylord

France, 1907 : Ce que les Anglais appellent hackney coach.

Myophage

France, 1907 : Mangeur de rats.

Il est étonnant, après toutes les étrangetés dévorées à Paris pendant le siège, que certaines chairs soient encore rejetées de l’alimentation. Un pâté de souris vaut un pâté de grenouilles, et tous ceux qui, en 1870, ont mangé du rat le déclarent égal, sinon supérieur au lapin. Les insulaires de l’archipel d’Andaman sont myophages. Aux rats, ils ajoutent comme ordinaire des serpents et des lézards qu’ils accommodent finement d’une sauce aux mollusques.

(Hector France, Les Cuisines excentriques)

Mystère

d’Hautel, 1808 : Il est cousu de petits mystères. Pour, il fait des cachotteries, des mystères des moindres choses.

Mystères

Delvau, 1864 : Se dit de toutes les choses de l’amour qui, devant être tenues secrètes, ne sont révélées que par les initiés, aux soupirants après l’initiation de ces choses.

Avec quels transports il me remerciait de l’avoir initié dans de si agréables mystères.

(Mémoires de miss Fanny.)

Tout va bien mieux, comme m’ont assuré
Ceux que l’on tient savants en ce mystère.

La Fontaine.

Quand sur le déclin du mystère
Le galant transporté dit plaisir qu’il ressent.

Grécocet.

Vous demeurez sans voix, sans mouvement,
Loin de me seconder dans l’amoureux mystère.

Piron.

Mystifier

d’Hautel, 1808 : Railler, se moquer de quelqu’un ; abuser de sa simplicité pour le rendre ridicule.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique