Morceau
Morceau
d’Hautel, 1808 : Morceau d’Adam. On appelle ainsi l’éminence qui paroît à la gorge des hommes.
Il aime les bons morceaux. Se dit d’un homme qui aime la bonne chère, qui a le palais délicat.
Mettre les morceaux doubles. Manger avec précipitation, à la hâte.
Il s’endort le morceau dans le bec. Se dit de quelqu’un qui se couche aussitôt après souper, et pour faire entendre qu’il s’endort facilement.
Tailler les morceaux bien courts à quelqu’un. Lui faire une bien petite part ; lui donner à peine de quoi exister.
On lui a taillé les morceaux. Pour on lui a prescrit ce qu’il falloit faire.
Morceau avalé n’a plus de goût. Pour dire qu’on oublie bientôt un service.
Ça fait un beau morceau. Se dit par ironie d’une personne, ou d’une chose dont on veut abaisser la valeur.
Les premiers morceaux nuisent aux derniers. Signifie que, lorsqu’on a bien mangé au commencement d’un repas, on ne peut plus guère manger à la fin.
Manger un morceau. Prendre un repas à la hâte, à la dérobée.
France, 1907 : Fille sale.
Morceau (beau ou vilain)
Delvau, 1864 : Belle ou vilaine fille.
Nous allons voir si l’état d’miché vaut l’mien, et si je s’ra assez chançard pour tomber sur un bon morceau…
Lemercier de Neuville.
Morceau (brebis qui bêle perd un)
France, 1907 : Quand on parle beaucoup, on perd le temps de manger, et surtout celui d’agir. Un vieux proverbe dit :
Grand diseur,
Petit faiseur.
Les bavards ne sont généralement pas hommes d’action ; toute leur énergie coule en salive.
Morceau (faire le)
Rigaud, 1881 : Réussir certaines parties d’un tableau, — dans le jargon des peintres.
France, 1907 : Briller dans les détails ; argot des peintres.
Morceau (manger, casser, avaler le)
France, 1907 : Dénoncer.
Il n’y a pas à s’illusionner, la rousse trouve toujours moyen de se faufiler dans les conciliabules les plus secrets, ou, à son défaut, il se trouve un sale cochon pour casser le morceau.
(La Sociale)
De morceau tu ne mangeras
De crainte de tomber au plan.
(Vidocq)
Morceau d’architecture
Delvau, 1866 : s. m. Discours lu ou parlé, — dans l’argot des francs-maçons.
France, 1907 : Discours ; argot des francs-maçons. « Le F… Tartempion a fait un très beau morceau d’architecture contre la religion, mais il a mis sa fille chez les sœurs, son fils chez les frères, et laisse aller sa femme à confesse. »
Morceau d’un homme (le)
Delvau, 1864 : Son membre viril — dont la femme est si friande.
Et quelle qu’en soit la longueur,
Aucun morceau ne lui fait peur.
(chanson anonyme moderne.)
Morceau de gruyère
Delvau, 1866 : s. m. Figure marquée de la petite vérole, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion aux trous du fromage de Gruyère.
Virmaître, 1894 : Individu grêlé dont le visage est percé de trous comme une passoire. Morceau de gruyère est une allusion aux innombrables trous dont ce fromage est percé (Argot du peuple). N.
Morceau de pain
France, 1907 : Expression par laquelle on désigne une somme infime, bien au-dessous de la valeur de la chose dont on se dessaisit. « Vendre un objet pour un morceau de pain », c’est-à-dire pour presque rien.
À Londres, pendant mon dernier exil, je partais à la chasse presque tous les matins. Seulement, au lieu de m’essayer à faire lever des lapins que je n’aurais pu manger et qu’il m’eût été pénible de mettre à mort, je giboyais dans Covent-Garden ou dans Saint-James, et j’y ai eu, à nombre de reprises, de beaux coups de fusil, notamment un Géricault superbe qui se tenait tapi dans le coin le plus obscur d’une salle de vente, d’où je l’ai délogé moyennant cette somme indéterminée qu’on appelle un morceau de pain.
(Rochefort, Les Aventures de ma vie)
Morceau de pâte ferme
Rigaud, 1881 : Écrit, page de littérature, article de journal, discours, œuvre d’art, sans esprit, d’un style lourd, compassé.
France, 1907 : Morceau de littérature sans alinéas ni phrases courtes. Léon Cladel avait la spécialité des morceaux de pâte ferme.
Morceau de roi
Delvau, 1866 : s. m. Belle fille, jeune et appétissante, — dans l’argot des bourgeois, parmi lesquels on trouverait sans peine quelques Lebel, si on en avait besoin pour quelque Parc-aux-Cerfs.
Morceau de salé
Delvau, 1866 : s. m. Femme chargée d’embonpoint, — dans l’argot du peuple. Se dit aussi de quelqu’un malpropre d’habits ou de discours.
France, 1907 : Grosse femme lourde et chargée de graisse.
Morceau honteux
Delvau, 1866 : s. m. Le dernier morceau d’un plat, — dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas y toucher, malgré les sollicitations de leur appétit, parce que la « civilité puérile et honnête » le leur défend.
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