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T

Ta chemise ne sache ta guise

France, 1907 : Il ne faut confier tes secrets même à tes amis les plus intimes ; vieux dicton que Piron a rajeuni par ce vers :

Un dessein qu’on évente est tout près d’avorter…

Tabac

d’Hautel, 1808 : Il ne prend pas souvent du tabac. Se dit en plaisantant d’un auteur qui ne multiplie pas les repos, les alinéa dans son ouvrage ; qui fait des chapitres de longue haleine.
On dit aussi dans un sens opposé, qu’il prend souvent du tabac, quand les alinéa y sont fréquens.

Delvau, 1866 : s. m. Ennui, misère, — dans l’argot des faubouriens. Être dans le tabac. Être dans une position critique. Foutre du tabac à quelqu’un. Le battre — de façon à lui faire éternuer du sang. Fourrer dans le tabac. Mettre dans l’embarras. Manufacture de tabac. Caserne.

Delvau, 1866 : s. m. Vieil étudiant, — culotté comme une pipe qui a beaucoup servi.

La Rue, 1894 : Ennui, misère : être dans le tabac. Coups : Passer à tabac, brutaliser, bourrer de coups. V. Passer.

Virmaître, 1894 : Misère.
— Je suis dans le tabac mistoufle (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Applaudissements, succès. Un artiste qui a des applaudissements, du succès, a du tabac.

France, 1907 : Danger. Il y a du tabac à noctambuler le long des fortifs.

France, 1907 : Dispute, bataille. Il y a du tabac dans la turne, on s’y chamaille, on s’y bat. Se foutre du tabac, se battre. Coup du tabac, effort, coup de collier. Donner à quelqu’un du tabac, lui donner de la peine, l’obliger à des efforts. Fourrer dans le tabac, mettre dans l’embarras. Ficher un tabac, pousser violemment ; jeu de mot sur à bas. Recevoir du tabac, être battu. Voici Le refrain d’une chanson de zouaves faisant allusion à la prise du col de la Mouzaïa :

À la Chiffa
À la Chiffa
Les réguliers ont reçu du tabac.

Tomber dans le tabac, tomber dans la misère, être dans la détresse. Passer de beigne à tabac, être roué de coups :

Nous, on est les pauv’s ’tits Fan-fans,
Les p’tits flaupés… les p’tits foutus
À qui qu’on flanqu’ sur le tu-tu,
Les ceuss’ qu’on cuit, les ceuss’ qu’on bat.
Les p’tits bibis, les p’tits bonshommes
Qu’ont pas d’bécots ni d’sucs de pomme,
Mais qu’ont l’jus d’trique pour sirop d’gomme
Et qui pass’nt de beigne à tabac.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Tabac (blague à)

France, 1907 : Seins pendants et flasques.

Elle se dévêtit devant moi sans la moindre vergogne, mais lorsque je vis paraître ses blagues à tabac dont la pointe noire se cerclait d’un large anneau jaune, je fus soudainement refroidi et je me dis que le péché ne vaudrait pas le remords qui suivrait.

(Les Confessions de l’abbé Ledru)

Tabac (donner du, coller du)

Rigaud, 1881 : Battre — Réprimander fortement.

Tabac (être dans le)

Larchey, 1865 : Être dans une position critique. — Mot à mot : Être dans le à bas. — Jeu de mots.

Tabac (il y aura du)

Merlin, 1888 : Il se fera du bruit. On aura du mal. Équivalent de : Ça chauffera.

Tabac (manufacture de)

Rigaud, 1881 : Caserne.

Tabac (même)

France, 1907 : Même chose.

Pour nous, c’est du même tabac : si le milieu où nous vivotons est favorable à l’éclosion des instincts bons, nous nous orientons vers le bien, — si le milieu est aussi malpropre que la société actuelle, où ce qui est mauvais germe de préférence, alors il est tout simple que nous devenions de sales crapules.

(La Sociale)

Tabac (passage à)

Rigaud, 1881 : Voies de faits auxquelles se livraient, encore au commencement de 1879, les agents de police envers certains prisonniers.

France, 1907 : Action d’être roué de coups par les agents de police. D’après l’Éclair, cette expression remonte au procès Yves Guyot en 1879. Le « vieux petit employé » accusa des inspecteurs de la Sûreté d’avoir provoqué contre lui certains témoignages en distribuant des paquets de tabac, et d’avoir au contraire menacé les personnes qui refusaient de servir leur cause. Quand on était pour la police, on passait à la distribution du tabac, sinon, le tabac se transformait en coups de poing.

Tabac (passer au)

Rigaud, 1881 : Maltraiter, brutaliser, bourrer de coups, — dans le jargon de la police.

Quand je suis arrivé au service de sûreté, j’ai demandé aux anciens la cause des cris que poussaient des prisonniers, et ils m’ont répondu : Ce sont des individus qu’on ligote fortement en leur demandant s’ils veulent casser du sucre. On appelle cela passer au tabac.

(La Lanterne, compte-rendu du procès de la Lanterne, déposition de M. Cousin, inspect. de police, 23 janv. 1879)

M. Tard, inspecteur de police, déclare qu’en décembre 1876, il a vu amener un jeune homme de dix-huit à vingt ans qui refusait de donner son nom ; on lui a lié les mains si fortement que le sang a coulé, et comme il persistait à garder le silence, on l’a menacé de chauffer une barre de fer et de la lui passer sous la plante des pieds.

(Idem, idem)

Tabac (un vieux)

Merlin, 1888 : Un vieux soldat.

Tabac à deux sous la brouette

Merlin, 1888 : Tabac de cantine, à prix réduit et de qualité inférieure.

Tabac à trois sous la brouette

Rigaud, 1881 : Tabac de cantine, — dans le jargon des soldats.

Tabac de démoc

Delvau, 1866 : s. m. Tabac fait avec les détritus de cigares ramassés par les voyous jeunes et vieux, dont c’est la spécialité.

Tabac de démocsoc

France, 1907 : Tabac fait avec les détritus de cigares, Voir Mégot.

Tabar

Halbert, 1849 : Manteau.

Larchey, 1865 : Manteau (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Manteau, — dans l’argot des voleurs. Ils disaient autrefois Volant.

La Rue, 1894 : Manteau.

Virmaître, 1894 : Manteau. Cette expression est connue depuis le XVe siècle (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Manteau.

France, 1907 : Manteau ; argot des voleurs. C’est, suivant les dictionnaires argotiques, l’anagramme de rabat ; nous croyons plutôt que ce mot vient de l’espagnol tabardo, casaque de gros drap que portent les paysans.

Tabar ou tabarin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Manteau.

Vidocq, 1837 : s. m. — Manteau.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tabar, tabarin

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Manteau.

Tabarin

France, 1907 : Manteau, de tabar ; argot des voleurs.

Tabatière

Delvau, 1866 : s. f. Le podex, — dans l’argot du peuple. Ouvrir sa tabatière. Faire un sacrifice muet, mais odore, au dieu Crépitus. D’où : Quelle frise !

La Rue, 1894 : Postérieur.

France, 1907 : Anus. Ouvrir sa tabatière, lâcher un vent.

France, 1907 : Fusil dit à tabatière.

— Ils sont au moins à neuf cents mètres, me dit un fédéré ; c’est inutile de tirer, puisque votre tabatière ne porte pas jusque-là.

(Sutter-Laumann)

Tabatière (ouvrir la)

Rigaud, 1881 : Sacrifier à crepitus ventris.

Tabbin

France, 1907 : Billet de banque.

Ponte toujours tabbins et blé,
Du bon, pas du mauvais côté…

(Hogier-Grison)

Tabe

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Roi.

Tabernacle

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où l’on serre précieusement le dieu — des jardins.

Elle est belle, ma Joséphine ! elle a un chouette maître-autel !… un rude tabernacle !…

(Tisserand)

Rigaud, 1881 : Derrière, — dans le jargon des voyous. — Je te vas défoncer le tabernacle. — Ouvrir le tabernacle, sacrifier à crepitus.

France, 1907 : Ventre. Ouvrir le tabernacle, étriper ; argot faubourien. Se dit aussi pour le derrière. Défoncer le tabernacle, donner un coup de pied au cul.

Tablature

d’Hautel, 1808 : Donner de la tablature à quelqu’un. L’inquiéter, l’embarrasser, lui donner du fil à retordre.

Tablature (donner de la)

France, 1907 : Donner du mal, obliger à des efforts, donner du fil à retordre.

Cette métaphore, dit Émile Gouget, dérive de la peine que les élèves de musique étaient forcés de se donner pour entendre la tablature, c’est-à-dire pour déchiffrer le tableau (du latin tabula, table) des signes baroques employés dans la musique. Aujourd’hui la tablature est le tableur indiquant le doigté des instruments à vent.

Table

d’Hautel, 1808 : Piquer les tables. Pour dire, faire le parasite, aller de porte en porte pour chercher à dîner.

Table (faire le tour de la)

Rigaud, 1881 : En style de gastronome, c’est manger de tous les plats qui sont servis dans un dîner.

Table (mettre les pieds sous la)

France, 1907 : Manger. Faire le tour de la table, faire honneur à chaque plat.

Table (se mettre à)

Rigaud, 1881 : Dénoncer un complice.

France, 1907 : Avouer, dénoncer ; même sens que manger le morceau. Mettre quelqu’un à table, lui donner une part de butin.

Table rase

Virmaître, 1894 : Faire un nettoyage complet dans une maison, liquider un arriéré, renouveler un personnel après avoir fait table rase (Argot du peuple).

Tableau !

France, 1907 : Coup de théâtre, surprise.

Tu ferais pas tant l’étroite à c’t’heure
Si j’t’aurais laissé t’fout’ dans l’eau…
Allons ! bon, c’est ma femm’… Tableau !

(A. Gill, La Muse à Bibi)

Tableau !

Boutmy, 1883 : Exclamation par laquelle on exprime la surprise ou la joie maligne que l’on éprouve à la vue d’un accident risible arrivé à un ou à plusieurs de ses confrères.

Tableau (vieux)

France, 1907 : Vieil homme fardé, vieille femme maquillée.

Elle m’avait paru charmante à la lumière des cierges, mais quand au matin les rayons de soleil pénétrèrent dans la chambre, je m’aperçus avec dégoût que ce n’était qu’un vieux tableau.

(Confessions de l’abbé Ledru)

Tableau d’avancement

Merlin, 1888 : Liste des hommes punis, déposée au corps de garde.

Tableau des idiots (être sur le)

Fustier, 1889 : Être pourvu d’un conseil judiciaire. Jargon des clercs de notaire. On sait que dans chaque étude se trouve à la disposition du public, un tableau ou un livre sur lequel figurent les interdits, les prodigues, tous ceux enfin qui ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits.

Tableau-radis

Delvau, 1866 : s. m. Toile qui revient, invendue, du Salon ou de la boutique du marchand. Argot des artistes et des gens de lettres. On dit de même Livre-radis.

Virmaître, 1894 : Toile que le marchand n’a pu vendre. Quand il revient à l’atelier on dit : mon tableau-radis. On en dit autant d’un livre : un livre-radis. Allusion au radis rose ou noir qui occasionne des renvois (Argot d’atelier).

France, 1907 : Tableau longtemps exposé chez un marchand et que celui-ci retourne invendu à l’artiste ; c’est-à-dire tableau qui, aux yeux du marchand, ne vaut pas un radis. Combien de tableaux-radis ont, après la mort de l’artiste, été payés de grosses sommes !

Tableautier

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui fait spécialement les tableaux, les ouvrages à filets et à chiffres.

Tableautin

Delvau, 1866 : s. m. Tableau sans valeur.

France, 1907 : Petit tableau sans valeur.

Au lieu de s’occuper de son ménage, de son mari et de ses enfants, elle passait son temps à peinturlurer de petits tableautins que les marchands s’empressaient de lui refuser.

(René de Nancy)

Tabler

d’Hautel, 1808 : Pour compter, faire fonds sur quelque chose.
On ne sait sur quoi tabler. C’est-à-dire sur quoi compter.

Tablette

Vidocq, 1837 : s. f. — Brique, tuile.

Delvau, 1866 : s. f. Brique, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 / France, 1907 : Brique.

Tablier

France, 1907 : Sorte d’oriflamme semblable à celui des anciens hérauts d’armes qui s’adaptait à la trompette, dans les régiments de la garde impériale.

Tablier (droit de)

Boutmy, 1883 : s. m. Bienvenue payée par les apprentis à leur entrée dans l’atelier. Cette coutume est tombée en désuétude à Paris ; mais elle est encore pratiquée, dit-on, en province, et particulièrement dans le nord de la France.

France, 1907 : Bienvenue que payent les apprentis admis dans un atelier.

Tablier (lever son)

France, 1907 : Se laisser séduire ; quand on va se laisser séduire, le tablier ne tarde pas à être levé.

Tablier (rendre son)

France, 1907 : S’en aller, se démettre ; allusion aux servantes que l’on renvoie et qui s’empressent d’enlever leur tablier.

Tablier blanc

Rigaud, 1881 : Bonne d’enfants. La dame aux Camélias du troupier.

France, 1907 : Garçon de café, bonne d’enfants ; argot populaire.

Une sourde agitation règne parmi les tabliers blancs, c’est-à-dire les garçons de café, au sujet de garçons étrangers qu’emploient en trop grand nombre les patrons. L’insuffisance des pourboires et les exigences du service ne seraient pas non plus, paraît-il, étrangers à cette agitation.

(Le Journal)

Tablier de cuir

Delvau, 1866 : s. m. Cabriolet, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Cabriolet.

Tablier de sapeur

Delvau, 1864 : Motte bien garnie de poils, noirs, blonds ou rouges, longs ou frisés… On dit aussi ; Barbe au con.

Clara, elle, avait une gorge superbe, des fesses splendides, et un adorable petit con, protégé par un formidable tablier de sapeur.

(J. Le Vaixois)

Tablier lève (le)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des bourgeois — d’une fille qui ne peut plus dissimuler sa grossesse. Intumescit alvus. Faire lever le tablier. Engrosser une fille ou une femme.

Tablier lève (son)

Delvau, 1864 : Se dit d’une fille qui s’est laissé faire un enfant et qui ne peut plus dissimuler sa grossesse.

Tablotte, tablette

La Rue, 1894 : Brique.

Tabouret (figure à)

France, 1907 : Figure de coquin. Cette expression, maintenant hors d’usage, vient de l’époque où l’on exposait les criminels sur la place publique, assis sur un escabeau avec un carcan de fer au cou qui les fixait an pilori.

Va donc, figure à tabouret,
J’t’irons voir en face le Palais,

dit le Catéchisme poissard.

Tabourets dans la salle à manger

Rossignol, 1901 : Celui qui n’a plus de dents n’a plus de tabourets dans la salle à manger.

Tabuster

France, 1907 : Importuner ; vieux français.

— Madame, sçachez que je suis tant amoureux de vous que je n’en peux pisser ni fianter ; je ne sçay comment l’entendez ; s’il m’en advenait quelque mal, qu’en serait-il ?
— Allez, dit-elle, allez, je ne m’en soucie, laissez-moi ici prier Dieu… et ne me tabustez plus.

(Rabelais)

Tac

M.D., 1844 : Un emplâtre.

La Rue, 1894 : Supériorité.

France, 1907 : Habilité, supériorité, savoir-faire, pour tact.

France, 1907 : Haut.

Tac au tac (du)

France, 1907 : Instantanément, vivement. Riposter du tac au tac, répondre immédiatement.

— Vous me citiez l’Évangile ; je fais appel, moi, aux Pères de l’Église, et vous réponds du tac au tac avec saint Jérôme, que « tout possesseur d’une grande fortune est un voleur ou l’héritier d’un voleur ». Et ne m’objectez pas que saint Jérôme est mort il y a quinze cents ans, car il est de notre temps comme du sien, bien pis encore.

(Albert Cim, Émancipées)

Tac-tac

d’Hautel, 1808 : Un Nicolas tac-tac. Pour dire un nigaud, un homme sot et stupide, qui se mêle des petits détails qui concernent qui les femmes.
Tac-tac sert aussi à exprimer un bruit réglé, comme celui d’un pendule.

Tacent satis laudant

France, 1907 : Leur silence est un éloge suffisant. Locution latine tirée de l’Eunuque de Térence.

Tacet

d’Hautel, 1808 : Garder le tacet. Ne point se mêler à la conversation générale ; faire le discret ; garder un profond silence.

Tache

d’Hautel, 1808 : Une tache d’huile. Pour dire une gestion déshonnête, une faute grave qui porte atteinte à la réputation, à la renommée de quelqu’un.

Tache d’huile

Delvau, 1866 : s. f. Accroc à une robe, déchirure d’habit, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais tour, — crasse impardonnable, ineffaçable, faite par un ami à son ami.

France, 1907 : Calomnie.

Tache noire

France, 1907 : Tache qui, sur les cartes de France, couvre le territoire annexé par la Prusse.

Tacher une femme

Delvau, 1864 : Répandre à son intention — et quelquefois à son profit — un peu de liqueur séminale, en se branlant devant elle ou en la baisant en robe.

Mais d’là que j’ vous tache, mam’selle,
C’est la faute de vot’ bretelle :
Plus qu’ mon amour elle tenait.

(Béranger)

Taconner

Boutmy, 1883 : v. intr. Hausser une lettre ou un filet en frappant le pied à petits coups de marteau.

France, 1907 : En argot typographique, hausser une lettre ou une ligne en frappant le pied à petits coups de marteau.

Taconnet

France, 1907 : Toque de chasseur d’Afrique.

Tact

d’Hautel, 1808 : Il a le tact. Pour dire, il est habile, exercé dans cette profession : le peuple se sert de cette locution dans le même sens que, il a le fil.

Taf

Ansiaume, 1821 : Crainte.

Je craignais la butte, cette fois j’ai eu le taf.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Peur. Avoir le taf, avoir peur.

Bras-de-Fer, 1829 : Peur.

Delvau, 1866 : s. m. Peur, — dans l’argot des voleurs. Avoir le taf. Avoir peur. Coller le taf. Faire peur. On dit aussi Tafferie. Il n’y a pas à douter que ce mot ne vienne d’une expression proverbiale ainsi rapportée par Oudin : « Les fesses luy font taf taf, ou le cul lui fait tif taf, c’est-à-dire : Il a grand peur, il tremble de peur. » On dit aussi Taffetas. Avoir le taffetas du vert. Être frileux, avoir peur du froid.

Virmaître, 1894 : Individu qui a peur de son ombre. Qui a le trac, qui serre les fesses à la moindre alerte (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Peur.

Je n’ose sortir la nuit, j’ai le taf, je suis tafeur.

Hayard, 1907 : Peur.

France, 1907 : Peur. Abréviation de taffetas, d’après quelques étymologistes, à cause du bruit que fait cette étoffe, sorte de frisson, de froufrou dont serait formé le mot frousse ; mais Francisque Michel croit que taf vient de la locution proverbiale employée en parlant de quelqu’un qui a peur : Les fesses lui font taf taf. Lorédan Larchey, de son côté, fait dériver taf du bas allemand taffeln, s’enfuir. Avoir le taf, avoir peur… Voir Taffetas.

— Que veux-tu, Zénobie ? Chacun a sa misère. Le lièvre a le taf, le chien les puces, le loup la faim… l’homme a la soif… et la femme l’ivrogne !

(Gavarni)

J’ai pensé, pour me tirer d’peines,
À m’fair’ frèr’ des écol’s chrétiennes.
Ah ! ouiche ! Et l’taf des tribunaux ?
Puis, j’suis pas pour les pant’ en robe,
Avoir l’air d’un mâl’, v’là c’que j’gobe,
J’aim’ mieux êt’ dos.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Taf-taf (faire)

France, 1907 : Avoir peur ; se dit seulement en parlant des fesses. Voir Taf.

Son petit tablier se levait ; elle allait ne plus pouvoir cacher le fruit, aussi les fesses lui faisaient taf-taf, tant elle avait peur que son père lui tanne le cuir.

(Les Propos du Commandeur)

Taf, taffetas

La Rue, 1894 : Peur. Frisson.

Tafe

Larchey, 1865 : Peur. — De l’ancienne locution les fesses lui font tif taf : Il a peur (Oudin, seizième siècle). — V. Chenu, Bayafe.

Ce n’est pas toi ni tes paysans qui nous f… le tafe.

(Vidal, 1833)

Ce mot a pour diminutifs tafferie et taffetas. — Taffeur : Poltron.

Tafe, taffe, taftaf, taftas

Rigaud, 1881 : Peur ; fuite.

Le taf est cette impression étrange qu’éprouve le lièvre devant le chasseur, le soldat au premier coup de canon, et l’acteur au moment d’entrer en scène… Un soir qu’Harel le voyait (Frédérick Lemaître) vider une bouteille dans la coulisse : — Que diable faites-vous ? lui demanda-t-il ? — Je noie le taf, répondit Frédérick.

(Paris-Comédien)

Un exemple de ce mot a été relevé par M. Fr. Michel dans les bigarrures et touches du seigneur des Accords, 1008. — À la Cour des Miracles (XIIe siècle), on appelait thafurs, les vagabonds. Les vagabonds n’ont jamais précisément brillé par le courage. Pourquoi thafur n’aurait-il pas fait taf, peur, et taffeur, poltron ?

Tafeur

Ansiaume, 1821 : Poltron.

Il est bon à la carante, mais sur le trimard c’est un tafeur.

Taff (il a le)

Ansiaume, 1821 : Il a peur.

Lui, il craint les cognes, il a toujours le taff.

Taffé

M.D., 1844 : Avoir peur.

Taffe ou tracque

Vidocq, 1837 : s. — Crainte, peur, épouvante, frayeur.

Taffer

Delvau, 1866 : v. n. Avoir peur, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Avoir peur. — Taffeur, tafeuse, poltron, poltronne.

France, 1907 : Avoir peur. On dit aussi coquer le taf. Argot des voleurs.

Taffer ou tracquer

Vidocq, 1837 : v. a. — Craindre, épouvanter, effrayer.

Tafferie

Vidocq, 1837 : s. f. — Crainte, peur, épouvante, frayeur.

Taffetas

France, 1907 : Peur. Voir Taf.

Le taffetas les fera dévider et tortiller la planque où est le carme.

(Vidocq)

Taffetas (avoir le)

Vidocq, 1837 : v. a. — Craindre, avoir peur.

Taffeur

Delvau, 1866 : s. m. Poltron. Le Royal Taffeur. Régiment aux cadres élastiques, où l’on incorpore à leur insu tous les gens qui ont donné des preuves de couardise.

Virmaître, 1894 : Poltron.
— Il est tellement taffeur que l’on ne lui fourrerait pas une feuille de papier à cigarette entre les fesses (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Poltron.

Eh ! oui, mille tonnerres, c’est surtout quand il s’agit de grèves que les bons bougres doivent être marioles.
Quand des prolos se foutent en grève s’ils sont patraques, routiniers, gnan-gnan, méticuleux et taffeurs, y a pas d’illusion à se faire sur leur sort : ce qui leur pend au nez, — mieux qu’une aune de boudin, — c’est la défaite !
Pour décrocher la victoire, il faut avoir du sang dans les veines, — et non du pissat de richard : il faut être finauds, roublards, malicieux et audacieux.

(Le Père Peinard)

On appelle Royal-taffeur un régiment imaginaire dans lequel on incorpore tous les poltrons.

Taffeur ou tracqueur

Vidocq, 1837 : s. — Poltron.

Taffouilleux

Rigaud, 1881 : « Chiffonnier de la Seine, écumant ses bords, ramassant les épaves et volant au besoin. » (F. du Boisgobey) Ce sont les anciens ravageurs d’E. Sue. Mot à mot : qui fouillent dans les tas.

La Rue, 1894 : Chiffonnier des bords de la Seine.

Tafouilleux

Hayard, 1907 : Chiffonnier.

France, 1907 : Chiffonnier ; littéralement tas fouilleux, fouilleur de tas. On dit aussi fouille-merde.

Tagnard

France, 1907 : Choriste d’opéra-comique. Abréviation de montagnard où, dans la Dame blanche, ce mot est répété un grand nombre de fois par les choristes, dans le même acte :

Les montagnards sont réunis,
Les montagnards sont réunis.

Taie

d’Hautel, 1808 : Une taie d’oreiller. Linge qui sert d’enveloppe à un oreiller ; et non une tête d’oreiller, comme on le dit continuellement.

Tailbin

Vidocq, 1837 : s. m. — Billet de complaisance.

Larchey, 1865 : Billet de complaisance (Vidocq).

Tailbin d’altèque

France, 1907 : Billet de banque.

S’ils ne vous coquaient pas dix tailbins d’altèque de mille balles, vous mangeriez sur leur orgue.

(Vidocq)

Taillage

Rigaud, 1881 : Désertion momentanée de l’atelier, fugue d’un jour ou deux, — dans le jargon des apprentis. — Mot emprunté aux collégiens.

France, 1907 : Fugue, absence de l’atelier où de l’école.

Taillasson

France, 1907 : Ouvrier tailleur employé aux réparations, Voir Pique-prunes.

Taille

d’Hautel, 1808 : Prenez garde, cela vous gâtera la taille. Manière ironique de parler à quelqu’un qui fait le précieux, le délicat, et qui ne touche à tout que du bout des doigts.

Rigaud, 1881 : Terme de maisons de jeu.

Mais comme il (le croupier) ne peut tenir tout ce paquet de jeux à la main, il le taille ensuite avec de petits cartons en parties à peu près égales, prenant successivement, ensuite, dans le cours du jeu, les paquets partiels séparés par ces cartons.

(Les Joueuses, 1868)

Taille-crayons, taille-plumes

France, 1907 : Employé aux écritures, commis de bureau.

— S’il n’aurait pas mille fois mieux valu faire d’elles des ménagères et des mères de famille, plutôt que des taille-crayons et taille-plumes, des déclassées, des filles-mères récalcitrantes, des malheureuses, — tant de malheureuses !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Tailler

Rigaud, 1881 : Tenir la banque au baccarat.

Avoir une veine pareille et ne pas tailler !

(Vast-Ricouard, Le Tripot)

Bien tailler, gagner à la banque ; mal tailler, y perdre, mal connaître le jeu.

France, 1907 : Battre un jeu de cartes. Tailler un arc-en-ciel, c’est, dans l’argot des grecs, battre les cartes en les faisant sauter de façon à les voir.

Taille toujours en arc-en-ciel,
Pour le flambeur c’est un vrai miel.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Tailler à la mouillade

France, 1907 : Tailler sur le marbre ; argot des joueurs.

Ne taille pas à la mouillade,
On n’y affure pas civade.

(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)

Tailler des bavettes

Delvau, 1866 : v. a. Bavarder comme font les commères à la veillée, — dans l’argot du peuple, qui sait que les femmes déchirent plus de réputations à coups de langue qu’elles ne cousent de robes à coups d’aiguille.

Tailler des croupières

Delvau, 1866 : v. a. Donner de l’inquiétude à son ennemi, le harceler sans cesse.

Tailler l’école, le collège

Rigaud, 1881 : Faire l’école buissonnière ; aller galopiner, aller jouer aux billes au lieu d’aller en classe.

Tailler le collège, l’atelier

France, 1907 : S’absenter du collège ou de l’atelier ; faire l’école buissonnière.

Tailler les morceaux

France, 1907 : Prescrire à quelqu’un ce qu’il doit faire ; lui dicter sa conduite.

Tailler les morceaux à quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Limiter ce qu’il doit manger ou dépenser ; lui prescrire ce qu’il doit faire.

Tailler sur le marbre

France, 1907 : Dans les cercles bien tenus, l’administration exige que le banquier au baccara taille sur le marbre, c’est-à-dire que laissant le paquet de cartes posé sur une plaque de marbre, il distribue une à one les cartes aux pontes. Ainsi se trouve évitée l’une des tricheries les plus ordinaires des philosophes et autres variétés de grecs : le filage, qui consiste à substituer, pour parfaire le point nécessaire, une carte à une autre.

Tailler une basane

Rigaud, 1881 : Exécuter le geste familier aux voyous, geste qui consiste à s’administrer une claque sur la cuisse et à relever vivement jusqu’au bas ventre la main, paume ouverte, les quatre derniers doigts battant l’air. L’expression appartient aux soldats de cavalerie qui ne craignent pas d’exécuter ce geste sur la basane de leur culotte.

France, 1907 : Geste d’insulte consistant à se frapper sur la cuisse et à décrire avec le pouce pour pivot un demi-cercle qui ramène la main ouverte au-dessus des parties génitales.

Et tandis que du revers de sa main il se caressait le menton, de l’autre il se gifla la cuisse, taillant une basane gigantesque au nez du colonel absent.

(Georges Courteline)

Tailler une bavette

France, 1907 : Bavarder.

D’la tribune à la buvette
Les gauchers et les droitiers
Vont avaler des d’mi-setiers
Ou bien tailler une bavette.

(Victor Meusy)

Fournir des tailles de bavette, faire surgir des prétextes à bavardage.

Tailler une croupière

Rigaud, 1881 : Surpasser, distancer moralement ou physiquement, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

France, 1907 : Surpasser ; argot de cavalerie.

Tailler une plume

Virmaître, 1894 : Il est des employés qui se servent encore de plumes d’oie ; à la fin du mois, ils vont s’en faire tailler chez des spécialistes (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Les filles publiques n’ont pas besoin de canif pour tailler une plume d’oie.

Tailleur

France, 1907 : Chirurgien ; il taille dans les chairs. Argot populaire.

Tailleuse

Delvau, 1866 : s. f. Nom générique de la corporation des tailleurs.

Tailleuse de plume

France, 1907 : Fellatrice.

Tailleuse de plumes

Rigaud, 1881 : Fille qui boit de l’eau-de-vie à même la bouteille.

Tainuser

France, 1907 : Voir Tanuser.

Taire son bec

Delvau, 1866 : v. a. Se taire, — dans l’argot du peuple.

Tais-toi, mon cœur !

France, 1907 : Exclamation populaire exprimant une émotion ironique.

Tal

Rigaud, 1881 : Derrière. — Tapeuse du tal, fille publique qui en remontrerait à la femme de Loth. Taper dans le tal, faire rétrograder Eros.

La Rue, 1894 : Le postérieur.

Rossignol, 1901 : Voir troufignon.

Hayard, 1907 : Postérieur.

France, 1907 : Le derrière. L’étymologie de ce mot est inconnue. « Il se trouve, nous écrit Gustave Fustier, dans une des éditions de Lorédan Larchey (1880), qui s’appuie sur l’autorité de M. Macé, l’ancien chef de la Sûreté, et a été reproduit par Rigaud (1881), et par Delesalle (1896). Virmaître ne le donne pas (1894) non plus que dans son supplément. Pour moi, qui en vue de mon baccalauréat ès lettres argotiques, ai fréquenté et fréquente dans le peuple — et le bas — je ne l’ai jamais entendu prononcer. » Nous ajouterons à ce renseignement qu’a bien voulu nous donner le continuateur d’Alfred Delvau : « Ni nous non plus. » Mais nous nous rallions à la conclusion de Gustave Fustier : « Ne pensez-vous pas que ce soit un mot tout à la fois à apocopé et déformé ?… Le mot primitif pourrait bien être ballon, qui a pu fort bien par apocope devenir bal, puis ce mot recueilli par un lexicographe où une personne quelconque à l’oreille paresseuse, ou encore mal écrit ou mal imprimé est devenu tal au lieu de bal, cas fréquent en langue argotique. » Quoi qu’il en soit, les synonymes sont nombreux, ce qui prouve combien maître Luc est sujet aux plaisanteries populaires. Nous croyons bon de les rappeler :
Artiche, arrière-train, as de pique, ballon, banlieue du dos, baril de moutarde, Bernard, blair, boîte à gaz, borgne, cadet, cadran, canonnière, captif, contrebasse, croupion, culasse, cyclope, disque, doubleblanc, faubourg, fignard, figne, fla, flaque, foiron, garde-manger, giberne, lune, maître Luc, médaille, médaillon, moutardier, n’a qu’un œil, obusier, oignon, panier à crottes, papan, pétard, petit bourgeois, prépondérance à la culasse, ruelle aux vesses, salle de danse, soufflet, tirelire, triffois, trou de balle, troufignon, troussequin, tunnel. Voir Vénérable.

Tala

Fustier, 1889 : Élève de l’École normale ayant des principes religieux et pratiquant.

France, 1907 : Élève de l’École normale ayant des principes religieux et pratiquant.

(Gustave Fustier)

Talbin

M.D., 1844 : Billet de banque.

un détenu, 1846 : Portefeuille, billets de banque.

Halbert, 1849 : Huissier.

Delvau, 1866 : s. m. Billet de complaisance, — dans l’argot des voleurs. Talbin d’altèque. Billet de banque. Talbin d’encarade. Billet d’entrée dans un théâtre.

Delvau, 1866 : s. m. Huissier, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Huissier, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Huissier. Billet à ordre. Billet de banque. Portefeuille. Talbiner, assigner.

Virmaître, 1894 : Billet. Talbin d’altèque, billet de banque. Un billet de faveur pour un théâtre quelconque, se nomme un talbin d’encarade. Mot à mot : billet d’entrée. Los voleurs disent aussi de l’ordre du Parquet, de l’ordre de les écrouer à Mazas ou au Dépôt :
— Mince de biffeton d’encarade (Argot des voleurs). N.

Virmaître, 1894 : Huissier. Allusion ce à qu’il talbine un prévenu ou un témoin pour l’assigner en police correctionnelle. Talbiner, synonyme d’assigner (Argot des voleurs) N.

Rossignol, 1901 : Billet de banque.

Hayard, 1907 : Billet.

France, 1907 : Billet de banque. Voir Tailbin, Fafiot, Tas. Se dit aussi d’un billet de complaisance.

France, 1907 : Contremarque.

France, 1907 : Huissier ; argot des voleurs.

France, 1907 : Portefeuille ; argot des voleurs.

France, 1907 : Tabac ; argot des voleurs.

— Ce qu’on est mal nourri dans cette boîte !… Et puis l’on défend tout… pas moyen d’allumer une sèche… passe-moi donc le talbin, amour d’homme…

(Ed. Lepelletier)

Talbin de la sèche

France, 1907 : Lettre de faire part mortuaire ; argot des voleurs.

Talbin, tailbin

Rigaud, 1881 : Billet à ordre, — dans le même jargon. Talbin de la carre, billet de banque. — Talbin d’encarade, billet de théâtre ; mot à mot : billet d’entrée. — Talbin de la sèche, billet mortuaire.

Talbine

Halbert, 1849 / La Rue, 1894 / France, 1907 : Halle.

Talbiné

France, 1907 : Riche.

Talbiner

Halbert, 1849 : Assigner.

Delvau, 1866 : v. a. Assigner devant le tribunal.

France, 1907 : Assigner.

Talbinier

Halbert, 1849 : Hallier.

France, 1907 : Marchand aux halles.

Talentueux

France, 1907 : Individu qui a du talent ou désigné comme tel dans l’argot des journalistes.

Les gens de lettres se hiérarchisent et déjà les règles solennelles d’un tacite, mass formel protocole, classent les mérites et déterminent les avancements. Tout le monde sait que la mention : le jeune et talentueux écrivain est le galon de la littérature, quelque chose comme la situation ambiguë d’adjudant. L’auteur remarqué de — ici le nom d’un volume inconnu — correspond avec assez de précision au grade de lieutenant, comme distingué et très distingué à ceux de capitaine et de colonel, mais à éminent nous atteignons au généralat et illustre vaut bien maréchal.

(La Palférine, Écho de Paris)

Que nous importe que Virgile ait eu des familiarités avec son beau domestique, puisqu’il a laissé les Églogues et les Géorgiques ? — Pour le public égoïste et indifférent, un compositeur très vertueux, mais sans talent, ne vaudra jamais un musicien vicieux, mais talentueux.

(Edmond Lepelletier)

Talis

France, 1907 : Paiement.

Talmouse

France, 1907 : Coup.

Talmouser

France, 1907 : Donner des coups.

Taloche

d’Hautel, 1808 : Pour, mornifle, soufflet, coup appliqué avec la main sur la tête.

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet ou coup de poing, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Molière.

Talocher

d’Hautel, 1808 : Souffleter, donner une mornifle, un soufflet.

Delvau, 1866 : v. a. Donner des soufflets.

France, 1907 : Donner une taloche.

Talochon

Delvau, 1866 : s. m. Petite taloche.

France, 1907 : Petite taloche.

Talon

d’Hautel, 1808 : Se donner du talon dans le cul. Vivre librement ; prendre un ton au-dessus de sa condition ; faire le gros seigneur sans en avoir la fortune.
Il a l’esprit aux talons. Se dit d’un homme stupide qui manque totalement d’esprit et de jugement.
Montrez-moi les talons. Pour dire, retirez-vous ; allez vous-en.

Talon (gros)

France, 1907 : Cuirassier ; argot militaire.

Talon rouge

Larchey, 1865 : Aristocrate. Le droit de porter des talons rouges était un signe de noblesse.

Tous les talons rouges de l’ancien régime qui trahissent le peuple.

(1793, Hébert)

Delvau, 1866 : s. m. Aristocrate. Être talon rouge. Avoir la suprême impertinence.

France, 1907 : Élégant, distingué, aristocrate.
Dans l’ancienne cour, tous les hommes présentés (c’est-à-dire ceux qui montaient dans les carrosses du roi) avaient des souliers à talons rouges. De là est venue l’expression talon rouge, qui, par une assimilation facile à saisir, signifiait homme de cour, homme présenté, homme montant dans les carrosses du roi.

Un des phénomènes sociaux qui ne consternent le plus par les temps troublés que nous traversons, c’est la disparition de ces belles manières qui firent longtemps à la France une réputation méritée.
Hélas ! en fait de talons rouges, il ne reste plus que ceux des garçons d’abattoir.

(Alphonse Allais)

On dit aussi d’un libertin qu’il est talon rouge, allusion aux mœurs relâchées des anciens seigneurs.
D’après un article de Lucius dans la Liberté du 9 juillet 1866, le talon rouge descendrait des Romains. « Le sénat, dit-il, étant le conseil de la noblesse, les sénateurs portaient le costume distinctif de la noblesse romaine : la tunique à large bande de pourpre et par-dessus la toge, également à large bande rouge, l’anneau d’or au doigt, et au pied la bottine de pourpre, dont le rouge, de plus en plus rétréci, a fini, chez nous, par se réfugier au talon de notre noblesse, proportion à peu près équivalente à celle dans laquelle le français est resté latin. »

Talonner

d’Hautel, 1808 : Tourmenter, accabler presser, solliciter vivement quelqu’un, le poursuivre à toute outrance.

Delvau, 1866 : v. a. Presser, tourmenter ; poursuivre.

Talonnière

France, 1907 : Morceau de bois, petit banc ou bûche que, dans les ateliers de peinture, l’on place sous le pied du modèle.

S’il pose assis, il se trouve mal à l’aise sur son fauteuil et fait de son coussin le sujet d’une enquête de commodo et incommodo ; si son bras est soutenu en l’air par une corde qu’un anneau retient au plancher, il se plaint qu’elle lui meurtrit outrageusement le poignet ; si l’on a placé sous son pied une bûche appelée talonnière pour lui tenir la jambe en raccourci, il gémit du contact de l’écorce raboteuse avec son orteil. Ficelles !

(É. de La Bédollière, Le Modèle)

Talons courts (avoir les)

Delvau, 1866 : Se dit de toute femme ou fille qui ne sait pas défendre assez vigoureusement son honneur, et qui succombe trop aisément.

Rigaud, 1881 : Se dit d’une femme que le moindre souffle de l’amour renverse dans la position horizontale.

Virmaître, 1894 : Fille ou femme qui succombe sans résistance. L’image n’est pas exacte ; ce fait ne se produit généralement que lorsqu’une femme porte des talons hauts ; elle perd alors l’équilibre facilement (Argot du peuple).

France, 1907 : Ne pas savoir résister aux tentations ni aux attaques amoureuses. Cette expression métaphorique ne s’explique guère, car plus le talon est court, plus le pied a d’aplomb, et moins l’on est exposé à faire une chute.

Tam-tam

Rigaud, 1881 : Vacarme ; dispute. Faire du tam-tam.

Tambouille

Delvau, 1866 : s. f. Ragoût, fricot, — dans l’argot des faubouriens. Faire sa tambouille. Faire sa cuisine.

Rigaud, 1881 : Ragoût de ménage ; cuisine sans prétention.

Fustier, 1889 : Delvau donne à ce mot le sens de ragoût, de fricot, ce qui est exact ; tambouille s’emploie aussi chez les soldats d’Afrique qui appellent ainsi leur gamelle.

La Rue, 1894 : Ragoût, fricot. La gamelle.

Virmaître, 1894 : Ragoût, fricot. Faire la tambouille, faire sa cuisine. A. D. Tambouille : battre.
— Je vais te foutre une tambouille que le tonnerre de Dieu en prendra les armes (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Soupe, ragoût, portion.

France, 1907 : Cuisine, ragoût. Faire la tambouille, cuisiner.

De mon temps, quand j’étais mousse (je ne sais si ça se fait encore), si en faisant la tambouille, le pauvre loupiot avait laissé brûler les fayots, ne les avait pas fait cuire assez, ou les avait trop salés, c’était la mode de lui faire bouffer la ration de tout le monde. On gavait le petit malheureux jusqu’à ce que ça lui sorte de la bouche, ou qu’il soit aux trois quarts étouffé.

(Berdindin, gabier de poulaine. — La Sociale)

Tambour

Vidocq, 1837 : s. m. — Chien.

Larchey, 1865 : Chien (Vidocq). — Allusion à son grondement.

Delvau, 1866 : s. m. Chien, — dans l’argot des voleurs. Roulement de tambour. Aboiement.

Rigaud, 1881 : Brigadier-fourrier, dans l’argot des dragons.

Rigaud, 1881 : Chien. — Battre du tambour, aboyer.

Merlin, 1888 : Brigadier fourrier.

La Rue, 1894 : Chien.

Virmaître, 1894 : Chien. Quand un étranger pénètre dans une maison, les aboiements réitérés du chien imitent le roulement du tambour. L’expression alarmiste, citée plus haut, est plus juste (Argot des voleurs).

France, 1907 : Brigadier-fourrier, Ainsi surnommé à cause des baguettes qu’il porte sur ses bras. Le maréchal des logis-fourrier possède les mêmes insignes, mais ce serait commettre une grave infraction au décorum que de l’appeler aussi tambour.

— Le tambour, vois-tu, est un mortel heureux. Et pourtant interroge-le, il te soutiendra effrontément le contraire ; il te fera des tableaux épouvantables de l’emploi de son temps, te dira qu’il n’a pas une minute à lui ; il se comparera aux serfs de la glèbe ou aux esclaves de l’antiquité, et, si peu que tu sois sensible, à l’entendre, tu ne pourras l’empêcher de gémir sur son triste sort. Cependant, la plus grande partie de ses journées se passe en courses et en promenades à cheval et le plus dur de sa besogne consiste à lancer, pendant les susdites courses et promenades, des œillades assassines à droite, à gauche, en nombre illimité, en frisant sa moustache (quand il en a) et en se rebiffant sur sa selle, fier comme Artaban. La nuit venue, il travaille, oui certes… à recueillir les bénéfices des œillades, le jour, décochées.

(Les guerriers d’à présent)

France, 1907 : Chien, à cause du bruit qu’il fait en aboyant. « Nous n’avons pas été jetés sur la terre pour vivre comme des tambours », dit Vidocq.
Roulement de tambour, aboiement.

Le tambour s’est mis à jaspiner comme je caletais, je suis tombé en frime avec la rousse, j’ai été paumé marron et pigé. Les cognes m’ont conduit chez le quart d’œil qui m’a envoyé à la Cigogne dans le panier à salade.

(Delesalle, Autobiographie d’un malfaiteur)

Traiter quelqu’un comme un tambour, le traiter brutalement, sans ménagement, comme on traite un chien. Foutre au clou comme un tambour, punir sans pitié ; expression de caserne.
Tambour est, en Béarn, le nom ordinaire donné aux chiens courants.

Tambour (crever son)

France, 1907 : Se ruiner, mourir.

Les bons conseils de la sagesse
Près de nous ont peu de succès ;
Même en dehors de la jeunesse,
Combien d’hommes par leurs excès,
Hélas ! avancent leur décès !
Quoique vieux, on veut rester crâne…
Je crois, Messieurs, sans calembour,
Qu’il faut ménager sa peau d’âne,
Pour ne pas crever son tambour.

(L. Jullien)

Tambour (f… au clou comme un)

Merlin, 1888 : Punir quelqu’un, le coller au bloc sans aucun égard, sans aucune indulgence. — V. Clique.

Tambour battant (mener)

France, 1907 : Mener rudement ; traiter à coups de baguettes comme la caisse sur laquelle le tambour bat.

Quand un mari fait bon ménage,
Que de sa femme il est l’amant,
Frauder ses droits est un outrage
Que l’on excuse rarement,
S’il va courir la pretantaine,
Ne peut-on pas en faire autant ?
Et r’li, et r’lan,
Relan tamplan, on vous le mène.
Relan tamplan, tambour battant.

(Favart)

Tambour de nature

France, 1907 : Cette expression maintenant hors d’usage s’appliquait aux parties sexuelles de la femme.

Tambour des escargots

France, 1907 : Le tonnerre. On dit en Provence tambourin des crapauds. Les escargots, comme les crapauds, sortent au moment de l’orage. Voir Tabard.

Tambouriner

Delvau, 1864 : Jouir d’une femme, en frappant son ventre à coups de cette baguette qu’on appelle le membre viril.

Ma foi, s’il te perd sous ma jupe,
Nous le feront tambouriner.

(Chanson anonyme moderne)

France, 1907 : Battre.

Il ne se passait guère de semaine qu’il ne tambourinât les côtes de sa femme.

(Confessions de l’abbé Ledru)

Tambourineur

d’Hautel, 1808 : Je ne serai pas le valet du tambourineur. C’est-à-dire, je ne ferai pas cela sans y gagner quelque chose.

Tamis (faire le)

France, 1907 : Dire la bonne aventure an moyen d’un tamis dans lequel on verse quelques gouttes d’eau. Suivant la façon dont les gouttes traversent le tamis, on tire l’horoscope.

Tampon

un détenu, 1846 : Poing.

Larchey, 1865 : Poing.

Je lui ai envoyé un coup de tampon sur le mufle.

(Th. Gautier, 1845)

Delvau, 1866 : s. m. Poing, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Poing. Tamponner, rudoyer, frapper.

France, 1907 : Poing. Se flanquer des coups de tampon, se battre.

Tampon (colin-)

France, 1907 : Dupe, gogo.

Les annales de la bêtise humaine s’écrivent toutes seules. Les jours de vote, ceux qui mettent dans l’urne sont les Colin-Tampon ; ceux qui y sont mis sont les Colin-Maillard. Et puis après ? Après, ça recommence ; mais rien ne cesse de graviter autour du soleil.

(Émile Bergerat)

France, 1907 : Nous ajoutons comme document à l’article Colin-Tampon les lignes suivantes extraites de l’Écho du public :

D’après le Courrier de Vaugelas, Colin-Tampon serait une onomatopée de la batterie des tambours des Suisses. Ce mot et les règles de cette batterie se trouvent dans l’Orchésographie de Jean Tabouret, ouvrage sur la dance publié en 1589. On disait à cette époque : battre le colin-tampon, comme on dit aujourd’hui : battre le rataplan. De la batterie de tambour, ce mot passa bientôt avec un sens ironique aux soldats suisses qui jouaient de cet instrument, puis à tous les soldats suisses indistinctement, et cela surtout après la bataille de Marignan, où ils furent battus.
Ayant perdu là leur réputation de soldats invincibles et n’inspirant plus aucune crainte, chacun disait en parlant d’une chose qui lui était indifférente : Je m’en soucie comme de colin-tampon, ce que l’on a peu à peu modifié en : Je m’en moque comme de colin-tampon.
Ce mot étant une onomatopée et non un nom propre, devrait s’écrire en un seul mot et sans majuscule.

(Bellanger)

Tampon (coup de)

Rigaud, 1881 : Coup de poing.

Tamponne

France, 1907 : Nourriture, plat quelconque. On s’en tamponne l’estomac. Vieux français. Faire la tamponne, se régaler.

Le 13e a eu ses illustrations culinaires. On y parle encore d’un Provençal qui n’avait pas son pareil pour le rata au lard et aux pommes de terre ; et il est avéré que certain soir, ayant un grand dîner, le capitaine de l’escadron envoya chercher plein une soupière de cette délicieuse tamponne, pour en faire goûter à ses convives, lesquels s’en léchèrent les doigts.

(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)

En Béarn, tamponne signifie débauche de table ; ha la tamponne, boire et manger avec excès ; tamponnaire, personne qui fait des excès de table.

Tamponner

Rigaud, 1881 : Donner un coup de poing.

Fustier, 1889 : Rudoyer.

Ah ! tu me tamponnes, s’écrie-t-il, je te reconnaîtrai à la prochaine.

(Figaro, 1880)

Virmaître, 1894 : Donner ou recevoir un coup de tampon — un coup de poing. Allusion au choc de deux trains qui se tamponnent (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Battue.

France, 1907 : Battre à coups de poing ; argot populaire.

Tamponner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre à coups de poing. On dit aussi Se foutre des coups de tampon.

Rossignol, 1901 : Se battre.

Tamponner le coquard, le coquillard (s’en)

France, 1907 : S’en moquer, littéralement s’en battre l’œil.

Il est intéressant aussi, en ces parisianismes, d’étudier les progrès et les transformations de la même expression durant un certain nombre d’années. Prenons, par exemple, le dicton Je m’en moque ! Un chansonnier de la Restauration, Émile Debraux, l’agrémenta dans son Fanfan la Tulipe et dit : Je m’en bats l’œil, tour de phrase qui eut un grand succès. Sous Louis-Philippe, un vaudevilliste modifia la formule en un : Je m’en fustige le cristallin qui fut très applaudi. Il y a une quinzaine d’années, fut lancée la version : Je m’en tamponne de coquillard ! On ne peut évidemment prévoir quand prendra fin cette fantaisie ; la série est inépuisable.

(Pontarmé, Le Petit Journal)

Tamponner le coquillard (se)

Fustier, 1889 : Se moquer de.

Tamtam

France, 1907 : Bruit, publicité. Faire du tamtam, faire du bruit ; métaphoriquement : Faire du tamtam autour d’un livre, d’une pièce.

Tam-tam et fla-fla font une allusion retentissante aux coups de grosse caisse et aux coups de fouet dont ne sauraient se passer ceux qui abusent de la réclame et qui aiment à faire grand bruit, ceux qu’on appelle les faiseurs d’esbrouffe.

(Lorédan Larchey)

Tanagras

France, 1907 : Cocotte, poule, de Tanagra, ancienne ville de Béotie où l’on élevait quantité de poules pour choisir dans leurs couvées les meilleurs coqs destinés aux combats.

Ô maître François qui, dans Montfaucon,
Lieu qu’une forêt de potences boise,
Faillis d’une soie au vilain cocon
Apprendre « à ton col ce que ton cul poise »,
Aïeul des musards qui, sans oraison,
Comme un chien les os, quêtent leurs poèmes
Au hasard des tas, prince des bohèmes,
Cette « honneste dame » avait bien raison !
Que faisait-il là, le Villon moderne,
Entre ces gandins et leurs tanagras,
Perdu comme un poil dans un bouillon gras ?
Ils l’ont pris pour un anarcho baderne !

Tanclette

France, 1907 : Petit morceau de bois avec lequel on assujettit un objet cassé.

Tandem

France, 1907 : Bicyclette pour deux personnes placées l’une derrière l’autre. Bi-tandem, tandem à deux sièges, nom emprunté au cabriolet découvert avec deux chevaux en flèche.

Une dame se présente dans un magasin pour y acheter un de ces objets de toilette intime qui ont quatre pieds, comme l’animal dont ils portent le nom.
— Alors, fait la dame, étonnée qu’on lui montre un modèle unique, vous n’avez que cet article-là ?…
Et l’employé, avec son plus gracieux sourire :
— Hélas ! oui, Madame ; nous ne fabriquons pas le tandem !

(Le Journal)

La femme dont la jambe est
Bien faite, bien ronde,
Par coquetterie irait
Jusqu’au bout du monde.
Et la femme laide, idem,
Car, c’est une rage,
Seule ou bien sur un tandem,
Elle a le courage
D’exhiber de fins mollets
Qu’on prend pour des manches
De pelles ou de balais,
Et ses maigres hanches.

(Victor Leca, L’Écho de la Pédale)

Atteler en tandem, atteler deux chevaux l’un devant l’autre.

Tangente

Delvau, 1866 : s. f. Épée, — dans l’argot des Polytechniciens. Ils l’appellent aussi : La tangente au point Q.

Rigaud, 1881 : Épée, — dans l’argot des polytechniciens.

France, 1907 : Épée. Argot des polytechniciens, qui disent aussi : Tangente au point Q. L’épée n’était portée dans le principe que par les sergents ; elle ne fut donnée à tous les élèves qu’après la révolution de 1830.

L’épée, dit le code X, se porte tangente à la bande, touche à terre et fait voler la poussière. De là son nom de tangente ; elle n’a, en effet, qu’un point de contact avec le corps, le point Q.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Prendre la tangente, se détourner, s’échapper. S’échapper par la tangente, trouver un faux-fuyant.

France, 1907 : Surveillant de collège, allusion à sa marche oblique pour surprendre les délinquants.

Tangente (une)

Merlin, 1888 : Épée du génie.

Tangente, tangente au point q

Larchey, 1865 : Épée. — Jeu de mots.

Le conscrit de l’École polytechnique est souvent absorbé avant d’avoir endossé l’uniforme et senti battre sur sa cuisse gauche l’arme que les élèves nomment une tangente au point q.

(La Bédollière)

Tanière

d’Hautel, 1808 : Pour demeure, logis, retraite.

Tannant

Virmaître, 1894 : Assommant, ennuyeux. À Corbeil, on devait un dimanche jouer les Mousquetaires ; la troupe y donnait des représentations depuis environ un mois. L’actrice chargée des grands premiers rôles, était mauvaise à faire ronfler un bec de gaz. Au moment du lever du rideau, le régisseur dut faire une annonce. L’actrice avait dû partir précipitamment pour enterrer son père. Il annonça son départ ainsi : Madame X…, ne pourra jouer ce soir, elle est à Nantes, pour les obsèques de son père. Un loustic du parterre s’écria :
— Il y a longtemps qu’elle est tannante.
Ouf ! (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Assommant, ennuyant.

France, 1907 : Assommant, ennuyeux.

Cette maman qui était toujours sur le dos de sa fille, à épier ses pas et ses gestes, commençait à devenir furieusement tannante. Pas moyen de bécoter la petite sans qu’elle ne vous tombât sur le poil.

(Les Joyeusetés du régiment)

Tannant, e

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, assommant, — dans l’argot des faubouriens.

Tanner

d’Hautel, 1808 : Vexer, fatiguer, ennuyer, molester quelqu’un.
On dit d’un importun, d’un homme ennuyeux, insupportable, qu’il est tannant.

Larchey, 1865 : Ennuyer, assommer. — On sait combien il faut fatiguer une peau pour la tanner. — Un poète du treizième siècle, Rutebeuf, dit déjà : « Quar le resveil Me tanne assez quand je m’esveil. »

Les communes de Flandre, qui déjà commençaient à tanner, et désiraient fort de retourner en leur pays, lui demandèrent congé.

(1411, Monstrelet)

C’est insupportable. — Hein ! est-ce tannant.

(E. Sue)

Delvau, 1866 : v. n. Ennuyer.

Rigaud, 1881 : Ennuyer par des redites. — Tanner le cuir, battre.

France, 1907 : Importuner, agacer.

Tanner le casaquin, le cuir

France, 1907 : Battre.

On lui avait infligé huit jours de mazarot pour s’être fait tanner le cuir par un gars qu’il ne voulait pas nommer.

(Dubois de Gennes)

Devant les portiers tenons ferme,
Dussions-nous leur tanner le cuir !
Un Français qui doit plus d’un terme,
Nuitamment, doit savoir s’enfuir !

(Jules Jouy)

Se tanner les pognes, applaudir.

Tanner le cuir

Larchey, 1865 : Rosser.

Si vous vous permettez, je connais une personne qui vous tannera le cuir.

(Gavarni)

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un à coups redoublés. Au XVIIe siècle on disait : Faire péter le maroquin.

Virmaître, 1894 : Battre quelqu’un. Allusion au tanneur qui bat la peau pour la rendre souple (Argot du peuple).

Tant

d’Hautel, 1808 : Tant tenu, tant payé. Pour dire qu’un homme paie aussitôt qu’on lui livre la marchandise.
Tant plus que moins. Pour dire environ, à-peu-près.
Tant s’en faut qu’au contraire. Redondance, pour dire tout simplement au contraire.

Tant de bon !

France, 1907 : Plaise à Dieu ; idiome béarnais ; littéralement, tout de bon.

Tant de titres, guère de lettres

France, 1907 : Vieux dicton, attribué à Louis XI, faisant allusion à l’ignorance des grands seigneurs qui se piquaient de ne rien savoir hors la guerre et la chasse. Ce dicton s’est conservé dans les régiments sous une autre forme : « Je ne connais que ça et le port d’arme », disaient encore sous le second empire les vieux troupiers.

Tant que terre

Delvau, 1866 : adv. En abondance, beaucoup.

Tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse

France, 1907 : À force d’user et d’abuser de quelqu’un ou de quelque chose, on finit par ne plus rien avoir. C’est un dicton du XIIIe siècle rajeuni : Tant va le pot au puis que il casse. On disait au XVIe siècle :

Tant va la cruche à la fontainette
Qu’elle y laisse le manche ou l’oreillette.

Tant vaut l’homme, tant vaut la terre

France, 1907 : La valeur d’une propriété est en raison directe de l’intelligence et de l’activité de celui qui la possède ; le sort d’un État dépend de la valeur intellectuelle et morale de ceux qui le gouvernent. Les Romains disaient : Materia proba est, si probum adhibeas artificem ; la matière est bonne si tu la remets à un bon ouvrier.

Tante

Ansiaume, 1821 : Femme concierge de prison.

Ma tante est encore girofle, ma foi, si elle m’ouvroit la lourde.

Vidocq, 1837 : s. m. — Homme qui a les goûts des femmes, la femme des prisons d’hommes. Je dois l’avouer, ce n’est pas sans éprouver un vif sentiment de crainte que je me suis déterminé à donner place dans cet ouvrage, à ce mot que l’ordre alphabétique amène sous ma plume ; mais cet ouvrage n’est destiné ni aux filles, ni aux femmes ; on le trouvera peut-être entre les mains de celles qui assistent, parées comme pour le bal, aux audiences de la cour d’assises lorsque l’acte d’accusation promet des détails sanglans ou critiques, ou qui sont allées par une froide matinée d’hiver, enveloppées de fourrures et nonchalamment étendues sur les coussins moelleux de leur landeau, acheter bien cher une place de laquelle elles pussent voir commodément tomber les têtes de Lacenaire et d’Avril ; mais à celles-là je n’apprendrais rien qu’elles ne sachent déjà, elles savent ce que c’était que la Tante Chardon, c’est tout au plus si la pile galvanique pourrait agacer leurs nerfs, et peut-être que si l’on cherchait sous leur oreiller on y trouverait les ouvrages du marquis de Sade.
Cependant ce n’est point pour -elles que j’écris ; aussi je d’aurais pas publié ces quelques lignes si je n’avais pas cru qu’il en dût résulter quelque bien.
Il ne faut pas croire que la pédérastie soit toujours le résultat d’une organisation vicieuse ; les phrénologistes qui ont trouvé sur notre crâne la bosse propre à chaque amour, n’y ont point trouvé celle de l’amour socratique ; la pédérastie n’est autre chose que le vice de toutes les corporations d’hommes qui vivent en dehors de la société ; les quelques hommes vivant dans le monde que l’on pourrait me citer, sont des êtres anormals qui ne doivent pas plus prouver contre ce que j’avance, que les boiteux, les bossus, les culs de jatte, ne prouvent que la nature de l’homme est d’être boiteux, bossu, ou cul de jatte ; ainsi donc quelques soldats, un peu plus de matelots, et beaucoup de prisonniers, seront atteints de ce vice, et cela, du reste, est facile à concevoir : tous les besoins de la nature sont impérieux, il faut que l’on trompe ceux qu’on ne peut satisfaire.
Il serait souvent plus juste de plaindre que de blâmer celui que l’on voit mal faire, car il est fort rare que l’homme succombe sans avoir combattu ; c’est presque toujours la nécessité qui conduit la main de celui qui commet un premier crime, et peut-être que si à côté des lois répressives de notre Code, le législateur avait placé quelques lois préventives, tel individu qui languit dans un bagne ou dans une maison centrale, posséderait la somme de bien-être à laquelle tous les hommes ont le droit de prétendre, et qui doit être le prix de toutes facultés utilement employées.
Je-ne me suis pas éloigné de mon sujet, ce que je viens de dire doit me servir à constater un fait qui malheureusement n’est que trop prouvé, et qui déjà a été signalé par des hommes vraiment recommandables : c’est que la pédérastie est la lèpre des prisons ; ce vice ignoble, que l’imagination ne peut que difficilement concevoir, est le plus saillant de tous ceux qui infestent des lieux placés aous la surveillance immédiate de l’autorité ; cependant les hommes dont la mission est d’améliorer le régime pénitenciaire, ne daignent pas seulement chercher les moyens de l’extirper.
Il y a plus même, dans les bagnes et dans les prisons, on voit souvent sans peine les voleurs audacieux s’attacher à de jeunes pédérastes, car alors ils ne cherchent plus à s’évader ; les directeurs et surveillans de maison centrale ont même quelquefois souffert que des mariages* fussent célébrés avec une certaine pompe ; cet abus n’existe plus, il est vrai, on se cache aujourd’hui pour faire ce qu’autrefois on faisait ouvertement, mais le mal existe toujours.

* Les prisonniers qui contractaient de semblables mariages ne faisaient, au reste, que ce que fit Henri III qui passa avec Maugiron, celui de ses mignons qu’il aimait le plus, un contrat de mariage que tous ses favoris signèrent, et qui donna naissance à un pamphlet intitulé : La Pétarade Maugiron. J’ai extrait de cet ouvrage le quatrain suivant, destiné à servir d’épitaphe à un des seigneurs de la cour de ce monarque, ainsi qu’à sa famille :
Ci gist Tircis, son fils, sa femme,
Juge passant qui fis le pis,
Tircis prit son fils pour sa femme,
Sa femme eut pour mari son fils.

Comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas sans avoir combattu que l’homme succombe ; mais, comme les mauvaises habitudes ont plus de force que les bonnes, il ne s’est pas plus tôt laissé séduire par l’exemple, qu’il aime ce que d’abord à ne pouvait concevoir, et bientôt son esprit affaibli, du reste, par une nourriture malsaine et insuffisante, et par une tension continuelle, ne lui permet plus de discerner les objets ; alors il croit avoir trouvé ce qu’il désire ; il flatte, il adule, il courtise les malheureux qu’il convoite, et qui, eux aussi, croient souvent être ce que l’autre cherche.
Oh ! il est de ces spectacles qu’il faut avoir vu, pour savoir jusqu’où peut descendre l’homme ; il faut être doué d’une organisation bien vigoureuse, et ne jamais s’être arrêté aux surfaces pour ne pas dire ruca à ses frères, lorsque l’on s’est couché sur le banc d’un bagne ou dans la galiote d’une maison centrale ; car n’est-ce pas un spectacle à dégoûter l’humanité toute entière, que de voir des hommes renoncer aux attributs, aux privilèges de leur sexe, pour prendre le ton et les manières de ces malheureuses créatures qui se vendent au premier venu, de les voir lècher la main de celui qui les frappe, et sourire à celui qui leur dit des injures ? et cela cependant se passe tous les jours, et dans toutes les prisons, sous les yeux de l’autorité qui, disent ses agens, ne peut rien y faire. Vous ne pouvez rien y faire ? dites-vous. Pourquoi donc le peuple paie-t-il grassement des philantropes et des inspecteurs-généraux ? Vous ne pouvez rien, mais il faut pouvoir ; le prisonnier est toujours un membre de la famille : la société qui vous a chargé de le punir, vous a en même temps donné la mission de le rendre meilleur, car s’il n’en était pas ainsi, le recueil de vos lois ne serait qu’un recueil d’absurdités ; la peine qui ne répare rien est une peine inutile. Rendez meilleurs les hommes vicieux, voilà la réparation que la société vous demande.
Les pédérastes, à la ville, ont un signe pour se reconnaître ; il consiste à prendre le revers de l’habit ou de la redingotte avec la main droite, le hausser à la hauteur du menton, et à faire une révérence imperceptible.

Delvau, 1864 : Homme qui sert de femme aux pédérastes actifs.

Enfants, on les appelle mômes ou gosselins ; adolescents, ce sont des cousines ; plus âgés, ce sont des tantes.

(Christophe)

Larchey, 1865 : « Homme qui a des goûts de femmes, la femme des prisons d’hommes. »

(1837, Vidocq)

Pour donner une vague idée du personnage qu’on appelle une tante, il suffira de rapporter ce mot magnifique du directeur d’une maison centrale a feu lord Durham qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût : Je ne mène pas là Votre Seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes. — Hao ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — C’est le troisième sexe, milord.

(Balzac)

Enfants, on les appelle mômes ou gosselins ; adolescents, ce sont des cousines ; plus âgés, ce sont des tantes.

(Moreau Christophe)

Dans le chapitre détaillé qu’il a consacré à cette espèce de gens, M. Canler reconnaît quatre catégories appartenant à diverses classes sociales : persilleuses, honteuses, travailleuses et rivettes. Cette dernière est seule exploitée par les chanteurs.

Larchey, 1865 : « Tous mes bijoux sont chez ma tante, comme disent mes camarades lorsqu’elles parlent du Mont de Piété. » — Achard. — C’est, comme oncle, un terme ironique à l’adresse de ceux qui croient déguiser la source d’un emprunt en disant qu’ils ont eu recours à leur famille.

Delvau, 1866 : s. f. Individu du troisième sexe, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Tapette.

Rigaud, 1881 : Être hybride que Balzac a nommé le troisième sexe, et Vidocq la femme des prisons d’hommes. — Toutes les tantes ne sont pas des assassins, mais tous les assassins sont des tantes.

Homme ou femme ? On ne sait. Ça rôde, chaque soir,
En tous lieux où le gaz épargne un peu de noir,
Et ça répond au nom de : La Belle Guguste.

(J. Dementhe)

La Rue, 1894 : Individu ignoble. Le troisième sexe. Signifie aussi dénonciateur.

Virmaître, 1894 : Le Mont-de-Piété
— Je porte ma toquante chez ma tante, mon oncle en aura soin (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Pédéraste, homme à double face qui retourne volontiers la tête du côté du mur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

Hayard, 1907 : Pédéraste.

France, 1907 : Faux frère ; dénonciateur ; lâche.

Et quand faut suriner un pante
Ej’ reste là… les bras ballants…
I’s ont beau m’dir’ : Va donc… eh ! Tante !
Ej’ marche pas… j’ai les foies blancs.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Individu appartenant au troisième sexe dont était exclusivement composée la légion thébaine. On dit aussi tapette.

Il suffira, dit Balzac, de rapporter ce mot du directeur d’une maison centrale à feu lord Durham, qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût : « Je ne mène pas là votre Seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes. — Aaoh ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — Le troisième sexe, milord. »

 

Alfred Tennyson, le barde national, étant mort, et sa succession ouverte, Oscar Wilde passait pour l’un de ceux qui devaient y prétendre et pouvaient y appéter. Pour qu’il soit devenu le chantre subventionné de la Grande-Bretagne et des Indes, il ne s’en est fallu peut-être que du lapin trop fort posé à un grand-oncle, je veux dire au père d’une jeune tante. Londres ne demandait au divin que de ne pas étaler sa « divinité », et, pour le reste, elle lui faisait crédit, sur la foi des aèdes antiques, ses maîtres et ses modèles.

(Émile Bergerat)

Tanté

un détenu, 1846 : Sodomiste pour son compte.

Tante (ma)

anon., 1827 : Mont-de-piété.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mont-de-Piété.

Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Mont-de-piété.

Delvau, 1866 : Mont-de-Piété, — dans l’argot des petites dames et des bohèmes qui croient avoir inventé la une expression bien ingénieuse, et qui se sont contentés de contrefaire une expression belge : car au XIIe siècle, dans le pays wallon, on appelait un usurier mon oncle. On dit aussi Casino.

Rigaud, 1881 : Nom donné, plus particulièrement, par les étudiants et les commis, au Mont-de-Piété. Comme l’argent qu’ils retirent d’un gage est presque toujours destiné à une partie de plaisir, c’est ma tante, la femme à mon oncle, qui est censée l’avoir fourni. Les ouvriers qui ne s’adressent à cet établissement que pour pouvoir subvenir aux besoins les plus impérieux, lui ont donné le sombre nom de « clou ».

La Rue, 1894 : Le Mont-de-Piété.

France, 1907 : Le Mont-de-Piété.

— Oui, tout cavale, et moi avec ; les meubles retournent au tapissier qui les reprend pour le dixième de leur valeur ; les robes, sauf une ou deux indispensables, s’en vont chez la marchande à la toilette ; les bijoux en vrai sont placés en famille, chez ma tante, et la reconnaissance est bientôt vendue.

(Jules Davray, L’Amour à Paris)

En somm’, pour un seul créancier
Qui possédait un bon huissier,
Tous deux n’étant guère endurants,
J’dépensai deux cents francs.
Après l’protet, l’assignation,
Pour un dett’ de cinq francs cinquante,
M’fir’nt engager tout Chez Ma Tante,
Après la signification.

(É. Blédort, Chansons du faubourg)

En Angleterre on dit mon oncle (my uncle).

Tante (une)

Halbert, 1849 : Homme à vile passion.

Tantet

d’Hautel, 1808 : Tantinet, diminutif, très-peu, un tant-soit-peu, si peu que rien.

Tantinet

Delvau, 1866 : adv. Un peu, — dans l’argot du peuple qui emploie ce mot depuis quelques siècles. On dit aussi Tantet.

Tantôt

d’Hautel, 1808 : À tantôt. Pour, à revoir.

Tap

Ansiaume, 1821 : Carcan.

Tandis que j’étois au tap, j’ai vu ta larque qui lansquinoit.

Virmaître, 1894 : Se disait autrefois des condamnés à être exposés publiquement et marqués au fer rouge. Travaux forcés à temps, T. F. T. Travaux forcés à perpétuité T. F. P. Faire le tapin c’était être exposé (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Pilori ; échafaud où l’on exposait autrefois les forçats sur les places publiques avant de les expédier au bagne.

Je monte à la Cigogne,
On me gerbe à la grotte
Au tap et pour douze ans.

La tape était la marque infligée sur l’épaule avec un fer rouge. On l’appelait aussi taroque. Faire la parade au tap, c’était être exposé au pilori. Cette coutume barbare cessa en 1830.

Tap blanc

Vidocq, 1837 : s. f. — Dent.

France, 1907 : Dent.

Tap ou tapin

Delvau, 1866 : s. m. Poteau du pilori, — dans l’argot des voleurs. Faire le tapin. Être exposé. On dit aussi Faire le singe.

Tap ou tapin (faire le)

Vidocq, 1837 : v. a. — Être attaché au poteau.

Tapable

France, 1907 : Naïf qui se laisse facilement prendre par des promesses, se laisse taper.

Tapage

Delvau, 1866 : s. m. Amour, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Emprunt. — Fort tapage, emprunt d’une forte somme.

Rigaud, 1881 : Séduction exercée sur une femme. Est d’un degré plus relevé que le levage, en ce sens que la femme tapée songe moins à ses intérêts qu’au plaisir qu’elle aura.

La Rue, 1894 : Amour, séduction. Emprunt.

France, 1907 : « Séduction exercée sur une femme, d’un degré plus relevé que le « levage », en ce sens que la femme tapée songe moins à ses intérêts qu’au plaisir qu’elle aura. »

(Riaut)

France, 1907 : Emprunt d’argent.

Tapageur

d’Hautel, 1808 : Crâne, fanfaron ; bretteur qui plaît à exciter le bruit, le trouble et le tumulte.
Mettre son chapeau en tapageur. Le poser sens devant derrière.

Tapageur, euse

Delvau, 1866 : adj. Éclatant, voyant, criard, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes. Couleurs tapageuses. Couleurs trop vives qui tirent l’œil et l’agacent. Toilette tapageuse. Toilette d’un luxe de mauvais goût, dressée pour faire retourner les hommes et « crever de jalousie » les femmes.

Tapagimini

d’Hautel, 1808 : Bruit joyeux ; grosse gaieté.
Faire tapagimini. Faire orgie ; se divertir d’une manière bruyante.

Tapamort

Delvau, 1866 : s. m. Tambour, — dans l’argot des voyous.

Tapance

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse ou femme légitime, — dans l’argot des typographes. La tapance du meg. La femme du patron.

Virmaître, 1894 : Maîtresse ou femme légitime. Les typographes nomment ainsi la femme parce qu’elle tape souvent à la poche ou… autrement. La tapance du mec, c’est la femme du patron.
— Elle est rien râleuse la tapance du mec, elle boufferait des cadratins à la sauce blanche (Argot d’imprimerie). N.

France, 1907 : Femme, maîtresse. Elle tape son conjoint. Tapance du meq, femme du patron.

Tape

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Marque sur l’épaule. Avoir la tape, être marqué.

Vidocq, 1837 : s. f. — Fleur de lys qui était autrefois appliquée sur l’épaule des voleurs.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

M.D., 1844 : Exposition.

Delvau, 1866 : s. f. Coup de la main, à plat ou fermée. Argot du peuple.

Rossignol, 1901 : Le contraire de tabac. Une pièce qui n’a pas de succès est une tape. Au concert, une chanson qui ne porte pas est une tape. L’artiste qui sort de scène sans applaudissements ramasse une tape.

Tapé

Delvau, 1866 : adj. Réussi, émouvant, éloquent, — c’est-à-dire bourré de grosses phrases sonores et d’hyperboles de mauvais goût, comme le peuple les aime dans les discours de ses orateurs, dans les livres de ses romanciers et dans les pièces de ses dramaturges. Tapé dans le nœud. Excessivement beau, ou extrêmement remarquable.

Rigaud, 1881 : L’expression si populaire de « c’est tapé », pour « c’est réussi », nous la trouvons déjà en 1823 dans le Voyage à Sainte-Pélagie, d’Émile Debraux. — « En voilà un (un vers) : il m’a donné bien du mal, c’est vrai ; mais aussi comme c’est tapé ! »

Jupiter avait une bonne tête, Mars était tapé.

(Zola, Nana)

Un travail tapé, un discours tapé.

La Rue, 1894 : Réussi.

Rossignol, 1901 : Bien, joli, beau : c’est tapé.

France, 1907 : Réussi, bon. Tapé à l’as, parfaitement réussi, excellent. Tapé aux pommes, tapé dans le nœud, même sens.

— Une particulière tapée aux pommes ; pas cocotte pour deux liards. Jamais je n’en ai vu une pareille venir dans la boite à Monsieur.

(Paul Mahalin)

Tape (en recevoir une)

Virmaître, 1894 : Recevoir un coup ou le donner. Voir ses espérances s’effondrer. Recevoir une tape moralement (Argot du peuple).

Tapé à l’as

Rigaud, 1881 : Tout ce qu’il y a de plus soigné.

Je vais vous fricoter un dîner, là… tapé à l’as.

(Auvier, Auguste Manette)

Tape à l’œil

Virmaître, 1894 : V. Œil au beurre noir.

France, 1907 : Borgne ; argot populaire.

France, 1907 : Chapeau.

Ils avaient des tape à l’œil flambant neufs.

(Huysmans)

Tape à mort

France, 1907 : Soldat qui bat du tambour ; argot populaire.

Tape dur

Vidocq, 1837 : s. m. — Serrurier.

Tape-à-l’œil

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui a une pétéchie sur l’œil ; chien blanc qui a du poil noir sur les yeux.

Rigaud, 1881 : Chapeau mou, — dans le jargon du peuple.

Ils avaient des tape-à-l’œil flambant neufs, des pantalons à raies avec des pièces entre les cuisses.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

Tape-au-sac

France, 1907 : Emprunteur.

Méfiez-vous du joueur qui vous flatte après une banque heureuse, il vient pour vous emprunter. C’est un « relanceur de pleins », un tape-au-sac. Certains cercles en sont remplis.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Tape-cul

Larchey, 1865 : Voiture non suspendue.

Font-ils des embarras avec leur mauvais tape-cul !

(Ricard)

Delvau, 1866 : s. m. Planche en équilibre sur laquelle on se balance à deux. Argot des gamins.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Manœuvre sans étriers.

France, 1907 : Sorte d’omelette dans laquelle on met de la farine et qu’on fait cuire dans une casserole couverte. En cuisant elle soulève le couvercle, d’où le nom ; expression de l’Ouest.

France, 1907 : Voiture cahotante.

Cependant comme le poète
Le laissait pour quelques écus,
Il en fit quand même l’emplette
Et le mit à son tape-cul.

(Raoul Ponchon)

Par euphémisme, les pudibonds paysans du Centre disent tape-chose.
Dans l’argot militaire, on appelle tape-cul l’exercice que l’on fait faire aux recrues, consistant à monter un cheval sans selle.

Tape-dur

France, 1907 : Serrurier.

Tapé, retapé, tapé dans le nœud

Larchey, 1865 : Émouvant, frappant, réussi.

Aussi a-t-on fait plusieurs couplets sur tous les ministres dont le portrait est bien tapé.

(1742, Journal de Barbier)

C’est un peu tapé dans le nœud.

(La Bédollière)

Une manière de sentiment bien r’tapé.

(Vadé, 1755)

Tapecul

Delvau, 1866 : s. m. Voiture mal suspendue qui secoue les voyageurs.

Tapedur

Larchey, 1865 : Serrurier (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Serrurier, — dans l’argot des voleurs.

Tapée

d’Hautel, 1808 : Pour charge, amas, fardeau ; réunion abondante de plusieurs choses.
Une bonne tapée d’ouvrage. Pour dire, une grande quantité d’ouvrage.

Larchey, 1865 : Grosse réunion. — Usité dès 1808.

Delvau, 1866 : s. f. Foule, grande réunion de personnes, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Foule. Une tapée, un tas. — Nous avons boulotté une jolie tapée de moules.

Virmaître, 1894 : Foule, grande réunion de personnes. A. D. Tapée veut dire beaucoup, il est vrai, mais ce n’est pas le sens que lui donne le peuple. Tapée se dit d’une jolie femme :
— Elle est tapée.
Une phrase bien écrite ou bien dite :
— C’est tapé (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Abondance, affluence.

France, 1907 : Quantité, foule ; argot populaire.

Taper

d’Hautel, 1808 : Taper de l’œil. Pour dire, se laisser aller au sommeil ; dormir profondément.
Taper. Pour, répliquer ; riposter avec vivacité.
Voilà un mot bien tapé, une réponse bien tapée. Pour dire, bien appliquée ; une riposte vive et piquante.
Taper. Pour, battre, talocher, cogner ; châtier quelqu’un.

un détenu, 1846 : Fermer, frapper. Taper le chasse : fermer l’œil, c’est-à dire dormir.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Permolere uxorem, quamlibet aliam, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. a. Demander de l’argent, — dans l’argot des ouvriers. Taper son patron de vingt francs. Lui demander une avance d’un louis.

Delvau, 1866 : v. a. Frapper, battre.

Delvau, 1866 : v. n. Prendre sans choisir, — dans l’argot des faubouriens. Taper dans le tas. Prendre au hasard dans une collection de choses ou de femmes. Taper sur les vivres. Se jeter avec avidité sur les plats d’une table ; manger gloutonnement. Taper sur le liquide. S’empresser de boire.

Rigaud, 1881 : Emprunter. Pour certaines gens, une demande d’argent à laquelle ils ne peuvent se soustraire équivaut à un coup qui les frappe… d’épouvante ; de là taper.

Il songea un instant à taper Théophile, mais il était déjà son débiteur de dix louis.

(Vast-Ricouard, Le Tripot)

Rigaud, 1881 : Étourdir, porter au cerveau. — Le vin tape sur la coloquinte.

Rigaud, 1881 : Séduire à première vue une femme. — Elle est tapée, elle en tient. C’est une abréviation de taper dans l’œil, mais applicable seulement a une femme.

La Rue, 1894 : Séduire. Étourdir. Emprunter.

Virmaître, 1894 : Taper quelqu’un, lui emprunter de l’argent. On lui refuse en lui disant également :
— Tu peux te taper.
Synonyme de : Tu peux te fouiller (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Emprunter.

Je n’ai pas d’argent, je vais taper mon ami pour qu’il m’en prête.

France, 1907 : Emprunter, généralement pour ne pas rendre ; argot populaire.

Le clergé catholique est passé maître dans l’art et dans la pratique de la mendicité. Il n’y a pas de cabotin, pas de charlatan qui sache aussi habilement que lui, soutirer pour la faire passer dans sa propre escarcelle, la bonne « galette » de ses contemporains.
Depuis vingt ans, les marchands d’oremus de la butte Montmartre ont trouvé le moyen de se faire donner par les « gogos » de l’Église romaine un nombre respectable de millions pour la construction de l’innommable bâtisse qu’ils ont consacrée au culte du sacré viscère de Jésus.
Chaque jour ce sont de nouvelles souscriptions que les frocards séculiers ou réguliers font circuler, dans toute la France, sous les prétextes les moins justifiés. Et il faut croire que le nombre des naïfs, qui se laissent taper par ces quémandeurs, est considérable, puisque leurs appels sont généralement couronnés de succès et que jamais on n’a élevé plus de chapelles et d’églises catholiques que depuis une quinzaine d’années.

(La Lanterne)

France, 1907 : Enivrer. On dit généralement taper sur la boule : « Ce vin gris qui se laisse boire comme du petit-lait, tape joliment sur la boule. »

Taper (s’en)

Rigaud, 1881 : Boire énormément.

Allons-nous nous en taper !… je vous donnerai l’exemple.

(Scribe, l’Honneur de ma fille, 1836)

Taper (se)

Fustier, 1889 : Se voir refuser quelque chose ; s’en passer. — Se masturber.

La Rue, 1894 : Se voir refuser un objet ou ne pouvoir se le procurer.

France, 1907 : N’avoir rien, synonyme de se fouiller. Se taper de quelque chose, s’en passer.

Si l’on n’avait que celui-là pour dire ou pour chanter quelque chose pendant la soirée, pour sûr, on pouvait se taper.

(André Desroches, L’éternelle illusion)

Taper à tour de bras

Virmaître, 1894 : Cogner vigoureusement.
— J’ai beau taper ma femme à tour de bras, quand elle me fait un impair, elle me gobe tout de même (Argot du peuple).

Taper au pognon

France, 1907 : Demander de l’argent.

Et pis là, tu tap’ au pognon,
Ceux qui s’laiss’ empiler sans s’cousse,
On les appell’ mon p’tit mignon,
On les dégringole à la douce.

(Aristide Bruant)

Taper dans l’œil

Delvau, 1864 : Commencer à plaire à quelqu’un — ou à quelqu’une ; — séduire par la grâce, l’esprit, la parole ou le geste.

Ma petite poulette.
Dans la rue Montorgueil,
Ton p’tit nez en trompette,
Il m’a tapé dans l’œil.
Laïtoit, ete.

(Al. Dalès)

Delvau, 1866 : v. a. Séduire, — en parlant des choses et des femmes.

Rigaud, 1881 : Fasciner, produire une vive impression. — Cette femme m’a tapé dans l’œil.

France, 1907 : Plaire, séduire.

Le beau Van Plottlabell, Hollandais d’origine, lui avait tapé dans l’œil, selon l’expression populaire ; et tous deux, en larrons fieffés, n’attendaient qu’une occasion pour s’avouer des choses qui… des choses que… certainement, le mari n’approuverait pas.

(Henri Germain)

Taper dans le mille

Rigaud, 1881 : Réussir. Donner du pied au derrière. — Bing ! en plein dans le mille. Allusion au jeu de Siam, au tir à la cible.

France, 1907 : Réussir.

Taper dans le tas

Delvau, 1864 : Étant donné que : — le théâtre représente un atelier de brocheuses, de modistes ou de couturières. En vrai bandeur, vous faites votre choix ; mais ne voulant pas faire four, vous tapez d’abord la plus facile, qui a bientôt une confidente que vous tapez aussi. La deuxième excite la curiosité d’une troisième, d’une quatrième, et… vous arrivez a réaliser le proverbe : Qui en a vu une, les connaît toutes.

Delvau, 1866 : Avoir de la rondeur dans les allures, de la franchise dans le caractère.

Rigaud, 1881 : Prendre au hasard. — Frapper au hasard.

Virmaître, 1894 : Prendre une femme au hasard. Taper dans le tas : attaquer un ouvrage avec vigueur. Taper dans le tas : frapper dans le tas d’une bande de rôdeurs qui vous attaquent (Argot du peuple).

France, 1907 : Prendre ou frapper au hasard, à tort et à travers.

Non, Monsieur, je n’vous écout’ pas ;
Si vous continuez, j’vous flanque un’ calotte,
Non, Monsieur, je n’vous écout’ pas ;;
Si vous continuez, j’vas taper dans l’tas.

(Jules Jouy)

Taper de l’œil

Ansiaume, 1821 : Dormir.

En entrant au collège, j’ai tapé de l’œil jusqu’à la sorgue.

Larchey, 1865 : Dormir.

Il y avait plus d’une heure que je tapais de l’œil quand je m’entends réveiller.

(œuvres badines de Caylus, 1750)

Taper dans l’œil : Séduire.

Delvau, 1866 : v. n. Dormir. L’expression est plus vieille qu’on ne serait tenté de le croire, car on la trouve dans les Œuvres du comte de Caylus (Histoire de Guillaume Cocher).

Rigaud, 1881 : Dormir.

France, 1907 : Dormir.

Nous étions en train de taper de l’œil dans les bras l’un de l’autre quand survint le mari.

(Charletour)

Taper de la patte (?)

Rossignol, 1901 : Voir ripper. Les lapins tapent de la patte.

Taper la caisse

France, 1907 : Demander de l’argent ; se faire donner des avances sur son salaire ou ses appointements ; expression populaire.

Un commerçant vient de prendre comme employé un vieux militaire, ancien tambour.
— Mauvaise affaire, lui dit quelqu’un.
— Pourquoi donc ?
— Hum ! un ancien tambour ; il doit avoir l’habitude de taper la caisse !

Taper le cul (s’en)

France, 1907 : S’en moquer. On dit aussi s’en battre les fesses.

Taper quelqu’un

Hayard, 1907 : Lui emprunter de l’argent.

Taper sur la boule

Larchey, 1865 : Enivrer, battre.

Dans l’gosier comme ça coule, Comme ça tape sur la boule.

(J. Moinaux, Ch)

Ce scélérat de vin de champagne avait joliment tapé ces messieurs.

(Festeau)

Delvau, 1866 : v. a. Griser, étourdir, à propos d’un liquide.

France, 1907 : Griser. Voilà un petit vin qui tape joliment sur la boule.

Taper sur la colonne (se)

France, 1907 : Se livrer à l’onanisme.

Il ne manquait pourtant pas de donzelles, le due d’Angoulême, et il pouvait se payer les plus chouettes de France et de Navarre, mais va te faire fiche, le salaud aimait mieux se taper sur la colonne.

(Les Joyeusetés du régiment)

Taper sur la giberne

Larchey, 1865 : Taper sur le derrière. — Allusion à la place ordinaire de la giberne.

Je lui détache un coup de pinceau sur la giberne.

(Monselet)

Taper sur la réjouissance

France, 1907 : Battre, littéralement frapper sur les os, allusion à la réjouissance des bouchers.

Taper sur le ventre de quelqu’un

France, 1907 : Être d’une excessive familiarité.

Taper sur le ventre, sur la baraque (se)

Rigaud, 1881 : Sacrifier au jeune Onan.

Taper sur les vivres, sur la bitture

Rigaud, 1881 : Manger avec voracité. Taper sur la boisson, boire avec avidité.

Taper sur les vivres, sur la boisson

Larchey, 1865 : Manger et boire avidement.

D’avoir trop tapé sur l’pichet, Qu’en avaient plein la gargamelle.

(Chansonnier, 1836)

Taper toujours sur le cheval qui tire

France, 1907 : Aux bons et patients les coups. Vérité universelle reconnue chez tous les peuples, ce qui n’est pas en faveur de l’humanité. Toute la charge pèse sur le cheval de bonne volonté, disent les Anglais. Les Russes : Fais-toi mouton, le loup est prêt. Les Allemands : Fais-toi âne et chacun te chargera de son sac. Les Italiens : si vous laissez mettre le veau sur votre dos, on ne tardera pas à y mettre la vache. Les Latins exprimaient la même idée. L’on trouve dans Publius Synes : Patiendo multa veniunt quæ neques pati.

Taper un môme

France, 1907 : Se faire avorter.

Tapette

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fer rouge avec lequel le bourreau marque les condamnés.

Vidocq, 1837 : s. m. — Faux poinçon servant à marquer les objets d’or ou d’argent.

Delvau, 1866 : s. f. Individu faisant partie du troisième sexe.

Delvau, 1866 : s. f. Verve, entrain, platine. Avoir une fière tapette. Être grand parleur, — ou plutôt grand bavard.

Rigaud, 1881 : Bavard. — Jeune tante. De quatorze à vingt ans c’est une tapette, de vingt à… c’est une tante.

Rigaud, 1881 : Faux poinçon servant à marquer les objets d’or et d’argent. (Fr. Michel)

Merlin, 1888 : Voyez Platine.

La Rue, 1894 : Bavard. Signifie aussi tante. V. ce mot.

Virmaître, 1894 : Homme qui parle sans cesse.
— Il en a une rude tapette.
On dit aussi : forte platine (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Pédéraste passif, il se fait taper dans le tas (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui parle sans cesse a une bonne tapette.

Rossignol, 1901 : Celui qui prend n’importe quelle cuiller pour mettre dans son pot à moutarde, est une tapette. Voir Chatte.

Hayard, 1907 : Langue, homme de mœurs douteuses.

Hayard, 1907 : Pédéraste.

France, 1907 : Langue intarissable ; bavard ou bavarde. Avoir une fameuse tapette, parler sans discontinuer.

Je me serais assez plu dans la compagnie de la petite Jeanne, si elle ne m’avait assourdi les oreilles de son intarissable tapette.

(Les Propos du Commandeur)

France, 1907 : Pédéraste passif.

Les antiphysiques, que l’on nomme ordinairement tantes, se divisent en quatre catégories… Semblable au caméléon qui change, non de forme, mais de couleur, la tante est tantôt appelée tapette, tantôt serinette. Elle est désignée par les marins sous le nom de corvette, mais elle reste toujours un objet d’opprobre.

(Mémoires de Canler)

J’en ai eu deux : deux saligauds,
Deux tant’s, deux filous, deux fagots,
Deux vach’s, deux cochons, deux tapettes,
Qui gueulaient… qui m’foutaient des coups,
Quand j’m’ach’tais un’ robe d’cen’ sous,
Le lend’main d’la paye aux lipettes.

(Aristide Bruant)

Voir Tante, Travailleuse.

Tapeur

France, 1907 : Emprunteur.

Il va, il revient, il arpente le trottoir. Il a la guigne aujourd’hui… Celui-ci couperait peut-être dans le pont ? mais quoi ! Il a déjà casqué hier… Il désespère, car il entend partir derrière lui, de toutes les tables, ce mot cruel : Attention ! Voilà le tapeur.

(Jean Richepin)

Tapeur, tapeuse

Rigaud, 1881 : Emprunteur, emprunteuse de profession. Il y a des gens qui n’ont pas d’autre moyen d’existence. Longtemps le passage Jouffroy et la partie du boulevard comprise entre les rues du faubourg Montmartre et Drouot ont été de préférence fréquentés par les tapeurs. (V. les Soupeurs de mon temps, par Roger de Beauvoir, Portrait du marquis de Saint-Cricq)

Tapeuse

Fustier, 1889 : Prostituée qui, sans faire payer ses services, emprunte aux clients des sommes plus ou moins élevées qu’elle ne rend bien entendu jamais. (Réveil)

Tapeuse de tal

France, 1907 : Prostituée qui se livre à des pratiques hors nature. Voir Tal.

— Y avait dans la piaule deux roussins qui m’ont mise au violon comme tapeuse de tal.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Tapeuse du tal

La Rue, 1894 : Prostituée.

Tapez-moi ça

Fustier, 1889 : Le tapez-moi ça, désigne dans le langage plus que familier cet objet de toilette qu’on nomme une tournure.

Voici que nous sommes toutes contraintes de porter la tournure, l’ajustement qu’on a appelé irrévérencieusement le tapez-moi ça.

(Gil Blas, octobre 1885)

On dit aujourd’hui nuage, v. Supra.

Tapin

d’Hautel, 1808 : Sobriquet militaire ; apprenti tambour ; mauvais et petit tambour.

Larchey, 1865 : Tambour. — Mot à mot : petit tapeur (de caisse). — Usité dès 1808.

Le tapin qui tambourinait en tête de l’escouade.

(La Bédollière)

Delvau, 1866 : s. m. Tambour, — dans l’argot des troupiers. Le mot a au moins cent ans de bouteille.

Merlin, 1888 : Tambour. — Celui qui en bat.

La Rue, 1894 : Tambour.

Rossignol, 1901 : Celui qui bat du tambour.

France, 1907 : Tambour, le soldat qui en bat ; argot militaire.

Tapin, tape-à-mort

Rigaud, 1881 : Tambour.

Tapiner

France, 1907 : Se cacher ; argot des voleurs.

Tapinophage

France, 1907 : Juge, homme de loi ; du grec tapeinos, humble, et fago, je dévore. Dévoreur d’humbles, de petits. Néologisme.

Tapiquer

Delvau, 1866 : v. n. Habiter, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Habiter.

Virmaître, 1894 : Habiter (Argot des voleurs).

France, 1907 : Même sens que tapiner ; se dit aussi pour habiter ; argot des voleurs.

Tapis

Ansiaume, 1821 : Cabaret.

Je n’irai plus à ce tapis, car la raille y va.

Vidocq, 1837 : s. m. — Auberge, hôtel garni, cabaret.

Halbert, 1849 : Café.

Delvau, 1866 : s. m. Cabaret, auberge, hôtel, — dans l’argot des voleurs, qui se servent là d’un vieux mot de la langue romane, tapinet (lieu secret), dont on a fait tapinois. Ils disent aussi Tapis franc, c’est-à dire Cabaret d’affranchis. Tapis de grives. Cantine de caserne. Tapis de malades. Cantine de prison. Tapis de refaite. Table d’hôte.

Delvau, 1866 : s. m. Conversation, causerie, — dans l’argot des bourgeois. Être sur le tapis. Être l’objet d’une causerie, le sujet d’une conversation. Amuser le tapis. Distraire d’une préoccupation sérieuse par une causerie agréable.

Rigaud, 1881 : Auberge, cabaret. — Tapis vert, table de jeu. — Tapis de grives, cantine militaire. Tapis de dégelés, la Morgue. Tapis de refaite, table d’hôte. Tapis bleu, le ciel.

La Rue, 1894 : Cabaret. Tapissier, cabaretier.

Hayard, 1907 : Débit où se réunissent les malfaiteurs.

France, 1907 : Auberge, cabaret, hôtel garni. Tapis franc, cabaret de voleurs. Tapis de grives, cantine. Tapis de malades, cantine de prison. Tapis de dégelés, la Morgue. Tapis de refaite, restaurant. Tapis vient du vieux français tapinet, retraite, lieu caché où l’on se tapit. Amuser le tapis, amuser la société, la compagnie.

Tapis (être au)

Rigaud, 1881 : Ne plus avoir le sou pour jouer, regarder les autres jouer, — dans l’argot des vieux joueurs.

Quand nous voyons un homme au-dessous de toutes affaires, nous le disons estre réduit au tapis, manière de parler que nous empruntons aux joueurs.

(Pasquier, Recherches, liv. VIII, ch. 47)

L’on en voit qui, de pauvres qu’ils ont esté, ou par procès, voyages ou guerres, sont au tapis.

(Brantôme, Vie des dames galantes)

Tapis bleu

Delvau, 1866 : s. m. Paradis, — dans l’argot des faubouriens, qui voient par avance le dedans du ciel semblable au dehors.

France, 1907 : Le Paradis.

Je lui montrais le tapis bleu étendu sur nos têtes et lui disais : « C’est le paradis céleste, ma petite brunette, mais le terrestre a aussi ses douceurs. »

(Confessions de l’abbé Ledru)

Tapis brûle (le)

Delvau, 1866 : Expression de l’argot des joueurs, pour exciter quelqu’un à se mettre au jeu.

Rigaud, 1881 : Terme des joueurs lorsqu’ils ont hâte de commencer une partie.

Tapis d’endosse

France, 1907 : Châle.

Tapis de grives

Vidocq, 1837 : s. f. — Cantine de caserne.

Tapis de malades

Vidocq, 1837 : s. f. — Cantine de prison.

Virmaître, 1894 : Cantines des prisons (Argot des voleurs). V. Cargots.

Tapis de pied

Delvau, 1866 : s. m. Courtisan, — dans l’argot énergique du peuple, qui sait que les gens qui veulent parvenir essuient sans murmurer, de la part des gens parvenus, toutes les humiliations et toutes les mortifications. Il dit aussi Lèche-tout.

France, 1907 : Courtisan, flatteur.

Tapis de refaite

Vidocq, 1837 : s. f. — Table d’hôte.

Tapis du commandant de place

Merlin, 1888 : Les fortifications.

Tapis franc

Ansiaume, 1821 : Cabaret où l’on reçoit les voleurs.

Ici, buvons et bouffardons sans souci.

Vidocq, 1837 : s. — Cabaret, hôtel garni ou auberge où se réunissent les voleurs.

Clémens, 1840 : Maison de receleur.

M.D., 1844 : Maison rendez-vous des gens de mauvaise vie.

Larchey, 1865 : Cabaret. — Franc fait allusion à la clientèle qui est composée d’affranchis ou voleurs. — Tapis est une abréviation du vieux mot tapinet : lieu caché. V. Roquefort. — V. Empoivrer, Crosser. — Tapis de refaite : Table d’hôte. — Tapis de malades : Cantine de prison. — Tapis de grives : Cantine de caserne. — Tapis vert : Prairie. — Tapissier : Cabaretier. V. Baptême, Ogre.

Tapis vert

Vidocq, 1837 : s. f. — Plaine, prairie.

Delvau, 1866 : s. m. Tripot, — dans l’argot des voleurs et des bourgeois. Jardiner sur le tapis vert. Jouer dans un tripot.

France, 1907 : Table de jeu. Jardiner sur le tapis vert, Jouer. Être au tapis, rester près de la table de jeu à regarder jouer après avoir tout perdu.

Tapis-franc

Halbert, 1849 : Cabaret du plus bas étage.

Tapis-vert

Halbert, 1849 : Café où se réunissent les voleurs.

Tapis-vert (hôtel du)

France, 1907 : Les champs. Coucher à l’hôtel du Tapis-Vert, coucher à la belle étoile.

L’été, j’suis pus chouett’ que l’hiver,
J’couche à l’hôtel du Tapis-Vert.

(Aristide Bruant)

Tapis, tapis d’endosse

Rigaud, 1881 : Châle, dans le jargon des voleurs ; mot à mot : tapis pour le dos.

Tapissage

Hayard, 1907 : Arrestation.

Tapisserie

d’Hautel, 1808 : Faire tapisserie. Se dit par raillerie, en parlant des femmes âgées, des mamans, qui, au bal, ne font plus que regarder danser.

Delvau, 1866 : s. f. Femmes laides ou vieilles qu’on n’invite pas à danser, — dans l’argot des bourgeois. Faire tapisserie. Regarder faire, ou écouter parler les autres.

Rigaud, 1881 : Figurante du grand monde. — Femme que l’on invite pour faire nombre, femme que l’on n’invite jamais à danser. — Faire tapisserie.

La Rue, 1894 : Femme que, dans un bal, personne n’invite à danser.

France, 1907 : Auberge.

Tapisserie (avoir de la)

Delvau, 1866 : Avoir beaucoup de figures en main, — dans l’argot des joueurs.

France, 1907 : Avoir des figures dans son jeu ; argot des joueurs de cartes.

Tapisserie (faire)

Larchey, 1865 : « Se dit par raillerie des femmes âgées qui au bal ne font plus que regarder danser. » — d’Hautel. — Rangées sur la banquette, le long du mur, elles font corps avec la tapisserie.

France, 1907 : Être au bal sans danser. On garnit les sièges le long des murs comme une tapisserie.

Une longue rangée de laiderons de tous âges formait une lamentable tapisserie.

(Les Propos du Commandeur)

Tapissier

Ansiaume, 1821 : Cabaretier.

Si tu n’es pas franc, nous riffaudrons la turne.

Delvau, 1866 : s. m. Cabaretier.

France, 1907 : Aubergiste, maître d’hôtel garni.

À la vue de celui dont le visage lui apparaissait en pleine lumière, l’aubergiste recula de quelques pas…
— Ah ! Ah ! tu me reconnais ! fit celui-ci, tu vois que quelques années de cadène ne m’ont pas beaucoup changé, mon vieux tapissier.

(Edmond Ladoucette)

France, 1907 : Personnage élégant et correct qui figure aux tables de jeu des cercles pour attirer les clients.

Le tapissier est simplement un monsieur bien mis, comme il faut, ayant des allures et que le gérant du cercle charge de figurer dans la partie. Il joue très rarement, mais il fait nombre, il anime, il fait tapisserie, en un mot. Le gérant lui donne pour cela la pâture et, de temps en temps, quelques louis qui sont vite perdus sur le tapis vert.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

L’allumeur tapissier est un associé de tripot qui entraine les dupes à la table de jeu sans jouer lui-même.

Celui qui vit du jeu et des joueurs, depuis les gros mangeurs jusqu’aux rameneurs, aux dîneurs, aux allumeurs-tapissiers.

(Hector Malot)

Tapissier, -ère

Vidocq, 1837 : s. — Aubergiste, maître ou maîtresse d’hôtel garni.

Tapissier, orgue tapissier

Rigaud, 1881 : Aubergiste, cabaretier, logeur. Tapissière, cabaretière, logeuse en garni.

Tapon

d’Hautel, 1808 : Mettre tout en tapon. Pour, ramasser malproprement tout en un tas ; chiffonner, bouchonner une étoffe quelconque.
Elle est tout en tapon. Se dit d’une personne courte et replète, qui se met en peloton.

Delvau, 1866 : s. m. Amas de choses, — et spécialement d’étoffes, de chiffons. Argot du peuple. Mettre sa cravate en tapon. La chiffonner, la mettre sans goût, comme si c’était un chiffon. L’expression sort évidemment du vocabulaire des marins, qui appellent Tapon une pièce de liège avec laquelle on bouche l’âme des canons pour empêcher l’eau d’y entrer.

France, 1907 : Tas de chiffons ; argot populaire, de tapon, pièce de liège avec laquelle on bouche à bord l’âme des canons.

Tapoter

d’Hautel, 1808 : Manier indiscrètement et fréquemment quelque chose ; tripoter, donner de petites taloches, de petits coups avec la main ; claquer.

Tapoter du piano

Delvau, 1866 : Toucher médiocrement du piano. Argot des bourgeois.

Tapoteur

France, 1907 : Mauvais joueur de piano.

Tapoteur de piano

Delvau, 1866 : s. m. Pianiste médiocre.

Tapoteur, tapoteuse de piano

Rigaud, 1881 : Joueur, joueuse de piano qui martyrise et l’instrument et l’auditoire.

Tapoteuse de piano

Delvau, 1866 : Femme qui fait des gammes.

Tapotoir

Rigaud, 1881 : Piano, — dans le jargon des soupeuses.

Garçon, donnez-nous le cabinet du tapotoir.

(Ces dames du Casino, 1862)

France, 1907 : Piano.

Il faudrait trouver quelque part une île pour y transporter tous les pianistes et ceux qui veulent le devenir. Tant qu’un pianiste ne serait pas immense, on ne lui permettrait, sous aucun prétexte, de sortir de l’île. Quand il serait immense et qu’il voudrait donner un concert, on le transporterait à Paris dans une voiture dite panier à salade. Le concert fini, on le serrerait immédiatement dans le même véhicule qui le reporterait dans l’île des tapotoirs à grande vitesse.

(A. Rall)

Tappe

Clémens, 1840 : Échafaud où l’on expose.

Delvau, 1866 : s. f. La marque qu’on appliquait avant 1830 sur l’épaule des condamnés aux travaux forcés.

Tappe (la)

anon., 1827 : La fleur-de-lis.

Bras-de-Fer, 1829 : La fleur de lis.

Halbert, 1849 : La marque.

Tappedur

Ansiaume, 1821 : Forgeron.

Il travaille à la forge le reluis et la sorgue à l’escap.

Taq

Halbert, 1849 / France, 1907 : Haut.

Taque

Halbert, 1849 : Haute.

Taquer

Halbert, 1849 : Hausser.

Delvau, 1866 : v. a. Hausser, — dans l’argot des voleurs.

Boutmy, 1883 : v. intr. Frapper avec le marteau sur un morceau de bois nommé taquoir, pour égaliser le niveau des lettres d’une forme en baissant celles qui pourraient remonter. Par ext. et au fig., frapper quelques coups légers avec le composteur sur le bord de la casse, quand un compositeur conte une piau. C’est une façon de protester contre ce qu’il dit ; c’est un diminutif de roulance.

France, 1907 : Hausser.

France, 1907 : Interrompre par un roulement le composteurs le récit d’un bavard ; argot des typographes.

— Ne dis pas de mal du théâtre Montmartre, interrompit le père Polastron ; de très grands artistes y ont débuté. Moi qui vous parle, j’y ai vu jouer M. Mélingue ; c’était en 1883. Figurez-vous que ce jour-là…
À ce moment un roulement sec, mais bien nourri, retentit dans l’atelier. Tous les typos frappaient de leur composteur sur leur casier avec un entrain et un ensemble des plus remarquables.
Ce petit exercice est de tradition dans les ateliers de compositions cela s’appelle taquer et sert de protestation, souvent préventive, contre un récit trop long, une redite, où quelque mensonge évident.
Nul n’y échappe, Gutenberg lui-même reviendrait en ce monde qu’on le taquerait s’il menaçait de devenir raseur.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Taqueté

Rigaud, 1881 : Terme chorégraphique.

C’est la vivacité, la rapidité, ce sont les petits temps sur les pointes : c’est Essler.

(Ch. de Boigne)

Taquine

Halbert, 1849 / France, 1907 : Hauteur.

Taquiner l’éléphant

France, 1907 : Jouer du piano ; allusion à l’ampleur de ce fâcheux instrument de musique, mais c’est surtout les voisins qu’on taquine. On dit aussi taquiner les dents d’éléphant, allusion aux touches d’ivoire.

Taquiner l’os

France, 1907 : Jouer aux dominos ; on dit aussi taquiner le double six.

Taquiner la dame de pique

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Taquiner la muse

France, 1907 : Faire des vers, rimailler.

Taquiner le bouton

Delvau, 1864 : Soit de la gorge, soit du clitoris. Promener habilement l’index sur l’extrémité du sein ou du clitoris d’une femme afin de la faire bander et jouir.

La gauche, autour du cou bien doucement passée,
Taquine le bouton de la gorge agacée.

(L. Protat)

Taquiner le boyau

France, 1907 : Jouer du violon ou de tout autre instrument à cordes ; argot populaire.

Taquiner le carton

Virmaître, 1894 : Jouer aux cartes. Je ne sais pas si les cartes sont taquinées d’être battues, mais le joueur l’est rudement quand il perd (Argot du peuple). N.

Taquiner le dandillon

France, 1907 : Sonner.

Taquiner le goujon

Virmaître, 1894 : Le pêcheur à la ligne taquine le goujon. Il est en effet taquiné d’être pris à l’hameçon (Argot du peuple).

France, 1907 : Pêcher à la ligne.

Taquiner le hanneton

Delvau, 1864 : Branlailler un homme, dont le membre ne sait pas trop ce qu’il veut, à ce point qu’il donnerait de la-tête aussi bien dans un con que dans un cul.

… Le Suédois, dit-on, Aime qu’on lui taquine un peu le hanneton.

(L. Protat)

Tarabistouiller

France, 1907 : Importuner, molester ; déformation de tarabuster. Argot populaire.

Sur les routes blanches,
C’est des avalanches
D’autos et de pneus
Qui vous écrabouillent,
Vous tarabistouillent,
Tant ils sont haineux.

(Raoul Ponchon)

Tarabuster

d’Hautel, 1808 : Rabrouer, relancer ; brusquer quereller quelqu’un d’une belle manière ; l’interrompre par de fréquentes importunités.

Tarasconnade

France, 1907 : Forte gasconnade ; néologisme de la création d’Alphonse Daudet. On le trouve dans Numa Roumestan :

Cette tarasconnade eut un succès local qui fit plus pour son avenir que toutes les réclames parisiennes…

Taraudée

Virmaître, 1894 : En mécanique, tarauder un écrou ou un boulon, c’est faire un pas de vis. On a appliqué cette expression pour dire que l’on bat quelqu’un.
— Je lui ai foutu une rude taraudée.
— Je vais te tarauder les côtes (Argot du peuple). N.

Tarauder

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Frapper, donner des coups.

Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. n. Faire un bruit agaçant en remuant mal à propos des meubles, en secouant des tiroirs, etc. Argot du peuple.

La Rue, 1894 : Battre, se disputer.

France, 1907 : Battre, tarabuster. Se tarauder, se quereller ; argot populaire.

— Ah ! mille milliards de trompettes à piston ! s’être laissé tarauder ainsi par un bleu, par un blanc-bec, un carapata, un bonnet de police, un conscrit enfin ! Lui battu, lui esquinté, lui, Riboulot, la terreur des crânes du régiment ! Ah ! nom de nom de nom de nom ! mais patience ! Barochon allait sans doute tailler des croupières à ce buveur d’eau sucrée, et dès que Riboulot serait remis d’aplomb sur ses quilles, il trouverait lien l’occasion de l’envoyer essayer une chemise de sapin.

(Ch. Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)

Tarauder (se)

Rigaud, 1881 : Se disputer.

Tard-à-la-soupe

Delvau, 1866 : s. m. Convive qui se fait attendre, — dans l’argot du peuple.

Tarde venientibus ossa

France, 1907 : Les os aux retardataires ; autrement dit : Il faut arriver à l’heure à la soupe si l’on ne veut se brosser le ventre. Cette expression s’emploie au propre et au figuré.

Tardif (le)

M.D., 1844 : Le soir.

Tarenne, brisés

Clémens, 1840 : Échelle de voleur.

Targette

Rossignol, 1901 : Nez.

Tarocq

Ansiaume, 1821 : Marque.

Le tole me connoble, il ne me rifaudera point.

Tarocquer

Ansiaume, 1821 : Flétrir, marquer.

Il faut se voir tarocquer et voyager pour le pré avec des cadennes.

Taroquage

Virmaître, 1894 : Piquer les cartes d’un signe imperceptible. Ce truc fut employé pour la première fois, par le fameux grec Garcia (Argot des grecs).

France, 1907 : Marquer les cartes d’un signe presque imperceptible. On dit que ce fut le fameux tricheur Garcia qui inventa ce truc imité depuis par les grecs.

Taroque

Vidocq, 1837 : s. f. — Marque.

Larchey, 1865 : Marque. V. Détaroquer.

Delvau, 1866 : s. f. Marque du linge, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Marque du linge.

Virmaître, 1894 : La marque du linge. Quand les voleurs ont dévalisé la voilure d’un papillon, ils détaroquent le linge pour le revendre aux meuniers (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Marque principalement sur le linge. Voir Tap.

Taroquer

Vidocq, 1837 : v. a. — Marquer.

M.D., 1844 : Marquer.

Delvau, 1866 : v. a. Marquer.

Rigaud, 1881 : Marquer du linge.

France, 1907 : Signer, marquer le linge ; argot des voleurs. Allusion à la taroque ou marque avec laquelle on marquait l’épaule des forçats.

Taroquer son santre

Clémens, 1840 : Signer son nom.

Tarre

Rigaud, 1881 : Pour tire. — Vol à la tarre. (L. Larchey)

Tarre (vor à la)

France, 1907 : Vol de mouchoirs, déformation de tire.

Tarroqué

Ansiaume, 1821 : Marqué, flétri.

Le tole l’a vilainement tarroqué.

Tartare

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti ; médiocre ouvrier, — dans l’argot des tailleurs. On dit aussi Chasseur.

Delvau, 1866 : s. m. Fausse nouvelle, canard politique, — dans l’argot des journalistes et des boursiers. Se dit depuis la dernière guerre de Crimée. Un peu avant que le résultat de la bataille de l’Alma fût connu, le bruit courut, — et ce furent évidemment des spéculateurs qui le firent courir — qu’un cavalier tartare était arrivé à franc étrier au camp d’Omer-Pacha, annonçant la victoire des armées alliées contre les Russes. On le crut à Paris, et les fonds montèrent. Quelques jours après, la nouvelle apocryphe devenait officielle.

Rigaud, 1881 : Garçon de salle chargé d’empêcher de sortir, entre deux classes, les élèves externes qu’une pension envoie au collège.

Rigaud, 1881 : Second ouvrier tailleur, ouvrier qui aide le bœuf.

France, 1907 : Apprenti tailleur.

Des coupeurs, des culottiers, des giletiers, des pompiers, des tartares, nommés aussi petits bœufs.

(G. Macé, Mon premier crime)

Tarte

Vidocq, 1837 : adj. — Qualité d’une chose fausse ou mauvaise.

Larchey, 1865 : Qualité bonne ou mauvaise (Vidocq).

Delvau, 1866 : adj. Qualité bonne ou mauvaise d’une chose, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Mauvais, faux.

Virmaître, 1894 : Chose de mauvaise qualité. Les faux-monnayeurs sont des mornifleurs-tarte. Ils écoulent de mauvais argent. Allusion aux tartes faites avec de la vieille graisse et de la farine avariée que l’on vend dans les têtes foraines (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Gifle.

Hayard, 1907 : Coup.

Tarte à la crème

France, 1907 : Promesses que font les candidats en période électorale.

Tarte bourbonnaise

Delvau, 1866 : s. f. Résultat du verbe alvum deponere, — dans l’argot du peuple, qui a la plaisanterie fécale. Il a pour excuse l’exemple de Rabelais (Pantagruel, liv. II, chap. XVI).

France, 1907 : Un étron. Vieille expression que l’on trouve dans Rabelais et Bonaventure Despériers.

Et ne failloit point à vous porter le pauvre Saint Chelant en un fossé, où en quelque tarte bourbonnaise…

(Contes et joyeux devis de Bonaventure Despériers)

Un jour que l’on avait assigné à tous les théologiens de se trouver en Sorbonne, il feit une tartre bourbonnoise, composée de force de ails, de galbanum, de assa fœtida, de castoreum, d’estroncs touts chaulds, et la détrempit en sanies de bosses chancreuses, et de fort bon matin en graissa et oignit tout le treillis de Sorbonne, en sorte que le diable n’y eust pas duré.

(Rabelais, Pantagruel)

Dans le Centre l’on appelle tartes bourbonnaises certains mauvais pas où les chevaux enfoncent jusqu’au poitrail.

Tarte, tartelette

Rigaud, 1881 : Mauvais, faux, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Faux, mauvais, côté faux d’une chose. Mornifleur tarte, faux monnayeur.

Tartelette

Vidocq, 1837 : adj. — Qualité d’une chose fausse ou mauvaise.

Tartempion

France, 1907 : Individu quelconque méprisable ou nul. « C’est, dit Gustave Fustier, un personnage imaginaire et quelque peu ridicule qui revenait constamment dans les articles du Charivari entre 1840 et 1850. » En voici un exemple du susdit journal :

Le nom n’est rien, la chose est tout ;
On peut être à la fois plein d’esprit et de goût.
Écrire avec talent, s’exprimer avec grâce
Et se nommer Coco, Tartempion ou Pancrace.

(Épigraphe de Cadet-Roussel)

Mais, jaspinons des réunions : des empotés le la haute, ainsi qu’un abbé Tartempion ont jérémié sur le socialisme dans la campluche. Y a des orateurs qui parlent mal, mais qui se font néanmoins comprendre par les culs-terreux. Faut réagir, doux Jésus. Faut opposer notre propagande à la leur, car, par Sainte Marie à la coque, qu’est-ce qu’on deviendrait nous, les culs-bénits, si les paysans nous plaquaient ?

(Le Père Peinard)

Nous autres hommes avons bien tort de faire notre poire, car nous sommes en toutes choses plus maladroits que les femmes. Nous ne savons, aussi bien qu’elles, ni parler (ni mentir par conséquent !), ni écrire, ni calculer, ni même voter. Le sexe fort ne perd pas une occasion, en effet, d’exercer son droit de voter de la façon la plus ridicule. Nous envoyons à la Chambre de déplorables tartempions, des sous-vétérinaires dont les chevaux ne voudraient pas pour leur servir l’avoine.

(Eug. Thebault, L’Aurore)

À Tartempion on joignait généralement un autre personnage imaginaire du nom de Barbanchu.

Tarter

Rossignol, 1901 : Gifler.

France, 1907 : Aller à la selle.

Bon, v’là l’Printemps ! Ah ! salop’rie,
V’là l’monde enquier qu’est aux z’abois
Et v’là t’y pas c’te putain d’vie
Qui se r’nouvelle encore eun’ fois !
La Natur’ s’achète eun’ jeunesse,
A s’déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m’fait tarter, moi, qui m’fais vieux.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Tartes, tartines

anon., 1907 : Souliers.

Tartier

France, 1907 : Faux monnayeur.

Tartine

Larchey, 1865 : Elle avait le défaut d’employer de ces immenses phrases lardées de mots emphatiques, si ingénieusement nommées des tartines dans l’argot du journalisme.

(Balzac)

Pardonne-moi la longue tartine que je viens de te faire avaler, et sur laquelle j’étale depuis une heure les confitures de mon éloquence.

(Th. Gautier)

Delvau, 1866 : s. f. Article bon ou mauvais, mais surtout mauvais. Argot des journalistes. Signifie aussi Long discours, homélie ennuyeuse. Débiter des tartines. Parler longtemps.

Rigaud, 1881 : Long couplet de prose ou de vers, — dans le jargon des comédiens. — Long, filandreux et soporifique article politique, — dans le jargon des journalistes. Allusion à la longue tranche de pain enduite de confiture.

Hayard, 1907 : Chaussures.

France, 1907 : Article de journal. « La tartine, dit Edmond Texier, est cette chose en deux ou trois colonnes qu’on nomme le plus communément le premier-Paris. C’est le filet de bœuf à la jardinière du journal. » C’est n’importe quel article long et ennuyeux.

Tartine (une)

anon., 1907 : Article de journal.

Tartiner

Larchey, 1865 : Tu n’as pas assez de style pour tartiner des brochures.

(Balzac)

Delvau, 1866 : v. n. et a. Écrire des articles. Tartiner une brochure. La rédiger.

Rigaud, 1881 : Écrire un long article pour ne rien dire.

Rossignol, 1901 : Écrire.

France, 1907 : Écrire des articles, des tartines.

Quoi ! il est permis de tartiner d’abord dans le silence du cabinet et de débiter ensuite la tartine par cœur ? Démosthène lui-même le faisait, et ce Cicéron itou que j’idolâtre ?… Si celui qui écrit son discours d’avance, pensais-je, et même qui l’écrit trois ou quatre fois de suite, comme Jules Favre, pour le réciter ensuite, les yeux fermés, devant un public satisfait, est accepté comme orateur, je puis donc me réveiller demain conférencier, comme tout le monde ?

(Émile Bergerat)

Tartines

Halbert, 1849 : Souliers.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Souliers éculés, pantoufles, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Vieux souliers.

Virmaître, 1894 : Souliers avachis et éculés.
— Ah ! mon vieux, quelles sales tartines (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Longue lettre, long rapport.

Il y en a une tartine !

France, 1907 : Chaussures.

— Tiens, regardez-moi c’te grande asperge montée ! Monsieur s’est déguisé en obélisque ? T’es en deuil ? T’auras perdu ton concierge ? Et c’t’autre qui va-t-à-pied ! T’as peur d’user les voitures de M. Bixio ? Fais donc au moins cirer les tartines… C’qu’elles sont sales ! ah ! J’avais pas pigé l’coup ! C’est pas des pieds, mon vieux, c’est des cercueils d’enfant ! C’est-il vrai que c’est là-dessus qu’on va bâtir la tour Eiffel ? Ah ! mince alors…

(Gil Blas)

Tartinier

Rigaud, 1881 : Rédacteur qui fait la tartine dans un journal.

France, 1907 : Fabricant de tartines politiques, scientifiques et littéraires.

N’est pas qui veut tartinier.
Il faut non pas tout savoir, mais pouvoir parler de tout à heure fixe, en deux temps trois mouvements.
Le tartinier possède toutes les questions politiques, économiques, sociales, théologiques ; Il fait ou défait l’Allemagne, rétablit la Pologne, reconstitue l’Orient, retient ou pousse les peuples, transperce celui-ci, écrase celui-là, et est toujours prêt à expectorer trois cents lignes sans respirer.
Partout où il se trouve, il écrit : il écrit sur le bout d’une table, sur son chapeau, sur son genou, et jamais d’hésitation ; la plume court, vole, sans que le cerveau ait l’air de prendre la moindre part au mouvement mécanique.

(Le Journal et les Journalistes)

Tartir

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Chier.

Delvau, 1866 : v. n. Levare ventris onus, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Aller à la selle.

Virmaître, 1894 : Vider ses intestins. Quand la marchandise est molle, elle s’aplatit en rond, comme une tarte, dont, d’ailleurs, elle a la couleur. Dans le peuple, on dit :
— Je viens de faire une tarte bourbonnaise.
Encore un emprunt à Rabelais (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voir Tarter.

Tartir (faire)

anon., 1907 : Ennuyer quelqu’un.

Tartir, tarter

La Rue, 1894 : Aller à la selle.

Tartire

M.D., 1844 : Poser culotte.

Tartouffe

Vidocq, 1837 : s. f. — Corde.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tartouffes

Clémens, 1840 : Menottes.

Tartouffes, tourtoure

La Rue, 1894 : Menottes.

Tartre (or)

Ansiaume, 1821 : Faux or.

Il croioit avoir deux bogues d’orient, elles sont de tartre.

Tas

d’Hautel, 1808 : Il feroit rire un tas de pierres. Se dit exagérément d’un homme dont l’humeur est joviale, bouffonne, agréable et plaisante.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Personne sans énergie.

France, 1907 : Billet de cent francs.

France, 1907 : Coups. Coller des tas, donner des coups.

Tu dois ben ça à ton p’tit homme
Qu’a p’têt’ été méchant pour toi,
Mais qui t’aimait ben, car, en somme,
Si j’te flaupais, tu sais pourquoi.
À présent qu’me v’là dans les planques
Et qu’je n’peux pus t’coller des tas,
Tu n’te figur’s pas c’ que tu m’manques
À Mazas.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

France, 1907 : Personne molle, sans énergie, qui s’affaisse comme un tas.

Il s’était collé avec un gros tas qui passait sa vie à roupiller.

(Les Joyeusetés du régiment)

Tas (aller sur le)

France, 1907 : Aller travailler.

Quand la marmite est à la tour
El’marle il est dans la débine…
Pour boulotter tant qu’i’ turbine,
I’s’en va su’l’tas à son tour ;
À coups d’lingue, au coin d’eune impasse…
Qu’i’ soy’ jeune ou qu’i’ soy’ barbon !Tant pis pour el’ premier qui passe…

(Aristide Bruant)

Tas (dans le)

France, 1907 : En prison ; sous-entendu de pierres, tas de pierres ; argot des voleurs.

C’est de d’la prison que j’t’écris,
Mon pauv’ Polyte,
Hier je n’sais pas c’qui m’a pris,
À la visite ;
C’est des maladi’s qui s’voient pas
Quand ça s’déclare,
N’empêch’ qu’aujourd’hui j’suis dans l’tas,
À Saint-Lazare.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

On dit aussi tas de pierres.

Tas (des)

France, 1907 : Beaucoup.

Plus que le livre, la chronique fait un sort aux termes inédits jetés sur les snobs et les pschutteux aux échos du boulevard. C’est elle qui recueille sur son tremplin les propos que tiennent les cercleux, les gommeux, les soireux et les théâtreuses des music-halls.
Quand elle reste sérieuse, elle condescend à discuter les titres des locutions nouvelles offertes à la curiosité des masses, et disserte savamment sur l’origine de poser un lapin ou avoir des pieds nickelés.
Est-elle mondaine ou demi-mondaine, elle devient le plus bizarre réceptacle des gallicismes de ceux qui la lisent et s’en font leur habituel régal. On y trouve des bouts de phrases comme ceux-ci :
—Tu n’as donc pas confiance ?
— Pas des tas !

(Pontarmé, Le Petit Journal)

Tas (être sur le)

Virmaître, 1894 : Être à l’ouvrage.
— Nous avons un tas de besogne pour beaucoup.
— J’ai un tas de choses à vous écrire, pour quantité.
— Ma marmite est sur le tas.
Pour indiquer qu’elle est couchée avec un miché (Argot du peuple et des souteneurs). N.

France, 1907 : Être à l’ouvrage.
Les souteneurs disent d’une fille qui s’occupe de raccrocher qu’elle est sur le tas.

Quand la marmite alle est su’l’tas,
C’est pour son marlou qu’a trimarde ;
Qu’a soye lirond’gème ou toquarde,
Faut qu’elle étrenne ou gare aux tas.

(Aristide Bruant)

Tas (faire un)

Rigaud, 1881 : Aller copieusement à la selle.

Tas (le)

France, 1907 : Le Dépôt.

En prison, au tas, il se corrompt par la contagion de l’exemple : il apprend la théorie du vol, et une fois en liberté, il passe à la pratique. C’est un être perdu, il roulera de prison en centrale pendant le restant de ses jours. Et il échouera finalement à la Nouvelle ou à l’abbaye de Cinq-Pierres dit Monte-à-Regret.

(Aristide Bruant, Les Bas-Fonds de Paris)

Tas (mettre sur le)

France, 1907 : Lancer dans la prostitution.

Nous deux fripouilles allumées par cette chair fraîche se communiquent avec des moues ignobles leurs préférences et, motivant leurs choix, supputent mentalement les gros gains qu’ils réaliseraient en dressant ces petits anges et les mettant sur le tas.

(Jean Lorrain)

Tas (prendre sur le)

Rigaud, 1881 : Prendre en flagrant délit de vol.

Tas (pris sur le)

France, 1907 : Pris sur le fait, en flagrant délit ; argot policier.

Tas de pierres

Vidocq, 1837 : s. f. — Prison.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Boîte aux cailloux.

Rigaud, 1881 : Prison.

France, 1907 : Prison.

Tous ceux qui rigolent encore à Pantin viennent d’être fourrés dans le tas de pierres.

(Vidocq)

Tas de pointus

France, 1907 : Brosse.

Tas-de-pierres

La Rue, 1894 : Prison.

Tasse

d’Hautel, 1808 : Boire un coup à la grande tasse. Pour, se noyer ; se jeter à l’eau.

Rigaud, 1881 : Pot-de-chambre, — dans le jargon du peuple.

Passez-leur-z’y une tasse !

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

Rigaud, 1881 : Verre de vin, — dans le jargon des typographes. — Le temps d’aller boire une tasse.

Boutmy, 1883 : s. f. Verre, demi-setier. Allons prendre une tasse, allons boire un verre.

Hayard, 1907 : Nez.

Tasse (grande)

France, 1907 : La mer. Boire à la grande tasse, se noyer.

Tasse (la grande)

Larchey, 1865 : La mer.

C’est vrai qu’un peu plus vous buviez à la grande tasse.

(Ricard)

Rigaud, 1881 : La mer. — Boire à la grande tasse, faire naufrage, se noyer.

La Rue, 1894 : La rivière. La mer.

Tasseau

Hayard, 1907 : Nez.

France, 1907 : Nez. On écrit aussi et on doit écrire tasso, de l’italien, signifiant blaireau, dont l’argot blair est l’apocope.

À cette question indiscrète
Serrant le frein presque aussitôt
Le beau jeun’ homm’ fit un’ pirouette,
Et s’escrabouilla le tasseau.

(A. Poupay)

Se piquer le tasseau, se saouler.

Qu’il pleuve ou bien qu’il fasse beau,
Tralalalala, tralalalala,
Moi je me pique le tasseau
Tralalala ;
Donc, je suis tous les jours sous l’eau !

(Réal)

Se sécher le tasseau, éternuer.

anon., 1907 : Nez.

Tasseau, tube

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. — Se sécher le tasseau, se vider le tube, se moucher. — Se piquer le tasseau, se coiffer le tube, se soûler.

Tassement

France, 1907 : Absorption d’un verre d’eau-de-vie pendant le repas, ce qu’on appelle aussi le coup du Normand.

Tasso

Virmaître, 1894 : Nez.
— Je vais te bouffer le tasso (Argot du peuple). V. Blaire.

Rossignol, 1901 : Nez.

France, 1907 : Voir Tasseau.

Taste

France, 1907 : Dégustation ; échantillon de vin. Testadou, dégustateur.

Tata

Delvau, 1866 : s. f. Femme plus bavarde que ne le permet son sexe ; belle diseuse de riens ; précieuse ; mijaurée. Faire sa tata. Se donner de l’importance ; être une commère écoutée.

Delvau, 1866 : s. f. Tante, — dans l’argot des enfants. C’est également le mot qu’ils répètent le plus souvent pour appeler leur père. On le retrouve jusque dans les épigrammes de Martial.

Virmaître, 1894 : Les enfants, les petites filles disent de l’une d’elles qui fait des manières :
— Elle fait sa tata.
Dans le monde des équivoques une tata, c’est le passif.
Il existe une chanson sur ce sujet :
C’est nous qui sommes les tatas (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

France, 1907 : Mijaurée. Faire sa tata, se donner des airs importants.

France, 1907 : Pédéraste passif. Voir Tante.

Pour les tenanciers du Lapin Couronné… les meilleures aubaines arrivaient des « chambres de passe ». Horizontales de grande ou petite marque, pierreuses, lesbiennes et tatas y faisaient mourir voluptueusement des hommes et des femmes, des vieillards et même la jeunesse des lycées et des ateliers.

(Dubut de Laforest, Les Derniers Scandales de Paris)

Dans l’argot des salles d’armes, le mot tata désignait autrefois un ferrailleur. Voir le Dictionnaire philosophique de Voltaire article T.

Tâte-au-pot

France, 1907 : Homme tatillon qui s’occupe des détails du ménage. On dit aussi tâte-poule. Voir Mitron.

Tate-minette

Halbert, 1849 : Sage-femme.

Virmaître, 1894 : Sage-femme (Argot du peuple).

Tâte-minette

Rigaud, 1881 : Sage-femme. (L. Larchey)

France, 1907 : Sage-femme.

Tate-poule

Delvau, 1866 : s. m. Innocent, et même imbécile. Se dit aussi d’un Homme qui s’amuse aux menus soins du ménage.

Tâte-poule

France, 1907 : Même signification que Tâte-au-pot.

Tâte-sauce

France, 1907 : Gourmand.

Tâter

d’Hautel, 1808 : Je n’ai point tâté de ce mets. Pour, je n’en ai pas encore mangé.
Il n’en tâtera que d’une dent. Pour, il n’en aura pas du tout.
Tâter le terrain. Pour dire, agir avec pudeur et circonspection.
Tâter le pouls à quelqu’un. Pour, le sonder essayer de connoître ses sentimens, ses dispositions.
Tâtez-vous là-dessus. Pour, consultez-vous ; voyez ce que vous avez à faire.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Peloter.

Tâter les endosses

France, 1907 : Soulever les jupons.

Le bon curé n’eût pas demandé mieux que de tâter les endosses à la petite, mais la crainte non du Seigneur, mais du gendarme qui est le commencement de la sagesse, le retenait.

(Les Propos du Commandeur)

Tateur

Fustier, 1889 : Fausse clef.

La Rue, 1894 : Fausse clé.

Tâteur

Delvau, 1866 : s. m. Peloteur.

France, 1907 : Individu qui aime à tâter les femmes, à les peloter.

Tateuse

Virmaître, 1894 : Fausse clé. Ce nom indique bien l’action ; avec une fausse clé, si bien faite soit elle, il faut que le voleur tâte la serrure avant de l’ouvrir (Argot des voleurs).

Tâteuse

France, 1907 : Fausse clé.

Tâtez-y

Delvau, 1866 : s. m. Croix à la Jeannette, ou petit cœur d’or qui pend sur la gorge des demoiselles et même des dames.

Rigaud, 1881 : Petit bijou en forme de cœur que les jeunes personnes portent sur la poitrine, à la naissance de la gorge.

France, 1907 : Bijou que portent les femmes sur la poitrine, médaillon, cœur où croix.

Une bague de cornaline, un de ces cœurs en doublé, des tâtez-y que les filles se mettent entre les deux nénais.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Tatillon

d’Hautel, 1808 : Pédant ; freluquet qui fait le serviable, l’empressé ; ce que l’on appelle vulgairement et incivilement, un petit Foutriquet.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme méticuleux à l’excès, s’occupant de riens comme s’ils étaient importants et négligeant les choses importantes pour des riens. Argot du peuple. On dit aussi Tatillonneur. L’expression a une centaine d’années de bouteille.

Tatillonnage

d’Hautel, 1808 : Soin et détail minutieux ; tracasserie ; petite subtilité qui n’aboutit à rien.

Tatillonner

d’Hautel, 1808 : Se mêler mal-à-propos des plus petits détails ; tracasser, fureter, fouiller partout.

Delvau, 1866 : v. n. S’occuper de choses qui n’ont pas d’importance ; faire la mouche du coche.

Tatouille

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Grêle de coups.

France, 1907 : Défaite, pour ratatouille, bouillie.

Figurez-vous que cette tatouille d’Iéna, en 1806, fut déjà elle-même une « revanche ». Il n’y a que cela, des « revanches », dans la vie militaire du roseau pensant. Qui n’est pas vaincu est vainqueur, et ça recommence ! Donc la tatouille d’Iéna (1806) était une réplique du tac au tac à une autre tatouille, intitulée Rosbach, que Le Dieu des armées, toujours distrait, nous avait flanquée en 1757, un 5 novembre, soit quarante-neuf autres années auparavant. À preuve que le grand Napoléon, quand il entra plus tard dans Berlin, sur son cheval blanc, fit démolir une colonne érigée à la commémoration insolente de ladite précédente tatouille.

(Émile Bergerat)

Grêle de coups.

Alors, avec un galbe époilant, sans même se donner la peine de retrousser leurs manches, les deux prolos administrèrent aux poulards une de ces tatouilles qui font époque dans l’existence d’un policier.

(Le Père Peinard)

Tatouiller

Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups.

France, 1907 : Battre.

Tattersall

France, 1907 : On appelle ainsi un établissement où l’on procède à la vente à l’encan des chevaux. Cet anglicisme nous vient d’un établissement de ce genre situé à Londres dans le quartier de Charing Cross, du nom du fondateur Richard Tattersall. Ce Tattersall était un maquignon du comté d’York qui, vers 1750, se rendit à Londres à la recherche d’un emploi. Il entra d’abord au service d’un marchand de chevaux, puis, s’étant fait remarquer pour ses aptitudes dans cette profession, il passa, en qualité d’entraîneur, au service du duc de Kingston et se trouva en contact avec les grands seigneurs de l’époque avec lesquels il vécut familièrement. L’un d’eux, lord Grosvenor, lui fit même présent d’un vaste terrain pour y créer un établissement destiné à la vente publique des chevaux auquel il donna son nom. Possesseur d’une grande fortune, il acheta dans le comté de Cambridge un château où il reçut l’élite de la société de son temps, comptant parmi ses hôtes le célèbre orateur Fox, et le prince de Galles, qui devint par la suite George IV. Ce Tattersall fut aussi le fondateur du célèbre journal qui existe encore, le Morning Post.
Le Tattersall abonde en frauduleux chevaux.

(B. M. Petilleau)

Tau de saint-Antoine

France, 1907 : Ancien nom donné à la potence. Le tau est le T grec. Saint Antoine est représenté s’appuyant sur une béquille qui a la forme du T.

Taude

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Taudion, — dans l’argot des voyous.

Taude rupine

M.D., 1844 : Maison bourgeoise.

Taude, taudion

France, 1907 : Logis, corruption de taudis ; argot populaire.

Taudion

d’Hautel, 1808 : Pour cloaque, logis misérable, sale et malpropre ; lieu de débauche et de prostitution.

Larchey, 1865 : Petit logement.

J’ai vendu ce que j’avais pour payer le taudion où nous couchons.

(Lynol)

Delvau, 1866 : s. m. Endroit quelconque ; logement malpropre, taudis. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Pour taudis ; méchante petite chambre, sale cabinet meublé.

J’ai tout mis au clou pour becqueter et payer le taudion où nous couchons moi et Jenny.

(Encore une industrie inconnue)

Puis il l’appela et la fit monter dans sa chambre, un taudion formé de lattis et plâtre.

(Huysmans, Marthe)

La Rue, 1894 : Taudis, mauvais logis.

Virmaître, 1894 : Chambre malpropre, infecte.
— N’entrez pas dans mon taudion, un chat n’y trouverait pas ses petits.
— Sa chambre est un taudis.
On dit aussi un chenil (Argot du peuple).

France, 1907 : Petit logis.

— Viens me voir dans mon taudion, nous y rigolerons comme dans un palais.

(Charleton)

Taule

Bras-de-Fer, 1829 : Bourreau.

Vidocq, 1837 : s. m. — Bourreau.

Vidocq, 1837 : s. f. — Maison.

Delvau, 1866 : s. m. Le bourreau, — d’après Victor Hugo, à qui j’en laisse la responsabilité.

La Rue, 1894 : Bourreau. Maison.

Hayard, 1907 : Demeure, domicile, chambre.

France, 1907 : Bourreau ; abréviation de tollard, vieux français.

France, 1907 : Maison. Rappliquer à la taule, rentrer chez soi ; argot des voleurs.

Il avait été gerbé à cinq longes de dur, pour un grinchissage au fric frac dans une taule habitée.

(Mémoires de Vidocq)

Chargez des bûches sur mon épaule que j’aille faire dans ma taule du feu !

(Pierre Boissie)

France, 1907 : Table, planche. Mettre la taule, mettre le couvert. Taulete, taulote, petite table. Taulasse, grande table. Tauleyadou, personne qui se plaît à rester longtemps à table. Idiome béarnais. En Bourgogne, on dit également taule pour table.

France, 1907 : Tête ; argot populaire.

— Il doit avoir tué bien du monde. Ô le gueux ! ô le scélérat ! — C’te balle ! Oh ! c’te taule !

(Théophile Gautier)

anon., 1907 : Chambre.

Taule (le)

Rossignol, 1901 : Le bourreau.

Taule ou tole

Virmaître, 1894 : La maison. Les maîtres de maisons de tolérance sont appelés des tôliers. C’est une allusion à la tôle qui barde les portes de ces maisons dans quelques villes de province, pour les défendre contre les tapageurs. C’est tôle qui est le vrai mot (Argot des souteneurs).

Taule ou tôle

Delvau, 1866 : s. f. Maison, — dans l’argot des voleurs et des voyous. C’est la piaule, moins les enfants.

Taule, toile, tollart

Rigaud, 1881 : Bourreau, — dans l’ancien argot. — Charlot, sous la Révolution. — Béquillard, après la Révolution. — Le Mecque de la camarde, de nos jours.

Taule, tôle

Larchey, 1865 : Maison.

Dans une tôle enquille en brave, fais-toi voleur.

(Vidocq)

Au moyen âge, taule signifiait table. — V. Pavillonner.

Taulée

France, 1907 : Quantité. Provincialisme. Avoir une taulée de choses plaisantes en l’esprit.

Taulot

France, 1907 : Planche sur laquelle la lessiveuse bat le linge.

Taumuche

France, 1907 : Milieu du lit.

Enfin, que vous dirai-je enrore ?
Voyons… que je me remémore…
Je sais quantité d’époux, dont
Les rapports étaient plutôt muches,
Rabibochés sur la taumuche
Après s’être accordé pardon.

(Raoul Ponchon)

Taupage

Vidocq, 1837 : s. m. — Égoïsme.

Larchey, 1865 : Égoïsme. — Tauper : Travailler. — Taupier : Égoïste (Vidocq). — Allusion à la nature active et solitaire de la taupe. — Le travail des malfaiteurs n’est-il pas un vrai travail de taupe ?

Delvau, 1866 : s. m. Égoïsme, existence cachée, — dans le même argot [des voleurs et des voyous].

Rigaud, 1881 : Égoïsme. (Fr. Michel)

France, 1907 : Égoïsme ; argot des voleurs.

Taupe

d’Hautel, 1808 : Il est allé au royaume des taupes. Pour dire que quelqu’un a terminé sa carrière ; qu’il n’est plus de ce monde.
Noir comme une taupe. Manière exagérée pour dire mulâtre ; extrêmement basané.
Taupe. Terme de mépris qui signifie courtisane ; et vile prostituée.

Delvau, 1866 : s. f. Fille de mauvaises mœurs, — dans l’argot peu chrétien des bourgeois. On dit aussi gaupe.

Rigaud, 1881 : Maîtresse d’un souteneur. Terme méprisant à l’adresse d’une femme.

France, 1907 : Prostituée ; elle travaille souterrainement comme l’animal de ce nom.

Malheur aux pantres de province
Qui flouaient la taupe à Navet !
Comme au drame, il criait : Vingince !
Malheur aux pantres de province !
Souvent, lardé d’un coup de bince,
Le micheton nu se sauvait
Malheur aux pantres de province
Qui flouaient la taupe à Navet.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Se dit aussi d’une femme vieille et laide.

À l’arrivée des troupes, l’ennemi s’enfuit avec les femmes et les enfants, laissant le reste. Deux jours après nous trouvâmes dans la prairie une vieille taupe, jugée trop décrépite pour qu’on s’en embarrassât et abandonnée aux loups.

(Hector France, Chez les Indiens)

Taupe de rempart

France, 1907 : Sapeur du génie ; argot militaire. On dit aussi taupier.

Tauper

Ansiaume, 1821 : Travailler.

Il taupe comme un cabot pour gagner 10 jacques par reluis.

Vidocq, 1837 : v. a. — Travailler.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Battre, Accabler de coups, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Tauper dessus.

Delvau, 1866 : v. n. Travailler, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Travailler.

La Rue, 1894 : Travailler. Taupiner, assassiner.

Virmaître, 1894 : Travailler. L. L. Tauper veut dire accoster. Quand les compagnons faisaient le tour de France, et que deux marchaient en sens inverse sur la grande route, ils s’interpellaient :
— Tope, pays, quelle vocation ?
— Serrurier.
— Passe au large.
S’ils étaient du même métier, ou de la même société, ils fraternisaient, autrement ils se battaient.
Cela s’écrit toper et non tauper. Toper veut aussi dire : conclure.
— Affaire faite, tope-là (Argot du peuple).

France, 1907 : Battre ; argot des canuts.

— Tais donc ton bec, gringalet, tu vas te faire tauper.

(Johnny Augier, Le Canut)

France, 1907 : Travailler ; argot faubourien. Allusion à la nature active et solitaire de la taupe.

Taupes de rempart

Merlin, 1888 : Expression ingénieuse désignant les soldats du génie, chargés de creuser les tranchées et surtout les mines.

Taupier

Ansiaume, 1821 : Amasser et cacher son argent.

Il ne grinchit pas souvent, mais il fait la taupe.

Delvau, 1866 : s. m. Égoïste.

France, 1907 : Égoïste malfaisant ; argot populaire.

Maintenant, je suis devenu vieux, et je ne suis plus méchant ; mais j’ai toujours peur du taupier. Car le taupier est éternel ; et le monde est plein de taupiers qui font du mal à toutes les pauvres petites bêtes qui voudraient vivre, à toutes les petites gens du bon Dieu. Ils vous guettent, ils vous poursuivent, ils apprêtent leur sac : on n’est point à l’abri sous les taupinières. Les entendez-vous rire ? Il y a celui qui vous trompe et celui qui vous condamne, celui qui vous affame et celui qui vous tue. Il y en a bien d’autres encore…

(Gaétan de Meaulne)

Taupier, -ère

Vidocq, 1837 : s. — Égoïste.

Taupière

France, 1907 : Séminaire, maison d’éducation religieuse ; allusion au travail occulte des cléricaux.

Taupin

Larchey, 1865 : « Le simple taupin, le candidat qui se présente à la colle d’admission à l’École polytechnique, possède déjà des connaissances supérieures. » — La Bédollière.

Delvau, 1866 : s. m. Candidat à l’École polytechnique, — peut-être parce qu’on a remarqué que la plupart des jeunes gens qui se destinent à cette école, travailleurs plus acharnés que les autres avaient de bonne heure la vue aussi faible que celle des taupes. Taupin carré. Taupin de 2e année. Taupin cube. Taupin de 3e année.

Rigaud, 1881 : Élève du cours des mathématiques spéciales. Les taupins se divisent en trois classes : le Bizut, élève de première année ; le Carré, élève de deuxième année, et le Cube, élève de troisième année. Le Carré passe pour être quatre fois plus abruti que le Bizut et le Cube neuf fois plus, — dans le jargon des élèves de mathématiques spéciales.

Rigaud, 1881 : Nom donné à l’artilleur, — dans le jargon du régiment. Allusion à la taupe qui passe pour avoir la vue basse. Nombre d’officiers d’artillerie sont dans ce cas et portent lunettes. M. L. Larchey donne encore ce nom de taupin au soldat du génie.

La Rue, 1894 : Soldat du génie.

France, 1907 : Candidat à l’École polytechnique, « peut-être appelé ainsi, dit Alfred Delvau, parce qu’on a remarqué que la plupart des jeunes gens qui se destinent à cette école, travailleurs plus acharnés que les autres, avaient de bonne heure la vue aussi faible que les taupes ». Cette étymologie peut être vraie, car autrefois il était de mode chez ces jeunes savants de s’affubler de lunettes ou de binocles pour se donner un air sérieux. Ils travaillent maintenant autant et plus qu’autrefois et cependant les lunettes ont à peu près disparu. Leur travail de jour et de nuit auquel les oblige la difficulté des examens ne les aurait-il pas fait comparer à la taupe ? La taupe creuse la terre, le taupin creuse la science.

Le taupin souffre et potasse,
C’est la devise du carré !
Il se fiche pas mal de la crasse
Qui recouvre son vieux collet,
De pommade il est toujours chiche,
Il conspue la gomme et la corniche…

(Chanson du Taupin français)

France, 1907 : Sobriquet donné au moyen âge aux francs-archers, miliciens levés et organisés pur Charles VII et dissous par Louis XI à cause du discrédit où ils étaient tombés. On les appelait francs-taupins parce que, paysans pour la plupart, les gens de guerre ne les disaient bons qu’à fouir la terre comme les taupes. Le Roux de Lincy, dans son Recueil de chants historiques, donne une chanson du temps qui montre quel peu de cas on faisait de ces milices. En voici quelques couplets :

Le franc-taupin à la guerre s’en va,
Testamenta comme un chrétien doit faire,
Il a laissé sa femme à son vicaire
Et au curé les clefs de sa maison…
Le franc taupin chez son hôte arriva :
« Vertu, morgoy, jarnigoy, je te tue. »
— Tout beau, monsieur, mes oignons sont en mue.
Il l’appaisa d’une soupe à l’ognon…
Le franc-taupin prend et vaillant estoit ;
Il assailloit fort volontiers les mouches :
« Suz-de-foit-il il faut que je vous touches. »
Mais une guêpe lui donna l’aiguillon.

C’est à la suite du licenciement des milices des francs-archers que Louis XI engagea à son service un corps de 6000 Suisses. Voir ce mot.

Taupin vaut Marotte

Delvau, 1866 : Se dit ironiquement — dans l’argot du peuple — de deux personnes qui ont les mêmes vices ou la même laideur physique. On dit aussi Taupin vaut Taupine.

Taupine

d’Hautel, 1808 : Pour dire, noire de peau ; excessivement brune, basannée ; visage hâlé du soleil.

Taupiner

d’Hautel, 1808 : Manier brusquement et sans soin ; tripoter, patiner ; bouleverser quelque chose.

Fustier, 1889 : Assassiner.

France, 1907 : Assassiner ; littéralement, envoyer chez les taupes ; argot des malfaiteurs.

Taupinier

France, 1907 : Casanier ; personne qui ne sort pas de chez elle, à l’exemple des taupes qui ne sortent guère de leurs galeries souterraines.

Taupinière

Rigaud, 1881 : Cours de mathématiques spéciales, — cours préparatoire pour l’admission à l’École Polytechnique.

France, 1907 : Établissement scolaire où l’on prépare les élèves qui se destinent à l’École polytechnique, les taupins.

Tayon

France, 1907 : Aïeul ; vieux français. Le féminin est taye.

Et me fit très bonne chère pour la cause de ce que, dans ma jeunesse, j’avais été clerc et familier du noble roi Édouard, son tayon, et à Madame Philippe de Hainaut, reine d’Angleterre, sa taye.

(Chroniques de Froissart)

Taz

France, 1907 : Prison de Mazas ; argot des voleurs.

Taze

La Rue, 1894 : Nez. La prison Mazas.

Tchink

France, 1907 : Corruption de chic.

— Vous savez qu’on ne dit plus pschutt, ni vlan, ni ah !… on dit tchink. Ainsi les mardis aux Français sont tchink… Moi, je suis tchink, et le baron ne l’est pas.

(Octave Feuillet, 1884)

Ce tchink n’a pas fait son chemin, pas plus que son cousin tchock, qui fit son apparition vers 1887.

Te Deum

France, 1907 : Discours.

— Un bien digne homme, c’est lui qui est à la tête de toutes les bonnes œuvres de la paroisse de Sainte-Éleuthère… Il dirige un tas de sociétés, les Petits-Fumistes, les Enfants sans père, des Madeleines repenties… Voilà comment que Sylvie l’a connu… Tu sais qu’elle était très malheureuse avec un père poivrot et une mère ivrognesse… Il la retirée de chez ses parents et l’a placée dans au ouvroir. Mais ma Sylvie se rasait. Un beau jour, v’là qu’elle file… et qu’elle se met à faire la noce… Un soir, qu’elle s’occupait rue Montmartre, elle tombe juste sur m’sieu Tiburce… D’abord, elle a eu honte et elle a cherché à se tirer… Trop tard, par exemple ! Tu penses le Te Deum qu’il lui a refilé, le vieux…

(Oscar Méténier)

Te Deum raboteux

Rigaud, 1881 : Scène de ménage avec accompagnement de coups de poing. — Faire chanter un Te Deum raboteux à la bourgeoise, battre sa femme jusqu’à ce qu’elle crie.

France, 1907 : loc. mét. Bâton. Chanter un Te Deum raboteux, crier sous les coups.

— Sa femme l’a bousculé, ils se sont cognés ; il lui a fait chanter un Te Deum raboteux.

(Denis Poulot, Le Sublime)

Técéfiste

France, 1907 : Membre du Touring-Club de France. Néologisme formé des trois lettres T. C. F. indiquant ce club et qui accompagnent la signature de ses membres.

Teigne

d’Hautel, 1808 : Cela tient comme une teigne. Se dit d’une chose qui est difficile à enlever ; qui est très-adhérente.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme acariâtre, hargneuse dont on ne peut pas se débarrasser. On dit aussi Gale.

Rigaud, 1881 : Méchant, taquin et, vulgairement, méchante teigne.

Hayard, 1907 : Méchant.

France, 1907 : Méchant, hargneux.

Et pis, mon p’tit loup, bois pas trop ;
Tu sais qu’t’es teigne,
Et qu’quand t’as un p’tit coup d’sirop
Tu fous la beigne ;
Si tu t’faisais coffrer, un soir,
Dan’ eun’ bagarre,
Y a pus personn’ qui viendrait m’voir
À Saint-Lazare.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Teint de bois

France, 1907 : Vagabond. Allusion au hâle des gens qui vivent en plein air.

Teinté

Larchey, 1865 : Enluminé par l’ivresse.

Teinté (être)

Delvau, 1866 : Commencer à être gris, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Avoir un commencement d’ivresse.

Teinturier

Larchey, 1865 : « Tous les hommes politiques ont besoin d’avoir auprès d’eux des sous-hommes politiques ou des supérieurs qu’ils consultent, qu’ils laissent écrire ou qu’ils s’assimilent… Dans le style des affaires publiques, ceux qui exercent cette influence s’appellent des teinturiers, parce qu’en effet ils se chargent de donner de l’étoffe à des hommes d’État des couleurs différentes. » — Roqueplan. Il y a aussi des teinturiers littéraires. On lit dans les mémoires secrets (25 sept. 1775) :

La comtesse de Beauharnais a fait présenter une comédie. Elle a été reçue : on ne doute pas que le sieur Dorat ne soit son teinturier.

Delvau, 1866 : s. m. Homme de lettres qui met en français un travail littéraire fait par un illettré, et lui donne du style, de la poésie, de la couleur. Il y a aussi les teinturiers politiques, c’est-à-dire des gens supérieurs que les hommes d’État inférieurs s’attachent par tous les moyens pour profiter de leurs lumières et s’assimiler leurs talents. Voltaire a employé ce mot, très clair, très significatif.

Rigaud, 1881 : Manœuvre de lettres, chargé de corriger, de faire même l’œuvre d’un autre et qu’un autre signera. Voltaire a été le teinturier de Frédéric le Grand.

Une espèce de petit-collet, teinturier, chargé de soumettre le génie de madame aux règles de la syntaxe.

(Jouy, Guillaume le franc-parleur)

La Rue, 1894 : Avocat. Homme de lettres qui revoit, corrige et met en français le travail d’un autre avant sa composition.

France, 1907 : Avocat. Il teint son client de couleurs avantageuses.

Ne va rien casser au jaunier,
Mais jaspine à ton teinturier.

(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)

France, 1907 : Écrivain qui remanie le travail d’un confrère inexpert ou sans talent.

On pourrait dire que de même qu’un teinturier donne une couleur aux tissus qui n’en ont pas, de même l’industrie du teinturier littéraire consiste à mettre en couleur un pâle canevas. Cependant il se pourrait que cet emploi du mot teinturier fût l’application d’un passage de J.-J. Rousseau : « À Paris, le riche sait tout ; il n’y a d’ignorant que le pauvre. Cette capitale est pleine d’amateurs, et surtout d’amatrices, qui font leurs ouvrages comme M. Guillaume inventait ses couleurs. »

(L’intermédiaire des chercheurs et curieux)

Ce M. Guillaume dont parle Rousseau est un personnage de l’Avocat Patelin, comédie de Brueys et Palaprat, qui, complimenté sur la couleur d’un certain drap qu’il a en magasin et félicité de l’avoir trouvée, répond modestement qu’il en est l’auteur avec son teinturier.

Il ne rêvait que le ruban rouge, n’aspirait qu’a fleurir de cet œillet sa boutonnière, et ne savait comment y atteindre, comment réaliser le plus cher, le plus obsédant et poignant de ses désirs. Il avait fait rédiger par un de ses commis un gros mémoire sur la « Question monétaire », et publié, toujours grâce au même teinturier, un Aide-manuel des assurances, que l’Académie des sciences morales et politiques avait daigné honorer d’une mention.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

France, 1907 : Marchand de vin.

Tel

d’Hautel, 1808 : Tel croit être sain, qui porte la mort dans son sein. Jeu de mot dont le principal mérite est de donner un exemple homonyme.

Tel maître, tel valet

France, 1907 : Rien de plus vrai que ce dicton. On reconnait la morgue des parvenus à l’insolence de leur valetaille. « Le sujet se façonne aux humeurs de son roy, tel maistre tel valet ; selon le seigneur la mesnie est dirigée. »

(Contes d’Eutrapel, 16e siècle)

Téléautographie

France, 1907 : Télégraphie des dessins. D’après l’inventeur, un Américain, le téléautographe serait très simple : une aiguille placée à l’une des extrémités du fil suit les contours et les différentes lignes du dessin ; à l’autre bout, un papier spécialement préparé en reçoit fidèlement l’empreinte.
Les portraits et croquis téléautographiques diffèrent des autres : les traits ne sont pas constitués par des lignes, mais par des hachures aussi fines et resserrées que les lignes des plaques de miméographes.

(Juillet 1898)

Télégonie

France, 1907 : « — La télégonie, c’est, en deux mots, une espèce d’influence que, dans le mariage, un premier époux pourra avoir sur la progéniture d’un second. On a bien cité quelques cas dans l’espèce humaine, mais c’est chez les bêtes qu’on en rencontre le plus : et l’on dit qu’il y a télégonie quand une chienne épagneule, comme la vôtre, qui a convolé en premières noces avec un danois, suivant l’exemple présent, donne à son second époux, épagneul comme elle, des petits chez lesquels on retrouve des caractères évidents du danois.
— Alors, une femme blanche, veuve d’un nègre, ayant eu des enfants de lui, puis remariée à un pierrot ou à un farinier, pourrait, par les soins de ce dernier époux, mettre au monde de petits négrillons ?
— Absolument, ça s’est vu, répondit le docteur. »

(Maurice Montégut, La Fraude)

Télégraphe

La Rue, 1894 : Signes convenus entre malfaiteurs. Signes entre grecs pour indiquer le jeu de l’adversaire.

Télégraphe (faire le)

Fustier, 1889 : « À cette énumération il faut ajouter le truc du télégraphe qui s’emploie pour tous les jeux de cartes. Faire le télégraphe, envoyer le duss ou le sert (V. Delvau, Sert), c’est faire connaître au complice qui tient les cartes, le jeu de la victime derrière laquelle on se tient à cet effet en paraissant prendre un grand intérêt à sa partie. »

(Henri IV, 1881)

France, 1907 : Se tenir derrière un joueur de façon à voir son jeu et renseigner par signes son partenaire ; argot des joueurs. Se dit aussi de celui qui fait le télégraphe.

Si t’as un rupin télégraphe,
File de riff’ et sans le taffe.

(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)

Télégraphe sous-marin

Rigaud, 1881 : Langage des pieds en omnibus, au théâtre, à table.

Télégraphe sous-marin (faire le)

France, 1907 : Se dit des amoureux qui se pressent tendrement les pieds sous la table.

J’étais en train d’essayer de lui faire ce qu’on appelle le télégraphe sous-marin, mais le malheur veut qu’au lieu de prendre son pied je presse amoureusement celui de sa mère.

(Confessions de l’abbé Ledru)

Télépathie

France, 1907 : Communication de la pensée à distance.

Est-ce que vous croyez ce qu’on dit au sujet de ces phénomènes étranges ? La télépathie — oh ! le vilain mot — vous intéresse-t-elle ? Ou bien pensez-vous que l’influence d’âme à âme soit plus puissante à mesure que la distance entre les corps diminue ?

(Fernand Lafargue, Baiser perdu)

Telum imbelle sine ictu

France, 1907 : Trait impuissant et sans force ; locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.

Témoins

France, 1907 : Testicules.

Témoins à décharge

Delvau, 1864 : Les deux roustons, qui, lorsque le vit est en cause, ont de quoi le faire décharger. Suivant les témoins à décharge, Le vol doit être récusé. — Les imposteurs ! répond Glycère, N’écoutes pas leurs faucs rapports, Ils n’ont rien vu, c’est bien sincere, Car tous les deux étaient dehors… L’abbé… avoit en ses jeunes, ans perdu ses deux témoins instrumentaires… en descendant d’un bellooief : c’est un prunier sauvage… (Contes d’Eutrapel) Les dames rirent assez de Castor, qui était resté sans témoins.

(P. de Larivet)

Tempérament

d’Hautel, 1808 : Il a un bon tempérament de croire cela. Se dit ironiquement à quelqu’un qui fait des propositions ridicules ; et dans le même sens que, Il a un bon foie.

Delvau, 1864 : Ardeur amoureuse.

Qui sait, hélas ! si ton, tempérament
Ne trahit pas ton malheureux amant.

(Voltaire)

Né avec un tempérament de feu, je contras a peine ce que c’était qu’une belle femme que je l’aimai.

(Diderot)

Pine-moi plutôt un de ces grands drôles
Qui crevant de tempérament,
Larges des reins et des épaules :
C’est dit nanan.

(É. Debraux)

Tempérament (à)

Rigaud, 1881 : Payement par fraction de mois en mois. — Acheter à tempérament, acheter avec la faculté de payer tant par mois. Ce genre d’opération est très usité entre filles galantes et marchandes à la toilette. Ces dames, qui ont le petit mot pour rire, appellent encore ce mode de payement : « À tant par amant ».

Elle leur avance les sommes nécessaires, qu’elles remboursent à tempérament.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris)

Tempérament (acheter à)

France, 1907 : Acheter en payant par acomptes.

Ce genre d’opération est très usité entre filles galantes et marchandes à la toilette. Ces dames qui ont le petit mot pour rire, appellent encore ce mode de payement à tant par amant.

(Lucien Rigaud)

Tempêter

d’Hautel, 1808 : Faire du bruit, criailler, se laisser aller à la colère et à l’emportement ; faire tapage, et souvent pour peu de chose.

Temple

Vidocq, 1837 : s. m. — Manteau.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Delvau, 1866 : s. m. Manteau, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Salle de réunion, — dans l’argot des francs-maçons.

Rigaud, 1881 : Vêtement d’occasion c’est-à-dire acheté au Temple.

France, 1907 : Vêtement ou objet acheté au marché du Temple ; argot populaire.

Temple de cypris

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où nous faisons tous nos dévotions à genoux, de la langue et de la queue.

Lors il n’y a tétons ni fesse rebondie,
Cuisse, ventre, nombril, ni temple cyprien.
Que je ne baise, et tâte, ou retâte au manie.

Temple de l’amour

France, 1907 : Parties sexuelles de la femme.

Templier

d’Hautel, 1808 : Boire comme un Templier. Boire avec excès, faire débauche de vin ; parce que, dit-on, les chevaliers de cet ordre dans le temps de la décadence de leur société, s’adonnoient à toutes sortes d’excès.

Templier (boire ou jurer comme un)

France, 1907 : Boire aves excès, jurer Comme un sacripant. Philippe le Bel voulant s’emparer des richesses immenses des Templiers après avoir vainement sollicité l’honneur d’être affilié à l’ordre, résolut de les supprimer, et pour cela les accusa de toutes sortes de crimes dont le moindre était l’ivrognerie. « Je ne boy en plus qu’une esponge, je boye comme ung templier. »

(Rabelais)

Cet ordre religieux et militaire, fondé en 1118 par Hugues des Païens, Geoffroy de Saint-Omer et sept autres chevaliers français, dans le but de protéger les pèlerins sur les routes de la Palestine, but auquel se joignit plus tard celui de défendre le Saint-Sépulcre contre les Sarrasins, avait cependant reçu du réformateur de Cîteaux, saint Bernard, une règle des plus austères. Ils devaient faire la guerre sainte jusqu’à la mort, sans quartier, fussent-ils un contre trois. Pas de rançon, pas un pan de mur, pas un pouce de terre.
Baudouin II, roi de Jérusalem, leur donna pour demeure un palais attenant à l’emplacement de l’ancien temple, de là leur nom. Le grand maître avait rang de prince et se regardait l’égal des souverains. Malgré leur vœu de pauvreté, ils avaient en effet acquis de telles richesses, qu’en 1244 ils possédaient déjà 9000 baillages, commanderies ou prieurés, auxquels attenaient des fiefs immenses et à peu près indépendants de toute juridiction autre que la leur. Quant à leur vœu de chasteté, nous n’en parlerons pas et pour cause.

Tempora mutantur et nos mutamur in illis

France, 1907 : Les temps changent et nous changeons avec eux. Locution latine.

Tempora si fuerint nubila, solus eris

France, 1907 : Tous vous abandonnent dans l’adversité ; littéralement : Si le temps s’assombrit, tu seras seul. Locution latine tirée du poète Ovide.

Temps

d’Hautel, 1808 : Coup-de-temps. Expression populaire qui présente l’idée d’une chose faite avec finesse et dans un mauvais dessein ; coup de jarnac, mauvais tour.
J’ai vu le coup-de-temps. Pour, je me suis aperçu du tour qu’il vouloit me jouer.
Un temps de demoiselle. On appelle ainsi un temps, où il ne fait ni pluie, ni vent, ni soleil.
Il fera beau temps quand j’irai le voir. Pour, je me garderai bien dorénavant d’aller le voir.

Temps (voir le coup de)

Larchey, 1865 : Prévoir à temps pour parer. — Terme d’escrime. — V. d’Hautel, 1808.

France, 1907 : Prévoir une chose, un événement.

Temps de bûche

Delvau, 1866 : s. m. Époque qui précède les examens, — dans l’argot des étudiants.

France, 1907 : Les semaines qui précèdent l’époque des examens, où les candidats aux diplômes se mettent sérieusement à bûcher.

Temps de chien

Delvau, 1866 : Mauvais temps, pluie ou neige, — temps à ne pas mettre un chien dehors. Argot du peuple.

Temps de demoiselle

Delvau, 1866 : s. m. Quand il ne fait ni pluie ni soleil, ni poussière ni vent.

France, 1907 : Ni pluie, ni vent, ni soleil. Ce vieux dicton, qui peut paraître ridicule, peint cependant en deux lignes la façon puérile et niaise dont les bourgeoises d’autrefois élevèrent leurs filles en en faisant de petites poupées ignorantes, sensitives et veules, enveloppées d’une atmosphère de fadeurs.

Temps froid

France, 1907 : Silence prolongé sur la scène ; argot théâtral. Dans le même argot, prendre du temps, c’est trop détailler les situations de son rôle, exagérer les gestes de nature à accentuer le débit.

Temps pommelé, pomme ridée et femme fardée ne sont pas de longue durée

France, 1907 : Ce vieux dicton ne saurait trop être répété par les mères à leurs filles, mais comme les mères se fardent elles-mêmes, les filles pourraient leur répondre par la fable de l’Écrevisse… Et c’est pourquoi il y a tant de jeunes femmes flétries à trente ans. Le fard devient alors une nécessité. Au XVIIIe siècle, les Parisiennes étaient célèbres pour leur visage plâtré. L’on sait le mot de cet étranger à qui l’on demandait ce qu’il pensait de leurs charmes : « Je ne me connais pas en peinture », répondit-il.

Temps que Berthe filait (du)

France, 1907 : An bon vieux temps. Allusion aux romans carlovingiens où lu reine Berthe est représentée filant. C’est cette Berthe, l’héroïne d’un poème d’Adenez (XIIIe siècle), que l’on retrouve dans la délicieuse ballade de François Villon :

Dictes-moy où, n’en quel pays
Est Fiora, la belle Romaine,

La royne Blanche comme ung lys
Qui chantoit à voix de sereine ;
Berthe au grand pied, Bietris, Allys…
Et Jehanne, la bonne Lorraine,
Qu’Anglois bruslèrent à Rouen ;
Ou sont-ilz, Vierge souveraine ?…
Mais où sont les neiges d’antan !

Il est d’autres versions. Leduchat prétend que cette Berthe était reine de Bourgogne, Bullet, dans ses dissertations sur la Mythologie Française, que c’est la veuve du comte de Blois, première femme du roi Robert, que Grégoire obligea de quitter son second mari. Elle est représentée avec un pied d’oie au portail de plusieurs cathédrales. Quoi qu’il en soit, ce proverbe fait simplement allusion à la simplicité des temps reculés, où les reines filaient et où les rois épousaient des bergères.

La grande Berthe jusqu’a soixante ans attacha à son char de nombreux amants français et italiens. Pendant qu’elle régna en Toscane, la grande Berthe bouleversa la Péninsule au gré de ses caprices… Elle tenait par ses galanteries les plus puissants personnages. Quand sa conduite avait blessé un prince, elle le désarmait par sa beauté et ses grâces faciles. Par une incroyable bizarrerie, le règne de cette Messaline diplomate fut désigné comme le bon vieux temps : Au temps que Berthe filait ; les Italiens disent : Al tempo che Berta filava.

(Benjamin Gastineau, Les Courtisanes de l’Église)

Temps que l’on se mouchait sur la manche (du)

France, 1907 : Autrefois, aux temps lointains. Ce dicton, indice de la malpropreté de nos ancêtres, est encore une actualité, car combien d’enfants s’essuient le nez sur leur manche ! C’est même pour obvier à cette peu ragoûtante façon qu’est venue la mode de poser trois boutons sur la manche des soldats, usage conservé jusqu’à nos jours. On disait aussi dans le même sens : Du temps que les bêtes parlaient.

Temps salé

Delvau, 1866 : s. m. Temps chaud, qui fait boire.

France, 1907 : Fortes chaleurs ; elles altèrent.

Tempus edax rerum

France, 1907 : Le temps destructeur de tout. Locution latine tirée d’Horace.

Tempus omnia revelat

France, 1907 : Le temps révèle tout. Locution latine.

Tenante

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chopine, bouteille.

Vidocq, 1837 : Chopine.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Rigaud, 1881 : Chopine ; et particulièrement, chopine d’eau-de-vie.

France, 1907 : Mesure de la contenance d’une pinte, chopine ; argot populaire.

Tenante, tezière, tezignard

Halbert, 1849 : Toi.

Tenante, tezière, tezignard, tezingand

anon., 1827 : Toi.

Tendeur

Virmaître, 1894 : Homme qui est toujours prêt à satisfaire une femme gourmande et passionnée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voir rippeur.

France, 1907 : Homme de complexion amoureuse. Vieux tendeur, vieux débauché. Argot populaire.

Très tendeur, il se payait d’autor les plus girondes ouvrières…, et fallait pas qu’une lui résistât, — sinon, du balai !
Ce n’était pas qu’un coq, c’était aussi un cochon : un jour, il appela dans son bureau une ouvrière et, se débraillant, lui mit le marché en main.

(Père Peinard)

Pour les vieux tendeurs qu’assomme
Une ronfle à grippart,
On s’camoufle en p’tit jeune homme,
En tant’ figne-à-part,
Quand l’pant’ a l’doigt dans la miche,
S’i’n’ casque pas gros,
Gare au bataillon d’la guiche !
C’est nous qu’est les dos.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Tendeur de demi-aune

France, 1907 : Mendiant ; argot populaire. On dit aussi tend-la-main.

Tendeuse

France, 1907 : Araignée.

Tendre

d’Hautel, 1808 : Tendre comme rosée. Hyperbole qui s’emploie pour dire qu’une viande est extrêmement tendre, qu’elle est bien mortifiée.
Jeune femme, pain tendre et bois vert mettent la maison à l’envers. Le premier des trois articles suffit seul pour produire ce nuisible effet.

Tendre (?)

Rossignol, 1901 : Il faut tendre pour ripper.

Tendre la perche

Delvau, 1866 : v. a. Venir en aide à quelqu’un qui se trouble dans une conversation ou dans un discours.

Tendre sa rosette

Delvau, 1864 : Se laisser enculer par un homme.

Tendre son plat à barbe

France, 1907 : Écouter.

Tendresse

d’Hautel, 1808 : Le peuple dit en parlant d’une viande mortifiée, qu’Elle est d’une tendresse extrême ; c’est tendreté qu’il faut dire.

France, 1907 : Euphémisme pour fille galante.

Tendron

Delvau, 1866 : s. m. Grisette, jeune fille à laquelle il est permis de manquer de respect, — dans l’argot des bourgeois.

Ténébreux

France, 1907 : Chaloupe du Borda.

Tenir

d’Hautel, 1808 : Il est bon par où je le tiens. Se dit en plaisantant d’un enfant espiègle, égrillard, vif et malicieux.
Se tenir les côtes des rire. Rire à gorge déployée, d’une manière démesurée.
Tenir quelqu’un dans sa manche. Pouvoir en disposer souverainement, pouvoir compter sur lui.
Tenir quelqu’un le bec dans l’eau. L’amuser par de vaines promesses, le tromper par de fausses espérances.
Tenir le bon bout. Pour dire être nanti, avoir ses sûretés ; pouvoir faire la loi aux autres.
Il n’y a rien qui tienne. Pour dire aucune considération ne peut empêcher cette résolution.

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Tenir l’affiche, se dit d’un auteur qui a du succès et dont les pièces reparaissent souvent sur l’affiche.

Voici maintenant dix-sept ans bien comptés qu’il (M. V. Sardou) tient l’affiche, comme on dit dans le familier langage des coulisses.

(Revue des Deux Mondes, 1er mars 1877)

Tenir (en)

Larchey, 1865 : Aimer d’amour.

Est-ce de l’amour ? Alors, il faut qu’elle en tienne furieusement, puisqu’elle fait de tels sacrifices.

(Ricard)

Delvau, 1866 : Avoir de l’amour pour quelqu’un, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Être amoureux. — Je crois qu’elle en tient pour lui. — Être trompé par sa femme. Mot à mot : tenir des cornes. — Et vous dites que sa femme l’aurait… Il y a beau jour qu’il en tient.

France, 1907 : Être amoureux.

Sans intention libertine,
Sans calcul coupable et trop clair,
J’en tiens pour Auclert Hubertine…
Ou bien Hubertine Auclert.

(Beausapin)

Tenir à 40 sous avec son croque-mort (se)

Delvau, 1866 : Se débattre dans l’agonie, ne pas vouloir mourir. Cette expression, aussi cynique que sinistre, est du pur argot de voyou. Si je ne l’avais entendue de mes oreilles, je l’aurais crue inventée.

Tenir à l’œil

France, 1907 : Surveiller.

Tenir à quatre (se)

Delvau, 1866 : Se contenir tout en enrageant ; ne pas oser éclater. Argot du peuple. On dit aussi Être à genoux devant sa patience.

Tenir bien sur ses ancres

Delvau, 1866 : v. n. Être en bonne santé, — dans l’argot des marins.

Tenir dans sa manche

France, 1907 : Voir Paire de manches.

Tenir l’affiche

France, 1907 : Se dit d’un auteur dont la pièce a du succès : Il tient longtemps l’affiche.

Ce serait le cas peut-être de recourir à l’équation fameuse du barbier de Beaumarchais, et de se poser ce problème : À la valeur littéraire de la plupart de ceux qui détiennent l’affiche à Paris, combien y en a-t-il qui pourraient être de simples journalistes de talent ?

(Émile Bergerat)

Tenir la chandelle

Delvau, 1864 : Avoir des complaisances honteuses pour un commerce de galanterie ; se faire maquereau.

Quand vous venez, à Fabrice dit-elle,
Me faire tenir la chandelle
Pour vos plaisirs jusque dans ma maison.

(La Fontaine)

À son destin j’abandonne la belle,
M me voilà ; des esprits comme nous
Ne sont pas faits pour tenir la chandelle.

(Parny)

Tu m’as pris pour un imbécile… Comment ! moi j’irais tenir la chandelle !

(Jaime fils)

Delvau, 1866 : v. a. Être témoin du bonheur des autres, sans en avoir sa part ; servir, sans le savoir, ou le sachant, une intrigue quelconque. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Manger son pain sec au fumet du bonheur d’un couple. Variante : Marquer les points.

La Rue, 1894 : Servir une intrigue. Être témoin du bonheur d’un autre.

Virmaître, 1894 : Mari complaisant qui sait que sa femme le trompe et qui accepte ça très tranquillement. L’amant de cœur d’une fille entretenue. Ils tiennent la chandelle (Argot du peuple).

France, 1907 : Servir complaisamment les amours d’autrui ; assister aux joies amoureuses des autres sans y prendre part, comme quelqu’un qui tiendrait une lumière pour éclairer les ébats de deux amants.

Ils ont d’ailleurs des procédés variés, ces messieurs : l’un fait serrer les poucettes au patient par les gendarmes, l’autre lui procure une entrevue avec sa maîtresse et tient la chandelle. Je ne parle pas du coup du téléphone, c’est une espièglerie sans importance.

(Gil Blas)

Jadis vivait à la Villette
Un gros et solide épicier,
Vieux roublard à l’air finassier
Vendant force poivre et tablette,
Aux côtés de ce bon messier,
Sa femme — une gente poulette —
Toute mignonne et rondelette,
Faisait l’office de caissier.
Comme elle était fort accessible,
Le bénéfice était sensible
Et le mari toujours charmant,
Il laissa faire l’infidèle,
Sachant qu’on gagne sûrement
À tenir ainsi la chandelle.

(Gil Blas)

Tenir la corde

Delvau, 1866 : v. a. Être le succès, le héros du jour, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunte cette expression aux sportsmen.

France, 1907 : Marcher en tête, dépasser ses concurrents.

Tenir la dragée haute

France, 1907 : « Expliquer aux bonnes gens, inavisés des choses de lettres, pourquoi on en arrive à tenir ainsi, pendant quarante-sept ans, la dragée haute à un ouvrage, parce que cet ouvrage est le plus original et le préfère de son auteur, et uniquement à cause de cette préférence, ce serait les initier à des mœurs théâtrales si honteuses pour la profession qu’il vaut mieux les couvrir d’un voile. »

(Émile Bergerat)

Tenir la jambe à quelqu’un

France, 1907 : Retenir quelqu’un par des bavardages, des racontars.

Tenir le bec dans l’eau

France, 1907 : Bercer quelqu’un par de belles espérances, l’amuser, le faire attendre longtemps ce qu’on lui a promis.

Tenir le crachoir

France, 1907 : Bavarder.

J’aim’ pas les raseurs politiques ;
Faux radicaux, tas d’bonisseurs,
Fait’s vos discours à mes deux sœurs !
Je n’serai jamais d’vos pratiques
J’préférais Salis t’nant l’crachoir
Au Rochechouart !

(Victor Meusy)

Tenir le loup par les oreilles

France, 1907 : Se trouver dans une position embarrassante et dangereuse ; dicton tiré d’une locution latine : Tenere lupum auribus. Se dit encore pour : Surmonter une difficulté.

Tenir le mulet

France, 1907 : Attendre quelqu’un à la porte.

Durant qu’il attendait dans le carrosse, pour ne pas tenir le mulet, il s’accosta d’une voisine.

(Tallemant des Réaux)

Tenir sur le marbre

France, 1907 : On dit, dans le langage des journalistes et des typographes, qu’un article est tenu sur le marbre lorsqu’il est tout composé et prêt à paraitre quand se présentera l’actualité pour laquelle il a été rédigé à l’avance. C’est ainsi que quand on attend la mort d’un personnage de marque, on prépare an article biographique qui reste sur le marbre et se trouve ainsi tout prêt à paraître quand l’heure est venue.

Tenir sur les fonds

France, 1907 : Déposer, témoigner contre quelqu’un.

Tenir sur les fonts

Delvau, 1866 : Déposer comme témoin contre un accusé, — dans l’argot des voleurs. (V. Parrain.)

Tenir sur ses ancres

France, 1907 : Être solide, en bonne santé ; argot des gens de mer.

Un fort gaillard, cet abbé, bien bâti, larges épaules, large poitrine, tenant bien sur ses ancres, comme disent les marins.

(Confessions de l’abbé Ledru)

Tenir une maison

Delvau, 1864 : Avoir un bordel, qu’on autorise seulement les femmes à tenir, a leurs risques et périls : seul commerce qui aille bien !

Tu connais pas Morin, qu’est de la police ?… qui vit à Rouen, rue Ricardière, cont’ la rue aux Ours, avec eune femme qui tient eune maison.

(H. Monnier)

Ténor

Fustier, 1889 : Argot de journaliste. Écrivain qui rédige habituellement l’article de tête du journal.

Tenorino

France, 1907 : Petit ténor.

Par-dessus les grands désarrois
Où roulent Sceptres, Mitres, Croix,
Les forains sont les derniers rois.
Lorsque la peur nous déconseille
La Guerre, bacchante à la seille
Pleine de sang, reste Marseille.
Ou ce joli ténorino
Qui défie et vainc, tout en eau,
Quatre lions, Juliano !

(Catulle Mendès)

Tenue

Delvau, 1866 : s. f. Assemblée, réunion, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Convent, — mais surtout à propos de réunions d’un caractère particulier, plus solennel que les tenues. Tenue d’obligation. Jour fixé pour les assemblées de la loge. Tenue extraordinaire. Réunion pour une fête d’adoption, pour une réception d’urgence, etc.

Tenue (rentrer en grande)

Merlin, 1888 : Avec son pompon, gris.

Tenue de dragon (petite)

France, 1907 : En chemise ; argot militaire.

Il se trouvait en petite tenue de dragon lorsque entra la blanchisseuse.

(Les Joyeusetés du régiment)

Tepêt (poser)

France, 1907 : Poser culotte.

Et dans Paris gorgé d’troupiers
Où faut ben que j’mèn’ ma vadrouille,
Gn’aura ben vingt meillons d’petsouilles
Qui viendront m’piler les doigts d’pieds !
Et on r’fra rendr’ par des soldats
Les grands z’honneurs aux p’tits cacas
D’ la p’tit’ Grand’ Duchesse Olga.
Et quand le tzar pos’ra tepêt
Félix Faure instruit d’ la chosette,
S’enfil’ra aux wouater-clozettes
Où pour pas troubler l’harmonie
Y rest’ra à s’fair’ la causette
Jusqu’à c’que l’Emp’reur ait fini.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Tératologue

France, 1907 : « Qui diable peut encore s’intéresser aux séances du Sénat, hormis les malades sujets aux insomnies, les tératologues ou ceux qui collectionnent, comme Flaubert préparant son Bouvard et Pécuchet, les anas de la sottise humaine ? »

(Intransigeant)

Terminer sa ritournelle

France, 1907 : Voir Renverser son écuelle.

Ternaux

Larchey, 1865 : Châle de la fabrique Ternaux.

Elle prit un schal de coton ; — le ternaux était au… Mont de Piété.

(Ricard)

Delvau, 1866 : s. m. Cachemire français, — dans l’argot des lorettes, qui ne savaient pas que ce nom de choses est un nom d’homme, celui d’un industriel qui le premier en France entreprit de fabriquer des châles avec la laine d’un troupeau de chèvres du Thibet amenées en 1818 à ses frais.

Rigaud, 1881 : Cachemire qui n’a rien à voir avec son frère des Indes. Châle français ; le rêve des portières, la cauchemar des élégantes.

Terrage

France, 1907 : Petite pièce de terre, propriété en pré ou en champ.

Son père, l’ancien charron, mort quand elle touchait à sa majorité, lui avait laissé comme héritage la maison, le jardin attenant et un terrage affermé moyennant cinq cent francs. En ce pauvre pays de la montagne langroise, cela faisait d’elle un parti très sortable.

(André Theuriet)

Terrasse

Fustier, 1889 : La partie du trottoir envahie par les tables et les chaises de MM. les cafetiers.

Terre

d’Hautel, 1808 : Il a peur que la terre ne lui manque. Se dit par ironie d’un homme qui se lamente les mains pleines, qui tremble à chaque instant que l’argent ne vienne à lui manquer.
Cette parole n’est pas tombée à terre. Pour dire qu’on l’a relevée, qu’on y a risposté vigoureusement.
Aller terre à terre. Se comporter avec prudence, ne pas sortir des bornes de sa condition.

Terre jaune (amateur de)

France, 1907 : Pédéraste.

Certes, le Père Peinard ne parle pas le langage des aristos, des ostrogoths, des sacristains, des amateurs de terre jaune et autres mecs honorables. Cependant les putains de la haute, pas plus que les birbes faisandés ne sauraient en le lisant satisfaire leurs goûts pour les cochonneries.

(Père Peinard)

Terre-Neuve (banc de)

Rigaud, 1881 : Partie du boulevard comprise entre la Porte Saint-Denis et la Madeleine, — dans le jargon des souteneurs.

Les macs disent par abréviation : Aller au banc ; c’est aller à la recherche d’une femme. Le soir il viendra voir le défilé du banc de Terre-Neuve ; il trouvera là son affaire dans les prix doux.

(Le Sublime)

Le poisson s’est fait pêcheur. Il va à Terre-Neuve pêcher une morue.

Les mœurs des maquereaux sont assez connues pour qu’il ne soit pas besoin de vous apprendre qu’ils fraient de préférence avec les morues.

(Tam-Tam du 6 juin 1880)

Terreau

Delvau, 1866 : s. m. Tabac à priser, — dans l’argot des marbriers de cimetière. Se flanquer du terreau dans le tube. Priser.

Rigaud, 1881 : Tabac à priser.

France, 1907 : Tabac à priser. Se flanquer du terreau par le tube, prendre une prise de tabac.

Terrer

Larchey, 1865 : Tuer. — Mot à mot : enterrer.

Dans dix ans je reviendrai pour te terrer, dussé-je être fauché.

(Balzac)

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des voleurs, pour qui c’est une façon de mettre en terre les gens qui les gênent. Le patois normand a Terrage pour Enterrement.

Rigaud, 1881 : Guillotiner.

La Rue, 1894 : Tuer. Guillotiner.

Virmaître, 1894 : Tuer. Mot à mot : préparer les gens pour la terre. C’est cette expression qui a donné naissance au mot enfouissage pour les libre-penseurs qui ne passent pas par l’église (Argot des voleurs et du peuple). N.

France, 1907 : Tuer ; guillotiner.

— On va terrer Théodore… Il morfile sa dernière bouchée.

(Balzac)

Terreur

Virmaître, 1894 : Nom donné aux maquereaux dans les anciennes banlieues de Paris ; il y a généralement une terreur par quartier (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Bandit redoutable et de force herculéenne qui répand par son audace la terreur dans le voisinage où il se tient. Chaque quartier excentrique de Paris a sa terreur, sorte de potentat du crime qui règne sur les autres coquins jusqu’à ce qu’il ait trouvé plus fort que lui.

Il désigna à ses amis des places libres en face de la Terreur des Gobelins et de Nonore, dont la toilette aussi négligée que celle de Tototte effarouchait visiblement le vieux monsieur, tandis que sa jeune amie était délicieusement émue du contact de la Terreur, s’amusant à détailler le costume de l’homme, au type accompli de bonneteur, avec son chapeau Cronstadt, ses pantoufles en tapisserie, sa veste ronde et son gilet de velours fripé laissant entrevoir une ceinture de flanelle rouge.

(Gorton-Busset, Croquis parisiens)

Terreur (la)

Rigaud, 1881 : C’est le surnom que donnent au plus fort d’entre eux les souteneurs d’un même quartier. Il y a la Terreur de Montrouge. et la Terreur de Vincennes, la Terreur de Belleville et la Terreur de Grenoble, etc.

Terreur des fripons

France, 1907 : La presse.

Ils ont résolu d’en finir une bonne fois avec ce que Desmoulins appelait la Terreur des fripons, avec la presse, avec toute expression de l’opinion publique. Les corrompus, les malfaisants, les renégats, les simples imbéciles ne veulent plus souffrir qu’on écrive, ni qu’on dise ni qu’on pense qu’ils sont ce qu’ils sont.

(Urbain Gomier, Le Soleil)

Terreuse

La Rue, 1894 : Bouteille. On dit aussi rouille, rouillarde.

France, 1907 : Bouteille. Respirer une terreuse, boire une bouteille.

France, 1907 : Prostituée qui se livre à son métier dans les terrains vagues, les endroits déserts.

Terreux

d’Hautel, 1808 : C’est un cul terreux. On appelle ainsi par mépris, la fille d’un fermier, ou une fille de campagne, qui dans un état plus élevé, oublie sa première condition. On dit aussi Un cul terreux. Pour dire qu’une femme est riche en fonds de terre.

Terrien

France, 1907 : Paysan, cultivateur, homme de la glèbe. Vieille expression restée chez les gens de mer.

Noir terrien porte gain et bien.
Blanc terrier ne porte rien.

(Trésor des sentences, 16e siècle)

Terrière

Virmaître, 1894 : Raccrocheuse qui pousse son persil dans les terrains vagues (Argot des souteneurs).

Terrière, terrinière

France, 1907 : Même sens que terreuse.

Terrine (être dans la)

France, 1907 : Être ivre. Vieille expression.

Terrinière

Clémens, 1840 : Fille publique qui fouille dans les poches et qui vole ses amants.

La Rue, 1894 : Fille publique et voleuse.

France, 1907 : Prostituée qui vole le client.

Terrion

Delvau, 1866 : s. m. Habitant du continent, — dans l’argot des marins. On dit aussi Terrien.

Tesière

Rigaud, 1881 : Toi. Et les variantes : Tésigo, tésigue, tésingard.

Virmaître, 1894 : Toi. Il y a plusieurs variantes de ce mot : tesigue, tesigo et tésingard. Tesière est l’expression la plus usitée.
— La Môme-Livarot a un béguin carabiné pour tesière (Argot des souteneurs).

Tésière

Delvau, 1866 : pron. pers. Toi, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Tésigue, Tésigo et Tésingard.

Tésière, tèsigo, tézignères

La Rue, 1894 : Toi.

Tésigue ou tésigo

Vidocq, 1837 : p. p. — Toi.

Tesson

Delvau, 1866 : s. m. La tête, — dans l’argot des voyous. Nib de douilles sur le tesson. Pas de cheveux sur la tête.

Rigaud, 1881 : Tête. — Mauvaise tête. Faire son tesson, n’en faire qu’à sa tête.

France, 1907 : Tête ; argot faubourien.

Testicules

Delvau, 1864 : Les témoins du duel amoureux. Voir Témoins à décharge.

Testis unus, testis nullus

France, 1907 : Témoin seul, témoin nul. Locution latine devenue adage de jurisprudence auquel nos magistrats se conforment peu, car il arrive de temps en temps que l’unique témoignage d’un coquin ou d’une hystérique fait condamner un innocent.

Teston

France, 1907 : Ancienne monnaie.

Tétage de gueule

France, 1907 : Baiser.

Tétais

Delvau, 1866 : s. m. pl. Seins, — dans l’argot des enfants, qui conservent longtemps aux lèvres, avec les premières gouttes de lait bues, les premiers mots bégayés. Ils disent Tettes.

Tétard

France, 1907 : Entêté ; argot populaire.

France, 1907 : Prostituée exerçant une certaine spécialité.

Têtard

Vidocq, 1837 : s. — Entêté, celui qui ne change pas de résolution.

Halbert, 1849 : Homme de tête.

Delvau, 1866 : s. et adj. Entêté, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Têtu, entêté.

Tétart

France, 1907 : Chevreau de lait ; argot des bouchers.

Dans le commerce de la boucherie, les chevreaux de lait sont appelés tétarts ; les autres se nomment broutards. Les premiers ont de trente à quarante jours, les autres de trois à quatre mois ; ils arrivent généralement dépouillés dans les villes, parce que l’éleveur fait plus d’argent avec leur peau qu’avec leur viande.

(Dr Félix Brémond, Dictionnaire de la table)

Tétasse

d’Hautel, 1808 : Mot trivial. Sein sans fraîcheur, gorge dénuée de charmes.

Delvau, 1864 : Mot grossier signifiant une mamelle pendante. Les tétons deviennent tétasses.

(G. Coquillart)

Cette mère des gueux, cette vieille carcasse
D’un linge sale et noir resserra sa tétasse.

(Théophile)

France, 1907 : Poitrine grosse et pendante. Il n’est si beaux tétons qui ne deviennent tétasses.

Mais, ô belles Houris, célestes Haydées,
Quand on pense à deux mains tenir vos seins gémeaux,
On n’a plus sous les doigts que d’antiques chameaux
Dont la tétasse pend sur des cuisses ridées.

(Jean Richepin)

Tétasses

Delvau, 1866 : s. f. pl. Seins de fâcheuse apparence, — dans l’argot irrévérencieux du peuple, qui dit cela depuis longtemps comme en témoigne cette épigramme de Tabourot des Accords :

Jeannette à la grand’ tétasse
Aux bains voulut une fois
Enarrher pour deux la place :
On luy fit payer pour trois.

On dit aussi Calebasses.

Rigaud, 1881 : Seins de la Vénus Hottentote ; grands pendards, selon l’expression de Voltaire.

Virmaître, 1894 : Seins qui pendent jusque dans les bas de celles qui les possèdent (Argot du peuple). V. Calebasse.

Tétassière

Delvau, 1866 : s. f. Femme dont la gorge n’a aucun rapport avec celle de la Vénus de Milo. L’expression se trouve aussi dans Tabourot.

France, 1907 : Femme dont la poitrine est volumineuse et molle.

Tête

d’Hautel, 1808 : Chercher des poux à la tête de quelqu’un. Lui faire une mauvaise querelle, lui chercher noise sans sujet, sans fondement, à dessein de s’en débarrasser.
Des raisons qui n’ont ni cul ni tête. C’est à-dire dénuées de sens commun ; de mauvaises allégations.
Laver la tête à quelqu’un. Le gronder, le vespériser, lui faire de vifs reproches.
La tête me fend. Pour, j’ai un mal de tête excessif.
Jeter une marchandise à la tête de quelqu’un. L’offrir à vil prix, pour s’en débarrasser ; moyen qui ne réussit pas toujours à Paris, où l’on n’estime que les choses d’un prix élevé.
On voit bien à ses yeux que sa tête n’est pas cuite. Pour dire qu’un homme a trop bu d’un coup ; que le vin lui a tapé à la tête.
La tête a emporté le cul. C’est-à-dire, le fort a entraîné le foible.

Delvau, 1866 : s. f. Air rogue, orgueilleux, prétentieux, de mauvaise humeur. Faire sa tête. Faire le dédaigneux ; se donner des airs de grand seigneur ou de grande dame.

Delvau, 1866 : s. f. Air, physionomie. Avoir une tête. Avoir de la physionomie, de l’originalité dans le visage.

Tête (avoir une)

France, 1907 : Avoir une physionomie en dehors du vulgaire, paraître quelqu’un.

« Que diable appelez-vous avoir ou n’avoir pas une tête » ?… Avoir une tête, c’est n’être pas guillotiné. Ne pas avoir une tête, c’est être guillotiné. Cette explication vous suffit-elle ? Non ? Eh bien ! avoir une tête, c’est jouir de la plénitude de sa beauté. C’est avoir un aspect, un air, une physionomie qui ne soient pas ceux de tout le monde.

(Aurélien Scholl)

Tête (bonne)

France, 1907 : Personne naïve, facile à duper.

À l’Aquarium les bouff’-galette
Auront bientôt fini leur temps ;
Au populo qu’est bonne tête
Ils vont lâcher leurs boniments,
Minc’ de crachoir ! Que d’jaspinages
Ils vont faire ! Ohé, les gobeurs,
V’nez écouter et soyez sage,
Pis après, voter tous en chœur !

(Père Peinard)

Se dit aussi pour exprimer un visage grotesque :

— Mon pauvre vieux ! si je vous disais que vous avez une bonne tête !
— N’achève pas, ô ange, tu me la mettrais à l’envers.

(Journal amusant)

Tête (faire sa)

Larchey, 1865 : Prendre de grands airs.

Tu y gagnes d’avoir l’exercice une fois de plus par jour pour apprendre à faire ta tête.

(Vidal, 1833)

Rigaud, 1881 : Faire des embarras ; prendre des airs importants.

Ça veut faire sa tête et ça ne sait pas seulement lire.

(V. Rozier, Les Bals publics à Paris)

France, 1907 : Prendre des airs importants, faire le glorieux.

Y’a t’y rien qui vous agace,
Comme un’ levrette en pal’tot !
Quand y’a tant de gens su’la place
Qui n’ont rien à s’mett’ su’l’dos ?
J’ai l’horreur d’ces p’tit’s bêtes,
J’aim’ pas leurs museaux pointus,
J’aim’ pas ceux qui font leur tête
Pass’ qui z’ont des pardessus.

(Auguste de Chatillon, La Levrette en paletot)

Faire une tête, ne pas paraître content.

— Allons, Mignonne, ne me fais pas ainsi une tête, tu me navres. Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Me foutre la paix !

(Les Propos du Commandeur)

Se faire une tête, se maquiller.

Les gens comme moi ont par moments d’irrésistibles besoins de franchise. On ne peut pas pendant de longues années se faire laborieusement une tête et jouer la comédie sans se sentir heureux de se montrer quelquefois, tel que l’on est, à un homme d’esprit ; c’est un repos nécessaire.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Tête (forte)

Merlin, 1888 : Soldat indiscipliné.

Tête (se faire une)

Rigaud, 1881 : Se grimer ; prendre la physionomie particulière au personnage que l’acteur représente. Les mouchards et les comédiens habiles excellent dans l’art de se faire une tête.

Tête à corvées

Rigaud, 1881 : Imbécile, tête d’idiot, — dans le jargon du régiment.

Tête à l’huile

Fustier, 1889 : Chef de la figuration dans un théâtre.

France, 1907 : Chef de figuration ; argot, théâtral. Sobriquet donné, dans le même argot, au figurant amateur.

Pourquoi tête à l’huile ? Parce que les pauvres diables auxquels il retire le pain de la bouche le considèrent comme un veau ? Si cette explication n’est pas bonne, je suis prêt à en accueillie une meilleure.
Quoi qu’il en soit, la tête à l’huile est la Providence, l’aubaine du chef de figuration qui n’a pas à le rétribuer.

(Lucien Descaves, Gens de théâtre)

Tête carrée

Delvau, 1866 : s. f. Allemand ou Alsacien. On dit aussi Tête de choucroute.

Rigaud, 1881 : Allemand.

Virmaître, 1894 : V. Alboche.

Rossignol, 1901 : Tous individus nés où l’on parle l’allemand.

France, 1907 : Allemand.

Tête carrée, tête de choucroute

Larchey, 1865 : Allemand.

Tête d’acajou

Delvau, 1866 : s. f. Nègre.

France, 1907 : Nègre.

Tête de boche

France, 1907 : Tête dure ; individu à l’entendement difficile.

Tête de bois

Virmaître, 1894 : Visage peu expressif. Dans le peuple, on dit aussi : il a été sculpté dans un marron d’Inde, quand l’individu à qui cette expression s’adresse est laid à faire peur (Argot du peuple).

Tête de buis

Delvau, 1866 : s. f. Crâne complètement chauve.

Rigaud, 1881 : Crâne dénudé.

Tête de carton

Virmaître, 1894 : Visage sans expression. Allusion à la poupée (Joséphine) des modistes (Argot du peuple).

France, 1907 : Visage sans expression. On dit aussi tête de bois.

Tête de choucroute

Virmaître, 1894 : V. Alboche.

France, 1907 : Tête d’Allemand.

Donc, pour nous, tête de choucroute,
C’est l’imminente banqueroute ;
Nous voilà fichus, farfichus ;
La chose est irrémédiable,
La France agonise, et le Diable
Sur elle a mis ses pieds fourchus ?

(Raoul Ponchon)

Tête de clou

France, 1907 : Vieux caractère d’imprimerie.

Tête de holz

Delvau, 1866 : s. f. Allemand, — dans l’argot des marbriers de cimetière, qui croient que les braves Teutons ont la tête dure comme du bois.

Tête de patère

Fustier, 1889 : Variété de souteneur.

La Rue, 1894 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur ; jeu de mot faubourien.

Tête de pioche

Virmaître, 1894 : Individu à la tête dure qui ne veut rien apprendre. Allusion à la dureté de l’acier trempé de la pioche (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir tête carrée.

France, 1907 : Personne à l’intelligence rétive, au cerveau aussi dur que la terre qu’on pioche.

Tête de pipe

Fustier, 1889 : Idiot. La variante est : moule à chenets.

La Rue, 1894 : Visage laid ou contrefait.

France, 1907 : Figure grotesque comme on en faisait autrefois sur les pipes de terre ou de bois en caricaturant les célébrités du jour.

La carte postale, c’est la gloire moderne. Autrefois, la grande gloire consistait à devenir tête de pipe. Une pipe en terre, c’était le Panthéon à un sou. Maintenant, ce fragile Panthéon de l’actualité, c’est la carte postale à dix centimes.

(Jules Claretie, 1900)

Tête de porc

France, 1907 : Ordre de combat adopté et désigné ainsi par le maréchal Bugeaud.

Le maréchal Bugeaud fit faire halte un instant, pour rectifier l’ordre de combat que nous avions pris, aussitôt après le passage du gué de l’Isly. C’était ln fameuse tête de porc, un grand losange dessiné par les bataillons d’infanterie, se flanquant de proche en proche et couverts par une ligne de tirailleurs assez largement espacés, mais appuyés sur des pelotons de soutien.

(Général du Barail, Mes souvenirs)

Tête de Turc

Delvau, 1866 : s. f. Homme connu par ses mœurs timides et par son courage de lièvre, sur lequel on s’exerce à l’épigramme, à l’ironie, à l’impertinence, — et même à l’injure, — assuré qu’on est qu’il ne protestera pas, ne réclamera pas, ne regimbera pas, et ne vous cassera pas les reins d’un coup de canne ou la tête d’un coup de pistolet. C’est une expression de l’argot des gens de lettres, qui l’ont empruntée aux saltimbanques.

Rigaud, 1881 : Dynamomètre vivant, souffre-douleur, mystifié, bouc émissaire.

France, 1907 : Personne timide, faible et débonnaire que l’on croit pouvoir vexer et bafouer avec impunité. Allusion aux têtes de Turc des fêtes foraines généralement remplacées depuis la guerre de 1870 par des têtes de Prussien, et sur lesquelles on tape pour essayer sa force. Servir de tête de Turc.

Je savais que dans les réunions publiques, mes collègues et moi étions la tête de Turc sur laquelle s’exerçaient à plaisir et essayaient leurs forces les orateurs plébéiens de l’époque.

(Gustave Macé)

Tête de veau

Rigaud, 1881 : Individu chauve. — Figure pâle et grasse ; et, encore, tête de veau lavée, par allusion aux têtes de veau trempant dans les baquets des bouchers.

Rossignol, 1901 : Celui qui n’a plus ou peu de cheveux.

France, 1907 : Tête chauve. C’est le sobriquet donné aux condamnés militaires aux travaux publics dont la tête est complètement rasée.

— Tu sais ici, on rase tout, barbe et moustache. Les disciplinaires n’ont pas le droit d’en porter. C’est ce qui les distingue des condamnés aux travaux publics qui, eux, portent la barbe et la moustache, mais ont la tête complétement rasée… C’est pour ça qu’on les appelle les têtes de veaux.

(Georges Darien, Biribi)

Tête de veau lavée

France, 1907 : Visage pâle et maigre.

Tête mobile

Merlin, 1888 : Officier de tir, — par allusion à la pièce du fusil qui porte ce nom.

Tête qui dépasse les cheveux (avoir la)

Rigaud, 1881 : Être chauve.

Tête verte

France, 1907 : Individu dont la raison manque de maturité ; qui ressemble aux fruits verts.

Tête-à-tête

Delvau, 1864 : Conversation à deux, qui a lieu n’importe où, dans une chambre, dans un fiacre, sur l’herbe, sur une chaise, — et la plus éloquente, puisqu’on n’y parle pas, ou qu’on y parle peu, et qu’en revanche on y agit beaucoup. J’eus pourtant malgré tout cela quelque tête-à-tête impromptu avec Sa Grandeur. Il est si doux d’escamoter de temps en temps quelque chose d’une rivale qui en fait autant.

Tête-bêche (faire)

Delvau, 1864 : Se placer de façon que la tête de l’homme soit entre les cuisses de la femme, a la hauteur de son con, qu’il gamahuche, et que la tête de la femme soit entre les cuisses de l’homme, à la hauteur de sa pine, qu’elle suce.

Mais quand parfois il trouvé une motte bien fraîche,
Ce qu’il aime avant tout, c’est faire tête-bêche.

(L. Protat)

Téter

Delvau, 1866 : v. n. Vider une bouteille, dans l’argot du peuple, qui prétend que le vin est « le lait des vieillards ». Oui, des vieillards — et surtout des adultes.

Rigaud, 1881 : Boire. — Donnez-y donc à téter à ce soulot et qu’il ne gueule plus !

France, 1907 : Boire. Téter la négresse, boire à même à la bouteille, ou à la peau de bouc, récipient goudronné que l’on donne aux troupes à cheval de l’armée d’Afrique.

Tette, tette la négresse,
Vide, vide son téton.

 

Et il me tendit sa peau de bouc, toute juteuse du vin qu’elle recélait.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Téter une goutte

Virmaître, 1894 : Faire téter une goutte, à quelqu’un : le battre. Boire une goutte : se noyer. Au régiment quand un soldat est atteint de la nostalgie, les camarades lui disent :
— Tu voudrais bien aller téter une goutte.
Téter une goutte,
boire un verre sur le zinc (Argot du peuple). N.

Têtes de clou

Delvau, 1866 : s. f. pl. Caractères déformés par un long usage. Argot des typographes.

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Vieux caractère usé, bon à mettre à la fonte.

Têtes de clous

Virmaître, 1894 : Caractères usés, qui n’en peuvent plus.
— Il est rien dégueulbif, le canard que nous composons avec des têtes de clous (Argot d’imprimerie).

Têtes de veau

Rossignol, 1901 : Les militaires condamnés à une peine de travaux publics, à la suite d’un conseil de guerre. Tête de veau, parce qu’on leur laisse toute la barbe et qu’on leur rase la tête.

Têtes longues, enfants de Paris

France, 1907 : Vieux dicton du XVIIe siècle qui se termine ainsi :

Ou tous sots ou grands esprits.

Têtets

France, 1907 : Seins.

Les durs têtets des nourrices font les enfants camus.

(Rabelais)

Tétines

Delvau, 1866 : s. f. pl. Gorge avachie, — sumen plutôt qu’uber. Argot des faubouriens. Nous sommes loin du

Tétin, qui fait honte à la rose,
Tétin, plus beau que nulle chose,

de Clément Marot.

France, 1907 : Seins avachis.

Les femmes accouraient, se ruaient sur les deux groupes, — des femmes, ces sorcières bariolées, quelques-unes travesties en bébés, les autres vêtues de peignoirs montrant leur peau brune et leurs tétines flasques, toutes fardées, et vieilles, même les jeunes, puantes enfin d’une puanteur d’ail, de linge humide et de parfumerie de bazar.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Tétins

France, 1907 : Seins naissants, seins de jeune fille.

Mais ce vieux, friand de cuissages,
Le Temps, pareil aux roquentins
Qu’excite le plat des corsages
Sur le rien des petits tétins,
Trouve des ragoûts libertins,
Peut-être, à voir, à peine nées,
Avec des mollets de trottins
Courir les nouvelles années.

(Catulle Mendès)

Téton

France, 1907 : Sein de la femme, le plus doux oreiller de l’homme.

Sur un col blanc, qui fait honte à l’albâtre,
Sont deux tétons, séparés, faits au tour,
Allant, venant, arrondis par l’amour.

(Voltaire)

— Ce petit chef-d’œuvre du jour
Renferme une gorge bien dure…
— Allez, l’abbé ! c’est imposture,
Lui dis-je, en lui poussant la main
Dont le jeu devenait badin.
— Comment donc ! me dit-il, la belle,
Vous voulez faire la cruelle !
Laissez-moi prendre ces tétons !…

(Vadé)

Son haleine, comme sa peau
À des senteurs de fruit nouveau,
Quand on aspire entre ses dents,
On croit respirer du printemps,
Voilà pourquoi nous la chantons :
Vive la Noire et ses tétons !

(Aristide Bruant, Marche du 113e)

On écrivait au XVIIIe siècle ce mot avec deux t.

… Deux petits tettons que Dieu fit
Pour qu’aussitôt la main désire
De toucher ce que l’œil admire.

(Grécourt)

Téton (donner un)

France, 1907 : Pincer la poitrine ; argot du Borda.

Téton de satin

France, 1907 : Seins de vierge.

Téton de satin blanc tout neuf

Rigaud, 1881 : Sein de jeune fille. L’expression est de Marot. Elle est encore usitée de nos jours.

Des nichons lui étaient venus, une paire de nichons de satin blanc tout neufs.

(É. Zola, L’Assommoir)

Téton de Vénus

France, 1907 : Seins faits au tour raides et fermes.

Comme elle portait une robe légère malgré décembre, on voyait sous son fichu pointer les tétons de Vénus que le froid raidissait. Et pas de flic-flac… non, c’était planté solidement.

(Jean Richepin, Le Pavé)

Tetonnière

Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille que la Nature a richement avantagée, — dans l’argot du peuple, fidèle à sa langue nourricière.

Tétonnière

Delvau, 1864 : Femme amplement pourvue de mamelles.

Dans le cabaret où ils soupaient servait une grosse tétonnière d’Andalousie.

(Pigault-Lebrun)

Rigaud, 1881 : Femme aux puissantes mamelles. Femme digne de jouer les Junons à la ville, au théâtre et aux champs.

France, 1907 : Femme ou fille bien pourvue en réservoirs de la maternité.

Les femmes du Directoire n’avaient, d’ailleurs, rien des délicatesses et des grâces alanguies qui constituèrent par la suite ce qu’on nomma la distinction. Presque toutes furent des luronnes, masculinisées, fortes sur le propos, à la carnation empourprée, à l’embonpoint débordant, des tétonnières à gros appétit, à gourmandise gloutonne, dominées par leurs sens, bien qu’elles affectassent des pâmoisons soudaines où des migraines qu’elles ignoraient.

(Octave Uzanne, La Française du siècle)

Un jour, Marie-Antoinette se plaignait d’être plus grosse qu’une femme ne doit l’être dans son état.
— C’est que vous êtes naturellement ventrue, Madame, dit le docteur Vermont. Une autre fois, la reine se plaignait de sa gorge volumineuse.
— C’est que vous êtes naturellement tétonnière, fit Vermont.
Ces mots, répétés, faisaient beaucoup rire ces dames.

(Jean Bernard)

Tétons

Delvau, 1864 : La gorge d’une femme.

Sur un col blanc, qui fait honte à l’albâtre,
Sont deux tétons, séparés, faits au tour,
Allant, venant, arrondis par l’amour.

(Voltaire)

Donne-moi tes tétons.

(La Popelinière)

Comme le gland d’un vieux qui baise
Flotte son téton ravagé.

(Parnasse satyrique)

Si son cœur est de roche.
Ses tétons n’en sont pas.

(J. Duflot)

Delvau, 1866 : s. m. pl. La gorge de la femme. Tétons de satin blanc tout neufs. Virgo pulchro pectore. C’est un vers de Marot resté dans la circulation.

Tétons (casses à)

France, 1907 : Pour composer facilement, il faut éviter de trop emplir sa casse ; certains compositeurs se plaisent à faire ce qu’on appelle en argot d’atelier des casses à tétons, c’est-à-dire de petits monticules de lettres dépassant les parois des cassetins en hauteur. En agissant ainsi, on s’expose, en composant, à faire dégringoler le trop-plein d’un cassetin dans un cassetin inférieur, ce qui fait que souvent dans les casses trop bondées, les lettres, lorsqu’on arrive en composant à fond de cale, sont tellement mélangées, qu’on est obligé, pour ainsi dire, de les regarder une à une et de perdre un temps considérable à relire ses lignes si on ne veut pas avoir une composition constellée de coquilles.

(V. Breton, Causerie typographique)

Tettes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Seins, — dans l’argot des enfants. Ce sont autant les mamillæ que les papillæ.

France, 1907 : Bouts des seins ; argot populaire.

Têtue

Vidocq, 1837 : s. f. — Épingle.

Halbert, 1849 : Épingle.

Delvau, 1866 : s. f. Épingle, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Épingle.

France, 1907 : Épingle ; argot faubourien.

Têtue, tiquante

Rigaud, 1881 : Épingle.

Teuf-teuf

France, 1907 : Automobile ; onomatopée.

On court en wagon les mêmes dangers qu’en automobile. Les chemins de fer font en une seule fois, en gros, les victimes que le teuf-teuf, la bicyclette et les chevaux emportés font pendant toute l’année en détail.
— Soyez sûr que des gens ont condamné les chemins de fer après les premiers accidents qu’ils occasionnèrent, celui de la ligne de Versailles, notamment, où trouva la mort Dumont d’Urville, en 1842. Est-ce que cela a empêché la France de se couvrir de voies ferrées ? Il en sera de même pour l’automobilisme, dont l’avenir n’est pas compromis par des accidents auxquels on accorde une importance exagérée.
Et mon interlocuteur s’étant rassuré, en même temps qu’il rassurait sa famille, sauta dans son teuf-teuf qui s’ébroua un instant et disparut dans un nuage de poussière dont la suave odeur de pétrole corrigeait l’âcreté.

(Lucien Descaves)

Teulot

France, 1907 : Morceau de tuile.

Teurtousses

Clémens, 1840 : Toiles.

Textes (collationner les)

France, 1907 : Coïter ; unification.

(Georges Delasalle)

Tezière

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Toi.

Tézière ou tézingard

Vidocq, 1837 : p. p. — Toi.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tezière, tézigue

France, 1907 : Toi ; argot des voleurs.

Le dardant a coqué le rifle dans mon palpitant qui n’aquige plus que pour tézigue.

(Mémoires de Vidocq)

Quand t’auras bourré comme un zigue,
Étouffe d’affût pour tézigue.

(Hogier-Grison)

On dit aussi tezigo.

Tezière, tezingand

Bras-de-Fer, 1829 : Toi.

Tezigue

Larchey, 1865 : Toi. V. Bonne, Coquer.

Tézigue

Rossignol, 1901 : Toi.

Thalassa ! Thalassa !

France, 1907 : La mer ! La mer ! Exclamation joyeuse que poussèrent les dix mille Grecs de Xénophon quand, après leur marche héroïque à travers l’Asie Mineure, ils aperçurent du haut de la montagne les rivages du Pont-Euxin.

That is the question

France, 1907 : C’est la question : expression anglaise tirée du célèbre monologue d’Hamlet de Shakespeare, pour exprimer l’embarras d’une réponse à faire.

Thé (maison de)

France, 1907 : Lupanar du Japon, appelé ainsi parce qu’on y consomme, outre quantité de jeunes filles et jeunes femmes, quantité de tasses de thé.

Au Japon, tout dernièrement encore, avant les réformes, les parents pauvres envoyaient leurs filles passer une année ou deux dans… une maison de thé (l’équivalent du bateau de fleurs chinois)… le temps de gagner leur dot, et, quand un mari avait à se plaindre de sa femme, il avait le droit de la renvoyer pendant quelques semaines dans la même maison, en manière de punition.

(Mémoires de Goron)

Thé de la mère Gibou

Delvau, 1866 : s. m. Mélange insensé de choses et de mots ; discours incohérent ; pièce invraisemblable. Argot des coulisses.

France, 1907 : Mélange incohérent, déraisonnable ; soirée ridicule.
L’expression vient d’une pièce des Variétés, jouée en février 1832, intitulée : Madame Gibou et Madame Pochet, ou le Thé chez la ravaudeuse, par Dumarsau. Voici d’ailleurs la scène :

Mme Pochet. — Savez-vous faire du thé, madame Gibou ?
Mme Gibou. — Ma foi, non ; je n’en ai jamais mangé.
Mme Pochet. — C’est un fricot anglais… V’là mon huguenotte d’eau bouillante qui bout ; j’y ai jeté les petites crottes noires que l’épicière m’a données : faut goûter voir si ça a du goût…
Mme Gibou, — Ah ! Dieu ! comme c’est fade !
Mme Pochet. — (Goûtant dans la cuillère à pot.) Oui ! ça ne sent rien… y a pourtant là dedans six sous de thé et un cornet d’cassonade.

Les deux vieilles commères ajoutent un filet d’huile et de vinaigre, du poivre, du sel, deux œufs, une gousse d’ail, de la farine, de l’eau-de-vie. Le résultat est ce qu’on peut imaginer ; les invités font d’horribles grimaces en chantant le couplet suivant :

Ah ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
Dieu ! quel goût ça vous a !
Ce thé-là,
Je l’sens là…
Jamais ne passera !

Théâtre

Ansiaume, 1821 : Échafaud.

Pendant que j’étais au théâtre, j’ai connoblé ta larque.

Théâtre de la nature

Delvau, 1864 : Le con, où le vit a ses entrées comme acteur ou protecteur, en payant soit de son argent, soit de sa bonne mine. Ce théâtre a pour avant-scènes deux colonnes de marbre blanc ; il ne possède qu’un seul décor, lequel représente un buisson avec une fontaine au milieu. Le trou du souffleur est par derrière, ainsi que l’orchestre, composé d’un seul musicien qui exécute avec un instrument à vent une ouverture sur les motifs de : sentir avec ardeur. Quand l’acteur principal entre en scène, il a toujours l’aspect dur et imposant ; il a avec lui deux confidents, deux amis inséparables qui l’attendent dans la coulisse. Quand l’acteur quitte la scène, il est triste et abattu… il pleure. La directrice est libre de donner plusieurs représentations de suite, et, pour peu que l’acteur principal la trouve aimable, et à son gré, plein de verve et d’éloquence, il rentre en scène avec un nouveau transport, — à moins de raisons majeures. — Tous les mois, le théâtre fait relâche. Il l’annonce par une affiche rouge sur laquelle tort applique une bande blanche. Pendant ce temps, l’acteur est libre de donner des représentations en ville, mais, gare à lui… Souvent il se fatigue, revient malade… Alors la directrice se plaint et l’administration coule ! Nota ; La directrice accorde quelquefois des entrées de faveur.

Théâtre rouge

Delvau, 1866 : s. m. La guillotine, — dans l’argot des révolutionnaires un peu trop avancés. « Demain, relâche au Théâtre rouge, » écrivait à Lebon Duhaut-Pas, un de ses émissaires.

France, 1907 : La guillotine.

Théâtreuse

France, 1907 : Actrice, femme de théâtre ; s’emploie en mauvaise part.

Adèle. — Il y a beaucoup de femmes qui vous plaisent au théâtre.
L’auteur — Moi ? non ! des sales gueules… (Réfléchissant qu’il a peut-être été un peu loin.) Si, il y en a d’amusantes… de gentilles même…
Adèle. — Vous n’êtes pas porté pour les théâtreuses.
L’auteur. — Si, mais si ! Mais la plupart sont tellement rasantes…

(Charles Quinel)

Théière

Hayard, 1907 : Urinoir.

Thème (fort en)

France, 1907 : Écolier studieux qui remporte les premiers prix aux concours et qui souvent reste fruit sec et devient un déclassé dans la vie.

Que de mal ne se donne-t-on pas pour compliquer ce qui est simple, pour déguiser ce qui est vrai, pour se mentir à soi-même afin, s’il est possible, de faire illusion aux autres. Quel cri d’horreur si du pion au proviseur, du cancre au fort en thème, qui que ce soit de ces enseignants, de ces enseignés, ouvrait, cinq minutes durant, les écluses de son âme, disait ce qu’il sent, ce qu’il sait de la vie, et tâchait, candidement, d’en tirer la leçon. Et pourtant, le premier effroi dissipé, qui ne se sentirait pris, qui ne se donnerait ? Une émotion d’humanité passerait sur cette foule diverse, l’agiterait, la ferait vibrer, vivre d’un sentiment commun, échaufferait les cœurs au contact des cœurs, donnerait plus d’éducation véritable que tous les traités didactiques ânonnés en Sorbonne.

(Clemenceau)

Thémis

Delvau, 1866 : s. f. La Justice, — dans l’argot des Académiciens.

Théorie dans les coins (savoir sa)

Rigaud, 1881 : Savoir parfaitement sa théorie, — dans le jargon des soldats.

Thésauriser

d’Hautel, 1808 : Amasser des trésors.
Le peuple dit trésoriser, par imitation du mot trésor.

Thêta X

Delvau, 1866 : s. m. Élève de seconde année, — dans l’argot des Polytechniciens. On l’appelle aussi Ancien.

Thomain

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais rôle, — dans l’argot des coulisses, où l’on a trouvé sans doute panne bien usée.

Rigaud, 1881 : Rôle effacé, bout de rôle, — dans le jargon des comédiens.

France, 1907 : Rôle insignifiant ; argot des théâtres.

Thomas

d’Hautel, 1808 : À la Saint-Thomas, les jours les plus bas. Manière proverbiale de dire qu’à cette époque on s’aperçoit sensiblement du décroissement des jours.

Vidocq, 1837 : s. m. — Pot de nuit.

Larchey, 1865 : Pot de chambre. V. Goguenot.

Parmi les consignés occupés à passer la jambe à Thomas (vider les baquets d’urine).

(La Bédollière)

Équivoque sur les mots vide Thoma de l’hymne populaire de Pâques.

Delvau, 1866 : s. m. « Pot qu’en chambre on demande », — dans l’argot du peuple. Passer la jambe à Thomas. Vider le goguenot. La veuve Thomas. La chaise percée.

Rigaud, 1881 : Pot-de-chambre haute forme. Allusion au verset de l’hymne de Pâques : Vide Thomas, vide pedes, vide manus. — La mère Thomas, la veuve Thomas, chaise percée. — Avoir avalé Thomas, avoir l’haleine fétide.

Boutmy, 1883 : Nom générique sous lequel on désigne, dans quelques imprimeries de province, l’ouvrier typographe et spécialement le pressier. Il existe une pièce de théâtre qui a pour titre Thomas l’Imprimeur.

Merlin, 1888 : Voyez Jules.

La Rue, 1894 : Tinette. Vase de nuit. On dit aussi Jules.

France, 1907 : Tinette, pot de chambre. Avoir avalé Thomas, avoir l’haleine fétide. Passer la jambe à Thomas, vider la tinette. On dit aussi dans le même sens : Prendre Thomas par les oreilles.

C’est un vrai velours que la goutte
Pour les débiles estomacs,
Surtout si cela te dégoûte
Le passer la jambe à Thomas.

(Raoul Fauval)

Ce singulier nom de Thomas serait une équivoque plaisante sur Vide Thoma, hymne de Pâques, dont les jeunes paysans, qui chantaient autrefois tous en chœur dans les églises de village, se seraient souvenus en vidant le baquet de la salle de police, car l’expression est toute militaire. Voir Jules.

On a chanté le muguet et la rose,
Le frais lilas et l’œillet embaumé,
Le réséda que la nuée arrose,
Et qu’a bercé le zéphyr parfumé,
On a chanté les parfums d’Arménie,
Le patchouli, l’ambre et l’encens divin,
Les enivrantes odeurs d’Arabie,
Le lis, l’iris, le musc et le benjoin !
Aussi je veux qu’on vous rende justice
Et vous chanter, vous qu’on ne chante pas,
Qui parfumez la salle de police,
Jules divin et céleste Thomas !…

(Griolet)

Thoutimes

Vidocq, 1837 : p. p. — Tous.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Thune

anon., 1827 : L’aumône.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Aumône.

Vidocq, 1837 : s. f. — Aumône.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Halbert, 1849 : Pièce de cinq francs.

Larchey, 1865 : Argent. V. Bille.

Delvau, 1866 : s.f. Pièce de cinq francs, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Thune de cinq balles.

Rigaud, 1881 : Pièce. — Thune de cinq balles, pièce de cinq francs. Thune de camelotte, pièce d’étoffe.

Rossignol, 1901 : Pièce de 5 francs.

Hayard, 1907 : Pièce de cinq francs.

France, 1907 : Pièce d’argent, s’emploie plus spécialement pour pièce de cinq francs. Fader les thunes, partager l’argent.

— Moi, dit Badouillard, je n’aime pas le thé sans rhum, et si c’est un effet de votre bonté, Madame la baronne, je m’en introduirai volontiers quelques gouttelettes dans le cornet. Fouillez votre profonde et voyez s’il ne s’y ballade pas au fond quelques thunes. Je suis sûr que Madame partage mes sentiments. Thé sans rhum, fade boisson.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Je fus souvent mystifié
Par de bas personnages,
Et je me suis multiplié
En maints et maints voyages.
À ce jeu-là, tu comprends bien,
Je laissai ma fortune ;
Je n’ai plus que l’ombre de rien,
Le Spectre d’une thune.

(Raoul Ponchon)

anon., 1907 : Pièce de cinq francs.

Tiaulée

France, 1907 : Quantité.

Nous voici à courir, dans Montmartre, Clignancourt, La Chapelle, les impasses, les cités, les recoins insoupçonnés des heureux. Des tiaulées d’enfants semblent émerger du pavé ; les pères sont à la recherche du travail ; les mères (ces très dignes créatures qui se tuent à la peine et ne quémandent pas) achèvent tristement, en surveillant la marmaille, le reliquat d’ouvrage qui sera sans lendemain.

(Séverine)

Tibi

France, 1907 : Bouton de col.

L’imagination très féconde des hommes a créé bien des instruments de torture. Quoique les meurs se soient adoucies, il en existe encore quelques-uns : les fers à bord des navires de guerre, les corsets de femme, les bottines étroites, les banquettes d’antichambre des gens en place, et surtout le tibi.
Le tibi est, tout le monde ne le sait pas, le petit bouton de nacre qui sert à attacher le col de chemise. Jamais, au grand jamais, une boutonnière n’a trouvé un tibi à sa taille. Le moment où l’on boutonne son col est l’instant fatal de la toilette. L’empois résiste. La boulounière se ferme, se tord, glisse sur la nacre, on se casse les ongles, on s’écorche l’index, on se meurtrit le pouce. C’est le tibi.

(Georges Price)

Tibi gratias

France, 1907 : Grâces vous soient rendues ; locution latine qui s’emploie généralement d’une façon ironique.

Tic

d’Hautel, 1808 : Il a un mauvais tic. Pour dire une habitude désagréable, pernicieuse.

Delvau, 1866 : s. m. Manie, toquade, — dans l’argot du peuple. L’expression a des cheveux blancs.

Tic-tac

d’Hautel, 1808 : Pour exprimer le bruit produit par un mouvement réglé, comme celui d’un pendule.
Nicolas Tic-tac. Sobriquet injurieux, pour dire un tatillon, un furet, un homme qui se mêle de tout.

Tiche

Delvau, 1866 : s. f. Bénéfices plus ou moins réguliers, — dans l’argot des commis de nouveautés.

Rigaud, 1881 : Profit, — dans le jargon des commis de la nouveauté.

La Rue, 1894 : Profit, Aubaine.

Virmaître, 1894 : Bénéfices. Synonyme de guelte. Prime que les directeurs de magasins de nouveautés donnent aux commis qui parviennent à vendre de la marchandise avariée ou des rossignols. Tiche, en ce cas, est de la même famille qu’affure (part de vol) (Argot des calicots).

France, 1907 : Bénéfice, profit ; argot des commis de nouveauté.

Ticket

Delvau, 1866 : s. m. Billet de chemin de fer, — dans l’argot des gandins, anglomanes par genre. Pourquoi alors ne disent-ils pas aussi single ticket (billet simple) et return ticket (billet d’aller et de retour) ?

France, 1907 : Mot que les anglomanes ont adopté pour remplacer celui de billet. C’est notre mot étiquette, transformé par nos voisins.

On s’est justement choqué, en 1889, de l’emploi qui a été fait pendant l’Exposition, du mot ticket pour dire : billet. Comment est-il possible qu’une administration comme celle de l’Exposition n’ait pas hésité à choisir entre deux mots de sens absolument identique celui qui venait d’au delà du détroit ! Ce fait ne prouve-t-il pas combien notre anglomanie est invétérée ?

(Pontarmé, Le Petit Parisien)

Ticquage

Rigaud, 1881 : Mouvement de haut en bas exécuté avec la main qui tient les cartes et aussitôt réprimé. — Le ticquage indique aux autres joueurs que celui qui l’a fait a pris le point sept au baccarat pour le point de huit.

France, 1907 : Signe fait par un grec à un compère à la façon dont il manipule ses cartes.

Ticquer, ticker

Rigaud, 1881 : Faire le mouvement, aussitôt réprimé, d’abattre ses cartes, — dans le jargon des joueurs.

Une émotion violente leur contractait le cœur, lorsque, tickant par distraction, il faisait le geste d’abattre.

(Vast-Ricouard, Le Tripot)

Tierce

Rigaud, 1881 : Agents de police en nombre, — dans le jargon des voleurs. — Caletons, il y a de la tierce, sauvons-nous, il y a beaucoup d’agents de police.

Fustier, 1889 : Argot de bagne. Bande d’individus.

La Rue, 1894 : Bande d’individus. Clique. Se dit aussi en bonne part : la tierce élégante. Il y a de la tierce, la police est en nombre.

Hayard, 1907 : Bande, association.

France, 1907 : Bande, coterie ; allusion à la tierce du jeu de piquet ; argot faubourien.

Ah ! bon Dieu ! non, j’suis pas d’leur tierce :
J’suis un trimardeur, un voyou,
J’fais pas parti du haut commerce :
Ej’ vends mon crayon pour un sou.

(A. Bruant)

France, 1907 : Le monde choisi, les négociants.

J’suis dans l’Bottin !
Oui, dans l’Bottin avec la tierce,
Avec les poilus du quarter ;
Tous les gros bonnets du commerce
Du boul. des It. et du Sentier.

(Aristide Bruant)

Tierce (la)

Virmaître, 1894 : Association de faux monnayeurs ; comme ils sont généralement trois : le fabricateur, l’émetteur et un complice de réserve, de ce nombre, la tierce (Argot des voleurs).

France, 1907 : Association de faux monnayeurs appelée ainsi parce qu’elle se compose ordinairement de trois personnes, le fabricateur, l’émetteur et un troisième qui sert de compère à l’émetteur.

Tierce à l’égout

France, 1907 : Tierce de neuf au jeu de piquet.

— J’ai une tierce à l’égout et trois colombes.

(É. Zola)

Tierce Major

Rigaud, 1881 : Tierce majeure, au jeu de piquet.

Tierce mineure

France, 1907 : « Lorsque dans le grand monde on veut désigner une personne mâle ou femelle entortillée à tout jamais dans les bois indestructibles du cornuage, on ajoute au nom de cette personne l’épithète de tierce mineure au lieu de dire populairement coucou. »

(Émile Gouget)

Tiers et le quart (le)

Delvau, 1866 : Celui-ci et celui-là, les premiers venus, — unusquisque. Argot des bourgeois. Médire du tiers et du quart. Médire de son prochain.

Tiffes

Fustier, 1889 : Cheveux.

Virmaître, 1894 : Les cheveux. Tiffe est une corruption de tignasse (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Les cheveux.

Tiflade

France, 1907 : Soufflet, coup sur la figure ; argot des voleurs, synonyme de mornifle.

Tifs

anon., 1907 : Cheveux.

Tifs, tiffes

France, 1907 : Cheveux ; argot des voleurs.

— Tu vois, ma petite, faut faire à ma façon… c’est la bonne… et y filera doux… sans te toucher seulement les tifs…

(G. H. Hirsch)

Tiges (marcher sur ses)

France, 1907 : Être dans la misère ; argot populaire.

Tignasse

d’Hautel, 1808 : Une tignasse. Mauvaise perruque.

Delvau, 1866 : s. f. Chevelure abondante, épaisse, bien ou mal peignée, — dans l’argot du peuple, pour qui ces chevelures-là sont autant de nids à teigne. A signifié au début Perruque. On dit aussi Tignon.

France, 1907 : Chevelure touffue, emmêlée ; de tigne, teigne, vieux français.

Elle avait quéqu’s cheveux graisseux,
Perdus dans un filet crasseux
Qu’avait vieilli su’ sa tignasse
À Montparnasse.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

France, 1907 : Femme ; argot des boulevardiers.

Dans leur gracieux langage, deux crânes, trois tignasses, ce sont deux hommes, trois femmes.

(Frédéric Loliée, Parisianismes)

Tigne

Delvau, 1866 : s. f. Foule, — dans l’argot des voleurs. S’ébattre dans la tigne. Chercher à voler dans la foule. Signifie aussi Réunion, Cénacle. Quelques Vaugelas de la Roquette veulent qu’on écrive Tine.

La Rue, 1894 : Foule. Tigner d’esbrouffe, voler dans un rassemblement.

France, 1907 : Foule, monde, multitude. S’ébattre dans la tigne, voler dans la foule ; argot des malfaiteurs.

Tigne, tignasse

Larchey, 1865 : Chevelure en désordre. — Du vieux mot tigne : teigne. V. Aplomb.

Tigne, tine

Rigaud, 1881 : Rassemblement, foule, — dans le jargon des voleurs.

Tigner

Vidocq, 1837 : v. — Action du coït.

France, 1907 : Coïter ; argot des malfaiteurs.

Tigner d’esbrouffe

Vidocq, 1837 : v. a. — Violer.

Rigaud, 1881 : Voler à la faveur d’un rassemblement.

Virmaître, 1894 : V. Riffe.

France, 1907 : Violer.

Tignogner

d’Hautel, 1808 : Peigner, friser les cheveux.
Se tignogner. Se prendre aux cheveux, se quereller, en venir aux voies de fait.

Tignon

d’Hautel, 1808 : Les cheveux de derrière, ce que l’on appelle ordinairement chignon.

Tigre

Larchey, 1865 : Groom.

Leur chapeau à cocarde noire, leurs bottes à retroussis, leur veste bleue et leur gilet bariolé, couvrent des gamins arrachés au plaisir de la pipoche.

(A. Deriège)

Tigre :

Le rat débute et danse un pas seul ; son nom a été sur l’affiche en toutes lettres ; il passe tigre et devient premier, second, troisième sujet.

(Th. Gautier)

Delvau, 1866 : s. m. Rat, qui commence à sortir de la foule et devient troisième, puis second, puis premier sujet de la danse. Argot des coulisses.

Delvau, 1866 : s. m. Groom, petit gamin en livrée, — dans l’argot des fashionables.

Rigaud, 1881 : Élève de la danse à l’Opéra, qui a eu la chance d’être remarquée sous plus d’un rapport. Le tigre est la seconde incarnation du rat ; c’est un rat qui a fait son chemin.

Rigaud, 1881 : Urinoir des étages dans les casernes. — Pourquoi tigre ? Est-ce parce que ce récipient est altéré… d’urine comme le tigre est altéré de sang ; ou encore parce que les parois en sont tachetées.

La Rue, 1894 : Groom. Élève de la danse, à l’Opéra, un degré plus haut que le rat.

France, 1907 : Jeune danseuse de ballet ; elle vient hiérarchiquement au-dessus du rat.

Le rat débute et danse un pas seul, son nom a été sur l’affiche en toutes lettres ; il passe tigre et devient premier, second, troisième sujet.

(Théophile Gautier)

France, 1907 : Petit groom ; locution des gandins.

Son cabriolet l’attendait à la porte, attelé d’un superbe pommelé. Il jetait son carnet à quelque commis, glissait mystérieusement une adresse à son tigre, et filait vers je ne sais quel boudoir à la mode.

(Montjoyeux)

France, 1907 : Urinoir ; argot militaire.

La première nuit que je passais au régiment, j’eus le carreau comme matelas et le tigre comme voisin de lit.

(Hector France)

Tigre à cinq griffes

Rigaud, 1881 : Pièce de cinq francs.

Quand le café était pris, un de la bande se détachait pour aller à la chasse du tigre à cinq griffes.

(Paris-Bohême, 1854)

Tilleur

France, 1907 : Abréviation d’artilleur ; argot des polytechniciens.

Place au tilleur qui frise sa moustache,
Brave au combat, mais plus encor au lit ;
Chaque beauté sourit à son panache,
Il est très riche… hélas ! C’est par l’habit.

(Le Punch des Taupins, 1861)

Timbale (décrocher la)

Rigaud, 1881 : Surpasser, remporter un avantage sur ses rivaux, sur ses concurrents.

Celui qui a décroché la timbale lyonnaise ne vaut pas mieux comme opinion que l’ex-pensionnaire de Clairvaux.

(Le Triboulet, du 13 juin 1880)

France, 1907 : Remporter le prix. Allusion à la timbale d’argent que l’on accrochait à l’extrémité du mât de cocagne. Disons en passant que ce fut un entrepreneur de fêtes foraines, nommé Terre, qui installa pour la première fois, en 1768, sur les boulevards, près de la porte Montmartre, un mât de cocagne.

Mais enfin la timbale est décrochée. Et, des hauts et des bas subis pour l’atteindre, il ne reste plus qu’un vague souvenir, qui n’est pas toujours sans charme. D’ailleurs, à l’âge où les lauriers poussent sur ces jeunes têtes, on ne songe guère aux retours amers vers le passé : on n’a d’yeux et de pensées que pour l’avenir, si plein de promesses radieuses. Il est là, cet avenir, souriant et rose : on le touche du doigt ; on a l’esprit déjà hanté des grandes chimères tragiques, l’oreille charmée par la mélodie enivrante des bravos ; on savoure comme un délicieux avant-goût des adulations et des enthousiasmes… Quel rêve ! Mais souvent quel réveil !…

(Émile Blavet)

Timbalier du roi de Maroc

France, 1907 : Cuisinier ; argot populaire.

Certains régiments prenaient pour timbalier un nègre qu’on revêtait d’un costume turc on marocain, ce qui explique le sobriquet de timbalier du roi de Maroc, donné au coq fricotant, la figure enfumée, autour de ses chaudrons.

(Émile Gouget)

Timballe (la)

Delvau, 1866 : Dîner mensuel des artistes du théâtre de l’Opéra-Comique. Il a lieu le troisième jeudi de chaque mois.

Timbré

d’Hautel, 1808 : Il est timbré ; c’est un cerveau timbré. C’est-à-dire, évaporé, sans cervelle, sans jugement.

Delvau, 1866 : adj. et s. Fou, maniaque, excentrique, — dans l’argot des bourgeois. Grand timbré. Extravagant aimable, fou plaisant. À l’origine, cette expression signifiait juste le contraire de ce qu’elle signifie aujourd’hui : un homme timbré était un sage, un homme ayant bonne tête.

Virmaître, 1894 : À moitié fou. Avoir reçu un coup de marteau (Argot du peuple). V. Mailloche.

Rossignol, 1901 : Fou.

Timbre (salle du)

Rigaud, 1881 : Salle voisine de la cuisine où la viande et le poisson reposent sur des dalles maintenues fraîches par de la glace.

Dans les grands établissements, le timbre consomme en moyenne trois cents livres de glace par jour.

(Eug. Chavette, Restaurateurs et restaurés, 1867)

Timbre-poste

Delvau, 1866 : s. m. Cartouche, — dans l’argot des chasseurs. Est-ce parce que chaque cartouche revient à vingt centimes environ, ou parce qu’elle sert à marquer le gibier ?

France, 1907 : Cartouche ; argot des chasseurs.

Time is money

France, 1907 : Le temps est de l’argent. Axiome anglais.

Timeo danaos et dona ferentes

France, 1907 : Je crains les Grecs et ceux qui font des présents. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile, où le grand prêtre Laocoon essaye de dissuader les Troyens de rien accepter des Grecs. Elle signifie qu’il faut toujours se tenir en garde contre ses ennemis, surtout quand ils font des offres.

Timeo hominem unius libri

France, 1907 : Je crains l’homme d’un seul livre. Locution latine tirée de saint Thomas d’Aquin, signifiant que l’homme qui ne s’attache qu’à une chose, à une science, est un redoutable ignorant. Cette expression s’applique à l’entêtement de ceux qui, en politique, font leur pâture quotidienne des théories d’un seul journal et qui tombent sous l’application de cet autre proverbe : Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son.

Tin-ti-rin-tin

France, 1907 : Tintement de sonnette ; onomatopée.

Tine

Clémens, 1840 : Spectateur.

un détenu, 1846 : Foule.

Virmaître, 1894 : La foule. Réunion de souteneurs et de voleurs. Delvau dit dédaigneusement que cette expression est due à « quelques Vaugelas de la Roquette », que le vrai mot est ligne. Pas le moins du monde ; dans le peuple on dit : Tigne-le, pour : le prendre par les cheveux. Tigner est également synonyme de rechigner (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Foule.

Tinette

Vidocq, 1837 : s. f. — Tête.

(Villon)

Delvau, 1866 : s. f. Bouche à l’haleine déplorable, sœur de celle à propos de laquelle Martial dit (Lit. I, ep. 51) :

Os et labra tibi lingit, Manuella, catellus,
Nil mirum merdas si libet esse cani.

Delvau, 1866 : s. f. Hotte en bois qui sert aux vidangeurs pour monter les matières solides d’une fosse. Chevalier de la tinette. Vidangeur.

Rigaud, 1881 : Botte. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Bouche, — dans le jargon des voyous. — Couvre ta tinette, mets un liège à ta tinette, tais-toi.

France, 1907 : Bouche infecte, synonyme de plomb. Couvre la tinette, tais-toi. Plomber comme une tinette, puer. Argot populaire.

— Ça me remettra un peu du sale mec qui vient de me refaire, y plombe comme une tinette.

(Louise Michel)

Tinette (balancer la)

France, 1907 : Vider le baquet où, selon une coutume aussi malpropre qu’antihygiénique les soldats punis de salle de police déversent le résidu solide ou liquide de leur digestion. Chevalier de la tinette, vidangeur.

Tinettes

Halbert, 1849 : Bottes.

France, 1907 : Bottes. Allusion à l’odeur.

Tingo

Hayard, 1907 : Fou.

Tintenelle

France, 1907 : Clochette que secoue l’enfant de chœur.

Quand, précédé du sacristain agitant les tintenelles, le vicaire arriva enfin, Martine put encore faire un signe de croix ; mais tout de suite après, elle ouvrit démesurément les yeux et expira. Alors Pévenasse, soulagé d’un grand poids, se jeta sur le corps en brayant et pleurant :
— Eun si bonne femme ! J’en trouverai pu’ d’pareille !

(Camille Lemonnier)

Tinteur

Vidocq, 1837 : s. m. — Jeune sodomite.

Rigaud, 1881 : Jeune tante, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Pédéraste ; vieux mot.

Tintiller

France, 1907 : Tinter, sonner.

Tintin

France, 1907 : Tintement ; onomatopée.

Tintinnabuler

France, 1907 : Sonner doucement ; rendre un son argentin.

La charmeresse aux mains d’un blanc de lait écrémé souples et molles, bien en chair, le poignet frêle, avait aussi des gestes qui retenaient, caressants, qui glissaient sans secousses. Et la voix argentine qui tintinnabulait exquisement, drôlement dans la gaieté, prenait pour son ami, dans la soumission continue, dans la câlinerie, un ton si gavroche et si tendre.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Tintoin

d’Hautel, 1808 : Donner du tintoin à quelqu’un. Lui causer du tourment, de l’embarras, du souci, de l’inquiétude ; lui donner du fil à retordre.

Tintouin

Delvau, 1866 : s. m. Souci, tracas d’esprit ; embarras d’argent ou d’affaire, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Rabelais.

France, 1907 : Peine, souci, embarras. Donner du tintouin, occasionner des embarras ; argot populaire.

La population, composée en majeure partie de marchands de planches, de bûcherons et aussi de braconniers, vivait uniquement de la forêt, et c’était également la forêt qui donnait le plus de tintouin à mon patron, car, indépendamment des amendes et frais de justice, il était chargé d’encaisser les sommes moyennant lesquelles le fisc permet aux gens de jouir de certains produits domaniaux : — redevances pour le sable ; pour la feuille et pour la faine ; — permis de chasse et permis l’extraction de plants : — droits de panage, de paisson et de glandée ; — il n’y a guère que l’air et les fleurs des bois que l’État nait pas encore songé à tarifer.

(André Theuriet)

Tintouin du renaud

La Rue, 1894 / France, 1907 : Querelle.

Tintouiner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se mettre martel en tête ; se chagriner à propos de rien ou de quelque chose.

France, 1907 : Se tracasser, se tourmenter ; locution familière.

Tiolée

Hayard, 1907 : Plusieurs.

France, 1907 : Voir Tiaulée.

Tiolée (en avoir une)

Virmaître, 1894 : Se dit dans le peuple d’une famille qui a de nombreux enfants : Ils sont toute une tiolée. C’est une corruption du mot tôle qui veut dire maison. Il y en a plein la tôle (Argot du peuple). N.

Tipe

France, 1907 : Renseignement, de l’anglais tipe ; argot des courses. Tip, en anglais, signifie pourboire. On donne le pourboire au palefrenier ou à l’attaché de l’écurie en échange d’un renseignement.

Tipster

France, 1907 : Individu qui renseigne les parieurs aux courses sur la valeur des chevaux appelés à courir. Anglicisme.

Des renseignements s’échangent, des tuyaux se murmurent dans le bruit des rauques clameurs et des gros rires : car la majesté du lieu est en ce jour oubliée.
Seul, le tipster demeure silencieux et attentif. Le tipster, c’est le cornac, le pilote dans Paris-bar, et même ailleurs, des étrangers accourus. Pour lui, la grande semaine est aussi la semaine des grandes aubaines : il a besoin de tous ses moyens, de tout son sang-froid ; il a donc fait vœu de sobriété pour quelques jours ; le wisky se retrouvera plus tard…

(Le Journal)

Tiptologie

France, 1907 : Communication des esprits au moyen des coups frappés dans les tables ; néologisme des spirites.

Tiquante

France, 1907 : Épingle ; argot des voleurs.

Tique

France, 1907 : La terre ; argot des voleurs.

Tique (la)

La Rue, 1894 : La terre.

Tique (soûl comme une)

Rigaud, 1881 : Soûl à ne plus pouvoir bouger.

Ils étaient déjà soûls comme des tiques.

(É. Zola)

Allusion à la tique, petit insecte qui s’attache aux oreilles des chiens, des bœufs et qui se soûle de sang.

Tiquer

Vidocq, 1837 : v. a. — Voler à la carre. Terme des voleurs italiens et provençaux. (Voir Carreur.)

France, 1907 : Faire un signe de tête pour avertir ; hocher la tête ; argot des voleurs.

France, 1907 : Rencontrer ; tomber sur quelqu’un.

Après avoir fait quelques pas, elle s’est aperçue qu’elle était filée ; elle a tiqué sur Painchaud, moi elle ne m’avait pas vu. Alors elle a sauté dans une voiture et moi j’ai couru derrière la bagnole…

(Maurice Donnay)

France, 1907 : Voler à la care.

Tiquer sur l’obstacle

France, 1907 : Se rebuter, se révolter.

Le P. Mapillon. — Ah ! vous en riez encore !… Et, avec ça vous étiez une petite personne pas commode, ayant la tête très prés du bonnet ! Je me rappelle qu’un jour j’ai dit à la Mère Supérieure : Si Huguette tombe sur un mari de premier choix, ça ira bien… sinon, comme elle est sur l’œil, elle tiquera sur l’obstacle — Je me souviens même que la Mère Supérieure m’a demandé ce que signifiait : tiquer sur l’obstacle !… Vous entendez bien, ma chère enfant, que j’employais cette expression peu académique pour peindre, par une image hardie, l’idée extrêmement moderne que je me faisais de votre avenir.

(Michel Provins, Heures conjugales)

Tirade

La Rue, 1894 : Travaux forcés.

Tirades

France, 1907 : Fers de forçat, de l’espagnol tiradera, corde, courroie.

Tirage

Delvau, 1866 : s. m. Difficulté, obstacle, rémora. Il y aura du tirage dans cette affaire. On ne la mènera pas à bonne fin sans peine.

Rigaud, 1881 : Action de tirer une carte, terme de joueurs de baccarat.

Le tirage à cinq est un des points les plus controversés de baccarat.

(Vast-Ricouard, Le Tripot)

Un beau tirage, prendre une carte qui constitue un beau point.

Rigaud, 1881 : Difficulté.

Il y aura du tirage.

(E. Augier, les Fourchambault, 1878)

Boutmy, 1883 : s. m. Action de tirer, d’imprimer. Les éditeurs donnent souvent le nom de nouvelle édition à ce qui n’est qu’un nouveau tirage, et particulièrement quand l’ouvrage est cliché.

La Rue, 1894 : Difficultés.

France, 1907 : Difficulté ; argot populaire.

Quand Georgine se vit sur le point de mourir, elle me légua, mince d’héritage ! Juliette, alors âgée de trois semaines, qu’on avait emmenée dans les environs de Paris. La chose m’ennuyait un brin, à cause des mois à payer. Mais ce n’est rien ! Georgine ajouta : « Tu restes ma seule amie au monde. Je veux que Juliette soit plus heureuse que je n’ai été. Jure d’en faire une honnête fille. » Georgine avait de ces idées. Je lui jurai, sans trop savoir. Et, depuis, tous les trente jours, il y a du tirage souvent ! j’envoie ce qu’il faut à la nourrice.

(Paul Arène)

Tirage (il y a du)

Larchey, 1865 : C’est long, c’est difficile. — Terme de cocher. Plus le chemin est rude, plus le cheval tire.

Tiraillon

Rigaud, 1881 : Apprenti voleur à la tire.

Vêtus très mesquinement, souvent même en blouse, ils se bornent à fouiller les poches des habits et des paletots, et exploitent ordinairement les curieux qu’un événement fortuit rassemble dans les rues ou qui forment cercle autour des chanteurs ou des saltimbanques.

(Mémoires de Canler, 1862)

France, 1907 : Débutant voleur dont Canler, dans ses Mémoires, fait la description : « Vêtus très mesquinement, ils se bornent à fouiller les poches des habits et des paletots, et exploitent ordinairement les curieux qu’un événement fortuit rassemble dans les rues ou qui forment cercle autour des chanteurs ou des saltimbanques. »

Tiran

M.D., 1844 : Des bas.

Tiranger la brême

France, 1907 : Tirer les cartes ; dire la bonne aventure au moyen de tarots. Argot des voleurs.

Tirangeuse

France, 1907 : Cartomancienne ; argot des voleurs.

Tirans

Ansiaume, 1821 : Des bas.

J’ai eu 12 paires de tirans dans le baluchon.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Clémens, 1840 / Halbert, 1849 : Bas.

Tirans de filesange

Ansiaume, 1821 : Bas de filoselle.

Et ceux de filesange pour ma larque.

Tirans de trimelet

Ansiaume, 1821 : Bas de fil.

Ceux de trimelet, c’est pour mes paturons.

Tirans radoucis

Ansiaume, 1821 : Bas de soie.

Les radoucis, c’est une bonne camelotte.

Tirans, tirans doux ou tirans radoucis

Vidocq, 1837 : Bas, bas de soie.

Tirant

Halbert, 1849 : Lacet.

Larchey, 1865 : Bas. — On le tire pour le mettre.

Ses tirans et sa montante et son combre galuché, son frusque, aussi sa lisette.

(Vidocq)

Hayard, 1907 : Bas.

France, 1907 : Bas. Tirants de filsange, bas de soie écrus ; tirants radoucis, bas de soie ; tirants de trimilets, bas de coton. Argot des voleurs.

France, 1907 : Lacet ; argot des voleurs.

Tirante

Halbert, 1849 : Jarretière.

Rigaud, 1881 : Jarretière. — Cordon de sonnette.

France, 1907 : Jarretière ; argot des voleurs.

Tirantes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Jarretières, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Jarretières.

Virmaître, 1894 : Jarretières. A. D. Le mot est impropre ; c’est serrantes. En effet, la jarretière serre la jambe ou la cuisse suivant la façon dont elle est placée. Il est vrai qu’elle tire le bas, mais c’est en le serrant (Argot des voleurs).

Tirants

Bras-de-Fer, 1829 : Bas.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Bas, — dans le même argot [des voleurs]. Tirants radoucis. Bas de soie. Tirants de trimilet. Bas de fil. Tirants de filsangue. Bas de filoselle.

Rigaud, 1881 : Bas. — Tirants de trimilets, bas de fil. — Tirants de filsange, bas de filoselle. — Tirants doux, tirants radoucis, bas de soie.

La Rue, 1894 : Bas. Lacets. Tirant radouci, bas de soie.

Virmaître, 1894 : Bas. Tirants radoucis : bas de soie. Tirants de tremilet : bas de fil. Tirants de filsangue : bas de filoselle. Tirants à la manque : bas déchirés. Allusion aux mailles qui manquent (Argot des voleurs).

Tire

Ansiaume, 1821 : Filouterie.

Il est marloux, il fait une tire par mâte.

Halbert, 1849 : Voler.

Rigaud, 1881 : Vol exécuté dans la poche des autres.

Tire (ça se)

Rigaud, 1881 : Cela tire à sa fin, — dans le jargon des troupiers.

Tire (faire la tire à l’encarde)

Ansiaume, 1821 : Voler dans les églises et les spectacles.

Aujourd’hui nous ferons la tire à l’encarde.

Tire (faire la tire à la décarade)

Ansiaume, 1821 : Voler à la sortie des lieux de rassemblement.

Demain à la sorgue à la décarade à la fourmillante.

Tire (grande)

France, 1907 : Grand’route. Elle est longue à tirer ; argot des vagabonds.

Tire (la)

La Rue, 1894 : Le vol exécuté dans les poches par le pick-pocket.

Tire (vol à la)

France, 1907 : Vol dans les poches ; c’est principalement dans les foules, les rassemblements, les marchés, les grands magasins que s’opère ce vol auquel nombre de femmes à s’adonnent.

Lassé de ce hideux martyre,
Il se fit voleur à la tire,
Encore un travail, celui-là !
Essayez, vous, monsieur l’habile,
Et vous saurez quels flots de bile
En l’exerçant il ravala.

(Jean Richepin)

anon., 1907 : Prendre le porte-monnaie.

Tire à la chicane

Rigaud, 1881 : Vol pratiqué en affectant une pose napoléonienne, les mains derrière le dos. — Vol commis en tournant le dos à celui dont on allège les poches. C’est le summum de l’art du vol à la tire.

Tiré à quatre épingles

France, 1907 : Vêtu avec un soin et une recherche ridicules, comme le font les petites bourgeoises et les paysannes endimanchées qui retiennent leur fichu ou leur châle avec des épingles pour qu’il reste bien symétrique.

La fille à Mathurin, grosse blondasse rougeaude et joufflue, tirée à quatre épingles, s’avançait à petits pas de crainte de rien déranger à sa toilette.

(René de Nancy)

Tiré à quatre épingles (être)

Delvau, 1866 : Être vêtu avec un soin et une recherche remarquables, — dans l’argot des bourgeois, pour qui « avoir l’air de sortir d’une botte » est le dernier mot du dandysme.

Tire jus

Vidocq, 1837 : s. m. — Mouchoir de poche.

Tire qui a peur (jouer à)

France, 1907 : Duel au pistolet dans lequel les adversaires tirent à volonté ; expression militaire.

— Il faut que l’un de nous descende la garde… mais comme nous avons tous les deux la vie dure, et qu’avec nos sabres nous aurions de la peine à en finir, nous nous trouverons demain matin hors du camp, avec nos deux pieds de cochon, et alors, ma vieille, nous jouerons à tire qui a peur.

(Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est)

Tire-au-flanc

France, 1907 : Fainéant, individu qui esquive les exercices, les corvées ; argot militaire.

— Le chef et moi, nous rappliquons à l’hôpital. Il y avait là tous les tire-au-flanc de l’escadron.

(Georges Courteline)

Tire-bogue

Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui a la spécialité des montres.

Rigaud, 1881 : Filou qui a un faible pour les montres.

Virmaître, 1894 : Voleur à la tire qui a la spécialité de faire les montres (Argot des voleurs).

Tire-bogues

France, 1907 : Voleur de montres ; argot des voleurs.

Tire-bouchon américain

Delvau, 1864 : C’est la tocade de toutes les grisettes, Elles font asseoir l’homme sur une chaise, mettent son bouchon au vent ; puis, s’asseyant à cheval sur lui et s’appuyant sur le dos de la chaise, elles se font entrer le dit bouchon dans le con tant qu’elles peuvent, le tirent, se renfoncent dessus, jouissent comme des carpes pâmées, et s’en donnent ainsi jusqu’à ce qu’elles soient tout à fait échinées.

Quoique Cornélie soit partie, le plaisir n’est pas parti avec elle ; monte chez moi, je serai bien aimable, et je te ferai le tire-bouchon américain.

(Fantaisiste, I, 179)

Tire-braise

France, 1907 : Fantassin ; argot populaire.

Tire-branle

France, 1907 : Fouet ; argot populaire.

Tire-enfants

France, 1907 : Sage-femme ; argot populaire.

Elle avait plein le dos de l’existence avec sa mère… l’ouvrage du bazar était trop abimant… elle ne voulait pas devenir une tire-enfants…

(Edmond de Goncourt, La Fille Élisa)

Tire-fiacre

Rigaud, 1881 : Viande aussi coriace que de la viande de cheval.

Rossignol, 1901 : Viande de cheval.

N’allons pas chez ce gargotier, c’est du tire-fiacre qu’il vend pour du bœuf.

France, 1907 : Bœuf bouilli ; viande coriace ; allusion à la viande de cheval. Argot populaire.

Tire-gosse, tire-môme

Rigaud, 1881 : Sage-femme.

Tire-jus

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque et trivial, qui signifie mouchoir à moucher.

Larchey, 1865 : Mouchoir. — Mot imagé. Usité dès 1808.

Delvau, 1866 : s. m. Mouchoir de poche, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Tire-mœlle.

Rigaud, 1881 : Mouchoir, — Tire-juter, se moucher.

Merlin, 1888 : Mouchoir, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Mouchoir.

Virmaître, 1894 : Mouchoir. Le mot n’est pas ragoûtant, mais il exprime bien le fait de tirer le jus des narines (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Mouchoir.

France, 1907 : Mouchoir de poche.

Sur la réputation qu’il avait de se moucher dans ses doigts, comme tous les républicains avancés, il reçut, une fois, la visites de quatre Chinois et de trois Japonais qui venaient l’interviewer sur l’usage bizarre du mouchoir. Il se contenta, pour toute réponse, d’ouvrir son armoire à glace et de leur montrer les douze piles de tire-jus qui y pyramidaient dans le benjoin, le thym et la verveine. Les Orientaux, en dégringolant l’escalier, se disaient : « Nous nous sommes trompés d’étage ! »

(Émile Bergerat)

On dit aussi tire-moelle, tire-molard.

anon., 1907 : Mouchoir de poche.

Tire-larigot

d’Hautel, 1808 : Boire à tire-larigot. Pour dire à grand trait, excessivement.
Les uns prétendent qu’il faudroit écrire tire la Rigaud, du nom d’un sonneur de Rouen, qui buvoit d’une manière excessive. Les autres font remonter plus haut cette étymologie, et veulent persuader que les Goths, dans une émeute, ayant tué leur roi Alaric, mirent sa tête au haut d’une pique, et, l’ayant plantée au milieu de leur camp, ils se mirent à boire et à danser autour, en proférant ces mots, ti Alaric Got, dont, par la suite, on a fait tire-larigot.

France, 1907 : Boire à tire-larigot. On a déjà donné une explication de cette locution. En voici d’autres. « Un glossaire de Rabelais, dit le comte Jaubert dans son Glossaire du centre de la France, fait dériver ce mot de larynx. Suivant une autre édition du même auteur : « Aucuns tirent ce mot d’Alaric roi des Goths, qui fut défait près de Poitiers par Clovis ; lors les soldats joyeux, lorsqu’ils beuvoient, se disoient les uns aux autres : Je bé à ti, ré Alaric Goth. » — Enfin, il y en a qui, non sans quelque vraisemblance, expliquent cette locution populaire par : Boire jusqu’à tirer l’arigot (l’ergot, équivalent burlesque de la jambe, comme dans cette autre locution familière : se tenir sur ses ergots). Arigot, èrigot, pour ergot, existent dans plusieurs patois notamment en Normandie. »
On dit aussi tourner à tire larigot, pour tourner vite, tourner tant qu’on peut sur ses ergots, ce qui appuierait cette dernière explication.

Accourez en chœur, jeunes filles,
Avec les vieilles du quartier,
Pour esquisser de fous quadrilles
Autour de cet ardent brasier.
Venez sauter, brunes et blondes,
Au-dessus du rouge fagot ;
Vous, jeunes gens, amis des rondes,
Tournez à tire-larigot.

(A. Capdeville, Rouge et Noir)

Enfin, pour donner satisfaction à tous, P. Borel, conseiller et médecin ordinaire du roi, dans le Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françaises (Paris, 1655) donne la version suivante aussi plausible que les premières :

Tirelarigot peut venir du mot de Languedoc s’arrigoula, prendre tout son saoul de quelque chose ; Et ce mot ayant esté ouï dire par quelque français, il le retint mal ; et, le travestissant ainsi, lui a donné cours…

Tire-larigot (à)

Delvau, 1866 : adv. Abondamment, beaucoup, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter cette expression à Rabelais. Si j’étymologisais un peu ?
Larigot était jadis pris, tantôt pour le gosier, tantôt pour une petite flûte, Arigot ; d’autant plus une flûte que souvent on employait ce mot au figuré dans un sens excessivement gaillard. (V. Saint-Amant). Donc, Boire à tire-larigot, c’était, c’est encore Boire de grands verres de vin hauts comme de petites flûtes. On a étendu le sens de cette expression : on ne boit pas seulement à tire-larigot, on chante, on joue, on frappe à tire-larigot.

Tire-liard

Delvau, 1866 : s. m. Avare.

Tire-ligne

France, 1907 : Élève architecte.

Tire-lire

La Rue, 1894 : Le postérieur. La tête. L’estomac. La prison. Le gagne-pain des prostituées.

Tire-moelle

Rossignol, 1901 : Mouchoir.

Tire-molard

Delvau, 1866 : s. m. Mouchoir, — dans l’argot des voyous.

Tire-môme, momière

Larchey, 1865 : Sage-femme.

Tire-mômes

France, 1907 : Sage-femme.

Tire-monde

d’Hautel, 1808 : Madame tire-monde. Mot baroque et singulièrement burlesque, qui signifie sage-femme ; celle qui assiste les femmes dans leurs couches.

France, 1907 : Sage-femme ; ancien argot populaire.

Cependant la crise définitive approchait. La main de la tire-monde ayant fouillé dans sa maternité toute vive, Rinette alors avait poussé le grand cri.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Tire-monde (madame)

Virmaître, 1894 : V. Guette au trou.

Tire-pied

France, 1907 : Instruments astronomiques dont les officiers de marine se servent, tels que sextant, octant, cercle de Borda ; argot des matelots.

— Votre commandant n’est donc pas un marin ?
— Ah ! si fait, dam, et un vrai ! mais d’autre sorte, quoi !… qui fusille le soleil avec son tire-pied, connait sa carte comme sa poche…

(G. de La Landelle, Les Gens de mer)

Tire-point

France, 1907 : Alène de cordonnier.

Tire-poire

France, 1907 : Photographe.

Tirebouchonné

France, 1907 : Roulé en forme de tire-bouchon.

Les cheveux tirebouchonnés, piqués de fleurs en papier et de papillons de métal, elles se tiennent accoudées, les bras et les seins nus dans des percales claires des prostituées d’Espagne ; toutes ont le maquillage rose qu’aiment les hommes du Midi et, à la lueur crue des lampes à pétrole, c’est comme une vision de grandes marionnettes appuyées au rebord de quelque fantastique Guignol : c’est l’étal.

(Jean Lorrain)

Tirée

France, 1907 : Ce qui sort du pressoir.

Les gens de Sermoise adoraient leur curé, qui depuis dix ans vivait au milieu d’eux, et ils le comblaient à l’envi de prévenances et de cadeaux. On n’eût pas tué un cochon dans une ferme sans lui porter aussitôt son aune de boudin et sa part d’andouille, pas mis en perce le moindre tonneau de cidre sans lui réserver quelques bouteilles de la première tirée.

(Jean Richepin)

Tireflûter (se)

France, 1907 : S’esquiver, littéralement se tirer les flûtes.

Ça se passait dans la rue la plus fréquentée de Carmaux : il y avait là 300 prolos et vingt-cinq gendarmes, — et « l’assassin » s’est éclipsé, évanoui, sans que, ni prolos ni gendarmes, l’aient vu se tireflûter.

(La Sociale)

Tireflûter par la tangente (se)

France, 1907 : Se tirer d’affaire par des mensonges ; prendre des faux-fuyants.

Et qu’ils n’essayent pas de se tireflûter par la tangente, en prétextant que des faits pareils ne se voient qu’en Angleterre.
Tralala ! c’est partout kif-kif bourriquot.
Ceux qui ont goûté des prisons de France peuvent en témoigner.
En ce qui me concerne, j’en sais quelque chose.
Plus d’une fois j’ai vu des pauvres vieux se lamenter et pleurer comme des madeleines parce que l’heure de déguerpir de la prison était venue.
« Que faire ?… Que devenir ?… disaient-ils avec raison. Nous allons entrer dans la société et nous y serons montrés au doigt : on nous traitera en pestiférés. Notre seule ressource sera de refaire vivement un coup quelconque afin de nous faire emboiter à nouveau. »
Et ça ne ratait pas !

(Le Père Peinard)

Tirejuter (se)

Delvau, 1866 : Se moucher.

Tireli

France, 1907 : Gazouillement des oiseaux ; onomatopée.

Dans les taillis et les fouillis
De fleurs, pinsons et merles.
Égrenaient leurs gais tirelis
Comme un collier de perles.

(Raoul Ponchon)

Tirelire

Delvau, 1866 : s. f. La tête, — où se mettent les économies de l’Étude et de l’Expérience. Argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Le podex, — dans l’argot ironique des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Derrière.

S’il a envie de se faire coller un atout dans la tirelire.

(Tam-Tam du 6 juin 1880)

Rigaud, 1881 : Gagne-pain des filles de joie.

Virmaître, 1894 : La tête. Allusion à la bouche qui représente exactement l’ouverture par laquelle on introduit les pièces de monnaies dans une tirelire. Tirelire veut aussi dire le contraire de la tête, mais celle-là ne contient que de la monnaie pour la compagnie Richer (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Toutes les filles publiques mettent l’argent que les michés leur donnent pour leurs gants, dans leurs bas. Leurs bas sont des tirelires (Argot des souteneurs). N.

Rossignol, 1901 : Visage.

Hayard, 1907 : Tête.

France, 1907 : Estomac. S’emplir la tirelire, boire ou manger.

Au cidre ! au cidre ! il fait chaud.
Vous avez beau dire.
Au cidre ! au cidre ! il fait chaud,
J’m’emplis la tir’lire.
Du cidre il faut,
Tire, tire,
Du cidre il faut,
Larigot.

(Jean Richepin, La Chanson des gueux)

France, 1907 : Le derrière ou le devant, ce que Rigaud appelle le gagne-pain des files de joie. Coller un atout dans la tirelire, donner un coup de pied au derrière. Mettre dans la tirelire, coïter. Expressions populaires.

France, 1907 : Prison.

On l’a fourré dans la tirelire
Avec les pègres d’Pelago.

(Jean Richepin)

France, 1907 : Tête. Vieille tirelire, vieux détraqué.

anon., 1907 : Cervelle.

Tirelire (briser sa)

Delvau, 1864 : Perdre son pucelage, — ce trésor que les mères veulent forcer les filles à garder pendant seize ou dix-huit ans.

Maman, apprenez qu’un voleur
M’a pris la pièce qu’on admire ;
Mais ce qui me met en fureur,
C’est qu’en brisant ma tirelire,
Tout haut chantait le sacripant,
Zi zi pan pan

(L. Festeau)

Tiremirettes

Hayard, 1907 : Bazar.

Tirer

d’Hautel, 1808 : Tirer la latte, la ligousse. Pour dire se battre à coup de sabre ou avec une arme quelconque.
Faire tirer bouteille Aller au cabaret, se faire apporter une bouteille de vin.
Tirer sa révérence. Se retirer d’un lieu.
On dit dans le même sens, rengaîner son compliment.
Tirer au mur.
Expression basse et triviale, qui signifie être obligé de se passer d’une chose sur laquelle on faisoit fonds, comme lorsqu’on a été oublié dans une distribution.
Tirer son pied. Marcher avec peine, être fatigué.
Tirer le poil. Pour dire, faire financer quelqu’un, lui excroquer de l’argent.
Cette comparaison est tirée aux cheveux. Pour dire n’est pas naturelle, est forcée.
Être à couteau tiré avec quelqu’un. Pour, être continuellement en querelle, avoir de l’animosité contre lui.

Delvau, 1864 : Baiser une femme.

Et dans les bois, je savait la tirer.

(É. Debraux)

Aimes tu mieux en gamine
Tirer le coup du macaron ?

(Saunière)

Montrez à ma mère
Tout votre savoir,
Elle va vous faire
Tirer dans le noir.

(Les Archers de l’amour.)

À ce prix-là, dans toute la boutique
De faire un choix j’eus la permission,
Et je montai pour tirer une chique…

(Chanson anonyme moderne)

— Je vais tirer mon coup, ma crampe, ou bien ma chiqué,
Dit un futur Gerbier.

(L. Protat)

Réclamant aux vieillards libidineux ses gants,
Et tirant tous les jours des coups extravagants.

(A. Glatigny)

J’ vois que vous y prenez goût.
Mais je n’ tir’ jamais qu’un coup.

(F. De Calonne)

Delvau, 1866 : v. a. Peindre, spécialement le portrait, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Avoir peu de temps à rester au régiment. Mot à mot : tirer à la fin du service militaire.

Rigaud, 1881 : Subir une condamnation. — Combien que tu tires ? par abréviation pour : combien tires-tu de longes ?

Rigaud, 1881 : Tirer à la conscription, — dans le jargon du peuple.

Rigaud, 1881 : Tirer une carte ou demander une carte au jeu de baccarat.

Rigaud, 1881 : Voler à la tire.

Boutmy, 1883 : v. intr. Mettre sous presse, imprimer. Ce mot, en ce sens, vient sans doute de l’opération nécessitée par l’impression au moyen des presses manuelles, opération dans laquelle l’imprimeur tire, en effet, le barreau.

Hayard, 1907 : Faire, (se) partir.

France, 1907 : Faire.

M. Lucien Descaves, qui a tiré cinq ans, comme on dit, a souffert de la vie de caserne jusqu’au plus intime de lui-même et il a exhalé, dans un livre douloureux, grave à la manière noire, ses colères, ses rancunes et ses rancœurs longtemps comprimées.

(Georges Forgues, La Nation)

À tirer, à faire. Temps à tirer, temps à faire.

Les images guerrières, chromolithographies ou souvenirs des derniers Salons, habillaient ses évocations de leurs réminiscences signées de Neuville, signées Detaille. Toutefois il s’en voulait, se jugeait bête. Qu’est-ce que cela lui faisait ? Il allait s’emballer, pas vrai, trouver ça empoignant ? Oh ! l’imbécile !… Et ses cinq ans à tirer ?… Cinq ans !

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Se tirer, se passer, s’accomplir.

Ainsi, douc’ment le congé se tire ;
Il passe ensuit’ sergent-major,
Son successeur, pas b’soin d’le dire,
Ratiboisera plus encor.

(Griolet)

France, 1907 : Photographier ; argot populaire.

Le festin s’fit chez l’pèr’ Latrouilles,
Un restaurant des mieux notés ;
On a mangé vingt-cinq andouilles,
Autant d’andouill’s que d’invités.
Après l’repas, le photographe
Nous tire en groupe… Ah ! quel tableau !
À sa vue on s’tord, on s’esclaffe ;
Ah ! Minc’ que’c’était rigolo !

(Jeanne Bloch)

Se faire tirer, se faire photographier. Les ouvriers et les campagnards emploient cette expression pour toute espèce de portraits.

Jean-Yves portait an cou, avec son scapulaire, un portrait de Maria. C’était une de ces photographies larges comme deux ongles que des opérateurs forains exécutent à la minute sur des petites plaques de métal. Maria s’était fait tirer le jour du Pardon.

(Hugues le Roux)

Tirer (ça s’ tire !)

Merlin, 1888 : Se dit de tout ce qui touche à sa fin. Une garde, une punition, le congé militaire se tirent.

Tirer (se la)

Delvau, 1866 : v. réfl. Fuir.

Tirer (se)

France, 1907 : S’en aller. On dit aussi se la tirer.

Les hommes, c’est d’la mauvais graine,
C’est à peu près comme l’melon,
Faudrait en avoir six douzaines
Pour en trouver un de bon
Fuyez Léon, Paul, Anatole
Vous que j’eus le tort d’adorer.
Maintenant qu’j’ai soupé d’vot’ fiole.
Vous pouvez vraiment vous tirer.

(René Esse)

Se tirer des flûtes, s’en aller.

Aux Buttes-Chaumont.
La grande sœur. — Où est Mimile ?
Le petit frère. — I’ vient d’f… le camp.
— Tu sais bien qu’on t’a défendu de dire des gros mots.
— Comment qu’i’ faut dire, alors ?
— Il faut dire : il a décanillé, il s’est esbigné, ou mieux il s’est tiré les flûtes.

Se tirer à la douce, s’esquiver rapidement et sans bruit.

À ce moment, un coup de sifflet retentit au dehors.
Tous tressaillirent.
— Attention ! dit Mille-Pattes, c’est ma femme qui avertit… et, vous savez, elle à le nez creux, la Sardine…
— C’est les fliques !… dit Peau-de-Zébi, qui avait entr’ouvert la porte… Ils n’osent pas avancer… tirons-nous à la douce par le jardin…

(Edmond Lepelletier)

Se tirer des pattes, s’en aller, se sauver.

Deux amis de collège, qui ne se sont pas vus depuis le bahut, se rencontrent, en wagon, sur la ligne du Nord.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je suis dans le commerce… Je me tire d’affaire, Et toi ?
— Moi, je suis dans la finance, et je me tire des pattes.

Se tirer des pieds, même sens.

Dans l’musée qu’était solitaire,
Soudain, j’dis à Pascal tout bas :
Regard’ donc cett’ Vénus en pierre,
Comment qu’ça s’fait qu’a n’a pas de bras ?
Il m’fait : Ça c’est une sale histoire,
Mon vieux, faut nous tirer des pieds.
Si on nous voit là, on va croire
Qu’c’est nous qui les avons cassés.

(Eugène Rimbault)

Tirer à boulets rouges sur quelqu’un

Delvau, 1866 : v. n. Le poursuivre inexorablement, lui envoyer des monceaux de papier timbré, — dans l’argot des bourgeois, qui deviennent corsaires avec les flibustiers. On dit aussi Poursuivre à boulets rouges.

France, 1907 : Ne pas le ménager, le poursuivre par tous les moyens.

Tirer à hue et à dia

France, 1907 : Tirer à droite et à gauche ; conduire en tous sens.

J’ai froid au cœur en me rappelant ce qu’elle en disait, de ce père et de cette mère inconscients qui la tiraient de hue et de dia comme des rapaces qui se disputent une proie, qui, au lieu de profiter des rares instants où elle leur appartenait pour la cajoler et l’apprivoiser, l’initiaient, la mêlaient à leurs querelles, l’empoisonnaient de leur amertume, s’accusaient et se donnaient mutuellement tous les torts, étouffaient sous une couche de fiel l’amour filial, le respect instinctif de l’enfant envers les siens.

(René Maizeroy)

Tirer à la ligne

Delvau, 1866 : v. n. Écrire des phrases inutiles, abuser du dialogue pour allonger un article ou un roman payé à tant la ligne, — dans l’argot des gens de lettres, qui n’y tireront jamais avec autant d’art, d’esprit et d’aplomb qu’Alexandre Dumas, le roi du genre.

Rigaud, 1881 : Délayer un article de journal, l’allonger, non plus avec des alinéas et des blancs comme pour le choufliquage, mais avec des épithètes, des synonymes, des périphrases.

France, 1907 : Allonger ses phrases par des mots inutiles ; délayer un dialogue afin d’augmenter le nombre de lignes d’un article, d’une chronique ou d’un roman payé à tant la ligne. Argot des gens de lettres. Alexandre Dumas père excellait dans ce genre de besogne et s’en tirait toujours avec une grande habileté. Depuis, il eut nombre d’imitateurs, sinon en qualité, du moins en quantité. Le roman-feuilleton n’est qu’une suite de tirages à la ligne, et, chose digne de remarque, ce qui n’est pas tiré à la ligne, c’est-à-dire ce qui offre quelques qualités littéraires, le public ordinaire de ces rapsodies ne le lit pas.

L’auditoire est attentif, dès le début ; après quelques répliques piquantes où les protagonistes affirment leur personnalité et dévoilent leur état d’âme, tout le monde sent venir la grande scène dite des révélations : la scène à faire ! Jusqu’ici, toutes les règles de l’art des préparations ont été sagement observées ! Mais le procureur s’est nourri de la moelle des feuilletonistes ; Montépin, Boisgobey n’ont plus de secret pour lui ; il tire à la ligne sans pudeur, fait rebondir la scène avec l’adresse d’un jongleur japonais !

(Le Journal)

Tirer à la rencontre

Ansiaume, 1821 : Voler une montre.

Je fais aussi une tire à la rencontre.

Tirer au c…

Merlin, 1888 : Se soustraire à un service.

Tirer au cul

La Rue, 1894 : User de prétextes pour ne pas travailler.

France, 1907 : S’esquiver d’un travail, d’une corvée, d’un exercice ; argot militaire.

— Ah ! tu tires au cul, mon salaud, tu ne veux pas en foutre un coup : tu veux nous laisser crever tous à c’te nuit pendant que tu resteras au chaud ; hé bien ! attends voir un peu, tu verras ce que ça te coûte.

(Georges Courteline, Les Gaités de l’escadron)

Y en a qui font la mauvais’ tête
Au régiment ;
I’s tir’ au cul, i’s font la bête
Inutil’ment ;
Quand i’s veul’nt pus fair’ d’exercice
Et tout l’fourbi.
On les envoi’ fair’ leur service
À Biribi.

(Aristide Bruant)

Voir Tirer au flanc, tirer aux grenadiers.

Tirer au flanc

Rigaud, 1881 : Manquer à sa parole, ne pas tenir ce qu’on a promis, — dans le jargon du régiment.

France, 1907 : Esquiver ou essayer d’esquiver le service ; argot militaire.

— T’arriveras là-bas, tu passeras la visite, on saura que tu tires au flanc, et on te renverra illico au quartier avec quinze jours de prison.

(G. Courteline, Les Gaités de l’escadron)

Pour passer mon congé heureux,
Je tire au flanc tant que je peux ;
Dans les dragons, au dix-huitième,
Je tir’ ma flemme !

(Suireau)

Tirer au grenadier

La Rue, 1894 : Laisser sa part de travail retomber sur d’autres.

Tirer au mur

Rigaud, 1881 : Se passer de, se priver, — dans le jargon des soldats. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Se passer, se priver.

France, 1907 : Travailler sans résultat ; allusion à un exercice d’escrime de ce nom.

Tirer au renard

Rigaud, 1881 : Pour un cheval, c’est lever le nez en l’air, quand on le tient par la bride ou qu’il est attaché au râtelier, — dans le jargon des soldats de cavalerie. — Tirer au vent, c’est quand le cheval portant son cavalier lève la tête. Il n’y a pas moyen d’arrêter un cheval emballé qui tire au vent.

France, 1907 : Esquiver un exercice, une corvée ; argot militaire.

Vienne le temps des grandes manœuvres et vous verrez les fainéants tirer au renard. L’un feindra des coliques ; cet autre se déclarera atteint de rhumatismes…

(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)

Adieu le major, la visite,
Où je conviens que, pour ma part,
Les jours de flemme, j’allais vite
Afin de tirer au renard,
Adieu l’infirmier qui vous place
En rang d’oignons dans le couloir ;
V’là que nous sommes de la classe
Et que la classe part ce soir !…

(Griolet)

Tirer aux chevrotins

France, 1907 : Expression vieillie signifiant vomir.

Tirer aux grenadiers

Larchey, 1865 : Carroter le service, militairement parlant. Comme les compagnies d’élite sont exemptes de corvées, tirer aux grenadiers, c’est s’attribuer indûment leurs privilèges. — Tirer une dent : Escroquer (Vidocq). — V. Carotte.

Delvau, 1866 : v. n. Emprunter de l’argent à quelqu’un en inventant une histoire quelconque, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Forger une histoire pour emprunter de l’argent.

France, 1907 : Esquiver le service, laisser le travail aux camarades ; allusion aux anciennes compagnies de grenadiers où les soldats étaient exempts de certaines corvées.

Tirer d’épaisseur (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se tirer d’un mauvais pas, — dans l’argot des ouvriers. Signifie aussi diminuer, — en parlant d’une besogne commencée.

Rigaud, 1881 : Sortir d’un mauvais pas.

France, 1907 : Diminuer. La besogne se tire d’épaisseur, elle est bientôt terminée. Se dit aussi pour se tirer d’une fâcheuse affaire.

Tirer de la cellule

France, 1907 : Faire de la prison ; argot militaire.

— Oui, c’est comme ça, je tire de la cellule avant que je me tire moi-même.

(Georges Courteline)

Tirer de la droite

France, 1907 : Boiter de la jambe droite, signe auquel la police reconnaît les anciens forçats.

— Ce n’est pas un sanglier, c’est un cheval de retour. Vois comme il tire de la droite ! — Il est nécessaire d’expliquer ici que chaque forçat est accouplé à un autre (toujours un vieux et un jeune ensemble) par une chaîne. Le poids de cette chaîne rivée à un anneau au-dessus de la cheville, est tel, qu’il donne, au bout d’une année, un vice de marche éternel au forçat… En termes de police, il tire de la droite.

(Balzac)

Tirer de la marne

France, 1907 : Travailler ; argot faubourien, de marner, travailler dur.

Pendant qu’j’allais tirer d’la marne,
Mam’zelle s’allongeait dans l’milieu
D’mon poussier… a faisait sa carne…

(Aristide Bruant)

Tirer de longueur (se)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des faubouriens — d’une chose qui tarde à venir, d’une affaire qui a de la peine à aboutir, d’une histoire qui n’en finit pas.

Tirer des balladoires (se)

Rigaud, 1881 : Se sauver ; c’est-à-dire : se tirer des jambes. Les balladoires, ce sont les jambes, qui servent à la ballade.

Tirer des berges à la ronde

France, 1907 : Faire des années de détention à la prison centrale.

Tirer des bordées

France, 1907 : Expression militaire venue de la marine. S’amuser au lieu d’être à son service ; faire la noce. Être en bordée, être absent du quartier sans permission et pour s’ébaudir.

À l’infirmerie et à la salle de police, il s’était lié avec toutes les fortes têtes du régiment et lui-même, désormais, était cité comme une pratique, véritable gibier de biribi. Il découchait et tirait des bordées.

(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)

Tirer des longes

Halbert, 1849 : Faire plusieurs années de prison.

Tirer des pieds (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller, s’enfuir.

Tirer des plans de longueur

France, 1907 :

Les bons bougres savent quelle foultitude d’employés la Ville entretient : c’est rigolo de reluquer les allées et venues de toute cette séquelle pour la moindre babiole, — comme qui dirait boucher un trou sur un trottoir, avec un seau de bitume.
Mince de procession d’employés ! ll s’en amène une dizaine qui restent trois quarts d’heure, en rond, à tirer des plans de longueur, crayon et calepin aux pattes.

(Le Père Peinard)

Tirer des plans sur la comète

France, 1907 : Faire des projets irréalisables.

Tirer du flan

France, 1907 : Subir un emprisonnement ; argot des voleurs.

Tirer l’échelle

La Rue, 1894 : Ne pas aller plus loin.

France, 1907 : Terminer. « Après cela, il faut tirer l’échelle. » Il n’y a plus rien à dire.

Et le turbin d’assainissement devient de moins en moins cotonneux : après la fournée d’ambitieux qui se prépare à s’asseoir autour de l’assiette au beurre, y aura plus qu’à tirer l’échelle.

(Père Peinard)

Quel chef-d’œuvre ! Il falloit tirer l’échelle après,
Le Bouclier d’Achille étoit guenille auprès.

(Nicolas R. de Grandval)

Tirer l’œil

France, 1907 : Attirer l’attention, se faire remarquer.

Avocat, médecin, architecte, négociant, tant que vous vous teniez, comme les gens d’autrefois, dans votre cercle natal, vous pouviez suffire ; bien ou mal, on vous évaluait ; bonne ou mauvaise, dans le monde et l’opinion, vous aviez votre place ; à Paris, vous n’en avez point, on ne vous connait pas : vous êtes, comme à l’hôtel garni, le numéro tant, c’est-à-dire un paletot et un chapeau qui sortent le matin et rentrent le soir. De ces chapeaux et paletots, il y en a vingt mille. Quelle marque ou cocarde trouver pour se faire reconnaître ? Quelle couleur assez voyante, quel signe assez singulier vous distinguera entre les vingt mille signes et les vingt mille couleurs ? Il faut tirer l’œil ; hors de là, point de salut.

(H. Taine, Notes sur Paris)

Tirer l’oreille à Thomas

France, 1907 : Vider le baquet de la salle de police. Voir Thomas.

C’qu’est dégoûtant dans l’mélétaire,
C’est d’tirer l’oreille à Thomas !
Thomas c’est un’manièr’ de tonne
Ousqu’un chacun met ses fricots ;
C’est formidabl’ c’que ça poisonne
Quand c’est un jour à z’haricots !

Tirer la bourre

Rossignol, 1901 : Se battre.

Tirer la droite

Delvau, 1866 : v. a. Traîner la jambe droite par habitude de la manicle qu’elle a portée au bagne, — dans l’argot des agents de police, qui se servent de ce diagnostic pour reconnaître un ancien forçat.

Tirer la ficelle

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Onan.

France, 1907 : Terminer.

Tirer la langue

Delvau, 1866 : v. a. Être extrêmement pauvre, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Tirer la langue d’un pied.

Virmaître, 1894 : Courir à en perdre haleine. Faire tirer la langue à un débiteur en lui promettant de l’argent. Tirer la langue : avoir faim, attendre après quelque chose qui ne vient jamais (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Avoir envie ou besoin d’une chose qu’on ne vous donne pas.

Je suis sans argent, mes parents ne m’en envoient pas, ils me font tirer la langue.

France, 1907 : Attendre longtemps et vainement.

— Ah ! petite coquine, voici deux mois bientôt que tu me bernes, que tu me fais tirer la langue, mais gare à toi, tu y passeras quand même.

(Les Propos du Commandeur)

Tirer la langue d’une aune

Rigaud, 1881 : Être très altéré. — Être misérable.

Tirer le canon

Delvau, 1866 : v. a. Conjuguer le verbe pedere, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Tirer le canon d’alarme.

Tirer le chausson

Delvau, 1866 : v. a. S’enfuir, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi se battre.

Rigaud, 1881 : Décamper.

Tirer le diable par la queue

Delvau, 1866 : v. a. Mener une vie besogneuse d’où les billets de banque sont absents, remplacés qu’ils sont par des billets impayés. Argot des bohèmes. On dit aussi Tirer la Ficelle ou la corde.

Virmaître, 1894 : Il y en a (la moitié de Paris) qui passent leur temps à cette besogne, sans être jamais avancés un jour plus que l’autre. La misère ne les lâche pas. Ce pauvre diable, depuis le temps que l’on la lui tire, n’en devrait plus avoir (Argot du peuple).

France, 1907 : Vivre misérablement, être à court d’argent, ne savoir comment joindre les deux bouts ; travailler beaucoup pour gagner peu. « Que d’écrivains tirent le diable par la queue ! Cette expression s’explique, die S. Dauny, dans l’Écho du Public, par de vieilles images, très populaires autrefois, où l’on voyait toutes sortes de gens tirant par la queue le grand diable d’argent, lequel distribuait de l’argent de son sac. »

— Tirez de diable par la queue si vous y êtes forcée, mais ne l’avouez jamais ; qu’on ne le sache pas si vous ne voulez être délaissée par les uns et méprisée par les autres. Personne parmi nous ne l’ignore, et c’est ce qui explique la somme considérable d’efforts que l’on fait pour paraître. J’ai même tort de limiter ces efforts à notre monde ; ils sont inhérents à la société française et, dans des limites à déterminer, à la société humaine. Donc, il faut paraître, paraître à n’importe quel prix, à Paris plus que partout ailleurs. Dès lors, il faut s’ingénier, tâcher de vivre.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Tirer le dig-dig

France, 1907 : Tirer le cordon, sonner.

Tirer le pied de biche

France, 1907 : Mendier ; allusion aux mendiants qui vont de porte en porte tirer la sonnette.

Tirer les pattes (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’ennuyer, — dans l’argot des typographes, à qui il répugne probablement de s’étirer les bras.

Rigaud, 1881 : Bâiller en allongeant les bras au-dessus de la tête.

Tirer les vers du nez

France, 1907 : Arracher par persuasion les secrets de quelqu’un. Cette expression telle qu’elle est comprise n’aurait aucun sens, comme d’ailleurs nombre d’autres dont on se sert sans s’en rendre compte, le diable au vert, par exemple, s’il s’agissait de l’incommode et dégoûtant animal qui chez l’homme habite les intestins et non le nez. Mais la locution proverbiale fait allusion aux vérités, en vieux français vères, et ainsi la locution à un sens. Tirer les vers du nez. C’est arracher les vérités à quelqu’un.

Tirer sa coupe

Delvau, 1866 : S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Nager : expression populaire. Se promener ; argot des marins.

D’temps en temps nous tirons not’ coupe
Su’l’grand boul’vard. Des vrais chatons
Quand nous naviguons l’vent en poupe.

(Jean Richepin)

Tirer sa coupe sur le grand flanche

France, 1907 : Être transporté dans une colonie pénitentiaire.

Tirer sa crampe

France, 1907 : Coïter.

France, 1907 : S’échapper de prison ; argot des malfaiteurs.

Tirer sa crampe avec la veuve

France, 1907 : Être guillotiné.

Tandis qu’il tient amoureusement la donzelle, il lui pose des questions :
— Ta mère, qu’est-ce qu’elle fait ?
— Elle fait des ménages.
— Et ton frère ?
— Il fait rien.
— Et ton père ?
— Mon père ?… Y a longtemps qu’il a tiré sa crampe avec la veuve.
Cette réponse le refroidit.

(Les Joyeusetés du régiment)

Tirer sa flemme

France, 1907 : Se reposer au lieu de travailler.

C’est à peu prés sûr qu’il regrette
L’heureux temps où, simple lascar,
Il guignait l’heur’ de la retraite
En arpentant le boulevard.
Il ne peut plus tirer sa flème
Comm’ tout le mond’, c’est immoral,
Et ce n’est plus un homme même…
Y a quatr’ homm’s et un caporal !

Tirer sa longe

Delvau, 1866 : v. a. Marcher avec difficulté par fatigue ou par vieillesse, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Traîner la jambe. — Expression primitivement appliquée à la démarche des forçats libérés.

La Rue, 1894 : Traîner la jambe.

Tirer ses guêtres

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller de quelque part, s’enfuir, — dans l’argot du peuple. On disait autrefois Tirer ses grègues.

France, 1907 : S’esquiver, s’enfuir. Expression militaire.

Beaucoup découchaient, se faufilant entre les sentinelles trop espacées sur l’immense front de bandière, ou se tirant des guêtres par les fossés.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Tirer ses guêtres, sa coupe, son chausson; se tirer des flûtes, des pieds

La Rue, 1894 : Se sauver.

Tirer ses guêtres, se la tirer

Rigaud, 1881 : Se sauver, partir. Variantes : Tirer sa coupe, se tirer des pattes.

Tirer son épingle du jeu

France, 1907 : Se tirer adroitement d’affaire, sauver ses intérêts au moment où ils allaient être compromis ; allusion à un jeu de petites filles qui, au moyen d’une balle lancée contre un mur, font sortir des épingles d’un rond.

Sous l’apparence de se dévouer à tous, d’être complaisant jusqu’à l’abus, de ne refuser aucun service, de dépenser sa vie pour les uns et les autres, il s’entend à miracle à tirer son épingle du jeu, à faire fructifier ses revenus, à prendre sa part des bonnes aubaines.

(Colombine, Gil Blas)

Les Saints et des Diables ensemble,
Eurent toujours maille à partir ;
Et ce qui doit nous avertir
Qu’il faut que chacun de nous tremble,
C’est que le Serviteur de Dieu
N’a pas toujours, avec le Diable,
Tiré son épingle du jeu,
Ou la Légende est une fable.

(Grécourt)

Tirer son plan

Delvau, 1866 : Faire son temps de prison ou de bagne, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Subir un emprisonnement.

La Rue, 1894 : Faire son temps de peine.

Tirer sur sa longe

France, 1907 : Traîner la jambe, marcher péniblement.

Tirer un bouchon

Virmaître, 1894 : Voleur qui fait dix ans du prison (Argot des voleurs).

Tirer un congé à la maz

France, 1907 : Se disait, avant la démolition de Mazas, pour : être emprisonné.

Moi, j’ai besoin que ma Louise turbine,
Sans ça j’tire encor un congé
À la Maz ! Gare à la surbine !
J’deviens grinch’ quand j’ai pas mangé.

(Jean Richepin)

Tirer un gerbement, un sapement

France, 1907 : Purger une condamnation ; argot des voleurs.

Tirer une botte

France, 1907 : Faire un assaut à la salle d’armes et, par extension, donner un coup d’épée.

— Pour lors, nous allâmes sur le terrain avec nos témoins. Aussitôt alignés, je lui tire une botte ; mon particulier tombe à moitié évanoui.
— Sapristi ! sergent, si vous aviez encore tiré la seconde, pour sûr il serait resté asphyxié.

Tirer une carotte

France, 1907 : Mentir, tromper pour obtenir des subsides. Il arrive que les gouvernements tirent des carottes comme de simples pioupious.

On dit, mais ce n’est pas certain,
Que le roi d’Hollande
Veut venir jusqu’à Pantin
Avec toute sa bande ;
Qu’il vienne pour nous escoffier,
Mais qu’il prenne garde de se faire pincer ;
Encore une carotte qu’on veut nous tirer.

(Chanson du siège d’Anvers, 1832)

Tirer une chose de longueur

France, 1907 : Employer tous les moyens pour la faire réussir ; entreprendre longtemps à l’avance une opération.

— Par exemple, nous visons le Prix Bérenger, troisième réunion d’été, 50.000 fr., et nous voulons que Panama ait une grosse cote. Eh bien ! il faut tirer la chose de longueur. Nous le faisons partir au printemps dans une petite course, le Prix du Préau si vous voulez. Je le monte pour gagner ou pour la place. Bien. Une seconde fois, la même chose. Le cheval est classé, on a confiance. La troisième fois, on le fait courir avec des animaux d’ordre un peu supérieur. Cette fois, il ne fait rien, il n’est nulle part.

(Maurice Donnay, Les Affaires)

Tirer une coupe sur le grand fleuche

Rigaud, 1881 : Aller à la Nouvelle-Calédonie, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Aller à la Nouvelle Calédonie.

Tirer une d’épaisseur (en)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : tirer une énorme carotte. — En tirer une de longueur, même signification.

Tirer une dent

Vidocq, 1837 : Induire quelqu’un en erreur, et lui escroquer de l’argent en lui racontant une histoire.

Delvau, 1866 : v. a. Escroquer de l’argent à quelqu’un en lui contant une histoire.

Rigaud, 1881 : Soutirer de l’argent sous un faux prétexte.

La Rue, 1894 / France, 1907 : Escroquer de l’argent.

Tirer une épine de pied

France, 1907 : Sortir de difficulté, d’embarras.

Tirer une râpée

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon du régiment.

France, 1907 : Coïter.

Tiretaine

France, 1907 : Voleur de campagne.

Tiretaine, tireur de campagne

Rigaud, 1881 : Voleur à la tire qui fait un peu de villégiature. C’est dans les foires de village que le tiretaine fait de bonnes récoltes.

Tiretarrière

France, 1907 : Gifle, soufflet ; argot des marins ; littéralement tire-t’arrière, « tire-toi en arrière ».

Belle femme, ce qu’on appelle à la campagne un beau corps de femme, grande, plantureuse, tétonnière et fessue, elle faisait certainement loucher plus d’un gabelou ; mais il ne fallait pas renifler de trop près son âcre parfum de grosse brune. Autrement, v’lan ! une tiretarrière !

(Jean Richepin)

Tireur

Ansiaume, 1821 : Filoux.

Il y a là deux tireurs qui nous entravent, décarrons de rif.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Filou.

Vidocq, 1837 : Le vol à la Tire est très-ancien, et a été exercé par de très-nobles personnages, c’est sans doute pour cela que les Tireurs se regardent comme faisant partie de l’aristocratie des voleurs et membres de la Haute Pègre, qualité que personne au reste ne cherche à leur refuser.
Le Pont-Neuf était autrefois le rendez-vous des Tireurs de laine ou manteaux, et des coupeurs de bourse, qu’à cette époque les habitans de Paris portaient suspendue à la ceinture de cuir qui entourait leur corps. Ces messieurs, qui alors étaient nommés Mions de Boulles, ont compté dans leurs rangs le frère du roi Louis XIII, Gaston d’Orléans ; le poète Villon, le chevalier de Rieux ; le comte de Rochefort ; le comte d’Harcourt, et plusieurs gentishommes des premières familles de la cour ; ils exerçaient leur industrie à la face du soleil, et sous les yeux du guet qui ne pouvait rien y faire. C’était le bon temps ! Mais maintenant les grands seigneurs qui peuvent puiser à leur aise dans la caisse des fonds secrets, ce qui est moins chanceux et surtout plus productif que de voler quelques manteaux rapés ou quelques bourses étiques, ont laissé le métier aux manans ; et, à l’heure qu’il est, grâce à l’agent Gody, ces derniers sont très-souvent envoyés en prison par leurs compagnons d’autrefois.
Les Tireurs sont toujours bien vêtus, quoique par nécessité ils ne portent jamais ni cannes ni gants à la main droite ; ils cherchent à imiter les manières et le langage des hommes de bonne compagnie, ce à quoi quelques-uns d’entre eux réussissent parfaitement. Les Tireurs, lorsqu’ils travaillent, sont trois ou quelquefois même quatre ensemble ; ils fréquentent les bals, concerts, spectacles, enfin tous les lieux où ils espèrent rencontrer la foule. Aux spectacles, leur poste de prédilection est le bureau des cannes et des parapluies, parce qu’au moment de la sortie il y a toujours là grande affluence ; ils ont des relations avec presque tous les escamoteurs et chanteurs des rues qui participent aux bénéfices de la Tire.
Rien n’est plus facile que de reconnaître un Tireur, il ne peut rester en place, il va et vient, il laisse aller ses mains de manière cependant à ce qu’elles frappent sur les poches ou le gousset dont il veut connaître approximativement le contenu. S’il suppose qu’il vaille la peine d’être volé, deux compères que le Tireur nomme ses Nonnes ou Nonneurs, se mettent chacun à leur poste, c’est-à-dire près de la personne qui doit être dévalisée. Ils la poussent, la serrent, jusqu’à ce que l’opérateur ait achevé son entreprise. L’objet volé passe entre les mains d’un troisième affidé, le Coqueur, qui s’éloigne le plus vite possible, mais, cependant sans affectation.
Il y a parmi les Tireurs des prestidigitateurs assez habiles pour en remontrer au célèbre Bosco, et les grands hommes de la corporation sont doués d’un sang-froid vraiment admirable. Qu’à ce sujet l’on me permette de rapporter une anecdote bien ancienne, bien connue, mais qui, cependant, est ici à sa véritable place.
Toute la cour de Louis XIV était assemblée dans la chapelle du château de Versailles ; la messe venait d’être achevée, et le grand roi, en se levant, aperçut un seigneur qui tirait de la poche de celui qui était placé devant lui une tabatière d’or enrichie de diamans. Ce seigneur, qui avait aperçu les regards du roi attachés sur lui, lui adressa, accompagné d’un sourire, un signe de la main pour l’engager à se taire. Le roi, qui crut qu’il s’agissait seulement d’une plaisanterie, lui répondit par une inclination de tête qui pouvait se traduire ainsi : Bon ! Bon ! Quelques instans après, celui qui avait été volé se plaignit ; on chercha l’autre seigneur, mais ce fut en vain. « Eh ! bon Dieu, dit enfin le roi, c’est moi qui ai de servi de compère au voleur. »
Il y avait entre les Tireurs du moyen-âge beaucoup plus d’union qu’entre ceux de notre époque. Ils avaient, pour n’être point exposés à se trouver en trop grand nombre dans les lieux où ils devaient opérer, imaginé un singulier expédient. Le premier arrivé mettait dans une cachette convenue, un dé qu’il posait sur le numéro un, le second posait le dé sur le numéro deux, et ainsi de suite jusqu’à ce que le nombre fût complet. Bussi Rabutin, qui rapporte ce fait dans ses Mémoires secrets, ajoute que plusieurs fois il lui arriva de retourner le dé qui était sur le numéro un, pour le mettre sur le numéro six, ce qui, dit-il, empêcha que beaucoup de personnes fussent volées.
Méfiez-vous, lecteurs, de ces individus qui, lorsque tout le monde sort de l’église ou du spectacle, cherchent à y entrer ; tordez le gousset de votre montre, n’ayez jamais de bourse, une bourse est le meuble le plus inutile qu’il soit possible d’imaginer, on peut perdre sa bourse et par contre tout ce qu’elle contient ; si, au contraire, vos poches sont bonnes vous ne perdrez rien, et dans tous les cas la chute d’une pièce de monnaie peut vous avertir du danger que courent ses compagnes. Ne mettez rien dans les poches de votre gilet, que votre tabatière, que votre portefeuille soient dans une poche fermée par un bouton, que votre foulard soit dans votre chapeau, et marchez sans craindre les Tireurs.

Clémens, 1840 : Voleur de bourse.

Larchey, 1865 : Voleur à la tire, dont la spécialité est de tirer, dans la foule, ce que contiennent les poches des voisins.

Delvau, 1866 : s. m. Pick-pocket.

Rigaud, 1881 : Voleur à la tire.

La Rue, 1894 : Voleur à la tire, pick-pocket.

France, 1907 : Voleur à la tire.

Tireur au cul

France, 1907 : Actuellement, le mot fricotteur peut être considéré comme synonyme de tireur au cul, mais on sait qu’il n’est pas de synonymes absolus, et, en effet, entre fricotteur et tireur au cul il y a des nuances.
L’un et l’autre sont des gaillards carottant ou cherchant à carotter le service, mais avec des visées différentes. Le premier, intelligent et dégourdi, levant le coude, levant la jambe, pourvu d’une ou de plusieurs particulières, tâche de toutes façons à s’amuser, à se divertir. Le second est un paresseux dont la préoccupation constante est de ne rien faire ou tout au moins de travailler fort peu. Il est souvent malade, atteint de boiteries singulières et d’écorchures incongrues et ne connaît pas de plus vif plaisir que d’astiquer sa plaque de couche ou de couler des heures de parfait farniente à l’infirmerie ou à l’hôpital. Le tireur au cul, carottier lymphatique, au physique comme au moral, est inférieur au fricotteur.

Tireur au flanc

France, 1907 : Même sens que tireur au cul. Tous les tireurs au flanc connaissent l’air de la sonnerie des malades :

Les tireurs au cul sont reconnus,
Les tireurs du flanc sont foutus dedans.

Tireur de couverture

France, 1907 : Acteur qui coupe les effets de ses camarades ; argot théâtral.

Tireuse

France, 1907 : Spécialité de voleuse qui tire les objets des poches.

Tireuse de vinaigre

Delvau, 1866 : s. f. Femme de mauvaises mœurs ; drôlesse, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Prostituée.

France, 1907 : Prostituée. Cette expression que donne Le Roux dans son Dictionnaire, est tombée en désuétude.

Tirjus

Clémens, 1840 : Mouchoir.

Tirjuter

Vidocq, 1837 : v. a. — Moucher.

Tirliberly

Delvau, 1864 : Mot forgé pour désigner le membre viril.

Et retroussé jusqu’au tirliberly.
En laissa voir un tout des plus superbes.

(Brécourt)

Tiroir

Rigaud, 1881 : Suppression d’une ou de plusieurs cartes dans le but d’aider la chance.

Le tiroir se pratique à tous les jeux, notamment au piquet, par l’enlèvement des trois as.

(A. Cavaillé, Les Filouteries du jeu)

France, 1907 : Filouterie de jeu consistant à enlever trois as.

France, 1907 : Parties sexuelles de la femme ; argot populaire. Mettre dans le tiroir, coïter. Voir Polichinelle.

Nous pauv’s ’tits fan-fans d’assassins,
Nous s’rons jamais les fantassins
Qui farfouillent dans les boïaux
Ou les tiroirs des Maternelles
Ousqu’y gn’a des Porichinelles.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

France, 1907 : Vengeance et divertissement qui consiste à frapper avec ensemble sur le dos du tiroir d’un bureau, au moyen des genoux. Argot du Borda.

Les adjudants partagent avec le capitaine d’armes le privilège d’être l’objet de l’antipathie des élèves qui ne sont pas longs à découvrir et à souligner leurs petits travers, et qui, lorsqu’ils sont mécontents de l’un d’entre eux, lui font un tiroir.
Faire un tiroir est une petite vengeance très appréciée au Borda.
En étude, alors que l’adjudant visé se promène en surveillant la batterie, éclate tout à coup au bruit formidable, produit par le choc de cent quatre-vingts genoux frappant à coups précipités les tiroirs des bureaux.
Au préalable, de l’air le plus innocent du monde, les élèves ont eu soin d’abaisser les tableaux noirs entre les épontilles, de façon que le molosse ne puisse surveiller utilement qu’un côté de la batterie à la fois.
Au premier roulement, l’adjudant se précipite du côté d’où part le bruit. Aussitôt, derrière lui, un tapage infernal éclate. Évolution rapide de l’adjudant. Mais les tableaux baissés interceptent sa vue. Il passe ainsi de bâbord à tribord, jusqu’au moment où quelques élèves, excités par le succès, perdent toute prudence, sont pris, et expient par quatre jours de prison le plaisir d’exécuter à contretemps des roulements antiréglementaires.

(Histoire de l’École navale)

Tiroir (un)

M.D., 1844 : Faire un trou dans le volet d’une boutique.

Tiroir de l’œil

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui contient le produit de la gratte, — dans l’argot des tailleurs.

Rigaud, 1881 : Économies provenant de la gratte, — dans le jargon des ouvriers et ouvrières à façon.

France, 1907 : Dans l’argot des tailleurs, c’est le tiroir qui contient le produit de la gratte.

Tiron

France, 1907 : Petit chemin.

Tirou

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Chemin.

Vidocq, 1837 : s. m. — Petit chemin.

Halbert, 1849 : Route pavée.

Rigaud, 1881 : Petit chemin, chemin de traverse, — dans le jargon des voleurs.

Tirtaigne

Vidocq, 1837 : s. m.Tïreur de campagne.

Tirtifeu

France, 1907 : Tisonnier ; vieux français.

Tisanier

Delvau, 1866 : s. m. Infirmier d’hôpital, chargé de distribuer la tisane aux malades.

France, 1907 : Infirmier.

Tison

d’Hautel, 1808 : Tison d’enfer. Mauvais homme, ou méchante femme qui excite au mal et à la discorde.
Il crache sur les tisons. Se dit par raillerie d’un vieillard, ou d’un homme sédentaire, qui se tient toujours au coin du feu.

Tisons relevés chassent les amoureux

France, 1907 : Ce dicton, encore en usage en nombre de campagnes, vient d’une ancienne coutume autrefois fort répandue. Lorsqu’une jeune fille voulait se débarrasser de l’assiduité d’un jeune homme qui ne lui plaisait pas, elle relevait à son arrivée les tisons du foyer et se retirait. Le prétendant comprenait alors qu’il n’avait plus à se chauffer pas plus le cœur que les membres à côté de la belle, s’en allait et ne revenait plus. Si au contraire au lieu de relever les tisons, c’est-à-dire de les éteindre, la jeune fille activait le feu, c’était signe de bon accueil. Ces coutumes symboliques disparaissent et les villageoises d’aujourd’hui ne font pas tant de façons.

Titi

Larchey, 1865 : Gamin de Paris.

Mousqueton est le titi par excellence, c’est le vrai gamin de Paris avec sa gaîté, sa souplesse, ses bons mots.

(M. Alhoy)

Delvau, 1866 : s. m. Gamin, voyou, — dans l’argot des gens de lettres.

Rigaud, 1881 : Nom intime du gamin de Paris.

Rigaud, 1881 : Typographe.

Rigaud, 1881 : Volaille, — dans le jargon des chiffonniers.

La Rue, 1894 : Gamin, voyou. Volaille.

France, 1907 : Gamin de Paris, jeune voyou, Ce mot n’est plus guère usité.

Selon la coutume
L’on boit et l’on fume,
La rampe s’allume
Comme un ruban d’or,
Le régisseur sonne,
L’orchestre résonne,
Le titi frissonne,
Le bourgeois s’endort.

(Chambot et Girier, La Chanson des Cabots)

France, 1907 : Volaille ; argot des chiffonniers.

Tityrer

France, 1907 : Jouer de la flûte ou du chalumeau à l’instar de Tityre, personnage des Églogues de Virgile.

Allez, vous, les champêtres,
Tityrer sous les hêtres
Aux sons du chalumeau ;
Profitez des vacances,
Paissez vos éloquences
Aux près de vos hameaux.

(Raoul Ponchon)

Tiv

Delvau, 1864 : Anagramme de vit.

Polidor, amoureux d’une beauté sauvage,
Prit en sa main son tiv rouge comme un tison,
Et dit : Faut-il, hélas ! que je meure en servage,
Ayant dedans ma main la clef de ma prison !

(Gombauld)

To be or not to be

France, 1907 : Être ou ne pas être. Locution anglaise tirée de l’Hamlet de Shakespeare. Être ou ne pas être, voilà la question. Voir That is the question.

Toast (porter un)

France, 1907 : Boire à la santé de quelqu’un. Cet anglicisme, qui a remplacé notre vieux mot brinde, vient du vieux français tostée, rôtie, dérivée du latin tostus, participe passé de torrere, griller, d’où le vieux français toster, même sens, C’était, en effet, la coutume de mettre une tranche de pain grillée dans une coupe et de faire passer la coupe aux convives. Celui qui buvait le dernier avait le droit — triste privilège ! — de manger la rôtie. On sait le mot de cet ambassadeur anglais qui, admis à l’honneur d’assister au bain d’une reine d’Espagne, voyant les plats courtisans puiser dans l’eau qui avait lavé les charmes de la baigneuse et la trouver plus exquise que tous les crus de l’Andalousie, déclina l’offre qu’on lui fit de goûter au liquide en répondant avec sa brutalité toute britannique : « Je préfère le toast. »

De porter des toasts suivez l’antique usage.

(Berchoux, Gastronomie)

Toc

Vidocq, 1837 : s. m. — Cuivre, mauvais bijoux.

un détenu, 1846 : Méchant.

Larchey, 1865 : Cuivre, bijou faux. — Onomatopée. — Allusion à la différence de sonorité qui existe entre une pièce de cuivre et une pièce d’or.

Bagues, boutons de manchette et croix de ma mère en toc, 6 fr. 50.

(Les Cocottes, 1864)

Delvau, 1866 : adj. et s. Laid ; mauvais — en parlant des gens et des choses. Argot des petites dames et des bohèmes. C’est toc. Ce n’est pas spirituel. Femme toc. Qui n’est pas belle.

Delvau, 1866 : s. m. Cuivre, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Bijoux faux.

La Rue, 1894 : Cuivre. Bijoux faux. Laid, mauvais. Signifie aussi amusant et absurde.

Virmaître, 1894 : Bijoux de mauvais aloi. Personnage contrefait ; se dit de tout ce qui n’est ni bien ni correct (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vilain, faux. Quelque chose de vilain est toc. Un objet en faux est en toc.

Hayard, 1907 : Laid, de peu de valeur.

France, 1907 : Absurde, bête, stupide.

La petite Sabinette raconte à sa digne mère que tous les soirs, lorsqu’elle revient de son magasin, un monsieur la suit.
— Et qu’est-ce qu’il te dit, ma fille ?
— Il ne m’a jamais adressé la parole…
— Alors il est rien toc !

(Zadig)

C’est fini ! qué qu’vous voulez faire
D’un gouvernement assez toc
Pour déranger des hommes d’affaire
Et pas mêm’ leur offrir un bock ?

(Écho de Paris)

France, 1907 : Faux ; trompe-l’œil ; argot populaire.

De cette production considérable que reste-t-il aujourd’hui ? Toutes les pièces d’Alexandre Dumas ont disparu l’une après l’autre, en nous laissant l’impression d’un art ridicule et grossier. À la dernière reprise de Henri III à la Comédie-Française, un critique fin et indépendant, M. Jules Lemaître, a fait entendre sur la pièce un mot terrible : C’est du toc, a-t-il dit.

(Henri Becque, Le Théâtre au dix-neuvième siècle)

Il faut que tous les empiriques,
Faux savants, mauvais politiques,
Pantins faits de bric et de broc,
Faiseurs de pilules en toc,
Que le contribuable dore
Sans rien voir — stupide pécore ! —
Comme les autres de là-bas,
À déguerpir ne tardent pas !
Il faut enfin que disparaisse
Tout ce monde de la paresse
Que le public depuis longtemps
Paie à jolis deniers comptants !
Plus de charlatans !

(É. Blédort)

France, 1907 : Laid, affreux.

Je la pris donc, l’autre semaine,
Pour la conduire à l’Opéra,
En disant : — La folie humaine,
Ô mignonne, te distraira —
Mais elle a trouvé fort banales
Nos danses : Tour ça, c’est mastoc,
A-t-elle fait : vos bacchanales
En habit noir, vrai, c’est rien toc.

(Jean Richepin, Les Blasphèmes)

France, 1907 : Ridicule, grotesque.

Il est joliment toc, va ! Quand il la fait à la dignité et qu’il est en chemise.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

anon., 1907 : Faux, vilain.

Toc (du)

Rigaud, 1881 : Du cuivre, bijou en imitation.

Toc (en)

France, 1907 : Faux bijoux, faux diamants.

Toc-toc

Boutmy, 1883 : adj. Un peu toqué, hannetonné.

La Rue, 1894 : Un peu toqué.

Hayard, 1907 : Fou.

France, 1907 : Toqué, un peu fou ; argot populaire.

Toc, tocard, tocasse, tocasson

Larchey, 1865 : Laid, mauvais. — C’est toujours du cuivre en supposant que l’or représente la beauté et la bonté.

L’article de Cascaret est toc.

(J. Rousseau)

Croiriez-vous qu’en parlant d’une femme laide, on dit : Elle est toc, elle est tocarde… C’est un vieux tocard, c’est un vieux tocasson.

(N. Vanecke, Ch. 1855)

Il goûta le pain dont les prisonnières se plaignaient : Chouette ! dit il, j’en ai mangé de plus toc que ça.

(Chenu, 1850)

Toc, togue, toque

Rigaud, 1881 : Amusant, amusante. — Rusé, rusée.

Toc, toque, tocasson

Rigaud, 1881 : Laid, désagréable, qui a peu de valeur. — Elle est rien toc cette gonzesse ! cette femme est très laide.

Tocandin

France, 1907 : Vieux libertin ; argot populaire.

Tocandine

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue ; drôlesse à la mode, — toquée. Le mot date de 1856-57.

France, 1907 : Vieille coquette s’attifant comme une jeune ; vieille femme galante et excentrique. Ce mot qu’Alfred Delvau traduit par femme entretenue, drôlesse à la mode, date de 1856-57. Argot populaire.

Tocanges

Bras-de-Fer, 1829 : Coquilles de noix.

Tocante

Clémens, 1840 : Pendule portative.

Hayard, 1907 : Montre.

Tocard

Delvau, 1866 : s. m. Vieux galantin.

Rossignol, 1901 : Méchant, mauvais.

N’approchez pas de ce cheval, il est tout ce qu’il y a de tocard.

Hayard, 1907 : Laid.

France, 1907 : Laid, vieux, usé. Devenir tocard, vieillir au physique comme au moral ; argot populaire.

Tocarde

Delvau, 1866 : s. f. Vieille coquette.

Tocasse

Vidocq, 1837 : s. — Méchant, méchante.

Larchey, 1865 : Méchant, — Tocasserie : Méchanceté (Vidocq).

Delvau, 1866 : adj. Méchant, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Méchant, méchante.

Virmaître, 1894 : Méchant. On dit également tocasserie pour méchanceté. Tocasserie est assurément une corruption de tracasserie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Laide, méchante ; argot populaire.

Tocasse, tocasserie

La Rue, 1894 : Méchanceté. Femme laide, ridicule.

Tocasserie

Vidocq, 1837 : s. f. — Méchanceté, malice.

Delvau, 1866 : s. f. Méchanceté.

Rigaud, 1881 : Méchanceté.

France, 1907 : Laideur et méchanceté ; ça va souvent de pair. Argot populaire.

Tocasson

Delvau, 1866 : s. f. Femme laide, ridicule et prétentieuse, — dans l’argot de Breda-Street. On dit aussi Tocassonne.

Rigaud, 1881 : Femme laide et vieille, ridiculement accoutrée. — Quel tocasson !

Virmaître, 1894 : Fille qui depuis des années est dans la circulation, qui veut conserver des airs de jeunesse et se refuse à dételer son vieux fiacre.
— Crois-tu que c’est pas dégoûtant, la mère Tocasson qui trime encore à 72 berges (Argot des filles).

Rossignol, 1901 : Vieux, mauvais. Un mauvais cheval est un tocasson.

France, 1907 : Laid ; s’emploie pour les deux genres.

Eh ! ben zut ! Eh ben, nom de Dieu !
C’est ça qu’on appelle une étoile ?
Ell’ s’rait même pas bonne au pieu…
Elle est frusquée comme un torchon ;
Faut vraiment que le public soit pantre
Pour applaudir ce tocasson,
Cette femme-là n’a rien dans le ventre.

(Chambot et Girier, La Chanson des Cabots)

Toccange

anon., 1827 / Halbert, 1849 : Coquilles de noix.

France, 1907 : Coquille de noix ; déformation de cocange ; Argot des voleurs.

Toccanges

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Coquilles de noix.

Toccante

anon., 1827 : Montre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Montre. Toccante d’orient, montre d’or.

Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Montre.

France, 1907 : Montre : s’écrit plus souvent toquante ; Argot populaire.

J’ai sondé ses valades,
Son carle ai pessiqué,
Son care et sa toccante,
Loufa malura dondaine,
Loufa malura dondé.

(Vidocq)

Tocq

Ansiaume, 1821 : Méfiant.

Il faut être tocq, car la vergue est comblée de roussins.

Tocquante

Vidocq, 1837 : s. f. — Montre.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tocquard

France, 1907 : Méfiant ; argot des grecs.

Le croupier qui se fait le complice d’un grec, prépare non seulement le potage (taille les cartes) que celui-ci doit servir, mais encore il lui désigne les joueurs douillards, les tocquards, les bonnards, les musiciens, les voyeurs, ceux en un mot qu’on peut chambrer…

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Tocquerie

Ansiaume, 1821 : Finesse.

Je les entortille, au premier accent je les ébobis tous deux.

Togne

France, 1907 : Malin ; argot des voleurs.

Togue ou toque

Vidocq, 1837 : s. — Malin, maline.

Toile

d’Hautel, 1808 : Il en fait comme de la toile. Pour dire, il est expéditif, très-habile à l’ouvrage ; il travaille avec ardeur ; il en fait considérablement.
Aller se mettre dans les toiles. Pour dire aller se coucher, se mettre au lit.
Il a trop de caquet, il n’aura pas ma toile. Se dit d’un babillard auquel on ne veut point avoir affaire, et par allusion, avec un conte de vieille fort connu.

Toile (déchirer la)

Larchey, 1865 : Faire un feu de peloton. — Comparaison du bruit de la fusillade à celui d’une toile qu’on déchire. Elle est assez juste.

Tout à l’heure les feux de deux rangs déchireront la toile, et nous verrons si vos clarinettes ont de la voix.

(Ricard)

Toile (être dans la)

France, 1907 : Être en prison.

Toile (faire de la)

Rigaud, 1881 : Ne pas manger faute d’argent, — dans le jargon des tailleurs.

France, 1907 : Se dit d’un acteur qui ne sait pas sou rôle, qui improvise, qui joue au souffleur ; argot théâtral.

Toile (vous parlez trop, vous n’aurez pas ma)

France, 1907 : Le vieux dicton, encore en usage en province, s’applique aux gens qui cherchent à persuader et à séduire par de beaux discours.

Une paysanne avait chargé son fils d’aller au marché de la ville voisine vendre une pièce de toile. Se défiant de sa sagacité, elle lui dit : « Méfie-toi des grands parleurs, garde-toi de leur vendre ta toile, car ils te tromperaient. » Ce benêt retint si bien la leçon qu’il ne trouva personne qui ne parlât trop à son gré, car dès qu’on s’était approché de lui pour examiner sa toile et qu’on lui en demandait le prix, il répondait à tous ceux qui le marchandaient : Vous parlez trop, vous n’aurez pas ma toile.

Toile d’emballage

Delvau, 1866 : s. f. Linceul, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion à la serpillière de l’hôpital.

Virmaître, 1894 : Linceul. Cette expression est toujours en usage, malgré que dans les hôpitaux on n’ensevelisse plus les morts dans des serpillières (Argot du peuple).

France, 1907 : Linceuls ; argot faubourien.

Toile de Pénélope

France, 1907 : Travail qui traine en longueur et dont on ne voit pas la fin.
Tout le monde connait la fable de Pénélope, femme d’Ulysse, roi d’Ithaque et mère de Télémaque, qui, pressée en l’absence de son mari, qu’on croyait mort après le siège de Troie, de choisir un époux parmi ses nombreux soupirants attirés par sa beauté et aussi par l’espoir de partager le trône, éluda leur poursuite en leur promettant de faire son choix lorsqu’une toile, à laquelle elle feignait de travailler assidûment et qu’elle destinait à ensevelir son beau-père, Laerte, encore vivant, serait terminée. Il faut croire que les amoureux de ce temps-là étaient plus patients et plus confiants que ceux d’aujourd’hui, car pendant vingt ans ils attendirent, Pénélope ayant le soin de défaire la nuit ce qu’elle avait tissé pendant le jour. Aussi la toile était loin d’être achevée lorsque Ulysse arriva enfin et tua ses rivaux à coups de flèches.

Toiles du gouvernement

France, 1907 : Draps de lit du troupier. Se fourrer dans les toiles du gouvernement, se coucher. Expression militaire.

Toiles se touchent (les)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — lorsqu’on n’a pas d’argent en poche.

France, 1907 : Expression métaphorique indiquant que la poche est vide, qu’aucune pièce de monnaie n’empêche les toiles de se toucher.

Toilette

d’Hautel, 1808 : Faire une toilette à quelqu’un. Le gourmander, le rabrouer, le relancer ; le tancer d’importance.
Plier toilette. Se dit dans le même sens que plier bagage, se sauver, prendre la fuite.

Delvau, 1866 : s. f. Coupe des cheveux et de la barbe des condamnés à mort, — dans l’argot des prisons. On dit aussi Fatale toilette.

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de serge verte dans lequel les cordonniers enveloppent les souliers qu’ils portent à leurs pratiques : morceau de percaline noire dans lequel les tailleurs enveloppent les vêtements qu’ils portent à leurs clients.

France, 1907 : Pièce de percaline dans laquelle les tailleurs et les couturières enveloppent les vêtements qu’ils portent aux clients.

Gabrielle, qui portait à la main une ample toilette renfermant la robe d’une cliente, glissa son bras sous celui de sa sœur.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Toilette (faire la)

Rigaud, 1881 : Couper les cheveux à un condamné à mort pour faciliter la décollation.

Toilette (faire sa)

Rigaud, 1881 : Vaquer aux soins de propreté tout intimes, — dans le jargon des bourgeoises qui ne craignent pas l’eau.

Toilette (la)

Virmaître, 1894 : Avant le règne de M. Deibler, la toilette des condamnés à mort durait une grande demi-heure, une éternité ; aujourd’hui, le mot est resté, mais pour la forme seulement, car on ne la leur fait plus. Chaque semaine, les condamnés sont rasés et ont les cheveux coupés : on leur épargne ainsi une torture inutile. Heindrich, l’avant-dernier bourreau, recommandait toujours à ses aides de se dépêcher pour ne pas laisser le condamné vieillir (Argot des voleurs).

Toise

d’Hautel, 1808 : C’est fait à la toise. Pour dire, grossièrement, sans soin, d’une manière très-négligée.
Il mesure tout le monde à sa toise. Pour dire il juge les autres d’après soi.

Toiser

d’Hautel, 1808 : C’est une affaire toisée. Pour dire conclue, terminée.
Toiser quelqu’un. Le regarder avec affectation, avec une attention scrupuleuse ; avec hauteur.

Delvau, 1866 : v. a. Juger des qualités ou des vices de quelqu’un, — dans l’argot du peuple, pour qui un homme toisé est un homme jugé et souvent condamné.

Toison

Delvau, 1864 : Les poils qui garnissent l’entrée du con.

Pour garder certaine toison,
On a beau faire sentinelle.
C’est temps perdu lorsqu’une belle
Y sent grande démangeaison.

(La Fontaine)

Au soleil tirant sans vergogne
Le drap de la blonde qui dort,
comme Philippe de Bourgogne
Vous trouveriez la toison d’or.

(Th. Gautier)

Va sur Acomat au poil raide,
Sur Fatime, à la toison d’or.

(H. De Maurice)

Delvau, 1866 : s. f. Chevelure opulente, absalonienne, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Rabelais : « Comme tomba la rousée sus la toison de Gédéon, » dit Panurge effrayé des paroles dégelées qui planent au dessus de sa tête (Liv. IV, ch. LV.). Signifie aussi Pudenda mulieris.

Toit, toiture

La Rue, 1894 : Chapeau.

Toiture

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau, coiffure quelconque, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chapeau d’homme.

France, 1907 : Chapeau ; argot faubourien.

Tolard

France, 1907 : Lit des forçats au bagne.

À ce mur, dans l’épaisseur duquel sont pratiquées des cuisines, des fontaines, des tavernes, des fosses d’aisances, s’adossent à droite et à gauche les tolards ou lits de camp. Chaque salle peut contenir 800 hommes ; chaque tolard en reçoit vingt-quatre.

(A. Dauvin, Les Forçats)

Tole

Halbert, 1849 : Derrière, logement.

Tôle

Ansiaume, 1821 : Bourreau.

Voici le tôle, s’il n’y avoit que lui à abattre…

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Derrière.

Clémens, 1840 : Exécuteur, maison.

Rossignol, 1901 : Domicile, maison.

Je rentre me coucher à la tôle.

Rossignol, 1901 : Maison à grand numéro.

Hayard, 1907 : Demeure, domicile.

Tôle, taule

Rigaud, 1881 : Maison.

Tolède

Rigaud, 1881 : Excellent, de qualité supérieure. Mot dont on a usé et abusé lors des beaux jours de l’école romantique ; aussi démodé que l’école elle-même. Tout était de Tolède, par allusion aux fameuses lames si exploitées dans les drames du temps. — Parapluie de Tolède, femme de Tolède, montre de Tolède. Le plus souvent on joignait l’adjectif bon, bonne, pour mieux observer la couleur locale.

Tolède (art de)

France, 1907 : Vol, tromperie. Vieux dicton hors d’usage et qui remonte à l’époque où les Maures occupaient l’Espagne.

Il fait d’un coq une poulette,
Il joue des arts de Toulette (Tolède).

(Mystères inédits du quinzième siècle)

Tolède (de)

Delvau, 1866 : Excellent, de premier choix, — dans l’argot des gens de lettres, qui disent cela à propos de tout, en souvenir ironique des fameuses lames de Tolède des Romantiques.

France, 1907 : De première qualité ; allusion à la célèbre manufacture d’armes de cette ville, rendue surtout célèbre par les romans de cape et d’épée de l’école romantique.

Tolérance

France, 1907 : Lupanar. Abréviation policière de maison de tolérance.

Pendant qu’elles déjeunent on dînent, s’il arrive un client dans la tolérance, la maitresse envoie chercher la première venue. La chose terminée, la fille retourne achever son repas.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Tôlier

Rossignol, 1901 : Tenancier d’une maison de tolérance.

Tollard

Bras-de-Fer, 1829 : Le bourreau.

Delvau, 1866 : s. m. Bureau, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Bureau. A. D. C’est une grave erreur. Tollard, dans les prisons centrales, veut dire : bourreau. Bureau, c’est burlingue (Argot des voleurs). N.

Tollard, toile

anon., 1827 : Le bourreau.

Tollard, tolle

Halbert, 1849 : Le bourreau (vieux mot).

Tolle

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bourreau (le), la tolle, le couteau de la guillotine.

Tolle ou tollard

Vidocq, 1837 : s. m. — Bourreau. Les bonnes gens croient encore que la loi force le fils du bourreau à remplacer son père ; on conçoit facilement l’existence de ce préjugé, car cette profession est en effet si horrible, que l’on conçoit difficilement qu’un homme qui peut demander des moyens d’existence au travail, fût-ce même au plus rude, l’exerce sans y être contraint ; mais les bonnes gens se trompent, la loi ne force personne à être bourreau, le fils du bourreau, comme tous les autres citoyens, peut ne point exercer la profession de son père ; le bourreau même peut, lorsque cela lui convient, donner sa démission : la profession d’exécuteur des hautes œuvres n’est donc exercée que par des gens auxquels elle convient, ce qui n’empêche pas que de nombreuses demandes ne soient adressées à l’autorité chaque fois qu’il y a une vacance. Un individu qui avait obtenu, à titre de récompense nationale, une place d’exécuteur, et qui ne croyait probablement pas posséder les qualités nécessaires pour l’exercer avec honneur chercha un acquéreur et en trouva un.

Tolle, lege

France, 1907 : Prends, lis. Ce sont les paroles que l’Esprit Saint fit entendre à Augustin en lui faisant lire une épitre de saint Paul, ce qui décida sa conversion.

Tolstoïsme

France, 1907 :

Ayons le courage de le dire et même de le crier, sans nous émouvoir d’une phalange de dévots obstinés…
M. Tolstoï est devenu le plus sinistre raseur moralisant et le prédicant le plus insupportable que la terre ait produit depuis Jean-Jacques Rousseau (de Genève)…
Je n’insiste pas ; il s’agit d’expliquer le tolstoïsme.
D’une façon générale, cette doctrine, ou plutôt cette religion, est une sorte de christianisme humanitaire mâtiné de socialisme et de fouriérisme, tel qu’il fleurissait en France vers 1848. On se figure que les livres de Tolstoï qui nous parviennent ont été écrits récemment ; si beaucoup, au contraire, sont assez vieux et les premiers, les plus curieux, les autobiographies, remontent à 1852. L’Europe, à ce moment, sortait à peine de la crise sentimentale ; elle venait, pendant plusieurs années, de rêver de bonheur et de fraternité ; on prêchait l’union des classes et l’union des peuples : des ouvriers, en pleurant, embrassaient le curé qui jetait son eau bénite (et un mauvais sort avec) sur l’arbre de la Liberté. Partout régnait une considérable mais attendrissante niaiserie. Nul doute que cet universel état d’esprit n’ait influé sur l’âme de Tolstoï, et que nos pseudo-réformateurs français n’aient été les inspirateurs de sa foi nouvelle. N’est-ce pas à Fourier qu’il a emprunté sa théorie du travail agréable ?
Mais les idées de Tolstoï qui ont fait connaître son nom sont plus récentes ; elles touchent principalement à l’amour et elles sont comme le résumé et la conclusion des théories sociales ou religieuses qu’il avait exposées antérieurement.
Voici donc la grande découverte morale de Tolstoï : la loi de l’homme, l’amour, est une aspiration au bien des autres ; mais il faut que cette aspiration altruiste soit constante et universelle ; il faut aimer non un seul être, mais tous les êtres : l’amour particulier est un vol fait à l’amour universel…
C’est faire un bien grand détour pour revenir à la doctrine de saint Paul et des premiers moralistes chrétiens, et c’est aussi une grande naïveté que de s’imaginer que l’on va captiver les hommes, et surtout les femmes, avec de pareilles formulettes. On peut, le christianisme primitif l’a prouvé, diriger l’idéal humain vers le renoncement, mais on ne pourra jamais l’orienter dans cette voie douloureuse au nom d’entités aussi ridiculement vagues que l’amour universel.
Cela est absurde. Amour universel, mot vif, parole vaine ! L’amour est particulier ; il n’y a pas d’amour sans objet, — et aimer tout et tous, c’est n’aimer rien et personne. Un tel sentiment, s’il était possible, se confondrait absolument, par l’identité des contraires, avec le pur et simple égoïsme.

(Rémy de Gourmont)

Tolstoïste, tolstoïsant

France, 1907 : Partisan de la doctrine de Tolstoï.

Qu’il doit y avoir peu de tolstoïsantes ! La femme est, en effet, absolument incapable, nous seulement de ressentir, mais même de concevoir un amour qui ne soit pas rigoureusement déterminé, et l’amour divin n’est encore pour elle que l’amour d’un homme divin : en conseillant l’ascétisme à quelques privilégiées, les moralistes mystiques ont fort bien vu ces tendances du cœur féminin et ils ont permis aux religieuses un amour direct et personnel, avec tout son vocabulaire passionné, tous ses gestes sentimentaux, ses contemplations devant l’être adoré, ses jouissances — et les plus aiguës, celles de l’imagination préexcitée, — et même la jalousie.
Ce qu’il y a de singulier et d’un peu monstrueux, c’est que l’ascétisme vanté par Tolstoï est un ascétisme conjugal. Il conseille le mariage, mais considère comme des péchés les rapports conjugaux : le mari et la femme doivent, selon lui, se borner à se regarder dans les yeux en songeant à l’humanité souffrante.
Nous voici au grotesque et tout près de la folie.

(Rémy de Gourmont)

Tomate

anon., 1907 : Figure.

Tomate (devenir comme une)

France, 1907 : Rester stupéfait, ébahi ; locution populaire.

L’évêque de Majorque, chapardeur comme tous les évêques, ayant voulu couper des arbres dans un terrain appartenant à l’État, ce dernier a envoyé des gardes forestiers chargés de s’opposer à cette dévastation.
Alors l’audacieux ensoutané, connaissant toute l’étendue du pouvoir que le cabinet espagnol a laissé prendre au clergé, a lancé sans hésiter une sentence d’excommunication contre de ministre des finances, le nommé Navarro, qui en est devenu comme une tomate.

(Henri Rochefort)

Tomate (sauce)

France, 1907 : Menstrues. Écraser des tomates, avoir ses menstrues.

Tombage

Rigaud, 1881 : Emprunt fait au jeu et qu’on ne rendra jamais.

Fustier, 1889 : Critique, éreintement. Mot très familier. V. Tomber dans le corps du Dictionnaire.

On s’attendait à un rapport de M. M… et à un tombage du préfet et l’on s’est perdu dans des broutilles.

(Gil Blas, juillet 1886)

France, 1907 : Action d’abattre au physique et au figuré ; il y a le tombage du lutteur qui renverse son adversaire, et le tombage du critique qui accable de ses railleries un littérateur ou un artiste.

Tombe dur (ça)

Rigaud, 1881 : Il pleut à verse.

Tombeau

Delvau, 1866 : s. m. Le lit, — dans l’argot des ouvriers, qui s’y enterrent chaque soir avec plaisir, et s’en relèvent chaque matin avec ennui.

Tombeau des secrets

France, 1907 : Personne discrète ; locution familière.

Tomber

d’Hautel, 1808 : Cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Pour dire qu’on a relevé une parole piquante, qu’on y a vivement riposté.
Cela n’est point tombé à terre. Pour dire, sera relevé quand les circonstances le permettront.
Tomber de son haut. Être très-étonné ; ne pouvoir revenir de sa surprise.

Ansiaume, 1821 : Être arrêté.

C’est un lofin, il est tombé deux fois cette année.

Larchey, 1865 : Terrasser, faire tomber. — Tombeur : Lutteur invincible. — Se prend ironiquement au figuré.

Eugène P., le tombeur de Renan, y vient de temps en temps mépriser l’humanité.

(Les Cocottes, 1864)

Delvau, 1866 : v. a. Écraser sous le poids de son éloquence ou de ses injures, — dans l’argot des gens de lettres.

Delvau, 1866 : v. a. Faire tomber ; terrasser ; — dans l’argot des amis du pugilat.

Rigaud, 1881 : Apparaître sur le tapis vert, — dans l’argot des joueurs. — Quand un joueur dit : un louis qui tombe, il annonce qu’il fait un louis au jeu et qu’il va le mettre sur le tableau.

Vingt-cinq louis qui tombent ! cria Servet en quittant le gérant, et en se précipitant à table.

(Vast-Ricouard, Le Tripot)

Rigaud, 1881 : Retourner en prison. — Tombé malade, repris.

Rigaud, 1881 : Séduire ; obtenir les faveurs d’une femme.

Pour lui faire la cour, pour arriver à la tomber, il faut, etc… On tombe sans grand’peine une brune.

(Mémoires de Rigolboche)

Rigaud, 1881 : Vaincre moralement, terrasser moralement son contradicteur ; terme que les journalistes ont emprunté à l’argot des lutteurs.

La Rue, 1894 : Séduire une femme. Vaincre, terrasser. Retourner en prison. Tomber en litharge, être au secret. Tomber en figure, faire une rencontre désagréable. Entrer en scène. Tomber à pic. Bien tomber.

France, 1907 : Vaincre, renverser ; argot des lutteurs.

Son industrie consistait à faire disparaître les gens qui en gênaient d’autres. De là lui était venu son nom. De même que le mot tomber est synonyme de renverser en terme de lutte et qu’on dit : tomber son adversaire, tomber l’ours, on l’avait surnommée la tombeuse d’hommes…

(Félix Remo, La Tombeuse)

Tomber à pic

Delvau, 1866 : v. n. Arriver à propos, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression aussi bien à propos des gens que des choses.

Virmaître, 1894 : On va se mettre à table, vous tombez à pic. Mot à mot : Vous arrivez bien.
— J’étais dans la purée, ma tante vient de claquer à pic (Argot du peuple).

France, 1907 : Arriver au moment opportun ; expression familière.

Tomber au collège

Ansiaume, 1821 : Emprisonné (être).

Quand j’ai tombé au collège, j’avais encore 200 balles.

Tomber au plan

Larchey, 1865 : Être mis en prison.

Tu voudrais que je grinchisse sans tracquer de tomber au plan.

(Vidocq)

V. Manger.

Tomber dans la dèche

Fustier, 1889 : V. Delvau au mot Dèche.

Certains naïfs libidineux se laissent duper par les macettes qui ont la spécialité de fournir aux bons jeunes gens tout ce qu’il y a de mieux en fait de femmes du monde tombées dans la dèche.

(Figaro, mars 1887)

Tomber dans le bœuf

Delvau, 1866 : v. n. Devenir pauvre, misérable, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Être réduit à la misère.

France, 1907 : Tomber dans la gêne ; en être réduit, après avoir fait bombance, au simple ordinaire, la soupe et le bœuf.

Tomber dans le troisième dessous

France, 1907 : Tomber dans une extrême misère. Le troisième dessous est la dernière cave pratiquée sous la scène des grands théâtres.

Tomber de Charybde en Scylla

France, 1907 : Vouloir échapper d’un mal pour tomber dans un pire. Allusion à un tourbillon et à un rocher dangereux du détroit de Sicile. Les vaisseaux des anciens, d’une manœuvre difficile, n’échappaient au gouffre que pour se briser sur le rocher, ou vice versa.

Nous sommes, sortant de Sicile,
De Charybde tombés en Scylle,
C’est tomber de fièvre en chaud mal.

(Scarron, Virgile travesti)

Tomber de la poêle dans la braise

Delvau, 1866 : v. n. N’éviter un petit ennui que pour tomber dans un plus grand ; n’avoir pas de chance. Argot du peuple. C’est l’Incidit in Scyllam, cupiens vitare Charybdim des lettrés.

Tomber dessus

Larchey, 1865 : Maltraiter en paroles ou en actions.

Que demain je lâche ma place ! on me tomberait fièrement dessus.

(De Goncourt)

Delvau, 1866 : v. n. Maltraiter en paroles ou en action.

Tomber en cannelle

France, 1907 : Être ahuri.

Tomber en figure

Clémens, 1840 : Entrer en scène.

Delvau, 1866 : Se trouver face à face avec un individu qu’on cherche à éviter, ennemi ou créancier.

Rigaud, 1881 : Faire une fâcheuse rencontre, se rencontrer nez à nez avec un importun, avec un créancier, avec une ancienne maîtresse.

France, 1907 : Entrer en scène ; argot théâtral.

Tomber en frime

France, 1907 : Se rencontrer face à face ; argot des voleurs.

— Ah ! ce n’est pas pour manger le morceau, tu le sais bien ; mais cela me servira à te protéger, à te garer des embûches, à empêcher les revenants de tomber en frime avec toi…

(Hector France, La Vierge russe)

Tomber en litharge

Rigaud, 1881 : Être au secret, par corruption pour : tomber en léthargie.

Tomber malade

Vidocq, 1837 : v. p. — Être arrêté.

Delvau, 1866 : v. n. Être arrêté. Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Être arrêté, alors qu’on se croyait en sûreté. Si l’arrestation a lieu à la rencontre, c’est-à-dire si on rencontre fortuitement l’agent qui vous recherchait, on dit : tomber le nez dessus (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Être arrêté ; argot des voleurs.

Tomber pile

Delvau, 1866 : v. n. Choir sur le dos. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Tomber sur le cul. Les ouvriers typographes disent :
— Il est tombé sur le côté de deux (Argot du peuple).

France, 1907 : Tomber sur le dos ; expression familière.

Tomber sous la coupe de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. n. Être à sa merci ; vivre sous sa dépendance.

Tomber sur le dos

Delvau, 1864 : Se faire baiser.

Tiens ! v’là Victoire qui roule sa bosse.
— Pauvre fille ! si gentille, si sage… car enfin elle ne sort jamais.
— Parbleu ! elle sera tombée dans l’escalier ; c’est là qu’elle aura attrapé ça.

(Souvenirs de carnaval)

Mais aussi qui ne tombe pas
Au premier mot qu’on lui dise.

(Bussy-Rabutin)

Ce sont filets et pièges pour donner le saut et faire tomber à la renverse les femmes et les filles.

(Noël du Fail)

Tomber sur le dos et se casser le nez

Delvau, 1866 : Se dit d’un homme à qui rien ne réussit.

France, 1907 : N’avoir pas de chance ; ne réussir en rien. Synonyme de se noyer dans un crachat.

Tomber sur le dos et se faire une bosse au ventre

Delvau, 1866 : Se dit d’une jeune fille qui, comme Ève, a mordu dans la fatale pomme, et, comme elle, en a eu une indigestion de neuf mois.

Rigaud, 1881 : Faire une chute amoureuse qui entraîne une grossesse.

Virmaître, 1894 : Cela paraît être un fait extraordinaire ; pourtant rien n’est plus commun. C’est la secousse qui est cause de ce phénomène qui dure neuf mois (Argot du peuple).

France, 1907 : Se laisser séduire et gagner la maladie de neuf mois.

Tomber sur un coup de poing

Delvau, 1866 : Recevoir un coup de poing sur le visage et mettre les avaries qui en résultent sur le compte d’une chute.

Tomber une bouteille

Delvau, 1866 : La vider, la boire.

Tomber une femme

France, 1907 : La séduire ; la vaincre par persuasion ou par violence.

Tombeur

Larchey, 1865 : Acteur trop mauvais pour être accepté nulle part. — Ch. Friès.

Delvau, 1866 : s. m. Acteur plus que médiocre, et, à cause de cela, habitué à compromettre le succès des pièces dans lesquelles il joue. Argot des coulisses.

Delvau, 1866 : s. m. Éreinteur, journaliste hargneux.

Delvau, 1866 : s. m. Lutteur ; homme qui tombe ses rivaux.

Rigaud, 1881 : Celui qui vit d’emprunts au jeu.

Rigaud, 1881 : Critique impitoyable. Polémiste qui l’emporte sur son contradicteur.

Cette fois le tombeur de M. Bûcheron a pleinement raison.

(E. de Girardin, la France du 23 août 1877)

Rigaud, 1881 : Mauvais acteur avec lequel la meilleure pièce court le risque de ne pas réussir.

Rigaud, 1881 : Séducteur.

Le grand. Lolo, dit le tombeur des belles, fouilla, du haut de son siège, les deux voyageuses d’un petit coup de fouet d’amitié.

(E. de Goncourt)

La Rue, 1894 : Lutteur qui tombe ses rivaux. Séducteur. Critique sévère. Mauvais acteur.

Virmaître, 1894 : Homme fort. Lutteur qui tombe tous ses adversaires. Tomber une femme : la séduire, la faire céder. Dans les cercles, le croupier dit : cinq louis qui tombent (Argot du peuple).

France, 1907 : Critique acerbe et malveillant.

France, 1907 : Mauvais acteur ; il tombe sous les sifflets ou il fait tomber les pièces.

Nous devons même dire que ses meilleures pratiques, c’est-à-dire celles que lui rapportent non pas le plus de gloire, mais le plus de profit, sont les acteurs qu’on a baptisés du nom de tombeurs. Trop mauvais pour être supportés nulle part, leur métier consiste à aller débuter dans une ville, à s’y faire siffler, puis à gagner un autre gîte, après avoir palpé les appointements d’un mois, indemnité d’usage en pareil cas.

(Charles Friès, Le Correspondant dramatique)

Tombeur de femmes

France, 1907 : Séducteur, don Juan.

Tombo

France, 1907 : Sorte de losange qui orne sur les côtés la veste des zouaves et des corps indigènes d’Algérie, tirailleurs et spahis. La couleur en varie suivant les régiments.

Tompin

Fustier, 1889 : Tompin qui, en 1882, n’était qu’un adjectif a passé depuis au rang de substantif argotique et est devenu synonyme d’homme élégant, à la mode. Au féminin on dit, ou plutôt on a dit (car le mot n’est plus usité) tompinette.

Le vrai bel air est aujourd’hui de s’étudier à paraître simple et de laisser aux tompins et aux tompinettes les exhibitions de quatre ou cinq toilettes par jour.

(Figaro, août 1885)

Ton

d’Hautel, 1808 : Le ton fait la musique. Signifie que la manière dont on débite quelque chose y donne seule une valeur. Cette locution ne se prend ordinairement qu’en mauvaise part, et n’est usitée qu’en parlant d’un homme qui s’est permis quelques propos piquans sur le compte d’un autre.

Tondeur

France, 1907 : Coiffeur spécialement chargé de la coupe des cheveux.

Le commerce des cheveux fait l’objet de transactions importantes et donne le branle à de nombreux intermédiaires ; industriellement, il occupe un personnel considérable, qui va du tondeur au posticheur, en passant par le douilleur, l’onduleur et l’implanteur.

(Pontarmé, Le Petit Parisien)

France, 1907 : Navire léger et rapide ; patois des marins de l’Ouest.

Avec la brise devenue maniable et régulière, le yacht, toute sa toile dehors, courait grand largue et paraissait bondir sur la mer, en s’élevant gracieusement à la lame, comme s’il eût voulu justifier son nom de Lévrier par la rapidité de sa course, et, à filer ainsi, fortement incliné sous la poussée du vent qui faisait vibrer ses agrès comme les cordes d’une harpe, ses grandes voiles blanches pareilles à des lames rigides qui rasaient parfois la surface de la mer, il réalisait bien le type de ces coureurs rapides baptisés du nom bizarre de tondeurs.

(Ivan Bouvier)

Tondeur d’œuf

La Rue, 1894 : Avare.

Tondeur d’œufs

Delvau, 1866 : s. m. Homme méticuleux, tracassier, insupportable par ses minuties, par sa recherche continuelle de la petite bête. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Avare, tracassier.

Tondeur de nappes

France, 1907 : Parasite, pique-assiette ; expression familière.

Tondre

d’Hautel, 1808 : Il tondroit un pou pour en avoir la peau. Se dit d’un avare, d’un ladre, d’un égoïste, d’un fesse-mathieu.
Je veux être tondu. Espèce de jurement, pour affirmer que l’on ne fera, ou que l’on n’a pas fait quelque chose.

Delvau, 1866 : v. a. Tailleries cheveux, les raser, — dans l’argot du peuple, qui prend les hommes pour des chiens et les industriels à sellette du Pont-Neuf pour des Figaros. C’est ainsi que les vieux grognards, par une sorte d’irrévérence amicale, appelaient Napoléon le Petit Tondu…
La Fontaine a employé cette expression dans un de ses Contes :

Incontinent de la main du monarque
Il se sent tondre…

Au fait, pourquoi rougirait-on de dire Tondre, puisque l’on ne rougit pas de dire Tonsure ?

Rigaud, 1881 : Prendre une carte à son adversaire, couper, — dans le jargon des joueurs.

France, 1907 : Exploiter, voler ; argot populaire.

France, 1907 : Prendre ; argot des joueurs de cartes.

Tondu (le petit)

Larchey, 1865 : L’empereur Napoléon.

L’Empereur lui-même, le petit Tondu, comme disait mon père.

(L. Reybaud)

Tondu (le)

France, 1907 : Sobriquet donné à Napoléon Ier. On disait généralement le Petit tondu.

Le Tondu a laissé des frères — et des neveux ! Voir ça avant que de passer l’arme à gauche… je donnerais ma croix !

(Séverine)

Tonissime

Delvau, 1866 : pron. pers. Inventé par Nadar, qui ne peut se décider à vostrissimer les gens qu’il connaît.

Tonnant

France, 1907 : Roi ; ancien argot.

Tonneau

d’Hautel, 1808 : Un gros tonneau. Pour dire, un homme d’une corpulence extraordinaire ; un ventre à la maître-d’hôtel.
On appeloit vulgairement le frère du trop fameux Mirabeau : Mirabeau tonneau, à cause de son volumineux embonpoint, et pour le distinguer de l’orateur.
Un tonneau percé. Pour dire, un dépensier, un dissipateur, un prodigue.
On dit plus communément, un panier percé.

Larchey, 1865 : Degré. V. Bouchon.

Tu lui aurais rendu sa politesse. — Plus souvent ! à un daim de ce tonneau !

(Monselet)

Delvau, 1866 : s. m. Degré ; qualité d’une chose ou d’une personne, ironiquement. Être d’un bon tonneau. Être ridicule.

Rigaud, 1881 : Acabit. — Être d’un bon tonneau, être grotesque, ridicule. — Être d’un fort tonneau, être fort bête.

France, 1907 : Qualité d’une chose. Être d’un bon ou d’un mauvais tonneau, être bon ou mauvais. Même tonneau, même chose, même composition. Être d’un fort tonneau, être d’une grosse bêtise.

Tonneau des Danaïdes

France, 1907 : Ouvrage inutile, sans fin, sans but. Personne dépensière, gaspilleuse, aux exigences de qui l’on ne peut suffire. Allusion aux quarante-neuf filles du roi d’Argos Danaüs : sur l’ordre de leur père, à qui un oracle avait prédit qu’il périrait de la main d’un de ses gendres, elles égorgèrent leurs maris la première nuit de leurs noces. Jupiter, par punition, les condamna à remplir éternellement dans le Tartare des tonneaux percés. Strabon explique l’allégorie de cette fable en nous montrant les Danaïdes creusant des puits et des canaux pour féconder les plaines d’Argos, dont le sol aride exigeait une quantité considérable d’eau. Lucien, dans ses Dialogues, adopta cette explication.

Tonneau diviseur

Rigaud, 1881 : Fiacre, — dans le jargon des voyous. — Médéme, faut-y faire avancer votre tonneau diviseur ?

Tonnelier

France, 1907 : On désigne de ce nom des voleurs qui, sous prétexte de vin à remettre en cave, entrent dans les sous-sols des habitations et en ressortent chargés de bouteilles ; les mêmes individus, après avoir préalablement dérobé un baquet, pénètrent dans les entrepôts, aux heures du déjeuner, choisissent des futailles, les roulent jusqu’à leur voiture, et partent avec ce butin.

Tonner

Delvau, 1866 : v. n. Crépitare, — dans l’argot facétieux des petits bourgeois.

Tonnerre

d’Hautel, 1808 : Que le tonnerre t’écrase ! Imprécation odieuse dont se servent les gens du plus bas étage, dans leurs excès de colère et d’emportement.

Tonnerre de poche

Rigaud, 1881 : Crepitus ventris. (Scarron)

France, 1907 : Pet ; vieille expression tombée en désuétude. Ne pas péter contre le tonnerre, ne passe fâcher contre de plus puissants que soi.

Tonographe

France, 1907 : Appareil pour photographier le chant. Cet appareil, dû à un Américain, Halbrook Curtis, traduit par une image un son, une note, un chant entier. Pour comprendre cet ingénieux mécanisme, il faut se rappeler les vieilles expériences que l’on fait dans les cours de physique en mettant en vibration avec un archet des plaques saupoudrées de de sable. Il se forme sur la plaque des lignes nodales, des dessins rendus bien visibles par la distribution du sable et qui varient selon la note, c’est-à-dire selon la plaque. M. Curtis a eu l’idée de remplacer l’archet par l’émission d’une note. Il a construit un tube recourbé, comme une grande pipe ; à l’une des extrémités, celle de la partie horizontale, une embouchure ; à l’autre, celle qui se redresse verticalement, une plaque de verre placée horizontalement. On saupoudre la surface de la plaque d’un mélange de sel de table et d’émeri très fin. Puis, on fait chanter dans le tube. Pour chaque note, on obtient une distribution particulière de la poudre, une image invariable, qu’il est facile, ensuite, de photographier.

Tonton

Delvau, 1866 : s. m. Oncle, — dans l’argot des enfants.

France, 1907 : Oncle ; expression enfantine. Se disait autrefois pour maîtresse, amante.

C’est sa tonton qu’on marie.

(La Fontaine)

Topard

France, 1907 : Officier d’état-major ; allusion aux travaux topographiques. Argot militaire.

Toper

Larchey, 1865 : « Chaque fois qu’un dévorant rencontre un autre ouvrier, il doit lui demander de quelle société il est. — Ça s’appelle toper. » — Biéville.

Delvau, 1866 : v. n. Consentir à quelque chose, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. n. Questionner un compagnon qu’on rencontre, — dans l’argot des ouvriers qui font leur tour de France.

Rigaud, 1881 : Mettre la main sur quelqu’un ou sur quelque chose, dans le jargon du régiment. — La patrouille a topé un pochard. Un pochard a topé mon mouchoir. C’est un mot emprunté à l’argot des compagnons du devoir et auquel on a donné un sens plus général.

Rigaud, 1881 : S’accoster en se donnant la main ; — terme de compagnon du devoir.

La Rue, 1894 : Se frapper la main entre compagnons en signe de reconnaissance ou comme conclusion d’une affaire, d’un marché.

France, 1907 : Consentir ; du verbe toper, frapper, se frapper dans les mains en signe d’acquiescement. Tope-là, c’est affaire faite.

Il faut que dès ce jour vous soyez mon beau-frère :
Vous voyez devant vous mon épouse Fanchon,
Épousez-moi sa sœur la charmante Michon,
Lions-nous à jamais d’une amitié parfaite :
J’y topai sur-le-champ et la chose fut faite.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

France, 1907 : Saisir ; argot militaire.

Tôper

d’Hautel, 1808 : L’affaire est-elle conclue, tôpez-là. Se dit en présentant la main à celui avec qui on traite une affaire. La plupart des marchés se faisoient autrefois ainsi ; et ce simple attouchement étoit regardé comme une promesse inviolable. Aujourd’hui, il faut des écrits, des actes notariés, pour garantir la bonne foi dans les moindres affaires.

Topinambour

Rossignol, 1901 : Nez rouge.

Topiser

Rigaud, 1881 : Reconnaître, regarder avec attention, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Dévisager, reconnaître ; argot des voleurs.

Topo

Larchey, 1865 : Officier d’état-major, plan topographique.

Delvau, 1866 : s. m. Plan topographique, — dans l’argot des officiers d’état-major. Se dit aussi pour Officier d’état-major.

Rigaud, 1881 : État-major. — Officier d’état-major.

Rigaud, 1881 : Remontrance de professeur à élève, — dans le jargon des collégiens ; du grec topos, lieu commun, discours banal.

Rigaud, 1881 : Topographie, par apocope.

Merlin, 1888 : Apocope de plan topographique.

Fustier, 1889 : Circulaire ; proposition, motion. Argot des élèves de l’École polytechnique.

France, 1907 : Discours.

Le président s’était levé, agitant son grelot avec une impatience feinte pour réclamer le silence, et il débitait un topo sans prétention, remerciant les « petits amis » d’avoir répondu avec tant d’empressement à son invitation…

(André Desroches, L’Éternelle illusion)

France, 1907 : Officier d’état-major.

France, 1907 : Plan topographique ; abréviation de topographie ; argot militaire et des écoles.

Celui qui, par hasard, n’est pas pris par un service, reste du coin du feu, relit pour la vingtième fois un vieux journal de l’avant-dernier courrier, met son carnet à jour, dessine quelque topo des environs.

(Dick de Lonlay, Au Tonkin)

À l’École polytechnique, on donne le nom de topo non seulement à tout dessin qui représente le plan d’un terrain, mais à toute feuille imprimée ou manuscrite que les élèves se communiquent entre eux, soit dans un but sérieux, soit pour servir d’amusement.

(A. Lévy et G. Pinet)

Topo torsif est dans le même argot la feuille de papier que les élèves font circuler dans les salles, pour dissiper l’ennui et la fatigue des trop longues études et sur laquelle s’agitent les propositions les plus saugrenues, les idées les plus baroques.

Toquade

Larchey, 1865 : Inclination assez forte pour en faire négliger d’autres. V. Toqué.

Hortense est sur le chemin de la fortune… Une simple toquade, et elle est perdue.

(Les Pieds qui r’muent, 1864)

V. Toqué.

Larchey, 1865 : Manie.

Prémary a une toquade. On le débine, on le nie, on veut le tuer.

(A. Scholl)

Delvau, 1866 : s. f. Inclination, caprice, — dans l’argot de Breda-Street.

Delvau, 1866 : s. f. Manie, dada.

Rigaud, 1881 : Manie, caprice amoureux, amour passager. — Avoir des toquades, s’éprendre facilement de quelqu’un, avoir fortement envie de quelque chose. — Elle a des toquades pour le premier venu.

Boutmy, 1883 : s. f. Manie, dada, fantaisie, inclination. Ce mot, généralement usité dans le langage du peuple de Paris, a été introduit dans l’atelier typographique et ne paraît pas y être né.

La Rue, 1894 : Manie. Caprice amoureux.

France, 1907 : Caprice, manie.

— Je n’ai pas la toquade du mariage, comme l’avait Mlle de Velaines, et comme l’ont, avec une si remarquable entente, toutes ces demoiselles…

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Toquadeuse

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui s’amuse à la moutarde du sentiment au lieu de songer aux protecteurs sérieux.

Toquante

Larchey, 1865 : Montre. Allusion au tic-toc de la montre.

Un monsieur qui me trouva gentille m’offrit un jour une toquante d’or… La montre me tentait.

(Rétif, 1778 Contemporains)

V. Billemont.

Delvau, 1866 : s. f. Montre, — dans l’argot des faubouriens, à qui Vadé a emprunté cette expression :

Il avait la semaine
Deux fois du linge blanc,
Et, comme un capitaine,
La toquante d’argent.

Les voleurs disaient autrefois Toque, une onomatopée — tic-toc.

La Rue, 1894 : Montre.

Virmaître, 1894 : Montre de peu de valeur. Double sens : elle fait tic-toc et elle est en toc (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Montre.

France, 1907 : Montre.

Il avait, la semaine,
Deux fois du linge blanc
Et, comme un capitaine,
La toquante d’argent,
Le fin bas d’écarlate
À côtes de melon,
Et toujours de ma patte
Frisé comme un bichon.

(Vadé)

Toquante, bobino

anon., 1907 : Montre.

Toquante, tocante

Rigaud, 1881 : Montre. Allusion au toc-toc du mouvement.

Toquard

Fustier, 1889 : Argot de courses. Cheval sur lequel on a placé son argent, d’inspiration, sans savoir pourquoi.

Il y a trois manières de jouer très en usage. L’inspiration, c’est-à-dire prendre un toquard, parce qu’il porte le nom de la personne aimée, celui de votre chien ou le numéro d’un cabinet particulier…

(Vie parisienne, juin 1884)

Virmaître, 1894 : A. Delvau et M. Loredan Larchey écrivent tocard. Ces écrivains, pas plus que moi, n’ont inventé l’expression ; pour trouver la véritable orthographe, il était donc inutile de remonter à la source. Je trouve dans une vieille chanson ceci :

Maintenant tu t’toquardes de la frime,
Tes deux oranges tombent dans tes bas.
T’es des mois sans changer de lime,
Va même des mois qu’tu n’en a pas.

C’est donc toquard qui est le vrai mot (Argot du peuple).

Toque

Halbert, 1849 : Mauvais.

France, 1907 : Paye. Die de Toque, jour de paye. Sente toque, la sainte touche. Idiome béarnais.

Toqué

Larchey, 1865 : À moitié fou. On dit de même. ; Il a reçu un coup de marteau. C’est-à-dire : Son cerveau est bien près de se fêler.

Les collectionneurs sont toqués, disent leurs voisins.

Balzac.

V. Folichonnette.

Larchey, 1865 : Épris.

Ma chère, les hommes c’est farce ! toujours la même chanson : Une femme à soi seul ! Toqués !

(Gavarni)

Delvau, 1866 : adj. et s. Fou plus ou moins supportable ; maniaque plus ou moins aimable ; original. Argot du peuple. Le patois normand a Toquard pour Têtu.

Rigaud, 1881 : Maniaque, excentrique.

Et cependant Carnavalho n’était pas fou ; il n’était que toqué, mais de quoi ?

(R. de Beauvoir)

Celui qui est toqué a, comme on dit, la tête près du bonnet, jadis toque, toquet ; c’est-à-dire qu’il est extravagant, un peu fou.

France, 1907 : Personne à lubies, maniaque, écervelé.

Pour quelques douzaines d’hystériques, de toquées, de chercheuses d’autrement qui consentent à perdre toute pudeur, combien de femmes qui demeurent chez elles, à coudre, à filer, à surveiller leurs enfants et à plaire !

(Mot d’Ordre)

Le vidame veut absolument se marier. Toutefois, il balance entre une baronne sans cervelle, mais riche, et une petite pensionnaire sage, mais pauvre.
— Cher enfant, lui conseille sa mère, épouse la toquée. Il y a si peu de distance entre une fille sage et une femme folle, que la richesse te dédommagera de la petite différence !

Toquemann

Delvau, 1866 : s. m. Excentrique, extravagant, toqué, — dans l’argot des petites dames.

Toquer

d’Hautel, 1808 : Pour dire, choquer, trinquer ; faire le carillon avec les verres.

Rigaud, 1881 : Sonner.

Boutmy, 1883 : v. n. Remplacer momentanément. Ce mot est aujourd’hui à peu près inusité ; on dit maintenant : Faire un bœuf. V. Bœuf.

France, 1907 : Remplacer un compositeur dans un travail ; argot des typographes.

Toquer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enthousiasmer pour quelqu’un ou pour quelque chose ; s’éprendre subitement d’amour pour un homme ou pour une femme.

Rigaud, 1881 : Se passionner pour.

On a trouvé un mot très juste pour leurs amours, elles se toquent, elles ont des toquades.

(Jean Rousseau, Paris dansant)

Je suis toqué de vous.

(Balzac)

France, 1907 : S’enmouracher, s’éprendre follement. Être toqué de quelqu’un, être amoureux.

Et les coudes sur la nappe, le buste avancé vers elle, il la poignardait de ses jeux de prunelles, chuchotait : — Moi, vous savez, je suis toqué plus que jamais ! À quoi elle répondit par une comédie d’œillades chaudes et longues, lâchant dans un soupir le regret d’être mariée, jouant la vertu aux prises avec les tentations du désir.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Toquet (en avoir dans le)

France, 1907 : Synonyme d’avoir son plumet.

Toquet de loutre

France, 1907 : Sobriquet donné vers 1881 aux femmes du monde qui spéculaient à la Bourse, à cause d’une toque garnie de loutre que les femmes portaient alors.

Toqueur

France, 1907 : Ouvrier typographe qui remplace un confrère.

Torché

France, 1907 : Fait ; argot familier. Ouvrage bien ou mal torché.

À la bonne heure, au moins. J’appelle
Ça de l’ouvrage bien torché,
Quelle magnifique chapelle !
C’est du gothique tout craché !

(Raoul Ponchon)

Torche-croupion

France, 1907 : Serviette de postérieur.

J’affirme sans craindre le démenti de personne que si Gargantua eût connu les bulletins de vote, il les aurait adoptés illico et les aurait tenus pour les plus espatrouillants des torche-croupions.

(Père Peinard)

Torche-cul

Delvau, 1866 : s. m. Journal, — dans l’argot du peuple, qui ne prise la politique et la littérature que comme aniterges.

Rigaud, 1881 : Imprimé sans valeur, journal méprisable, — dans l’argot du peuple. — Comptabilité, écritures d’un chef de train, — dans le jargon des employés du service actif des chemins de fer.

France, 1907 : Journal, écrit ou imprimé sans valeur.

Torcheculatif

France, 1907 : Propre à s’essuyer le derrière. Vieille expression rabelaisienne.

Gargantua qui, raconte Rabelais, avait par longue et curieuse expérience, inventé le moyen de se torcher le cul, le plus seigneurial, le plus excellent, le plus expédient qu’il fut jamais, ignorait le bulletin de vote.
Le bougre avait essayé de tout : de feuilles de chou, d’orties qui lui fichèrent la caquesangue, de serviettes d’avocats, d’un cachenez, de chapeaux à poils et à plumes, de pantoufles et d’un tas d’autres engins plus ou moins torcheculatifs.

Torchée

Fustier, 1889 : Coups. Rixe.

Hayard, 1907 : Bataille.

France, 1907 : Coups. Administrer une torchée, Argot populaire.

Torcher

d’Hautel, 1808 : C'est un ouvrage bien torché. Se dit ironiquement d’un ouvrage fait avec peu de soin ; bousillé.
Torcher quelqu’un. Le battre ; le maltraiter ; l’arranger d’une rude manière.
Des torche-cadet. Des papiers inutiles, des actes qui ne sont bons à rien, ou dont on ne fait aucun cas.

Rigaud, 1881 : Donner des coups, battre ; d’où l’expression se donner un coup de torchon.

Rigaud, 1881 : Tourner avec grâce et facilité un petit travail littéraire ; faire dans les mêmes conditions une œuvre d’art sans importance.

Monselet qui a si galamment torché le si joli sonnet à l’asperge.

(L. Veuillot)

Fustier, 1889 : Faire vite et mal. — Manger. Torcher les plats. Avoir appétit.

France, 1907 : Faire.

Torcher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre.

Delvau, 1866 : Se servir d’une aniterge.

La Rue, 1894 : Se battre.

Torcher de la toile

Delvau, 1866 : v. a. Se hâter de faire une chose, aller rapidement vers un but, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.

France, 1907 : Se hâter. Argot de marine ; littéralement : déployer les voiles.

Torcher la gueule

France, 1907 : Frapper le visage.

Torcher le bidet

France, 1907 :

Or sus, venez, gens de plume et de corde,
Pauvres d’esprit, cacographes, soireux,
Blavet, Meyer, dont la tripe déborde,
Champsaur, égal aux Poitrassons affreux,
Et Wolf l’eunuque, et Mermeix le lépreux,
Montrez-vous sur les foules étonnées,
Cabots, sagouins, lécheurs de périnées,
Atollite portas ! Voici Daudet !
Formez des chœurs et des panathènées !
C’est Maizeroy qui torche le bidet…

(Laurent Tailhade, Ballades confraternelles)

Torcher le couplet

France, 1907 : Faire des chansonnettes.

Torcher le cul de (se)

Rigaud, 1881 : Mépriser profondément quelqu’un ; ne faire nul cas d’une chose.

Torcher le cul de merde (se)

Virmaître, 1894 : Ce n’est pas le comble de la propreté, mais cette expression caractéristique dit bien le peu de cas que l’on fait de quelqu’un et combien on le méprise (Argot du peuple).

Torcher le cul de… (se)

Delvau, 1866 : Faire peu de cas, mépriser profondément, — dans l’argot du peuple, qui, par une hyperbole un peu forte, dit cela à propos des gens comme à propos des choses.

Torcher le nez (s’en)

Delvau, 1866 : Se passer d’une chose.

Torcher le nez (se)

Larchey, 1865 : Se passer. On dit de même qu’une chose passe devant le nez.

Tout cela vient de Pitt envoyé par les alliés, mais ils s’en sont torchez le nez.

(Mauricault, Ch.,179)

Torcher les plats

France, 1907 : Vider leur contenu ; avoir un appétit formidable Argot populaire.

Torchon

d’Hautel, 1808 : Elle est faite comme un torchon ; c’est un torchon. Se dit par mépris d’une femme peu soigneuse, sale et malpropre dans ses vêtemens.
Le torchon brûle. Locution populaire qui signifie que la mésintelligence et la discorde règnent entre deux personnes.

Rigaud, 1881 : Sale fille publique. Le torchon est une fille publique placée dans l’échelle de la prostitution bien au-dessous du linge. — Cuisinière malpropre, souillon de cuisine.

Fustier, 1889 : Argot de cabotins. La toile, le rideau.

La Rue, 1894 : Prostituée commune. L’élégante s’appelle linge.

France, 1907 : Fille malpropre, souillon.

Maintenant, de l’ancien petit torchon, s’était dégagé une fille très bonne, l’air fin et joli, qui avait la gorge dure, les membres élastiques et forts de fausses maigres.

(Émile Zola, La Terre)

France, 1907 : Nom donné dans certaines communautés religieuses à un genre de châtiment infligé aux enfants ou jeunes filles coupables de quelque faute et dont voici l’explication :

Plus que la cellule le torchon nous faisait peur. Pour un rien souvent, pour une boutonnière mal faite, la sœur nous faisait lever au milieu de l’atelier. Elle prenait un linge, un essuie-mains, une serviette, une chemise, propre ou sale, n’importe quoi. Elle le trempait dans l’eau et nous emmaillotait la tête et les épaules, jusqu’à l’étouffement.
J’ai eu le torchon plusieurs fois. Quand j’étais prise là-dessous, je sautais comme une folle. Un jour je me suis abattue, raide, sur le parquet. On me crut morte.
J’ai vu une de mes camarades, qui était phtisique et à qui la sœur avait infligé cette punition. Quand on lui découvrit la tête, elle rendait le sang à pleine bouche. Trois jours après, elle était enterrée.

(R. Chaughi, Les Temps Nouveaux)

Torchon (coup de)

Rigaud, 1881 : Fusillade ; coups de fusil, coups de sabre. Se donner un coup de torchon, se battre en duel à l’arme blanche, se battre contre l’ennemi, dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Bataille, lutte ; argot militaire.

Oh ! il n’y a pas à se le dissimuler, le coup de torchon se donnera avant peu. Quel est celui qu’il faudra nettoyer le premier ?…
Voilà la question posée et que doivent résoudre les patriotes qui nous mèneront au feu.

(La Baïonnette)

Duel au sabre. Se flanquer un coup de torchon.

Torchon (donner un coup de)

Ansiaume, 1821 : Baiser quelqu’un.

J’ai donné un coup de torchon au messière, il ne se gâte pas.

Torchon (se donner un coup de), se torcher

Larchey, 1865 : Se battre. — Même allusion que dans frotter. — Se dit aussi pour faire toilette.

Allons jusqu’aux chouans, leur donner un coup de torchon.

(Henry, Ch. 1836)

Le torchon brûle à la maison se dit pour annoncer une querelle domestique.

Je ne suis plus son jujule, son chou, son rat, son trognon, l’torchon brûle, l’torchon brûle à la maison.

(Dalès)

Torchon brûle (le)

Delvau, 1866 : Se dit de deux amants qui se boudent, ou de deux amis qui sont sur le point de se fâcher.

Rigaud, 1881 : Ça va mal dans le ménage.

La Rue, 1894 : Querelle dans le ménage.

France, 1907 : Locution métaphorique. La discorde s’est introduite dans le ménage.

Bref, pour finir, sans nul mystère,
Moi, j’y veux aller carrément
Camarades, sur cette terre,
Nous passons un mauvais moment ;
Quand le peuple est sage, tout cloche
Chez nous, avec juste raison,
De Loyola, sonnons la cloche !
Le torchon brûle à la maison !

(Julien Fauque, Le Chant des Jésuites)

Torchon, torchon littéraire

Rigaud, 1881 : Journal méprisable, journal dont on ne partage pas l’opinion, — dans l’argot de la petite presse.

Torchonner

d’Hautel, 1808 : Chiffonner ; fripper.
Un habit, une robe torchonnée. C’est-à-dire, faits sans goût, ou frippés.
On dit aussi d’une personne mal vêtue, ou trop surchargée d’ornemens, qu’Elle est torchonnée.

France, 1907 : Battre.

France, 1907 : Essuyer avec un torchon.

Des piles de soucoupes se dressaient, d’une blancheur d’albâtre, sur l’éclat miroitant des marbres : des femmes passaient, vêtues d’une jupe de flanelle à plis qui tuyautait jusqu’au milieu du mollet et d’une camisole lâche de satinette où sursautait un triple rang de fausses perles plus grosses que des noisettes. Elles passaient des bocks, torchonnaient un coin de table, virvoltaient lourdement, avec des tournures hommasses et des coups de reins de lutteuses de foire, sous leurs jupes blanches qui bombaient comme des culottes ou comme des corsage de la dame du comptoir ; puis, entre deux tournées, elles venaient s’abattre auprès des clients pour allumer une cigarette et pousser à la consommation.

(Camille Le Senne, Cher Maître)

France, 1907 : Travailler mal et salement.

Torchonnièrement

France, 1907 : Négligemment. Vieux français.

Torchons

anon., 1907 : Draps de lit.

Tord boyaux

Virmaître, 1894 : Mauvaise eau-de-vie. Elle corrode l’estomac et tord littéralement les boyaux des malheureux abrutis qui recherchent cet horrible breuvage (Argot du peuple).

Tord-boyaux

Larchey, 1865 : Mauvaise eau-de-vie.

Avaler un verre de tord-boyaux, comme l’appelait notre amphitryon.

(Vidal, 1833)

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie commune.

La riboteuse qui consomme
Plus de spiritueux qu’un homme
Et lampe sans peur le rogomme,
Le sacré-chien, le tord-boyaux.

(A. Pommier, Paris)

Hayard, 1907 : Eau-de-vie.

France, 1907 : Mauvaise eau-de-vie.

Quand on pense que l’eau de mélisse, la bourgeoise et rassurante eau de mélisse qui se présente, réconfortante, sur un morceau de sucre, l’eau de mélisse, comme le vulnéraire lui-même, produisent les mêmes effets que le trois-six et le tord-boyaux ! À qui, à qui se fier, bone Deus, si le vulnéraire et l’eau d’arquebuse sont aussi terribles que le dur calvados qui corrode, en Normandie, jusqu’aux lèvres des nouveaux-nés ?

(Jules Claretie)

Cette expression est employée métaphorique ment pour désigner quelque chose de fort, de scandaleux, qui déchire les oreilles pudiques comme la mauvaise eau-de-vie brûle les entrailles.

Ils me font toujours rire, ceux qui parlent des hardiesses du livre ou de la scène. Ce qui semble du tord-boyaux aujourd’hui, paraîtra de l’orgeat dans un quart de siècle.

(Séverine)

Tordant

France, 1907 : Excessivement drôle, amusant à se tordre.

L’homme du monde vient ici trois fois par semaine pour moi… c’est comme cela. Il m’a donné cette robe, ce costume sévère, mais juste… vous voyez, ça colle. Il veut que je sois coiffée de la sorte, à la vierge… c’est tordant…

(Maurice Montégut, Gil Blas)

Tordion

Delvau, 1864 : Vieux mot signifiant remuement, employé pour exprimer les mouvements lascifs faits dans l’acte vénérien.

Et inventa la bonne dame
Mille tordions advenants,
Pour culeter à tous venants.

(Cl. Marot)

Il semble à ce pauvre homme qu’elle avait appris ces tordions d’un autre maître que lui.

(B. Desperriers)

Elle ne se put en garder de faire un petit mobile tordion de remuement non accoutumé de faire aux nouvelles mariées.

(Brantôme)

Elle a pour le moins trente-cinq ans sur la tête, ce qui me fait croire qu’elle a oublié tous ces petits tordions et gaillards remuements, qui chatouillent la jeunesse.

(P. De Larivet)

France, 1907 : Contorsion. Vieux français encore usité en certaines provinces.

Et par de certaines tordions
Qui causaient palpitations.

Tordre

d’Hautel, 1808 : Il ne fait que tordre et avaler. Se dit d’un goinfre, d’un goulu, d’un homme qui avale les morceaux presque sans les mâcher.

Tordre (se)

France, 1907 : Rire à s’en tenir les côtes. Locution familière.

Il disait comme un parfait gommeux : « Chic, très chic… c’est infect… on se tord… » ; mais il le disait moins vulgairement grâce à son accent étranger qui relevait l’argot.

(Alphonse Daudet, Les Rois en exil)

Tordre le cou à un lapin

Delvau, 1866 : Le manger.

Tordre le cou à un lapin, à une gibelotte

Rigaud, 1881 : Manger du lapin. Tordre le cou à une négresse, boire une bouteille de vin rouge.

Tordre le cou à une bouteille

Delvau, 1866 : La boire, — dans l’argot du peuple.

Tordre le cou à une négresse

France, 1907 : Boire une bouteille de vin rouge. Locution faubourienne.

Tordu

Rigaud, 1881 : Dupe des mieux exploitées, — dans l’argot des grecs. C’est-à-dire pigeon auquel on a tordu le cou.

France, 1907 : Volé au jeu.

Le pigeon est d’abord tordu, ensuite il est plumé.

(P. Delesalle)

Torer

France, 1907 : Enlever, retirer, voler. Voir Toller.

Torgnole

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet ou coup de poing, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Soufflet. Coups. Correction.

France, 1907 : Gifle, coup. Allonger une torgnole, donner un soufflet.

Dansons le Ça ira, la Carmagnole
Voici le tas des mobles qui parait.
Sanson va leur flanquer une torgnole
Avec son couperet.

(Jean Richepin)

anon., 1907 : Gifle.

Torgnolle

d’Hautel, 1808 : Pour, morniffle, tape, soufflet.
Recevoir ou attraper une torgnolle. Pour dire, une tape, un soufflet, un coup quelconque.

Rigaud, 1881 : Soufflet. Chiquenaude. — Allonger une torgnolle.

Tornade

France, 1907 : Ouragan, trompe ; terme de marine, du portugais tornado, dérivé de tornar, tourner.

Il y eut sur les hauteurs ce que les marins appellent une tornade, ce que le commun des mortels connait sous le nom de trompe. La neige se forma en colonne qui tournait et se tassait à mesure, avancant de l’est à l’ouest, menaçante, terrible !… C’était simplement l’avalanche qui accomplissait son œuvre. Effet singulier ! Il venait de se former sur les sommets inaccessibles, quelque chose de pareil à une immense boule qui conumençait à descendre sur les fonds et qui ramassait sur son passage toute la neige tombée pendant l’hiver.

(Adolphe d’Ennery, La Grâce de Dieu)

Torniquet

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Moulin.

Vidocq, 1837 : s. m. — Moulin.

(Villon)

Halbert, 1849 : Moulin.

Larchey, 1865 : Moulin (Vidocq). — Sa roue tourne.

Toroque

Clémens, 1840 : Marque infamante.

Torpiaude

Delvau, 1866 : s. f. Femme de mauvaise vie, — dans l’argot des paysans de la banlieue.

France, 1907 : Femme de mauvaise vie ; argot des paysans.

Torpille

Delvau, 1866 : s. f. Femme galante. Circé parisienne qui ravit les hommes et les change en bêtes. Le mot est de H. De Balzac, qui l’a appliqué à une de ses héroïnes, la courtisane Esther. Torpille d’occasion. Fille de trottoir.

France, 1907 : Femme de mauvaise vie. Torpille d’occasion, raccrocheuse.

Torpille d’occasion

Virmaître, 1894 : Fille publique. Ainsi nommée parce qu’elle fait sauter la bourse des pantes (Argot des souteneurs).

Torquemada

France, 1907 : Tortureur, bourreau, scélérat clérical, du nom du célébre grand inquisiteur d’Espagne qui couvrit la péminsule ibérique de terreur et d’autodafés.

Il semblerait que, sous l’étreinte
Du pape et des anciennes lois,
Le peuple aurait encor la crainte
Des Torquemadas d’autrefois.
En ce temps-là, pris de délire,
Les rois eux-mêmes, sans mot dire,
Ployaient sous un joug révoltant ;
Grâceaux hommes noirs qui les bernent,
Aujourd’hui ceux qui nous gouvernent
Semblent vouloir en faire autant.

(Georges Baillet)

Torse

Larchey, 1865 : Estomac.

Un verre de fil en quatre… Histoire de se velouter le torse.

(Th. Gautier)

Il s’était, outre mesure, bourré le torse ; langage d’atelier.

(P. Borel, 1833)

Delvau, 1866 : s. m. Estomac, — dans l’argot des faubouriens. Se rebomber le torse. Manger copieusement. Se velouter le torse. Boire un canon de vin ou d’eau-de-vie.

Delvau, 1866 : s. m. Tournure, élégance, — dans l’argot des artistes et des gens de lettres. Poser pour le torse. Marcher en rejetant la poitrine en avant pour montrer aux hommes, quand on est femme, combien on est avantagée, ou pour montrer aux femmes quand on est homme, quel gaillard solide on est.

Torse (poser pour le)

France, 1907 : Afficher de ridicules prétentions ; faire le beau, se dandiner. Se garnir le torse, manger et boire. Se velouter le torse, boire un verre d’eau-de-vie ou de vin. Expressions populaires.

Torse (se velouter le)

Rigaud, 1881 : Ingurgiter un petit verre de liqueur.

Torseur

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait des effets de torse. Expression créée par N. Roqueplan.

France, 1907 : Individu qui pose pour le torse.

Torsif

France, 1907 : Amusant.

Torsion

France, 1907 : Accès de gaité ; argot des polytechniciens.

Torticolis

d’Hautel, 1808 : Ne vous fiez pas à ces torticolis. C’est-à-dire, à son hypocrisie, à sa cafardise.

Tortillade

Ansiaume, 1821 : Festin.

Ils ne font que des tortillades en vergue, ils se feront grimer.

France, 1907 : Nourriture, de tortiller, manger ; argot populaire.

Voilà : un crime quelconque se commet, aussitôt l’indignation publique réveillée, — elle dort quelquefois, complaisamment, — l’indignation publique se dresse, éructe un cri et ouvre une large gueule. Oui, imagine-toi la susdite indignation sous la forme terrifiante d’un monstre mythologique, doué d’une mâchoire de crocodile, affamé dès son réveil, s’en donnant par les babines, mangeant à tous les râteliers, même à celui de la justice, et s’offrant de rabelaisiennes tortillades pour dormir ensuite plus profondément, assouvi, abruti, dans la paix lourde d’une longue digestion… Donc, un crime se commet et l’indignation publique ouvre la gueule.

(Gustave Guesvilier)

Tortillant

Larchey, 1865 : Boiteux, qui tortille en marchant (Vidocq).

Tortillante

Rigaud, 1881 : Vigne, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Vigne.

Virmaître, 1894 : Le cep de vigne qui pousse en espalier devant les maisons dans les campagnes. Allusion au bois qui se tortille de mille façons. Claude Tillier a écrit dans un de ses pamphlets :
— Nos pères étaient faits de ce bois noueux et tortillé dont on fait les forts (Argot du peuple).

France, 1907 : Vigne ; argot des voleurs, qui disent aussi bois tortu.

Tortillard

Ansiaume, 1821 : Boiteux.

Le vieux tortillard est marloux, il est tocq.

Vidocq, 1837 : s. — Boiteux, bancal.

Halbert, 1849 : Fil de fer ou de laiton.

Delvau, 1866 : s. m. Boiteux, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Fil de fer, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Fil de fer, — dans le jargon des voleurs. — Boiteux, contrefait.

La Rue, 1894 : Fil de fer. Homme contrefait, bancal.

Virmaître, 1894 : Fil de fer (Argot des voleurs).

France, 1907 : Boiteux, contrefait ; argot populaire.

La moyenne des enfants qui viennent au monde sans vie à Paris est annuellement d’environ 5.000, sur lesquels on compte plus de 1.500 avortons.
Parmi ces derniers, on distingue les avortons légitimes des avortons naturels.
Les avortons légitimes parisiens se présentent d’ailleurs en nombre plus considérable que les avortons naturels. En 1883-84 le chiffre de ceux-ci était de 645, tandis que celui des privilégiés d’élevait à 826. — Si nous comptions maintenant les avortons qui sont pleins de vie, et qui pullulent dans les hautes classes et sur nos boulevards, la proportion déjà établie décuplerait bien certainement ; il y a en effet, parmi nous, une douzaine de Tortillards de la Haute Gomme pour un gavroche perclus.

(Saint-Chels)

France, 1907 : Fil de fer ou de laiton ; argot des voleurs.

Tortillé

Rigaud, 1881 : Gauche, maladroit. Espèce de tortillé.

France, 1907 : Mort.

Comme les Européens y crèvent à mouche que veux-tu ? je suis surpris que le Gabonais Lafargue n’ait pas pensé à cette île plus qu’insalubre pour y envoyer les relégués de Casimir y finir promptement leurs jours. Ce pays pestilentiel est tout indiqué pour qu’on y expédie les Jean Grave, les Sébastien Faure, les Félix Fénéon et, en général, tous les écrivains indépendants, y faire une cure de vomito negro. C’est tout à fait précieux. On y est tortillé en deux heures.

(Henri Rochefort)

Tortiller

d’Hautel, 1808 : Tortiller de l’œil. Pour dire, payer le tribut à la nature, expirer, mourir.

Ansiaume, 1821 : Dénoncer.

Quoi qu’il arrive, j’espère que personne n’ira tortiller.

Ansiaume, 1821 : Manger.

Tu ne me verras jamais tortiller avec eux.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Manger.

Halbert, 1849 : Boiter.

Larchey, 1865 : Faire des façons.

L’ordre est formel. Il n’y a pas à tortiller.

(L. Desnoyer)

Tortiller de l’œil : V. œil. — Tortiller : Avouer (Vidocq). V. Bayafe.

Larchey, 1865 : Manger.

En trois jours nous aurons tout tortillé.

(Vidal, 1833)

Voyez-vous, j’avais tortillé une gibelotte et trois litres.

(Ricard)

V. Bec. — Allusion au mouvement des mâchoires.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Manger.

Delvau, 1866 : v. n. Avouer, dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. n. Faire des façons, hésiter, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie jamais ce verbe qu’avec la négative. Il n’y a pas à tortiller. Il faut se décider tout de suite. On dit aussi Il n’y a pas à tortiller des fesses ou du cul.

Rigaud, 1881 : Déterminer une mort prompte. — Le poison tortille. — Être tortillé, mourir en peu de temps. — Être tortillé par le choléra.

Rigaud, 1881 : Faire des révélations, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Manger, manger vite, — dans le jargon du peuple. — Comme tu tortilles !

La Rue, 1894 : Manger. Avouer. Mourir. Boiter.

Virmaître, 1894 : Manger.
— Il te tortille un morceau de lartif en une broquille.
Se tortiller
pour ne pas vouloir dire la vérité : chercher des faux-fuyants.
— As-tu vu comme elle tortille des fesses en marchant ?
— Il n’y a pas à tortiller du cul, il faut que tu avoues.
— Il ne faut pas tortiller, faut y passer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Manger.

France, 1907 : Avouer ; avouer, c’est manger le morceau ; argot des voleurs.

France, 1907 : Manger.

France, 1907 : Tergiverser, hésiter, prendre des détours ; expression populaire.

Aussi, comme on m’trouv’ gentille
Et que j’suis lasse d’tout ça,
J’vais fair’ comm’ ma tant’ Camille
Qu’habit’ le quartier Bréda,
C’n’est pas un métier qui m’botte,
Mais n’y a point à tortiller,
Demain j’m’établis cocotte :
Pour vivr’ faut bien travailler !

(Georges Gillet)

On dit aussi tortiller des fesses. « Il faut faire cela, il n’y a pas à tortiller des fesses. »

Tortiller de l’œil

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Tourner de l’œil et Être tortille.

France, 1907 : Mourir.

Tortiller des fesses

Rigaud, 1881 : Scander sa démarche, se déhancher en marchant. — Il n’y a pas à tortiller des fesses, il ne faut pas faire tant de façons, il faut prendre un parti ; on ajoute, pour donner plus de force à l’expression : il faut chier dur.

Tortiller du cul

France, 1907 : Danser. Hésiter, se refuser à une chose.

Tortiller du cul ou des fesses

Delvau, 1864 : Se trémousser sons l’homme. — Hésiter, faire des manières. — On dit aussi : tortiller de la crinoline, c’est-à-dire : se déhancher, soit en dansant, soit en marchant pour allumer les galants.

Quand on va boire à l’Écu
N’ faut pas tant tortiller du cu.

(Vadé)

Quand tout sommeille aux alentours,
Hortense, se tortillant d’aise,
Dit qu’elle veut que je la baise
Toujours, toujours.

(A. Privat D’Anglemont)

Au miché je sais battre un ban ;
Je sais tortiller de l’échine.

(Chanson anonyme moderne)

Tortiller la vis

Fustier, 1889 : Étrangler.

Je l’avais prévenu que s’il faisait un mouvement, j’allais lui tortiller la vis.

(Gazette des Tribunaux, 1864)

France, 1907 : Étrangler.

Tortiller le carton

Fustier, 1889 : Jouer aux cartes.

Parfois deux sociétés font alliance pour tortiller le carton. C’est l’expression consacrée par les joueurs de besigue, de piquet à quatre, ou de rams.

(Réveil, 1882)

V. Delvau : Carton.

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Tortillette

Delvau, 1866 : s. f. Bastringueuse, fille qui se déhanche exagérément en dansant. Se dit aussi d’une Petite dame qui tortille de la crinoline en marchant, pour allumer les hommes qui la suivent.

France, 1907 : Jeune fille qui s’agite sur ses hanches, qui tortille le derrière en marchant ; argot populaire.

Devant moi marchait une gentille tortillette dont le remuement suggestif de croupe était visiblement destiné à exciter les convoitises.

(Les Propos du Commandeur)

Tortilleur

Ansiaume, 1821 : Dénonciateur.

S’il y a ici un tortilleur, conduisons-le dans le satou.

Tortillon

d’Hautel, 1808 : Crochet, espèce de coiffure.
Un petit tortillon. Terme de mépris. Fille de basse extraction.

Delvau, 1866 : s. m. Petite servante, fillette.

France, 1907 : Jeune fille, petite servante ; argot faubourien.

France, 1907 : Le derrière ; argot faubourien.

Tortiné

France, 1907 : Tordu ; vieux français.

Tortorage

Fustier, 1889 / La Rue, 1894 : Nourriture.

Tortorage, tortore

France, 1907 : Repas, nourriture.

Tortorant

Rossignol, 1901 : Restaurant.

Tortore

Rigaud, 1881 : Repas. — Passer à la tortore, manger.

Tortorent

Virmaître, 1894 : Gargote où l’on mange (Argot des souteneurs).

Tortorer

Delvau, 1866 : v. a. et n. Manger, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Manger. — Tortorer le pain à cacheter, communier.

Virmaître, 1894 : Manger (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Manger.

Hayard, 1907 : Même sens — manger.

France, 1907 : Manger.

Que n’j’y foutrai dans la trompette
À c’lancier-là, s’il vient vivant ?
À moins qu’il sorte un jour que j’pète
Et qu’il veuill’ tortorer du vent.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Tortorer le pain à cacheter

France, 1907 : Communier.

Tortouse

Halbert, 1849 / Hayard, 1907 : Corde.

France, 1907 : Corde ; argot des voleurs.

Tortouser

Hayard, 1907 : Attacher.

Tortu

d’Hautel, 1808 : Il n’est ni tortu, ni bossu. Se dit en plaisantant, pour exprimer que la taille d’une personne n’a aucune de ses imperfections.

Rigaud, 1881 : Vin, — dans l’ancien argot. Allusion au bois tordu de la vigne.

Virmaître, 1894 : Le vin.
— Allons, mastroquet, sers-nous deux cholettes de tortu.
Cholette :
chopine, tortu : le vin, en souvenir du bois tortu qui produit le raisin (Argot du peuple).

France, 1907 : Vin ; argot des voleurs. Voir Tortillante.

Tortu (du)

Halbert, 1849 : Du vin.

Tortu (le)

Delvau, 1866 : s. m. Le vin, — dans l’argot des voleurs, qui, fils de la terre pour la plupart, savent que la vigne est une plante sarmenteuse, contournée, torte, et qui ont voulu donner son nom à son produit.

Tortubossu

France, 1907 : Mal bâti, contrefait ; expression familière.

Ma vie est devenue un véritable enfer. À commencer par toutes ces bigotes, que jusqu’alors j’avais tenues en lisière (je n’aime pas, moi, ces évaporées qui font les petites folles avec le bon Dieu) et qui, terribles, sont revenues à la charge et se multiplient. Il n’en est pas une qui ne vienne à confesse deux et trois fois le jour, me réservant un tas de vieux péchés, toujours les mêmes, et pour lesquels, dix coups de suite, je leur ai donné l’absolution. Et puis, voilà-t-il pas qu’à force de creuser, une source a jailli près du tombeau de la sainte, et, depuis, tout ce qu’il y a de boiteux, tortubossus et béquillards dans le pays se fait porter à la fontaine. Porter par moi, cela va sans dire. J’ai sur les bras toute la cour des Miracles.

(Jean Richepin)

Tortue

d’Hautel, 1808 : Marcher à pas de tortue. Pour dire nonchalamment, d’une manière indolente.

Vidocq, 1837 : s. m. — Vin.

Larchey, 1865 : Vin (Vidocq). V. Faire la tortue.

Rigaud, 1881 : Femme, amante.

France, 1907 : Femme en général, épouse ou maîtresse ; argot faubourien.

Tortue (faire la)

France, 1907 : Jeûner.

— J’aime mieux faire la tortue et avoir des philosophes aux arpions que d’être sans eau d’aff dans l’avaloir et sans tréfoin dans ma chiffarde.

(Eugène Sue, Les Mystères de Paris)

Tot capita, tot sensus

France, 1907 : Autant de têtes, autant d’opinions. Latinisme.

C’est surtout en médecine qu’il faut appliquer le vieux proverbe latin tot capita, tot sensus.

(Hector France)

Tôt ou tard, près ou loin, le fort du faible a besoin

France, 1907 : Vieux dicton rajeuni par La Fontaine dans sa fable du Lion et du Rat :

On a souvent besoin d’un plus petit que soi.

Les Anglais disent : The lion had need of the mouse ; le lion a besoin de la souris. Les Italiens : Ogni dieci anni un uomo ha bisogno de l’altro ; tous les dix ans un homme a besoin d’un autre.

Totalisateur

France, 1907 : Terme de jeu aux courses.

Supposez qu’au totalisateur je prenne un cheval sur lequel on n’a placé que peu de mises. Je fais mon pari en calculant mes chances de gain, qui sout proportionnées à l’argent versé sur les concurrents. Après mon opération, le cheval que j’ai pris devient subitement le tuyau, vous savez, ce tuyau que tout le monde connaît ; chacun en prend, et chaque mise placée après la mienne partagera le bénéfice avec elle. Mon pari peut donc, à deux heures et quart n’être plus du tout ce qu’il était à deux heures, et, ayant risqué 20 francs dans l’espoir de gagner 60 francs, il se trouvera que j’aurai risqué 20 fr pour en gagner 5.

(Baron de Vaux)

Totémisme

France, 1907 : Doctrine fort ancienne qui reconnaît l’animal comme ancêtre de l’homme. C’était la religion de l’ancienne Égypte où les bêtes apparaissent au début des genéalogies royales et où le culte des animaux n’est qu’une des formes du culte des ancêtres. Il en était de même en Grèce. L’on retrouve ces croyances à l’état grossier chez la plupart des peuplades de l’Afrique, de l’Amérique, de l’Inde, en Sibérie et dans les îles de la Polynésie. C’est ce qu’on appelle en langue vulgaire le transformisme,

Toto

France, 1907 : Sein ; expression enfantine.

Pendant que le tringlot était occupé avec la nounou, l’affreux braillard de môme ne cessait de crier : Le toto ! Le toto !

(Les Joyeusetés du régiment)

Toton

d’Hautel, 1808 : Espèce de dé traversé d’une cheville, et que l’on fait tourner.
Il est presque généralement usité de dire, d’après les écoliers, un tonton.

Totus en illis

France, 1907 : Tout entier à ces choses. Locution latine tirée d’Horace.

Toubib

France, 1907 : Médecin. Mot arabe rapporté par les soldats d’Afrique.

Un toubib de l’oasis de Khoufra, qui était mon ami, me sauva en me confiant aux soins de ces deux vieilles négresses, deux sœurs jumelles, qui étaient dépositaires d’une science particulière propre à refaire les muscles. Sorcières et incantatrices, m’affirmait-il. En réalité, masseuses. Mais, quelles masseuses !

(Jean Richepin)

Touche

Halbert, 1849 : Tournure d’individu.

Larchey, 1865 : Physionomie grotesque.

Delvau, 1866 : s. f. Coup de poing ou coup de couteau.

Delvau, 1866 : s. f. Physionomie, façon d’être, allure, — dans l’argot du peuple, qui emploie ordinairement ce mot en mauvaise part. Bonne touche. Tête grotesque. Avoir une sacrée touche. Être habillé ridiculement ou pauvrement.

Rigaud, 1881 : Tournure ; physionomie. — Avoir une bonne touche, avoir une bonne tournure. Foutue touche, mauvaise tournure.

La Rue, 1894 : Tournure, allure. Coup.

France, 1907 : Tournure, physionomie, mine.

Touché

Delvau, 1866 : adj. Réussi, éloquent, — dans l’argot des faubouriens et des gens de lettres. Article toucé. Bien écrit. Parole touchée. Impertinence bien dite.

Touché (c’est)

Rigaud, 1881 : C’est bien fait, en parlant d’une œuvre d’art. — C’est bien dit, bien répliqué ; c’est très bien.

Touche (la sainte)

France, 1907 : Le jour de la paye ; argot populaire.

On célébrait la Sainte-Touche, quoi ? Une sainte bien aimable qui doit tenir la caisse au paradis.

(Émile Zola)

Touche (sainte)

Rigaud, 1881 : La paye, le jour de la paye, — dans le jargon des ouvriers. Une sainte en grande vénération, parmi le peuple.

Touche de piano

France, 1907 : Dent longue et jaune et, par extension, dent.

— Attention au mouvement… Ne craignez pas de casser vos touches de piano sur les côtelettes des patates.

(Dubois de Gennes)

Touche mouille (qui)

France, 1907 : Synonyme de Qui s’y frotte s’y pique.

Toucher

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

La belle fille qui voulait être touchée au bas du ventre.

(Moyen de parvenir)

Écoute, mon mignon, contemple
Du bon Joseph les saints exemple
Qui ne toucha a sainte dame.

(Jodelle)

Mais si un amoureux la touche,
Elle repartira, du cu,
Encore mieux que de la bouche.

(Cabinet satyrique)

Où le mari, parce qu’il la touchait quelquefois, pensait avoir part.

(Brantôme)

N’ayant touché que vous, je n’en puis rien savoir.

(J. de Schelandre)

Mais il ne lui touchait que quand la fantaisie lui en prenait.

(Tallemant des Réaux)

Il ne lui touche point, vit dedans l’abstinence.

(La Fontaine)

Phébus, au même état où je me suis couchée,
Me trouve le matin sans que l’on m’ait touchée.

(Épigrammes)

Elle lui dit que s’il la touche, elle criera.

(Ch. Sorel)

Femme gentille et sage
Est un trésor ; mais il n’y touche point.

(Parny)

Larchey, 1865 : Frapper fort. — Ironie. V. Aplomb.

Toucher (se)

Delvau, 1864 : Se livrer à la masturbation, à ce plaisir solitaire que Martial appelle si justement gaudia fœda, et dont tant de jeunes gens sont morts, — sans compter le compositeur Bellini. Les murs de Paris ont été longtemps couverts de cette légende : Galimard se touche. Serait-ce vrai, Seigneur !

Rigaud, 1881 : Pratiquer l’onanisme. Se dit principalement en parlant des enfants qui ont cette funeste habitude.

France, 1907 : Se masturber.

Toucher à la marchandise

Rigaud, 1881 : Palper la marchande… de plaisir, — dans le jargon des soupeuses.

France, 1907 : Se livrer à des privautés sur une femme.

Toucher du fer

France, 1907 : Expression populaire qu’on emploie à la vue d’un prêtre ou de tout porteur de soutane. On touche du fer pour combattre le mauvais sort.

À ce propos, que je jaspine aux bons bougres la petiote aventure arrivée il y a quelques mois à l’un de ces ratichons fin-de-siècle.
Il montait à Montmartre, faire ses dévotions… ou autre chose ! à Notre-Dame-de-la-Galette. Comme il passait près d’un groupe de bonnes bougresses, l’une dit :
— Touchons du fer !
Le frocard se retourne subito et lui gueule carrément :
— Touche donc de la merde !
Épatée, la bonne bougresse s’esclaffa de rire et lui répliqua :
« Eh bien, mon vieux, tu es moins bête que je ne croyais. Tu es dessalé…. tu iras loin !… »
La copine a prédit juste : le ratichon en question est déjà allé un peu loin, — il est aujourd’hui défroqué !
Que d’autres l’imitent et ce sera tant mieux !

(Le Père Peinard)

Toucher la cuillère

France, 1907 : Donner la main.

Toucher la grosse corde

Delvau, 1864 : Patiner le membre viril et le faire résonner sur le ventre.

Toucher les frises

Delvau, 1866 : Obtenir un grand succès, s’élever à une grande hauteur tragique ou comique. Argot des coulisses.

France, 1907 : Obtenir un grand succès sur les planches ; expression théâtrale.

Toucher son prêt

Delvau, 1866 : v. a. Être l’amant en titre d’une fille, — dans l’argot des souteneurs, qui ne craignent pas de faire leur soupe avec cette marmite. On dit aussi Aller aux épinards.

France, 1907 : Recevoir d’une prostituée le produit de sa recette ; expression des souteneurs.

Tous deux se ménagent des entrevues et des sorties où ils règlent leurs comptes. Un marlou appelle cela : toucher son prêt.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Touches de piano

Rigaud, 1881 : Dents longues et larges.

Toucheur

France, 1907 : Chef de bande d’assassins.

L’assommeur n’est que l’aide du pégriot. Son chef d’attaque, c’est le toucheur. On qualifie de toucheur celui qui, après avoir donné le premier coup à la victime, est aussi le premier à faire sauter le tiroir et à toucher la monnaie. D’ordinaire le toucheur est un gamin de dix-sept à dix-huit ans, aussi frêle, aussi chétif que son assommeur est d’aspect redoutable.

(Mémoires de M. Claude)

France, 1907 : Conducteur de bestiaux.

Les chemins de fer ont amélioré la condition des toucheurs en les transportant commodément eux et leurs animaux et à moins de frais que par le passé.

(Comte Jaubert)

Touffeur

France, 1907 : Touffe ; néologisme.

Ses jambes croisées laissaient deviner la touffeur de dentelles des dessous, de sa nuque folle de piments roux et voletants, à sa cheville de soie noire, elle était bien le simple corps d’amour fauve, la possédante forme de désir qui tord les nerfs et sèche la gorge. Et sur ses lèvres flottait l’indécis sourire d’inconscience, le beau sourire de perversion naïve.

(Gabriel Mourey)

Elle l’attendait en levant vers l’espéré, en un devancement de l’étreinte, de lents bras gras, qui offrent dans un recul d’ombre fauve, la double promesse touffue d’une plus intime touffeur !

(Catulle Mendès)

Touillard

France, 1907 : Professeur de dessin. Être touillard, savoir bien dessiner. Argot du Borda.

Touillaud

d’Hautel, 1808 : Un gros touillaud. Pour dire un homme gras, et dodu, un compère la joie, un Roger-bon-temps.

Delvau, 1866 : adj. et s. Gaillard, et même paillard. Argot du peuple.

France, 1907 : Gai, gaillard ; amateur du beau sexe. Argot populaire.

Touille

France, 1907 : Dessin quelconque ; cours de dessin. Argot du Borda.

Touiller

Delvau, 1866 : v. a. et n. Remuer, agiter un liquide, — dans l’argot du peuple. C’est une expression provinciale.

La Rue, 1894 : Remuer.

Virmaître, 1894 : Remuer.
— Touille ton café pour faire fondre le sucre (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Remuer une sauce est la touiller. C’est un mot patois dont on se sert souvent en jouant au loto, pour dire à celui qui appelle les numéros, de les remuer dans le sac : touille.

France, 1907 : Remuer, mêler.

La mère Fricoteau restait seule, touillant ses frites avec son écumoire et grommelant.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Touiller, trouiller

Rigaud, 1881 : Remuer avec une cuiller, le fond d’un poêlon. — Mêler les dominos, battre les cartes.

Toujours loup est loup

France, 1907 : On ne change jamais de nature.
« Si l’on vient vous affirmer, disait Mahomet, qu’une montagne a changé de place, permis à vous de le croire, mais si l’on vous affirme qu’un homme a changé de caractère, n’en croyez rien » ; ce que Boileau a traduit par ce vers resté proverbial :

Chassez le naturel, il revient au galop.

Toujours on tape sur le cheval qui tire

France, 1907 : Aux bons et aux patients les coups. Vérité universelle reconnue chez tous les peuples ; ce qui ne prouve pas en faveur de l’humanité. En voici quelques exemples tirés des dictons populaires de diverses nations :
Anglais : All lay load on the wiling horse ; toute la charge pèse sur le cheval de bonne volonté.
Allemands : Wer sich zum Esel macht, dem will jeder seinen Sack auflegen ; fais-toi âne et chacun te chargera de son sac.
Italiens : Se ti lasci metter in spalla il vitello, quindi a poco ti mitteran la vacca ; si tu laisses mettre le veau sur ton dos, on y mettra bientôt la vache.

Toulabre

Vidocq, 1837 : s. — Toulon.

France, 1907 : Toulon ; argot des voleurs, qui disent aussi Toulmuche.

Toulabre, Toulmuche

Rigaud, 1881 : Toulon.

Touloup

France, 1907 : Sorte de pardessus russe.

Qu’on se représente un certain nombre de peaux de mouton cousues ensemble, le cuir en dehors et descendant jusqu’aux mollets… Dès le mois de septembre, le paysan russe endosse son touloup, et il ne le quitte plus qu’au mois de mai suivant. Pendant ces huit mois, il s’en sert comme pardessus, comme matelas, comme serviette, comme essuie-mains, comme mouchoir, etc., etc. : pourtant, en dépit de ces nombreux usages, le touloup sert à plusieurs générations.

(Serge Nosoff, La Russie comique)

Toulouroure

France, 1907 : Fantassin. Voir Tourlourou.

Toulouse (bons étudiants de)

France, 1907 : Il paraît que les étudiants de Toulouse se distinguaient de ceux des autres universités par leur sagesse et leur bonne conduite, car Chasseneux, en parlant de l’indiscipline des écoliers et des désordres qu’ils commettaient, cite les surnoms désobligeants donnés à ceux d’Orléans, d’Angers, le Paris, de Pavie, de Turin, et il ajoute : « Cependant l’on dit de ceux de Toulouse : les bons estuans (étudiants). »

Toulouse (or de)

France, 1907 : Bien mal acquis et qui ne profite pas. Vieille locution faisant allusion à l’or pillé à Toulouse par les Romains et qui fut, d’après la légende, cause des malheurs des pillards. C’est de l’or de Toulouse qui lui coûtera cher.

Toupet

d’Hautel, 1808 : Audace, effronterie, impudence.
Cet homme a un fameux toupet. Pour, est entreprenant, hardi, effronté.
Se prendre au toupet. Se prendre aux cheveux, en venir aux mains, aux voies de fait.

Larchey, 1865 : Grande effronterie. — Jeu de mots. — Le toupet est supérieur au front.

Et dire qu’avec du toupet et de la mémoire tout le monde en f’rait autant.

(H. Monnier)

Se payer de toupet : Payer d’audace. V. Créper.

Que de gens font étalage, S’payant de toupet, N’ont rien dans leur ménage.

(Chanson, 1832)

Delvau, 1866 : s. m. Aplomb, effronterie. Payer de toupet. Ne pas craindre de faire une chose.

Delvau, 1866 : s. m. La tête. Se foutre dans le toupet. S’imaginer, s’entêtera croire.

Rigaud, 1881 : Aplomb, impudence. — Toupet bœuf, aplomb énorme. Toupet de commissaire, impudence.

Toupet (avoir du)

Delvau, 1864 : Avoir la motte bien garnie.

Ce n’est point là le conin que vous aviez au couvert ; il n’y avait que du poil follet, du duvet, et je tiens là un toupet. un vrai toupet.

(La Popelinière)

Virmaître, 1894 : Avoir un aplomb formidable. Se payer de toupet pour affronter quelqu’un. On dit dans le peuple :
— Il a plus de toupet que de cheveux (Argot du peuple).

Toupet (se foutre dans le)

Rigaud, 1881 : Se mettre dans la tête, s’imaginer.

Toupet de vache

France, 1907 : Impudence extraordinaire ; argot faubourien. Vache a ici la signification de commissaire, d’agent de police.

Toupie

d’Hautel, 1808 : Au propre, jouet d’enfant. Au figuré, terme de mépris, qui sert à désigner une femme tombée dans la plus vile prostitution.

Halbert, 1849 : Femme sans mœurs.

Delvau, 1864 : Femme de mauvaise vie, mais de bonne volonté, qu’on fait tourner comme l’on veut — en y mettant le prix.

Misère et corde ! c’est déjà des histoires pour des toupies.

(Gavarni)

Larchey, 1865 : Femme de peu, tournant en toutes mains, comme une toupie. — Usité dès 1808.

L’insolent traite sa grande sœur de toupie.

Colmance.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, qui tourne au gré du premier venu, — dans l’argot du peuple, cruel pour les drôlesses, ses filles. Les voyous anglais emploient la même expression (gig) à propos des mêmes créatures.

Delvau, 1866 : s. f. La tête, — dans l’argot des faubouriens. Avoir du vice dans la toupie. Être très malin, savoir se tirer d’affaire.

Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie. — Elle tourne comme une toupie dans les bras de tous les hommes.

Fustier, 1889 : Dame d’un jeu de cartes.

La Rue, 1894 : La tête. Femme méchante ou de mauvaises mœurs.

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Femme ou fille de mœurs légères ; elle tourne et est livrée aux coups comme une toupie.

Mais le No 1 n’est pas tout seul. Il y a le No 2, il y a le No 3 et il y a le No 4, et il y a le No 5, car ces toupies de femmes, dès que vous n’écrabouillez pas sous leur nez leur premier Roméo, lui trouvent immédiatement des légions de cousins. La mienne, à vrai dire, s’est contentée d’en récolter six, soit sept bonshommes dans le même bonnet, ou la même capote, si cette plaisanterie ne vous parait pas trop déplacée.

(P. Fournier, Don Juan)

France, 1907 : Tête, allusion de forme ; argot faubourien. Avoir du vice dans la toupie, être rusé.

À peine âgée de douze ans, elle faisait déjà voir le tour à père et mère, nous montrant quel vice elle avait dans la toupie.

(Les Joyeusetés du régiment)

Toupiller

Delvau, 1866 : v. n. Aller et venir, tourner comme une toupie. Beaumarchais l’a employé dans le Barbier de Séville. On dit aussi Toupier.

France, 1907 : Tourner.

Le Rouchat avait très bien connu le mari de la vieille drôlesse, un brave cœur, mais pas de poigne du tout, qu’elle faisait toupiller sur son petit doigt, la carogne.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Toupin

Halbert, 1849 : Boisseau.

Delvau, 1866 : s. m. Boisseau, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Boisseau : vieux français.

Toupiner

Halbert, 1849 / France, 1907 : Mesurer au boisseau.

Toupinier

Delvau, 1866 : s. m. Boisselier.

Tour

d’Hautel, 1808 : Tour de gueux. Mouvement circulaire des épaules et du dos, à dessein d’apaiser les démangeaisons importunes que l’on éprouve. Ce mouvement très-incivil, est familier aux indigens, aux gens chez qui la misère et la malpropreté engendrent toute sortes de vermines.
Faire le tour du cadran. Dormir douze heures de suite ; se coucher à minuit, et ne se réveiller qu’à midi.
Il fait son tour de France. Se dit d’un artisan qui voyage par la France, en exerçant sa profession.
Il est allé faire un tour en l’autre monde. Pour dire il est mort.
À ton tour paillasse. Expression bouffonne usitée parmi les batteleurs et les histrions, et que l’on emploie fréquemment dans la conversation familière, lorsque successivement on vient à commencer une opération quelconque.

Delvau, 1866 : s. m. Farce ; tromperie. Faire voir le tour. Tromper. Connaître le tour. Être habile, malin, ne pas se laisser tromper.

Tour (faire faire demi-)

Merlin, 1888 : Faire retourner sur ses pas, ou rentrer à la caserne. — Lorsqu’un soldat passe devant un supérieur sans le saluer, celui-ci lui fait faire demi-tour, afin qu’il repasse devant lui, en le saluant militairement. — Faire demi-tour en principe signifie s’en aller sans répliquer.

Tour (faire le)

France, 1907 : Tromper. Connaître le tour, être habile, connaître son affaire ; argot populaire.

Tour (faire voir le)

Larchey, 1865 : Tromper.

Pour parvenir dans le commerce, Chacun s’exerce à qui fera voir le tour aux pauvres chalands.

(Chansonnier, 1836)

Connaître le tour : Connaître toutes les ruses.

Rigaud, 1881 : Tromper, mentir avec succès.

Tour (la)

Fustier, 1889 : La Préfecture de Police.

Virmaître, 1894 : La Conciergerie et le Palais de justice. Allusion à la tour de l’horloge. À ce propos, une légende populaire veut que cette horloge ait sonné l’heure du signal pour le massacre de la Saint-Barthélemy (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : La préfecture de police.

France, 1907 : La Conciergerie. Voir Sapement.

Quand la marmite est à la tour,
E’ marle il est dans la débine…
Pour boulotter faut qu’i’ turbine,
I’ s’en va su l’ tas à son tour.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Le dépôt.

Tour (le grand), le petit tour

France, 1907 : Euphémismes d’école pour dire les nécessités.

Tour d’ivoire (s’enfoncer dans sa)

France, 1907 : Se retirer du monde, vouloir ignorer les choses de la vie, vivre comme certaines religieuses ou religieux dans une perpétuelle hallucination séraphique.

… Et Vigny plus secret
Comme en sa tour d’ivoire avant midi rentrait.

(Sainte-Beuve, Pensées d’août)

Tour de Babel

Delvau, 1866 : s. f. Chambre des Députés, — dans l’argot des faubouriens.

Tour de Babylone

d’Hautel, 1808 : Signifie un lieu où règne la confusion et le désordre, où tout le monde parle à la fois.
On dit plus communément d’un lieu de cette sorte, que c’est la tour de Babel.

Tour de bâton

Delvau, 1866 : s. m. Profit illicite sur une affaire, ressources secrètes. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Profit illicite.

Le bel emploi dont se vante Cliton,
Sans plus ni moins, il rapporte a cet’homme
Deux cents écus et le tour du bâton.

(Pothier de Brille)

Tour de bête

France, 1907 : Avancement à l’ancienneté.

En se faisant démocrate, le duc de M… eût pu, si les grandeurs le hantaient, devenir ministre tout comme un autre, à son tour de bête.

(Colombine, Gil Blas)

Tour de bête (au)

Delvau, 1866 : adv. À l’ancienneté, — dans l’argot des troupiers. Passer capitaine à son tour de bête. Être nommé à ce grade, non à cause des capacités militaires qu’on a montrées, mais seulement parce qu’on a vieilli sous l’uniforme.

Rigaud, 1881 : Par rang d’ancienneté, — dans le jargon des troupiers.

Il passa capitaine à l’ancienneté, à son tour de bête, comme il disait en rechignant.

(Ed. About, Trente et quarante)

Tour de bête (passer à son)

Merlin, 1888 : Être promu à l’ancienneté.

Tour de bitume

Delvau, 1864 : Promenade des filles sur les boulevards, pour raccrocher des hommes et les ramener, soit au bordel, si elles sont en maison, soit dans leur appartement lorsqu’elles sont chez elles.

Allons ! voilà mon tour de bitume arrivé…
Au persil ! au persil !…

(Lemercier de Neuville)

Tour de clef

France, 1907 : Repos.

Tour de clef (se donner un)

Fustier, 1889 : Se reposer, se refaire, se mettre au vert.

Apollinaris est venu passer cinq ou six semaines à Aix-les-Bains, histoire de se redonner un tour de clef.

(Raoul Nest : Les mains dans mes poches)

Tour de cravate

France, 1907 : Strangulation.

Tour de cravate (donner un)

Rigaud, 1881 : Étrangler.

Tour de fesse

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Francine, trop chaude du cu,
Pour mieux couvrir ses tours de fesse,
Voulait épouser un cocu.

(Théophile)

Tour de Villon

France, 1907 : Tour de coquin. Cette expression, que nous donnons à titre de curiosité, n’est plus usitée ; Pasquier dans ses recherches prétend qu’elle vient du poète François Villon condamné à la potence à la suite d’escroqueries et à qui Louis XI fit grâce. On connait le quatrain que fit Villon en attendant sa pendaison :

Je suis François, dont ce me poise,
Né de Paris emprès Pontoise ;
Or d’une corde d’une toise
Saura mon col que mon cul poise.

Mais on sait d’autre part que dans le vieux français Villon, qui signifiait voleur, n’était qu’un surnom donné an célèbre auteur de la Ballade des Dames du Temps jadis, lequel de son vrai nom s’appelait François Corbueil.

Tour du lac

France, 1907 : Voir Horizontale.

Tour du propriétaire

France, 1907 : Promenade habituelle que fait faire à ses amis ou visiteurs un propriétaire dans son immeuble ou son jardin.

En attendant l’heure du déjeuner, il lui avait fait faire le tour du propriétaire, le promenant de pièce en pièce, ne lui faisant grâce d’aucune…

(André Desroches, L’Éternelle illusion)

Tour pointue

Rigaud, 1881 : Préfecture de police ; et la pointue, par abréviation. — Aller faire un tour à la pointue, aller visiter la pointue, être enfermé au dépôt.

France, 1907 : Prélecture.

Tour pointue (la)

Virmaître, 1894 : Préfecture de police (Argot des voyous).

Tour, tour pointue

La Rue, 1894 : Palais de justice. Préfecture de police. Le Dépôt.

Tourangeaux, Angevins, bons fruits, bons esprits, bons vins

France, 1907 : La Touraine et l’Anjou ont été de tous temps renommés pour la fertilité de leur sol et l’affabilité des habitants. La Touraine est appelée, on le sait, le jardin de la France.

Tourangeoise, propre en cotte et plus en motte

France, 1907 : Vieil adage du XVIe siècle tout en l’honneur des femmes de la Touraine, éloge qu’on ne pourrait, hélas ! adresser où toutes les provinciales, aux campagnardes surtout qui, suivant un autre vieux dicton, ne lavent leurs dessous que lorsqu’elles tombent à l’en À la propreté des Tourangeoises, il faut ajouter l’entendement : Quand une Tourangeoise met quelque chose en sa teste, dit encore un dicton, les notaires y sont passé.

Tourbe

Rigaud, 1881 : Misère. — Être rien dans la tourbe, être dans une misère profonde.

La Rue, 1894 : Misère. Embarras.

Virmaître, 1894 : La lie du peuple. Populace, le plus bas qu’il soit possible de l’imaginer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Misère.

Je ne possède plus rien, je suis dans la tourbe jusqu’au cou.

France, 1907 : Misère. Tomber dans la tourbe, devenir pauvre, malheureux ; argot populaire.

Tourbe (être dans la)

Virmaître, 1894 : V. Purée.

Tourdion

France, 1907 : Danse du moyen âge où l’on glissait au lieu de sauter.

Touret

Rossignol, 1901 : Gros goujon. Les pêcheurs nomment un gros goujon un touret, pour faire allusion au touret, cheville qui est sur la nage d’un bachot et où l’on met l’anneau de l’aviron lorsqu’on rame.

Tourier

Rigaud, 1881 : Terme de pâtissier.

Le premier tourier prépare la pâte des gâteaux fins et leur donne la forme primitive.

(P. Vinçard, Les Ouvriers de Paris)

France, 1907 : Aide policier.

Tourlade

Virmaître, 1894 : Les forçats, autrefois, quand le bagne était à Toulon, appelaient cette ville Tourlade. Changement de finale (Argot des voleurs).

Tourloure, tourlourou

Rigaud, 1881 : Conscrit.

Tourlourer

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, assassiner, — dans l’argot des voleurs.

Tourlourou

Larchey, 1865 : Soldat du centre. — Forme du vieux mot turelureau, soldat de garnison. V. Du Cange. — Au quatorzième siècle, la turelure (prononcez toureloure) était une porte fortifiée, une sorte de château flanque de tourelles.

Si le tourlourou est solide sur l’école de peloton, il n’est pas moins ferré sur l’école de la séduction.

(M. Saint-Hilaire)

Delvau, 1866 : s. m. Soldat d’infanterie, — dans l’argot du peuple. Francisque Michel pousse une pointe jusqu’au XIVe siècle et en rapporte les papiers de famille de ce mot : turlereau, turelure, tureloure, dit-il. Voilà bien de la science étymologique dépensée mal à propos ! Pourquoi ? Tout simplement parce que le mot tourlourou est moderne.

La Rue, 1894 : Conscrit. Fantassin.

Rossignol, 1901 : Ce mot qui, en français signifie jeune soldat, a une autre signification peu connue, mais dont on se sert cependant ; il a été importé de la Nouvelle-Calédonie par les déportés et transportés. Tous les Canaques savent que Tourlourou veut dire dauffé.

France, 1907 : Fantassin. Le mot est peu usité maintenant ; il l’était fort de 1830 à 1850 lorsque les régiments étaient divisés en compagnies d’élite, grenadiers et voltigeurs, et compagnies du centre, fusiliers ; ces derniers étaient les tourlourous ; du vieux français turelureau, soldat gardant la turelure ou tourloure, château fort. Dans sa Physiologie du troupier, Émile Marco de Saint-Hilaire décrit ainsi le tourlourou : « Quand le Jean-Jean est passé de l’école du soldat à l’école de peloton, il possède ce qu’on appelle le fil — qui n’est pas celui d’Ariane — pour se reconnaitre dans le labyrinthe d’exercices, de marches, de contremarches et de corvées diverses, où sa nouvelle nature lui ferait courir le risque de se fourvoyer ; c’est-à-dire qu’il est arrivé à l’état normal de tourlourou. Dès ce moment il ne lui est plus permis de s’emmêler dans la manœuvre, car il est parvenu à ce degré d’intelligence qui s’oppose à ce qu’il fourre précipitamment sa baïonnette dans la poche de son pantalon, au lieu de l’introduire avec tranquillité dans le fourreau de cuir à ce destiné…
Au résumé, le tourlourou est bon enfant, coquet, farceur, généreux, courtois, déluré, intrépide et voluptueux ; c’est un lion à la mamelle un viveur en herbe, un gants-jaunes encore inédit, Bernadotte, Bessières, Brune, Junot, Lannes, Lefebvre, Murat, Rapp, et une foule d’autres que je pourrais nommer, ont commencé par être tourlourous, ce qui ne les a pas empêchés de devenir roi, prince, duc, comte, baron, et autre chose par-dessus le marché. »

Puis à travers les trognons d’choux
On voit des grands canonniers roux
Et de tout petits tourlourous
Qu’ont rien d’la veine,
Car, avec des airs triomphants,
I’s vont, avec les bonn’s d’enfants,
Dans les p’tits coins s’asseoir dedans…

(A. Bruant)

Tourlousine (administrer une)

Fustier, 1889 : Battre, rouer de coups. Argot des rôdeurs.

Les inculpés reconnaissent qu’ils ont été chargés par l’inconnu de frapper M. P…, de lui administrer une tourlousine, dit Zulpha (un des inculpés).

(Autorité, janvier 1888)

Tourmente

Vidocq, 1837 : s. f. — Colique.

Larchey, 1865 : Colique (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Colique, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Colique, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Colique.

France, 1907 : Colique ; argot populaire.

Tournailler

d’Hautel, 1808 : Rôder, virer, faire cent tours et détours.

Tournant

Delvau, 1866 : s. m. Moulin, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Jeu de baccarat où chaque joueur fait, à son tour, office de banquier. C’est la variante du chemin de fer. Variante particulièrement usitée dans les cercles. — Faire un tournant, un petit tournant.

France, 1907 : Jeu de tourniquet des fêtes foraines. « Ces jeux, dit Delesalle, sont souvent truqués ; le tenancier repousse les piquants enrubannés de rouge des gros lots, si bien que la lame d’acier ne peut s’y arrêter. »

Tournant-virant

France, 1907 : « Mécanisme d’une usine. Se dit aussi d’un pré appartenant à deux propriétaires dont chacun coupe une moitié chaque année, en changeant de portion tour à tour. C’est un pré tournant virant. »

(Jaubert, Glossaire du Centre)

Tournante

Ansiaume, 1821 : Clef.

Prêtes-moi la tournante, que je débride la lourde.

anon., 1827 : Une clé.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Clef.

Bras-de-Fer, 1829 : Clé.

Vidocq, 1837 : s. f. — Clé.

M.D., 1844 : Une clé.

Halbert, 1849 : Une clef.

Larchey, 1865 : Clé (Vidocq). — Elle tourne dans la serrure. — V. Tremblant.

Delvau, 1866 : s. f. Clé, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Clé.

Merlin, 1888 : Montre, — de l’argot parisien.

Virmaître, 1894 : Clé. Elle fait en effet tourner le pène dans la serrure (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : V. Anguille.

Rossignol, 1901 : Clé.

Hayard, 1907 : Clef.

France, 1907 : Clef ; argot populaire.

France, 1907 : Montre ; argot populaire.

Tourné

Delvau, 1866 : adj. Mou, — dans le même argot [des voleurs]. Tournée. Molle.

Tourne à gauche

Merlin, 1888 : Tailleur inhabile.

France, 1907 : Écervelé, individu sans convictions.

Tourne au tour

Vidocq, 1837 : s. m. — Tonnelier. Quelques tonneliers fabriquent des tonneaux si artistement faits, qu’ils peuvent être percés partout, et ne laisser échapper autre chose que de l’eau-de vie, et cependant un tonneau de cette espèce qui doit ordinairement contenir vingt-sept veltes de liqueurs, n’en contient que le tiers à-peu-près, le reste n’est que de l’eau. Ces tonneaux, destinés aux Voleurs et aux Solliceurs à la Goure, sont si artistement faits, qu’il est très-rare que la fraude soit découverte.
Ceux qui ne se servent pas de semblants tonneaux, se servent de vessies qu’ils introduisent vides dans le tonneau et qu’ensuite ils emplissent d’eau, de sorte que te tonneau ne contient que très-peu de liqueur ou d’huile.
Plusieurs épiciers de Paris qui avaient cru faire un excellent marché, n’avaient acheté qu’un tonneau fabriqué par un Tourneur au Tour, ou plein seulement de vessies. S’ils avaient eu la précaution d’introduire et de promener un bâton dans l’intérieur du tonneau qu’ils avaient acheté, cela ne leur serait pas arrivé.
Mais ils auraient dû avant tout se défier de ces hommes qui vendent des huiles où des spiritueux au-dessous du cours, il y a presque toujours un piège de taché sous leurs offres séduisantes.

Tourne-à-gauche

Delvau, 1866 : s. m. Homme sur le caractère duquel on ne peut compter, girouette. Argot du peuple.

Tourne-autour

Larchey, 1865 : Tonnelier (Vidocq). — Allusion au mouvement habituel imposé par son métier.

Delvau, 1866 : s. m. Tonnelier, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 / France, 1907 : Tonnelier.

Tourne-bride

France, 1907 : Est toujours l’endroit où un chemin de village ou d’écart rejoint la grande route. Tout village qui ne communique pas directement avec la ville a nécessairement un chemin qui rejoint la route par le plus court, par conséquent perpendiculairement ou à peu près, si bien que, arrivé à ce point, toujours le conducteur tourne bride d’une manière très accentuée.

(E. Pfeiffer, Recherches sur l’origine et la signification des noms de lieux)

Tourne-broche

France, 1907 : Machine à vapeur des petits bâtiments de commerce.

Mais allez donc dormir dans une boîte de dix pieds carrés séparée de la machine par une simple cloison en tôle mince, qui ne sert de rempart ni au bruit du tourne-broche, ni même à la chaleur ! Mieux valait rester sur le pont…

(A. Verchin, Sept jours en torpilleur)

Tourne-broche (remonter le)

France, 1907 : Rappeler à l’ordre.

Tourne-clef

France, 1907 : Casse-tête ; argot des voleurs.

Tourne-vis

Fustier, 1889 : Gendarme. Argot des malfaiteurs.

Le gendarme est naturellement l’obsession du repris de justice ; il le voit partout et l’a baptisé d’un nom caractéristique ; le tourne-vis.

(Figaro, février 1885)

La Rue, 1894 : Gendarme. Chapeau à cornes.

Virmaître, 1894 : Chapeau à cornes que portent les gendarmes. Ce terme s’est généralisé, il est employé pour tous les chapeaux quelles que soient leurs formes (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : V. Hirondelle de potence.

Tournée

Larchey, 1865 : Pile, correction faisant tourner et retourner la victime.

Après, je donne une tournée à la Chouette. Je tiens à ca.

(E. Sue)

Danse et Walse offrent la même image.

Larchey, 1865 : Rasade offerte à l’assistance devant le comptoir du marchand de vins. — La tournée est une rasade qui fait le tour de la compagnie assemblée. On a voulu y voir une allusion à la petite roue qui offre aux buveurs le moyen de jouer leur consommation sans quitter le comptoir du marchand de vins. mais alors le terme offrir ou payer une prochaine tournée, qui est fort usité, serait un non sens. ce qui se joue ne peut s’offrir.

il offre une tournée au café Robert.

(Monselet)

Delvau, 1866 : s. f. Coups reçus ou donnés. Payer une tournée. Battre.

Delvau, 1866 : s. f. Rasade offerte sur le comptoir du marchand de vin, — dans l’argot du peuple. Offrir une tournée. Payer à boire.

Rigaud, 1881 : Politesse à coups de canon sur le comptoir du marchand de vin. Chaque camarade offre, à son tour, à la société, la consommation ; c’est ce qui constitue le tour ou tournée ; puis la tournée recommence. D’autres fois elle se joue au tourniquet. Certaines tournées du lundi, inaugurées à neuf heures du matin, ne sont pas terminées à une heure. — Tournée du mastroquet, le moment où le mastroquet s’exécute à son tour.

France, 1907 : Consommation offerte à plusieurs.

Oui… elle attend tout le monde : aux arrivants elle sourit, avec l’espoir qu’on lui offrira une tournée de la liqueur dorée qui miroite dans les flacons étagés au-dessus du comptoir. Si on lui parle, elle essaie de fixer son regard hébété sur son interlocuteur : ses lèvres ébauchent un sourire qu’elle veut rendre gracieux, et de sa voix trainante, enrouée et presque éteinte, elle murmure la même phrase stéréotypée dans sa bouche : « T’es bien gentil, paie-moi un verre de cognac. »

(G. Macé, Un Joli Monde)

France, 1907 : Raclée.

Un jour, exaspéré, Jean, voyant que le calme et la douceur n’amenaient aucun résultat, flanqua très carrément une gifle à sa femme, puis, comme elle s’obstinait, il réédita et, finalement, lui servit ce qu’en langage vulgaire on nomme une tournée.

(Henri Germain)

Tournée à la crèche

France, 1907 : Acte de sodomie.

Tournée de vitriol

Rigaud, 1881 : Tournée d’eau-de-vie.

Tournée des grands-ducs

France, 1907 : Visite que font dans les cabarets borgnes, les centres de misère et de vice, les personnages de marque en les hôtes princiers de la France, accompagnés d’agents de la Sûreté.

Cette tournée dans Les enfers parisiens, dit l’ancien chef de sureté Goron, est devenue presque classique. Combien de fois ai-je accompagné, dans ces promenades nocturnes, de hautes personnalités parisiennes !
Ils débouchaient cependant sans encombre dans le caveau où grouillait à cette heure matinale une étrange population plus que mêlée. Autour de tables en bois grossièrement équarri, inondées de liqueurs poisseuses, buvaient d’honnêtes maraichers et des souteneurs, des marchandes des quatre-saisons et des filles, des mendiants et des ivrognes des deux sexes.
Les uniformes de deux gardiens de la paix sommeillant sur leur chaise rassuraient dès l’entrée les mondains curieux de visiter cet endroit autrefois dangereux, compris maintenant dans la tournée des grands-ducs et surveillé en conséquence d’une façon moins apparente, mais plus efficace par de nombreux agents en bourgeois.

(Gorton-Busset, Croquis parisiens)

Tournée pastorale

Fustier, 1889 : Tournée qui a lieu en bande, le soir, après un bon dîner, dans des maisons hospitalières. La tournée pastorale implique ordinairement la flanelle.

France, 1907 : Visiter en compagnie de camarades les maisons de prostitution avec des intentions platoniques ; argot des faubouriens.

Tournée rouge

France, 1907 : Assassinat ; argot des escarpes.

Tournement de bras

France, 1907 : C’est, avec le collier de force, un coup des plus dangereux pratiqué par des lutteurs américains et interdit en France. Il consiste à vous prendre le bras, à le ramener dans le dos, à le tordre et à le remonter jusqu’à la nuque. Si le lutteur résiste au mouvement, « ne suit pas à la prise », comme on dit en termes de métier, son épaule est cassée net.

La théorie américaine est combinée de telle sorte qu’aucun lutteur de notre pays ne peut se dérober au tournement de bras.

(Georges d’Esparbès)

Tourner

d’Hautel, 1808 : Tourner le nez du côté de la marmite. Se disposer à aller dîner ; à se mettre à table.
Tourner casaque. Lâcher pied, tourner le dos, changer de parti.
Tourner autour du pot. Biaiser, ne pas aller, droit au but.
Il tourne comme une girouette. Se dit d’un homme inconstant et léger, sans caractère, sans volonté déterminée.

France, 1907 : Châtrer par torsion des testicules.

Tourner (faire)

anon., 1827 : Attraper.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Attraper, mystifier.

Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Attraper.

Rigaud, 1881 : Mystifier, se moquer.

Tourner au sur

France, 1907 : Mourir lentement.

Tourner autour du pot

Delvau, 1866 : v. n. N’oser parler franchement d’une chose ; hésiter avant de demander une grâce, un service.

France, 1907 : Hésiter.

Tourner casaque

France, 1907 : Abandonner son parti passer à l’ennemi, trahir.
Le duc de Savoie Charles-Emmanuel, dit le Grand, prenait pendant les guerres de la France et de l’Espagne sous le règne de Henri IV, tantôt le parti de l’une, tantôt celui de l’autre. Il avait un justaucorps ou casaque d’un côté blanc, de l’autre rouge. Quand il combattait avec la France, il mettait le côté blanc, avec l’Espagne le côté rouge. Ce prince peu fidèle dans ses amitiés était bossu, et comme il possédait le Piémont, pays montagneux, on fit sur lui le quatrain suivant :

Si le bossu mal à propos
Quitte la France pour l’Espagne,
On lui laissera de montagne
Que celle qu’il a sur le dos.

Profitant des troubles religieux de la France, il s’empara du marquisat de Saluces et reçut des ligueurs le titre de comte de Provence (1590). Henri IV, après une invasion en Savoie et en Piémont, le força de lui céder en échange de l’inutile marquisat la Bresse, le Bugey, le Valromey, le pays de Gex, c’est-à-dire tout le territoire de Lyon à Genève.
L’habitude de tourner la casaque était du reste celle de tous les déserteurs d’alors. On dit encore pour exprimer la versatilité politique ou la trahison : Vive le roi ! Vive la Ligue ! allusions aux guerres civiles de la Ligue sous Henri III et Henri IV, où nombre de gens passaient du côté du roi pour revenir aux ligueurs et vice versa.

Tourner de l’œil

Delvau, 1864 : Tourner La prunelle, Montrer le blanc des yeux en jouissant.

Tu tournes la prunelle…
Tu vas jouir… ma belle…

(Marc Constantin)

Larchey, 1865 : S’assoupir, mourir.

Trois ou quatre méchantes chopines… et ça tourne l’œil.

(Gavarni)

Du poison !… Allons, bois… tu vas tourner de l’œil tout de suite.

(Chenu)

Delvau, 1866 : S’endormir. Signifie aussi, par extension, Mourir.

Delvau, 1866 : Se pâmer, s’évanouir de plaisir.

Rigaud, 1881 : Mourir.

La Rue, 1894 : Dormir. Mourir. Se pâmer de plaisir.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Entre disciples d’Esculape :
— Comment faites-vous, cher confrère, pour être payé intégralement ?
— Je ne soigne que les belles-mères. Si elles en réchappent, leurs filles me payent bien ; si elles tournent de l’œil, leurs gendres me payent mieux.

Tourner en bourrique (faire)

France, 1907 : Affoler quelqu’un, le rendre idiot à force d’obsessions.

Le commandant est le gendre de la plus acariâtre des femmes. Oh ! cette irascible belle-mère ! Quel crampon, quelle calamité … Et on parle de la peste ! Mais, positivement, ce n’est là qu’un fléau bénin quand on lui compare l’insupportable, l’intolérable vieille dame en question.
« Il serait si heureux, son foyer serait si calme, si tranquille, sans Mme Dutromblon. Bavarde comme une pie, têtue comme un baudet, fourrant le nez partout, faisant de la morale en veux-tu en voilà, elle lasserait la patience de tous les saints du calendrier. Elle est tannante, assommante, rasante… Bref, elle le fait tourner en bourrique. »

(Le Régiment illustré)

La chose est problématique,
Obscure, étrange, mystique
Et fait tourner en bourrique
Plus d’un ecclésiastique.

(Grosclaude)

Tourner en eau de boudin

Delvau, 1866 : v. n. Se dit d’une chose sur laquelle on comptait et qui vous échappe, d’une entreprise qui avorte, d’une promesse qu’on ne tient pas. Faire tourner quelqu’un en eau de boudin. Se moquer de lui, le berner par des promesses illusoires.

Tourner l’œil

Rigaud, 1881 : Avoir envie de dormir.

Tourner la vis

Delvau, 1866 : v. a. Tordre le cou à quelqu’un.

France, 1907 : Étrangler.

Tourner le cadran

France, 1907 : Tourner le derrière.

Madame est fort amoureuse,
Mais près d’son époux, la nuit,
Ell’ se montre très boudeuse,
N’ayant pas d’attrait pour lui.
S’il veut tailler une bavette,
Elle lui tourne le cadran,
En s’écriant : « Tu m’embêtes,
J’ai bien assez d’mes amants. »

(A. Poupay)

Tourner le ciboulot

France, 1907 : Tourner la tôle, affoler.

Hélas ! dans quel art on la traîne,
Jehanne, la bonne Lorraine !
Et que les Français sont… Français !
Pendant des siècles ils l’ignorent,
Et puis tout à coup ils l’arborent,
Tombant dans un contraire excès.
Ils ne jurent plus que par elles :
Cette héroïque pastourelle
Leur à tourné le ciboulot,
Ils l’appliquent sur leur détresse
Et sur leur âme pécheresse
Ni plus ni moins qu’un rigolot.
Au moment où le pays sombre
Loin de son honneur ancien,
Ils croient que cette vierge sage
Va leur refaire un pucelage,
Si j’ose dire, avec le sien.

(Raoul Ponchon)

Tourner le cul à la mangeoire

France, 1907 : Refuser de profiter d’une bonne occasion ; expression des campagnes du Centre. On dit aussi tourner le cul au pain.

Tourner le feuillet

Rigaud, 1881 : Retourner aux fastes de Sodome.

France, 1907 : Se livrer à la pédérastie.

Tourner les pouces en rond

France, 1907 : Ne rien faire.

Nous, on veut pus se l’laisser mettre,
Vaut mieux s’tourner les pouc’s en rond :
Quand un larbin y parvient maitre,
L’est cor pus muff’ que son patron !

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Tourner midi

France, 1907 : Manger avant midi ; expression des campagnes du Centre faisant allusion aux fiancés qui n’ont pas attendu la consécration du mariage pour se donner les plaisirs conjugaux, ce qui en d’autres termes s’appelle prendre un pain sur la fournée.

Tourner rond

France, 1907 : Manquer d’argent.

Tournet de nez

France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois au masque qui servait à cacher le visage des femmes, et remplaçait le voile. Il fut importé d’Italie en France au XVIe siècle. On l’appelait aussi cache-laide, coffin à roupies. En 1783, une ordonnance défendit aux femmes masquées de pénétrer dans les églises. Ce n’est qu’au milieu du XVIIIe que les masques des femmes commencèrent à disparaître pour faire place aux mouches, et la Révolution leur porta le dernier coup. Vivant comme toujours d’emphase et de grands mots, elle le proscrivit comme « attentatoire à la dignité humaine ».

Tournevis

Rigaud, 1881 : Chapeau à cornes. (L. Larchey)

France, 1907 : Chapeau de gendarme, allusion à la forme, et, par extension, gendarme.

France, 1907 : Soldat d’infanterie. Cette expression n’est plus usitée.

À la santé des gros talons,
Des tournevis et des canons !

(Vieille chanson militaire)

Tournigue

Virmaître, 1894 : V. Blaire.

Tourniquet

Vidocq, 1837 : s. m. — Moulin.

Delvau, 1866 : s. m. Chirurgien, — dans l’argot des marins.

Delvau, 1866 : s. m. Moulin, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Chirurgien militaire. Il tourne autour des lits.

Rigaud, 1881 : Moulin.

La Rue, 1894 : Moulin. Chirurgien de marine.

Hayard, 1907 : Correctionnelle, conseil de guerre.

France, 1907 : Chirurgien de marine.

France, 1907 : Moulin ; argot des trimardeurs.

Tourniquet (passer au)

Merlin, 1888 : Passer au conseil de guerre. On dit aussi : passer au falot.

Tourniquet (passer un)

France, 1907 : Être traduit devant un conseil de guerre ; argot militaire.

Tournoir

France, 1907 : Tournebroche ; vieux français.

Tournon

d’Hautel, 1808 : La rue de Tournon. Au propre, nom d’une rue de Paris qui aboutit au Luxembourg. Au figuré, et par jeu de mots, embarras, affaire embrouillée, fausse spéculation.
Se mettre dans la rue de Tournon. Pour dire se tromper dans ses calculs, dans ses spéculations, se fourvoyer ; s’égarer.
Mettre quelqu’un dans la rue de Tournon. Le tromper, abuser de sa bonne foi, le frustrer, le voler.
Il est dans la rue de Tournon. Pour, il s’égare, il se méprend, il s’abuse lui-même.
On dit aussi d’un homme qui a bu avec excès, qui est ivre, qu’il est dans la rue de Tournon.

Tournure

France, 1907 : Derrière postiche que s’appliquent les femmes pour donner plus d’ampleur à cette partie cependant importante de leur personne. Elles portèrent suivant les époques différents noms, entre autres celui de polisson.

La clientèle de ces tournures était formidable. Toutes les classes de la société. Pas une femme ne serait sortie sans être garnie de ce postiche. Et quelles variétés de formes, et quelles manières différentes de porter ce supplément de bagage charnel ! Un observateur qui aurait donné son temps à cette étude aurait pu, à la suite de quelques comparaisons, à l’aide de quelques points de repère, dire les professions, les caractères, juger des tendances d’esprit, d’après le volume et l’allure de cette tournure devenue universelle. Il en était de fines, d’énormes, de vulgaires, de prétentieuses. Celle-ci était l’indice d’une invincible modestie, celle-là d’un parfait équilibre des facultés et des sens, cette autre semblait insolente au possible, cette autre encore, mal attachée, remuante, était affichante comme une enseigne.

(Gustave Geffroy, La Justice)

Tours (brugnon de)

France, 1907 : Femme jolie, fraiche et doublure.

Quant à la voyageuse, c’était ce qu’on appelle dans le pays « un joli brugnon de Tours ». De taille moyenne, bien faite, potelée, souple et vive, les yeux humides et caressants, les lèvres couleur de cerise et les dents très blanches, elle avait des joues rondes, d’un velouté de pêche, où le rose se fondait en un brun très clair.

(André Theuriet)

Tourte

Rigaud, 1881 : Tête. — Écrevisse dans la tourte, grain de folie, grande excentricité. Variantes : Obus dans la casemate, chauve-souris dans la mansarde.

Rigaud, 1881 : Vieille femme ridicule. — Chapeau mal fait, grotesque, — dans le jargon des modistes.

La Rue, 1894 : Vieille ridicule, Imbécile.

Hayard, 1907 : Bête, imbécile.

France, 1907 : Imbécile.

La fille se sentit un froid dans le dos — et positivement elle trembla, lorsque son vieux vint se camper devant le poêle et commença d’un air soupçonneux :
— Ah çà ! vous autres, qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ?…
Connais pas Séraphin, moi ! Es-tu mariée avec lui, Mélie, par hasard ! Toi, vieille, tu m’as donc caché quelque chose ? Eh bien ! quoi, vous restez là, comme des tourtes ; faudrait voir à parler, hein ? et un peu vite.

(Serge Basset)

Rigoler comme une tourte, rire niaisement.

— Oh ! lui, il a rigolé comme une tourte. D’abord, tous les amants sont des tourtes, d’infâmes tourtes. Il s’est foutu de moi.

(Hook, Fin-de-Siècle)

France, 1907 : Tête. Avoir une écrevisse dans la tourte, être détraqué.

France, 1907 : Vieille coquette.

Tourtoure

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Corde. S’esbigner à la tourtoure, s’évader de prison au moyen d’une corde.

Tourtouse

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Corde.

Delvau, 1866 : s. f. Corde, lien, — dans le même argot [des voleurs]. C’était autrefois une expression et une chose officielles, le funis strangulatorius qu’employait M. de Paris pour lancer les criminels dans l’éternité.

Rigaud, 1881 : Corde, corde servant à garrotter un prisonnier.

La Rue, 1894 : Corde. Tourtousier, cordier.

Virmaître, 1894 : La corde. Tourtouser : lier. Tourtousier : le cordier (Argot des voleurs).

France, 1907 : Corde ; argot des voleurs. Gambilleur de tourtouse, danseur de corde.

Tourtouse, tortouse

Larchey, 1865 : Cordes à menottes. — Tourtouser : Lier, garrotter (Vidocq). — Mot expressif indiquant l’action de lier tout au tour. — V. Criblage, Coltiger.

Tourtouser

Delvau, 1866 : v. a. Lier, garrotter.

Rigaud, 1881 : Attacher avec des cordes.

La Rue, 1894 : Lier, garrotter.

France, 1907 : Lier, attacher.

Tourtouserie

Rigaud, 1881 : Corderie. — Tourtousier, cordier.

France, 1907 : Corderie.

Tourtousier

Delvau, 1866 : s. m. Cordier.

France, 1907 : Cordier.

Tourtousine

Halbert, 1849 : Ficelle.

Virmaître, 1894 : La ficelle. Allusion à la torsion du chanvre par le cordier (Argot du peuple).

France, 1907 : Ficelle, menottes.

Tourtouze

Vidocq, 1837 : s. f. — Corde.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tourtouzer

Vidocq, 1837 : v. a. — Lier.

Tourtouzerie

Vidocq, 1837 : s. f. — Corderie.

Tourtouzier

Vidocq, 1837 : s. m. — Cordier.

Tous-les-jours

France, 1907 : Vêtement ordinaire, que l’on porte tous les jours.

Elle parait, au contraire, enchantée de vivre, et s’amuser prodigieusement d’aller et de venir parmi les groupes endimanchés, très à l’aise en son tous-les-jours.

(Jean Richepin)

Touser

Vidocq, 1837 : v. a. — Aller à la selle au commandement des argousins pendant le voyage de la chaîne.

Rigaud, 1881 : Aller à la selle par ordre. Autrefois, pendant le voyage de la chaîne, les argousins intimaient à leurs pensionnaires l’ordre de touser.

France, 1907 : Faire ses besoins ; argot des voleurs.

Toussaint-Louverture

Rigaud, 1881 : Double six d’un jeu de dominos. Allusion à la couleur noire.

Tousse (c’est que je)

Rigaud, 1881 : Formule affirmative, formule ironique. C’est-à-dire : j’ai raison, c’est ainsi, je m’entends bien.

France, 1907 : Formule ironique répondant à une question négative ou à une remarque que l’on s’adresse à soi-même.

Un gamin apostrophe un vieux cocher dont le nez trognounant estcouvert de verrues rouges.
— Oh ! la la la, ce piton ! On voit bien que c’est le printemps, t’as rien le pif fleuri ! Non, c’est que je tousse !

Tousse (non, c’est que je)

Larchey, 1865 : Voir mouche.

Tousser

d’Hautel, 1808 : Cela ne durera que jusqu’à tant que j’aie toussé. Pour dire est sans consistance, ne fera aucun profit.

Delvau, 1866 : v. n. Ce verbe — de l’argot des faubouriens — ne s’emploie qu’à un seul temps et dans les deux acceptions suivantes : « C’est de l’or comme je tousse, » — c’est-à-dire : Ce n’est pas de l’or. « Elle n’est pas belle, non ! c’est que je tousse !» c’est-à-dire : Elle est très belle.

Tousser (faire)

France, 1907 : Soutirer de l’argent.

Tout

d’Hautel, 1808 : C’est le tout-tout, le petit chien de madame. Phrase facétieuse et triviale, pour dire, que c’est le reste, la totalité d’une chose. Par allusion avec le mot toutou, nom que les enfans donnent aux chiens.
Tout plein. Expression vicieuse pour dire beaucoup, extrêmement, abondamment.
À tout seigneur tout honneur. Se dit lorsqu’on rend les premiers honneurs à qui ils sont dus.
Il fourre son nez partout. Se dit d’un homme indiscret, importun, qui s’entremêle dans toutes les affaires.
Tout fait ventre. Se dit en plaisantant de quelqu’un qui ne se montre pas délicat sur le manger.

France, 1907 : (Prononcez taout). On appelle ainsi, dans le monde des courses, une sorte d’espion généralement très bien renseigné et qui vend ses tuyaux aux parieurs et aux entraîneurs.

Ancien laveur de vaisselle ou ex-frotteur des appartements du château de Chantilly, le tout ou espion est une sorte de champignon spécial aux grands centres d’entraînement ; son métier consiste à lutter de ruses avec les propriétaires et les entraîneurs ; caché derrière les haies, grimpé sur les arbres, déguisé en paysan, il vient surveiller les salops des chevaux entraînés pour les grandes courses.

(F. Laffon, Le Monde des courses)

Tout à l’œil

France, 1907 : Membre du Parlement ; expression faubourienne.

Tout à Paris hors la santé

France, 1907 : Vieux dicton faisant allusion à la malpropreté, au manque d’hygiène, aux conditions déplorables pour la salubrité publique du Paris d’autrefois.

Tout à trac

France, 1907 : Immédiatement.

La comtesse Diane a été mariée quatre fois. À un curieux lui demandant si c’était par amour, elle répondit tout à trac :
— Oui, par amour pour l’adultère.
Et, comme le benêt en paraissait offusqué, elle ajouta :
— Vous me trouvez le caractère un peu bien gai, n’est-ce pas ? Je ne l’ai pourtant pas encore aussi gai que la cuisse.

(Jean Richepin, Le Journal)

Je dois vous dire tout à trac,
Qu’à l’heure où je vous parle,
Je fais ma cure à Bergerac
Avec mon ami Charles ;
Cet homme des temps préhistos,
Aussi bon qu’il est brave,
M’administre dans des cristaux
Tous les vins de sa cave.

(Raoul Ponchon)

Tout ce qu’on veut le disent les cloches

France, 1907 : Nombre de gens sont disposés à prendre les faits extérieurs comme concordant avec leurs pensées et leurs désirs. C’est ainsi que les dévots de toutes les religions sont disposés à se croire le centre d’un monde autour duquel s’agglomèrent les évènements. Autrefois c’étaient les entrailles des victimes que consultaient les devins, le vol des oiseaux d’après lequel les augures prédisaient la destinée de chacun, les astres où était écrit l’avenir. Souverains, princes particuliers, naissaient sous une bonne ou mauvaise étoile. Napoléon, superstitieux en sa qualité de Corse, croyait à la sienne. Les cloches, elles aussi, furent consultées, et leur son monotone, gai ou lugubre, précipité ou lent, fut interprété suivant les désirs ou la disposition d’esprit. On sait l’histoire de Richard Whittington qui, s’enfuyant de Londres, apprenti misérable et maltraité, y fut, suivant la légende, rappelé par le son des cloches de Saint-Paul qui disaient :

Turn again,
Whittington,
Thrice Lord Mayor
Of London.

« Retourne, Whittington, trois fois lord-maire de Londres. » Et l’événement justifia la prédiction.
L’on trouve dans un sermon de Jean Raulin, moine de Cluny au XVe siècle, une allusion au langage des cloches que Rabelais a racontée à sa façon, en dénaturant un peu le texte du moine, que voici : Une veuve vint consulter son curé. Elle avait besoin d’un compagnon, d’un protecteur, et son valet, jeune et vigoureux, lui plaisait : « Épousez-le, dit le curé, — J’hésite, répliqua la veuve, car il se peut que mon valet devienne mon maître — Alors, ne l’épousez pas. — Mais, reprend la veuve, les affaires que mon cher défunt m’a laissées sont au-dessus de mes forces ; je ne puis seule en venir à bout. — Bon, épousez-le. — Oui, mais supposez que ce soit une canaille qui s’empare de mon bien… — Ne l’épousez pas, répond le curé. » Le dialogue continue ainsi, jusqu’à ce qu’enfin le curé lui conseille de consulter les cloches qui sonnaient justement. Et la veuve, qui penchait pour le mariage, les entendit distinctement dire :

Prends ton valet,
Prends ton valet.

Forte de cet assentiment, elle épouse l’homme de son choix. Mais la quinzaine n’était pas écoulée que le rustaud lui fait comprendre en la battant comme plâtre que de maîtresse elle était devenue servante. Elle court chez le curé : « Ma bonne femme, lui dit-il, j’ai bien peur que vous n’ayez mal entendu l’avis des cloches. Écoutez, les voici qui sonnent, voyez si vous ne vous êtes pas trompée. » Et la bonne femme entendit alors distinctement, mais trop tard, le vrai sens du carillon :

Ne de prends pas,
Ne le prends pas.
As the fool thinks, the bell tinks,

« Ce que pense le sot, la cloche le répète », disent les Anglais.

Tout de cé

Vidocq, 1837 : adv. — Très-bien.

Larchey, 1865 : Très-bien (Vidocq).

Delvau, 1866 : adv. Très bien, tout de go, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Très bien ; argot des voleurs.

Tout de go

France, 1907 : Brusquement.

Ainsi, à mon sentiment, une révolution ne s’amène pas tout de go, kif-kif un gosse qui viendrait au monde avec toutes ses dents et la pipe à la bouche.

(Le Père Peinard)

Tout Paris

Rigaud, 1881 : Les douze ou quinze cents personnes en vue qu’on rencontre à toutes les solennités artistiques, dramatiques, littéraires, politiques, funèbres et judiciaires. C’est le Paris qui a la primeur de tous les amusements, la virginité de tous les spectacles, la fleur de toutes les émotions.

Tout vient à point à qui sait attendre

France, 1907 : C’est le proverbe des paresseux et des habiles : les paresseux se l’appliquent à eux-mêmes, persuadés que le bien vient en dormant, et les habiles en leurrant la foule docile et moutonnière. En attendant, on prend patience, on supporte la misère, on s’efforce de se persuader que sur la roue de la fortune le tour des bonnes choses finira par venir. Et la Mort arrive, et arrive à point.
Ce proverbe philosophique fait dormir les pauvres gens sur leurs deux oreilles : il est commode et consolant, aussi se trouve-t-il dans toutes les nations, même chez les Anglais, gens pratiques, qui marchent au but sans jamais croire que le but viendra les trouver : He that waits patiently comes off well at last, disent-ils. Et les Écossais : He that well bodes well betides.
Les Méridionaux et les Orientaux n’ont pas manqué, comme bien l’on pense, d’étaler dans le même sens leurs théories flegmatiques. Le monde est aux flegmatiques, disent franchement les Italiens (Il mondo è dei flemmatici). Et deux autres sentences viennent à l’appui de leur dire : Le monde est à celui qui a patience (Il mondo è di chi ha pazienza) ; asseyez-vous et croisez-vous les jambes, et votre tour viendra (Siedi e sgambetta, vedroi la tua vendetta), conseil que je ne recommanderais jamais à mes amis de suivre, bien qu’un proverbe russe semble devoir l’appuyer : « Aie patience, cosaque, tu deviendras hetman. »
Je préfère de beaucoup celui-ci :

No pains, no gains ;
No sweat, no sweet ;
No mill, no meal.

(Pas de peines, pas de gains ; pas de sueurs, pas de douceurs ; pas de moulin, pas de repas.)
Qui vital molam, vitat farinam, disaient les Latins. Et les Chinois sont encore plus expressifs : « Qui arrête la main, arrête la bouche. »
Tout ne vient donc pas à point à qui sait attendre, mais à qui sait lutter pour l’acquérir.
A punadas entran las buenas hados (la chance ne vient que par la force du poignet), prétendent avec raison les Espagnols.

Tout-Cosmopolis

France, 1907 : Le monde étranger et interlope qui afflue à Paris.

Je n’aime les stations d’hiver que lorsque le Tout-Cosmopolis, dont Bourget écrivit l’histoire, les a, jusqu’à la prochaine saison, désertées, et que sur leurs quais neufs plantés de palmiers au repos, en face de la mer paisible, par les chemins silencieux où jettent leur ombre immobile les grilles closes des villas, on se promène solitaire, comme dans un de ces châteaux des vieux contes que la baguette du magicien vient de frapper d’un subit sommeil.

(Paul Arène)

Tout-Paris

France, 1907 : Le monde élégant, littéraire, intellectuel et artistique.

— Mais pardon, le Tout-Paris n’est pas Paris.
— Ah ! s’exclame-t-il, les autres, les trois millions d’autres, dont je suis, oui, en effet, parlons-en ! À part une toute petite minorité de bourgeoisie tranquille, qui fait de certains coins de Paris des coins de province, les autres sont des affolés, des détraqués, en proie au delirium tremens et à la danse de Saint-Guy…, tous, depuis le pseudo-artiste qui ne songe qu’au million, jusqu’au prolétaire qui s’intoxique de paradis futurs, depuis le politicien qui se rue à la curée de l’assiette au beurre, jusqu’à la fillette qui rêve d’hôtel, depuis le commerçant qui spécule jusqu’au môme qui parie aux courses, depuis la madame qui se morphinise par ennui, jusqu’au journaliste qui raccroche ses lecteurs à la ligne, avec son esprit au bout de la ligne en guise d’asticot…

(Jean Richepin)

Toutes fois et quantes

Delvau, 1866 : adv. Toutes les fois, — dans l’argot du peuple. Une vieille et très française expression, presque latine (toties quoties), dont se moquent les gens qui s’imaginent bien parler.

Toutime

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Tout.

Delvau, 1866 : adj. Tout, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Tout ; argot des voleurs.

Toutine

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tout.

Toutou

Delvau, 1866 : s. m. Chien, — dans l’argot des enfants, qui disent cela à propos d’un terreneuve aussi bien qu’à propos d’un King’s Charles. Les enfants ont bien le droit d’employer un mot que Mme Deshoulières a consacré :

Bonjour, le plus gras des toutous,
Si par hasard mon amitié vous tente,
Je vous l’offre tendre et constante :
C’est tout ce que je puis pour vous.

Toux, amour et fumée, en secret ne sont demeurés

France, 1907 : Ce vieux dicton s’explique de lui-même ; il est en effet aussi difficile de cacher ses amours que de dissimuler la fumée et les quintes de toux.

Toy-terrier

France, 1907 : Petit chien de la race des carlins, littéralement terrier-jouet. Anglicisme.

On m’a donné un aimable petit chien, gros comme les deux poings, et appartenant, je crois, à l’espèce toy-terrier. Avec ses pattes élégantes et menues, son corps mince, son poil fauve et doré, sa tête fine aux oreilles hautes et moufflues, il ressemble à un chevreuil lilliputien. Ses yeux, pareils à deux cerises noires, son nez couleur de truffe, sa bouche spirituellement fendue, lui donnent une espiègle frimousse d’écureuil.

(André Theuriet)

Trac

un détenu, 1846 : Peur. Avoir le trac : avoir peur.

Larchey, 1865 : Peur. — Onomatopée. — Nos paysans donnent encore le nom de trac à une maladie qui cause un frisson perpétuel. — V. Bœuf.

Bien, voilà mon trac qui me reprend.

(Marc Michel)

Tracqueur : Poltron. — Tracquer : Craindre. V. Plan.

Delvau, 1866 : s. m. Peur, — dans l’argot du peuple. Avoir le trac. Avoir peur. Le trac, autrefois, c’étaient les équipages de guerre ; traca, dit Du Cange. « Compagnons, j’entends le trac de nos ennemis, » — dit Gargantua.

Rigaud, 1881 : Peur. — Flanquer le trac, faire peur.

La Rue, 1894 : Peur.

Virmaître, 1894 : Peur. Tracquer : avoir peur.
— J’ai un trac à tout casser (Argot du peuple). V. Taf.

Hayard, 1907 : Peur.

France, 1907 : Crainte, peur ; de l’allemand dreck, excrément.

Impossible de fermer l’œil. Je croyais avoir tué le vieux et je me voyais déjà pendu ou expédié au pénitentiaire. Pendant des heures je m’agitai sur mon lit, pris d’un effroyable trac, attendant le matin.

(Hector France, Chez les Indiens)

Cet effronté, pourri de vice,
De faire four ayant le trac,
Au villageois simple et novice
Sur son affiche sans mic-mac,
Promet un bureau de tabac,
Pour un autre garde ton vote,
Bon gogo, car ce bureau qu’il
Te promet, c’est une carotte…

(Jules Jouy)

anon., 1907 : Peur.

Trac (avoir le)

Halbert, 1849 / Rossignol, 1901 : Avoir peur.

Tracas

d’Hautel, 1808 : Une Marie-Tracas. Nom qu’on donne en plaisantant à une petite fille qui fait la tatillonne, qui s’agite, se tourmente et est toujours en mouvement ; à une femme qui se mêle des affaires d’autrui, et qui fait l’entendue dans les choses qui lui sont le plus étrangères.

Tracasser

d’Hautel, 1808 : Aller, venir ; se susciter des embarras ; tripoter, se donner des peines inutilement.
Tracasser. Pour chicaner, contrarier quelqu’un sur des vétilles.

Tracasser les couilles d’un homme

Delvau, 1864 : Lui faire patte d’araignée, afin de le faire bander lorsqu’il est réfractaire.

De l’autre main tracasse-moi les couilles… la… là… tout du long.

(La Popelinière)

Tracquer

Delvau, 1866 : v. n. Avoir peur.

France, 1907 : Avoir peur, avoir le trac ; argot des voleurs.

Quoi ! tu voudrais que je grinchisse
Sans tracquer de tomber au plan,
J’doute qu’à grincher on s’enrichisse,
J’aime mieux gouéper, c’est du flan,
Viens donc remoucher nos domaines,
De nos fours goûter la chaleur,
Crois-moi, balance tes alènes ;
Fais-toi gouêpeur !

(Vidocq)

Tracqueur

Delvau, 1866 : s. m. Poltron.

Tractis

Vidocq, 1837 : adj. — Doux ; maniable.

(Villon)

Larchey, 1865 : Doux (Vidocq). — Mot de langue romane.

Rigaud, 1881 : Doux, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Doux ; argot des voleurs. Le mot est vieux : on le trouve dans Villon.

Ce beau nez droit grand ne petit,
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourdru cler vis (visage) traictis
Et ces belles lèvres vermeilles.

Tradition

Delvau, 1866 : s. f. Effet non indiqué dans la pièce écrite ou imprimée, mais qui, trouvé par un acteur, se transmet à ceux qui jouent le rôle après lui. Se dit aussi pour Addition à un rôle. Les traditions — à la Comédie française, — sont des conventions auxquelles il ne saurait être dérogé sans blesser le goût… des vieux amateurs de l’orchestre.

Traductore, traditore

France, 1907 : Traducteur, traître. Aphorisme italien signifiant que toute traduction est infidèle et dénature la pensée de l’auteur.

Trafalgar

France, 1907 : Bataille, bouleversement ; allusion au célèbre combat naval de ce nom ; argot faubourien.

Le jour du grand trafalgar, il faut désormais être à hauteur. Le populo doit faire ses affaires lui-même et envoyer rebondir les ambitieux à la langue bien pendue et à l’appétit insatiable, qui tenteraient de nous museler à nouveau.

(Le Père Peinard)

Trahit sua quemque…

France, 1907 : Sous-entendu : voluptas. Expression latine tirée de Virgile, signifiant : Chacun se laisse entraîner par son penchant.

Et vous, cœurs en détresse,
Vous qui n’avez Lutèce
Jamais évacué,
À cause de ses femmes,
Ses petites fafemmes :
Trahit sua quemque…

(Raoul Ponchon)

Traiflagoulamen

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux Normands et dont on trouve l’explication dans les Illustres Proverbes :Il estoit de Caen en France (comme parlent ceux du païs), c’est-à-dire franc Normand et vray traiflagoulamen, estant donné de toutes les rares qualités que tout le monde attribue aux Normands, épiloguées en ce mot et désignées dans les cinq syllabes de traiflagoulamen, car il estoit traistre, flatteur, gourmand, larron et menteur !

Train

d’Hautel, 1808 : Il va un train de chasse. Pour, on ne peut le suivre, tant il va vite ; il travaille avec une grande ardeur ; il mène une vie d’enfer.
Mener quelqu’un grand train, belle manière. Le mener vertement, avec vigueur.
Un bout en train. Un homme de joyeuse humeur, un roger-bontemps ; un bon vivant qui met tout le monde en gaieté.

Delvau, 1866 : s. m. Vacarme, rixe de cabaret, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Émeute. Il y aura du train dans Paris. On fera des barricades et l’on se battra.
Originairement le mot signifiait Prostibulum, et, par une métonymie fréquente dans l’Histoire des mots, la cause est devenue l’effet. De même pour Bousin.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Coup de pied dans le train.

La Rue, 1894 : Vacarme. Le postérieur. Être en train, être légèrement ivre.

Train (du)

Larchey, 1865 : Vite. — Mot à mot : Menez-moi grand train.

Asie prit un fiacre et dit au cocher : Au Temple ! et du train ! il y a gras.

(Balzac)

Rigaud, 1881 : Vite ; c’est-à-dire bon train.

Train (du) !

Delvau, 1866 : Vite ! — dans l’argot des petites dames.

Train (en)

Rigaud, 1881 : Sur la pente de l’ivresse. Mis en train par la gaieté bachique.

Train (être dans le)

Fustier, 1889 : Suivre les caprices de la mode ; accepter toutes les innovations. Nous avions déjà dans la langue familière : être dans le mouvement, suivre le mouvement, cela ne suffit plus et, le progrès aidant, il faut être aujourd’hui dans le train !

Je crois devoir avertir Monsieur qu’il n’est plus dans le train. — … ? — Encore un progrès, Monsieur, les voyages n’ont rien à faire ici ; être dans le train veut dire : suivre le progrès.

(National, décembre 1886)

La Rue, 1894 : Ne pas être arriéré.

France, 1907 : Se mettre au goût du jour.

Ce viveur appartenait à l’espèce de ceux qui suivent les premières représentations, visitent les ateliers des peintres, assistent aux procès sensationnels, enfin qui se piquent d’être au courant, dans le train, comme on dit aujourd’hui.

(Paul Bourget, Le Disciple)

— Comment la trouvez-vous ? me demanda Monistrol.
— Belle… savante.
— Vous avez raison : elle est dans le mouvement, dans le train, dans le dernier bateau, et le dernier bateau, c’est le fin du fin.

(Dubut de Laforest)

Train (être en)

Delvau, 1866 : Commencer à se griser, — dans l’argot des bourgeois.

Train (manquer le)

Rigaud, 1881 : Manquer une bonne occasion. — Arriver trop tard.

Train (prendre le)

Rigaud, 1881 : Se sauver. — À quelqu’un qui vous obsède, on dit : Prends le train.

France, 1907 : Locution métaphorique. Courir, se hâter.
Prendre le train d’onze heures, flâner.

Train 11 (le)

Virmaître, 1894 : Les jambes. Celui qui ne peut pas se payer de voiture, fiacre ou omnibus, prend le train 11. Quand on joue au loto, celui qui appelle les numéros, quand il tire le numéro 11, crie :
— 11, les deux jambes à ma tante (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Les jambes.

Train d’onze heures (prendre le)

Rigaud, 1881 : Aller se promener, aller flâner, — dans l’argot des employés du service actif des chemins de fer. Réminiscence du jeu de loto où onze signifie les jambes. Le train d’onze heures c’est donc le train des jambes.

Train de charcuterie

Rigaud, 1881 : Train omnibus, — dans le jargon des employés des chemins de fer.

Parce que les voyageurs de secondes et de troisièmes en ont toujours dans leurs paniers, soit pour leur consommation en route, soit pour cadeaux apportés à leurs familles.

(Aymar de Flagv, Paris-Journal, du 24 mai 1878)

France, 1907 : Train composé de wagons de troisième classe, généralement destiné à l’écrabouillement des voyageurs ; expression populaire.

Train des équipages

France, 1907 : Tout ce qui suit.

Quand on est du séminaire, N. de D., on va à la messe, et puis à vêpres, et tout le train des équipages ! Pourquoi vous ne me demandez pas de permission pour faire vos histoires ?

(Henri Lavedan)

Train direct (un)

Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe ; c’est-à-dire un train direct pour Charenton. On dit encore grande vitesse pour Charenton. (La petite vitesse sert à désigner l’absinthe panachée.) Le peuple n’ignore pas que l’absinthe mène à la folie, mais il en boit tout de même, riant et de l’absinthe et de la folie.

Train direct coupé

Rigaud, 1881 : Un litre de vin en deux verres, — dans le jargon des bouchers. — Train direct sec, un litre en un verre. Chez les marchands de vin de la Villette, il existe des verres de la capacité d’un demi-litre et même d’un litre. Quand les bouchers viennent de faire un bœuf, il leur arrive souvent d’absorber, d’un trait, un train direct coupé et même un train direct sec. À la fin de la journée certains bouchers ont ainsi donné l’hospitalité à six ou sept litres de vin.

Train direct pour Charenton

France, 1907 : Locution métaphorique. Verre d’absinthe.

Train jaune

Fustier, 1889 : « Elles (les femmes de mœurs faciles) commencent à persiller dans les trains de chemins de fer ; il y en a même qui ne font qu’exploiter les trains jaunes qui emmènent chaque samedi de Paris, pour les ramener le lundi, les commerçants dont les femmes sont aux bains de mer. »

(Figaro, 1882)

France, 1907 : Train des maris. C’est celui qui conduit chaque samedis les maris dont les femmes sont en villégiature ou sur quelque plage. Ils viennent passer près d’elles la journée du dimanche, parfois du lundi, puis s’en retournent à leurs affaires, pleins de confiance en la vertu de leurs épouses.
« Je crois, dit Nestor dans le Gil Blas, que c’est à Trouville, il y a quelque vingt ans, aux beaux jours le la gloire trouvilloise, que naquit cette expression d’esprit gaulois : le Train Jaune. C’était le train des maris, qui arrivaient à la mer le samedi soir, repartaient le lundi matin, le train des porteurs de pavillon qui couvrent la marchandise… » M. Gustave Toudouze a écrit un joli roman sous ce titre : Le Train Jaune.

Dans l’ordre social, tout est convention, et si l’adultère était universel, et si tous les maris étaient cocus, il n’y aurait plus d’adultère, il n’y aurait plus de cocus. Est-ce vrai ?
— C’est vrai.
— Le train jaune est mon champ de bataille. Je fais la navette, du samedi au lundi, avec les époux ; j’écoute leurs entretiens, j’observe leurs femmes qui viennent les attendre à la gare. Un jour à Dieppe, un autre jour à Trouville, ou à Villers, tantôt je file un couple, tantôt un autre, et dès qu’il m’arrive de rencontrer un jeune homme en quête de bonne fortune, je lui signale une dame de ces messieurs. De préférence, je désigne celle qui me parait encore vertueuse. Vous ne l’ignorez pas : toutes succombent.
— Vous exagérez. Il y a beaucoup de femmes honnêtes.
— Des malades, baron, des malades !

(Dubut de Laforest)

Train onze

France, 1907 : Jeu de mot. Les jambes.

Train-train

Delvau, 1866 : s. m. Train ordinaire de la vie ; habitudes. Suivre son petit train-train. Ne pas interrompre ses habitudes. On dit aussi tran-tran.

Train-train, tran-tran

Rigaud, 1881 : Train de vie. — Aller son train-train, faire petit à petit son chemin dans le monde, faire un petit commerce à peu de frais et donnant peu de bénéfices, vivoter.

Traînante

Rigaud, 1881 : Serpette de plombier.

Trainard

Rossignol, 1901 : Verre de liquide abandonné sur une table.

Traînards (faire les)

Fustier, 1889 : Argot des cercles, des tripots. C’est ramasser les masses, les jetons oubliés sur les tables de jeux.

Traîne

Delvau, 1866 : s. f. Queue de robe exagérée mise à la mode, en ces derniers temps, par les traînées, qui s’ingénient à gaspiller les étoffes.

Traîne-braies

France, 1907 : Fainéant, lourdaud ; qui traîne ses culottes (braies), du latin braccæ. Notre Gaule du Nord avait reçu des Romains stupéfaits à la vue des culottes gauloises le nom de Gallia braccata. Celle du Midi où l’on portait le costume romain, c’est-à-dire la jambe nue, s’appelait Gallia togata.

Traîne-caisse

France, 1907 : Vieille expression bourguignonne signifiant traîneur d’épée, aujourd’hui traîneur de sabre. « Une caisse, dit Bernard de La Monnoye, est poêle, avec laquelle par mépris on compare l’épée de certains fainéants, comme si le corps rond et creux de la poêle, avec le manche qui est au bout, ressembloit à une épée, composée d’un pommeau, d’une poignée, et d’une garde par le haut, et d’une lame par le bas. Traîne-caisse est encore plus injurieux que traîne-gaine. »

(Noëls bourguignons, 1720)

Traîne-cul

France, 1907 : Fainéant, désœuvré ; locution populaire.

— N’y a pas un ménage au Culot à qui je fais les crédits que j’vous fait à vous. Et v’là que vous êtes comme toutes ces traîne-culs : vous n’me payez pas.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Traîne-cul-les-housettes

France, 1907 : Individu dont le fond de culotte tombe plus bas que les fesses.

Venez à moi, claquepatins,
Loqueteux, joueurs de musette,
Clampins, loupeurs, voyous, catins,
Et marmousets, et marmousettes,
Tas de traîne-cul-les-housettes,
Je suis du pays dont vous êtes ;
Race d’indépendants fougueux !
Le poète est le Roi des Gueux.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Traîne-guêtres

Delvau, 1866 : s. m. Vagabond ; flâneur.

Traîne-la-patte

France, 1907 : Misérable, vagabond qui va péniblement dans de vieilles chaussures et dont la marche a endolori les pieds.

Traîne-paillasse

Larchey, 1865 : Fourrier. — Il règle avec l’employé des lits militaires le prix de chaque dégradation. — V. Rogneur.

Delvau, 1866 : s. m. Fourrier, — dans l’argot des troupiers. On dit aussi Gratte-papier et Rogneur de portions.

Rigaud, 1881 : Fourrier.

Merlin, 1888 : Fourrier. — Chargé de toucher les fournitures de literie.

France, 1907 : Fourrier. Allusion à ses fonctions de chargé de la literie de la compagnie ou de l’escadron ; argot militaire.

Traîne-savate

France, 1907 : Misérable, loqueteux.

La traîne-savate flaira une mauvaise affaire, et, remorquant après elle sa marmaille renâclant et se grattant à pleins poings la tignasse, détala sans retourner la tête.

(Camille Lemonnier)

Traineau (faire)

Rigaud, 1881 : Se dit en parlant des chiens qui, après avoir satisfait aux lois de la nature, frottent contre terre leur train de derrière, parce qu’ils n’ont pas l’habitude de se servir de papier comme les faibles humains.

Traîneau (faire)

France, 1907 : Se traîner sur son derrière ; argot populaire.

Traînée

Delvau, 1864 : Fille de mauvaise vie, qui traîne sa jeunesse quand elle est jeune, sa beauté quand elle en a, dans tous les endroits où vont les hommes et ou elle ne devrait pas aller.

Elle sera heureuse avec lui, si elle ne fait pas la trainée avec lui, par exemple.

(Eug. Vachette)

Delvau, 1866 : s. f. Fille de mauvaise vie, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Coureuse, fille des rues. Celle qui traîne ses savates dans tous les mauvais lieux.

Je t’ai vu entrer au Grand Balcon avec cette traînée d’Adèle.

(É. Zola)

Virmaître, 1894 : Fille publique qui traîne partout à la recherche de clients. Traînée est un gros terme de mépris employé par le peuple vis-à-vis d’une femme. Traînée : synonyme de rouleuse (Argot du peuple).

France, 1907 : Catin, fille de mauvaise vie.

Des filles nu-tête, un ruban rouge dans les cheveux, arrêtées devant des portes basses, mettaient la bouche en cœur à leur approche et murmuraient leur refrain monotone : « Joli garçon… beau blond… mon bijou… viens chez moi, je serai gentille, etc… » mais ces nombreuses provocations à la débauche faites sans conviction étaient plutôt le résultat de la force d’habitude que de l’espoir. Les traînées de ces bas-fonds devinaient, à la tenue et aux allures des noctambules, des touristes et non des amateurs de beautés flétries.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Traîner

France, 1907 : Terme de courses, anglicisme pour entraîneur. Le trainer est presque toujours un ancien jockey devenu trop lourd pour continuer à monter. Son rôle est plus important que celui du jockey, car sa mission consiste à faire arriver le cheval au plus complet développement de ses forces. Il est la cheville ouvrière d’une écurie de courses.

Les trainers sont de véritables artistes en chevaux. Ils font de la science pratique, de l’histoire naturelle en action. Aussi se passionnent-ils et la spéculation se concilie-t-elle très bien, chez eux, avec l’enthousiasme.
Un trainer avait été charge d’instruire, pour le Derby, un cheval momme Éléonor.
À mesure que le jour de la course approchait, cet homme devenait inquiet, distrait, hagard. Il ne mangeait plus, ne dormait plus. Il finit par tomber tout à fait malade.
Ses parents, le voyant alité pour la première fois de sa vie, crurent qu’il touchait à ses derniers moments, et appelèrent le vicaire de la paroisse pour le consoler.
Le moribond n’entendait rien, s’agitait sur son lit et gémissait comme une âme en peine.
— Mon ami, lui dit le vicaire, n’avez-vous point quelque chose sur la conscience qui vous tourmente ? S’il en est ainsi, je vous engage à me le confier.
— Oui, répondit le jockey, et je le dirai, mais à vous seul.
Le vicaire se baissa vers le mourant, et celui-ci lui murmura dans l’oreille :
— Éléonor est un cheval douteux.
À quelques jours de là, le cheval douteux gagna deux grands prix, celui du Derby et celui des Oaks.
Le trainer se releva guéri.

(Tony Révillon)

Traîner la savate

Delvau, 1866 : v. a. Être misérable, n’avoir rien à se mettre sous la dent ni aux pieds, — dans l’argot des bourgeois, qui ne manquent ni de bottes, ni de pain. C’est le to shuffle along des Anglais.

Traîner le cheval mort

Delvau, 1866 : v. a. Avoir du travail payé d’avance, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Faire du chien.

France, 1907 : Avoir touché son salaire à l’avance et l’avoir dépensé ; argot populaire.

Traîner sa savate quelque part

Delvau, 1866 : v. a. Aller quelque part, se promener, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Traîner ses guêtres.

Traîner ses guêtres

Rigaud, 1881 : Marcher à l’aventure, flâner bêtement en usant ses souliers et quelquefois les souliers des autres.

France, 1907 : Errer çà et là.

Rien n’est maussade comme d’aller traîner ses guêtres sans efforts.

(Paul Déroulède)

Traîner son boulet (ou sa chaîne)

Delvau, 1864 : Terme populaire qui signifie ; avoir toujours sa femme légitime au bras, sur le dos, ou sous la pine. — Le mariage étant une chaîne, on en a pour jusqu’à la fin des jours de l’un ou de l’autre.

Traîneur de sabre

Delvau, 1866 : s. m. Soldat fanfaron qui croit faire beaucoup d’effet en faisant beaucoup de bruit et qui ne réussit qu’auprès des filles, amies des soudards. Type aussi vieux que le monde, puisque les anciens avaient aussi leur machærophorus…
Mais, eurêka ! me voilà sans le vouloir sur la piste de maquereau. Qu’en pensent messieurs les étymologistes ?…

Traîneuse

Rigaud, 1881 : Fille qui stationne dans les gares, attendant les trains de voyageurs. La gare du Havre est encombrée de traineuses.

Virmaître, 1894 : Robe. Allusion à la traîne de la robe qui balaye les trottoirs. On dit également : une balayeuse (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : V. Rôdeuse.

France, 1907 : Robe longue qui ramasse les ordures et les crachats du trottoir.

Traintrain

France, 1907 : Habitude. Aller son traintrain, vaquer à ses petites affaires tranquillement.

Faut pas, dit-elle, agir à la légère, ni prendre modèle sur moi. Moi, je ne suis plus une débutante, et je suis brûlée dans les quartiers chics ; je m’aime pas le bruit, et, ce qu’il me faut à présent, c’est le repos et la tranquillité, une existence réglée comme un papier de musique. À part les occasions que je trouve sans courir après, je me contente d’un petit traintrain qui suffit à mes besoins.

(Oscar Méténier, Madame la Boule)

Traisse (être à)

France, 1907 : Être pris sur le fait, en flagrant délit ; argot des juifs.

(Delasalle)

Traisse (être)

La Rue, 1894 : Pris en flagrant délit, dans l’argot des juifs.

Trait

Larchey, 1865 : Infidélité. — On dit, sans abréger, trait d’inconstance.

Savez-vous ce que c’est qu’un trait ?… Eh bien ! c’est que quand une femme est avec un marlou (souteneur) ; si elle a un caprice pour un autre et le passe, voilà un trait !

(Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8)

Son mari lui avait fait tant de traits, qu’elle l’avait quitté.

(Champfleury)

Delvau, 1866 : s. m. Caprice amoureux, — dans l’argot des filles et de leurs souteneurs. Avoir un trait pour un miche. Ne rien exiger de lui que son amour, se passer de gants.

France, 1907 : Caprice. Avoir un trait pour un miché, éprouver un caprice pour quelqu’un ; argot des filles.

Trait carré

France, 1907 : Signe de la croix ; expression tombée en désuétude.

Traiter

Delvau, 1866 : v. a. et n. Donner à dîner ; régaler, — dans l’argot des bourgeois.

Traiter du haut en bas

Delvau, 1866 : Parler à quelqu’un avec colère, — et même avec mépris.

Traître

d’Hautel, 1808 : Il ne m’en a pas dit le traître mot. Pour, il m’a caché les principaux détails de cette affaire.

Traitreusement

d’Hautel, 1808 : D’une manière déloyale, perfide, hypocrite.

Traits

Delvau, 1864 : Infidélités qu’un homme fait a une femme, ou une femme à un homme ; coups tirés illégalement.

Son mari lui avait fait tant de traits qu’elle l’avait quitté.

(Champfleury)

Devant monsieur le maire
J’ai solennellement promis de ne pas faire
De traits à mon époux…

(L. Protat)

Delvau, 1866 : s. m. pl. Infidélité conjugale, — dans l’argot des bourgeoises. Faire des traits à sa femme. La tromper en faveur d’une autre, la trahir.

La Rue, 1894 : Infidélités conjugales.

France, 1907 : Infidélités. Faire des traits à son mari, à son amant, à sa femme, à sa maîtresse, les tromper. Expression populaire.

Traits (faire des)

Rigaud, 1881 : Faire des infidélités conjugales.

Trajectoire (perdre la)

Merlin, 1888 : Perdre la tramontane.

Tralala

Larchey, 1865 : Appareil.

La fougue, l’audace et tout le grand tralala de l’excentricité féminine.

(Monselet)

Delvau, 1866 : s. m. Embarras, cérémonies ; luxe de toilette. — dans l’argot du peuple. Se mettre sur son tralala ou sur son grand tralala. S’habiller coquettement, superbement.

France, 1907 : Bataille, synonyme de danse au sens métaphorique.

On s’apprête pour le départ dans la direction de Verdun ; tous mes braves sont bien reposés, et l’un d’eux me demande gaiment : « Est-ce pour aujourd’hui le grand tralala, mon capitaine ? — Peut-être… Par le flanc droit, arrrche ! »

(Lieut.-col. Meyret, Carnet d’un prisonnier de guerre)

Il importe beaucoup que la
Chose ne soit pas sue
Avant le final tralala,
C’est mon coup de massue.

(Raoul Ponchon)

France, 1907 : Déploiement de toilette, grand appareil ; expression populaire.

Il revint à l’Ermitage où il tomba sur la bande, grossie d’une nuée de petites femmes, parmi lesquelles il reconnut Suzanne en grand tralala.

(André Desroches, L’Éternelle illusion)

Se dit aussi pour grand apparat, réception luxueuse.

… Soit parce qu’un instant elle avait été modèle chez le sculpteur Pierre Ferras, s’était alors accoutumée aux paresseuses flâneries dans l’atelier tiède, aux tranquilles impudeurs que reflète une haute psyché, soit parce qu’elle avait dans la peau rose et dorée des braisillements de soleil provençal, que le frôlement des batistes et des surahs les plus légers l’importunait et l’énervait, ou peut-être aussi parce qu’elle y trouvait son compte, étant fûtée, libertine et savante en l’art d’allumer un homme comme pas une, Noële Désir gardait cette habitude de se dévêtir des pieds à la tête pour un oui, pour un non, n’était jamais aussi heureuse que toute nue et dans son alcôve tendue de satin noir, et en cabinet particulier, et même quand elle recevait, en grand tralala, le samedi.

(René Maizeroy)

Tralala (grand)

Rigaud, 1881 : Grande toilette, grand étalage de luxe. — Grande réception.

Tram

Rigaud, 1881 : Tramway, par apocope.

Tramontane

d’Hautel, 1808 : Perdre la tramontane. Se troubler, s’embarrasser, ne savoir plus que dire, être extrêmement confus. Le peuple défigure absolument ce mot, et dit trémontade.

Tranche

Virmaître, 1894 : Le visage. Tranche est aussi un terme d’amitié et de familiarité :
— Tiens, comment vas-tu, ma vieille tranche ? (Argot du peuple). N.

Tranche (en avoir une)

Fustier, 1889 : Être inintelligent.

France, 1907 : Être sot : littéralement, avoir une tranche de bêtise.

Tranche (s’en payer une)

France, 1907 : S’amuser, synonyme de se faire une pinte de bon sang.

Quand mon meg n’est pas là,
Tralala, tralala, lala,
Alors moi, j’entre en danse,
Et comm’ j’m’en paye une tranche !
Tralala lala…

(Jules Jouy)

Se dit aussi pour s’offrir les charmes d’une femme.

Dès que je la vis trottinant nez au vent, l’œil malin et la bouche rieuse, avec ses hanches captivantes et son corsage rembourré de chair jeune et fraîche, je me dis : Faudra, mon vieux colon, que tu te payes une tranche de ce trognon-là.

(Hector France, Les Joyeusetés du régiment)

Tranche (souper de sa)

France, 1907 : En être fatigué.

Tranche ardant

Vidocq, 1837 : s. f. — Mouchette.

Tranche ardent

Delvau, 1866 : s. m. Mouchettes, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté cette expression aux Précieuses.

Tranche de fromage de Brie

Rossignol, 1901 : Nez long.

Tranche de gélatine

France, 1907 : Oreille.

Tranche-ardants

Rigaud, 1881 : Mouchettes.

Tranche-ardent

France, 1907 : Mouchettes.

Tranche-fromage

Rigaud, 1881 : Sabre-baïonnette, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Sabre-baïonnette.

Tranche-lard

d’Hautel, 1808 : Au propre, grand couteau qui a la lame très-affilée, et dont les traiteurs se servent pour couper des tranches de lard ; et par une extension burlesque, cimetère, coutelas, couteau ordinaire.
Trancher le mot. Répondre d’une manière décisive et ferme, ne pas aller par quatre chemins.

Virmaître, 1894 : Couteau. Allusion au couteau du charcutier. On dit aussi : un vingt-deux (Argot du peuple).

Trancher de l’éléphant

France, 1907 : Se donner des airs importants. Cette expression n’est plus guère usitée, on la trouve dans une poésie de 1649, envoyée à la reine régente :

Il estoit encore jeune enfant
Qu’il tranchoit de son éléfant.

Trancher le nœud gordien

France, 1907 : Se tirer brutalement d’un embarras, trancher une difficulté d’une façon violente, inattendue et sans la résoudre. Gordias, roi de Phrygie, père de Midas, l’homme aux oreilles d’âne, avait un char dont le joug était attaché au timon par un nœud d’écorce de cornouiller, si habilement entrelacé, que nul ne pouvait le délier. Char et nœud étaient consacrés à Jupiter et un oracle promettait l’empire de l’Asie à celui qui déferait le nœud. Alexandre s’étant emparé de la capitale de Gordias, voulut voir le fameux chariot et essaya de dénouer le nœud fantastique. Il ne put en venir à bout et, furieux de ses vains efforts, il le trancha d’un coup d’épée : « Il n’importe comme on le dénoue », s’écria-t-il, et l’oracle se trouva accompli.

Trancheur

France, 1907 : Voleur qui coupe, tranche la vitre de l’appartement où il veut pénétrer en retenant le carreau, coupé à l’aide d’une boule de poix ou de mastic, de façon qu’il ne tombe pas.

Tranquille

d’Hautel, 1808 : Tranquille comme Baptiste. Voyez Baptiste.

Tranquille comme Baptiste

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement sage, calme, tranquille, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Très tranquille.

France, 1907 : Indifférent, indolent, apathique. Dans les anciennes farces, les niais étaient désignés sous le nom de Baptiste ; mais d’après l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, cette locution ne remonterait qu’aux premières années de la République, de 1793 à 1795, époque où un acteur comique, nommé Baptiste, se faisait applaudir de tout Paris.

Acteur du théâtre Montansier, puis de celui de la République, ce célèbre comédien avait admirablement réussi dans les niais et par son calme seul il provoquait le fou rire. À cette époque, l’agitation était à son apogée à Paris, la fièvre politique avait envahi toutes les classes de la société et causait d’épouvantables ravages ; les ministères n’étaient pas seuls à tomber, les têtes tombaient aussi ; et cependant, alors comme aujourd’hui, les théâtres étaient combles… Mais le lendemain, lorsque la voix d’Hébert se faisait entendre dans le Père Duchesne, plus d’un Parisien s’écriait : « Ah ! quand serons-nous tranquilles comme Baptiste ?# » De là de dicton si populaire.

(Intermédiaire des chercheurs et curieux)

… Tranquill’ comm’ Baptiste,
J’envisage tout de l’œil le plus froid ;
Droit est-ce une force ? Et force est-ce un droit ?
Qui vivra verra… Je suis j’m’en-foutiste.

(Paul Paillette, Tablettes d’un lézard)

Transformisme

France, 1907 : Évolution lente des espèces qui, d’après Larmarck et Darwin, dérivent les unes des autres par une série de transformations dépendant du milieu et des conditions vitales. Néologisme.

Le mépris des temps présents est le commencement du transformisme que subissent les âmes — ça commence bien ! Sauf les satisfaits, le dégoût est général, la nausée unanime, la lassitude immense ! On attend et on espère…
Tandis que défile cette descente de Courtille énumérée par le compagnon — pardon ! le président — Cartier : « La loi, la propriété, l’ordre, la famille, la morale… et autres balançoires ! »
Ce ne fut pas un anarchiste qui s’exprima ainsi, ce fut un magistrat ! Concluez.

(Séverine)

Transparent

La Rue, 1894 : Homme maigre.

Transvaalique

France, 1907 : Qui appartient au Transvaal.

Un autre personnage, transvaalique et formidable, ayant l’habitude de la médianoche, dégoûté de tout ce que le génie de vingt maîtres-queux inventait pour réveiller son goût emoussé et blasé, flanquait régulièrement à la porte, entre minuit et deux heures du matin, ses officiers de bouche éminents et désemparés. Une nuit, une pauvre maritorne, employée à la vaisselle, lui confectionne une soupe, mais quelle soupe, la soupe aux poireaux et aux pommes de terre ! Le milliardaire la dévore, mugit de joie et en redemande. Mais la maritorne était partie, congédiée par le Carême indigné, et jamais plus, ni pour or, ni pour argent, ni par douceur, ni par violence, l’infortuné Crésus n’a mangé une autre soupe comme celle-là. Il n’est pas assez riche, ou il l’est trop. C’est ce que Banville voulait dire.

(Émile Bergerat)

Transversale

Fustier, 1889 : Argot de joueurs. On joue la transversale, quand, à la roulette, on place son enjeu transversalement, c’est-à-dire sur la ligne qui sépare deux numéros entre eux.

Trantran

d’Hautel, 1808 : Le trantran des affaires. Pratique, menée, usage, finesse d’une affaire.
Il est accoutumé à son petit trantran de vie. Pour, il vit uniformément ; il suit toujours la même routine.

Trapignon, trapillon

France, 1907 : Petite trappe ; argot théâtral.

S’arracher à l’enivrement d’une salle enfiévrée, ne plus sentir les puanteurs des coulisses, ne plus respirer le goût fade qui monte de partout, ne plus marcher grelottante, à demi nue, parée d’oripeaux et constellée de diamants, évitant les trapillons, coudoyée par la cotte graisseuse du machiniste, et dévorée par l’œil émerillonné du pompier de service, sont, parait-il, choses au-dessus des forces humaines.

(Pompon, Gil Blas)

Trapillon

Delvau, 1866 : s. m. Bande de bois qui bouche les coulisseaux ou rainures dans lesquelles glissent les décors, lorsqu’on enlève ces décors. Argot des machinistes.

Trapu

France, 1907 : Fort, au point de vue intellectuel, synonyme de calé, chic ; argot des polytechniciens.

Cette petite, servant d’Égérie au vieux licencié, est plus trapue en X qu’un candidat à l’École polytechnique.

(Jean Richepin)

Traque

Clémens, 1840 : Crainte.

Traquer

un détenu, 1846 : Avoir peur.

Rigaud, 1881 : Trembler, avoir peur.

France, 1907 : Avoir peur, être pris de trac.

Traquette

France, 1907 :

Dépatez ben vos deux sabots
Avant d’entrer dans nout’ masure ;
Cheux nous, c’est ni luisant, ni beau,
Mais j’aimons pas les salissures,
J’voulons pas, par ce mauvais temps,
Vous renvoyer dans les traquettes !

(Hugues Lapaire, Noël berriaud)

Traqueur

Rigaud, 1881 : Poltron. — Traqueuse, poltronne.

Rossignol, 1901 : Peureux. Celui qui a le trac est un traqueur.

France, 1907 : Peureux. poltron, individu qui a le trac.

Rôdeurs par la faim obsédés
Et qui, cependant, possédez
Un ventre ;
Les sans-ouvrage, aux longues dents ;
Les minables qui n’ont rien dans
Dans le ventre ;
Tous, au nez du bourgeois traqueur,
Afin de nous donner du cœur
Au ventre ;
Camarades, à l’unisson,
Sans crainte entonnons la chanson
Du ventre.

(Jules Jouy)

Tratiner

Vidocq, 1837 : v. a. — Marcher.

Travail

d’Hautel, 1808 : C’est un travail de cheval. C’est à-dire très-fatigant, très-pénible.

Delvau, 1864 : Prostitution ; fouterie intéressée.

Au nom de Dieu, dedans le tête-à-tête,
À ton flâneur donne de l’agrément ;
Dans le travail, rappelle-toi, Jeannette,
Que t’es pas là pour ton amusement.

(L. Festeau)

Que tu travailles bien aussi !… fort ! fort !, ma mignonne, tu me ravis !…

(La Popelinière)

Tu passes toutes tes soirées
Chez Dautun le marchand, de vin :
Les autres femmes, plus rusées,
Travaillent du soir au matin.

(Dumoulin)

Épous’s d’ultras,
Nièc’s de prélats,
Tout ça travaille et n’se numérot’ pas.

(Béranger)

O femelle divine,
Crois-moi !
Fais travailler ma pine
Sur toi !

(Eug. Vachette)

Delvau, 1866 : s. m. Action de manger, — dans l’argot des francs-maçons.

Delvau, 1866 : s. m. Chose difficile à faire, — dans l’argot des saltimbanques. Beau travail. Tour extraordinaire ou nouveau.

Rigaud, 1881 : Exercices de saltimbanque. — Atelier de modiste.

Rigaud, 1881 : Littérature à la vapeur, confection politico-littéraire à l’usage des revues, — dans l’argot des journalistes. Le travail consiste à enlever à la force du poignet quatre ou cinq feuilles de copie dans le même numéro. — Grand travail sur Vextinction du paupérisme ; grand travail sur les caisses d’épargne ; grand travail sur les enfants assistés ; grand travail sur l’influence du théâtre, etc., etc.

Rigaud, 1881 : Vol ; assassinat ; commerce de la prostitution, — dans le jargon des voleurs et des filles.

La Rue, 1894 : Vol. Assassinat. Exercice de saltimbanque. Prostitution.

Travail de bénédictin

France, 1907 : Travail long et minutieux.

Ce sont des vérifications, des examens de dossiers, des fiches à étudier, des photographies à analyser. Vous le voyez, c’est un travail de bénédictin, pour arriver à établir l’identité de ceux qui cherchent toutes les occasions pour exercer leur coupable industrie en exploitant avec artifice la confiance, pour ne pas dire la bêtise humaine.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Travail de nuit

France, 1907 : Conjonction amoureuse.

Grande, brune, jolie fille, l’air canaille, elle excelle dans la danse du ventre, mais à quatre heures du matin seulement, et à interpréter le travail de nuit.

(La Nation)

Travailler

d’Hautel, 1808 : Travailler le casaquin à quelqu’un. Lui donner des coups de bâtons, le rosser.
On dit par menace à un enfant indocile, qu’on lui travaillera le casaquin.

Ansiaume, 1821 : Voler.

Il est temps de travailler, je n’ai plus de carle.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler.

Larchey, 1865 : Voler.

X. était prudent : il travaillait toujours seul, et son discret recéleur était des plus fins.

(H. Monnier)

V. Butter.

Delvau, 1866 : v. n. Aller au persil.

Delvau, 1866 : v. n. Voler.

Rigaud, 1881 : Voler ; assassiner ; se prostituer, — dans le jargon des voleurs et des filles.

France, 1907 : Le verbe varie de significations suivant le genre d’occupations auxquelles on l’applique. Le grec, le voleur, l’assassin, la prostituée travaillent tout comme l’ouvrier : chacun travaille pour son saint, c’est-à-dire pour gagner sa vie.

Le pain est cher, le vin falsifié est inabordable, les objets d’alimentation sont hors de proportion avec les salaires ouvriers ou les appointements des employés de toute catégorie, avec les minuscules rentes des petits bourgeois, avec les infimes retraites des anciens fonctionnaires et des vieux soldats : la matière première devient inaccessible aux petits industriels, et tout cela grâce à des syndicats, à des coalitions qui opérent soit au grand jour, soit dans l’ombre, où il serait facile, si on le voulait, de démasquer ou de punir leurs complots.
Courez partout, fouillez les dessous de notre organisme économique, financier, industriel, commercial, agricole ; partout vous verrez des syndicats « travaillant » comme travaillent les bandes de brigands qui s’entendent si bien, pour emplir leurs poches, à vider celles des voisins ou des passants.

(Le Parti Ouvrier)

France, 1907 : Voler.

Les champs de courses sont les seuls endroits où le tireur anglais travaille le mieux, et s’oublie en ne mettant pas en pratique les règles de sagesse qui, ailleurs, le guident constamment. Là, le terrain est favorable pour ses exploits, il se multiplie et commet des vols successifs.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Travailler (se faire)

Rigaud, 1881 : Être sifflé, — dans le jargon des comédiens.

France, 1907 : Se laisser caresser activement, se faire peloter.

Travailler à l’esbrouff

Ansiaume, 1821 : Voler avec violence.

Il faut aller à l’esbrouff pour refaiter le flaqu.

Travailler à la cambe

Ansiaume, 1821 : Voler dans les chambres.

Il travaille encore un peu à la cambe à courir le rat.

Travailler à la roulotte

Ansiaume, 1821 : Voler sur les voitures.

C’est à la roulotte que j’espère pommer une malouse de carle.

Travailler à la tire

France, 1907 : Voler dans les poches.

— Que faites-vous maintenant ?
— Je m’exerce à voler.
— Diable ! répondis-je avec un mouvement involontaire et en portant la main sur ma poche.
— Oh ! je ne travaille pas à la tire, soyez tranquille, je méprise les foulards…

(Théophile Gautier)

Travailler à la vigne

France, 1907 : Travailler à la multiplication de l’espèce, style biblique.

Un pauvre Séraphique indigne
Est surpris, à son grand malheur,
Travaillant à force à la vigne.

(Grécourt)

Voir Vendanger, vigne de l’abbé.

Travailler dans le bât

Rigaud, 1881 : Voler dans les maisons. Abréviation de travailler dans le bâtiment.

France, 1907 : Voler avec effraction dans les maisons, les bâtiments.

Travailler dans le bâtiment

Virmaître, 1894 : Voler avec effraction dans les maisons. L’expression est pittoresque (Argot des voleurs).

Travailler dans le grand

France, 1907 : Voler les gens riches.

Le voleur, qui connait à fond sa coupable industrie, et qui travaille dans le grand, ne part jamais en campagne sans être muni de tous les outils spéciaux à l’accomplissement de ses méfaits. Il peut, à volonté, selon le besoin, approprier ses procédés au genre de vol qu’il doit pratiquer. Il a sur lui le couteau nécessaire pour entailler une poche, la petite et la fine cisaille en acier, à l’aide de laquelle il coupe les chaînes de montres et de médaillons, ainsi que l’instrument servant à fendre discrètement une sacoche.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Travailler dans le rouge

Rigaud, 1881 : Assassiner.

Un meurtre !… Travailler dans le rouge !… C’est grave !…

(P. Mahalin, Les Monstres de Paris)

France, 1907 : Assassiner.

— Un meurtre ! Travailler dans de rouge ! C’est grave !

(Paul Mahalin)

Travailler des mâchoires

Rigaud, 1881 : Manger.

Travailler l’argent

Rigaud, 1881 : Faire des tours d’escamotage à l’aide de pièces de cent sous, — dans le jargon des escamoteurs. Un escamoteur travaille bien l’argent lorsqu’il cueille habilement des pièces de cinq francs sur les paletots, sur les chapeaux, sur le nez des spectateurs.

Travailler le cadavre

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, au propre, ou en médire, au figuré, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi travailler les côtes.

Travailler le casaquin

France, 1907 : Battre.

Travailler le succès

Delvau, 1866 : v. a. Être chef de claque dans un théâtre. Argot des coulisses.

Travailler le trognon (se)

France, 1907 : Se torturer le cerveau.

Travailler les côtes

Rigaud, 1881 : Médire. — Battre.

Travailler pour Jules

Rigaud, 1881 : Manger dans l’espoir d’une bonne et fructueuse digestion.

France, 1907 : Manger.

Travailler pour le roi de Prusse

Delvau, 1866 : v. n. Faire un travail mal payé, ou pas payé du tout, — dans l’argot du peuple, a qui sans doute on a fait croire que les successeurs du grand Frédéric payaient leurs soldats fort chiche-knout. On dit aussi Travailler pour la gloire et Travailler gratis pro Deo.

Rigaud, 1881 : Travailler gratis. Variantes : Travailler à l’œil, travailler pour la gloire, travailler gratis pro Deo.

France, 1907 : Perdre son temps ; travailler à pur perte. Le mot est attribué à Voltaire, furieux de l’avarice de Frédéric II qui, en 1750, l’avait sollicité de se rendre à la cour de Berlin et lui fit subir toutes sortes de petites vilenies. Le roi lui avait promis des appointements de ministre, un appartement au château, la table, le chauffage, deux bougies par jour, du sucre, du thé, du café, du chocolat à discrétion. Mais thé, café, chocolat étaient de qualité inférieure, ou avariés : quant au sucre, on n’en fournissait qu’une quantité dérisoire, et l’éclairage des bougies était insuffisant. Voltaire se plaignit : Frédéric répondit qu’il allait chasser ses canailles de valets qui n’exécutaient pas ses ordres. Mais rien ne fut changé. On ne sait, dans ces discussions du roi de Prusse et de Voltaire, quel est le plus ridicule les deux.

Travailler pour M. Domange

Delvau, 1866 : v. n. Manger.

Travailler quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. L’obséder d’une chose, insister afin d’obtenir ce qu’on lui demande ; revenir souvent à la charge auprès de lui.

Travailler sur les grands trimards

Ansiaume, 1821 : Voler sur les grandes routes.

Pour moi sur les trimards autour des roulantes.

Travailler un endroit

France, 1907 : En tirer profit, chercher à y gagner.

— Quelles sont donc vos sources principales de renseignements ? — Les chiffonniers… Nous nous abouchons avec les Diogènes qui travaillent cette rue et nous leur achetons tous les papiers trouvés devant la porte de la maison signalée.

(Alfred Sirven)

Travailler, tripoter, graisser le carton

Larchey, 1865 : Jouer aux cartes. — Maquiller le carton : Faire sauter la coupe.

Travailleur

Rigaud, 1881 : Tricheur, — dans le jargon des grecs.

Fustier, 1889 : Voleur.

Travailleuse

Delvau, 1866 : s. f. Giton, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Genre de pédéraste, appelé ainsi parce qu’il appartient à la classe des ouvriers et travaille d’un métier quelconque pour gagner sa vie.

Les travailleuses sont parfaitement reconnaissables à leur voix langoureuse et traînante, ainsi qu’à leur démarche… Elles affectent au dehors une propreté extraordinaire, une sorte de coquetterie féminine tandis que dans leur intérieur elles sont d’une saleté repoussante… Ce corps qui se trouve caché sous les vêtements n’est jamais baigné ; ces mains, qui paraissent blanches, douces et bien soignées, font injure à des bras plus sales que ceux d’un ramoneur.

(Mémoires de Canler)

Travers

d’Hautel, 1808 : Il crie pour une vesse de travers. C’est-à-dire pour la moindre chose. Se dit par raillerie d’un homme minutieux, criard, emporté, susceptible et ridicule à l’excès.
À travers choux. Pour étourdiment ; sans considération.

Travers (passer quelqu’un à)

France, 1907 : Le battre.

Traverse

Vidocq, 1837 : s. m. — Bagne, galère.

Rigaud, 1881 : Bagne, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Bagne. En traverse à perte de vue, condamné au bagne à perpétuité.

France, 1907 : Déportation. Aller en traverse, être expédié dans une colonie pénitentiaire. Argot des voleurs, de traversée.

Traverse (en)

Delvau, 1866 : adv. Travaux forcés à perpétuité, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi À perte de vue.

Traversin

France, 1907 : Sobriquet donné par les cavaliers aux soldats d’infanterie au temps où l’on prenait pour cette arme des hommes de petite taille.

Traversin (faire du)

France, 1907 : Décrire des zigzags dans la rue, étant ivre ; jeu de mot sur travers, alter de travers. Expression du Centre.

Traversin (se foutre un coup de)

France, 1907 : Dormir.

S’rait pas trop tôt que j’pionce un brin ;
C’que j’vas m’fout’ un coup d’traversin.

(André Gill, La Muse à Bibi)

Traversin, tirebraise

Rigaud, 1881 : Soldat d’infanterie ; par allusion à la petite taille des fantassins.

Travesti

Delvau, 1866 : s. m. Rôle d’homme joué par une femme, amoureux ou page. Argot des coulisses.

Traviata

Delvau, 1866 : s. f. Fille perdue, — dans l’argot des élégants qui n’osent pas dire cocotte. Introduit pour la première fois en littérature par l’Événement (1er octobre 1860).

Traviole

Vidocq, 1837 : s. f. — Traverse.

Halbert, 1849 / Rigaud, 1881 : Traverse.

France, 1907 : Chemin de traverse, ravin ; argot populaire.

France, 1907 : Contrariété, obstacle. Tout va de traviole, tout marche mal, tout va de travers ; Avoir la chance de traviole, n’avoir pas de chance ; argot faubourien.

J’ons la chance d’traviole,
V’là les mendigots, les indigents,
Bon jour bon an, les bonn’s gens,
J’allons pas en carriole.

(Jean Richepin)

Traviole (de)

Delvau, 1866 : adv. De travers, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 / Rossignol, 1901 : De travers.

Travioles

Rigaud, 1881 : Tracas, peines, tourments, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Avoir des inquiétudes. L. L. Travioles : aller de travers, pochard qui festonne. Celui-là est loin d’avoir des inquiétudes, car il ne pense guère au lendemain. Une jeune fille qui déraille et devient rosière de la Maternité, va de travioles, de travers dans la vie (Argot du peuple). N.

Trayage

Rossignol, 1901 : Fois.

Chaque trayage que j’ai été arrêté j’ai été condamné.

Trébuchet

France, 1907 : Guillotine ; argot des malfaiteurs.

Tref, treffe

France, 1907 : Tabac. Déformation de trèfle.

Puis… mal fringué… fauché… sans treffe,
J’os’rais seul’ment pas y causer ;
Donc un béguin, c’est comm’ des nèfes,
Quant au lapin… c’est tout posé !

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Treffe

Clémens, 1840 : Tabac.

Treffle

Ansiaume, 1821 : Tabac.

As-tu du treffle ? Tiens, emplis ma bouffarde.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Tabac.

un détenu, 1846 : Tabac, dos.

Treffle en treffoin

Vidocq, 1837 : s. m. — Tabac.

Trefflière

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tabatière.

Tréfflière

Bras-de-Fer, 1829 : Tabatière.

Trefflière, triffoissière ou tréfouine

Halbert, 1849 : Tabatière.

Trefle

Hayard, 1907 : Tabac.

Trèfle

Larchey, 1865 : Anus. — Corruption de trou. — V. Trèpe.Vise au trèfle : Apothicaire (Vidocq).

Larchey, 1865 : Tabac. — Allusion à la couleur brune de ce fourrage, quand il est sec.

Delvau, 1866 : s. m. Le podex, — dans l’argot des faubouriens. Vise-au-trèfle. Apothicaire.

Rigaud, 1881 : Derrière.

Merlin, 1888 : Tabac.

Fustier, 1889 : Argent monnayé. Argot des gavroches.

Virmaître, 1894 : Tabac (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Tabac.

France, 1907 : Anus.

France, 1907 : Argent. Les nécromants, astrologues et sorciers du moyen âge attribuaient au trèfle de merveilleuses propriétés, entre autres, celle d’annoncer de l’argent. De là à signifier l’argent lui-même, la pente était facile. Cette propriété était surtout celle du trèfle à quatre feuilles : « Celui ou celle qui trouve le trèfle à quatre feuilles, disent les Évangiles des Quenouilles, s’il le garde en révérence, sachiez, pour aussi vray que Évangile, qu’il sera eureux et riche toute sa vie. »

France, 1907 : Tabac.

Qu’on le traitât de grand mac, feignant comme un prêtre, il en riait ; mais qu’on s’amusât à lui fourrer, ainsi qu’on le fit, des paquets de cheveux dans son trèfle, des poignées de roncés dans son pieu de goémon et des cervelas d’étron dans sa soupe, ah ! zut, alors !

(Jean Richepin)

anon., 1907 : Tabac.

Trèfle !

Fustier, 1889 : Argot des enfants. (V. Pouce.)

Trèfle à cinq feuilles

France, 1907 : Gifle.

Trèfle ou tref

Delvau, 1866 : s. m. Tabac, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi Trèfoin. Longuette de tref. Tabac en carotte.
On dit aussi Trifois, — d’où Trifoissière pour Tabatière.

Trèfle, tréfoin

La Rue, 1894 : Tabac. Trefflière, tabatière. Passer au trèfle, battre (passer à tabac). Trèfle signifie aussi argent et trou.

Trèfle, tréfouin

Rigaud, 1881 : Tabac à fumer.

Tréflière

France, 1907 : Tabatière.

Tréfoin

M.D., 1844 : Tabac.

Virmaître, 1894 : Tabac. Ce mot est très vieux ; il est employé par Eugène Sue dans les Mystères de Paris.
— Pas de tréfoin à mettre dans ma chiffarde. (Argot des voleurs).

France, 1907 : Tabac ; argot populaire. Déformation de trèfle.

Tréfoin rifaudeur

M.D., 1844 : Tabac à fumer.

Tréfonnière

France, 1907 : Tabatière ; argot populaire.

Tréfouine

France, 1907 : Tabatière ; argot populaire.

Treize

La Rue, 1894 : Trésor.

France, 1907 : Trésor ; jeu de mot.

Treizième arrondissement (marié au)

Larchey, 1865 : Se disait à Paris de celui qui vivait avec une maîtresse, car, avant 1859, cet arrondissement n’existait point. Lurine a fait un livre sur le Treizième arrondissement.

Jamais elle n’a été ma femme, pas même au treizième arrondissement.

(Bertall)

Tremblant

Ansiaume, 1821 : Lit.

J’étois dans le tremblant, quand les cognes sont venus.

Vidocq, 1837 : s. m. — Lit de sangle.

Larchey, 1865 : Lit. — On comprend le mot en voyant cet exemple.

J’ai du bon pivois sans lance et du larton savonné, une lourde, une tournante, un tremblant pour rivancher (faire l’amour).

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. m. Lit de sangle, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Lit de sangle, mauvais lit.

La Rue, 1894 : Lit de sangle.

France, 1907 : Lit ; il tremble sous les secousses amoureuses ; argot faubourien.

Tremblante

Clémens, 1840 : Fièvre.

Rigaud, 1881 : Fièvre, — dans le jargon des voleurs. — Il a la tremblante : v’là huit jours qu’il ne décolle pas du pieu.

La Rue, 1894 : La fièvre.

France, 1907 : Fièvre ; argot faubourien.

Tremblante pieux

Clémens, 1840 : Lit.

Tremble

France, 1907 : Tremblement, frisson.

En temps de froidure, dit le comte Jaubert dans le Glossaire du centre de la France, on dit de ceux qui n’ont pas de bois pour se chauffer, qu’ils n’auront pas chaud, car ils ont vendu leur bois jusqu’au tremble. C’est un jeu de mot fondé sur le double sens de tremble. D’une part, jusqu’au tremble signifie jusqu’à en trembler de froid, de l’autre, jusqu’à n’avoir pas une bûche, en considérant le bois de tremble comme un de ceux qui ne se vendent que le plus difficilement, car il est impropre au chauffage et de peu de valeur en industrie.

Tremblement

Larchey, 1865 : Réunion imposante.

À l’union de l’infanterie, de la cavalerie, de tout le tremblement.

(La Barre)

Bataille :

Mais la veille du tremblement, fallait voir les feux des postes avancés.

(Chansons, 1854)

Delvau, 1866 : s. m. Bataille, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Mélange de vermout, de cassis et d’eau-de-vie.

C’est là (au café des Variétés), entre un bock et un tremblement, — que s’ébauchent les engagements de toute sorte.

(Monselet, Acteurs et actrices)

France, 1907 : Bataille, mêlée.

France, 1907 : Mélange alcoolique affectionné par les escarpes. « Un tremblement, dit Paul Mauhalin, est un mélange de cognac, de kirsch, de rhum, d’absinthe, de café, de vermouth, de bitter, de genièvre et de curaçao. Le tout remué dans un verre contenant un peu plus d’une chopine. D’aucuns ajoutent de l’esprit-de-vin et une pincée de poudre à canon : histoire de lui donner du goût. Une caresse sur l’estomac, mais un coup de poing sur la tête. »

France, 1907 : Réunion, rassemblement, tas de choses. Tout le tremblement, l’ensemble. Expression populaire.

Tremblement (et tout le)

Delvau, 1866 : adv. Au complet, — dans l’argot du peuple.

Tremblement (tout le)

Rigaud, 1881 : Le reste. Tout le reste.

Je voudrais, un jour de goguette,
Être Bon Dieu rien qu’un moment,
Pour brouiller comme une omelette,
L’eau, la terre et le tremblement.

(L. Festeau, Le Tapageur)

Trembler

d’Hautel, 1808 : Il tremble comme un voleur. Se dit d’une personne que le froid, la peur, ou une mauvaise action, fait frissonner, trembler.
On dit plus civilement dans le même sens, il tremble comme la feuille.
N’ayez pas peur, tremblez toujours.
Se dit pour se moquer d’un peureux, d’un poltron ; ou quelquefois pour railler une personne qui a chargé un maladroit d’une opération difficile.

Trembler la volaille morte (faire)

Rigaud, 1881 : Dire une bêtise énorme, affecter des prétentions exorbitantes et déplacées.

France, 1907 : Proférer des menaces exagérées et ridicules ; expression populaire.

Tremblerie

France, 1907 : Tremblement.

Quand un malade est pris de fièvres, avec tremblerie, on doit faire une neuvaine à saint Alexis. Le neuvième jour on coupe — sans en perdre un morceau — les ongles des pieds et des mains au fiévreux ; il n’y a plus qu’à les enfouir au pied d’un tremble en récitant des prières consacrées. Par la volonté du saint l’arbre prend le frisson du malade, des feuilles s’agitent, ses branches craquent à se briser…

(Gaston Bussy et Gaston Lèbre, Le Mahatma)

Trembleuse

Fustier, 1889 : Sonnette électrique.

France, 1907 : Sonnerie électrique ; argot faubourien.

Tremblote

Rossignol, 1901 : La fièvre. Avoir la fièvre, c’est avoir la tremblote.

Tremblotte

Virmaître, 1894 : La fièvre. Allusion au tremblement qu’elle produit. On dit d’un homme qui a peur de la moindre des choses : il a la tremblotte. C’est aussi un truc employé par les mendiants pour exciter la charité publique ; ils font semblant de trembler. Mot à mot : de grelotter (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Fièvre. Nous ne savons pourquoi l’Académie n’a pas adopté ce mot, substantif régulier et logique du verbe trembloter comme tremblement est celui de trembler. Une lacune que les écrivains d’ailleurs comblent sans la permission de la docte vieille ; et la langue ne s’en porte pas plus mal.

Tous les ministres, sans exception, ont le droit de consulter l’opinion, de tâter d’où vient le vent, d’écouter la presse, tous — sauf le ministre de la guerre ! Celui-là ne doit avoir ni hésitations, ni détours, ni atermoiements ni reculades ; il doit être ou soldat-citoyen on un citoyen-soldat, comme on voudra, mais jamais un politicien. Ce qu’on exige de lui, ce n’est pas la tremblotte, c’est la décision.

(Jacqueline, Gil Blas)

Allons bon, v’là mes dents qui claquent !
J’sais pas c’que j’ai, c’est épatant :
J’entends les os d’mes jamb’s qui plaquent
Cont’ les parois d’mon culbutant,
J’suis foutu si j’ai la tremblotte :
J’suis pus daufier, j’suis pas dauphin,
J’peux pas m’soigner… ah ! c’que j’grelotte,
C’est-i’ la fiève ou ben la faim ?

(Aristide Bruant)

Tremoler

France, 1907 : Chanter à la façon des ouvriers en abusant du trémolo, du tremblement donné à la voix.

Puis Simonard qui aimait le sentiment tremola le pauvre porion. Mais décidément on préférait les horreurs, et Zinque, dont le répertoire était inépuisable, se risqua à une obscenité où il était irrésistible et qu’il accompagnait d’un trémoussement de reins.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Trémousser

d’Hautel, 1808 : Se trémousser. Se mouvoir ; se remuer en tout sens ; s’agiter, s’inquiéter, se tourmenter. Le peuple dit, trimousser.

Trémousser (se)

Delvau, 1864 : Jouer des fesses et des reins. S’agiter sous l’homme, — ou sur la femme, selon le plaisir que l’on ressent et que l’on veut faire partager ; afin d’arriver a la jouissance mutuelle.

Amusez-vous, trémoussez-vous
Amusez-vous, belles ;
Amusez-vous, ne craignez rien,
Trémoussez-vous bien

(Désaugiers)

Quoique usé, le vieux Mondor
Pour Lisette soupire
L’âge a rouillé son ressort
Mais il se trémousse encor
Pour rire.

(Piton)

Trémousser le baluchon

France, 1907 : Agiter, porter au cerveau. Se dit d’une boisson capiteuse. Du vin à faire trémousser le baluchon.

Trempage

Rigaud, 1881 : Ivresse, — dans le jargon des ouvriers imprimeurs. Fort trempage, forte ivresse. Empoigner un fort trempage. Allusion à la tremperie.

France, 1907 : Ivresse ; argot des typographes.

Trempe

d’Hautel, 1808 : Il est d’une bonne trempe. Se dit par ironie d’une personne qui fait des propositions ridicules et que l’on ne veut point accepter.
Trempe. Terme de mépris, pour, espèce, sorte, rang. Je ne vois pas les gens de cette trempe.

Delvau, 1866 : s. f. Vigoureuse et brutale correction. On dit aussi Trempée.

Trempé (être)

Delvau, 1866 : Être mouillé par la pluie.

Trempe, trempée

La Rue, 1894 : Volée de coups. Tremper une soupe, battre.

France, 1907 : Forte correction ; argot populaire.

Elle est même capable de le conduire jusqu’au pied de l’échafaud, afin d’être bien sûr qu’il n’en redescendra pas, car s’il avait la chance invraisemblable de se tirer d’affaire ; il est probable qu’étant donnée la façon dont il traite les femmes, il flanquerait à celle-là une de ces trempes dont ses cheveux gris deviendraient tout à fait blancs.

(Grimsel, Gil Blas)

Trempée

Larchey, 1865 : Correction.

Si je ne me respectais pas, je vous ficherais une drôle de trempée !

(Gavarni)

De Tremper une soupe. V. Soupe.

Trempée, trempe

Rigaud, 1881 : Volée de coups.

Madame, si je ne me respectais pas, je vous ficherais une drôle de trempée !

(Gavarni)

Tremper

Delvau, 1866 : v. a. Battre.

Delvau, 1866 : v. n. Souper, manger, — dans l’argot des ouvriers.

Tremper sa mouillette

France, 1907 : Sacrifier à Vénus ; argot populaire.

Tremper son pied dans l’encre

Delvau, 1866 : v. a. Être consigné, — dans l’argot des vieux troupiers.

France, 1907 : Être consigné ; expression militaire.

Tremper une soupe

Rossignol, 1901 : Battre quelqu’un.

Il m’a fait des sottises ; lorsque je le rencontrerai, je me charge de lui tremper une soupe.

France, 1907 : Battre : expression populaire.

Un beau voyou, tout ce qu’il y a de plus réussi, les regardait passer ainsi que moi : — Tiens, s’est-il écrié en apercevant une drôlesse, couverte de velours et de soie, ma sœur Nastasie ! En v’là une à laquelle papa tremperait une jolie soupe si elle venait à lui demander à becqueter demain.

(Léon Rossignol)

Tremper une soupe à quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le maltraiter rudement, par paroles ou par action. Argot du peuple.

Trempette

d’Hautel, 1808 : Faire la trempette. Faire la soupe à perroquet ; tremper du pain dans du vin.

Delvau, 1866 : s. f. Biscuit ou morceau de pain trempé dans un doigt de vin. Faire la trempette. Déjeuner d’un morceau de pain trempé dans un verre de vin.

Delvau, 1866 : s. f. Pluie, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Pluie ; argot populaire.

Tremplin

Delvau, 1866 : s. m. La scène — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : La scène, — dans le jargon des comédiens.

France, 1907 : Le boulevard où les filles raccrochent. « Se faire un tremplin », se mettre en évidence.

Trente et un (le), jour sans pain, misère en Prusse

France, 1907 : Cette expression vient d’un système imaginé par Frédéric II, roi de Prusse, qui, d’une avarice sordide, inventa le moyen économique de ne pas payer ses troupes le trente et unième jour du mois. Il y avait de cette façon sept jours par an où l’armée prussienne travaillait pour rien.

Trente et un (se mettre sur son)

France, 1907 : Revêtir ses vêtements de luxe. Trente et un est dans ce ces une altération de trentain qui désignait autrefois un drap de luxe dont la chaine se composait de trente fois cent fils. Porter du drap de trentain, c’était s’habiller richement ; le peuple en a fait trente et un.

Nous sortions chaque jour pour faire des visites, qui se terminaient par quelque bal dont mes dames raffolaient et nous rentrions à minuit. Fréquemment, c’était chez nous qu’on dansait. On ne pouvait plus se passer de frère Nelion. Je me mettais sur mon trente et un et remplissais parfaitement son rôle, faisant toujours le béat en société.

(Hector France, Chez les Indiens)

Trente et un, trente-six (se mettre sur son)

Larchey, 1865 : Mettre sa plus belle toilette.

Elle s’était mise sur son trente et un, et je puis vous assurer qu’elle était bien ficelée.

(Vidal, 1833)

Trente points (les)

Delvau, 1864 : Qui constituent la beauté des femmes, sont, — je cite d’après Brantôme ;

Trois choses blanches : la peau, les dents et les mains.
Trois noires : les yeux, les sourcils et les paupières.
Trois rouges : les lèvres, les joues et les ongles.
Trois longues : le corps, les cheveux et les mains.
Trois courtes : les dents, les oreilles et les pieds.
Trois larges : la poitrine, le front et l’entre-sourcils.
Trois étroites : la bouche, la ceinture et le con.
Trois grosses : le bras, la cuisse et le mollet.
Trois déliées : les doigts, les cheveux et les lèvres.
Trois petites : les seins, le nez et la tête.

Trente qualités

France, 1907 : C’est le nombre que nos aïeux exigeaient pour qu’une femme fût partiellement belle, s’en rapportant au goût des Grecs qui les attribuaient à la belle Hélène, cause des malheurs de Troie :

Trois choses blanches : Peau, dents, mains.
Trois noires : Yeux, sourcils, cils.
Trois roses : Lèvres, joues, ongles.
Trois longues : Corsage, cheveux, cils.
Trois larges : Poitrine, front, hanches.
Trois étroites : Bouche, ceinture, et…
Trois grosses : Bras, mollet, fesses.
Trois arquées : Taille, nez, sourcils.
Trois rondes : Seins, cou, menton.
Trois petites : Pied, main, oreille.

C’est beaucoup que tout cela ; les hommes de nos jours, moins exigeants que les Grecs, se contentent de quelques-unes.

Trente sous

France, 1907 : Sobriquet donné pendant la guerre de 1870-1871 aux gardes nationaux mobilisés à cause de la solde journalière de un franc cinquante que leur allouait le gouvernement de la Défense nationale. Sutter-Laumann a écrit un volume sous le titre : Histoire d’un trente sous.

Trente-deux-hommes-six-chevaux

France, 1907 : Wagon destiné au transport des troupes à pied et à cheval, appelé ainsi à cause de la rubrique inscrite sur les parois.

Ils descendaient du chemin de fer, tout blancs de la poussière du trente-deux-hommes-six-chevaux, avec des chapeaux de charbonniers, des blouses brodées, des cravates à fleur… des pains sous le bras, des baluchons jetés sur l’épaule, des bouteilles dont les goulots ressortaient hors des poches.

(Georges Courteline, Les Gaités de l’escadron)

Trente-et-un

Delvau, 1866 : s. m. Dernière élégance, suprême bon ton, — dans l’argot du peuple. Se mettre sur son trente-et-un. Se vêtir de son plus bel habit ou de sa plus belle robe, — l’habit à manger du rôti et la robe à flaflas. On dit aussi Se mettre sur son trente-six et sur son quarante-deux.

Trente-et-un (être sur son)

Rigaud, 1881 : Avoir mis ses plus beaux habits. Terme emprunté au jeu de cartes appelé « trente-et-un ». Le point de trente-et-un prime tous les autres, c’est le plus beau du jeu.

Trente-six carreaux

Rossignol, 1901 : Voir Souricière. Trente-six carreaux, parce que c’est le nombre de vitres de la porte de la cellule.

France, 1907 : Salle d’attente des détenus au palais de justice.

Trente-six clous

France, 1907 : Fantassin ; argot militaire. Allusion aux chaussures.

Trente-six du mois (le)

France, 1907 : Jamais

Trente-six raisons d’Arlequin (les)

France, 1907 : Explications inutiles, raisons superflues. Vieille expression tirée du théâtre italien, où Arlequin veut excuser son maître de ne pas s’être rendu à une invitation pour trente-six raisons ; la première, c’est qu’il est mort. On le dispense des autres.

Trente-sixième dessous

Delvau, 1866 : s. m. Le troisième dessous des gens amis de l’hyperbole.

Trente-sixième dessous (dans le)

Larchey, 1865 : Même sens que Troisième dessous.

Le pauvre vicomte a été enfoncé dans le trente-sixième dessous.

(Montépin)

Trente-sixième dessous (être dans le)

Rigaud, 1881 : Être tombé dans la misère aussi bas que possible. — Avoir échoué complètement, en parlant d’une œuvre dramatique.

Trente-sixième dessous (tomber dans le)

France, 1907 : Être ruiné, en pleine déconfiture.

Par le temps qui court, voici la maudite politique qui nous enlise à nouveau : cette saloperie reprend le dessus et les questions sociales tombent dans le trente-sixième dessous.

(Le Père Peinard)

Trep

un détenu, 1846 : Populace, foule.

Trépan

France, 1907 : Bague creuse contenant une substance colorée dont les grecs se servent pour marquer les cartes.

Trèpe

Vidocq, 1837 : s. f. — Affluence de peuple. Terme des saltimbanques et des voleurs parisiens.

Clémens, 1840 : Rassemblement.

Larchey, 1865 : Foule. — Corruption de Troupe. V. Garçon, Trèfle.

Rigaud, 1881 : Foule, — dans le jargon des voleurs. — Servir de trèpe, faire ranger la foule. (L. Larchey)

Virmaître, 1894 : Ne veut pas dire la foule, comme le disent les dictionnaires d’argot ; ce mot veut dire clientèle, d’après Loyssel.

Faut pas blaguer, le trépe est bath
Dans ce taudion, i s’trouve des rupins
Si queuq’s gonciers traînent la savate
J’en ai r’bourré qu’ont d’scarpins. (Argot des voleurs).

Trêpe

France, 1907 : Assemblage de gens bien mis, cossus.

La mort du père Lunette va donner peut-être pour quelque temps une vie nouvelle au petit bouchon de la rue des Anglais : il est probable qu’on y verra ces jours-ci du trêpe en quantité plus fournie (du trêpe, c’est-a-dire des gens galbeux, avec un tuyau de poêle sur la tête).

(La Nation)

France, 1907 : Foule, du vieux français trêper, marcher, argot des voleurs, ou du vieux provençal trêpe, troupeau.

Sur la placarde de vergne
Il nous faudrait gambiller,
Allumés de toutes ces largues,
Loufa malura dondaine,
Et du trêpe rassemblé,
Lonfa malura dondé.

(Vidocq)

S’ébattre dans le trêpe, aller çà et là dans la foule. Roulotte à trêpe, omnibus.

Trèpe (du)

M.D., 1844 : Du monde.

Trépeligour

Rigaud, 1881 : Vagabond, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Vagabond ; vieil argot, de trêper, marcher, et le gourd, la grand’route.

Trépignard

Rigaud, 1881 : Voleur qui profite d’un rassemblement, qui, au besoin, de complicité avec un ou deux compères, fait naître un rassemblement à la faveur duquel il exercera sa petite industrie. En argot, trèpe veut dire foule, rassemblement.

France, 1907 : Voleur qui exerce son industrie dans la foule, le trêpe ; argot des malfaiteurs.

Trépignée

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus.

Rigaud, 1881 : Volée de coups. — Flanquer une trépignée dans le gîte, administrer une volée soignée.

France, 1907 : Correction, volée de coups.

Il n’est bruit sur les planches de Trouville et dans le monde qui s’amuse que de l’énorme trépignée que la comtesse de X… vient d’administrer à Blanche D…, une blonde fort jolie, qui a reçu pendant longtemps à draps ouverts la noblesse espagnole.
Les chignons ont volé au plafond, les dentelles Jésurum ont été déchirées, les boucles d’oreilles ont été arrachées avec du sang.
Il n’a manqué qu’une chose à cette petite fête, c’est la fessée qu’une grande artiste administra un jour, à Bordeaux, à une cocotte devenue aujourd’hui une mondaine très huppée.
N’empêche que cette lutte à mains plates entre une demi-mondaine en vue et une comtesse authentique pour un jeune guerluchon constitue un des côtés intéressants de la grande semaine de Trouville.

(Gil Blas)

Trépigner

Larchey, 1865 : Battre. — Mot à mot : trépigner sur le corps. — Trépignée : Rossée.

Delvau, 1866 : v. a. Accabler de coups.

Hayard, 1907 : Battre.

Trepp

Rossignol, 1901 : Rassemblement de monde. À l’arrivée du commandant Marchand, il y avait du trepp à la gare. Dans un café, où il y a beaucoup de clients, il y a du trepp.

Treppe

Delvau, 1866 : s. m. Peuple ; foule, — dans l’argot des voleurs. S’esbattre dans le treppe. Se mêler à la foule. J’ai bien envie de faire descendre ce mot du grec τρέπω (tourner, s’agiter en désordre comme fait la foule).

La Rue, 1894 : Peuple, foule. Troupe.

Hayard, 1907 : Foule, public.

Treps

France, 1907 : Le public, déformation de trêpe.

Trésor (le père)

Merlin, 1888 : Le trésorier.

Tresse

La Rue, 1894 : Cœur.

France, 1907 : Cœur, abréviation de tressaille ; argot des voleurs.

Tresser de la lisière

France, 1907 : Être détenu dans une maison centrale ; allusion aux chaussons de lisière que font les prisonniers.

Tresser des chaussons de lisières

Virmaître, 1894 : Occupation des prisonniers dans les maisons centrales.
— À tresser des chaussons de lisières pendant dix berges, j’ai affuré quatre sigues ! (Argot des voleurs).

Trestous

France, 1907 : Tous ; vieux mot.

Mais Pantagruel s’escria à haulte voix, comme si ce eust esté le son d’un double canon, disant : « Paix de par le diable, paix : par Dieu, coquins, si vous me tabustez ici, je vous couperai la teste à trestous. » À la quelle parole, ils demouroient touts éstonnés comme canes, et ne osoient seulement toussir.

(Rabelais)

Pour afin d’éclaircir l’affaire,
L’guet les mène trétous cheux l’commissaire,
Qui condamne l’jeune garçon
D’aller faire un tour en prison.

(Vadé)

Tréton

France, 1907 : Rat : vieil argot, déformation de trottant ou diminutif de trotteur.

Trétous

France, 1907 : Tous ; vieux mot.

Queu qui veut savoir l’histoire
De Manon Giroux ?
J’l’ons encore dans la mémoire,
Y accourez trétous.

(Vadé, La Pipe cassée)

On disait aussi tertous.

Un jour que j’mènions paître
Mes moutons dans les champs,
Je rencontris Toinette
Qui filait en chantant ;
J’lui lançons une œillade,
All' me la r’lance itou :
Qu' l’amour est agréable
Quand on s’entend tertous.

(Les Amoureux de village)

Triage

Vidocq, 1837 : adv. — Une fois.

Trial

France, 1907 : Chanteur comique, dans l’argot théâtral.

C’est le nom d’une famille d’artistes composée de trois frères dont l’un, mort en 1771, fut directeur de l’Académie royale de musique et un autre joua les niais et les paysans à l’Opéra-Comique de 1764 à 1795. Il se tua pour échapper aux quolibets du parterre qui lui reprochait d’avoir fait partie du comité révolutionnaire en 1793.

(Intermédiaire)

Triangle

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des francs-maçons.

Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot des rapins, qui se rappellent leurs principes de dessin, s’ils oublient ceux de la bienséance. Clapoter du triangle. Avoir l’haleine homicide.

France, 1907 : Bouche ; argot des artistes. Clapoter du triangle, avoir mauvaise haleine ; synonyme de trouillotter du goulot.

France, 1907 : Chapeau ; argot des francs-maçons. Allusion à l’ancienne forme des chapeaux dits à trois cornes.

Triau

Delvau, 1866 : s. m. Ennui, trimage, — dans l’argot des ouvriers.

Tribade

Delvau, 1864 : Mot grec (τριβάς) signifiant une femme qui abuse de son sexe avec une autre femme.

Les tribades s’adonnent à d’autres femmes ainsi que les hommes mêmes.

(Brantôme)

Tribades, mes amours,
Sacrifions toujours
Dans ce temple où Venus
Garde pour nous ses trésors inconnus.

(J. Duflot)

Tribadie : amour d’une femme pour une autre, très répandu dans les pensionnats de jeunes filles et dans les couvents de femmes.

(Comtesse De N*)

Dans cette Grèce aujourd’hui qu’on renomme
Que faisiez-vous, vierges du Parthénon ?
Que faisiez-vous, ô vestales de Rome ?
Vous tribadiez en l’honneur d’Apollon.

(J. Duflot)

Tribouiller

Delvau, 1866 : v. n. Tressaillir, sauter d’aise, remuer de joie. Argot du peuple.

Triboulet

d’Hautel, 1808 : Servir de triboulet. C’est-à-dire, de bardeau ; être le jouet de la société.

Delvau, 1866 : s. m. Homme grotesque, servant de jouet aux autres, — en souvenir du fou de Louis XII et de François Ier.

Tribu

France, 1907 : Soldats réunis par groupe de huit à douze qui mangent ensemble en campagne on aux grandes manœuvres et dont chacun doit prêter son concours au bien-être commun. L’un va chercher du bois, un deuxième de l’eau, un troisiène des vivres, etc. On dit aussi dans le même sens smala.

Tribun

France, 1907 : Employé aux factures dans une maison de commerce, appelé ainsi parce qu’il est placé sur une sorte de tribune.

Tribunalier

France, 1907 : Journaliste chargé de la gazette des tribunaux.

Un procès dont les tribunaliers des journaux parisiens n’ont pas soufflé mot.

(Gil Blas, 1887)

Tribut

d’Hautel, 1808 : Payer le tribut à la mer. Pour dire, vomir.

Tribut de Zamora

France, 1907 : Tribut de vierges ; allusion au tribut de cent jeunes filles que la ville de Zamora (Espagne) devait payer annuellement aux conquérants maures.

Le baron S… est un riche financier. qui se refuse peu de satisfactions. Sa passion favorite est de n’exploiter que les forêts vierges ; il faut que, chaque année, Paris lui paye le tribut de Zamora. On voit, presque tous les jours, à une heure matinale, entrer discretement chez lui une matrone qui lui parle tout bas. Le baron sourit, écoute la description qui lui est faite par « l’affreuse compagnonne », et, finalement, indique l’heure d’un rendez-vous dans sa petite maison.

(Aurélien Scholl, Gil Blas)

Tric

France, 1907 : Signe que se font entre eux les ouvriers typographes pour s’esquiver de l’atelier et aller chez le marchand de vin.

Tric-trac

La Rue, 1894 : Grime.

France, 1907 : Crime. Manigancer un tric-trac, préparer un crime ; argot des malfaiteurs.

Tricard

La Rue, 1894 : Homme en rupture de ban. Il a cassé sa canne ou sa trique.

France, 1907 : Individu en rupture de ban. Voir Trique.

Mais voilà, lui, a fait des bètises en rentrant du service, une condamnation, puis deux… Bref, il est tricard, et il bibelote à la frontière.

(Jean Lorrain)

Trichard

d’Hautel, 1808 : Pour tricheur ; celui qui trompe au jeu ; qui ne joue pas loyalement.

Delvau, 1866 : adj. et s. Tricheur.

Virmaître, 1894 : Tricheur. Voler au jeu (Argot du peuple).

Tricher

Delvau, 1864 : Forcer, par un habile coup de cul, le membre de l’homme à se retirer au moment où il va décharger son sperme, pour ne pas s’exposer à faire d’enfants, — ce qui est peut-être prudent, mais, en tout cas, malhonnête, volant qui triche.

Pour nous, femmes sages,
Hors de nos ménages,
Il faut jouir peu
Ou tricher au jeu.
Tricher ! quelle gêne !
On conçoit sans peine,
Quand on est expert,
Tout ce qu’on y perd.

(Béranger)

Delvau, 1866 : v. a. Moucher la chandelle, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Suivre l’école matrimoniale de Malthus.

La Rue, 1894 : Suivre la doctrine de Malthus.

Virmaître, 1894 : V. Gêné.

France, 1907 : Éviter d’augmenter la race des bâtards d’Adam ; autrement dit, déposer sa farine à la porte du moulin, sage précaution en ces temps de misère.

Tricherie

d’Hautel, 1808 : Tromperie, fourberie.
La tricherie revient toujours à son maître. Se dit d’un fourbe qui se prend dans ses propres filets.

Trichine

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, naturellement mêlée à toutes les cochonneries sociales, et qui peut empoisonner les imprudents qui la consomment, la trouvant appétissante.

France, 1907 : Fille publique atteinte de syphilis.

Trichine dans le jambonneau

France, 1907 : Commencement de folie.

Trichiner

France, 1907 : Manger du porc ; expression populaire mise en cours depuis que l’on sait que nombre de porcs sont atteints de cette terrible maladie.

Trichiner (se)

Delvau, 1866 : Déjeuner avec de la charcuterie. L’expression est de l’année 1866, qui datera dans les fastes de la peur par l’invention des trichines que certains médecins allemands — ou iroquois — affirment être par milliers dans la viande de porc. Les jambons sont tombés en discrédit !

Tricoche et cacolet (agence)

France, 1907 : Officine interlope de renseignements ; police secrète privée à l’usage des maris qui cherchent à surprendre leur femme en flagrant délit d’adultère et de femmes trompées qui veulent tirer vengeance de leurs rivales et de leur perfide amant ou époux : elle est à l’usage aussi de tous ceux qui cherchent à pêcher en eau trouble, à fouiller occultement la vie intime des gens, soit par vengeance, soit pour faire du chantage. Ce nom vient d’une pièce célèbre d’Émile Augier, Le Gendre de M. Poirier.

Toutes les agences Tricoche et Cacolet sont fondées sur ce commode système. Elles pullulent. Il n’est clerc chassé d’étude, huissier rayé, avocat sans robe qui n’en fonde en son quartier. « Contentieux, divorces, enquêtes et surveillances, discrétion. » À la bonne heure. La petite Poirier peut s’enquérir de la vie menée par le marquis de Presles. L’agence Tricoche l’informera, minute par minute, et sa discrétion sera presque absolue. Car elle n’aura mis qu’un personne dans la confidence : c’est le marquis de Presles lui-même. Il « casquera », il rédigera l’« emploi du temps » qu’on communiquera à Madame, Tricoche s’engraisse. La petite Poirier est dupée et escroquée. Tant mieux ! Elle paye sa vilenie et sa naïveté.

(Lucien Muhlfeld)

Tricorne

France, 1907 : Gendarme, à cause de la coiffure. Porter le tricorne en Sambre-et-Meuse, porter la coiffure sur l’oreille, à l’instar du célèbre bataillon de ce nom.

En tête marchaient cinq ou six élèves de l’École polytechnique, tricorne en Sambre-et-Meuse et l’épée à la main. Derrière eux, on portait en triomphe une femme en habits d’homme, ceinture rouge et pantalon collant, une héroïne de barricade que cette foule hurlante voulait présenter à mon père et qu’il fut obligé de recevoir. Cette scène me fit une impression de dégoût.

(Prince de Joinville)

Tricoter

d’Hautel, 1808 : Tricoter quelqu’un. Lui donner la bastonnade ; l’étriller d’une rude manière.
Tricoter. Marcher précipitamment et à petits pas.

Larchey, 1865 : Battre. — Du vieux mot Tricote : gros bâton. V. Roquefort.

Prends vite un bâton ; Tricote cet homme sans cœur.

(Chanson carnavalesque, 1851, impr. Chassaignon)

Larchey, 1865 : Danser. — Comparaison du jeu des jambes à celui des aiguilles.

Delvau, 1866 : v. a. Battre. On dit aussi Tricoter les côtes.

Delvau, 1866 : v. n. Danser.

France, 1907 : Marcher d’un pas mal assuré, comme un homme ivre ; et par ampliation faire des zigzags, aller d’un côté du trottoir à l’autre.

Qu’il fasse la rue en tricotant, c’est-à-dire en allant successivement des numéros pairs aux numéros impairs, ou qu’il la desserve en impasse, ce qui s’entend d’une distribution commencée par un côté et terminée par l’autre, il ne peut tarder à trouver un obstacle.

(J. Hilpert, Le Facteur de la poste aux lettres)

Tricoter des fesses

Delvau, 1864 : Les remuer vivement dans l’acte vénérien, pour mieux, jouir ou pour mieux faire jouir l’homme.

Tricoter des flûtes, les pincettes

France, 1907 : Se sauver ; danser. Argot populaire.

Tricoter des jambes

Delvau, 1866 : v. n. Courir.

Rigaud, 1881 : Danser ; se sauver.

La Rue, 1894 : Danser. Se sauver.

France, 1907 : Marcher.

Est-ce que l’ouvrier ou le paysan a le temps de se bercer de chimères ?… Non, il travaille, il peine, il sue ; puis il mange et dort… Les complications morales sont nées chez les peuples indolents, les riches, les inoccupés, les immobiles. Bûchez de vos mains, tricotez de vos jambes, ça vous dégagera l’esprit.

(Maurice Montégut, La Fraude)

Tricoter des pincettes

Rossignol, 1901 : Danser.

Tricoter la peau d’âne

France, 1907 : Battre du tambour.

Tricoter les côtes

Hayard, 1907 : Battre.

France, 1907 : Battre. Aiguille à tricoter les côtes, sabre, épée. « Comment se fait-il que tu sois si ferré à glace sur les aiguilles à tricoter les côtes ? »

(Dubois de Gennes)

Tricoteuse

France, 1907 : Joueuse à la Bourse et qui reste assise aux alentours en attendant les résultats. Quelques-unes tricotent pour ne pas perdre leur temps.

Tricoteuses (les)

France, 1907 : On désignait sous ce nom, pendant la Révolution de 1789, les femmes qui s’occupaient de politique et qui prenaient part à l’agitation de la rue. Elles assistaient aux assemblées et aux exécutions en tricotant. Les royalistes les qualifient de « furies de la Révolution ».

Trie

Rigaud, 1881 : Réunion, — dans l’ancien argot. — Faire le trie, déserter, à un signal donné, l’atelier, pour aller prendre des forces chez le marchand de vin, — dans le jargon des typographes. L’expression date de 1764.

Trier

d’Hautel, 1808 : Ce sont des gens triés sur le volet. Pour dire, distingués, qui ont été choisis avec soin, par allusion aux graines que l’on met sur une table, pour en retirer les meilleures.

Trieuse à la surface

France, 1907 : Femme employée à la surface des mines, qui sépare des morceaux de houille sortis du puits les pierres qui s’y trouvent mêlées.

Trifaille

La Rue, 1894 : Enfant.

Triffois ou tuffre

Halbert, 1849 : Tabac.

Triffonnière

Vidocq, 1837 : s. f. — Tabatière.

Rigaud, 1881 : Tabatière.

France, 1907 : Tabatière ; argot des voleurs.

Trifois

France, 1907 : Tabac ; argot des voleurs.

Trifoisière

France, 1907 : Tabatière ; argot des voleurs.

Trifouillard

France, 1907 : Roublard, intrigant ; individu quelconque sans talent ni mérite, faisant partie de la foule, la trifouillée. Argot populaire.

En réalité, nous ne savons plus où donne de la statue. Le plus pauvre carrefour a son grand homme. Cette cité de vie, avec ses marbres et ses bronzés dressés, évoque le Campo Santo de Gênes, et ce n’est pas une des moindres curiosités de ce temps prompt aux démolitions que cette rage d’immortaliser. Je ne la trouve pas en elle-même déplaisante, et ce Panthéon de la rue, cet hommage ainsi rendu à ceux qui nous firent grands, ou seulement de condion moins misérable, n’est pas sans charme pour le passant en qui il provoque l’idée. Par malheur, d’un zèle si vif ce ne sont pas les plus dignes qui profitent d’abord, mais beaucoup de trifouillards.

(Alexandre Hepp)

Trifouillée

Virmaître, 1894 : Remuer, chercher en bousculant tout. A. D. Trifouillée, c’est trois fois fouiller, mais le peuple ne donne pas ce sens à cette expression. Trifouillée veut dire battre.
— Je vais te coller une trifouillée en cinq sec (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Foule, tas ; grand nombre de personnes ou de choses. Argot populaire.

Bougre d’andouille, que j’y fais, tu ne vois donc pas que tous les bouffe-galette de l’Aquarium se foutent de vous ! Vous attendrez bougrement des années avant qu’ils votent nos lois ; et en admettant qu’ils les votent demain, tu ne vois donc pas qu’il y a dans les administraces une trifouillée d’employés qui n’entendent pas de celle oreille ? Même votée à l’Aquarium, à la Charcuterie Sénatoriale, partout, nom de dieu, ta loi sur les huit heures ne sera pas appliquée, parce que les ronds-de-cuir ne veulent pas.

(Le Père Peinard)

Trifouiller

d’Hautel, 1808 : Pour, farfouiller, brouiller, fouiller avec désordre, et indiscrètement.

Delvau, 1866 : v. n. Remuer, chercher en bousculant tout.

Rigaud, 1881 : Fouiller partout, embrouiller, mettre tout sens dessus dessous en cherchant un objet.

France, 1907 : Fouiller, chercher. Trifouiller les guiches, peigner. Expression populaire.

Trifouilleur

Rigaud, 1881 : Brouillon, sans ordre.

France, 1907 : Brouillon, individu fourrant son nez partout.

Trifouillon

d’Hautel, 1808 : Brouillon, qui met tout en désordre, en cherchant quelque chose ; chercheur indiscret, investigateur.

Trigaud

d’Hautel, 1808 : Chicanier, chipotier, barguigneur, qui ne va pas droit au but ; fourbe, coquin, fripon.

Trigo

France, 1907 : Abréviation écolière de trigonométrie.

Trimancher

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Cheminer, marcher.

Rigaud, 1881 : Marcher, courir par la ville. Variante de trimer. (L. Larchey)

Virmaître, 1894 : Marcher. Même signification que trimarder (Argot du peuple).

France, 1907 : Marcher, cheminer, arpenter la route ; argot des vagabonds.

Trimancher, trimarder, trimer

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Marcher, cheminer.

Trimar

Clémens, 1840 : Grand chemin.

Larchey, 1865 : Grande route, où triment les voyageurs. V. Butter.

Travailler sur le grand trimar, c’est voler sur le grand chemin.

(Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830, in-8)

Trime : Rue. — Trimin : Chemin.

Sur mon trimin rencontre Un pègre de quartier.

(Vidocq)

Diminutif de Trimar. Faire son trimar se dit des filles qui se promènent la nuit pour raccrocher. V. paillasson.

Delvau, 1866 : s. m. Chemin. — dans l’argot des voleurs, qui y triment souvent en attendant leurs victimes. Grand trimar. Grande route. On dit aussi Grande tire.

Rigaud, 1881 : Éventaire ; balle de marchand ambulant, boutique de marchand forain.

La Rue, 1894 : Chemin, rue. Eventaire. Balle. Grand trimar, grande route.

France, 1907 : Éventaire.

Trimar (aller au)

Rigaud, 1881 : Sortir pour voler sur la voie publique, — dans le jargon des voleurs.

Trimar (faire son)

Delvau, 1866 : Raccrocher, — dans l’argot des filles.

Trimar (patiner le)

Rigaud, 1881 : Raccrocher, — dans l’argot des filles.

Trimar, grand trimar

Rigaud, 1881 : Route, voie publique, — dans le jargon des voleurs, qui disent également : Trime et grande tire.

Trimar, trimard

France, 1907 : Route, chemin. Aller sur le trimard, voyager. Travailler sur le grand trimard, dévaliser, voler sur les grands chemins ; argot des voleurs et des vagabonds, du verbe trimer, marcher beaucoup avec fatigue.

Moi, j’suis pas né faubourg Germain
(En v’là d’un quartier que j’détesse),
Sans m’la fouler j’vas mon p’tit ch’min
Comm’ l’empoyé d’la p’tit’ vitesse :
Tous les soirs j’descends sur l’trimard
Ma marmit’, pour qu’alle y turbine,
Et, pendant qu’la goss’ fait son quart,
J’m’en vas m’envoyer eun’ chopine.

(É. Blédort)

Trimard

Ansiaume, 1821 : Chemin.

Dans la sorgue de la fourmillante sur le trimard.

anon., 1827 : Chemin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chemin. Faire suer le chêne sur le grand trimard, assassiner sur la grande route.

Bras-de-Fer, 1829 : Chemin.

Vidocq, 1837 : s. m. — Chemin.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Halbert, 1849 : Chemin.

Virmaître, 1894 : Chemin. Grand trimard : grande route (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Chemin, route. Un ouvrier qui va de ville en ville chercher du travail, va sur le trimard.

Hayard, 1907 : Chemin.

Trimard (grand)

Ansiaume, 1821 : Grande route.

Mon phlanchet, mot, c’est sur le grand trimard.

Trimard (sur le)

anon., 1907 : En campagne.

Trimardant

France, 1907 : Voyageur ; argot des vagabonds.

Trimarde

un détenu, 1846 : Rue.

Delvau, 1866 : s. f. Rue. On dit aussi Trime.

France, 1907 : Rue.

Trimarder

Delvau, 1866 : Voyager.

Rigaud, 1881 : Marcher.

Virmaître, 1894 : Voyager. Quand un apprenti a appris son état, pour se former, il fait son tour de France. Il trimarde, mais en travaillant. Mot à mot : parcourir les grandes routes. Ceux qui trimardent ne sont autre chose que des vagabonds ; ils ont une profession, mais ne travaillent jamais. Cette profession leur sert pour mendier. Le truc est des plus simples : Le trimardeur, supposons le compositeur typographe, entre dans un atelier avec la quasi-certitude qu’il ne sera pas embauché, c’est ce qu’il souhaite. Il demande mèche ; on lui répond qu’il n’y a pas de place vacante, alors il lâche son boniment :
— Il vient de loin, de Paris ; il a été malade en chemin, il est dans la plus affreuse misère, il sollicite la permission de faire la quête. Le patron donne, les compagnons donnent aussi ; ils savent bien que c’est un fainéant, mais les typos ont bon cœur, ils préfèrent être volés dix fois que d’en refuser une à une misère véritable.
Avec ce métier, les trimardeurs sont les gens les plus heureux du monde (Argot d’imprimerie). N.

Hayard, 1907 : Voyager à pied.

France, 1907 : Voyager, marcher sur les routes.

Que je dise aux aminches une histoire que j’ai entendue dans les montagnes de l’Auvergne, au temps où je trimaridais :
En ce temps-là, y avait entre le village en question et la ville, à un endroit tout à fait désert appelé « les Foulanges »,un voleur à la coule, qui foutait le trac aux richards…

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Depuis bien longtemps je trimarde,
Je suis le petit camelot ;
La liberté pour camarade,
Je vais portant mon bibelot.
Le ciel pour plafond sur la tête,
Je marche au rythme de la fête.
Allons, mesdames, en avant
Pour entendre le boniment.

(Chanson des Mercadots)

Trimarder, trimancher

La Rue, 1894 : Marcher. Voyager.

Trimarder, trimer

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Cheminer, marcher.

Trimardeur

Fustier, 1889 : Voleur de grand chemin. (V. Delvau : Trimar.)

Rossignol, 1901 : Celui qui voyage sur les routes. Celui qui travaille beaucoup est aussi un trimardeur.

France, 1907 : Nomade, vagabond, individu qui marche sur les routes, qui arpente le trimard. Argot populaire.

À côté du premier anarchiste qui est un théoricien pur (Satan), nous voyons apparaître le premier magistrat bourgeois. Le créateur punit sans pitié sa créature pour une pomme volée ! Il condamne l’homme au labeur sans espoir — les travaux forcés à perpétuité, — la femme à l’esclavage, à l’enfantement dans la douleur. Il les chasse, il les exproprie, il requiert la force armée pour les expulser. Regardez Adam fuyant par le monde, nu, sans défense, terrifié sous le glaive flamboyant de l’archange, c’est le premier trimardeur. Il porte l’anarchie en lui à travers l’humanité.

(Flor O’Squarr, Les Coulisses de l’anarchie)

Je sais bien que d’être empereur
Ou seulement roi de Hollande
Ça rapporte plus qu’d’être trimardeur
Ou que d’faire de la contrebande,
Mais c’est égal, j’crois que les pauvres vieux
N’sont plus tout à fait à leur aise
Et que d’puis le p’tit père Louis XVI
C’est un métier qu’est rien dangereux.

(J.-B. Clément)

Trimardeuse

Virmaître, 1894 : Fille publique qui fait le trottoir. L’asphalte n’est pas la grande route, on l’appelle néanmoins le trimard parce que la fille y trime (Argot des souteneurs).

Trimare

d’Hautel, 1808 : Le grand trimare. Terme d’argot, qui signifie le grand chemin.

Trimart

un détenu, 1846 : Chemin.

Trimbalage

France, 1907 : Transport, chargement ; argot populaire.

Trimbalage de refroidis

France, 1907 : Enterrement ; argot faubourien.

Trimbalée

France, 1907 : Quantité.

Trimbaler

Clémens, 1840 : Transférer.

Rigaud, 1881 : Marcher en portant un fardeau, transporter.

France, 1907 : Conduire.

— Tu n’es pas contente ?
— Contente de quoi ?
— Mais d’avoir marié ta fille. C’est quelque chose, ça ! On dirait… ma parole ! Tu geignait cependant assez de la trimbaler de soirée en soirée, de concert en concert… Tu disais en rentrant : Pourvu que cette fois-ci ça y soit, mon Dieu ! Ah ! que j’en ai assez de m’habiller, de me serrer, de me coucher à des quatre heures du matin ! Eh bien ! ma bonne, tu ne te serreras plus, tu ne te coucheras plus à quatre heures, mais à huit heures, si tu veux. Ta fille est mariée. Ça y est !

(J. Marni)

France, 1907 : Transporter, porter avec soi.

Cependant, dans nos courses vagabondes, nous rencontrions parfois un certain vieux, Canadien français, assez bien connu dans les prairies, avec qui nous troquions des peaux de buffles contre de vieux mousquets à pierre, du plomb, de la poudre, des verroteries, des couvertures, des couteaux, enfin tout ce qu’il trimbalait qui pût nous convenir.

(Hector France, Chez les Indiens)

Trimbaler son cadavre

Rigaud, 1881 : Se promener. — Trimbaler son crampon, promener sa femme ou sa maîtresse légitime. — Trimbaler un pante, promener un provincial !

Trimbaleur

Rigaud, 1881 : Cocher ; charretier, camionneur.

France, 1907 : Individu sur lequel on ne peut compter, qui fait de vaines promesses qu’il sait ne pouvoir tenir, qui vous fait perdre votre temps, vous trimballe. Paris est plein de trimbaleurs.

Trimbaleur d’indigents

Rigaud, 1881 : Cocher d’omnibus.

Il y a d’abord la grande joie des « trimbaleurs d’indigents », autrement dit les cochers d’omnibus.

(Événement, du 3 octobre 1878)

Trimbaleur de machabées

Rigaud, 1881 : Cocher de corbillard. Désigné encore sous les noms de : Trimbaleur de conis, trimbaleur de refroidis, trimbaleur de carne pour la sèche.

Trimbaleur de piliers de boutanche

Rigaud, 1881 : Filou qui exploite les commis de magasin porteurs de paquets. Après avoir fait une acquisition qu’il doit payer à domicile contre livraison, le trimbaleur de piliers de boutanche se fait accompagner par un commis. Chemin faisant il saura, en usant de ruse, s’approprier la marchandise.

France, 1907 : Voleur qui exploite la crédulité des garçons de magasin.

Trimbaleur de refroidis

France, 1907 : Cocher de corbillard ; argot faubourien.

Trimbaleur de rouchies

France, 1907 : Souteneur ; argot faubourien.

Trimballage

Vidocq, 1837 : s. m. — Transport.

Rigaud, 1881 : Transport.

Trimballement

France, 1907 : Même signification que trimbalage.

Trimballer

d’Hautel, 1808 : Traîner partout quelque chose avec soi ; railler, berner quelqu’un.
Il me trimballe depuis long-temps. Pour, il me berce de vaines espérances, il se moque de moi.

Vidocq, 1837 : v. a. — Conduire, transporter.

Halbert, 1849 : Conduire.

Larchey, 1865 : Marcher. — Mot à mot : baller sur la trime : se remuer dans la rue. V. Momir.Trimballeur de coni, de refroidi : Croque-morts (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Promener quelqu’un, traîner quelque chose.

Delvau, 1866 : v. n. Se promener, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Conduire. Transférer d’une prison à une autre.

Trimballeur

Vidocq, 1837 : s. m. — Conducteur, porteur.

Delvau, 1866 : s. m. Cocher, — dans l’argot des voleurs. Trimballeur des refroidis. Cocher des pompes funèbres.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait aller son monde.

Trimballeur de conis

Vidocq, 1837 : s. m. — Cocher de corbillard, croque-morts.

Trimballeur de pilier de boutanche

Vidocq, 1837 : s. m. — Emporteur de commis de boutique ou de magasin.
Un individu entre dans la boutique d’un marchand : d’un marchand bonnetier, par exemple ; il examine, si cela lui est possible, des bas de soie de la première qualité, et il a le soin de se graver dans la mémoire la marque d’un ou de deux paquets, cela fait, il achète quelques paires de bas moyennant une somme de 50 à 60 francs, et comme il n’a pas assez d’argent sur lui pour payer, il prie le marchand de faire porter chez lui ce qu’il vient d’acheter, et donne son adresse ; mais il se ravise, et dit au commis qui doit être chargé de la commission : « Ma foi, nous irons ensemble. » Et, en effet, il part accompagné du commis. Le tiers du chemin est à peine fait, lorsque le filou dit à son compagnon : « J’ai un mot à dire à une personne qui demeure ici près, allez devant, je vous aurai bientôt rattrapé. » Le commis, toujours porteur de son paquet de bas, continue sa route, et le filou retourne au plus vite chez le bonnetier, il lui dit qu’il vient de la part du commis chercher les paquets marqués A. Z. et D. H. L’indication si précise d’une marque qu’il croit n’être connue que de lui seul, empêche le marchand de penser qu’il est aux onze et douzièmes volé, il remet au Trimballeur ce qu’il demande, et ce n’est que lorsque son commis, qui n’a trouvé personne à l’adresse indiquée, revient au magasin, qu’il sait qu’il a été volé.
D’autres Trimballeurs, suivis d’un commissionnaire qui plié sous le poids d’une malle qui ne contient que des pierres et de la paille, viennent se loger dans un hôtel de belle apparence, et paient une quinzaine ou un mois d’avance. Après quelques jours de résidence dans l’hôtel, l’un des Trimballeurs se rend chez une lingère famée commander soit un trousseau de mariée, soit celui d’un homme du grand monde ; il désire être servi de suite, car il doit suivre, dit-il, un ambassadeur ou tout autre grand personnage. Lorsqu’enfin sa commande est prête, il donne l’ordre d’apporter le tout chez lui le lendemain matin ; il marchande ensuite quelques objets, mais le prix ne lui convient pas.
Le lendemain, les objets composant le trousseau sont portés chez le Trimballeur par une demoiselle de boutique, et comme le fripon a promis d’être généreux et de donner pour les rubans, elle est toute disposée à lui accorder la plus grande confiance. Lorsqu’elle arrive, elle trouve le fripon couché, il est indisposé. Il prie la jeune fille de laisser le paquet qu’elle apporte, et d’aller au plus vite chercher ce qu’il a marchandé la veille. Elle s’empresse d’obéir, et elle est à peine au bas de l’escalier, que le malade est déjà sorti de son lit ; il n’est pas nécessaire de dire qu’il était couché tout habillé. Il prend le paquet, un cabriolet prévenu de la veille l’attend au coin d’une rue des environs, il fouette les chevaux et disparait comme l’éclair.
Les fripons qui procèdent de cette manière n’attaquent pas seulement des lingères, des bijoutiers, des horlogers, des tailleurs surtout sont souvent leurs dupes.
Il ne faut donc jamais laisser les marchandises que l’on apporte chez des individus qui logent en garni, lorsqu’on n’a pas l’honneur de les connaître, quand bien même on apercevrait sur une table ou sur un sommo de l’or ou des billets de banque.
En 1843, un individu récemment libéré commit plus de cinquante vols semblables à ceux que je viens de signaler, sans cependant se laisser prendre. Après l’avoir cherché longtemps, je parvins enfin à le découvrir dans la rue du Dauphin, au moment d’une exécution. Il fut condamné à dix années de réclusion, mais il trouva les moyens de mettre en défaut la surveillance d’un bon gendarme chargé de le conduire à Clairvaux, et depuis, on n’en n’a plus entendu parler.

Trimballeur de refroidis

Virmaître, 1894 : Le cocher qui conduit les corbillards.
— Ce qui m’emmerde, quand je serai refroidi, c’est d’être trimballé par l’omnibus à coni (Argot des voleurs).

Trimballeur de rouchies

Fustier, 1889 : Souteneur.

Trimcle

Vidocq, 1837 : s. m. — Fils.

Trime

Vidocq, 1837 : s. f. — Rue.

France, 1907 : Rue ; argot des voleurs.

— Nous ne rencontrerons pas seulement un ferlampier sur la trime.

(Vidocq)

En trime, partons, en route. Voir Trimar.

Trime, trimin

Rigaud, 1881 : Rue.

Trimelet

Ansiaume, 1821 : Fil à coudre.

Donnes-moi du trimelet pour attacher un rondin.

Clémens, 1840 / La Rue, 1894 : Fil à coudre.

France, 1907 : Fil ; argot des voleurs.

Trimer

d’Hautel, 1808 : Pour dire travailler péniblement ; faire beaucoup de chemin à pied.

Vidocq, 1837 : v. a. — Marcher.

Halbert, 1849 : Marcher.

Delvau, 1866 : v. a. Aller ou venir inutilement ; se morfondre dans l’attente. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Marcher pour placer de la marchandise.

La Rue, 1894 : Marcher. Se donner de la peine, travailler dur. Raccrocher dans la rue.

Virmaître, 1894 : Aller et venir inutilement, se morfondre. A. D. De trimer on a fait trimard, raccrocher, c’est-à-dire travailler, c’est le vrai sens du mot.
— Je trime d’un bout de l’année à l’autre pour élever mes gosses, et je n’en suis pas plus avancé.
Trimer veut dire travailler péniblement (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Travailler.

Il faut trimer ferme pour élever sa famille.

Hayard, 1907 : Travailler.

France, 1907 : Travailler dur, peiner.

Un paria dans la société moderne, l’employé ! Tout conspire contre lui. Tout se ligue pour l’excéder. Contre lui tout devient arme. Il est victime de l’ordre social, des institutions, des mœurs, de la condition du travail, de l’abondance des demandes d’emplois, de la rareté des offres, de la concurrence famélique de ses congénères, de la cherté des vivres, de l’iniquité de l’impôt. Ouvrier sans métier, travailleur sans outils, il peine et trime devant un établi installé en face d’un étau mouvant. Il végète sur sa chaise romme l’oiseau sur la branche, Au premier coup de vent tout se casse sous lui, et il n’a pas d’ailes comme l’oiseau pour s’envoler plus loin chercher une branche plus solide, en sifflant sa chanson pour narguer le vent mauvais.
Comme l’esclave antique, l’employé a un patron plus impitoyable et plus exigeant que le patricien romain. Il n’a pas la vie animale assurée comme les noirs qui, dans le Sud américain, étaient naguère encore attachés à la plantation. C’est un animal domestique qui jamais ne cherche à briser sa laisse. Il n’a qu’une seule angoisse : devenir libre. Ça se traduit en effet pour lui, la liberté, par ce mot terrible : famine. Il faut qu’il demeure enchaîné pour brouter. Encore le maître s’occupe-t-il peu de savoir si sa mangeoire est remplie tous les matins.

(Edmond Lepelletier)

Y’en a qui, cherchant d’la besogne,
Prient le ciel de n’pas en trouver,
Soyons just’ ! Pour rougir sa trogne,
Y faut commencer par trimer.

(Marc Anfossi)

Trimer (faire)

Delvau, 1866 : v. a. Se moquer des gens en les faisant poser, — dans l’argot de Breda-Street.

Trimer à l’œil

France, 1907 : Travailler pour rien. Synonyme de travailler pour de roi de Prusse ; locution populaire.

Alors, j’tâtai d’la merc’rie,
J’entrai dans un’ maison d’deuil,
J’fis des plum’s, d’la pass’ment’rie,
Mais toujours j’trimais à l’œil !
Et maman, m’gardant pour compte,
M’criait du soir au matin :
« De la famill t’es la honte…
Tu n’sais pas gagner ton pain ! »

(Georges Gillet)

Trimer les mathurins (faire)

Rigaud, 1881 : Manger ; c’est-à-dire faire travailler les dents.

Trimestre (régler le trimestre à quelqu’un)

Merlin, 1888 : Lui flanquer une pile.

Trimin

France, 1907 : Chemin ; argot des voleurs. Voir Trimar.

Sur mon trimin rencontre
Un pègre du quartier.

(Vidocq)

Trimmer

Delvau, 1866 : v. n. Écrire comme Léo Lespès, — dans l’argot des gens de lettres, jaloux du succès inouï de Timothée Trimm, chroniqueur du Petit Journal. Quelques-uns disent aussi Thimothéetrimmer.

Trimoire

Halbert, 1849 : Jambe.

Trimoires

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les jambes, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Jambes, — dans le jargon des porte-balles et des marchands ambulants.

La Rue, 1894 : Les jambes.

France, 1907 : Les jambes ; argot populaire.

Trimourti

France, 1907 : Trinité indoue, origine de la fable de la Trinité chrétienne.

S’il y a, dans l’Inde, beaucoup de petits dieux, on n’en compte guère que trois grands, qui forment, comme dans notre religion chrétienne, une trinité. Cette trinité-là s’appelle trimourti et l’on donne à chacun des personnages d’essence divine qui la composent les noms de Brahma, Vichnou et Siva.

(Eugène Clisson)

Tringhalle

France, 1907 : Buvette, littéralement salle à boire.

Tringle

d’Hautel, 1808 : Une grande tringle. Terme injurieux et de mépris ; pour dire, fille de grande stature et d’une mauvaise tenue ; une déhanchée.

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

Hayard, 1907 : Rien.

France, 1907 : Rien ; argot faubourien.

Tringle !

Delvau, 1866 : adv. Rien, non, zéro, — dans l’argot des voyous.

Tringlette

France, 1907 : Rien. Trouver tringlette, ne rien trouver.

Tringlo

Delvau, 1866 : s. m. Soldat du train, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Soldat du train des équipages militaires.

O muse ! raconte-nous la grandeur héroïque
De cet humble soldat, qui brandissant sa trique,
Monté sur un mulet, cheminant pas à pas,
Arrose les lauriers… mais ne les cueille pas.

(A. Camus)

Tringlos

Larchey, 1865 : Soldat du train. — Diminutif de train.

Ce que les tringlos, soldats du train des équipages militaires, ne pourront nous apporter.

(A. Camus)

Tringlot

Merlin, 1888 : Soldat du train.

France, 1907 : Soldat du train des équipage militaires.

Afin de fair’ la lumière
Sur la mort du p’tit tringlot,
On envoyait au dépôt
Tout’ la bande de rastaquouères
Et bientôt tous ces fripons
Iront peupler les prisons.

(Ed. Momy, La complainte de Max Lebaudy)

Tringuelle

France, 1907 : Pourboire, de l’allemand trinken, boire, et geld, argent.

Trinkmann

France, 1907 : Marchand de vin ; argot populaire, germanisme.

Trinquant

France, 1907 : Voir Roué.

Trinqueballer

France, 1907 : Marcher çà et là, à droite et à gauche.

On aurait dit d’une bande de chasseurs qui ont trinqueballé sous la pluie à travers les chaumes et les labours, et, le soir, se chauffent avec des mines béates, se délectent de bavarder en fumant un bon cigare au coin du feu, d’avoir changé de souliers et de vêtements.

(Mora, Gil Blas)

Trinquefort (père)

France, 1907 : Sobriquet que les Lyonnais donnent au concierge ; la concierge est Madame Trinquefort. Voir Pipelet.

Trinquer

Fustier, 1889 : Ce verbe, qui, dans l’argot, a le sens propre de être battu, s’emploie aussi au figuré comme synonyme de : être malmené, être tancé.

Il faut que M. B… (qui a fortement trinqué dans cette séance) et les actionnaires résilient leurs baux.

(Intransigeant, sept. 1888)

La Rue, 1894 : Recevoir des coups. Être malmené.

Virmaître, 1894 : Boire en choquant son verre. Trinquer : recevoir une volée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Recevoir des coups ou des réprimandes.

Hayard, 1907 : Être battu.

France, 1907 : Être battu, recevoir des horions.

— Ah ! tu cherches à me prendre mon amant de cœur et tu viens me faire des propositions malhonnêtes !… Assez, charogne… Hors d’ici ou tu vas trinquer.

(Dubut de Laforest)

France, 1907 : Être l’innocente victime.

C’est presque toujours ainsi que ça se pratique dans les tueries : des pauvres diables qui ont laissé passer l’insurrection sans se mettre pour ou contre, sont choppés par les réacs et fusillés ou assommés sans pitié.
On a vu ça après la Commune ; si on pouvait faire le calcul, on trouverait que parmi les 35.000 victimes de la Semaine Sanglante, la moitié au moins étaient restés chez eux.
Cela prouve que c’est un mauvais calcul de s’abriter sous un bonnet de coton, en temps de guerre civile : on trinque quand même ! Et on n’a pas la satisfaction d’être escoffié pour quelque chose.

(Le Père Peinard)

C’matin, en r’venant d’la corvée
Comm’ j’croustillais mon biscuit,
V’là qu’tout à coup dans la chambrée
Rentre l’adjudant qui me dit :
« Ousqu’il est donc l’margis d’semaine ?
— J’sais pas, que j’réponds, mon leut’nant,
— Sais pas, m’ferez deux jours pour la peine. »
Y a pas, c’est moi que j’trinque tout l’temps.

(Th. Ailllaud)

France, 1907 : Payer pour les autres.

Des fois, je reçois un’ lettre chargée
Avec une pièce de trois francs ;
Alors faut voir á la chambrée
Les copains m’fair’ des boniments,
Pis à la cantine on m’entraîne,
On boit des schnicks, des mazagrans,
Et l’on m’dit : À la tienne, Étienne !
Et pis c’est moi qui trinque tout l’temps.

(Th. Aillaud)

France, 1907 : Perdre.

— Le trèfle gagne. Trop petit, bibi, t’as mal maquillé ton outil. V’là celle qui perd. J’ai trinqué, c’est pas gai. V’là celle qui gagne. La v’là encore. Du carreau, c’est pour ton veau. Du cœur, c’est pour ta sœur. Et v’là la noire !

(Jean Richepin)

Trinquer (faire)

Rigaud, 1881 : Battre, maltraiter, — dans le jargon des voleurs. — J’ai rien fait trinquer le gonse. — Je t’vas trinquer le godard à coups de sorlot.

Triomphe

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas chanter triomphe avant la victoire. Pour, il ne faut se réjouir d’une affaire, d’une chose, que lorsqu’elle a été couronnée du succès.

Rigaud, 1881 : « Le triomphe est une vieille coutume de Saint-Cyr, qui consiste à promener sur une prolonge d’artillerie les vainqueurs du jour (lors de l’inspection) tandis, que les élèves forment dans la cour une immense farandole et chantent le chœur légendaire de la Galette. » (Figaro, du 26 juillet 1877)

France, 1907 : Vieille coutume de Saint-Cyr qui consiste à promener sur une prolonge d’artillerie les vainqueurs du jour, lors de l’inspection générale. Les élèves suivent en formant une farandole et chantant la Galette.

Tripaille

Virmaître, 1894 : Enfant (Argot des voleurs). V. Loupiau. N.

Tripailles

France, 1907 : Mamelles flasques.

Tripasse

Delvau, 1866 : s. f. Vieille femme, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis longtemps, comme on peut en juger par les vers suivants :

Si elle estoit dure et poupine,
Voulentiers je la regardasse ;
Mais elle semble une tripasse
Pour quelque varlet de cuysine.

Rigaud, 1881 : Femme laide et d’un embonpoint excessif.

La Rue, 1894 : Femme grosse, vieille et laide.

Tripatouillage

France, 1907 : Retouche maladroite d’une œuvre.

France, 1907 : Tripotage, voleries ; néologisme mis en cours par Émile Bergerat. Voir Soireux.

Il fut compromis dans une affaire véreuse, quelque tripatouillage panamiste en petit, où ne furent englobés qu’une demi-douzaine de sénateurs et députés.

(Hector France, L’Outrage)

Tripatouiller

Fustier, 1889 : Manier maladroitement quelque chose ; mêler, embrouiller, rendre confus, tripoter. N’en déplaise à M. Bergerat qui a lancé ce verbe au commencement de cette année 1888, ce mot est un barbarisme, barbarisme voulu, je le veux bien, mais enfin barbarisme. Que ne se servait-il pour exprimer sa pensée, du mot touiller, inusité aujourd’hui, sauf dans le centre de la France, où il signifie crotter, salir. Touiller a ses quartiers de noblesse puisqu’au temps de Charles VII, c’est-à-dire au XVe siècle, on l’employait aux sens de salir et brouiller. Il y avait même le substantif touilleur, brouillon, qu’on trouve dans Cotgrave et qui est aujourd’hui remplacé par tripatouilleur. On a même inventé tripatouille et tripatouillage.

Il (M. Bergerat) a accusé M. Porel, directeur du théâtre de l’Odéon, d’avoir voulu tripatouiller dans sa comédie. Notez le verbe, il est pittoresque.

(Illustration, janvier 1888)

C’est à vous, Caliban, à qui je veux parler.
Vous ayez un défaut que je ne puis céler
Vous créez chaque jour quelque néologisme
Qui n’est, le plus souvent, qu’un affreux barbarisme,
Ainsi tripatouillage est votre enfant nouveau ;
Tripatouille est de mode. On ne sait ce qu’il vaut
Mais on s’en sert
On dit : je tripatouille et nous tripatouillons.
Tripatouiller est donc le vocable à la mode.

(Événement, janvier 1888)

France, 1907 : Tripoter, remanier.

Il en était venu, l’aimable et modeste maître (Vacquerie), à retoucher furtivement la pièce (Tragaldabas) comme un jeune écrivain troublé par l’assurance du directeur, à la décolorer de son romantisme flamboyant, à la mettre presque au ton du jour, hélas ! à la tripatouiller pour attendrir enfin quelqu’un de ces Porels qui tiennent et se repassent les clefs de la production dramatique française, sous l’œil tranquille de la République d’affaires.

(Émile Bergerat)

Faites-nous oublier l’austère
Bérenger et ces gens de poids
De qui les vertus sont en bois
Et ne se mesurent qu’au stère.
Montrez à tous ces petits saints
Qui tripatouillent le scandale,
Qu’on peut laver son linge sale
Sans éclabousser les voisins.

(Armand Masson)

Tripatouilleur

France, 1907 : Tripoteur, agent d’affaires véreuses et aussi explorateur de dessous de jupes, peloteur.

Ah ! comme les hommes, même explorateurs et tripatouilleurs, valent mieux ! Et malgré les avertissements et injonctions de l’autorité supérieure, on continuait d’aller en foule au cabinet du docteur Henrion et de tenir en quarantaine la doctoresse Briquel.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Tripatrouillage

Virmaître, 1894 : Tripoter dans les poches de quelqu’un. Tripoter dans une caisse ou un tiroir.
— Vous n’allez pas bientôt finir de me tripatrouiller, vous allez me chiffonner (Argot du peuple). N.

Tripe

d’Hautel, 1808 : Rendre tripes et boyaux. Vomir avec effort.

Tripe-sèche

France, 1907 : Personne maigre.

Tripée

France, 1907 : Quantité, dans un sens méprisant.

— Oui, le cotillon. Le cotillon de sa femme, celui de ses filles. Ah ! misère. Les femmes ? malheur ! Celles qui mangeaient son pain lui en ont fait voir de toutes les façons. La mère, les filles, même tripée, toujours pendues aux soutanes.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Triper

Rigaud, 1881 : Donner le sein. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Donner le sein à un enfant.

France, 1907 : Allaiter.

Triperie (boutique de)

France, 1907 : Corset. Il n’est peut-être pas d’instruments de torture que la mode impose périodiquement aux femmes qui ait été plus justement attaqué que le corset, et qui ait mieux résisté à toutes les attaques, ce qui prouve que chez la femme la coquetterie l’emporte sur l’hygiène et la santé.
M. Charles Bonheur a donné, dans l’Écho du Public, quelques définitions critiques et humoristiques du corset, qui trouvent ici leur place :

Niche pour deux seins. — Case-pomme. — Garde-fous. — Un écrin ou un écrou. — Petite écluse. — Appareil à l’aide duquel on soutient les faibles, contient les forts, et ramène les égarés. — Comme quoi il n’y a pas que Jonas qui ait été victime de la baleine. — Le cornet qui contient les deux sous de colle de pâte le ces dames. — Prétentieux qui doit savoir soutenir ce qu’il avance. — La camisole de force des femmes. — Tirelire contenant les gros sous de l’amour. — Plus une femme est tétonnante, plus elle en a besoin. — C’est là où la femme place ses meilleures saillies dans la conversation des mains. — L’Æs triplex du cœur de la femme. — Prison réservée aux vagabonds. — Abri pour deux sentinelles avancées. — Nid pour deux tourterelles ou deux… corbeaux. — Panier à pommes ou à poires. — Retranchement d’où ne doivent pas sortir les soldats pour aller à la découverte. — Balle de coton. — Boutique de triperie. — Urne évitant les scrutins de ballottage. — Un champ de manœuvre. — Parachute. — Filet pour ballons captifs. — Une montagne qui accouche de deux souris. — Poste de secours pour pendus. — Témoin du duel de deux teutons. — Écrin qui promet monts et merveilles. — Engin de torture servant à comprimer la taille des femmes qu’il lasse énormement et qu’elles délacent toujours avec joie.

Tripes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Gorge mal faite, — ou trop fournie.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les entrailles de l’homme.

Quand Renaud de la guerre vint,
Tenant ses tripes dans ses mains,

dit une vieille chanson populaire.

Rigaud, 1881 : Seins mous et volumineux.

Virmaître, 1894 : Tétons déformés, élastiques comme un morceau de caoutchouc. Allusion au morceau de tripe que les tripiers nomment le bonnet : c’est la panse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Seins pendants.

Tripes de Saint-Denis

France, 1907 : Elles jouissaient autrefois de la réputation qu’ont aujourd’hui celles à la mode de Caen. Le peuple et aussi les princes — nous en avons la preuve dans le repas de Gargamelle à la naissance de Gargantua — faisaient grande consommation de tripes : on allait en bande en manger à Saint-Denis. Dans une pièce de vers du XVe siècle, les Souhaits du monde, un gueux demande :

Pour tout chevet, une grosse royllarde
Pleine de vin pour resjouir le gueux,
Grosses tripes à force de moutarde.

Mais comme il arrive toujours, le succès gâta les marchands ; certains de la vente et de la clientèle, ils finirent par se négliger ; c’est ainsi qu’un proverbe du XVIe siècle le déclare :

Les bons patez sont à Paris,
Ordes trippes à Saint-Denis.

Tripet

France, 1907 : Petit gobelet ; vieux français.

Un petit gobelet d’or, rond, tout plain, appelé tripet…

(Inventaire de Charles V)

Tripet, tripon

France, 1907 : Boudin.

Tripette

d’Hautel, 1808 : Cela ne vaut pas tripette. Pour est excessivement mauvais.

France, 1907 : Chose de nulle valeur. Ne pas valoir tripette, ne rien valoir.

C’qui manqu’ surtout, c’est la galette,
Car, vois-tu, sans l’rond, la santé,
Comme on dit, ça n’vaut pas tripette
Et ça vous enlèv’ la gaité.

(Jules Jouy)

Tripier

France, 1907 : Employé d’abattoir chargé spécialement des parties intestinales des animaux tués.

Ailleurs, les tripiers traversent la tuerie en portant à bout de bras d’énormes choses molles et violettes, ou d’une sanguinolence saumonée.

(Maurice Talmeyr, La Cité de Sang)

Tripière

d’Hautel, 1808 : Grosse tripière. Terme grossier et malhonnête, qui se dit d’une femme dont les volumineux appas ne sont rien moins qu’appétissans.

Delvau, 1864 : Femme ou fille à la gorge mal faite, — ou trop fournie.

Madame de Bassompierre, qui n’était ni jeune ni belle, et qui n’avait’ pour elle que son embonpoint et ses grands airs, ne manquait pas de galants… Le Plessy-Guénégaud s’amusait à payer cette grosse tripière comme un tendron, parce qu’elle était de qualité.

(P. Dufour, Hist. de la prostitution)

Delvau, 1866 : adj. et s. Fille ou femme trop avantagée.

Rigaud, 1881 : Femme très avantagée sous le rapport de la poitrine. — Forte tripière, énormément bien avantagée.

France, 1907 : Femme aux seins volumineux et flasques.

Triple-sec

France, 1907 : Variété de vin de Champagne.

En ont-ils baffré, les salauds, du boudin, de l’andouille, de la dinde truffée, du perdreau, du lièvre, des huitres, du foie gras, en ont-ils siroté de tous les crus et de tous les cuits, de la fine et du triple-sec, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du fils du charpentier Joseph, qui eut la gnolerie d’enseigner à ses compagnons de misère un évangile de résignation !

(Le Père Peinard)

Triplicien

France, 1907 : Partisan de la triplice.

Il suffit qu’un triplicien imbécile publie sur les bords de la Spree un bouquin haineux où il nous éreinte, pour qu’on le traduise aux bords de la Seine et qu’on le célébre dans nos organes.

(Émile Bergerat)

Tripoli

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens, qui s’imaginent peut-être qu’ils se nettoient la poitrine avec cela. Coup de tripoli. Verre d’eau-de-vie.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie de très mauvaise qualité.

Merlin, 1888 : Voyez Schnick.

La Rue, 1894 : Mauvaise eau-de-vie.

France, 1907 : Eau-de-vie, à cause de l’alcool mélangé avec la pierre de tripoli dont on se sert pour astiquer les cuivres du fourniment ; argot militaire.

Tripot

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; maison de débauche ; académie de jeu.
Battre un homme dans son tripot. Le surpasser, lui en revendre dans les choses qu’il sait le mieux, dans les détails de sa profession.

Halbert, 1849 : Garde de police.

Rigaud, 1881 : Garde municipal. Dérivé, de tripotée.

La Rue, 1894 : Garde municipal. Maison de jeu de dernier ordre.

France, 1907 : Garde municipal ; argot des voleurs.

France, 1907 : Lieu de réunion d’escrocs, de gens mal famés, de tripoteurs.

Le tripot parlementaire dégringole aux extrêmes limites de la déconsidération et du ridicule ; ses conducteurs, ses défenseurs attitrés, ses ministres, au lieu de le retenir sur la pente des chutes, l’y poussent plus avant. La société française est aujourd’hui divisée en deux parties. D’un côté, la nation ; — de l’autre, un millier d’hommes qui prétendent être ses directeurs et ses maîtres. Ils ne se recommandent au pouvoir ni par le prestige du talent, ni par l’intégrité de leur existence ; ils s’y sont juchés sur la lassitude et l’indifférence des électeurs.

Tripotage

d’Hautel, 1808 : Micmac, manigance, menée sourde ; désordre, mélange, confusion.

Tripotailler

France, 1907 : S’occuper d’affaires louches, de combinaisons financières où l’argent des gogos passe dans la poche du tripotailleur.

L’honneur ?… Bigre ! Je le croyais passé, le temps des romanceros ; et nos mœurs s’accommodent mal de cette farouche austérité. Le mari qui tripotaille à la Bourse, filoute les petites gens, et flatte les autres, me semble en mauvaise posture de chevalier demandant à sa dame d’être sans reproche comme il est sans peur. Les chasses élevées, à qui ce genre de prétexte est ordinairement dévolu, n’y ont vraiment plus droit. Elles ne sont pas à la hauteur — le niveau a baissé !

(Séverine)

Tripotée

Larchey, 1865 : Correction. — Du vieux mot tripeter : fouler aux pieds. V. Roquefort.

Oh ! quelle tripotée je vous ficherais, ma poule !

(Gavarni)

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Grande quantité de choses.

Rigaud, 1881 : Arrangement à coups de poing ; scène de pugilat domestique.

La Rue, 1894 : Pugilat.

Virmaître, 1894 : (En donner ou en recevoir une).
— Il a reçu une rude tripotée.
On dit aussi tripotée pour beaucoup.
— J’ai une tripotée d’enfants qui me font perdre la tête (Argot du peuple).

France, 1907 : Coups. « Recevoir une tripotée », être battu.

Lorsque la cantinière trouva la petite Victorine couchée avec le fourrier, elle ne cria pas, de crainte de réveiller son mari, mais elle lui administra une fameuse tripotée.

(Hector France, Les Joyeusetés du régiment)

France, 1907 : Quantité, foule. « Une tripotée d’imbéciles écoutait l’énergumène. »

— J’ai jamais fichu grand’chose ; à seize ans, comme mes parents voyaient bien que je n’arriverais jamais à rien, on m’a mise en apprentissage chez une couturière ; tu comprends, mon chéri, qu’ça n’a pas duré longtemps ! Il y avait tous les jours une tripotée de troubades qui passaient devant le magasin et qui faisaient de l’œil aux ouvrières ; il y en a un qui m’a trouvée gentille, moi j’étais bébête, j’ai fait attention à lui… j’ai marché ; comme il n’avait pas le rond, il m’emmenait deux fois par semaine hors la ville dans les champs… ça ne m’a pas empêchée d’être enceinte presque tout de suite.

(Jules Lévy, Fin-de-Siècle)

Tripoter

d’Hautel, 1808 : Manier indiscrètement et sans précaution ; intriguer, manigancer, tramer.
Tripoter le vin. Le mélanger, le falsifier, le couper à la manière des marchands de vins.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Toucher à tort et à travers, aux choses et aux gens ; farfouiller. Tripoter une femme. S’assurer, comme Tartufe, que l’étoffe de sa robe — de dessous — est moelleuse.

Delvau, 1866 : v. n. Hanter les tripots, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Palper, manier les formes d’une femme, augmentatif de peloter. Tripoter, c’est peloter indécemment et sans réserve.

Déjà quelques farauds attendaient çà et là différentes jeunes filles, mais je diminuais leurs chances par la position stratégique que j’occupais : je savais en tous cas que j’arriverais à elle le premier. Je ne voyais rien de plaisant à ce que ma future femme soit tripotée sous une couverture par une succession de Peaux-Rouges.

(Hector France, Chez les Indiens)

Chacun voulant, avant tout, avoir en mariage une femme non seulement vierge mais intacte dans tous les sens du mot, une femme, comment dirai-je ? qui n’ait point été… tripotée.

(Marcel Prevost)

Tripoter la couleur

Delvau, 1866 : v. a. Peindre, — dans l’argot des artistes.

France, 1907 : Peindre avec maitrise. Une peinture tripotée. Un tableau de maître.

Comme c’est tripoté !… Quel beurre ! Il est impossible d’être plus chaud et plus grouillant !

(Théophile Gautier, Les Jeunes-France)

Tripoter le carton

Delvau, 1866 : Jouer aux cartes.

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Un braconnier qui n’a pas employé sa journée à tripoter le carton, sort d’un fourré avec son arme.

(Paul Mahalin)

Tripoter une femme

Delvau, 1864 : Polissonner des mains avec elle, lui prendre le cul et les tétons.

Je tripote,
Je bahote
Près de la cambuse aux crottes.

(Parnasse satyrique)

Tripoteur

France, 1907 : Homme d’affaires véreuses ; spéculateur à la Bourse.

Tripoteurs

Virmaître, 1894 : Individu qui tripote une femme. Boursier qui tripote, à la Bourse, des affaires malpropres et louches. On dit aussi patricoter (Argot du peuple). N.

Tripotier

Rigaud, 1881 : Individu qui tient un tripot. — Au féminin, tripotiêre, celle qui tient table d’hôte et écarté.

France, 1907 : Tenancier de tripot, de maison de jeu ; argot populaire.

Triquage

Delvau, 1866 : s. m. Triage des matières, — dans l’argot des chiffonniers.

Rigaud, 1881 : Triage de chiffons.

France, 1907 : Triage que fait le chiffonnier rentré chez lui.

Triquard

Rossignol, 1901 : Celui qui était soumis à la surveillance et qui rompait son ban était en trique, il était triquard, c’est-à-dire : dans le cas de se faire arrêter et condamner. Aujourd’hui le triquard est l’interdit qui se trouve dans une des villes où il lui est défendu de passer. Voir Surbine.

Triquart

France, 1907 : Condamné qui a subi sa peine et qui reste sous la surveillance de la haute police ; argot des voleurs.

Trique

Halbert, 1849 : Cabriolet.

Halbert, 1849 : Dents.

Delvau, 1866 : s. f. Canne, bâton, gourdin, — dans l’argot du peuple. On disait autrefois Tricot ; d’où la loi du Tricot, pour signifier l’Argument brutal, le syllogisme du poignet, non prévu par Aristote.

Virmaître, 1894 : Surveillance. Casser sa trique, rompre sa surveillance. Triquer (Être) : être condamné à la surveillance. Allusion ancienne, quand autrefois les condamnés étaient pendant cinq ou dix ans sous la trique des argousins (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Surveillance de la haute police, remplacée par l’interdiction de séjour.

Hayard, 1907 : Surveillance.

France, 1907 : Dent. Trique à gueule, cuillère.

France, 1907 : Raclée, correction. Administrer une trique, battre.

Trique (être en)

Rigaud, 1881 : Être sous la surveillance de la haute police. — Casser sa trique, rompre son ban.

France, 1907 : Être sous la surveillance de la haute police. Casser sa trique, rompre son ban. Argot des voleurs. Voir Tricard.

Trique à gueule

Merlin, 1888 : Métaphore réaliste signifiant cuillère. On dit aussi : pelle à gueule.

Rossignol, 1901 : Cuiller à bouche.

Trique à larder

France, 1907 : Canne à épée.

Trique à larder, trique à picoter

Rigaud, 1881 : Canne à épée. — Faire flamber la trique à larder, jouer de la canne à épée, porter un coup de canne à épée.

Trique-poux

Hayard, 1907 / France, 1907 : Coiffeur.

Triquebille

France, 1907 : Membre viril ; vieil argot.

Triquebilles

Delvau, 1864 : Vieux mot employé pour désigner les testicules.

Qu’on me coupe les triquebilles !

(Cabinet satyrique)

Triquer

Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups de canne ou de bâton.

Delvau, 1866 : v. a. Trier les chiffons.

Rigaud, 1881 : Trier le contenu d’une hotte de chiffonnier.

La Rue, 1894 : Trier des chiffons. Donner des coups de trique.

France, 1907 : Battre avec une trique.

On dit que l’barb’, quand ça lui prend,
Nous triqu’ les côtes ;
Mais, comme y a qu’lui qui nous comprend
Mieux que les autres,
Et que n’y a qu’lui qui sache au fond
Nous rend’ heureuses,
Y a qu’avec lui que les femmes font
Les amoureuses.

(Blédort)

France, 1907 : Condamner à la, surveillance de la haute police.

France, 1907 : Trier des chiffons ou autres objets ramassés sur les tas d’ordures.

Triquer le muffle (se)

France, 1907 : Se débarbouiller ; argot des voleurs.

Triquet

France, 1907 : Mouchard ; argot des voleurs.

Triqueur

Delvau, 1866 : s. m. Maître chiffonnier, qui trie ce que lui apportent les autres.

France, 1907 : Chiffonnier en gros ; ouvrier qui sur la Seine fait le tri du bois flotté. Argot populaire.

Triqueuse

Rigaud, 1881 : Trieuse de chiffons chez un chiffonnier en gros.

Trisser

France, 1907 : Rappeler trois fois un acteur ou une actrice ; argot populaire.

Tristapatte

France, 1907 : Sobriquet donné aux gens moroses, de mine triste ; expression populaire.

Décidément, notre génération, avouons-le, avait le sang plus vif et la tête plus chaude que celles qui nous ont succédé. Les jeunes gens attablés autour de nous me font pitié… La danse de cette belle fille devrait leur mettre le diable au corps, et ils ne grouillent pas plus que des morceaux de bois… Regarde- moi celui qui est là, à gauche, pincé, glabre et marmiteux, engoncé dans sa redingote noire à col de velours, quelle mine de Tristapatte ! Il n’a pourtant que vingt-deux ans… Ma parole, son père parait plus jeune que lui !…

(André Theuriet)

Triste

d’Hautel, 1808 : Triste comme un bonnet de nuit ; comme un deuil. Pour dire boudeur, maussade, taciturne, fort chagrin.

Triste à pattes

Merlin, 1888 : Fantassin.

Tristimane

France, 1907 : Monomane atteint de tristesse.

Triturer une babillarde

France, 1907 : Écrire une lettre ; argot des voleurs.

Triumgueusat

France, 1907 : Trio de coquins, opposé à triumvirat.

Troche

France, 1907 : Trousseau ; réunion de pierres précieuses, de perles disposées en fleurs ; vieux français.

Agnès a une troche de très grosses perles, très blanches et très clères…

(Compte de pierreries de la couronne du duc d’Anjou)

Trognade

Rigaud, 1881 : Gâteaux, fruits, sucreries, — dans le jargon des collégiens. — Trogner, manger des friandises. — Trognerie, action de trogner. — Trogneur, qui mange beaucoup de friandises.

France, 1907 : Friandise ; argot des écoliers.

Trognard

France, 1907 : Individu au visage coloré par une ivresse chronique, un porteur de trogne.

Mais soudain, sur la plus haute marche de l’escalier, apparurent les plus infirmes, ceux des recoins de chambres, dix, trente, cinquante venus d’en haut, d’en bas, dégringolés de leurs litières ou de leurs lits de camp : des trognards de six pieds, bamboches divertis d’aller crever en plein air, d’affreux nains qui rampaient, affamés de mort, sur leurs pattes criblées de plomb, rauquaient à pleine poitrine, et disloquaient les bras vers la porte, vers la bataille.

(Georges d’Esparbès)

Trogne

d’Hautel, 1808 : Pour visage rubicond, jovial et facétieux ; mine de jubilation, comme l’ont ordinairement les bons buveurs.
Une trogne enluminée ; une rouge trogne.

Halbert, 1849 : Figure.

Delvau, 1866 : s. f. Visage, — dans l’argot du peuple, qui le dit surtout de toute tuberosa faciès. Belle trogne. Visage empourpré et embubeletté, comme le sont presque tous les visages d’ivrognes. Le mot a des chevrons :

Il faut être Jean Logne
Pour n’aimer pas le vin ;
Pour moi, dès le matin
J’enlumine ma trogne
De ce jus divin !

a chanté le goinfre Saint-Amand.

Virmaître, 1894 : Le visage. Quand un individu a la trogne couperosée, dans le peuple, on lui lance cette plaisanterie :
— C’est ta femme qui boit, et c’est toi qui a le nez rouge.
Avoir une trogne de vin de Bourgogne, c’est une trogne d’ivrogne (Argot du peuple).

Trogner

France, 1907 : Manger des friandises ; argot des écoliers

Trogneur

France, 1907 : Mangeur de friandises ; argot des écoliers.

Trognon

d’Hautel, 1808 : Un petit trognon. Terme de mépris ; pour dire une fille de petite taille, réplète, surchargée d’embonpoint.
J’en fais autant de cas que d’un trognon de choux. Pour dire que l’on n’a aucune considération pour quelqu’un.

Larchey, 1865 : Petite femme.

En lorgnant la brunette, j’lui dis : Mon petit trognon

(Les Amours de Jeannette, ch., 1813)

Delvau, 1866 : s. f. Petite fille, le cœur d’une femme, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens, moins polis que les gueux anglais, qui eux disent Costard (grosse pomme). Dévisser le trognon. Tordre le coup à quelqu’un.

Virmaître, 1894 : Expression de tendresse, comme mon petit chat, mon petit lapin bleu.

Qu’il est joli, qu’il est mignon,
Qu’il est gentil mon p’tit trognon, (Argot du peuple).

France, 1907 : Petite fille, jolie fillette, mot d’amitié ; métaphorique, littéralement, le milieu, l’entrejambe.

Les gandins mettaient pour vous suivre
Un louis en guise de lorgnon ;
À présent, mon pauvre trognon,
Vous ne savez plus comment vivre,
Vos appas, vos dents, vos cheveux,
Tout est parti, mon amoureuse…
Une place de balayeuse,
C’est ce qui vous irait le mieux.

(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais Jeune homme à sa Nini)

France, 1907 : Tête, cervelle ; argot populaire.

— Comment, scrongnieugnieu, faut donc que j’vous l’répète cinquante fois, qu’c’est à cause des sales idées que vous m’avez foutues dans l’trognon, vous et Kelsalbecq, que d’puis huit jours j’suis dévasté d’un embêtement vraiment consécutif.

(G. Frison)

Dévisser le trognon, tuer.

France, 1907 : Visage ; expression populaire pour trogne.

Les belles, les belles
À l’or sont fidèles,
Lanlaire, lanlin !
Le jus de la treille
Fait trognon vermeil…

(Vieille chanson)

Trognon (mon petit)

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié, pour mon petit trognon de chou.

Troïka

France, 1907 : Traîneau, mot russe. Le troïka est attelé de trois chevaux.

Souvent, tandis qu’on devise le soir antour de la table à thé où chante le samovar d’argent, quelqu’un propose une partie de troïka ; la motion est acceptée avec enthousiasme. C’est le divertissement favori des nuits d’hiver, celui qui laisse à l’étranger les souvenirs les plus vifs, les plus originaux.

(E. Melchior de Vogué, Scènes de la Vie russe)

Trois bateaux (arriver en)

France, 1907 : Expression très ancienne, employée quand on veut relever comiquement l’importance d’une chose.

Le singe de sa part disait : Venez, de grâce ;
Venez, Messieurs : je fais cent tours de passe-passe,
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin Léopard l’a sur soi seulement ;
Moi, je l’ai dans l’esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler.

(La Fontaine, Le Singe et le Léopard)

Rabelais, parlant de la jument de Gargantua, dit : « Et fut amenée par mer en trois quarraques et ung briguantin, jusques au port de Olone en Thalmondoys. » (Livre I, chapitre XVI)

Trois femmes font un marché

France, 1907 : Allusion à la loquacité des femmes ; c’est-à-dire trois femmes ensemble échangent autant de paroles qu’il s’en dit dans un marché. Les Italiens associent une oie aux trois femmes : Tre donne e una occa fan un mercato. N’imsistons pas sur ce défaut bien connu du beau sexe et que Montesquieu attribuait à l’oisiveté et au vide du cerveau : « Les gens qui ont peu d’affaires, sont de très grands parleurs ; moins on pense, plus on parle. Ainsi les femmes parlent plus que les hommes ; à force d’être oisives, elles n’ont point à penser » Cependant les ouvrières ne sont elles pas aussi bavardes que les mondaines ?

Trois François

France, 1907 : Nom que les gardes civiques de Bruxelles donnent à leur chapeau d’uniforme, du vulgaire melon, du coût de trois francs soixante, dont trois françois est l’abréviation.

Trois glorieuses (les)

France, 1907 : Les trois journées des 27, 28 et 29 juillet 1830, où la monarchie constitutionnelle succéda à celle de droit divin. Il était d’usage que chaque année les survivants des combattants se rendissent à la place de la Bastille pour déposer des couronnes sur le socle de la colonne. Le 29 juillet 1897, il ne restait plus que six de ces combattants.

Trois pas dans un boisseau (faire)

France, 1907 : Expression employée dans les départements du Centre pour se moquer d’une personne qui agit lentement, d’un lambin, d’un retardaire : C’est une bonne fille, elle est brave et honnête, mais elle fait trois pas dans un boisseau.

Trois pieds (édredon de)

France, 1907 : Botte de paille. Coucher sur un édredon de trois pieds.

Trois-étoiles

Larchey, 1865 : Se dit d’une personne dont on cache le nom.

Le célèbre monsieur Trois-Étoiles.

(J. Janin)

La femme légitime de ce peintre est la maîtresse du gros trois-étoiles.

(A. Second)

Delvau, 1866 : Nom qu’on donne — dans l’argot des gens de lettres — aux personnes que l’on ne veut pas nommer. On dit aussi Monsieur ou Madame Trois-Étoiles.

Trois-huit (les)

France, 1907 : On appelle ainsi la légitime réclamation des ouvriers, au sujet de la division des vingt-quatre heures en trois parties : huit beures de travail, huit de distractions, huit de sommeil.

Les salaires tendent à hausser — ils ont doublé depuis cinquante ans — tandis que, sauf pour certaines industries, et le déplorable travail de nuit, — les heures de présence diminuaient.
En réclamant les trois-huit, les socialistes s’appuient donc sur un fait économique. Dès aujourd’hui ils auraient peut-être raison, si les industriels n’étaient jugulés par la question de concurrence.
Mais les plus intelligents d’entre ceux-ci ne font nulle difficulté de reconnaître que, souvent, l’ouvrier produit plus et mieux en huit heures de travail appliqué qu’en dix ou douze henres de travail dispersé.

(Courrier de Londres)

Prolétaires de tous pays,
Avec « les trois huit » pour devise,
Sous le même programme unis,
Rien aujourd’hui ne nous divise :
Le Français avec l’Allemand,
Ceux d’Europe et ceux d’Amérique…
Ah ! frères, croyez-vous vraiment
La fraternité chimérique ?
C’est pourquoi, la main dans la main,
Pour les « huit heures » on se lève…
Les « trois huit » ne sont qu’un chemin
Vers l’avenir de notre rêve,
L’ordre social, ô patrons,
A vu d’autres métamorphoses !
Nous les voulons, nous les auronns,
Les « huit heures »… et d’autres choses.

(Marche du 1er mai)

Trois-mâts

Merlin, 1888 : Brisquard à trois chevrons.

France, 1907 : Nom donné autrefois aux brisquarts à trois chevrons ; argot militaire.

Trois-points (frères)

France, 1907 : Sobriquet donné aux francs-maçons à cause des trois-points .·. qu’ils ajoutent à la première lettre de certains mots et à leur signature.

Nous assistons alors à ce spectacle inoui : Brisson, le néfaste Brisson, se livrant à une mimique maçonnique en faisant les signes de la « grande détresse » en usage chez les frères trois-points.

(A.-H. Montégut)

Trois-pont

Fustier, 1889 : Casquette en soie assez haute ; à l’usage de MM. les voyous.

Je les (les Alphonses) rencontre encore qui rôdent en bande, les cheveux effilés, en corne de bœuf, sur les tempes obscurcies par le troispont.

(Huysmans, Une goguette)

Trois-ponts

La Rue, 1894 : Casquette de voyou et de souteneur.

France, 1907 : Casquette de soie très haute que portaient il y a quelques années les souteneurs.

Adieu les belles rouflaquettes,
La blouse et le foulard uni !
Adieu les trois-ponts des casquettes,
Copains ! Copains, tout est fini !

(Georges Prud’homme)

Trois-six

Larchey, 1865 : Eau-de-vie.

Au moins, moi, j’dis pas que j’aime pas le trois-six !

(Gavarni)

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, âpre au gosier, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Eau-de-vie, appelée ainsi en allusion à l’esprit-de-vin du commerce qui est à trente-six degrés et qu’on exprime par la formule 3/6.

On s’enrichit à exploiter les vices et les passions humaines. Un de ces cabaretiers vient de faire l’acquisition d’un hôtel meublé dans la rue Saint-Denis. Un autre a maison de campagne. Un troisième s’offre chaque année un petit voyage d’agrément. Lorsqu’ils seront complètement retirés des affaires, comme ces filles oublieuses du passé, ils ne reconnaîtront plus leurs anciens clients auxquels, entre deux verres de trois-six, ils serrent aujourd’hui cordialement la main. Ils deviendront marguilliers, membres d’un comité de bienfaisance, conseillers municipaux, ou officiers de l’état civil. Ils prêcheront la vertu, couronneront les rosières et, après leur mort, on bénira leur mémoire.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Je ne fus pas plutôt assis
Devant je ne sais quel trois-six,
Que rappliquant en sens contraire,
En face de moi vint s’asseoir
Un balochard vêtu de noir
Qui me ressemblait comme un frère.

(Raoul Ponchon)

Trois-sous

Delvau, 1866 : s. m. Water-closets. On dit aussi Un quinte-centimes.

Troisième dessous

Larchey, 1865 : « Dans le troisième dessous des sociétés, pour emprunter à l’art dramatique une expression vive et saisissante, le monde n’est-il pas un théâtre ? Le troisième dessous est la dernière cave pratiquée sous les planches de l’Opéra, pour en recéler la rampe, les apparitions, les diables bleus que vomit l’enfer. » — Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. La dernière cave pratiquée sous les planches d’un théâtre pour recevoir la rampe, les trucs, les machines, etc. Tomber dans le troisième dessous. Se dit d’une pièce sifflée, dont la chute est irrémédiable.

Delvau, 1866 : s. m. Le monde des coquins, « la dernière sape, inferi », de la société, « la fosse des ténèbres, la grande caverne du mal », dit Victor Hugo, qui la peint à grands coups de brosse, comme Dante, son Enfer.

Cette cave est au-dessous de toutes et est l’ennemie de toutes. C’est la haine sans exception. Elle a pour but l’effondrement de tout, — de tout, y compris les sapes supérieures, qu’elle exècre. Elle ne mine pas seulement, dans son fourmillement hideux, l’ordre social actuel : elle mine la philosophie, elle mine la science, elle mine le droit, elle mine la pensée humaine, elle mine la civilisation, elle mine le progrès. Elle est ténèbre et elle sent le chaos. Sa voûte est faite d’ignorance. Elle s’appelle tout simplement vol, prostitution, meurtre et assassinat. Détruisez la cave-ignorance, vous détruirez la taupe-crime.

France, 1907 : Voir Tomber.

Troisième rêne

Delvau, 1866 : s. f. La crinière du cheval, — dans l’argot des maquignons.

France, 1907 : La crinière. « Se rattraper à la troisième rêne, » saisir la crinière du cheval lorsqu’on est sur le point de tomber.

Troisième ressucée

France, 1907 : Chose sans valeur.

Troisième sexe

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui déshonore les deux autres. « Il suffira de rapporter ce mot magnifique du directeur d’une maison centrale à feu lord Durham, qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût : Je ne mène pas là Votre Seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes. — Hao ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — C’est le troisième sexe, milord. » (H. de Balzac)

France, 1907 : Le monde des pédérastes passifs.

Troisième sexe (le)

Delvau, 1864 : Celui auquel appartiennent les pédérastes et les gougnottes.

— Je ne mène pas là votre seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes, — Hao ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — C’est le troisième sexe, milord.

(H. de Balzac)

Trôle

France, 1907 : On appelle ainsi la vente d’objets colportés par le fabricant lui-même, sa femme ou ses enfants. Voir Trôler.
Tous les Parisiens, soit aux terrasses des cafés, soit au cours de leurs promenades sur le boulevard, principalement les dimanches et jours de fête, sont importunés par des industriels qui leur offrent, à des prix relativement modiques, des bibelots, des étagères, des tables à ouvrage constellées de marqueteries en bois d’une infinité de nuances.
En marchandant un peu, plusieurs ont pu acquérir à peu de frais ces objets, pour la plupart chefs-d’œuvre de patience et d’adresse.
Le fait, par le petit fabricant, par l’ouvrier en chambre, de vendre au public ou même au boutiquier un meuble quelconque confectionné par lui s’appelle la trôle.

Trôlée

France, 1907 : Quantité.

Des trôlées d’hommes en ribotte dévalent par les escaliers glissants des hautes rues montantes ; des injures et des chansons se croisent, vomies dans tous les idiomes de la Méditerranée et de l’Orient et par des voix enrouées qui sont des voix du Nord, et par des voix zézayantes qui sont des voix du Midi. Vareuses et tricots rayés, bérets et bonnets de laine descendent, qui par deux, qui par groupes, jamais seuls, les yeux rieurs et la bouche tordue sur la chique, avec des gestes de grands enfants échappés de l’école.

(Jean Lorrain)

Trôler

Rigaud, 1881 : Rôder.

La Rue, 1894 : Porter. Rôder. Faire la trôle, aller de magasin en magasin offrir sa marchandise.

Hayard, 1907 : Vendre en marchant.

France, 1907 : Aller de porte en porte, de café en café pour vendre un objet quelconque généralement fabriqué par celui qui cherche à le vendre : de l’allemand trollen, rouler.

France, 1907 : Rôder, aller çà et là ; provincialisme.

Trôleur

Rigaud, 1881 : Vagabond, rôdeur de barrière. — Marchand de peaux de lapins.

La Rue, 1894 : Commissionnaire. Vagabond. Marchand qui fait la trôle. Marchand de peaux de lapin.

France, 1907 : Artisan, marchand qui colporte ses propres produits. Il ne faut pas confondre le trôleur avec le camelot qui débite des journaux, la question ou le jouet du jour et qui n’est qu’un intermédiaire. Le trôleur vend les œuvres dont il est l’auteur. Mais son métier a de dures exigences. Il faut que ce petit fabricant vende de suite et à tout prix sa marchandise. La mère et les enfants attendent souvent pour dîner son retour. Aussi l’ouvrier n’a quelquefois pas le temps de fignoler son travail. Il l’offre tel

Trôleuse

Rigaud, 1881 : Raccrocheuse.

France, 1907 : Rôdeuse, raccrocheuse.

Trolier

Fustier, 1889 : Individu, commissionnaire qui va offrir de porte en porte aux marchands de meubles le travail de l’ouvrier qui est à son compte. Dans l’argot du faubourg Saint-Antoine on appelle cet ouvrier un choutier.

Troller

Halbert, 1849 : Porter.

Delvau, 1866 : v. a. Porter, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. n. Remuer ; aller çà et là, trimer. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Porter. A. D. Troller veut dire marcher.
— On te voit troller partout, tu ne travailles donc pas ?
Il existe au faubourg Antoine des ouvriers ébénistes en chambre qui confectionnent des meubles pour leur compte.
Ils trollent pour les vendre depuis la rue de la Muette jusqu’à la Bastille, généralement le samedi ; ce jour-là, le trottoir se nomme la trolle (Argot des ébénistes). N.

Trolleur

Halbert, 1849 : Commissionnaire.

Delvau, 1866 : s. m. Marchand de peaux de lapin, — chineur quand il achète et trolleur quand il revend.

Trombille

Vidocq, 1837 : s. f. — Bête.

Delvau, 1866 : s. f. Bête, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bête, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Bête.

Virmaître, 1894 : Bête, quelle que soit sa race (Argot des voleurs).

France, 1907 : Imbécile, bête. « Pour trombille, trompe, dit Timmermans, organe du souffle vital. C’est une métonymie pour anima, animal dont le sens primitif est : être qui respire. On a mis la trompe ou le nez à la place de l’être qui respire, qui vit. »

(Delesalle)

Trombine

Larchey, 1865 : Physionomie ridicule.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, visage, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Figure, — Trombine en déche, mauvaise mine.

Rossignol, 1901 : Figure, visage.

France, 1907 : Tête, visage.

En police correctionnelle.
— Quels sont vos moyens d’existence ?
— Eh ben ! Et cette trombine-là, mon président… Qu’est-ce que vous en feriez à ma place ? Vous croyez donc que ça ne rapporte pas de la bonne galette.

Trombine, trompette

La Rue, 1894 : Tête, physionomie ridicule.

Trombis

France, 1907 : Médecin ; argot des voleurs.

Tromblon

France, 1907 : Gosier.

France, 1907 : Chapeau évasé, c’était le nom donné autrefois au shako des troupiers de ligne et de certains corps de cavalerie, à cause de l’évasement du haut.

Jamais un chapelier n’eût pu remettre à neuf
Le couvre-chef roussi par la pluie et l’orage.
Donc, dès mon arrivée à Lyon, pour dix-neuf
Francs net, j’ai remplacé ce tromblon hors d’usage,
Qui roula si longtemps sous le même Odéon.

(George Bois, Cœur au vent)

Tromboler

Rossignol, 1901 : Voir rouscailler.

Tromboler les gonzesses

Delvau, 1866 : v. a. Aimer les filles, — dans l’argot des maquignons.

Tromboller

Rigaud, 1881 : Aimer, — dans le jargon des voyous. — Tromboller les gonzesses, aimer les femmes.

La Rue, 1894 : Aimer.

Virmaître, 1894 : Aimer autrement que platoniquement.
— Je vais tromboller ma gonzesse (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Aimer ; argot des voyous.

Trombone (faire)

Rigaud, 1881 : Mettre la main au gousset et la retirer à plusieurs reprises sans en sortir de l’argent. Faire semblant d’avoir envie de payer. Les doigts qui vont et viennent dans la poche du gilet simulent le mouvement du trombone, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Mettre la main à sa poche pour feindre de vouloir payer les consommations et attendre qu’un camarade se charge de ce soin ; expression militaire faisant allusion au mouvement du trombone.

Trompe

Delvau, 1866 : s. f. Nez, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent l’homme pour un proboscidien.

La Rue, 1894 : Nez. Avocat.

France, 1907 : Nez.

France, 1907 : Avocat.

Trompe-chasse

Vidocq, 1837 : s. m. — Art.

Larchey, 1865 : Art (Vidocq). — L’art trompe l’œil.

Trompe-chasses

Delvau, 1866 : s. m. Peinture, tableau quelconque, — dans l’argot des voleurs.

Trompe-châsses

France, 1907 : Tableau, objet artistique ; il trompe l’œil.

Trompe-l’œil

Delvau, 1866 : s. m. Accessoire d’un tableau, tel que clou, déchirure, etc., si bien peint, qu’on le croirait naturel. Argot des artistes.

France, 1907 : Décoration quelconque, croix ou ruban.

Trompe-la-mort

Virmaître, 1894 : Individu condamné par les médecins, qui n’en meurt pas plus vite pour cela.
— Il trompe la mort qui le guette.
On dit également :
— Il a repris du poil de la bête.
Cette expression ; trompe la mort, date de 1848.
Un ouvrier forgeron, arrêté sur une barricade, lors de l’insurrection de Juin, fut conduit, avec un groupe de combattants, à la tombée de la nuit, au Champ de Mars, où se faisaient en masse les exécutions sommaires. On fusillait les malheureux rang par rang.
Il était au second rang ; par une présence d’esprit incroyable, à ce moment suprême, il tomba en même temps que le premier rang ; on n’y lit pas attention.
Vers onze heures du soir, l’exécution terminée, des tombereaux vinrent enlever les cadavres pour les transporter au cimetière Montmartre et les jeter dans la fosse commune.
On ne les recouvrait pas de terre, afin que les familles puissent les reconnaître le lendemain.
L’ouvrier avait eu la malchance d’être jeté au fond du tombereau ; il était inondé du sang qui coulait sur lui.
Pendant le trajet, après des efforts inouïs, il parvint à se hisser au-dessus des cadavres ; il sauta à bas de la lugubre voiture sans être aperçu, et alla se cacher chez un ami.
Le calme revenu, il rentra à l’atelier. Stupéfaction générale. Les camarades, qui connaissaient l’aventure, lui crièrent :
— Tiens ! voilà Trompe la mort.
Il l’avait rudement trompée, car il ne mourut qu’en 1888, à l’âge de quatre-vingts ans.
Trompe la mort (Argot du peuple).

Tromper

d’Hautel, 1808 : On peut se tromper sans boire. Se dit pour excuser une erreur, une bévue que l’on a faite.
Il tromperoit son père. Se dit d’un homme très-exercé dans l’art de la fourberie, d’un marchand subtil et fripon.

Tromper d’endroit (se)

Delvau, 1864 : Enculer une femme, au lieu de la baiser, — ce qui peut arriver, la nuit surtout, au plus honnête homme.

Comm’ c’est chaud ! comm’ c’est étroit !
Tiens ! je m’suis trompé d’endroit !
J’ai fait un’ fameus’ bêtise,
Mamselle Lise…

(A. De Calonne)

Se voyant traité d’la sorte,
Il dit qu’il s’est trompé de porte,
El vent m’ fourrer son outil
Dans un trou qu’ j’ai sous le nombril.

(Parnasse satyrique)

Trompette

Larchey, 1865 : Colporteur de nouvelles. — Allusion à la trompette allégorique de la Renommée.

Larchey, 1865 : Nez trop bruyant. — Nez en trompette : Nez relevé.

Delvau, 1866 : s. f. Cigare, — parce qu’on le tient continuellement à la bouche, comme si on voulait jouer un air quelconque.

Delvau, 1866 : s. f. Le nez, — à cause du bruit qu’il fait lorsqu’on se mouche.

Delvau, 1866 : s. f. Visage, — dans l’argot des faubouriens.

Rossignol, 1901 : Visage.

France, 1907 : Visage.

La viscope en arrière et la trompette au vent,
L’œil marlou, il entra chez le zingue, et levant
Sa blouse qui faisait sur son ventre une bosse,
Il en tira le corps d’un chat : « Tiens, dit le gosse
Au troquet, tiens, voici de quoi faire un lapin. »
Puis il prit son petit couteau de goussepain,
Dépouilla le greffier et lui fit sa toilette
Avec le geste d’un boucher de la Villette.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Trompette (jouer de la)

Rigaud, 1881 : Sacrifier à crepitus.

Trompette (nez en)

Rigaud, 1881 : Nez à la Roxelane.

Trompette, tirelire

Rigaud, 1881 : Figure ; tête.

Trompetter

Delvau, 1866 : v. a. Divulguer, publier une chose qui devait être tenue secrète, — dans l’argot du peuple.

Trompion

Hayard, 1907 : Clairon.

France, 1907 : Trompette ; le soldat qui joue de cet instrument.

Tout le monde connaît l’histoire de ce trompette qu’un tambour avait appelé collègue.
— Collège ! fit le trompette d’un air superbe. Apprends qu’un chien est un chien, qu’un tambour n’est rien et qu’un trompette est un musicien.
— Possible, répondit le tambour justement froissé, mais ce qu’il y a de certain, c’est que parmi les grands hommes du Panthéon on trouve un tapin… tandis qu’on peut se fouiller pour y découvrir un trompion !

(A. Foubert, Le 39e d’artillerie)

Tronc d’arbre

Fustier, 1889 : Nervure de la feuille de tabac que l’on trouve dans le scaferlati non trié. (V. Peuplier.)

Tronche

d’Hautel, 1808 : Pour dire la tête.
Gare la tronche. Pour, prends garde à ta tête.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Tête.

Vidocq, 1837 : s. f. — La Sorbonne est la tête qui pense, qui médite ; la Tronche est la tête lorsque le bourreau l’a séparée du tronc. Je crois qu’il serait difficile d’exprimer d’une manière à la fois plus concise et plus énergique deux idées plus dissemblables.

un détenu, 1846 : Tête.

Larchey, 1865 : La Sorbonne est la tête qui pense, qui médite ; la Tronche est la tête lorsque le bourreau l’a séparée du tronc.

(Vidocq, 1837)

Gare la tronche ! prends garde à la tête.

(d’Hautel, 1808)

Delvau, 1866 : s. f. Visage ; tête, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Tête, visage. — Tronche à la manque, sergent de ville, agent de police, — dans le jargon des voleurs ; c’est-à-dire vilaine tête.

La Rue, 1894 : Tête. Visage. Tronche à la manque. Gardien de la paix. Figure mauvaise.

Virmaître, 1894 : Tête (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tête.

Je lui ai envoyé un coup de tronche dans l’estomac, qui l’a envoyé à dame.

Hayard, 1907 : Tête.

France, 1907 : Tête. Tronche à la manque, agent de police.

Le protestantisme a une tronche moins rébarbative que le catholicisme — parce qu’il est une minorité et qu’il a été persécuté. Mais, il ne faut pas se gourrer : s’il était le maître, il serait aussi inquisiteur que le papisme. Et la preuve c’est que, en Allemagne, en Angleterr et en Amérique, il est bougrement intolérant.

(Père Peinard)

Et quand on r’tombe au temps présent,
On n’trouv’ pas ça plus amusant ;
Y font vomir les satisfaits
À qui pus rien ne fait d’effet ;
Et vomir les poir’s, les bett’raves,
Les résignés, à tronch’s d’esclaves
Et tous les genr’s de revoltés
Qui finiss’nt par êt’ députés !

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

anon., 1907 : Tête.

Tronche (coup de)

Vidocq, 1837 : Voir Cocange.

Tronche (la)

anon., 1827 / M.D., 1844 : La tête.

Tronche de morue

anon., 1827 : Tête de mouton.

Tronche de refroidi

Virmaître, 1894 : Fromage de Hollande, connu plus généralement sous le nom de tête de mort (Argot des voleurs).

Troncher

Delvau, 1866 : v. a. Embrasser.

Virmaître, 1894 : Le vocable s’explique suffisamment par ceci :
— Bibi a tronché la môme, elle a avalé le pépin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voir rouscailler.

France, 1907 : Embrasser ; argot des voleurs.

Tronchinette

Delvau, 1866 : s. f. Figure de jeune fille ; physionomie agréable ; petite tête. Argot des voyous.

France, 1907 : Jeune fille délurée et accorte.

Trône

d’Hautel, 1808 : Il est sur son trône. Se dit par plaisanterie d’un homme qui est sur la chaise percée.

Delvau, 1866 : s. m. Ce qu’on appelait autrefois « chaise d’affaires », et, longtemps auparavant, trulla. Argot des bourgeois. Être sur son trône. Alvum deponere.

Rigaud, 1881 : Pot de chambre haute forme ; chaise percée. — Aller sur le trône, aller aux lieux d’aisances. — Être sur le trône, être aux lieux d’aisances.

Trône (être sur le)

Virmaître, 1894 : Être assis sur la lunette des chiottes. Quand ça va bien, sûrement, on est plus heureux qu’un roi assis sur le trône (Argot du peuple).

Trône (le)

Hayard, 1907 : Le siège des cabinets.

Trône du plaisir

Delvau, 1864 : La nature de la femme.

Si mes vœux près d’Eglè sont toujours superflus,
Du trône du plaisir, si sa main me repousse.

(Collardeau)

Tronfion

Merlin, 1888 : Clairon.

France, 1907 : Clairon, pour trompion ; argot militaire.

Tronque ou tronche

Halbert, 1849 : Tête.

Trop cuit

Virmaître, 1894 : Femme ayant des cheveux rouges.
— Elle a été trop longtemps enfournée, elle est trop cuite (Argot du peuple). N.

Trop d’herbes au potage (mettre)

France, 1907 : S’occuper de trop de choses à la lois : expression provinciale.

Elle était intelligente, délurée, accorte et d’une aetivité, je dirais même trop grande, car elle mettait trop d’herbes au potage, comme on dit dans mon pays.

(Hector France, Les Confessions de l’abbé Ledru)

Trop gratter cuit

France, 1907 : Vieux dicton qui se trouve dans le Roman d’Euslache le Moine, pirate fameux du XIIIe siècle :

Tant grate kievre que mal gist.

On le retrouve dans le Roman du Renart et dans les Proverbes ruraux et vulgaux. Sur le monumeut de Louis de Brèze, mort en juillet 1531 et que sa femme Diane de Poitiers lui fit élever dans la cathédrale de Rouen, on lit cette devise :

Tant grate chevre que mal giste.

Trop tot velé

Virmaître, 1894 : Enfant venu avant terme. Allusion au veau mort-né. Avorton chétif et malingre (Argot du peuple).

Trop-aise

France, 1907 : Abondance, mollesse, et, par extension, personne à qui rien ne manque, qui vit grassement : un gros trop-aise. Expression du Centre.

Tropical helmet

France, 1907 : Casque de toile que portent les fonctionnaires et les troupes dans les pays chauds ; anglicisme.

Des vêtements de toile blanche, éraflés et ponctué de taches brunâtres qui pouvaient, à la rigueur, être du sang — peut-être de la boue — étaient étalés sur un fauteuil, avec un casque de liège à côté, un tropical helmet…

(Jules Claretie, Brichanteau)

Troquet

Rigaud, 1881 : Pour mastroquet, marchand de vin.

Rossignol, 1901 : Marchand de vin.

France, 1907 : Marchand de vin, cabaretier ; abréviation de mastroquet.

Le café-concert répond à un besoin moral.
Mais parfaitement ! Ce mot composé l’indique assez pour que nous n’insistions pas : concert est le correctif, l’atténuation de café.
On n’y va pas pour boire comme Socrate le Sage dans les tavernes d’Athènes, comme Virgile dans les cabarets syriens, comme Athénée de Naucrate, Denys le Jeune, Ovide, Horace, Properce, Tibulle, qui allaient chez les troquets de l’époque sans avoir la musique pour excuse.
Cicéron lui-même, le grand Civéron — maître Tartempion, voilez-vous la face, lacérez votre toge — allait chez Macula, cabaretier de Rome, boire du vin tout comme Coupeau, Mes-Hottes et Bec-Sale. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est M. Delvau dans sa préface de l’histoire anecdotique les cabarets.

(P. Peltier d’Hampol)

Trot (aller au)

Rigaud, 1881 : C’est-à-dire aller au trottoir, raccrocher, — dans le jargon des filles.

Trotin

France, 1907 : Pied : ancien argot.

Trottade

d’Hautel, 1808 : Pour dire une petite course, une courte promenade, soit à pied, à cheval ou en voiture.

Trottant

anon., 1827 : Rat.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Rat. Trottant d’entiffe, rat d’église.

Bras-de-Fer, 1829 : Rat.

Delvau, 1866 : s. m. Rat, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Trotteur.

La Rue, 1894 : Rat. Trottante, souris. Trotteuse, raccrocheuse.

France, 1907 : Rat ; argot faubourien.

Trottant, trotteur

Rigaud, 1881 : Rat.

Trottante

Vidocq, 1837 : s. m. — Souris.

Larchey, 1865 : Souris. — Trotteur : rat (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Souris.

France, 1907 : Souris ; argot faubourien.

Trotte

d’Hautel, 1808 : Course, intervalle, espace d’un lieu à un autre.

Larchey, 1865 : Course pénible.

J’étais sortie pour éviter ces trottes-là à Alfred.

(E. Sue)

Delvau, 1866 : s. f. Course, — dans l’argot du peuple. Sacrée trotte. Course fort longue, que l’on ne peut faire qu’en beaucoup de temps.

Trotte-menu

France, 1907 : Petite servante ; qui fait les commissions : expression berrichonne.

En ce temps-là, Mme Sand avait une cuisinière et une petite trotte-menu, amenées de Nohant. La petite trotte-menu se nommait Éléonore ; c’était une fillette bien éveillée qui ne doutait de rien. On faisait un doigt de cour à sa jolie moue, à ses beaux yeux et à ses belles dents ; mais invariablement elle répondait : « Il est trop tard : j’ai donné mon cœur. »

(Arsène Houssaye)

Trotte-sec

Merlin, 1888 : Fantassin.

France, 1907 : Fantassin ; argot militaire.

Trotter

d’Hautel, 1808 : Un trotte menu. On appelle ainsi celui qui marche vite et à petits pas.

Trotter (se)

Rigaud, 1881 : Déguerpir, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

La Rue, 1894 : Aller. Aller vite. Partir. S’enfuir.

France, 1907 : S’en aller, s’enfuir, ou simplement marcher.

Mélie, un bout de femme pâlotte, aux joues piquetées de taches de rousseur, aux lèvres friandes, d’une joliesse de petite bouquetière vicieuse et qui, dans sa robe nuptiale, avait l’air de s’être déguisée pour quelque chahut de mi-carême plutôt que de revenir de l’église, s’était tranquillement trottée en même temps que le trombone de l’orchestre, un solide garçon dont la tête faisait penser aux images qui ornent les romances sentimentales.

(Champeaubert, Le Journal)

Se dépêcher.

Quand je sors, c’est avec orgueil
Que je me mets en grand’ tenue ;
Les p’tits tendrons me font de l’œil,
J’vous avou’ qu’mon cœur éternue,
Mais sitôt rentré, cré mâtin !
Faut qu’aux écuri’s je me trotte,
Et quand je lav’ le cul d’Cocotte,
Pour l’amour j’n’ai plus de béguin !

(Rosario)

Trotteur

Vidocq, 1837 : s. m. — Rat.

France, 1907 : Écuyer.

Trotteuse

Rigaud, 1881 : Locomotive, — dans le jargon des mécaniciens des chemins de fer.

Virmaître, 1894 : Montre qui marque les minutes. Trotteuse : fille publique infatigable qui trotte du soir au malin pour raccrocher (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Racoleuse d’hommes, prostituée qui erre sur le trottoir.

Voici les trotteuses infatigables des boulevards extérieurs. Elles ont des robes de mérinos et ou d’indienne, des tabliers bleus attachés à la taille, un mouchoir autour du cou. Nulle toilette ; si bien que vous les prendriez pour des ménagères, de laborieuses femmes, et vraiment rien ne les distingue des honnêtes ouvrières. Non, rien, si ce n’est leurs figures plâtrées, leurs regards effrontés, leurs voix rauques, l’obscénité de leur langage.

(Louis Barron, Paris-Étrange)

Pierreuses,
Trotteuses,
A’s marchent l’soir,
Quand il fait noir,
Sur le trottoir,
Les ch’veux frisés,
Les seins blasés,
Les reins brisés,
Les pieds usés.

(Aristide Bruant)

Trottignole

Rigaud, 1881 : Pied, soulier, — dans le jargon du peuple. Dérivé de trottin.

Trottignoles

France, 1907 : Pieds, souliers ; argot des voyous.

C’est nous qu’est les ch’valiers d’la loupe,
Pour ne rien fair’ nous nous hâtons ;
Sans penser à tremper not’ soupe,
N’importe où nous nous empâtons
D’arlequins, d’briffe et d’rogatons.
Quèqu’fois d’saucisse et d’attignoles.
Quand nous somm’s pleins, nous éclatons
Du cabochard aux trottignoles.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Trottillon

France, 1907 : Apprentie qui fait les courses, petite ouvrière, même sens que trottin.

Marquise, marquise, marquise !
Souvenez-vous d’avoir été
Un petit trottillon crotté
Qui trottait au soleil d’été,
Qui trottait l’hiver par la bise,
Oubliez, petit trottillon,
Comment vous devintes marquise ;
Un jour que vous trottiez, la bise
Fit voir votre jambe bien prise…

(Louis Veuillot, Les Couleuvres)

Trottin

d’Hautel, 1808 : Un petit commissionnaire ; un laquais que l’on n’emploie qu’à faire des courses. On donne aussi ce nom à un mauvais cheval qui ne va que le petit trot.

Larchey, 1865 : Le trottin, toujours choisi parmi les grisettes les plus jeunes et les plus espiègles du magasin, était le véritable petit clerc de tout magasin de modes.

(L. Huart)

Et de trotin toujours crotté, on en fit un petit commis.

(Troisième suite du Parlement burlesque de Pontoise, 1652)

Delvau, 1866 : s. m. Cheval, parce qu’il trotte. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Garçon de magasin qui fait les courses ; apprentie modiste qui fait les courses.

Rigaud, 1881 : Pied.

La Rue, 1894 : Pied. Cheval. Apprentie modiste.

Virmaître, 1894 : Apprenti modiste que l’on rencontre arpentant les rues de Paris, portant une petite boîte qui contient un chapeau. C’est le gavroche femelle des ateliers de modistes. Le mot n’est pas nouveau. Scarron dit quelque part : Ensuite il appelle un trottin. (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Jeune ouvrière ou apprentie parisienne.

France, 1907 : Apprentie appelée ainsi parce qu’on l’emploie généralement à faire les courses de l’atelier.

Il y eut, dans la voiture, une odeur de bas anciens et de pieds rarement lavés. Mauve Tapir, dans le cœur une tristesse, se rappela le temps où, avant d’être bouquetière, puis faux trottin de banlieue, elle fut à l’école, chez les Sœurs, où l’on ne se débarbouille que le bout du nez. Elle se souvenait des Sœurs à cause de la Thérésine. Elle aurait pu entrer en religion, elle aussi, si elle avait eu la vocation ou si sa mère avait voulu. Oui, elle aurait pu avoir, elle aussi, cette robe bleue ! Mais, voilà, on ne sait pas, quand on est petite. On va avec des gens qui vous disent d’aller avec eux, et, le lendemain, on se jette de l’eau partout — il faut bien — et, plus tard, on se met de la poudre de riz pour sentir bon. L’honnête odeur des pieds de la nonne lui était comme un encens.

(Catulle Mendès, Gog)

C’est nous l’orgueil des Batignolles,
Nous sommes les petits trottins,
Notre maman par des torgnioles
Nous éveille tous les matins :
On se lève vite, on enfile
Sa robe au grand galop, et zou !
On descend trotter par la ville,
Grignotant un croissant d’un sou.

(L. Xanrof)

Le mot s’employait autrefois pour désigner un commis de magasin, un garçon faisant les courses.

À l’envi cependant en tous lieux on le chante,
Il n’est grands ni petits, fils de bonne maison,
Trottin, qui sur lui n’ait en poche une chanson.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Trottin de modiste

Delvau, 1866 : s. m. Jeune garçon ou jeune fille, domestique ou apprentie, qui va porter les chapeaux et faire les commissions des modistes. Argot des bourgeois. Il y a longtemps que ce mot signifie petit domestique, car Scarron a dit :

Ensuite il appelle un trottin,
Fait amener son guilledin
Orné d’une belle fontange.

Trottinard

France, 1907 : Enfant ; argot populaire.

Trottine

Rigaud, 1881 : Soulier. — Trottines feuilletées, souliers qui plaident en séparation de semelles.

France, 1907 : Bottine. Trottines feuilletées, bottines aux semelles usées ; argot populaire.

Trottines feuilletées

Delvau, 1866 : s. f. pl. Bottes ou souliers dont la semelle est en mauvais état. Argot des voyous.

Trottinet

Rigaud, 1881 : Bottine de femme, soulier élégant, — dans le jargon des ouvriers.

Hayard, 1907 : Chaussures.

France, 1907 : Soulier de dame.

Trottinets

Halbert, 1849 / La Rue, 1894 / Rossignol, 1901 : Souliers.

Trottinettes

Virmaître, 1894 : Bottines (Argot des voleurs).

Trottins

Vidocq, 1837 : s. m. — Pieds.

(Villon)

un détenu, 1846 : Souliers.

Larchey, 1865 : Pieds. — Les pieds trottent.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les pieds, — dans le même argot [des voyous].

Trottoir

d’Hautel, 1808 : Cette fille est sur le trottoir. C’est-à-dire, est à marier. On le dit aussi d’une femme qui est en vogue, et dont on parle beaucoup.

Delvau, 1866 : s. m. Répertoire, — dans l’argot des coulisses. Grand trottoir. Répertoire classique. Petit trottoir. Répertoire courant, drames et vaudevilles. Grand trottoir se dit aussi de la Haute-Bicherie, et Petit trottoir du fretin des drôlesses.

Virmaître, 1894 : S’entend de deux façons. Faire le trottoir, raccrocher. Il n’est pas nécessaire pour faire le trottoir d’être sur le trottoir. Le trottoir est partout où la femme lève l’homme. Pendant l’Exposition de 1889, le trottoir de ces dames était le pont de l’Alma. À ce sujet, on avait fait ce calembourg :
— Les putains préfèrent le pont pour voir le velum (Argot des filles). N.

Trottoir (faire le)

Larchey, 1865 : Se dit des filles inscrites qui, le soir, se promènent sur le trottoir voisin de leur logis. — Grand trottoir, en termes d’argot comique, veut dire : haut répertoire.

France, 1907 : Se dit d’une prostituée qui racole les hommes sur la voie publique.

Deux grues sont en train de se chamailler : « Veux-tu que je te dise ce que tu sais faire ? crie l’une à l’autre, — Dis, salope ! — T’es embarras, ta tête, ta montre… et le trottoir. »

Trottoir (femme de)

Rigaud, 1881 : Fille publique.

Trottoir (grand)

France, 1907 : Le répertoire classique ; argot théâtral. Le petil trottoir comprend les pièces nouvelles, comédies, vaudevilles.

Trottoir (le grand)

Rigaud, 1881 : Le grand répertoire, — dans le jargon des comédiens.

Trou

d’Hautel, 1808 : Boucher un trou. Acquitter, éteindre une créance.
Faire en deux coups six trous. Aller grand train ; aller vite en besogne.
Il met des chevilles à chaque trou. Se dit d’un homme qui a la riposte vive ; qui répond adroitement, et d’une manière improvisée, à tout ce qu’on peut lui dire.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, ou l’anus.

Les grands trous leur sont odieux, déplaisants et désagréables.

(Variétés hist. et litt.)

Nenni, non. Et pourquoi ? Pour ce
Que six sous sauvés m’avez,
Qui sont aussi bien dans ma bourse
Que dans le trou que vous savez.

(Collé)

Le bout était trop gros, ou le trou trop petit.

(Piron)

Il fallut donc recourir aux verges… dont je vis bientôt les effets, par la croissance de l’allumelle de mon homme, qui, profitant du moment, commença à jouer au trou-madame.

(Mémoires de miss Fanny.)

Je m’y pris avec tant d’adresse
Qu’elle me dit, plein’ de tendresse ;
Je t’accord’ le droit marital.
Puis elle ajouta, pour final.
Tu sais le côté gui me blesse,
Ah ! ne va pas dans le trou d’ bal !

(Chanson anonyme.)

Au séminaire de Montrouge…
Chacun, en amateur de cul,
Loin de jouer au trou-madame,
Jouait toujours au trou du cul,

(Chanson anonyme moderne)

La langue française
Est encore aujourd’hui si pauvre et si niaise,
Qu’elle n’a vraiment pas deux termes pour nommer
Cs petit trou mignon qui sait si bien charmer.

(L. Protat)

Il se couche comme cela sur le ventre de la fille, et lui fourre, dans le trou par où elle pisse, ce long engin, avec le plus grand plaisir du monde.

(Mililot)

Bernis chanta de Pompadour
Les trous qu’avait formés l’amour
Sur sa peau blanche et liste ;
N’en déplaise à l’auteur galant,
Moi, j’aurais chanté seulement
Le joli trou
Dont je suis fou,
Le joli trou qui pisse.

(J. Cabassol)

Delvau, 1866 : s. m. Chambre insalubre, logis incommode, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Emploi, position sociale. Faire son trou. Réussir dans la vie ; asseoir sa réputation, sa fortune, son bonheur.

Delvau, 1866 : s. m. Entr’acte d’un long déjeuner ou d’un long dîner pendant lequel on sert le cognac ou le madère. Faire un trou. Boire un verre de cognac ou de madère au milieu d’un repas, afin de pouvoir le continuer avec plus d’appétit.

Delvau, 1866 : s. m. Logis, habitation, — dans l’argot des bourgeois, qui disent souvent cela, par fausse modestie, d’une fort jolie maison de campagne.

Rigaud, 1881 : Prison. Mot à mot : trou de la réflexion, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Salle de police ; prison.

Au 13e on donne à la salle de police les noms familiers de clou, de bloc ou de trou. On dit encore l’ours ou l’ousteau… On peut y être condamné pour des fautes moins graves que l’assassinat de son père.

(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)

Vive le vin ! Vive la bonne chère !
Vive la grinche ! Vive les Margotons !
Vive les cigs ! Vive la bonne bière !
Amis, buvons à tous les vrais garçons !
Le temps heureux a fini bien trop vite,
Car aujourd’hui nous v’là tous dans l’trou.

(Clément, Voleur à effraction)

France, 1907 : Village, bourgade, petite ville.

Ceux qui n’iront aux bains de mer, ni aux stations thermales, vont tout prosaïquement chez papa, à la campagne, tous les ans, à cette époque, le Parisien est pris de la nostalgie du purin. Il a besoin d’aller respirer le fumier paternel et de manger le foin des aïeux. Il fait sa malle, dit adieu à la compagnie avec quelque fracas et file vers un trou de province, assommant, monotone, où les mâchoires qui résistent au bâillement peuvent se vanter de la solidité de leurs charnières.

(Georges Montorgueil)

Oui, Madame, il faut qu’on s’en aille
Dans quelque petit trou normand,
Pour la santé de la marmaille
Et le repos de votre amant.

(Jacques Rédelsperger)

Trou (être dans le)

Rigaud, 1881 : Être enterré.

Trou (faire son)

Larchey, 1865 : Arriver à une bonne position. — Mot à mot : faire sa trouée dans la foule.

Rigaud, 1881 : Faire son chemin dans le monde.

France, 1907 : Faire sa situation, se caser, vivre tranquillement et confortablement.

— Pourquoi je ne suis pas resté à Paris ? Pourquoi je n’ai pas cherché, comme les autres camarades de la bande, à y faire mon trou ? Parce que j’ai senti que, dans ce trou, je m’y enterrerais. Parce que je me suis aperçu, un beau jour, que j’avais et que j’aurais de plus en plus Paris en horreur, à cause de son écœurante et annihilante banalité.

(Jean Richepin, Les Sœurs Moche)

Trou (faire un)

Rigaud, 1881 : Boire, au milieu d’un repas, un verre de cognac. Dans les dîners d’apparat, on fait le trou en se gargarisant avec des sorbets au rhum ou au kirsch.

France, 1907 : Boire un verre de liqueur au milien du repas pour faciliter la digestion, ce qu’on appelle le coup du Normand.

Trou (le)

Rossignol, 1901 : Prison.

Trou à la lune

Rigaud, 1881 : Faillite, départ précipité pour cause de faillite. — Faire un trou à la lune, suspendre ses payements et prendre le chemin de fer, via Bruxelles.

Trou à la lune (faire un)

France, 1907 : Partir sans payer ses dettes. On disait autrefois faire un trou à la nuit.

L’Empire ! Eh ! eh ! sous le dernier,
Bien des gens d’abord sans fortune,
Rien qu’à cribler de trous la lune,
Se sont fait un joli denier.

(Gringoire)

Trou aux pommes de terre

Delvau, 1866 : s. m. La bouche, — dans l’argot des faubouriens. C’est la même expression que celle des ouvriers anglais : Potatoe trap.

Virmaître, 1894 : La bouche (Argot du peuple).

France, 1907 : Bouche ; argot populaire.

Trou d’Aix

Vidocq, 1837 : s. m. — Anus.

Trou d’aix, trou de balle

Larchey, 1865 : Anus.

Trou d’ogre

France, 1907 : Bureau de placement ; argot des employés.

Trou de balle

Delvau, 1866 : s. m. Le podex, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Trou du souffleur et Trou de bise.

Virmaître, 1894 : Le derrière. On dit aussi : la lumière (Argot du peuple).

France, 1907 : Anus. On dit aussi trou d’Aix, trou du souffleur, trou de bise.

Pour lors, on a fait respirer à Ressegnier un litre de vinaigre et un kilo de sels anglais, après quoi on l’a palpé sur toutes les coutures ; — seul, le trou de balle, dont la nature l’a orné, dénotait quelque chose de pas normal.

(La Sociale)

Trou de bise

Rigaud, 1881 : Derrière.

Parce qu’il est continuellement éventé des vents du trou de bise.

(Rabelais, l. I)

Et les variantes : Trou de balle, trou du souffleur.

Trou de loup

France, 1907 : Excavation creusée dans le sol pour y cacher en temps de guerre les sentinelles avancées ; terme militaire.

En avant, à une distance d’une centaine de mètres, des trous, où un homme pouvait se cacher entièrement, avaient été pratiqués. On les appelait des trous de loups et l’on y mettait une sentinelle. Dans les tranchées, il était défendu de faire du feu, de dormir, de s’éloigner et même de fumer. Mais ces prescriptions n’étaient pas rigoureusement observées.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Trou du cul

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme incapable, — dans l’argot du peuple.

Trou du normand

France, 1907 : Verre d’eau-de-vie que l’on prend au milieu du repas dans les copieuses agapes normandes ; on l’appelle aussi coup du milieu.

Trou pas cher (petit)

France, 1907 : Endroit où l’on peut vivre à bon marché ; ces petits trous tendent malheureusement à disparaître.

Tous deux, pour prendre le grand air,
Dans la banlieu’, chaque dimanche,
Nous cherchions les p’tits trous pas cher.

(René Esse)

Trou sous le nez qui coûte cher (avoir un)

Rigaud, 1881 : Avoir l’habitude de bien manger et de bien boire ; faire un dieu de son ventre.

Trou-du-cul

Rigaud, 1881 : Sot, niais, gros imbécile.

France, 1907 : Imbécile ; synonyme de c…

Les ventrepleins de la Croix ont préché trois jours de jeûne et de prières aux bigottes et aux trous-du-cul qui coupent dans leurs bourdes, pour le succès électoral des cléricochons.

(Père Peinard)

Trou-du-cul (se démancher le)

Rigaud, 1881 : Faire force salutations, se confondre en salutations.

Troubade

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Troubadour.

France, 1907 : Fantassin ; apocope de troubadour.

— Je suis un ancien troubade. Je me souviens qu’au régiment, où la jeunesse inconsidérée est falsifiée dans la perversité par la passion effrénée du sexe, je me souviens que quand nous quittions une garnison numéro un pour quelque sale numéro cent, une chose mettait du beurre dans les épinards : laisser les anciennes avec les marmites de rebut. Nous disions : « Ouf ! Ouf ! au kilo de moins sur le dos. » Les remplaçantes ne valaient pas mieux, c’est sûr, mais c’était du nouveau. Eh ! nous sommes tous organisés dans les mêmes règlements vitaux. C’est la nature de l’homme ! Tous même pâte, n’y a que le pétrin qui diffère.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

C’était hier un simple troubade,
L’égal du dernier tourlourou,
Mais aujourd’hui, de par son grade,
Il a le droit de fiche au clou
Quand il commande, sa voix pleine
Dans le décor ne fait pas mal ;
Bref, il a deux galons de laine,
V’là c’que c’est que d’êtr’ caporal !

(Griolet)

Troubade ou troubadour

Merlin, 1888 : Soldat d’infanterie. Alfred Delvau demande plaisamment si c’est en raison de sa clarinette de six pieds.

Troubade, troubadour

Larchey, 1865 : Fantassin. — Comme le troubadour, le fantassin fait en tous pays résonner sa clarinette. — Ch. Rousselot a fait le Troubade, chansonnette (1860).

Je suis Manon la cantinière
Et verse à boire aux troubadours.

(J. Choux)

Troubade, truffard, truffardin

Rigaud, 1881 : Soldat.

Troubadour

Delvau, 1866 : s. m. Soldat de l’infanterie, — dans l’argot du peuple. Est-ce à cause de la clarinette de cinq pieds ?

France, 1907 : Fantassin. Est-ce parce qu’il est amoureux comme le troubadour des romances ou parce que, comme lui, il joue de la clarinette ?

En cavalier
Sûr du métier,
Ta tournure guerrière
Sait captiver la plus fière,
Et pour le parfait amour,
En filant un doigt de cour
Tu te montreras toujours
Plus fort que dix troubadours.

(La Fanfare du cavalier)

Trouble-fête

d’Hautel, 1808 : Homme d’une humeur difficile, qui, par son mauvais caractère, dérange l’agrément d’une fête.

Trouducuisme

France, 1907 : Sottise, préjugés.

Mais s’il fallait poursuivre tous ceux qui nous charcutent et nous tuent, parce que les opérations leur sont cher payées, que de gloires de la médecine s’en iraient au bagne !… M. Troimaux voulait une condamnation. Il n’ignore pas que les jurés, cerveaux bourrés de trouducuisme bourgeois, lisent les quotidiens, leur demandent la lumière qui ne jaillit point en leurs crânes ténébreuxs : il a suggéré à ces inconscients le verdict qui fit hurler l’assistance.

(Le Don Juan)

Trouducuteries

France, 1907 : Niaiseries, sottises, balivernes.

On a célébré, avec une foultitude de flaflas, une messe carillonnée, en l’honneur de la Noël russe. On a braillé un tas de trouducuteries tout comme chez les ratichons crétins et on a adoré le tzar, empereur et dieu vivant, le petit père de son peuple.

(La Sociale)

Trouée

Vidocq, 1837 : s. f. — Dentelle.

Larchey, 1865 : Dentelle (Vidocq). La broderie fait trou.

Delvau, 1866 : s. f. Dentelle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Dentelle, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Dentelle.

France, 1907 : Dentelle ; argot des voleurs.

Trouffion

Virmaître, 1894 : Petit troupier (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Soldat.

Troufignard

Rossignol, 1901 : Voir troufignon.

France, 1907 : Troufignon, anus ; littéralement trou de la figne.

T’entends nos gardeuses d’marmots
En train d’hurler dans un melingue !
Crois-tu qu’a’s en f’raient du bastringue,
Vrai ! ça s’rait pus poir’ qu’à Carmaux ;
Tu les vois pas s’crêper l’chignon,
Dans un élan démocratique
Et crier : Viv’ la République !
En tortillant leur troufignon !

(Aristide Bruant, Émancipation)

Troufignon

Delvau, 1866 : s. m. Le podex, — dans l’argot du peuple, qui employait déjà cette expression du temps de Béroalde de Verville.

Troufignon (?)

Rossignol, 1901 : Il y avait dans le temps une chanson en vogue que chantaient les militaires en marche ; il s’agissait d’un âne qui avait perdu sa queue, et le refrain était ainsi :

Pauvre queue ! Triste queue ! Toi qui chassais si bien les mouches
À l’entour du troufignon.
La berdondaine, la berdondon.

Troufignon, troufignard

Rigaud, 1881 : Le fondement.

Troufion

Hayard, 1907 : Postérieur, soldat.

France, 1907 : Soldat d’infanterie ; argot faubourien.

Elle ouvrit. Je vis une chambre sommairement meublée d’un lit de sangle, d’une table, d’un lavabo, d’une chaise et d’un poêle en fonte sur lequel était posée une casserole contenant des rogatons. Sur la cheminée, une douzaine de si daguerréotypes représentant des soldats et des sous-officiers de toutes armes, ses anciens greluchons. Un véritable intérieur de fille à troufions !

(Hector France, Les Mystères du monde)

Trouillarde

Delvau, 1866 : s. f. Femme de mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Dévergondée.

France, 1907 : Fille malpropre au physique et au moral, souillon ; prostituée. Argot populaire.

Trouille

d’Hautel, 1808 : Aphérèse de citrouille.
Une grosse trouille.
Terme de mépris, pour dire une grosse mâflée ; une femme d’une corpulence peu gracieuse.

Delvau, 1866 : s. f. Domestique malpropre ; femme du peuple rougeaude et avachie.

Rigaud, 1881 : Souillon de cuisine, femme malpropre.

Virmaître, 1894 : Domestique malpropre, femme du peuple rougeaude et avachie. A.D. Trouille ne se prend pas en ce sens ; cela veut dire : tu n’as pas peur. Trouille est synonyme de hardiesse.
— Tu n’as pas la trouille d’entreprendre une tâche aussi difficile (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Peur. — « Tu n’as pas la trouille (pas peur). » — « Tu veux que je te prête ma femme, tu n’as pas la trouille. »—« Si tu n’y va pas, c’est que tu as la trouille. »

Hayard, 1907 : Peur.

France, 1907 : Peur. N’avoir pas la trouille, avoir de l’audace, de l’effronterie.

Même au fort d’une conversation tant soit peu lâchée entre gens de bonne compagnie, on trouverait d’un goût douteux… au moins, d’articuler à haute voix cette opinion qu’un tel, muni de trop d’aplomb (un aplomb bœuf !) n’a pas la trouille ou qu’il ne manque pas de culot.

(Frédéric Loliée, Parisianisme)

Cependant que tu es en verve,
Dis-nous encor, fils de Minerve,
Quelque chose… Tu t’ébahis
De la piètre et triste figure
D’un Français qui, par aventure,
S’exile en ton chien de pays ?
Parbleu, butor de belle espèce,
Rommel, dont la caboche épaisse
Ferait mieux dans un pantalon,
Je vois que tu n’as pas la trouille ;
Mais vraiment, est-ce à la citrouille
À se gondoler du melon !

(Raoul Ponchon)

France, 1907 : Fille sale, servante malpropre, souillon ; argot populaire.

Et, si tout le monde l’appelait la Trouille quoiqu’elle portât le beau nom d’Olympe, cela venait de ce que Jésus-Christ, qui gueulait coutre elle du matin au soir, ne pouvait lui adresser la parole, sans ajouter : « Attends, attends ! Je vais te régaler, sale trouille ! »

(Émile Zola, La Terre)

Trouillon, trouillonne

La Rue, 1894 : Domestique malpropre.

Trouilloter

Rigaud, 1881 : Puer, répandre une odeur infecte.

Hayard, 1907 : Sentir mauvais.

France, 1907 : Sentir mauvais, infecter. Ça trouillote généralement dans les chambrées après une étape ou une marche militaire, et lorsque les haricots ont été abondants dans le rata, l’adjudant qui fait contre-appel entre onze heures et minuit est obligé de se boucher le nez. Argot populaire.

Trouilloter de la hurlette

Virmaître, 1894 : Puer de la bouche (Argot du peuple). N.

Trouilloter du corridor, du goulot

France, 1907 : Avoir l’haleine fortement épicée, ce qui arrive généralement quand on a trop fêté Bacchus. C’était le cas de ce soldat se présentant à la visite du major pour lui expliquer son mal aux cheveux, et devant qui celui-ci se recule aussitôt : « Ah çà ! — lui dit-il — vous respirez donc par le derrière ! »

Dans un salon cythéréen.
— Eugénie a une fameuse bouche.
— Oui, et elle trouillote du goulot.
— Que voulez-vous dire ?
— Que quand elle bâille, elle oxyde ses boucles d’oreilles.

Trouillotter

Delvau, 1866 : v. n. Exhaler une mauvaise odeur. Trouillotter du goulot. Avoir l’haleine homicide.

La Rue, 1894 : Puer. Trouillotter du goulot, être punais.

Troupe d’argent

Delvau, 1866 : s. f. Troupe de second ordre, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Troupe de théâtre qui joue à tour de rôle sur deux scènes ; par exemple à Montmartre et aux Batignolles. — La troupe de fer-blanc joue tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, sans théâtre fixe.

Troupe d’or

Delvau, 1866 : s. f. Excellente troupe, — dans l’argot des comédiens. Les meilleurs rédacteurs, — dans l’argot des journalistes. On dit aussi Troupe d’hiver, parce que c’est ordinairement dans cette saison — la meilleure de l’année théâtrale et journalistique — que les directeurs de théâtres et de journaux renforcent leur troupe et donnent leurs pièces et leurs articles à succès.

Troupe de carton

Delvau, 1866 : s. f. Troupe plus que médiocre.

Troupe de fer-blanc

Delvau, 1866 : s. f. Troupe composée d’acteurs médiocres. Rédacteurs très ordinaires, — dans l’argot des journalistes. On dit aussi Troupe d’été, parce qu’à ce moment de l’année, les Parisiens riches étant en voyage ou à la campagne, il est inutile de se mettre en frais pour ceux qui restent à Paris.

Trousse

Hayard, 1907 : Postérieur.

France, 1907 : Anus ; parties sexuelles de la femme. Allusion au système pileux. Coller dans la trousse, coïter en sodomiste ; argot militaire.

Troussé (être)

Delvau, 1866 : Mourir subitement, ou en peu de jours, sans avoir eu le temps d’être malade. Argot du peuple.

Trousse-pète

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, qui équivaut à tatillon ; petite fille, qui fait l’entendue ; qui se mêle de tout.

Troussequin

Larchey, 1865 : Derrière. — De la partie de la selle que frotte la plus noble partie du cavalier.

Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps qui sert de cible aux coups de pied, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Pétrousquin, mais ce dernier mot est moins étymologique que l’autre, qui est proprement le Morceau de bois cintré qui s’élève sur l’arçon de derrière d’une selle.

Rigaud, 1881 : Derrière ; pour pétrousquin.

France, 1907 : Derrière ; argot militaire.

Trousser

d’Hautel, 1808 : Pour, expédier, hâter, combler, achever.
Cette affaire sera bientôt troussée. Pour dire, expédiée, achevée.
Il a été lestement troussé. Pour dire qu’un homme a été enlevé par une maladie subite.

Delvau, 1866 : v. a. Expédier promptement une chose ou une personne, — dans l’argot du peuple.

Trousser (se faire)

Delvau, 1864 : Se faire baiser.

Mais aux champs une fillette
Se fait volontiers trousser.

(De La Ferlière)

Trousser une femme

Delvau, 1864 : La baiser, la femme étant aussi vite baisée que troussée, ou femme troussée étant considérée comme foutue.

Quoi ! tu te laisses trousser tout de suite ?

(La Popelinière)

Lite, indignée en sentant qu’il la trousse,
Sans doute alors se livrait aux sanglots.

(Béranger)

Troussier

Hayard, 1907 : Assassin.

Troussière

France, 1907 : Mouchoir. On appelait ainsi l’agrafe qui servait à relever la robe des femmes.

Mais entre les autres j’y vis
Dont une y donna un bréviaire ;
Et l’autre un calice à devis ;
Et sa dame une cordelière,
Pour lui faire une troussouère.

(J. Molinet)

Troussis

France, 1907 : Dessous de jupes retroussées ; argot populaire.

Vos petits pieds doux et fripons,
Sous le troussis de vos jupons,
Mesdames et Mesdemoiselles,
Paraissent battre de leurs ailes
Tout le long des pavés boueux,
En trottinant, petits pieds roses,
Semez à chaque pas des roses,
Petits pieds,
Petits pieds,
Petits pieds gracieux !

Trouvaille

d’Hautel, 1808 : Rencontre, découverte heureuse ; chose trouvée par hasard.
On dit, pour rabaisser le mérite d’une découverte, d’une innovation quelconque ; Ne voilà-t-il pas une belle trouvaille !

Trouvé

Delvau, 1866 : adj. Neuf, original, réussi, — dans l’argot des gens de lettres. C’est trouvé. C’est ingénieux.

Rigaud, 1881 : Nouveau, original, — dans le jargon des artistes.

Trouvé (c’est)

France, 1907 : C’est bien, c’est réussi, nouveau ; expression boulevardière.

Trouvée (elle est)

Larchey, 1865 : Cette histoire est neuve, originale.

Trouver

d’Hautel, 1808 : Il ne s’est jamais trouvé à de telles noces. Manière ironique de dire que quel qu’un a été battu, étrillé d’importance.
Il s’est trouvé là comme mars en carême ; comme lard en pois ; ou, comme tabourin à noce. Pour dire à propos, à point nommé.

Trouver bonne, mauvaise (la)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : trouver la plaisanterie mauvaise.

Trouver buisson creux

France, 1907 : Être déçu. Ne pas trouver dans une affaire ce que l’on espérait, locution populaire venant des chasseurs qui trouvent souvent buisson creux.

Trouver chaussure à son pied

France, 1907 : Trouver ce qui vous convient.

Trouver des puces

Delvau, 1866 : Rencontrer une dispute — et même des coups. Argot du peuple. C’est la conséquence de cette autre expression Chercher des poux à quelqu’un.

France, 1907 : Se quereller ; expression populaire.

Trouver la pie au nid

France, 1907 : Se dit par plaisanterie d’une personne qui se fait une trop grande idée d’une découverte qu’elle à faite ou qu’elle croit avoir faite, ou d’une chose qu’elle a trouvée. « Tu crois trouver la pie au nid et qu’en lui chantant quelque chanson faite du temps de Corisande et de Henri IV, tu peux lui jurer que ta l’as faite pour elle. » (Mémoires de Grammont.)

Ils ont seuls ici-bas trouvé la pie au nid,

dit Régnier.
Cette expression vient évidemment de la coutume des pies de faire leurs nids sur les branches les plus élevées des grands arbres où il serait difficile sinon impossible d’aller prendre la mère au nid.
On appelle aussi en terme militaire nid de pie une sorte de guérite d’où l’on peut tirer sans se découvrir. Le difficile est de déloger le tireur de là.

À ces mots, l’espoir le plus doux
Envahit le cœur de l’époux :
Il soupçonne un heureux mystère
Et, tout rayonnant, il espère,
En ce moment deux fois béni,
Trouver encor la pie au nid.

(Contes tourangeaux)

Trouver mal dessus (se)

France, 1907 : S’approprier une chose.

Chez le père Lunette.
Un visiteur attablé près d’une fille pose sur la table, en se levant pour partir, une pièce de quarante sous destinée à remercier la jeune personne de sa compagnie. L’amant de la donzelle eyniquement s’en empare : Ne te trouve pas mal dessus, dit-il.

Trouver mal sur (se)

Rigaud, 1881 : Chiper, s’approprier un objet. — Qu’est-ce qui s’est trouvé mal sur mon trèfle ?

Trouver mauvaise (la)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des faubouriens et des petites dames — d’une histoire désagréable, d’un acte déplaisant, d’un événement ennuyeux. Un faubourien se casse le bras : Je la trouve mauvaise ! dit-il. On enlève son amant à une petite dame : Je la trouve mauvaise ! dit-elle.

Virmaître, 1894 : Quand, par un verglas abominable, on se casse la figure, elle est mauvaise. Quand votre femme vous pond un gosse tous les ans, elle est mauvaise. Quand on a acheté cent mille francs de Panama, elle est mauvaise. En un mot on trouve mauvais tout ce qui vous arrive de désagréable dans la vie (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Être mécontent ; expression populaire.

— Voici ma belle-mère qui s’amène pour dîner avec nous, je la trouve mauvaise.

Trouver visage de bois

France, 1907 : Aller chez quelqu’un et trouver porte close.

Trouveur ou part à deux

Virmaître, 1894 : V. Ramastiqueur.

Trouveurs-faux vendeurs

Virmaître, 1894 : Genre de vol pratiqué aux environs des gares de chemins de fer. Il consiste à feindre de trouver une bague en cuivre placée à l’avance par un complice dans un endroit désigné, et à la vendre comme de l’or à un naïf qui débarque (Argot des voleurs). V. Ramastiqueurs. N.

Troyen

Delvau, 1866 : s. m. Le trois, — dans l’argot des joueurs de dominos.

Rigaud, 1881 : Trois d’un jeu de dominos. Les dilettanti manquent rarement l’occasion de dire : Troyen de Berlioz.

Truand

d’Hautel, 1808 : Vagabond, fainéant, vaurien, mendiant.
On dit par mépris, en parlant d’une femme chargée d’embonpoint ; c’est une grosse truande.

Truandaille

d’Hautel, 1808 : Tourbe, vile populace, canaille.

Truander

d’Hautel, 1808 : Fainéantiser, rôder, vaquer, gueuser, mendier.

Truandise

France, 1907 : Moquerie.

Truc

Vidocq, 1837 : s. f. — Une des diverses manières de voler, profession d’un voleur.

un détenu, 1846 : Tout faire. Homme à truc : métier.

Halbert, 1849 : Industrie quelconque.

Larchey, 1865 : Manière de voler (Vidocq). — Du vieux mot truche (V. Roquefort). — La truche était l’art d’exploiter la pitié des gens charitables.

Grand Coësre, dabusche des argotiers et des trucheurs le grand maître, vivent les enfants de la truche ! vivent les enfants de l’argot !

(Vidocq)

Cette juxtaposition de truche et de argot confirme notre pensée sur l’origine de ce dernier mot… Argot n’est qu’une forme d’argue : ruse, subtilité. — Au moyen âge, les mots truffe, trulle et trut avaient le même sens de finesse et d’imposture. Ce dernier, qui ne diffère pas beaucoup de truc, se trouve, dès le quatorzième siècle, dans une chronique rimée du duc de Bretagne, Jean IV (Lobineau, t. II, col.730) :

François prenoient trop divers noms Pour faire paour aux Bretons, Mais ils avoient plus de viel Trut Que vueille truie qui est en rut.

V. Roustir, Lem. Notre société a adapté le mot truc, au théâtre c’est la machine destinée à produire un changement à vue, les féeries sont des pièces à trucs, pour un auteur dramatique, le truc est la science des détails. On dit d’un écrivain qui file la scène avec difficulté, qu’il manque de truc.

Delvau, 1866 : s. m. Ficelle, secret du métier, — dans l’argot des saltimbanques. Débiner le truc. Révéler le secret d’un tour.

Delvau, 1866 : s. m. Machine destinée à produire un changement à vue, — dans l’argot des coulisses. Signifie aussi Entente des détails et de la mise en scène.

Delvau, 1866 : s. m. Tromperie ; malice, — dans l’argot du peuple. Avoir du truc. Avoir un caractère ingénieux. Connaître le truc. Connaître le secret d’une chose.
Le truc était, au commencement du XVIIIe siècle, un billard particulier, plus long que les autres, et pour y jouer proprement il fallait en connaître le secret.

Rigaud, 1881 : Commerce infime en plein air, petit trafic de toute sorte d’objets sans valeur.

Le gamin de Paris fait tous les petits commerces qu’on désigne sous l’appellation de trucs. C’est sa qualité native.

(Ménetier, Les Binettes des cafés-concerts)

Rigaud, 1881 : Machine servant à produire un changement à vue au théâtre. — Le changement à vue lui-même. Les féeries sont des pièces à truc.

Rigaud, 1881 : Métier, — dans l’argot des voleurs. — À la Cour des Miracles le truc était un genre de vol qui consistait à dépouiller celui dont on implorait la charité.

Rigaud, 1881 : Ruse, mensonge ingénieux.

Est-ce que je ne connais pas toutes les couleurs ? J’ai le truc de chaque commerce.

(Balzac, L’Illustre Gaudissart)

Son chef-d’œuvre est l’invention du truc à l’amour.

(Mémoires de Thérésa)

Ce farceur de Mes-Bottes avait eu le truc d’épouser une dame très décatie.

(É. Zola)

Boutmy, 1883 : s. m. Façon d’agir, bonne ou mauvaise ; plus souvent synonyme de ruse, de tromperie : Tu sais, mon vieux, je n’aime pas ces trucs-là. Usité aussi dans d’autres argots. Piger le truc, découvrir la ficelle, la ruse. Rebiffer au truc, recommencer une chose déjà faite, à manger et à boire, par exemple.

La Rue, 1894 : Métier. Ruse, tromperie. Secret d’un métier, d’un tour. Petit commerce. Racolage.

Virmaître, 1894 : Connaître le truc, être malin. Avoir du truc, avoir les moyens de réussir. Truc : machine de théâtre employée dans les féeries pour un changement de décors à vue. Truc : moyen secret que possède un individu de faire quelque chose (Argot des camelots et des saltimbanques).

Hayard, 1907 : Signifie n’importe quoi, comme fourbi.

France, 1907 : Tromperie, ficelle, ruse, secret de métier. On appelait autrefois truc une sorte de billard qu’il fallait étudier et dont il était nécessaire de connaitre le secret pour pouvoir y jouer avec avantage.

— Si jamais Monsieur avait besoin de moi… et de mon associé, nous serions bons, là, pour n’importe quelle besogne… — et nous avons pas mal de trucs dans notre sac… et des fameux… — Il ne s’agit que d’y mettre le prix. — Monsieur nous trouverait à ses ordres.

(Xavier de Montépin, Le Mariage de Léone)

Lorsqu’un de ses protecteurs lui fait une scène et parle de la lâcher, la petite Simonne de L…, qui n’est pas une sotte, a trouvé un bon truc.
Elle se couche, absolument nue, devant la porte de son boudoir, en s’écriant d’une voix dramatique :
— Avant de sortir d’ici, Monsieur, vous me passerez sur le corps.
Ça lui a toujours réussi.

(Le Diable amoureux)

Truc (avoir du)

France, 1907 : Avoir de l’expérience dans son métier.

— Est-ce que je ne connais pas toutes les couleurs ? J’ai le truc de chaque commerce.

(Balzac)

Truc (boulotter le)

France, 1907 : Oublier la consigne.

Truc (débiner le)

Rigaud, 1881 : Révéler le secret d’un métier, les ruses d’un métier, la manière d’opérer.

Je vois que vous êtes du métier : ne débinez pas le truc.

(G. Escudier, Les Saltimbanques)

Maquiller le truc, organiser une affaire.

France, 1907 : Dévoiler le secret.

… Vous prenez un de ces vases d’élection et vous y jetez un petit carnet de coulissier bien gras ; puis vous en fermez le couvercle et vous le laissez fermenter dans un coin sans y penser davantage : tous les cinq ans, vous l’ouvrez, et avec une cuillère à pot, vous en ramenez de la représentation nationale, soit une infinité de petits députés députants, de petits sénateurs sénatorisants qui, au moindre rayon de soleil, grandissent en dansant et deviennent des ministres ministrants tels que nous, que dis-je, des candidats à la présidence, pour ensuite se répandre et pulluler dans l’administration, les postes lucratifs, les fonctions honorifiques, les consulats, ambassades et perceptions. Et voilà, Messieurs et Mesdames, tel est le truc du système et le système du truc. Nous avons l’honneur de vous le débiner, afin que vous sachiez par quoi nous avons remplacé les vagues régimes, monarchies ou empires…

(Émile Bergerat)

Truc (donner le)

Rigaud, 1881 : Donner le mot d’ordre, dans le jargon des voleurs. — Boulotter le truc, oublier le mot d’ordre ; c’est-à-dire manger la consigne.

Truc (faire le)

Fustier, 1889 : Argot des filles. Raccoler.

France, 1907 : Se prostituer.

— Y a bientôt deux ans que je fais le truc.
— Tu n’as donc plus ni père ni ni mère ?
— J’ai pas connu ma mère ; parait que c’était une chouette roulure : quant à mon p’pa, il aimait trop les bons coups, ça fait qu’il est à ‘hôpital des fous.
— Mais enfin comment vis-tu, où loges-tu ?
— Chez mon bon ami…
— Quel âge as-tu ?
— Douze ans.

(Henry Bauër)

Truc (grand)

Rigaud, 1881 : Assassinat. C’est-à-dire : grand moyen.

Puis au grand truc vous marchez en flaffant.

(Mémoires de Lacenaire, 1836)

France, 1907 : Assassinat.

Truc (piger le)

France, 1907 : Découvrir la fraude.

Truc (repiquer au)

Rigaud, 1881 : Recommencer. Récidiver.

France, 1907 : Recommencer, revenir à la charge.

Ainsi, tenez, la p’tite Hortense,
Ma femm’, me rend pèr’, l’an dernier,
Tout de suite, à part moi, je pense :
Enfin, j’tiens donc un hértier !
— Est-ce un fils ? dis-je à la sag’-femme.
— Non, c’est un’ fille, Monsieur Luc.
— Alors, tant pis ! dis-je à c’te dame ;
Je r’pique au truc !

(Jules Jouy)

Truc à la graisse

France, 1907 :

On nous dit que dans la presse
Y a des tas d’bas-bleus
Qu’écriv’nt des trucs à la graisse,
C’en est scandaleux.
Au sesque fort ce mond’ boude,
— Ça, c’est pas adroit !
Mais, si cell’s-là jouent du coude,
Dam’, c’est qu’c’est leur droit.

(É. Blédort)

Truc de la morgane et de la lance

Larchey, 1865 : Baptême. — Mot à mot : manœuvre du sel et de l’eau. V. Momir.

Trucage

Rigaud, 1881 : Art de la fabrication du vieux-neuf.

France, 1907 : Ruse, tromper.

Trucageur

Rigaud, 1881 : Fabricant d’antiquités, fabricant de vieux-neuf.

Et, surtout, défiez-vous du trucageur, ô millionnaires !… Le trucageur est un artiste modeste, bien différent des autres artistes ses confrères. Il fait du vieux avec du neuf, l’innocent.

(Ed. Texier)

France, 1907 : Fabricant de fausses antiquités ; argot populaire. On dit plus communément truqueur.

Trucard

France, 1907 : Habile, adroit ; qui connait le truc.

Truche

Delvau, 1866 : s. f. Manière de voler, — dans l’argot des prisons.

Virmaître, 1894 : Est une manière spéciale de voler. Le voleur qui la pratique est un trucheur (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Aumône.

France, 1907 : Mendicité. Le faire à la truche, mendier.

Je suis ce fameux argotier,
Le grand Coesre de ces mions,
J’entrerve truche et doubler
Dedans les boules et fremions.

(Chanson des argotiers)

Enfants de la truche, mendiants.

Vive les enfants de la truche,
Vive les enfants de l’argot.

(Même chanson)

Trucher

d’Hautel, 1808 : Caimander, gueuser, mendier par fainéantise.

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Demander l’aumône.

La Rue, 1894 : Mendier.

France, 1907 : Mendier ; vieux français.

Grenipille ou bien Misère,
C’est même chose en deux mots,
C’est de hameaux en hameaux
Traîner un ventre qu’on serre,
Pour soi-même et les marmots
Trucher le pain nécessaire,
Envier leur sort même aux
Plus pauvres des animaux,
Égrener le noir rosaire
Dont tous les grains trop gémeaux
Sont des maux, des maux, des maux…
Grenipille ou bien Misère,
C’est même chose en deux mots.

(Jean Richepin)

Trucher, tuner

Rigaud, 1881 : Mendier, — dans l’ancien argot.

Trucheur

d’Hautel, 1808 : Voyez Truand.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur.

Trucheur, tuneur

Rigaud, 1881 : Mendiant. — Trucheuse, tuneuse, mendiante. Truche, mendicité. La faire à la truche, implorer la charité. Les mots « trucher, trucheur », sont des dérivés de l’ancien mot truc. (V. truquer.)

Trucheux

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Gueux.

France, 1907 : Mendiant.

Qui veut rouscailler,
D’un appelé du grand Coesre,
Dabusche des argotiers,
Et des trucheux le grand maître ?

(Chanson des argotiers)

Trucider

France, 1907 : Tuer, massacrer ; vieux mot, du latin trucidare, même sens.

Je vous défie d’expliquer à l’enfant le plus intelligent, fût-ce à un jeune naturaliste, par où le viol est une vertu militaire et comment on peut ensemblement trucider une jolie femme et lui esquisser un enfant. Il y a là une erreur de logique accablante et désordonnée.

(Émile Bergerat)

Trucsin

Delvau, 1866 : s. m. Prostibulum, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Prostibulum.

France, 1907 : Maison de prostitution ; argot des malfaiteurs.

Truculent

Delvau, 1866 : adj. Énorme ; farouche, sauvage, — dans l’argot des romantiques, cette fois néologistes (truculentus). Le mot a été employé pour la première fois par Théophile Gautier.

France, 1907 : Image à sensation ; du latin truculentus, cruel.

Tous les huit jours, il venait, à la papeterie, prendre le Journal des Voyages, à cause des truculentes images qui représentaient le combat d’un lion et d’un rhinocéros, ou bien un serpent boa absorbant, en pleine forêt vierge, un gentleman vêtu de coutil, aver son casque de liège, ses bottes et sa carabine à deux coups.

(François Coppée)

Truelle

Delvau, 1866 : s. f. Cuiller, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Pelle. Manier la truelle. Manger.

Rigaud, 1881 : Composteur, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. f. Composteur. Cette expression semblerait assimiler les plâtres à des maçons.

France, 1907 : Cuillère. Manier la truelle, manger la soupe. Argot des francs-maçons.

Truelle, pelle

Rigaud, 1881 : Cuillère, — dans le jargon des francs-maçons, qui appellent encore les fourchettes, des pioches ; les couteaux, des glaives ; les verres, des canons ; lès bouteilles, des barriques ; le vin blanc, poudre blanche ; le vin rouge, poudre rouge ; l’eau, poudre faible ; les liqueurs fortes, poudre fulminante ; les bougies allumées, des étoiles ; les mouchettes, des pinces ; le sel, du sable ; le poivre, sable jaune ; les chaises, stalles ; l’action de manger, mastiquer.

Truellée

Boutmy, 1883 : s. f. Toute la composition que peut contenir un composteur.

Truffard

Delvau, 1866 : s. m. Soldat, — dans l’argot des faubouriens.

Merlin, 1888 : Synonyme de grognard.

France, 1907 : Soldat, appelé ainsi à cause des truffes ou pommes de terre dont son ordinuire était autrefois plus garni que de viande.

— Cette pauvre Pucelle, disait-il, ne trouvera jamais l’occasion de dérouiller son bancal. Il faudra qu’il se décide à dégommer quelqu’un de nous. Quand tu retourneras au pays et qu’on dira : « Ah ! arrivez les farauds, voici le bourreau des crânes, le fameux Daniel, le terrible pourfendeur qui revient d’Afrique, combien as-tu estourbi de Bédouins, mon fils ? » qu’est ce que tu répondras ? Tu seras obligé, ou de passer pour ne seringue, ou de conter des balançoires, ce qui est humiliant pour un vrai truffard.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Truffard, truffarde

Rigaud, 1881 : Heureux, heureuse ; celui, celle qui a de la chance.

Truffe

Delvau, 1866 : s. f. Nez d’ivrogne, — dans l’argot des faubouriens, qui trouvent que ces nez-là ressemblent beaucoup au tuber cibarium. Ils ont raison.

Rigaud, 1881 : Pomme de terre. — Gros nez, nez d’ivrogne.

La Rue, 1894 : Pomme de terre. Nez d’ivrogne. Truffe de savetier, marron.

Virmaître, 1894 : Nez, lorsqu’il est gros eu forme de groin. Allusion au cochon qui s’en sert pour chercher des truffes. Le peuple dit aussi : piton (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Naïf, imbécile.

France, 1907 : Imbécile, digne d’être accommodé aux truffes comme une oie ou un dindon.

Le départ de la chaîne était un spectacle qui avait ses fidèles habitués.
On accourait de tous les points de la capitale pour voir ce pittoresque tableau ; mais le bourgeois du Marais dominait.
Ce n’était pas l’échafaud, ce n’était pas la marque, mais enfin, c’était quelque chose qui méritait que l’on se dérangeât, disaient les Babyloniens de la fin du siècle dernier.
Les forçats, loin d’être intimidés par les spectateurs, leur lançaient de grossiers lazzis.
— Tu viendras bientôt nous retrouver !
— Arrétez-le, il a monté le coup avec moi !
— Tu ne ferais pas mieux de rester auprès de ta femme ? Ton premier garçon est en train de te remplacer.
— Oh ! là, là ! regardez-moi cette gueule ! On dirait l’hippopotame. Eh ! va donc, truffe !

(Marc Mario et Louis Launay)

France, 1907 : Nez sur lequel poussent des tubercules, nez d’ivrogne rouge et gonflé. Argot populaire.

France, 1907 : Tête ; argot populaire.

Truffé

Delvau, 1866 : adj. et s. Imbécile, homme bourré de sottises — comme un dindon de truffes.

Rigaud, 1881 : Rempli, bourré. N’est guère employé qu’avec le mot chic : Truffé de chic. — Dans son roman des Quatre sœurs, publié dans les Débats, (1842) Frédéric Soulié cependant a dit, en parlant d’un boudoir, qu’il était truffé de meubles.

Virmaître, 1894 : Crétin, niais, imbécile. Synonyme d’andouille. On dit dans le peuple :
— Il est truffé de bêtise, il arrive de son patelin, il n’est pas dessalé (il n’est pas dégrossi).
On dit également :
— Il est truffé d’argent.
Truffé, pour : beaucoup (Argot du peuple).

Truffe de savetier

Delvau, 1866 : s. f. Marron.

Rigaud, 1881 : Marron. Une dinde aux truffes de savetier.

Virmaître, 1894 : Des marrons. Le marron remplace la truffe chez le savetier, comme la pomme de terre remplace l’orange pour le Limousin (Argot du peuple).

France, 1907 : Marrons ; argot populaire.

Truffer

France, 1907 : Battre.

Nous… on nous truff’ tell’ment la peau
Et not’ tit’ viande est si meurtrie
Qu’alle en prend les tons du drapeau,
Les trois couleurs de not’ Patrie.

(Jehan Rictus)

France, 1907 : Bourrer, remplir ; argot populaire.

France, 1907 : Tromper ; argot populaire.

Truffer, truffeur, trufferie

d’Hautel, 1808 : Tromper, trompeur, tromperie.

Trufferie

France, 1907 : Tromperie ; argot populaire.

Truffes (aux)

Larchey, 1865 : Soigné. — La truffe est un aliment de luxe.

Tu me feras un compte rendu aux truffes !

(E. Augier)

Truffes (aux) !

Delvau, 1866 : C’est le : Aux ognons ! des gandins.

France, 1907 : Excellent ; synonyme de aux petits oignons. Argot populaire.

Truffeur

France, 1907 : Trompeur ; argot populaire.

Truffier

France, 1907 : Gros homme, replet et comme bourrée de truffes ; argot populaire.

Truffière

Rigaud, 1881 : Femme qui a beaucoup d’embonpoint, principalement dans la région des hanches.

Truffin

France, 1907 : Coiffeur : il tond et rase la truffe. Argot des polytechniciens.

Truie à pauvre homme (bonne)

France, 1907 : Femme trop féconde à pauvre diable.

Truie aime mieux bran que rose

France, 1907 : Les gens malpropres se plaisent dans la saleté.

Truisme

France, 1907 : Lieu commun, vérité banale ; néologisme, de l’anglais truism, même sens.

Trumeau

Delvau, 1866 : s. m. Comédie ou vaudeville Louis XV, — dans l’argot des gens de lettres et des gens de théâtre.

Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie. — Vieux trumeau, prostituée hors d’âge.

Virmaître, 1894 : Comédie ou vaudeville Louis XV. Trumeau signifie vieille femme. On dit dans le peuple :
— Sale trumeau, ta gueule est bonne à foutre dans les lieux pour faire chier les gens de peur (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Prostituée. Vieille catin.

Je ne sais ce qui s’est passé entre Trublot et Suzanne ; mais Trublot m’a déclaré avant hier que la vieille le dégoûtait, qu’il ne pouvait plus faire un pas sans être cramponné par elle, que ses camarades commençaient à tourner cet amour en ridicule ; bref, que, malgré son grand désir de m’être utile, il aimait encore mieux reprendre son service au quartier que de continuer à se frotter à pareil trumeau !

(Richard Cross-Country)

Trune

Halbert, 1849 : Aumône.

Truotte

France, 1907 : Jeu fort ancien des campagnes bourguignonnes.

La truotte se joue dans les prés ou sur une vaste pelouse… Les joueurs, armés chacun d’un long bâton dont l’extrémité inférieure est une crosse, chassent devant eux un morceau de bois de la grosseur et de la forme d’une bonde de tonneau, et s’efforcent de l’éloigner du trou où l’un d’eux a pour corvée de le faire entrer.

(Charles Nisard)

Ce jeu dont parle Rabelais sous le nom de truye, à cause de l’analogie entre les allures de la truie et le mouvement de va-et-vient de la bande, est fort populaire en Angleterre, sous le nom de crocket.

Truquage

Virmaître, 1894 : Se dit d’un meuble, d’un tableau ou d’un objet d’art qui a subi un truquage pour lui donner l’apparence de la vétusté ou le style d’une époque. Il y a des truquages célèbres qui ont trompé les plus grands amateurs. Un des plus souvent mystifiés est M. de Rosthschild. Tout le monde a présent à la mémoire le fameux bouclier acheté 100 000 fr., comme datant du XVe siècle, lequel avait été déniché à Rome chez un brocanteur. Ce bouclier avait été fabriqué de toutes pièces dans une cave de la rue Bourg-Labbé, et ne valait pas cent sous (Argot des artistes peintres). N.

France, 1907 : Voir Trucage.

Truquarder

France, 1907 : Faire le truc, racoler.

Truque

Clémens, 1840 : Commerce, état, manière de voler.

Truquer

un détenu, 1846 : Vivre d’industrie.

Halbert, 1849 : Commercer.

Delvau, 1866 : v. n. Tromper ; ruser, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Mendier.

Boutmy, 1883 : v. intr. Avoir recours à des trucs ; tromper. Usité dans d’autres argots.

France, 1907 : Arranger, façonner. Une pièce bien truquée.

On pourrait chercher aussi querelle à Zola sur les inconvénients de son procédé habituel, le trop grand nombre des personnes éparpillant l’attention, la multiplicité des épisodes fatiguant l’intérêt au lieu de l’émoustiller, l’abus du leitmotiv. Et son habitude de tout mettre en action, sans omettre un détail, donne parfois trop d’importance au décor, à l’extériorité des choses. Mais comme tout cela est habilement mené, dosé, et souvent truqué ! Quel tour de main !

(Paul Alexis)

France, 1907 : Donner un coup de tête, en parlant des moutons ; patois du Centre.

Les entame disent à un mouton comme pour le défier : « Truque, cadet ! »

(Comte Jaubert)

France, 1907 : Faire.

Le monde « où l’on barbotte » blague les bottes des sergots (ce qui prive injustement la gendarmerie d’un monopole jusqu’alors respecté) et, pas plus tard que ce matin, j’entendais un blême voyou crier à l’un des nouveaux carabiniers parisiens :
— Tu sais, ma vieille rousse, ce n’est pas avec ces bottes-là que tu m’enverras truquer des chaussons de lisière.

(Maxime Boucheron)

France, 1907 : Tromper, ruser.

Quand on est pas braiseux de naissance,
Pour viv’ faut ben truquer un peu…
Ces gonc’s-là, c’en a t i d’la chance,
Ça mange et ça boit quand ça veut.

(Aristide Bruant)

Truquer de la pogne

Rigaud, 1881 : Mendier. Mot à mot : ruser de la main.

France, 1907 : Mendier ; argot des vagabonds.

Truqueur

Larchey, 1865 : « On appelle ainsi tous ces gens qui passent leur vie à courir de foire en foire, n’ayant pour toute industrie qu’un petit peu de hasard. » — Privat d’Anglemont. — C’est aussi un homme usant de trucs, dans toutes les acceptions susdites.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui passe sa vie à courir de foire en foire, de village en village, n’ayant pour toute industrie qu’un petit jeu de hasard.

Delvau, 1866 : s. m. Trompeur ; homme qui vit de trucs.

Rigaud, 1881 : Habile, malin.

Rigaud, 1881 : Industriel en plein vent qui exerce toute sorte de petits métiers ; vendeur de montres à dix sous, de chaînes de sûreté, de cartes transparentes, de porte-monnaie, etc., etc. — Individu qui court de foire en foire avec un jeu de hasard.

Fustier, 1889 : Individu du troisième sexe qui vit de son… industrie.

La Rue, 1894 : Malin. Contrefacteur. Individu qui exerce en plein vent un petit métier, un truc.

Virmaître, 1894 : Le truqueur est un filou qui va de village en village et de foire en foire, avec un petit jeu de hasard qu’il exploite habilement. Ce jeu est généralement un chandelier fait avec les débris d’un vieux chapeau ; il met un sou sur le chandelier qui est placé dans une assiette. Il s’agit, au moyen d’une longue baguette d’osier, de faire tomber le chandelier et que le sou reste dans l’assiette. Cela n’arrive jamais, à moins de connaître le truc. Il y a une masse de truqueurs, surtout en cette fin-de-siècle où tout est truc pour gagner sa vie. (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Malin.

France, 1907 : Trompeur, contrefacteur.

Des truqueurs, il n’est pas besoin de parler ; ouvrier sans travail, ancien militaire, faux demandeur, maladie, mort, sortie d’hôpital, tout est exploité d’une façon merveilleuse.

(L. Florian-Pharaon)

Truqueuse

La Rue, 1894 : Fille publique.

France, 1907 : Prostituée.

Truquigé

France, 1907 : Préparé, truqué. Un jeu truquigé, un paquet de cartes préparé par un grec.

Truquoise

France, 1907 : On appelait ainsi autrefois une sorte de tenaille dont on se servait comme casse-noisettes.

Tu autem

France, 1907 : Voir Entendre.

Tu es ille vir

France, 1907 : Tu es cet homme : c’est toi le coupable. Locution latine faisant allusion aux paroles du prophète Nathan reprochant au saint roi David d’avoir fuit tuer son général Urie pour prendre possession de sa femme Bethsabée.

Tu me la tûmes !

Delvau, 1866 : Tu m’ennuies ! — dans l’argot des voyous, qui ont retenu, pour se l’approprier, ce refrain d’une chanson des rues célèbre il y a quinze ans.

Tu parles !

France, 1907 : Expression populaire signifiant : « Je t’écoute », « ce que tu dis est bien », « je t’approuve ».
Une jeune fille victime d’un accident de chemin de fer, sur la ligne d’Orléans, réclamait, de ce fait, à la Compagnie, une indemnité de 40.000 francs.
La 4e chambre du tribunal civil a fait droit à sa demande, en reconnaissant, dans un de ses considérants, que ladite jeune fille, ayant une jambe broyée, « avait subi une dépréciation, au point de vue matrimonial ».
Tu parles !…

Tu quoque !

France, 1907 : Toi aussi ! Locution latine, faisant allusion aux dernières paroles de César mourant lorsqu’il aperçut son fils Brutus au nombre de ses assassins.

Tu sacerdos in æternum

France, 1907 : Tu es prêtre pour l’éternité. Formule par laquelle l’évêque consacre les prêtres.

Un pécheur tel que moi ne pouvait vraiment condamner plus sévèrement que le Pape l’attachement à des créatures terrestres, et je donnai quelques louis à ce vaincu de la vie et de l’amour dont l’allure toujours gênée et embarrassée sous l’habit laïque commentait le : Tu sacerdos in æternum.

(Édouard Drumont)

Tu t’en ferais mourir

Virmaître, 1894 : Réponse ironique à une question saugrenue.
— Payes-tu à déjeuner ? prêtez-moi cent francs ; avance-moi mon mois ; viens coucher avec moi ?
— Tu t’en ferais mourir.
Mot à mot : Tu ne voudrais pas (Argot du peuple). N.

Tu vas me le payer, Aglaé

Delvau, 1864 : Expression familière aux filles et à leurs hommes, pour signifier cinquante choses. — C’est l’équivalent de : As-tu fini ! ou de : Des navets !

Tu vas me le payer, Aglaé !

Delvau, 1866 : Expression de l’argot des filles et des faubouriens, qui l’emploient à propos de tout — et surtout à propos de rien. Quelqu’un annonce une nouvelle ou dit un mot drôle : Tu vas me le payer, Aglaé ! Il pleut ou il neige : Tu vas me le payer, Aglaé… On tombe ou l’on voit tomber quelqu’un : Tu vas me le payer…

Tu-tu

Virmaître, 1894 : Petit paquet de mousseline chargé de cacher ce que le maillot collant indique trop — pour le père la Pudeur — alias M. Bérenger-Caton. La vieille chanson dit :

Son maillot en s’déchirant
À laissé voir son… événement
Ça d’vait la gêner su’ l’moment.

Ça ne gêne pas la Môme Fromage ni Grille d’Égout, moi non plus (Argot du peuple).

Tua res agitatur

France, 1907 : Il s’agit de toi, de tes intérêts. Locution latine tirée d’Horace.

Tub

France, 1907 : Bassin pour faire ses ablutions, anglicisme.

Jusque vers la fin du dix-huitième siècle, les reines d’Angleterre prenaient leur tub en présence de la Cour et de quelques invités de distinction. Ça serait choquant aujourd’hui, mais il ne faut pas oublier que le Roi-Soleil ne se gênait guère pour prendre bien autre chose devant ses courtisans, auxquels ce n’était pas toujours son soleil qu’il faisait voir en plein midi.

(Grosclaude)

La courtisane la plus éprise de son corps ne fait pas plus minutieusement sa toilette et ne sort pas du bain plus nette et plus pure que ce délicieux chat, qui n’a pourtant d’autre tub que sa langue et d’autre éponge que sa patte.

(François Coppée)

Tubard

Hayard, 1907 : Nez.

France, 1907 : Chapeau haut de forme ; allusion à sa ressemblance avec un tuyau. Les synonymes sont nombreux et la raillerie populaire s’est fort exercée sur ce vilain complément du costume moderne. En voici les principales désignations : blockaus, bloum, boisseau, bolivar, brosselard, cadratin, capsule, couvre-amour, cyclope, décalitre, lampion, tromblon, tube, tube à pression, tuyau de poêle. Voir Tube, Tuyau de poêle.

— Qu’est-ce que vous avez fait au bon Jésus et à ces damnés hommes, chérie de mes entrailles ? Dégoisez ça à votre mignonne maman, mon pauvre petit poulet d’hôpital.
— Rien, dit la petite en pleurnichant… c’est un monsieur à tubard qui m’a raccrochée comme ça parce que je vendais des fleurs à des types. Alors j’ai cru qu’il rabattait dans le truc ; je l’ai suivi dans sa piole. Mais c’était un friquet.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Tube

Halbert, 1849 : Fusil.

Delvau, 1866 : s. m. Le gosier, — dans l’argot des faubouriens. Se rincer le tube. Boire. Se coller quelque chose dans le tube. Manger. Signifie aussi Voix.

Delvau, 1866 : s. m. Nez, — dans l’argot des marbriers de cimetière. Se flanquer du terreau dans le tube. Priser.

Rigaud, 1881 : Gosier. — Nez. Se piquer le tube, se griser.

La Rue, 1894 : Gosier. Nez. Fusil. Chapeau.

Virmaître, 1894 : Chapeau haut de forme. On dit aussi : tuyau de poêle (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Le gosier. Dans le peuple, on dit deo celui qui a le ventre creux :
— Il n’a rien à se mettre dans le tube.
Boire un bon coup, c’est se rincer le tube.
— Il est quatre heures, je vais me coller un peu de fripe dans le tube.
Mot à mot : je vais manger (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Chapeau haut-de-forme, nez.

France, 1907 : Gosier. Se coller quelque chose dans le tube, boire ou manger. Argot populaire.

La gamelle a du bon, mes fistons, et la preuve c’est que le prince d’Orléans, qui a pourtant mieux que ça à se coller dans le tube, est venu réclamer la sienne quand il a eu l’âge d’en boulotter.

(Monthabor, La Vie au régiment)

France, 1907 : Même sens que tubard ; le digue pendant de l’ignoble habit à queue de morue.

— Mon horreur pour le chapeau noir surpasse de 69 coudées 7 dixièmes la haine que Jules Lemaître professe à l’égard du même objet. Je demande pour le ridicule couvre-chef une nouvelle Saint Barthélémy !
— Parfait !
— Ce que je n’admets surtout pas, c’est la consécration tyrannique du tube par le protocole de la snoberie moderne. Certaines gens ne peuvent récupérer leur pain quotidien que si, malgré le délabrement de leur costume, ils sont coiffés de ce monstrueux cylindre !

(George Auriol)

Son successeur est un tub très à la mode,
Digne d’être chanté sur le rythme d’une ode,
Au dernier goût du jour et d’un chic élégant ;
Il luit plus qu’un miroir, il me va comme un gant.

(George Bois, Cœur au vent)

Tube à haute pression

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des voyous.

Tuber

Rigaud, 1881 : Fumer la pipe. Le mot est d’importation méridionale. — Si nous en tubions une ?

La Rue, 1894 : Fumer la pipe.

Hayard, 1907 : Bouder, être en colère.

France, 1907 : Fumer la pipe ; argot populaire. En tuber une.

Tubercule

France, 1907 : Gros nez ; argot populaire.

Tubéreuse

Delvau, 1866 : s. f. Ventris flatus male olens, — dans l’argot des faubouriens. Lâcher une tubéreuse. Ventris flatum emittere.

France, 1907 : Vesse. Lâcher une tubéreuse, vesser. Allusion à la mauvaise odeur de la fleur de ce nom.

Tudor

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau de femme ressemblant au chapeau andalou, avec une garniture de plumes de paon tout autour. Il est à la mode au moment où j’écris : il n’y sera plus peut-être quand ce livre paraîtra.

Tué (être)

Delvau, 1866 : Être mis hors du jeu par ses adversaires, — au billard à trois.

Rigaud, 1881 : Être comme pétrifié par la stupéfaction, être saisi, étonné au point de ne plus pouvoir faire un mouvement. — Argot du collège. (L. Larchey)

Tuel

France, 1907 : Tuyau, goulot. Vieux français. Quand au dixième siècle les hosties furent substituées au pain, les fidèles qui communiaient buvaient Le vin au moyen d’un chalumeau ou tuyau, et non plus à même le calice. Ces tuyaux étaient appelés fistules, cannes, pipes ou tuels. On s’en servait également dans la vie privée pour boire plus frais. Ils étaient, dans les églises et les familles riches, en or ou en argent.

Tuer

d’Hautel, 1808 : Se tuer le corps et l’ame. Manière exagérée, pour dire, se donner beaucoup de tourment, beaucoup de peine.

Tuer (bon à)

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui ne fait rien qui vaille ; celui qui gâche l’ouvrage.

Tuer le colimaçon

France, 1907 : Imposer silence à sa conscience.

Tuer le mandarin

France, 1907 : Voir Mandarin.

Quel est celui qui, une fois dans sa vie, n’a pas pensé à tuer le mandarin ? Et qui ne profiterait pas de l’occasion ?

(Félicien Champsaur, L’Arriviste)

Tuer le temps

Delvau, 1866 : Le passer d’une façon quelconque, — mais plus en se divertissant qu’en travaillant : carpere diem. On dit volontiers, en manière de proverbe : Il vaut mieux tuer le temps que d’être tué par lui.

France, 1907 : Occuper ses loisirs, dissiper son ennui.

Ils sont heureux, bien heureux. les calmes et les assagis qui s’en vont, dans la vie, sans désirs et sans curiosités, comme en une promenade où l’on cherche à tuer de temps, sans but, insouciamment. Ils ne connaissent pas leur bonheur, les tranquilles, dont le sang ne bout pas au passage d’une belle fille rose et blonde, et qui n’ont pas sous la chair, enfoncée, l’âpreté à la fois mauvaise et charmante des concupiscences irrésistibles ou fatales. Et ils s’enferment dans le mariage comme en une oasis paisible dont les innocentes joies leur suffisent, au delà desquelles ils ne cherchent plus rien.

(Jules Monod)

Un mari surprend sa femme dans les bras d’un ami… son meilleur ami, naturellement.
— Que veux-tu ! dit la coupable, nous t’attendions depuis une heure, et, alors, pour tuer le temps…

(Le Journal)

Tuer le ver

Delvau, 1866 : v. a. Boire un verre de vin blanc en se levant, — dans l’argot des ouvriers, chez qui c’est une tradition sacrée. On dit aussi Tuer un colimaçon.

Delvau, 1866 : v. a. Étouffer ses remords, — dans l’argot des voleurs, qui ne commettent pas souvent de ces meurtres-là, le vol étant leur élément naturel.
Les Anglais ont la même expression, ainsi qu’il résulte de ce passage de Much Ado about nothing, où Shakespeare appelle la Conscience le Seigneur Ver (Don Worm).

Rigaud, 1881 : Boire la première goutte, le premier verre de vin blanc, le matin à jeun. M. Ch. Rozan fait remonter l’origine de cette expression au temps de François Ier, et cela d’après l’autorité du journal d’un bourgeois de Paris de cette époque, qui prétend qu’un ver extrait des intestins d’une noble dame passa de vie à trépas dès qu’on lui eut administré du pain trempé dans du vin.

Par quoi il en suyt qu’il est expédient de prandre du pain et du vin au matin, au moings en temps dangereux, de peur de prandre de ver.

conclut ce Prudhomme du XVIe siècle.

J’aime beaucoup moi-même à tuer le ver sur le zinc, et je me fais un plaisir de vous offrir une tournée.

(Bernadille, Esquisses et croquis parisiens, 1876)

La variante donne : Tuer le colimaçon, mais l’expression est beaucoup moins répandue ; et encore : Asphyxier le ver.

Rigaud, 1881 : S’étourdir, mettre des liqueurs fortes sur ses remords pour essayer de les éteindre, — dans le jargon des voleurs. C’est-à-dire tuer le ver qui ronge la conscience.

La Rue, 1894 : Étouffer un remords. Boire du vin blanc en se levant.

Virmaître, 1894 : Boire la goutte, le matin, ou un verre de vin blanc. Quand on suppose que le ver est solitaire (dur à tuer), les ouvriers boivent plusieurs tournées, alors ce n’est pas le ver qui est tué, mais bien le buveur. Les voleurs disent également qu’ils ont tué le ver lorsqu’ils ont des remords. Ils ne le tuent pas souvent (Argot du peuple et des voleurs).

France, 1907 : Boire le matin à jeun. Expression due à la croyance populaire qu’un verre d’eau-de-vie, pris au réveil, tue les vers intestinaux.

C’est, disent les ouvriers de Paris, un remède infaillible pour tuer le ver qui, à cette heure-là, leur pique l’estomac. Mais comme ils se l’appliquent tous les jours, il faut croire que le remède est inefficace ou que le ver est immortel. Ils ont beau doubler la dose, le résultat est le même, et chaque jour le ver, comme le phénix de ses cendres, renait de cette immersion.

(Charles Nisard)

Dans un très curieux petit roman du XVIIIe siècle, on trouve cette expression qui laisse supposer qu’on appelait ainsi le petit déjeuner du matin : « Je n’ai rien pris de tout aujourd’hui qu’au tue-ver. » On tuait aussi le ver le soir, mais avec du vin, ainsi qu’il appert d’un vau de Vire, de Jehan de Houx :

Les vers nous font mourir,
J’en prends pour m’en guarir
Et nettoyer mon ventre.
Au soir estant couché,
Suis malade et tranché
Si quelque vin n’y entre.

(La Panacée universelle)

En juillet 1519, M. de la Vernade, maître des requestes du roi, perdit sa femme. Elle fut ouverte et on lui trouva sur le cœur un ver en vie.
On prit ce ver, qui avait percé le cœur, et on crut le tuer avec du mithridate. Cet antidote n’ayant pas réussi, on essaya du pain trempé dans du vin. Le ver mourut aussitôt.
D’où les médecins conclurent qu’il est expédient de prendre du pain et du vin au matin, au moins en temps dangereux, de peur de prendre le ver.
De là le petit coup de vin blanc ou d’eau-de- vie par lequel les ouvriers commencent leur journée.

(Le Courrier de Londres)

Tuer les mouches au vol

Larchey, 1865 : Avoir une haleine infecte.

Si vous aviez le pouvoir de faire croire que la soubrette tue les mouches au vol, vous seriez joué demain.

(Balzac)

V. Couper la gueule.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir l’haleine aussi cruelle que Domitien, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Tuer les mouches à quinze pas, et, pour rajeunir un peu cette vieille formule, Faire mouche à tout coup.

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine. On dit aussi tuer les mouches à quinze pas. Expressions populaires.

Tuile

d’Hautel, 1808 : Il ne trouveroit pas du feu sur une tuile. Se dit d’un homme mal famé, qui n’inspire aucune confiance, et auquel on ne rendroit pas le moindre service.

M.D., 1844 : Une assiette.

Larchey, 1865 : Accident. — Allusion à la tuile qui tombe d’un toit sur la tête du premier passant venu.

La tuile est forte, Mais on peut s’en relever.

(L. Reybaud)

Delvau, 1866 : s. f. Accident, événement désagréable, visite inattendue, qui tombe dans votre existence comme une tuile sur votre tête. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Assiette, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Platine.

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau, — dans l’argot des voyous, qui prennent la tête pour le toit du corps humain. Les voyous anglais ont le même mot : Tile.

Rigaud, 1881 : Chapeau. — Assiette, — dans l’argot des francs-maçons. — Tuileau, casquette.

Rigaud, 1881 : Contre-temps, événement fâcheux.

La Rue, 1894 : Accident, événement fâcheux. Chapeau. Assiette.

Virmaître, 1894 : Malheur qui arrive à quelqu’un.
— J’ai perdu mon porte-monnaie, quelle tuile !
Quand il arrive inopinément une douzaine de personnes à dîner, lorsqu’il n’y en a que pour deux, la ménagère dit :
— Quelle tuile nous tombe sur la tête (Argot du peuple).

France, 1907 : Accident, obstacle, chose imprévue. Il y a tuiles et tuiles. On nomme tuile, par exemple, un gros lot qui tombe du ciel ou un oncle d’Amérique qui arrive au moment où l’on y pense le moins.
Un ennui qui vous arrive, s’appelle tuile aussi. Un fâcheux, quelle tuile !!!
Ces tuiles-là sont bien distinctes ; on les nomme, au figuré, bonnes ou mauvaises tuiles.

La Providence, que vous n’attendiez pas là sans doute, mais qui est partout et qui nous aime encore plus que nous ne nous aimons nous-mêmes, ne manque pas pourtant de nous gratifier d’une foule de désagréments subits, vulgairement appelés tuiles.

(P. Bernard, L’Homme à tout faire)

Tuileau

Delvau, 1866 : s. m. Casquette.

La Rue, 1894 : Casquette.

France, 1907 : Casquette ; argot populaire.

Tuiler

Larchey, 1865 : Toiser, dévisager. — Terme maçonnique.

Delvau, 1866 : v. n. Mesurer quelqu’un ou quelque chose ; juger du caractère ou de la qualité. Argot du peuple.

Fustier, 1889 : Regarder quelqu’un d’un œil soupçonneux.

La Rue, 1894 : Regarder avec méfiance. Se tuiler, s’enivrer.

France, 1907 : Toiler, observer avec méfiance. Questionner.

Tuiler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enivrer ; succomber sous l’ivresse comme sous une averse de tuiles, ou boire à en avoir bientôt le visage érubescent, c’est-à-dire couler de tuile neuve.

Rigaud, 1881 : Se soûler à fond ; arborer les tons rouges de la brique.

France, 1907 : S’enivrer ; argot populaire.

Tuileries

M.D., 1844 : Les toits.

Tuileur

Delvau, 1866 : s. m. Frère examinateur, — dans l’argot des francs-maçons.

Tuileur (frère)

France, 1907 : Officier d’une loge maçonnique dont les fonctions consistent à examiner les visiteurs d’un temple, à s’assurer qu’il ne s’introduit pas de profanes dans les loges, à tuiler enfin les nouveaux venus.

Le frère tuileur des Philadelphes était un farouche mangeur de prêtres qui ne cessait de tonner contre la calotte, l’œil furibond et l’écume aux lèvres, mais il avait mis ses deux filles au couvent, son fils chez les frères ignorantins et laissait chaque matin sa jeune femme courir à la messe.

(Hector France)

Tuite

Boutmy, 1883 : s. f. Barbe complète. Prendre une tuite, s’enivrer. Ce mot est sans aucun doute une altération de pituite, légère indisposition qui fait souvent regretter le lendemain les libations de la veille. D’autres prétendent que tuite est une altération de Cuite. V. ce mot.

Tulipe orageuse

Larchey, 1865 : Cancan.

Tous quatre frétillant des tulipes de plus en plus orageuses.

(E. Sue)

Allusion aux jupes plus ou moins ballotées des cancaneuses.

Delvau, 1866 : s. f. Variété de cancan ou de chahut.

France, 1907 : Sorte de danse excentrique, variété de chahut.

Ses occupations consistaient surtout à étudier la belle nature en la personne de filles de brasserie aux formes opulentes, et à se livrer, à la célèbre Closerie des Lilas, à des exercices acrobatiques, en dansant la Tulipe orageuse.

(Hector France)

Tulipe orageuse (le pas de la)

Rigaud, 1881 : Pas chorégraphique très risqué au point de vue de la décence. Cavalier seul exécuté par une danseuse de bal public qui enlève ses jupes à la hauteur de la tête en tournant sur elle-même. — La tulipe orageuse est le nec plus ultra du cancan, et laisse bien loin la rémoulade, le passage du guet, le coup du lapin, et le présentez armes !

Son amour pour la chorégraphie s’était développé au Prado où elle dansait la tulipe orageuse avec un chic qui lui avait valu les applaudissements frénétiques de la galerie.

(Abbot, La Princesse Mathilde)

Tulle

Vidocq, 1837 : s. f. — Détention, réclusion.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Tumer

France, 1907 : Ennuyer ;argot populaire. Se dit d’un œuf dont le contenu déborde en y trempant la mouillette, ou de tout liquide qui déborde ; vieux français, du latin tumera.

Tune

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le bagne ou Bicêtre.

Clémens, 1840 : Pièce d’argent.

Larchey, 1865 : Prison de Bicêtre. C’est un dépôt de mendicité. De tuner : mendier. — Tuneur : Mendiant. — Tuneçon : Maison d’arrêt.

Delvau, 1866 : n. de l. Bicêtre, — l’ancien refuge naturel des sujets du roi de Thunes. Argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Argent, monnaie, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Le bagne. Pièce de monnaie. Pièce de cinq francs.

Virmaître, 1894 : Bicêtre, l’ancien refuge naturel des sujets du roi de Thunes. A. D. Ce n’est pas le mot tune qui est vrai. C’est tunobe. La prison de la Force, démolie en 1830, était ainsi appelée par les prisonniers. Dans les autres dictionnaires d’argot, on ne trouve que tuneçon, expression qui ne veut rien dire (Argot des voleurs). N.

Virmaître, 1894 : Pièce de 5 francs en argent (Argot du peuple). V. Brème de fonds.

France, 1907 : Bagne ; argot des malfaiteurs.

France, 1907 : Dépôt de mendicité de Nanterre ; argot des vagabonds, Abréviation de tuneçon.

Tune ou dalle

un détenu, 1846 : Pièce de cinq francs.

Tune ou tunebée

Vidocq, 1837 : Bicêtre, prison du département de la Seine. C’est de Bicêtre que partent les condamnés destinés aux divers bagnes de la France. Le spectacle hideux du départ de la chaîne attire toujours un grand concours de spectateurs empressés d’ajouter encore quelques souffrances à celles que doivent éprouver ces malheureux qui, cependant, n’ont pas été condamnés à servir d’aliment à la curiosité publique. Dès le matin du jour fixé pour le départ de la chaîne, des masses immenses envahissent le quartier Mouffetard, la barrière du Midi, et les environs de l’ancien manoir de Charles VII. Il pleut, l’éclair sillonne la nue, la foule ne se retire pas, et cependant cette foule n’est pas composée seulement d’hommes du peuple, il y a dans ses rangs des dandys et des petites maîtresses qui, le soir peut-être, étaleront leurs grâces au balcon du Théâtre-Italien. Voici, au reste, en quels termes s’exprimait, à l’occasion du départ de la chaîne, un journal qui cependant n’a pas l’habitude de s’apitoyer sur les misères des malheureux que la société repousse de son sein : « Jamais pareil concours de spectateurs, dit la Gazette des Tribunaux, ne s’était réuni pour contempler les traits des malheureux que la loi a justement frappés. On remarquait sur six files de voitures marchant de front, de brillans équipages blasonnés ou armoiriés, confondus avec des voitures omnibus, des cabriolets de maître, de régie ou de places, des coucous, des charrettes, des tapissières, etc., etc. Le nombre de ces chars, numérotés ou non, et plus ou moins élégans, dépassait quinze cents.
On ne voyait pas sans étonnement parmi les plus brillans équipages, des calèches remplies de dames en élégante toilette du matin. Les robes de soie, les chalys, les châles français, les écharpes de barèges, les chapeaux ornés de fleurs ou de plumes ont dû être singulièrement compromis par la poussière.
Il en était de même des hommes, devenus méconnaissables par les flots poudreux qui souillaient leurs vêtemens. La descente de la Courtille, au mardi gras, ne présente peut-être pas un spectacle aussi ignoble que celui qu’offraient aujourd’hui nos fashionables. »
Un poète, qui faisait partie de cette chaîne, a composé une sorte d’hymne dont je crois devoir citer ici les deux couplets les plus saillans.

Entendez notre voix, et que nos fiers accens.
À notre suite enchaînent la folie.
Adieu Paris ! adieu, nos derniers chants
Vont saluer notre patrie.
Des fers que nous portons nous bravons le fardeau,
Un jour la liberté reviendra nous sourire,
Et dans notre délire
Nous redirons encor ce chant toujours nouveau.
Renommée, à nous les trompettes,
Dis que joyeux nous quittons nos foyers,
Consolons-nous si Paris nous rejète,
Et que l’écho répète
Le chant des prisonniers.
Regardez-nous et contemplez nos rangs :
En est-il un qui répande des larmes ?
Non, de Paris nous sommes tous enfans ;
Notre douleur pour vous aurait des charmes.
Adieu, car nous bravons et vos fers et vos lois ;
Nous saurons endurer le sort qu’on nous prépare,
Et, moins que vous barbare,
Le temps saura nous rendre et nos noms et nos lois.
Renommée, etc., etc.

Les condamnés qui doivent faire partie de la Bride (chaîne), sont amenés dès le matin dans la grande cour de la prison de Bicêtre ; ils ont ordinairement passé une partie de la nuit à boire et à chanter*, aussi leur teint est pâle, et ils paraissent ne point devoir supporter les fatigues de la route. Ceux qui ont obtenu soit à prix d’argent, soit parce qu’ils ont la protection de quelques-uns des employés de la prison, une place aux premières loges, et peuvent voir des hommes vêtus d’un habit militaire et l’épée au côté, occupés à choisir et à examiner les colliers qui doivent servir aux forçats. Lorsqu’ils ont achevé leur tâche, ils placent par rang de taille et font asseoir vingt-six individus auxquels ils lâchent les plus dégoûtantes épithètes.

*Il y a toujours parmi les forçats qui doivent faire partie de la chaîne, quelques forçats qui se chargent de faire quelques chansons de circonstance qui sont destinées à charmer les ennuis de la route. Outre ces poésies nouvelles, les condamnés n’oublient pas de chanter quelques-unes de ces vieilles chansons argotiques chantées déjà par plusieurs générations de voleurs, la Marcandière, le Tapis de Montron, par exemple ; mais celles qui obtiennent le plus de succès, celles dont les refrains sont répétés avec une sorte de frénésie, sont celles qui sont destinées à tourner en ridicule la police ou ses agens. La chanson en vogue maintenant dans les bagnes et dans les prisons, est dirigée contre M. Allard, chef de la police de sûreté, et les agens qu’il emploie. Il est inutile de dire que cette chanson ne prouve absolument rien. Aussi je ne donne place ici à quelques-uns de ces couplets que pour donner un échantillon du style épigrammatique des voleurs.
Ce fameux Allard entra,
Sa brigade l’entoura ;
Tous scélérats,
Voyez ces agens,
Ils livreraient leur père
Pour un peu d’argent.
La chaine toute entière
Ne fait qu’un cri :
Ah ! Ah ! à la chianlit,
À la chianlit.
Allard dit à un voleur,
Je suis un homme d’honneur,
C’est un menteur.
On lui a prouvé
Que l’un de ses deux frères,
Depuis peu d’années
Est sorti des galères,
Il en rougit.
Ah ! ah ! à la chianlit,
À la chianlit.
Les agens vont dés l’matin
Chez un tailleur peu malin,
Louer un frusquin.
Voyez ces friquets
En habit du dimanche,
Ce gueux d’Hutinet,
Et ce gouépeur de Lange
En vieil habit.
Ah ! ah ! à la chianlit,
À la chianlit, etc., etc.

C’est alors que commence le ferrage. Cette opération fait quelquefois frémir ceux qui en sont spectateurs, car elle est vraiment terrible, et si le marteau ne tombait pas d’aplomb sur le rivet du collier, il est évident que le crâne du condamné serait infailliblement fracassé. Au reste, plusieurs fois des forçats ont été blessés très-grièvement. Lorsque l’opération du ferrage est terminée, et quelle que soit la rigueur de la saison, on fait déshabiller complètement chaque forçat, et les plaisanteries, assaisonnées de quelques coups de bâton, ne leur sont pas épargnées, ce qui paraît réjouir infiniment les grandes dames qui ne quittent pas les fenêtres auxquelles elles sont placées. On distribue alors à tous ceux qui doivent faire le voyage une paire de sabots, des vêtemens de grosse toile grise qui les couvrent à peine ; ensuite vient le perruquier qui taille en échelle les cheveux de chaque forçat, tandis que les argousins coupent le bord des chapeaux et la visière des casquettes.
Quelle que soit la saison, les forçats sont ensuite placés sur les voitures découvertes, attelées chacune de quatre chevaux, qui doivent les conduire au lieu de leur destination. Au signal du capitaine de la chaîne, le triste convoi se met en marche, accompagné de quelques dandys à cheval qui veulent être spectateurs du dernier acte du triste drame qui se joue devant eux, et assister au Grand Rapiot.
Le Grand Rapiot, ou fouille générale, a lieu ordinairement à la fin de la première journée de marche. On fait alors descendre les forçats des voitures sur lesquelles ils sont juchés, on les fait déshabiller, les vêtemens et les fers sont visités avec la plus scrupuleuse attention ; les condamnés sont ensuite fouillés dans les endroits les plus secrets.
Cette opération se fait très-vite et au commandement des argousins. Ceux des forçats qui n’exécutent pas la manœuvre avec assez de promptitude, ou qui se montrent maladroits lorsqu’il faut passer par-dessus le cordon, reçoivent des coups de bâton.
Tousez, Fagots. À ce commandement d’un argousin, les forçats doivent faire leurs nécessités.
Lorsque le cordon est arrivé au lieu où la première nuit doit être passée, on fait entrer deux cents cinquante à trois cents forçats dans une écurie ou dans tout autre lieu semblable, d’une capacité propre à en contenir seulement cinquante ou soixante. Ils trouvent dans cette écurie quinze ou vingt bottes de paille. Des argousins sont placés à toutes les extrémités de cette écurie, et ceux qui sont chargés d’aller relever les factionnaires sont obligés de marcher sur les forçats qui sont étendus sur le sol, et ils les accueillent par des coups de bâton. Le bâton est la logique des argousins.
Si, l’été, un forçat a soif, et qu’il ose demander à boire, un argousin dit aussitôt : « Que celui qui veut boire lève la main. » Le forçat qui n’est pas encore au fait des us et coutumes de ces Messieurs, obéit ; alors, un des argousins de garde se rend auprès de lui, le frappe rudement en lui disant : « Bois un coup avec le canard sans plume, potence. »
Les vivres distribués aux forçats, sont, sauf le pain qui, est assez passable, de très-mauvaise qualité ; le vin est détestable, et la viande n’est autre chose que de sales rogatons.
La manière dont ces vivres sont distribués ajoute encore, s’il est possible, à leur mauvaise qualité. Les baquets qui contiennent la soupe et la viande semblent n’avoir jamais été lavés. Un cuisinier distribue les portions, et compte ainsi les condamnés : « Un, deux, trois, quatre ; voleurs, tendez votre gamelle. » Les forçats obéissent ; et le cuisinier jette dans leur gamelle environ une demi-livre de viande.
La distribution des vivres faite, le chef des argousins fait entendre un coup de sifflet ; le plus grand silence s’établit aussitôt. « Avez vous eu du pain ? — Oui. — De la soupe ? — Oui — De la viande ? — Oui. — Du vin ? — Oui. — Eh bien ! voleurs, dormez ou faites semblant, si vous ne voulez pas recevoir la visite du Juge-de-Paix. » (Le Juge-de-Paix est une longue et grosse trique de bois vert.)
Cet ordre une fois donné, le plus léger bruit excite la colère de MM. les argousins, qui se mettent à une table très-bien servie qu’ils ne quittent que pour aller bâtonner le malheureux forçat auquel la souffrance arrache quelques plaintes.

Tune, tunebée

Rigaud, 1881 : Bicêtre, — dans l’ancien argot.

Tuneçon

Vidocq, 1837 : s. f. — Maison d’arrêt.

Delvau, 1866 : s. m. Prison ; violon.

Rigaud, 1881 : Prison, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Prison. Violon.

France, 1907 : Prison : vieil argot des voleurs.

Tuner

Vidocq, 1837 : v. a. — Mendier.

Clémens, 1840 : Demander l’aumône.

Delvau, 1866 : v. n. Mendier.

La Rue, 1894 : Mendier.

Virmaître, 1894 : Mendier. Tuneur : mendiant. Il est pourtant rare qu’on donne une tune à un mendiant. Tuner, c’est l’apocope du mot importuner (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Mendier ; argot des vagabonds.

Tunes blencardes (des)

M.D., 1844 : Pièce de monnaie blanche.

Tuneur

Delvau, 1866 : s. m. Mendiant, vagabond.

France, 1907 : Mendiant à domicile ; argot des vagabonds.

Tuneur, -euse

Vidocq, 1837 : s. — Mendiant, mendiante. Lorsque l’on vit dans un pays civilisé, ce n’est pas sans éprouver un vif sentiment de peine que l’on rencontre à chaque coin de rue des mendians qui laissent voir à tous les yeux des infirmités hideuses ou des plaies dégoûtantes ; l’autorité a senti cela, aussi ses agens ne manquent pas d’arrêter tous les nécessiteux qu’ils trouvent sur leur chemin, à moins cependant qu’ils ne soient privilégiés, car il est bon que le lecteur sache que celui qui a quelques protections obtient la liberté de demander comme toute autre liberté ; les mendians ainsi arrêtés sont condamnés à deux ou trois jours d’emprisonnement, ils sont ensuite mis à la disposition de l’autorité administrative, qui les fait enfermer dans un dépôt de mendicité, et ne leur rend la liberté que lorsqu’ils ont acquis un petit capital. Le mendiant jeté sur le pavé avec 30 ou 40 francs, fruit du travail d’une année toute entière, dissipe cette petite somme en cherchant ou non du travail. Mais toujours est-il qu’il la dépense, et bientôt il se trouve aussi misérable que lors de son arrestation ; cela n’arriverait pas si, au lieu d’une prison, ces malheureux avaient trouvé du travail convenablement rétribué.
Pour avoir le droit de blâmer la mendicité et celui de punir les mendians, il faut avoir donné à tous les nécessiteux la possibilité de vivre, à l’aide d’un travail quelconque ; si avant de s’être acquitté de cette tâche on se montre sévère, on s’expose à punir un homme qui a préféré la mendicité au vol.
Nous avons, il est vrai, des dépôts de mendicité, et l’on s’étonne que les mendians ne s’empressent pas de s’y rendre. Mais ces dépôts ne sont autre chose que des prisons, et l’on veut qu’un malheureux donne sa liberté, le plus précieux de tous les biens, en échange, d’un morceau de pain bis et d’une soupe à la Rumfort. Cela n’est ni juste, ni raisonnable.
Je ne vois pas pourquoi on ne laisse pas aux malheureux détenus dans un dépôt de mendicité, la faculté de sortir au moins une fois par semaine.
Leur travail pourrait aussi être plus convenablement rétribué ; un homme qui ne gagne que deux ou trois sous par jour se dégoûte bientôt du travail.
Presque tous les pauvres peuvent être employés utilement. Cela est si vrai, que la plupart de ceux qui sont aux bons pauvres, à Bicêtre, travaillent encore.
Ceux qui ne mendient que parce que des infirmités réelles les empêchent de travailler souffrent aussi, pourtant c’est pour eux que sont les rigueurs, et la police laisse les mendians privilégiés vaquer tranquillement à leurs occupations.
Lorsque l’on arrête, pour les conduire dans un dépôt de mendicité, tous les mendians que l’on rencontre dans la rue, pourquoi accorde-t-on à quelques-uns le privilège de mendier à la porte des églises ? Est-ce que par hasard la mendicité est moins repoussante à la porte d’une église qu’au coin d’une rue ? Je ne le crois pas.
Les fruits de la charité publique, destinés à secourir la misère des pauvres, sont on ne peut pas plus mal distribués. On inscrit sur les registres des bureaux de bienfaisance tous ceux qui se présentent avec quelques recommandations, et l’on repousse impitoyablement celui qui n’a que sa misère pour parler pour lui et qui ne peut s’étayer du nom de personne, aussi il y a dans Paris des gens qui sont assistés à la fois dans cinq ou six arrondissemens.
Celui qui est enfin parvenu à se faire inscrire dans un bureau de charité est toujours assisté, quels que soient les changemens opérés dans sa position.
Les secours destinés aux pauvres sont insuffisans ; il serait juste, je crois, d’imposer les gens qui possèdent, proportionnellement à leur fortune. Des gens qui possèdent 50 et même 100,000 livres de rente, donnent seulement quelques 100 francs par année pour les pauvres, et cependant ils croient faire beaucoup ; ils méprisent, ils dédaignent les pauvres. C’est cependant dans leurs rangs qu’ils trouvent tout ce dont ils ont besoin : des ouvriers, des domestiques, des remplaçans aux armées pour leurs fils, et quelquefois même de jeunes et jolies filles pour satisfaire leurs passions.
Les ouvriers sont presque tous ivrognes et brutaux, les domestiques volent ; ce n’est peut-être que trop vrai, mais à qui la faute ? si ce n’est à vous MM. les richards. Si vos dons étaient proportionnés à votre fortune et aux besoins des classes pauvres, les enfans du peuple recevraient une meilleure éducation, ils connaitraient les lois et l’histoire de leur pays, et bientôt il ne resterait pas la plus légère trace des défauts, des vices mêmes, que vous reprochez à ceux qui occupent les derniers degrés de l’échelle sociale.
Tant que pour secourir les pauvres on se bornera à leur envoyer une dame richement parée et étincelante de diamans leur porter le bon d’un pain de quatre livres et d’une tasse de bouillon ;
Tant qu’on se bornera à emprisonner ceux qui imploreront la commisération du public, la question ne sera pas résolue.
L’honorable M. de Belleyme, qui ne put faire durant sa courte administration tout le bien qu’il méditait, eut cependant le temps de fonder un établissement qui devait servir de refuge à tous les individus appartenant aux classes pauvres, et dans lequel ils devaient trouver les moyens d’employer utilement leurs facultés.
Les heureux effets que cet essai ne tarda pas à produire auraient dû encourager les amis de l’humanité, mais l’institution de M. de Belleyme fut malheureusement accueillie avec cette indifférence qui n’accompagne que trop souvent les œuvres du véritable philantrope.

Tunnel

Rigaud, 1881 : Le fondement, — dans le jargon des médecins.

France, 1907 : Anus ; argot populaire.

Turban (valeur à)

Fustier, 1889 : Valeur turque.

Les valeurs à turban résistent difficilement.

(Presse, 1882)

Turbin

Delvau, 1866 : s. m. Travail ; besogne en général, — dans l’argot des faubouriens et des voleurs. Aller au turbin. Aller travailler. On dit aussi Turbinement et Turbinage.

Rigaud, 1881 : Travail. — Ce mot, primitivement employé par les voleurs, a passé bientôt dans le langage populaire. Les ouvriers disent couramment le turbin pour le travail, aller au turbin pour aller travailler.

La Rue, 1894 : Travail. Artisan. Emploi. Turbiner, travailler. Turbineur, ouvrier.

Virmaître, 1894 : Tout travail, quel qu’il soit. Turbiner, c’est durement travailler. Aller au turbin, c’est aller à l’atelier. Turbineur : celui qui travaille. Turbineur : qui met en mouvement la turbine, de là, turbin, turbiner (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Travail.

France, 1907 : Travail, emploi ; et surtout peine, fatigue, de l’espagnol turbio, trouble, fâcheux.

Si nous sommes énergiques, le patron file doux et n’ose pas rogner les salaires et allonger les heures de turbin. Au contraire, plus nous serrons les fesses, plus nous baissons le caquet, plus l’exploiteur le prend de haut, et moins il s’épate pour nous mener au bâton.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Aller au turbin, aller racoler les hommes sur la voie publique ; argot des souteneurs et des filles. Voir Turbiner.

Turbin (aller au)

Rigaud, 1881 : Pour un voleur ; c’est sortir pour voler. — Pour une fille, c’est aller faire une promenade prostitutionnelle. — Pour l’ouvrier, c’est se rendre à l’atelier. — Pour chacun c’est aller au travail à sa manière.

Turbine

France, 1907 : Machine, instrument de travail.

Aussi, vrai, j’me fous d’la turbine
À Deibler et d’tout son fourbi,
Sûr qu’il aura pas la bobine,
La tronche, la sorbonne à Bibi…

(Aristide Bruant)

Turbiné

M.D., 1844 : S’occuper.

Turbinement

Larchey, 1865 : Jour de travail.

Pour grinchir tu préféreras les fêtes aux turbinements.

(Vidocq)

Turbiner : Travailler. — Turbineur : Ouvrier.

Turbinement, turbine

Rigaud, 1881 : Besogne, action de travailler, jour de travail.

En voilà de la turbine ! On se casse les ongles sur ce papier-là.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

Turbiner

Vidocq, 1837 : v. a. — Travailler honnêtement.

un détenu, 1846 : Travailler.

Delvau, 1866 : v. n. Travailler.

Rigaud, 1881 : Travailler beaucoup, se donner beaucoup de mal.

Il y a des gens qui arrivent avec une mise de fonds de dix francs, turbinent toute l’après-midi et font dix opérations pour gagner quarante sous.

(Le Figaro, du 30 nov. 1878)

Boutmy, 1883 : v. intr. Travailler avec activité.

Merlin, 1888 : Synonyme de pivoter.

France, 1907 : Se prostituer.

— T’es marié ?
— Q’t’es moule ! j’suis bien trop gosse !… La vrille aussi est trop « loupiotte » ; elle n’a que quatorze « bergues ».
— Elle turbine ?
— Pas encore ; mais je la forme !

(Dubut de Laforest)

On dit aussi dans le même sens : turbiner sur le bitume.

Ne dites pas de mal des mômes qui turbinent sur le bitume, jeune homme. vous ne savez pas ce que vous deviendrez un jour…

(Edmond Lepelletier)

France, 1907 : Travailler de quelque façon que ce soit, mais péniblement.

On était voisins, on taillait des bavettes, le soir, dans la rue, avant de s’aller fourrer dans le dodo ; on en disait de roides, naturellement ; on se sentait pincé l’un pour l’autre, mais là, pincé ! sérieusement ; bref, on se colla. — Puis, reconnaissant le tort qu’elle avait fait à son mari en ne lui apportant pas une bonne dot, comme une jeune fille du monde chic, Chloé s’est mise à turbiner.

(Montfermeil)

À quinze ans, ça rentre à l’usine,
Sans éventail,
Du matin au soir, ça turbine,
Chair à travail.
Fleur de fortifs, ça s’étiole,
Quand c’est girond,
Dans un guet-apens, ça se viole,
Chair à patron.

(Jules Jouy)

Turbiner une verte

Rigaud, 1881 : Boire un verre d’absinthe, — dans le jargon des voyous. Mot à mot : travailler la liqueur verte.

Turbineur

Halbert, 1849 : Travailleur.

Delvau, 1866 : s. m. Travailleur.

France, 1907 : Travailleur ; dans l’argot faubourien, travailleur manuel, ouvrier.

Quand un exploiteur sent que ses turbineurs ne sont pas en situation de se foutre en grève, il ne se prive pas de leur faire des avanies. Pris dans l’engrenage de l’exploitation, les pauvres bougres n’osent pas piper mot, crainte d’être saqués. Ils se rongent de colère et courbent la tête : ils subissent les mufleries patronales, la rage au ventre.

(Père Peinard)

Je tiens à ma peau, moi, mes braves hommes ;
Tous les matins, j’en jette un coup
Dans le journal et j’y vois comme
Les turbineurs i’s s’cass’ el cou…
Moi !… j’m’en irais grossir la liste
Ed’ceux qu’on rapport aplatis ?
Plus souvent… ej suis fataliste…
Respec’ aux abattis !

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Le féminin est turbineuse.

Puis il avait, sur les rapports sociaux, des idées très particulières… Ne se sentant point la vocation du travail, il préférait s’en abstenir et confier à l’épouse les soucis ménagers. Bref, il lui fallait une turbineuse.

(Séverine)

Turbineur, -euse

Vidocq, 1837 : s. — Travailleur, travailleuse ; ouvrier, ouvrière.

Turbineur, turbineuse

Rigaud, 1881 : Ouvrier, ouvrière. — Une bonne turbineuse, — dans le jargon des souteneurs, c’est une fille publique d’un bon rapport.

Turbineuse

Halbert, 1849 : Travailleuse.

Turc

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux pour dire, un avare, un juif, un homme dur, barbare, inexorable et sans pitié.

Halbert, 1849 : Tourangeau.

Delvau, 1866 : s. m. Homme idéalement fort, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot aussi bien à propos de la robusticité du corps que de l’adresse des mains.
Les Anglais, eux, ont le Tartare, l’homme qui excelle dans une spécialité quelconque, à la boxe ou au billard. He is quite a Tartar at billiards, disent-ils en leur argot à propos d’un rival de Berger. To catch a Tartar (prendre un Tartare), c’est, pour eux, s’attaquer à une personne de force ou de capacité supérieure.

Delvau, 1866 : s. m. Tourangeau, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Tourangeau.

La Rue, 1894 : Tourangeau. Turquie, Touraine. Turcan, Tours.

France, 1907 : Tourangeau ; argot des voleurs.

Turcan

Halbert, 1849 : Tours.

Delvau, 1866 : n. de l. Tours.

Rigaud, 1881 : La ville de Tours.

France, 1907 : Tours ; argot des voleurs.

Turco

Larchey, 1865 : Tirailleur indigène de l’armée d’Afrique.

Un carré d’infanterie de ligne et de turcos vint se former sous nos pieds.

(Mornand)

Delvau, 1866 : s. m. Tirailleur indigène dans l’armée d’Afrique, aujourd’hui aussi connu et aussi apprécié des bonnes d’enfants et des lorettes que jadis le zouave.

France, 1907 : Soldat des régiments de tirailleurs indigènes d’Algérie.

Quand le turco se rue à la bataille,
Quand le clairon le convie à la mort,
Nul ne l’égale et n’arrive à sa taille,
C’est Le front ceint de lauriers qu’il s’endort.
Les Allemands apprirent à connaitre,
Aux jours maudits que nous avons vécus,
Ces tirailleurs qu’on a broyés peut-être,
Mais trop vaillants pour qu’on les ait vaincus.

(Francœur)

Turcos

Merlin, 1888 : Tirailleurs algériens.

Turellement

Rigaud, 1881 : Pour naturellement. Un mot qui avait réellement besoin d’être un peu raccourci.

Turf

Larchey, 1865 : Champ de course, arène quelconque.

Un vigoureux coup de jarret a remis Pitt debout sur le turf.

(A. Deriège)

Voilà de quoi faire envahir désormais par toutes les fashions le turf littéraire.

(Aubryet)

Delvau, 1866 : s. m. Champ de course, — dans l’argot des sportsmen. Par extension, Arène quelconque. Le turf littéraire. La littérature ; les journaux.

France, 1907 : Champ de courses ; anglicisme.

Turfiste

Delvau, 1866 : s. m. Habitué des courses, propriétaire de chevaux coureurs, parieur.

France, 1907 : Personne qui s’occupe de courses.

La langue des courses, en France, on l’a cent fois fait remarquer, est un parler purement anglais. Nous appelons lad un garçon d’écurie, steeple-chase (chasse au clocher) une course d’obstacles et crack un cheval de course, comme nous appelons hunter un cheval de chasse. Jockey, qui signifiait autrefois maquignon en Angleterre, et dont nous avons fait d’abord le synonyme de laquais, est devenu le nom de celui qui monte un cheval de course. Comme les Anglais, nous nous servons de l’expression dead head (dède hède) pour désigner une épreuve nulle où deux chevaux arrivent ensemble et tête à tête au poteau marquant le terme de la course. Comme pour les Anglais, le betting est pour nous le lieu où s’exécutent les paris, et pas n’est besoin d’être turfiste pour savoir ce qu’on doit entendre par bookmaker, starter, outsider, performance, etc.

(Pontarmé, Petit Parisien)

Turin

Halbert, 1849 : Pot de terre.

Delvau, 1866 : s. m. Pot de terre, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Pot de terre ; argot des voleurs.

Turin (aller à)

France, 1907 : Jeu de mots qu’on adresse à un mauvais chasseur. Vous alles à Turin, littéralement Tue-ren (rien). Voir Niort.

Turlupin

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris ; bélître, mauvais plaisant, parasite, fainéant.

Turlupinade

d’Hautel, 1808 : Mauvaise plaisanterie, tourment, inquiétude.

Turlupiner

d’Hautel, 1808 : Railler, berner, duper quelqu’un, l’impatienter, l’inquiéter, l’obséder.

Delvau, 1864 : Agacer, ennuyer, taquiner quelqu’un par paroles : — badiner, chatouiller, patiner ou peloter quelqu’un (gestes et attouchements réciproques) — afin de baiser ou d’être baisée.

Finissez donc, dame Jacq’line,
Disait gros Pierre ; j’ vas m’fâcher,
Où diable allez-vous me nicher ?
J’ n’aim’ pas ainsi qu’on m’turlupine.

(Blondel)

L’auteur a parfaitement l’intention de faire dire au chanteur :

J’ n’aim’ pas ainsi qu’on m’ tire la pine.

Delvau, 1866 : v. a. Agacer, ennuyer quelqu’un, se moquer de lui, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Ennuyer, agater, taquiner, tourmenter ; expression populaire.

Monsieur, l’homme demande — qu’on lui fiche — la paix ! Chacun est maître de soi-même, de ses opinions, de sa tenue et de ses actes, dans la limite de l’inoffensif. Les citoyens de l’Europe sont las de sentir à toute heure sur leur épaule la main d’une autorité qui se rend insupportable à force d’être toujours présente. Ils tolèrent encore que la loi leur parle au nom de l’intérêt publie, mais lorsqu’elle entend prendre la défense de l’individu malgré lui et contre lui, lorsqu’elle régente sa vie intime, son mariage, son divorce, ses volontés dernières, ses lectures, ses spectacles, ses jeux et son costume, l’individu à le droit de demander à la loi pourquoi elle l’embête et le turlupine avec tant de persévérance !

(Pierre Louys, Les Aventures du roi Pausole)

J’en ai par-dessus les épaules
De toujours parler de ces vieux.
Assez, n’est-ce pas ? Les plus drôles
Sont encore trop ennuyeux,
Et nous avons à faire mieux,
En ce temps de batailles fauves,
Que de turlupiner des pieux
Et de chercher des poux aux chauves.

(Jean Richepin, Étrennes pour tous les Académiciens)

Turlurette

Delvau, 1866 : s. f. Grisette, fille ou femme amie de la joie — et des hommes.

France, 1907 : Chansonnette légère et badine appelée ainsi du nom d’une sorte de guitare dont on se servait au XIVe siècle.

Tes rimes, certes, sont proprettes ;
Du gaulois suivant la leçon,
Tu sais tourner tes turlurettes
Et presque saler ta chanson ;
Pour monter au rang des poètes
Ce n’est pas assez, mon garçon !

(Louis Veuillot, Les Couleuvres)

France, 1907 : Fille ou femme vive, frétillante et gaie, aimant le plaisir ; argot populaire.

Turlutaine

Delvau, 1866 : s. f. Fantaisie, caprice, lubie.

France, 1907 : Baliverne.

Au premier choc, au moindre frôlement, à l’attaque d’une phrase équivoque, d’une prière libertine, elle avait une façon de dévisager les gens de ses prunelles calmes, emplies comme de l’eau morte et limoneuse d’une mare, de sourire comme si on lui eût murmuré de l’hébreu, de retirer doucement ses mains des doigts qui essayaient de les emprisonner, de parler aussitôt de n’importe quelle turlutaine qui retournait les plus téméraires, qui les rendait soudainement respectueux.

(René Maizeroy)

France, 1907 : Toquade, rengaine ; argot populaire.

Je pense comme M. de Rémusat, quand il disait qu’un gouvernement n’à guère rien de mieux à faire que de jouer le même air de flute que le gouvernement précédent, mais à condition de le jouer mieux ; et c’est ma turlutaine de vouloir qu’on ne remplace définitivement un pouvoir qu’en lui empruntant quelque chose et même beaucoup de ses traditions.

(Henry Fouquier)

Turluter

France, 1907 : Siffler un air, chanter. Se dit du chant de l’alouette et de divers oiseaux.

J’ai oui chanter
Rosssignolet
Qui fringoloit
Qui s’envoisoit
Qui turlutait
Avec cuer gai
Là haut sur ces espines.

(Ancien noël)

Turlutine

Rigaud, 1881 : Mélange de biscuit pilé, de riz et de lard ; alimentation du soldat en campagne. (L. Larchey)

France, 1907 : Soupe que font les soldats en campagne et dans laquelle le biscuit remplace le pain.

Nous étions accroupis devant une gamelle de campement remplie d’une turlutine à l’odeur appétissante lorsqu’une fusillade suivie du cri « Aux armes ! » éclata tout à coup.

(Hector France)

Turlututu !

France, 1907 : Réponse de négation, ou de refus ironique.

Elle avait un air mutin
Quand elle croisa Justin ;
Pudeur ou frais du matin
Enluminèrent son teint,
Il la saisit au passage,
Fourrage dans son corsage.
— Laissez-moi, dit-elle, en nage.
— Ô méchante ! — Je suis sage.
— Quelle aubaine ! une vertu,
Pensa le gars. — Me veux-tu
Pour galant ? — Turlututu !
Pour mari — Donne la preuve
De ta sagesse. À l’épreuve
Justin la reconnut… veuve !…

(Gil Blas)

On dit généralement turlututu, chapeau pointu !

Brin-de-Mai de-ci, de-çà,
Entre les deux balança,
Dit : Comme on doit s’ennuyer
Sans chansons à son foyer,
Dit encor : Tout le restant,
Sans chansons, ne vaut pas tant,
Ajouta : Turlututu !
Et conclut : Chapeau pointu !

(Jean Richepin)

Turne

Ansiaume, 1821 : Maison.

Ma larque a une turne, elle s’arrangera avec ses mômes.

Larchey, 1865 : Logis malpropre. Du vieux mot tourn : petite tour, et par extension Prison. comme castuc.

L’immeuble !… je me suis tout de suite souvenu de cette turne.

(Montépin)

Delvau, 1866 : s. f. Chambre malpropre, logis de pauvre, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chambre de pauvre. — Méchante habitation.

La Rue, 1894 : Mauvais logis.

Virmaître, 1894 : Poussier, taudis, logement malpropre et insalubre, sans air ni lumière.
— Si tu restes éternellement dans ta turne, tu ne trouveras jamais rien à briffer.
— Comment peux-tu rester dans une pareille turne ! (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Maison, domicile, atelier.

France, 1907 : Maison, logis, chambre ; du latin turris, pigeonnier. Argot populaire.

Il y aurait réellement intérêt à sauver de la ruine qui le menace ce châtelet, car il date du XVIe siècle et vaut à la fois par l’attrait de son architecture et par les souvenirs qu’il évoque ; mais, hélas ! qui donc se soucie désormais du vieux Paris ? et le minuscule castel sera détruit pour faire place à une plus imposante usine, et la manufacture des Gobelins disparaitra, supplantée par une turne industrielle ignoble.

(J.-K. Huysmans)

anon., 1907 : Chambre.

Turquie

Halbert, 1849 : Touraine.

Delvau, 1866 : n. de l. Touraine, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Touraine, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Touraine ; argot des malfaiteurs.

Tussis pro crepitu

France, 1907 : Toux pour pet, c’est-à-dire tousser pour couvrir le bruit d’un pet ; et au figuré, mauvais prétexte pour cacher une vilaine action. Locution latine.

Tuteur

France, 1907 : Souteneur, protecteur d’une fille.

Le « Bal Duvert » fut jadis en grande réputation parmi le monde interlope des barrières ; depuis vingt ans il était devenu le rendez-vous de prédilection de tous les tuteurs et de toutes les filles de bas étage qui y pullulaient : des poings d’hercule, une grande adresse dans l’art de suriner un homme sans le faire crier, une connaissance approfondie de l’argot donnaient seuls droit à l’affection des femmes de l’endroit et au respect des habitués.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Tutoyer

Delvau, 1866 : v. a. S’emparer sans façon, familièrement, d’une chose. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : S’approprier un objet. — Tutoyer un porte-morningue. — Fréquenter, s’approcher de.

S’abstenir de tutoyer le zinc.

(Le Sans-culotte, 1879)

C’est-à-dire : Ne pas prendre des familiarités avec le comptoir du marchand de vin.

Fustier, 1889 : Dérober ; on dit aussi effaroucher.

France, 1907 : Fréquenter intimement, coïter ; argot boulevardier.

— Et je regrette de ne pas l’avoir un peu tutoyée avant qu’elle n’eût à servir comme aujourd’hui que des restes, d’ailleurs fort bien cuisinés et encore mieux présentés… Glissons…

(René Maizeroy, Leurs petits cahiers)

Tutoyer une chose, s’en emparer.

— Hé, dis donc, camarade, il me semble que tu tutoies un peu trop mon tabac.

(Charleton)

Tutoyer, effaroucher

La Rue, 1894 : S’emparer d’un objet.

Tutti quanti

France, 1907 : Tant d’autres ; tous ceux qui sont tels. Italianisme.

Les financiers véreux, agents de change, banquiers et tutti quanti de la haute flibuste, malgré leurs nombreux démêlés avec la justice, ont su se garder, dans le monde du vice, une situation à part. Ils ont trouvé le moyen de n’être désignés, spécialement, par aucun terme d’argot…

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Tutu

France, 1907 : Caleçon ; maillot que portent les danseuses.

Pour tout le monde, une belle fille est une belle fille, et qu’une danseuse appétissante, avec des cuisses, des bras et des seins, se fasse mieux valoir en tutu, cela ne m’étonne guère.
Ce qui me laisse rêveur, c’est la monomanie de ces astronomes de la petite comète, qui recherchent non pas une danseuse — mais la danseuse.

(Montjoyeux, Gil Blas)

Aujourd’hui, s’il vous plaît,
Au grand corps de ballet
Elles sont en régie.
Si bien sont leurs tutus
Et leurs jetés-battus
Sont de telle énergie
Que tous les vieux messieurs
— À l’orchestre — des yeux
Dévorent nos poulettes,
Et plus d’un, en pacha,
Veut après l’entrechat
Frotter leurs allumettes.

(Blédort, Chansons de faubourg)

France, 1907 : Danseuse.

Malgré ses cinquante ans bien sonnés, X… n’a pas encore désarmé. Son fils, un délicieux potache, âgé de 16 ans, ne dégénère pas et marche glorieusement sur ses traces. Dernièrement, il s’est échappé da colère pour aller retrouver certain tutu dont il fit la connaissance un soir d’Hippodrome.
Son père le sermonne :
— Tu n’es pas honteux… à ton âge !.. Tu me la feras connaître, cette dame… j’irai lui parler.
— Jamais de la vie… tu me la soufflerais…

France, 1907 : Le derrière. Terme enfantin.

C’était gentil, c’était mignon,
C’était le tutu d’un trognon !
De la Lolotte, de Zézèle !
Puis un jour on fut renversé
Lorsqu’on s’aperçut que c’é-
Tait celui d’une demoiselle !

(Miguel Zamacoïs, Le Sourire)

France, 1907 : Souffle.

Il donne quatre notes à la fois, le do, le mi, le sol et le contre-ut, par un seul tutu des lèvres à l’orifice du tube !

(Émile Bergerat)

Tuyau

d’Hautel, 1808 : Il m’a conté cela dans le tuyau de l’oreille. Pour dire mystérieusement, à voix basse, en cachette.

Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans l’argot des faubouriens. Se jeter quelque chose dans le tuyau. Manger ou boire. Le tuyau est bouché. Quand on est enrhumé. Se dit aussi pour Oreille.

Fustier, 1889 : Argot de sport. Renseignement.

De plus, sportwoman passionnée et renseignée admirablement. Elle possède, comme on dit, les meilleurs tuyaux.

(Gazette de Cythère, journal, 1882)

En argot financier, avoir un tuyau signifie avoir reçu confidence d’un mouvement préparé par les banquiers, maîtres du parquet.

Rachetons, avait dit Léontin. — Pas encore, avait répondu le fils Marleroi. Ça n’est pas fini. La panique gagne les départements. J’ai un tuyau. Nous pouvons racheter plus bas encore.

(Cadol, La colonie étrangère)

La Rue, 1894 : Communication confidentielle.

Virmaître, 1894 : Le gosier. Le tuyau est bouché, pas mèche de boulotter (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Renseignement.

France, 1907 : Botte, soulier percé ; argot populaire.

France, 1907 : Gosier. Se rincer le tuyau, boire. Argot populaire.

France, 1907 : Renseignement confidentiel, de bonne source, sur l’état d’entrainement des chevaux qui doivent courir, les intentions de leurs propriétaires, le gagnant probable. Terme de course appelé ainsi parce qu’on se le glisse dans le tuyau de l’oreille.

Le samedi, veille de Grand Prix, mon patron, qui est notaire à Pontoise, me confie trois mille francs, avec mission de les déposer au Crédit lyonnais. J’arrive à Paris, j’entre chez un coiffeur pour me faire raser. Clients et garçons ne parlaient que de la course du lendemain. Il y avait des millions à brasser, une fortune à faire avec quelques louis, un rien, et ils le prouvaient par des calculs infaillibles, avec une certitude contagieuse, convaincante. Alors le garçon qui me rasait, une bonne figure sympathique, me dit à l’oreille :
— Monsieur veut-il un tuyau pour demain ? Une affaire d’or, mais nous partagerons les bénéfices.
Qu’est-ce que je risquais ? Je réponds :
— Dites toujours.
Alors il m’explique qu’il est le cousin du valet de chambre d’un gros entraineur de Chantilly, qu’il a une certitude pour le lendemain, et finalement il me donne rendez-vous jour le soir même dans un bar de la rue d’Amsterdam.
Plus souvent que j’y aurais manqué !

(Saint-Yrieix)

Comme je n’suis pas trop mal faite,
Dans un bar anglais je m’rends,
Et j’essaye la conquête
D’un garçon d’entrainement ;
Lui, pas fier, me dit de suite :
C’est un gagnant qu’il vous faut,
V’nez m’voir à Maisons-Lafitte,
Je vous donn’rai un tuyau.

(Puce)

Du monde des sports, tuyau est passé sur le boulevard et se dit maintenant pour toute information confidentielle concernant les personnes, les affaires.

Mme de Vizavih. — C’est une vieille catin ! Non, ça me met en colère qu’une femme comme ça vienne vous faire de la morale. Si on avait autant de toupet qu’elle, ça serait rudement facile de lui répondre, de lui river son clou. Mais la prochaine fois, si elle se met encore à rosser, je te promets que je ne me gênerai pas. Elle a été la maîtresse de l’oncle de mon mari et j’ai des tuyaux sur elle, ma chère, épatants. Ah ! elle trouve les femmes d’à-présent détraquées… et de son temps, c’était bien autre chose. Figure-toi qu’en 1840.

(Maurice Donnay)

Et nos frères, qui, au mépris de nos chastes oreilles, — tante Félicie, j’emprunte votre style ! — osent chanter devant nous les refrains à la mode, qu’ils rapportent de leurs cafés-concerts ! Et nos cousins, donc : en voilà qui fournissent de précieux tuyaux !

(Fernand Berolend)

Tuyau à merde

Rigaud, 1881 : Derrière. — Va donc faire sonder ton tuyau à merde.

Tuyau de poêle

Larchey, 1865 : Chapeau rond, botte à l’écuyère. — Allusion de forme.

Il donna un coup de poing dans son tuyau de poêle, jeta son habit à queue de morue.

(Th. Gautier, 1833)

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau rond, qui semble, en effet, plus destiné à coiffer des cheminées que des hommes. Ce sont les romantiques, Théophile Gautier en tête, qui l’ont ainsi baptisé.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme. — Pantalon des soldats d’infanterie de ligne, — dans le jargon des troupiers.

Merlin, 1888 : Dans le langage familier, on désigne ainsi un chapeau de haute forme ; dans l’argot militaire, c’est une botte.

La Rue, 1894 : Chapeau haut de forme. Soulier dont l’extrémité est béante.

Virmaître, 1894 : Chapeau haut de forme. Allusion juste, car il a la forme et la couleur d’un tuyau (Argot du peuple).

France, 1907 : Chapeau haut de forme appelé ainsi parce qu’il fait ressembler celui qui le porte à quelqu’un coiffé d’un tuyau de poêle tronqué. Il faut être, comme nous le sommes, habitués à cette grotesque coiffure pour ne pas en voir tout le ridicule. Cette abomination nous vient comme tant d’autres modes de la Grande-Bretagne. Ce fut un chapelier anglais, John Hetherington qui, désirant se faire une réclame monstre, s’en coiffa le premier. Il l’inaugura le 15 janvier 1797 — notez cette date mémorable dans les fastes de l’imbécillité publique — en se promenant dans les rues principales de Londres, où il provoqua un véritable scandale. Bien que fervents admirateurs de tout ce qui est excentrique, les Anglais trouvèrent que ce chapeau dépassait les bornes du laid. Le chapelier fut hué ; il y eut des bousculades ; Hetherington tint bon et reparut le lendemain et les jours suivants aves son grotesque couvre-chef, dont il avait orné de pareils sa vitrine. Le scandale ne discontinua pas et finalement son auteur fut poursuivi devant le tribunal du lord-maire sous l’inculpation d’avoir troublé la paix publique. Il déclara pour sa défense qu’un citoyen anglais avait le droit de se coiffer comme bon lui semblait. Le Times lui donna raison et dès lors l’opinion fut en sa faveur.
Quelques jeunes fashionables s’affublèrent par plaisanterie du nouveau chapeau, un membre de la famille royale le trouva à son goût et dès lors la gentry l’adopta. De l’Angleterre, il passa sur le continent, et traversant les frontières, les monts et les mers, il est allé coiffer jusqu’aux têtes des rois nègres.

La perfidie du chapeau haut de forme, dit George Auriol, est du reste indéniable. Il est fatal aux crânes les plus endurcis. Il recèle le microbe de la migraine et propage le bacille de l’abrutissement. Il exige des soins constants. Dès qu’on oublie de le lisser, de le polir, de le caresser et de le lécher, — il se rebiffe !
Moi qui vous parle, lorsque par hasard je m’encombre d’un chapeau tube, je suis le plus malheureux des hommes. À peine l’horrible tuyau est-il sur ma tête, qu’il s’horripile de lui-même malgré toutes les précautions que je prends, si bien qu’au bout d’une demi-heure il ressemble à un hérisson longtemps battu par la tempête.

 

Nous sommes tous fort laids même en habits de fête :
Boutonnés, ficelés et traînant notre ennui,
Les pieds dans deux tuyaux, un tuyau sur la tête,
Les deux bras engainés, le corps dans un étui
Que fabrique un tailleur pour les preux d’aujourd’hui.
Aussi prêtons-nous mal à la mélancolie,
Et la belle qui rêve et veut l’émotion
Ne peut guère trouver que par une folie
L’emblème du monsieur qui fait sa passion.

(Aurélien Scholl)

Tuyaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les jambes, — dans l’argot des faubouriens. Ramoner ses tuyaux. Se laver les pieds.

Rigaud, 1881 : Jambes. — Ramoner ses tuyaux, se laver les pieds. (A. Delvau)

Virmaître, 1894 : Renseignements confidentiels. Cette expression est en usage dans le monde qui fréquente les champs de courses. Un bookmaker qui a un cheval chargé de paris fait donner par un émissaire un faux tuyau sur une rosse ; les imbéciles s’empressent de prendre ce cheval, qui n’arrive jamais (Argot des bookmakers). N.

Tuyaux (ramoner ses)

France, 1907 : Se décrotter le nez ; expression faubourienne.

Une foule de gens ont la fâcheuse habitude de se curer les dents à table, ce qui est presque aussi dégoûtant que de ramoner ses tuyaux en public.

(Les Propos du Commandeur)

Tuyaux de poêle

Delvau, 1866 : s. m. pl. Bottes usées parle bout.

Rigaud, 1881 : Souliers dont les extrémités sont béantes, — dans le jargon des peintres vitriers.

Des tuyaux de poêle qui reniflent la poussière des ruisseaux.

(É. de La Bédollière)

La variante est : Bottes à soupirail.

France, 1907 : Bottes de cavalerie.

Type

Rigaud, 1881 : Individu à tête d’imbécile, tête de dupe.

Avec quarante sous qu’un type m’a passés, j’avais fait venir trente francs.

(A. Cavaillé)

Dans le jargon des filles « type » signifie homme qui paye ; c’est un synonyme du mot michet qu’il tend à remplacer.

La Rue, 1894 : Personnage singulier d’aspect ou de caractère. Un homme quelconque.

Virmaître, 1894 : Individu quelconque.
— J’ai un type qui me cramponne.
Avoir un bon type, avoir un bon enfant qui se laisse faire (Argot des filles). N.

Hayard, 1907 : Individu.

France, 1907 : Amant d’une fille.

— Viens-tu chez moi, Lichette ?
— Pas ce soir ; je couche avec mon type.

(Les Propos du Commandeur)

France, 1907 : Individu bon à être exploité ; argot des escarpes et des filles.

Le monsieur bien mis, rentier, employé, commis, bourgeois… en quête d’une bonne fortune, d’une conquête aidée, fourvoyé dans un bal populacier, voilà le type. Il entre, et dès le vestiaire, on le reconnait. Il a l’air si bête et si naïf, si niaisement fat et si gobe-mouches, le type ! Sans frais de galanterie, il devient presto le point de mire des agaceries de ces « dames » et l’espoir de ces « messieurs ». Avant que la soirée me finisse, le type sera rançonné, dévalisé, berné, dupé, … si ce n’est pis.

(Louis Barron, Paris-Étrange)

France, 1907 : Individu quelconque ; argot populaire.

— Maman, t’as la prétention d’être gentille avec moi, toi ? Alors, pourquoi tu m’as laissée à la pension pendant Noël et pendant le jour de l’An ?
— Parce que j’avais autre chose à faire.
— Autre chose à faire ? Je sais bien, moi, ce que tu avais à faire… T’avais à faire de boulotter des dindes truffées avec des types !

(Alphonse Allais, La Vie drôle)

Typesse

Rigaud, 1881 : Femme, et, particulièrement, femme dont on paye les faveurs. La typesse est celle que le type honore momentanément de sa confiance.

France, 1907 : Femme quelconque, maîtresse.

— Et il grinche ?
— Crois pas encore… Grâce à des bons conseils, ça viendra pour sûr… Je l’ai invité avec sa typesse, une Angéla, qui est chez la Brochon.

(Dubut de Laforest, La Traite des blanches)

Typhlophile

France, 1907 : Qui aime les aveugles ; hellénisme, de tuphlos, aveugle, et phileô, j’aime.

Lucien Descaves a découvert, dans ce monde-là, tant d’infortunes morales et matérielles, presque toujours supportées avec tant de patience et de courage, qu’il ne s’est plus contenté, comme vous et moi, de plaindre les aveugles. Il s’est mis à les aimer. Il est devenu — qu’on me passe le terme pédantesque — un ardent typhlophile. Il s’est intéressé passionnément à l’éducation de ces pauvres gens, à l’emploi possible de leurs facultés et de leurs talents, en un mot à leur rôle dans la société et dans la vie.

(François Coppée)

Typhlophilie

France, 1907 : Amour pour les aveugles.

M. de la Sizeranne a, d’ailleurs, beaucoup écrit, toujours dans le même but de propagande. Ses Notes — un gros volume — sont, pour la typhlophilie, une source abondantes, précieuse d’idées, de projets, de renseignements, d’indications, de matériaux de toutes sortes. J’ai encore lu de lui un délicieux article de sensations notées sur les plaisirs de l’aveugle en voyage.

(François Coppée)

Typo

Larchey, 1865 : Ouvrier topographe.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Typographe, — dans l’argot des compositeurs d’imprimerie.

Rigaud, 1881 : Typographie. — Ouvrier typographe.

Boutmy, 1883 : s. m. Typographe, dont il est l’abréviation. Il signifie exclusivement compositeur, et a remplacé la vieille dénomination de singe. Par imitation, les compositrices se qualifient de Typotes.

France, 1907 : Abréviation populaire de typographe.
Portrait d’un typo, dédié à ceux du Dictionnaire d’Argot :

Il me fit une agréable impression. Joyeux comme un bourdon, il sortait le matin de sa coquille, tuait le ver, et s’écriait : Redoublons ! Bref, un vrai caractère. Le soir, il se payait une féérie, et, parmi les figurantes, il gobait de préférence celles mises en pages.

Typote

Rigaud, 1881 : Compositrice d’imprimerie.

Virmaître, 1894 : Femme employée depuis peu d’années dans les ateliers de composition. C’est un compagnon au même titre que les ouvriers typographes ; néanmoins, quand les typotes sont nombreuses, on se croirait plus volontiers dans une volière du Jardin d’Acclimatation que dans un atelier de composition. Généralement, la typote est plus habile à soigner un pot-au-feu et à raccommoder ses bas qu’à lever la lettre. Enfin, il est dit qu’il faut que la femme lève quelque chose (Argot d’imprimerie). N.

France, 1907 : Ouvrière typographe.

Tyran

Delvau, 1866 : s. m. Roi, — dans l’argot du peuple, gui ne peut s’en passer, quoiqu’d fasse une révolution tous les vingt ans, pour détrôner celui qui règne. Sous le règne du tyran. Sous le règne de Louis-Philippe, disait-on, après 1848 et avant l’Empire.

Rigaud, 1881 : Roi d’un jeu de cartes, — dans l’argot des républicains.

France, 1907 : Roi de cartes ; argot des joueurs.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique