P
P
d’Hautel, 1808 : Il faut mettre un P à cette créance. Se dit d’une mauvaise créance, d’un débiteur insolvable.
France, 1907 : Lettre au moyen de laquelle les écrivains pudibonds, ou craignant d’offenser les oreilles pudibondes, désignent les prêtresses de Cythère. Les demoiselles chastes lisent P, mais prononcent putain tout bas… et la pudeur est sauve. Ô sainte imbécillité !
Les potins scandaleux allaient leur train et les bonnes bourgeoises, mises an courant par un « ami » complaisant, disaient d’un ton dédaigneux : — Ces grandes actrices, toutes p… !
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
P (faire le)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Faire mauvaise mine.
France, 1907 : Paraître de mauvaise humeur. P est sans doute ici pour pet, qui a le sens d’une chose désagréable. Il y a du pet, il y a du bruit ou du danger. Voir ce mot.
P (il y a du)
Larchey, 1865 : Il y a du danger, la police est proche (Dict. d’argot, 1844). — On a probablement pris la première lettre du mot Police. — Faire le P : Faire mauvaise mine (Grandval, 1827).
P plus Q
France, 1907 : « Expression algébrique qu’on introduit à l’École polytechnique dans le langage courant et qui signifie un grand nombre. Exemple : J’ai déjà attrapé P + Q consignes. »
(Argot de l’X)
Pacant
d’Hautel, 1808 : Un pacant, un lourdaud, homme sans intelligence, sans pénétration, d’un sens et d’un esprit très-bornés.
anon., 1827 : Un passant.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Passant.
Bras-de-Fer, 1829 : Un passant.
Delvau, 1866 : s. m. Paysan, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Palot.
Rigaud, 1881 : Paysan, — dans le jargon des voleurs. — Intrus, maladroit, lourdaud.
Mais ce pacant-là va tout gâter.
(Balzac, Pierre Grassou)
France, 1907 : Paysan, individu grossier, lourd, butor, et, par extension, un intrus ; argot des voleurs ; vieux français, du latin paganus.
— Ce pacant-là va tout gâter.
(Balzac)
Se dit aussi pour passant.
Pacaut ou palot
Halbert, 1849 : Homme de campagne.
Paccin
Rigaud, 1881 : Paquet, — dans l’ancien argot.
Paccin, pacmou
France, 1907 : Paquet ; argot des voleurs.
Vidocq, faisant sonner le louis sur la table, s’écria :
— Voilà ce qui s’appelle une largue et une bonne.
— Parbleu ! il n’y a qu’à lui bloquir les paccins.
(Marc Mario et Louis Launay)
Paccins
Vidocq, 1837 : s. m. — Paquets.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Pacha
France, 1907 : Capitaine de vaisseau ; argot des élèves de l’École navale.
France, 1907 : Homme riche, gros dignitaire. « Mener une vie de pacha », vivre largement et voluptueusement.
Pacha à trois queues
France, 1907 : Cette expression, fort usitée autrefois, l’est encore en certaines provinces pour désigner un riche oisif qui passe sa vie dans une douce mollesse, comme l’on représente les pachas de l’Orient. La queue de cheval est le signe distinctif des pachas, qui la font porter devant eux au bout d’une hampe surmontée d’un croissant. C’est le fanion de nos généraux commandant un corps d’armée. Le dignitaire le plus élevé dans la hiérarchie militaire de l’empire turc est le pacha à trois queues. C’est pour célébrer une victoire remportée grâce à une queue de cheval que le général turc fit attacher à une lance en signe de ralliement, alors que ses troupes étaient en pleine déroute, que cet appendice est devenu un signe d’honneur parant les étendards. Un journal comique relate cette petite scène conjugale :
Le mari au lit, lisant son journal :
Dis donc, Lolotte, le pacha de Trébizonde qui a six cents femmes. C’est un pacha à trois queues.
La femme : Oh ! mon pauvre Joseph, quel triste pacha tu ferais !
Pachalesquement
Delvau, 1866 : adv. Voluptueusement, — dans l’argot des romantiques. Cet adverbe oriental appartient à Théophile Dondey, plus inconnu sous le pseudonyme de Philotée O’Neddy.
France, 1907 : Voluptueusement, comme un pacha.
Packet
Delvau, 1866 : s. m. Paquebot, — dans l’argot des anglomanes et des créoles.
Paclin ou pasquelin
Delvau, 1866 : s. m. Pays natal, — dans l’argot des voleurs. Pasquelin du Rabouin. L’enfer, pays du diable.
Paclin ou patelin
Halbert, 1849 : Pays. On dit aussi pasquelin.
Paclinage ou pasquelinage
Delvau, 1866 : s. m. Voyage.
Pacliner
Delvau, 1866 : v. n. Voyager.
Paclineur
Delvau, 1866 : s. m. Voyageur.
Pacmon
Halbert, 1849 : Paquet ou ballot.
Pacquecin
France, 1907 : Paquet ; argot des voleurs. Voir Paccin.
Pacquelin
Vidocq, 1837 : s. m. — Pays.
Rigaud, 1881 : Pays. — Brème de pacquelin, carte de géographie. — Pacquelin du raboin, pays du diable, enfer.
Boutmy, 1883 : s. m. Pays natal. Mot emprunté à l’argot des voleurs.
Un suage est à maquiller la sorgue dans la tolle du ratichon du pacquelin… — Un coup est à faire, la nuit dans la maison du curé du pays…
(Lettre d’un assassin à ses complices)
C’est donc à tort que quelques-uns disent patelin.
La Rue, 1894 : Pays. Ville.
France, 1907 : Pays natal ; argot des voleurs. On dit communément et à tort patelin, puisque pacquelin est une dérivation du latin pagus, village. Brême de pacquelin, carte géographique ; le pacquelin du raboin, le pays du diable, l’enfer.
Pacquelin du rabouin
Vidocq, 1837 : s. m. — Enfer, pays du diable.
Pacquelin, linage, lineur, liner
Larchey, 1865 : Ces quatre mots répondent en argot à Pays, Voyage, Voyageur et Voyager (Vidocq). — On trouve dans Bailly les formes Paclin, Patelin, Pasquelin.
Pacquelinage
Vidocq, 1837 : s. m. — Voyage.
Rigaud, 1881 : Voyage. — Pacqueliner, voyager. — Pacquelineur, voyageur.
France, 1907 : Voyage.
Pacqueliner
Vidocq, 1837 : v. a. — Voyager.
La Rue, 1894 : Voyager. Pacquelinage, voyage. Pacquelineur, voyageur.
France, 1907 : Voyager.
Pacquelineur
Vidocq, 1837 : s. m. — Voyageur.
France, 1907 : Voyageur.
Pacsin
Ansiaume, 1821 : Paquet.
Je n’ai fait qu’un pacsin de pigousse et j’ai décarré.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Paquet.
Pacte
d’Hautel, 1808 : Je crois qu’il a fait un pacte avec le diable. Se dit en plaisantant d’un homme qui réussit sur les choses les plus hasardeuses, les plus difficiles, ou pour lequel il n’y a rien d’impossible.
Paddock
France, 1907 : Terme de courses désignant l’endroit situé dans l’enceinte du pesage et réservé à la promenade des chevaux. Anglicisme.
Paddy
France, 1907 : Surnom que les Anglais donnent aux Irlandais. Ce mot signifie bouffi.
Padoue
Delvau, 1866 : s. f. Cordonnet rouge avec lequel les confiseurs attachent les sacs de bonbons.
France, 1907 : Cordonnet avec lequel les confiseurs attachent les sacs de bonbons. Padoue est renommée pour ses filatures de soie.
Paf
Larchey, 1865 : Ivre. Abréviation de Paffé.
Vous avez été joliment paf hier.
(Balzac)
Delvau, 1866 : adj. Gris, ivre, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Ivre. — Ivrogne gai.
La Rue, 1894 : Ivre. Soulier.
Virmaître, 1894 : Celle expression désigne l’objet qui distingue l’homme de la femme. Ce sont les voyous qui ont inventé le mot. Quand un tenancier d’une maison de tolérance se retire des affaires et qu’il se fait construire une maison à la campagne, s’il éprouve, par vanité, le besoin de mettre au fronton de sa maison un écusson, il peut y ajouter cette devise qui explique le mot paf : Pene erexit domum (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Ivre.
Rossignol, 1901 : Si vous dites à un voyou : « Je vais t’astiquer les côtes », et qu’il vous réponde : « Tu astiqueras mon paf », il n’est pas poli.
Hayard, 1907 : Être ivre.
France, 1907 : Ivre. Syncope du patois lillois épaffe, ahuri, saisi, épouvanté. Quelques étymologistes en font un anagramme de l’anglais fap, ivre. Paf d’ailleurs se disait et se dit encore pour eau-de-vie ; de la cause on a fait l’effet :
— Sans vous commander, not’ voisin,
Lâchez-nous, s’il vous plaît, chopine
De paf, en magnièr’ d’eau divine…
— Allons, bijou, mettez-vous là.
Babet ! verse à Monsieur. Aimez-vous l’eau-de-vie ?
— Non, je ne bois point de cela…
(J. Vadé, Œuvres poissardes)
France, 1907 : Membre viril ; argot des voyous.
Quand un tenancier d’une maison de tolérance se retire des affaires et qu’il se fait construire une maison à la campagne, s’il éprouve, par vanité, le besoin de mettre au fronton de sa maison un écusson, il peut y ajouter cette devise qui explique le mot paf : Pene erexit domum.
(Ch. Virmaître)
Paf (être)
Virmaître, 1894 : Être gris.
— Je me suis paffé hier soir que c’en est dégoûtant.
— Paf, ça y est.
Chose accomplie. Synonyme de : J’en ai mon pied. (Argot du peuple).
Paf, paffe
Rigaud, 1881 : Soulier. De paffut, passut, tranchet. Le mot paffut remonte au XIVe siècle.
Paff
un détenu, 1846 : Un Ivrogne. Être paff : être ivre.
France, 1907 : Eau-de-vie.
On l’attire dans la chambre, et le brigadier, à qui sa payse venait de faire parvenir un litre de mêlé-cassis, lui en fit boire une telle lampée, qu’elle se mit à débiter toutes sortes de gaudrioles, et à lever la jambe d’une façon si drôlette que tout le monde se tenait les côtes. Quand elle rentra au logis, elle tenait à peine sur ses quilles. Sa mère, éberluée, l’apostropha : « Comment, salope, est-il Dieu possible ! Tu as donc liché ? Tu as donc bu du paff ? »
(Les Joyeusetés du régiment)
Paffe
un détenu, 1846 : Souliers.
Halbert, 1849 : Soulier.
Larchey, 1865 : Soulier. V. Gouêpeur, Empaffe. — Dans le dictionnaire du Cartouche de 1827, nous trouvons : Passans, passifs : Souliers. — Le second mot est un diminutif. Le premier semble faire allusion à la mission voyageuse du soulier. Paffe ne serait-il pas une abréviations de passif ?
France, 1907 : Soufflet, gifle. Onomatopée.
Paffé
France, 1907 : Étonné, surpris, ahuri comme un homme ivre ou qui vient de recevoir une paffe.
Paffer
Rigaud, 1881 : Enivrer. Rendre paf.
Paffer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Boire avec excès.
France, 1907 : S’enivrer. On dit aussi s’empaffer.
Paffer, empaffer
Larchey, 1865 : Enivrer.
Au milieu de cette plèbe bariolée qui se paffe de vin bleu.
(Delvau)
Nous allons à la Courtille nous fourrer du vin sous le nez, quand nous sommes bien empaffés.
(Vidal, 1838)
Viennent de Paf qui représentait au dix-huitième siècle la goutte d’aujourd’hui ; comme elle, paf s’appliquait surtout à l’eau-de-vie. En voici de nombreux exemples.
Viens plutôt d’amitié boire nous trois un coup de paffe.
(Vadé, 1758)
Voulez-vous boire une goutte de paf. — J’voulons bien. — Saint-Jean, va nous chercher d’misequier d’rogome.
(1756, l’Écluse)
Il m’proposit le paf. Ça me parlit au cœur si bien, que j’y allis… dans une tabagie de la rue des Boucheries, où que j’bure du ratafia après le coco.
(Rétif, 1778, Contemp., 1783)
Il doit y avoir parenté entre le paf du dix-huitième siècle et l’eau d’aff de l’argot moderne.
Tu vas me payer l’eau d’aff ou je te fais danser.
(E. Sue)
Paffes
Vidocq, 1837 : s. m. — Souliers.
Paffs
Virmaître, 1894 : Souliers. C’est à peu près le meilleur mot d’argot pour désigner le bruit que fait le marcheur en frappant le sol du pied. C’est une image : paff ! Paff ! (Argot du peuple).
France, 1907 : Souliers.
Pafs
Delvau, 1866 : s. m. pl. Chaussures, neuves ou d’occasion.
Pagaie (mettre en)
Rigaud, 1881 : Farce qu’au régiment les anciens font aux conscrits, qui trouvent leurs lits arrangés en bascule ; d’où des culbutes et des occasions de se divertir aux dépens des bleus. C’est-à-dire mettre un camarade aux prises avec une plaisanterie qui n’est pas gaie pour lui.
Pagane (en)
France, 1907 : En désordre, à l’abandon, en désarroi. Du latin paganus, paysan ; comme si l’on disait : à la paysanne. On dira d’une voiture renversée, embourbée : « Elle est restée en pagane. » Patois du Centre. Voir Pagale.
En terme de marine, en pagane et, par corruption, en pagale signifie précipitamment. Jeter les objets en pagale dans la cale d’un navire, c’est les jeter en désordre, au hasard.
On dit aussi en pagaye :
— Mon fils, qui l’a tapé plus souvent qu’à son tour, assure qu’il laisse chez lui l’or, l’argent, les billets de banque, des bijoux d’une valeur énorme, n’importe où, en pagaye.
(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)
Page blanche
Delvau, 1866 : s. f. Homme distingué, ouvrier supérieur à son état, — dans l’argot des typographes. Être page blanche en tout. Ne se mêler jamais des affaires des autres ; être bon camarade et bon ouvrier.
Rigaud, 1881 : Innocent. — Ouvrier instruit et travailleur, — dans le jargon des typographes.
France, 1907 : Bon ouvrier ; argot des typographes. Être page blanche, c’est être innocent de ce qui s’est fait. Cette locution, dit Eug. Boutmy, s’emploie le plus souvent avec la négation : « Dans cette affaire, dit le prote, vous n’êtes pas page blanche », c’est-à-dire « vous êtes complice » où « vous y avez participé en quelque chose ».
Page blanche (être)
Boutmy, 1883 : v. Être innocent de ce qui s’est fait. Cette locution s’emploie le plus souvent avec la négation : Dans cette affaire, dit le prote, vous n’êtes pas page blanche, c’est-à-dire vous êtes complice, ou vous y avez participé en quelque chose.
Page d’Alphand
Fustier, 1889 : Égoutier, au service des travaux de la ville de Paris dont M. Alphand est le directeur.
France, 1907 : Égoutier, du nom d’un ancien ingénieur en chef de Paris.
Pagne
Vidocq, 1837 : s. m. — Assistance que les voleurs reçoivent de leurs camarades lorsqu’ils sont prisonniers.
un détenu, 1846 : Assistance, secours que se portent les voleurs entre eux.
Larchey, 1865 : Secours envoyé à un détenu par un ami. (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Provisions que le malade ou le prisonnier reçoit du dehors et qu’on lui porte ordinairement dans un panier. Argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Don en argent ou en nature fait à un détenu.
Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon des voyous.
La Rue, 1894 : Lit. Don fait à un détenu, argent ou provisions.
Virmaître, 1894 : Lit. Allusion au pagne qui entoure la taille des sauvages ; les draps cachent également la nudité de l’homme et de la femme (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : Provision.
On n’les but’plus, car c’est un mauvais flanche,
Y en a toujours qui sont paumés marrons,
Mais sans r’niffler, pour eux on fait la manche,
On leur envoie le pagne au violon.
(Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Lit.
France, 1907 : Lit. Abréviation de panier ; le pagne à puces. Voir Paillot.
Pendant qu’t’étais à la campagne
En train d’te fair’ cautériser,
Au lieur ed’ rester dans mon pagne,
Moi, j’m’ai mis à dévaliser ;
Mais un jour, dans la rue d’Provence,
J’me suis fait fair’ marron su l’tas,
Et maint’nant j’tir’ de la prévence ME
À Mazas.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
France, 1907 : Provisions ; de l’italien pagnotta, pain.
— J’ai un bon cœur ; tu l’as vu lorsque je lui portais le pagne à la Force.
(Mémoires de Vidocq)
C’est aussi, par extension, un prêt d’argent à un voleur arrêté.
Pagne (le)
Halbert, 1849 : Provision que le prisonnier reçoit du dehors.
Pagnoter
Fustier, 1889 : Coucher. Pagnoter avec une grognasse. Coucher et faire la noce avec une femme.
Rossignol, 1901 : Se coucher.
France, 1907 : Coucher ; de pagne, lit.
Pagnoter (se)
La Rue, 1894 : Se coucher.
Virmaître, 1894 : Se coucher. Malgré le double emploi, ou dit dans le peuple :
— Je vais me pagnoter dans mon pieu avec mes dardants (Argot du peuple).
Pagnoterie
France, 1907 : Poltronnerie, bévue, balourdise.
Pagnotter
Hayard, 1907 : Se coucher.
Pagode
d’Hautel, 1808 : Petite figure de porcelaine qui a la tête mobile.
Faire la pagode ; remuer la tête comme une pagode. Se dit de ceux qui secouent souvent la tête ; ou dont la tête est toujours en mouvement.
Ce n’est qu’une pagode. Se dit de quelqu’un qui fait continuellement des gestes, des exclamations insignifiantes.
Paie (bonne)
Delvau, 1866 : s. f. Homme qui fait honneur à sa parole ou à sa signature, — dans l’argot des bourgeois. Mauvaise paie. Débiteur de mauvaise foi. Il faut prononcer paye, à la vieille mode.
Païen
d’Hautel, 1808 : Jurer comme un païen. N’avoir que des juremens à la bouche ; en mêler dans tous ses discours.
Delvau, 1866 : s. m. Débauché, homme sans foi ni loi, ne craignant ni Dieu ni diable, — dans l’argot du peuple, qui emploie là une expression des premiers temps de notre langue.
Paies (c’est tout ce que tu) ?
Rigaud, 1881 : Tu n’as pas quelque chose de plus agréable à dire ? — Et puis, après ça ? — Expression dont abusent les voyous quand on leur fait de la morale à gosier sec.
Prenez garde, mon fils ! la pente du vice est glissante ; tel qui commence par une peccadille peut finir sur l’échafaud ! — C’est tout ce que tu paies ?
(Randon)
Paigraine
Ansiaume, 1821 : Faim.
Il a souvent la visite de la paigraine.
Paillard
d’Hautel, 1808 : Un franc paillard. Libertin, homme impudique, qui s’adonne à la luxure.
Delvau, 1864 : Libertin, homme qui aime la femme, et qui s’amuse avec elle, non comme un bourgeois qui obéit aux commandements de Dieu et à l’habitude, mais comme un gourmet qui se plaît à manger l’amour a toutes les sauces.
Vente, gresle, gelle, j’ai mon pain cuit ;
Je suis paillard, la paillarde me duit.
(F. Villon)
Le paillard ! il y prenait donc bien du plaisir !
(Mililot)
Le paillard, friand de donzelles,
S’était fait un vaste sérail.
(J. Cabassol)
France, 1907 : Fainéant, capon. Il se couche ou se cache dans la paille.
Paillarde
Delvau, 1864 : Femme qui ne voit dans les hommes, quels qu’ils soient, ni des amants, ni des maris, mais des pines, et qui s’en sert avec une gloutonnerie à s’en donner des indigestions.
Tant que le bon ton durera.
Les honnêtes femmes paillardes
S’en tiendront aux soldats aux gardes.
(Collé)
Paillarder
d’Hautel, 1808 : Libertiner, s’adonner à la lubricité.
Delvau, 1864 : Baiser une femme, ou seulement la peloter.
Il fut surpris paillardant derrière le grand autel.
(B. Estienne)
Elle ne faisoit tout le jour que paillarder avec lui.
(Brantôme)
Paillardise
d’Hautel, 1808 : Impudicité, débauche lubrique.
Delvau, 1864 : Libertinage, lubricité.
En fait de paillardise, nous l’entendons au suprême, et les dames du monde ne sont que des bêtes auprès de nous.
(La Popelinière)
Paillasse
d’Hautel, 1808 : Un paillasse. Nom que l’on donne par mépris à un mauvais comédien qui charge trop son rôle ; à un homme sans esprit qui fait le bouffon, le plaisant, et qui y réussit mal.
d’Hautel, 1808 : Une paillasse de corps-de-garde. Femme livrée à la débauche la plus crapuleuse, et entièrement adonnée au vice, gourgandine qui fréquente les casernes, les corps-de-garde, et qui sert de divertissement aux soldats.
Serviteur à la paillasse. Pour dire, adieu à l’armée, ou il faut coucher sur la paille.
d’Hautel, 1808 : Pour la bedaine, le ventre.
Il a bien bourré sa paillasse. Pour, il s’est bien repu, il a mangé d’une belle manière.
Il s’est fait crever la paillasse. Pour il s’est fait tuer ; il a été tué en se battant.
Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, — la digne femelle du paillasson.
En avant, la femm’ du sergent !
Balancez, la femm’ dm fourrier,
Demi-tour, la femm’ du tambour,
Restez là, paillasse à soldat…
(La Leçon de danse, — chant guerrier)
Eh ! titi ! oh ! èh ! là-bas,
Tiens ! est-c’ que tu déménages ?
— Pourquoi qu’ tu tiens ce langage ?
— C’est qu’ t’as ta paillass’ sous le bras.
— Eh ! non, mon vieux, c’est ma femme…
(Chanson populaire).
Larchey, 1865 : Caméléon politique. — Allusion à la chanson de Béranger : Paillass’, mon ami, N’saut’ pas à demi, Saute pour tout le monde, etc. De là aussi est venu le synonyme de sauteur.
Larchey, 1865 : Ventre. — La paille s’en échappe comme les intestins.
Il s’est fait crever la paillasse, il s’est fait tuer.
(d’Hautel, 1808)
Delvau, 1866 : s. f. Corps humain, — dans l’argot des faubouriens. Se faire crever la paillasse. Se faire tuer en duel, — ou à coups de pied dans le ventre. On dit aussi Paillasse aux légumes.
Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille de mauvaise vie. On dit aussi Paillasse de corps de garde, et Paillasse à soldats.
Delvau, 1866 : s. m. Homme politique qui change d’opinions aussi souvent que de chemises, sans que le gouvernement qu’il quitte soit, pour cela, plus sale que le gouvernement qu’il met. On dit aussi Pitre et Saltimbanque.
Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des troupiers.
Rigaud, 1881 : Saltimbanque politique dont les opinions sont plutôt à vendre qu’à louer. — Celui qui saute à pieds joints sur ses promesses.
La Rue, 1894 : Fille publique. Saltimbanque. Le corps humain. Se faire crever la paillasse, se faire tuer.
Virmaître, 1894 : Femme. Un homme se promène, sa femme au bras ; il est rencontré par un ami :
— Tiens, tu déménages, Charlot ?
— Pourquoi donc ?
— Puisque t’as ta paillasse sous le bras (Argot du peuple). V. Boulet.
Virmaître, 1894 : Pitre qui fait le boniment devant les baraques de saltimbanques. Paillasses : les hommes politiques qui servent tous les gouvernements, pourvu qu’ils paient.
Paillass’, mon ami,
N’saut’ pas à demi.
Saute pour tout le monde. (Argot du peuple).
France, 1907 : Femme de mauvaise vie, prostituée. Paillasse de corps de garde, fille à soldats. On dit aussi, dans le même sens, paillasse à troufion.
Les nymphes d’alentour ne se laissent pas approcher, ou si par hasard on accroche une jupe à la brune, on est sûr que c’est une vieille paillasse qui a servi à tous les avant-postes du camp.
(Hector France, L’Homme qui tue)
Du temps qu’elle faisait la noce,
Jamais on n’aurait pu rencontrer — c’est certain,
Paillasse plus cynique et plus rude catin.
(André Gill, La Muse à Bibi)
France, 1907 : Individualité. « S’il s’imagine que je vais me décarcasser pour sa paillasse ! »
France, 1907 : Ventre. Crever la paillasse à quelqu’un, le tuer.
Toujours bonne fille et sans corset, la France prit sur elle, et à ses frais, bien entendu, de mettre en œuvre l’utopie sentimentale du Bohême, et, sous tous les rois susnommés, des milliers de benêts, ses fils et nos pères, se firent crever glorieusement la paillasse pour assurer le droit contre la force et établir le fameux équilibre ! Cette besogne de la monarchie française est ce que l’on définit dans les manuels scolaires par la locution : « abaisser la maison d’Autriche. »
Que fit Louis XI ? — Il commença l’abaissement de la maison d’Autriche. — Que fit François Ier ? — Il continua à abaisser la maison d’Autriche. — Et Henri IV ? — Il abaissa la mais… ! — Et Richelieu ?… Et Louis XIV ?… — Sous leurs règnes, l’abaissement de la… etc., etc., et ainsi de suite, jusqu’au mariage de Napoléon avec Marie-Louise, ce dernier cran de l’abaissement est le coup du lapin aux Habsbourg.
(Émile Bergerat)
Paillasse (bourrer la)
Rigaud, 1881 : Manger. — N’avoir rien à fourrer dans la paillasse, n’avoir rien à manger.
Paillasse (brûler la)
France, 1907 : Partir de chez une fille sans la payer.
Paillasse (brûler)
Rigaud, 1881 : Partir en oubliant de déposer son offrande sur le coin de la cheminée d’une Vénus ambulante.
Paillasse (crever la)
Rigaud, 1881 : Porter des coups de pied dans le ventre de quelqu’un. — Se faire crever la paillasse, se faire assommer à coups de pied dans le ventre.
Paillasse (manger sa)
Rigaud, 1881 : S’agenouiller pour prier au pied de son lit, — dans le jargon des troupiers.
France, 1907 : Réciter ses prières à l’instar de beaucoup de dévotes, agenouillé devant son lit et la tête appuyée sur les matelas.
Paillasse à coups de poing
Rigaud, 1881 : Femme d’ivrogne.
Paillasse à soldat
Virmaître, 1894 : Femme sur laquelle tout un régiment couche. Mot à mot : qui sert de paillasse (Argot du peuple). N.
Paillasse à soldats
Rigaud, 1881 : Fille à soldats. — Prostituée sans prétention qui rôdaille autour des casernes, quœrens quem devoret.
Merlin, 1888 : Fille publique.
Hayard, 1907 : Fille de garnison.
Paillasse de corps-de-garde
Larchey, 1865 : Prostituée de dernier ordre. Comme les paillasses de corps-de-garde, elles changent continuellement de coucheurs. De là, le nom de paillasson donné aux hommes qui fréquentent les filles publiques, sans néanmoins être leurs souteneurs.
Chaque soir sur l’boul’vart, ma p’tite femm’ fait son trimar. mais, si el’s’porte s’l’paillasson, j’lui coup’la respiration. j’suis poisson.
(Ancienne chanson d’argot)
Paillasson
Delvau, 1864 : Homme trop porté sur son membre ; libertin à qui la qualité importe peu, pourvu qu’il ait la quantité.
J’ pine à l’œil et j’ m’en fais gloire,
C’est mon gout d’êtr’ paillasson.
(Chanson anonyme moderne)
Delvau, 1866 : s. m. Libertin, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi souteneur de filles. Mais le premier sens est le plus usité, et depuis plus longtemps, comme en témoigne ce passage d’une chanson qui avait, sous la Restauration, la vogue qu’a aujourd’hui la chanson de l’Assommoir :
Chaque soir sur le boulevard
Ma petit’ femm’ fait son trimar,
Mais si elle s’port’ sus l’paillasson,
J’lui coup’ la respiration :
Je suis poisson !
Rigaud, 1881 : Homme aimé un moment pour lui-même, — dans le jargon des filles.
Celui avec lequel elle passe un caprice, auquel ce se donne sans lui demander de l’argent, un paillasson.
(Paris-vivant, La Fille. 1858)
Rigaud, 1881 : Libertin qui ne craint pas de se frotter à toutes les paillasses des drôlesses.
Paillasson, quoi ! cœur d’artichaut. C’est mon genre : un’ feuill’ pour tout l’monde. Au jour d’aujourd’hui, j’gob’ la blonde ; Après-d’main, c’estlabrun’qu’im’faut.
(La Muse à Bibi, Le Paillasson)
La Rue, 1894 : Libertin. Amant de cœur.
France, 1907 : Amant d’une fille publique, d’une paillasse.
C’est d’nature, on a ça dans l’sang :
J’suis paillasson ! c’est pas d’ma faute,
Je m’fais pas plus marioll’ qu’un aut’e,
Mon pèr l’était ; l’Emp’reur autant !
(André Gill, La Muse à Bibi)
France, 1907 : Chevelure. N’avoir plus de paillasson à la porte, être chauve.
— Eh ben ! en v’là un vieux gâteux avec son crâne à l’encaustique ! S’il avait des cheveux, il serait encore assez réussi. Mais il n’a plus de fil sur la bobine, plus de crin sur la brosse, plus de gazon sur le pré ; il a le caillou déplumé, quoi ! Enfin, n’y a plus de paillasson à la porte.
(Baumaine et Blondelet)
France, 1907 : Petite pièce en un acte donnée avant une grande, autrement dit : lever de rideau.
Paillassonner
Delvau, 1864 : Courir les gueuses.
Rossignol, 1901 : Faire des paillons.
Paille
d’Hautel, 1808 : Cela se vend comme de la paille. Manière exagérée de dire qu’une marchandise a un grand débit, une grande vogue ; qu’on l’enlève.
Lorsqu’un auteur traite de son manuscrit avec un libraire, il ne cesse de répéter à ce dernier : monsieur, mon ouvrage est unique en son genre ; il se vendra, s’enlèvera comme de la paille ; imprimez, tirez à grand nombre… Mais malheur au trop crédule libraire qui se laisse aller à ces prophéties présomptueuses que l’on voit si rarement se réaliser.
Un homme de paille vaut une fille d’or. Se dit pour montrer la supériorité de l’homme sur la femme.
À la paille. Terme de soldat qui se dit quand l’exercice est fini, et qui équivaut à, allez vous-en ; allez vous reposer.
Il est dans la paille jusqu’au ventre. Se dit de quelqu’un qui est dans un lieu où il a toutes ses commodités, tout en abondance.
On dit dans le même sens, Ils sont comme rats en paille.
Tirer à la courte-paille. Se dit d’une chose que l’on tire au sort pour savoir à qui elle appartiendra.
Il a bien mis de la paille dans ses souliers. Se dit de quelqu’un qui s’est enrichi en fort peu de temps, et d’une manière illicite.
Il mourra sur la paille. Se dit d’un homme qui se ruine, qui dépense plus que sa fortune le lui permet.
Elle tire la paille. Se dit pour donner de la valeur à une chose quelconque, pour exprimer qu’elle est excellente, et par allusion à l’ambre, qui a la vertu de lever la paille.
Jeter la paille au vent. Ne savoir de quel côté on dirigera ses pas ; abandonner au hasard la marche d’une affaire.
Vidocq, 1837 : s. f. — Dentelle.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Larchey, 1865 : Dentelle (Vidocq). — Allusion à sa légèreté.
Delvau, 1866 : s. f. Dentelle, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Bombage des cartes destiné à favoriser le coupage dans le pont. (Argot des grecs). Paille, dans leur jargon, est synonyme de pont.
France, 1907 : Bagatelle ; le mot est employé dans un sens ironique, signifiant justement le contraire. « Huit jours de clou ! Une paille à tirer ! »
France, 1907 : Dentelle ; argot des voleurs.
France, 1907 : Tricherie au jeu de cartes, consistant à en onduler une et à la placer de façon à la reconnaitre, d’où l’expression couper dans la paille. C’est la même filouterie que le pont : « couper dans le pont. »
Paille (avoir ou prendre une)
France, 1907 : Avoir un commencement d’ivresse. « Tu es encore saoul, salaud ? – Oh ! je n’ai pris qu’une paille. »
Paille (c’est une)
Virmaître, 1894 : Signe d’étonnement qui veut dire beaucoup, trop gros fardeau à porter : C’est une paille que de porter ça là bas (Argot du peuple). N.
Paille (c’est une) !
Delvau, 1866 : Ce n’est rien ! Argot du peuple. L’expression est très ironique, et signifie toujours, dans la bouche de celui qui l’emploie, que ce rien est un obstacle sérieux.
Paille (croix de)
France, 1907 : Formule qui annonce la rupture d’un pacte, d’une convention dans un cas déterminé, prévu.
— Si tu ne me payes pas à la Saint-Jean, croix de paille, rien de fait.
Paille (feu de)
France, 1907 : Ardeur de courte durée. « Et ce grand amour ne fut qu’un feu de paille. »
Paille (homme de)
Rigaud, 1881 : Prête-nom. Individu qui assume sur lui la responsabilité d’une affaire. En général l’homme de paille touche des appointements fixes et fait tout ce qui concerne son état : des dettes, des dupes et de la prison.
France, 1907 : Prête-nom. Se dit aussi d’un homme sans énergie, sans valeur.
Paille (rompre la)
France, 1907 : Se brouiller ; rompre un accord, un marché.
Il faut rompre la paille. Une paille rompue,
Rend entres gens d’honneur une affaire conclue.
(Molière, Le Dépit Amoureux)
Paille au cul
France, 1907 : Vagabond, cheminot ; patois du Centre. « Avoir l’air d’un paille au cul, être minable, malpropre, déguenillé comme les vagabonds qui couchent dans les chenils ou les tas de paille et dont les guenilles gardent des traces de leur « lit ». Partir la paille au cul, être chassé, mis en réforme ; quitter le régiment étant puni de prison ou de salle de police. »
Paille au cul (avoir la)
Larchey, 1865 : Être mis à la réforme. On sait qu’on expose, après y avoir attaché un bouchon de paille, les objets dont on veut se défaire isolément.
La paille au cul, repassez la frontière, Cafards Bourbons.
(La Paille au cul, ch., 1832)
Delvau, 1866 : Être réformé, congédié ; mis hors de service, par allusion au bouchon de paille qu’on met aux chevaux à vendre.
Rigaud, 1881 : Être vendu ou à vendre comme homme politique. Le journaliste qui vend sa plume, le député qui trafique de son vote, ont la paille au cul. Allusion au bouchon de paille que les maquignons mettent au derrière des chevaux qui sont à vendre.
Virmaître, 1894 : Être mis à la réforme. L. L. S’en aller la paille au cul, c’est quitter le régiment en ayant encore de la salle de police ou de la prison à faire. Allusion à la paille sur laquelle couchent les prisonniers (Argot des troupiers). N.
Hayard, 1907 : Quitter le régiment en sortant de prison.
Paille au vent (jeter la)
France, 1907 : Se dit lorsque, étant incertain de sa route, l’on jette une paille au vent pour savoir d’où il souffle ; procédé qui, nous semble-t-il, n’indique pas beaucoup le chemin.
Paille de fer
Larchey, 1865 : Dans le récit d’un combat, H. Monnier fait dire à un vieux sergent :
À toi, à moi la paille de fer.
Allusion singulièrement pittoresque au hasard qui expose chaque combattant à un coup mortel. N’est-ce pas un vrai jeu de courte-paille ? — Seulement, les fétus sont des pointes meurtrières.
Delvau, 1866 : s. f. Baïonnette, — dans l’argot des troupiers. Signifie aussi : Fleuret, Epée.
Merlin, 1888 : Baïonnette.
France, 1907 : Baïonnette, fleuret, épée.
Paille de fer (atoi, z’ à moi la)
Rigaud, 1881 : Chacun à notre tour. Expression dont on se sert pour se stimuler. Deux ouvriers attelés à la même besogne, deux forgerons, principalement, qui frappent à tour de rôle sur le fer sortant de la forge, s’excitent au cri de : À toi, à moi la paille de fer ! La paille de fer c’est la barre de fer.
Tout d’un coup le drapeau tombe. On se jette dessus… À toi z’ à moi la paille de fer !
(Alph. Arnault et L. Judicis, Les Cosaques)
Paille sur le tabouret (ne plus avoir de)
Rigaud, 1881 : « On dit à présent en parlant d’un monsieur chauve comme un œuf : Il n’a plus de paille sur le tabouret. » (Tam-Tam, 1880)
Paille-en-cul
France, 1907 : Nom vulgaire du Trichiurus lepturus, poisson qui vit dans les eaux douces de l’Amérique méridionale, des Indes et de la Chine. Il est fort mince et ressemble à une lame de sabre ou à une grande paille, car il atteint souvent une longueur d’un mètre.
Pailler
d’Hautel, 1808 : Il est fort sur son pailler. Signifie qu’un homme a de l’autorité, de la puissance chez lui ; qu’il sait se faire obéir dans sa maison.
Rigaud, 1881 : Préparer une paille en battant les cartes. (L. Larchey)
France, 1907 : Disposer d’avance les cartes d’un jeu ; argot des grecs.
Pailler, paillier
France, 1907 : Tas de paille, meule de foin. Chenil. Grange, basse-cour d’une métairie où il y a de la paille, du foin. Hangar formé de perches recouvertes de paille. Mauvais lit.
C’est un coq sur son pailler, c’est un individu qui se sent chez lui et qui par conséquent parle et agit en maître. On dit aussi être sur son pailler.
Il est bien fort, bien fier sur son pailler, il est fort, fier, dans le lieu qu’il habite près de ceux qui peuvent prendre son parti, le soutenir. Voltaire, parlant des juges qui ont condamné La Barre, Calas, Sirven, s’exprime ainsi :
Je voudrais que les gens qui sont si fiers et si rogues sur leurs paillers voyageassent un peu dans l’Europe, qu’ils entendissent ce que l’on dit d’eux, qu’ils vissent au moins les lettres que les princes éclairés écrivent sur leur conduite.
(Glossaire du Centre)
Paillès
France, 1907 : Boucles de cheveux en tire-bouchon que les juifs polonais laissent croitre sur leurs tempes.
Les cheveux sont presque toujours coupés ras, sauf les paillès que le fer ne doit jamais toucher, pas plus que la barbe dont l’hirsute virginité est un hommage au Créateur.
Pailletée
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse du boulevard, — dans l’argot des voyous, qui sont souvent les premiers a fixer dans la langue une mode ou un ridicule. Pour les curieux de 1886, cette expression voudra dire qu’en 1866 les femmes du monde interlope portaient des paillettes d’or partout, sur leurs voilettes, dans leurs cheveux, sur leurs corsages, etc. Elle a été employée pour la première fois en littérature par M. Jules Claretie. J’ai entendu aussi un voyou s’écrier, en voyant passer dans le faubourg Montmartre une de ces effrontées drôlesses qui ne savent comment dépenser l’or qu’elles ne gagnent pas : Ohé ! la Dantzick.
France, 1907 : On appelait ainsi vers 1866 les filles et femmes de mœurs légères qui portaient des paillettes d’or ou de clinquant sur leur voilette, leur corsage, et jusque dans leurs cheveux. Ce mot, d’après Alfred Delvau, aurait été employé la première fois en littérature par Jules Claretie.
Paillette
d’Hautel, 1808 : Des souliers à paillettes. Souliers où il y a beaucoup de clous, comme le sont ceux des porte-faix, des porteurs d’eau, et généralement de tous les hommes de peine.
Paillon
Vidocq, 1837 : s. m. — Cuivre.
Larchey, 1865 : Cuivre (Vidocq). — Allusion de couleur.
Rossignol, 1901 : Infidélité. Une fille publique fait un paillon lorsqu’elle se donne à un homme et que ça ne lui rapporte rien.
France, 1907 : Infidèle ; irréligieux. Corruption de parpaillot.
Paillot
Delvau, 1866 : s. m. Paillasson à essuyer les pieds, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Paillasson. — Plaquer la tournante sous le paillot, mettre la clé sous le paillasson.
France, 1907 : Lit, vieux mot ; évidemment dérivé de paille.
France, 1907 : Paillasse d’enfant, remplie de menue paille.
France, 1907 : Paillasson. « Plaquer la tournante sous le paillot », cacher la clef sous le paillasson.
Paillotte
France, 1907 : Toiture de feuillage soutenue par quatre piquets dont les troupes se servent au Sénégal pour se mettre à l’abri des ardeurs du soleil.
Pain
d’Hautel, 1808 : La rue au pain. Pour dire, le gosier, l’avaloir, la vallée d’Angoulême, de Josaphat.
C’est bien le pain. Locution vulgaire qui équivaut à, c’est bien ce qu’il faut ; cela fait bien mon affaire.
Pain de munition. Voy. Munition.
M. ou madame qui a le pain. Sobriquet que l’on donne par plaisanterie à celui ou celle qui se charge à table de servir le pain. On prononce calepin, comme si ces trois mots n’en faisoient qu’un.
Il n’y a pas long-temps qu’il mangeoit le pain d’un autre. Se dit par raillerie d’un homme qui fait le hautain, et dont la première condition étoit la domesticité.
Pain coupé n’a point de maître. Se dit par plaisanterie à table, lorsqu’en se trompant, on prend le pain de son voisin.
Il a mangé de plus d’un pain. Se dit d’un homme qui a vu du pays ; qui s’est trouvé dans des positions fort différentes les unes des autres.
Il sait son pain manger. Se dit d’un homme industrieux, intelligent, qui sait se tirer d’affaire.
Il ne vaut pas le pain qu’il mange. Se dit d’un homme oisif, paresseux et fainéant, qui ne fait œuvre de ses dix doigts.
Le pain lui vient quand il n’a plus de dents. Pour dire, que le bien arrive dans un temps où l’âge et les infirmités en ôtent toute la jouissance.
Avoir son pain cuit. Être à son aise, pouvoir vivre sans travailler ; avoir sa subsistance assurée.
C’est autant de pain cuit. Signifie qu’une chose que l’on a faite, et qui ne peut être employée pour le présent, servira dans un temps plus éloigné.
C’est du pain bien dur. Se dit d’un emploi pénible, dans lequel la nécessité contraint de rester.
Il a eu cette maison pour un morceau de pain. Pour dire à fort bon compte, à fort bas prix.
Faire passer le goût du pain à quelqu’un. Le faire mourir ; le tuer, l’assassiner.
Il a mangé le pain du roi. Pour, il a été plusieurs fois en prison.
Rendre le pain bénit, ou ses comptes. Manière basse et grossière de dire qu’un homme gorgé de nourriture la rejette, vomit.
Ôter le pain de la main de quelqu’un. Lui ôter les moyens de subsister.
Faire la guerre au pain. Manger avec appétit ou de fort gros morceaux de pain, comme le font les jeunes gens, et notamment les écoliers.
Chercher son pain. Pour dire mendier, demander l’aumône.
Delvau, 1866 : s. m. Coussin de cuir, — dans l’argot des graveurs, qui placent dessus la pièce a graver, bois ou acier.
Rigaud, 1881 : Coussinet en cuir dont se servent les graveurs pour poser la planche à graver.
Rigaud, 1881 : Soufflet, coup de poing sur le visage. Le mot pain traduit le bruit produit par un soufflet bien appliqué. Coller un pain, donner une gifle. M. Larchey écrit paing et donne poing comme étymologie. Passer chez paing, recevoir des coups.
La Rue, 1894 : Coup au visage.
Hayard, 1907 : Coup.
France, 1907 : Coup de poing sur le visage.
Que, formidable, Richepin
Provoque le Géant alpin
Et le tombe et lui flanque un pain.
(Catulle Mendès)
France, 1907 : Coussin de cuir sur lequel les graveurs placent la pièce à graver.
Pain ? (et du)
Larchey, 1865 : As-tu ou Ai-je de quoi manger ? — Donnez des conseils à un malheureux affamé, il vous ramène à la question par ces mots qui en résument toute l’immédiativité : Et du pain ? — Gavarni montre un masque abordant avec ces mots un domino femelle, qui l’attend, binocle sur les yeux :
Pus qu’ça de lorgnon… Et du pain ?
La question déchire d’un seul coup les faux dehors de cette femme élégante qui n’a peut-être pas dîné pour acheter des gants.
Pain (et du) !
Delvau, 1866 : Exclamation ironique de l’argot du peuple, qui la coud à beaucoup de phrases, quand il veut refuser à des importuns ou se moquer de gens prétentieux. Ainsi : « As-tu cent sous à me prêter ? — Cent sous ! Et du pain ? » Ou bien à propos d’un gandin qui passe, stick à la bouche, pince-nez sur l’œil : « Plus que ça de col ! Et du pain ? » etc.
Pain (et du) ?
Rigaud, 1881 : Et le nécessaire ? Expression à l’adresse des gens qui font des dépenses peu en rapport avec leur position. — Réplique à une proposition extravagante sous le rapport de la dépense. — Demandez à un ouvrier convalescent pourquoi il ne mange pas, à tous ses repas, de bons biftecks saignants arrosés de bon vin de Bordeaux. Il répondra : Et du pain ?
Pain (faire perdre le goût du)
Rigaud, 1881 : Tuer. — Je te ferai perdre le gout du pain.
Pain (ton, son)
Rigaud, 1881 : Réplique qui, au régiment, équivaut à : « Rien du tout ». — Je vais t’étriller si tu m’em… bêtes. — Tu nés pas le diable ; tu étrilleras ton pain. — Le brigadier a dit qu’il te ficherait à Cours. — Il y f… son pain ; ici, toi, tu commandes ton pain.
Pain à 36 trous
Merlin, 1888 : Biscuit de troupe.
Pain à cacheter
Rigaud, 1881 : Entêté, — dans le jargon des voyous. L’homme entêté tient à son idée, comme le pain à cacheter tient au papier.
Rigaud, 1881 : Hostie. — Tortorer le pain à cacheter, communier, — dans le jargon du peuple.
France, 1907 : L’hostie. Elle affecte la forme et elle est de même pâte que les pains à cacheter. Torturer le pain à cacheter, communier.
Sont-ils d’avis que le mariage est un sacrement et non un contrat civil et que, pour être valable et respectable, l’union de deux jeunes gens doit être formellement consacrée par un homme habillé en femme, qui lève les mains sur des rondelles de pain à cacheter en chantant trois fois : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus !
(Edmond Lepelletier, Mot d’ordre)
Pain à cacheter (le)
Rigaud, 1881 : La pleine lune.
Pain à chanter
France, 1907 : Pain bénit, corruption de pain enchanté, qui est lui-même une corruption de pain en chantel ou en chanteau, fraction de pain, le pain bénit étant distribué aux fidèles en petites fractions. Les boulangers appellent encore chanteau le morceau de pain qu’ils ajoutent pour parfaire le poids.
Pain à deux couteaux ne fut jamais ni bon ni beau
France, 1907 : On appelle pain à deux couteaux celui qui, étant trop humide ou mal cuit, laisse le couteau si pâteux après qu’on l’a coupé que si l’on en veut couper une seconde fois, il faut se servir d’un autre couteau.
Pain à trente-six trous
France, 1907 : Biscuit de troupe ; tout le contraire du pain de chapitre ; argot des troupiers qui sont rarement satisfaits de ce qu’on leur donne. Le pain à trente-six trous est excellent lorsqu’il n’est pas trop vieux.
Pain bénit
France, 1907 : Punition méritée.
— En a-t-il fait des fredaines ! En a-t-il trompé de pauvres filles ! Maintenant le voilà cocu… C’est pain bénit !
(Les Propos du Commandeur)
Pain bénit (c’est)
Delvau, 1866 : Ce n’est que justice, c’est bien fait.
Pain cuit
Rossignol, 1901 : Ne plus avoir longtemps à vivre.
Pain cuit (avoir son)
Rigaud, 1881 : Avoir des rentes suffisantes pour vivre. Mot à mot : avoir sur la planche du pain cuit pour le restant de ses jours. — Être condamné à mort. Mot a mot : avoir du pain cuit sur la planche de la guillotine.
France, 1907 : Se dit d’une personne en train de partir pour l’autre monde. On dit aussi : avoir assez de pain de cuit.
Pain d’alouette
France, 1907 : Le fruit de l’aubépine. Pain que la bergère a de reste de son goûter et qu’elle rapporte des champs aux enfants de la maison, comme on fait du pain bénit. Patois du Centre.
Pain de chapitre
France, 1907 : Pain de première qualité. Le chapitre est l’assemblée où les chanoines traitent de leurs affaires : l’on a donné par extension ce nom à toute assemblée de moines ; on sait que ceux-ci avaient l’habitude de se bien traiter et consommaient tout ce qu’il y avait de meilleur. « Quand il est question d’exprimer en un mot un vin bon par excellence, et fus-ce pour la bouche d’un roi, il faut venir au vin théologal ; pareillement s’il est question de parler d’un pain ayant toutes les qualités d’un bon et bien friand pain…, ne faut-il pas venir au pain du chapitre ? » (Satire Ménippée). Un proverbe dit : Communautés commencent par bastir leur cuisine.
Pain de hanneton
France, 1907 : Grappe de boutons que produit le marronnier avant d’être en fleurs et dont les hannetons sont très friands.
…J’aime sous les charmilles
Dans le parc Saint-Fargeau, voir les petites filles
Emplir leurs tabliers de pain de hannetons.
(Théophile Gautier)
Dans les départements du Centre, on appelle pain de hanneton le fruit de l’orme.
Pain de la bouche (ôter le)
Rigaud, 1881 : Empêcher quelqu’un d’obtenir un emploi, lui faire perdre sa place.
Pain de noix
France, 1907 : Tourteau ; résidu de la fabrication de l’huile de noix.
Pain ni pate (n’avoir)
France, 1907 : Être dépourvu de tout. Provincialisme.
Pain polka
Rigaud, 1881 : Pain long et plat de 4 livres, — dans le jargon des boulangers.
Pain quotidien (le)
Delvau, 1864 : L’acte vénérien, qu’un mari et une femme, ou plutôt un amant et une maîtresse accomplissent volontiers chaque jour, matin et soir, sans y manquer, — de peur de laisser mourir leur amour d’inanition.
Le mari et la femme, cela est bon, vois-tu, mais il n’est pas encore si bon que les autres, à cause qu’il est plus ordinaire et que c’est leur pain quotidien.
(Mililot)
La plus aimable des comtesses,
Ne refusez pas votre bien ;
Tous les jours quatre politesses
Seront votre pain quotidien.
(Collé)
Pain raté
Rigaud, 1881 : Pain entamé par les rats, pain trop dur. — Pain ars, pain brûlé. — Pain métourné, pain trop petit, — dans le jargon des boulangers. Pain à grigne, pain fendu.
Pain rouge (manger du)
Halbert, 1849 : Vivre d’assassinats.
France, 1907 : Vivre d’assassinats.
Paris, comme toutes les grandes villes, donne asile à quantité de repris de justice, parmi lesquels des assassins de la pire espèce qui mangent du pain rouge parfois pendant plusieurs années sans jamais être pris.
Pain sur l’ais (avoir du)
France, 1907 : Avoir sa subsistance assurée. « Que de pauvres gens voudraient avoir du pain sur l’ais pour le restant de leurs jours ! » Patois du Centre. On dit aussi : avoir du pain cuit, du pain sur la planche.
Pain sur la fournée (prendre un)
La Rue, 1894 : Prendre des arrhes sur le mariage.
France, 1907 : Avoir des relations intimes avec une fille avant le mariage.
— Laisse-toi faire, va, puisque nous nous marions dans huit jours, c’est un pain pris sur la fournée, voilà tout.
— Non, non. Il ne serait pas cuit et tu ne pourrais le digérer. Il faut que Monsieur le maire allume le four.
Pain sur la planche (avoir du)
Merlin, 1888 : Avoir une collection de punitions.
Pain-là (ne pas manger de ce)
Rigaud, 1881 : Repousser une proposition, un gain indignes d’un honnête homme.
Paing
France, 1907 : Poing. « Passer chez paing », battre. « Rapplique un peu, j’vas te passer chez paing. »
C’est aussi un coup de poing.
…Mais pas pègre à la mi’d’pain :
Pègre d’naissanc’, d’autor et d’riffe,
Pègre d’la haute j’colle un paing,
Au pantrio, quand i’se r’biffe.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Pains (passer chez)
La Rue, 1894 : Battre à coups de poing.
Pains au lait
France, 1907 : Seins de femme.
Que j’aime la tournure
Des petits pains au lait
Que la simple nature
A mis dans ton corset !
(Chevalier de Boufflers)
Paire
d’Hautel, 1808 : Être ensemble comme une paire d’amis. Vivre en bonne intelligence et en familiarité.
Une paire de soufflets. Pour dire deux soufflets appliqués à la fois et de la même main.
Les deux font la paire. Se dit en mauvaise part de deux personnes de mêmes inclinations, qui font société ensemble ; pour exprimer qu’elles se ressemblent parfaitement ; qu’elles sont bien appariées ; ou qu’elles ne valent pas mieux l’une que l’autre.
Paire (se faire la)
Hayard, 1907 : Se sauver.
France, 1907 : Se sauver, courir. Jambes est sous-entendu : se faire la paire de jambes. On dit également se faire la paire de mains courantes.
— Oùs qu’est ma menesse ? Veux-tu calter, Pamela… Non, mais n’s’fera pas la paire… C’est-y cruche une marmotte !
(A. Bruant, Les Bas-fonds de Paris)
Diner à la paire, se sauver sans payer après le repas.
J’ai connu à la Roquette un peintre en bâtiments ; depuis cinq à six ans, tous les hivers, il rappliquait passer sa saison. Il avait environ trois mois à tirer pour un coutumier dîner à la paire.
(La Sociale)
Paire de cymbales
Delvau, 1866 : s. f. Pièce de dix francs, — dans l’argot facétieux des faubouriens.
France, 1907 : Pièces de dix francs : argot des faubouriens.
Paire de manches (autre)
France, 1907 : C’est une autre affaire, ce n’est pas la même chose. D’après C. de Méry, cette locution daterait du règne de Charles V. Il était de mode alors de porter une espèce de tunique serrée à la taille et qu’on nommait cotte-hardie ; elle montait jusqu’au cou, descendait jusqu’aux pieds et avait la queue trainante pour les personnes de distinction seulement. Les manches en étaient fort étroites, mais on y adapta une autre paire de manches très larges, dites à la bombarde, sans doute à cause des voiles carrées des petits navires marchands de la Méditerranée appelés de ce nom, dont elles imitaient la forme, flottant à vide jusqu’à terre. Ces secondes manches, qui ne servaient absolument à rien, coûtaient beaucoup plus cher que les véritables. « Oui, mais ce n’était pas la même chose, c’était une autre paire de manches », disait-on. Ces cottes-hardies étaient fort luxueuses, mais moins cependant que les cottes d’armes qui n’avaient pas de manches et ne tombaient que jusqu’aux genoux. Les princes et les chevaliers seuls avaient le droit de s’en revêtir. Quand on relevait les morts sur le champ de bataille, il suffisait de compter les cottes de mailles pour avoir le nombre des princes et chevaliers tués. Le luxe des costumes militaires était tel qu’il fit dire à Martin Dubellay à l’occasion du camp du Drap d’or (1520) où se rencontrèrent Henri VIII et François Ier : « Maints seigneurs y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prés sur leurs épaules. » Cependant il parait que sous Louis XI l’usage de la cotte de mailles commençait à se perdre, car l’on sait que Charles le Téméraire, tué à la bataille de Nancy (1477), ne portait pas cet insigne de haute chevalerie. Mais, c’est une autre paire de manches.
M. Quitard donne une tout autre explication de cette locution dans ses Proverbes sur les femmes. D’après lui, elle rappellerait un usage pratiqué au XIIe siècle par des personnes de sexe différent qui voulaient former une tendre liaison. « Ils échangeaient, dit-il, une paire de manches comme gage du don naturel qu’ils se faisaient de leur cœur, et ils se les passaient au bras en promettant de n’avoir plus désormais de plus chère parure, ainsi qu’on le voit dans une nouvelle du troubadour Vidal de Besaudun, où il est parlé de deux amants qui se jurèrent de porter manches et anneaux l’un de l’autre. Ces enseignes on livrées d’amour, destinées à être le signe de la fidélité, devinrent presque en même temps celui de l’infidélité : car, toutes les fois qu’on changeait d’amour, on changeait aussi de manches… Aussi tel ou telle qu’on s’était flatté de tenir dans sa manche s’en débarrassaient au plus vite sans le moindre scrupule, et, en définitive, c’était toujours une autre paire de manches. » D’où le dicton : On fait l’amour, et quand l’amour est fait, c’est une autre paire de manches.
Paire de manches (c’est une autre)
Rigaud, 1881 : C’est bien différent.
Paître
d’Hautel, 1808 : Qu’il aille paître. Se dit, pour se débarrasser de quelqu’un qui importune par ses demandes continuelles, et équivaut à, qu’il aille se promener ; qu’il aille au diable.
Paix
d’Hautel, 1808 : Dieu lui fasse paix. Se dit en parlant d’une personne morte, pour exprimer qu’on lui pardonne tout le mal qu’elle a fait de son vivant.
Paix-là
Rigaud, 1881 : Huissier-audiencier. Le cri de l’homme pour l’homme même.
Palabre
Delvau, 1866 : s. m. Discours ennuyeux, prudhommesque, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot aux marins, qui l’avaient emprunté à la langue espagnole, où, en effet, palabra signifie parole.
Virmaître, 1894 : Discours ennuyeux, prudhommesque. Palabra, en langue espagnole, signifie parole, il est vrai, mais ce n’est pas le sens dans le langage populaire. Palabre trembleuse : figure de bourgeois qui tremble à propos de rien, qui a peur de son ombre, qui se cache au moindre bruit. Palabre signifie figure :
— Le biffard a tellement la frousse que sa palabre défargue (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Discours ennuyeux.
France, 1907 : Paroles oiseuses, discours longs, pompeux, inutile ; de l’espagnol palabra, parole. On appelle palabre une conférence avec un roi nègre où l’on dépense inutilement beaucoup de paroles. C’est aussi les présents que les commerçants offrent à ces chefs de villages que nous appelons rois, pour les amadouer et se maintenir en bonne intelligence avec eux.
Écoutez-les : les mots sont changés, mais foutre, grattez l’écorce des palabres et, au-dessous, vous dégotterez la substance léthargique et vénéneuse que, de tous temps, ont utilisé les prêtres et les gouvernants de tout poil.
(Le Père Peinard)
Palabrer
France, 1907 : Parler, bavarder.
Paladier
anon., 1827 : Un pré.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prairie.
Bras-de-Fer, 1829 : Pré.
Halbert, 1849 : Un pré.
Paladin
d’Hautel, 1808 : Faire le paladin. Faire l’important, le fat ; se faire passer pour quelque chose.
Palais
Virmaître, 1894 : Pièce de cinq francs. Allusion à la forme plate du palais qui sert pour jouer au tonneau (Argot du peuple). V. Tune.
France, 1907 : Pièce de cinq francs, pour palet.
Palais (courrier du)
France, 1907 : Voiture cellulaire appelée aussi panier à salade. Les Anglais la désignent sous le nom de Noire Maria.
Palais du four
Delvau, 1866 : s. m. Monument élevé par Charles Monselet, dans le Figaro, en l’honneur des victimes malheureuses de la littérature et de l’art, des artistes et des gens de lettres qui, en croyant faire une œuvre digne d’admiration, n’ont fait qu’une œuvre digne de risée.
Palantin
d’Hautel, 1808 : Nigaud, lambin, niais, badaud, janot, musard, fainéant, paresseux.
Palantiner
d’Hautel, 1808 : Niaiser, lambiner, muser ; être toujours en extase ; bayer aux corneilles, fainéantiser.
Palas
France, 1907 : Beau, joli ; argot des voleurs.
Pale
Delvau, 1866 : s. m. As et deux, — dans l’argot des joueurs de dominos. Asinet. As tout seul.
Pâle
France, 1907 : Le blanc, au jeu de dominos.
Pâle (du)
Rigaud, 1881 : La couleur blanche au jeu de dominos. — Les professeurs de dominos disent également la blancheur en ajoutant le nom d’une dame blonde de leur connaissance, délicat hommage à la beauté.
Palefrenier
d’Hautel, 1808 : Valet qui panse les chevaux ; et non palefermier, comme le disent les personnes sans éducation.
Paleron
France, 1907 : Pied ; argot des voleurs.
Palet
Fustier, 1889 : Argent.
La Rue, 1894 : Pièce de 5 francs.
Palet, paletin
France, 1907 : Pièce de monnaie ; tire ce nom de l’emploi qu’on en fait au jeu de palet.
Palete
France, 1907 : Omoplate du porc.
Paletot
Delvau, 1866 : s. m. Cercueil, — dans l’argot des marbriers de cimetière.
Rigaud, 1881 : Cercueil, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau)
France, 1907 : Cercueil.
Paletot court
Fustier, 1889 : Une des dernières incarnations du gommeux.
Les poisseux essayèrent de prévaloir, mais ils n’étaient en somme que des gommeux déguisés ; ils n’eurent aucun succès. A présent, nous avons les paletots courts.
(La Comédie moderne, journal, 1882)
Paletot sans manche
Rossignol, 1901 : Cercueil.
Palette
d’Hautel, 1808 : Cela sent la palette. Se dit d’un tableau fait par un peintre médiocre dont le défaut consiste à mal éteindre ses couleurs, ce qui rend les touches trop crues.
Vidocq, 1837 : s. f. — Main. Terme usité parmi les voleurs italiens et provençaux.
Delvau, 1866 : s. f. Guitare, — dans l’argot des musiciens ambulants.
Rigaud, 1881 : Grande et large dent. — Guitare de musicien ambulant.
France, 1907 : Dent.
« Des palettes, pas de gigot ; quand vient le gigot, plus de palettes. » Jeune, on n’a pas le sou, et quand on devient riche, on est trop vieux pour jouir de sa fortune.
France, 1907 : Guitare.
France, 1907 : Main.
— Le diable m’enlève si je me sauve ! Les palettes et les paturons ligotés !
(Mémoires de Vidocq)
France, 1907 : Pièce de cinq francs.
Palichon
France, 1907 : Double blanc, au jeu de dominos.
Pâlichon
Delvau, 1866 : s. m. Double blanc, — dans l’argot des joueurs de dominos. Ils disent aussi Blanchinet.
Pâlir
La Rue, 1894 : Tuer.
France, 1907 : Tuer. On fait pâlir, en effet, la personne qu’on tue.
Palladier
Vidocq, 1837 : s. — Pré.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Rigaud, 1881 : Pré, — dans l’ancien argot.
Pallas
Delvau, 1866 : s. m. Discours, bavardage, — dans l’argot des typographes et des voleurs. Faire pallas. Faire beaucoup d’embarras à propos de peu de chose.
Rigaud, 1881 : Beau, joli, — dans l’argot des barrières. Déformation de « pas laid ».
Rigaud, 1881 : Harangue de banquiste.
Ensuite il commence tout à coup son pallas d’une voix sourde et vibrante à la fois.
(V. Fournel, Ce qu’on voit dans les rues de Paris)
Boutmy, 1883 : s. m. Discours emphatique ou plutôt amphigourique. C’est sans doute par une réminiscence classique qu’on a emprunté ironiquement pour désigner ce genre de discours l’un des noms de la sage Minerve, déesse de l’éloquence. Que de pallas finissent par des mastics !
La Rue, 1894 : Beau, joli. Boniment du banquiste. Faire pallas, faire des manières.
Virmaître, 1894 : Discours.
— Tu ne vas pas bientôt nous lâcher le coude avec ton pallas à dormir debout.
— Viens-tu entendre le bénisseur, il va pallasser sur la tombe de son ami (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Ce mot à deux significations : comme substantif il veut dire : discours, boniment ; comme adjectif il signifie : beau superbe.
France, 1907 : Discours, boniment. Dans l’argot des typographes, c’est un discours embrouillé. « Pousser son pallas », parler. « Terme des camelots et des saltimbanques, dit F. Michel, emprunté à l’ancienne germania espagnole, où « hacer pala » se disait quand un voleur se plaçait devant la personne qu’il s’agissait de voler, dans le but d’occuper ses yeux. »
Son pallas ne variait jamais : Voulez-vous, disait-il, vous amuser en société ? achetez ma poudre ; c’est un secret que m’a légué un de mes aïeux. Marin, son navire fit naufrage ; il échoua dans une île sauvage, la fille du roi devint amoureuse de lui et elle lui proposa de choisir entre l’épouser ou être mangé à une sauce quelconque. Il épousa.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
En opposition à l’explication de F. Michel, Boutmy donne comme origine l’un des noms de la sage Minerve, déesse de l’éloquence. Mais nous adopterions plutôt l’opinion de Lorédan Larchey qui fait de ce mot une abréviation de parlasser.
Pallas (faire)
Vidocq, 1837 : v. a. — Faire le grand seigneur, de l’embarras avec peu de chose. Terme des Camelots et saltimbanques.
Larchey, 1865 : Faire des façons, des embarras. — L’argot paraît s’être piqué là de certaines connaissances mythologiques, car Minerve faisait parfois la renchérie.
Au pré finira ton histoire, et là l’on n’y fait plus pallas.
(Vidocq)
Rigaud, 1881 : Faire des embarras, prendre de grands airs comme en prennent les saltimbanques en débitant leurs boniments.
France, 1907 : Faire des manières ; c’est-à-dire, par ampliation, vouloir imiter Minerve, déesse de la sagesse, par conséquent de la pruderie.
— Au pré finira ton histoire et là l’on n’y fait plus pallus.
(Mémoires de Vidocq)
Faut que j’te d’mande encor quèqu’chose,
Ça s’rait qu’t’aill’s voir un peu mes vieux,
Vas-y, dis, j’t’en pri’, ma p’tit’ Rose,
Malgré qu’t’es pas ben avec eux,
Je n’sais rien de c’qui leur arrive…
Vrai, c’est pas pour fair’ du pallas,
Mais j’voudrais ben qu’moman m’écrive
À Mazas.
(Aristide Bruant)
Pallas (faiseur de)
Rigaud, 1881 : Faiseur d’embarras. — Saltimbanque débitant son boniment.
Pallasser
Boutmy, 1883 : v. intr. Faire des phrases, discourir avec emphase.
France, 1907 : Parler avec emphase, débiter pompeusement des lieux communs, comme la plupart des orateurs de réunions publiques ; corruption de parlasser.
Pallasseur
Delvau, 1866 : s. m. Faiseur de discours, bavard.
Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui a l’habitude de faire des phrases, des pallas.
La Rue, 1894 : Faiseur de belles phrases, de pallas.
Virmaître, 1894 : Individu qui parle d’abondance, longuement, sur tout ce qu’il ne sait pas.
— Gare aux inondations ! le pallasseur a ouvert son robinet (Argot du peuple).
France, 1907 : Beau discoureur, débiteur de panacée universelle.
Palleron
France, 1907 : Petite pelle.
Pallide
France, 1907 : Pâle ; vieux mot.
L’aurore, vierge moult timide,
Vestue d’un tixu legier,
Va boyre au resveil sans dangier
Les larmes de la fleur humide,
Quand se lève, bien sait changier
L’ombre espaisse en lueur pallide…
(G. de Calvé des Jardins, Les Oberliques)
Pallot
Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Halbert, 1849 : Paysan.
Larchey, 1865 : Paysan (Vidocq). — Au moyen âge, palot signifiait bêche. V. Roquefort.
Pallot, -te
Vidocq, 1837 : s. — Paysan, paysanne.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Pallot, pallotte
France, 1907 : Paysan, paysanne : ils manient la pelle. Vieux mot.
Pallots
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Paysans.
Pallotte
France, 1907 : Lune ; argot des voleurs.
Palmarès
Rigaud, 1881 : Liste des récompenses accordées aux lycéens, le jour de la distribution des prix à la Sorbonne. De palma, palme.
Palmé
Delvau, 1866 : s. et adj. Homme bête comme une oie, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Imbécile, niais, digne d’avoir pour pieds des pattes palmées comme celles des oies.
Palmé (être)
Fustier, 1889 : Avoir les palmes d’officier d’Académie. Locution ironique et plus que familière.
Quand le maire ne reçoit pas le ruban rouge, il reçoit le ruban violet, il est palmé.
(Illustration, juillet 1885)
France, 1907 : Avoir les palmes académiques, être décoré du ruban violet.
Le ruban violet, le ruban des palmes académiques, n’a sa couleur actuelle que depuis 1866.
Jusque-là, insigne d’officier d’Académie était passé par toute une série de transformations, depuis le décret du 17 mars 1808 en vertu duquel la double palme des universitaires devait être brodée au revers de l’habit en soie blanche et bleue, jusqu’au 24 novembre 1852 où un nouveau décret y substituait la soie violette et d’argent.
Puis, de décisions en décisions, l’insigne brodé gagna la boutonnière où les titulaires devaient le porter en un ruban de soie noire moirée sur lequel était brochée la double palme d’argent.
Le ruban violet moiré actuel est dû à l’initiative de Victor Duruy, ministre de l’instruction publique sous le second empire.
Palmipède
France, 1907 : Imbécile. Même sens que palmé.
Palois
France, 1907 : Habitant de la ville de Pau.
Palot
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, un rustre, un lourdaud ; homme brusque et grossier, sans principes ni instruction.
Pâlot, pâlotte
Rigaud, 1881 : Paysan, paysanne ; de palea, paille.
Pâlotte (la)
Rigaud, 1881 : La lune, — dans le jargon des voleurs.
Palper
d’Hautel, 1808 : Palper les écus. Aller recevoir de l’argent ; aimer à toucher, à compter des écus.
Larchey, 1865 : Toucher de l’argent (d’Hautel, 1808).
Delvau, 1866 : v. a. et n. Toucher de l’argent, — dans l’argot des employés.
Rigaud, 1881 : Recevoir de l’argent, toucher ses appointements, — en terme de bureaucrate.
Rossignol, 1901 : Toucher. — « Laisse-moi te palper, voir si tu n’as pas mon tabac. » — « j’ai palpe mes appointements. »
France, 1907 : Recevoir, toucher de l’argent. « Palper de la galette, des monacos. » Argot populaire ; en béarnais, palpar.
Palper (pouvoir se)
Fustier, 1889 : Ne pas obtenir ce que l’on désire. C’est une variante de pouvoir se fouiller. (V. ce mot au Dictionnaire)
C’est pour ça que vous m’avez fait monter ? Ah bien ! Vous pouvez vous palper, par exemple !
(Événement, octobre 1885)
Palpeur
Virmaître, 1894 : Juge d’instruction. Il palpe en effet les prisonniers pour les faire avouer. Cette expression est plus jolie que l’ancienne : curieux (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Juge d’instruction. Il palpe en tous sens, au figuré, l’accusé. Argot des voleurs.
Palpitant
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Cœur.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cœur.
Halbert, 1849 : Cœur.
Larchey, 1865 : Cœur ému. V. Coquer, Battant.
Delvau, 1866 : s. m. Le cœur, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Cœur, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Cœur.
Virmaître, 1894 : Le cœur (Argot des voleurs). V. Grand ressort. N.
France, 1907 : Le cœur.
— Nous l’avons échappé belle. J’en ai encore le palpitant qui bat la générale.
(Mémoires de Vidocq)
Une extase, vague et sans bornes,
Dilate tous les palpitants…
Bien des fronts sont dotés de cornes…
C’est le printemps ! C’est le printemps !
(Grammont)
Paltoquet
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, homme grossier, lourd et épais ; un rustre, un iroquois.
Delvau, 1866 : s. m. Drôle, intrus, balourd, — dans l’argot des bourgeois.
Paludier
France, 1907 : Ouvrier qui travaille dans les marais salants.
Pâmer
d’Hautel, 1808 : Se pâmer de rire. Rire à gorge déployée ; comme un fou.
Faire la carpe pâmée. Feindre de se trouver mal ; faire la bégueule, la dégoûtée, la dédaigneuse ; ainsi que le pratiquent les petites maîtresses et les damoiseaux.
Pâmer (se)
Delvau, 1864 : S’évanouir agréablement en jouissant, soit lorsqu’on se branle, soit lorsqu’on est femme et qu’on sent besogner vigoureusement le mâle.
La nature entière se pâme
Sous le vit du plus beau des dieux.
(Anonyme)
Pameur
Delvau, 1866 : s. m. Poisson, — dans l’argot des voleurs qui ont remarqué que les poissons une fois hors de leur élément natal, font les yeux blancs.
Pâmeur
Rigaud, 1881 : Poisson, — dans le jargon des voleurs. Hors de l’eau, il se pâme.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Poisson.
Pâmeuse
France, 1907 : Prostituée.
Tout Cythère est venu assister à cet émouvant et passionnant spectacle, à cette grande course. Pas une horizontale, pas une tendresse, pas une pâmeuse, pas une minette même ne manquait à cette fête.
(Gil Blas)
Pâmoisir
d’Hautel, 1808 : Terme des halles, pour tomber en pâmoison, en défaillance, en foiblesse.
Pampeluche
Vidocq, 1837 : s. — Paris.
France, 1907 : Paris ; argot des voleurs. Ils disent aussi Pantruche.
Pampine
d’Hautel, 1808 : Terme bas et trivial, surnom que l’on donne parmi le peuple à une fille de mauvaise vie, qui fréquente les lieux de débauche ; équivaut à coureuse, barbotteuse, crapule, etc.
Rigaud, 1881 : Sœur de Charité, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Sœur de charité. Viande de basse qualité.
Virmaître, 1894 : Sœur de charité (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Viande de basse qualité (terme de boucher).
Hayard, 1907 : Sœur, béguine, nonne.
France, 1907 : Religieuse ; argot des voleurs ; du provençal pampa, poupée.
France, 1907 : Viande de mauvaise qualité ; argot des bouchers.
France, 1907 : Vilaine figure ; argot des voleurs.
Pamure
Delvau, 1866 : s. f. Soufflet violent, à faire pâmer de douleur la personne qui le reçoit, — dans l’argot des faubouriens et des paysans de la banlieue de Paris.
Rigaud, 1881 : Soufflet bien appliqué.
La Rue, 1894 : Violent soufflet.
Pâmure
France, 1907 : Coup sur l’oreille, vigoureux soufflet. Il fait « pâmer » celui qui le reçoit.
Pan
d’Hautel, 1808 : Pan ! le voilà tombé. Mimologisme qui exprime le bruit que fait une chose qui tombe ou s’écroule subitement.
Pana
Rigaud, 1881 : Chapeau de paille ; pour panama, — dans le jargon des voyous. — Pana patriotique, chapeau de paille tricolore.
France, 1907 : Vieil avare ; du vieux français panne, haillons, guenilles ; en l’ancien auvergnat, pana signifie voler.
Pana, panailleux
Larchey, 1865 : « Vieux pana se dit d’un homme avare, Laid et âgé, qui se laisse difficilement ruiner par les lorettes. Les panas s’emploient dans le Dictionnaire de la Curiosité comme exemple de tessons, de loques, de débris de toutes sortes, et ceux qui les vendent sont des panailleux. » — Champfleury. — Pana est une forme de panné. — Panailleux viendrait plutôt du vieux mot penaille : guenille.
Panache
France, 1907 : Grandeurs, hautes situations, surtout celles décoratives. Allusion au panache des généraux. Se donner du panache, se glorifier, obtenir des honneurs.
Ce qui épouvante à juste titre sont les gâte-sauce tapageurs, d’un côté, et les solennels, de l’autre ; le panache et la lévite.
(Henry Bauër)
Panaché
d’Hautel, 1808 : Ma petite parole panachée. Locution ridicule qui a été long-temps très à la mode parmi les petits-maîtres de Paris, qui s’en servoient continuellement dans un sens affirmatif, pour persuader que ce qu’ils disoient étoit digne de foi, qu’on devoit les en croire sur parole.
Fustier, 1889 : Plat de haricots verts et de flageolets mélangés.
Dans l’estomac de la victime on a trouvé des haricots verts et des flageolets. Si le plat se composait de ces deux légumes, un panaché, comme on dit…
(Figaro, 1882)
Panache (avoir le)
Rigaud, 1881 : Être gris.
Panache (avoir son)
France, 1907 : Être gris.
Panache (faire)
France, 1907 : Passer par-dessus la tête de son cheval en tombant. Un cheval au trot on au galop qui s’arrête brusquement expose le cavalier maladroit à faire panache. On dit aussi qu’un cheval fait panache, lorsqu’il culbute à l’obstacle la tête la première.
Panachée (conversation)
Rigaud, 1881 : Conversation variée. Allusion aux glaces panachées, fruit et crème.
Panacher
Delvau, 1866 : v. a. Mélanger, mêler, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe au propre et au figuré, à propos des choses et à propos des gens.
France, 1907 : Mélanger ; argot populaire.
Panade
Vidocq, 1837 : s. — Chose mauvaise, de peu de valeur ; femme de mauvaise tournure, laide, sale.
Larchey, 1865 : Chose sans valeur (Vidocq). — De Panne.
Larchey, 1865 : Sans consistance. — Allusion à la soupe de ce nom.
Notre gouvernement est joliment panade !
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. et adj. Chose molle, de peu de valeur ; femme laide. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Personne mal mise, malpropre, laide. — Personne sans énergie. — Objet de rebut. En un mot tout ce qui est panne : homme, femme ou chose.
La Rue, 1894 : Personne laide ou misérable, vannée. Objet de rebut. Misère.
Virmaître, 1894 : Soupe de pain qui mijote lentement sur un feu doux. Dans le peuple, être dans la panade, c’est être dans, la misère. Allusion à ce que la panade est généralement faite avec des croûtes de pain (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Être dans la misère.
France, 1907 : Misère, embarras, détresse ; synonyme de purée.
Le chicanous, muni de bons tuyaux, convoquait les types et leur expliquait qu’ils se trouvaient dans une sale panade et allaient sûrement être fichus à Mazas. Puis, après leur avoir mis la peur au ventre, la bourrique devenait patelin et peloteur et faisait entrevoir qu’un bon graissage de pattes rendrait Madame Justice coulante… et clairvoyante !
(Le Père Peinard)
Du peuple c’est la promenade,
L’attraction :
Ceux-là qui sont dans la panade,
L’inaction,
Aussi bien qu’ceux qui, tout’ la s’maine,
Turbin’nt captifs,
L’dimanch’, tout monde se promène
Sur les fortifs !
(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)
France, 1907 : Personne laide, dénuée ; objet de rebut.
Panader
d’Hautel, 1808 : Se panader. Se mitonner, se dorlotter, se délicater ; faire le hautain, l’orgueilleux ; se carrer, marcher avec ostentation.
Panailleux
Rigaud, 1881 : Marchand de verres cassés, misérable, dénué de tout.
France, 1907 : Petit brocanteur, marchand de chiffons et de ferrailles.
Panais
Virmaître, 1894 : Pan de chemise. Être en panais, être en chemise. Dans le peuple, panais est employé comme négation.
— Veux-tu me prêter cent sous ?
— Des panais, tu le fouterais de ma fiole (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Chemise ; pan de chemise.
Panais (des) !
Rigaud, 1881 : Formule négative, équivalente à non, jamais. On dit en allongeant : Des panais, Rosalie !
Panais (en)
La Rue, 1894 : En chemise.
France, 1907 : En chemise ; du vieux mot panne, haillon, lambeau. Voir Panaïe, Pané.
Panais (être en)
Delvau, 1866 : Être en chemise, sans aucun pantalon.
Rigaud, 1881 : Être en chemise.
Panama
Larchey, 1865 : Chapeau tressé avec des joncs que nos fabriques vont chercher à Panama.
J’ai dû chanter contre la crinoline et m’égayer aux frais du panama.
(J. Choux)
De 1858 à 1860, le panama fut à la mode. Une société dite des Moyabambines se forma pour l’exploiter, ce qu’il faut savoir pour comprendre cet exemple :
Que de coquins coiffés de moyambines (sic).
(Id.)
Delvau, 1866 : s. m. Écorce d’arbre exotique qui sert à dégraisser les étoffes.
Delvau, 1866 : s. m. Gandin, — dans l’argot du peuple, qui dit cela par allusion à la mode des chapeaux de Panama, prise au sérieux par les élégants. Le mot s’applique depuis aux chapeaux de paille quelconques.
Rigaud, 1881 : Bévue énorme, dans la composition, l’imposition ou le tirage. (Jargon des typographes, Boutmy.) Allusion aux larges bords des chapeaux dits panama.
Boutmy, 1883 : s. m. Bévue énorme dans la composition, l’imposition ou le tirage, et qui nécessite un carton ou un nouveau tirage, ce qui occasionne une perte plus ou moins considérable. D’où chez le patron, bœuf pyramidal qui se propage quelquefois de proche en proche jusqu’à l’apprenti.
France, 1907 : Dandy, petit jeune homme tiré à quatre épingles. Cette expression s’est employée au moment où les chapeaux tressés avec des joncs et fabriqués à Panama commencèrent à être à la mode et portés par la jeunesse prétentieuse. C’était vers 1860, où le prix des vrais panamas était hors de la portée des bourses moyennes.
France, 1907 : Grossière erreur dans la composition, l’imposition ou le tirage ; argot des typographes.
Panamiste
Virmaître, 1894 : Cette expression date de 1892. Ce sont les dénonciations faites par M. Andrieux contre les 104 députés qui auraient touché des chèques à la caisse du Panama qui ont donné naissance à ce mot (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Qui a touché de l’argent dans l’affaire du Panama. (Ce mot est usuel).
France, 1907 : Individu qui a tripoté dans les affaires du Panama, et, par extension, tripoteur, monteur d’affaires véreuses. L’expression date de 1892, après les dénonciations faites à la Chambre par M. Andrieux contre 104 députés accusés d’avoir reçu des chèques pour payer leur vote eu faveur des opérations frauduleuses du Panama.
Ces gens-là ne savent se mettre d’accord que pour tromper le pays et lui jouer quelque mauvaise farce. L’année dernière, ils ont voté par acclamation l’affichage du fameux appel à la vertu de M. Cavaignac, et, quelques semaines après, ils validaient à tour de bras tous les panamistes et les rétablissaient dans leurs charges et dignités.
L’aventure des panamistes, montre du scandale parlementaire qu’elle procure à la très bourgeoisante troisième République, restera comme l’illustration la plus démonstrative, la plus saisissante de l’évolution de notre système économique et financier depuis la Révolution française, tout particulièrement depuis cette journée de Waterloo qui, mettant fin à la sanglante épopée impériale, donna à la classe qui avait envahi le pouvoir la possibilité de s’occuper avec plus de sécurité du soin de ses affaires.
Elle est là pour établir avec quelle audace, quelle ténacité, quelle subtilité dans les procédes, quelle absence de scrupules, se montent toutes ces grandes entreprises dont le but est l’accaparement au profit de quelques-uns de tous les fruits du travail de la grande majorité, soit par une exploitation réglée, systématique de ceux qui peinent à la tâche, soit par le drainage, sous toutes les formes, des capitaux et de l’épargne.
(John Labusquière, La Petite République)
Panamitard
France, 1907 : Panamiste.
Un de nos collaborateurs racontait de quelle façon, en Chine, on puni les concussionnaires. Le châtiment infligé aux panamitards de l’Empire du Milieu est bien fait pour dégoûter à jamais ces tripoteurs de toute compromission véreuse.
Cent bons coups de trique sous la plante des pieds, il n’y a encore rien de tel pour rendre délicats les plus éhontés coquins.
La pente du vice est rapide, disent les moralistes, et les chutes sont fréquentes ; d’accord ! Mais lorsqu’on songe qu’au bas de ladite pente se tient un grand Kalmouk armé d’un imposant bambou bien sec et bien solide, on regarde à deux fois avant de se lasser choir.
(Mot d’Ordre)
Et tous les panamitards de l’aquarium de battre les nageoires en signe d’approbation aux paroles du grand dispensateur des fonds secrets.
(La Révolte)
Panaris
Rigaud, 1881 : Belle-mère. Un panaris fait beaucoup souffrir, une belle-mère aussi.
Panaris crevé. Prendre train de plaisir, 11 heures 45.
(Tam-Tam, du 16 mai 1880)
Rossignol, 1901 : Femme méchante, mauvaise.
France, 1907 : Belle-mère ; allusion au mal irritant causé par le panaris.
Panas
Rigaud, 1881 : Épaves d’objets de toilette, vieilleries en tous genres.
Pancart
d’Hautel, 1808 : Saint-Pancart. Le jour de mardi gras. On dit aussi d’un homme extrêmement gros et large, d’un embonpoint volumineux, qu’Il ressemble à Saint-Pancart.
Pancarte (se faire aligner sur la)
France, 1907 : Être puni ; argot militaire.
Pancrace
d’Hautel, 1808 : Le docteur Pancrace. Sobriquet dérisoire et comique que l’on donne à un médecin dont les cures ne sont pas merveilleuses.
Pandore
d’Hautel, 1808 : C’est la boîte à Pandore. Se dit d’une femme, qui, sous des dehors séduisans, cache une ame noire et atroce, par allusion à la boîte que Jupiter donna à la femme d’Épiméthée, et où tous les maux imaginables étoient renfermés.
France, 1907 : Gendarme. Ce sobriquet vient de la fameuse chanson de Gustave Nadaud, Les Deux Gendarmes, où chaque couplet se termine par ce refrain :
Brigadier, répondit Pandore,
Brigadier, vous avez raison.
À ce propos, disons comme simple renseignement historique que c’est le 15 janvier 1797 quis le conseil des Cinq-Cents vota le projet présenté par Richard, qui décidait la formation du corps de la gendarmerie actuelle.
Les soldats turcs n’ont pas été plus féroces que les soldats versaillais foutant., en 1871, Paris à feu et à sang, que, plus récemment, les troufions de France, au Tonkin, au Dahomey et à Madagascar.
Les conquérants, les envahisseurs sont partout identiques : l’homme s’efface — la bête humaine reparait avec tous les instincts féroces et sanguinaires des anciens âges.
Sur la route de Paris à Versailles, les pandores attachaient les communards à la queue de leurs chevaux ; aux Buttes-Chaumont, un colonel célèbre faisait arroser de pétrole et griller vivants ses prisonniers.
Au Tonkin, les pousse-cailloux violaient et pillaient à cœur joie.
Au Dahomey, un ratichon distribuait des cigares aux troufions qui lui rapportaient des tètes de moricauds.
(Le Père Peinard)
Pandore (boîte de)
France, 1907 : On dit d’un présent fait dans une intention perfide que c’est la boîte de Pandore, allusion à une fable de l’antiquité par laquelle Jupiter, irrité contre le sculpteur Prométhée qui avait ravi le feu du ciel pour animer sa statue, dont il devint amoureux, lui envoya par une ravissante jeune femme, Pandore, un coffret d’où s’échappèrent tous les maux de l’humanité, mais au fond du coffret resta l’espérance
Pane
un détenu, 1846 : Misère.
Pané
France, 1907 : Nécessiteux, misérable ; du vieux français panne, haillons. Voir Panné.
— Tous des panés, mon cher ! Pas un n’a coupé dans le pont. Me mènes-tu boulotter au bouillon Duval ?
(Paul Mahalin)
On devrait écrire pannée.
Paneil
France, 1907 : Fil dont le tisserand se sert pour rattacher ceux qui se rompent.
Panem et circenses
France, 1907 : « Du pain et des jeux, » Locution tirée de la Xe Satire de Juvénal ou il exprimait son mépris pour les Romains de la décadence qui, pourvu qu’on leur distribuât du blé au Forum et qu’on leur donnât des spectacles gratuits, me demandaient rien de plus. Que de Français seraient Romaine en ce sens !
Panet
Rossignol, 1901 : Pan de chemise.
Paneton
France, 1907 : Corbeille à pain.
Pangloss, panglossien
France, 1907 : Optimiste qui trouve que tout va bien, et qui est satisfait de tout, du gouvernement comme du reste et dont la maxime peut se résumer ainsi : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »
C’est Voltaire qui, dans son roman Candide, dont un des principaux personnages est le Dr Pangloss, l’homme éternellement satisfait, donna naissance à cette locution. Il avait en vue de ridiculiser le système philosophique de Leibniz. Ce célèbre philosophe allemand était un polyglotte érudit. Par le nom de Pangloss qui signifie en grec polyglotte. Voltaire le désignait ainsi clairement à ses contemporains.
Panier
d’Hautel, 1808 : Il est resté sot comme un panier percé. Se dit d’un homme que l’on prend en faute, et qui, stupéfait, embarrassé, ne peut rien alléguer pour sa défense.
C’est un panier percé. Pour dire, un dépensier, un prodigue, un dissipateur ; un sot, un ignorant, un homme dont la mémoire est courte et infidèle.
Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans un panier. Pour, il ne faut pas engager tout son avoir dans une seule entreprise ; ou fonder toutes ses espérances sur un seul objet.
L’anse du panier ; le ferrement de mule. Vol, exaction des domestiques sur les achats qu’ils font pour leurs maîtres.
Larchey, 1865 : Voiture basse en osier, à la mode vers 1860.
Ange ! tu m’as transporté. Si une calvitie invétérée ne te fait pas peur, je suis homme à mettre à tes pieds un panier en pur osier.
(Les Pieds qui r’muent, 1864)
Virmaître, 1894 : Lit.
— Mon petit homme, veux-tu venir avec moi faire une séance de panier, tu verras comme je suis… aimable (Argot des filles).
Hayard, 1907 : Lit.
Panier (recevoir le)
Rigaud, 1881 : C’est, dans le langage des filles en traitement à Saint-Lazare, recevoir des aliments ou des friandises apportés du dehors. Mot à mot : recevoir le panier aux provisions.
Panier à Charlot
France, 1907 : Panier destiné à recevoir la tête du guillotiné quand le couperet la sépare du tronc.
À l’autre extrémité de la salle, un groupe de détraqués dévisagent une fille qui a été la maîtresse d’un guillotiné… Ils aiment l’odeur du panier à Charlot.
(Louise Michel)
Panier à crottes
Rossignol, 1901 : Le derrière.
France, 1907 : Les jupons. Remuer ou secouer son panier à crottes, danser.
Pas de clarinette pour secouer le panier à crottes des dames.
(Émile Zola)
Panier à deux anses
Larchey, 1865 : Voir anses.
Virmaître, 1894 : Avoir une femme à chaque bras (Argot du peuple).
Panier à deux anses (faire le)
France, 1907 : Avoir une femme à chaque bras.
Panier à pain
France, 1907 : Ventre. Avoir chié dans le panier au pain de quelqu’un jusqu’à l’anse, s’être très mal conduit à son égard ; argot faubourien. En argot militaire, on dit : avoir chié dans les bottes.
Je l’ajustai alors et lui plantai une prune dans son panier à pain. Il sauta, leva les bras au ciel, tomba à la renverse avec un grognement, tandis que je lui présentais toutes mes excuses.
(Hector France, Chez les Indiens)
Panier à salade
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voiture destinée à transporter les prisonniers.
M.D., 1844 : Voiture dans laquelle on transfère les détenus.
Halbert, 1849 : Voiture des prisons.
Larchey, 1865 : « Geôle roulante appelée par le peuple dans son langage énergique des paniers à salade… Voiture à caisse jaune montée sur deux roues et divisée en deux compartiments séparés par une grille en fer treillissé… Ce surnom de panier à salade vient de ce que primitivement la voiture étant à claire-voie de tous les côtés, les prisonniers devaient y être secoués absolument comme des salades. » — Balzac.
Delvau, 1866 : s. m. Petite voiture en osier à l’usage des petites dames, à la mode comme elles et destinée à passer comme elles.
Delvau, 1866 : s. m. Voiture affectée au service des prisonniers, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Souricière.
Rigaud, 1881 : Fourgon destiné au transport des prisonniers. Le panier à salade va, deux fois par jour, chercher aux différents postes de police le contingent déclaré bon pour le dépôt de la préfecture. Le nom de panier à salade est dû aux cahots que procure ce véhicule mal suspendu. Les prisonniers auxquels le gouvernement ne peut pas fournir des huit-ressorts y sont secoués comme la salade dans un panier.
La Rue, 1894 : Fourgon cellulaire.
Virmaître, 1894 : Voilure cellulaire pour conduire les prisonniers des postes de police au Dépôt de la préfecture, ainsi nommée parce qu’autrefois cette voiture était à claire-voie (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Voiture spéciale que l’on fait prendre aux détenus pour les conduire des postes de police au dépôt, ou encore d’une prison préventive à l’instruction ou au tribunal correctionnel.
Hayard, 1907 : Voiture servant à transporter les gens en prévention et les condamnés.
France, 1907 : Voiture cellulaire appelée ainsi parce qu’on y est secoué comme la salade qu’on égoutte dans le panier de ce nom. Ce sont de grands omnibus d’un vert sombre, clos et grillagés à l’extrémité où l’on aperçoit la silhouette d’un garde de Paris ; tombereaux — dit Edmond Lepelletier — où l’on entasse pêle-mêle, détritus de la grande ville, le crime, l’infamie, la honte, la misère, la faiblesse et aussi la vertu.
Le panier à salade se compose d’une allée centrale et de deux rangées de huit ou dix compartiments très exigus dans chacun desquels on enferme un prisonnier.
Dans ces sortes de boîtes formant armoires, on éprouve une sensation de malaise instinctif ; ceux qui ont passé par là, — et ça cube, à Paris — pourraient en témoigner.
Je ne sais quelle crainte vague et indéfinissable vous prend lorsqu’on se sent ainsi calfeutré, ramassé sur soi-même, assis, tassé, resserré, sans pouvoir se remuer… Chaque cahot de la rude guimbarde sans ressorts plaque les « voyageurs » contre les parois en bois et en tôle.
On est assis, bien entendu, dans le sens du cocher. On ne voit personne, puisque le compartiment est entièrement fermé et bouclé. C’est à peine s’il y a, par-ci par-là, quelques petits ajours pour laisser passer l’air.
On sort de ce trou — si l’on n’est pas une frappe et une pratique, ce qui est la majorité des cas, — moulu, brisé, démoralisé, avec des larmes de honte et de désespoir qui vous brûlent les yeux.
(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)
Panier au pain
Delvau, 1866 : s. m. L’estomac. Les ouvriers anglais ont la même expression : bread basket, disent-ils.
Rigaud, 1881 : Ventre.
Au premier atout dans le panier au pain, faut pas caner.
(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres)
Panier aux crottes
Delvau, 1866 : s. m. Le podex et ses environs, — dans l’argot du peuple. Remuer le panier aux crottes. Danser.
Rigaud, 1881 : Derrière.
Et pas de musique au dessert, bien sûr pas de clarinette pour secouer le panier aux crottes des dames.
(L’Assommoir)
C’est une variante moderne de l’ancien « pot aux crottes ».
Jamais on ne vid si bien remuer le pot aux crottes ny secouerle jarret.
(Le facétieux réveille-malin des esprits mélancholiques, 1654)
Panier aux ordures
Delvau, 1866 : s. m. Le lit, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Lit.
France, 1907 : Partie d’un journal réservée aux citations d’une feuille d’opinion adverse ; on dit aussi plus communément boîte aux ordures. « Après s’être bien injuriés dans leurs feuilles, s’être traités de gredins, de crapules et d’escrocs, les folliculaires vont ensuite boire ensemble des bocks, plaisantant de leur respectif panier aux ordures. »
Panier percé
Delvau, 1866 : s. m. Prodigue, dépensier, — dans l’argot des bourgeois.
Virmaître, 1894 : Homme qui n’a rien à lui. Allusion au panier sans fond que jamais on ne peut emplir (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Homme qui dépense tout.
Panier, panier aux ordures
Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon du peuple.
Paniers, vendanges sont faites (adieu) !
France, 1907 : La saison de faire une chose est passée. Trop tard, petit bonhomme ne vit plus. Brantôme donne une explication de ce dicton. Le grand prieur de Lorraine, François de Guise, envoya en course, du côté du Levant, deux de ses galères sous le commandement du capitaine de Beaulieu, brave et vaillant homme. Vers l’Archipel, il rencontra un grand navire vénitien et se mit à le canonner. Mais celui-ci lui répliqua si vigoureusement qu’il lui emporta à la première volée deux de ses bancs avec leurs forçats et son lieutenant du nom de Panier, bon compagnon, dit Brantôme, qui n’eut que le temps de dire ce seul mot : « Adieu, Panier, vendanges sont faites ! » Il y a tout lieu de supposer que ce dicton existait déjà dans la langue avant ledit Panier et que cet officier des chiourmes n’a fait qu’un jeu de mot sur son nom. C’est, du reste, un débris de chanson, dont Édouard Fournier donne l’histoire dans son livre des Chansons populaires.
Panioter
France, 1907 : Mettre au lit.
Paniotter (se)
Rigaud, 1881 : Se mettre au lit, — dans le jargon du peuple ; c’est-à-dire se mettre dans le panier. L’expression est également usitée au régiment.
Panique
d’Hautel, 1808 : Une terreur panique. Fausse alarme ; frayeur subite et sans fondement.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Peur. Avoir la panique, ou se paniquer, avoir peur, se tenir sur ses gardes.
Paniquer (se)
Rigaud, 1881 : Avoir peur, avoir la panique. (Mémoires d’un forçat, 1829)
Panka
France, 1907 : Grand éventail indien.
Panmuflisme, panmufliste
France, 1907 : Le muflisme général, universel. Néologisme.
Dans la platitude de l’heure, dans le conflit panmufliste des intérêts, Morès offrant sa personne et tombant au loin pour une inspiration hardie, vient à souhait établir que ce n’en est point fait des ressorts de la race, et à cet intrépide, pour qui l’effort n’avait de repos que dans un effort nouveau, il faut garder quand même un souvenir.
(Alexandre Hepp)
Panna
Delvau, 1866 : s. m. Chose de peu de valeur, bonne à jeter aux ordures.
France, 1907 : Chose du nulle valeur.
Pannanesse
France, 1907 : Prostituée de bas étage. Souillon, rôdeuse de nuit ; du grec panos, haillon.
Panne
d’Hautel, 1808 : Il a deux doigts de panne. Se dit en plaisantant d’un homme qui est extrêmement gras.
Larchey, 1865 : Misère.
Il est dans la panne et la maladie.
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. f. Misère, gène momentanée, — dans l’argot des bohèmes et des ouvriers, qui savent mieux que personne combien il est dur de manquer de pain.
Delvau, 1866 : s. f. Rôle de deux lignes, — dans l’argot des comédiens qui ont plus de vanité que de talent, et pour qui un petit rôle est un pauvre rôle. Se dit aussi d’un Rôle qui, quoique assez long, ne fait pas suffisamment valoir le talent d’un acteur ou la beauté d’une actrice.
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui n’a pas un sou vaillant, — dans l’argot des filles, qui n’aiment pas ces garçons-là.
Rigaud, 1881 : Grande misère ; ruine complète.
Ce fut alors, madame Alcide, que commença votre grande panne.
(Ed. et J. de Goncourt)
Ils sont tournés comme Henri IV sur le Pont-Neuf et m’font l’effet de n’son-ger qu’à faire la noce, au risque d’être dans la panne et de se brosser le ventre après.
(É. de La Bédollière, Les Industriels)
En terme de théâtre, bout de rôle.
Plus de rôles à jambes, et une panne de dix lignes dans ta nouvelle féerie !… Ah ! Ernest, vous ne m’aimez plus.
(J. Pelcoq, Petit journal amusant)
Il faut vous dire que tous mes camarades, étant jaloux de moi, s’arrangeaient de manière à avoir les bons rôles, tandis que moi, on me donnait les pannes… les bouche-trous !…
(P. de Kock, Le Sentier aux prunes)
En terme d’atelier, mauvais tableau.
Qu’est-ce que c’est que cette panne ? C’est assez mal léché ! merci.
(J. Noriac, Têtes d’artistes)
La Rue, 1894 : Gêne, misère. Bout de rôle au théâtre.
France, 1907 : Actrice, où plutôt cabotine à qui l’on ne confie que des bouts de rôle, que des pannes. Georges Ben a fait sur elles une chanson dont voici quelques vers :
Dans les coulisses, d’un pas lent,
Ell’s se promen’nt en somnolant,
Les pannes,
Ou bien ell’s dorm’nt ou bien encore
Ell’s regard’nt poser les décors,
Les pannes.
Ell’s attend’nt, en croquant l’marmot,
L’occasion de placer leur mot,
Les pannes.
France, 1907 : Fanon du bœuf.
France, 1907 : Mauvais tableau vendu bien au delà de sa valeur ; argot des brocanteurs.
Le brocanteur avait groupé un ramassis d’objets tarés, invendables… — Vous m’entendez, vieux, pas de carottes, pas de pannes ! La dame s’y connaît.
(Alphonse Daudet, Les Rois en exil)
France, 1907 : Pauvreté. « Tomber dans la panne. » Du vieux français panne, haillon.
Quand il n’y a plus de son, les ânes se battent, n’est-ce pas ? Lantier flairait la panne ; ça l’exaspérait de sentir la maison déjà mangée.
(Émile Zola, L’Assommoir)
France, 1907 : Rôle insignifiant ; argot théâtral.
Une panne ? Je n’ai jamais très bien compris le sens de ce mot-là. J’ai toujours cru — suis-je assez sot ! — qu’au théâtre il y avait de petits artistes et non pas de petits rôles.
Je me souviens d’un acteur, dont le nom m’échappe en ce moment, qui n’avait que quelques lignes à dire dans la Mort du duc d’Enghien, de M. Hennique. Il eut, en dépit de cette panne, un triomphe le soir de la première représentation.
(Pierre Wolff)
France, 1907 : Situation difficile, comme celle d’un navire qui ne peut plus avancer. Argot des marins. « Être en panne, rester en panne. »
— Amen ! répondit le matelot, mais sans vouloir vous fâcher, la mère, m’est avis que les saints, les anges et le bon Dieu nous laissent joliment en panne depuis quelque temps.
(Jean Richepin, La Glu)
Panné
Larchey, 1865 : Misérable.
Ça marche sur ses tiges, ben sûr ! Pas pus de braise que dans mon œil. Ohé ! panné ! panné !
(Ricard)
Du vieux verbe pannir : priver, retrancher, voler. V. Roquefort.
Rigaud, 1881 : Ruiné, misérable.
Et puis ces marchands font les pannés ; mais il ne faut pas les croire.
(P. d’Anglemont)
France, 1907 : Nécessiteux, pauvre, À observer que le vieux français dépané signifiait déchiré, dépenaillé.
Il tombe de la neige.
Un vidangeur conduit son tonneau, grelottant sur son siège.
Passe un gavroche qui interpelle en ces termes le travailleur de nuit : — Hé ! Panné !… T’as donc pas six sous pour entrer dans l’intérieur ?…
Panné comme la Hollande
Rigaud, 1881 : Très pauvre, très misérable d’aspect.
Panneau
d’Hautel, 1808 : Crever dans ses panneaux. Éprouver un dépit intérieur et secret, qu’on ne peut manifester ; être hors de soi.
Donner dans le panneau. Tomber dans un piège, se laisser entraîner par de belles paroles.
Panneauteur
France, 1907 : Braconnier, maraudeur : de panneau.
On écrit à tort panoteur.
Pannequet
France, 1907 : Pâtisserie anglaise dont la véritable orthographe est pan-cake. Sorte de crêpe.
Panner
Delvau, 1866 : v. a. Gagner au jeu, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Gagner au jeu, — dans le jargon des voyous.
La Rue, 1894 / France, 1907 : Gagner au jeu.
Pannezard
Ansiaume, 1821 : Pauvre.
C’est un pannezard, il n’a pas dix bredoches en valade.
France, 1907 : Pauvre, miséreux.
Panoteur
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Braconnier.
Panoufle
Vidocq, 1837 : s. f. — Perruque.
Larchey, 1865 : Perruque (Vidocq). — Du vieux mot panufle : guenille. V. Du Cange.
Delvau, 1866 : s. f. Vieille femme ou vieille chose sans valeur, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion au lambeau de peau qu’on mettait encore, il y a quelques années, aux sabots pour amortir le contact du bois. Signifie aussi Perruque.
Rigaud, 1881 : Perruque ; de panufle — chausson. En effet la perruque ne chausse-t-elle pas la tête ?
La Rue, 1894 : Perruque. Vieille femme.
Panse
d’Hautel, 1808 : Il s’est fait crever la panse. Pour, il s’est fait tuer, il est mort dans un duel, dans une bataille.
Avoir la panse pleine. Pour avoir le ventre rempli. Voyez Après.
France, 1907 : Mot irrespectueux dont on désigne le ventre : « La panse de la grosse Maria. ».
À ces mots l’ardent Énéas,
Faisant briller son coutelas,
Lui fit avec irrévérence
Un grand trou dans sa vaste panse ;
Par où son âme ayant pris vent,
Elle s’envola dans l’instant.
(Scarron, Le Virgile travesti)
Pansé
d’Hautel, 1808 : Cet homme est bien pansé. Pour, il a bien bu, bien mangé ; il est rassasié.
Panser de la main
Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups, — dans le même argot [du peuple].
Panseux
France, 1907 : Qui panse, qui soigne, garde-malade.
Panspermie
France, 1907 : Le monde des microbes, les bactéries, des germes innombrables dont le travail incessant produit toute transformation, et qu’a découvert Pasteur.
Mais Dieu ! le voilà réduit au rôle de garçon de laboratoire… la panspermie mène tout droit au panthéisme ; il n’y a d’autre Dieu que la nature, s’organisant et se combinant par sa propre force… Alors le pape n’est plus bon à rien et le denier de saint Pierre est un fonds d’escroquerie.
(Jules Lermina, Le Radical)
Pansu
d’Hautel, 1808 : Qui a une grosse panse ; synonyme de ventre.
Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé par le peuple ; pour qualifier un bourgeois qui fait un dieu de son ventre et qui a une panse arrondie. Pansu : égoïste qui ne songe qu’à lui (Argot du peuple). N.
Pantalon
d’Hautel, 1808 : Bouffon, batteleur, qui amusé les autres par des farces et des plaisanteries.
À la barbe de pantalon. Pour dire au nez, à la barbe, en présence et en dépit de celui que la chose intéresse le plus.
Fustier, 1889 : Faire pantalon, dans le langage des écrivains, c’est ne pas atteindre le bas de la feuille de papier sur laquelle on écrit.
France, 1907 : Sobriquet donné aux Vénitiens à cause de saint Pantalone ou Pantaleone qu’ils ont en grande vénération. Le grotesque vêtement en usage depuis près d’un siècle est ainsi appelé parce que la mode nous en vient des Vénitiens. ll existait chez les Gaulois sous le nom de braies.
Pantalon (boutonnière en)
France, 1907 : Ouvrière qui se livre le soir à la prostitution.
Pantalon garance (donner dans le)
Rigaud, 1881 : Aimer les militaires, avoir un ou plusieurs amoureux parmi les officiers.
Pantalon rouge
Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la ligne, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Pantalon garance.
Pantalonnade
d’Hautel, 1808 : Bouffonnerie ; fausse démonstration d’amitié ; joie feinte ; subterfuge, simagrées, grimaces pour se tirer d’embarras.
Je suis au fait de toutes ses pantalonnades. Pour dire de toutes ses simagrées, de toutes ses farces.
Pantalonner
Rigaud, 1881 : Tendre à la force du poignet le pantalon de tricot d’une danseuse.
M. Pointe pantalonne la volumineuse Delaquit.
(Charles de Boigne)
Pantalonner une pipe
Delvau, 1866 : v. a. La fumer jusqu’à ce qu’elle ait acquis cette belle couleur bistrée chère aux fumeurs. Je n’ai pas besoin d’ajouter que c’est le même verbe que culotter, mais un peu plus décent, — pas beaucoup.
France, 1907 : Jeu de mot sur culotter.
Pantalons
Delvau, 1866 : s. m. pl. Petits rideaux destinés à dérober au public la vue des coulisses, qui sans cette précaution s’apercevraient par les portes ou les fenêtres du fond et nuiraient à l’illusion de la mise en scène.
France, 1907 : En argot des théâtres, on appelle ainsi de petits rideaux destinés à dérober au publie la nudité des coulisses, qui, sans cette précaution, montreraient leurs laideurs aux spectateurs.
Pantalzar
Delvau, 1866 : s. m. Pantalon, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Pantalon ; argot populaire.
Pante
Clémens, 1840 : Dupe.
Delvau, 1866 : s. m. Le monsieur inconnu qui tombe dans les pièges des filles et des voleurs, — volontairement avec les premières, contre son gré avec les seconds. Pante argoté. Imbécile parfait. Pante arnau. Dupe qui s’aperçoit qu’on la trompe et qui renaude. Pante désargoté. Homme difficile à tromper.
Quelques-uns des auteurs qui ont écrit sur la matière disent pantre. Francisque Michel, lui, dit pantre, et fidèle à ses habitudes, s’en va chercher un état civil à ce mot jusqu’au fond du moyen âge. Pourquoi pante ne viendrait-il pas de pantin (homme dont on fait ce qu’on veut), ou de Pantin (Paris) ? Il est si naturel aux malfaiteurs des deux sexes de considérer les Parisiens comme leur proie ! Si cette double étymologie ne suffisait pas, j’en ai une autre en réserve : ponte. Le ponte est le joueur qui joue contre le banquier, et qui, à cause de cela, s’expose à payer souvent. Pourquoi pas ? Dollar vient bien de thaler.
Virmaître, 1894 : Imbécile qui se laisse facilement duper. Inutile, je pense, de dire que pante vient de pantin : gens de Paris (Argot des voleurs).
France, 1907 : Dupe, individu à voler, à exploiter ; de Pantin, synonyme de Paris ; le Parisien ayant à tort ou à raison la réputation de badaud, de gogo, de dupe.
Il y a un mot terrible, l’excuse du corrompu qui court l’usine, qu’on échange dans les tripots, qui monte dans les mansardes et qui pétrifie les cœurs : c’est assez faire le pante, l’imbécile, le souffre-douleur, le forçat ! Jouissons !
(E. Chauvière)
Refroidir un pante, assassiner.
— Si ne s’agissait que de refroidir un pante et une couple de largues, il nous aurait emmenées pour sûr. Que diable ! il sait bien qu’au besoin nous ne boudons pas sur la besogne…
(Paul Mahalin, Le Megg)
On dit aussi pantre, pantruchois.
anon., 1907 : Victime (dégringoler le pante).
Pante (faire le)
Rigaud, 1881 : Payer pour un autre, — dans le jargon des voyous. Mot à mot : faire acte d’imbécile.
Pante, pantre
Rigaud, 1881 : Particulier à l’air bête. — Tout individu dont la figure, les manières ou les procédés déplaisent, est un pante pour le peuple. — Dans le jargon des cochers, un pante est un voyageur qui a donné un bon pourboire ; c’est celui qu’ils appellent tout haut « patron ou bourgeois ». — Autrefois « pante, pantre » — dans l’argot des voleurs et des camelots, signifiait dupe. Le pantre arnau, était un imbécile qui jetait les hauts cris dès qu’il s’apercevait qu’il était grugé ; le pantre argoté, une dupe de bonne composition et le pantre désargoté, un particulier difficile à duper. Aujourd’hui les voleurs et les camelots emploient très peu le mot « pante » qu’ils ont remplacé, les premiers, par client, les seconds, par girondin.
La Rue, 1894 : Homme, dupe. Pante argoté, niais. Pante désargoté, homme malin.
Hayard, 1907 : Bourgeois qui se laisse duper.
Hayard, 1907 : Victime, individu.
Pante, pantre, pantinois
Larchey, 1865 : Bourgeois bon à exploiter ou à voler. — Pante et Pantre sont des formes abrégées de Pantinois et Pantruchois, c’est-à-dire : bourgeois de Pantin ou Pantruche (Paris). On sait que la grande ville est pour les voleurs un séjour de prédilection. — V. Lever.
J’ai reniflé des pantes rupins.
(Paillet)
Pantélégraphie
France, 1907 : Transmission au moyen de l’électricité du fac-similé de toute écriture. Le pantélégraphe fut inventé par l’abbé Caselli.
Panthe (pousser sa)
Rigaud, 1881 : Abréviation de pousser sa panthère, c’est-à-dire se promener d’un côté, de l’autre, dans l’atelier ; courir une bordée de marchand de vin en marchand de vin. La variante est : Faire sa panthère ; par allusion à la panthère du Jardin-des-Plantes qui n’a d’autre occupation que d’arpenter sa cage.
Panthère
Fustier, 1889 : Individu qui professe des idées révolutionnaires, anarchistes. Il faut voir dans ce mot une allusion à une société d’anarchistes fondée à Paris sous ce titre : La Panthère des Batignolles.
Les rentes de M. Clémenceau sont, en somme, aussi enviées par les panthères que celles de M. de La Rochefoucauld.
(Figaro, mars 1887)
France, 1907 : Nom donné vers 1840 aux beautés à la mode. « C’était, dit Lorédan Larchey, une race inférieure à celle de la lionne, qui florissait vers le même temps, mais elle était plus carnassière, plus mangeuse d’hommes. »
Panthère (faire sa)
France, 1907 : Rôder de droite et de gauche en se dandinant ; argot faubourien.
Pantière
Rigaud, 1881 : Bouche, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Bouche ; corruption de pannetière, panier à pain.
Pantin
Vidocq, 1837 : s. — Paris.
M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Paris.
Larchey, 1865 : « Pantin, c’est le Paris obscur, quelques-uns disaient le Paris canaille, mais ce dernier s’appelle en argot, Pantruche. » — G. de Nerval. — Cette définition manque de justesse. Pantin est Paris tout entier, laid ou beau, riche ou obscur. — étymologie incertaine. Peut-être le peuple a-t-il donné à Paris, par un caprice ironique, le nom d’un village de sa banlieue (Pantin). — V. Pré.
Delvau, 1866 : n. de l. Paris, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Pampeluche et Pantruche. « Pantin, dit Gérard de Nerval, c’est le Paris obscur. Pantruche, c’est le Paris canaille. » Dans le goût de Pantin. Très bien, à la dernière mode.
Delvau, 1866 : s. m. Homme sans caractère, — dans l’argot du peuple oui sait que nous sommes cousus de fils à l’aide desquels on nous fait mouvoir contre notre gré.
Rigaud, 1881 : Paris, la ville des pantes. Et les variantes moins usitées : Pantruche, pampeluche.
Virmaître, 1894 : Paris.
Quand on a bien billanché pour son compte,
On defourage et renquille à Pantin.
L’long du trimard, bequillant son décompte,
De gueule en gueule on pique un gai refrain.
Pantin : Argot du peuple.
Pantruche : Argot des voleurs.
Rossignol, 1901 : Paris. Que vous soyez d’Aubervilliers ou de Vincennes, vous êtes toujours Pantinois de Pantin.
France, 1907 : Homme sans caractère, sans énergie, que l’on fait mouvoir et agir à sa volonté.
L’ignorance, au gré des scrutins,
Fait mentir les temps où nous sommes ;
Hélas ! on nomme des pantins,
Quand il faudrait nommer des hommes.
(Clovis Hugues)
France, 1907 : Paris ; argot des faubouriens ; la ville des pantes.
Pantin, la capitale des stupéfactions parce que celle des étrangetés.
(Alfred Delvau)
On dit aussi Pampeluche et Pantruche.
Pantin, pantinois
Hayard, 1907 : Paris, parisien.
Pantin, Pantruche, Pampeluche
La Rue, 1894 : Paris. Pantinois, pantruchois : Parisien.
Pantinois
Halbert, 1849 : Parisiens.
Delvau, 1866 : s. m. Parisien.
Rigaud, 1881 / Rossignol, 1901 : Parisien.
France, 1907 : Habitant de Paris, Parisien.
Pantoiser, pantinoiser
Rigaud, 1881 : Payer pour un autre, être dupe. C’est-à-dire faire acte de pante, — dans l’argot des barrières.
Pantomime
d’Hautel, 1808 : Le peuple change la terminaison me, en ne, et dit, Pantomine. Il dit de même enclune, pour enclume.
Pantonnière
France, 1907 : Prostituée.
Pantouflard
France, 1907 : Bourgeois ; individu qui aime ses aises. Pendant le siège de Paris en 1871, l’on donna ce sobriquet à la garde nationale sédentaire, dont le service consistait à monter la garde dans l’intérieur de la ville.
C’est aussi le nom que donnent les élèves de l’École polytechnique à ceux d’entre eux qui démissionnent soit après le classement de sortie, soit après le cours de l’École d’application de Fontainebleau.
Le mot parait remonter à 1830, où les Jeune-France traitaient les bourgeois de pantouflards ou de philistins.
Théophile Gautier, disent MM. A. Lévy et G. Pinet, eut un jour avec l’École un démêlé comique, à la suite duquel il fut traité de pantouflard. C’était au moment de l’inauguration du fronton du Panthéon : critiquant le bas-relief où David a représenté d’un côté un élève de l’École normale, de l’autre un élève de l’École polytechnique, il s’était moqué de « ces deux embryons d’immortalité ». Les promotions lui dépêchèrent deux anciens qui le trouvèrent en pantoufles, en robe de chambre et coiffé d’une calotte grecque et qui s’en revinrent dire à leurs camarades : « Il n’y a rien à faire avec ce pantouflard ! » Le Charivari prétendit que Gautier était fort peu rassuré et n’osait plus sortir de chez lui.
France, 1907 : Imbécile ; de l’expression populaire « raisonner comme une pantoufle » ou du vieux mot pantoufler.
Le populo a tellement été accoutumé à l’inaction qu’il ne peut s’en dépêtrer ; il voudrait que la ritournelle du passé continue, — que d’autres fassent toujours sa besogne !
Pourtant, faut tout dire : petit à petit il se dessale ! Il est déjà moins pantouflard : la clairvoyance lui vient. Il a la compréhension qu’un sacré coup de trafalgar est indispensable pour que les choses aillent mieux.
(Le Père Peinard)
Pantoufle
d’Hautel, 1808 : Cet homme raisonne comme une pantoufle. Pour, il parle à tort et à travers ; il ne sait ce qu’il dit.
On iroit en pantoufle. Se dit pour exagérer la proximité d’un lieu ou la beauté d’un chemin, et pour marquer la commodité qu’on a d’y aller.
Il a mis son soulier en pantoufle. Se dit par raillerie de quelqu’un qui croit s’être bien déguisé, et que l’on reconnoit au premier abord.
Delvau, 1866 : Mot que le peuple ajoute ordinairement à Et cœtera, comme pour mieux marquer son dédain d’une énumération fastidieuse. Sert aussi de terme de comparaison péjorative. Bête comme ma pantoufle. Très bête. Raisonner comme une pantoufle. Très mal.
Pantouflé
Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier tailleur, — dans l’argot des faubouriens, qui ont remarqué que ces ouvriers sortent volontiers en pantoufles.
France, 1907 : Ouvrier tailleur, appelé ainsi parce qu’il travaille en pantoufles.
Pantoufle (et cœtera)
Larchey, 1865 : Injure peu traduisible. Pour la comprendre, il faut savoir qu’on appelle aussi c-n pantoufle un homme nul, sans énergie, qui n’a rien de viril.
L’animal le traitait alors de fainéant, de poule mouillée et d’et cœtera pantoufle.
(L. Desnoyer)
Et cœtera pantoufle : Quolibet dont on se sert lorsqu’un ouvrage pénible et ennuyeux vient à être terminé.
(d’Hautel, 1808)
Pantoufle (et cœtera) !
France, 1907 : Cette expression est employée pour terminer une énumération fastidieuse. Le Voltaire en donne l’explication suivante :
Et cœtera… pantoufle ! Que signifie cette expression employée dans le langage populaire ? Lorédan Larchey, répond le Courrier de Vaugelas, déclare cette locution peu traduisible et dit que le peuple s’en sert comme d’un temps d’arrêt dans une énumération qui menace de devenir malhonnête. Elle est même tout à fait intraduisible si l’on ne considère que le mot français en lui-même et sa signification vulgaire de chaussure de chambre. À ce point de vue étroit, il est impossible de saisir la corrélation existant entre cette pantoufle et un discours dont on veut taire la fin, ou plutôt qu’on n’achève pas parce que la conclusion est trop connue. Le français, qui souvent s’est taillé un vêtement dans la chlamyde des Grecs, n’a pas dédaigné non plus de s’introduire dans leurs pantoufles. Nous disons : Et cœtera pantoufle. Les Grecs entendaient par là : Et les autres choses, toutes de même sorte. Nous sommes en France des traducteurs si serviles, nous avons serré le grec de si près que nous nous sommes confondus avec lui, nous avons traduit le mot grec par pantoufle ! Mais d’où nous est venue cette bizarre expression ? Comment a-t-elle passé dans notre langue ? M. Ch. Toubin pense qu’elle nous est vraisemblablement arrivée par Marseille. C’est possible, mais nous aimons mieux croire que les écoliers du moyen âge, élevés dans le jardin des racines grecques, ont été frappés de la consonnance de pantoufle avec l’expression grecque et l’ont adoptée en la francisant, à la façon plaisante des écoliers.
Pantoufler
France, 1907 : Donner sa démission, entrer dans les pantouflards ; argot des polytechniciens.
Pantouflerie
France, 1907 : Bêtise, veulerie, lâcheté.
On devrait foutre la pierre aux fausses couches qui se laissent mettre le grappin sur le râble et, au lieu de les plaindre, leur dire :
— « Si vos poings n’étaient pas assez durs pour résister à l’ennemi que n’avez-vous aiguisé vos griffes et ramassé les cailloux du chemin ? Aussi fort et si puissant que fût votre antagoniste, y avait mèche de rétablir l’équilibre et de l’empêcher de vous dévorer !…
Puisque, au lieu d’agir, vous avez courbé l’échine, supportez-en les conséquences !… »
Mais foutre, les bons bougres n’ont pas cette rigidité de raisonnement : ils comprennent que la pantouflerie du populo résulte beaucoup de la masturbation séculaire que, de génération en génération, lui font endurer les grosses légumes.
(Le Père Peinard)
Pantre
Vidocq, 1837 : s. m. — Homme simple, facile à tromper, paysan.
M.D., 1844 : Paysan.
un détenu, 1846 : Un bourgeois, un individu qui se laisse duper.
Halbert, 1849 : Bête, simple.
Rossignol, 1901 : Innocent, bête, honnête homme.
France, 1907 : Dupe. Abréviation de Pantruchon, Parisien.
— Eh ! oui, buvons ! Qui paiera ? — Les pantres !
(Mémoires de Vidocq)
Le chien, la maîtresse et l’amant
S’en vont tous trois fièrement,
Et haut le ventre,
À la conquête de celui
Qui sera ce soir le mari,
Disons le pantre !
(Chanson du Père Lunette)
Pantre argoté
Halbert, 1849 : Type de la stupidité.
Virmaître, 1894 : Imbécile de la pire espèce, plus bête que ses pieds ; être facile à tromper (Argot des voleurs).
France, 1907 : Imbécile facile à duper.
Pantre arnau
Halbert, 1849 : Qui s’aperçoit qu’il est volé.
Virmaître, 1894 : Mot à mot : individu qui renaude, qui marronne en s’apercevant qu’il vient d’être victime d’un vol (Argot des voleurs).
France, 1907 : Dupe qui se plaint, fait tapage, renaude enfin quand elle s’aperçoit qu’elle est volée.
Pantre désargoté
Halbert, 1849 : Homme malin.
France, 1907 : Individu difficile à tromper.
Pantriot
France, 1907 : Payeur, patron ; argot populaire. Jeune niais.
Pantriote
France, 1907 : Sotte.
— N’allez pas, dit la grosse boulotte, me vendre, pantriotes que vous êtes.
(Louise Michel)
Pantrouillard
France, 1907 : Synonyme de pantre, gonce, chêne, type, etc.
Pantruche
un détenu, 1846 / Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Paris.
France, 1907 : Déformation argotique de Pantin, Paris.
Pantin, c’est le Paris obscur ; Pantruche, c’est le Paris canaille.
(Gérard de Nerval)
Pantume
Halbert, 1849 : Catin.
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans l’argot des voleurs. Quelques lexicographes de Clairvaux disent Panturne.
Pantume, panturne
Rigaud, 1881 : Femme dévergondée, — dans l’ancien argot.
Panturne
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Catin.
Larchey, 1865 : Fille de mauvaises mœurs. — Grandval.
La Rue, 1894 : Fille de mauvaise vie.
France, 1907 : Prostituée, de l’argot italien.
Les souteneurs, dans leur argot, disent : gaupe, marmite, dabe, largue, ouvrière, guenippe, ponante, ponisse, panturne, panuche, bourre de soie.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
On dit aussi pantume.
Panturne ou ponisse
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Femme de mauvaise vie.
Panuche
Rigaud, 1881 : Femme à son aise, femme heureuse, — dans le jargon des voleurs et des filles. À Saint-Lazare, les filles insoumises appellent ainsi les femmes de maison qui, à leur tour, les traitent de connasses, connassons, niaises, petites niaises. Aux yeux de l’insoumise, le sort de la panuche en traitement est le sort le plus beau, le plus digne d’envie. « Madame » s’intéresse à elle, « madame » lui envoie argent, vin de Bordeaux et friandises. Et puis, quand Saint-Lazare lui aura refait une santé, ne retrouvera-t-elle pas tout de suite toilettes fraîches, bon souper, bon gîte et le reste ?
La Rue, 1894 : Femme bien mise. Femme de maison.
Virmaître, 1894 : Femme élégamment mise, L. L. Panuche est la maîtresse d’une maison de tolérance (Argot des souteneurs). V. Maman-maca.
Hayard, 1907 : Femme élégante.
France, 1907 : Prostituée, argot des souteneurs, ou maîtresse de lupanar.
Panufe
Rigaud, 1881 : Chausson ; chaussette, un objet de luxe pour MM. les voleurs.
Panure
France, 1907 : Débris de pain que ramassent les chiffonniers et qu’ils revendent aux charcutiers pour en faire de la chapelure.
Paon
d’Hautel, 1808 : Il est dans une colère de paon. Se dit de quelqu’un qui est irrité, ou dont l’orgueil est très-offensé.
Orgueuilleux comme un paon. Hautain, fier et glorieux à l’excès. Voyez Août.
Paonner
France, 1907 : Étaler ses avantages physiques à l’instar des paons qui font la roue.
Papa
d’Hautel, 1808 : Mot d’enfant, que l’on conserve cependant dans un âge plus avancé, par amitié ; pour dire père.
Papa, beau-Père, expression comique et burlesque dont on se sert en parlant à un homme avec lequel on est en grande familiarité.
On dit aussi papa, en adressant la parole à un homme d’un âge mûr.
À la papa. Façon de parler adverbiale, tirée d’une chanson populaire pour dire à l’aise, sans gêne, sans contrariété, sans peine, sans embarras.
Vivre à la papa. Pour dire tranquillement et avec, aisance.
Faire quelque chose à la papa. C’est-à-dire, sans se gêner, sans se presser le moins du monde. Cette locution est fort à la mode parmi le peuple de Paris.
Delvau, 1866 : s. m. Père, — dans l’argot des enfants, dont ce mot est le premier bégaiement. Bon-papa. Grand-père.
Rigaud, 1881 : Cocher de tramway, — dans le jargon des voyous, qui sont assez mélomanes pour s’être aperçus que la trompe dont jouent les cochers de tramway avec leurs pieds produit une série de pa pa pa pa.
Papa (à la)
Larchey, 1865 : Supérieurement. — Le père est maître au logis.
On nous aura requinqués à la papa… Tu riras là mais j’dis à la papa… Ou sinon d’ça j’te brosse à la papa…
(Le Casse-Gueule, ch., 1841)
Il va nous juger ça à la papa.
(Désaugiers, 1813)
Delvau, 1866 : adv. Avec bonhomie, tranquillement, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression avec une nuance d’ironie.
Rigaud, 1881 : Sans façon.
France, 1907 : Tranquillement, sans se hâter. « Faire une chose à la papa. »
Papabile
France, 1907 : Papable, candidat à la papauté, admissible à la tiare pontificale ; italianisme. Les cardinaux qui concourent à l’élection d’un pape se nomment papifiants.
Papavoiner
Delvau, 1866 : v. a. Assassiner aussi froidement que fit Papavoine des deux petits enfants dont il paya la vie de sa tête. L’expression, qui a eu cours il y a une trentaine d’années, a été employée en littérature par le chansonnier Louis Festeau.
Pape
d’Hautel, 1808 : On dit, lorsque deux personnes expriment en même temps la même pensée, qu’elles ont fait un pape.
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Imbécile, — dans le jargon des voleurs. C’est une variante très altérée de pante.
La Rue, 1894 : Imbécile. Verre de rhum.
France, 1907 : Imbécile ; argot des faubouriens.
France, 1907 : Le commandant de l’école navale ; argot du Borda.
France, 1907 : Verre de rhum ou de bitter.
Au Quartier latin, l’absinthe s’appelle une purée, l’eau-de-vie un pétrole, le bock un cercueil, le bitter un pape.
(Mémoires de M. Claude)
On appelle ainsi et plus exactement un verre de rhum en jouant sur les mots Rome et pape.
Pape (soldat du)
Larchey, 1865 : Mauvais soldat.
Soldats du pape, méchantes troupes. Machiavel a dit que les compagnies de l’église sont le déshonneur de la gendarmerie.
(Le Duchat, 1738)
Le terme remonterait donc au seizième siècle.
Vous êtes bien des soldats du pape. Est-ce que par hasard un jupon vous ferait peur ?
(L. Reybaud)
Pape (un)
Rigaud, 1881 : Un verre de rhum. Le mot pape implique l’idée de Rome, et Rome fournit l’occasion d’un déplorable jeu de mots.
Pape Colas
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime à prendre ses aises, à se prélasser, — dans l’argot du peuple.
Papegot
France, 1907 : Individu soumis au pape, dévot, hypocrite ; altération du vieux français papegaut.
Allons, enfants de la croustille,
Le jour de boire est arrivé !
C’est pour nous que le boudin grille,
C’est pour nous qu’il est préparé.
Entendez-vous dans la cuisine
Bouillir les marmites, les pots ?
Ah ! ne serions-nous pas bien sots
Si nous leur faisions triste mine ?
À table, papegots ! Vidons tous ces flacons !
Buvons, buvons !
Qu’un nectar pur abreuve nos poumons !
(La Marseillaise des curés)
Papelard
d’Hautel, 1808 : Fourbe, hypocrite, faux dévot.
Vidocq, 1837 : s. m. — Papier.
Halbert, 1849 : Papier.
Larchey, 1865 : Papier (Vidocq). Corruption de mot.
Delvau, 1866 : s. m. Papier, — dans l’argot des voleurs, qui ont voulu coudre une désinence de fantaisie au papel espagnol.
Rigaud, 1881 : Papier ; de l’espagnol papel.
La Rue, 1894 : Papier. Tout papier imprimé vendu par le camelot dans la rue.
Rossignol, 1901 : Marchand de journaux.
Hayard, 1907 : Papier.
France, 1907 : Papier ; argot des voleurs. « Maquiller le papelard », écrire. Tout papier imprimé vendu par les camelots dans la rue est appelé papelard.
anon., 1907 : Papier.
Paper-hunt
France, 1907 : Chasse au papier. Anglicisme et de nom et de chose. C’est une sorte de steeple-chase (course au clocher), où un cavalier part en avant, muni d’un sac plein de petits morceaux de papier qu’il sème sur sa route en franchissant tous les obstacles qu’il rencontre, murs, haies, fosses. Les autres, cavaliers et amazones, qui partent dix ou quinze minutes après lui, doivent suivre ses traces.
Paperasser
d’Hautel, 1808 : Feuilleter de vieilles paperasses, remuer de vieux papiers.
Paperassier
d’Hautel, 1808 : Mauvais écrivain, auteur verbeux ; celui qui, pour se donner de l’importance, aime à ramasser, à conserver des papiers inutiles.
Papier
d’Hautel, 1808 : Le papier souffre tout. Se dit lors qu’une personne rédige seule un acte où il y a plusieurs intéressés ; et qu’il n’y met que ce qu’il lui plait.
Un barbouilleur de papier. Un mauvais écrivain, un mauvais imprimeur.
Rayez cela de vos papiers. Pour dire ne comptez pas là-dessus.
Le parchemin est plus fort que le papier. Pour dire que les titres sur parchemin durent plus que sur du simple papier.
Rigaud, 1881 : Billet de banque, — coupon détaché d’un titre de Bourse.
Papier à chandelle
Rigaud, 1881 : Mauvais petit ou grand journal. Mot à mot : papier bon à envelopper de la chandelle.
France, 1907 : Journal insignifiant et éphémère, autrement dit feuille de chou.
Papier à douleur
La Rue, 1894 : Billet protesté, quittance de loyer.
France, 1907 : Billet protesté ; quittance de loyer.
Papier Joseph
Delvau, 1866 : s. m. Billet de banque, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Papier de soie.
Papier Joseph ou de soie
France, 1907 : Billet de banque.
Papier public
Delvau, 1866 : s. m. Journal, — dans l’argot des paysans de la banlieue.
Papillon
d’Hautel, 1808 : Courir, voler après les papillons. Voltiger d’objets en objets ; courir après des bagatelles ; avoir l’esprit léger.
Il s’est allé brûler à la chandelle comme le papillon. Se dit d’un homme qui se laisse tromper par des apparences flatteuses, et qui s’engage dans une affaire qui lui devient préjudiciable.
Ansiaume, 1821 : Voiture de blanchisseur.
J’ai fait les papillons, mais c’est un vilain phlanchet.
Larchey, 1865 : Blanchisseur (id.). — Comme le papillon, il arrive de la campagne, et ses ailes blanches sont représentées par les paquets de linge qu’il porte sur le dos.
Delvau, 1866 : s. m. Blanchisseur, — dans l’argot des voleurs, qui ont transporté à la profession l’épithète qui conviendrait à l’objet de la profession, les serviettes séchant au soleil et battues par le vent dans les prés ressemblant assez, de loin, à de grands lépidoptères blancs.
Rigaud, 1881 : Blanchisseur. — Linge.
La Rue, 1894 : Blanchisseur. Inconstant.
Virmaître, 1894 : Blanchisseur de campagne (Argot des voleurs).
Virmaître, 1894 : Vol à la marque. Il se pratique dans les voitures de blanchisseuses qui viennent de la campagne et contient leurs voitures à la garde d’un enfant (Argot des voleurs).
France, 1907 : Garçon de lavoir ; blanchisseur. Argot des voleurs.
Papillon d’auberge
Rigaud, 1881 : Linge, vaisselle, batterie de cuisine. — M. Fr. Michel ne donne pas à cette expression de signification normale. M. Ch. Nisard traduit par coups de poing, soufflet, s’appuyant sur l’autorité de quatre vers également cités par M. Fr. Michel et tirés des Porcherons, ch. III. (Amusemens rapsodi-poêtiques, 1773)
Bientôt, au défaut de flamberges
Volent les « papillons d’auberges » ;
On s’accueille à grands coups de poing
Sur le nez et sur le grouin.
M. Ch. Nisard a pu mal interpréter l’expression « papillon d’auberge » en lui donnant le sens de soufflet, coups de poing. En argot papillon correspond à linge. Papillon d’auberge serait donc linge d’auberge et, par extension, tout ce qui se rapporte à la table.
La Rue, 1894 : Assiette.
France, 1907 : Assiette ; appelée ainsi parce que, dans les disputes d’auberge, elles volent à la tête des convives.
Bientôt, à défaut de flamberges,
Volent les papillons d’auberges ;
On s’accueille à grands coups de poing
Sur le nez et sur le grouin.
(Les Porcherons)
On appelle aussi de ce nom le linge de table.
Papillon de l’amour
Delvau, 1864 : Vulgo morpion. Petit insecte qui, voyageant de vit en con et de couille en cul, se cramponne à l’un ou à l’autre, dans un but de colonisation.
Ma maîtresse, l’autre jour.
Se grattait, fallait voir comme…
Ainsi que se gratte un homme,
Je me grattais à mon tour.
Or, Suzon me déculotte.
Je la trousse sans détour :
Nous étions pleins, vit et motte,
De papillons de l’amour.
(Hip. Chatelin)
Papillon, -ne
Vidocq, 1837 : s. — Blanchisseur, blanchisseuse.
Papillonne
Delvau, 1866 : s. f. Amour du changement, ou plutôt Changement d’amour, — dans l’argot des fouriéristes. On dit aussi Alternante.
Papillonne (la)
France, 1907 : Mot créé par Paul Fourier. C’est la passion du changement, le papillon voltige de fleur en fleur, comme le volage d’amourette en amourette. Il n’est guère homme qui, au temps de sa prime jeunesse, n’ait été plus ou moins atteint de la papillonne.
Papillonner
d’Hautel, 1808 : Être inconstant, léger ; voltiger d’objets en objets à la manière des papillons.
Vidocq, 1837 : v. a. — Voler les blanchisseurs ou blanchisseuses.
Delvau, 1866 : v. n. Aller de belle en belle, comme le papillon de fleur en fleur, — dans l’argot du peuple. Il y a près de deux siècles que le mot est en circulation. On connaît le mot de madame Deshoulières à propos de mademoiselle d’Ussel, fille de Vauban : « Elle papillonne toujours, et rien ne la corrige. » Fourier n’a inventé ni le nom ni la chose.
Rigaud, 1881 : Voler du linge.
France, 1907 : Voler du linge dans les voitures de blanchisseuses.
Papillonneur
Vidocq, 1837 : s. m. — Voici comment procèdent les Papillonneurs. L’un d’eux se rend à Boulogne ou ailleurs, et examine avec attention charger une voiture de blanchisseur. La marque du linge est ordinairement répétée à la craie rouge sur chaque paquet. Le Papillonneur, après avoir examiné la manière dont les paquets sont rangés dans la voiture, va rejoindre son camarade qui l’attend à la barrière. Lorsque la voiture arrive à son tour, tous deux la suivent de loin jusqu’au lieu de sa station. Arrivés à la place où ils ont l’habitude de s’arrêter, le blanchisseur, son épouse et son garçon prennent chacun un paquet et s’éloignent. Alors, l’un des voleurs vient à la voiture tête et bras nus, et dit à l’enfant qui garde ordinairement la voiture : « Je viens de rencontrer ton père, il m’envoie prendre le paquet marqué L. V. et celui B. X. » L’enfant, qui n’en sait pas plus long, laisse le Papillonneur enlever ce qui lui convient, et le vol est commis.
Que les blanchisseurs ne laissent la garde de leur voiture qu’à des personnes raisonnables, et que ces personnes ne remettent jamais de paquets de linge aux personnes inconnues.
Larchey, 1865 : Voleur exploitant les voitures des blanchisseurs qui apportent le linge à Paris (id.).
Rigaud, 1881 : Voleur de linge, voleur qui exploite les voitures de blanchisseurs.
La Rue, 1894 : Voleur de linge dans les voitures de blanchisseurs.
France, 1907 : Voleur qui rôde autour des voitures de blanchisseuses arrêtées sur la voie publique et guette l’occasion de les dévaliser.
Papillons noirs
France, 1907 : Idées tristes.
Papillotage
d’Hautel, 1808 : Faux brillant ; paroles pompeuses, mais dénuées de sens.
Papillote
d’Hautel, 1808 : Il a les yeux en papillotte. Se dit d’un homme qui a bu plus que de coutume, et à qui le besoin de dormir fait fermer les yeux.
Papilloter
d’Hautel, 1808 : Babiller avec facilité ; se servir de grands mots pour de petits sujets.
Papillotes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Billets de banque, — dans lesquels les gens aussi riches que galants enveloppent les dragées qu’ils offrent aux petites dames.
France, 1907 : Billets de banque, allusion à la finesse du papier semblable à celui avec lequel les femmes se font des papillotes.
Papotage
Delvau, 1866 : s. m. Causerie familière ; bavardage d’enfants ou d’amoureux. Argot des gens de lettres.
France, 1907 : Bavardage ; bruit de vaines paroles.
La voici près de lui, assise, d’une cuisse, au bord du petit lit de fer qui plie un peu, sous son poids. Et ce sont des confidences d’amoureux ; des papotages puérils, le trop-plein qui déborde, des câlineries et des tendresses, tandis qu’au dehors la pluie redouble.
(Georges Courteline)
Papoter
Delvau, 1866 : v. n. Babiller comme font les amoureux et les enfants, en disant des riens.
France, 1907 : Bavarder. Dans le patois du Centre, c’est parler entre ses dents.
Quiconque n’a pas traversé les jardins où ce vieux petit peuple tient ses assises, se groupe par affinités de tempérament ou de profession ; papote, jacasse, avec des voix fragiles, comme fêlées et déjà lointaines ; discute sur l’avenir (ou sur la soupe) ; débat les plus ardus problèmes de philosophie, ou la conduite d’une nonagénaire « qui, décidément, flirte trop », n’a pas contemplé un des spectacles les plus touchants et les plus caractéristiques qu’il soit possible d’observer.
(Séverine)
Papyrolithe
France, 1907 : Papier-pierre. Néologisme. Aux États-Unis, l’on construit des maisons entières en papier. Ce papier est réduit en pâte, puis comprimé. Un inventeur allemand préconise le papyrolithe pour la confection de planchers qui, ne présentant pas de rainures, seraient exempts de poussière et par conséquent de microbes. Il existe déjà depuis quelques années dans les services auxiliaires de l’armée française des ambulances de campagne démontables, en carton comprimé, d’une étanchéité et d’une solidité absolues. Du reste, un constructeur américain proposait récemment de bâtir une cathédrale en papyrolithe.
Paquecin
Larchey, 1865 : « Ne faut-il pas que baluchons et pacquecins (paquets) disparaissent subitement comme dans une féerie ? Personne n’égale le cambrioleur dans l’art de déménager sans bruit. » — A. Monnier.
Paquelin
anon., 1827 : L’enfer.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Enfer.
Bras-de-Fer, 1829 : L’enfer.
un détenu, 1846 : Pays.
Halbert, 1849 : Flatteur ou l’enfer.
La Rue, 1894 : Flatteur. Paqueliner, flatter.
France, 1907 : Flatteur ; corruption de patelin. Argot des voleurs.
Paquemon
Delvau, 1866 : s. m. Paquet ou ballot, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Paquecin.
France, 1907 : Paquet. Voir Paccin.
Pâquerettes de cimetière
France, 1907 : On désigne ainsi ces excroissances, ces verrues couvertes de poils blancs qu’on remarque sur la figure de quelques vieilles gens. C’est aussi les premiers poils blancs.
Il n’est plus bien jeune non plus et sa barbe est fleurie déjà de ces petites fleurs blanches que le poète appelle des pâquerettes de cimetière…
(Colombine, Gil Blas)
Pâques
d’Hautel, 1808 : Il est en train comme un lundi de pâques. Se dit de quelqu’un qui est distrait dans son travail ; qui n’a pas envie de travailler ; qui est enclin à la débauche.
À pâques on s’en passe, à la pentecôte quoi qu’il en coûte. Cela s’entend des habits d’été qui ne sont nécessaires qu’en ce temps-là.
Pâques ou à la Trinité (à)
France, 1907 : Ce dicton fort ancien remonte au XIIIe siècle où, par certaines ordonnances, les rois de France promettaient à leurs créanciers de les rembourser soit à Pâques, soit cinquante-six jours plus tard, à la Trinité. Bien entendu, la Trinité se passa sens qu’on vit revenir l’argent, pas plus que ne revint Malbrough.
Paquet
d’Hautel, 1808 : Il ne remue pas plus qu’un paquet de linge sale. Se dit d’un homme insouciant, paresseux et sans activité, qui a de la peine à se mouvoir pour ses propres affaires.
On dit d’une demoiselle, dont le corsage s’est épaissi, et à qui l’embonpoint a fait perdre de ses graces, qu’Elle est devenue un peu paquet.
Des paquets. On donne cette épithète incivile à des personnes âgées qui, dans un bal, ne font plus que regarder danser.
Risquer le paquet. S’engager dans une affaire douteuse ; hasarder une demande au risque d’être refusé.
Įl a fait son paquet. Pour, il s’en est allé ; il a quitté cette maison.
Il porte son paquet avec lui. Se dit par raillerie d’un bossu, pour lui reprocher son infirmité.
d’Hautel, 1808 : Pour gausse, mensonge, hâblerie, contes en l’air, subterfuge, gasconnade.
Ne nous donnez plus de ces paquets-là. Pour, ne nous faites plus de pareils contes.
Paquet, signifie aussi brocard, lardon, paroles malignes et piquantes.
Donner dans un paquet. Être pris pour dupe ; être attrapé.
Donner à chacun son paquet. Faire des réprimandes à tous ceux que l’on trouve en faute.
On dit aussi, donner à quelqu’un son paquet, pour faire taire quelqu’un par des réponses vives, mordantes et ingénieuses.
Delvau, 1864 : Ornement naturel de la culotte de l’homme, qui monte si fort la tête aux femmes ; ornement postiche, parce qu’exagéré, de la culotte des danseurs espagnols, nécessaire pour donner de la verve à leurs danseuses.
T’as un beau paquet, mon chéri !
(Lemercier de Neuville)
Sur cet insolent paquet,
Je lâche un vigoureux pet.
(Parnasse satyrique)
Delvau, 1866 : s. m. Compte, — dans l’argot du peuple. Avoir son paquet. Être complètement ivre. Recevoir son paquet. Être congédié par un patron, ou abandonné par un médecin, ou extrême onctionné par un prêtre. Faire son paquet. Faire son testament. Risquer le taquet. S’aventurer, oser dire ou taire quelque chose.
Rigaud, 1881 : Femme habillée sans goût.
Fustier, 1889 : Injure employée surtout dans la classe ouvrière et qui est synonyme d’imbécile.
Tout à coup deux… braves gens, porteurs de deux belles casquettes neuves, les abordent et l’un d’eux, sur un air connu, en fixant Joseph : Oh ! regarde-moi donc ce paquet !
(Gazette des Tribunaux, 1882)
La Rue, 1894 : Compte. Recevoir son paquet. Ivresse.
Virmaître, 1894 : Homme ou femme gros, court sur pattes, sans élégance, ressemblant à un paquet de chair (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Bête, imbécile.
Hayard, 1907 : Homme ou femme, épais et naïf.
France, 1907 : Personne lourde, gênante qui pèse comme un paquet dans une réunion. Femme habillée d’une façon ridicule. Injure que s’adressent les voyous.
Un simple racleur de guitare,
Moi, si tu veux, dare dare
Peut te rabattre ton caquet,
Et te mettre dans les ordures,
Sans préjudice des futures
Représailles, ton nez, paquet !
(Raoul Ponchon)
Paquet (avoir son)
France, 1907 : Être ivre. Risquer le paquet, s’aventurer ; faire ou préparer le paquet, arranger un jeu de cartes pour tricher ; attraper son paquet, être réprimandé, tancé ; recevoir son paquet, être renvoyé ; faire son paquet, se préparer à la mort ; lâcher de paquet, avouer.
Les faux amours, l’hypocrisie,
Il met tout au même baquet :
Le Faubourg et la Bourgeoisie,
Chacun attrape son paquet.
(Jacques Rédelsperger)
Paquet (faire le)
Fustier, 1889 : Argot de grecs. Ranger les cartes en les battant de façon à se donner les bonnes.
Paquet (lâcher le)
Rigaud, 1881 : Tout révéler, faire des aveux.
Paquet (recevoir son)
Rigaud, 1881 : Recevoir son congé, être renvoyé.
Paquet de couenne
Rigaud, 1881 : Garde national. Allusion au laisser-aller des couennes à l’étalage du tripier. Le garde national n’a jamais brillé par la correction de sa tenue.
Paquet de couennes
France, 1907 : La garde nationale, c’est-à-dire tas d’imbéciles, de maladroits ; d’où le singulier nom paquet de couennes donné aux membres de cette institution.
— Est-ce que tu ne t’aboulais pas me voir, toi, la vieille, quand j’étais paquet de couennes au rempart pendant le siège ?
(Serge Basset)
Paquetier
Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui ne fait que des lignes qu’il met ensuite en paquets. Paquetier d’honneur, c’est, dans certaines maisons, le premier paquetier d’un metteur en pages. Il ne manque jamais de copie, et participe largement aux honneurs le jour où l’on arrose une réglette.
France, 1907 : Compositeur qui ne fuit que des lignes qu’il met ensuite en paquets. Paquetier d’honneur, premier paquetier d’un metteur en pages. Metteurs en pages et paquetiers se coufondent sous la dénomination commune de typographes.
Au point de vue de la hiérarchie, les typographes peuvent être rangés sous trois catégories : le prote, le metteur en pages et le paquetier ; mais ces distinctions sont, à vrai dire, à peu près fictives : un prote peut perdre son emploi et redevenir metteur en pages… il n’est pas rare de voir un metteur en pages reprendre la casse et lever la lettre comme à ses débuts.
(Eugène Boutmy)
Paquets
Delvau, 1866 : s. m. pl. Médisance, ragots. Faire des paquets. Médire et même calomnier.
Paquets (faire des)
Larchey, 1865 : Médire, Tricher en interpolant des cartes préparées dans son jeu.
La Rue, 1894 : Commérer, médire.
France, 1907 : Commérer, médire, faire marcher sa langue, comme les commères groupées sur le pas de leurs portes et qui habillent de belle sorte toutes les femmes qui passent.
Paquets (faire ses petits)
Rigaud, 1881 : Agoniser. Allusion aux mouvements des moribonds qui ramènent à eux leurs couvertures.
Par ma fine !
d’Hautel, 1808 : Interjection usitée parmi les paysans, et qui équivaut à, par ma foi !
Par pari refertur
France, 1907 : Locution latine signifiant : on rend la pareille. La loi mosaïque œil pour œil, dent pour dent, etc., procède par pari refertur.
Le quartier de… n’étant point enclos de murailles, il est on ne peut plus facile aux cavaliers de franchir à volonté les petits fossés dont il est entouré, et qui ont à peine trois ou quatre pieds de profondeur.
Des factionnaires sont, il est vrai, espacés autour de cette enceinte.
Mais tout en ignorant pour la plupart l’axiome latin : par pari refertur, les hommes du régiment ne se gênent nullement pour le mettre en pratique.
« Si je le laisse découcher aujourd’hui, il me laissera découcher demain, donc… va ton train, mon petit bonhomme. »
(Charles Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)
Par-dessus
d’Hautel, 1808 : J’en ai cent pied par-dessus la tête. Pour exprimer que l’on est dégoûté de quelque chose, ou que l’on est sur le point de perdre patience.
Tu l’auras par-dessus l’épaule. C’est-à-dire, jamais.
Para, parar
France, 1907 : Apprêter, embellir, parer, disposer. « Ourbi la bousse e para l’esquie », ouvrir la bourse et tendre l’échine (payer l’impôt et tout subir).
Parabole
France, 1907 : Paradis ; argot des voleurs.
Paraches
France, 1907 : Paroles inutiles, exagération de langage. « Quel tas de paraches à propos de rien ! »
Parade
Boutmy, 1883 : s. f. Synonyme de postiche.
France, 1907 : Plaisanterie d’atelier bonne ou mauvaise ; argot des typographes. Voir Postiche.
Parade (bénédiction de)
France, 1907 : Coups de pied au derrière ; allusion aux coups de pied que se donnent les paillasses et les clowns sur les parades foraines. Argot populaire.
Parade (défiler la)
Larchey, 1865 : Mourir.
Alors tout l’monde défile à c’te parade d’où l’on ne revient pas sur ses pieds.
(Balzac)
Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des troupiers.
Merlin, 1888 : S’en aller, disparaître, mourir.
France, 1907 : Mourir ; argot militaire.
Parade (faire la)
Rigaud, 1881 : C’est commencer le spectacle par une petite pièce sans importance, en attendant le public. (Petit dict. des coulisses)
Parade (une)
Hayard, 1907 : Une observation, garantie.
Paradis
d’Hautel, 1808 : Les riches ont leur paradis en ce monde. Pour dire, qu’ils y ont toutes leur commodités, qu’ils y goûtent toutes les jouissances de la vie.
Il a heurté à la porte du paradis. Se dit d’un homme qui a été dangereusement malade.
C’est le chemin du paradis, on n’y va qu’un à un. Se dit en plaisantant d’un chemin difficile et fort étroit, où l’on est obligé de passer l’un après l’autre.
Paris est le paradis des femmes, le purgatoire des hommes, et l’enfer des chevaux. Jamais proverbe ne fut d’une plus exacte vérité.
Il croit être en paradis. Se dit de quelqu’un qui passe tout d’un coup d’un emploi pénible et turbulent à une condition douce et paisible, ou qui est dans la joie et l’ivresse.
Delvau, 1866 : s. m. Amphithéâtre des quatrièmes, — dans l’argot des coulisses.
Delvau, 1866 : s. m. La fosse commune, — dans l’argot ironique des marbriers de cimetière.
France, 1907 : Amphithéâtre des quatrièmes, les places lus plus élevées d’un théâtre.
À l’orchestre d’un théâtre du boulevard, un spectateur demande à son voisin en levant les yeux vers les dernières places :
— Pourquoi diable appelle-t-on cela le Paradis ?
— Sans doute parce que c’est le ciel relativement au parterre, répond celui qu’on interroge.
— Du tout ! s’écrie Dumas fils, c’est parce qu’on y mange des pommes.
(Eugène de Mirecourt)
France, 1907 : Jeu de marelle, à cause du nom donné au point gagnant ; patois meusien.
Paradis (ne pas porter en)
France, 1907 : Ne pas mourir sans avoir expié un méfait. « Tu as mis un polichinelle dans le tiroir de la pauvre Alice, tu ne le porteras pas en paradis. — Naturellement, mais en nourrice. »
Paradis (porter en)
Larchey, 1865 : « Vous voulez parler du coup de poing. — Oui ; oh ! Le beau jeune homme ne portera pas cela en paradis, allez ! » — Ricard. — C’est-à-dire : Il me le paiera avant sa mort.
Paradis de Mahomet (le)
Delvau, 1864 : Le seul auquel les vrais croyants doivent croire, parce qu’il est « pavé de pucelages, » au lieu d’être, pavé de bonnes intentions, comme l’autre.
Paradouze
Delvau, 1866 : s. f. Paradis, — dans l’argot calembourique du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme en témoignent ces vers extraits du Roman du Renart :
Li sainz Esperiz
De la seue ame s’entremete
Tant qu’en paradouse la mete,
Deux lieues outre Paradiz,
Où nus n’est povre ne maudis.
Rigaud, 1881 : Paradis ; changement de la dernière syllabe pour obtenir un jeu de mots sur dix et douze.
France, 1907 : Jeu de mot faubourien sur paradis.
Parain
Ansiaume, 1821 : Témoin.
On peut chomir la lourde de sa turne, il n’y a point de parain.
Paralance
Larchey, 1865 : Parapluie. V. Lance.
Rigaud, 1881 : Parapluie.
France, 1907 : Parapluie ; il pare la lance (pluie). Argot populaire.
Paralysie de la queue
Delvau, 1864 : Impuissance ; insensibilité du membre viril — qui a été trop sensible.
Paramour
France, 1907 : Soutien, défenseur des beautés faciles.
Parangonner
Boutmy, 1883 : v. intr. Allier des caractères de force différente, de façon qu’ils s’alignent ensemble. Au figuré, se parangonner, c’est se consolider en s’appuyant ; s’arranger de façon à ne pas tomber lorsqu’on se sent peu solide sur ses jambes.
Virmaître, 1894 : Arranger au moyen d’interlignes des caractères de différents corps (Argot d’imprimerie).
France, 1907 : « Allier des caractères de force différente, de façon qu’ils s’alignent ensemble. Au figuré, se parangonner, c’est se consolider en s’appuyant ; s’arranger de façon à ne pas tomber lorsqu’on se sent peu solide sur ses jambes. »
(Eug. Boutmy, Argot des typographes)
Parapet
d’Hautel, 1808 : Beaucoup disent, par corruption, parapel.
Paraphe
Delvau, 1866 : s. m. Soufflet, — dans l’argot du peuple, qui se plaît à déposer son seing sur la joue de ses adversaires. Détacher un paraphe. Donner un soufflet.
France, 1907 : Coup au visage, soufflet ; argot populaire. Détacher un paraphe.
Paraphe (en détacher un)
Virmaître, 1894 : Donner un soufflet à quelqu’un. On dit aussi :
— Je vais te poser un cachet.
Détacher un paraphe est rarement employé, c’est trop long ; bègne vaut mieux (Argot du peuple).
Parapher, détacher un paraphe
Rigaud, 1881 : Signer son nom avec la main sur la joue de quelqu’un.
Parapluie
La Rue, 1894 : Mari.
France, 1907 : Niais. Il sert à couvrir les fredaines de son épouse en vertu de cet axiome : « Le pavillon couvre la marchandise. »
Parapluie de l’escouade
Merlin, 1888 : Au bleu, au conscrit naïf, les loustics font croire que chaque escouade possède un gigantesque parapluie, que le dernier arrivant est chargé de porter aux exercices, manœuvres, marches militaires et revues.
Paravent
d’Hautel, 1808 : Un chinois de paravent. Un petit homme laid, difforme, mal bâti ; un maussade, original ; par allusion à ces figures chinoises que l’on met comme ornement sur les paravens.
Parbleu !
d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjection qui marque l’affirmation.
Parbleu ! je le crois bien capable de cela. Pour assurément, en vérité.
Parc aux huîtres
Virmaître, 1894 : Mouchoir. L’allusion n’est pas tout ce qu’il y a de plus distingué, mais l’image est juste (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Mouchoir.
France, 1907 : Mouchoir de poche.
Parcere personis, dicere de vitiis
France, 1907 : Dire tout des vices, épargner les personnes. Locution latine tirée du poète Martial et dont l’Année littéraire fit son épigraphe. Chamfort raconte que quelqu’un ayant rappelé ce vers au satirique anglais John Doune, qui ne ménageait personne, en lui disant : « Tonnez sur les vices, mais ménagez les vicieux », Doune répondit : « C’est cela ! Condamner les cartes et pardonner aux escrocs ! »
Parcere subjectis et debellare superbos
France, 1907 : Pardonner aux vaincus, combattre les superbes. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.
Parchemin
d’Hautel, 1808 : Allonger le parchemin. Pour, multiplier les écritures sans nécessité ; faire des frais de chicane inutiles.
Pardine, pardienne, par dieu !
d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjections vulgaires qui marquent la certitude, l’affirmation et la plainte.
Pardine ou pardienne, s’il m’avoit aidé, je ne serois pas dans l’embarras. Pour assurément, certainement.
Pardonner
d’Hautel, 1808 : Péché caché est à demi pardonné. Mauvaise maxime dont il ne faut pas se prévaloir, et qui signifie, que quand le scandale n’est pas joint au péché, la faute en est beaucoup plus excusable.
Dieu me pardonne. Pour dire en vérité.
Paré
Rossignol, 1901 : Avoir un alibi, c’est être pari. Un médecin militaire disait à un malade qui était maître d’armes : « Je vous mets à la diète parez-moi ce coup-là. » — Le maître d’armes sortit de sa table de nuit un énorme morceau de pain et lui répondit : « Je suis paré, Monsieur le docteur. »
Hayard, 1907 : À l’abri du besoin.
Paré (être)
Ansiaume, 1821 : Être prêt.
Est-tu paré à piqueter une rouillarde d’eau d’aff ?
Delvau, 1866 : Avoir subi la « fatale toilette » et être prêt pour la guillotine, — dans l’argot des prisons. Les bouchers emploient la même expression lorsqu’ils viennent de faire un mouton.
Rigaud, 1881 : Avoir été coiffé et attifé par ce terrible perruquier-barbier qui répond au nom du bourreau ; c’est être préparé pour l’échafaud.
France, 1907 : Être prêt pour l’exécution. On sait que le condamné est soumis à une sorte de préparation qu’on appelle la toilette.
Pare à lance ou en tous cas
Vidocq, 1837 : Parapluie. Je crois qu’il serait difficile de mieux désigner ce petit meuble. Un parapluie est en effet destiné à servir dans tous les cas possibles. On ouvre son parapluie pour se mettre à l’abri de la pluie, de la neige, du soleil ; il sert de canne aux paisibles rentiers du Marais, il donne de l’aplomb aux grisettes ; il n’est déplacé qu’entre les mains du militaire ; les soldats du pape en portent cependant. Ce mot en tous cas a été trouvé par un individu nommé Coco, détenu à Bicêtre.
Pare-à-lance
Delvau, 1866 : s. m. Parapluie, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi En-tous-cas. Cette dernière expression, dit Vidocq, — et cela va scandaliser beaucoup de bourgeoises qui l’emploient de confiance, lui croyant une origine honnête, — cette dernière expression a été trouvée par un détenu de Bicêtre, le nommé Coco.
Pareatis
France, 1907 : Obéissez. On appelait de cette formule latine la requête qu’un huissier présentait à un juge pour obtenir dans l’étendue de sa juridiction la sentence prononcée par le juge d’une autre juridiction.
Paréchème
France, 1907 : Défaut de langage ou de style par lequel on place à côté l’une de l’autre deux syllabes du même son ; du grec para, à côté, et chein, retentir. Peu d’écrivains évitent le paréchème.
Parée comme une épousée de village
France, 1907 : Avoir une mise prétentieuse et ridicule. Les paysannes, on le sait, n’ont pas l’apanage du bon goût ; plus elles se parent, plus elles paraissent grotesques et gauches, Telle fille, jolie en sa simple coiffe de village, devient laideron sous un chapeau de ville.
Pareil (être)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Être d’accord.
France, 1907 : Agir de concert ; argot des voleurs.
Pareil au même (du)
Delvau, 1866 : La même chose ou le même individu, — dans l’argot des faubouriens.
Parent
d’Hautel, 1808 : Il est son parent du côté d’Adam. Se dit par raillerie de quelqu’un qui se dit parent d’un autre dans un degré fort éloigné.
Quand on est riche on a beaucoup de parens. Signifie que tout le monde se dispute l’honneur d’être de votre famille, ce qui n’arrive pas lorsqu’on est pauvre et ignoré.
Halbert, 1849 : Paroissien.
France, 1907 : Paroissien ; argot des voleurs.
Parent de la côte d’Adam
France, 1907 : Petit cousin, parent à un degré très éloigné. « Nous sommes tous parents par la côte d’Adam », dit un vieux dicton.
Parentèle
France, 1907 : Parents ; vieux français.
Parer
d’Hautel, 1808 : Paré comme un autel, comme une chasse. C’est-à-dire, d’une manière ridicule ; surchargé d’ornemens.
Rigaud, 1881 : « À chaque morceau réclamé par ses collègues, le chef du garde-manger découpe à même la pièce et pare la viande. Parer un morceau, c’est en enlever la parure, c’est-à-dire l’excédant de graisse. Le boucher reprend à 75 cent, le kilo la parure (graisse crue), qu’il revend au fondeur pour faire des chandelles. » (Eug. Chavette, Restaurateurs et restaurés, 1867)
La Rue, 1894 : Remplir. La parer, secourir.
France, 1907 : C’est, en terme de boucherie, ôter les peaux et les graisses superflues d’un morceau de viande pour le rendre plus présentable, et aussi sculpter sur une bête dépouillée des dessins dignes des impressionnistes.
Au côté, en bandoulière, il était flanqué d’une gaine de bois d’où émergeaient les manches de ses couteaux. L’étui enfermait cinq ou six lames bien affilées et une lancette pour parer, c’est-à-dire pour sculpter dans la graisse badigeonnée de sang frais ces arabesques étranges, palmes et fleurs, qui font de la boucherie fine une section originale des arts décoratifs.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
France, 1907 : Remplir ; vieil argot.
Parer (la)
Rigaud, 1881 : Secourir. — La rien parer à un aminche, venir en toute hâte au secours d’un ami ; c’est-à-dire parer la botte portée à un ami.
Parer la coque
Delvau, 1866 : v. a. Échapper par la fuite à un châtiment mérité ; parer habilement aux inconvénients d’une situation, dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.
France, 1907 : Échapper par la fuite à une punition ; argot faubourien.
Parer sa côtelette
France, 1907 : Se bien vêtir, soigner sa mise.
— Les demoiselles dégotent un boucher dans l’art de parer leurs côtelettes.
(Paul Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)
Paresse
d’Hautel, 1808 : On le relèvera du péché de paresse. Signifie qu’on avisera au moyen d’empêcher qu’une personne sur laquelle on a de l’autorité, s’accoutume à manquer par paresse à son devoir.
Parfait
d’Hautel, 1808 : C’est parfait. Pour, c’est excellent, c’est le mieux du monde.
Parfait amour
Delvau, 1866 : s. m. Liqueur de dames, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Crème de cocu.
France, 1907 : Liqueur pour dames. On dit aussi crème de cocu. Parfait amour de chiffonnier, eau-de-vie commune.
Parfait amour de chiffonnier
Delvau, 1866 : Eau-de-vie d’une qualité au-dessous de l’inférieure.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.
La Rue, 1894 : Eau-de-vie mauvaise.
Virmaître, 1894 : Eau-de-vie vendue dans les assommoirs (Argot du peuple).
Parfait amour du chiffonnier
Vidocq, 1837 : s. f.·— Eau-de-vie.
Parfaite égalité
Fustier, 1889 : Sorte de jeu de hasard.
Parfond
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Pâté.
France, 1907 : Pâté, pour profond ; allusion au creux des anciens pâtés.
Au matin, quand nous nous levons,
J’aime la croûte de parfond,
Dans les entonnes trimardons,
Ou aux creux de ces ratichons
J’aime la croûte de parfond.
(Chanson de l’argot)
Parfond n’est pas, comme l’écrivent certains argotiers, une corruption de profond, c’est le contraire qui existe, parfond étant le vieux mot.
Triste me sens, m’amour, m’amye ;
En mon cueur croist et le morfond
Ung mal meschant, un mal parfont,
Ung mal noir que l’on ne voit mye.
(G. Calvé des Jardins, Les Oberliques)
Parfonde
anon., 1827 : Cave.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cave. J’ai du pivois dans la parfonde, j’ai du vin en cave.
Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Cave.
Rigaud, 1881 : Cave. Variantes : Profonde, prophète. — Pive en parfonde, vin en cave.
France, 1907 : Poche, cave ; vieux mot pour profonde.
Parfumeur
Virmaître, 1894 : Avocat. Mot à mot : il couvre son client de fleurs (Argot du peuple). V. Blanchisseur.
France, 1907 : Avocat. Il encense son client.
Parigo, parigot
France, 1907 : Sobriquet que les provinciaux donnent aux Parisiens.
Pour lors, dans la nuit du 17 au 18 mars, ce charognard bas-du-cul (Thiers) fit envahir par une chiée de troubades, afin de désarmer le populo pendant qu’il roupillait.
Il restait des canons et une quantité énorme de flingots.
Turellement, les Parigots ne voulurent rien lâcher, sachant bien qu’une fois désarmés, les bandits de la haute les feraient virevolter à leur gré, kif-kif une toupie hollandaise.
(Le Père Peinard)
Parigo, quoi !… des Batigneule,
Toujours prêt à coller un paing,
Mais j’comprends pas qu’on s’cass’ la gueule
Pour gagner d’quoi s’y fout’ du pain.
El’travail, c’est ça qui nous crève,
Mêm’les ceux qu’est les mieux bâtis,
V’là pourquoi que j’m’ai mis en grève.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Parigot
Fustier, 1889 : « C’est le surnom qu’on donne à la campagne au malheureux enfant de Paris, placé par l’Assistance publique. »
(Bibliothèque universelle, novembre 1887)
Mme de Pressensé a écrit une nouvelle qui a pour titre : Parigot.
La Rue, 1894 : Parisien, dans l’argot des paysans.
Paris
France, 1907 : Sobriquet donné dans les départements du centre aux enfants confiés aux soins des nourrices des campagnes par les hospices de Paris.
Parisianisme
France, 1907 : Habitude, état d’esprit, manière de penser ou d’agir des Parisiens.
Consultez-les, les magnats de la publicité ; s’ils daignent répondre, ils vous affirmeront d’abord qu’ « on ne peut écrire qu’à Paris ». Est-ce qu’on pense, est-ce qu’on parle français en province ? Y connait-on l’esprit parisien, le parisianisme, comme d’aucuns disent, cette qualité maîtresse, qui figure au nombre des grandes découvertes de ce siècle ?
(Est Républicain)
Il est atteint d’une infirmité : c’est une variété du snobisme, que l’on pourrait appeler le parisianisme aigu.
(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)
Parisien
Larchey, 1865 : Matelot indiscipliné et négligent.
Ah ! mille noms ! faut-il être Parisien ! j’ai oublié l’ampoulette !
(Phys. du Matelot, 1843)
Delvau, 1866 : s. m. Homme déluré, inventif, loustic, — dans l’argot des troupiers.
Delvau, 1866 : s. m. Niais, novice, — dans l’argot des marins.
Delvau, 1866 : s. m. Vieux cheval invendable, — dans l’argot des maquignons.
Rigaud, 1881 : Petite tricherie aux dominos, pose d’un domino non correspondant au précédent ; par exemple : du quatre sur du cinq, du trois sur du deux. Quelquefois comme « le premier pas » le parisien se fait sans qu’on y pense.
Rigaud, 1881 : Quelles que soient sa nationalité et sa condition sociale, tout être humain qui fait de la villégiature, soit pendant un jour, soit pendant six mois est un Parisien, c’est-à-dire un imbécile bon à duper, — dans le jargon des paysans des environs de Paris, qui ont le plus profond mépris pour tout ce qui vient de la ville. Œufs frais de deux mois, volailles étiques, asperges à grosses épaulettes, fruits pourris, tout ça c’est « bon pour les Parisiens ». Et le Parisien paye tout cela très cher, trouve tout cela exquis et appelle le paysan « nature simple et primitive ». Parisien. Sottise la plus grande, la plus injurieuse à un matelot. Désignation, dans les bâtiments, d’un pauvre sujet et quelquefois d’un mauvais sujet. (Villaumez, Dict. de marine)
Rigaud, 1881 : Rosse caractérisée ; cheval bon pour l’abattoir, — dans le jargon des maquignons.
La Rue, 1894 : Vieux cheval pour l’abatage.
France, 1907 : Cheval bon pour l’abattoir ; sans doute une allusion au surmenage des chevaux de Paris qui sont vite fourbus
France, 1907 : Épithète injurieuse donnée autrefois dans les régiments aux mauvais soldats, aux tireurs de carottes, aux fortes têtes, à ceux qui esquivent le service. Il serait curieux de rechercher l’origine de cette appellation, qui ne remonte pas, comme quelques-uns l’ont prétendu, aux événements de juin 1848 où la troupe eut maille à partir avec les Parisiens, car on trouve dans Vadé à l’adresse de ceux-ci une appréciation fort injurieuse. Dans un Extrait de l’inventaire des meubles et des effets trouvés dans le magasin d’une des harengères de la Halle, il donne ironiquement, sous forme de qualités, la nomenclature des défauts reprochés à différents peuples ou différentes provinces de la France :
Plusieurs autres grands traités sur divers sujets, en un petit volume, savoir :
De la constance des Français dans la manière de s’habiller !
De la bonne foi des Italiens.
De l’humanité des Espagnols et des Gascons.
De la sobriété des Allemands et des Polonais.
De la fidélité des Anglais.
De la propreté des Hybernois.
De la politesse des Suisses et des Flamands.
De la probité des Normands.
De la simplicité des Manceaux.
De la libéralité des Provençaux.
De la subtilité d’esprit des Champenois.
Des ruses des Picards.
De la bravoure des Parisiens.
— Un marin, c’est celui-là, voyez-vous, qui n’est ni pioupiou, ni Parisien, sauf votre respect ; un homme comme moi, quoi !
(G. de La Landelle, Les Gens de mer)
Parisien à gros bec
Virmaître, 1894 : Quand, dans les ateliers, un provincial fait de l’embarras, qu’il prend des airs casseurs, qu’il fait le crâne et dit : nous autres Parisiens, parce qu’il habite la capitale depuis six mois, on lui répond :
— Tu n’es qu’un Parisien à gros bec (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Provincial fraîchement débarqué à Paris.
Parisienne
France, 1907 : « Vergue placée à une petite hauteur au-dessus du pont, et sur laquelle sont d’abord exercés les fistots, incapables naturellement de manœuvrer sur les vergues ordinaires, avant d’avoir pris de l’aplomb et s’être débarrassés du vertige.
Ce nom de Parisienne vient de la piètre estime dans laquelle tout matelot tient les recrues nées à Paris, loin de la mer, et qui sont considérées comme peu aptes à faire de bons gabiers. »
(Un ancien officier, Histoire de l’École navale)
France, 1907 : Pantalon de grosse toile que les ouvriers passent par-dessus leur pantalon ordinaire pour le garantir pendant le travail.
Parisine
France, 1907 : Mot inventé par Nestor Roqueplan, qui prétendait que l’atmosphère de Paris, l’air qu’on y respire, « son ambiance », suivant l’expression d’aujourd’hui, étaient imprégnés à haute dose, saturés d’un relent spécial qui donnait une sorte de vernis d’esprit même aux nombreux imbéciles qu’on rencontre à chaque pas dans la Ville-Lumière. Ce vernis d’esprit, dénommé avant lui bagout parisien, il l’a baptisé du nom de parisine.
Certains provinciaux de bon sens affirment que la parisine n’est qu’un composé d’ignorance, de j’m’enfoutisme et de hâblerie !
Parlage
d’Hautel, 1808 : Pour bavardage, abondance de paroles inutiles, et qui n’ont le plus souvent ni rime ni raison.
France, 1907 : Paroles inutiles et sans portée. Discours funéraire.
Parlement
d’Hautel, 1808 : C’est un parlement sans vacances. Se dit par mépris d’un homme qui ne décesse de parler, d’un grand babillard, d’un par leur éternel.
Rigaud, 1881 : Langue. — Ouvrir le parlement, faire l’ouverture du parlement, parler.
France, 1907 : Bavardage. Parlement sans vacances, bavard insupportable. Ouvrir le parlement, commencer à bavarder. « Dès que la vieille ouvre le parlement, elle n’en finit plus. »
Parlement n’a presque jamais dansé sans viole
France, 1907 : Vieux dicton dont Gaignères donne ainsi l’explication.
La famille de Violle est assez ancienne dans le Parlement de Paris, et il y eu jusqu’à dix ou douze conseillers en divers temps. Depuis l’an 1506 que Jean Viole y fut reçu, Pierre en 1522, Jacques en 1543, Guillaume en 1550, Claude en 1553, Jacques en 1574, Nicolas en 1575, Nicolas en 1596, Jacques en 1604, Pierre en 1625, Pierre en 1642, et autres, ce qui, par allusion au nom de Viole, a fait dire que le Parlement n’a presque jamais dansé sans Viole, à cause qu’il y en a eu beaucoup dans cette cour.
Parlementage
d’Hautel, 1808 : Pour propos, commérage, bavardage ; discussion, conversation frivole, qui ne peut qu’être nuisible.
Rigaud, 1881 : Discours, conversation. (1824)
France, 1907 : Bavardage.
Un méchant bailli de malheur
S’avisi de rendre eun’ sentence…
Mais si j’savions l’parlementage,
Tous ces messieurs qui ont d’l’honneur
Auriont réparé not’ malheur,
En empêchant toutes leux malices
Par la bonté de leux justice.
(Les Citrons de Javotte)
Parlementer
d’Hautel, 1808 : Entrer en composition ; chercher à s’entendre, à s’accorder.
Ville qui parlemente est à demi-rendue. Pour dire que quand on en vient à parlementer, c’est un signe que l’on ne peut plus se défendre.
Parler
d’Hautel, 1808 : Parler à une femme. Pour dire la courtiser ; faire le galant auprès d’elle ; lui conter fleurettes.
Parler comme saint Paul la bouche ouverte. C’est-à-dire, parler à haute et intelligible voix ; de manière à être entendu de tous ceux qui sont présens.
Voilà ce qui s’appelle parler. Se dit lorsque quelqu’un fait des propositions beaucoup plus avantageuses que celles auxquelles on avoit droit de s’at tendre.
C’est parler français. Pour dire c’est s’expliquer clairement.
Vous parlez ďor. Pour, votre avis est excellent. Parler de la pluie et du beau temps. Discourir sur des objets frivoles ; s’entretenir de choses indifférentes.
Faire parler quelqu’un. Ajouter aux paroles de quelqu’un ; y donner un autre sens que le véritable.
Quand les ânes parleront latin. Pour dire que quelque chose n’arrivera jamais.
Il vaudroit autant parler à un sourd. Se dit d’une personne qui ne veut point entendre ce qu’on lui dit, ou qui feint de ne pas comprendre.
Parler le cœur dans la main. Pour dire sincèrement ; avec franchise.
Trouver à qui parler. Rencontrer quelqu’un capable de tenir tête.
Parler des grosses dents. Maltraiter quelqu’un en paroles ; l’apostropher avec vigueur ; s’emporter, se mettre en colère.
Parler d’une affaire à bâtons rompus. En parler à plusieurs reprises, sans suite et sans amener de résultat.
Parler en l’air. Sans aucun dessein ; sans vue particulière, d’une manière indifférente.
Il parle pour parler. Locution vicieuse et explétive qui se dit d’un homme dont les discours n’ont aucun sens.
Il parle comme un perroquet.
Pour, il répète ce qu’il a entendu dire ; sans savoir ce qu’il dit.
Parler à cheval à quelqu’un. Lui parler avec hauteur, et d’un ton dur.
Il faut laisser parler le monde. Pour dire, il ne faut pas s’inquiéter des propos publics.
Cela ne vaut pas la peine d’en parler. Se dit de quelque chose de peu de valeur, ou d’un service peu considérable, dont on ne veut pas accepter de remercîment.
Parler à son bonnet. Parler à soi-même ; parler tout seul.
Parler des yeux. Faire des signes ; être d’intelligence.
Les murailles parlent. Pour dire qu’il se trouve souvent des témoins dans les choses que l’on croit les plus cachées.
Parler par compas et par mesure. Parler d’une manière affectée et ridicule.
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
Il parla à la belle cordonnière dessous sa robe à part.
(Les Cent Nouvelles nouvelles)
Parlez toujours, voyez combien
Je me plais à votre entretien.
(Collé)
France, 1907 : Euphémisme qu’emploient les bourgeoises pour copuler. « Mon mari me parle tous les matins, dit une prude, — Oh ! répond son amie jalouse, le mien n’est pas aussi bavard. »
Parler à son bonnet
France, 1907 : Se parler à soi-même.
Parler boutique
Delvau, 1866 : v. n. Ne s’entretenir que des choses de l’état qu’on exerce, de l’emploi qu’on remplit, contrairement aux règles de la civilité, qui veulent qu’on s’occupe peu de soi quand on cause avec les autres. Argot du peuple.
France, 1907 : Ne s’entretenir que du métier ou de la profession qu’on exerce, ce qui assomme généralement ceux qui sont étrangers à cette profession.
Parler chrétien
Delvau, 1866 : v. n. Parler nettement, clairement, de façon que personne ne s’y trompe.
France, 1907 : Parler clairement, nettement, raisonnablement. Dicton de dévot devenu populaire, le christianisme étant pour les fidèles la seule religion raisonnable et sensée. De même on disait d’une jolie femme : C’est une belle chrétienne.
Parler comme le diable toujours en l’Évangile
France, 1907 : Se dit des escrocs et des filous qui parlent sans cesse de leur probité.
Parler comme Sénèque de la pauvreté
France, 1907 : Mentir à ses théories, afficher des principes que l’on ne met pas en pratique, être faux sage, faux vertueux. La prétendue sagesse de Sénèque consistait à ne pas manger de viande et à ne pas boire de vin, suivant les préceptes de Pythagore ; mais, à part ces vertus négatives, il cultivait tous les vices. Il séduisit la femme de Domitius, son bienfaiteur, fut exilé en Corse, puis chassé de Corse pour ses mauvaises mœurs, car il n’aimait pas la viande des animaux morts, il aimait la chair vivante des fillettes et des petite garçons. S’il dédaignait les plaisirs de la table, il ne se refusait aucun des autres. Il professait le mépris des richesses et sa maison était la plus somptueusement meublée de Rome. Il se fardait. portait des vêtements efféminés et écrivit sur un pupitre d’or massif ses plus éloquentes pages sur la pauvreté. Tel est celui dont « Rome estimait les vertus ». Combien, dans le monde, de vertueux comme Sénèque ! Méfions-nous des stoïques et des purs !
Parler comme une nouvelle mariée
France, 1907 : Parler inconsidérément, à tort et à travers.
À Rome, les nouveaux époux donnaient à leurs amis un grand repas le lendemain des noces. La mariée y présidait avec son mari sur le lit nuptial et le traitait publiquement, dit C. de Méry, avec une familiarité excessive. Elle mettait ordinairement si peu de réserve dans sa conversation que lorsque, dans d’autres circonstances, une femme parlait inconsidérément, on disait : « Elle parle comme une nouvelle mariée. »
Parler du puits
France, 1907 : Perdre son temps en propos inutiles, et pour une chose qui ne vaut pas la peine qu’on s’en occupe. Cette expression est employée par les gens de théâtre et en voici, d’après Joachim Duflot, l’origine :
Bouffé est un artiste très consciencieux, mais surtout très méthodique ; il ne se laisse pas guider par l’inspiration, tout doit être convenu à l’avance : paroles, gestes et pas. Dans un vaudeville dont nous tairons le titre, Bouffé devait descendre dans un puits. Dès le premier jour, il s’inquiéta de quel côté il descendrait dans le puits, et cette question donna lieu à une discussion fort longue. L’heure accordée passa, et la répétition fut remise au lendemain. Le lendemain, Bouffé crut s’apercevoir que la margelle du puits n’était pas assez large. Grande discussion à propos de la margelle. – « On ne peut se risquer à entrer dans ce puits avec une margelle aussi étroite. Qu’on fasse une autre margelle et je descendrai. » Le jour suivant, on essaie la nouvelle margelle : elle est d’une largeur ridicule, elle rend le puits trop étroit, on ne peut s’y mouvoir. — « Gardez la margelle si vous voulez, mais élargissez le puits. » On défait, on refait, puis on démolit, puis on recommence, puis chaque jour une heure se passe à parler du puits, — c’est-à-dire d’une chose qui ne mérite pas tant de salive. Bouffé sera mort depuis longtemps qu’on parlera encore du puits.
Parler en bas-relief
Delvau, 1866 : v. n. À voix basse, entre ses dents. Argot des artistes.
France, 1907 : Parler à voix basse ; argot des sculpteurs.
Parler français comme une vache espagnole
France, 1907 : Telle qu’elle est écrite et répétée, cette expression n’a aucun sens. C’est parler le français comme un Basque l’espagnol qu’il faut dire. L’erreur vient de la confusion que font les Espagnols entre le b et le v. De basque, en latin vasco (gascon), on a fait vache. Et le proverbe est resté ainsi. La langue basque, langue celtique, n’a aucune similitude avec l’espagnol, pas plus qu’avec le français. Aussi dit-on d’un personne qui écorche notre langue qu’elle la parle aussi mal qu’un Basque parle l’espagnol.
Parler frelu
France, 1907 : Cette expression a deux significations dans le patois du Centre : 1o parler avec affectation, avec recherche, comme les beaux messieurs de la ville, les freluquets, dont frelu est l’apocope ; 2o parler argot, frelu signifiant autrefois vaurien, larron, voleur de grand chemin.
Parler gras
Delvau, 1864 : Tenir des propos gaillards ; appeler les choses par leur véritable nom, et non par les ridicules périphrases dont les habille la pudeur de mauvais aloi des bourgeois et des bégueules.
Parler landsman
Delvau, 1866 : v. n. Parler la langue allemande, — dans l’argot des ouvriers.
France, 1907 : Parler allemand ; argot des faubouriens.
Parler latin aux bêtes
France, 1907 : Donner des explications à des imbéciles, tenir à des sots des conversations qu’ils sont incapables de comprendre ou qu’ils entendent de travers.
Le valet du comédien Valeran le Picard se plaignoit que le latin de son maistre les feroit mourir tous deux de faim, car un pauvre lui ayant prié de demander à son maistre s’il lui vouloit rien donner, et Valeran lui ayant répondu : Nolo, nolo, le valet, entendant nos lots, nos lots, bailla le lot plein de vin au pauvre. Peu après, un autre mendiant s’estant présenté au mesme valet, et prié de dire à son maistre s’il pouvoit luy donner quelque chose, qu’il le fist, Valeran ayant répondu : Non possum, non possum, le valet pensant qu’il dist nos poissons, donna les deux poissons qu’il avoit apprestés pour le diner de Valeran. Ces équivoques font trouver le proverbe véritable qu’il ne faut pas parler latin aux bestes.
(Bigarrures du Seigneur des Accords)
Parler latin devant des cordeliers ou devant des clercs
France, 1907 : Parler de choses devant des personnes qui les savent mieux que vous. Les cordeliers, en leur qualité de moines, savaient le latin ; et l’on appelait clerc tout étudiant ayant fait ses humanités, c’est-à-dire sachant le latin et le grec.
Parler papier
Larchey, 1865 : Écrire.
C’est lui qui parle papier pour moi à mon oncle.
(Vidal, 1833)
Delvau, 1866 : v. n. Écrire, — dans l’argot des troupiers.
France, 1907 : Écrire ; argot des faubouriens.
Parler vougri
France, 1907 : Parler auvergnat, ainsi appelé à cause du mot vougri, corruption de bougre, qui, ainsi que fouchtra, se présente continuellement dans la conversation des charbonniers natifs de l’Auvergne.
Et quand il le vit bien allumé, il lui lâcha sa petite histoire : comme quoi il y avait une certaine charbonnière qui et que, mais avec laquelle on n’arrivait à lutter que par ruse ; qu’il fallait, pour s‘introduire dans l’arrière-boutique, que le baron se camouflât en gars de Saint-Flour et parlât vougri et fouchtra, et usât alors quasi de violence.
(Jean Richepin)
Parler ze-ze
Delvau, 1866 : v. n. Bléser, substituer une consonne faible à une consonne forte, ou l’s au g, ou le z à l’s. Argot du peuple.
France, 1907 : Substituer une consonne faible à une consonne forte, zézayer comme font les petits enfants ; argot populaire.
Parlère
France, 1907 : Parlerie, babil, abondance de paroles oiseuses et inutiles.
Parlerie
d’Hautel, 1808 : Bavardage, propos, commérage, caquetage.
Parleur
d’Hautel, 1808 : Faire le beau parleur. Affecter un langage précieux et ridicule.
Parleux
France, 1907 : Causeur, bavard.
Parloir des singes
Delvau, 1866 : s. m. Parloir où les prisonniers sont séparés des visiteurs par un double grillage. Argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Parloir à double grillage, — dans le jargon des prisons.
Virmaître, 1894 : Parloir des prisons. Allusion aux trois grilles entre lesquelles sont enfermés les visiteurs et les prisonniers (Argot des voleurs).
France, 1907 : Salle où l’on permet aux prisonniers de voir leurs visiteurs, dont ils sont séparés par une double grille.
Parlotte
Larchey, 1865 : Lieu où l’on commère.
La Chambre des députés n’est plus qu’une buvette, un cercle, une parlotte.
(Alph. Karr)
Delvau, 1866 : s. f. Lieu où l’on fait des commérages, que ce soit la Chambre des députés ou le Café Bouvet ; tel foyer de théâtre ou telle loge de danseuse. Plus spécialement l’endroit où se réunissent les avocats.
France, 1907 : Bavardage. On dit aussi parlotterie.
Bellac, ce soir-là, semblait un robinet de fontaine et sa parlotte coulait, coulait, blanche, terne, exaspérante, à endormir tous ceux qui l’écoutaient.
(Mora, Gil Blas)
France, 1907 : Lieu où l’on parle. « La Chambre des députés, disait Alphonse Karr, n’est plus qu’une buvette, un cercle, une parlotte. »
Parlotter
Delvau, 1866 : v. n. Bavarder.
France, 1907 : Bavarder.
Parlotterie
Delvau, 1866 : s. f. Abondance de paroles avec une pénurie d’idées. L’expression est d’Honoré de Balzac.
Parlottes
France, 1907 : On appelait ainsi, sons la restauration, des salles de conférences oû venaient s’exercer aux luttes de la tribune les jeunes sens qui se destinaient à la vie politique.
Parlotteur
Delvau, 1866 : s. m. Bavard.
France, 1907 : Bavard ; orateur de réunions publiques ; débiteur de lieux communs.
Le système néo-chrétien de Tolstoï ne serait vrai que s’il réunissait un jour l’unanimité des suffrages, et ce jour-là est aussi loin que la Jérusalem céleste, et que tous les paradis promis. En attenant, il faut vivre avec les loups en leur résistant et en les refoulant le plus possible ; il faut faire valoir son droit à la force du poignet ; il faut toujours être prêts à se rebiffer contre l’exploiteur. Et si jamais la guerre devient impossible, si l’autorité croule et s’effondre, ce sera seulement quand le peuple conscient de sa force aura chassé tous les loups dévorants et ne consentira plus à servir les dirigeants, à nourrir les possédants. Nous, qui ne voyons pas plus l’histoire contemporaine et l’ensemble du mouvement actuel qu’un nageur sur le dos ne voit le mouvement des flots, nous ne savons pas trop si nous avançons ou si nous reculons ; et peut-être que, dans cinquante ans d’ici, quand nous serons tous claqués ou bien près, on dira des hommes de la fin du XIXe siècle que c’étaient des avachis, des parlotteurs et des imbéciles.
(Le Père Peinard)
Parmentière
France, 1907 : Nom donné primitivement à la pomme de terre, à cause du célèbre agronome Parmentier qui l’introduisit du Hanovre en France
Parmesard
Delvau, 1866 : s. m. Pauvre diable à l’habit râpé comme parmesan, — dans l’argot facétieux des faubouriens.
France, 1907 : Pauvre diable dont les vêtements sont râpés et montrent la corde. Jeu de mot sur parmesan ; en d’autres termes : râpé comme du parmesan.
Parmezard
Rigaud, 1881 : Pauvre ; pour parmesan, c’est-à-dire râpé comme du parmesan, — dans le jargon des voleurs.
Parnassien
France, 1907 : Nom donné à une réunion de jeunes poètes qui, vers 1860, se proposèrent de réagir contre l’influence de Lamartine et d’Alfred de Musset, raillant la fausse sentimentalité et les négligences de la forme, proclamant la souveraineté du style. Ils prirent comme axiome cette strophe de Théophile Gautier :
Point de contraintes fausses !
Mais que, pour marcher droit,
Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit.
Cette pléïade compta nombre de poètes devenus célèbres depuis : Théodore de Banville, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, Armand Silvestre, Catulle Mendés, François Coppée.
Catulle Mendès a publié un volume ou il donne l’histoire du Parnasse.
Parnelliste
France, 1907 : Partisan de la politique de Parnell, patriote irlandais, c’est-à-dire partisan de la séparation et de l’indépendance de l’Irlande.
Paroisse
d’Hautel, 1808 : Un habit de trente-six paroisses. Pour dire, un habit composé de plusieurs étoffes, de différentes couleurs.
C’est le coq de sa paroisse. Pour dire, le plus hupé, le plus riche.
Paroisse de Saint-Pierre-aux-Bœufs (être de la)
France, 1907 : Se disait autrefois et se dit encore en certains coins de province d’un homme lourd, grossier, stupide.
Paroissien
d’Hautel, 1808 : Il a affaire au curé et aux paroissiens. Pour dire, il a à contenter des personnes qui ont des intérêts très opposés.
Larchey, 1865 : Individu.
Que de paroissiens fameux dont il ne serait plus question par ici, si un homme de talent n’était là pour leur y tailler une couronne de n’importe quoi sur la mémoire !
(Gavarni)
Delvau, 1866 : s. m. Individu suspect, — dans l’argot du peuple. Drôle de paroissien. Homme singulier, original, qui ne vit pas comme tout le monde.
Rigaud, 1881 : Inconnu de mauvaise mine. Paroissien de Saint-Pierre-aux-Bœufs, niais.
France, 1907 : Individu quelconque ; s’emploie en mauvaise part. « Qu’est-ce que c’est encore que ce paroissien-là ? » « Fourrez-moi ce paroissien au bloc. »
Paroissien de saint Pierre aux bœufs
Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot du peuple, qui sait que ce saint est le patron des grosses bêtes.
Paroitre
d’Hautel, 1808 : Il n’y a rien qu’il y paroisse. Pour dire, cela est encore très-visible, frappe les yeux.
Parole
d’Hautel, 1808 : Il n’a pas deux paroles dans le ventre. Se dit d’un idiot, d’un homme ignorant et stupide dont on ne peut tirer une parole satisfaisante ; qui n’a point de conversation.
À grand seigneur peu de paroles. Pour dire, qu’il ne faut pas abuser de leur audience.
Les paroles ne puent pas. Trivialité dont on se sert pour excuser des propos sales et obscènes.
Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir. Pour dire que les hommes sont sujets à changer d’avis.
La parole vaut le jeu. Se dit lorsqu’on joue une somme quelconque, sans la mettre effectivement au jeu.
On lui fera rentrer les paroles dans le ventre. Se dit par menace à quelqu’un qui s’est permis de dire des paroles choquantes ; de tenir de mauvais propos.
Parole d’angelot, ongle de diabletot
France, 1907 : Méfiez-vous des gens à parole mielleuse.
Parole est argent, silence est d’or
France, 1907 : Sage maxime que nombre de parlementaires devraient suivre. « Assez sçait qui sçait vivre et se taire », disait encore un vieux proverbe, renouvelé du latin : Sapit qui vivere et silere novit.
Paroler
France, 1907 : Bavarder, dire des paroles inutiles et oiseuses comme les commères qui vont jacasser de porte en porte ; patois picard. En patois normand, c’est parler avec emphase, affectation.
Paroli
d’Hautel, 1808 : Faire paroli. Signifie, tenir tête, vouloir égaler quelqu’un d’un mérite supérieur, renchérir sur ce qu’il a dit ou fait.
Parolier
France, 1907 : Auteur collaborant avec le compositeur pour écrire le livret d’un opéra ou le texte d’une romance.
Paron
Vidocq, 1837 : s. m. — Carré, pallier d’étage.
Delvau, 1866 : s. m. Palier de maison, carré, — dans l’argot facétieux des voleurs.
Rigaud, 1881 : Carré, palier d’étage ; jeu de mots : pas rond.
La Rue, 1894 : Palier d’étage. Carré.
France, 1907 : Carré, palier d’étage ; argot des voleurs ; littéralement, pas rond.
Parouflard
France, 1907 : Paroissien.
Paroufle
Halbert, 1849 : Paroisse.
Virmaître, 1894 : La paroisse. C’est un sale parouflard ; pour sale paroissien (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 / France, 1907 : Paroisse.
Paroxiste
Delvau, 1866 : s. m. Écrivain qui, comme Alexandre Dumas, Eugène Sue, Paul Féval et Ponson du Terrail, recule les limites de l’invraisemblance et de l’extravagance dans le roman. Le mot est de Charles Monselet.
Parpaillot
France, 1907 : Vieux sobriquet donné aux protestants. Il s’est conservé dans les localités où il existe encore un antagonisme entre les deux communions chrétiennes.
Le Duchat donne de ce mot, qui n’est guère employé que par les protestants de la Provence et du Languedoc, l’étymologie suivante : « François-Fabrice Sorbellon, parent du pape, ayant fait décapiter à Avignon messire Jean Perrin, seigneur de Parpaille, président à Orange, le 8 août 1562, c’est de là qu’est venu le nom de parpaillot qui fut renouvelé au siège de Montauban. »
Parque (la)
Delvau, 1866 : La Mort, — dans l’argot des académiciens.
Parrain
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Témoin. Faire suer les parrains, assassiner les témoins d’un crime.
Bras-de-Fer, 1829 : Témoin.
Clémens, 1840 : Plaignant.
un détenu, 1846 : Avocat d’un accusé.
Halbert, 1849 : Juge assistant le président.
Larchey, 1865 : Témoin. — Allusion à la fonction du parrainage qui consiste à donner votre nom, à faire constater votre identité. — Parrain fargueur : Témoin à charge. — Parrain d’altèque : Témoin à décharge. — V. Estourbir.
Des parrains aboulés dans le burlin du quart d’œil ont bonni qu’ils reconobraient ma frime pour l’avoir allumée sur la placarde du fourmillon, au moment du grinchissage.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : s. m. Avocat d’office, dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Témoin. Parrain fargueur. Témoin à charge. Parrain d’altèque. Témoin à décharge.
Rigaud, 1881 : Témoin, dans l’ancien argot. — Parrain fargueur, témoin à charge. — Parrain d’altèque, témoin à décharge. — Parrainage, témoignage.
La Rue, 1894 : Témoin. Avocat. Juge assistant le président.
Virmaître, 1894 : Avocat. Il sert en effet de parrain à l’accusé, il le tient sur les fonds baptismaux en cour d’assises (Argot des voleurs). N.
Rossignol, 1901 : Avocat.
Rossignol, 1901 : Plaignant d’un vol.
France, 1907 : Témoin ; argot des voleurs. « Des parrains aboulés dans le burlin du quart d’œil ont bonni qu’ils reconnobraient ma frime pour l’avoir allumée sur la placarde du fourmillon au moment du grinchissage. »
(Mémoires de Vidocq)
Le parrain d’altèque est le témoin à décharge ; le parrain fargueur, le témoin à charge. Parrain à la manque, faux témoin.
Parrain bêcheur
France, 1907 : Procureur de la République.
Parrain d’altèque
Vidocq, 1837 : s. m. — Témoin à décharge.
Parrain-fargueur
Vidocq, 1837 : s. m. — Témoin à charge.
Parrainage
Vidocq, 1837 : s. m. — Témoignage.
France, 1907 : Déposition.
Part
d’Hautel, 1808 : Il a fait son pot à part. Se dit d’un homme qui, sous l’apparence de la réserve et de la discrétion, ne s’est point oublié dans une affaire.
On vous en garde dans un petit pot à part. Se dit ironiquement pour faire entendre à quelqu’un qu’il n’y a rien à espérer pour lui dans une distribution.
Part à nous deux. On se sert de cette locution quand quelqu’un avec lequel on va de compagnie, fait une trouvaille quelconque, pour dire qu’on en retient sa part ; qu’on espère en avoir sa part.
Avoir part au gâteau. Être intéressé dans les bénéfices d’une entreprise, ou dans une succession.
Part à douze
France, 1907 : Paradis ; argot militaire. Jeu de mot sur part à dix.
— Ah ! nom d’une soupe à l’oignon, ils ne le porteront pas en part à douze…
(Ch. Dubois de Gennes)
Part aux chiens (ne pas donner sa)
France, 1907 : Ne pas abandonner ce à quoi l’on a droit.
Ce sont les compagnons qui nous taillent la soupe,
Du diable si j’en vais donner ma part aux chiens.
(Paul Déroulède, Chants du soldat)
Part du capitaine
France, 1907 : La plus belle part d’un butin : la plus jolie fille de la place prise d’assaut.
Partagas
Rigaud, 1881 : Cigare supérieur de la Havane ; du nom du fabricant. Comme prix, l’antipode du petit-bordeaux, quelquefois tout aussi mauvais.
Partage
d’Hautel, 1808 : C’est le partage de Montgommeri, tout d’un côté rien de l’autre. Se dit quand on fait un partage d’une inégalité choquante.
Partager
d’Hautel, 1808 : Partager en frères. Pour dire sans contestation, sans dispute, amiablement.
Partager le différent pas la moitié. Se relâcher chacun de ses prétentions pour conclure une affaire.
Partager un cheveu. Pour dire jusqu’aux plus minutieux objets.
Partageuse
Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue qui a l’habitude de prendre la moitié de la fortune des hommes, — quand elle ne la leur prend pas tout entière. Argot des gens de lettres. L’expression date de 1848, et elle appartient à Gavarni.
France, 1907 : Femme ou fille entretenue.
Partageux
Delvau, 1866 : s. m. Républicain, — dans l’argot des paysans de la banlieue.
France, 1907 : Nom donné par les paysans aux républicains.
Ainsi fit jadis Bonaparte quand il préparait son coup d’État. Tandis qu’il affichait, pour séduire les ouvriers des grandes villes, des tendances socialistes, les comités qui recevaient ses instigations faisaient répandre à profusion par les campagnes de petits livres haineux prêchant aux paysans l’horreur et l’effroi des partageux.
(Marcel Sembat, Le Souverain)
Voici comment l’on entend d’ordinaire le partage. Un Parisien disait à un vieux paysan : « Comment, voilà que vous devenez partageux ? Mais vous ne savez donc pas que le jour où l’on mettrait tout en commun, vous n’auriez pas cent écus pour votre part ?
— Eh ben ?… avec ce que j’ai déjà ! »
(Dr Grégoire, Turlulaines)
Partance
d’Hautel, 1808 : Voilà le coup de partance. Se dit en plaisantant, pour l’heure à laquelle on est contraint de se rendre quelque part.
Parterre
d’Hautel, 1808 : Faire un parterre. Se laisser tomber, se laisser choir.
France, 1907 : Chute ; patois du Centre. On dit généralement, pour faire une chute, prendre un billet de parterre, faire un parterre, jeux de mot.
Parterre (prendre un billet de)
Larchey, 1865 : Tomber. — Calembour.
Parthe (flèche de)
France, 1907 : Lancer une flèche de Parthe, c’est lancer en se retirant une épigramme, un mot méchant auquel celui qui le reçoit n’a pas le temps de répondre. Allusion à l’ancienne manière de combattre des Parthes qui, excellents cavaliers et excellents archers, harcelaient l’ennemi par des charges consécutives, puis fuyaient en lançant leurs traits, pour recommencer ensuite l’attaque. C’était la tactique des Arabes pendant les guerres de la conquête de l’Algérie.
Parthénomancie
France, 1907 : Divination d’après les signes de la virginité.
Parti
d’Hautel, 1808 : Prendre son parti en grand capitaine. Se dit en plaisantant, lorsqu’on se détermine après avoir hésité long-temps à quelque chose, soit au jeu, soit à une affaire de peu d’importance.
Jouer un mauvais parti à quelqu’un. Lui faire de mauvais tours, le friponner, l’attraper.
Larchey, 1865 : Ivre, endormi.
Allons, les voilà partis, dit Vautrin en remuant la tête du père Goriot et celle d’Eugène.
(Balzac)
Parti (être)
Delvau, 1866 : Être gris, parce qu’alors la raison s’en va avec les bouchons des bouteilles vidées. Argot des bourgeois. On dit aussi Être parti pour la gloire.
France, 1907 : Être ivre, parti pour la gloire.
Parti national
France, 1907 : Nom donné au parti boulangiste qui comprenant des gens de toutes les opinions politiques, unis dans le but de renverser le gouvernement opportuniste.
Depuis 1889, la honte du Parlement s’est accrue bien au delà de ce qu’annoncèrent, dans leur pessimisme éclairé, les prédicateurs du Parti national. Ce que nous requérions de justice en ce temps devient, pour les adversaires mêmes, une évidence imminente à réaliser.
(Paul Adam)
Parti, parti pour la gloire
Rigaud, 1881 : Mis en gaité par le vin. Excité par les charmes d’une femme, sur la pente des folies amoureuses.
Particulier
d’Hautel, 1808 : Pour quidam, homme individu.
C’est un particulier qui ne s’endort pas. Pour, c’est un homme intéressé, qui est vigilant pour ses intérêts.
On dit aussi, en parlant d’une femme dont la conduite est peu régulière et la vertu suspecte : C’est une particulière qui a fait des siennes.
En son petit particulier. Pour, dire en son intérieur, en soi-même.
Larchey, 1865 : Individu. Pris souvent en mauvaise part.
Ah ça ! mais vous êtes donc un particulier dépourvu de toute espèce de délicatesse.
(L. Reybaud)
Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des troupiers.
Delvau, 1866 : s. m. Individu quelconque, — dans l’argot du peuple, qui prend ordinairement ce mot en mauvaise part.
France, 1907 : Individu quelconque ; civil.
Particulière
Larchey, 1865 : Fille suspecte.
Les mauvaises têtes du quartier qui tiraient la savate pour les particulières de la rue d’Angoulême.
(Ricard)
Voilà qu’un mouchard m’amène une particulière assez gentille.
(Vidal, 1833)
Larchey, 1865 : Maîtresse.
Ce terme, si trivial en apparence, appartient à la galanterie la plus raffinée et remonte aux bergers du Lignon. On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser ses hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger.
(Laveaux)
Dans l’armée, particulier et particulière sont synonymes de bourgeois et bourgeoise.
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, bonne amie, — dans l’argot des troupiers. D’après Laveaux, cette expression remonterait aux bergers du Lignon, c’est-à-dire au XVIIe siècle. « On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser des hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des Amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger. »
Fustier, 1889 : Femme légitime. Argot du peuple. Trimballer sa particulière, promener son épouse.
France, 1907 : Maîtresse, femme, fille ; argot de troupier. D’après Laveaux, cette expression remonterait aux bergers de Lignon, c’est-à-dire au XVIIe siècle. « On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser des hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger. »
(A. Delvau)
— Eh ben ! que répondit La Ramée, sans vous commander, mon colonel, je voudrais censément faire une connaissance.
Il n’avait pas plutôt fini de parler, qu’il vit sortir d’un buisson deux particulières comme il n’en avait même jamais vu et qu’il n’y a pas un officier qui puisse se vanter d’en avoir jamais eu une de ce calibre.
(Jules Noriac, Un grain de sable)
Partie
d’Hautel, 1808 : Une partie fine. On appelle ainsi un tête à tête amoureux ; un divertissement secret.
Partie quarrée. Divertissement, partie de plaisir composée de quatre personnes, moitié hommes, moitié femmes.
Il est la partie honteuse de cette compagnie. Se dit de celui qui, par ses vices, déshonore une compagnie.
Qui n’entend qu’une partie n’entend rien. Signifie que dans une affaire, il ne faut jamais prononcer sans avoir entendu tous les intéressés.
Parties d’apothicaires. Mémoires surchargés ou il y a beaucoup à rabattre.
Qui quitte la partie la perd. Signifie que celui qui quitte le jeu, qui se retire d’un emploi ou d’une affaire n’a plus droit au bénéfice.
Il ne faut pas remettre la partie au lendemain. Pour, il ne faut jamais différer ce que l’on peut faire à l’instant.
Faire un coup de partie. Faire quelque chose qui emporte avec soi la décision ou l’avantage d’une affaire.
Delvau, 1864 : Le membre viril.
Elle l’atteint par l’énorme partie.
Dont cet Anglais profana le couvent.
(Voltaire)
Et je suis mort en la partie
Qui fait la garée et le cocu.
(Maynard)
De sorte que l’on pouvait voir sans difficulté ses parties.
(Ch. Sorel)
On ne doit pas dire les parties honteuses, car on ferait tort à la nature, qui n’a rien fait de honteux.
(Moyen de parvenir)
Le marquis, de plus en plus étonné, et se reboutonnant pour ne pas laisser voir ses parties, vraiment honteuses en ce moment…
(Jean Du Boys)
Delvau, 1866 : s. f. Aimable débauche de vin ou de femmes. Partie carrée. Partie de plaisir à quatre, deux hommes et deux femmes. Partie fine. Rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier. Être en partie fine. Être avec une dame n’importe où.
Delvau, 1866 : s. f. Pièce montée où chacun paie son rôle, — dans l’argot des acteurs amateurs. C’est une sorte de pique-nique théâtral. Monter une partie. Monter une pièce destinée a être jouée sur un théâtre de campagne.
La Rue, 1894 : Petite débauche. Partie fine, rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier. Être en partie fine, être avec une dame. Partie carrée, partie de plaisir à quatre, deux hommes et deux femmes.
France, 1907 : Petite débauche. « Faire une partie. » Quand c’est avec une femme, on dit : « partie fine » et « partie carrée », partie à quatre personnes, deux hommes et deux femmes.
Ce furent des parties carrées dans les canots de louage, près des saules du Bas-Meudon et sous les tonnelles à fritures, où des fourmis courent sur la nappe, !
(François Coppée, Le Coupable)
Partie (faire une)
La Rue, 1894 : Se battre.
Partie (monter une)
Rigaud, 1881 : Donner, en bénéficiaire, une représentation dramatique avec le concours gratuit de camarades, dans une salle louée ad hoc. C’était autrefois à la salle Chantereine que se montaient de préférence les parties ; aujourd’hui c’est à l’École lyrique.
Partie de jambes en l’air
France, 1907 : L’œuvre d’amour.
Partie de traversin (faire une)
Delvau, 1866 : Dormir à deux, — dans l’argot des faubouriens. Les Anglais ont une expression analogue : To read a curtain lecture (faire un cours de rideaux), disent-ils.
Partie liée
France, 1907 : Terme de sport désignant une course en plusieurs épreuves.
Parties
Larchey, 1865 : « La fille à parties n’est qu’une prostituée en carte ou isolée, mais avec plus de formes… Si elle se fait suivre par sa tournure élégante ou par un coup d’œil furtif, on la voit suivant son chemin, les yeux baissés, le maintien modeste ; rien ne décèle sa vie déréglée. Elle s’arrête à la porte d’une maison ordinairement de belle apparence ; là, elle attend son monsieur, elle s’explique ouvertement avec lui, et s’il entre dans ses vues, il est introduit dans un appartement élégant ou même riche, où l’on ne rencontre ordinairement que la dame de la maison. » — F. Bérand. Le théâtre de cette rencontre se nomme maison à parties ou maison de passe. L’acte des clientes est qualifié de passe ou passade. — C’est un terme qui remonte au dix-huitième siècle.
Parties (fille à)
France, 1907 : Prostituée élégamment mise avec laquelle on peut faire une partie de plaisir en ville où à la campagne.
Parties charnues
France, 1907 : Le derrière.
Parties charnues (les)
Delvau, 1866 : Les nates, — dans l’argot des bourgeois.
Partir
d’Hautel, 1808 : S’en aller. Si vous êtes pressé, partez devant. Se dit à quelqu’un qui marque beaucoup d’impatience.
France, 1907 : Partager ; vieux français encore en usage dans de Midi ; d’où maille à partir.
Partir à l’anglaise
France, 1907 : S’en aller sans prendre congé de la compagnie. Les Anglais nous retournent le compliment en disant to take a french leave. Mais ce mot french n’est que le résultat d’une ignorance étymologique. French est une corruption de franc, franche, libre, aisée. Prendre un franc congé, s’en aller sans rien dire, n’est-ce pas encore ce qu’il y a de plus discret, car quoi de plus ennuyeux pour soi-même et tous les autres que d’interrompre une conversation dans le seul but de s’incliner devant la maîtresse de maison et de faire mille sourires et autant de grimaces ; la vraie politesse est de ne gêner personne et de s’éclipser sans qu’on fasse attention à vous.
Partir du pied droit
Delvau, 1866 : Bien commencer une affaire, l’engager gaiement et résolument. Argot du peuple. Quand on veut décider quelqu’un on dit : « Allons, partons du pied droit ! » C’est un ressouvenir des superstitions païennes. Quand Encolpe et Ascylte se disposent à entrer dans la salle du banquet, un des nombreux esclaves de Trimalcion leur crie : Dextro pede ! Dextro pede !
France, 1907 : S’engager gaiement et franchement dans une affaire. Cette expression vient, sans doute, de ce que les soldats, dans les mouvements militaires, partent toujours du pied droit. Cependant A. Delvau prétend que c’est un ressouvenir des superstitions païennes. « Quand Encolpe et Ascylte se disposent à entrer dans la salle du banquet, un des nombreux esclaves de Trimalcion leur crie : Dextro pede ! Dextro pede ! Pied droit ! Pied droit ! »
Partir la paille au c…
Merlin, 1888 : Être libéré, quitter le régiment, alors qu’on était puni de prison ou de salle de police, dont la paille est encore adhérente à la culotte du troubade.
Partir la paille au cul
France, 1907 : S’en aller mal noté ; être expulsé ; rentrer chez soi après avoir passé par la prison, allusion à « la paille humide des cachots ».
Partir le gâteau ou manger le cochon ensemble
France, 1907 : Vivre dans l’intimité de quelqu’un. Partir est ici dans le sens de partager.
Partir pour Cracovie
France, 1907 : Voir Niort.
Partir pour crevant
France, 1907 : Voir Niort.
Partir pour dormillon
France, 1907 : Voir Niort.
Partir pour la gloire
France, 1907 : Être ivre. L’homme ivre, en effet, ne doute de rien et se croit capable de tout vaincre.
Parturient montes
France, 1907 : « Les montagnes accoucheront. » Locution latine tirée d’Horace, qualifiant des promesses qui ne seront jamais suivies d’effet. De quoi accoucheront les montagnes ? C’est à quoi La Fontaine a répondu dans l’une de ses fables : d’une souris.
Pas
d’Hautel, 1808 : Peines, démarches. Il plaint ses pas. Se dit d’un homme qui ne prodigue pas ses démarches, qui n’aime pas à prendre de la peine pour autrui. On dit dans un sens opposé, Il ne plaint pas ses pas.
C’est tout près, il n’y a qu’un pas. Se dit par raillerie en parlant d’un lieu très-éloigné.
Pas de clerc. Fausse démarche, course vaine et inutile.
Aller à pas de loup. Marcher doucement sur la pointe des pieds, dans le dessein d’épier ou de surprendre quelqu’un.
Il a sauté le pas. Pour dire il est mort.
La peur a bon pas. Pour dire, que quand on a peur, on fuit avec promptitude.
Faire un faux pas. Manquer à l’honneur ; faire banqueroute.
Pas (faire manquer le)
Merlin, 1888 : Faire attendre.
Pas (mettre au)
Merlin, 1888 : Réprimander ou punir.
France, 1907 : Réprimander, corriger.
Pas (ne), ne rien
Larchey, 1865 : Négation est ironiquement prise pour une affirmation dans le peuple de Paris.
Ernest : Avec qui que tu veux que je soye donc ? — Eugène : Merci, tu n’es pas rageur.
(Monselet)
On dit de même : Il n’est pas chien pour il est avare ; il n’est rien dégoûté pour il est difficile.
Pas (sauter le)
Larchey, 1865 : Mourir (d’Hautel, 1808). — V. Arnant.
Un étudiant dans sa mansarde, Disposait de sa dernière harde, Puis après, voulait sauter le pas.
(Chanson)
Pas clocher devant les boîteux (se)
France, 1907 : Ne faire aucune allusion aux défauts naturels de son prochain. Ne pas parler de corde dans la maison d’un pendu. Les gens affligés d’infirmités physiques ou morales sont généralement fort susceptibles et aptes à se blesser des plus involontaires allusions.
Pas cuit
Virmaître, 1894 : Un courtier demande à un libraire un livre ou une revue ; s’ils ne sont pas parus, on lui répond laconiquement : pas cuit. Mot à mot : ils sont encore au four (en confection) (Argot des libraires). N.
Pas d’arsenal
Merlin, 1888 : Les artilleurs qui vont au polygone prennent le pas d’arsenal, c’est-à-dire une allure lente ; par contre, lorsqu’ils reviennent, la corvée étant faite, et la soupe les attendant, leur allure devient plus vive.
Pas d’omelette sans casser d’œufs
France, 1907 : Cette locution s’explique d’elle-même. Pour obtenir une chose, il faut en sacrifier une autre, et l’on ne vit pas de l’air du temps. Mais d’où vient le mot omelette, ce mets exquis inconnu des Anglais et que seuls les Français savent bien réussir ? Littré n’en donne qu’une vague étymologie ; il se contente de dire qu’en picard l’on dit amelète et amelette dans le bas Maine, ce qui donnerait quelque appui à ceux qui y voient un diminutif d’âme, l’âme de l’œuf ! Il ajoute qu’au XIVe siècle on a dit alumelle et alumette parce que l’omelette est plate commune une alumelle, lame de couteau, amelète étant une corruption d’alumelle. D’autres donnent une étymologie plus tourmentée encore ; ils font venir omelette de l’italien animella et du grec ama luein. Il n’était pas besoin de chercher hors de France, ni de remonter aux temps héroïques. Omelette vient tout simplement d’œufs-meslettes, vieux français diminutif d’œufs mêlés.
Pas de boulot (n’avoir)
France, 1907 : Être sans travail ; et quand on est sans travail, l’on n’a rien à boulotter.
Pas de ça, Lisette !
Larchey, 1865 : Formule négative due sans doute à la vogue de cette chanson connue : Non ! non ! vous n’êtes plus Lisette, etc.
Un jeune drôle fait la cour à ma nièce… pas de ça, Lisette !
(Ricard)
Delvau, 1866 : Formule de refus ou de négation, — dans l’argot du peuple, qui connaît son Béranger.
France, 1907 : Formule de négation ou de refus.
Elle les connaissait maintenant, les hommes. Tous des égoïstes et des trahisseurs. Encore un amant, pour qu’il vous plante là, quand il en aura assez, n’est-ce pas ? Et peut-être avec un second bébé. Pas de ça, Lisette !… D’ailleurs, elle ne pensait plus à la bagatelle. Fini, l’amour. La maternité l’avait calmée, assagie.
(François Coppée, Le Coupable)
Pas de chahut
France, 1907 : Fantaisie où l’acrobatie joue le principal rôle, Voir Chahut.
Quelques femmes chantaient et riaient en esquissant un pas de chahut sur la chaussée sous l’œil impassible d’un gardien de la paix qui, le képi sur les yeux et les mains ballantes, demeurait droit comme un bec de gaz et ne daignait rien voir.
(Edmond Lepelletier)
Pas de clerc
France, 1907 : Façon d’agir maladroite, bévue comme en font d’ordinaire les jeunes gens ; les clercs étant généralement des jeunes gens usant leur apprentissage pour des professions exigeant une grande attention et une expérience qu’on n’acquiert qu’avec l’âge.
Pas de fumée sans feu
France, 1907 : Il suffit de connaître un peu la chimie pour savoir que nombre de réactions donnent lieu à un dégagement de fumée sans feu ; quoi qu’il en soit, cela signifie que tout effet a une cause ; quand de méchants bruits courent sur quelqu’un, ils ne sont pas sans fondement. Les commères prisent fort ce dicton, menteur comme beaucoup d’autres.
Pas de petit mercier qui ne sache faire sa loge
France, 1907 : Nul ne peut exercer une profession ou un métier s’il ne sait préparer de lui-même tout ce qui est nécessaire à cet effet. Allusion aux colporteurs et petits marchands ambulants qui, bien que portant sur leur dos tout leur fonds de commerce, savent s’installer dans les gares et les marchés de façon à occuper une place qui représente une loge ou boutique convenable.
Pas de pire eau que celle qui dort
France, 1907 : Défiez-vous des gens mornes et taciturnes, qui songent ordinairement à faire du mal en trahison, disaient nos pères, qui comparaient ces sournois aux eaux dormantes généralement traîtresses et dangereuses. « Évite les gens sournois et taciturnes, est-il écrit dans les Distiques de Caton, car plus un fleuve est silencieux, plus l’eau y est profonde. »
Pas dormir pour tout le monde (ne)
France, 1907 : Fermer par intérêt, faiblesse ou flatterie les yeux sur les méfaits de quelqu’un, mais les tenir grands ouverts sur les fautes des autres. Une amusante anecdote se rattache à ce dicton.
Le fameux Mécène, tant de fois chanté par Horace à cause de ses largesses, avait une femme fort jolie dont l’empereur Auguste devint amoureux. Peu de dames résistent à la passion d’un souverain et Mécène, trop bon courtisan pour ne pas se prêter aux caprices du maître, fermait volontiers les yeux. Une nuit que l’empereur soupait chez Mécène, près de la belle Térentia, il se gêna si peu qu’il prit les dernières libertés. Mécène, pour ne rien voir, se hâta de dormir. Mais, après le tour du maitre, un des familiers d’Auguste s’approcha de Térentia et commença de petites privautés, préliminaires de plus grandes. Le mari, offensé, ouvrit les yeux et s’écria plein de colère : Non omnibus dormio ! « Je ne dors pas pour tous ! » Tous les convives s’esclaffèrent et, dès le lendemain, le mot courait dans Rome.
Pas fait pour mesurer de l’avoine
France, 1907 : Les parties sexuelles de la femme.
Y a belle lurette que la vieille « sagesse des nations » a dit que c’est pas fait pour mesurer de l’avoine…
(Le Père Peinard)
Pas grand’chose
Larchey, 1865 : Personne de médiocre vertu.
Tu as filé avec ta pas grand’chose.
(P. de Kock)
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse, bastringueuse, vaurienne.
Delvau, 1866 : s. m. Fainéant ; homme sans moralité et sans courage, vaurien.
Pas la graine
France, 1907 : Point du tout ; patois poitevin. « Il ne m’aime pas la graine. » « As-tu mangé aujourd’hui ? — Pas la graine. » Rabelais emploie grain au lieu de graine.
— Tu as assez crié pour boyre. Tes prières sont exaulcées de Jupiter. Reguarde laquelle de ces trois est ta coingnée et l’emporte. — Couillatris sublieve la coingnée d’or, il la reguarde et la trouve bien poisante : puys dict à Mercure : Marmes, ceste cy n’est mie la mienne. Je n’en veulx grain
(Pantagruel, livre IV, Nouveau Prologue)
Pas mal pour le canal
France, 1907 : Bonne à noyer. Se dit d’une femme laide on acariâtre.
Pas méchant
Delvau, 1866 : adj. Laid, pauvre, sans la moindre valeur, — dans l’argot des faubouriens et des filles, qui emploient cette expression à propos des gens comme à propos des choses. Ainsi, un chapeau qui n’est pas méchant est un chapeau ridicule — parce qu’il est passé de mode ; un livre qui n’est pas méchant est un livre ennuyeux, — parce qu’il ne parle pas assez de Cocottes et de Cocodès, etc.
Pas mèche
Virmaître, 1894 : Impossible de réussir. Mèche pour moyen.
— J’ai beau la chauffer, pas mèche d’y arriver (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Impossible, pas moyen. « Prête-moi un louis ? — Il n’y a pas mèche, je n’ai pas le sou. » — « Peux-tu me faire travailler chez toi ? — Il n’y a pas mèche, il n’y a pas d’ouvrage. »
Pas mettre le doigt entre le bois et l’écorce (ne)
France, 1907 : Il ne faut point se mêler des querelles de personnes naturellement unies, par exemple, d’un mari et de sa femme ; l’on s’expose alors à des désagréments.
Pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe (il n’est)
France, 1907 : Vieux dicton grec passé en latin, puis en français : Non licet omnibus adire Corinthum. Ou encore, suivant l’adage d’Horace :
Non cuivis homini contingit adire Corinthum.
Traduction vulgaire : L’on ne fait pas ce que l’on veut. L’on ne peut se lancer dans telle ou telle entreprise, car il en coûte des efforts et de l’argent. Corinthe, dans l’antique Grèce, étant autrefois, à cause de son temple de Vénus, habitée par nombre de courtisanes. Le poète Anacréon, qui ne comptait à Athènes que trente-cinq maîtresses, en avait une légion à Corinthe. C’est lui qui le dit ; il est à présumer qu’il se vante comme un simple Marseillais, car il ajoute : « Compte-m’en de Lesbos, d’Ionie, de Carie et de Rhodes deux mille. Mais quoi, tu parais surpris de me voir tant de maîtresses ! Je ne t’ai pas encore nommé celles de Syrie, de Canope ni de Crète où le fils de Vénus cache ses mystères. Et je ne pourrais entreprendre de nombrer celles que j’ai eues au delà de Gadès, de la Bactriane et des Indes ! » Et encore le jeune Bathilde n’est pas dans le tas ! Voilà des mœurs qui effaroucheraient fort M. le sénateur Bérenger ! Quoi qu’il en soit, s’il faut s’en rapporter au voluptueux poète de l’Amour mouillé, c’était à Corinthe que l’on trouvait les plus belles filles de la Grèce. Le lieu était donc très couru et, en conséquence, la vie fort chère. On y poussait le luxe à l’extrême et Aspasies et Phrynés, les horizontales de l’époque, y trafiquaient de leurs charmes à des prix exagérés. Les opulents seuls pouvaient se permettre d’affronter un voyage dans la capitale de l’Achaïe et les dépenses excessives d’un séjour dans cette ville de plaisirs. De là le dicton passé à travers les âges.
Sapho, qui va trop loin se perd,
Je crains un labyrinthe ;
Le chemin ne m’est point ouvert
Pour aller à Corinthe.
(De Coulanges)
Érasme donne une autre version. D’après lui, l’aphorisme grec viendrait de ce qu’il était très difficile et dangereux d’entrer dans le port de Corinthe à cause des nombreux écueils qui l’entouraient. Nous préférons la première version.
Pas plan
France, 1907 : Pas moyen, impossibilité de faire une chose ; on dit aussi pas mèche.
— Ah là là ! On souffre ben, mon fi. Et, en plus, v’là que tu pars à la guerre ? Tout ça, c’est ben du deuil à la fois.
Le fils. — Faut pas vous affliger.
Le père. — Je m’afflige point. Mais je suis vexé. Et tu n’verras pus la mère, en ce cas ?
Le fils. — Non, y a pas plan.
Le père. — All’ va être vexée.
Le fils. — Moi aussi. Ça me fait gros dans le cœur quand j’y pense.
(Henri Lavedan)
Pas se cailler le sang
Rossignol, 1901 : Ne s’émotionner de rien et ne pas se faire de bile.
Pas se faire déchirer le manteau (ne)
France, 1907 : Ne pas se faire prier. Allusion à la scène biblique qui se passa entre Joseph et l’épouse de Putiphar, qui retint Joseph par son manteau et le déchira dans la résistance que lui opposa le vertueux serviteur. Les livres saints ne disent pas si Mme Putiphar était jeune et jolie ou vieille et laide. En ce dernier cas, la vertu du digne Joseph est de peu de mérite.
Pas si cher
Virmaître, 1894 : Silence, parlez plus bas, on nous écoute. Expression employée dans les prisons pour signaler l’arrivée d’un gardien qui punirait les causeurs. Synonyme de : il pleut, employé dans les imprimeries quand le prote ou le patron entre à l’atelier (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Pas si vite, pas tant. Le contraire de cherrer.
Pas si cher !
Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des voleurs, pour qui c’est un signal signifiant : « Parlez plus bas » ou : « Taisez-vous. »
Pas tant de beurre pour faire un quarteron
France, 1907 : Phrase populaire par laquelle on coupe court aux explications longues mais peu probantes, aux raisons nombreuses mais insuffisantes. Elle appartient à Cyrano de Bergerac, qui l’a mise dans la bouche de Mathieu Gareau, du Pédant joué.
(Delvau)
Pas tant de beurre pour faire un quarteron !
Delvau, 1866 : Phrase populaire par laquelle on coupe court aux explications longues mais peu probantes, aux raisons nombreuses mais insuffisantes. Elle appartient à Cyrano de Bergerac, qui l’a mise dans la bouche de Mathieu Gareau, du Pédant joué.
Pas un rotin (n’avoir)
France, 1907 : D’après un document signé Dubourguier dans l’Écho du Public, l’origine de cette expression viendrait du temps où l’on introduisit en France, pour en faire des cannes, les tiges de rotin ou rotang. Ces cannes solides et peu coûteuses firent fureur. Tout le monde voulait avoir son rotin, et il fallait être bien pauvre pour ne pas se le paver ; d’où l’on a pu dire pour désigner une personne dans la misère : « Elle ne peut même pas avoir son rotin », et, par corruption : « Elle n’a pas un rotin. »
Pas vu, pas pris
Merlin, 1888 : Refrain des bataillons d’Afrique.
Pascailler
Delvau, 1866 : v. n. Prendre le tour de quelqu’un, lui enlever un avantage, le supplanter. Argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Passer.
— Le gonce a pascaillé avant toi au carré des petites gerbes, il est enflaqué pour dix berges.
Pascailler veut dire également prendre le tour ou la place de quelqu’un.
— J’ai pascaillé la Môme Livarot au Rouquin (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Passer, se faufiler dans une foule, prendre la place d’un autre ; argot des voleurs.
Pascal
Delvau, 1864 : Le vit. Pascal, comme Jacques, Thomas, Jacquot… ou etc., etc., etc.
…Il ne m’importe guères,
Que Pascal soit devant, ou Pascal soit derrière.
(Scarron, Don Japhet d’Arménie)
Moi, je suis impartial
Entre Florence et Cythère,
Pourvu qu’on loge Pascal,
Le reste n’importe guère.
(Collé)
Pasquelin
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Pays.
Pasquin
d’Hautel, 1808 : Nom d’un personnage comique ; se dit par mépris d’un mauvais plaisant, d’un farceur, d’un batteleur, d’un histrion.
Pasquinade
d’Hautel, 1808 : Farce, raillerie ; mauvaise plaisanterie ; fredaines, écarts de jeunesse.
Pasquiner la maltouse
Halbert, 1849 : Faire la contrebande.
Passacailler
Vidocq, 1837 : v. a. — Passer subtilement, prendre le tour de quelqu’un, ravir un avantage.
Larchey, 1865 : Supplanter (Vidocq).
Rigaud, 1881 : Supplanter ; passer avant son tour.
Passade
d’Hautel, 1808 : Cela est bon pour une passade. Pour, cela passe une fois, mais il ne faut plus recommencer.
Demander la passade. C’est-à-dire, la charité, l’aumône.
Delvau, 1866 : s. f. Action de passer sur la tête d’un autre nageur en le faisant plonger ainsi malgré lui. Argot des écoles de natation. Donner une passade. Forcer quelqu’un à plonger en lui passant sur la tête.
Delvau, 1866 : s. f. Feu de paille amoureux, — dans l’argot des bourgeois.
Delvau, 1866 : s. f. Jeu de scène qui fait changer de place les acteurs, — dans l’argot des coulisses. Régler une passade. Indiquer le moment où les personnages doivent se ranger dans un nouvel ordre, — le numéro un se trouvant à la gauche du public.
Rigaud, 1881 : Changement de place des acteurs en scène. Régler une passade, régler le moment et la disposition du changement de place.
Rigaud, 1881 : Plongeon forcé.
On appelle passade, dans les écoles de natation, l’opération au moyen de laquelle un nageur fait passer entre ses jambes le nageur qui se trouve devant lui, et, appuyant sa main sur sa tête, le pousse brusquement au fond de l’eau.
(H. Berlioz)
Boutmy, 1883 : s. f. Secours pécuniaire que les passants ont coutume d’aller demander et de recevoir dans les ateliers où l’on ne peut les embaucher. On dit aussi caristade.
Fustier, 1889 : Femme galante. On l’appelait autrefois fille à parties. Quant à ce mot de passade, il n’est point difficile à expliquer pour celui qui sait sous quelle appellation triviale on désigne les maisons dites de rendez-vous.
Nous ne saurions trop féliciter l’Administration, puisqu’on veut une soirée tout à fait bécarre, d’exclure de cette représentation (une soirée de gala à l’Opéra) toutes les passades qui sont aux grandes courtisanes ce que sont les souteneurs de Montmartre aux petits rez-de-chaussée.
(Gil Blas, décembre 1886)
Elle est d’un maintien très décent et, sans être absolument jolie, peut être considérée comme une passade fort aimable.
(Gil Blas, février 1888)
France, 1907 : Plongeon forcé.
France, 1907 : Rencontre fortuite entre personnes de différent sexe, qui s’aiment pendant la durée d’un jour, d’une heure et même moins. Ne pas confondre avec passe.
Pour désigner cette courte flambée des sens, plus sérieuse que les vulgaires coucheries, moins intéressante que les folies de tête, les professionnels ont trouvé ce nom, jovial comme un nom libertin, sinistre comme un coup de lance : une passade.
(Willy, Gil Blas illustré)
France, 1907 : Secours que les typographes sans ouvrage, les passants vont demander dans les ateliers où ils ne peuvent être embauchés.
Passade (faire une)
Delvau, 1864 : Tirer un coup en passant.
Si tu veux passer, la nuit, mon chéri, ce sera vingt francs ; si ce n’est qu’une passade, c’est dix francs : décide-toi.
(A. François)
Pour s’amuser qu’Apollon l’entreprenne :
D’une passade elle vaut bien la peine.
(Parny)
Je n’ai, camarades,
Jamais que des passades ;
Mais je les aime mieux
Que des amours trop vieux.
(Collé)
Passage
d’Hautel, 1808 : Oiseau de passage. Homme qui change souvent de demeure ; qui ne se trouve bien nulle part.
Il me trouvera sur son passage. Menace que l’on fait à quelqu’un, et qui signifie que l’on cherchera toutes les occasions de lui nuire.
Passage à tabac
France, 1907 : Formidable raclée que reçoivent certains infortunés trainés au poste de police et qui n’ont pas montré à Messieurs les agents tous les égards voulus. Ceux-ci se vengent alors dans le huis clos du poste.
Écoutez-le, ce personnage, écoutez-le parler des pauvres bougres, des mal vêtus, qui ont risqué leur peau, leur place, leur salaire, leur liberté, le supplice du passage à tabac, les tortures de la prévention, simplement parce que la jeunesse des Écoles avait crié autour d’un cadavre, sous le poing de la police : « À nous, ceux des faubourgs ! »
(Séverine)
Passans ou passifs
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Souliers.
Passant
Rigaud, 1881 : Soulier. Les variantes sont : Passe, passade, passide, passif passifle, paffier, paffe, — dans le jargon des voleurs, qui ont un si grand choix de mots pour désigner les souliers et qui, souvent, n’en ont pas aux pieds.
France, 1907 : Soulier. On dit aussi passe.
Passant, passif, passifle
Larchey, 1865 : Soulier. — Passifleur : Cordonnier. — Le soulier sert à faire des pas.
Passants
Bras-de-Fer, 1829 : Souliers.
Passe
Bras-de-Fer, 1829 : Peine de mort.
Delvau, 1864 : Passade intéressée, côté des dames. Faire une passe. Amener un homme galant dans une maison qui reçoit aussi les filles — galantes.
Larchey, 1865 : Guillotine. V. Gerber. — Allusion à la passe de la fatale lunette. — Passe-crick : Passe-port (Vidocq). — Passe-lance : Bateau (id.) V. Lance. — Passe-singe : Roué (id.), homme dépassant un singe en malice.
Delvau, 1866 : s. f. « Échange de deux fantaisies », dont l’une intéressée. Argot des filles. Maison de passe. Prostibulum d’un numéro moins gros que les autres. M. Béraud en parle à propos de la fille à parties : « Si elle se fait suivre, dit-il, par sa tournure élégante ou par un coup d’œil furtif, on la voit suivant son chemin, les yeux baissés, le maintien modeste ; rien ne décèle sa vie déréglée. Elle s’arrête à la porte d’une maison ordinairement de belle apparence ; là elle attend son monsieur, elle s’explique ouvertement avec lui, et, s’il entre dans ses vues, il est introduit dans un appartement élégant ou même riche, où l’on ne rencontre ordinairement que la dame de la maison ». Faire une passe. Amener un noble inconnu dans cette maison « de belle apparence ».
Delvau, 1866 : s. f. Guillotine, — dans l’argot des voleurs. Être gerbé à la passe. Être condamné à mort.
Delvau, 1866 : s. f. Situation bonne ou mauvaise, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Guillotine, — dans l’ancien argot. — Gerber à la passe, guillotiner ; c’est le passage de la vie à la mort.
Rigaud, 1881 : Secours, assistance, — dans le jargon des voleurs. Donner la passe, faire la passe, secourir.
Rigaud, 1881 : Série de coups heureux, — dans le jargon des joueurs. J’ai eu une passe de dix.
La Rue, 1894 : Secours. Assistance. Guillotine.
France, 1907 : Condamnation à mort ; argot des voleurs ; de passe, situation pénible.
France, 1907 : Court passage.
La vie d’Henri Rochefort est assez connue. Il est homme public, comme on est femme publique, c’est-à-dire que, sans avoir fait jamais partie fixement d’aucun monde gouvernemental — rien que des passes — il est de tous les mondes gouvernementaux. Une de ses stupeurs doit être d’avoir été un instant on vrai membre du gouvernement de la Défense nationale.
(Paul Buguet, Le Parti ouvrier)
France, 1907 : Moment qu’un monsieur passe avec une racoleuse ou dame de maison démesurément numérotée. Le prix de la passe varie suivant les établissements.
Non… vrai… ces chos’s-là, ça m’dépasse !
Faut-i’ qu’eun’ gouzess soy’ paquet
D’prendre un france cinquant’ pour eun’ passe,
Quand a’ peut d’mander larant’quet… !
Ah ! faut vraiment qu’a soy’ pas fière !…
Moi, quand ej’vois des tas d’homm’s saouls
Qui veul’nt pas donner plus d’trent’ sous,
Ej’les envoye à la barrière.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Chez la vicomtesse de Santa-Grua, la conversation, fort animée, roule sur l’hypnotisme.
Un jeune avocat, hypnotiseur fameux à ses moments perdus, dit qu’il lui a suffit de deux passes pour endormir une demoiselle.
— Juste ce qu’il faut pour réveiller la vicomtesse, réplique Taupin, toujours galant.
France, 1907 : Permis de passage gratuit.
Passe (être gerbé à la)
Virmaître, 1894 : Mauvaise affaire pour celui qui est dans ce cas-là. Être gerbé à la passe, c’est être condamné à mort. La passe, c’est la guillotine (Argot des voleurs).
Passe (faire une)
Rigaud, 1881 : Accorder dans une maison mixte ou chez soi une courte audience au dieu de Lampsaque, — dans le jargon des filles.
Virmaître, 1894 : Fille qui raccroche sur la voie publique et conduit ses clients de hasard au premier hôtel venu. Elle ne fait que passer. Faire une passe vient aussi de faire un passant (Argot des filles).
Passe (la)
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Peine de mort.
Vidocq, 1837 : s. f. — La guillotine. Terme des voleurs de campagne et des Normands.
Passe (maison de)
Rigaud, 1881 : Maison d’amour de passage, maison de passage de l’amour à prix divers. Lieu mixte où la prostitution dresse un autel hâtif. La misère, la soif du luxe et la débauche, trois insatiables pourvoyeuses, jettent dans ces antres des femmes de toutes les classes, depuis l’insoumise famélique jusqu’à la grande dame à qui la fortune de son mari ne permet pas de dépenser cinquante mille francs par an pour ses toilettes.
Hayard, 1907 : Maison hospitalière.
France, 1907 : Lieu où les prostituées du trottoir conduisent leur miché.
Passe (une)
Rossignol, 1901 : Une fille publique qui vient d’avoir des relations avec un michet a fait une passe.
Passé au bain de réglisse
Passé au bain de réglisse (être)
Delvau, 1866 : Appartenir à la race nègre, — dans l’argot des faubouriens.
Passe bourgeoise
France, 1907 : Femme mariée qui contribue au budget conjugal en donnant des rendez-vous dans les maisons de passe.
Passe le gant (l’amitié)
France, 1907 : Entre amis, nul besoin de cérémonie. Allusion à l’ancien usage encore existant en Angleterre de retirer un gant pour se donner la main. Excuse my glove, « excusez mon gant », dit-on au cas où on le garde.
Passé singe
France, 1907 : Fin matois, rusé, qui ne se laisse pas prendre ; argot populaire.
— Pas de ça, Lisette ! casquez d’abord. Je vous connais, vous êtes marlou, mais je suis passé singe.
(Mémoires de Vidocq)
Passe vanterne
Virmaître, 1894 : Échelle. Mot à mot : passer par la fenêtre (Argot des voleurs).
Passe-à-la-rousse
France, 1907 : Escarpin. Cette chaussure ne faisant pas de bruit permet d’esquiver la police, de passer devant la rousse.
Passe-bourgeoise
Virmaître, 1894 : Femme mariée, habituée des maisons de rendez-vous et qui, par ses passes, aide à faire bouillir la marmite (Argot du peuple).
Passe-campagne
France, 1907 : Vin de médiocre qualité dont on se contente faute de mieux, et qui sert à passer l’année.
Passe-carreau
Delvau, 1866 : s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les coutures des manches. Argot des tailleurs.
Passe-chien
France, 1907 : Ouverture dans une haie.
Passe-cric
Delvau, 1866 : s. m. Passeport, — dans l’argot des voleurs.
La Rue, 1894 : Passeport.
France, 1907 : Passeport ; argot des voleurs
Passe-crick
Vidocq, 1837 : s. m. — Passe-port. Terme des voleurs des provinces du Midi.
Rigaud, 1881 : Passe-port.
Passe-lacet
Delvau, 1866 : s. m. Fille d’Opéra, ou d’ailleurs, — dans l’argot des libertins d’autrefois, qui est encore celui des libertins d’aujourd’hui.
Rigaud, 1881 : Prostituée.
La Rue, 1894 : Gendarme.
France, 1907 : Gendarme ; argot des voleurs.
France, 1907 : Prostituée ; argot populaire.
Passe-lance
Vidocq, 1837 : s. m. — Bateau.
Delvau, 1866 : s. m. Bateau, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Bateau.
France, 1907 : Bateau ; littéralement, passe l’eau.
Passe-matagot
d’Hautel, 1808 : Terme d’escamoteurs, de joueurs de gobelets, lorsqu’ils font quelques tours d’adresse ; ils l’emploient comme une expression de grimoire, pour faire croire aux spectateurs que, sans cela, ils ne pourroient réussir à faire leurs tours.
Passe-passe
d’Hautel, 1808 : Tours de passe-passe. Fourberie, tromperie, finesse, supercherie. Il se dit aussi pour, tours de main, tours d’adresse, subtilités des doigts des joueurs de gobelets, des escamoteurs.
France, 1907 : Tricherie au jeu qui consiste à faire filer adroitement une carte.
Passe-port
d’Hautel, 1808 : Il porte son passe-port avec lui. Se dit d’un homme connu pour honnête, et qui a l’extérieur agréable.
Passe-rose
France, 1907 : Coquelicot.
Passe-singe
Vidocq, 1837 : s. m. — Passé maître en malice, homme capable, intelligent.
Rigaud, 1881 : Très malicieux ; c’est-à-dire : qui dépasse le singe en malice.
Passé-singe
Delvau, 1866 : s. m. Roué, roublard, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Roué. A. D. Singe ne doit pas ici être pris dans le sens de patron ; singe est l’animal de ce nom. Passé-singe, passé maître dans l’art de faire des grimaces et de se contorsionner. Synonyme de souplesse et d’agilité.
— Il est donc passé-singe qu’il a pu cromper la tante, malgré l’oncle et les barbauttiers (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Malin, rusé.
Passe, passade
La Rue, 1894 : Amour de passage. Maison de passe, lieu où les prostituées ou passades entraînent leurs galants d’un quart d’heure.
Passeport jaune
Delvau, 1866 : s. m. Papiers d’identité qu’on délivre aux forçats à leur sortie du bagne.
Passer
d’Hautel, 1808 : Faire passer quinze pour douze. Abuser de la confiance et de la crédulité de quelqu’un, pour le tromper, lui en faire accroire.
Passer quelque chose au gros sas. Pour, le faire à la hâte, sans précaution.
Il veut passer pour beau. Se dit de celui qui ne veut rien payer d’un écot, d’une dépense qui s’est faite en commun.
Passer de fil en aiguille. Pour dire, d’un discours à l’autre.
Jeunesse est forte à passer. Signifie qu’il est difficile à passer son jeune âge sans faire de folies.
Cela lui passera devant le nez. Pour dire, il n’y aura point part ; ce n’est point pour lui.
Il a passé comme une chandelle. Pour dire, il est mort sans crise ; dans le moment où on s’y attendoit le moins.
Le temps passe et la mort vient. Signifie que quelque soit le sort auquel on se trouve réduit, le temps n’en passe pas moins vite pour cela.
Passer par l’étamine. Être examiné sévèrement ; connoître l’infortune et l’adversité.
Passe-moi la rhubarbe, je te passerai le séné. Se dit de deux personnes qui conviennent mutuellement de se pardonner leurs erreurs.
Passe pour cela. Pour, je consens à cela ; je l’accorde ; cela peut être admis.
S’il passe par mes mains, gare à lui ! Se dit par menace d’une personne dont on a reçu quelque offense, pour faire entendre qu’on s’en vengera dès que l’on en trouvera l’occasion.
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des bourgeois.
Passer à gauche
France, 1907 : Être frustré de sa part de vol ; argot des grecs.
Que le gérant lorsque l’on fauche
Ne passe pas trop à gauche.
(Hogier-Grison)
Passer à l’as
Rossignol, 1901 : Si dans une affaire ou partage on n’a rien pour soi, on passe à l’as.
France, 1907 : Être pris.
Rameneur, donne de ton claque
Au pigeon une contremarque,
Fais-le nettoyer chiquement
Pour affurer ton cinq pour cent.
Si par hasard le grec qui l’fauche
Voulait te fair’ passer à gauche,
Dis : « Si tu m’fais passer à l’as,
J’te bidonn’, tu poiss’ras Mazas. »
(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)
Passer à la casserole
France, 1907 : Opération dangereuse qui consiste à placer un syphilitique dans une sorte de chaudière à vapeur et de l’y laisser jusqu’à l’évanouissement ; il en sort, dit-on, mort ou guéri. Dans l’argot des voleurs, passer à la casserole, c’est être dénoncé.
Passer à la couverte
France, 1907 : Brimade militaire qui consiste à faire sauter un homme dans une couverture, à le berner.
À peine le Suisse venait-il de fermer l’œil que ses camarades de chambrée l’empoignèrent, lui jetèrent dans une couverture en compagnie d’une paire de bottes éperonnées, de deux pistolets et de deux étrilles, et bientôt, au commandement trois, le malheureux fut lancé dans l’espace à l’aide d’une savante et méthodique secousse imprimée à la couverture par huit vigoureuses poignes. C’est ce que s’appelle sauter en couverte. Le brigadier faisait mine de ronfler.
(Les Joyeusetés du régiment)
Passer à la patience, à la croupière
Merlin, 1888 : Punition assez scabreuse à définir et que les troupiers infligent à un mauvais camarade à un voleur ou à un délateur.
Passer à la pipe
Virmaître, 1894 : Quand un individu est arrêté et conduit dans un poste, les agents le battent. On le passe à la pipe. Mot à mot : il est fumé. Synonyme de passer à tabac (Argot du peuple).
Passer à la plume
Rigaud, 1881 : Être maltraité par un agent de la sûreté, — dans le jargon des voleurs qui disaient autrefois, dans le même sens : Passer à la dure. La variante est : Passer au tabac.
France, 1907 : Être maltraité, à moitié assommé par les agents de police. On dit aussi passer à tabac, ou filer à la pipe.
Passer à la plume, passer à tabac, filer la pipe
La Rue, 1894 : Être maltraité, bourré de coups par les agents de police.
Passer à la sorgue
Fustier, 1889 : Dormir. (V. Delvau : Sorgue.)
Passer à tabac
Virmaître, 1894 : Cette expression est toute récente. Quand un individu est arrêté et conduit dans un poste de police, il est souvent frappé par la police, de là : passer à tabac (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Recevoir ou donner des coups. Passer à tabac veut aussi dire être réprimandé.
Hayard, 1907 : Occupation ordinaire des agents envers ceux qu’ils arrêtent ; assommade à coups de botte et de casse-tête.
France, 1907 : Être assommé par la police, mais spécialement à huis clos dans le poste.
Un mot d’un individu en uniforme suffit. On vous saisit, on vous bouscule, on vous assomme, on vous traîne au poste, et si vous résistez !
— Ah%#8239;! tu fais de la rouspétance, mon bonhomme !… Attends un peu !
Et sans tambour ni trompette on passe le « bonhomme » à tabac.
(Hector France, La Vierge russe)
Ce que je pense des sergots, je ne le mâche pas assez pour qu’on l’ignore ! et voilà quinze jours qu’ici même je blaguais leurs bottes, leur coupe-choux, et leur omnipotence en matière de témoignage judiciaire.
Mon nom, prononcé dans un poste par un innocent arrêté, suffit pour le faire immédiatement passer à tabac ; et ma carte, dans un commissariat, déposée de main en main avec d’infinies précautions, tournée, retournée, consultée, auscultée, manque d’être envoyée, comme engin suspect, au Laboratoire municipal.
(Séverine, Le Journal)
Passer à travers
France, 1907 : Échapper aux mailles de la Justice.
Il est évident qu’avec le système anglais lorsqu’il sera adopté, l’innocent arrêté aura des garanties qu’il ne possède pas actuellement dans nos habitudes judiciaires.
Mais, en revanche, combien de coupables échapperont au châtiment qu’ils ont mérité, et, comme disent les agents dans leur argot, passeront à travers !
(Mémoires de M. Goron)
Passer au banc
France, 1907 : Être fustigé, recevoir la bastonnade ; argot des bagnes.
On nous dirigea vers un plateau que nous connaissions tous de renom et de vue : c’était l’endroit où la guillotine était dressée les jours d’exécution. Est-ce qu’il allait y avoir une décapitation ? Mais on avait entendu parler d’aucune condamnation à mort. Nous demeurions tous oppressés, anxieux, regardant si le bourreau ne venait pas monter sa machine, quand un détachement d’infanterie de marine déboucha, baïonnette au canon. Il se retourna et forma un carré ouvert nous enveloppant. Puis deux hommes parurent. L’un d’eux portait un banc, l’autre un fouet à plusieurs lanières.
L’homme au banc disposa son appareil devant le front du carré ouvert. L’homme au fouet, un Arabe, examina attentivement chaque lanière et les pressa entre le pouce et l’index pour s’assurer de la solidité des nœuds.
Nous savions alors quelle lugubre cérémonie nous avait fait quitter le travail et retarder la soupe : on allait passer au banc un des nôtres.
(Edmond Lepelletier)
Passer au bleu
Larchey, 1865 : Disparaître.
Plus d’un jaunet passe au bleu.
(Jouvet, Chansons)
Équivoque basée sur un procédé de blanchissage. V. Laver, Nettoyer, Lessiver. — La passer douce : vivre à l’aise. — On sous-entend vie. — Se passer de belle : Ne pas recevoir sa part de vol (Vidocq).
Delvau, 1866 : v. a. Supprimer, vendre, effacer ; manger son bien. Argot des faubouriens. On disait, il y a cinquante ans : Passer ou Aller au safran. Nous changeons de couleurs, mais nous ne changeons pas de mœurs.
France, 1907 : Se dit d’une chose perdue, vendue, supprimée. « — Où est ta montre ? — Passée au bleu. » On disait autrefois passé au safran.
Passer au dixième
Delvau, 1866 : v. n. Devenir fou, — dans l’argot des officiers d’artillerie.
Rigaud, 1881 : Devenir fou, — dans l’argot des officiers d’artillerie.
Passer aux engrenages
France, 1907 : Punition infligée aux mouchards, aux écoles des arts et métiers.
On passe le mouchard aux engrenages, c’est-à-dire entre deux rangées de gadzarts au nombre d’une cinquantaine et de l’un à l’autre on se renvoie le mouchard à coups de pieds et à coups de poings ; il en sort moulu et quelquefois dangereusement blessé.
(R. Roos)
Passer d’hommes (se)
Delvau, 1864 : Jouir sans la collaboration de l’homme, avec le doigt ou le godemichet. — Se passer de femmes, se masturber.
Comment peuvent-elles donc faire pour se passer d’hommes, quand l’envie leur en prend et les tourmente si fort que, le con étant tout en chaleur, il n’y a aucune allégeance, de quelque façon que vous le frottiez.
(Mililot)
Passer de belle (se)
Vidocq, 1837 : Ne pas recevoir sa part dans un vol.
Delvau, 1866 : Ne pas recevoir sa part d’une affaire, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Ne rien trouver à voler, être trompé par un complice au moment de recevoir une part de butin. — Recevoir des conseils au lieu d’argent.
Virmaître, 1894 : Ne pas recevoir sa part d’un vol ou d’une affaire. Il s’en passe de belles : homme qui vit joyeusement. Mot à mot : qui passe de belles journées. Il s’en passe de belles pour exprimer que dans tel endroit il se passe de vilaines choses. Il en fait de belles : commettre de mauvaises actions.
— Il en fait de belles ton vilain sujet, il crèvera sur l’échafaud (Argot du peuple et des voleurs). N.
Passer debout
Rigaud, 1881 : Venir à l’heure au magasin, — dans le jargon des commis de nouveautés. Par opposition à être couché. (F. ce mot.)
Passer devant la glace
Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que, même dans leurs cafés populaciers, le comptoir est ordinairement orné d’une glace devant laquelle on est forcé de stationner quelques instants.
Virmaître, 1894 : Payer. Allusion à la glace qui est toujours derrière le comptoir, chez le marchand de vin (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Payer en sortant d’un débit.
France, 1907 : Payer ; allusion à la glace placée généralement derrière le comptoir des cafés et restaurants.
Passer devant la mairie
Delvau, 1866 : v. n. Se marier sans l’assistance du maire et du curé, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Se marier sans l’assistance du maire ni du curé. « Que de couples à Paris passent devant la mairie, et ça ne fait pas les plus mauvais ménages ! » On disait, avant adjonction de la banlieue, se marier au treizième arrondissement, Paris n’en ayant alors que douze.
Passer devant le four du boulanger
Virmaître, 1894 : Voilà une expression qui n’est pas banale et qui est très usitée. Quand un gamin ou une gamine sont trop précoces, qu’ils ont l’esprit plus éveillé qu’il ne faudrait, on emploie ce mot. Mais il est plus typique dans ce sens. Quand une toute jeune fille a avalé son pépin et qu’elle pose quand même pour la vertu, on lui dit :
— Ne fais donc pas tant ta gueule, tu as passé devant le four du boulanger.
Mot à mot, elle a vu enfourner (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Synonyme d’avoir vu le loup, mot à mot : savoir comment on enfourne.
Passer l’arme à gauche
Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des troupiers et du peuple. On dit aussi Défiler la parade.
Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Mourir.
France, 1907 : Mourir.
— Il est mort ?
— Oui, passé l’arme à gauche ce matin, et comme il était déjà pas mal faisandé, il parait qu’il trouillote, aussi c’est demain qu’on le porte au jardin des claqués. Monte à la chambre, on t’en dira des nouvelles.
(Hector France, L’Homme qui tue)
Encore un que la mort fauche
Sans se lasser de faucher,
Un qui passe l’arme à gauche,
Sans pourtant être gaucher.
(Raoul Ponchon, Gazette rimée)
Passer l’éponge
Virmaître, 1894 : Oublier, pardonner. Mot à mot : laver le passé (Argot du peuple).
Passer la jambe
Larchey, 1865 : Donner un croc-en-jambes, et par extension, supplanter.
Son ennemi roulait à ses pieds, car il venait de lui passer la jambe.
(Vidal, 1833)
Passer la jambe à Thomas (V. ce mot), c’est, dans l’armée, être de corvée pour l’enlèvement des goguenots. — Allusion à l’action de les renverser dans les latrines.
Delvau, 1866 : v. a. Donner un croc-en-jambe.
Passer la jambe à Jules
Rigaud, 1881 : Enlever les tonneaux de vidange, — dans le jargon des troupiers.
Passer la jambe à Thomas
Delvau, 1866 : v. n. Vider le baquet-latrine de la chambrée, — dans l’argot des soldats et des prisonniers.
Merlin, 1888 : Voyez Jules.
France, 1907 : Vider le baquet-latrines ; argot des troupiers. On dit aussi prendre l’oreille à Jules.
C’est un vrai velours que la goutte
Pour les débiles estomacs,
Surtout si cela te dégoûte
De passer la jambe à Thomas.
(Raoul Fauvel)
Passer la jambe à Thomas, à Jules
La Rue, 1894 : Vider la tinette.
Passer la main sur le dos de quelqu’un
Delvau, 1866 : v. a. Le flatter, lui dire des choses qu’on sait devoir lui être agréables. Argot du peuple. On dit aussi Passer la main sur le ventre.
Passer la mer rouge
France, 1907 : Avoir ses menstrues.
Passer la nuit
Delvau, 1864 : Coucher au bordel.
Comben qui faut t’ rend’, mon bibi ? — Garde tout, j’ passe la nuit.
(H. Monnier)
Passer la rampe (ne pas)
France, 1907 : Se dit, en argot théâtral, d’une pièce qui n’a aucun succès, c’est-à-dire qui ne porte pas sur le public.
Passer la rampe (ne point)
Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des coulisses — de toute pièce ou de tout comédien, littéraire l’une, consciencieux l’autre, qui ne plaisent point au public, qui ne le passionnent pas.
Passer le goût du pain
Virmaître, 1894 : Étrangler un individu, lui faire passer le goût du pain (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Étrangler sa femme est lui faire passer le goût du pain.
Passer le goût du pain (faire)
France, 1907 : Tuer ; assassiner ; se suicider.
Chez nous, en France, on ne se fait passer le goût du pain que pour deux raisons, d’abord parce qu’on manque dudit pain. Et ce serait logique si ce n’était anormal. Une société où un sociétaire manque de ce minimum de subsistance, le pain, est une société dont le pacte est rompu par la simple constatation du fait.
(Émile Bergerat, Le Journal)
Passer le Rubicon
France, 1907 : Franchir un passage dangereux. Se lancer tête baissée dans une audacieuse entreprise. Allusion à César qui, marchant sur Rome, fut un moment indécis avant de franchir le Rubicon, petite rivière appelée aujourd’hui Fiumicino, qui séparait la Gaule cisalpine de l’Italie et qu’il était défendu, sous peine de mort, aux généraux de franchir avec leurs troupes. César, qui visait à la dictature, franchit le Rubicon avec son armée (49 ans av. J.-C.) en s’écriant : Alea jacta est ! (Le sort en est jeté !) Alors éclata la guerre civile qui se termina à Pharsale.
Ma foi, passons le Rubicon !
Je m’en vais frapper à ta porte,
Et qu’à l’instant Satan m’emporte
Si tu me vois, sous ton balcon,
Comme une rosse de manège,
Tourner encor pieds dans la neige !
(G. Remi)
Passer par la voie d’Angoulême
France, 1907 : Avaler. Voir Niort.
Passer par les mains d’un homme ou d’une femme
Delvau, 1864 : Coucher ensemble.
Est-ce qu’ils ne font pas tous des listes vraies ou fausses des femmes qui leur ont passé par les mains ?
(La Popelinière)
L’Opéra n’eut jamais de danseuse on d’actrice
Qui ne lui passât par les mains.
(Sénecé)
Toute la jeunesse de la cour lui passa par les mains.
(La France galante)
Passer par un fidelium
France, 1907 : Un fidelium est le nom de la dernière oraison dont on ferme les prières des morts dans l’Église romaine. Nombre de prêtres ayant plusieurs messes de mort à dire se débarrassaient de leur besogne et passant de suite à l’un fidelium. Aussi, quand au lieu de s’acquitter de plusieurs choses auxquelles on est obligé, on s’en exempte en passant rapidement à la dernière, on dit qu’on les a passées par un fidelium.
Passer par-devant l’huis du pâtissier, boire toute honte
France, 1907 : Ce dicton s’appliquait aux ivrognes et aux débauchés qui se moquaient de tous les reproches qu’on pouvait leur faire. Autrefois, les pâtissiers tenaient cabaret sur le derrière de leur logis, où les buveurs honteux entraient par une porte dérobée, mais quand ils entraient par le devant de la boutique, bravant le qu’en-dira-t-on, on disait qu’ils avaient toute honte bue.
Passer sa fantaisie ou son envie
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.
Et après eu avoir très bien passé ma fantaisie.
(Brantôme)
Car le roi n’eut pas plus tôt passé sa fantaisie avec la princesse de Monaco, qu’il pardonna à monsieur de Lauzun.
(La France galante)
Et pour votre présidente, ce ne sera pas apparemment en restant, à dix lieues d’elle que vous vous en passerez la fantaisie.
(De Laclos)
Car sans cesser, ou sur banc, ou sur lit.
Elle voulut en passer son envie.
(Cl. Marot)
Voilà ; quand je suis amoureux.
J’en passe incontinent l’envie.
(J. Grevin)
Si vous aimez ce garçon, eh bien ! ne pourriez-vous en passer votre envie ?
(Tallemant des Réaux)
Passer sous la porte Saint-Denis (ne pouvoir)
France, 1907 : Se dit d’un mari malheureux dont les cornes symboliques atteignent une telle hauteur qu’il ne pourrait passer sous la porte Saint-Denis.
Passer sous la table
France, 1907 : Perdre au jeu. Même sens que baiser le cul de la vieille.
Passer sur le banc
Fustier, 1889 : Expression qu’emploient les forçats quand ils vont, pour une infraction au règlement, recevoir des coups de corde.
Combien j’ai vu d’hommes passer sur le banc et s’en relever, atteints pour jamais dans les sources de la vie, parce qu’ils avaient, en présence d’un argousin, imprudemment laissé tomber de leur poche un mince cahier ou simplement quelques feuilles de papier à cigarette !
(Humbert, Mon bagne)
Passer une femme à la chaussette à clous
France, 1907 : La battre, la martyriser.
Passerons
France, 1907 : Plaques muqueuses aux commissures labiales.
Passette
France, 1907 : Vrille de tonnelier.
Passeur
Delvau, 1866 : s. m. Individu qui passe les examens de bachelier à la place des jeunes gens riches qui dédaignent de les passer eux-mêmes, — parce qu’ils en sont incapables.
Rigaud, 1881 : Pauvre diable qui, moyennant un peu d’argent, passe le baccalauréat au lieu et place de certains jeunes cancres.
Passez-moi la casse, je vous passerai le séné
France, 1907 : Échange de bons procédés. Louangez-moi, je vous louangerai à mon tour. C’est le dicton de la camaraderie, celle de gens de lettres surtout. La casse est l’ancien nom de la cannelle, le séné est également une plante aromatique ; mais, en fait de casse, c’est généralement le sucre que l’on casse sur la tête des camarades.
Au lieu de casse, on dit parfois rhubarbe.
Passez-moi le fil
Merlin, 1888 : Expression goguenarde et sans équivalent dans le langage ordinaire, quelque chose comme : elle est bonne, celle-là !
France, 1907 : Expression militaire ironique signifiant : Quoi encore ?
Passier
Halbert, 1849 / France, 1907 : Soulier.
Passif
M.D., 1844 : Soulier.
Virmaître, 1894 : Homme pour homme, celui qui subit. Habitué des latrines de la berge du Pont-Neuf, des bains de la rue de Penthièvre ou des pissotières des Champs-Élysées. Dans le peuple on dit :
— Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves.
L’allusion est claire (Argot du peuple).
Passiffe
Halbert, 1849 : Chaussure.
Passifle
Vidocq, 1837 : s. m. — Soulier.
Passifleur
Delvau, 1866 : s. m. Cordonnier, — dans le même argot [des voleurs].
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Cordonnier.
Passifleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Cordonnier, cordonnière.
Passifs
Clémens, 1840 : Souliers.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers d’occasion, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. Le mot est expressif : des souliers qui ont longtemps servi ont naturellement pâti, souffert, — passus, passivus, passif. On dit aussi Passifles.
Boutmy, 1883 : s. m. Chaussures, souliers.
Et mes passifs, déjà veufs de semelles,
M’ont aujourd’hui planté là tout à fait.
dit l’humoristique auteur de la chanson du Rouleur.
La Rue, 1894 : Souliers. Passifleur, cordonnier.
Virmaître, 1894 : Souliers. Il en est peu, en effet, qui résistent au mauvais temps, surtout depuis l’invention des semelles en cuir factice (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Souliers.
France, 1907 : Souliers, chaussure. La chaussure supporte tout, Argot des typographes.
Et mes passifs, déjà veufs de semelle,
M’ont aujourd’hui planté là tout à fait.
(Chanon du rouleur)
Passifs (les)
Hayard, 1907 : Les souliers.
Passim
France, 1907 : Adverbe latin signifiant çà et là, dont on fait suivre le titre d’un ouvrage cité. Ainsi : Voir le Dictionnaire philosophique de Voltaire sur les Préjugés, pages 37, 40 et passim.
Passion
d’Hautel, 1808 : Il est triste comme la passion. Se dit de quelqu’un ou de quelque chose qui est triste, ennuyeux.
Il est connu comme Barrabas et la passion. Voy. Barrabas.
Passions (à)
Larchey, 1865 : « Vous êtes trop jeune pour bien connaître Paris ; vous saurez plus tard qu’il s’y rencontre ce que nous nommons des hommes à passions. Ces gens-là n’ont soif que d’une certaine eau prise à une certaine fontaine, et souvent croupie. » — Balzac, Père Goriot.
Passons au déluge (avocat)
France, 1907 : Venons en au fait ; assez de bavardage, de détails inutiles. Cette expression proverbiale vient d’une scène de la comédie des Plaideurs de Racine, où l’avocat remonte dans sa défense avant la naissance du monde : « Avocat, passons au déluge », l’interrompt en bâillant le juge Dandin.
Pastille
Rigaud, 1881 : Pièce de dix sous, — dans le jargon des joueurs. — Plus rien, pas une pastille pour ponter.
France, 1907 : Pet.
France, 1907 : Pièce de dix sous. On dit aussi belette et pépette.
Pastille dans le culbutant (détacher une)
France, 1907 : Lâcher un vent ; argot des faubourgs. Allusion ironique aux pastilles du sérail.
Pastiquer
Vidocq, 1837 : v. a. — Passer.
Larchey, 1865 : Passer. — Corruption de mot. V. Abadis.
Delvau, 1866 : v. a. Passer, — dans l’argot des voleurs. Pastiquer la maltouze. Faire la contrebande.
Rigaud, 1881 : Passer, — dans l’ancien argot.
La Rue, 1894 : Passer. Pastiquer la maltouse, passer de la contrebande.
France, 1907 : Passer. Pastiquer la maltouze, passer quelque chose en contrebande
Pastiquer la maltouze
Vidocq, 1837 : v. a. — Passer la contrebande.
Pastoure
France, 1907 : Petite bergère ; abréviation de pastourelle, féminin de pastoureau, du latin pastorellus, diminutif de pastor, pasteur. Patois du Berry.
La Guillette prit avec sa fille une douzaine de jeunes et jolies pastoures, amies et parentes de sa fille, deux ou trois respectables matrones voisines fortes en bec, promptes à la réplique et gardiennes rigides des anciens us.
(George Sand, La Mare au diable)
Pastourelle
Rigaud, 1881 : « Les cavaliers désignent ainsi la sonnerie des hommes punis. » (Fr. de Reiffenberg.) Les cavaliers pour la pastourelle, en avant !
France, 1907 : Comédie religieuse qui se jouait autrefois aux laudes de Noël.
France, 1907 : Sonnerie qui appelle les hommes consignés au peloton de punition. On sait que la pastourelle est un terme de danse.
Patac
France, 1907 : Coup : vieux mot encore en usage dans le Midi et qu’on trouve orthographié dans Rabelais patact, coup de poing.
Patachier, patachon
France, 1907 : Conducteur de la voiture non suspendue appelée patache, autresfois fort en usage. Conduire en patachon, c’est conduire assis sur le brancard.
Patachon (vie de)
France, 1907 : Vie déréglée, agitée, mouvementée comme celle d’un conducteur de patache.
Elle avait constamment ses regards tournés vers le ciel comme si elle y cherchait la place où elle serait un jour assis et employait ses journées non en aumônes et en bonnes œuvres, mais à courir les sacristies. Dans toutes, elle y connaissait quelque prêtre, jeune ou vieux, jeune surtout à qui elle demandant des avis, des consolations, des conseils. Et dans cette quiétude de l’église, ce silence des heures ou l’autel est désert, elle trouvait une paix, un bien-être réel après sa vie de patachon.
(Hector France)
Patachonneux
France, 1907 : Scandaleux, déréglé.
Avant d’être marié, et avec la plus charmante femme qui soit au monde, Paul Bourget avait mené une vie patachonneuse et toute de bâtons de chaises. Je le tiens de lui-même. Sa jeunesse ne fut qu’une orgie.
(Émile Bergerat, Mon Journal)
Patafiole
d’Hautel, 1808 : Mot baroque et interjectif qui marque l’impatience et le mécontentement.
Que le bon Dieu te patafiole. Pour, que le bon Dieu te bénisse.
Patafioler
Larchey, 1865 : Confondre.
Aux gardes du commerce !… Que le bon Dieu les patafiole !…
(Gavarni)
V. pour l’étymologie de ce mot le Magasin pittoresque, t. II, p. 247.
Delvau, 1866 : v. a. Confondre — dans l’argot du peuple. Ce verbe ne s’emploie ordinairement que comme malédiction bénigne, à la troisième personne de l’indicatif : — « Que le bon Dieu vous patafiole ! »
Rigaud, 1881 : Confondre. — Que le bon Dieu vous patafiole ! — Enlever. Que le diable le patafiole !
La Rue, 1894 : Confondre.
France, 1907 : Écraser, anéantir. Ce mot employé dans nombre de provinces, outre Paris, est l’antiphrase de bénir. L’on s’en sert presque exclusivement dans cette phrase : « Que le bon lieu vous patafiole ! » En Bourgogne, patafioler signifie ennuyer. Le même patois a également affioler pour faire enrager, rendre fou, corruption évidente d’affoler. Charles Nisard explique la syllabe pat par cette expression : « Que le bon Dieu ne pas t’affiole. » Ce qui serait justement le sens contraire de ce qu’on lui donne.
Patagueule
Delvau, 1866 : s. m. Homme compassé, qui fait sa tête et surtout sa gueule, — dans l’argot des sculpteurs sur bois.
Rigaud, 1881 : Ennuyeux, pas drôle.
C’est lui qui trouvait ça patagueule de jouer le drame devant le monde !
(É. Zola)
France, 1907 : Imbécile qui prend de grands airs. Être patagueule, faire parade d’affectation ridicule.
C’est lui qui trouvait ça patagueule, de jouer le drame devant le monde ! elle le prenait peut-être pour un dépuceleur de nourrices, à venir l’intimider avec ses histoires ?
(Émile Zola, L’Assommoir)
Patapatapan
d’Hautel, 1808 : Mot imitatif, pour exprimer le bruit du tambour, lorsqu’on bat un rappel.
France, 1907 : Onomatopée du tambour français, comme colin-tampon l’était du tambour suisse, suivant certains étymologistes.
Patapouf
Larchey, 1865 : Gros homme soufflant plus qu’il ne respire. — Onomatopée.
Delvau, 1866 : s. m. Homme et quelquefois Enfant bouffi, épais, lourdaud. On dit aussi Gros Patapouf mais c’est un pléonasme inutile.
Rigaud, 1881 : Homme d’un embonpoint respectable, soufflant, suant, geignant à chaque pas. Gros patapouf.
Virmaître, 1894 : Homme gros et court sur jambes, qui peut à peine souffler en marchant. Dans le peuple on dit :
— Ce patapouf souffle comme un phoque (Argot du peuple).
France, 1907 : Corpulent, lourd.
Pataquès
d’Hautel, 1808 : Quiproquo, calembourg, mot mal prononcé, mal interprêté ; faute de langue ; sottise, imbécilité.
Un faiseur de pataquès. Celui qui pèche continuellement contre la grammaire ; qui fait des cuirs en parlant.
Delvau, 1866 : s. m. Faute de français grossière, liaison dangereuse, — dans l’argot des bourgeois, qui voudraient bien passer pour des puristes.
Pataquès (faire des)
France, 1907 : Fautes de langage consistant à faire entendre un t final quand il faut sonner l’s ou réciproquement, et plus généralement à faire entendre à la voyelle initiale d’un mot une consonne qui ne termine pas le mot précédent. Domergue, dans son Manuel des amateurs de la langue françoise, donne l’origine de cette expression qui devrait s’écrire pat-à-qu’est-ce : Un plaisant était à côté de deux dames : tout à coup il trouve sous sa main un éventail. — « Madame, dit-il à la première, cet éventail est-il à vous ? — Il n’est point-z-à moi, Monsieur. — Est-il à vous, Madame ? dit-il en le présentant à l’autre. — Il n’est pas-t-à moi, Monsieur. — Puisqu’il n’est point-z-à vous et qu’il n’est pas-t-à vous, ma foi, je ne sais pas-t-à-qu’est-ce. L’aventure fit du bruit, et donna naissance à ce mot populaire encore en usage aujourd’hui. »
Pataraffe
d’Hautel, 1808 : Ce mot ne s’emploie que par dérision, et dans le sens de paraffe, gribouillage, griffonage qu’on ne peut déchiffrer.
Patarasses
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Petites pelottes dont les forçats se servent pour empêcher le froissement des fers sur la peau.
Delvau, 1866 : s. f. pl. Tampons que les forçats glissent entre leur anneau de fer et leur chair, afin d’amortir la pesanteur de la manicle sur les chevilles et le coude-pied.
Patard
d’Hautel, 1808 : Un patard. Nom que l’on donne à un gros sou double.
C’est aussi un sobriquet que l’on donne à un lourdaud, à un homme rustique et grossier.
Larchey, 1865 : Monnaie de billon — En 1808, on donnait ce nom à un gros sou double. V. d’Hautel. — Le patar était une monnaie flamande qui valait un sou au quinzième siècle. V. Du Cange.
Delvau, 1866 : s. m. Pièce de monnaie, gros sou, — dans l’argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu’ils emploient là une expression du temps de François Villon :
Item à maistre Jehan Cotard
Auquel doy encore un patard…
À ceste heure je m’en advise.
(Le Grand-Testament)
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Pièce de deux sous.
France, 1907 : Jeu de bouchon.
Bientôt, la bataille recommença, et on n’entendit plus que des voix grêles et potinières, avec le refrain des joueurs et le cliquetis des domaines sur la table de marbre.
— À vous la pose !
— J’ai le patard.
— Du quatre.
— Et du re-quatre.
(Dubut de Laforest, Morphine)
France, 1907 : Pièce de deux sous ; au temps de Rabelais, patac. Argot populaire. Le nom vient d’une vieille monnaie flamande de la valeur d’un sou. On trouve le mot dans le Testament de François Villon :
Item à maistre Jehan Cotard
Auquel doy encore ung patard.
En picard, en Flandre, dans le Hainaut et le pays de Liège, patar se dit pour sou.
Patarosses
France, 1907 : Bourrelets que font les forçats avec des chiffons pour se garantir les jambes du douloureux frottement de l’anneau de la chaîne.
Patata-patata
d’Hautel, 1808 : Mot qui rappelle le bruit d’un cheval courant au grand galop.
Patati-patata
France, 1907 : Onomatopée, dont on se sert pour exprimer un bavardage ennuyeux qui n’en fini pas, une suite de rengaines sur un air connu.
— Depuis longtemps, il m’adorait. Nos âmes sœurs ! Cruelle énigme ! et patati et patata… J’affectai de rire pour geler un peu son éloquence…
(Paul Adam)
Patatra
d’Hautel, 1808 : Interjection populaire ; espèce d’exclamation ironique que l’on fait lorsqu’on voit tomber quelqu’un-
Patatrot (faire le)
France, 1907 : Décamper, se sauver ; corruption de pattes au trot. « Faire un patatrot », poursuivre à grande vitesse.
Les synonymes sont nombreux ; en voici les principaux :
Jouer la fille de l’air, faire le lézard, le jat jat, la paire, cric, gilles ; se déguiser en cerf, s’évanouir, se cramper, tirer sa crampe, se lâcher du ballon, se la couler, se donner de l’air, se pousser du zeph, se sylphider, se la trotter, se la couvrir, se faire la débinette, jouer des fourchettes, se la donner, se la briser, ramasser un bidon, se la casser, se la tirer, tirer ses grinches, valser, se tirer les pincettes, se tirer des pieds, se tirer les baladoires, les pattes, les trimoires ou les flûtes ; jouer des guibes ou des quilles, se carapater, se barrer, bandrouiller, se cavaler, faire une cavale, jouer des paturons, happer le taillis, flasquer du poivre, décaniller, décarer, exhiber son prussien, démurger, désarrer, gagner les gigoteaux, se faire une paire de mains courante à la mode, fendre l’ergot, filer son nœud, se défiler, s’écarbouiller, esballonner, filer son câble par le bout, faire chibis, déraper, fouiner, se la fracturer, jouer des gambettes, s’esbigner, ramoner ses tuyaux, foutre le camp, tirer le chausson, se vanner, ambier, chier du poivre, se débiner, caleter, attacher une gamelle, camper.
Patatrot (faire)
La Rue, 1894 : S’enfuir. Courir. Un patatrot, une course rapide. Jouer du jaja un patatrot, jouer des jambes, s’enfuir.
Pataud
Delvau, 1866 : s. et adj. Lourdaud, grossier, niais, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Nom donné, au XVIIe siècle, aux chiens de cuisine. Ménage fait dériver ce mot de patte, à cause des grosses pattes de ces chiens, et Charles Nisard du vieux mot pitaud, homme pesant, lourdaud au physique comme au moral.
Ce pitaud doit valoir…
Bachelier et docteur ensemble.
(La Fontaine)
Patauder
France, 1907 : Marcher lourdement comme un pataud.
Patauger
d’Hautel, 1808 : Marcher dans la boue, barbotter, courir les rues dans un mauvais temps, et sans nécessité.
Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir ce qu’on fait ni ce qu’on dit.
Pate
d’Hautel, 1808 : Des pates de mouche. C’est ainsi que l’on appelle une écriture très-fine et mal formée.
Faire patte de velours. Faire l’hypocrite, déguiser sous des dehors caressans, une ame noire et le dessein de nuire.
Pate. Se prend aussi pour main.
Une pate d’arraignée. Se dit d’une main sèche et décharnée.
Il a de grosses vilaines pates. Se dit par raillerie de quelqu’un qui a les mains fortes et rudes.
Marcher à quatre pates. Marcher sur les pieds et sur les mains
Il ne peut remuer ni pied ni pate. Se dit de quelqu’un qu’une grande lassitude, ou une grande fatigue empêche de marcher.
Mettre la pate sur quelqu’un. Le battre, le maltraiter.
Si jamais il tombe sous ma pate, gare à lui. Espèce de menace que l’on fait à quelqu’un pour dire, qu’on ne l’épargnera pas, quand on en trouvera l’occasion.
Être entre les pates de quelqu’un. Être soumis à sa censure ; se dit en mauvaise part d’un homme dont on a sujet de craindre la sévérité.
Donner un coup de pate. Lâcher un trait malin et piquant.
Graisser la pate à quelqu’un. Le corrompre, le gagner par argent.
Bras-de-Fer, 1829 : Lime.
Delvau, 1866 : s. m. Apocope de patron, — dans l’argot des graveurs sur bois.
Rigaud, 1881 : Lime. — Patron.
France, 1907 : Abréviation de patron.
Pâte
d’Hautel, 1808 : C’est une bonne pâte d’homme. Se dit au propre, d’un homme fort et robuste ; au figuré, d’un homme simple et sans malice ; d’un bon enfant.
Il est d’une bonne pâte. Locution ironique qui se dit en mauvaise part de celui qui fait à un autre des propositions ridicules.
N’avoir ni pain : ni pâte. Pour, n’avoir rien à manger.
Il ne sent que la pâte. Se dit du pain qui est gras-cuit, qui a été saisi par le feu.
Mettre la main à la pâte. Se dit ordinairement lorsque, dans une maison, chacun travaille à la cuisine, ou contribue de sa part au succès d’une affaire. Voy. Main.
Pâté
d’Hautel, 1808 : Un gros pâté. Nom que l’on donne familièrement à un enfant gros, gras et bien portant.
Crier les petits pâtés. Se dit par plaisanterie des femmes quand elles sont en mal d’enfant.
Un pâté. Goutte d’encre tombée sur le papier.
Delvau, 1866 : s. m. Mélange des caractères d’une ou plusieurs pages qui ont été renversées, — dans l’argot des typographes. Faire du pâté, c’est distribuer ou remettre en casse ces lettres tombées.
Delvau, 1866 : s. m. Tache d’encre sur le papier, — dans l’argot des écoliers, qui sont de bien sales pâtissiers. On dit aussi Barbeau.
Rigaud, 1881 : Mauvaise besogne, — dans le jargon des typographes.
Boutmy, 1883 : s. m. Caractères mêlés et brouillés qu’on fait trier par les apprentis. Faire du pâté, c’est distribuer ces sortes de caractères.
France, 1907 : Caractères mêlés et brouillés que les apprentis doivent remettre dans leurs cases respectives ; argot des typographes.
Pâte (mettre en)
Boutmy, 1883 : v. Laisser tomber sa composition ou sa distribution. Quelquefois, une forme entière mal serrée est mise en pâte quand on la transporte. Remettre en casse les lettres tombées, c’est faire du pâté. Par extension, on dit de quelqu’un qu’il s’est mis en pâte, quand il a fait une chute. Être mis en pâte, Recevoir dans une rixe quelque horion ou quelque blessure.
France, 1907 : C’est, dans l’argot des typographes, laisser tomber sa composition. Au figuré, être mis en pâte, c’est recevoir des horions dans une rixe.
Pâte (tomber en)
Rigaud, 1881 : Renverser un ou plusieurs paquets composés. — Forme tombée en pâte, forme qui se renverse pendant le trajet de l’atelier de composition à l’imprimerie, forme qui n’est pas assez serrée et dont les caractères s’éparpillent et tombent, — en terme de typographe.
Pâté d’ermite
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Des noix.
Delvau, 1866 : s. m. Noix, — dans l’argot du peuple, qui sait que les anachorètes passaient leur vie à mourir de faim.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Noix.
France, 1907 : On en trouve la formule dans le Moyen de parvenir : « Il ne faisoit chez soi plus grand festin que de pastez d’hermile. — Qu’est-ce que cette viande ? — Noix, amandes, noisettes. »
Pâté de veille
Boutmy, 1883 : s. m. Collation que l’on fait dans les ateliers le premier jour des veillées. Hélas ! comme beaucoup d’autres coutumes, le pâté de veille est tombé en désuétude.
France, 1907 : On appelait ainsi un collation que faisaient dans leurs ateliers les typographes la première nuit des veillées. Cet usage est tombé en désuétude.
Pâte ferme
Delvau, 1866 : s. f. Article sans alinéas, — dans l’argot des journalistes.
Pâte-ferme
France, 1907 : Article sans alinéas ; argot des journalistes. « Léon Cladel était célèbre pour ses pâte-ferme. »
Pâtée
d’Hautel, 1808 : Au propre, nom que l’on donne aux alimens que l’on prépare à certains animaux ; et par une extension basse et triviale, à la nourriture de l’homme.
Aller manger la pâtée. Pour aller prendre de la nourriture, ses repas accoutumés.
C’est une véritable pâtée. Se dit par mépris, des mets, des alimens qu’on a laissés trop cuire, et qui sont en bouillie.
Larchey, 1865 : Correction.
Il avait voulu manger un grand gaillard. Aussi a-t-il reçu une pâtée.
(Delagny, les Souteneurs, 1861)
Delvau, 1866 : s. f. Correction vigoureuse et même brutale. Recevoir une pâtée. Être battu.
Delvau, 1866 : s. f. Nourriture, — dans l’argot des faubouriens. Prendre sa pâtée. Déjeuner ou dîner.
France, 1907 : Volés, raclée ; argot populaire.
Pâtée (donner la)
Rigaud, 1881 : Donner des coups. — Recevoir la pâtée, recevoir quelque chose de solide en fait de coups, comme une pâtée. On dit plus fréquemment : tremper la soupe.
Patelette (la)
Rossignol, 1901 : Postérieur.
Patelin
Fustier, 1889 : Compatriote.
En qualité de patelins, nous avions été assez bien accueillis…
(Humbert, Mon bagne)
Signifie aussi pays, lieu de naissance, — dans l’argot militaire.
La Rue, 1894 : Compatriote. Le pays natal V. Pacquelin.
Virmaître, 1894 : Pays. Corruption du vieux mot pasquelin, qui signifiait la même chose (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Pays.
France, 1907 : Pays, villages même sens que paquelin dont il est la déformation.
Y a à Amiens une floppée de fistons qui ont pris une riche habitude ; tous les dimanches ils s’en vont en balade dans les environs, choisissant les patelins où y a une fête, puis, une fois là, ils guignent le cabaret ou le café qui leur semble le plus vaste, s’y rendent et, sans faire de magnes, ils poussent des chansons anarchotes, débitent des monologues.
C’est de la bonne propagande et les idées s’infiltrent en douceur.
(Le Père Peinard)
Il en a pour vingt ans d’Nouvelle ;
On en r’vient pas de c’pat’lin-là,
Mais l’on part avec sa donzelle,
C’est tout c’qu’i’ faut pour vivr’ là-bas.
Patenôtre
d’Hautel, 1808 : Dire la patenôtre du singe. Murmurer entre ses dents, gronder tout bas.
Patenôtre blanche
France, 1907 : Prière cabalistique des paysannes du Centre, à l’aide de laquelle on est certain d’aller en paradis.
Patenôtre du loup
France, 1907 : Paroles cabalistiques à l’aide desquelles les bergers prétendent éloigner les loups.
Patenôtres (diseur ou mangeur de)
France, 1907 : Dévot, hypocrite ou idiot qui prie continuellement.
Français, dessillez-vous les yeux,
Apprenez pour vous et les vôtres
Qu’il n’y a de gens si factieux
Que des diseurs de patenôtres.
(Satire Ménippée)
De faux mangeurs de patenôtres,
Gens qui font enrager les autres,
Dont ici-bas les gens de bien
À mon gré se passeraient bien.
(Scarron)
Patente
Delvau, 1866 : s. f. Casquette, — dans l’argot des faubouriens, qui ont traduit à leur façon le patent qui se trouve sur tous les produits anglais, chapeaux, manteaux, etc.
Rigaud, 1881 : Casquette de voyou, casquette de soie plaquée sur la tempe. C’était, autrefois, la coiffure typique des souteneurs de barrière, leur patente. Ils l’ont remplacée par la desfoux, encore plus grotesque.
La Rue, 1894 : Casquette de soie à ponts.
Rossignol, 1901 : Casquette.
France, 1907 : Casquette de souteneur.
Une de ces casquettes molles rabattant sur le nez qui font aux souteneurs de barrières une coiffure si caractéristique. Comme elle n’est portée que par eux, elle est en quelque sorte la patente de leur ignoble métier.
(Paul Parfait)
Je préfère l’explication donnée par A. Delvau qui explique le mot de patente par le patent qui se trouve au fond des coiffures anglaises et vendues bon marché aux ouvriers.
Patenté
Fustier, 1889 : Souteneur.
France, 1907 : Souteneur, qui porte une casquette dite patente.
Pater
d’Hautel, 1808 : Il sait cela comme son pater. Pour, il y est très-expert, très-versé ; il le sait par cœur.
Il ne sait pas seulement son pater. Pour dire, il est excessivement ignorant.
Pater de pèlerin
France, 1907 : Juron ; expression méridionale.
Pater familias
France, 1907 : Père de famille.
Raidi dans sa cravate et dans sa dignité, M. Lescuyer avait fait si souvent l’éloge, devant Chrétien, de la société romaine, du pater familias antique, de l’autorité du chef de famille, et tonné contre la perte du respect, les dangereuses familiarités, le relâchement des mœurs modernes.
(François Coppée, Le Coupable)
Patere quam ipse fecisti legem
France, 1907 : « Subis la loi que toi-même as faite. » Locution latine que James Lynch, maire de Galway (Irlande) appliqua à son propre fils, en le pendant en dehors de sa fenêtre pour avoir volé et tué des étrangers.
Paternel
France, 1907 : Père ; argot des écoles. « Le paternel refuse de casquer. »
Pâtés d’ermites
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Nois.
Patience
d’Hautel, 1808 : Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit en plaisantant d’une personne vive, pétulante, sujette à la colère et aux emportemens.
Il faut prendre de la racine de patience. Signifie, il faut se tenir à deux mains, pour ne pas s’impatienter, pour ne pas perdre courage ; se dit aussi quand on est vivement contrarié, ou qu’on est livré à un travail pénible et rebutant.
Un ouvrage de patience. C’est-à-dire, qui demande une grande application, de grands soins, du temps et de la constance.
La patience est la vertu des ânes. Parce que cet animal endure beaucoup de mauvais traitemens sans se plaindre.
Patience ! Espèce d’interjection, qui équivaut à un moment donc, attendez, ne m’interrompez pas.
Patience ! j’aurai mon tour. Menace que l’on fait à quelqu’un dont on a reçu une offense, pour dire qu’on s’en vengera.
Delvau, 1866 : s. f. Jeu de cartes, — ou plutôt série de jeux de cartes, car il y a une trentaine de jeux de patience : la Loi salique, la Blocade, la Nivernaise, la Gerbe, le Crapaud, la Poussette, la belle Lucie, etc., etc.
Patiens quia æternus
France, 1907 : « Patient parce qu’il est éternel » ; locution latine tirée de saint Augustin qui l’applique à Dieu.
Le progrès ne va point sans de grands espoirs suivis de désillusions correspondantes. Patiens quia æternus est la devise du porteur de vérité. Il ne manque au philosophe pour avoir raison que de vivre toujours.
(G. Clemenceau, L’Aurore)
Patin (jouer du)
France, 1907 : Se dépêcher. Quand un ancien crie à un fistot : « Patin ! » cela veut dire : dépêche-toi. Argot du Borda.
Patinage
Fustier, 1889 : Attouchement indécent. (V. Delvau : Patiner.)
Patiner
d’Hautel, 1808 : Au propre ; glisser sur la glace avec des patins.
Patiner. Tâter, farfouiller indiscrètement, porter une main luxurieuse sur les appas d’une femme.
Delvau, 1864 : Badiner — d’une façon indécente.
S’approchant des comédiennes, il leur prit les mains sans leur consentement et voulant un peu patiner.
Car les provinciaux se dêmènent fort et sont grands patineurs.
(Scarron)
Ah ! doucement, je n’aime point les patineurs.
(Molière)
Mais Quand Bacchus vient s’attabler
Près de fille au gentil corsage,
Je me plais à gesticuler ;
J’aime beaucoup le patinage.
(L. Festeau)
Parfois il lui suffit de voir, de patiner.
De poser sur la motte une brûlante lèvre :
Il satisfait ainsi son amoureuse fièvre.
(L. Protat)
Les petites paysannes
Qu’on patiné au coin d’un mur.
Ont, plus que les courtisanes.
Fesse ferme et téton dur.
(De la Fizelière)
Tandis qu’elle lui fait cela, elle le baisa, coulant sa main sur son engin, qu’elle prend dans la braguette, et, quand elle l’a patiné quelque temps, elle le fait devenir dur comme un bâton.
(Mililot)
Quand ils ont tout mis dans la notre, ils se délectent encore, en faisant, à nous sentir la main qui leur patine par derrière les ballottes.
(Mililot)
Parmi les catins du bon ton,
Plus d’une, de haute lignée,
À force d’être patinée
Est flasque comme du coton.
(É. Debraux)
Delvau, 1866 : v. a. et v. n. Promener indiscrètement les mains sur la robe d’une femme pour s’assurer que l’étoffe de dessous en est aussi moelleuse que celle du dessus. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Se livrer à des attouchements trop libres sur la personne d’une femme.
Il a voulu patiner. Galanterie provinciale qui tient plus du satyre que de l’honnête homme.
(Scarron, Roman comique, Ire partie, ch. X)
Patiner la dame de pique, patiner le carton, jouer aux cartes. — Patiner le trimard, faire le trottoir.
La Rue, 1894 : Se presser. Galoper. Manier.
France, 1907 : Caresser les formes d’une femme ; même sens que peloter.
Des femmes, parfois, telles qu’une plaine,
Montrent leur poitrine où de froids boutons
Poussent désolés : j’avais la main pleine
Quand je patinais ses fermes tétons.
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Patiner (se)
Delvau, 1866 : Se sauver, Jouer des pattes, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Déguerpir, — dans le jargon du peuple.
Virmaître, 1894 : Se sauver.
— Je me patine parce que je suis en retard.
Allusion aux patineurs qui avancent rapidement.
Patiner veut aussi dire se dépêcher de terminer une besogne.
— Je me patine de finir ma pièce, autrement samedi pas de galette.
Patiner du chiffon rouge, se patiner de la langue : parler vite (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Se dépêcher.
France, 1907 : Se presser, courir.
— Donnez-moi votre bagage tout en bloc, que j’arrange tout ça en deux temps et cinq mouvements ; il s’agit de se patiner en double.
(Ch. Dubois de Gennes)
Patiner la dame de pique
France, 1907 : Jouer aux cartes.
Patiner les trois brêmes
France, 1907 : Tenir au jeu de bonneteau. On sait que ce jeu de filou est composé de trois cartes.
Au lieu de filer des luctrêmes,
Patine plutôt des trois brêmes.
(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)
Patineur
d’Hautel, 1808 : Celui qui se plait à patiner, qui glisse avec des patins.
Delvau, 1866 : adj. et s. Homme qui aime à patiner les femmes.
Rigaud, 1881 : Cultivateur en attouchements lascifs.
Ah ! doucement ! je n’aime point les patineurs.
(Molière, George Dandin)
Fustier, 1889 : Argot des voleurs et notamment des joueurs de bonneteau. Le patineur, c’est le banquier, celui qui tient les cartes, les patine et peut ainsi se livrer à toutes les tricheries. (V. Chocolat.)
La Rue, 1894 : Bonneteur (celui qui tient les cartes).
Patiras
Delvau, 1866 : s. m. Souffre-douleur de l’atelier. Les gens distingués disent Patito, comme à Florence.
Pâtissier
d’Hautel, 1808 : Un pâtissier Jacques. Sobriquet que l’on donne à un mauvais pâtissier, dont la pâtisserie est matte, lourde et indigeste. Voy. Patronet.
Pâtissier (sale)
Larchey, 1865 : Homme malpropre. V. Boulette.
Pâtissier, sale pâtissier
Rigaud, 1881 : Tripoteur d’affaires ; homme sans aucune espèce de délicatesse et sans conscience en affaires.
Patito
France, 1907 : Souffre-douleur ; complaisant supportant tous les caprices de sa femme ou de sa maîtresse. Italianisme.
Voyons, Messieurs, n’avons-nous pas assez de belles causes pour sacrifier notre vie, sans encore aller risquer, avec notre honneur, à ce jeu de l’amour et du hasard qui ne vaut même pas la chandelle… que tiennent les patitos de ces dames ?
(Lutécius)
Patoche
Delvau, 1866 : s. f. Férule, — dans l’argot des enfants, dont les mains en conservent longtemps le souvenir.
France, 1907 : Férule.
France, 1907 : Main. Déformation de patte.
Y faut que larg’ soit ta patoche,
Qu’ton palpitant n’soit pas de roche ;
Et donner au pont’ du nanan
En taillant une banque au flan !
(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)
Patoches
Delvau, 1866 : s. f. pl. Mains.
Patoire
France, 1907 : Personne endurante, qui supporte tout, qui pâtit.
Patoiser
France, 1907 : Parler patois.
On s’ennuie tant qu’il faut bien chercher à se distraire et, distraction pour distraction, c’en est une d’aller écouter patoiser, dans la rauque et rude langue du pays, tous ces longs gars à type chevalin, aux yeux naïfs.
(Jean Lorrain)
Patouillard
France, 1907 : Terme de mépris donné par les élèves du Borda aux navires de commerce.
Patouille
France, 1907 : Aviron à l’avant et à l’arrière des bateaux et, par extension, ceux qui les manient. La patouille est le corps des bateliers. Terme des bateliers de la Loire.
Dans la cour où, pour la circonstance, on avait réuni par tas la patouille, les musiciens, le pantalon retroussé, attendaient l’ordre du départ, en lançant quelques notes en sourdine.
(Harry-Alis, Petite Ville)
Patouiller
Delvau, 1866 : v. a. Manier, peloter. Argot du peuple.
Delvau, 1866 : v. n. Barboter, patauger. On dit aussi Patrouiller. Ce verbe est dans Rabelais.
Rigaud, 1881 : Tourner et retourner une marchandise comestible, la manier grossièrement, de manière à la défraîchir.
Virmaître, 1894 : Manier.
— Vous n’avez pas bientôt fini de me patouiller avec vos sales pattes ?
On patouille dans un coffre-fort.
On dit également patrifouiller.
— Ce cochon de quart d’œil a passé deux heures à patrifouiller dans mes frusques pour trouver de quoi me faire sapé, mais il est grinchi. C’était au moulin.
Patrifouiller est le superlatif de fouiller (Argot des voleurs). N.
Rossignol, 1901 : Palper, toucher, manier. Faire des attouchements à une personne est la patouiller.
France, 1907 : Manier, tourner et retourner un objet, tripoter.
Patouiller, tripatouiller
La Rue, 1894 : Tourner et retourner. Manier. Peloter.
Patouilleur
Delvau, 1866 : s. m. Peloteur.
Patouilleuse (mer)
France, 1907 : Mer grosse relativement aux petites embarcations. Une lame patouilleuse est une lame courte, agitée dans tons les sens. Terme de marine.
Patraque
d’Hautel, 1808 : Une patraque. Pour dire une mauvaise montre ; se dit généralement de toute chose mécanique dont les ressorts sont usés.
Une vieille patraque. Terme injurieux et de mépris, qui se dit d’une personne âgée, foible et débile, qui est hors d’état de supporter le travail et la fatigue.
Vidocq, 1837 : s. f. — Patrouille.
Larchey, 1865 : Montre bonne ou mauvaise. — Patraque : En mauvais état de santé.
Larchey, 1865 : Patrouille (Vidocq). — Jeu de mots ironique. — On sait que les anciennes patrouilles étaient peu redoutables ; elles marchaient aussi mal qu’une patraque. V. Moucharde.
Delvau, 1866 : adj. Malade ou d’une santé faible, dans l’argot des bourgeois.
Delvau, 1866 : s. f. Vieille montre qui marche mal ; machine usée, sans valeur.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Patrouille.
France, 1907 : Patrouille ; vieil argot.
France, 1907 : Personne maladive, indolente, qui semble avoir toujours quelque chose de détraqué, et, par extension, vieilleries.
Antiques mœurs et lois patraques,
Trône, églises, tsars, dieux (ces craques),
Vieille Societé, tu craques !
Hymne auguste qui s’était tu
Et renait chanson, la Vertu
A pour refrain : Turlututu !
(Catulle Mendès)
Patres
d’Hautel, 1808 : Envoyer quelqu’un ad patres. Pour l’envoyer promener lorsqu’il vous importune.
Il est allé ad patres. Pour, il est mort.
Patres (ad)
Delvau, 1866 : adv. Au diable, — dans l’argot du peuple, qui se soucie peu de ses « pères ». Envoyer ad patres. Tuer. Aller ad patres. Mourir.
France, 1907 : Mourir ; aller rejoindre ses pères. Envoyer quelqu’un ad patres, c’est l’envoyer au diable, ce qui est peu flatteur pour les ancêtres.
Patricole
France, 1907 : Bavard, individu qui parle à tort et à travers. Au pluriel, propos incohérents, commérages.
Patricotage
Virmaître, 1894 : Les danseurs patricotent des jambes. On dit aussi :
— Il a patricoté dans la caisse.
Patricoter est ici pour tricoter (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Remuement de jambes.
Patrie
Delvau, 1866 : s. f. Commode, — dans l’argot des bohèmes, qui serrent leurs hardes dans les grands journaux comme la Patrie, le siècle, etc., leurs seuls meubles souvent.
Patrifouiller
France, 1907 : Fouiller en tous sens ; argot des voleurs.
Patriotique
d’Hautel, 1808 : La scie patriotique. On appeloit ainsi ironiquement et d’une manière triviale, les corvées que les citoyens, dans les troubles de la révolution, étoient obligés de faire, et qui consistoient à monter la garde aux prisons, à servir d’escorte dans les fêtes populaires, etc., etc., etc.
Patron
Rigaud, 1881 : Marchand de vin quand il fait crédit. Lorsqu’il réclame son argent, c’est un empoisonneur, un pétroleur, — dans le vocabulaire des ivrognes.
Fustier, 1889 : Colonel. Argot militaire.
Patron (manger le)
France, 1907 : Quand la fête d’une localité arrive le dimanche, on dit que l’on mange le patron ou le saint patron.
Patron-jaquet (dès le)
France, 1907 : De très grand matin. On disait autrefois potron, ainsi qu’il appert dans Cartouche ou le Vice puni de Nicolas de Grandval :
Durant tout le chemin il n’eut point d’avanture
Digne d’être transmise à la race future ;
Il avançoit pays monté sur son criquet,
Se levoit tous les jours dés le potron-jaquet.
D’après quelques étymologistes, potron signifiait petit et jaquet ou jacquet, écureuil, nom que cet animal porte encore en Normandie ; dès le potron-jaquet signifierait donc dès le petit écureuil, sous-entendu : levé. Mais l’on dit encore actuellement en Normandie : « dès le paître jacquet », dès le moment où l’écureuil va paître ; potron serait donc une singulière corruption de paître. Il en serait de même de cette autre expression : dès le patron-minet. Voir ce mot.
Patron-minet
France, 1907 : De très grand matin. Même sens que patron-jaquet ; ce serait une corruption de dès le paître minet, c’est-à-dire aussitôt que le chat se lève pour chercher sa pâture. D’autres expliquent ainsi cette expression en disant que le patron et le chat étant d’ordinaire les deux premiers levés de la maison, le patron-minet est devenu de la sorte le prototype de la diligence matinale. À cette explication un peu fantaisiste je préfère celle qu’offre naturellement le parler normand : dès le paître minet.
Dès le patron-minet, installé derrière le rideau de sa fenêtre, il guettait avec une patience de vieux matou le lever de sa voisine. Quand il apercevait un bout de chair blanche, ne fût-ce que l’espace d’une demi-seconde et la largeur de deux centimètres, il écarquillait les yeux comme s’il voulait les faire jaillir de l’orbite.
(Les Propos du Commandeur)
On dit aussi patron-minette.
Patron-minette
Delvau, 1866 : s. f. Association de malfaiteurs, célèbre il y a une trentaine d’années, à Paris comme la Camorra, à Naples.
Rigaud, 1881 : Association de malfaiteurs, sous le règne de Louis-Philippe.
Quand le président des Assises visita Lacenaire dans sa prison, il le questionna sur un méfait que Lacenaire niait. — Qui a fait cela ? demanda le président. Lacenaire fit une réponse énigmatique pour le magistrat, mais claire pour la police. — C’est peut-être Patron-Minette.
(V. Hugo)
La Rue, 1894 : L’aube.
France, 1907 : Association de malfaiteurs qui, vers 1840, exploitait la banlieue de Paris, appelée ainsi parce qu’ils opéraient à l’aube.
Patron-Minette (dès)
Delvau, 1866 : adv. Dès l’aube, — dans l’argot du peuple.
Patron, -ne
Vidocq, 1837 : s. — Père, mère.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Patrone
France, 1907 : Ancien nom de la giberne et que les Allemands ont conservé pour la cartouche.
Patronet
d’Hautel, 1808 : Sobriquet railleur et méprisant que l’on donne à un mauvais pâtissier ; à un Jacques, à un gargotier.
France, 1907 : Apprenti pâtissier, appelé aussi gâte-sauce.
Patrougner
France, 1907 : Souiller en le maniant, tripoter quelque chose que l’on destine à la cuisson. « Cette vieille patrougne tout ce qu’elle donne à manger, sans compter les roupies dont elle assaisonne ses plats. »
Patrouillage
d’Hautel, 1808 : Saleté, malpropreté qu’on fait en barbottant, en patrouillant.
Patrouillard
France, 1907 : Patriote.
Ces bougres d’arbis aiment leur indépendance et veulent rester maîtres chez eux.
Les bons patrouillards français qui ont toujours la larme à l’œil, à propos de l’Alsace et de la Lorraine, ne comprennent rien à cela.
(Le Père Peinard)
Patrouille (en)
Larchey, 1865 : « Quatre jours en patrouille, pour dire en folies bachiques. »
(Cabarets de Paris, 1821)
Patrouille (être en)
Delvau, 1866 : Courir les cabarets, ne pas rentrer coucher chez soi. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Être en tournée nocturne pour cause de débauche.
France, 1907 : Aller de cabaret en cabaret, comme la patrouille va de poste en poste. On dit aussi faire le chemin de la croix, allusion aux dévots qui s’arrêtent et bredouillent leurs patenôtres devant les douze tableaux représentant la passion, accrochés aux murs ou aux piliers des églises.
Patrouiller
d’Hautel, 1808 : Au propre l’action de faire patrouille ; au figuré, remuer de l’eau croupie, sale et bourbeuse ; manier malproprement les choses auxquelles on touche ; les gâter, les mettre en désordre ; virer, tourner de côté et d’autre.
Larchey, 1865 : Faire patrouille.
En ma qualité de caporal postiche de voltigeurs, j’ai passé la nuit à patrouiller.
(Festeau)
Larchey, 1865 : Manier, patiner. — Mot à mot : rouler dans ses pattes.
Mais c’est vrai, tiens ! ça vous patrouille c’te marchandise, et puis ça part.
(Vadé, 1788)
Delvau, 1866 : v. a. et n. Peloter.
Delvau, 1866 : v. n. Faire patrouille, — dans l’argot des bourgeois, soldats-citoyens.
France, 1907 : Tripoter avec les doigts, retourner en tous sens un objet. Voir Patouiller et Patrougner.
… Ça vous patrouille
C’te marchandise, et puis ça part. Adieu !…
(Vadé)
Patrouillis
d’Hautel, 1808 : Barbotage, bourbier, fange, vilenies.
Patte
Larchey, 1865 : Habileté de main.
Mal dessiné, mais beaucoup de chic. — Oui, il a de la patte.
(L. de Neuville)
Larchey, 1865 : Main.
Et toujours de ma patte Frisé comme un bichon.
(Vadé, 1788)
Larchey, 1865 : Pied. — Le testament de Villon parle déjà de « Soy soutenir sur les pattes. »
On en voit qui se faufilent dans des omnibus. Le reste s’en retourne à pattes, honteusement.
(Alb. Second)
Delvau, 1866 : s. f. Grande habileté de main, — dans l’argot des artistes. Avoir de la patte. Faire des tours de force de dessin et de couleur.
Delvau, 1866 : s. f. Main, — dans l’argot des faubouriens. Le coup de patte, au figuré, est plutôt un coup de langue.
Rigaud, 1881 : Pied, main, jambe. À patte, à pied.
France, 1907 : Lime.
France, 1907 : Pied, main. Aller à pattes, marcher.
Patte (coup de)
France, 1907 : Propos méchant, insinuation malveillante. « Avez-vous fini de me donner des coups de patte ? »
Patte cassée (avoir la)
La Rue, 1894 : Être découvert. Se casser la patte, se faire prendre.
France, 1907 : Être pris, découvert. Avec une patte cassée, il est difficile de courir, par conséquent de s’échapper.
Patte d’araignée (faire la)
Delvau, 1864 : Passer doucement et habilement les quatre doigts et le pouce sur le membre d’un homme, et ses tenants et aboutissants, afin de provoquer une érection qui ne viendrait pas sans cette précaution.
J’avais beau patiner sa couille renfrognée,
Lui faire avec cinq doigts la patte d’araignée,
Sa pine, peu sensible à mes soins superflue.
Demeurait flasque et molle et ne rebandait plus.
(Louis Protat)
Patte d’éléphant
France, 1907 : Pantalon évasé par le bas, comme le portent les marins.
Patte d’oie
Larchey, 1865 : Triple ride qui imprime au coin de chaque œil, trois sillons d’apparence palmipède.
Aux tempes la patte d’oie caractéristique et au front les marches du palais montraient des rides élégantes, bien prisées à la cour de Cythère.
(Balzac)
La Rue, 1894 : Carrefour. Rides près de l’œil.
France, 1907 : Carrefour.
France, 1907 : Rides qui partent du coin des paupières et s’étendent triangulairement sur les tempes.
Puis, quand les années arrivèrent, quand le corsage devint plus riche et moins ferme, quand la patte d’oie brida les yeux, quand les lèvres, plus molles, eurent perdu leur fraîcheur, elle se vit subitement délaissée pour d’autres aussi folles qu’elle, qui arrivaient, radieuses, avec le sourire de leurs vingt ans.
(Edmond Deschaumes)
Patte de chat (la)
Delvau, 1864 : Bordel fameux, situé sur le boulevard Courcelles, où presque toute la présente génération aura passé.
Ils entretienn’nt des gonzesses
Qui log’t à la Patt’ de chat.
(Guichardet)
Patte de crapaud
France, 1907 : Épaulette de gendarme.
Patte de velours (faire)
Virmaître, 1894 : Avoir envie de dire des injures à quelqu’un et au contraire lui faire risette. Avoir envie d’égratigner et au contraire caresser. Allusion au chat qui rentre ses griffes quand il est content :
— Il fait patte de velours (Argot du peuple). N.
Patte mouillée
France, 1907 : Chiffon mouillé dont se servent les tailleurs pour enlever à l’aide d’un fer chaud les marques du lustre sur le drap.
Patte-d’oie
Delvau, 1866 : s. f. Carrefour, — dans l’argot du peuple et des paysans des environs de Paris.
Delvau, 1866 : s. f. Les trois rides du coin de l’œil, qui trahissent ou l’âge ou une fatigue précoce. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Carrefour.
Patte-mouillée
Delvau, 1866 : s. f. Vieux chiffon imprégné d’eau, qui, à l’aide d’un carreau chaud, sert a enlever les marques du lustre sur le drap. Expression de l’argot des tailleurs.
Pattes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes, — dans l’argot des faubouriens. Fournir des pattes. S’en aller, s’enfuir. On dit aussi Se payer une paire de pattes, et Se tirer les pattes.
Delvau, 1866 : s. f. pl. Pieds, — dans l’argot des bourgeois.
Pattes (à)
Delvau, 1866 : adv. Pédestrement.
Pattes (être sur ses)
Rigaud, 1881 : Être debout, être levé. Mot à mot : être sur ses jambes. — Être sur ses pattes dès patron-minette.
Pattes (se tirer les)
Rigaud, 1881 : S’en aller. La variante est : Se tirer les paturons.
Pattes de crapaud
Merlin, 1888 : Épaulettes.
Pattes de lapin
France, 1907 : Petits favoris ne dépassant pas l’oreille.
Ce compagnon semblait avoir dépassé la soixantaine. De petits favoris coupés en patte de lapin hérissaient ses jouets creuses ; au-dessus d’une bouche en coup de sabre, édentée, saillait un grand nez anglais, chevalin et droit.
(Hugues Le Roux)
Pattes de mouche
Larchey, 1865 : Caractères très fins.
Et l’écriture, il était avec des petites pattes de mouche bien agréables.
(Festeau)
Delvau, 1866 : s. f. pl. Lettre de femme ou grimoire d’avocat. Argot du peuple.
France, 1907 : Écriture très fine.
Pattu
Delvau, 1866 : adj. Épais, lourd, — dans l’argot du peuple.
Patu (la)
Ansiaume, 1821 : Galette.
Nous allons morfiler la patu en pictant l’eau d’aff.
Pâture
d’Hautel, 1808 : C’est une bonne pâture. Pour une nourriture saine et bienfaisante.
Pâturer
Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Prendre sa pâture.
Paturon
Vidocq, 1837 : s. m. — Pied.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Pied.
Larchey, 1865 : Pied, pas. — Terme hippique. — V. Flacul, Rebâtir.
Paturon de cornaut
Halbert, 1849 : Pied de bœuf.
Paturon de morne
Halbert, 1849 : Pied de mouton.
Paturons
Ansiaume, 1821 : Les pieds.
En lui rifaudant les paturons, il indiquera son carle.
anon., 1827 : Les pieds.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pieds.
Bras-de-Fer, 1829 : Les pieds.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les pieds, — dans l’argot des Faubouriens, qui disent cela au moins depuis Vadé :
À cet ensemble on peut connoître
L’élégant et le petit-maître
Du Pont-aux-Choux, des Porcherons,
Où l’on roule ses paturons.
Jouer des paturons. Se sauver.
France, 1907 : Pieds. « Jouer des paturons », se sauver ; « rouler ses paturons », se promener.
Du Pont aux choux des Porcherons,
Où l’on roule ses paturons.
(Vadé)
Paturons de cornant
anon., 1827 : Pieds de bœuf.
Paturons de morne
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pieds de mouton.
Paturot
Delvau, 1866 : s. m. Bonnetier, homme crédule, — dans l’argot des cens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du roman de Louis Reybaud.
Paufer
France, 1907 : Levier en fer dont se servent les carriers.
Paul Niquet
France, 1907 : « Eau-de-vie, du nom d’un débit de liqueurs voisin des Halles qui restait ouvert tout la nuit et servait de souricière. »
(Lorédan Larchey)
Pauline
France, 1907 : Ancienne diligence.
Mais la grande source de l’ivresse, du vertige qui triomphait des joueurs hésitants, c’était, avec des piaffements de sabots, des cabrements de bêtes, des cris de conducteurs, les départs des grandes « Paulines » à cinq chevaux, menées à fond de train, dans un tourbillon de grelots et de coups de fouet.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Paume
Delvau, 1866 : s. f. Perte, échec quelconque, — dans l’argot des faubouriens. Faire une paume. Faire un pas de clerc.
Rigaud, 1881 : Perte, insuccès. Faire une paume, ne pas réussir. — Paumer, perdre.
La Rue, 1894 : Perte. Insuccès.
France, 1907 : Balle élastique ; vieux mot.
Paumé
Clémens, 1840 : Arrêté, pris.
Virmaître, 1894 : Être pris, empoigné. Les agents arrêtent un voleur en lui mettant généralement la paume de la main sur l’épaule. L’allusion est claire. Être empaumé : être fourré en prison (Argot des voleurs).
Paumé (être)
Hayard, 1907 : Être pris, empoigné.
Paumé marron
Virmaître, 1894 : Paumé, pris, marron, l’être. Je suis marron signifie être refait. Un gogo est marron dans une affaire qui rate.
— On m’a pris ma place, je suis marron.
Synonyme de rester en panne (Argot des voleurs). N.
Paumelle
France, 1907 : Morceau de cuir dont les cordiers se garnissent la main pour filer le chanvre ; outil de bois dont le corroyeur s’enveloppe la paume de la main.
Paumer
Vidocq, 1837 : v. a. — Perdre.
un détenu, 1846 : Prendre, saisir, empoigner.
Larchey, 1865 : Empoigner. V. Du Cange. — Du vieux mot paumoier. — V. Cigogne.
Rends-moi la bourse, ou sinon je te paume.
(le Rapatriage, parade, dix-huitième siècle)
Larchey, 1865 : Perdre.
Je ne roupille que poitou ; je paumerai la sorbonne si ton palpitant ne fade pas les sentiments du mien.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : v. a. Empoigner, prendre — avec la paume de la main. S’emploie au propre et au figuré. Être paumé. Être arrêté. Être paumé marron. Être pris en flagrant délit de tricherie, de vol ou de meurtre.
Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs. Paumer la sorbonne. Devenir fou, perdre la tête.
Rigaud, 1881 : Arrêter, appréhender au corps. Se faire paumer ; mot à mot : se faire mettre la paume de la main au collet.
Rigaud, 1881 : Dépenser, — dans le jargon des ouvriers. Paumer son fade, dépenser l’argent de sa paye.
Rigaud, 1881 : Perdre, — dans le jargon des voleurs. — Paumer l’atout, perdre courage.
La Rue, 1894 : Perdre. Dépenser. Empoigner. Arrêter. Se paumer, s’égarer.
Virmaître, 1894 : Perdre.
— Tu fais une drôle de gueule.
— J’avais deux sigues d’affure et j’en paume quatre, y a de quoi.
— Fallait pas jouer (Argot des voleurs). N.
Rossignol, 1901 : Perdu. — « J’ai paumé ma bourse. » — « J’ai paumé au jeu. » — Celui qui a de la perte a de la paume.
Rossignol, 1901 : Prendre, surprendre, arrêter. — « J’ai été paumé par ma mère au moment où je fouillais dans sa bourse. » — « Le môme Bidoche a été paumé en volant à l’étalage. »
Hayard, 1907 : Perdre.
France, 1907 : Dérober, détourner adroitement quelque chose, mettre la paume de la main sur un objet.
France, 1907 : Donner, lancer. « Paumer la gueule à un roussin », donner un coup de poing sur la figure d’un agent. Argot des voyous.
France, 1907 : Manger avec avidité.
France, 1907 : Prendre, arrêter, saisir ; littéralement, tenir dans la paume de la main, Argot populaire.
Il y a trois ans, les enjuponnés cherchaient les assassins d’un paysan et de sa femme ; ils en avaient déjà deux dans les griffes, il leur manquait un troisième.
Au hasard, ils paumèrent un pauvre bougre qui n’était pour rien dans l’affaire.
(Le Père Peinard)
Paumer sur le tas, arrêter en flagrant délit. Paumé dans le dos, flambé, perdu.
— Faut gicler, les gonzesses, on va vous paumer su’l’tas.
(A. Bruant, Les Bas-fonds de Paris)
Paumer l’atout
Vidocq, 1837 : v. — Perdre courage.
Paumer ses plumes
La Rue, 1894 : S’ennuyer.
France, 1907 : Perdre ses cheveux, se faire vieux, s’ennuyer.
Paupière (se battre la)
Larchey, 1865 : Voir œil.
Pauses (compter des)
Rigaud, 1881 : Dormir à côté de son pupitre, — dans le jargon des musiciens de théâtre.
France, 1907 : Respirer bruyamment en dormant.
Pauteau
Rossignol, 1901 : Associé, complice. On dit aussi mon social ou sociable.
Pautre
Ansiaume, 1821 : Paysan.
C’est un pautre, mais je sais qu’il a du carle.
Bras-de-Fer, 1829 : Bourgeois.
Pauvrard
France, 1907 : Pauvre, miséreux.
Pauvrard, e
Delvau, 1866 : adj. et s. Excessivement pauvre.
Pauvre
d’Hautel, 1808 : Pauvre comme Job. Se dit d’une personne extrêmement indigente, mais qui cependant à l’exemple de ce patriarche, reste constamment fidèle aux lois de la probité.
C’est un pauvre homme. Se dit par mépris d’un homme, sans talent, sans capacité.-
Pauvre comme Job
France, 1907 : Le saint homme Job, qui est devenu si fameux par son humble patience, avait, durant toute sa vie, allié deux choses bien difficiles, une grande vertu avec de grandes richesses… Le démon ne put souffrir une si haute vertu sans lui donner quelque atteinte. Il osa porter ses calomnies jusqu’à Dieu même, et, ne trouvant rien dans la vie de Job qu’il pût blâmer, il accusa ses intentions cachées, soutenant devant Dieu qu’il ne le servait qu’à cause des avantages qu’il en recevait. Dieu, pour confondre ce méchant calomniateur, lui donna la puissance de lui ravir tout son bien. Le démon usa de ce pouvoir avec toute sa malignité ; et pour mieux accabler ce saint homme, il fit en même temps piller ses troupeaux par des voleurs, périr ses brebis par le feu du ciel, emmener ses chameaux par les ennemis, et mourir tous ses enfants sous les ruines d’une maison qu’il fit tomber pendant qu’ils étaient à table. Job reçut ces tristes nouvelles sans que sa vertu en fût ébranlée. Il se prosterna, bénit Dieu et dit ces paroles : « Dieu me l’a donné, Dieu me l’a ôté ; que son saint nom soit béni !… » Le démon alors frappa Job d’un ulcère épouvantable qui lui couvrait tout le corps. Il fut réduit à s’asseoir sur un fumier, et à racler avec le têt d’un pot la pourriture qui sortait de ses plaies et les vers qui s’y formaient. Il ne lui restait alors de tout ce qu’il possédait autrefois dans le monde que sa femme seulement, que le démon lui avait laissée pour être, non la consolatrice, mais la tentatrice de son mari, et pour le porter à l’impatience. Car cette femme, jugeant que la piété de ce saint homme était vaine, tâcha de le jeter dans des paroles de blasphème et de désespoir … Et saint Augustin, admirant sa fermeté en cette rencontre, dit que Job, n’ayant point succombé à cette Eve, est devenu incomparablement plus glorieux sur son fumier qu’Adam ne le fut autrefois dans toutes les délices du Paradis (Histoire de l’Ancien et du Nouvenu Testament).
C’est M. Lemaistre de Sacy qui analyse ainsi l’Ancien Testament sans rire, et il a la bonté de mettre en note qu’il ne sait pas au juste en quel temps s’est passée cette histoire, mais qu’il y a apparence que ce fut durant que les Israélites étaient dans le désert !
Pauvres clercs
France, 1907 : Le nom de clerc s’appliquait pendant le moyen âge, non seulement à tout individu qui étudiait ou avait étudié, mais à tous ceux qui fréquentaient les universités, ce qu’aujourd’hui l’on nomme les étudiants. Actuellement, cette sorte de privilège de suivre les cours aux universités est réservée à la bourgeoisie, ou tout au moins aux familles qui peuvent subvenir aux frais de l’éducation et de l’entretien de leur fils. Il n’en était pas ainsi autrefois et les pauvres clercs, les étudiants sans sou ni maille, abondaient à Paris. Comment vivaient-ils ? D’aumônes la plupart, et d’autres de moyens illicites et que punissait la corde. À l’instar de François Villon, dont le nom signifie voleur, plusieurs se faisaient escrocs et coupeurs de bourses. C’est pour subvenir aux besoins des plus méritants et des plus pauvres que nombre de bourses furent créées dans différents collèges. En tout cas, leur indigence était devenue proverbiale et l’on disait pour exprimer grande misère : Famine de povres clercs.
Pauvreté
d’Hautel, 1808 : Il se jette dessus vous comme la pauvreté sur le monde. Se dit d’un homme importun, qui ne cesse de tourmenter, qui obsède par ses demandes indiscrètes.
Pauvreté n’est pas vice ; non, mais c’est bien pis, répondoit l’ingénieux Dufresny, à qui l’on faisoit fréquemment l’application de ce proverbe.
Pauvreté. Pour sottises, paroles dénuées de sens ; discours insensés.
Pauvreté d’un homme (la)
Delvau, 1864 : Son membre, qui est une richesse pour lui — quand il est maquereau.
Il montra toute sa pauvreté.
(Moyen de parvenir)
N’avez-vous pas honte de montrer ainsi votre pauvreté !
(Cervantes)
Pauvreté n’est pas vice
France, 1907 : Ce vieux et honnête proverbe de la sagesse des nations est un des rares qui ne souffrent pas de contradictions. Mais, en pratique, c’est celui que l’on observe le moins, car le premier sentiment à l’égard du pauvre est la méfiance, le même qu’à l’égard du vice. Nos pères disaient : « Pauvreté n’est pas vice, mais c’est une espèce de ladrerie (lèpre), chacun la fuit. » Les choses n’ont guère changé depuis. En tout cas, si pauvreté n’est pas vice, elle y pousse fortement.
Pavé
d’Hautel, 1808 : Il a la tête dure comme un pavé. Se dit d’une personne sans intelligence et sans pénétration.
Être sur le pavé. Pour être hors de maison, n’avoir pas d’ouvrage.
C’est tout pavé d’ici là. Manière goguenarde de dire qu’une course est très-longue, qu’un lieu est très-éloigné d’un autre.
Tâter le pavé. Agir avec prudence et circonspection.
Être sur le pavé du roi. Être dans un lieu public, d’ou personne n’a le droit de vous renvoyer.
Il est tombé sur le pavé. Pour dire sa fortune est bouleversée, il est ruiné.
Il a le gosier pavé. Se dit d’un goulu qui mange des alimens bouillans.
De pavé sec et bois mouillé, libera nos domine. Dicton populaire qui signifie que l’un et l’autre de ces inconvéniens sont dangereux.
Larchey, 1865 : Éloge maladroit. — Allusion au pavé de la Fontaine.
C’était un journal pavé de bonnes intentions ; mais on y rencontrait plus de pavés encore que de bonnes intentions.
(Alb. Second)
Delvau, 1866 : adj. Insensible, — dans l’argot du peuple. Avoir le gosier pavé. Manger très chaud ou boire les liqueurs les plus fortes sans sourciller.
Delvau, 1866 : s. m. Bonne intention malheureuse, comme celle de l’ours de la Fontaine. Réclame-pavé. Éloge ridicule à force d’hyperboles, qu’un ami, — ou un ennemi, — fait insérer à votre adresse dans un journal.
Rigaud, 1881 : Éloge exagéré et si maladroitement lancé qu’il assomme celui qui en est l’objet.
Pavé (battre le)
France, 1907 : Marcher dans les rues longtemps et vainement ; faire des courses inutiles ; courir à la recherche d’un emploi. « Combien de misérables battent le pavé ! »
Pavé (c’est tout)
France, 1907 : Expression populaire ironique signifiant : « C’est loin, mais la route est bonne. »
Pave (on)
Rigaud, 1881 : Lorsqu’un débiteur prudent ne veut pas passer dans une rue où il compte un créancier il dit qu’on pave. Quand on possède plusieurs créanciers dans la même rue : « Il y a des barricades ». On dit encore : la rue est barrée, c’est-à-dire barrée par les créanciers.
Virmaître, 1894 : Rue dans laquelle on ne peut passer à cause d’un créancier (Argot du peuple).
Pavé de l’ours
France, 1907 : Témoignage maladroit d’amitié. Allusion à l’ours de la fable qui, pour écraser une mouche qui chatouille le front de son ami endormi, lui lance un pavé. Rien de plus terrible que les amis obtus, ce qui donne lieu au proverbe : « Mieux vaut un sage ennemi qu’un sot ami. » On appelle réclame-pavé un éloge ridicule inséré dans un journal par un ami maladroit ou un habile ennemi, qui attire l’attention sur vous en vous assommant.
Pavé mosaïque
Delvau, 1866 : s. m. Le sol de la salle des réunions, — dans l’argot des francs-maçons.
Pavée (rue)
France, 1907 : Rue où l’on ne passe pas, à cause du créancier qui l’habite : on fait un détour comme pour les rues que l’on pave.
Pavillon
Ansiaume, 1821 : Fou.
Il est pavillon ou je ne m’y connois pas.
un détenu, 1846 : Fou.
Larchey, 1865 : Fou, homme dont les idées flottent tous les vents comme un pavillon. — Pavillonner : Deviser joyeusement, plaisanter, déraisonner.
On renquillera dans la taule a mesigue pour refaiter gourdement, et chenument pavillonner, et picter du pivois sans lance.
(Vidocq)
Delvau, 1866 : s. et adj. Fou, — dans l’argot des faubouriens.
La Rue, 1894 : Fou. Mensonge fait sans nécessité.
France, 1907 : Évaporé, tête folle, cerveau versatile qui n’a pas d’idée fixe, qui tourne à tous les vents comme un pavillon.
Pavillon (baisser)
France, 1907 : Rabattre des prétentions que l’on avait émises, s’incliner devant une volonté plus forte.
Pavillon, -ne
Vidocq, 1837 : s. — Celui ou celle qui déraisonne, fou.
Pavillon, pavillonne
Rigaud, 1881 : Fou, folle. — Pavillonnage, folie. Pavillonner, déraisonner.
Pavillonnage
Vidocq, 1837 : s. — Délire, folie.
Pavillonner
Ansiaume, 1821 : Dire des bêtises.
Il pavillonne, il ne faut pas s’arrêter à ses raisonnemens.
Vidocq, 1837 : v. a. — Déraisonner, délire.
Delvau, 1866 : v. n. Avoir des idées flottantes ; déraisonner. On dit aussi Être pavillon.
France, 1907 : Faire ou dire des folies ; mentir ; répondre évasivement à une question.
Pavois
Larchey, 1865 : « Être pavois, c’est être dans la vigne du Seigneur, dans toute la joie de Bacchus, atteindre le parfait bonheur, c’est enfin être au pavois. » — Ch. Coligny.
Delvau, 1866 : adj. et s. En état d’ivresse. Être pavois. Être gris, déraisonner à faire croire que l’on est gris.
France, 1907 : Timbré ou ivre ; agité de mille pensées confuses et diverses comme les pavillons multiples et multicolores dont se pavoise un navire à certaines fêtes. Ces jours-là, il y a généralement ripaille à bord et les matelots sont pavoisés comme leur vaisseau.
Ne flanche pas si t’es pavois,
Tu n’affurerais que la poix.
(Hogier-Grison)
Pavoisé
Rigaud, 1881 : Mis en gaieté par le vin, — dans le jargon des ouvriers. — Se pavoiser, se mettre en ribotte. On disait autrefois ; pavois, être pavois, par altération, sans doute, de pivois.
Pavoiser (se)
Larchey, 1865 : Faire toilette. V. Astiquer.
Delvau, 1866 : S’endimancher. Argot des marins. S’endimancher, pour les faubouriens, a un double sens : il signifie d’abord mettre ses habits les plus propres ; ensuite s’amuser, c’est-à-dire boire, comme ils en ont l’habitude à la fin de chaque semaine.
France, 1907 : Faire toilette, se mettre en grande tenue ; terme de marine, allusion au navire qu’on pavoise.
Paxon
Rossignol, 1901 : Paquet.
Payant
Rigaud, 1881 : Et, plus fréquemment, imbécile de payant. Dans le jargon des coulisses tout spectateur naïf et enthousiaste a été baptisé du sobriquet de « payant, imbécile de payant ».
Paye
d’Hautel, 1808 : Il a reçu sa paye, on lui a donné sa paye. Se dit d’un enfant auquel on a infligé quelque correction ; que l’on a maltraité, battu.
Paye (bonne)
Larchey, 1865 : Débiteur solvable.
Une lorette très-mauvaise paye.
(Ed. Lemoine)
Payent l’amende (les battus)
France, 1907 : Cette vielle et amère boutade de la sagesse des nations a malheureusement été vraie à toutes les époques et l’est trop souvent encore aujourd’hui. Le faible, le miséreux, les pauvres gens que l’adversité accable sont punis comme des coupables. On emprisonne parce qu’on n’a pas de gite, parce qu’on est pauvre, parce qu’on a faim, Au moyen âge, cette expression n’avait rien de figuré. C’était la réalité même. On vidait un différend par les armes. Le juge prononçait qu’il échéait gage de bataille, et les deux parties allaient plaider leur cause en champ clos sous les yeux du juge. Les nobles combattaient avec l’épée, les vilains se servaient du bâton. La victoire prouvait le droit ; la raison du plus fort était la meilleure. « Quand, dit Didier Loubens, les contestations reposent sur des matières criminelles, le vaincu, s’il ne succombait pas sous l’arme de son adversaire, était livré au bourreau pour avoir la main coupée… Lorsque, au contraire, elles appartenaient à des matières civiles, le vaincu et les témoins qui avait pris son parti se rachetaient de la peine encourue par la défaite en payant une amende plus ou moins forte comme satisfaction au vainqueur, de là le proverbe : « Les battus payent l’amende. » Bon vieux temps ! Le duel n’est qu’un restant de cet âge de barbarie. »
Payer
d’Hautel, 1808 : Adieu, porte-toi bien ; je payerai le médecin. Plaisanteries, goguettes populaires, usitées en se séparant de gens avec lesquels on est très-familier.
Il veut tout savoir et ne rien payer. Se dit d’un investigateur, d’un curieux fort avare.
Payer ric à ric. Se faire tirer l’oreille pour payer une somme ; la payer par petits à comptes.
Il payera les pots cassés. Signifie qu’on fera retomber sur quelqu’un le dommage survenu dans une affaire.
Tant tenu, tant payé. Pour dire qu’on ne doit payer un ouvrier qu’à proportion du temps qu’on l’a employé.
Payer en monnoie de singe, en gambades. Signifie se moquer de celui à qui l’on doit.
Payer bouteille, pinte, chopine, demi-setier. Pour dire payer à boire à quelqu’un.
Fustier, 1889 : Argot des lycées. S’exonérer, au moyen d’une exemption, d’un satisfecit, d’une punition encourue. Payer ses arrêts, sa retenue. Sortie payante, sortie de faveur accordée à relève qui remet en paiement une ou plusieurs exemptions que son travail, sa bonne conduite lui ont fait obtenir.
Depuis longtemps, la France a protesté contre les sorties dites payantes ou de faveur et contre les punitions actuellement en vigueur.
(France, 1881)
La Rue, 1894 : Faire, accomplir. Être condamné. Avoir payé, avoir subi des condamnations, faire payer, condamner.
Payer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. S’offrir, se donner, se procurer, — dans l’argot des petites dames et des faubouriens. Se payer un homme. Avoir un caprice pour lui. Se payer une bosse de plaisir. S’amuser beaucoup.
Rigaud, 1881 : Se passer une fantaisie.
France, 1907 : Se passer une fantaisie. « Voilà une petite femme que je me payerais volontiers. »
Hue ! nom de Dieu !… v’là qu’ j’ai l’hoquet !
Ça s’rait du prop’ que j’dégobille ;
Si j’trouve encore un mastroquet
D’ouvert, je m’ paye eun’ petit’ fille,
Ça m’débarbouill’ra l’cœur et pis
D’abord, ej’suis rond comme un disque,
J’m’arrondirai pas pus que j’suis.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Payer au marc le franc
France, 1907 : Répartir une somme entre les créanciers proportionnellement à ce qui est dû à chacun.
Payer bouteille
Delvau, 1866 : Offrir à boire chez le marchand de vin. Argot des ouvriers.
Payer de toupet
France, 1907 : Faire un coup d’audace.
Babylas, le cantinier, surprend sa femme en conversation animée avec un jeune conscrit.
Celui-et paie de toupet.
— Venez vite, cantinier, votre femme se trouve mal.
— Mais vous, espèce de bleu, vous avez l’air de la trouver bien.
(La Baïonnette)
Payer en monnaie de singe
France, 1907 : Saint Louis avait toujours besoin d’argent : il rendit une ordonnance soumettant à un droit de péage tout animal entrant dans Paris. Les bateleurs qui presque tous possédaient des singes pour amuser le public dans leurs parades, cherchèrent naturellement à esquiver ce nouvel impôt. Ils s’arrêtaient donc aux barrières et faisaient danser et grimacer leurs singes devant les commis du fisc, qui, pour les récompenser de ce spectacle, les faisaient passer sans payer. Cet usage était tellement enraciné que Louis IX établit un tarif réglant à ce sujet les droits de péage : « Si le singe est à un joueur, celui-ci le fera jouer devant le péager, qui sera tenu de se contenter de cette monnaie x» ; au cas contraire, il payait 4 deniers.
On dit donc de quelqu’un qu’il paye en monnaie de singe lorsqu’il s’acquitte de sa dette par des grimaces, des révérences et des promesses. Une vieille coutume existait en Normandie par laquelle on pouvait défrayer son hôte par un conte ou une chanson :
Usages est en Normandie
Que qui hébergiez est qu’il die
Fable ou chanson die à son oste :
Cette coutume pas n’en oste
Sire Jehan de Chapelain.
(Jean le Chapelain)
Payer l’intérêt de sa mine
France, 1907 : On ne connaît pas le vin au cerceau, ni l’homme au chapeau, et cependant que de gens reçoivent un bon ou mauvais accueil suivant qu’ils sont bien ou mal vêtus. Que de sots et d’ignorants élégamment mis l’emportent dans les choses de la vie sur des hommes intelligents vêtus avec simplicité ! L’habit ne fait pas le moine, mais cependant que de gredins honorés comme moines parce qu’ils en portent la robe !
Garde-toi, tant que tu vivras.
De juger des gens par la mine,
vieux proverbe auquel on ne fait jamais attention. Philopœmen, le plus grand capitaine qu’ait eu la Grèce, le dernier des Grecs, comme l’appelaient les Romains, véritable artiste en guerre suivant l’expression de Plutarque, joignait à ses talents et à ses vertus civiques et guerrières la plus grande simplicité. Jamais de pompeux étalage, jamais de suite nombreuse comme avaient coutume d’en avoir les généraux grecs. Un jour, invité chez un ami, il arrive, suivant son habitude, simplement vêtu et sans serviteur. La maîtresse du logis, qui ne le connaissait pas et qui était en ce moment fort affairée et fort troublée par l’attente de l’illustre général des Achéens, voyant cet homme, le pria sans façon de fendre un peu de bois pour son feu qui n’allait pas à son gré. Philopœmen sourit, se dépouilla de son manteau et se mit gravement à l’œuvre. Le mari entre sur ces entrefaites, et quelle n’est pas sa stupéfaction de voir le général occupé, dans sa propre maison, à cette besogne d’esclave — « Qu’est-ce que cela ? s’écrit-il stupéfait. Quoi ! seigneur… — Je paie l’intérêt de ma mauvaise mine, dit en riant Philopœmen. » Les Arabes disent : Selon l’habit, l’hospitalité.
Payer la goutte (faire)
Delvau, 1866 : Siffler, — dans l’argot des coulisses.
Rigaud, 1881 : Siffler un acteur.
Payer les pots cassés
France, 1907 : Pâtir pour les fautes d’autrui.
J’ai faim, disait ventre creux
Devenu sceptique,
Je suis las des fruits véreux
De la politique,
Tiens ! je paie assez
Les vieux pots cassés.
Les partis
Sont petits.
Chacun a sa bande.
J’aime mieux la viande !
(Eugène Pottier, Chansons révolutionnaires)
Payer les violons
France, 1907 : Payer sans y prendre part les plaisirs d’autrui, avoir la peine sans le profit. Cette expression est fort ancienne. Molière l’a introduite dans une de ses comédies, La Comtesse d’Escarbagnas : « Pour moi, je ne suis pas d’honneur à payer les violons pour faire danser les autres. »
Les Romains disaient : Delirant reges, plectuntur achivi, « les rois font des turpitudes et c’est le peuple qui souffre. »
Payer sa fiole, sa hure, sa tête (se)
France, 1907 : Se moquer de quelqu’un.
Tous ces conscrits auraient bougrement envie de pleurer, — mais, tous, ravalent leurs larmes, crainte que les camaros se payent leur fiole et aussi pour montrer qu’on est un homme.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Amédée de Saint-Gapour crut comprendre, à ce moment, que la dame se payait sa tête.
Très vexé et fou d’amour, il se précipita sur elle en imitant, à s’y méprendre, le cri du carme.
(Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.)
(Alphonse Allais)
Quelqu’un veut se payer ma tête…
Mais j’ai bon œil et bon poignet,
Et d’une aventure aussi bête
Avant peu j’aurai le cœur net !
(Jules Célès)
Payer un homme (se)
Virmaître, 1894 : Moyen que possèdent toutes les femmes sans débourser d’argent. Cette expression est généralement employée par les femmes à caprices.
— Elle se paye autant d’hommes qu’elle change de chemises (Argot des filles). N.
Payer un moos, la goutte (se faire)
Fustier, 1889 : Argot théâtral. Jouer un rôle à emboîtage.
Payer une bosse (s’en)
France, 1907 : S’en donner à cœur joie.
Aplati sous le joug d’une bossue atroce (Louis XII)
Il la quitte, et bientôt avec sa liberté,
Recouvre le bonheur et la tranquilité ;
De là le mot fameux : « S’en payer une bosse ! »
(Charles Tabaraud)
Payer une course (se)
Delvau, 1866 : Courir, — dans l’argot des faubouriens.
Payer, Aglaé (tu vas me le) !
Rigaud, 1881 : Locution très répandue, il y a une dizaine d’années, lorsqu’on était mécontent de quelqu’un, lorsqu’une proposition paraissait extravagante ou déplacée, une prétention exagérée.
Payette
France, 1907 : Diminutif de paye ; petite récompense. Lorsque les bergères du Centre sont contentes de leurs chiens, elles les rappellent en criant : « À la payette ! »
Payot
Bras-de-Fer, 1829 : Forçat écrivain.
Vidocq, 1837 : s. m. — Forçat chargé de délivrer les vivres aux cuisiniers du bagne, et d’une partie de la comptabilité. Les places de Payot sont les plus belles et les plus lucratives de toutes celles qui peuvent être accordées aux forçats qui, par leur conduite et leur instruction, se montrent dignes des faveurs de l’administration. À Toulon, elles peuvent rapporter au moins 20 fr. par jour à ceux qui les occupent. Au bagne, les écritures doivent être tenues avec plus de soin et de régularité que dans quelqu’administration que ce soit, aussi faut-il que les Payots soient doués de capacités plus qu’ordinaires, mais comme il n’y a jamais disette de sujets au bagne, les places de Payot ne sont jamais long-temps vacantes ; on peut cependant regretter qu’elles soient plus souvent accordées aux intrigants qu’à ceux dont la conduite est véritablement bonne et le repentir sincère. Le Payot, comme les autres sous-officiers de galère, est déferré, et ne va pas à la fatigue, mais il a de plus qu’eux la permission d’aller en ville, accompagné d’un garde chiourme ; il peut entrer dans tous les lieux publics, cafés, restaurans, et personne ne le remarque d’une manière désagréable, mais le mépris que les habitans des villes où des bagues sont établis est si grand, que l’entrée des lieux où les forçats sont admis sans difficulté leur est rigoureusement interdite. Les gardes chiourmes reçoivent du forçat qu’ils sont chargés d’accompagner en ville, 3 fr. par jour à titre d’indemnité.
Les forçats sont ordinairement bien reçus des habitans de la ville dont ils habitent le bagne, pendant tout le temps de leur captivité. Cela vient peut-être de ce qu’il est très-rare que l’un d’eux abuse de la confiance que l’on veut bien lui accorder. Un des plus insignes voleurs de son époque, condamné à une très-longue peine qu’il subissait au bagne de Brest, allait en ville pour donner des leçons de harpe à plusieurs personnes recommandables ; cela dura quinze ans au moins, et jamais on ne se plaignit de lui. La bonne conduite soutenue des forçats auxquels on accorde quelques faveurs, devrait engager l’administration à traiter un peu plus doucement les hommes placés sous sa dépendance, car il est à présumer qu’il vaudrait mieux les traiter avec douceur que de les soumettre à un régime auquel du reste ils s’habituent bientôt, et que par conséquent ils ne redoutent plus.
Delvau, 1866 : s. m. Forçat chargé d’une certaine comptabilité.
Rigaud, 1881 : Forçat cantinier et comptable, une des places les plus recherchées des anciens bagnes. C’était une place accordée ordinairement aux anciens notaires, aux agents de change qui avaient eu des malheurs.
France, 1907 : Forçat chargé des comptes.
Le payot distribue les vivres, fait la paye et se charge à juste prix de la correspondance des camarades. C’est à la fois un fourrier du bagne et un écrivain public.
Pays
d’Hautel, 1808 : Bonjour pays. Se dit en saluant un compatriote.
C’est mon pays. Pour dire il est né dans le même pays que moi.
Autant de pays, autant de guises. Pour dire que chaque peuple à des mœurs différentes.
Juger à vue de pays. Pour dire par approximation ; sans être précisément certain.
De quel pays venez-vous donc ? Se dit à celui, qui ignore une nouvelle que tout le monde sait depuis long-temps.
Il lui a fait voir bien du pays. Signifie, qu’on a donné bien de l’exercice à un homme ; qu’on l’a entretenu d’affaires pénibles.
Il a gagné le pays, il a vidé le pays. Pour, il s’est sauvé, il s’est enfui.
Battre du pays. S’éloigner de son sujet, dire un grand nombre de choses inutiles.
Il est encore bien de son pays celui-là. Pour, il est bien sot, bien ridicule, bien niais, de s’imaginer cela ; se dit généralement de ceux qui font des propositions que l’on ne peut accepter.
Larchey, 1865 : Compatriote. V. d’Hautel, 1808. — V. Coterie.
Falleix trouvait son vieux pays trop cher.
(Balzac)
Ces primeurs exposées pour le plaisir des caporaux et de leurs payses.
(Id.)
Delvau, 1866 : s. m. Compagnon, — dans l’argot des ouvriers.
Delvau, 1866 : s. m. Compatriote, — dans l’argot des soldats.
Pays Bréda
Delvau, 1866 : Le quartier Bréda, une des Cythères parisiennes. Argot des gens de lettres.
Pays de cocagne
France, 1907 : Pays où tout abonde, où l’on fait grande chère, où l’on vit bien sans travailler.
On n’est pas d’accord sur l’étymologie de ce nom. Le savant évêque Daniel Huet, qui fut adjoint à Bossuet pour l’éducation du Dauphin, prétend que c’est une corruption de gogaille, gogue, goguette. La Monnoye, l’auteur de la célèbre chanson de M. de la Palisse, philologue érudit, le fait venir de Merlin Coccaio, qui, dans sa manière macaronée, décrit une contrée qui serait un paradis pour les gastrolâtres. Mais bien avant le moine Théophile Falengo, caché pendant la première moitié du XVIe siècle sous le pseudonyme de Merlin Coccaie, on trouve le mot cocagne dans les vieux fabliaux. Un d’eux, écrit au XIIIe siècle, a même pour titre : C’est li fabliou de Coquaigne. Il est fort curieux et débute ainsi :
Li païs a nom Coquaigne,
Qui plus y dort, plus y gaaigne ;
Cil qui dort jusqu’a miedi,
Gaaigne cinc sols et demi,
De bars, de saumons et d’aloses
Sont toutes les maisons encloses ;
Li chevrons y sont d’esturgeons,
Les couvertures de bacons (jambons)
Et les lates sont de saucisses…
Par les rues vont rostissant
Les crasses oes (les grasses oies) et tornant
Tout par elles (d’elles-mêmes) et tout ades
Les suit la blanche aillie (sauce à l’ail) après.
C’est ce qui a fait croire à Geruzez et à Littré après lui que cocagne venait de coquina (cuisine) ou de coquere (cuire) en passant par le catalan coca.
Voilà bien de l’érudition et c’est remonter à bien des sources quand l’étymologie se trouvait, c’est le cas de le dire, sous la main.
Cocagne vient de coquaigne, justement comme on le trouve écrit dans de fabliau du recueil de Méon, et coquaigne est un pain de pastel du Languedoc. Comme la vie y était facile, la terre fertile, les fruits en abondance et le climat charmant, on appelait ce pays, pays de Coquaigne, c’est-à-dire où les habitants mangeaient d’excellents petits gâteaux à très bon marché, buvaient de bon vin à peu de frais, enfin ne travaillaient guère.
Legrand, dans le Roi de Cocagne, a donné de ce merveilleux pays un tableau qui est loin de valoir celui du fabliau du XIIIe siècle :
Veut-on manger, les mets sont épars dans les plaines ;
Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines ;
Les fruits naissent confits dans toutes les saisons ;
Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons ;
Le pigeonneau farci, l’alouette rôtie,
Vous tombent ici-bas du ciel comme la pluie.
Terminons par cette fin de la satire de Boileau :
Paris est pour le riche un pays de Cocagne ;
Sans sortir de la ville, il trouve la campagne ;
Il peut, dans son jardin tout peuplé d’arbres verts,
Recéler le printemps au milieu des hivers ;
Et, foulant le parfum de ses plantes fleuries,
Aller entretenir ses douces rêveries,
Mais moi, grâce au destin, qui n’ai ni feu ni lieu,
Je me loge où je puis, et comme il plaît à Dieu.
Pays des marmottes (le)
Delvau, 1866 : La terre, — dans l’argot du peuple. S’en aller dans le pays des marmottes. Mourir. On dit aussi le Royaume des taupes.
Pays Latin
Delvau, 1866 : Le quartier des Écoles, genus latinum. On dit plutôt le Quartier latin.
France, 1907 : Le quartier des Écoles.
Code, amour, chant, tout marche à l’unisson !
Voilà comme on vit,
Comme on chante soir et matin,
Voilà comme on rit
Dans notre beau Pays Latin !
(Henry Murger)
Pays-Bas
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les possessions de messire Luc, — métropole et colonies.
France, 1907 : Le postérieur et ses environs. « Dites donc, vous, Monsieur le gandin, avez-vous fini d’explorer les Pays-Bas de ma fille ? — Vous faites erreur, Madame Cardinal, je ne suis que dans le Bas-Rhin ! »
Pays-Bas (les)
Delvau, 1864 : La nature de la femme et les parties circonvoisines.
Ce ne sont point ses draperies,
Son tabac ni ses broderies
Dont on fait cas ;
Mais chemise fine et de Frise
Donne goût pour la marchandise
Des Pays-Bas.
(Collé)
Pays, payse
Merlin, 1888 : Compatriote.
France, 1907 : Compagnon, compatriote ; nom que les soldats donnent à leur maîtresse et réciproquement.
Une conversation des plus intéressantes était engagée entre le biffin et la nounou qui avait tout d’un coup découvert qu’ils étaient presque pays. — C’est toujours comme cela que ça commence…
(La Baïonnette)
Paysage (faire bien dans le)
Rigaud, 1881 : Concourir au coup d’œil général, produire bon effet, rehausser une toilette. — Pour les mondaines, un bracelet en diamants fait bien dans le paysage, les soirs d’Opéra. Pour un ivrogne, une rangée de bouteilles sur le dressoir fait bien dans le paysage.
Paysan
d’Hautel, 1808 : C’est un gros paysan. Se dit par mépris d’un rustre, d’un lourdaud, d’un homme grossier et stupide.
C’est lui qui est le paysan. Pour dire, c’est lui qui est dupe de la farce ; qui supporte les charges de cette affaire.
Payse
Delvau, 1864 : Qualité que se donnent devant leurs maîtres les bonnes et les cuisinières, pour avoir le loisir de causer de — et de piner avec — son pays, qui est ordinairement un troupier français.
Mais, ne t’ai-je pas dit, Chauvin,
Que je n’ puis plus boire de vin ?
Combien de fois faut-il que je te l’dise ;
Je m’ai pas assez méfié d’la pays…
Pas assez méfié d’ la payse.
(Allard)
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des soldats, qui sont volontiers du même pays que la bonne d’enfants qu’ils courtisent.
Pchutt
France, 1907 : Élégance, bon ton. Voir Pshutt.
Péaix
un détenu, 1846 : Malin, méchant. Faire le péaix : faire le méchant.
Peau
d’Hautel, 1808 : Il crève dans sa peau. Se dit de quelqu’un qui éprouve une jalousie intérieure, un dépit secret.
La peau lui démange. Se dit d’un querelleur, d’un homme qui cherche dispute sans fondement ; qui s’expose à se faire battre.
Elle a envie de sa peau. Se dit d’une femme qui recherche un homme en mariage.
Je ne voudrois pas être dans sa peau. Signifie qu’on ne voudroit pas être à la place de quelqu’un qui s’est attiré une mauvaise affaire.
Il ne changera pas de peau ; il mourra dans sa peau. Se dit d’un homme incorrigible.
Larchey, 1865 : Laide ou vieille prostituée.
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de très mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens. C’est le jeu de mots latins : pellex et pellis. On dit aussi Peau de chien.
Rigaud, 1881 : Prostituée de rebut.
La Rue, 1894 : Basse prostituée. De la peau ! Non, rien.
France, 1907 : Prostituée, fille ou femme de mauvaise vie ; argot populaire. On dit aussi dans le même sens ; peau de chien ou peau de requin.
Quelle est donc cette petite peau de chien que vous veniez de lever l’autre jour sur le boulevard ?
— C’est ma sœur !
(Henri Rochefort)
— L’grand Joseph, du boulevard Barbès, payait-i’ pas l’aut’ soir à diner et d’son pognon, à la grande Irma, du Joubert, et Albertine du Grand-Seize, deux peaux de requins qui n’marchent qu’ensemble et qui s’sont bien offert sa fiole au restaurant d’la Pêche miraculeuse ?
(Jean Lorrain)
Peau (de la) !
Fustier, 1889 : Non ! Rien !
Peau (en)
La Rue, 1894 : Nu. Femme en robe décolletée.
Peau (être en)
France, 1907 : Être en robe décolletée.
Peau (la) !
France, 1907 : Exclamation faubourienne signifiant rien ; synonyme de du flan ! des nèfles !
Y a-t-il espoir d’arriver à quelque chose en changeant encore la couleur du député ?
La peau ! On peut en coller d’aussi radicaux, d’aussi socialos, d’aussi fulminants qu’on voudra, — ce sera toujours la même ritournelle !
(Le Père Peinard)
Hier, je m’suis dit : De la peau !
Non, je n’sors pas mon drapeau
Sur l’ordre du père La Famine
Et ce que je pense en d’dans
Y’ l’dirait même à Lépine…
Moi, j’aime pas les présidents.
C’est un tas de vieux gâteux
Qu’ont toujours la mite aux yeux
Et qui vous font d’la morale.
Y sont grincheux et pédants,
Ou faut qu’on leur rince la dalle…
Moi, j’aime pas les présidents.
(La Petite République)
Faire quelque chose pour la peau, c’est-à-dire pour rien, équivalent de « travailler pour le roi de Prusse ».
Peau (porter à la)
France, 1907 : Exciter les désirs sensuels. « Il est des femmes qui, quoique jolies, ne portent pas à la peau, tandis que des laides font commettre des folies. »
Cela lui rappelait Emma, une institutrice de grande maison ! Très jolie, très romanesque, très idéale ! Elle avait la passion des billets doux et l’avait inondé de son style pendant plus d’un an ! Chose étrange ! Cette femme ne lui portait pas à la peau, et il l’avait aimée plus que toutes les précédentes. Un changement de garnison les avait séparés. Depuis, il avait appris qu’elle s’était mariée à un fils de famille qui s’était toqué de ses yeux bleus et de son style passionné.
(Monthabor, Le Régiment illustré)
Peau (traîner sa)
Rigaud, 1881 : Traîner son corps de côté et d’autre ; ne savoir que faire de sa personne.
Peau courte (avoir la)
Virmaître, 1894 : Accident qui arrive à ceux qui mangent trop de haricots. Mot à mot : péter (Argot du peuple).
France, 1907 : Elle se crève et il en sort un vent ; euphémisme populaire pour péter.
Peau d’ane
Delvau, 1866 : s. f. Tambour, — dans l’argot des troupiers, qui ne savent pas que cet instrument de percussion est plus souvent recouvert d’une peau de chèvre ou de veau. Faire chanter ou ronfler la peau d’âne. Battre le rappel, — dans l’argot du peuple, à qui cette chanson cause toujours des frissons de plaisir.
Peau d’âne
Vidocq, 1837 : s. m. — Tambour.
Rigaud, 1881 / Merlin, 1888 : Tambour.
France, 1907 : Le tambour ; argot militaire. « Faire ronfler la peau d’âne. »
Je me lève, avec lenteur, car on a tant abusé du tambour depuis quelques mois !… Cependant, il y a bien une quinzaine de jours que la peau d’âne n’a ronflé.
(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)
Peau de balle
France, 1907 : Rien, néant ; argot populaire. Cette singulière expression est parfois suivie de cette autre : balai de crin.
— Vous ne vous intéressez plus à rien, ni aux êtres, ni aux choses, ni aux idées ?
— Je m’intéresse à peau de balle !
— Qu’est-ce que c’est que ça, peau de balle ?
— C’est un mot appartenant naguère au répertoire de l’armée et signifiant le néant. Ce terme passa bientôt dans le domaine civil, où il fit une rapide fortune.
(Alphonse Allais)
Il nous arrive assez souvent
De suivre une blonde jeunesse,
Et de lui dire en la suivant
Combien elle nous intéresse.
« Mademoiselle, écoutez-moi,
Depuis si longtemps je désire
Vous entretenir de ma foi !
Ou donc vous voir ? daignez le dire,
— Un rendez-vous ?
J’vous l’donn’ chez nous ;
J’suis fille honnête
À conscienc’ nette ;
Papa s’y trouv’ra,
De cett’ façon-là
Vous d’mand’rez ma main ;
On vous attend d’main… »
(Parlé.) Sinon, peau d’balle et balai d’crin !
(Belhiatus)
Peau de bite et balai de crin
Rigaud, 1881 : Même signification, — dans l’argot de la marine, que peau de libi et peau de nœud, — dans celui-de l’armée de terre. C’est une formule dénégative qui équivaut à : rien, pas le sou, jamais de la vie.
Peau de bouc
Fustier, 1889 : Sein. Argot des régiments d’Afrique qui donnent aussi le nom de peau de bouc aux petites outres goudronnées qui leur servent de bidons.
Peau de lapin
Rigaud, 1881 : Nom qu’on donne aux professeurs les jours de cérémonie, parce que l’insigne de leur grade est une peau d’hermine. (Albanès, Mystères du collège, 1845)
Virmaître, 1894 : Nom donné aux ouvrières cartonnières :
— Jamais mes peaux de lapins ne turbinent le lundi (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Cartonnière. Faire la peau de lapin, vendre des contremarques à la porte des théâtres.
Peau de lapin (faire la)
Rigaud, 1881 : Agioter sur les contre-marques, — dans le jargon des voyous.
Peau de libi
Rigaud, 1881 : Non, ne pas, — dans le jargon du régiment. Et les synonymes : peau de balle, peau de nœud. Se dit souvent d’une manière ironique. Il est poli, peau de nœud ! traduisez : On n’a jamais vu de particulier moins poli. — Dans le jargon des voleurs : Faire peau de balle signifie avoir manqué un vol, n’avoir rien trouvé à voler.
Peau de tambour (faire)
France, 1907 : Ne rien faire ; même sens que peau de balle et balai de crin.
Première femme. — C’est pas tout cela ; il faut payer. Què’que t’as fait, toi, ce soir ?
Seconde femme. — Moi ? peau de tambour.
Troisième femme. — C’est que c’est vrai. On ne f… plus rien. Si on n’avait pas des amis à passion, il faudrait tout bazarder.
(Le Gil Blas)
Peau de zébi
France, 1907 : Rien. Même sens que peau de balle, peau de tambour. Argot rapporté des troupiers d’Afrique. Zébi est en arabe le membre viril.
À Biribi c’est là qu’on marche,
Faut pas flancher ;
Quand l’chaouch crie : « En avant ! marche ! »
I’faut marcher,
Et quand on veut fair’ des épates,
C’est peau d’zébi :
On vous fout les fers aux quat’ pattes,
À Biribi !
(Aristide Bruant)
Allons, y a trop longtemps qu’on t’gourre !
Vieux populo, soupé cett’ fois.
Dis au politicard qu’il t’courre
Sur l’haricot avec ses lois !
Dis-lui : J’ai maré d’la pestaille,
Frocards, jugeurs et autr’ fourbis
Du mêm’ tonneau, qui font ripaille,
Quand moi que j’trim’ j’ai peau d’zébi !
(Le Père Peinard)
Peau de Zobi
Rossignol, 1901 : Ce mot qui se dit souvent, même dans les chansons de cafés-concerts, ne veut toujours rien dire de la façon dont il est employé. Zobi est arabe, c’est le superflu qui distingue l’homme de la femme. J’ai bien souvent entendu des gens se servir de ce mot, ignorant ce qu’ils disaient.
Peau et chemise (être comme)
France, 1907 : Être liés, attachés l’un à l’autre comme le sont la peau et la chemise.
Étant sergent-major, il a mangé deux ans de Biribi pour détournements de fonds. Il m’a raconté ça, dans le temps ; car nous sommes très liés, amis comme peau et chemise.
(Le Journal)
Peau ou peau de balles
Rossignol, 1901 : Rien. Celui qui ne possède que peau, nib ou gninte n’est pas riche. — « Je devais t’acheter des bottines, mais tu n’auras que peau de balles. » Diminutif de balloches, allusion à l’appendice qui distingue le sexe.
Peau trop courte (avoir la)
Rigaud, 1881 : C’est une aimable plaisanterie qu’on lance pour s’excuser d’une incongruité sonore. — Parler, pendant le sommeil, avec l’antipode de la bouche.
Peaufin, peaufine
France, 1907 : Nom que l’on donne dans les écoles militaires aux élèves de jolie figure. Petits qui remplissent près des grands le rôle d’Alcibiade près du sage Socrate : dans les lycées, on les appelle lapins.
Peaufiner (se)
France, 1907 : Se parer, faire toilette ; argot du Borda. Parfaire une chose, dans l’argot populaire.
Peaufinoir
France, 1907 : Miroir ; argot du Borda.
Peausser (se)
Larchey, 1865 : Se déguiser. — Mot à mot : se cacher dans la peau de.
Je vais me peausser en gendarme.
(Balzac)
Rigaud, 1881 : Se déguiser.
France, 1907 : Se déguiser, littéralement prendre une autre peau ; argot des voleurs.
— Je vais me peausser en gendarme.
(Balzac)
Peautre
d’Hautel, 1808 : Envoyer quelqu’un à peautre. Phrase triviale et populaire qui signifie, chasser, renvoyer quelqu’un.
Pébroque
Hayard, 1907 : Parapluie.
Pec
France, 1907 : Niais, imbécile, idiot, fém. pèque ; les diminutifs sont peguin et pegot, radical de pécore, du latin pecus, pecoris. Voir Pékin.
Peccata
d’Hautel, 1808 : C’est un gros peccata. Pour dire un rustre, un grossier personnage.
Peccavi
Halbert, 1849 : Péché.
France, 1907 : Péché ; argot des voleurs, qui ont, nous ne savons comment, retenu ce latinisme.
Péché
d’Hautel, 1808 : Elle est laide comme un péché mortel. Locution satirique, pour dire qu’une femme est laide à faire peur.
Ils se sont dit les sept péchés mortels. Pour ils se sont dit les plus grosses injures.
Péché mignon. Inclination vicieuse de laquelle on ne peut se défaire.
Mettre quelqu’un au rang des péchés oubliés. N’y vouloir plus songer ; en perdre le souvenir, la mémoire.
Rechercher les vieux péchés de quelqu’un. Rechercher minutieusement les erreurs passées d’une personne ; scruter sa vie privée, à dessein de lui nuire.
Pêche
Fustier, 1889 : Tête, physionomie.
France, 1907 : Excrément. Déposer une pêche, faire ses besoins.
Comm’ j’étais pressé, j’me dépêche,
Et me faufil’ comme un cabot,
Et j’pos’ delicat’ment ma pêche
Dans eune espèce d’lavabo.
(Aristide Bruant)
France, 1907 : Tête. Se faire épiler la pêche, se faire raser.
Pêché (à chef de)
France, 1907 : À fin de compte, enfin. Cette vieille expression, que l’on trouve souvent répétée dans les Cent Nouvelles nouvelles, est encore usitée dans nombre de campagnes.
Pêche (poser une)
Fustier, 1889 : Alvum deponere.
Pêche à quinze sous
Delvau, 1866 : s. f. Lorette de premier choix, — dans l’argot des cens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du demi-Monde d’Alexandre Dumas fils.
Rigaud, 1881 : Pécheresse du dessus du panier… de la prostitution. — Métaphore du cru Dumas fils, tonneau du Demi-Monde.
Je sais bien qu’on n’a encore aujourd’hui qu’une médiocre estime pour le panier des pêches à quinze sous.
(Ed. Texier, Les Choses du temps présent)
N’étaient-elles pas plus sympathiques, ces filles de Paris… que toutes ces drôlesses, pêches à quinze sous de Dumas fils ?
(Maxime Rude)
France, 1907 : Prostituée de premier choix ; la fleur du panier de Vénus.
Cette expression appartient à Alexandre Dumas fils.
C’était à la Comédie-Française, le soir de la reprise du Derni-Monde. On voyait là tout le champ familier des nobles et purs castors et même une jolie variété de pêches à quinze sous.
(Dubut de Laforest)
Pécher
d’Hautel, 1808 : Qui perd pèche. Proverbe qui signifie que celui qui a perdu quelque chose se laisse souvent aller à des jugemens téméraires, et passe quelquefois les bornes de la justice et de la modération.
Delvau, 1864 : Faire l’acte copulatif, — qui est bien le plus agréable des sept péchés capitaux.
Si le cœur vous en dit, et si votre âme goûte
Les appas d’un si doux péché,
Achetez un galant.
(De Senserade)
Combien de fois s’est commis le péché ?
Trois fois sans plus, répond le camarade.
(Grécourt)
Ma fille et ce jeune homme
Sont dans cet âge où, n’en déplaise à Rome,
Il faut pécher si l’on veut être heureux.
(Comte de Chevigné)
Pêcher
d’Hautel, 1808 : Pour dire, prendre.
Où a-t-il donc pêché cet argent là ? Se dit d’un homme sans fortune, sans moyens, qui fait tout-à-coup de grosses dépenses.
Pêcher en eau trouble. Se prévaloir du désordre d’une affaire pour en faire son profit, s’enrichir des misères publiques.
Pêcher au plat. Prendre au plat ; se dit particulièrement de quelqu’un qui aime à jouir de ce qui ne lui cause point de peine.
Toujours pêche qui en prend un. Pour dire que celui qui fait un petit gain ne perd pas son temps.
France, 1907 : Prendre de l’eau, être envahi par l’eau. « Cette rivière à un gué où la voiture pêche. » Prendre, retirer avec un certain effort, avec adresse et précaution. Se dit de toute espèce d’objets et dans un sens dérivé de la pêche. « Pêcher des outils dans un magasin, pêcher du linge dans un coffre. » En Touraine, on va jusqu’à dire : « pêcher des rats dans un grenier ; pêcher des moineaux » ; on dit même pêcher de l’eau, puiser.
Les mariniers disent : « se pêcher et se repêcher », pour trouver fond avec leur bourde (bâton ferré).
(Gloss. du Centre)
Pêcher en eau trouble
France, 1907 : But de presque tous les politiciens.
Quand l’eau des rivières est bien troublée par suite des pluies, les pêcheurs ont beau jeu, parce que les poissons, ne pouvant apercevoir les filets, y entrent plus facilement. De ce fait, on a établi la comparaison avec ce qui se passe dans une nation lorsqu’elle est agitée par les discussions et les discordes civiles. Ceux qui manient les affaires publiques et veulent y faire des profits spéculent sur le malheur des temps et satisfont sans se gêner leur cupidité et leur ambition. Ils pêchent en eau trouble.
(Didier Loubens)
Pêcher une friture dans le Styx
Delvau, 1866 : Être mort, — dans l’argot des faubouriens qui ont lu M. de Chompré. Aller pêcher une friture dans le Styx. Mourir.
France, 1907 : Mourir. Le Styx est, on le sait, le fleuve qui, d’après la mythologie des Grecs et des Romains, tournait sept fois autour de l’enfer.
Pécheresse
Delvau, 1864 : Gourgandine, femme qui veut être juste et qui, en conséquence, pèche sept fois par jour, en collaboration avec les hommes.
Il ne veut pas affirmer, ni que ce fût une pécheresse, ni qu’elle fût femme de bien.
(Sarrazin)
Pécheur
d’Hautel, 1808 : Un vieux pécheur. Pour dire, un vieux libertin, un homme qui, quoique dans un âge avancé, a conservé toux les vices d’une jeunesse corrompue.
Péchon, peschon de Ruby
Rigaud, 1881 : Petit vaurien, enfant ; du provençal pichoun, petit, — dans l’ancien argot.
Pechonner
France, 1907 : Voler. Vieux mot.
Péchonner
La Rue, 1894 : Voler. Péchonnerie, vol.
Pécore
d’Hautel, 1808 : Une petite pécore. Une petite fille sottement orgueilleuse ; une petite impertinente.
Pécoreur
Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur de grande route.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
France, 1907 : Tricheur au jeu, grec.
Pecque
d’Hautel, 1808 : Terme injurieux que l’on applique à une femme revêche et acariâtre, à une pie grièche qui se mêle dans toutes les affaires pour les envenimer.
Pectoral (s’humecter le)
Rigaud, 1881 : Boire. (Dict. comique)
Pécune
d’Hautel, 1808 : Pour, argent monnoyé.
Larchey, 1865 : Argent. — Vieux mot. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : s. f. Argent, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (pecunia) et à la tradition : « Repoignet-om nostre trésor el champ, et nostre pécune allucet-om el sachet. » (Sermons de saint Bernard)
Rigaud, 1881 : Argent.
France, 1907 : Argent. Vieux mot, du latin pecunia, encore employé dans le Midi.
« Les nerfs des batailles sont les pécunes », dit Rabelais.
La lune au ras des flots étincelants
Casse en morceaux ses jolis écus blancs.
Bon sang ! que de pécune !
Si ton argent, folle, t’embarraissait,
Pourquoi ne pas le mettre en mon gousset,
Ohé, la lune ?
(Jean Richepin, La Mer)
Pédaler
France, 1907 : Monter en vélocipède, bicycle, bicyclette, tricycle, etc. Néologisme. Ce fut un serrurier-charron de Paris, Pierre Michaux, qui, en 1855, eut l’idée d’adapter des pédales à une sorte de vélocipède primitif appelé draisienne ou célérifère, incommode et lourd, qu’on lui avait donné à réparer et qui apporta par cette adaptation une révolution dans la vélocipédie.
— D’ailleurs, au Point-du-Jour, plus rien à faire depuis que les barbeaux de Montmartre et de Batignolles y descendent le lundi y faire leur poussière en bicyclettes, crevant de santé dans des maillots chiffrés, des maillots de soie comme des copailles, les mollets nus (as-tu fini !), et sans leurs biceps, l’air de ronds-de-cuir des ministères, parole ! de sales bourgeois, de ceusse qui, tous les dimanches, pédalent et suent sur leurs machines, entre Saint-Cloud et la Grande-Jatte, ou bien de Neuilly à Bougival. D’abord, y en a plus que pour eux et leurs sales poires ; le moyen d’aborder une menesse ? ils jouent les michés, parole ! plus moyen d’engailler, d’embarquer une bergère, plus de place pour un chopin.
(Jean Lorrain)
Chacun voudrait s’en aller
Avec sa compagne,
C’est si bon de pédaler
En pleine campagne !
(Victor Leca, Écho de la Pédale)
Pédaleur, pédaleuse
France, 1907 : Personne qui monte en vélocipède.
Y en a qui s’conduisent très bien,
À qui l’on n’peut reprocher rien,
Mais la plupart sont des farceuses,
Les pédaleuses.
Y en a qu’ont très peu pédalé,
Mais y en a qu’ont beaucoup roulé,
Car ell’s sont très aventureuses
Les pédaleuses.
(Émile Hauton)
Pédaliser
France, 1907 : Autre forme de pédaler. La quelle est la bonne ?
Le ménage s’est offert pour neuf cents francs de pneumatiques, tout le monde ne peut pas rouler en voiture. Madame fait des records inquiétants ; Madame si mince il y a cinq ans, a trente ans aujourd’hui, et les mollets lui sont venus : Ursule, qui va sur sa onzième, pédalise comme père et mère, et tous les dimanches, des patron-minette, le temps d’installer le jambon, le poulet froid et le vin cacheté dans le panier, tout ce petit monde s élance sur ses montures d’acier, file et fend l’air et l’espace, épatant les concierges par d’étranges tenues de médailles du Club Alpin, le gras des jambes au vent, fait des records à travers le bois de Boulogne et rentre à minuit, abominé par les cochers de fiacre.
Mais quelle belle journée et quel bain d’air !
(Jean Lorrain)
Pedan, pedané
France, 1907 : Inférieur, d’ordre subalterne : vieux mot, qu’on trouve dans Rabelais : « juge pedané ». Les cours pedanes étaient des tribunaux d’ordre inférieur. On appelait. notaire pedan celui qui exerçait près de ces petits tribunaux. D’après Bescherelle, ce mot viendrait de ce que les juges de ces petits tribunaux rendaient la justice debout dans les villages ; d’après d’autres, de ce que leur médiocre fortune ne leur permettait que d’aller à pied ; suivant d’autres enfin, de ce qu’ils s’asseyaient sur des sièges plus bas que ceux des autres juges. Du latin pedaneus.
Pédard
France, 1907 : Nom donné par les cyclistes à ceux d’entre eux qui ne se conforment pas aux règlements qui prescrivent une allure modérée en traversant les villes ou villages, l’obligation d’un grelot ou d’un timbre avertissant le jour, et d’un lumignon la nuit. « Les pédards, dit Rastignac, ont amené un tollé contre leurs courses effrénées. Le vélocipède a ses Bérengers qui protestent contre la licence des roues. »
Dans le Petit Journal, Thomas Grimm donne une amusante définition du pédard :
Le mot pédard, devenu courant dans notre vocabulaire parisien de cette fin de siècle, est évidemment un diminutif de vélocipédard. Le mot vélocipédard est lui-même une altération du mot vélocipédiste, altération faite avec un sens de dénigrement. Un pédard est un cycliste qui ne se respecte pas, un cycliste dénaturé et sans mœurs.
Le pédard est au cycliste ce qu’est le collignon maraudeur au cocher, le carabin au médecin, le pirate au corsaire. Or, le pédard est le pire ennemi du cycliste, parce que le public, qui n’a pas le temps de faire de distinctions, est tout à fait enclin à généraliser, à reprocher à l’immense et très estimable confrérie des vélocipédistes raisonnables des méfaits commis par quelques douzaines de malencontreux pédards.
Pédé
Vidocq, 1837 : s. m. — Pédéraste.
Halbert, 1849 : Sodomiste.
Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Pédéraste, — dans l’argot des voyous, imitateurs inconscients de ces grammairiens toulousains du VIe siècle, qui disaient tantôt ple pour plenus, tantôt ur pour nominatur.
Pédé (?)
Rossignol, 1901 : Actif de chatte. Si vous voyez un individu mettre la main sur le cou d’un jeune homme et lui demander : « Sais-tu lire ? — Oui, Monsieur. » S’il lui met ensuite la main sur les reins, et qu’il lui demande : « Tu sais écrire ? — Oui, Monsieur. » Et qu’il descende la main encore plus bas en demandant : « Tu sais calculer ? — Oui, Monsieur. » Et si l’individu tape avec satisfaction à l’endroit où il a mis la main en dernier en disant : « J’aime ça, j’aime ça, »vous pouvez croire que c’est un pédé.
Pédé, pédéro
Rigaud, 1881 : Pédéraste.
France, 1907 : Abréviations de pédéraste.
Ben, ya du bon pour les coquines,
Les Laguenille, les astros,
Les brun’s, les blondes, les rouquines,
Les tatas et les pédéros,
I’s doiv’nt trouver qu’la presse est bonne,
I’s sont joyeux, les p’tits frisés,
Depuis qu’i’s sont tous accusés
D’avoir occis la vieill’ baronne.
(Aristide Bruant)
Pédéraste
Virmaître, 1894 : Ce mot est trop connu pour avoir besoin de l’expliquer autrement que par ceci : homme qui commet volontairement des erreurs de grammaire et met au masculin ce qui devrait être au féminin (Argot du peuple).
Pedero
un détenu, 1846 : Sodomiste.
Pédéro
Delvau, 1866 : s. f. Non conformiste, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent quelquefois aussi, facétieusement, Don Pédéro.
Pédéro, pédé
Larchey, 1865 : Pédéraste (Vidocq).
Pedesouille
France, 1907 : Paysan. Mot à mot : pied souillé, le paysan ne nettoyant guère ses chaussures que le dimanche et ses pieds plus rarement encore.
Il est des endroits où l’on ne peut aller « qu’en chapeau haut de forme ». De sorte que Catulle Mendés, Silvestre, Bergerat et quelques autres amateurs de coiffures molles passeraient en ces lieux pour de négligeables pedesouilles, si leurs physionomies n’avaient été depuis longtemps vulgarisées par le diligent Pierre Petit !
(George Auriol)
Pedigree
France, 1907 : Généalogie d’un cheval de course ; anglicisme.
Pedzouille
Rigaud, 1881 : Paysan. — Homme faible, sans énergie, poltron.
Peg
un détenu, 1846 : Péril, danger.
Pégal
Rossignol, 1901 : Mont-de-piété.
Pégale
Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété, — dans le jargon des voyous. En argot, pèse a le sens d’argent. Pégale doit être un dérivé de pèse et une déformation de pésale.
Pège
France, 1907 : Poix ; patois du Centre.
Péger
France, 1907 : Poisser. « Le jus de cette pêche m’a pégé les doigts. » Patois du Centre. Espagnol, pegar, coller ; latin, picare.
Pégeux
France, 1907 : Poisseux, visqueux, gluant.
Jus de raisin pégeux,
Vin sera bon et liquoreux.
(Proverbe du Berry)
Pégoce
Delvau, 1866 : s. m. Pou, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Puce d’hôpital.
Rigaud, 1881 : Pou. La variante est : puce d’hôpital. — Pégosier, pouilleux.
Virmaître, 1894 : Pou. On dit aussi gau. Abasourdir des gaux : tuer les poux qui morganent sur son cuir (Argot des voleurs).
France, 1907 : Pou ; argot des voleurs, du vieux français pegons, cramponné, tenace.
Pégoces
anon., 1827 : Pous.
Bras-de-Fer, 1829 : Poux.
Halbert, 1849 : Pous.
Pégocier
France, 1907 : Pouilleux.
Pégole (mettre au)
France, 1907 : Engager ses effets.
Pegosse
un détenu, 1846 : Vermine.
Pégots
Rossignol, 1901 : Poux. Pégosses, poux.
Pégrage
France, 1907 : Vol.
— Nous sommes parés. De quoi retourne-t-il ?
— Voici le plan, C’est simple… un refroidissement avec pégrage…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Pégraine
un détenu, 1846 : Misère.
Delvau, 1866 : s. f. Faim, — dans l’argot des vagabonds et des voleurs. À proprement parler, cela signifie, non qu’on n’a rien du tout à manger, mais bien qu’on n’a pas trop de quoi, — une nuance importante. Caner la pégraine. Mourir de faim.
France, 1907 : Faim. Voir Pégrenne.
Pègre
Ansiaume, 1821 : Voleur.
C’est un bon pègre, mais il n’est pas franc.
M.D., 1844 : Voleur.
un détenu, 1846 : Petit voleur.
Larchey, 1865 : Voleur.
Un jour à la Croix-Rouge, nous étions dix à douze, tous pègres de renom.
(Vidocq)
Pégrenne : Faim, misère. — Pégrenner : Faire maigre chère. V. Bachasse.
Delvau, 1866 : s. f. Le monde des voleurs. Haute pègre. Voleurs de haute futaie, bien mis et reçus presque partout. Basse pègre. Petits voleurs en blouse, qui n’exercent que sur une petite échelle et qui ne sont reçus nulle part — qu’aux Madelonnettes ou à la Roquette.
Delvau, 1866 : s. m. Voleur. Ce mot est fils du précédent, comme le vice est fils de la misère — et surtout de la fainéantise (pigritia, — piger). Pègre à marteau. Voleur de petits objets ou d’objets de peu de valeur.
Rigaud, 1881 : Voleur, de l’italien pegro, pigro, fainéant.
La Rue, 1894 : Voleur. La pègre, le monde des malfaiteurs. Pègre ou peigne à marteau, voleur sans notoriété. Pegriot, jeune voleur. Pègre de la grande vergne, voleur de Paris.
France, 1907 : Faussaire, filou, escroc et voleur, et aussi le monde des voleurs. Du mot latin pigrilia, paresse, mère de tous les vices et de tous les crimes.
Les pègres se divisent en deux classes principales : la haute et la basse pègre.
La haute pègre comprend les escrocs raffinés et de bonne compagnie, les beaux voleurs, qui savent mettre leurs mains dans nos poches pour les soulager de leur contenu, avec grâce et sous les formes les plus exquises.
La basse pègre réunit tous les prolétaires de la profession, ceux qui pratiquent le vol ordinaire et banal, souvent sans spécialité définie, vivant, comme les filles, de la rencontre et du hasard…
La haute et la basse pègre travaillent quelquefois de concert, mais alors c’est la basse qui est l’instrument, la main-d’œuvre, tandis que la haute se borne à l’initiative et à la direction ; elle ordonne et on lui obéit. Le travail fait, on partage le gain, puis on se sépare et l’on ne fraie pas ensemble.
(G. Macé, Un Joli Monde)
Pègres traqueurs, qui voulez tous du fade,
Prêtez l’esgourde à mon due boniment :
Vous commencez par tirer en valade,
Puis au grand truc vous marchez en taffant,
Le pante aboule,
On perd la boule,
Puis de la toile on se crampe en rompant,
On vous roussine
Et puis la tine
Vient remoucher la butte en rigolant.
(Lacenaire)
Pègre (haute)
Vidocq, 1837 : Le plus fécond de nos romanciers, celui qui sait le mieux intéresser ses lecteurs au sort des héros qu’il met en scène, parle, dans une de ses dernières publications (le Père Goriot), d’une association de malfaiteurs qu’il nomme la Société des Dix Mille, parce que tous ses membres se sont imposé la loi de ne jamais voler moins de 10,000 francs. La Société des Dix Mille n’abandonne jamais celui de ses affiliés qui est toujours resté fidèle au pacte d’association. Tout en donnant carrière à son imagination, le spirituel romancier semble n’avoir voulu parler que de la Haute Pègre.
La Haute Pègre, en effet, est l’association des voleurs qui ont donné à la corporation des preuves de dévouement et de capacité, qui exercent depuis déjà long-temps, qui ont inventé ou pratiqué avec succès un genre quelconque de vol. Le Pègre de la Haute ne volera pas un objet de peu de valeur, il croirait compromettre sa dignité d’homme capable ; il ne fait que des affaires importantes, et méprise les voleurs de bagatelles auxquels ils donnent les noms de Pégriot, de Pègre à marteau, de Chiffonnier, de Blaviniste.
L’association des Pègres de la Haute a ses lois, lois qui ne sont écrites nulle part, mais que cependant tous les membres de l’association connaissent, et qui sont plus exactement observées que celles qui régissent l’état social. Aussi le Pègre de la Haute qui n’a pas trahi ses camarades au moment du danger n’est jamais abandonné par eux, il recoit des secours en prison, au bagne, et quelquefois même jusqu’au pied de l’échafaud.
On rencontre partout le Pègre de la Haute, chez Kusner et au café de Paris, au bal d’Idalie et au balcon du théâtre Italien ; il adopte et il porte convenablement le costume qui convient aux lieux dans lesquels il se trouve, ainsi il sera vêtu, tantôt d’un habit élégant sorti des ateliers de Staub ou de Quatesous, tantôt d’une veste ou seulement d’une blouse. Le Pègre de la Haute s’est quelquefois paré des épaulettes de l’officier-général et du rochet du prince de l’église ; il sait prendre toutes les formes et parler tous les langages : celui de la bonne compagnie comme celui des bagnes et des prisons.
Quoique le caractère des hommes soit, à très peu de chose près, toujours le même, les associations de voleurs ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient autrefois. La Haute Pègre, maintenant, n’est guère composée que d’hommes sortis des dernières classes de la société, mais jadis elle comptait dans ses rangs des gens très-bien en cour. La plupart d’entre eux, placés par leur position au-dessus des lois, se faisaient une sorte de gloire de la braver. « L’administration de la justice, dit Dulaure dans ses Essais sur Paris, faible et mal constituée, accessible à la corruption et à tous les abus, tentait de réparer d’une main les abus qu’elle faisait naître de l’autre ; une législation vague et incertaine laissait un champ vaste à l’arbitraire, et, à la faveur des formes compliquées de la procédure, la chicane et la mauvaise foi pouvaient manœuvrer sans péril.
Le hasard de la naissance tenait lieu de génie, de talens et de vertus ; dépourvus de ces qualités, le noble n’en était pas moins honoré ; doué de ces qualités, le roturier n’en était pas moins avili.
Tant de germes de corruption, des institutions vicieuses et sans force pour lutter avec avantage contre les passions humaines, encouragées par l’intérêt du gouvernement, ne pouvaient qu’égarer l’opinion et pervertir la morale publique. »
Aussi, dit l’auteur de la Pourmenade du Pré aux Clercs, ouvrage publié en 1622, « des vols et assassinats très-multipliés se commettent, non-seulement la nuit, mais encore en plein jour, à la vue de la foule qui ne s’en étonne pas. »
Bussi Rabutin (Mémoires secrets, tome 1er, page 22) raconte qu’étant à Paris, deux filoux de qualité, le baron de Veillac de la maison de Benac, et le chevalier d’Andrieux, ayant appris qu’il avait reçu 12,000 livres pour faire les recrues de son régiment, vinrent en armes, pendant la nuit, entrèrent dans sa chambre par la fenêtre et lui en volèrent une partie ; ces Messieurs auraient, dit-il, volé le tout si la peur ne les avait fait fuir.
L’époque à laquelle Bussi Rabutin écrivait ses Mémoires, fut, sans contredit, l’âge d’or de la Haute Pègre : les temps sont bien changés ; les derniers membres renommés de la Haute Pègre, les Cognard, les Collet, les Gasparini, les Beaumont, sont morts depuis déjà longtemps, et n’ont pas laissé de dignes successeurs.
Il serait à peu près inutile de chercher à moraliser les membres de la Haute Pègre, ils volent plutôt par habitude que par besoin ; ils aiment leur métier et les émotions qu’il procure ; captifs, leur pensée unique est de recouvrer la liberté pour commettre de nouveaux vols, et leur seule occupation est de se moquer de ceux de leurs compagnons d’infortune qui témoignent du repentir, et manifestent l’intention de s’amender.
Plusieurs nuances distinguent entre eux les membres de la Haute ; la plus facile à saisir est, sans contredit, celle qui sépare les voleurs parisiens des voleurs provinciaux ; les premiers n’adoptent guère que les genres qui demandent seulement de l’adresse et de la subtilité : la Tire, la Détourne, par exemple ; les seconds, au contraire, moins adroits, mais plus audacieux, seront Cambriolleurs, Roulottiers ou Venterniers ; les parisiens fournissent généralement la masse de la population des maisons centrales, les provinciaux fournissent celle des bagnes. Quoi qu’il en soit, les uns et les autres ne pêchent pas par ignorance : les Pègres de la Haute sont tous d’excellents jurisconsultes, ils ne procèdent, pour ainsi dire, que le Code à la main.
Celui d’entre eux qui a adopté un genre de vol, renonce plus difficilement au métier que celui qui les exerce tous indifféremment, et cela peut facilement s’expliquer : celui qui ne pratique qu’un genre acquiert bientôt une telle habileté qu’il peut, en quelque sorte, procéder impunément ; cela est si vrai, que l’on n’a dû qu’à des circonstances imprévues l’arrestation de la plupart des Pègres de la Haute qui ont comparu devant les tribunaux.
J’ai dit plus haut que maintenant la plupart des Pègres de la Haute sortaient des dernières classes de la société, cela n’empêche pas qu’ils ne se piquent d’être doués d’une certaine grandeur d’âme et de beaucoup d’amour-propre ; lorsque les Jambe d’argent, les Capdeville, qui à une certaine époque étaient les premiers de la corporation, après s’être introduits à l’aide de fausses clés ou d’effraction dans un appartement qu’on leur avait indiqué, trouvaient dans les meubles qu’ils avaient brisés des reconnaissances du Mont-de-Piété ou quelques autres papiers qui indiquaient que la position de celui qu’ils voulaient voler n’était pas heureuse, ils avaient l’habitude de laisser, sur le coin de la cheminée tout l’or qu’ils avaient en poche, comme réparation du dommage qu’ils avaient causé ; plusieurs Tireurs donnaient au premier venu la montre qu’ils venaient de voler si elle n’était pas d’or.
Larchey, 1865 : « Association des voleurs les plus anciens et les plus exercés ; ils ne commettent que de gros vols et méprisent les voleurs ordinaires qui sont appelés dérisoirement pégriots, chiffonniers, pègre à marteau, ou blaviniste, par un pègre de la haute. » — Vidocq.
La première catégorie de voleurs se compose de la haute pègre, c’est-à-dire le vol en bottes vernies et en gants jaunes. C’est un homme jeune, élégant, distingué ; vous ne le rencontrerez qu’en coupé… Deux ou trois fois par an, il travaille, mais ses expéditions sont toujours fructueuses.
(Canler)
Pègre (la)
Rigaud, 1881 : Le monde des malfaiteurs. « Le troisième dessous », suivant l’expression de Victor Hugo. Il comprend les escarpes et les grinches, qui se subdivisent, pour les derniers, d’après les spécialités, en bonjouriers, caroubleurs, chanteurs, cambrioleurs, roulottiers, chineurs, robignolleurs, cerfs-volants, etc. etc. Depuis le pégriot, qui vole le mouchoir, jusqu’au drogueur de la haute, qui émet pour plusieurs centaines de mille francs d’actions imaginaires, depuis le voleur qui travaille sur la grande route avec accompagnement de gourdin, jusqu’à l’assassin de profession, tout ce qui vit de vol et d’assassinat fait partie de la pègre. De même qu’il y a la haute et la petite banque, le haut et le petit commerce, de même il y a la haute et la petite pègre. La haute pègre ou les pègres de la haute, c’est l’aristocratie du vol et de l’assassinat ; la basse pègre ou pégriots, c’est le prolétariat du crime.
La haute pègre a ses grands hommes, ses héros. Lacenaire, Verger, sont les demi-dieux de la haute pègre. Dumollard n’est qu’un ignoble pégriot.
(Moreau-Christophe, Le Monde des coquins.)
Pègre à la redresse
France, 1907 : Voleur déterminé, prêt à tout.
— Vous voici réunis, comme au temps où Général commandait la bande… Parbleu ! voilà une vraie collection de pègres à la redresse. Paris tremblera encore longtemps si nous restons unis.
(Michel Morphy, Les Mystères du crime)
Pègre à marteau
Vidocq, 1837 : Voleur, volereau. (Voir ci-après Pègriot.)
France, 1907 : Voleur d’objets de peu de valeur.
Pègre à marteau, Pégriot
Rigaud, 1881 : Voleur à qui l’occasion ou l’audace a manqué pour se faire un nom dans le monde des scélérats ; c’est le prolétaire du vol. — C’est un affreux voyou doublé d’un voleur.
Pègre de la grande vergue
France, 1907 : Voleur de Paris.
Pègre, pégriot
Hayard, 1907 : Voleur ; petit voleur.
Pegrenne
La Rue, 1894 : Misère, malheur. Faim.
Pégrenne
Rigaud, 1881 : Misère, malheur, faim. Caner la pégrenne, casser la pégrenne, mourir de faim. Fine pégrenne, à toute extrémité, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Misère, faim ; de pigrilia, paresse.
Pigrilia, dit Victor Hugo, est un mot terrible. Il engendre un monde, la pègre, lisez le vol, et un enfer, la pégrenne, lisez la faim. Ainsi la paresse est mère. Elle a un fils, le vol, et une fille, la faim.
Caner la pégrenne, être affamé, mourir de faim.
Si quelquefois la fourgate et Rupin ne lui collaient pas quelques sigues dans l’arguemine, il serait forcé de caner la pégrenne.
(Mémoires de Vidocq)
Pégrenné
Rigaud, 1881 : Affamé ; très misérable.
Pègrenné
Vidocq, 1837 : s. m. — Affamé.
Pègrenne (caner la)
Vidocq, 1837 : v. — Mourir de faim.
Pégrenner
France, 1907 : Mourir de faim ; argot des voleurs.
Pégrer
Delvau, 1866 : v. n. Voler. Signifie aussi : Être misérable, souffrir.
France, 1907 : Ce verbe, dans l’argot des voleurs, a plusieurs significations. Il veut dire à la fois voler, arrêter, être dépourvu.
« Je suis pégré, je me suis fait pégrer toute ma galette. » « Je me suis fait cric et la riflette a cavalé derrière moi pour me pégrer. »
Pègres
Virmaître, 1894 : Voleurs. Les pègres forment deux catégories : la haute et la basse pègre (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Voleurs.
Pègres de la grande vergne
Bras-de-Fer, 1829 : Voleurs de grande ville.
Pegriot
Larchey, 1865 : Apprenti voleur se faisant la main aux étalages. — Canler. — V. Boucannier.
Pégriot
Halbert, 1849 : Petit voleur.
Delvau, 1866 : s. m. Apprenti voleur, ou qui vole des objets de peu de valeur.
Virmaître, 1894 : Petit voleur. Diminutif de pègre. Le pégriot est d’une très grande utilité pour les ratiboiseurs de boutanches, qui pratiquent le vol au radin (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Jeune voleur.
France, 1907 : Jeune voleur, apprenti du crime. « Le pégriot, dit Canler dans ses Mémoires, débute dans cette triste carrière à l’âge de dix à douze ans : alors il vole aux étalages des épiciers, fruitiers ou autres. »
Les pégriots et les escarpes sont en général vantards et prodigues. Un trait distinctif de leur caractère sauvage, c’est le mépris qu’ils professent pour les femmes, leurs gerces, leurs marmites ou leurs ouvrières. De là à être mac, il n’y a qu’un pas, vite franchi…
(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)
On appelle aussi pégriot les petits voleurs, les larrons à l’étalage qui ne volent que des objets de peu de valeur. « Le pégriot, dit encore Canler, occupe les derniers degrés de l’échelle au sommet de laquelle sont placés les pègres de la haute. »
Ces deux pégriots ne sortaient point du pavé ; ils y étaient tombés de plus haut et des vestiges de leur éducation ancienne leur donnaient une physionomie spéciale dans cette populace.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Pègriot
Vidocq, 1837 : s. m. — Le Pègriot occupe les derniers degrés de l’échelle au sommet de laquelle le Pègre de la Haute est placé ; le besoin conduisait la main du Pègriot lorsqu’il commit son premier vol, et peut-être que si quelqu’un voulait bien lui donner du pain en échange de son travail, il abandonnerait le métier qu’il exerce ; aussi le Pègriot, est timide ; et ce n’est que lorsqu’il est poussé dans ses derniers retranchemens qu’il se hasarde à tirer ; de la poche de celui qui se trouve à sa portée, un foulard que l’Ogresse lui paiera le quart de sa valeur. Le Pègriot est toujours sale et mal vêtu ; il ne déjeune jamais et ne dîne pas tous les jours ; lorsqu’il a quelques sous il va prendre gite dans un des hôtels à la nuit de la Cité ; lorsque son gousset est vide il se promène toute la nuit, si la première patrouille qu’il rencontre ne le mène pas au corps-de-garde, qu’il ne quittera que pour aller chez un commissaire de police qui l’enverra à la préfecture.
Il est rare que le Pègriot soit admis parmi les membres de la Haute Pègre ; ces Messieurs n’admettent pas parmi eux tous ceux qui se présentent, ils semblent avoir adopté ces deux vers pour devise :
Nos pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour des coups d’essai veulent des coups de maître.
Le Pègriot finit comme il a vécu, misérablement.
Pégriot (brûler le)
La Rue, 1894 : Effacer les traces d’un vol.
France, 1907 : Faire disparaître toute trace de vol ou de crime.
Peigne
d’Hautel, 1808 : Se donner un coup de peigne. Pour dire, se battre ; vider une querelle, un différend à coups de poing.
Sale comme un peigne. C’est-à-dire, au-delà de toute expression.
Vidocq, 1837 : s. f. — Clé.
Delvau, 1866 : s. m. Clé, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Clé. De même que le peigne débrouille les cheveux, la clé débrouille la serrure.
La Rue, 1894 : Clé.
France, 1907 : Clé ; argot des voleurs, qui disent aussi pigne. « Faire le pique », prendre Ja fuite
Peigné
d’Hautel, 1808 : Un mal peigné. Un homme mal vêtu, malpropre, dont l’habillement est dans un grand désordre, ce qui dénote fort souvent un vaurien.
Peigne à marteau
Clémens, 1840 : Mauvais, ou petit voleur.
Peigne d’Allemand
France, 1907 : Les doigts. Vieille expression que l’on trouve dans Rabelais :
Après se peignoit du peigne de Almaing, c’estoit des quatre doigts et le poulce.
Peigne de Vénus
France, 1907 : Espèce de chicorée que l’on mange en salade, ou cuite au beurre ; en terme de botanique, scandix pecten.
Peigne des Allemands
Delvau, 1866 : s. m. Les cinq doigts.
Peigne-cul
Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, traîne-braies, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Mal appris, grossier.
Virmaître, 1894 : Homme vil, bas, flatteur. Mot à mot : homme de rien. Terme de profond mépris, en usage dans les ateliers, pour qualifier un ouvrier qui donne toujours raison au patron (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Voyez fleure-fesses.
France, 1907 : Individu méprisable ; fainéant, lâche flatteur.
Peignée
d’Hautel, 1808 : Pour batterie, dispute, rixe, querelle où l’on en vient aux coups.
Ils se sont donnés une bonne peignée. Pour, ils se sont battus ; ils se sont arrangés comme il faut.
Delvau, 1866 : s. f. Coups échangés, — dans l’argot des faubouriens, qui se prennent souvent aux cheveux. On dit aussi Coup de peigne. Se foutre une peignée. Se battre.
Rigaud, 1881 : Scène de pugilat entre dames. La peignée a pour synonyme le crêpage de chignons.
France, 1907 : Coups. Recevoir une peignée, être battu.
Mais enfin ils s’accordaient, et ne se fichaient guère de peignées qu’une ou deux fois l’an, aux lundis consacrés fêtes par une loi nouvelle, ce qui est vraiment si peu de chose que cela ne vaut pas la peine d’en parler.
(Marc Anfossi)
Peignée, coup de peigne
Larchey, 1865 : Lutte dans laquelle on s’empoigne aux cheveux, et, par extension, combat.
Les enfants des sans-culottes qui vont se f… un coup de peigne avec les brigands de la Vendée.
(1793, Hébert)
Là-dessus, elles commencent à se repasser une peignée des mieux administrées, criant, jurant, se rossant comme deux enragées.
(Vidal, 1833)
Peigner
d’Hautel, 1808 : Se peigner. Pour dire se battre se prendre aux cheveux.
Peigner quelqu’un à la turque. Le maltraiter, le rosser, lui donner la bastonnade.
Peigner (avoir d’autres chiens à)
France, 1907 : Avoir de plus importantes affaires ; synonyme d’« avoir d’autres chats à fouetter ».
— Vous comprenez, Mame Pivoine, que j’ai d’autres chiens à peigner qu’à passer mon temps à reluquer les dessous de votre demoiselle.
(Les Joyeusetés du régiment)
Peigner (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre. C’est le verbe to pheese des Anglais. On dit aussi Se repasser une peignée.
Rigaud, 1881 : Se battre. Ici les poings font l’office de peigne et démêlent le différend.
La Rue, 1894 : Se battre.
Peigner un diable qui n’a pas de cheveux
Virmaître, 1894 : Réponse d’un débiteur malheureux à un créancier obstiné (Argot du peuple).
Peignes retroussés
France, 1907 : Sobriquet donné à la jeunesse dorée du Directoire. Voir Oreilles de chien.
Peinard
Delvau, 1866 : s. m. Vieillard ; homme souffreteux, usé par l’âge ou les chagrins, — dans l’argot du peuple.
Rossignol, 1901 : Prudent, malin.
France, 1907 : Vieillard misérable on souffreteux ; argot populaire.
Peinard (en)
Hayard, 1907 : Doucement.
Peindre en pleine pâte
Delvau, 1866 : v. a. Peindre à pleines couleurs, — dans l’argot des artistes.
Peine
d’Hautel, 1808 : Il a perdu son temps, aussi sa peine. Pour, il a travaillé inutilement, il a pris des soins inutiles.
Peine de vilain n’est comptée pour rien. Signifie qu’on fait peu d’attention à la peine d’un artisan, tandis qu’au contraire on exalte le plus petit travail, les moindres fatigues, ou démarches d’un homme de qualité.
Elle en vaut bien la peine. Pour dire que quel qu’un mérite les égards, le respect qu’on a pour sa personne. Se dit aussi d’une femme jolie à qui l’on fait la cour.
Ce n’est pas la peine d’en parler. Se dit finement pour exagérer un service, tout en feignant de vouloir en diminuer le prix.
À grand peine. Pour dire aisément, facilement.
Homme de peine. Nom que l’on donne communément à un portefaix, à un crocheteur, et à tout homme dont l’industrie consiste dans la force physique.
Peine (à chaque jour suffit sa)
France, 1907 : Se contenter de ses fatigues et chagrins journaliers, sans se préoccuper ou s’affliger d’avance de ceux qui pourront arriver dans la suite. Ce proverbe se trouve au chapitre VI de l’Évangile selon saint Matthieu : « Ne soyez pas en souci pour le lendemain ; car le lendemain aura soin de ce qui le regarde. À chaque jour suffit sa peine. »
Peine (en sentir à la)
France, 1907 : « Être à portée de faire une chose, en avoir la possibilité, ne pas rencontrer trop d’empêchement à la faire : « Je ferai cette chose, j’irai voir telle personne, je ferai telle chose dans un mois, si j’en sens à la peine. » S’applique à toute action, qu’elle soit avantageuse ou non, agréable on fâcheuse. La teinte mélancolique dont cette locution est empreinte semble se rapporter au sentiment des chances de la vie humaine. »
(Comte Jaubert, Glossaire du Centre)
Peine (faire de la)
France, 1907 : Expression euphémique employée dans le centre de la France pour : mettre une fille dans l’embarras, c’est-à-dire lui faire un enfant
Peine-à-rire
France, 1907 : Maussade, grognon, grincheux. On dit aussi rit-tard.
Peiner
Rigaud, 1881 : Travailler beaucoup, se donner beaucoup de mal à l’ouvrage ; avoir beaucoup de peine, beaucoup d’ennui.
Peintre
Larchey, 1865 : Balayeur. V. Pinceau.
Delvau, 1866 : s. m. Balayeur, — dans l’argot des troupiers.
France, 1907 : Balayeur. Il manie le balai, en argot : pinceau.
Peinture
d’Hautel, 1808 : En peinture. Expression comique passée parmi le peuple, qui s’en sert à tort et à travers.
Il est, brave, mais c’est en peinture. Se dit d’un hâbleur, d’un fanfaron qui recule au champ d’honneur.
Il est riche, mais c’est en peinture. Se dit d’un olibrius, d’un gascon qui vante sans cesse ses biens et ses terres, et qui a à peine de quoi dîner.
On dit aussi d’un homme qui n’a pas quitté le clocher de son village, et qui parle continuellement de pays qu’il n’a point vus, il a voyagé, mais c’est en peinture ; etc, etc, etc.
Peinture (ne pouvoir voir en)
Larchey, 1865 : Détester quelqu’un au point de ne pouvoir souffrir son image.
Peintureur
d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un peintre au balai, à un barbouilleur.
Peinturlure
Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise peinture, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Mauvais tableau.
Peinturlurer
Delvau, 1866 : v. a. et n. Barbouiller une toile sous prétexte de peindre.
France, 1907 : Barbouiller, peindre médiocrement ou mal.
Et que Bouguereau, ce grand homme,
Peinturlure, comme en se jouant,
Des chromos pour sucres de pomme
Qu’on trouve au buffet de Rouen ?
(Jacques Rédelsperger, Nos ingénues au Salon)
Peinturlurer (se)
Delvau, 1866 : Se maquiller.
Peinturlureur
Larchey, 1865 : Mauvais peintre. — On emploie le verbe Peinturlurer.
Delvau, 1866 : s. m. Barbouilleur, mauvais peintre.
France, 1907 : Mauvais peintre. « La plupart des peintres soi-disant indépendants ne sont que des peinturlureurs. »
Peinturomanie
France, 1907 : Manie des tableaux.
Peket
France, 1907 : Eau-de-vie de genièvre dans les Ardennes.
À son deuxième verre de peket, la mazette se trouva grise. C’est alors qu’elle en raconta de toutes les couleurs. La grosse cantinière, qui n’avait jamais vu sa fille en cet état et jamais soupçonné qu’elle en savait si long, en restait toute ébaubie, ouvrant des yeux comme des ronds de soucoupe.
(Les Joyeusetés du régiment)
Pékin
Larchey, 1865 : « On nomme Pékin tout ce qui n’est pas militaire, comme nous appelons militaire tout ce qui n’est pas civil. » — Talleyrand.
De vieux dialogues militaires des règnes de Henri III et Henri IV emploient souvent le mot piquini ou péquin pour désigner les adversaires en religion. Ainsi, dans un de ces dialogues, nous voyons un papiste traiter Coligny de pékin ; un autre est intitulé les Pékins de Montauban.
(Ambert, Constitutionnel du 25 juin 1854)
Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des troupiers, qui ont le plus profond mépris pour tout ce qui ne porte pas l’uniforme. On écrit aussi Péquin.
Rigaud, 1881 : Sujet de la cour des Miracles qui faisait partie de l’armée des croisés, au XIIe siècle. (Hist. de la prostitution, par Pierre Dufour)
Merlin, 1888 : Civil, bourgeois.
Pékin de bahut
Rigaud, 1881 : Élève de Saint-Cyr qui a fini ses études. Il est affranchi de l’école, du bahut.
France, 1907 : Sobriquet donné par les saint-cyriens aux candidats admis à l’École militaire. Tous les ans, à l’époque des examens, les cornichons ou candidats à Saint-Cyr font un monôme partant de la place du Panthéon et chantent le Pékin de bahut, dont voici l’un des couplets :
Vous qui, dans l’espoir de Saint-Cyr,
Pâlissez sur vos noirs bouquins,
Puissiez-vous ne jamais réussir :
C’est le vœu de vos grands anciens.
Si vous connaissiez les horreurs
De la « pompe » et du « bataillon »,
Vous préféreriez les douceurs
De la vie que les fumist’ ont !!!
Oh ! Pékin de bahut,
Viens, nous t’attendons tous ;
Nous leur ferons tant de chahut
Qu’à la Pompe, ils en seront fous (bis).
Pékin, péquin
Rigaud, 1881 : Bourgeois, tout individu qui ne porte pas l’uniforme militaire, — dans le jargon des troupiers. Mot à mot : habitant de Pékin, Chinois, pour exprimer et la distance qui sépare le civil du militaire et le peu de cas qu’on fait du bourgeois au régiment.
Les pékins et les militaires,
Toujours courant, toujours dehors,
Vont et viennent, fiévreuse foule
Comme une frémissante houle.
(A. Pommier, Paris)
France, 1907 : Sobriquet que les militaires donnent aux civils. Depuis l’obligation pour tous du service militaire, ce mot est beaucoup moins en usage qu’autrefois. L’orthographe diffère suivant l’origine qu’on lui donne et en cela les étymologistes ne sont nullement d’accord. Littré était d’abord disposé à ne voir dans pékin que l’étoffe de ce nom que, sous le premier empire, les civils portaient en pantalon comme les militaires le nankin. On distinguait de la sorte à première vue, dit-il, le militaire de celui qui ne l’était pas. Mais, d’après le supplément de son Dictionnaire, pékin daterait de la fête de la Fédération. « À cette fête il y avait des délégués militaires et des délégués des cantons ; la plaisanterie vit dans les cantons la ville de la Chine, et y substitua le nom de la capitale, Pékin. »
Ampère, de son côté, pense que ce mot vient du latin paganus, paysan, villageois, par opposition à soldat ; d’autres lui donnent pour origine l’espagnol pequeno, petit ; d’autres encore en font une altération des vieilles expressions injurieuses piquechien et pissechien. « à moins, dit Charles Royan dans ses Petites Ignorances de la conversation, qu’il ne soit tout simplement une façon de dire chinois, mot qui se prend vulgairement dans un sens dédaigneux et burlesque ».
Mais, ajoute-t-il, mous inclinons à penser que péquin, usité surtout dans l’armée, a pris naissance au milieu des soldats, et c’est pourquoi nous adoptons plus volontiers l’explication du colonel Aubert : « Le père Daniel, dans son Histoire de la milice française, parle des piquenaires, sorte de soldats à pied, qu’il ne faut pas confondre avec les piquichinis, mauvais soldats, sorte de valets d’armée, fort nombreux dans les armées de Charles VI. Les piquichinis ou piquinis, d’origine italienne, méprisés des véritables soldats, firent tant par la maraude que leur nom devint un terme de mépris dans les armées. De vieux dialogues militaires des règnes de Henri III et Henri IV emploient souvent le mot piquini ou péquin pour désigner les adversaires en religion. Ainsi, dans un de ces dialogues, nous voyons un papiste traiter Coligny de pékin ; un autre dialogue est intitulé les pékins de Montauban. »
Élisée Reclus, de son côté, donne une autre explication qu’il a trouvée dans les ouvrages du docteur Louis-Joseph Janvier :
Les Pauvres Haïtiens étaient toujours prêts à se soulever, dans l’espérance constamment déçue d’arriver enfin à cette possession du sol qui pouvait les rendre libres. Haïti eut ses guerres de paysans ou de piquets. Telle serait aussi en France l’origine du mot péquin, changé en pékin, qu’emploient les soldats de métier pour qualifier les civils ou militaires d’occasion, c’est-à-dire des gens simplement munis de pèques ou piques, armes impuissantes contre les fusils et les canons.
Après l’expédition de Chine, le général de Montauban, averti que Napoléon III désirait lui accorder un titre rappelant ses victoires, avait une peur atroce que l’empereur ne le fit duc de Pékin. « Duc de Pékin, disait-il, cela sonnerait bien mal pour un militaire. » On sait qu’il fut fait comte de Palikao.
En vain l’on veut rester pékin,
Quand on a-z-eu la chance
De s’fourrer dans le creux d’la main
Un numéro de partance.
Le sac sur le dos,
En bott’s ou sabots,
N’y a qu’un parti-z-à prendre ;
La loi vous le dit :
En route, conscrit !
Au corps il faut se rendre.
Disons, pour terminer, que dans le patois des Pyrénées, pec, peguin signifient niais, imbécile, idiot. Ne faudrait-il pas aller là pour trouver l’étymologie de pekin ?
Pélago
Vidocq, 1837 : s. f. — Sainte-Pélagie. Prison du département de la Seine.
Delvau, 1866 : n. de l. La prison de Sainte-Pélagie, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Prison de Sainte-Pélagie, la patronne des journalistes. Les journalistes, qui subissent une condamnation pour délit de presse, sont pensionnaires de Sainte-Pélagie. Mais, il faut tout dire, ils sont séparés des malfaiteurs.
La Rue, 1894 : La prison de Sainte-Pélagie.
Virmaître, 1894 : La prison de Sainte-Pélagie. Cette expression est une défiguration du mot Pélagie par l’emploi du suffixe go. Ce fait se produit souvent en argot (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Prison de Sainte-Pélagie, démolie en l’année 1899.
Hayard, 1907 : Sainte-Pélagie.
France, 1907 : Prison de Sainte-Pélagie.
Si vous l’appelez sergot,
Il vous promet Pélagot
Et vous administre un’ pile,
L’sergent d’ville ;
Après, chez l’quart, l’air bravache,
Il va prétendre en rageant
Que vous l’avez traité d’vache,
Le parfait agent (bis).
(É. Blédort)
Pelard
M.D., 1844 : Du foin.
Delvau, 1866 : s. m. Foin, — dans le même argot [des voleurs].
La Rue, 1894 : Foin.
France, 1907 : Foin ; argot des voleurs. Diminutif du vieux français pel, poil, d’où l’on a fait pelouse, pelletier.
France, 1907 : Métier qui consiste à arracher l’écorce des chênes pour les mégissiers.
— Qu’est-ce que c’est que ça, le pelard ?
— Comment ! tu ne sais pas ? En voilà un métier facile et pas éreintant ! Il s’agit simplement d’arracher l’écorce des chênes pour les mégsissiers. On gagne trente sous du mètre cube, et l’on peut facilement compter sur son mètre par journée. Veux-tu que je te fasse engager par l’entrepreneur ?
— J’te crois que je l’veux ! s’écria Gilbert enchanté.
Et, deux jours après, dans les grands bois pleins de bruyères roses et de mûres sanglantes, Gilbert exerçait son nouvel état et travaillait au pelard.
(William Busnach, Le Petit Gosse)
Pelarde
Delvau, 1866 : s. f. Faulx.
France, 1907 : Faux. Elle pèle la toison des prés.
Pelaud
France, 1907 : Sou, corruption populaire de palet.
— Si tu fais ce coup-là, j’arrose de deux litres de marc ! — Ça y est ; fais voir tes pelauds.
(Georges Courteline)
Pelé
d’Hautel, 1808 : Qui n’a point de cheveux. Il y avoit trois pelés et un tondu. Se dit par dérision d’une compagnie peu nombreuse, d’une cérémonie, d’une fête où il n’y avoit presque personne.
C’est un pelé qui se moque d’un tondu. Se dit d’un homme qui a les mêmes défauts que celui dont il veut se moquer.
Delvau, 1866 : s. m. Sentier battu.
Rigaud, 1881 : Grande route. Elle est aussi chauve qu’une demi-douzaine d’Académiciens.
La Rue, 1894 : Grand chemin, route.
France, 1907 : Route, sentier. « Arpenter le pelé. » Argot des voleurs.
Pèle une figue à ton ami et une péche à ton ennemi
France, 1907 : Ce conseil assez canaille vient de la croyance erronée que l’enveloppe de la figue est un poison et que la pêche est un fruit malsain dont le contrepoison serait la pelure. Cette croyance est partagée par les Italiens, qui se servent du même dicton : All’ amico si pela il fico, al nemico il persico. Aussi, à la personne qu’on estime, dit le Dr Silva, et même dans les grands repas italiens, la maîtresse de maison offre-t-elle parois une figue dépouillée de son enveloppe.
Pélerin
d’Hautel, 1808 : Pour, fourbe, hypocrite, qui fait le bon apôtre.
Vous ne connoissez pas le pélerin. Se dit en mauvaise part ; pour, vous ne connoissez pas l’homme.
Rouge au soir, blanc au matin, c’est la journée du pélerin. Signifie, qu’il faut boire du vin blanc le matin, et du rouge le soir ; et dans un autre sens que ces deux couleurs de l’horizon, dénotent que le jour qui commence sera beau.
France, 1907 : Individu quelconque. Ce mot est employé généralement en mauvaise part : « Je connais le pèlerin », dit-on d’une personne dont on a eu à se plaindre.
À son avidité naturelle, il joignait le plus insupportable des vices que donne la civilisation : le drôle était économiste. Il me fit un sermon en trois points pour me démontrer que bien vivre et à bon marché était la misère des peuples sans commerce et sans industrie, tandis que la cherté est la marque de la civilisation la plus avancée… Discuter avec ces fanatiques, qui n’ont qu’une idée, le ciel m’en garde. Je connais ces pèlerins. La France, ses arsenaux, sa marine, ses armées, sa gloire, ses droits, ils livreraient tout au Grand Turc, s’il leur promettait en échange la liberté… de la boucherie.
(René Lefebvre, Paris en Amérique)
C’était chose ordinaire de trouver quatre ou cinq pendus se balancer au vent du matin, à Denver particulièrement, surtout sur le pont du Cherry, jeté sur la crique de ce nom. On faisait monter le pèlerin sur le parapet auquel on avait attaché une corde, et un nœud coulant au cou, il sautait, bon gré mal gré, dans l’éternité.
(Hector France, Chez les Indiens)
Pèlerin
Rigaud, 1881 : Individu dont on ignore le nom, particulier, le premier venu. — Quel est ce pèlerin-là ?
Fustier, 1889 : Gardien de la paix. Argot du peuple. Allusion aux pèlerines en caoutchouc que les gardiens portent depuis l’année dernière.
Pèlerin de grande vergue
France, 1907 : Voleur de grand chemin.
Pèleriner
Rigaud, 1881 : Faire un pèlerinage.
Sans le 4 septembre, les pèlerins ne pèlerineraient pas, n’auraient jamais songé à la possibilité de pèleriner.
(G. Guillemot, Le Mot d’ordre, du 5 septembre 1877)
Pelés et un tondu (trois)
Rigaud, 1881 : Société peu nombreuse. Très peu de monde dans une réunion, dans une soirée, dans une salle de spectacle, à une solennité quelconque.
Les trois pelés et un tondu qui ont manifesté ces jours-ci sur la place de la Bastille.
(Le Triboulet, du 6 juin 1880)
Pelet
France, 1907 : Pellicule, peu de chose, un rien. Vieux mot.
Pélican
La Rue, 1894 : Paysan.
France, 1907 : Chef de salle ; argot de l’École polytechnique.
France, 1907 : Paysan ; argot des voleurs.
Pelisson
France, 1907 : Même sens que pelisse. On écrivait autrefois peliçon : « Le gros du ciel emporte le large du peliçon. » (Proverbes ruraux)
Pellard
anon., 1827 : Du foin.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Foin.
Vidocq, 1837 : s. m. — Foin.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Du foin.
Larchey, 1865 : Foin (Vidocq). — Diminutif du vieux mot pel : poil. L’herbe est le poil de la terre. On dit pelouse.
Rigaud, 1881 : Foin, — dans le jargon des voleurs.
Pelle
d’Hautel, 1808 : C’est la pelle qui se moque du fourgon. Se dit d’un homme qui reprend dans les autres les défauts dont il est personnellement entaché.
Vidocq, 1837 : s. m. — Chemin.
(Villon)
Larchey, 1865 : Chemin (Id.). — Pelle au cul (Recevoir la) : Être mis violemment à la porte.
Mon rival, J’en suis convaincu, Va recevoir la pelle au cu.
(De Longchamps, 1809)
France, 1907 : Chemin ; argot des voleurs ; variante de pelé.
France, 1907 : Prostituée élégamment mise qui racole dans les cafés à la mode et sur les grands boulevards.
C’est nous les malins,
Les joyeux malins,
Qui ne savons ce qu’on appelle
Une pelle…
C’est nous les malins, les joyeux malins,
Posant pour le torse et des mollets pleins.
Pelle (ramasser une)
Merlin, 1888 : Faire un impair.
Rossignol, 1901 : Faire une chute, tomber. Ce mot veut aussi dire ne pas réussir une entreprise, une chose, y perdre de l’argent.
France, 1907 : Tomber, faire une chute, mais plus particulièrement pour le cas où le corps est projeté obliquement sur le sol, comme si l’on voulait s’y enfoncer, les bras en avant, et en soulever une partie, en somme, faire œuvre de pelle. « Et de même que, dit M. T. Pavot dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, dans : boire un verre de vin, verre est mis pour verrée, le contenant pour le contenu, de même aussi ramasser une pelle devra s’entendre, non de l’outil lui-même, mais de la pelletée. Bien des gens en effet, par vice de langage, emploient un mot pour l’autre, disant : une pelle de terre, une pelle de charbon. »
Toto n’a aucun soin de ses affaires. Il a égaré les objets qui lui servaient à confectionner des pâtés de sable, et il demande au cousin de sa maman, qui revient, en boitant, d’une excursion à bicyclette :
— Tu n’as pas trouvé, par hasard, ma pelle et mon seau ?
— Je n’ai pas vu de seau, répond le cousin, l’oreille basse, mais je suis sûr d’avoir ramassé une pelle.
(Le Journal)
Pelle se moque du fourgon (la)
France, 1907 : On se moque de ses propres défauts quand on les voit chez les autres ; la vieille histoire évangélique de la poutre et de la paille. On dit aussi : L’hôpital se moque de la charité. Les filous se traitent entre eux de sales voleurs et quans les noirs se querellent, ils ne manquent pas de s’appeler vilains nègres. Ce dicton est commun à toutes les nations.
Les Anglais disent : The pot calls the kettle black bottom. (Le pot appelle la bouilloire cul noir.)
Les Italiens : La padella dice al pajaolo : Fatti in la che tu mitigni. (La casserole dit au pot : Éloigne-toi, tu vas me salir.)
Les Espagnols : Dijo la corneja al cuervo : Quitate alla, negro ! (La corneille dit au corbeau : Va-t’en, moricaud !)
Les Allemands : Ein Esel schimpft den andern, Langohr. (Un âne surnomme l’autre : Longues oreilles.)
Les Arabes, fertiles en paraboles, ont exprimé la même pensée : « Une prostituée que ses voisines empêchaient de dormir cria une nuit : Où donc est la police qu’elle ne mous débarrasse pas des filles de mauvaise vie ? » On dit encore chez nous : Le four appelle Le moulin, brûlé ; — Les morveux veulent toujours moucher les autres ; — Tous les chassieux prétendent être oculistes.
Ne vit-en pas la horde des politiciens, les poches pleines de l’argent volé dans les tripotages du Panama, reprocher au général Boulanger ses cigares et le traiter de voleur !
Pelle-au-cul (recevoir la)
France, 1907 : Être ignominieusement chassé ; argot populaire.
Peller (se)
Rossignol, 1901 : Tomber.
Pelletas
France, 1907 : Pauvre diable ; argot populaire.
Pour huit mois de grande pêche
Passé février ;
Laissant là charrue et bêche
Sans se faire prier ;
À bord d’une goélette
Ou d’un grand transport,
Quand fleurit la violette,
Joyeux je quittons le port,
Oui, nous sommes les pell’tas,
Les pell’tas, fils de pell’tas,
Oui, nous sommes les pell’tas
Qui n’ont pas peur de couler en tas.
(Jules Heurtel)
Pélo
Rigaud, 1881 : Sou, — dans le jargon des ouvriers.
Virmaître, 1894 : Sou.
— Je suis dans une dèche carabinée, depuis une semaine je n’ai pas touché un pélo (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Sou.
Pelochon
France, 1907 : Traversin ; argot populaire. « Se flanquer un coup de pelochon », dormir.
Pelot
France, 1907 : Paletot. En patois béarnais, pelot, diminutif de pele, est un vêtement léger ou en mauvais état.
— Eh bien ! frangin, il s’agit de travailler dans les pelots… retiens ton battant et suis bien la losèchem… nous ralégons (entrons) dans un laféquem, un beau cafmar, car nous ne la relevons que dans le riche (nous ne cherchons que dans les endroits élégants)… faut conobler la manière de s’en servir… J’ai un lardussépem (pardessus)… j’entre le premier, je l’accroche à une patère où il y a déjà un beau pelot… je m’assieds et je commande une consommation, je prends un faffe (journal) et je lis… Tu entres, tu t’assois loin de moi, tu siffles un bock, tu aboules ta monnaie, puis, pendant que le garçon a le dos tourné, moi je casse un verre : tout le monde se retourne… vite tu décroches le pardessus que tu as remarqué, le plus cossu n’est pas toujours le plus rupin, il faut grincher celui où il y aurait des papiers, un portefeuille, des objets bourrant les poches… tu files à la douce pendant que tout le monde regarde de mon côté, tu portes le pelot sur ton bras… et l’affaire est gerbée…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Pélot
France, 1907 : Sou. Voir Pelaud.
Ça l’a mis quasiment à sec ; comme il n’avait pas l’œil chez un bistrot, il s’est trouvé fauché, vanné en un rien de temps : plus un pélot en poche !…
(Le Père Peinard)
Vrai… y a des mois qu’on n’a pas d’veine ;
Quand j’dis des mois, j’sais pas c’que j’dis :
J’m’ai toujours connu dans la peine,
Sans un pélot, sans un radis…
Ça s’rait pas trop tôt que j’boulotte,
J’vas tomber malade à la fin ;
I’fait chaud et pourtant j’grelotte…
C’est-i’ la fièvre ou ben la faim ?
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Pelot, pépète
La Rue, 1894 : Pièce d’un sou.
Pelotage
Rigaud, 1881 : Flatterie. — Lascif égarement des mains. « À bas les pattes, pas de pelotage, ça porte malheur ! » ont l’habitude de dire les demoiselles qui n’ont pas celle de se laisser séduire par de belles paroles.
France, 1907 : Action de tâter, de caresser les rondeurs d’une fille où d’une femme. « Il y a du pelolage », se dit d’une personne dodue.
Les pelolages de la Russie ont fini de nous abrutir : l’Orient a déteint sur nos tronches ! Or, comme dans les patelins asiatiques la vie humaine ne pèse pas plus qu’un grain de sable et qu’en fait de liberté y à peau de zébi, on s’accoutume à chérir l’esclavage et à considérer notre carcasse comme étant un ustensile dont les puissances usent et abusent.
(Le Père Peinard)
Pelotage (avoir du)
France, 1907 : Avoir des formes rebondies.
Pelote
d’Hautel, 1808 : Elle a fait sa pelote. Se dit en mauvaise part d’une personne qui s’est enrichie d’une manière illicite ; et familièrement d’un homme qui à force d’économie, est parvenu à se composer une petite fortune.
Delvau, 1866 : s. f. Gain plus ou moins licite, — dans l’argot du peuple. Faire sa pelote. Amasser de l’argent.
Rigaud, 1881 : Bourse, — dans l’ancien argot. — Économies. Faire sa pelote, mettre de l’argent de côté.
France, 1907 : Bourse. Au pluriel, ce sont les seins d’une femme.
Il la prit sur ses genoux et passant doucement la main sur ses seins, il lui dit : — Oh ! les bonnes petites pelotes !
(Les Propos du Commandeur)
Pelote (faire sa)
Larchey, 1865 : Arrondir sa bourse.
J’fais, comme on dit, ma p’tite p’lote Tout en élevant mes bambins.
(Dalès, Chansons)
Pelote (vol à la)
France, 1907 : Vol commis sur les petites filles. Le voleur les attire par des caresses, les pelote, et leur enlève leurs bijoux.
Peloter
d’Hautel, 1808 : Peloter en attendant partie. S’amuser, s’essayer à quelque chose, que l’on doit par la suite embrasser sérieusement.
Se peloter. Pour dire, se battre, se prendre aux cheveux.
Larchey, 1865 : Caresser des charmes arrondis en pelote. — Pelotteur : Flatteur.
Se montrer rampant, pelotteur et bêta.
(Wado, Chansons)
Delvau, 1866 : v. a. Manquer de respect à une femme honnête en se livrant de la main, sur sa personne, aux mêmes investigations que Tartufe sur la personne d’Elmire. Par extension, Amadouer par promesses quelqu’un dont on attend quelque chose.
Rigaud, 1881 : C’est l’équivalent de patiner, mais avec plus de délicatesse de touche. — Flatter quelqu’un pour obtenir un service. — Peloter le carton, peloter la dame de pique, jouer aux cartes. — Peloter le carme, faire les yeux doux aux sébiles des changeurs, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Flatter. Courtiser une femme avec la main.
France, 1907 : Flatter, flagorner.
Il ne blaguait plus le sergent de ville en l’appelant Badingue, allait jusqu’à lui concéder que l’empereur était un bon garçon… C’était visible, il le pelotait.
(Émile Zola, L’Assommoir)
France, 1907 : Palper, caresser les formes d’une femme.
— Laissez-moi vous caresser, vous aimer, vous dorloter, vous peloter, petite Vanina !
— Ici ?
— Oui, ici. Tandis que le peuple chante, danse, rit ; tandis qu’il est tout à la joie, au son des marches guerrières, enfilons la cadence d’amour. Nos soupirs battront la mesure…
(Fin de Siècle)
Albertine, qui savait ce que peloter veut dire, ne se scandalisait pas pour si peu. En gloussant de plaisir comme une poule, elle ne trouva que cette protestation assez vague : — Vous me chatouillez.
(Jean Deslilas, Fin de Siècle)
Au flambe il faut voir la bergère
Sans lui peloter le derrière.
Ce distique, tiré de Pigeons et Vautours d’Hogier-Grison, ne renferme aucune idée indécente, il signifie simplement en argot des grecs :
Au jeu il faut voir la dernière carte
Sans être obligé de la toucher.
Peloter (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se disputer et même se battre, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Peloter avec quelqu’un.
Peloter le carme
Virmaître, 1894 : On sait que les changeurs, pour attirer les regards, placent dans leurs vitrines des sébiles remplies d’or ; les pauvres diables s’arrêtent a contempler ces richesses comme le savoyard mange son pain à l’odeur des cuisines du Café Anglais. Ils pelotent le carme… moralement (Argot du peuple).
France, 1907 : Contempler d’un œil avide l’or et les billets de banque que les changeurs étalent dans leur vitrine à la convoitise des passants.
Peloter les couilles d’un homme
Delvau, 1864 : Lui passer une main vive et légère — un souffle ! — sur les testicules, afin de provoquer l’érection de son membre et par conséquent la jouissance.
La femme d’une main lui pelote la couille ;
L’autre, dans mille endroits en tous sens le chatouille.
(Louis Protat)
Peloter sa bûche
Delvau, 1866 : v. a. Travailler avec soin, avec goût, avec amour du métier. Argot des tailleurs.
France, 1907 : Travailler avec goût, avec amour du métier ; du verbe argotique bûcher.
Peloteur
Delvau, 1866 : adj. et s. Homme oui aime à flatter les femmes — de la main.
Rigaud, 1881 : Bas flatteur qui cherche à obtenir quelque chose. — Ouvrier qui fait le bon apôtre auprès du patron, qui le flatte et l’encense à tout propos.
Rigaud, 1881 : Libertin qui, à l’exemple de Tartuffe, se livre sur la première Elmire venue à des effets de main. Le peloteur est au patineur ce que le peintre qui peint à petits pinceaux est à celui qui peint en pleine pâte.
France, 1907 : Amateur des belles formes, qui aime à des caresser, à les sentir sous sa main ; se dit aussi d’un flatteur, d’un flagorneur, en un autre terme argotique, d’un lèche-cul.
Peloton
d’Hautel, 1808 : C’est un vrai peloton de graisse. Se dit d’un enfant de bel embonpoint, frais et vermeil.
Peloton de chasse
Rigaud, 1881 : Peloton de punition. (L. Larchey)
Merlin, 1888 : Peloton de punition, le bal.
France, 1907 : Exercice supplémentaire imposé aux hommes punis ; argot militaire.
Deux ou trois fois par jour, le trompette de garde sonnait au pélolenr de chinsse : Sur quoi les hommes punis se hâtaient de se mettre en tenue, pantalon de cheval et dolman, et de prendre leur mousqueton au râtelier. Flick, dans la cour, les attendait. Il les faisait placer en file, le nez au mur, et leur faisait exécuter une heure et demie de maniement d’armes en décomposant chaque mouvement.
(Georges Courteline, Les Gaietés de l’escadron)
Adieu l’clou, la sall’ de police ;
La grand’ boîte, le lazaaro
Où l’adjudant (qu’Dieu le bénisse !…)
Se faisait, hélas ! mon bourreau ;
Je dis zut au p’loton de chasse,
Mon cauchemar, mon désespoir,
V’là que nous sommes de la classe
Et que la classe part ce soir !…
(Chanson de régiment)
On dit aussi pelote : « Faire la pelote. »
Pelou
France, 1907 : Épluchure.
Pelouet
Halbert, 1849 : Loup.
France, 1907 : Loup ; argot des voleurs ; formé de velu, poilu.
Pelure
Vidocq, 1837 : s. f. — Redingotte.
un détenu, 1846 : Redingotte.
Larchey, 1865 : Vêtement. — C’est en effet une pelure pour le corps. V. Épates.
Delvau, 1866 : s. f. Habit ou redingote, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Habit, redingote, paletot. — Pelure d’oignon, vêtement très léger, vêtement très usé.
La Rue, 1894 : Habit.
Virmaître, 1894 : Paletot ou veston.
— J’enquille ma pelure à manger le rôti (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Vêtement que l’on a sur soi.
Hayard, 1907 : Paletot.
France, 1907 : Habit, vêtement, paletot. « Enquiller sa pelure. » À noter qu’en vieux français un habit fourré s’appelait pelé.
En un tour de main, vous auront forcé d’essayer un habillement complet, du galurin aux ripatons, en passant par le culbutant, qui est le pantalon, et par la limace qui est la chemise. Puis après que vous leur aurez payé quinze francs une pelure ou paletot qu’elles vous faisaient cent cinquante…
(Paul Mahalin)
I’s sont frusqués avec des p’lures
Qu’on leur-z’y fait esprès pour eux,
L’hiver, ils s’coll’nt dans les fourrures…
Dame ! y a pas qu’nous qu’est des frileux…
(Aristide Bruant)
France, 1907 : Objet de nulle valeur, comme la pelure d’un fruit.
Ce qui est chic, pas ordinaire, épatant, c’est d’avoir ça au veston à vingt ans au plus, quand on a encore l’air d’un gamin et qu’on n’a pas de poil. Alors les passants sont embrochés, les vieux généraux qu’on croise vous reluquent avec des prunelles de conseil de guerre, les femmes vous rient des yeux et de la bouche, tout le monde pense : « Vous avez vu ce gringalet, qui est décoré ? C’est à crever de rire ! Qui c’est-il ? Qu’est- ce qu’il a fait ? Il a pour le moins arrêté un train express ? ou sauvé la Banque de France ? » Enfin, on ne passe pas inaperçu, on goûte la gloire. Comme ça, la Légion d’honneur, oui, ça vaut le coup ! Mais à trente, quarante ans, dans le tas, comme les dix-sept cent mille voyous qu’on rencontre partout, en omnibus, à pied, en chemin de fer ? Ah non ! De la pelure !
(Henri Lavedan)
Penaillon
d’Hautel, 1808 : Pour dire haillon, guenille.
Un vieux penaillon. Terme injurieux et de mépris, que l’on donne à un vieux libertin, à un homme que l’âge n’a pu rendre sage.
Penaillons
France, 1907 : Jupons, cottes.
Rien ne restait de son ancienne coquetterie. Même devant le monde, elle trôlait avec le roulement de sa ceinture devenue énorme, ses penaillons remontés à ses genoux, les bras et la face poissés de crasse noire, supportant de ses mains larges ouvertes sur le bas-ventre la rondeur douloureuse de sa maternité.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Penard
d’Hautel, 1808 : Terme de raillerie. Grison, vieillard pervers et libertin, qui courtise les fillettes.
Pénard
Rigaud, 1881 : Tranquille, — dans le jargon des voleurs.
Penaud
d’Hautel, 1808 : Il est penaud comme un fondeur de cloches. Pour dire que quelqu’un est honteux de n’avoir point réussi dans une affaire.
Pend au nez (ça vous)
Rigaud, 1881 : Cela vous arrivera bientôt, infailliblement. — En épousant une pareille femme, il le sera… ça lui pend au nez.
Pendaison
d’Hautel, 1808 : Exécution de pendu. Terme burlesque par lequel le peuple exprime l’action d’attacher quelqu’un à une potence, au gibet.
Pendant
d’Hautel, 1808 : Ce sont les deux pendans. Se dit par raillerie de deux personnes qui ont les mêmes inclinations, les mêmes habitudes, les mêmes défauts.
Pendante
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chaîne de montre.
Larchey, 1865 : Boucle d’oreilles, chaîne (Vidocq).
Rigaud, 1881 : Boucle d’oreilles.
France, 1907 : Chaîne de montre, boucle d’oreille ; argot des voleurs.
Pendantes
Vidocq, 1837 : s. f. — Boucles-d’oreilles.
Delvau, 1866 : s. f. pl. Boucles d’oreilles, — dans l’argot des voleurs.
Pendard
d’Hautel, 1808 : Vaurien, coquin, fripon qui mérite la corde ; libertin, homme de mauvaise vie.
On dit dans le même sens, au féminin, une pendarde.
Pendards
Virmaître, 1894 : Seins qui pendent comme de vieilles vessies. Cette expression est attribuée à Talleyrand. Il assistait à la toilette d’une grande dame. Il regardait une femme de chambre lui lacer son corset ; elle lui dit en minaudant :
— Vous regardez mes petits coquins ?
— Vous pourriez dire vos grands pendards (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Seins.
France, 1907 : Seins pendants.
Cette expression, dit Charles Virmaître, est attribuée à Talleyrand.
Il assistait à la toilette d’une grande dame et regardait une femme de chambre lui laçant son corset ; elle lui dit en minaudant :
— Vous regardez mes petits coquins ?
— Vous pourriez dire vos grands pendards.
Pendiller
d’Hautel, 1808 : Se dit des choses viles ou de peu d’importance qui, suspendues en l’air, sont agitées par le vent.
Pendilleuse
M.D., 1844 : Des boucles d’oreilles.
Pendre
d’Hautel, 1808 : Cela lui pend au nez comme une citrouille. Pour, cela ne peut lui échapper ; c’est inévitable.
Par compagnie, on se fait pendre. Se dit quand on fait quelque chose d’illicite pour complaire à sa compagnie.
Il se feroit pendre pour cela. Se dit pour exprimer la passion de quelqu’un pour un objet quel conque.
Il est toujours pendu à sa ceinture. Se dit ironiquement de quelqu’un qui accompagne continuellement une personne, qui la suit partout.
Il y a de quoi se pendre. Se dit par exagération d’un évènement désespérant ; de quelque chose qui excite le dépit, et pour marquer le regret qu’on a d’avoir manqué une occasion favorable.
Je veux être pendu, etc. Espèce de serment que l’on fait pour affirmer quelque chose.
Dire pis que pendre de quelqu’un. Ternir sa réputation par des médisances, de noires calomnies.
Autant vous en pend à l’œil. Pour, vous êtes menacé du même accident.
Il est sec comme un pendu. Se dit d’un homme d’une extrême maigreur.
Il a sur lui de la corde de pendu. Se dit d’un homme qui a du bonheur au jeu ; qui y gagne beaucoup, et généralement de ceux qui réussissent dans toutes leurs entreprises.
Pendre au nez
Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — à propos de tout accident, heureux ou malheureux, coups ou million, dont on est menacé. On a dit autrefois Pendre aux oreilles. (V. le Tempérament, 1755)
Pendu
Rigaud, 1881 : Professeur adjoint à l’école de Saint-Cyr, — dans le jargon des Saint-Cyriens.
France, 1907 : Instructeur à l’École spéciale militaire ; argot des saint-cyriens.
France, 1907 : Pièce d’étoffe étendue et suspendue ; argot des drapiers.
Les pièces de drap sont étalées dans de vastes couloirs et suspendues dans toute leur longueur. Ce sont ces pièces de drap que l’on nomme des pendus.
(Macé, Mon premier crime)
France, 1907 : Vêtement accroché à l’étalage d’un brocanteur. « Se payer un pendu », s’habiller chez un marchand de vieux habits. Argot populaire.
Pendu (avoir de la corde de)
France, 1907 : Réussir dans ses affaires, gagner au jeu, avoir du bonheur ; synonyme de chance de cocu. Dès la plus haute antiquité, on attribuait certaines propriétés merveilleuses à la corde qui avait servi à pendre quelqu’un ; cette superstition traversa le moyen âge pour arriver jusqu’à nous. Au moyen âge, vu les nombreuses pendaisons, cette corde était commune ; elle est plus rare aujourd’hui, car il n’y a guère que celle des suicidés, ce qui la rend d’autant plus précieuse. Dans les pays où l’on pend encore, tels que l’Angleterre, le bourreau se fait un appoint considérable avec la corde de pendu.
Pendu (se payer un)
Virmaître, 1894 : On sait que les brocanteurs pendent à leur étalage les vêtements qu’ils ont à vendre. Ils passent les manches dans un bâton, ce qui donne l’aspect des bras. Vu d’un peu loin, on jurerait un pendu. Se payer un pendu, c’est acheter ce vêtement (Argot du peuple).
Pendu glacé
Halbert, 1849 : Réverbère.
Delvau, 1866 : s. m. Réverbère. Argot des voleurs.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Réverbère.
Virmaître, 1894 : Le candélabre en forme de potence qui supporte le bec de gaz. Les voleurs n’aiment pas beaucoup ces pendus-là.
— J’ai été paumé pour avoir barbotté un pante, sans ce chameau de pendu glacé, je me cavalais à la frime du sergot (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Réverbère d’autrefois suspendu au milieu des rues au moyen d’une corde fixée à deux maisons se faisant face, ou à un candélabre en forme de potence.
Pendu-glacé
Vidocq, 1837 : s. m. — Réverbère.
Penduglacé
Larchey, 1865 : Réverbère (Id.). — Allusion à la suspension et au vitrage du réverbère.
Pendulard
Virmaître, 1894 : Voleur de pendules. Les Allemands, en 1870, nous ont donné un joli échantillon de leur savoir faire dans ce genre de vol. Ce sont les bonjouriers qui pratiquent ce vol, principalement dans les loges de concierges (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Sobriquet donné aux Allemands depuis la guerre de 1870-71, parce qu’ils firent main basse sur les pendules des habitants chez qui ils logeaient.
— Ils reviennent ! cria tout à coup un éclaireur de la Seine qui passait bride abattue, ils arrivent ! ils sont là !
— Qui ?
— Les pendulards !
En effet, c’était l’ennemi, plus compact et devant qui se trouvaient une foule de brancardiers qu’il avait eu l’impudence de bombarder.
(Léon Cladel, Crête-Rouge)
Pendule (coup de la)
France, 1907 : Mettre un homme la tête en bas et le secouer vigoureusement pour faire tomber l’argent et les objets qu’il peut avoir dans les poches. Pour de vigoureux coquins, ce moyen est plus expéditif que celui de fouiller.
Pendule (remonter sa)
Rigaud, 1881 : Battre sa femme de temps en temps, pour ne pas en perdre l’habitude, — dans le jargon du peuple.
France, 1907 : Battre sa femme.
— La gouge était acariâtre, rechignait, ne marchait pas… aussi étais-je obligé chaque matin de remonter à coups de trique la pendule. Alors ça allait à peu près bien pour une douzaine d’heures.
(Les Joyeusetés du régiment)
Pendule à plumes
Delvau, 1866 : s. f. Coq, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont lu la Vie de Bohème.
Virmaître, 1894 : Le coq qui chante chaque matin à heures fixes. On dit également réveil-matin. C’en est un très économique qui n’a pas besoin d’être remonté et qui a l’avantage de pouvoir être mangé quand il a cessé de plaire (Argot du peuple).
France, 1907 : Coq.
Péniche
Rigaud, 1881 : Pied, — dans le jargon des voyous. — Il repousse des péniches, il sent mauvais des pieds. Allusion à la barque appelée « péniche ».
La Rue, 1894 : Galoche. Grand pied.
Péniches
Virmaître, 1894 : Souliers, lorsqu’ils sont d’une dimension démesurée (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Chaussures.
Hayard, 1907 : Souliers.
France, 1907 : Gros souliers ; argot militaire.
Mon meilleur copain, c’est Bouroite,
C’est lui qui m’explique un peu tout,
Y m’apprend à fair’ d’mi tour droite !
Et la pos’ du soldat sans l’sou,
Pourtant, des fois, y n’fait des niches
Y vers’ l’eau dans mon culbutant,
Ou ben d’la soup’ dans mes péniches…
C’est malheureux d’trinquer tout l’temps.
(Th. Aillaud)
Péniches, lattes, schlapins
Pénil
Delvau, 1864 : (du latin penicillus, dérive de penis). Selon Lignac, c’est le membre viril. — Selon d’autres savants c’est la partie antérieure de l’os qui environne les parties naturelles, et où pousse le poil, qui est l’indice de la puberté. — Le pénil s’appelle aussi Mont de Vénus.
Penillière
Delvau, 1864 : Poil qui couvre la nature de la femme.
Moi, grands dieux ! oublier ton joli cripsimen,
Sa brune pénilliêre et ton dur abdomen,
Ton ostium et ces fessons d’albâtre !
(T. du Bordel)
Et puis se redressant un peu.
Rouge comme un tison de feu,
L’enfonça dans sa pénillière.
(Cabinet satyrique)
Et sans cacher sa pénillière
Fut des fillettes chambrière.
(Recueil de poésies françaises)
Pénitence (être en)
Fustier, 1889 : « Un autre coin amusant est celui des femmes en pénitence. On appelle Être en pénitence, à Monte-Carlo, ne pas jouer. Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu’elles ont perdu ce qu’elles avaient à jouer et que leurs maris ou leurs fils ne veulent plus desserrer les cordons de leurs bourses. C’est un véritable enfer que de voir jouer et de ne pas jouer. »
(Revue politique et littéraire, 1882)
France, 1907 : Ne pouvoir jouer faute d’argent ; argot des croupiers. « On voit à Monte-Carlo les joueurs malheureux rôder autour des tables regardant tristement le tapis ; les habitués et les croupiers disent qu’ils sont en pénitence. »
Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu’elles ont perdu ce qu’elles avaient à jouer.
(Revue politique et littéraire)
Pénitencier
France, 1907 : Condamné à être enfermé dans une maison de correction ; argot des voleurs.
Penne
Vidocq, 1837 : s. f. — Clé.
France, 1907 : Fausse clé ; argot des voleurs.
France, 1907 : Plume pour écrire. Vieux mot que les Anglais ont conservé, épelé ainsi : pen.
Un chapeau ondulé d’une toison de plumes, un trophée mouvant de pennes dont avantageusement se serait affublée une femme apache dansant une pyrrhique…
(Camille Lemonnier)
Pour t’escripre, vouldrove avoir
Legière penne d’arondelle
Penne doulce, penne fidèle,
Penne de nid…
(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)
Penne, peigne
Larchey, 1865 : Clé (Vidocq)
Pennon
d’Hautel, 1808 : Faire de pennon bannière. Passer d’une place obscure à une grande dignité.
Penser
d’Hautel, 1808 : Honny soit qui mal y pense. Proverbe qui signifie qu’il ne faut pas faire de jugemens téméraires ; se défier des apparences, et ne pas interprêter mal ce qui est innocent.
Pensionnaire
d’Hautel, 1808 : Pensionnaire du roi. Prisonnier ; homme détenu, qui est nourri aux dépens du roi.
Pensum
France, 1907 : Agent de police ; jeu de mot de collégien : pince-homme.
Pente
d’Hautel, 1808 : Pour, fredaine, farce, tour de jeunesse.
Se donner des pentes. Prendre des airs, des tons au-dessus de sa condition ; dépenser plus que les moyens ne le permettent ; se choyer, se dorlotter.
Halbert, 1849 : Poire.
France, 1907 : Poire ; argot des voleurs. La poire, par son poids, pend plus que tout autre fruit sur l’arbre.
Pente (avoir une)
Larchey, 1865 : Être ivre à trébucher sur un terrain plat comme si on rencontrait une pente brusque.
Delvau, 1866 : v. a. Être gris ou commencer à se griser, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Être ivre ; argot populaire.
Péon
France, 1907 : Conducteur de mules au Venezuela et dans l’Amérique du Sud. Le pluriel est péones.
Nous passons à table. Le péon, invité à s’y asseoir, à nos côtés, est énormément flatté de ce qu’il considère comme une haute distinction. Les clients habituels sont des ingénieurs anglais, qui conservent, pendant le voyage aux mines, le même flegme britannique, la même morgue, fille légitime du cant et de la fashion, et le même parapluie.
(Ch.-P. Gachet. Excursion au Pays de l’or)
Pépé
Merlin, 1888 : Se dit d’un Espagnol.
Pépée
Delvau, 1866 : s. f. Poupée, — dans l’argot des enfants.
Pépète
Delvau, 1866 : s. f. Pièce d’un sou, — dans l’argot des ouvriers ; de cinquante centimes, — dans l’argot des voleurs ; d’un franc, — dans l’argot des filles.
Pépètes
Virmaître, 1894 : Sous.
— Ça commence à être rudement rasant, pas un pé-pète à la clé (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Sous.
Pépette
Rigaud, 1881 : Pièce de dix sous, — dans le jargon du peuple. C’est-à-dire petite pièce ; déformation de piécette.
Je tope dans les gens à remontoir, plus de beignes et des pépètos.
(Huysmans, les Sœurs Vatard)
France, 1907 : Pièces de cinquante centimes ; argot populaire ; au pluriel, c’est de l’argent en général. « Il ne manque pas de pépettes. »
Un retentissant succès à pépettes.
(Trublot, Le Cri du Peuple)
Pépettes
Hayard, 1907 : Sous, argent.
Pépie
d’Hautel, 1808 : Petite peau blanche qui vient sur la langue des oiseaux, et qui les empêche de boire.
Avoir la pépie. Manière bachique qui signifie avoir soif de vin.
Il n’aura pas la pépie. Se dit en plaisantant d’un bon buveur, d’un homme qui boit dur et sec.
On dit aussi d’une petite babillarde, qu’Elle n’a pas la pépie.
Vulgairement, et par corruption, on prononce pipi.
France, 1907 : Soif ; argot populaire.
Pépie (avoir la)
Delvau, 1866 : Avoir soif, — maladie des oiseaux, état normal des ivrognes. Mourir de la pépie. Avoir extrêmement soif.
Pépin
Larchey, 1865 : Vieux parapluie.
De vilains noms qu’on l’apostrophe, Qu’on l’appelle pépin, rifflard, Le parapluie est philosophe.
(V. Mabille)
Delvau, 1866 : s. m. Enfant — dans l’argot des fantaisistes qui ont lu Shakespeare (Conte d’Hiver). De l’enfant-pépin sort en effet l’homme-arbre.
Delvau, 1866 : s. m. Vieux parapluie, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Rifflard.
Rigaud, 1881 : Le pépin est un vieux parapluie, un parapluie grotesque, démodé.
Mon riflard deviendra pépin
Ses ressorts perdront leur souplesse.
(J. Cabassol, Ma Femme et mon parapluie, chanson)
La Rue, 1894 : Vieux parapluie. Caprice. Passion.
Virmaître, 1894 : Avoir un pépin, aimer quelqu’un. Se dit aussi à la poule qui se joue au billard. Quand un joueur a derrière lui un adversaire maladroit, il est protégé par un pépin, il est couvert. Pépin, par le même motif, signifie parapluie (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Parapluie.
France, 1907 : Béguin, caprice, fantaisie. « Avoir un pépin pour une femme. »
Que sur sa tête un nuag’ crève,
Pour le militair’, c’est un rêve,
Le pépin !
Pour l’argotier, la fantaisie
Se nomme, avecque… poésie,
Un pépin.
(É. Blédort, Chansons de faubourg)
France, 1907 : Étron. « Déposer un pépin au coin d’un mur. »
France, 1907 : Parapluie. D’après Lorédan Larchey, ce nom viendrait d’un des complices de Fieschi, Pépin, qui ne sortait jamais sans cet appendice du costume moderne. D’après la chanson Ma femme et mon parapluie, le pépin ne serait qu’un vieux riflard.
Mon riflard deviendra pépin,
Ses ressorts perdront leur souplesse.
Enfin, s’il faut s’en rapporter à Ch. Virmaître, pépin serait une allusion à la poule du jeu de billard, où un joueur maladroit est appelé pépin, il couvre son adversaire.
Muni d’un immense pépin,
Le bas et cauteleux Rodin,
Parfait jésuite,
Frac boutonné jusqu’au menton,
Allonge un énorme piton
En pomme cuite.
(Chanson du Père Lunette)
Pépin (avoir avalé un fameux)
Rigaud, 1881 : Être très visiblement enceinte.
Pépin (avoir avalé un)
France, 1907 : Être enceinte.
— La petite à la mère Badoure a avalé un fameux pépin, car le ventre lui enfle joliment.
Pépin (avoir un)
Hayard, 1907 : Avoir un caprice.
Pépitier
France, 1907 : Chercheur d’or ; aventurier qui part aux colonies pour y faire fortune : de pépite.
Péquet
France, 1907 : Eau-de-vie, dans les départements du nord. « L’huile des hommes, c’est le péquet. » Voir Péket.
En même temps elle berçait Mélie, lui donnait la mamelle, et, un bras pris par l’enfant, travaillait de l’autre, souvent à jeun des jours entiers, se ravigourant uniquement de péquet, qu’elle lampait à pleins verres.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Péquin
d’Hautel, 1808 : Terme injurieux qui équivaut à ignorant, sot, imbécile ; homme intéressé, avare au dernier degré. C’est aussi un sobriquet que les soldats se donnent entre eux.
Per fas et nefas
France, 1907 : Location latine signifiant par tous les moyens, littéralement : par ce qui est permis et par ce qui est défendu.
Si, sous un prétexte quelconque, vous admettez l’attentat à la vie humaine qui s’appelle la guerre, qu’il s’autorise de l’intérêt dynastique on du salut public, vous ne pouvez plus exciper d’une règle morale pour condamner l’homicide. Napoléon, personnification de la gloire militaire, entreprit certes des guerres iniques et gagna des batailles qui coûtèrent des centaines de mille têtes d’êtres humains. La Révolution française, créatrice de la France moderne, mit à l’ordre du jour le tribunal sommaire dont la guillotine fut l’instrument. Plus d’un souverain, pour établir son prestige et assurer la succession de sa dynastie, engagea son peuple dans des aventures sanglantes et funestes ; sous la présidence de M. Thiers, le maréchal de Mac-Mahon, vainqueur de la Commune, laissa fusiller dans les rues de Paris 25,000 Parisiens. Croyez-vous que l’individu, seul arbitre de son moi, ne possède pas des droits égaux à ceux des capitaines et des princes : qu’un jeune homme, pour donner à manger à sa mère, pour préserver sa sœur de la prostitution, ne soit pas fondé à acquérir de l’argent, per fas et nefas, en supprimant une créature inutile ou nuisible ?
(Henry Bauër, L’Écho de Paris)
Per obitum
France, 1907 : Par mort. Expression latine usitée en matière bénéficiale : bénéfice vacant per obitum.
Perce
d’Hautel, 1808 : Il n’a ni trou ni perce. Se dit en plaisantant d’un habit qui, quoique fort usé, n’a point de trou, n’est pas déchiré.
Perce-oreille
d’Hautel, 1808 : Sorte de petit insecte long et menu ; beaucoup disent vicieusement, Pince-oreille.
Percentage
Rigaud, 1881 : Synonyme de tant pour cent, — dans l’argot de la Bourse.
Percer
d’Hautel, 1808 : Les os lui percent la percent la peau. Se dit par exagération d’une personne fort maigre Voyez Bas, Panier.
Percer d’un autre (en)
Delvau, 1866 : Raconter une autre histoire ; faire une plaisanterie d’un meilleur tonneau.
Percetoile
France, 1907 : Voleur de bains de mer, qui opère en perçant les toiles des cabines.
Perche
d’Hautel, 1808 : C’est une grande perche. Se dit par raillerie d’une femme de grande stature, dépourvue de tous les agrémens de son sexe.
Rossignol, 1901 : Priape.
Perche (être à la)
Rigaud, 1881 : Ne pas manger tous les jours ; crever la faim ; faire concurrence à une perche comme maigreur, — dans le jargon des ouvriers.
France, 1907 : Mourir de faim.
Perche (notaire du)
France, 1907 : Pauvre notaire. Le vieux dicton dit : « Notaire du Perche, il passe plus d’échalliers que de contrats. » Les échalliers sont des ouvertures dans les haies, barrées par des pieux ; le notaire allait donc voler dans le jardin du voisin.
Perche à houblon
France, 1907 : Lance ; argot militaire, et, par comparaison, homme grand et mince.
Percher
d’Hautel, 1808 : Se percher. Se dit de ceux qui montent sur des endroits élevés pour mieux entendre ou pour mieux voir.
Delvau, 1866 : v. n. Habiter, loger au hasard, — dans l’argot des bohèmes, qui changent souvent de perchoir, et qui devraient bien changer plus souvent de chemise.
La Rue, 1894 : Loger.
Virmaître, 1894 : Loger au hasard, tantôt ici, tantôt là. Allusion à l’oiseau qui perche tantôt sur une branche tantôt sur une autre (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Loger, demeurer.
Hayard, 1907 : Loger.
France, 1907 : Aller se coucher, loger ; argot populaire.
— Mon garçon m’écrit qu’il va se marier et me demande de lui envoyer ses papiers. Je m’exécute et sur mon pauvre argent le lui avance les frais. Fini, plus de lettres… Je ne sais même pas s’il est marié et où il perche… Un polisson dont j’ai payé les mois d’école pendant huit ans.
(André Theuriet)
Perdre
d’Hautel, 1808 : Prends garde de le perdre. Locution ironique et adversative pour faire entendre à quelqu’un qu’une chose ne s’accomplira pas selon qu’il le prétend ; qu’il se flatte d’une vaine espérance.
C’est le jeu de coquinbert, où qui gagne perd. Facétie qui se dit quand on perd par complaisance et quand l’occasion le demande.
Il ne faut pas laisser perdre les bonnes coutumes. Se dit par raillerie de quelqu’inclination vicieuse ; de quelque défaut dont on ne peut se déshabituer.
Se dit aussi en parlant d’une fête, d’une partie de plaisir qui arrive annuellement.
Quelle heure est-il ? — Il est l’heure perdue, la bête la cherche. — Réponse triviale et facétieuse que l’on fait à celui qui demande quelle heure il est.
Courir comme un perdu ; crier comme un perdu. Courir à toutes jambes, crier de toutes ses forces.
C’est du bien perdu. Se dit en parlant d’un prodigue auquel on fait des libéralités, et généralement de tout ce qu’on donne aux personnes qui ne peuvent ou ne savent pas en profiter.
Pour un de perdu cent de retrouvés. Se dit pour faire entendre que la perte qu’on a faite est de peu de valeur, qu’on peut la réparer facilement.
Perdre (le)
Larchey, 1865 : Perdre son pucelage.
Je l’ai perdu, s’écriait la jeune Perrette. De mon hymen, c’était le gage.
(Gustave, Ch., 1836)
Perdre de vue
Rossignol, 1901 : Perpétuité.
Perdre la boussole
France, 1907 : Perdre la tête, divaguer. C’est par la boussole qu’on dirige les navires : la boussole perdue, le vaisseau devient un corps sans âme ou plutôt sans cervelle.
Perdre la clé de son dressoir
France, 1907 : Se trouver dans l’incapacité de sacrifier à Vénus.
Car mon mari, chaque soir,
Perd la clé de son dressoir.
(Ancien Théâtre Français)
Perdre la tramontane
France, 1907 : Perdre la tête, être déconcerté, ne plus savoir que faire.
Ce proverbe est évidemment antérieur à l’invention de la boussole (1362), que nous tenons des Arabes. On appelait tramontane l’étoile du nord, seul guide des anciens mariniers, transmontana, de trans, au delà, et montes, les monts, parce qu’elle paraissait aux yeux des marins de la Méditerranée, au delà des cimes des Alpes. Lorsque le pilote perdait cette étoile de vue, il n’avait plus rien pour diriger sa course et se trouvait égaré dans l’immensité jusqu’à ce qu’il la vit de nouveau briller à l’horizon.
Dans le langage des marins de la Méditerranée, tramontane était aussi le vent du nord ; celui du sud était le mijour ; celui du nord-est, le grec, du sud-est le siroc, appelé encore aujourd’hui siroco ; celui du sud-ouest le lebêche, et du nord-ouest le mistral.
Pour deux gouttes de marasquin
Et quatre de vin de Catane,
L’abbé, qui perd la tramontane,
Se conduit comme un Algonquin.
Il pince sous le casaquin
Lisette en l’appelant : Sultane !
(Catulle Mendès)
Perdre le goût du pain
Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot du peuple. Faire perdre à quelqu’un le goût du pain. Le tuer.
France, 1907 : Mourir.
Perdre le la
France, 1907 : Perdre la mesure.
Je me rappelle avoir vu houler, rouler, sous mes fenêtres, à Arles, la veille ou l’avant-veille du départ des troupes, une retraite aux flambeaux échevelée et clamante. Les officiers étaient rentrés, pour n’avoir pas à sévir, laissant aux soldats la bride sur le cou. Et l’instinct s’était déchaîné, accéléré, avivé par les libations. La musique avait perdu de la, la foule avait perdu le pas, les têtes avaient perdu le nord.
(Séverine, La Libre Parole)
Perdre le Nord
Delvau, 1866 : v. a. Se troubler ; s’égarer ; dire des sottises ou des folies, — dans l’argot du peuple, qui n’a pas inventé pour rien le mot boussole. Autrefois on disait Perdre la tramontane, ce qui était exactement la même chose, tramontane étant une corruption de transmontane (transmoutanus, ultramontain, au-delà des monts, d’où nous vient la lumière).
Rossignol, 1901 : Celui qui perd la mémoire ou qui est déséquilibré perd le Nord. On dit aussi d’un individu atteint d’une maladie contagieuse : il a perdu le Nord, il est au Midi.
Combien de gens ici-bas, sur la terre,
En voyageant ont visité le Midi ;
D’autres y sont nés, de leur pays sont fiers.
C’est là que trop souvent on m’a dit :
Il y a un autre Midi en France,
Que beaucoup de gens ne connaissent encore :
C’est l’hôpital où l’on voit la souffrance,
Qui est combattue par le docteur Ricord.
France, 1907 : Se tromper, s’égarer ; terme emprunté aux marins, comme perdre la boussole, la tramontane.
Tuant la raison et la rime,
Plein d’une sotte vanité,
Plus d’un auteur en vain s’escrime,
Croyant un jour être porté
Au sein de l’immortalité.
À chacun de ces faux poètes
Mon refrain s’adresse d’abord ;
Nous avons déjà trop de bêtes ;
Tu perds le nord !
(H. Parra, Le chansonnier philosophe)
Perdre sa clé
France, 1907 : Avoir la diarrhée.
Perdre sa clef
Fustier, 1889 : Avoir la colique.
Perdre ses bas
Delvau, 1866 : Ne plus savoir ce que l’on fait, par distraction naturelle ou par suite d’une préoccupation grave.
Virmaître, 1894 : Oublier.
— Tu perds donc tes bas, que tu manques au rendez-vous que tu m’as donné ?
— Prêtez-moi mille francs.
— Vous perdez donc vos bas, mon vieux ?
Ici le sens est ironique. On dit aussi :
— Tu fais dans tes bas.
Pour : Tu te moques de moi (Argot du peuple).
France, 1907 : Être distrait, ne plus savoir ce que l’on fait.
Perdre ses légumes
Rigaud, 1881 : Aller à la garde-robe, — dans le jargon des ouvriers.
France, 1907 : Faire sous soi. « Sa bouche d’égout est défoncée, il perd ses légumes. » Argot des voyous.
Perdre son bâton
Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela probablement par allusion au bâton, ressource unique des aveugles pour marcher droit.
France, 1907 : Être de mauvaise humeur ; argot des coulisses. D’après Alfred Delvau, cette expression daterait d’une pièce du Vaudeville, Le Sergent Mathieu, où débuta l’acteur Arnal. « Il s’était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique ! Arnal est furieux et surtout troublé : il entre en scène, il joue, mais sans verve, — et l’on siffle ! »
Perdre son innocence
Delvau, 1864 : C’est-à-dire son pucelage, — bien après sa chasteté. — Baiser ou être baisée pour la première fois, au sortir du collège ou du couvent où l’on a fait ses études pour cela.
Enfin, ma pauvre âme aux abois
N’opposa que faible défense,
Et je perdis mon innocence
Dans l’épaisseur du bois.
(A. Pécatier)
Perdre son latin
France, 1907 : Travailler inutilement à quelque chose, où n’y rien comprendre. « L’aventure me passe et j’y perds mon latin. » (Molière.) C’est-à-dire : le latin que j’ai appris ne me sert de rien. « J’avais, dit le chevalier de Grammont, tellement le jeu dans la tête, que le précepteur et les régents perdaient leur latin en me le voulant apprendre. » « Être au bout de son latin », ne savoir plus que dire ni que faire.
L’expression perdre son latin est fort ancienne, car on la trouve dans un poème de la première moitié du XIVe siècle, époque où le latin était la langue courante des savants de tous les pays d’Europe :
En el mois de setembre, qu’été va à déclin,
Que cil oisillons gays ont perdu lore latin,
Vie de plaisir et mort de saint.
Le diable y perd son latin.
On dit aussi, mais plus rarement, perdre son allemand.
Ces êtres s’aimaient jadis,
Mais qui viendrait le leur dire
Ferait éclater de rire
Ces bouches du Paradis.
Bah ! le baiser, le serment,
Rien de tout cela n’existe :
Le myosotis tout triste
Y perdrait son allemand.
(Victor Hugo, Chansons des rues et des bois)
Perdre son temps et sa lessive (à dégraisser un vilain c’est)
France, 1907 : On a tort de se donner du mal pour essayer d’éduquer un sot ou un rustre ; non seulement on sème sur le sable, mais on ne récolte que désagréments.
Mais ma candeur est excessive ;
Je perds mon temps et ma lessive
Avec toi, Rommel. Dors en paix.
Je perds également des rimes
Excellentes, et pour des frimes :
Chante à l’âne, il te fait des pets.
(Raoul Ponchon)
Perdre un quart
Delvau, 1866 : v. a. Aller au convoi d’un camarade, — dans l’argot des tailleurs, qui, pendant qu’ils y sont, perdent bien toute la journée.
Perdrix
d’Hautel, 1808 : On mange bien des perdrix sans orange. Se dit lorsqu’il manque quelqu’assaisonement à un ragoût, à un mets quelconque, que l’économie a fait retrancher ; ou pour faire entendre qu’il ne faut pas être délicat sur le manger qu’il faut savoir se passer des choses que l’on ne peut se procurer.
À la S. Remi tous perdreaux sont perdrix.
Perdrix de Gascogne. Terme ironique pour dire de l’ail, parce que les Gascons en sont très amateurs.
Perdrix (chasser la)
France, 1907 : Combattre les troupes républicaines. Expression des chouans.
Monsieur de Charette a dit à ceux de Vitré :
Avancez,
L’oreille au guet et le pas bien léger,
Prends ton fusil, Grégoire,
Prends ta gourde pour boire,
Prends ta vierge d’ivoire !
Nos messieurs sont partis
Pour chasser la perdrix.
(Oscar de Poll)
Perdrix (entendre la)
France, 1907 : Entendre siffler les balles.
Les pièces de canon crachent la mitraille, les balles sifflent par milliers, déchirant l’air de ce trrouit sinistre, qui fait dire au troupier, insouciant et gouailleur, même au plus fort du feu : « Entends-tu la perdrix ? »
(Dick de Lonlay, Français et Allemands)
Perdrix de Gascogne
France, 1907 : Ail. On dit aussi chapon de Gascogne. Allusion à la vantardise des Gascons.
Perdrix hollandaise
Rigaud, 1881 : Pigeon domestique, — dans le jargon des chasseurs. Lorsque, faute de mieux, le fusil d’un chasseur a descendu un pigeon, le chasseur dit qu’il a tué une perdrix hollandaise.
France, 1907 : Pigeon ; argot des sportsmen.
Perdrix sans orange (savoir manger la)
France, 1907 : Se contenter d’une bonne chose sans désirer de raffinements.
Perdu (l’avoir)
Delvau, 1866 : N’avoir plus le droit de porter à son corsage le bouquet de fleurs d’oranger symbolique. Argot des bourgeois. On dit de même, en parlant d’une jeune fille vierge : Elle l’a encore. Je n’ai pas besoin d’ajouter que, dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agit de Pucelage.
Perdu son bâton (avoir)
Delvau, 1866 : Être de mauvaise humeur, — dans l’argot des coulisses. L’expression date d’Arnal et du Sergent Mathieu, sa pièce de début au théâtre du Vaudeville. Il s’était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique ! Arnal est furieux et surtout troublé ; il entre en scène, il joue, mais sans verve, — et l’on siffle !
Perdues (à bûches)
France, 1907 : « Mode de transport des bois par le flottage dans les ruisseaux du Morvan. Voyager à bûches perdues, un peu au hasard, sans se presser, en faisant des détours, en zigzags, comme dit Topffer, l’auteur des Nouvelles Genevoises. La métaphore « voyager à bûches perdues » a été recueillie dans une conversation de salon en Morvan : le sens propre fourni par l’industrie du pays est sans doute le seul que connaissent les vrais Morvandiaux. »
(Jaubert, Glossaire du centre de la France)
Père
d’Hautel, 1808 : Ce mot joint à un nom propre, désigne parmi nous la familiarité, il ne s’emploie qu’en parlant à un homme âgé. Parmi les Grecs et les Latins, c’étoit une épithète honorable que les cadets donnoient à leurs aînés.
Un père Duchesne. Pour dire, un criard, un homme qui s’emporte sans sujet, et dont la colère n’est nullement à craindre.
Le père la Ressource, la mère la Ressource. Sobriquet flatteur que l’on donne à une personne fertile en expédiens, à laquelle on a toujours recours dans de mauvaises affaires, et qui, par ses conseils, sa fortune ou son crédit sait vous tirer d’embarras.
À la ronde, mon père en aura. Pour point de façon, point de cérémonie, chacun à son tour. Se dit lorsque dans une distribution, quelqu’un refuse la part qu’on lui présente pour l’offrir à son voisin.
Un père, ou une mère la joie. Homme ou femme d’une humeur joviale, qui amusent les autres par des bouffonneries, et qui mettent tout en train.
Le Père ou la mère aux écus. Personnes fortunées, mais dont l’extérieur n’est pas fastueux.
Je l’ai renvoyée chez son grand-père. Pour, je l’ai tancé fortement ; je l’ai envoyé promener.
Quand ce seroit pour mon père, je ne le ferois pas mieux. Se dit par exagération ; pour, il m’est impossible de mieux faire.
Un père douillet. Homme qui se dorlotte, qui aime à prendre ses commodités.
Le père aux autres. Se dit en plaisantant des personnes ou des choses dont le volume est très considérable,
Père aux écus
Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, — dans l’argot du peuple.
Père avare, enfant prodigue
France, 1907 : Dicton qui donne un démenti à cet autre : Tel père, tel fils. Quoi qu’il en soit, ce proverbe se retrouve au XIIIe siècle sous cette forme : Kanques amasse avers tout emporte Maufèz, « tout ce qu’amasse l’avare est emporté par le diable » : le diable, en ce cas, est le mauvais fils. Un second dicton, celui-là du XVIe siècle, se rapproche plus du nôtre : De père saintelot, enfant diabelot. Et il ne faut pas s’en plaindre, car le fils en gaspillant la fortune amassée par un père voleur ou avare rend à la circulation ce que l’autre en avait retiré. Les Allemands ont le même dicton : À thésauriseur, héritier gaspilleur.
Père Caillou
Rigaud, 1881 : Individu insensible aux avances des grecs ; celui qui, aussi dur à entamer qu’un caillou, résiste à toutes les séductions d’une partie de cartes, — dans le jargon des tricheurs.
Père Coupe-toujours
Rigaud, 1881 : Le bourreau, — dans le jargon des voyous.
France, 1907 : Le bourreau.
Père des mouches
France, 1907 : Dieu ; argot faubourien.
Dans les temps anciens, le pauvre monde endurait la mistoufle sur terre, et il prenait patience, convaincu qu’un de ces quatre matins le Père des mouches, à califourchon sur les nues, s’amènerait pour chambarder la vieille société et établir le paradis de l’Apocalypse.
Et le populo coupait, se roulant les pouces, croupissant dans la misère et se dispensant d’agir !…
Un jour vint où cette bourde idiote de la révolution opérée, grâce à l’intervention divine, ne fut plus de saison : le populo trouvait enfin la couleuvre trop dure à avaler.
Jusque-là les ratichons et toute l’engeance qui se posait comme représentant Dieu sur la terre y avaient seuls trouvé leur bénef : ces salops avaient fait leurs choux gras de la bêtise humaine.
Hélas, le populo n’avait pas fini de croire !
Il ne sortait d’une erreur que pour piquer la tête dans une autre : désormais toute la puissance, toute la force, tous les espoirs qu’il avait accumulés sur cette vesse-de-loup baptisée « Dieu », il allait les reporter sur une abstraction terrestre, — une sorte de Dieu visible : l’État.
C’est l’État qui allait faire les miracles que le Père des mouches avait été impuissant à réaliser.
(Le père Peinard)
Père Douillard
Rigaud, 1881 : Entreteneur. Homme qui a de l’argent, de la douille, — dans le jargon des filles.
Père éternel à trois francs la séance
Rigaud, 1881 : Modèle d’atelier qui pose les têtes de saints, les têtes de Dieu le père. — Tête de vieillard à barbe blanche.
Père Fauteuil
Delvau, 1866 : s. m. Le cimetière du Père Lachaise, — dans l’argot facétieux des marbriers.
France, 1907 : Le cimetière du Père-Lachaise ; jeu de mot des marbriers.
Père François
Rossignol, 1901 : Le coup du père François est de mettre autour du cou d’un passant un foulard ou une courroie au moment où il tourne le dos à l’agresseur. Celui qui a passé le foulard fait aussitôt un demi-tour et, tout en retenant les deux bouts, se courbe en avant ; de ce fait la victime perd pied, et instinctivement prend avec les deux mains l’objet qui l’étrangle, ce qui permet au complice de fouiller les poches tout à son aise. En plaisantant J’ai fait un jour le coup du père François à un de mes amis, un Italien de première force. Je ne l’ai tenu sur mes épaules que le temps de le soulever de terre, ce qui ne l’a pas empêché de tomber inerte ; et il a été un moment avant de reprendre connaissance. Je me suis bien juré de ne jamais recommencer, et je ne conseille à personne de jouer de la sorte.
France, 1907 : Célèbre inventeur du coup fameux qui a gardé son nom. Ce bandit légendaire étranglait encore à soixante ans. Il travaillait en solitaire, sans complice ni recéleur : d’où sa longue impunité. Quand il fut pris, il avait atteint l’âge où la peine de mort n’est plus appliquée.
— Jamais vous ne verrez opérer le « coup du père François » dans les rues de Constantinople. Le lutteur pour la vie, que vous y pouvez rencontrer, vous demande poliment de renoncer à votre bourse à son profit. Si vous lui prouvez que vous n’en avez point, il n’insiste pas, et il ne vous tue que si vous tentez de lui résister, ce qui est bien le moins, n’est-il pas vrai ?
(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)
Père Frappart
Vidocq, 1837 : s. m. — Marteau.
Larchey, 1865 : Marteau (Vidocq). — Calembour.
Delvau, 1866 : s. m. Marteau, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Marteau.
Père la Capote
Rigaud, 1881 : Sergent d’habillement.
Père la Pudeur
France, 1907 : Pudibond, grotesque. Le père La Pudeur appartient généralement à l’une des nombreuses sectes protestantes où l’on s’effarouche du mot et où l’on se délecte en secret de la chose. C’est un fâcheux hypocrite et grotesque, un empêcheur de danser en rond. Le prototype du père La Pudeur est de nos jours le sénateur Bérenger. Il s’appelait autrefois Tartufe.
Tous ces dépravés de la Ligue contre la licence des rues, que Séverine appelle avec juste raison de « vieux dégoûtants piqués de cantharides », ces pères La Pudeur n’ont assurément nulle goutte de sang gaulois dans les veines et, si l’on remontait aux origines, on y reconnaitrait de copieuses infusions saxonnes, suisses ou belges, à moins que le pesant marteau du huguenotisme n’ait aplati un coin de leur cervelet. Pas de notre race, Gaulois et Francs, tous ces gens-là ont besoin d’être recuits !
Père la Reniflette
France, 1907 : Le préfet de police : argot des voleurs qui disent aussi père des renifleurs.
Père la Tuile
France, 1907 : Dieu ; argot des faubouriens sur lesquels il fait tomber plus de tuiles que de brioches.
Père la Tuile (le)
Delvau, 1866 : Dieu, — dans l’argot des faubouriens, qui ne sont pas plus irrévérencieux que les peintres qui l’appellent le Père Eternel.
Rigaud, 1881 : Dieu.
Virmaître, 1894 : Dieu. Il n’est pourtant jamais tombé sur personne. Cette expression est en usage dans le monde des prisons.
— As-tu entendu le ratichon balancer sa jasante au Père la Tuile (Argot des voleurs).
Père la Violette
Rigaud, 1881 : Napoléon Ier.
France, 1907 : Nom donné par les bonapartistes à l’empereur pendant la Restauration, à cause de cette fleur adoptée par Napoléon.
Père la Violette (le)
Delvau, 1866 : L’empereur Napoléon Ier, — dans l’argot des bonapartistes, qui disaient cela sous la Restauration, à l’époque où mademoiselle Mars était forcée d’arracher une guirlande de violettes qu’elle avait fait coudre à sa robe dans une pièce nouvelle.
Père Peinard (en)
Virmaître, 1894 : Y aller doucement, sans se presser, sans se faire de bile. Les agents arrivent en Père Peinard pour surprendre un voleur en flagrant délit (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Doucement, sans se presser, tout à la douce ; argot populaire.
Peregrin
France, 1907 : Voyageur. Vieux mot, du latin peregrinus.
Perette
d’Hautel, 1808 : Perette à l’ognon. Nom que l’on donne à une petite fille indiscrète et babillarde ; ou qui s’en fait trop accroire.
Performance
France, 1907 : Représentation, exhibition, exécution d’une chose. Vieux mot, du latin performare, tombé en désuétude et passé dans la langue anglaise, d’où il nous est revenu par l’argot des théâtres.
Ah ! jeunes gens, vos paroles, vos manifestes, quand nous vous connaissons si bien par les performances de vos pères ! C’est au point que, pour vous évoquer radieux de rêves, pétris d’amour, nous devrions vous supposer bâtards. Hypothèse doublement folle : trop peu de bourgeoises étant dignes des joies de l’adultère, et le nombre des étalons de vertu n’étant pas moins restreint.
(Joseph Caraguel)
Se dit aussi pour la tenue, l’extérieur d’une personne.
— Que cherchez-vous comme ça ? leur demanda la blonde ?
— Une femme, répliqua John.
— Une femme honnête ?
— Non. Nous serions vraiment trop volés.
— Insolent !… Quelle femme alors ?
— Oh ! une perle, un diamant, une femme belle, élégante, spirituelle, de la tenue la plus distinguée, d’une performance parfaite et au besoin d’un entrain endiablé. Nous ne voyons pas ici cet article de luxe. Nous irons le chercher ailleurs.
(Yveling Rambaud, Haine à mort)
Au pluriel. C’est l’ensemble des résultats obtenus par un cheval de course sur le turf.
Performances
Fustier, 1889 : Argot de turf. Manière de courir d’un cheval, de se comporter pendant la course.
Péril passé, on se moque du saint
France, 1907 : Ce dicton qui n’a pas besoin de commentaire, étant un exemple de l’ingratitude humaine, nous vient en droite ligne des Italiens : Passato il perricolo, gaballo il santo.
Périller
France, 1907 : Être en péril. Vieux mot qui devrait reprendre place dans la langue, puisqu’il exprime en un seul mot ce qu’on est obligé de dire en trois.
Péripatéticienne
France, 1907 : Nom que les intellectuels donnent aux prostituées de bas étage.
Les cuisinières se parfument au patchouli et les pompiers raffolent de cette odeur. Les soldats n’ont pas de préférence, sans doute parce que les bonnes qu’ils fréquentent volent généralement les parfums de leurs maîtresses et s’imprègnent indifféremment de toutes les essences odorantes qui leur tombent sous la main. Les prostituées de bas étage, celles qu’on appelle les péripatéticiennes, se parfument au musc, et les gens du peuple qui les suivent sont entraînés par cette odeur pénétrante qui simule assez celle d’une femelle en rut. Les petites ouvrières se parfument à la violette ou à la rose, odeurs tendres et douces comme leurs petites âmes aimantes. Aussi les calicots inondent-ils leurs mouchoirs de ces parfums sentimentaux. Les bourgeoises passionnées se parfument avec des odeurs pénétrantes, comme l’héliotrope blanc, le jasmin, l’ylang-ylang et ces odeurs grisent, paraît-il, les hommes qui frisent l’âge ingrat. Les demi-mondaines préfèrent les odeurs fines ou bien compliquées comme leurs vices : le muguet, le corylopsis, le réséda. Les femmes amoureuses et portées à la poésie où à la mélancolie se créent des parfums tout à fait spéciaux qui, le plus souvent, n’ont le don de charmer qu’elles seules.
(Dr Laurent)
Périsprit
France, 1907 : D’après les théories spirites, intermédiaire entre le corps et l’esprit, sorte de lien fluidique qui relie l’esprit au corps et qui, à la mort, se dégage de celui-ci pour accompagner celui-là. Du grec peri, autour.
Les spirites attribuent à l’âme une tendance à un perfectionnement indéfini, qui s’opère au moyen d’incarnations successives. L’âme, accompagnée de son perisprit, doit se réincarner autant de fois qu’il lui est nécessaire pour qu’elle ait atteint son parfait développement. Entre ces incarnations, elle flotte dans les espaces interplanétaires, mais elle peut être rappelée à la surface de la terre par l’action de certains hommes et entrer en communication avec les vivants.
Au moment de la mort, le périsprit abandonne progressivement le corps, entraînant l’esprit et le laissant dans le trouble et dans le doute de la mort. Le mort voit encore ses parents et peut se manifester à eux par l’action de son périsprit sur les objets matériels ; de là ces craquements bizarres, inexpliqués, attribués parois à des influences météorologiques.
(Les Mystères des sciences occultes)
Péritorse
Delvau, 1866 : s. m. Paletot ou redingote, — dans l’argot des étudiants, qui, frais émoulus du collège, n’ont pas de peine à parler grec.
France, 1907 : Pardessus, habit ; argot des étudiants. Péri, autour, en grec : autour du torse.
Perle
d’Hautel, 1808 : La perle des garçons ou des filles. Pour, dire un jeune homme, une jeune demoiselle recommandables par des qualités personnelles et par leurs vertus.
Je ne suis pas venu ici pour enfiler des perles. C’est-à-dire, pour perdre mon temps à des bagatelles, à des frivolités.
France, 1907 : Vent intestinal : ne s’emploie que dans cette expression : lâcher une perle.De quoi donc ?… on dirait d’un merle ;
Ej’ viens d’entendre un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’i’ vous plait…
Ah ! mince, on prend des airs de flûte,
On s’régal’ d’un p’tit quant à soi…
Va, mon vieux, pêt’ dans ta culbute,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.
(Aristide Bruant, Dans la rue)
Perlé
d’Hautel, 1808 : De l’ouvrage perlé. Pour dire un ouvrage fait avec un soin infini.
Perler
Delvau, 1866 : v. a. Travailler avec soin, avec minutie, — dans l’argot des bourgeois. Perler sa conversation. N’employer, en parlant, que des expressions choisies — et prétentieuses.
Perlinpinpin (poudre de)
France, 1907 : Poudre imaginaire que la croyance populaire attribuait aux sorciers, et au moyen de laquelle ils guérissaient ou jetaient des sorts. Figurativement c’est un médicament sans valeur : des boulettes de mie de pain, ou de la brique pulvérisée. Que de médecins se servent de la poudre de perlinpinpin !
Mais devant le sombre avenir, la grande majorité des esprits est pleine d’inquiétude et de découragement. Nous ne pouvons plus nous exalter aux lyriques espérances des Michelet et des Victor Hugo, et les rêves de pédants nous affligent. Nous admirons, certes, les bienfaits de la science : et le rayon de Rœntgen nous émerveille ; mais nous savons, hélas ! Qu’il n’y à point, au fond de tous les matras et de toutes les cornues, une seule once d’une poudre de perlinpinpin qui fasse oublier à l’homme les misères de sa destinée et son angoisse devant le mystère de la vie et de la nature.
(François Coppée)
Perlot
La Rue, 1894 : Tabac.
Virmaître, 1894 : Tabac — dérivé de semper. L. L. Semper s’écrit Saint-Père dans toutes les prisons. À la centrousse de Melun, on chante depuis des années :
Pour du tabac, disait un pègre,
Et pour trois pouces de Saint-Père. (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Tabac.
France, 1907 : Tabac ; argot des ouvriers.
anon., 1907 : Tabac à fumer.
Perlot, perlo
Rigaud, 1881 : Tabac à fumer. — dans le jargon des chiffonniers.
Perlotte
Delvau, 1866 : s. f. Boutonnière, — dans l’argot des tailleurs, qui perlent ordinairement cette partie des vêtements.
Rigaud, 1881 : Boutonnière, — dans le jargon des tailleurs.
France, 1907 : Boutonnière ; argot des tailleurs, qui perlent, c’est-à-dire cousent avec soin cette partie du vêtement.
Permanence
Fustier, 1889 : Argot de joueurs. Série de numéros qui sortent à la roulette ou au trente et quarante.
Il (le marqueur) a d’abord ses abonnés à qui il vend les permanences vingt francs par semaine.
(Revue politique et littéraire, 1882)
France, 1907 : « C’est, dit G. Macé, la partie disponible du personnel de police, prête à marcher de nuit et de jour. Ce sont les chasseurs sans armes, chargés de surveiller, traquer et prendre le gibier malfaisant, nuisible… Agents et malfaiteurs sont constamment en éveil, il n’y a pour eux ni jour mi nuit, et l’année ne finit pas. C’est le mouvement perpétuel. »
(G. Macé, Un Joli Monde)
Permanences
France, 1907 : Série de numéros ou de couleurs qui se suivent à la roulette ou au trente et quarante.
Permettre
d’Hautel, 1808 : À vous permis. Pour, vous pouvez faire ce que vous jugerez à propos, ce qui vous plaira.
Permis de battre sa femme, mais pas de l’assommer
France, 1907 : Vieille formule de droit coutumier. En certaines provinces, plusieurs chartes bourgeoises autorisent les maris à battre leurs femmes, même jusqu’à effusion de sang, pourvu que ce ne fût pas avec un fer émoulu et qu’il n’y eût point de membre fracturé. « Les habitants de Villefranche, en Beaujolais, dit M. Quitard, jouissaient de ce brutal privilège qui leur avait été concédé par Humbert IV, sire de Beaujeu, fondateur de cette ville. Quelques chroniques assurent que le motif d’une telle concession fut l’espérance qu’avait ce seigneur d’attirer un plus grand nombre d’habitants, espérance qui fut promptement réalisée. » Voilà qui donne une singulière idée des aménités conjugales de nos aïeux. On trouve, dans un de ces vieux almanachs qui indiquaient ce qu’on devait faire chaque jour, cet avertissement répété chaque mois : « Bon battre sa femme en huis. »
« Cette odieuse coutume, continue M. Quitard, qui se maintint légalement en France jusqu’au règne de François Ier parait avoir été fort répandue dans le XIIIe siècle, mais elle remonte à une époque bien plus reculée. Le chapitre 134 des Lois anglo-normandes porte que le mari est tenu de châtier sa femme comme un enfant si elle lui fait infidélité pour son voisin. » La fessée, on le sait, existe du reste encore en Angleterre, et est réglementaire dans nombre de pensionnats et d’écoles publiques, non seulement de garçons, mais de demoiselles.
Permission (se faire signer une)
Fustier, 1889 : Argot militaire. Présenter une feuille de papier à cigarette et se faire donner le tabac.
(Ginisty, Manuel du parfait réserviste)
Permission de 24 heures
Merlin, 1888 : Garde à monter en dehors de la caserne. Faveur peu enviée.
Permission de 24 heures (avoir une)
Fustier, 1889 : Argot militaire. Prendre la garde.
Permission de dix heures
Delvau, 1866 : s. f. Pardessus de femme, à capuchon, taillé sur le patron du manteau des zouaves, et fort à la mode il y a vingt-ans.
Rigaud, 1881 : Canne à épée, gourdin, bâton ferré.
France, 1907 : Rotin, canne à épée, coup de poing américain.
Permission de dix heures, de minuit
La Rue, 1894 : Gourdin, canne à épée.
Permission de vingt-quatre heures
France, 1907 : Expression employée ironiquement par les soldats commandés de garde. Les gardes, on le sait, durent ce laps de temps.
Permission trempe (la)
Rigaud, 1881 : Permission attendue et sur laquelle on fonde peu d’espoir, — dans le jargon des troupiers.
Peronnelle
d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris, qui se dit d’une jeune femme sotte, dédaigneuse et impertinente ; d’une coureuse ; d’une mauvaise langue.
Pérorateur
France, 1907 : Bavard, débitant de panacée universelle, guérisseur idiot des misères sociales, exploiteur verbeux de la sottise ou de la crédulité populaire.
J’allai entendre des orateurs, et puis des pérorateurs. En démocratie, on est exposé partout à ce plaisir. Et là, le désespoir me prit, non point tant de constater l’ânerie de l’exercice que de savoir qu’il était rapporté par la critique à l’art littéraire. Jeunes écoliers, n’en croyez pas un mot, vos professeurs vous trompent. Si l’art oratoire se rattache à la littérature, c’est comme le singe se rattache à l’arbre, par la queue.
(Émile Bergerat)
Pérou
d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas le Pérou que ta connoissance. Propos vulgaire et grossier qui se dit par mépris à quelqu’un, pour lui faire entendre qu’on ne met aucune importance à cultiver son amitié ; qu’il n’y a rien à gagner avec lui.
Larchey, 1865 : « Ce n’est pas le Pérou que ces bougres-là » — Hébert, 1793. — C’est-à-dire : Ce sont de pauvres bougres. — Allusion aux richesses naturelles du Pérou.
Pérou (ce n’est pas le)
Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple, qui l’emploie ironiquement à propos d’une chose qui ne lui paraît pas difficile à faire, ou qu’on lui vante trop. Se dit aussi à propos d’une affaire qui ne parait pas destinée à rapporter de gros bénéfices.
France, 1907 : Le n’est pas grand’-chose, ça n’a pas grande valeur. L’on sait que le Pérou a longtemps désigné l’endroit où l’or se trouvait en plus grande abondance. C’est de cette partie de l’Amérique méridionale qu’au XVIe et au XVIIe siècle les Espagnols tirèrent, à force de crimes et d’extorsions sur les malheureux habitants, leurs immenses richesses réduites à néant aujourd’hui.
Perpendiculaire
France, 1907 : Chaîne de montre pendant sur le gilet ; argot des voleurs. Secouer la perpendiculaire, voler une chaîne de montre.
Perpète
Vidocq, 1837 : Perpétuité.
Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Perpétuité, — dans l’argot des forçats.
France, 1907 : Perpétuité. Être gerbe à perpète, être condamné à perpétuité.
Perpète (à)
Rigaud, 1881 : À perpétuité, — dans le jargon des voleurs. — Être à perpète, être condamné à perpétuité.
Perpette
Rossignol, 1901 : Perpétuité.
Perpétuel
d’Hautel, 1808 : C’est un mouvement perpétuel. Se dit d’une personne d’une vivacité, d’une turbulence insupportables, qui ne peut rester une minute tranquille.
Perpignan
Fustier, 1889 : Nom que les charretiers donnent au manche de leur fouet. Les meilleurs manches de fouet se fabriquent, paraît-il, en cette ville.
France, 1907 : Manche de fouet flexible. Le chef-lieu des Pyrénées-Orientales jouit, à tort ou à raison, de la réputation d’en fabriquer les meilleurs.
Perroquet
d’Hautel, 1808 : Un perroquet. On appelle ainsi un homme qui répète, sans comprendre, ce qu’il a entendu.
De la soupe à perroquet. Pour dire, du pain trempé dans du vin.
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui répète toujours la même chose — sans parvenir à ennuyer les femmes.
Elle m’a prêté sa cage
Pour loger mon perroquet.
(Gautier-Garguille)
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui ne sait que ce qu’il a appris par cœur. Argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. m. Verre d’absinthe, — dans l’argot des troupiers et des rapins, qui font ainsi allusion à la couleur de cette boisson, que l’on devrait prononcer à l’allemande : poison. Étouffer un perroquet. Boire un verre d’absinthe. L’expression a été employée pour la première fois en littérature par Charles Monselet.
La Rue, 1894 : Verre d’absinthe. L’étrangler, le boire.
Virmaître, 1894 : Absinthe. Allusion à la couleur verte de la liqueur, qui ressemble à celle du perroquet (Argot du peuple). V. Poileuse.
Rossignol, 1901 : Verre d’absinthe pure.
Hayard, 1907 : Absinthe.
France, 1907 : Bavard, parlementaire, rabâcheur de vieilles théories ressassées, comme les orateurs de mastroquets en rabâchent dans les réunions publiques.
Le comble de l’ironie,
Quand tu crèv’s de faim,
C’est d’entendr’ la Bourgeoisie
T’app’ler Souverain.
Celui qui veut ton suffrage
T’prend pour un jobard,
Fous-lui ton poing su’l’visage,
Te dit l’pèr’ Peinard.
Ah ! nom de Dieu ! faut qu’ça change,
Assez d’perroquets !
Y faut sortir de c’tte fange,
Ouvrons les quinquets !
Gouvernant, patron, jésuite,
Tout ça sent l’mouchard ;
Faut leur foutr’ d’la dynamite !
Te dit l’pèr’ Peinard.
(François Brumel)
France, 1907 : Douanier, à cause de l’uniforme vert.
France, 1907 : Verre d’absinthe. Étouffer, étrangler ou plumer un perroquet, boire un verre d’absinthe ; allusion à la couleur verte qui est celle de beaucoup de perroquets. On dit aussi perruche.
— Tu réclames tes deux béquilles, sale boiteux, dit-il en débouchant à nouveau la bouteille, et, coup sur coup, les perroquets se suivent.
Il appelle le quatrième « l’adjudant de semaine ». Les derniers sont les « trainards », le « gibier d’arrière-garde », les « vieux carottiers. »
(René Maizeroy, Portraits parisiens)
Perroquet (étouffer un)
Larchey, 1865 : « Cette locution signifie, dans le langage des ateliers, prendre un verre d’absinthe. » — M. Bayeux. — Allusion à la couleur verte du verre à pattes dont la main du buveur semble en effet étrangler le cou.
Perroquet (un)
Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe. — Étouffer, asphyxier un perroquet, boire un verre d’absinthe.
Perroquet à foin
France, 1907 : Âne.
Diable de perroquet à foin,
Mousquetaire de Piquepuces,
Jardin à poux, grenier à puces.
(Vadé)
Perroquet de falaise
Fustier, 1889 : Douanier. Allusion de couleur.
Perroquet de Montfaucon
France, 1907 : Vieil argot pour corbeau. On sait que Montfaucon était célèbre comme lieu de pendaison.
Voyez ce muguet trousse-cotte
Qui voudrait nous manier la m…
Oui, c’est pour lui qu’on cuit chez moi !
Tiens, l’abbé, v’là toujours pour toi…
N’me touche pas, c’est autant d’taches,
Ou je te frise la moustache
Avec le cul de mon chaudron,
Chien d’perroquet de Montfaucon !
(Vadé, Nouveau Catéchisme poissard)
Perroquet de savetier
Delvau, 1866 : s. m. Le merle, — dans l’argot des faubouriens. On le dit quelquefois aussi de la Pie.
Rigaud, 1881 : Pie, merle, geai.
France, 1907 : Merle ou pie.
Perroquet vert (fête du)
France, 1907 : Le dimanche el les jours fériés, à cause de la quantité énorme d’absinthe qui s’y consomme.
Le jour dominical n’est plus que le retour périodique de la fête du perroquet vert, où l’on voit attablés autour des verres jaunes la foule des snobs béatifiés par l’action réflexe du breuvage troublant et hallucinateur.
(L.-A. Levat, Petit Marseillais)
Perruche
Rossignol, 1901 : Verre d’absinthe mêlée de sirop ou de sucre.
Perruche (une)
Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe, — dans le jargon des ivrognes qui veulent varier un peu les dénominations et préfèrent la femelle, la perruche, au mâle, le perroquet.
Perruque
Larchey, 1865 : Détournement, abus de confiance. — C’est un superlatif de faire la queue.
Larchey, 1865 : Suranné. — V. Mâchoire.
Le mot perruque était le dernier mot trouvé par le journalisme romantique qui en avait affublé les classiques.
(Balzac)
Delvau, 1866 : adj. et s. Vieux, suranné, classique, — dans l’argot des romantiques, qui avaient en horreur tout le siècle de Louis XIV. Le parti des perruques. L’École classique, — qu’on appelle aussi l’École du Bon Sens.
Delvau, 1866 : s. f. Cheveux en broussailles, mal peignés, — dans l’argot des bourgeois, ennemis des coiffures romantiques.
Delvau, 1866 : s. f. Détournement de matériaux appartenant à l’Etat, — dans l’argot des invalides, souvent commis à leur garde. Faire une perruque. Vendre ces matériaux.
Rigaud, 1881 : Vente clandestine d’objets appartenant à l’État ou à une grande administration. — Faire une perruque, vendre clandestinement des objets appartenant à une grande administration. C’est une variante de faire la queue. — En terme d’atelier, c’est faire un outil pour soi, dans les usines où les ouvriers sont censés fournir leurs outils.
Le travailleur prend le bois et fait son outil au compte de la maison. S’il est aux pièces, il remet son désir pour le moment où il sera à la journée.
(Le Sublime)
Rigaud, 1881 : Vieux, passé de mode. Lors de la querelle des classiques et des romantiques, ces derniers traitaient les classiques de « Perruques ». Racine était une « perruque et un polisson ».
La Rue, 1894 : Vol au détriment de l’État. Le fonctionnaire qui le commet se nomme perruquier.
Virmaître, 1894 : Vieille perruque, vieux serin, homme qui n’est pas fin-de-siècle. Perruque (En faire une) : Vendre des matériaux qui appartiennent à autrui (Argot des entrepreneurs).
France, 1907 : Sobriquet que les jeunes gens donnent aux célébrités d’autrefois. Ainsi Racine, Molière, Corneille sont des perruques. Cette expression date du commencement du XIXe siècle, où l’usage des perruques n’était plus suivi que par les vieilles gens — restés fidèles aux modes de leur jeunesse. Le surnom vieille perruque est encore donné aux personnes âgées attachées obstinément aux choses de jadis.
Le baron de Pitensac, seigneur de Pétenler et autres lieux, avait mené comme il convient joyeuse vie jusqu’à soixante ans. Ce bel âge le surprit avec moins d’entrain, de souplesse et d’élégance, — ses jambes raidies, rouillées, se refusaient aux escales et aux agenouillements répétés qu’exige la conquête d’un cœur, et un habile maquillage n’arrivait qu’imparfaitement à cacher toutes ses rides. Aussi les femmes commençaient-elles à le traiter d’être insignifiant, de vieille perruque, le dédaignant pour de plus jeunes.
(Daniel Riche)
Perruque (donner une)
France, 1907 : Infliger une semonce. Cette expression, qui n’est plus guère employée qu’en province, tire son origine des couvents de dominicains. Quand ces moines qui ont la tête rasée chassaient du couvent l’un d’entre eux, pour quelque péché de fornication ou autre qui causait scandale, ils lui donnaient une perruque afin qu’il pût se présenter ailleurs sans attirer la déconsidération sur l’ordre en laissant voir par son crâne rasé qu’il avait appartenu au monde monastique. De là l’expression : « Vous vous ferez donner une perruque », c’est-à-dire : Vous vous ferez chasser de la maison.
Perruque (faire en)
France, 1907 : Faire en fraude.
— Le patron croit qu’il ne paye pas nos outils, mais les trois quarts sont faits en perruque.
(Le Sublime)
Faire la perruque, détourner chez un patron de menus objets ; argot des ouvriers.
Perruque (faire)
La Rue, 1894 : Fabriquer avec des matériaux soustraits.
Perruquemar
Delvau, 1866 : s. m. Coiffeur, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Perruquier.
France, 1907 : Perruquier ; argot populaire.
Perruquer (se)
Delvau, 1866 : Porter de faux cheveux pour faire croire qu’on en a beaucoup. Argot du peuple. Du temps de Tabourot, on disait une perruquée en parlant d’une Coquette à la mode qui ajoutait de faux cheveux à ses cheveux naturels, — comme faisaient les coquettes du temps de Martial, comme font les femmes de notre temps. D’où vient cette épigramme du seigneur des Accords :
Janneton ordinairement
Achepte ses cheveux, et jure
Qu’ils sont à elle entièrement :
Est-elle à vostre advis perjure ?
Vous devinez la réponse : Non, elle n’est point « perjure » parceque ce que nous achetons est nôtre.
Perruquier
d’Hautel, 1808 : C’est moi qui suis le perruquier dans cette affaire. Locution triviale ; pour dire que l’on est dupé dans une affaire, que les frais en demeurent à votre charge.
On prononce vulgairement perrutier.
Perruquier (laissez passer le)
Merlin, 1888 : Signal d’avertissement donné aux travailleurs de la tranchée, lorsque arrive un obus ou une bombe qui les rasent souvent de près.
Perruquier de la crotte
Rigaud, 1881 / France, 1907 : Décrotteur.
Perruquier de la sérieuse
France, 1907 : Le bourreau. Il procède à la dernière toilette.
— Ouvrez donc, bistro de malheur !… J’ai une soif carabinée, et tout est fermé dans ce sacré pays… C’est un désert depuis Clichy !… Ouvres-tu ? puisqu’il y a de la lumière, c’est que tu es encore là…
À présent le tenace consommateur tambourinait le volet avec les poings.
— Si je le laisse dehors, pensa l’assassin, il va ameuter les environs… des gendarmes faisant leur ronde peuvent passer, et ils s’informeront… et alors gare au perruquier de la sérieuse… Non ! je ne me laisserai pas comme ça rafraîchir les douilles…
(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)
Persiennes
Delvau, 1866 : s. f. pl. Lunettes, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Lunettes.
France, 1907 : Lunettes ; argot populaire.
Persigner
Rigaud, 1881 : Enfoncer. Se dit au figuré et au propre. — Persigner une lourde, enfoncer une porte. Persigner un client, tromper un individu.
France, 1907 : Enfoncer, ouvrir de force et en brisant. « Persigner une lourde », fracturer une porte.
Persil
d’Hautel, 1808 : Grêler sur le persil. Exercer son autorité, son pouvoir, son crédit, sa critique contre des gens foibles, ou sur des sujets de nulle importance.
Rigaud, 1881 : Exercice de la promenade au point de vue de la prostitution.
C’était la grande retape, le persil au clair soleil, le raccrochage des catins illustres.
(É. Zola, Nana)
Virmaître, 1894 : Faire le persil, aller au persil : raccrocher. On n’est pas fixé sur l’origine et la valeur de cette expression. Francisque Michel la fait venir de pesciller ; Delvau dit qu’elle a pour motif que les filles raccrochent dans les terrains vagues où pousse le persil ; le peuple, qui ne connaît ni l’un ni l’autre, applique cette expression aussi bien aux filles de la rue qu’à celles du boulevard, parce que la fille trotte dans la boue et qu’elle a les pieds sales ; or, depuis plus de cinquante ans, on dit d’une fille qui a les pieds malpropres :
— Elle a du persil dans les pieds ; de là : faire son persil (Argot des souteneurs).
Rossignol, 1901 : Une fille publique fait son persil, lorsqu’elle fait les cent pas dans la rue à la recherche de michets.
France, 1907 : Le monde des cocottes, le commerce de la prostitution. Ce mot a dû être importé à Paris par les filles du midi de la France, où persil signifie argent, à moins qu’il ne vienne du latin percilum, œillade.
C’est le grand jour du Cirque, jour du persil et du gratin ; le jour des demoiselles qui se respectent et qui sont seules, du reste, à remplir cette fonction, et des messieurs dont la boutonnière se fleurit d’un gardénia acheté un louis à la bouquetière du cercle.
(Paul Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)
Aller au persil, faire son persil, travailler dans de persil, autant d’expressions courantes pour signifier raccrocher les hommes ; aussi dénomme-t-on les raccrocheuses Mesdames du Persil. Une partie très fréquentée du bois de Boulogne est appelée le Persil depuis la transformation et l’embellissement du bois, sous le second empire, à cause du nombre de filles galantes qu’on y rencontre soit à pied, soit en voiture.
Yen a des tas, yen a d’partout :
De la Bourgogne et du Poitou,
De Nanterre et de Montretout,
Et d’la Gascogne ;
De Pantin, de Montmorency,
De là d’où, d’ailleurs et d’ici,
Et tout ça vient fair’ son persil
Au bois d’Boulogne.
(Aristide Bruant)
Persil (aller au)
Halbert, 1849 : Accoster le passant.
Rigaud, 1881 : Faire une promenade intéressée dans les rues et lieux publics, — dans le jargon des filles. Les variantes sont : Persiller, faire son persil.
Persil (faire son persil)
Hayard, 1907 : Faire le trottoir.
Persil (grêler sur le)
France, 1907 : Exercer son pouvoir, son ressentiment contre des gens infimes, qui ne valent pas la peine de notre colère ; frapper rudement, brutalement un être faible, sans défense. Cependant on trouve dans le Dictionnaire de Trévoux :
Le diable de Papefiguière ne savait grêler que sur les choux et sur le persil, c’est-à-dire il ne faisoit point de mal.
Persil dans les pieds (avoir du)
Delvau, 1866 : Se dit d’une femme qui a les pieds sales — à force d’avoir marché.
Persil en fleur
Halbert, 1849 : Commerce florissant d’une fille.
Persil, persillage
La Rue, 1894 : Promenade d’une femme qui exerce la prostitution. Elle va persiller, faire son persil. Le persil c’est le miché sérieux. On la nomme persilleuse. V. Biche. Le persil désigne encore la partie la plus fréquentée du bois de Boulogne.
Persillard
France, 1907 : Pédéraste qui erre dans les lieux publics à la recherche d’un client ; argot populaire. On dit aussi persilleuse.
Voici comment un douillard, celui qui cherche son persillard ou sa persilleuse, se reconnait… Le douillard porte une canne à bec recourbé. Il fait un léger attouchement de sa canne ou de l’épaule gauche à l’épaule droite du persillard.
(Mémoires de M. Claude)
Persiller
Delvau, 1864 : Se promener, le soir, quand on est putain libre, sur le trottoir des rues et des boulevards où l’on est assurée de rencontrer des hommes qui bandent ou à qui l’on promet de les faire bander.
Pour persiller l’ jour dans la pépinière,
De vingt penauds, j’ lui paye un p’tit panier.
Elles explorent le boulevard, persillent dans les squares.
(Lynol)
Delvau, 1866 : v. n. Raccrocher, — dans l’argot des souteneurs de filles. On dit aussi Aller au persil et Travailler dans le persil. Francisque Michel, qui se donne tant de peine pour retrouver les parchemins de mots souvent modernes qu’il ne craint pas, malgré cela, de faire monter dans les carrosses du roi, reste muet à propos de celui-ci, pourtant digne de sa sollicitude. Il ne donne que Pesciller, prendre. En l’absence de tout renseignement officiel, me sera-t-il permis d’insinuer que le verbe Persiller pourrait bienvenir de l’habitude qu’ont les filles d’exercer leur déplorable industrie dans les lieux déserts, dans les terrains vagues — où pousse le persil ?
France, 1907 : Raccrocher les passants.
Trop giron, trop bot pour rien faire,
C’est naturel qu’y soit feignant,
Pauvr’ chat, l’turbin c’est pas sa sphère,
Moi, j’m’en rattrape en persillant,J’me ballade, quand y pleut j’me mouille,
Y m’attend tranquill’ment au lit
Et quand j’rapporte la douille,
Ah ! faut voir comme il est poli,
Et puis l’matin, l’amour ça creuse,
J’y port’ dans l’pieu son chocolat :
C’est vraiment chouett’ pour un’ pierreuse
D’avoir un mec comm’ celui-là.
(André Gill, L’Éponge à Polyte)
Persiller, cueillir du persil, faire son persil
Larchey, 1865 : Raccrocher.
Elles explorent les boulevarts, persillent dans les squares nouveaux, dans l’espoir d’y rencontrer des miches sérieux.
(Lynol)
Le miché représente ici le persil indispensable au pot-au-feu de la prostitution. V. Tante.
Persilleuse
Delvau, 1866 : s. f. Femme publique. Se dit aussi du Jeune homme qui joue le rôle de Giton auprès des Encolpes de bas étage.
Rigaud, 1881 : Prostituée qui se promène pour chercher de l’ouvrage. — Les persilleuses typiques ou boulonnaises, se tiennent le long des allées, des contre-allées du bois de Boulogne, du bois de Vincennes. Ces hamadryades entraînent dans les taillis les infortunés que leurs charmes ont séduits. La persilleuse est souvent une pseudo-ouvrière ou une ouvrière sans ouvrage. Elle va alors au persil avec un petit panier à la main. Bien des filles du peuple font croire à leurs parents qu’elles vont à l’atelier et n’ont d’autre occupation que de faire leur persil.
Rossignol, 1901 : Celle qui fait le persil.
France, 1907 : Raccrocheuse.
Un soir, elle descendit poussée par la faim… Quinze jours plus tard, elle était une habituée de Mabille, et faisait rager d’envie les persilleuses célèbres qu’elle éblouissait par un luxe princier. Elle devint, plus tard, une grande dame, et renia Clara et Pomaré, qui furent, avec elle, les étoiles du chahut !
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
On donne aussi ce sobriquet aux ignobles jeunés gens qui servent aux plaisirs des pédérastes.
La persilleuse est toujours cravatée (cravaté, voulais-je dire) à la Colin ; sa coiffure est une casquette dont la visière de cuir verni tombe sur les yeux et sert en quelque sorte de voile ; elle porte une redingote courte ou une veste boutonnée de manière à dessiner fortement la taille qui déjà est maintenue dans un corset.
(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)
Personne
d’Hautel, 1808 : J’ai trouvé monsieur personne. Pour dire que l’on a trouvé les portes fermées, que tout le monde étoit sorti dans la maison où l’on alloit pour affaire.
Il y a personne et personne. Pour dire que toutes les personnes ne se ressemblent pas, qu’on en rencontre dans la société de différentes conditions.
Personnette
France, 1907 : Petite personne ; ne s’emploie qu’en parlant d’une très jeune fille ou d’une femme mièvre, mignonne ou sans importance.
— Monsieur, j’ai aimé l’argent plus que tout ; à cause de l’argent je ne me suis pas marié, encore que j’aie rencontré, une ou deux fois, des personnettes qui me revenaient et à qui je ne déplaisais pas. Mais je ne voulais pas d’enfants, pas de dépense de cotillon ; j’ai donné trois tours de clef à ma serrure et je me suis dit : « Gagne d’abord de quoi vieillir tranquille ; les outils dont tu n’aurus pas usé te serviront, tout neufs, dans ta cinquantaine. Et puis tu seras toujours assez aimé si tu as du bien. »
(Hugues Le Roux)
Personnifié
d’Hautel, 1808 : C’est l’insolence, la bêtise personnifiée. Pour dire qu’une personne a les caractères distinctifs d’un impertinent, d’un sot, d’une bête, d’un stupide.
Pert
France, 1907 : Parait. « Il y pert », il y paraît. Vieux mot resté en quelques provinces.
Point ne compte bourdes ne gloses ;
Je ne parle que par raison ;
Il y pert pour planté de choses,
De preuves j’offre grant foyson.
(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)
Perte
d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas grand’perte. Se dit par mépris d’une personne ou d’une chose facile à remplacer, à réparer.
Perte de vue (à)
France, 1907 : À perpétuité. Fagot à perte de vue, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Argot des voleurs.
Pertuis
France, 1907 : Trou, ouverture. Vieux mot.
Pertuis aux légumes
Delvau, 1866 : s. m. La gorge, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine. D’où : Faire tour-mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes, pour : Étrangler quelqu’un.
France, 1907 : Le gosier. « Faire tour mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes » étrangler.
Pesant
d’Hautel, 1808 : Il vaut son pesant d’or. Manière d’exagérer le mérite de quelqu’un. On dit dans le sens opposé et par ironie d’un homme sans capacité, qu’il vaut son pesant de plomb.
Pesanteur
d’Hautel, 1808 : Il est d’une pesanteur ! Manière satirique, de dire qu’un homme a l’esprit lourd, qu’il est d’un ennui mortel.
Pesciller
Vidocq, 1837 : v. a. — Prendre.
Larchey, 1865 : Prendre. — Du vieux mot peschier : pêcher. Servir, Criblage.
La Rue, 1894 : Prendre.
France, 1907 : Saisir ; argot des voleurs. Pesciller d’esbrouffe, prendre de force.
— Quel mal qu’il y aurait à lui pesciller d’esbrouffe tout ce qu’elle nous a esgaré, la vielle altriqueuse ?
(Mémoires de Vidocq)
Pesciller (se)
France, 1907 : Se fâcher.
Pesciller d’esbrouffe
Vidocq, 1837 : v. a. — Arracher, prendre avec violence.
Delvau, 1866 : Prendre de force, d’autorité — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Prendre d’autorité. Le voleur à l’esbrouffe pescille de cette façon le portefeuille ou le portemonnaie du bourgeois (Argot des voleurs). V. Vol à l’esbrouffe.
Pèse
un détenu, 1846 : Argent monnayé.
Rigaud, 1881 : Argent, paye. — Descendre son pèse, dépenser son argent.
France, 1907 : Argent. « Fusiller son pèse », dépenser son argent.
L’expression, dit Ch. Virmaître, est due à Frédérick-Lemaitre. Il jouait avec Clarisse Miroy à la Porte-Saint-Martin, sous la direction Hurel. Ce dernier n’aimait pas payer. Un soir qu’il était en retard avec les appointements du grand artiste, celui-ci ne voulut pas entrer en scène avant d’être réglé. Il envoya Clarisse à la caisse : elle en revint peu après avec un énorme sac de pièces de cent sous, Elle le tendit à Frédérick :
— Tiens, pèse !
Depuis ce temps, on dit dans le peuple :
— As-tu du pèse ?
Le peuple était donc présent à la scène ? Malheureusement pour la véracité de l’origine de cette expression, le mot peze se trouve dans les Mémoires de Vidocq antérieurs à Frédérick-Lemaitre, et, de plus, il n’est qu’une forme ancienne de pièce. On dit encore dans de Béarn et les Pyrénées : pèce, ou pesse, pour pièce, pessette ou pecete, petite pièce de monnaie ; la peseta, en espagnol, répond à notre franc.
Pesé ou pèze
Delvau, 1866 : s. f. Résultat d’une collecte faite entre voleurs libres au profit d’un voleur prisonnier ; résultat pesant.
Pèse-les-œufs
France, 1907 : Avare, homme chiche, celui par exemple qui donnerait comme motif de sa préférence pour son restaurant habituel qu’on lui servirait des œufs plus gros qu’ailleurs. Patois du Centre.
Pèse, pèze
La Rue, 1894 : Argent. Collecte.
Peser
d’Hautel, 1808 : Il ne pèse pas lourd. Se dit par raillerie d’un fanfaron ; pour exprimer qu’il fait plus d’embarras qu’il n’est fort.
Il ne pèse pas deux onces. Se dit au propre d’un homme d’une très-foible constitution ; au figuré de quelqu’un qui marque une grande vivacité, une joie excessive, comme par exemple, lorsqu’on a déchargé sa conscience d’un grand fardeau.
Il ne pèse pas plus qu’une plume. Se dit par exagération d’une personne très-légère.
Il pèse à la main. Se dit d’un homme qui a l’esprit lourd ; qui manque d’intelligence.
Pésiller
Ansiaume, 1821 : Prendre, happer.
Tandis que l’orphelin avoit les endos tournés, je lui ai pésillé trois rondinets.
Pesse
Ansiaume, 1821 : Monnoie.
As-tu la pesse de cinq balles ? — Oui. — Envoies.
Pessigner
France, 1907 : Voler ; argot des voleurs.
Je rembroque au coin du rifle
Un messière qui pionçait ;
J’ai sondé dans ses vallades,
Lonfa malura dondaine !
Son carle j’ai pessigné,
De Lonfa malura dondé !
Pessigner ou pessiguer
Virmaître, 1894 : Ouvrir.
— J’ai une carouble qui pessigne toutes les lourdes sans fric-frac (Argot des voleurs).
Pessiguer
Delvau, 1866 : v. a. Ouvrir, soulever, — dans l’argot des voleurs. Pessiguer une lourde. Ouvrir une porte.
Rigaud, 1881 : Soulever ; du provençal pessuguer, pincer, voler habilement.
France, 1907 : Maltraiter ; du provençal pessiguar. Argot des voleurs.
Pessiguier
La Rue, 1894 : Ouvrir. Soulever. Maltraiter.
Pessiller (se)
Rigaud, 1881 : S’emporter, — dans le jargon des voleurs.
Pestaille
Rossignol, 1901 : Agent de police.
France, 1907 : Agent, la police en général ; argot des voleurs.
Pestailles
Virmaître, 1894 : Agents de la sûreté ou sergents de ville. Pour les voleurs, ce sont des pestes ; ils ont ajouté la finale de railles, l’ancien mot, et n’en ont fait qu’un (Argot des voleurs). N.
Peste
d’Hautel, 1808 : C’est une peste. Se dit d’une personne qui a l’incommodité de lâcher de mauvais vents.
d’Hautel, 1808 : Un petit peste. Un petit garçon malicieux, espiègle, rusé et enjoué.
France, 1907 : Même sens que pestaille.
Peste !
d’Hautel, 1808 : Interjection, qui marque la surprise, l’étonnement, le mécontentement.
Peste, pestaille
Hayard, 1907 : Agent de la sureté.
Pester
d’Hautel, 1808 : Pester entre cuir et chair. Éprouver un dépit intérieur, sans oser le faire éclater.
Pet
d’Hautel, 1808 : Fier comme un pet. Pour dire, hautain, orgueilleux ; qui affecte l’air méprisant et dédaigneux.
Pet en l’air. On appeloit ainsi à Paris, il y a quelques années, une espèce de casaquin que portoient les femmes.
Pet de nonne. Espèce de pâtisserie soufflée.
Un pet à vingt ongles. Manière burles désigner l’enfant dont une fille est accouchée.
On tireroit plutôt un pet d’un âne mort. Se dit d’un homme avare et dur à la desserre.
Clémens, 1840 : Manquer un vol.
Delvau, 1866 : s. m. Embarras, manières. Faire le pet. Faire l’insolent ; s’impatienter, gronder. Il n’y a pas de pet. Il n’y a rien à faire là dedans ; ou : Il n’y a pas de mal, de danger.
Delvau, 1866 : s. m. Incongruité sonore, jadis honorée des Romains sous le nom de Deus Crepitus, ou dieu frère de Stercutius, le dieu merderet. Glorieux comme un pet. Extrêmement vaniteux. Lâcher quelqu’un comme un pet. L’abandonner, le quitter précipitamment.
Virmaître, 1894 : Signal convenu pour prévenir ses complices qu’il y a du danger.
— Pet, pet, v’là les pestailles.
On dit également :
— Au bastringue du Pou Volant, il y aura du pet ce soir (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Danger.
Sauvons-nous, il y a du pet.
France, 1907 : Bruit, tapage, plainte en justice. Faire du pet, causer du bruit, du scandale ; faire le pet, manquer son coup. Il y a du pet, les choses tournent mal ; les voleurs, les escarpes, les souteneurs, pour prévenir d’un danger, crient : Pet ! pet ! comme des collégiens disent : Vesse ! vesse !
— Dis donc, Paul, il parait qu’il y a du pet, ce soir ?
— Je te crois ! Et les maqués du passage ont écopé… Y a Julot qui a voulu défendre sa femme ; on l’a fourré dedans… Un coup de rébellion… Tu sais, avec ses six jugements, il est foutu de passer l’eau. Les gonzesses des Princes osent plus sortir… J’ai été les prévenir.
— Et ma sœur ?’Tas pas vu ma sœur ?
(Oscar Méténier)
Il n’y a pas de pet, tout est tranquille. Cette expression signifie également : C’est bien certain, il n’y a pas d’erreur.
La foi est-elle morte, bon dieu ? ou la putain d’Église va-t-elle se ravigotter, entassant dans son giron les bons bougres en foultitude ?
Y’a pas de pet ! la foi est morte ; le paysan ne croit plus aux balourdises du prêtre, il n’y croit plus et n’y croira jamais !
(Le Père Peinard)
Glorieux comme un pet, vaniteux à l’excès ; lâcher quelqu’un comme un pet, l’abandonner brusquement.
Pet (curieux comme un)
Rigaud, 1881 : Extrêmement curieux. Le pet n’est pas casanier de son naturel ; il demande à sortir et à se produire.
Pet (faire le)
Rigaud, 1881 : Faire faillite.
Pet (il y a du)
Rigaud, 1881 : Attention ! la police est là ! — dans le jargon des voleurs. — Attention ! le patron est de mauvaise humeur, il va y avoir de l’abattage, des réprimandes, — dans le jargon des ouvriers. Il y a du pet, ça sent mauvais, quand le patron ou le contre-maître fait une réprimande d’ensemble.
La Rue, 1894 : Attention ! Méfiez-vous.
Hayard, 1907 : Il y a du danger.
Pet à vingt ongles
Delvau, 1866 : s. m. Enfant nouveau-né, — dans l’argot du peuple. Faire un pet à vingt ongles. Accoucher.
Rigaud, 1881 : Nouveau-né. Abouler un pet à vingt ongles, accoucher.
Virmaître, 1894 : Enfant nouveau-né (Argot du peuple).
France, 1907 : Enfant nouveau-né. « Abouler un pet à vingt ongles », accoucher. Argot populaire.
Pet d’un âne mort
France, 1907 : Rien ou peu de chose. Pet ne serait-il pas une défiguration de pe, peau, abréviation de pel, du latin pellis ? Pet se prononçait pé.
Du haut en bas du gouvernement, en long et en large, tout le monde ment, ne songe qu’à son intérêt personnel, qu’à tirer les marrons du feu, les épingles du jeu, les pets d’un âne mort, personne ne pense à la patrie, aux nobles réformes, et très peu même, dégoûtés de tout et du reste, hurlent en pleine indépendance.
(Léon Daudet)
— Tout ce que tu diras, c’est des pets d’âne mort, et on va y aller de la fin de son rouleau.
(Georges d’Esparbès)
Pet de chèvre au milieu du bois
France, 1907 : Chose méprisable ; synonyme de pet d’un âne mort. « Quand il serait tout de poudre, il ne ferait pas un gros pet », se dit d’un petit homme qui fait l’important.
Pet de cul !
France, 1907 : Rien du tout, vaine promesse ; expression méridionale.
Pet de lapin
Rossignol, 1901 : Une chose qui ne vaut rien, ne vaut pas un pet de lapin.
France, 1907 : Rien. « Ne pas valoir un pet de lapin », ne rien valoir. Même observation que pour pet d’un âne mort.
— Si j’étais que Madame, je me ferais pas tant de bile.
— Et pourquoi donc, ma bonne Julie ?
— Le meilleur des hommes ne vaut pas un pet de lapin.
(Fin de Siècle)
Les hommes, les hommes,
Ça n’vaut pas les quatr’ fers d’un chien !
Nous sommes, nous sommes,
Les seules qui les connaiss’nt bien.
Quand même, on aime :
Pour eux, nous avons un pépin !
Quoiqu’ils n’vaill’nt pas un pet d’lapin,
Nous les gobons tout d’même.
(René Esse)
Pet honteux
Rigaud, 1881 : Exhalaison fondamentale sortant sans tambour ni trompette. L’éclair sans le tonnerre.
France, 1907 : Vesse.
Pet-en-coque
France, 1907 :
Qu’est-ce que tu dis là, loufoque,
Docteur plus fier que pet-en-coque,
Rommel, en ton jars prussien ?
C’est trop sur ta gueule d’empeigne,
Qui pourtant réclame une beigne
D’un poing d’académicien.
(Raoul Ponchon)
Pet-en-l’air
Fustier, 1889 : Petit veston court.
Contre l’habit léger et clair
La loutre a perdu la bataille :
Nous arborons le pet-en-l’air,
Et les femmes ne vont qu’en taille.
(Richepin)
France, 1907 : Veston, jaquette courte.
Contre l’habit léger et clair
La loutre a perdu la batailles ;
Nous arborons le pet-en-l’air,
Et les femmes ne vont qu’en taille.
(Jean Richepin)
Pet, pétage
Rigaud, 1881 : Plainte en justice.
Pétage
Vidocq, 1837 : s. f. — Déclaration faite à la justice.
France, 1907 : Jugement, procès ; argot des voleurs.
Petaliller
France, 1907 : Faire claquer un fouet à plusieurs reprises sans nécessité. Tirer des coups de fusil répétés, en parlant des chasseurs ; patois du Centre. « Il n’a fait que petailler, et il est revenu bredouille. »
Pétarade
d’Hautel, 1808 : Longue suite de pets.
Delvau, 1866 : s. f. Longue suite de sacrifices au dieu Crepitus, — dans l’argot des faubouriens, amis des joyeusetés scatologiques, et grands amateurs de ventriloquie.
Pétarade (la)
France, 1907 : L’hôpital de la Salpêtrière ; argot des voleurs. Allusion au salpêtre qui entre dans la composition de la poudre.
Pétard
Vidocq, 1837 : s. m. — Haricot.
Clémens, 1840 : Éveil, se faire de la bile.
un détenu, 1846 : Un sou.
Delvau, 1866 : s. m. Bruit, esclandre.
N’bats pas l’quart,
Crains l’pétard,
J’suis Bertrand l’pochard !
dit une chanson populaire.
Delvau, 1866 : s. m. Derrière de l’homme ou de la femme. Se dit aussi pour Coup de pied appliqué au derrière.
Rigaud, 1881 : Derrière. — Haricot. Le haricot est tantôt un musicien, tantôt un pétard, tantôt exécutant, tantôt musique. Allusion compréhensible, même pour les enfants.
Fustier, 1889 : Argot des artistes et des gens de lettres. Succès bruyant.
Pourquoi ce qui n’avait pas réussi jusqu’alors, a-t-il été, cette fois, un événement de librairie ? ce qu’on appelle, en argot artistique, un pétard.
(Gazette des Tribunaux, 1882. )
Fustier, 1889 : Sou.
À droite, un comptoir en étain
Qu’on astique chaque matin.
C’est la qu’on verse
Le rhum, les cognacs et les marcs
À qui veut mettre trois pétards
Dans le commerce.
(Gaulois, 1882)
La Rue, 1894 : Un sou. Soumet. Haricot. Postérieur. Bagarre.
Virmaître, 1894 : Le derrière.
— Crois-tu qu’elle est bien en viande ? Quel riche pétard ! On en mangerait une tranche.
L’allusion se devine ; souvent il tire des feux d’artifice (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : Sou. C’est une corruption du mot patard, expression employée par François Villon. En Suisse, il y a des siècles, patard était une monnaie divisionnaire ; en terme de mépris, on disait : un patard de vache (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : Le derrière.
Rossignol, 1901 : Sou.
Rossignol, 1901 : Tapage, bruit.
Avez-vous fini de faire du pétard, on n’entend que vous.
France, 1907 : Bruit, tapage.
Comment, v’là d’jà ménuit qui sonne !
Ej’ croyais pas qu’l’était si tard,
C’est vrai qu’on rencont’ pus personne
Et qu’on n’entend pus grand pétard.
Vrai, si j’étais propriétaire,
J’irais ben m’coucher un moment…
Mais je n’suis mêm’ pas locataire…
(Aristide Bruant)
Faire du pétard, faire du bruit, récriminer, protester vigoureusement, causer du désordre.
Autrefois, elle était fantasque,
Capricieuse, et f’sait du pétard,
Ne r’gardant pas à faire un’ frasque,
Encor moins à faire un cornard.
Mais maintenant on peut sur elle
Se reposer de tout souci,
Comme un pigeon dessous une aile…
(Henri Bachmann, La Femme mûre)
Faire un pétard est, en terme littéraire et artistique, produire une œuvre sensationnelle, qui heurte les idées courantes, choque les préjugés bourgeois, et l’on ne se doute pas du nombre de bourgeois que contient le monde artistique et littéraire. En littérature, Nana, d’Émile Zola, fut un pétard ; en peinture, la Salomée de Henri Regnault en fut un également.
Si je fais du théâtre, ce sera pour être joué, et, tout en le faisant comme je comprends qu’il doit être, — l’image de la vie. Je ne casserai aucune vitre, ne lancerai aucun pétard.
(Émile Zola)
France, 1907 : Le derrière, maître Luc, ce que l’intellectuel Armand Silvestre admire le plus chez la femme.
Le timbré s’est fait une théorie bien à lui sur les différents types de femmes. Il prétend qu’il faut être, et il est, lui, gourmand avec les brunes, gourmet avec les blondes, glouton avec les rousses, et goinfre avec les châtaines bien capitonnées, aux tétons fermes et abondants, aux croupes plantureuses et charnues, car l’adjudant apprécie la quantité au même titre que la qualité.
— J’aurais dû rentrer dans l’artillerie ou le génie, dit-il quelquefois, car j’adore les pétards, moi !
(Le Régiment)
Je les ai vus égayant
La foules ivre d’allégresse :
Chacun d’eux, certe, est bruyant
Étincelant, flamboyant,
Mais, je le confesse,
Rentré chez moi sur le tard,
Je me suis dit à moi-même :
« Ces pétards, nom d’un pétard !
Ne valent pas le pétard
De celle que j’aime ! »
(Gil Blas)
France, 1907 : Pièce d’un sou ; corruption du vieux français patard.
— J’aimerais mieux encore turbiner d’achar du matois à la sorgue pour affurer cinquante pétards par luisant que de goupiner.
(Mémoires de Vidocq)
À droite un comptoir en étain
Qu’on astique chaque matin :
C’est là qu’on verse
Les rhums, les cognacs et les marcs
À qui veut mettre trois pétards
Dans le commerce.
(Chanson du Père Lunette)
France, 1907 : Soufflet. Ça claque.
Pétard (faire du)
Hayard, 1907 : Faire de l’esclandre.
Pétard, péteux
Larchey, 1865 : Derrière. — On entend de reste l’étymologie de ce bruyant synonyme.
Sur son péteux, V’là que je l’étale.
(Le Casse-Gueule, ch., 1841)
Pétard : Haricot (Vidocq). — Effet pris pour la cause.
Pétard, petgi
Rigaud, 1881 : Esclandre, tapage, scène violente et imprévue c’est le moment qui suit la découverte du pot-aux-roses. Lorsqu’un mari revient à l’improviste de la chasse, et que sa femme… il fait un pétard s’il est expansif et verbeux.
Pétarder
France, 1907 : Faire du bruit, crier, protester, causer du scandale.
C’est nous qui somm’s les gardes
Municipaux,
Droits comm’ des hallebardes
Sur nos chevaux,
Si le peuple pétarde,
Nous montrons aux badauds
Que c’est pas des manchots
Les gard’s municipaux !
(Blédort)
Pétardier
Rossignol, 1901 : Celui qui a l’habitude de faire du pétard. Pétardier est aussi celui qui se fâche, qui s’emporte à tous propos. Une femme est pétardière.
Pétardier, pétardière
Virmaître, 1894 : Faire du tapage, du bruit.
— Ah ! tu sais, il ne faut pas remmener quand il a le nez sale, c’est un pétardier (Argot du peuple).
France, 1907 : Fauteur et fautrice de scandales ; personne dont les éclats de voix attirent la police.
— J’ai ici une clientèle de vieux messieurs, des négociants mariés que je retrouve à jour fixe aux mêmes endroits, dont je connais les pelites habitudes… C’est ma rente et c’est le plus sûr. Avec ceux-là, y a jamais de danger, pourvu qu’on soit discrète et pas pétardière, c’est comme cela qu’on se les attache. J’appelle ça mon fixe… Le reste, c’est du casuel… Mais, tu comprends, on n’arrive à ces résultats-là qu’après des années et des années…
(Oscar Méténier, Madame la Boule)
Pétards
Delvau, 1866 : s. m. pl. Haricots.
France, 1907 : Haricots, dénommés aussi musiciens.
Pétase
Delvau, 1866 : s. m. Chapeau ridicule, — dans l’argot des romantiques, qui connaissent leur latin (petasus). Employé pour la première fois en littérature par Bonnardot (Perruque et Noblesse, 1837).
Virmaître, 1894 : Chapeau ridicule comme en portent les paysans les jours de fête. Ce chapeau se transmet de père en fils, tant pis si la tête est plus ou moins forte. Il en est qui datent du siècle dernier (Argot du peuple).
Pétasse
Rigaud, 1881 : Fille publique, pour putasse.
Virmaître, 1894 : Vieille femme avachie qui perd ses vestiges en marchant. Putain et soularde (Argot des souteneurs).
Hayard, 1907 : Sale femme.
France, 1907 : Chapeau ridicule, hors de mode, comme on en porte encore dans les campagnes éloignées des centres.
France, 1907 : Prostituée.
T’es pas dessalée que j’te dis,
T’as trimardé tout’ la soirée
Et te v’là ’cor sans un radis,
C’est toujours el’ dix ed’ purée,
Vrai, j’en ai les trip’ à l’envers !
Ça m’fait flasquer d’voir eun’ pétasse
Qui pass’ tous les soirs à travers !
Bon Dieu ! faut-i’ qu’tu soy’s conasse !
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
France, 1907 : Vieille femme.
— C’est dégoûtant, ça aussi, d’être insulté par une pétasse qui vous traite de vieille ordure et qui dit comme ça que je suis saoul.
(Georges Courteline)
Pétaud
d’Hautel, 1808 : La cour du roi Pétaud. Pour dire, une maison en désordre ; une assemblée tumultueuse ; un lieu où chacun est maître.
Pétaudière
d’Hautel, 1808 : C’est une véritable pétaudière. Locution ironique, qui a toutes les acceptions de la cour du roi Pétaud.
Delvau, 1866 : s. f. Endroit tumultueux, où l’on crie tellement qu’il est impossible de s’entendre, — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent de réputation la cour du roi Pétaud.
Petdeloup
France, 1907 : Sobriquet donné aux chefs d’institution. Il a été mis à la mode par Nadar en 1849 où, dans son Histoire de M. Réac, se trouve M. Petdeloup. « homme sévère mais juste ».
Les vieux bibliothécaires sadiques et les divers Petdeloups que la pensée du fouet émerillonne et ravit ont une circonstance atténuante : c’est qu’ils sont les derniers conservateurs d’une longue tradition. La fessée a été pendant des siècles considérée par tous les peuples comme une institution des plus utiles. Une fresque d’Herculanum en donne une vue prise sur le vif. Horace reçut le fouet dans son enfance et en garda rancune à son pédagogue, qu’il qualifie de plagosus.
(Léon Fouchet)
Pète ou que ça dise pourquoi (il faut que ça) !
Rigaud, 1881 : Il faut qu’une chose, qu’un ouvrage se fasse à n’importe quel prix.
Pète-bas
France, 1907 : Personne de petite taille. « Elle est gironde, mais un tantinet pète-bas. » Argot faubourien.
Pète-sec
Delvau, 1866 : s. m. Patron sévère, chef rigide, qui gronde toujours et ne rit jamais.
France, 1907 : Chef sévère, qui ne badine pas dans le service et ne manque aucune occasion de punir les fautes et les manquements à la discipline. Argot militaire.
— Le sous-lieutenant ! Il sort à peine de Saint-Cyr. Quand il est arrivé au corps, l’autre mois, il frappait pour entrer chez le double et lui disait : « Monsieur » ; maintenant, c’est un pète-sec qui ne punit jamais les hommes, mais flanque les gradés dedans, à propos de bottes.
(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)
Pète-sec (monsieur)
Virmaître, 1894 : Individu qui ne rit jamais et paraît toujours en colère. Surnom donné au régiment aux officiers dont la rigueur est proverbiale (Argot du peuple).
Petée
France, 1907 : Bataille à coups de poings. « Se flanquer une petée. » Argot populaire.
France, 1907 : Fornication. Tirer une petée, forniquer.
Péter
d’Hautel, 1808 : On dit trivialement, et par raillerie, d’un homme logé au dernier étage d’une maison, qu’Il entend les anges péter.
Pète qui a peur. Se dit par plaisanterie aux gens poltrons, pour les défier, les narguer ; et pour faire entendre que ceux qui sont peureux ne doivent pas s’engager dans des affaires périlleuses.
Il ne pétera plus. Se dit par ironie d’un homme qui est mort, et pour lequel on n’avoit aucune considération.
Péter comme un roussin. Péter fréquemment.
Péter plus haut que le cul. Voyez Cul.
Péter à la sourdine. Vesser ; lâcher des vents coulis, faire des pets étouffés, qui, sans faire de bruit, se font néanmoins sentir vivement à l’odorat.
Péter dans la main. Ne pas tenir sa parole ; y manquer dans le moment où la personne à laquelle on l’avoit engagée a le plus besoin de secours.
Vidocq, 1837 : v. p. — Se plaindre à la justice.
Larchey, 1865 : Se plaindre en justice (Vidocq).
Delvau, 1866 : v. n. Se plaindre à la justice. Argot des voleurs.
Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Se plaindre en justice.
Virmaître, 1894 : Se plaindre.
— Ah ! mon vieil aminche, comme ta frime est toquarde, tu as les douilles savonnées, d’où que tu sors ?
— De la boîte aux cailloux. À cause d’un mec qui a pété au moissonneur, j’ai passé à la planche à pain.
Péter, mot à mot : faire du pet, se plaindre à la justice (Argot des voleurs). N.
France, 1907 : Dénoncer, se plaindre à un magistrat ; argot des voleurs.
Péter au point
Rigaud, 1881 : Perdre au jeu de cartes faute d’un point.
Péter dans la main
Larchey, 1865 : Pousser trop loin la familiarité. Faire défaut au moment nécessaire. — Dans ce dernier sens, allusion au levier qui éclate entre les mains. (V. d’Hautel, 1808.)
Delvau, 1866 : v. n. Être plus familier qu’il ne convient. Argot du peuple. Signifie aussi : Manquer de parole ; faire défaut au moment nécessaire.
Rigaud, 1881 : Laisser échapper une bonne occasion, rater une affaire au dernier moment, voir une place qui vous était promise donnée à un autre.
France, 1907 : Manquer à sa promesse, être d’une familiarité excessive.
Péter dans la soie
Rigaud, 1881 : Être vêtue d’une robe de soie.
France, 1907 : Se vêtir richement.
Péter dans le linge des autres
Rigaud, 1881 : Porter des habits d’emprunt, être habillé avec la défroque d’un autre.
France, 1907 : Se servir de vêtements empruntés.
Péter de graisse
Rigaud, 1881 : Être très gras. Et la variante : Péter dans sa peau.
Péter la châtaigne (faire)
Rigaud, 1881 : Métamorphoser une fille en femme.
Péter la sous-ventrière (s’en faire)
Virmaître, 1894 : Terme ironique employé pour dire à quelqu’un qui vous fait une demande saugrenue :
— Tu t’en ferais péter la sous-ventrière.
Synonyme de : Tu n’en voudrais pas.
Avoir mangé à s’en faire péter la sous-ventrière (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Boire et manger avec excès ; argot militaire passé dans le peuple. Un cheval qui a trop bu ou trop mangé est serré dans sa sous-ventrière à la rompre, à la faire péter.
J’ai dit un reste de dîme, et je ne m’en dédis pas, nom de dieu. Le curé troque sa bénédiction et ses chants baroques pour des poulardes, des œufs, des primeurs et de quoi s’empiffrer des mois durant à s’en faire péter la sous-ventrière. Son bedeau, ses enfants de chœur, sa gouge s’en retournent chargés comme des ânes de moulins.
(Le Père Peinard)
Cette expression s’emploie aussi ironiquement pour refus : « Tu crois que je vais te donner ma fille, tu t’en ferais péter la sous-ventrière ! » On dit également dans le même sens : « S’en faire péter le compotier. »
— Et pour porter mon sabre sous le bras, c’est midi sonné : tu t’en ferais péter le compotier !
(Georges Courteline)
Péter plus haut que le cul
Delvau, 1866 : v. n. Faire le glorieux ; entreprendre une chose au-dessus de ses forces ou de ses moyens ; avoir un train de maison exagéré, ruineux. Faire le pet plus haut que le cul, c’est ce que Henry Monnier, par un euphémisme très clair, appelle Sauter plus haut que les jambes.
Rigaud, 1881 : Faire plus de dépense que n’en comporte la position de fortune.
Virmaître, 1894 : Faire de l’embarras, de l’esbrouffe, vouloir prouver que l’on est riche lorsque l’on n’a pas le sou. Homme ou femme qui s’habille élégamment en se privant sur la nourriture :
— Ils veulent péter plus haut qu’ils n’ont le cul.
C’est le cas des filles de boutique et des commis de magasins. Dans le peuple, par ironie, on les appelle :
Tout sur le dos, rien dans l’estomac (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Faire ses embarras, vouloir passer pour un seigneur quand on n’est qu’un gueux.
Vous que cet exemple touche
Ça vous fait ben voir
Que fille qu’est sur sa bouche
Manque à son devoir ;
Et par cette historiette,
On s’est convaincu
Qu’il ne faut pas que l’on pète
Plus haut que le cul.
(Vadé, Histoire de Manon Giroux)
Péter son lof
Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des marins, pour qui c’est changer de lof, c’est-à-dire naviguer sur un autre bord. Ils disent aussi Virer de bord.
France, 1907 : Mourir.
Péter sur le mastic
Delvau, 1866 : v. n. Renoncer à travailler ; envoyer promener quelqu’un. Argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Abandonner l’ouvrage, envoyer l’ouvrage au diable.
La Rue, 1894 : Renoncer au travail.
France, 1907 : Abandonner son travail.
Péter un zouave en tenue de campagne
France, 1907 : Chose impossible ; argot militaire. « Si pareille chose arrive, je pète un zouave en tenue de campagne », expression analogue à celle-ci : Je veux être pendu.
Péteur
Delvau, 1866 : adj. et s. Homme qui se plaît à faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus.
Virmaître, 1894 : Dénonciateur. Comme pour dénoncer il faut parler, le mot péteur doit être pris dans le sens de péter du bec (Argot des voleurs).
France, 1907 : Dénonciateur, individu qui se plaint, qui fait du pet.
Péteur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — Plaignant, plaignante.
Péteur, péteuse
Rigaud, 1881 : Plaignant, plaignante.
Péteux
d’Hautel, 1808 : Mot poissard et trivial. Pour le derrière, les fesses.
Tomber sur son péteux. Pour se laisser tomber sur le derrière, sur les fesses.
Un péteur. Terme injurieux qui équivaut à lâche, poltron ; freluquet.
Delvau, 1866 : s. m. Homme honteux, timide, sans énergie.
Delvau, 1866 : s. m. Messire Luc, l’éternelle cible aux coups de pied.
Rigaud, 1881 : Qui se sent fautif.
France, 1907 : Douteux, repentant, « Îl est sorti tout péteux du bloc. »
Une personne, que ses occupations au journal appelaient à se rendre dans les bureaux, fut témoin de cette entrevue et peignit, devant nous et quelques amis communs, l’étonnante surprise que lui avaient causée la vue et le langage de Rochefort de cette façon un peu triviale, mais fort simple :
— De ma vie, je n’ai vu homme ayant l’air si péteux !
(Jean Allemane, Le Parti ouvrier)
France, 1907 : Honteux ; vieux mot.
Et l’autre en fut chassé comme un péteux d’église.
(Régnier, Satires)
France, 1907 : Le derrière ; pantalon.
Peteux (des)
M.D., 1844 : Des haricots.
Petillards
Virmaître, 1894 : Diamants. Pétiller est dit pour briller. C’en est le superlatif.
— Les durailles de la gonzesse sont pétillants aux pendus glacés (Argot des voleurs). N.
Pétillards
France, 1907 : Diamants ; argot des voleurs.
Petin Tondu (le)
Delvau, 1866 : L’empereur Napoléon Ier, — dans l’argot des invalides.
Petiot
France, 1907 : Diminutif de petit, en usage chez le peuple des villes et des campagnes.
Pour exploiter les gosses, les crapulards ont plus d’un joint.
Il y a d’abord le coup de l’apprentissage : on colle le gosse à l’atelier et on lui fait remplir les fonctions d’homme de peine.
Il y a aussi des bagnes où on n’exploite quasiment que des mômes, sous l’hypocrite prétexte de faire de la boite une vague école professionnelle.
Mais fichtre, le pire enfer pour les mômes, c’est ces cochonnes de maisons de correction où on claquemure les petiots, — le plus souvent pour d’insignifiantes babioles qui ne seraient pas répréhensibles dans une societé libre — en supposant qu’elles y fussent encore possibles !
À un âge où les pauvrets ne devraient songer qu’à se laisser vivre, à rigoler, à chahuter, — et à s’instructionner quand ils s’en sentiraient le besoin, — on les fourre au ballon et on les traite kif-kif des forçats.
(Le Père Peinard)
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien faim,
Les petiots claquent des dents.
Ohé ! Il faut qu ils entrent,
Vous mangez là-dedans,
Bonnes gens,
Eux n’ont rien dans le ventre.
Ouvrez la porte
Aux petiots qu’ont un briquet,
Les petiots grincent des dents.
Ohé ! les durs d’oreilles !
Nous verrons là-dedans,
Bonnes gens,
Si le feu vous réveille.
(Jean Richepin)
Petit
d’Hautel, 1808 : Manger des petits pieds. Pour dire vivre de perdrix, de faisans, de chapons, de volailles fines, d’ortolans ; se délicater, se choyer.
Mon petit. Ma petite. Nom de bienveillance et d’amitié que les gens de condition donnent aux personnes qui sont dans leur familiarité.
Les gros mangent les petits. Pour dire que souvent les hommes puissans oppriment les hommes foibles.
Être réduit au petit pied. Être ruiné ; vivre médiocrement.
C’est du petit monde. Se dit par mépris des gens pauvres ; du menu peuple.
Delvau, 1866 : s. m. Enfant, — dans l’argot du peuple, qui ne fait aucune différence entre la portée d’une chienne et celle d’une femme.
Rigaud, 1881 : Amant de cœur, — dans le jargon des femmes galantes.
Rigaud, 1881 : Bout de cigarette encore fumable, — dans le jargon des voyous. — Suivant la longueur du bout c’est le mègo, l’orphelin, le petit.
Petit (en faire un)
Rigaud, 1881 : Mot à mot : faire un petit baccarat, — dans le jargon des joueurs. — Nous ne sommes pas venus ici pour enfiler des perles : si nous en faisions un petit ?
Hé ! Zéphirin, en fait-on un petit, cette nuit ?
(Cavaillé, Les Filouteries du jeu)
Petit (faire le)
France, 1907 : Uriner ; par opposition à faire le gros.
Petit (le)
Rigaud, 1881 : Le derrière, — dans le jargon des filles.
Rigaud, 1881 : Le point de huit au baccarat, — dans le jargon des joueurs. — C’est le plus petit des deux plus beaux points du jeu.
Petit blanc
Delvau, 1866 : s. m. Vin blanc.
Rigaud, 1881 : Vin blanc très ordinaire.
Petit bleu
Rigaud, 1881 : Vin rouge au litre, mauvais vin rouge.
France, 1907 : Nom que les ouvriers donnent au vin, surtout celui de mastroquet qui lorsque suffisamment falsifié au bois de campêche, a des teintes bleuâtres.
Il paraîtrait — les savants l’affirment — que, enfant, on aime le jaune ; en grandissant c’est le rouge que l’on préfère, puis, au moment où le cœur parle, on rêve du bleu ; enfin, une fois adulte et marié, le jaune ne compte plus de partisan.
Adulte, adultère, cela n’a pas besoin d’explication.
Le bleu continue d’avoir des partisans, et combien y en a-t-il qui chantent le Petit Bleu !
(Gil Blas)
Brisson, ton erreur n’est pas mince :
Tu te mets les dix doigts dans l’œil
Quand tu déclares que j’en pince
Pour le petit bleu d’Argenteuil,
M’as-tu pas déjà que j’use
Sans broncher de douteux mégots ;
Tu veux aussi que je m’abuse
Sur des petits bleus visigoths ?…
C’en est trop, sans me crier gare,
Sache ceci : de même que
J’en tiens pour le parfait cigare,
Il me faut du vrai vin, morbleu !
(Raoul Ponchon)
France, 1907 : Télégramme expédié par tube pneumatique.
Petit bocson
France, 1907 : Église ; argot des ouvriers qui prétendent que l’église est la perte des femmes. On dit aussi rampante.
La gueuse ne quittait pas le petit bocson. Matin, soir, on la voyait se pâmer devant les autels, guignant de l’œil le curé et ses vicaires. Elle était bien connue du bedeau, du suisse et de la loueuse de chaises. Ah ! malheur ! Et pendant ce temps-là, les enfants piaillaient à la maison et le rôti brûlait dans la casserole.
(Les Propos du Commandeur)
Petit bœuf
France, 1907 : Apprenti ; argot des tailleurs, qui disent aussi tartare.
Petit bonhomme d’un sou
Delvau, 1866 : s. m. Jeune soldat.
France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux soldats du Centre.
Petit bonhomme de chemin (aller son)
France, 1907 : Aller doucement, droit devant soi, sans perdre de vue son but, sans s’inquiéter de ce qui se passe à droite et à gauche, des bavardages et du qu’en-dira-t-on.
Jacques Bonhomme procède comme le lièvre, par bonds et par saccades ; d’une enjambée, il sait atteindre le but et dépasser quand il veut la tortue ; mais il a des retours en arrière que la tortue ne connut jamais, et même, quand il ne rétrograde pas absolument, il s’attarde, il s’amuse en route à brouter un brin d’herbe ou à bayer aux corneilles. Ce qui manque à Jacques Bonhomme, c’est la méthode ; trop d’élan parfois et pas assez d’esprit de suite…
Ces vicissitudes, ces alternatives de haut et de bas, d’avancement et de recul, John Bull Tortue ne les connait pas. John Bull-Tortue va toujours son petit bonhomme de chemin, sans se laisser influencer où émouvoir par les excitations du dehors. Il est dit expressément dans l’Évangile : « Frappez à la porte, et on vous ouvrira. » Mais John Bull, si fervent dévot de l’Évangile qu’il se dise, n’ouvre pas ainsi à première sommation. Il faut, avec lui, frapper fort et frapper souvent.
(Gabriel Guillemot)
Petit bonhomme vit encore
France, 1907 : Vous me croyiez mort, eh bien ! non, je suis vivant. Cette expression vient d’un jeu symbolique des Athéniens consistant à courir dans la lice en se passant de main en main un flambeau allumé, emblème de la vie. Ce jeu est imité chez nous, mais une allumette a remplacé le flambeau : on se la passe à la ronde et celui en la main de qui elle s’éteint paye l’amende.
Le vieillard, certes, tout honteux
Du feu sacré qui le dévore,
Lui dit tout bas, baissant les yeux :
Petit bonhomme vit encore.
De Cythère j’ai fait le tour…
Mon cœur, hélas ! ne bat plus guère…
J’ai trop fait la chasse à l’amour
Et l’amour m’a trop fait la guerre.
Près de vous, Madame, pourtant
Mon couchant redevient aurore
Et je répète en soupirant :
Petit bonhomme vit encore.
(Bouilly)
Petit Bordeaux
Delvau, 1866 : s. m. Cigare de cinq centimes, de la manufacture de Tonneins. Argot du peuple.
Delvau, 1866 : s. m. Petit verre de vin de Bordeaux.
Petit cadeau
Delvau, 1864 : Les deux sous du garçon des filles, — avec cette différence que les garçons les attendent, et qu’elles les demandent avant de commencer les exercices, car après, l’homme, un peu fatigué, redemanderait plutôt son argent que de redonner la moindre chose.
Dis donc, joli garçon, si tu veux que je sois bien gentille il faut me faire ton petit cadeau… tu sais, le cadeau qu’on fait toujours aux petites dames.
(Lemercier de Neuville)
Je compris qu’un petit cadeau
N’était qu’une vétille ;
Bref, je tombe dans le panneau.
Puis, de fil en aiguille,
Ell’ montre tout son petit jeu.
-Qu’abat la quille à Mayeux…
Qu’abat (bis) la quille ?
(Alex. Marie)
Petit camarade
Delvau, 1866 : s. m. Confrère malveillant, débineur, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux acteurs. Pour la rendre plus ironique, on dit : Bon petit camarade.
Petit camarade (bon)
France, 1907 : Terme ironique par lequel on désigne dans le monde littéraire et artistique les confrères malveillants. « On ne rencontre généralement dans la presse que de bons petits camarades. »
Petit caporal
Larchey, 1865 : Napoléon Ier. — Allusion au grade imaginaire que lui décerna l’enthousiasme de ses soldats, au lendemain d’une victoire.
Le souhait de S.M. Prussienne et les appréciations du petit caporal.
(M. Saint-Hilaire)
Delvau, 1866 : n. d’h. Napoléon, — dans l’argot des vieux troupiers. Ils disaient encore : l’Autre, le Petit Tondu et le Père la Violette.
Merlin, 1888 : Les anciens soldats désignaient ainsi Napoléon Ier, qu’ils appelaient également le petit Tondu, l’Autre, la Redingote grise, le père La Violette.
Petit centre (le)
Delvau, 1864 : Par devant, le con ; — le cul par derrière.
Elle est sourde ainsi comme un sourd
À ceux qui lui parlent d’amour ;
Mais, touchez-lui son petit centre.
Cela s’endure doucement,
Et pour écouter son amant,
Elle a l’oreille au bas du ventre.
(Cabinet satyrique)
Petit chapeau
France, 1907 : Nom donné aux élèves de l’École polytechnique qui, à certaines années exceptionnelles, sont envoyés sur demande à l’École d’application de l’artillerie et du génie, après une seule année de séjour à l’École. Ils conservent à Fontainebleau l’uniforme et le chapeau de Polytechnique pendant une année jusqu’à ce qu’ils soient promus sous-lieutenants. Les premières promotions de petits chapeaux datent de 1840 et 1841. « Dans les salons de la ville de Metz, disent MM. Albert Lévy et G. Pinet, les danseuses remarquèrent l’élégance du chapeau de ces polytechniciens, à côté du formidable blockhaus des artilleurs et de l’immense frégate des sapeurs ; ce furent elles qui baptisèrent les nouveaux venus du nom de petits chapeaux… Les petits chapeaux sont promus sous-lieutenants le 30 septembre, un peu avant leurs camarades de la promotion régulière ; ils arrivent au régiment un an plus tôt. »
Nous formons trois belles brigades,
Très fiers d’avoir lâché l’X,
Et sachez, pauvres camarades,
Qu’il n’est chez nous que des phénix,
Les moins malins ont l’assurance,
Dans quinze ans, d’être généraux :
Nous faisons une poire intense,
Car nous sommes petits chapeaux.
(Les Petits Chapeaux)
Petit chien, grosse queue
Delvau, 1864 : Façon de parler proverbiale pour dire que les hommes de petite taille ont presque toujours un fort membre, comme contraste à l’Hercule ancien, qui n’avait qu’une quéquette.
Petit co
France, 1907 : Élève de la première année à Saint-Cyr. Abréviation de petit conscrit.
Dans son étroite cellule du vieil « Ours » de Saint-Cyr, Tissac se morfondait à regarder le pan de ciel bleu que découpait, au-dessus de sa tête, la lucarne grillée servant à éclairer sa turne.
Tous les petits cos étaient partis depuis quinze jours, et lui restait là, seul, prisonnier, à expier les fautes qui l’avaient mis sous les verrous…
(Fernand Dacre)
Petit cochon
Delvau, 1866 : s. m. Dame qu’on n’a pu rentrer assez vite et qui se trouve bloquée dans le camp de l’adversaire. Argot des joueurs de jacquet. Engraisser des petits cochons. Avoir plusieurs dames bloquées.
France, 1907 : Terme du jeu de jaquet, pour désigner une dame bloquée. « Engraisser des petits cochons », avoir plusieurs dames bloquées.
Petit cœur
France, 1907 : Nom bénin que donnent les prêtres aux fillettes.
Il s’était offert pour conquérir « ces petits cœurs », comme il nommait les jeunes filles ; mais le prêtre, inquiet de ses regards luisants, lui avait formellement interdit de mettre les pieds dans la cour. Il se contentait, lorsque les religieuses tournaient le dos, de jeter des friandises aux petits cœurs, comme on jette des miettes de pain aux moineaux. Il emplissait surtout de dragées le tablier d’une servante blonde, la fille d’un tanneur, qui avait, à treize ans, des épaules de femme faite.
(Émile Zola, La Conquête de Plassans)
Petit con, grand verre
Delvau, 1864 : « Heureux qui, méprisant les grandeurs de la terre,
Fout dans un petit con et boit dans un grand verre,
Vide l’un, remplit l’autre, et passe avec gaîté
Du cul de la bouteille au con de la beauté. »
(Boufflers)
Petit crevé
France, 1907 : Petit jeune homme élégant, oisif et nul.
Ces parasites sociaux ont existé de tout temps. L’antiquité grecque et romaine après les Medes, les Perses et les Égyptiens a fourni ses contingents de jeunes riches inutiles. On trouve chez les Grecs, dit le Courrier de Vaugelas dans son étude sur les Métamorphoses du fat à travers les âges, le kinaïdos ou mignon, qui s’épilait les jambes ; le kelidonios, aux joues enduites de vermillon, aux yeux peints, au regard mobile ; le hierogamos, paré pour les noces sacrées ; le kalos, genre Alcibiade ; le néanios ou neaniskos, petit jeune homme.
Les Romains avaient, eux, les bene barbati ou belles barbes, portant des gants et des tuniques longues jusqu’au talon ; les barbatuli, blancs-becs, dont s’entourait Catilina ; les formosuli, jeunes gens bien tournés qui marchent sur la plante des pieds, effleurant à peine le sol ; les forosi, élégants adorateurs de leur propre ventre ; les delicati, les précieux ; les gloriosi, les fanfarons ; les lepidi, les agréables ; les comatuli, les cincionatuli, les petits bouclés, les petits frisés ; les cirrati, les pommadins ; les calamistrati ; les trossuli ou petits-maîtres, dont la vague dura plus de trois cents ans.
On voit que nos petits crevés, nos boudinés, nos faucheurs ne proviennent pas d’une génération spontanée. En cela comme pour beaucoup de choses nous ne faisons que recommencer l’antiquité.
Pendant qu’aristos et millionnaires, mâles et femelles, godaillaient au bazar de la Charité, étalant leurs falbalas et se foutant du pauvre monde autant qu’un poisson d’un parapluie, voilà que la fatalité s’abat sur eux !
L’incendie les mange !
Et alors, dans ce grand bazar d’où, avec de la présence d’esprit, y aurait en mèche de sortir sans grands avaros, voilà que les petits crevés de la haute se sont fichus à cogner dur sur les femmes, à coups de canne, afin de leur passer sur le corps.
(Le Père Peinard)
Petit crochet (lingère à)
France, 1907 : Chiffonnière. Cette expression est vieillie.
— Ma mère, voyant qu’elle ne ferait rien dans le métier d’actrice publique pour le chant, voulut entrer dans le commerce et se mit lingère à petit crochet.
(Amusements à la grecque)
Petit doigt me l’a dit (mon)
France, 1907 : Les anciens avaient consacré chacun des doigts à une divinité : le pouce à Vénus, l’index à Mars, le médium à Saturne, l’annulaire à Apollon, le petit doigt à Mercure, dénominations que la chiromancie a, du reste, conservées. Comme Mercure était le dieu des voleurs, des gens rusés, des espions, le petit doigt devint, en quelque sorte, le confident des choses secrètes.
Consulter son petit doigt, c’était consulter Mercure, De là le proverbe.
Dans le Malade imaginaire, Orgon dit à la petite Louison :
— Prenez-y bien garde, au moins ; car voilà un petit doigt qui sait tout, et qui me dira si vous mentez.
Et plus loin : « Voilà mon petit doigt pourtant qui gronde quelque chose. (Mettant son doigt à son oreille.) Attendez. Hé ! Ah ! ah ! Oui ? Oh ! oh ! Voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m’avez pas dit. — Ah ! mon papa, votre petit doigt est un menteur. »
Petit duc
France, 1907 : Petite voiture découverte à deux places, que le maître conduit lui-même.
Petit frère (?)
Rossignol, 1901 : Voir bogue.
Petit frère (le)
Delvau, 1864 : Le membre viril — pour qui toutes les femmes sont des sœurs (en Jésus-Christ) avec lesquelles on est heureux de commettre des incestes.
Chez la mariée, au matin,
Une prudente mère
Lui doit du plus heureux destin
Confier le mystère.
La mariée, en soupirant,
Attend le petit frère,
Vraiment,
Attend le petit frère.
(Ducray-Duminil)
Petit gôt (le)
France, 1907 : Livre de magie qu’on nomme aussi le Petit Albert. « Les sorciers qui possèdent le Grand Albert, autrement dit le Grand Gôt, sont bien plus puissants que ceux qui n’ont à leur disposition que le Petit. Rien ne leur est impossible. » D’où viennent ces deux noms : Grand Gôt et Petit Gôt ? Jaubert, dans son Glossaire, se demande « s’ils n’auraient pas quelque rapport avec ce roi des Goths qui n’avait qu’à poser son bonnet d’une certaine façon pour soulever un orage, ou bien avec un de ces grimoires traitant de la goétie, espèce de magie » ?
Petit homme
France, 1907 : Amant de cœur d’une fille publique.
Car ceci est le phénomène caractéristique de ce genre de relations : la fille s’attache à son petit homme en proportion directe des sommes qu’elle lui verse… La fille est folle du petit homme qu’elle nourrit, qu’elle appointe, qu’elle gratifie de cadeaux. C’est sa manière de se venger des hommes qui la paient et qu’elle hait.
On peut donc émettre cet axiome : la fille a l’horreur de l’homme qui l’achète et est folle de l’homme qu’elle se paie, parce qu’elle se le paie.
(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)
Petit homme noir
France, 1907 : Broc de vin.
Petit hôtel
France, 1907 : Poste de police ; argot des voleurs. « Faire une pose au petit hôtel. »
Petit jeu
France, 1907 : Dans l’argot des mendiants par lettres ou à domicile, clique très nombreuse à Paris, c’est la liste des personnes charitables, sur lesquelles on peut plus ou moins compter. Il y a le petit jeu et le grand jeu.
À Paris, « pays de l’aumône », a dit le comte Molé, rien n’est plus facile que de réaliser des recettes de 15 ou 20 francs par jour et de faire face à ses besoins, en mendiant. M. Paulian offre de le prouver à nouveau, quand on voudra. À peine est-il nécessaire, pour obtenir ce résultat, de se composer un type, de savoir lequel vaut le mieux du service sédentaire ou du service actif, et, si c’est celui-ci qu’on choisit, de posséder le grand ou le petit jeu, qui coûtent, l’un 6, l’autre 3 francs, et donnent, accompagnée d’une notice biographique, l’adresse d’un certain nombre de personnes charitables. Vos préférences vont-elles aux secours en nature, il vous suffira de consulter la liste des sociétés de bienfaisance, à la porte desquelles vous n’aurez qu’à frapper simultanément. Leur fonctionnement défectueux permet le cumul.
Cependant le comte Molé fait erreur, le vrai « pays de l’aumône » n’est pas Paris, mais Londres. Chez nos voisins, la mendicité s’introduit partout et sous toutes les formes. Des institutions prospères et puissantes ne vivent que de mendicité, soit avec ou sans le secours du grand et du petit jeu.
Petit jeu, grand jeu
France, 1907 : Art de lire l’avenir au moyen des cartes. Il y a le petit et le grand jeu. Le premier se fait au moyen de trente-deux cartes ; pour le second, plus compliqué, il faut soixante-dix-huit cartes dites tarots, qui contiennent la clé, affirment les tireuses, de toutes les révélations du passé et du présent avec les interprétations de l’avenir.
Petit jeune
France, 1907 : Jeune godelureau sans expérience, sans pratique de la vie, tout frais émoulu du collège, dupe prête pour les fripons.
Parfois titré, mais d’une noblesse trop fraîche qui sent la peinture comme les maisons remises à neuf, parfois étranger, il en impose aux petits jeunes, aux bons juifs et aux rastas. On le consulte. On l’implore. On le dorlote. On s’ingénie à connaître ses goûts et ses manies. Il sert d’enseigne. Il passe de main en main. Il consacre. Il remplit un véritable et dérisoire sacerdoce.
(Colombine, Gil Blas)
Petit jeune homme
Delvau, 1864 : Le membre viril.
Quand de tes bras le monsieur se dégomme.
Avec pudeur, avec honnêteté,
Fais la toilette à son petit jeune homme :
Il faut avoir de l’amabilité.
(L. Festeau)
Petit lait
Delvau, 1866 : s. m. Chose de peu d’importance ; vin faible, — dans l’argot des bourgeois.
France, 1907 : Boisson faible.
Petit lait (c’est du)
Rigaud, 1881 : Ça ne fait pas de mal. On dit d’un vin léger, peu fourni en alcool :
Ça se boit comme du petit lait.
Petit lapin
Delvau, 1864 : La nature de la femme, à laquelle nous faisons une chasse passionnée, armés du fusil à deux ou trois coups fabriqué par le Devismes céleste.
Le p’tit lapin d’ma femme !
dit le refrain d’une chanson indécente moderne autorisée par la préfecture de police.
Petit manteau bleu
Larchey, 1865 : Homme bienfaisant — L’usage de ce mot est la plus belle récompense qu’ait pu ambitionner un philanthrope bien connu.
On parlerait de toi comme d’un petit manteau bleu.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Homme bienfaisant, — dans l’argot du peuple, qui a ainsi consacré le souvenir des soupes économiques de M. Champion.
Rigaud, 1881 : Philanthrope. — En souvenir de « l’homme au petit manteau bleu ».
France, 1907 : Homme charitable, s’occupant exclusivement de faire du bien aux pauvres, allusion au philanthrope Edmé Champion, connu sous le nom de l’« homme au petit manteau bleu » et qui, dans les dernières années de la Restauration et sous Louis-Philippe, pratiquait avec un peu d’ostentation des œuvres de charité en faisant distribuer des soupes et en distribuant lui-même des secours en argent et en nature aux pauvres de Paris. Champion mourut en 1842.
Petit monde
Delvau, 1866 : s. m. Lentille, — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : s. m. Les membres de la famille, femme et enfants. Se dit aussi à propos d’une Maîtresse.
Rigaud, 1881 : Lentille, — dans l’ancien argot. — La petite bourgeoisie, le monde des boutiquiers, — dans le jargon des vieux débris du faubourg Saint-Germain.
Virmaître, 1894 : Lentille. On dit aussi par allusion de forme et presque de couleur : punaise (Argot des voleurs).
France, 1907 : Lentilles ; argot des voleurs.
Petit noir
France, 1907 : Café ; argot populaire.
Petit nom
Delvau, 1866 : s. m. Prénom, nom patronymique, — dans l’argot du peuple, et spécialement celui des petites dames. C’est le short name des biches anglaises.
Petit papier
France, 1907 : On nomme ainsi les notes, documents recueillis sur certains personnages en vue, pour s’en servir contre eux à un moment donné.
Le petit papier a fait tache d’huile. Il s’est vulgarisé. Il a passé des couloirs de la Chambre, qui ont toujours été des foyers d’intrigue, sur la place publique, que nous autres, vieux républicains, nous nous plaisons toujours à nous figurer accessible seulement aux tourmentes de l’opinion, au soulèvement des passions émancipatrices.
(Germinal)
Petit père noir
Delvau, 1866 : s. m. Broc de vin rouge, — dans l’argot des faubouriens. Petit père noir de quatre ans. Broc de quatre litres.
Rigaud, 1881 : Broc de vin. — Litre de vin rouge.
France, 1907 : Petite mesure de vin ; vieil argot.
— Bravo ! s’écrièrent les bandits en empoignant des petits pères noirs. À la santé du birbe !
(Mémoires de Vidocq)
Le petit père noir de quatre ans est une mesure contenant quatre litres.
Petit philippe
Ansiaume, 1821 : Petit écu.
Dans le flaqu de carle, il n’y avoit que 112 petits philippes.
Petit pied, petit con
Delvau, 1864 : Proverbe qui forme pendant avec cet autre : Long nez, longue pine.
Regarde au nez et tu verras combien
Grand est celui qui aux femmes fait bien ;
Regarde su pied pour au rebours connaître
Quel le vaisseau d’une femme doit être.
(Moyen de parvenir)
Petit pot
France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois à une maîtresse qui se chargeait du ménage.
Petit que
France, 1907 : Point et virgule ; argot des typographes ; « ainsi nommé, dit Eug. Boutmy, parce que le signe (;) remplaçait autrefois le mot latin que dans les manuscrits et les premiers livres imprimés ».
Petit saint Jean (nu comme un)
France, 1907 : Cette expression vient de l’usage que l’on avait autrefois de faire figurer dans la procession un petit enfant presque nu, simplement revêtu d’une peau de mouton, à l’instar de saint Jean-Baptiste, dont le costume était des plus primitifs.
Le gendarme, il ôte ses hottes,
Et sa tunique et ses culottes,
Même sa chemise, en songeant
Qu’il en doit couvrir l’indigent.
Aux mains, il se met les menottes,
Puis, nu comme un petit saint Jean,
Dans l’aire du soir il va nageant ;
Et son sabre pour tout insigne,
Son parfum pour feuille de vigne,
En prison, selon la consigne,
Il se conduit lui-même, digne.
(Jean Richepin)
Petit salé
Virmaître, 1894 : Petit enfant.
— Tu ne vas pas faire taire ton salé ; fous-y donc sa gamelle pourqu’il ne chialle plus (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Jeune enfant.
France, 1907 : Enfant nouveau-né.
L’autre après-midi elle est arrivée au Moulin-Rouge suivie d’une nourrice en pélerine classique, avec des rubans… larges comme ça !… pendant jusque sur ses bottines. Et, bien entendu, la nourrice avait un poupon sur les bras. Rose, blond, un vrai chérubin.
Ce cortège a mis en rumeur tout l’établissement. Le directeur est arrivé tout essoufflé. Il a demandé avec stupéfaction :
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est à moi.
— À toi ! Depuis quand ?
— Depuis avant-hier. C’est le petit salé de ma sœur… Y a fallu que je lui donne deux mille francs pour l’avoir ! C’est-y Dieu possible ! Si j’avais fait un enfant comme ça, moi, j’donnerais deux mille francs pour le garder.
(Hugues Le Roux)
Petit sou
France, 1907 : Petit verre d’eau-de-vie d’un sou.
Au coin de la rue du Pollet, un débitant enlevait ses volets. Ils entrèrent prendre un petit sou, debout devant le comptoir. Enfin, tout proche, le clairon sonna le réveil, gaillard et sans rhume.
(Lucien Descaves, Sous-offs)
Petit tondu
France, 1907 : Sobriquet donné par les soldats à l’empereur Napoléon Ier.
Petit tracas (faire le)
France, 1907 : Expression par laquelle nos pères désignaient l’acte vénérien.
Petit trou (le)
Delvau, 1864 : La nature de la femme.
Vilaine ! tu prétends faire entrer cela dans ton petit trou ! Je t’en, défie.
(La Popelinière)
O petit trou, trou mignard, trou velu,
D’un poil follet mollement crespelu,
Qui, à ton grè, domptes les plus rebelles.
(Cabinet satyrique)
Petit vase
Delvau, 1864 : Le con.
Bien connaissez, ami lecteur,
Une espèce de coquillage,
Conque de mer qu’on nomme un pucelage !
Hé bien, de ce vase enchanteur
Tels sont les bords qui de la rose,
Ou plutôt du plus fin corail
Ont la couleur…
(Plancher-Valcour)
Petit vitrier
France, 1907 : Chasseur à pied. Jeu de mot sur le vert de l’uniforme.
Les petits vitriers — c’est ainsi qu’on les nomme —
Ont mis leur baïonnette au bout de leur fusil ;
Ils passent lestement sous les pommiers sans pomme,
Ils vont, et leurs pieds noirs font chanter le grésil.
(Paul Déroulède, Chants du soldat)
Petit voltigeur (le)
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui, par ses évolutions habiles et réitérées, fait la joie du corps dans lequel il sert comme engagé volontaire.
Dieux ! qu’il sera beau sous les armes.
Quand l’Amour, ce dieu protecteur.
Mouillera, pour doubler ses charmes,
Le front du petit voltigeur.
(Guillemé)
Petit-Bleu
Fustier, 1889 : Carte-télégramme. V. Omnibus.
Petit-Hôtel
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Lieu où l’on est déposé avant que d’être conduit en prison. Faire une pose au petit-hôtel, être mis au corps-de-garde.
Petit-maître
France, 1907 : Ce sobriquet fut d’abord appliqué au prince de Condé et à ceux de sa suite qui, après les victoires de Lens, etc., revinrent à Paris et choquaient tout le monde par leur orgueil et leurs grands airs.
Franc étourdi qui se faisait connaitre,
Par ses grands airs, pour homme écervelé,
Et qu’à la cour on nommait petit-maître,
Vieux sobriquet qui s’est renouvellé.
(Grécourt)
Petit-Mazas (le)
Rigaud, 1881 : Le passage du Soleil à Clichy-la-Garenne, un des quartiers habités par les chiffonniers, qui se plaisent à donner des noms pittoresques à leurs cités, comme ceux de : La Cité des Vaches, route de la Révolte ; La Fosse-aux-Lions, à Grenelle ; Le Petit-Bicêtre, du côté de la barrière de Fontainebleau ; La Butte-aux-Puces, quartier des Buttes-Chaumont.
Petit-monde
Vidocq, 1837 : s. f. — Lentille.
Larchey, 1865 : Lentille (Vidocq). — Allusion de forme.
Petit-noir
Rigaud, 1881 : Mélange de chicorée et de marc de café vendu et 10 centimes le bol.
Quelques ouvriers retardataires fumaient leur pipe en sirotant un petit noir.
(Hennique, La Dévouée)
Par extension, débit de café pour les ouvriers.
Fonds de commerce à vendre. Crémerie. Petit-noir. Loyer neuf cents francs.
(Petit Journal, du 1er juillet 1880)
Rigaud, 1881 : Petit ramoneur.
Petit-nommer
Delvau, 1866 : v. a. Appeler quelqu’un par son petit nom.
Petit-pont (plus bavard qu’une harengère du)
France, 1907 : Le Petit-Pont dont ce vieux dicton fait mention était le plus ancien de Paris et servait de communication entre la Cité et le quartier Saint-Jacques. On le nommait Petit-Pont pour le distinguer du Grand Pont (le Pont au change) sur le grand bras de la Seine. Le Petit-Pont, devenu le pont Saint-Michel, était garni de chaque côté par les étalages des marchandes de poisson, qui clamaient à qui mieux mieux les mérites de leurs marchandises, appelaient les passants, s’apostrophaient entre elles, enfin faisaient un bruit étourdissant ; d’où le dicton.
Petit-que
Boutmy, 1883 : s. m. Le point-virgule ; il est ainsi nommé parce que ce signe (;) remplaçait autrefois le mot latin que dans les manuscrits et les premiers livres imprimés.
Petite (belle-)
France, 1907 : Euphémisme pour cocotte. On dit aussi petite dame, petite femme.
Il est sans exemple qu’une femme qui sait son monde montre maintenant d’autres sentiments que celui d’une complaisante curiosité, lorsqu’il est question d’une belle-petite honnêtement entretenue et en situation de faire bonne figure un peu partout.
(Octave Uzanne, La Française du siècle)
Petite bête (chercher la)
Rigaud, 1881 : Chercher dans une œuvre les fautes de détail ; rechercher les petites erreurs qu’a pu commettre un écrivain.
France, 1907 : Chercher les moindres défauts d’une personne ou d’une œuvre.
— Mon cher, sans moi, ils n’en finissaient pas ; ils discutaient tous les paragraphes de l’acte ; ils ergotaient sur des riens, ils cherchaient la petite bête.
— Alors ils t’ont trouvé pour les mettre d’accord.
(Le Parti ouvrier)
Petite bière
France, 1907 : Chose de peu de valeur, de nulle importance.
Il y a là, au premier rang, un Marseillais plein de verve et de fougue, un capitaine du 3e escadron nommé Barban. En vieil Africain qu’il est, car il a passé la moitié de son existence en Algérie, il se moquait des pierrrots et des bleus qui prétendaient avoir reçu le baptême du feu quelques jours auparavant. Les escadrons avaient en effet servi de cible pendant une demi-heure aux batteries allemandes, mais tout cela était de la petite bière, racontait-il. Changeant de ton cette fois, il s’écrie : — Aujourd’hui, mes frères, est le baptême du feu de tous les diables. Gare aux têtes, surtout ceux qui les ont trop près du bonnet !
(Georges Bastard, Un Jour de bataille)
Ce journaliste intrigant
Gagnant cent mille francs par an,
Celui-là c’est pas d’la p’tit’ bière.
(Ed. Mony, La Chanson du Petit Sucrier)
Petite bière (ce n’est pas de la)
Rigaud, 1881 : C’est fameux, c’est important, pris dans un sens ironique ; c’est-à-dire : ça n’est pas fameux, ça ne vaut pas grand’chose.
Petite bière (ce n’est pas de la) !
Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple qui l’emploie le plus souvent avec ironie, en parlant de choses d’importance ou qu’on veut faire passer pour importantes.
Petite cavalerie
France, 1907 : Nom que les zouaves et les chasseurs à pied se donnent à eux-mêmes, à cause de la rapidité de leur marche et de leurs mouvements.
Petite chapelle
France, 1907 : Coterie politique, artistique ou littéraire.
France, 1907 : Posture d’une femme assise à croupetons et jupes un peu relevées.
Mes bras, mes jambes, mes appas
Tout ça foutait l’camp, à grands pas,
J’osais pus fair’ la p’tite chapelle
À Grenelle.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Petite chatte
Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui joue avec le cœur des hommes comme une véritable chatte avec une véritable souris, — dans l’argot de M. Henri de Kock, romancier, élève et successeur de son père.
Petite Conservatoire
France, 1907 : Jeune fille élève du Conservatoire.
Ah ! la plaisante jérémiade habituelle sur la démoralisation par le livre où il est parlé d’amour, par la gravure où s’embrassent des couples ! Ce n’est pas cela qui pourrit le cœur des trottins, des corsagières ou des petites Conservatoire. C’est la victoria de Mlle X…, c’est l’hôtel, c’est les diamants de toutes les autres.
(Marcel Prévost)
Petite dame
Delvau, 1864 : Fille ou femme souvent grande, ou tout au moins de taille ordinaire, qui ne se trouve pas dans le cas de la fille de Jephté, pleurant de n’avoir pu perdre sa virginité.
Je suis la patronne de ce bazar, la mère de dix-huit petites dames auxquelles il te sera défendu de toucher, par exemple.
(Lemercier de Neuville)
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme, grande ou petite, qui depuis plus ou moins de temps, a jeté son bonnet par-dessus les moulins et sa pudeur par-dessus son bonnet et qui fait métier et marchandise de l’amour.
Rigaud, 1881 : Femme plus ou moins entretenue.
Petite église
France, 1907 : Coterie. On dit aussi petite chapelle.
Tous ces sectaires se divisent en petites églises, ayant chacune son pontife, choisi naturellement par l’imbécillité de son clan, parmi les énergumènes les plus intrigants, ou bien les plus vides d’idées, mais les plus braillards.
(Hector France, L’État aux vérités)
Petite femme
France, 1907 : Nom donné aux dames de mœurs faciles, femmes mariées ou demoiselles du bitume ; euphémisme pour cocotte.
— Garçon, il n’y a pas de petites femmes qu’on pourrait faire monter ?
— Ma foi, Messieurs, ce soir, il n’y a presque personne… Mais si ces Messieurs veulent que j’aille en chercher ?…
(Edgar Monteil, Le Monde officiel)
On dit aussi petite dame :
Boulevard Montmartre.
Un monsieur vient de glisser.
— Saperlotte ! comme Paris est mal entretenu, voilà un trottoir qui ne vaut plus rien.
Une petite dame, avec un soupir :
— À qui le dites-vous, Monsieur !
(Le Journal)
Petite fille
Delvau, 1866 : s. f. Bouteille. Argot des faubouriens.
Virmaître, 1894 : Demi-bouteille.
— Viens-tu boire une bouteille ?
— Non, une petite fille suffira (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Demi-bouteille de vin.
France, 1907 : Demi-bouteille de vin.
Les petites files que j’aime
D’un amour extrême,
Ah ! ah ! ah !
C’est les petites filles vermeilles,
Les petit’s demi-bouteilles.
dit une chanson du faubourg.
Hu’ ! nom de Dieu !… v’là qu’j’ai l’hoquet !
Ça s’rait du prop’ que j’dégobille ;
Si j’trouve encore un mastroquet
D’ouvert, je m’paye un’ petit’ fille,
Ça m’débarbouill’ra l’cœur et pis
D’abord, ej’ suis rond comme un disque,
J’m’arronidirai pas pus que j’suis !
Hu ! pis j’m’en fous, moi, qu’est-c’ que j’risque ?
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Petite flûte (la)
Delvau, 1864 : Le membre viril, dont savent jouer les Tulou femelles connues sous le nom de suceuses.
Petite main
France, 1907 : Apprentie fleuriste.
Il raffolait des trottins et principalement des fleuristes. Toutes ces petites mains frétillantes l’émoustillaient à tel point qu’il passait des heures, au coin de la rue, à attendre la sortie des ateliers. Alors il s’attachait aux pas de l’une d’elles, la suivait jusqu’à sa demeure parfois, lui murmurant à l’oreille : « Petite main, petite main, veux-tu gagner vingt francs et un bon souper. »
(Les Propos du Commandeur)
Petite maison
Delvau, 1864 : Bordel particulier qu’avaient, au siècle dernier, aux portes de Paris, les grands seigneurs et les gros financiers : personne n’y baisait qu’eux, et ils y baisaient le plus de filles qu’ils pouvaient.
Mener des fermes de nom
À sa petite maison,
Voilà les belles manières.
(Collé)
Petite marine
Bras-de-Fer, 1829 : Bande de voleurs.
Petite oie (la)
Delvau, 1864 : Le travail — attrayant — qui précède le coït ; pelotage des couilles de l’homme par la femme, gamahuchage de la femme par l’homme, etc., etc. La petite oie est moins indigeste — pour la pine — que la grande oie : il y a des gens qui s’en contentent — de peur de vérole.
Or, n’est-il pas certain que l’homme qui triche et ceux qui, comme nous, jouissent des plaisirs de la petite oie, ne font rien de plus que ces moines, que ces religieuses, que tout ce qui vit dans le célibat ? Ceux-ci conservent dans leurs reins, en pure perte, une semence que les premiers répandent on pure perte.
(Thérèse philosophe)
Elle avait déjà laissé prendre la petite oie à un homme qui la cajolait.
(Tallemant des Réaux)
Et il fut maître de ce que nous appelons en France la petite oie.
(La France Galante)
La petite oie, enfin ce qu’on appelle
En bon français les préludes d’amour.
(La Fontaine)
Je ne vis pas dessous la soie
Jambes, cuisses et la petite oie.
(Théophile)
Petite Provence
France, 1907 : « Il y a, dans le jardin du Luxembourg, derrière l’ancienne Orangerie, aujourd’hui arrangée en Musée des artistes vivants, une allée large, bien sablée, sans arbres, et doucement baignée de soleil, dans les heures, trop rares, où il daigne sourire aux Parisiens. Le long du bâtiment, règne une série de bancs de pierre encastrés dans la muraille, exposés en plein midi, abrités du vent froid et tout de suite tiédis par le moindre rayon. On trouve des coins semblables dans la plupart des promenades publiques, et tous ont reçu, comme celui-ci, le nom de Petite Provence. Les nourrices et les bonnes d’enfants s’y donnent, naturellement, rendez-vous et l’on y rencontre aussi quelques vieilles gens qui viennent là distraire leur tristesse oisive et chauffer leurs rhumatismes. »
(François Coppée)
Petite-main
Rigaud, 1881 : Ouvrière fleuriste qui fait les pétales et commence à gaufrer, — dans le jargon des fleuristes.
Fustier, 1889 : Il est assez difficile de définir exactement ce que, dans l’argot des ateliers, on entend par cette expression. L’exemple suivant le fera comprendre :
Ils n’étaient que sept pour suffire à cela : un homme, un contre-maître, une femme, la monteuse et sept enfants, les petites-mains. On appelle petites-mains des jeunes gens, filles et garçons qui ne sont plus des apprentis et ne sont pas encore des ouvriers. Il y en a beaucoup même qui n’ont jamais été des apprentis et ne seront jamais des ouvriers. On les reconnaît à ceci : qu’ils reçoivent un salaire d’apprenti pour un travail d’ouvrier.
(Fournière, Sans métier)
Petites maisons
France, 1907 : Nom donné autrefois aux maisons où l’on enfermait les fous et aux villas où les financiers du siècle dernier cachaient leurs amours illicites.
Nous autres Parisiennes, nous jouissons d’une liberté sans limite ; il est absolument admis que nous sortons à 2 heures pour ne rentrer qu’à 7, sans avoir le moins du monde à rendre compte de nos faits et gestes. La couturière, la modiste et les longues stations faites dans les grands magasins de nouveautés constitueraient, d’ailleurs, le cas échéant, tous les alibis nécessaires à la justification d’une honnête journée. Chacun s’occupe fort peu de ce que fait son voisin, et il y a, de par la grande ville, des rez-de-chaussée à deux issues qui ont remplacé les petites maisons chères aux créanciers du siècle dernier.
(Colombine, Gil Blas)
Petits cadeaux entretiennent l’amitié
France, 1907 : C’est surtout l’amour qu’ils entretiennent, et rien de plus vu que ce conte espagnol : Une jeune et belle marquise accueillit un jour d’un air boudeur son amant qui venait les mains vides. C’était, sans doute, un poète plus amoureux que riche, il s’étonna de sa froideur, surtout quand il en sut le motif : « Hélas ! dit-il, je n’ai que mon cœur à vous offrir. » Alors la marquise lui fit ce discours : « Souvenez-vous que s’il arrivait à une reine de recevoir les vœux d’un valet de ses écuries, elle attendrait de lui quelque petit présent, ne fût-ce que son étrille. » Là-dessus le poète, qui n’était pas sot, réprliqua : « Sans doute, mais elle préférerait le bouchon », faisant allusion au bouchon avec lequel on frotte les chevaux.
Les Anglais ont le même dicton : Giff-gaff makes good friends. Un autre vieux proverbe français dit : Bon présent en amour sert mieux que babil.
Petits cons
Delvau, 1864 : Synonymes : l’anneau, le bijou, le petit centre, le conin, le conichon, l’hiatus divin, le petit lapin, la pissette, le trou chéri, etc., etc. Voici le pour :
Dans un petit con de jeunesse,
Qui n’entend ruse ni finesse,
Jamais je ne vais que le pas.
Je n’ai à faire aucun partage,
Je laboure tout l’héritage,
Encor ne me suffit-il pas.
[…]
Ces petits cons à grosse motte
Sur qui le poil encor ne flotte.
Sont bien de plus friands boucons ;
Le monde s’en irait grand erre
Si j’étais tout seul sur la terre
Et qu’il n’y eût que des grands cons.
(Le Sr de Sygognes)
Le contre :
Les cons si estroits de closture
Mettent un vit à la torture
Et le laissent sans mouvement :
J’aimerais mieux branler la pique
Que de foutre en paralytique :
Le plaisir gît au remûment.
[…]
Foutre des cons de ces pucelles,
Serrés comme des escarcelles,
Où te vit n’est en liberté ;
J’ai dans le con de ma voisine
Ma chambre, antichambre et cuisine,
Logis d’hiver, logis d’été.
(Motin)
Petits pains (faire des)
Delvau, 1866 : Faire l’aimable, le gentil, afin de se rabibocher. Argot des coulisses.
France, 1907 : Faire l’aimable, flatter, courtiser.
Eulalie trouva son séduiseur dans la rue, en train de faire des petits pains à une autre.
Furibonde, la pauvre abandonnée empoigna quelques cailloux et les foutit à la margoulette du salopiaud. Oh ! il fut peu mouché : une égratignure au-dessus de l’œil.
(Père Peinard)
Petits pieds sales
France, 1907 : Petites figurantes à l’Opéra qui n’ont pas encore trouvé de protecteurs riches pour leur payer une voiture.
— Alors, marquis, lui disait la Salvia, vous donnez dans les petits pieds sales ? On m’a parlé de cela à l’Opéra. Il paraît qu’elle est très jolie de corps et qu’elle a une jambe parfaite… Soyez francs, dans combien de temps allez-vous me lâcher tout à fait et jusqu’à quel âge laissez-vous mûrir ce petit abricot ?…
…
Les petits pieds sales couraient se regarder dans une large glace qui était au fond de la loge ; elles se plantaient devant, se tournaient, se retournaient, appelaient l’habilleuse ou leur mère si quelque chose n’allait pas bien, sortaient pour descendre au foyer, et, dès qu’elles avaient fini, elles remontaient en sautant, en gambadant, se déshabillaient hâtivement, jetaient leur costume à l’habilleuse, passaient leurs robes, et se dispersaient.
(Edgar Monteil, La Jambe)
Petits soldats de plomb
France, 1907 : Caractères d’imprimerie. « Aligner des petits soldats de plomb », c’est composer ; argot des typographes.
Quand on sait bien aligner les petits soldats de plomb, on vous colle devant une casse, et vous bourrez à quart de pièces ; un peu plus tard, vous avez demi-pièces et ça vous mène à la fin de l’apprentissage.
Petits vernis
France, 1907 : Jeune élégant ridicule. Voir Petit crevé.
Petits vits
Delvau, 1864 : Synonymes : l’asticot, la bibite, le fifre, guiguitte, la quéquette, le salsifis, etc., etc.
Ces petits vits desquels l’enflure
À peine garnit l’ouverture
Des cons, voire des plus petits,
Sont haïs de nous autres, filles,
Et les estimons inhabiles
À chatouiller nos appétits.
Ces petits vits à la douzaine
Ne rendent la nature pleine
Et ne donnent jusque au bout ;
Il semble qui l’on nous farfouille
Ou d’un fétu, ou d’une douille :
Il faut égalité partout
[…]
Ils vont vagabonds par la place,
Sans marquer ni chemin ni trace :
Les murs n’approchent nullement,
Le plancher sur leur chef se hausse,
C’est une volupté sans sauce :
Le plaisir vient du frottement.
(Le Sr de Sygognes)
Petmuche
France, 1907 : Signal que se crient les voleurs et les voyous pour annoncer l’approche d’un danger. « Il y a du petmuche », voici la rousse.
Petoche (être en)
France, 1907 : Suivre quelqu’un de près.
Pétomane
France, 1907 : Néologisme inventé depuis quelques années par une célébrité foraine qui s’est baptisée ainsi.
Le pétomane, en noir,
Le faisant à la pose,
À des parfums, chaqu’ soir,
Qui ne sent’nt pas la rose,
Parmi les vents, presto,
Laissant la bergamote,
Il égrène sa note
Au parfum d’haricot.
(Léo Lelièvre)
Peton
d’Hautel, 1808 : Diminutif. Petit pied. Il ne se dit que par plaisanterie des pieds des enfans.
France, 1907 : Petit pied.
— Toi, tu n’as qu’à te mettre une jupe, un bas de tricot, et à poser ton peton sur un tabouret, tu feras un amour de femme géante, à Saint-Cloud. Messieurs les militaires tâteront ton petit mollet, et ils en rêveront la nuit.
(Henri Lavedan, Leur beau physique)
Ah ! que j’en sais, belle nourrice,
Et qui ne sont pas loin d’ici,
Qui se tiendraient heureux de baiser seulement
Les petits bouts de vos petons !
(Molière)
Péton
Rigaud, 1881 : Petit pied. — De jolis petits pétons.
Pétons
Delvau, 1866 : s. m. pl. Pieds, — dans l’argot des enfants, des mères et des amoureux.
Petouner
France, 1907 : Aller furetant, s’occuper de petites choses où l’on n’a que faire. Du français peton, diminutif de pied. Patois du Centre.
Petouze
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Pistole.
France, 1907 : Pistole ; vieil argent.
Pétouze, pitroux
Rigaud, 1881 : Pistolet, fusil, — dans l’ancien argot.
Petpet
France, 1907 : Physique ; argot du Borda. D’après une Histoire de l’École navale, ce serait le bruit strident produit par l’étincelle électrique qui aurait fait donner au cours de physique ce singulier nom.
Petpetard
France, 1907 : Professeur de physique ; argot du Borda.
Pétra
Delvau, 1866 : s. m. Paysan, homme grossier, — dans l’argot des bourgeois.
Pétras
d’Hautel, 1808 : Mot vulgaire et trivial qui signifie, balourd, ignorant, grossier personnage.
Pétrifier
d’Hautel, 1808 : Être pétrifié. Pour, rester stupéfait ; être saisi d’étonnement ; rester en extase.
Pétrin
d’Hautel, 1808 : Pour, embarras, peine, mauvais état des affaires.
Il s’est mis dans le pétrin jusqu’au cou. Pour, il s’est fourré dans une mauvaise affaire.
Delvau, 1866 : s. m. Embarras, position fausse ; misère, — dans l’argot du peuple, qui geint alors. Être dans le pétrin jusqu’au cou. Être dans une misère extrême.
Pétrin (être dans le)
Rigaud, 1881 : Être dans rembarras, dans la gêne.
Pétrir
d’Hautel, 1808 : Il est pétri de vif-argent. Pour, il est très-vif, très-turbulent ; il se met facilement en colère.
Elle est pétrie de graces. Pour exprimer qu’une femme ou une demoiselle a de l’aisance, de l’amabilité, de la grace dans tous ses mouvemens.
Pétrole
Rigaud, 1881 : Mauvais vin. — Mauvaise eau-de-vie.
Virmaître, 1894 : Mauvaise eau-de-vie servie dans les assommoirs. Elle brûle l’estomac (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Eau-de-vie ; argot populaire ; ce que les Anglais appellent French cream, crème française.
Des bouges où se rassemble la racaille de l’égout ; où les faces blêmes sont souvent tatouées de pochons noirs, où il coule partout du sang dans les saladiers gluants de vin bleu, où les pierreuses viennent se donner du cœur à l’ouvrage en avalant un verre de pétrole qui leur flanque un coup de fer rouge dans l’estomac…
(Jean Richepin, Le Pavé)
France, 1907 : Mauvais marchand de vin.
Pétroler
Rigaud, 1881 : Incendier les maisons et les monuments publics au moyen du pétrole comme sous la Commune.
Pétroleur
Rigaud, 1881 : Marchand de vin, — dans le jargon des ouvriers qui ont à se plaindre des consommations ou à qui le marchand de vin réclame avec acharnement de l’argent.
Pétroleur, pétroleuse
Rigaud, 1881 : Incendiaire sous la Commune. Partisan de la Commune.
France, 1907 : Injure donnée, en 1871, aux partisans de la Commune et à nombre de pauvres diables accusés par le premier venu d’avoir, à l’aide de bidons de pétrole, mis le feu aux maisons et aux édifices publics, accusation qu’ils payaient de leur vie.
Pétrouille
France, 1907 : Tête. « Dévisser la pétrouille », taper sur la tête.
Pétrousquin
Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Petzouille. Privat d’Anglemont (Paris-Anecdote) donne à ce mot la signification de Bourgeois, public. Il s’est trompé.
Rigaud, 1881 : Derrière. Paysan. — Public, dans le jargon des saltimbanques. Entortiller le pétrousquin en faisant la manche, soutirer de l’argent au public en faisant la quête.
La Rue, 1894 : Le postérieur. Badaud.
Virmaître, 1894 : La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent. A. D. Pétrousquin, paysan. Malgré la croyance populaire, le paysan n’est pas aussi cul qu’il le paraît. Ce n’est donc pas de là, que vient l’expression. Pétrousquin, ne viendrait-il pas de Pétrus, avec une finale ajoutée (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Paysan.
France, 1907 : Fainéant, vaurien. C’est, en terme propre, le derrière.
Je fréquente un tas de pétrousquins dont les figures ne me vont guère.
— Comment ?
— Des pratiques, des loupeurs, des gouapes. La vermine de Paris, parbleu !
(Paul Mahalin, Le Megg)
France, 1907 : Paysan, badaud ; euphémisme pour cul. D’après Lorédan Larchey, Pétrousquin serait un nom d’homme, diminutif de Petrus, Pierre.
Petsouille
Virmaître, 1894 : Cette expression est suffisamment claire. Elle désigne un jardinier habitué à travailler la terre ; elle est un terme de mépris lorsqu’elle est employée vis-à-vis d’un bourgeois (Argot du peuple).
Pétun
France, 1907 : Tabac ; vieil argot, d’un mot brésilien.
Pétuner
France, 1907 : Fumer.
Lorsque l’ivresse opportune
N’a point noyé mon souci,
Vite, pour qu’il soit roussi,
À sa barbe je pétune.
(Jean Richepin)
Pétunière
France, 1907 : Tabatière, blague à tabac.
Petzouille
Rigaud, 1881 : Derrière.
Rossignol, 1901 : Paysan, campagnard.
Hayard, 1907 : Même sens — paysan.
Peu
d’Hautel, 1808 : Si peu que rien. Pour dire, très-peu, excessivement peu.
Peu ou prou ; ni peu ni prou. Pour, peu ou beaucoup ; ni peu ni beaucoup.
Excusez du peu. Se dit ironiquement de quelqu’un qui, quelque chose qu’on fasse, se plaint qu’on ne lui donne pas assez ; se dit aussi dans le même sens, de celui qui trouve qu’on le surcharge d’un ouvrage désagréable.
Il n’y en a pas pour peu. Pour dire, il y en a beaucoup.
Peu (excusez du)
Larchey, 1865 : Terme ironique pour dire : Excusez l’apparente énormité du chiffre.
Il y avait 25 000 Français par terre… Excusez du peu !
(Balzac)
Peu d’honnêtes femmes qui ne soient lasses de leur métier
France, 1907 : Ce vieux dicton de nos pères, moins courtois que nous pour le beau sexe, a été redit par Molière dans Amphitryon :
On se lasse parfois d’être femme de bien.
Le métier d’honnête femme est pour beaucoup tâche difficile et bon nombre ne restent honnêtes que parce qu’elles ne peuvent faire autrement ; aussi l’on disait : « Qui a femme à garder, n’a pas journée assurée » ; — « Femmes et frontières sont mauvaises à garder, car la femme estime toujours que son voisin est violette. »
Peu mon neveu (un)
Rigaud, 1881 : Oui ; je crois bien.
Peuple
d’Hautel, 1808 : Du petit peuple. Nom de mépris que l’on donne aux artisans, aux ouvriers de la plus basse classe du peuple, qui, cependant, par leur industrie, leurs fatigues et leurs peines, font la fortune de nos gros négocians.
La voix du peuple est la voix de Dieu. Pour dire que le sentiment général, ordinairement, est fondé sur la justice et la vérité.
Delvau, 1866 : s. et adj. Commun, vulgaire, trivial, — dans l’argot des bourgeoises, qui peut-être s’imaginent être sorties de la cuisse de Jupiter ou d’un Montmorency. Être peuple. Dire ou faire des choses de mauvais goût.
Delvau, 1866 : s. m. Public, — dans le même argot [des faubouriens]. Se foutre du peuple. Insulter à l’opinion reçue, accréditée. Un faubourien dit volontiers à un autre, lorsqu’il est molesté par lui ou lorsqu’il en reçoit une blague un peu trop forte : Est-ce que tu te fous du peuple ?
France, 1907 : Peuplier ; argot populaire. Vieux mot, du latin populeus.
Peuple (faire un)
Fustier, 1889 : Argot des voyous. Faire partie de la figuration dans un théâtre quelconque.
Peuple, du public (se moquer du)
Larchey, 1865 : Insulter à l’opinion.
Grande colère du père Duchesne contre M. Veto qui se fout du peuple.
(1793, Hébert)
Encore fort usité.
Peuplier
Fustier, 1889 : Gros fragment de tabac.
Peur (la)
France, 1907 : On désignait ainsi, dans les provinces du Centre, l’époque de la Revolution, où des terreurs paniques faisaient prendre les armes à toute la France. On disait : « Mon père est né l’année de la Peur. »
Peurette (à la)
France, 1907 : À l’aise. Se mettre à la peurette, c’est ne conserver que les vêtements indispensables pour ne pas souffrir de la chaleur sans la décence ; patois meusien, corruption de pureite, qu’on dit encore en Picardie.
Peut
France, 1907 : Laid, vilain, désagréable ; patois lorrain, bourguignon, morvandiau ; du vieux français put, pute, qui vient lui-même du latin putare, puer, d’où nous avons fait pute, putois, putride. Quelques étymologistes font venir pute du sanscrit poutri, fille, d’où le diminutif latin puella, jeune fille, d’où pucelle, bacelle en lorrain, et l’augmentatif italien putana.
Dans le Virgile travesti de Scarron, Jupiter apostrophe ainsi Vénus :
… Petite putine !
D’où depuis on a fait putain,
Car notre langue se raffine.
Dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, J. Brivois écrit que dans la partie de la Champagne voisine de la Bourgogne on dit :
Peute femme, beau cul ;
Peut chien, belle queue.
Dans une chanson nivernaise on trouve ce quatrain :
Quand elles sont gentes,
Réveillons les filles ;
Quand elles sont peutes,
Laissons-les dormir.
En d’autres patois, peut signifie petit : Peute gache, petite fille.
À peute chatte, jolis mirons.
Peut-être
d’Hautel, 1808 : Un peut-être empêche de mentir.
Pévéreux
d’Hautel, 1808 : Pour, pédant, homme fier, hautain, orgueilleux.
Il fait son pévéreux. Pour, il fait le précieux, l’important.
Pèze
Vidocq, 1837 : s. m. — Argent monnoyé.
Larchey, 1865 : Argent (Vidocq). — De pesos, monnaie espagnole.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Argent.
France, 1907 : Argent. Voir Pèse.
Les chouettes zigues qui m’ont fait affurer du pèze…
(Mémoires de Vidocq)
Pèze ou pèse
Virmaître, 1894 : Argent. L’expression est due à Frédérick-Lemaître. Il jouait avec Clarisse Miroy à la Porte-Saint-Martin sous la direction Harel. Ce dernier n’aimait pas payer ; un soir qu’il était en retard avec les appointements du grand artiste, celui-ci ne voulut pas entrer en scène avant d’être réglé. Il envoya Clarisse à la caisse ; elle en revint peu après avec un énorme sac de pièces de cent sous. Elle le tend il à Frederick.
— Tiens, pèse !
Depuis ce temps, on dit dans le peuple :
— As-tu du pèse ? (Argot du peuple).
Phalange
Fustier, 1889 : Main.
Ils vous ont des façons étranges,
Pires que des étaux de fer.
De vous écraser les phalanges,
En vous disant : « Bonjour, mon cher ! »
(Frondeur, déc. 1879)
France, 1907 : Main : ne s’emploie guère que dans de sens : serrer les phalanges, serrer la main.
Phallus impudicus
France, 1907 : Sorte de champignon qui affecte la forme d’un membre viril. On l’appelle aussi satyre impudique.
Pharamineux
Larchey, 1865 : Éblouissant comme un phare.
Delvau, 1866 : adj. Étonnant, prodigieux, inouï, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Fameux, merveilleux, éblouissant ; c’est-à-dire lumineux comme un phare.
France, 1907 : Étonnant, extraordinaire ; argot populaire. C’est l’adjectif appliqué dans les campagnes bourguignonnes aux loups-garous et autres bêtes fantastiques. On trouve également cette expression dans le patois saintongeais. Ce n’est peut-être que la corruption du grec phénomenon.
Pharaon
Delvau, 1866 : s. m. Roi de n’importe quel pays, — dans l’argot gouailleur des gens de lettres.
Phare
Delvau, 1866 : s. m. Lampe, — dans l’argot des typographes.
Rigaud, 1881 : Lampe, — dans le jargon des typographes.
France, 1907 : Lampe ; argot des typographes.
Pharos
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Gouverneur d’une ville.
Vidocq, 1837 : s. m. — Gouverneur de ville ou de province.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Gouverneur d’une ville.
Rigaud, 1881 : Gouvernement. — Ministre. — Préfet et, en général, tous les hauts fonctionnaires ! de l’État, qui, en grand uniforme, sont éblouissants comme des phares, — dans le jargon des voleurs.
France, 1907 : Chef ; argot des voleurs.
L’ancien abbé éleva sa lumière à hauteur de son visage, et, éclatant de rire :
— Allons, taffeurs, ne renaudez pas ! fit-il ; me prenez-vous pour un raille ou le rabouin ?
Alors, tout à coup, ce fut une explosion de cris, d’exclamations de joie et de surprise :
— Le grand pharos !
— Le grand meck !
— Le grand dab !
Et les yeux étincelants, la figure enluminée par une douce émotion, agitant leurs bonnets, aspirant à lui serrer la main, tous se précipitèrent, l’entourèrent, le pressèrent, l’acclamèrent.
(Edmond Ladoucette, Le Petit Caporal)
Phecy
France, 1907 : Calotte ou fez des chasseurs d’Afrique. Les polytechniciens appelaient autrefois le ce nom leur calotte d’intérieur.
Phénix est la femme oisive et sage
France, 1907 : Ce dicton, tiré d’une maxime de Pythagore, corrobore cet autre parfaitement vrai que « l’oisiveté est la mère de tous les vices », car une honnête femme n’est jamais oisive. « Femme qui ennuy file, disaient nos pères, (femme désœuvrée) porte chemise vile. » Et encore : « Fille oisive, au mal est pensive. » On appelle phénix une chose rare, extraordinaire ; un sonnet sans défaut, comme disait Boileau, et la femme en question, plus rare encore à trouver que le susdit sonnet.
Le phénix était un oiseau fabuleux adoré par les Égyptiens. Ils le figuraient de la grandeur d’un aigle, la tête surmontée d’une huppe. Il n’y en avait jamais qu’un à la fois et toujours le même, car après avoir vécu 500 ans il volait sur les bords du Nil, se préparait un nid de plantes aromatiques qu’il exposait au soleil, l’allumait lui-même en battant des ailes, se posait dessus et se consumait. Mais de ces cendres naissait un ver qui se transformait peu à peu en un phénix semblable au premier. Ovide, dans ses Métamorphoses, raconte tout cela et fort sérieusement. Hérodote est le premier écrivain qui ait parlé du phénix. Sous ces fables ridicules se cachait le symbole de l’immortalité de l’âme.
C. de Méry a donné en vers la traduction d’Ovide :
Un oiseau merveilleux, unique dans le monde,
Ressuscite et renait de sa cendre féconde ;
C’est le phénix. Nourri dans des bois odorans
Et des sucs de l’amour et des pleurs de l’encens,
Il dédaigne du grain la pâture grossière.
Après cinq cents étés, terme de sa carrière,
Au sommet d’un palmier, à l’aide de son bec,
Il se bâtit un nid, ramasse du bois sec,
Y joint l’épi du nard, la myrrhe, la cannelle.
Couché sur ce bûcher, où la flamme étincelle,
Il meurt dans les parfums : sa tombe est son berceau.
Du phénix qui n’est plus, naît un phénix nouveau,
Qui vit cinq cents étés, et qui meurt pour revivre,
Quand l’âge à son essor a permis qu’il se livre,
De son nid suspendu dégageant le rameau,
Il l’enlève, et, chargé de ce pieux fardeau,
Au temple où du soleil on admire l’image,
Des cendres de son père il apporte l’hommage.
Phénomène
Delvau, 1866 : s. m. Parent qui vient pleurer sur une tombe, ou seulement la visiter, — dans l’argot cruel et philosophique des marbriers de cimetière.
Rigaud, 1881 : Original.
Philanthrope
Larchey, 1865 : Filou (Vidocq). — Jeu de mots.
Delvau, 1866 : s. m. Filou, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Filou, — dans le jargon des voleurs. Et la variante : Philibert. — Jeu de mots par changement de finales.
La Rue, 1894 : Filou.
France, 1907 : Filou ; jeu de mot des voyous.
Philantrope
Vidocq, 1837 : s. m. — Filou. Terme des marchands forains.
Philatéliste
France, 1907 : Collectionneur ou amateur de timbres-poste.
L’empereur Alexandre III était, on le sait, un philatéliste distingué, et l’on raconte, au sujet de sa collection, une anecdote curieuse.
Un jeune homme du Wisconsin avait consacré ses épargnes à l’achat des timbres nouveaux rappelant le centenaire de la découverte de l’Amérique et les avait fait parvenir au puissant souverain. Le tsar répondit à cet envoi par celui d’une collection complète de timbres russes de toutes les émissions et n’ayant jamais servi.
Philémon-baucis
Virmaître, 1894 : Quand deux bourgeois jouent aux dominos, et que l’un d’eux se débarrasse du double-six, il s’écrie en riant :
— Filez mon beau six (Argot des bourgeois).
Philibert
Vidocq, 1837 : s. m. — Faiseur. Terme des escrocs parisiens. Les Faiseurs dont le métier est d’acheter des marchandises qu’ils ne paieront jamais, procèdent à-peu-près de cette manière. Ils s’associent trois ou quatre, placent quelques fonds chez un banquier, et fondent plusieurs maisons sous diverses raisons sociales. L’une sera la maison Pierre et Compagnie, l’autre la maison Jacques et Compagnie, et ainsi de suite, de sorte qu’il existe bientôt sur la place quatre ou cinq maisons qui agissent de concert et se renseignent l’une et l’autre.
Lorsqu’ils ont ainsi préparé les voies, les Philiberts achètent le plus de marchandises qu’ils peuvent ; ils paient un tiers ou un quart comptant, et donnent au vendeur des bons sur le banquier chez lequel ils ont déposé des fonds. Celui-ci solde sans observations, ce qui ne manque pas d’inspirer une grande confiance au vendeur. Ils renouvellent deux ou trois fois le même manège ; ils acquièrent de la confiance, et bientôt ils se trouvent devoir des sommes énormes. Les plus adroits déposent leur bilan et s’arrangent avec leurs créanciers, qui s’estiment très-heureux de recevoir 10 ou 15 p. %. Les autres disparaissent en laissant la clé sur la porte d’un appartement vide.
Rossignol, 1901 : Celui qui fait le Philippe.
Philippe
Larchey, 1865 : Écu à l’effigie de Louis-Philippe.
On dit que tu as poissé nos philippe.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Pièce décent sous en argent à l’effigie de Louis-Philippe, de Charles X ou de Napoléon, — dans l’argot des faubouriens, qui ont voulu avoir leurs louis comme les gentilshommes.
Rossignol, 1901 : Celui qui a la spécialité de faire le vol au rendez-moi ou rendem, fait le philippe.
France, 1907 : Pièce de cent sous ; argot des faubouriens.
Philippe, petit et gros
Vidocq, 1837 : s. m. — Écu de trois et de six livres.
Philippes
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écus de six francs.
Bras-de-Fer, 1829 : Écus.
Philippine (bonjour)
France, 1907 : Expression dont on se sert dans le Nord pour réclamer de quelqu’un de connaissance un petit présent, après qu’à table on a partagé une amande double. À la première rencontre, la personne qui dit de suite : Bonjour, Philippine ! gagne un cadeau à la discrétion du perdant. Cet usage vient d’Allemagne. Philippine est une altération de l’allemand Philippchen, qui est lui-même une altération de viel liebchen, bien aimé ; c’est dire qu’est Allemagne ce petit jeu ne se fait qu’entre personnes de sexe différent.
Philistin
Larchey, 1865 : « À propos, qu’est-ce qu’un Philistin ? — Autrefois, en Grèce, il s’appelait béotien ; on le nomme cokney en Angleterre ; épicier ou Joseph Prud’homme à Paris, et les étudiants d’Allemagne lui ont conféré l’appellation de Philistin. » — Neuville.
Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des romantiques.
Delvau, 1866 : s. m. Vieil ouvrier abruti, — dans l’argot des tailleurs.
Rigaud, 1881 : Ouvrier abruti par la boisson, — dans le jargon des tailleurs.
Fustier, 1889 : Ouvrier tailleur