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V

V’lan

Fustier, 1889 : « Au temps où le Grand-Seize s’emplissait chaque soir, au café Anglais, d’une société qu’on ne remplacera pas, car les gens d’esprit d’alors ont été remplacés par des imbéciles, on avait trouvé mieux que pchutt. On disait de quelqu’un, homme ou femme, qui se distinguait par une attitude, par un parti pris, un laisser-aller, une originalité tranchée : Il a du v’lan ! Elle a du v’lan. C’était net, cassant, absolu. »

(Événement, 1883)

Ce terme, abandonné depuis longtemps, vient de reprendre faveur.

Soirée dansante très réussie, très animée et très v’lan hier, chez la comtesse de L.

(Gil Blas, 1883)

Va chercher un démêloir

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un qui parle d’une façon embrouillée ; on ne peut démêler ce qu’il veut dire (Argot du peuple).

France, 1907 : Expression faubourienne employée à l’égard de quelqu’un qui ne sait pas s’exprimer et s’embrouille dans ses récits.

Va comme je te pousse

France, 1907 : Au hasard, au petit bonheur.

— C’est chou vert et vert chou, disait-il ; moi, je ne vais pas à la messe, mais je ne peux pas empêcher mon voisin d’aller manger tous les jours le bon Dieu, si ça lui plait. Il n’y a que les capucins et toute cette sacrée séquelle de moines blancs, bruns et noirs. Ceux-là sont des faignants, des vauriens, des va comme je te pousse. Ne m’en faut pas.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Va, mon vieux, va come j’te pousse,
À gauche, à doit’, va, ça fait rien,
Va, pierr’ qui roule amass’ pas mousse,
J’m’appell’ pas Pierre et je l’sais bien.
Quand j’étais p’tit, j’m’app’lais Émile,
À présent on m’appelle Éloi ;
Va, mon vieux, va, n’te fais pas d’bile,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

(Aristide Bruant)

Va de bon cœur

France, 1907 : Surnom des habitants d’Amiens.

Va de la bouche

Larchey, 1865 : Goinfre.

À ces va de la bouche tu faisais l’œil et te trouvais heureux.

(Monselet)

Va de la gueule

France, 1907 : Gourmand, goulu, ivrogne. Expression populaire.

Va de la lance

France, 1907 : Ardent en amour, coureur de jupes ; expression populaire.

Va donc !

Delvau, 1866 : Expression signifiant : « Va te promener ! tu m’ennuies ! » On dit aussi Va donc te laver ! ou Va donc te chier !

Va donc ! Va donc te promener !

Larchey, 1865 : « Eh ! va donc, grand fade. »

(Ricard)

— V. allez donc.

Va t’asseoir sur le bouchon

Virmaître, 1894 : Quand un individu vous rase, on lui dit d’aller s’asseoir ; s’il insiste, on l’envoie s’asseoir sur le bouchon (Argot du peuple).

Va t’asseoir sur le bouchon !

Delvau, 1866 : Expression ironique qu’on emploie, — dans l’argot des faubouriens, — envers les gens que l’on veut congédier ou dont on veut se moquer. On dit aussi Va t’asseoir sur ma veste et ne casse pas ma pipe.

Va te faire fiche

France, 1907 : Expression familière remplacée habituellement par une autre de consonance plus forte pour exprimer le mécontentement contre quelqu’un.

Maintenant, va te faire fiche ;
Tes discours seraient superflus,
Je suis quasiment aussi riche
Que le milliaire en Autriche ;
Tu n’auras de moi rien de plus.

(Raoul Ponchon)

Faire une chose à la va te faire fiche, la faire sans soin, sans goût et tant pis pour ceux qui ne seront pas contents.

Va te promener, tu auras des chausses

France, 1907 : Cet ancien dicton fait allusion aux moines feuillants qui, pour se promener hors de la ville avaient l’habitude de se chausser, tandis que dans la ville et l’intérieur de leurs établissements ils allaient pieds nus dans des sandales de bois.

Va-de-la-gueule

Delvau, 1866 : s. m. Gourmand, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Orateur, beau parleur, bavard, — dans le jargon du peuple. Le mot est du Père Duchêne l’ancien.

Va-de-la-lance

Delvau, 1866 : s. m. Ami de la gaudriole, en paroles et en action, — dans l’argot des faubouriens.

Va-nu-pied

d’Hautel, 1808 : Un va-nu-pied. Pour dire, un bélître, un malotru, un misérable, un vaurien.

Va-son-train

France, 1907 : Vagabond, trimardeur.

Elles vivaient là, toutes les trois, depuis des ans et des ans, depuis, surtout, que Bornu était parti. Bornu, c’était un rouleux, du va-son-train, le maître de la roulotte que voilà, et leur mari à toutes les trois.

(Jean Richepin)

Va-t’aux vignes

France, 1907 : Expression méprisante qu’adressent les vignerons d’Issoudun, petits propriétaires pour la plupart, aux pauvres journaliers qui, ne possédant pas un pouce de terre, vont travailler sur les vignes de plus fortunés qu’eux. Doux exemple de fraternité !

Va-t’en voir s’ils viennent, Jean

France, 1907 : Sous le titre les Raretés, Lamothe-Houdard a mis en chanson en une douzaine de couplets ce vieux dicton qui indique le scepticisme de nos pères.

Une fille de quinze ans,
D’Agnès la pareille,
Qui pense que les enfants
Se font par l’oreille.
Va t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va-t’en voir s’ils viennent.

En 1816, le chevalier Lablée a fait une chanson sur le même thème et le même air :

Nul intrigant n’entrera
À l’Académie.
Pour en être, il suffira
D’avoir du génie.
Va-t’en voir, etc.
 
Fille qui sincèrement
Se fâche et murmure
Du désordre qu’un amant
Cause à sa parure.
Va-t’en voir s’ils viennent, Jean,
Va-t’en voir s’ils viennent.

Va-te-laver

Delvau, 1866 : s. m. Soufflet aller et retour, — dans le même argot [des faubouriens].

France, 1907 : Coup sur le visage ; soufflet. Envoyer un va-te-laver, donner un coup qui fait saigner le nez ou la bouche.

Va-te-laver (un)

Virmaître, 1894 : Soufflet. On emploie aussi celle expression pour envoyer promener un gêneur (Argot du peuple).

Va-te-laver, va t’faire panser

Rigaud, 1881 : Soufflet, coup de poing détaché en plein visage. — Décrocher un va-te-laver qui n’est pas piqué des vers.

Je lui ai flanqué un va t’faire panser sur l’œil.

(Randon)

Va-tout (jouer son)

France, 1907 : Risquer une entreprise où l’on gagnera si l’on ne perd pas tout.

Vous voulez tenter la fortune, faire votre pelote, comme nous disons, jouer votre va-tout, vous avez l’esprit aventureux des jeunes gens et la vie de bureau vous pèse : j’étais comme vous autrefois, les idées les plus bizarres et les plus folles étaient celles qui me convenaient le mieux, j’étais un extravagant et je préférais le morceau de pain de seigle qu’on va chercher à travers mille dangers, au pain de pur froment qu’on vous offre sur une table bien servie ; vous ne voulez pas consumer toute votre vie à tenir des livres et à encaisser des effets, et vous avez raison ; mais qui sait ce que l’avenir peut vous offrir !

(Henry Frichet et Guy Vanderquand, Fin de race)

Vacance

France, 1907 : Nom donné par les écoliers de la Saintonge au papillon Sésie, qui se montre à l’époque des vacances.

Vacances

France, 1907 : « Banderoles de papier, confectionnées avec les vieux cahiers d’études, durant la semaine qui précède la distribution des prix et que les écoliers lancent et collent au plafond des salles de classe en signe de joie, à l’aide d’une boulette de papier mâché. » Expression d’Issoudun.

(Comte Jaubert)

Vacarme

d’Hautel, 1808 : Charivari, tumulte, tapage, bruit, litigieux et extraordinaire.

Vachalauréat

France, 1907 : « On annonce un arrivage de petites étrangères de Vienne, de Prague, de Londres, d’Amsterdam, de vraies perles.
La vieille garde est dans la désolation : les Chiliens se frottent les mains.
— Mais que viennent faire toutes ces jeunes filles à Paris ? demandait une Madeleine, non repentante.
Un vieux Parisien répondit :
— Elles viennent passer leur vachalauréat. »

(Aurélien Scholl)

Vachard

Fustier, 1889 : Paresseux, fainéant ; qui s’étend paresseusement comme une vache au lieu de travailler.

Vachard, vache

France, 1907 : Paresseux, homme sans énergie.

Vache

d’Hautel, 1808 : C’est une vache. Se dit injurieusement d’une femme dont l’embonpoint et trop volumineux. C’est du mot vache que l’on a fait le verbe populaire Avachir, épaissir à la manière des vaches.
Bon homme garde ta vache. Pour dire, prends garde à tes intérêts, à ce qui te concerne.
Il a pris la vache et le veau. Se dit d’un homme qui s’est uni à une femme qui a anticipé sur le sacrement de mariage.
Vache à lait. Personne à l’appui de laquelle on obtient toute espèce de considération, qui fournit à toutes les dépenses, à tout ce dont on a besoin.
La vache a bon pied. Pour dire cette personne est capable de soutenir tous les frais de l’entreprise.

Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, — par allusion à ses énormes tétons, sa seule beauté, et aussi à sa nonchalance de ruminante.

Comme on connaît les seins, on les honore.

(Vieux proverbe)

Avoue, Zidore, que ta Fifine est une bonne vache, et une vache à lait encore.

(Lireux)

Larchey, 1865 : Prostituée avachie. V. Blagueur.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme, de mauvaises mœurs, — dans l’argot du peuple. On dit souvent Prendre la vache et le veau, pour épouser une femme enceinte des œuvres d’un autre, — uxorem gravidam nubere.

Delvau, 1866 : s. f. Homme sans courage, avachi.

Rigaud, 1881 : Agent de la sûreté, — dans le jargon des voleurs.

Partout (à la prison de la Santé) on lit cette imprécation : Mort aux vaches ! Les vaches sont les agents de police.

(H. Cochin, Le Moniteur universel, du 13 fév. 1881)

Rigaud, 1881 : Femme avachie. — Dans ce sens-là une vache peut être encore honnête. Les Italiens disent en parlant de ce genre de femmes : grossa vacca, ou grossa porca.

Fustier, 1889 : Qui se vend à la police, mouchard.

La Rue, 1894 : Femme de mauvaises mœurs. Homme vil, sans courage. Agent de police. Dénonciateur. Temps chaud, lourd, orageux.

Virmaître, 1894 : Expression fréquemment employée dans le peuple pour qualifier une femme qui se livre au premier venu. Dans le peuple, quand on a dit d’une femme : c’est une vache, il est impossible de rien dire de plus. Quand un homme épouse une femme enceinte, on lui dit :
— Tu prends la vache et le veau (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Homme mou, bon à rien. Vache, quand il dénonce ses camarades ou travaille au rabais.
— Tu n’es qu’un cochon, tu passes ta vie à faire des vacheries (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Sergent de ville ou agent de la sûreté. Dans les prisons, malgré les règlements et la surveillance active pour les faire observer, les détenus écrivent leurs pensées sur les murs. Les plus communes sont celles-ci :
— Mort aux vaches.
— Quand je serai désenflaqué, gare à la vache qui m’a fait chouette et qui m’a fait tirer un bouchon (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : On désigne ainsi les agents de police. On voit fréquemment écrit sur les murs :

Mort aux vaches, on les pendra, les bourriques.

Hayard, 1907 : Tout agent de la police.

France, 1907 : Fille ou femme de mœurs légères ; injure que les femmes du peuple adressent ouvertement et les bourgeoises mentalement à celles qu’elles n’aiment pas.

France, 1907 : Mouchard, magistrat, agent de police ; argot des souteneurs, des voleurs et des escarpes.

Elle avait été amenée là par deux horribles petits drôles… Ils étaient en train de dresser la gonzesse avant de l’envoyer battre le trimar, lorsque les roussins, les vaches, survinrent.

(Albert Cim, Institution de Demoiselles)

…Et si les bochons
Suffis’nt pas… on a des eustaches
Pour les saigner comm’ des cochons !
À bas les pant’s et mort aux vaches !

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Agent de police.

Vache (coup de pied de)

France, 1907 : Coup de pied en dehors qui atteint la jambe du cavalier ; argot militaire. C’est aussi par extension un coup de pied sur le tibia.

La parade au coup de la bascule et de la petite chaise est, au moment où l’on se sent saisi, non pas de boxer… mais d’appliquer à l’agresseur le coup de pied de vache, qui casse net un tibia quand il est bien appliqué. Malheureusement le coup de pied de vache n’est pas familier aux bons bourgeois qui rentrent tardivement.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Vache (faire la)

Rigaud, 1881 : Paresser. Rester longtemps au lit ; se traîner d’un endroit à l’autre sans avoir le courage de rien faire.

Vache (faire sa)

France, 1907 : Fainéanter ; s’étendre mollement.

Je voulais, ganache,
Faire un peu ma vache
Et me mettre au vert…
Les champs sous imberbes ;
On trouve plus d’herbes
Dans le grand désert.

(Raoul Ponchon)

Vache (tirer la)

Rigaud, 1881 : Faire aller le soufflet d’une forge, — dans le jargon des forgerons.

Vache à Colas (manger de la)

France, 1907 : Être huguenot. D’après Quitard, cette singulière expression viendrait d’un protestant nommé Colas qui fit tuer une vache pendant le carême et en distribua la viande à ses coreligionnaires. D’après un autre étymologiste, la locution remonterait à la fin du règne de Henri IV. « Un cultivateur de Bronne, près d’Orléans, dit l’Intermédiaire des chercheurs, sous la signature Bookworm, avait laissé sa vache entrer dans le temple protestant ; désordre ; la vache fut tuée. Colas se plaignit, il fut remboursé. » Quoiqu’il en soit, les huguenots firent une chanson :

Pour solennellement
Faire mes funérailles,
Je laisse entièrement
Mes boudins et tripailles
Au clergé de France
Dont on fait si grand cas
Pour avoir souvenance
De la vache à Colas.

À la suite de quoi, pour demander à quelqu’un s’il appartenait à la religion réformée, on lui demandait : Mangez-vous de la vache à Colas ; êtes-vous de la vache à Colas ?

Vache à lait

Delvau, 1866 : s. f. Dupe qu’on ne se lasse pas de duper ; père trop faible qui ne se lasse pas de payer les dettes de son fils ; maîtresse trop dévouée qui ne se lasse pas de fournir aux dépenses de son amant.

Virmaître, 1894 : Homme riche, qui a le louis facile et que les tapeurs trayent jusqu’à extinction. Vache à lait : gogo qui souscrit à toutes les émissions véreuses sans se lasser jamais. Pour le souteneur, la marmite est une bonne vache à lait. Une affaire qui rend bien, qui rapporte beaucoup, sans risques et sans efforts, est une vache à lait. Allusion à la vache laitière qui est une fortune inépuisable (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Une personne qui subvient aux besoins d’une autre est sa vache à lait.

France, 1907 : Dupe qui se laisse exploiter. Maîtresse de souteneur.

Maudit sois-tu, vilain bonhomme
Qui viens dans ton paletot blanc
Nous extorquer la forte somme
Sous prétexte de Jour de l’An.
Pour te complaire, face blême,
De peur de t’affliger, vieil ours,
Il faut donner, donner quand même,
Donner encor, donner toujours !
Donner à l’un, donner à l’autre,
À tous, sans compter l’imprévu…
À ma femme comme à la vôtre,
À Z… que je n’ai jamais vu…
À Madame X… que je déteste,
À sa fille qui me déplaît !
Et c’est en vain que je proteste,
Je suis devenu vache à lait.

(Raoul Toché, Le Père Janvier)

Vache enragée

Rigaud, 1881 : Bœuf au naturel, bœuf bouilli, — dans le jargon des collégiens. (Albanès.) — Manger de la vache enragée, subir la misère, être très malheureux.

Vache enragée (manger de la)

France, 1907 : Éprouver de grandes privations, tomber dans la misère, manquer du strict nécessaire, n’avoir à manger que des rogatons. Il est défendu, dit Charles Rozan, de manger de la chair des animaux atteints d’épizootie ou mordus par un chien enragé. Les pauvres, privés de tout, ne tiennent pas toujours compte de cette défense, et, pour manger de la viande, ils mangent même de la vache enragée. Il est bon, il est nécessaire que les jeunes gens mangent de la vache enragée, surtout ceux qui ont été choyés, gâtés, adulés dans leur famille.

Si vous interrogiez l’histoire gastronomique des hommes célèbres de notre époque, vous seriez étonnés de la consommation effrayante que ces illustres personnages ont faite de ce bétail privilégié.
Un vieux professeur disait qu’un homme que n’avait pas mangé de la vache enragée n’était qu’une poule mouillée… C’est assez mauvais comme style, mais comme pensée c’est bien profond.

(Mme Émile de Girardin)

Vache enragée, vache enragée qui m’as causé tant de tiraillements et de maux d’estomac, tu es peut-être le condiment de la vie d’artiste. Quand on t’a mâchée et remâchée, la moindre tartine de beurre prend ensuite des succulences d’ambroisie !

(Jules Claretie, Brichanteau, comédien)

Vache et le veau (prendre la)

France, 1907 : Épouser une fille enceinte des œuvres d’un autre.

Vache qui pisse (il pleut comme)

Rigaud, 1881 : Il pleut à verse.

Vache, veau

Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie. Comme la vache et le veau, elle aime à se coucher ; son métier l’oblige à se coucher. La vache a, naturellement, plus d’expérience et partant plus de rides que le veau.

(la duchesse de Berry) est morte, la vache à panier. Elle est morte, il n’en faut plus parler.

(Correspondance de la princesse Palatine)

Vachemoutter

France, 1907 : Dessiner ; argot des Saint-Cyriens.

Vacher

Delvau, 1866 : s. m. Homme mal élevé, — dans l’argot des bourgeois.

Fustier, 1889 : Paresser.

Virmaître, 1894 : Individu grossier en paroles ou en gestes.
— Il est grossier comme du pain d’orge, on dirait qu’il a été élevé derrière le cul des vaches.
Allusion aux vachers qui jurent toute la journée. (Argot du peuple).

France, 1907 : Individu grossier ; expression populaire.

France, 1907 : Paresser, se coucher comme une vache.

Vacherie

Delvau, 1866 : s. f. Nonchalance, avachissement.

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs servies par des femmes, — dans le jargon des voyous, qui traitent sans façon « de vaches » les Hébés de caboulot.

La Rue, 1894 : Cabaret, brasserie de femmes.

Rossignol, 1901 : Brasserie où les consommateurs sont servis par des femmes. Faire une sottise à quelqu’un est aussi lui faire une vacherie.

France, 1907 : Brasserie servie par des filles galantes.

France, 1907 : Chose mauvaise. C’est de la vacherie, ça ne vaut rien.

France, 1907 : Nonchalance, paresse ; lâcheté.

Vacheries

Virmaître, 1894 : On nomme ainsi les brasseries où les consommateurs sont servis par des femmes. Le mot est juste, car elles sont de véritables vaches, pas à lait, par exemple (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Saletés, cochonneries faites à quelqu’un. Prendre la femme d’un camarade et surtout la lui rendre, c’est une vacherie. Emprunter les effets d’un ami, les coller chez ma tante et ensuite laver la reconnaissance, c’est lui faire une vacherie (Argot du peuple). N.

Vacquerie

France, 1907 : Flânerie.

Vacquerie (aller en)

Vidocq, 1837 : v. a. — Sortir pour aller voler.

Rigaud, 1881 : Sortir pour s’entretenir la main… au vol. C’est-à-dire aller vaguer en cherchant une bonne occasion.

Vade

Vidocq, 1837 : s. — Foule, multitude, rassemblement.

Delvau, 1866 : s. f. Foule ; rassemblement, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Foule.

Virmaître, 1894 : Foule, rassemblement. Synonyme de trèpe. Le camelot fait un vade pendant que des complices fabriquent les profondes des badauds (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Foule, multitude.

France, 1907 : Foule, rassemblement ; argot populaire.

Vade et occide Caïm

France, 1907 : Va et tue Caïm. Vieille formule de la Faculté de médecine de Montpellier que l’on prononçait aux jeunes médecins en les sacrant docteurs et qui les engageait charitablement à exercer leur profession aux dépens des ordres religieux, c’est-à-dire en tuant les moines désignés sous le nom général de caïm, ce mot étant formé de la première lettre de chacun des ordres monacaux : carmes, augustins, jacobins, mineurs (cordeliers).

Vade in pace

France, 1907 : Allez en paix. Mots latins bien connus des dévotes, car c’est par eux que le confesseur les congédie après qu’il leur a donné l’absolution de leurs fautes. Encouragement tacite à recommencer : « Mon père, je m’accuse d’avoir trompé mon mari. — Combien de fois ? — Chaque fois que l’occasion se présente. — C’est mal, ma fille ; je vous absous. Vade in pace. »

Vade retro, Satanas !

France, 1907 : Arrière, Satan ! Ces paroles tirées de l’Évangile, qui marquent l’indignation par laquelle on repousse des propositions qui peuvent porter préjudice à l’honneur, ne sont plus guère employées que familièrement.

Vadoult

Ansiaume, 1821 : Domestique.

C’est le vadoult qui m’a fourni l’affaire.

Vadoux

France, 1907 : Domestique ; vieil argot.

Vadrouillant, vadrouillard

France, 1907 : Flâneur allant de cabaret en cabaret, de taverne en lupanar.

Certainement, en quittant le service, vous ne serez pas embarrassés pour gagner votre pain, si votre père ou un oncle d’Amérique ne vous en a pas mis déjà sur la planche ; mais que de fois, plus tard, les chemineaux, les rouleurs, les loupeurs, les vadrouillards, tous ceux qui se seront enquillés dans la grande armée des mendigots et des greffeurs — et il y en aura plus de quatre parmi vous, quelle que soit leur condition sociale actuelle en dehors de la caserne — que de fois tous ces vagabonds, tous ces miséreux regretteront, sainte Gamelle ! ton parfum et ta clémente température, qui réchauffe les mains en hiver et les sentiments en été !

(Marc Mario, La Vie au régiment)

Vadrouillard, vadrouilleur, vadrouilleux

Rigaud, 1881 : Noceur, bambocheur, crapuleux.

Vadrouille

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse ; fille ou femme de peu.

La Rue, 1894 : Basse prostituée. Aller en vadrouille, aller raccrocher dans la rue.

Virmaître, 1894 : Cette expression dans la marine signifie : brosse à plancher. Elle s’applique aux filles qui traînent dans les ports de mer (Argot des souteneurs).

Virmaître, 1894 : Faire une vadrouille, en pousser une. Vadrouiller : se déranger de ses habitudes, rôder dans des milieux auxquels on n’est pas habitué (Argot du peuple).

France, 1907 : Prostituée de la dernière catégorie, racoleuse des boulevards extérieurs. Charles Virmaître, dans Paris oublié, donne la gamme de la prostitution : « Vingt sous, dit-il, c’est une fille publique, une vadrouille, une pierreuse, cent sous, une fille de lupanar ; vingt francs, une boulevardière, de Montmartre à la Madeleine ; cinq louis, une horizontale, et enfin cinq cents francs, une femme qu’on salue et que certains imbéciles épousent. »
Le mot s’emploie adjectivement :

Blanche Rebus, qui l’avait à moitié timbré pendant cinq ou six semaines, qu’il avait regrettée plus que toutes les camarades, qui lui avait laissé dans toute la peau la brûlure de ses baisers savants et luxurieux. Il la revoyait si vadrouille, si excitante avec ses hanches rondes, sa croupe frissonnante, sa nuque blanche où l’on avait envie de mordre comme en un fruit mûr et son air effronté de moineau parisien, la bouche gourmande, les prunelles rieuses, le nez relevé comme d’une imperceptible chiquenaude…

(Mora, Gil Blas)

Vadrouille (la)

France, 1907 : Façon de s’amuser en courant les cabarets et les filles. Aller en vadrouille, chercher dans un état de demi-ébriété les aventures plus ou moins malpropres. La vadrouille est un balai fait de cordages avec lequel on nettoie le pont des navires ; elle traîne par conséquent dans l’ordure.

Bien différente de cette vie d’héroïsme crapuleux, la bohème factice de Murger, cette école buissonnière des enfants prodigues de la bourgeoisie. Adaptée aux convenances particulières de l’étudiant, elle est devenue la vadrouille. Ici le désordre est prévu et la folie réglée. S’enivrer sans presque boire, à force d’agitation et de bruit ; se trouver régulièrement démuni les derniers jours du mois ; promener partout sa turbulence des nuits de fête ; gémir sur la sobriété et le calme qui les suivent ; autant de procédés romantiques de duper la galerie et de se duper soi-même. Ostentatoire et avisée, la vadrouille satisfait ainsi les instincts à la fois vaniteux et cupides de notre race.

(Joseph Caraguel)

Vadrouille, vadrouilleuse, vadrouillarde

Rigaud, 1881 : Prostituée de bas étage : sale femme. C’est la sœur de la gadoue, de la gousse, — dans le jargon des voyous. Allusion à la vadrouille dont on se sert pour nettoyer l’intérieur d’un canot ; c’est un chiffon de laine emmanché au bout d’un bâton.

Les autres ne s’acharnent pas après leur proie avec l’âpreté de ces vadrouilleuses dégoûtantes.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris)

Vadrouiller

Rigaud, 1881 : Faire la noce, s’amuser crapuleusement.

Rossignol, 1901 : Courir d’établissement en établissement est faire la vadrouille ; faire la noce est vadrouiller.

Hayard, 1907 : Faire la noce, tard, et en plusieurs endroits.

France, 1907 : Faire la vadrouille.

Ah ! non, elle n’aimait pas à s’attarder au bureau, Mlle Giresse ; elle avait de bien trop belles occasions de gobelotter, godailler et vadrouiller, pour n’en pas profiter.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Vadrouilleur

France, 1907 : Qui aime à vadrouiller. Même sens que vadrouillard.

Que les étudiants émergent de milieux disparates, qu’ils aient subi des entraînements différents, qu’ils se proposent des fins diverses et que, d’ailleurs, un tout jeune homme puisse retenir la symphonie des passions humaines, l’actualité s’embarrasse peu de ces complications, qui se prêtent mal à l’information rapide. Simpliste, il lui suffit de la rencontre d’un vadrouilleur gris pour conclure à l’ivrognerie de toute une génération, quand ce n’est pas à l’alcoolisme du siècle.

(Joseph Caraguel)

Vag

Hayard, 1907 : Vol.

Vagabonde

France, 1907 : Araignée.

Vagin

Delvau, 1864 : La nature de la femme, qui sert d’étui (vagina) à la grosse aiguille de l’homme.

Le Grec se sauve en Italie ;
Le morpion grimpe au vagin
D’une fillette assez jolie.

(B. de Maurice)

Vague

Delvau, 1866 : s. m. Flânerie, Vagabondage. On dit aussi Coup de vague.

Delvau, 1866 : s. m. Promenade intéressée, — dans l’argot des filles et de leurs souteneurs. Envoyer une femme au vague. Lui faire faire le trottoir.

Rigaud, 1881 : Va-et-vient des filles sur la voie publique. — Lancer une gousse au vague, envoyer une femme faire le trottoir, — dans le jargon des voyous. — Se lâcher du vague, aller promener sur la voie publique.

La Rue, 1894 : Flânerie. Vol. Poche. Le va-et-vient des filles sur le trottoir. Du vague ! Non, rien. Coup de vague, vol à la flan. V. flan. Être au vague, préparer un vol.

Virmaître, 1894 : Les filles qui raccrochent donnent un coup de vague, elles font leurs affaires. Vaguer, promener au hasard, est une corruption du mot français vaquer (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Vol. Commettre des vols est aller au vague.

France, 1907 : Même sens que vacquerie. Aller au vague, flâner. Se dit aussi pour faire le trottoir. Se lâcher du vague, vagabonder.

Vague (coup de)

Larchey, 1865 : Vol à la flan. Son auteur est dans le vague sur le butin qu’il en pourra tirer.

Un soir que j’étais dans la débine. Un coup de vague il me fallut donner. Pour travailler j’mis au plan ma rondine, Et mes outils nous fûmes les déplanquer.

(Bailly)

Vague (cour de)

France, 1907 : Vol au hasard.

Un certain soir étant dans la débine,
Un coup de vague il leur fallut pousser,
Car sans argent l’on fait bien triste mine.

(Clément, forçat)

Vague (du)

France, 1907 : Rien ! Néant !

Vague (du) !

Delvau, 1866 : Rien ! Néant ! Terme de refus.

Vague (en pousser une)

Virmaître, 1894 : Synonyme d’arracheur de chiendent, aller au hasard, vaguement, avec l’intention de voler n’importe qui ou n’importe quoi (Argot des voleurs).

Vaguer

un détenu, 1846 : Voler. Aller au vague : aller au vol.

Delvau, 1866 : v. n. Sortir sans savoir avec qui on rentrera ; — dans l’argot des petites dames. On dit aussi Aller au vague.

Vaguer, aller en vacquerie, être dans le vacque

La Rue, 1894 : Sortir pour voler.

Vaillant

d’Hautel, 1808 : Il fait son vaillant, et il n’a pas le sou. Se dit d’un homme qui, sans fortune et sans moyens, veut se donner les tons d’un homme de qualité, et fait le pédant, le fat, le fanfaron.

Vaillasse

France, 1907 : Marinier querelleur, espèce de bravo du val de Loire. Modification de vaillant avec une terminaison méprisante.

Vain

Halbert, 1849 : Mauvais.

France, 1907 : Mauvais ; argot des voleurs.

Vaine

Halbert, 1849 : Mauvaise.

Vair

France, 1907 : Sorte d’étoffe ; en blason, fourrure blanche et grise. La fameuse pantoufle de Cendrillon des contes de Perrault était non de verre, mais de vair, ce qui est bien différent.

Vaisseau

d’Hautel, 1808 : Dans un grand vaisseau on met ce qu’on veut, dans un petit ce qu’on peut. Néanmoins, un petit vaisseau est souvent bien moins embarrassant qu’un grand.

Vaisseau du désert

France, 1907 : Prostituée ; euphémisme pour chameau. Argot populaire.

Vaisselle

d’Hautel, 1808 : Remuer la vaisselle. Exécuter quelqu’un par autorité de justice.
Prenez garde à votre vaisselle. C’est-à-dire, prenez garde à vous ; examinez bien ce que vous ferez dans cette affaire.

Merlin, 1888 : Décorations. — Lorsqu’un vieux soldat se met en grande tenue et porte toutes ses décorations, les loustics prétendent qu’il met sa vaisselle à l’air.

France, 1907 : Décorations ; argot populaire. Étaler sa vaisselle, porter toutes ses décorations. On dit aussi batterie de cuisine.

Vaisselle de poche

Delvau, 1864 : L’argent nécessaire en amour — la braise avec laquelle on chauffe les femmes.

Il a son charme, le métier de mac, surtout au point d’vue d’ la vaisselle de poche.

(Lemercier de Neuville)

À des pouilleux si tu t’accroches,
Rappelle-toi qu’il t’en cuira
Car l’amour sans vaisselle de poches,
C’est du caca.

(É. Debraux)

Larchey, 1865 : Argent. — On ne peut pas manger sans celle-là.

L’amour sans vaisselle de poche,
C’est du caca.

(Debraux, 1832)

Delvau, 1866 : s. f. Argent, monnaie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Argent.

Virmaître, 1894 : C’est une vaisselle que les ouvriers aiment bien à casser, surtout les jours de Sainte-Flemme (Argot du peuple).

France, 1907 : Argent. Vaisselle aussi rare pour la majorité du genre humain que sont nombreuses les différentes appellations qui la désignent. Nous les réunissons ici : Achetoires, beurre, bille, braise, carle, cercle, cigale, cuivre, dale, douille, face, galette, gau, graisse, huile, jaunet, médaille, métal, mitraille, monacos, monarque, noyaux, pétard, pèse, philippe, picaillon, pimpiou, quantum, quibus, rond, roue de derrière, roue de devant, sit nomen, sine qua non, thune.

Val d’amour

France, 1907 : Parties sexuelles de la femme.

O charmeresse enfant qu’un zéphir caressa
De son aile d’azur dans ses divines courses,
Si votre val d’amour est si rose que ça,
Je voudrais bien pouvoir aller boire à ses sources !

(Gil Blas)

Valade

Ansiaume, 1821 : Poche.

Il a une bonne filoche en valade, qui ne couchera pas avec lui.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Clémens, 1840 / un détenu, 1846 / Halbert, 1849 : Poche.

Larchey, 1865 : Poche de derrière d’un habit. (Vidocq). — Du vieux mot avaler, descendre. La main descend dans la poche. V. Litrer.

Delvau, 1866 : s. f. Poche, — dans l’argot des voleurs. Sonder les valades. Fouiller les poches dans la foule. Le patois normand a le même mot pour signifier Blouse.

Rigaud, 1881 : Poche de redingote, de paletot, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Poche. Bourse.

Virmaître, 1894 : La poche.
— J’avais caré deux sigues dans une valade de mon falzar, ma scie les a dénichés, je vais crapser de la pépie pendant tout le marqué (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Poche.

France, 1907 : Poche. Bourse, d’avaler. Argot des voleurs.

J’ai toujours de l’auber dans mes valades, bogue d’orient, cadenne, rondines et frusquins.

(Vidocq)

Quand t’en auras plein les valades,
Laisse le reste aux camarades.

(Hogier-Grison)

Valades ou vagues

Rossignol, 1901 : Les poches.

Valant

La Rue, 1894 : Pince à effraction.

Virmaître, 1894 : Pince à usage des cambrioleurs (Argot des voleurs). V. Monseigneur. N.

Hayard, 1907 : Pince de cambrioleur.

France, 1907 : Pince à effraction, rossignol ; argot des voleurs.

Valcolorois

France, 1907 : Habitant de Vaucouleurs.

Vaucouleur est une ville bâtie en amphithéâtre face à la Meuse. Ce cours d’eau traverse en cet endroit de riantes prairies qui, au temps de la floraison, sont émaillées de fleurs de toutes nuances. La multiplicité des tons qu’on y rencontre a fait donner à cette région le nom de val des couleurs, puis, par la suite, Vaucouleurs.

(J. Monilan, L’Écho du Public)

Vale

France, 1907 : Adieu ; locution latine.

Valence

Ansiaume, 1821 : Brigand.

C’est un valence qui m’auroit escapé comme un autre.

France, 1907 : On a pu déjà constater maintes fois, dans ce recueil, combien les habitants des diverses localités de province se conspuaient les uns les autres par des sobriquets stigmatisant quelque tare vraie ou imaginaire. En voici sur Valence de nouveaux exemples, avocats, médecins, et la population en général, passent par la satire des localités voisines et sans doute jalouses :

C’est un avocat de Valence,
Longue robe et courte science.
Les médecins de Valence,
Longues robes et peu de science.
Petite conscience et grande diligence
Font l’homme riche à Valence.

C’est un peu comme cela partout.

Valentine

France, 1907 : Jeune fille à qui l’on doit servir de cavalier pendant toute la durée d’une noce ; expression du Barrois.

Je fus invité à une noce campagnarde, dans un village du Barrois, dont les maisons agglomérées à la base de trois collines sont toutes baignées par un ruisseau clair, qui court en glougloutant à travers les rues. Je devais servir de garçon d’honneur au marié et j’étais très fier de cette distinction, d’autant qu’on m’avait réservé pour Valentine, une des plus aimables filles du pays.

(André Theuriet)

Valet

d’Hautel, 1808 : Il est insolent comme le valet du bourreau. Se dit d’un homme grossier, impertinent et sans éducation.
Je suis votre valet. Pour dire je vous salue, je m’en vais. On dit plus communément, je suis votre serviteur.
Faire le bon valet, le valet du diable. Faire plus qu’on ne commande, obéir d’une manière basse et servile.

Valet de cœur

Delvau, 1864 : Le greluchon d’une femme entretenue, — qui serait mieux, appelé valet de cul, puisqu’il doit être toujours à la disposition de sa maîtresse.

Rigaud, 1881 : Amant de cœur, — dans le jargon des vieilles filles entretenues.

France, 1907 : Amant de cœur ; argot des filles.

Valetaille

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, pour dire toute la race des valets, des plus vils subalternes.

Valeur à turban

France, 1907 : Valeur turque.

(Gustave Fustier)

Valise

La Rue, 1894 : Fiacre.

Valisser (se)

France, 1907 : Se flatter.

Vallade

Vidocq, 1837 : s. f. — Poche de derrière d’un habit.

Vallée

d’Hautel, 1808 : La vallée de Josaphat. Pour dire le gosier, la gorge.
Tout son bien est passé par la vallée de Josaphat. C’est-à-dire, a été dissipé en bonne chère, en repas somptueux.

Valleuse

France, 1907 : « Nom donné dans quelques parages de la Normandie aux sentiers qu’on gravit pour arriver au sommet des falaises. »

(E. Peiffer)

Valoir

d’Hautel, 1808 : Il ne vaut pas une claque ; une pipe de tabac. Se dit de quelqu’un ou de quelque chose dont on ne fait nul cas.
Un bon averti en vaut deux. Pour dire qu’une leçon mise à profit, tient lieu de bien des préceptes.
Il vaut mieux sou, qu’il ne valoit maille. Se dit de quelqu’un qui s’est reformé en bien ; ou de quelque chose que l’on a sensiblement amélioré.
Cela vaut son pesant d’or. Pour dire est parfait, excellent ; d’une grande supériorité.
Et si madame vaut monsieur, monsieur vaut bien madame. Refrein satirique, qui veut dire que le mari ne vaut pas mieux que la femme ; on dit en bonne part, que deux époux sent égaux en richesses, et en qualités.
Il ne vaut pas ce que j’ai trouvé ce matin. Pour dire que quelqu’un est dénué de toute espèce de mérite.
Vaille que vaille. Pour, à tout hasard, tel qu’il est.

Valoir cher (ne pas)

Delvau, 1866 : Être d’un caractère désagréable, — dans l’argot des faubouriens.

Valoir l’os

France, 1907 : Mériter l’attention ; argot populaire.

Dans le flanche de cette sacrée Commission supérieure, quelques chiffres valent l’os.
Ainsi, les birbes ont constaté que le nombre les bagnes où les patrons exploitent des femmes et des gosses a augmenté : en 1895, il y en avait 285.000 et il y en a eu 296.000 en 1896.
Et, turellement aussi, le chiffre des gosses et les femmes qui triment dans ces maudits bagnes a augmenté en proportion.

(Le Père Peinard)

Valoir le coup

Delvau, 1864 : Être passable. — Expression employée par l’homme, à l’égard de toute femme qui, n’étant pas belle, a cependant quelque chose qui plaît : — Elle vaut le coup, — c’est-à-dire : elle mérite qu’on la baise au moins une fois.

France, 1907 : Posséder des charmes tentateurs ; expression populaire.

Valoir le coup de fusil

France, 1907 : Valoir la peine d’être volé ; argot des voleurs.

Valoir son pesant d’or

Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot du peuple, — de toute bêtise un peu forte, de tout mensonge un peu violent.

Valoir son pesant de moutarde

Rigaud, 1881 : Expression employée pour apprécier, en riant, un propos idiot, une excentricité, line chose ridicule, une personne grotesque. — Il vaut son pesant de moutarde. Les gens tout à fait sans façon disent : Valoir son pesant de merde.

France, 1907 : Ne rien valoir.

Valser

d’Hautel, 1808 : Au propre, danser une valse ; au figuré, se sauver, prendre la poudre d’escampette.

Larchey, 1865 : Courir. V. Cheval.

Delvau, 1866 : v. n. S’enfuir, ou seulement s’en aller. Faire valser quelqu’un. Le mettre brutalement à la porte.

Rigaud, 1881 : Décamper.

Virmaître, 1894 : Battre quelqu’un.
— Je vais te faire valser sans musique.
Ce qui arrive souvent le samedi de paye, quand le mari rentre au logis plus qu’éméché : il fait faire un tour de valse à sa ménagère si elle ronchonne (Argot du peuple).

France, 1907 : S’en aller, s’enfuir. Faire valser quelqu’un, le mettre à la porte, ou le battre.

Valser du bec

Fustier, 1889 : Avoir l’haleine fétide.

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

C’est avec raison que l’abbé Fricard désignait la vieille Ambroisine sous le nom de punaise, car celle valsait si fortement du bec qu’elle infectait la sacristie.

(Les Propos du Commandeur)

Valser, vaner

La Rue, 1894 : Partir, s’enfuir.

Valtreuse

Vidocq, 1837 : s. f. — Valise. Terme des Roulottiers parisiens.

Larchey, 1865 : Valise. — Valtreusier : Voleur de valise.

Delvau, 1866 : s. f. Valise, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Valise, — dans le jargon des camelots.

La Rue, 1894 : Valise. Malle. Valtreusier, voleur de valises.

Virmaître, 1894 : Valise. C’est un simple changement de finale (Argot du peuple).

France, 1907 : Valise, portemanteau ; argot des voleurs.

Valtreusier

Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur de portemanteau, valise et malle.
Les étrangers qui arrivent à Paris par la malle-poste, les diligences ou toutes autres voitures publiques, ne sauraient trop se méfier de ces individus qui ne manqueront pas de venir leur faire des offres de services à leur descente de la voiture, car il est rare qu’il n’y ait parmi eux quelques Valtreusiers. Les Valtreusiers, comme les commissionnaires dont ils ont emprunté le costume, se chargent de porter à l’hôtel les mailles et bagages du voyageur qui a bien voulu les charger de ce soin. Pour se mettre à l’abri de leurs atteintes, il ne faut pas perdre de vue un seul instant celui que l’on a chargé de ses bagages, surtout au détour des rues, et s’il survient un embarras de voitures. Les Valtreusiers connaissent toutes les sinuosités, tous les passages de Paris, aussi ils savent disparaître comme l’éclair.
Si l’on ne veut pas être volé par les Valtreusiers, il ne faut se servir que des commissionnaires spécialement attachés à l’administration des voitures que l’on vient de quitter, ou, ce qui vaut mieux encore, prendre un fiacre.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur de valises.

Rigaud, 1881 : Voleur de malles.

Virmaître, 1894 : Voleur de valise. Ce vol est pratiqué sur une grande échelle dans les salles d’attente des gares de chemins de fer. Il est des plus simples : Le valtreusier a une valise à la main qui paraît gonflée ; pour compléter son apparence de voyageur, il porte une couverture de voyage. Il se promène ayant l’air indifférent, mais en réalité il guigne un voyageur assis à côté d’une valise respectable. Sans affectation, il s’assied à ses côtés et engage la conversation. Au moment de prendre un billet, le voyageur se dirige vers le guichet et laisse sa valise à la garde de son compagnon ; aussitôt celui-ci se lève, change de valise et s’en va tranquillement. Neuf fois sur dix, le volé ne s’aperçoit de la substitution qu’à son arrivée à destination : la valise ne contient en fait de linge que des cailloux (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur de valises.

Vanage

Rigaud, 1881 : Piège. — Maquiller un vanage, amorcer une dupe en lui laissant gagner une ou deux parties, — dans le jargon des grecs.

La Rue, 1894 : Piège.

Vanage (faire un)

Vidocq, 1837 : Faire gagner d’abord celui qu’on veut duper plus tard. Ce terme n’est employé que par les voleurs et joueurs de province.

Vandale

Fustier, 1889 : Poche vide.

La Rue, 1894 : Poche béante.

France, 1907 : Poche vide ; déformation de valade. Argot des voleurs.

Vane

France, 1907 : Aveu ; argot des voleurs.

Vane !

France, 1907 : À droite ; argot des bonneteurs pour prévenir qu’un danger, c’est-à-dire la police, vient à droite. Quand c’est à gauche, on lance le mot cri !

Vaner

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Se sauver.

France, 1907 : Avouer.

France, 1907 : S’en aller, fuir.

Vaneur

Rigaud, 1881 : Poltron, fuyard, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Complice qui fait des aveux ; argot les malfaiteurs.

France, 1907 : Poltron, compère qui s’esquive au moment du danger ; argot des malfaiteurs.

Vanitas vanitatum !

France, 1907 : Vanité des vanités ! Paroles de Salomon qui, san doute lassé de ses trois cents femmes et de ses neuf cents concubines, déplorait le vide des joies humaines et des choses d’ici-bas.

Vanité

d’Hautel, 1808 : Une once de vanité, gâte un quintal de mérite. Proverbe qui, malgré son exagération, n’en est pas mains d’une grande vérité.

Vaniteux

d’Hautel, 1808 : Pour dire, vain, glorieux, orgueilleux.

Vannage

Delvau, 1866 : s. m. Piège, amorce, — dans l’argot des voleurs. Faire un vannage. Allécher par un petit profit l’homme qu’on se réserve de dépouiller.

Virmaître, 1894 : Tendre un piège, amorcer un individu par des promesses alléchantes pour le duper plus facilement. M. Loredan Larchey dit que c’est une comparaison de l’escroc au meunier qui lâche un peu d’eau de sa vanne pour faire tourner le moulin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Amorce, embûche, piège. Maquiller un vannage, amorcer un dupe ; attirer dans un piège.

Vannage (faire un)

Larchey, 1865 : « Allécher par un petit profit l’homme qu’on se réserve de dépouiller. »

(Vidocq)

Comparaison de l’escroc au meunier qui lâche un peu d’eau de sa vanne pour faire tourner le moulin.

Vanne

La Rue, 1894 : Mensonge. Complice. Vanneur, menteur.

Virmaître, 1894 : Mot cher aux camelots. Ils disent faire un vanne lorsqu’ils vendent un journal qui annonce une fausse nouvelle à sensation (Argot des camelots). N.

Rossignol, 1901 : Faire gagner quelqu’un à un jeu arnaqué est lui faire un vanne.

Hayard, 1907 : Tout ce qui est faux en général.

France, 1907 : Complice, compère ; argot des grecs.

Sur la légre il faut que ton vanne
Truque sans te plaquer en panne.

(Hogier-Grison)

France, 1907 : Fatigué, harassé.

Jane est cannée, — et l’est superlativerment !
Son épiderme ambré que les nuits ravagèrent
Garde un subtil arome où les sens s’exaspèrent,
Ou le clairon des nerfs geint maladivement
Jane est vannée, — et l’est superlativement.

(Théodore Hannon, Rimes de joie)

Ils ne se posent point en héros (nos jeunes gens du dernier bateau). Non certes pas. Pour le plus petit effort, à la moindre fatigue, ils se disent finis, rompus. Les voilà flapis, décatis, vannés, blousés, piqués, tout à fait blets. Ils exagèrent à plaisir leurs propres défaillances. En un mot, des apprentis gagas !

(Frédéric Loliée, Parisianismes)

France, 1907 : Panier ovale dans lequel on voiture le charbon de bois. Altération de banne par le changement de b en v ; du gaulois benne, chariot ; celtique, benna.

(H. Labourasse)

France, 1907 : Tromperie. Faire une vanne, duper.

Pour sa part, jamais il n’avait mis d’argent sur une selle, à cause des risques, des vannes, comme il disait, que la fougue capricieuse d’un cheval apporte dans les courses « les mieux combinées ». S’il se trouvait dans le wagon quelque naïf à qui l’on vit prêter l’oreille, Harris, avec des airs discrets semait les faux renseignements.

(Hugues Le Roux, les Larrons)

anon., 1907 : Fausse nouvelle.

Vanné

Rigaud, 1881 : Harassé. — Ruiné.

Tous ces oisifs dangereux, décavés ou vannés qui sacrifient jusqu’à leur dernier sou pour s’afficher à la porte d’un café.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris, 1874)

La Rue, 1894 : Harassé. Ruiné.

Virmaître, 1894 : Avoir trop fait la noce et l’amour. Vanné : n’avoir plus rien dans le ventre, synonyme de vidé. Vanné par excès de travail (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Fatigué d’avoir nocé.

France, 1907 : Ruiné.

Un chirurgien fait une opération à un jeune homme vanné, le sang coule :
— Sang vert, sang vert, mâchonne l’homme de l’art.
— J’te crois, dit le malade, j’ai mangé tout mon blé en herbe !

(Rouge et Noir)

Vanneaux

La Rue, 1894 : Articles de réclame vendus à très bon marché et quelquefois au-dessous du prix coûtant.

France, 1907 : Marchandises vendues au rabais et à perte.

Vanner

d’Hautel, 1808 : Pour, s’esquiver, s’échapper, s’enfuir ; se sauver à la sourdine.

Vanterne

Ansiaume, 1821 : Fenêtre.

Pour chomir un boccaux, il faut y coller du mince.

un détenu, 1846 : Fenêtre.

Delvau, 1866 : s. f. Lanterne, — dans le même argot [des voleurs]. Vanterne sans loches. Lanterne sourde.

Rigaud, 1881 : Fenêtre. — Lanterne, — dans l’ancien argot, de l’espagnol vantana.Vanterne sans loches, lanterne sourde.

La Rue, 1894 : Fenêtre. Lanterne.

Virmaître, 1894 : Lanterne. Vanterne sans loches. A. D. M. Lorédan Larchey, d’après H. Monnier, dit que le vanternier, au lieu d’entrer par la lourde, préfère s’introduire par la fenêtre. Vanterne n’a jamais été une lanterne, pas plus que vanterne n’est une fenêtre. V. Venterne.

Hayard, 1907 : Fenêtre.

France, 1907 : Lanterne. Vanterne sans loches, lanterne sourde. Doubles vanternes, binocle.

France, 1907 : Voir Venterne.

Vanterne (fausse)

Ansiaume, 1821 : Contrevent.

Un dauphin débridera bien la fausse vanterne.

Vanternier

Rigaud, 1881 : Voleur qui, à l’exemple des amoureux de l’ancienne école, entre par la fenêtre.

France, 1907 : Voir Boucardier et Venternier.

Vapereau

Delvau, 1866 : s. m. Livre fort épais, — beaucoup plus fait pour servir de tabouret que pour être consulté, — dans l’argot des gens de lettres qui ne sont pas oubliés par l’auteur du Dictionnaire des Contemporains. On dit aussi Bottin.

Vaque

France, 1907 : Boisson. Voir Lain.

Vaquerie

France, 1907 : Voir Vacquerie.

Vaquero

France, 1907 : Gardien de troupeaux de taureaux et de chevaux sauvages dans la Camargue.

À vingt pas de la ferme, les vaqueros entouraient une vingtaine de petits taureaux dont les cornes avaient à peine poussé, et ils s’amusaient à les terrasser comme ils eussent fait de jeunes chiens.
Ces petites bêtes étaient déjà rageuses et ne semblaient pas commodes à manier, pourtant.
Noires comme le jais, les jambes sèches et la tête énorme, la queue battant les flancs, elles s’élançaient, rapides comme l’éclair, sur les vaqueros, qui tantôt les franchissaient, tantôt les évitaient par un mouvement aussi prompt que l’idée, tantôt les renversaient d’un coup d’épaule en leur tenant le jarret gauche.

(Fernand Delisle, Souvenirs de chasse en Provence)

Varin

France, 1907 : Venin. « Pour panser du venin, disent les paysans du bas Berry, il faut avoir étouffé trois taupes dans sa main gauche, et savoir certaines paroles cabalistiques accompagnées d’eau bénite. »

Varium et mutabile sempfer femina

France, 1907 : La femme est capricieuse et changeante. Locution latine tirée l’Énéide de Virgile.

Vas-y t’assir

France, 1907 : Chaise ; argot des voyous.

Vase

La Rue, 1894 : Eau. Vaser, pleuvoir.

France, 1907 : Eau ; argot des voleurs, de l’allemand wasser.

Vase étrusque

Delvau, 1866 : s. m. « Pot qu’en chambre on demande », — dans l’argot des romantiques.

France, 1907 : Pot de chambre ; expression familière.

Vase nocturne

Larchey, 1865 : Pot de nuit.

Mais un vieux taciturne Verse le contenu d’un vase nocturne.

(Bailly, Ch., 1836)

Delvau, 1866 : s. m. Vase étrusque, — dans l’argot des bourgeois.

Vaser

Rigaud, 1881 : Pleuvoir. — La variante est : Tomber de la litharge, — dans le jargon des chiffonniers.

France, 1907 : Pleuvoir, uriner.

Vaseux

Virmaître, 1894 : Paysan. Il est vaseux parce qu’il vit dans la vase quand il pleut (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Paysan ; individu malpropre.

Vasinette

France, 1907 : Bain. Aller à la vasinette. Expression populaire.

Comme la plupart des campagnardes, elle était arrivée à la quarantaine sans être allée une seule fois à la vasinette, aussi, dès le premier jour, M. le curé fut-il fort incommodé des âcres odeurs qui s’échappaient de ses jupes.

(Les Propos du Commandeur)

Vasistas

d’Hautel, 1808 : Petite partie d’une porte ou d’une fenêtre qui s’ouvre à volonté. Mot presque toujours défiguré. Beaucoup de personnel disent, vagislas, pour vasistas.

Rigaud, 1881 : Monocle, — dans le jargon des voyous.

Bon, je retire ma provocation et mon vasistas.

(P. Mahalin, Les Monstres de Paris)

France, 1907 : Le derrière. Les dénominations argotiques de cette partie de notre individu sont nombreuses, nous les résumons ici : Arrière-train, as de pique, ballon, baril de moutarde, Bernard, bien séant, blaire, borgne, cadet, cadran, canonnière, contrebasse, cyclope, démoc, département du Bas-Rhin, disque, double-blanc, double-six, face au Grand Turc, faubourg figure, fignard, figne, fla, fleurant, foiron, foiroux, garde-manger, giberne, gingla, Luc, lune, machine à moulures, médaillon, messire Luc, moule à merde, moulin à vent, moutardier, n’a qu’un œil, naze, obusier, oignon, panier aux crottes, pétard, pedzouille, pétrousquin, piffe, ponant, proye, pronos, Prussien, rose des vents, ruelle aux vesses, salle de danse, schaffouse, schlingophone, soufflet, tabatière, tal, tirelire, tortillon, trèfle, troufignon, troussequin, verre de montre, vénérable, visage de campagne, visage sans nez.

France, 1907 : Monocle.

Vate !

d’Hautel, 1808 : Interjection populaire dont on se sert pour démentir quelqu’un, ou pour montrer que l’on n’est pas de son avis.
Eh vate ! Pour, ce n’est pas cela ; tu ne sais ce que tu dis.

Vaten (donner une prébende à l’abbaye de)

La Rue, 1894 : Chasser, renvoyer.

Vaticanaille

Rigaud, 1881 : Tout ce qui prend le mot d’ordre à Rome est traité de Vaticanaille par les démocrates libres-penseurs, qui à leur tour sont traités de Républicoquins par la Vaticanaille. Ô courtoisie des partis politiques dans le pays le plus civilisé du monde !

Vatrine (grincher à la)

La Rue, 1894 : Voler dans un restaurant.

Vau (cap de)

France, 1907 : Abréviation de capitaine du vaiseau ; argot des élèves de l’École navale qui disent, aussi lieu de vau, pour lieutenant de vaisseau.

Vaudevillâtre

France, 1907 : Fabricant de vaudevilles.

En réalité, de projets médités, les directeurs n’en ont pas ; ils vont, ne sait comme, embourbés dans l’ornière de la routine, de la bêtise et du préjugé, entichés de vieilleries rebelles aux nouveautés, tentant de flairer le goût du public, souriant aux maquignons vadevillâtres qui leur glissent en manière de bonne main la moitié des droits d’auteur.

(Henry Bauër, Les Grands Guignols)

Vaudevillière

Delvau, 1866 : s. f. Cabotine, femme qui se fait engager sur un théâtre de vaudeville quelconque, non pour jouer, mais pour être vue et appréciée à sa juste valeur — comme fille égrillarde — par les habitués de l’orchestre, fins appréciateurs de l’an dramatique, surtout en cabinet particulier. Le mot a été créé par Jules Noriac.

France, 1907 : Cabotine qu’on engage sur un théâtre de vaudeville plutôt pour ses charmes que son talent dramatique. « Le mot, dit A. Delvau, a été créé par Jules Noriac », mais il n’a plus guère cours.

Vaugander

France, 1907 : Vagabonder, polissonner.

Vaugirard

d’Hautel, 1808 : Village près Paris, où il y a un grand nombre de guinguettes.
On prononce vulgairement Vaugérard.

Vaugirard (burette du curé de)

France, 1907 : Grande bouteille ; vieille expression tombée en désuétude.

Vaugirard (greffier de)

France, 1907 : C’est comme le greffier de Vaugirard, il ne peut écrire quand on le regarde.
D’après les Matinées sénonaises, ce dicton vient d’un greffier de Vaugirard dont le greffe, fort obscur, ne recevait le jour que par une petite fenêtre, en face de son bureau, si l’on se mettait devant lui, il n’y voyait plus, par conséquent ne pouvait plus écrire.

Vaurien

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Fainéant, fripon, libertin.

Vautour

Larchey, 1865 : Propriétaire exigeant et dur. — Dès 1587, se trouve dans les Contes d’Eutrapel :

Vaultours que signifient ils autres que les avaricieux qui comme ces animaux sont aspres et désordonnément actifs a posséder les biens de ce monde per fas et nefas.

Fustier, 1889 : Grec. Tous les joueurs ont commencé par être d’honnêtes joueurs ; ils ont été pigeons avant d’être vautours.

(Henri IV, 1881)

La Rue, 1894 : Grec. Malfaiteur. Propriétaire. Usurier.

Vautour (Monsieur)

France, 1907 : Usurier, propriétaire avide et sans pitié.

Non de nom ! Faut-il que je voie,
Me faisant encore la cour,
Ce chauve au bec d’oiseau de proie,
Monsieur Vautour, Monsieur Vautour !

(Souêtre, La Marianne populaire de 1883)

Vautrer

d’Hautel, 1808 : Se vautrer. Pour dire, s’étendre tout de son long comme les veaux ; avoir des attitudes peu décentes.

Vautrer (se)

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Est-il honnête qu’un parent
Dessus sa parente se vautre ?

(Théophile)

Væ victis

France, 1907 : Malheur aux vaincus. Locution latine. C’est la menace que fit Brennus à la capitulation de Rome en jetant sa lourde épée dans la balance où le tribun Sulpicius faisait peser les mille livres d’or pour la rançon de Rome.

En bas comme en haut, l’âme humaine est pleine de laideur. Le væ victis est partout la consigne. Le faible et le chétif sont éternellement bafoués. Populace ou soldatesque, les mêmes bas instincts les guident. Femmes du monde ou femmes du ruisseau ont au cœur les mêmes lâchetés. La différence est dans le plus ou moins d’épaisseur du plâtrage jeté sur leurs gangrènes !

(Hector France, L’Homme qui tue)

Veau

d’Hautel, 1808 : Des brides à veau. Coq à l’âne ; absurdités, raisons impertinentes et ridicules dont on amuse les sots.
Tuer le veau gras. Faire un régal extraordinaire pour témoigner la joie qu’on éprouve de revoir quelqu’un.
Un veau d’or. Un Midas ; un riche sans lettres ; un parvenu.
S’étendre comme un veau. S’étaler d’une manière incivile et souvent incommode aux autres.

Delvau, 1864 : Gourgandine, fille de la dernière catégorie, — sans doute par allusion à sa chair fadasse, plus adipeuse que musculée, plus lymphatique que sanguine, qui ne donne pas le moindre appétit.

Un soir, à la barrière,
Un veau
Tortillait son derrière
Bien beau.

(Vachette)

O vous, jeunes étudiants,
De veaux si vous êtes amants,
Craignez, craignez fort la vérole.

(A. Watripon)

Larchey, 1865 : Jeune fille de joie, condamnée au rôle futur de Vache. V. ce mot.

Je rencontre à la barrière Un veau (bis).

(Chanson populaire)

Delvau, 1866 : adj. Paresseux, nonchalant, — dans l’argot du peuple. Il ne fout pas croire l’expression nouvelle. Galli socordes et stultos vituli nomine designare soliti sunt, dit Arnoult de Féron dans son Histoire de France. Et Régnier, dans sa satire à Mottin, dit de même :

Ce malheur est venu de quelques jeunes veaux
Qui mettent à l’encan l’honneur dans les bordeaux.

Delvau, 1866 : s. m. Jeune fille qui a des dispositions pour le rôle de fille. Argot des faubouriens.

Merlin, 1888 : Voir Azor.

Virmaître, 1894 : Femme de barrière, rôdeuse de caserne (Argot des voyous).

Virmaître, 1894 : Toute jeune fille qui n’a pas grand chemin à faire pour devenir vache. Il existe à ce sujet une vieille chanson qu’il serait impossible de citer en entier :

Un jour, à la barrière,
Un veau,
Un veau,
Tortillant du derrière.
Fort beau,
Fort beau.
Je la … sur parole.

Neuf jours plus tard, le camarade était au Midi (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Femme publique.

France, 1907 : Imbécile, niais, balourd. L’expression est vieille ; on la trouve dans un dicton du XVIe siècle : Celuy se monstre estre bien veau, qui par la poincte rend le couteau.

L’autre soir, on parlait métempsycose.
Le jeune vicomte des Étoupettes, pour se rendre intéressant, soutenait avec un aplomb imperturbable qu’il se souvenait fort bien d’avoir été le veau d’or des anciens Hébreux.
— Pardon, demanda en s’approchant une jeune personne, mais l’or, qu’en avez-vous fait ?
 
Cependant, j’avais soif encor ;
J’allais dans un autre décor
Boire un verre de vulnéraire,
Eh bien, croyez-vous qu’à nouveau
Devant moi je trouve mon veau
Qui me ressemblait comme un frère !

(Raoul Ponchon)

France, 1907 : Jeune fille de mœurs légères : destinée à devenir vache.

L’ami. — Ne blaguez pas les dessous de bras, mon cher ! Je connais une petite bonne femme qui doit sa fortune à ses aisselles. Uniquement ! Elle n’a que ça, cette enfant, mais elle l’a ! Oh ! la mâtine, elle l’a bien ! Savez-vous ce qu’elles sentent, ses aisselles ?
M. de Grangel. — Non ! moi, j’ai connu une princesse polonaise, très ordinaire comme tête, mais qui embaumait les chrysanthèmes. Quand elle levait les bras, c’était délicieux.
L’ami. — Ma petite camarade, dont je vous parle, sent le foin coupé. Mais vous savez, tout à fait le foin coupé. On se croirait dans une prairie.
Claude. — Avec un veau.

(J. Marni)

France, 1907 : Paresseux, débauché. Le mot est vieux dans ce sens, on le trouve dans Mathurin Régnier.

Ce malheur est venu de quelques jeunes veaux
Qui mettent à l’encan l’honneur dans les bordeaux.

(Satire à Moltin)

Veau (faire le pied de)

France, 1907 : Flatter bassement, se livrer à de lâches complaisances.

Las de faire le pied de veau près de cette belle mijaurée, je résolus d’employer une méthode plus virile et de brusquer le mouvement.

(Les Propos du Commandeur)

Veau (fièvre de)

France, 1907 : Ivresse ; vieille expression.

Il a la fièvre de veau, il tremble quand il est saoul.

Veau d’or (adorer le)

France, 1907 : Se prosterner devant un imbécile opulent ; faire des courbettes à un homme qui n’a d’autre mérite que sa fortune : tout sacrifier au vil métal. Allusion au veau d’or que, suivant la légende hébraïque, les Juifs adorèrent dans le désert.

J’ai vu des courtisans, pour la moindre largesse,
Se faire du veau d’or les vils adorateurs.

(Audouit)

Veau de dime

France, 1907 : Triple sot ; celui qui paye la dime aux prêtres et que l’on peut exploiter à merci. Vieille expression.

Et ces aultres vieulx mastins, qui jamais n’entendirent la moindre loi des Pandectes, et n’estoient que gros veaulx de disme, ignorants de tout ce qu’est nécessaire à l’intelligence des loix.

(Rabelais)

Veau de lune

France, 1907 : Imbécile, double sot.

Quand, obliquement, tel un crabe,
Mon proprio chez moi vient choir,
Voici ce qu’à ce vieux crabe,
Sans en omettre une syllabe,
Je lui passe avec le crachoir :
« N’ai-je pas pour toi, veau de lune,
Assez dépeuplé mon gousset ?
Et comment ferai-je si, thune
Par thune, tu prends ma fortune,
Pour aller boire chez Pousset ? »

(Raoul Ponchon)

Veau morné

Halbert, 1849 : Femme ivre.

Rigaud, 1881 : Femme ivre. Morné est pour mort-né. (L. Larchey)

Veau mort-né

France, 1907 : Femme ivre ; expression populaire.

France, 1907 : Veau servi dans les restaurants à bon marché et à prix fixe ; expression populaire. Se dit aussi pour veau mal cuit, mets des plus indigestes, ainsi que le constate un dicton du XVIe siècle :

Veau mal cuit et poulles crues
Font les cimetières bossus.

Veau-gras

France, 1907 : Sobriquet que les polytechniciens donnent aux élèves de l’École du Val-de-Grâce. Jeu de mot sur Val et Grâce.

Veaux (brides à)

France, 1907 : Choses inutiles ; raisons ridicules qui ne peuvent persuader que des sots ou des naïfs. La plupart des professions de foi des candidats à la Chambre sont des brides à veaux. Vieille expression qui date du XVIe siècle.

Veaux de Brou

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de Saint-Romain-de-Brou, chef-lieu de canton d’Eure-et-Loir, à la suite d’une farce dont ils furent victimes, et dont on trouve le récit dans le Facétieux Réveille-matin des esprits mélancoliques, ou remède préservatif contre les tristes, Rouen 1659 :

Ce sobriquet est venu d’un tour que trois jeunes garçons, qui n’avaient pas d’argent, firent aux habitants de la ville de Brou en Beausse, en feignant qu’ils estoient comédiens. D’abord qu’ils eurent obtenu la permission du juge, ils firent afficher par la ville des placards où estoient éscrits ces mots : « Les comédiens du Roy représenteront aujourd’huy la fuite des enfans sans argent, pièce qui n’a jamais esté veue n’y représentée. » On leur donna une grange où ils firent leur théâtre. L’un d’eux garda la porte pour recevoir l’argent, qui estoit de trois sols par teste, et les deux autres faisoient jouer deux meschans violons, en attendant la pièce qu’ils avoient promise, faisant semblant de s’aprester. Lorsqu’ils virent la grange pleine, ils descendirent par derrière le théâtre, et celuy qui gardoit l’argent à la porte, la fermant à double tour, ils s’en allèrent tous trois. À une lieue de Brou ils rencontrèrent un homme qui y retournoit, ils le prièrent de vouloir bien se charger de la clef d’une grange qu’ils avoient fermée par mesgarde, où il y avoit, dirent-ils, qui quantité de veaux. Ce bourgeois, en l’ouvrant, ne peut s’empescher de rire. Les habitans crurent qu’il avoit esté d’intelligence avec les prétendus comédiens, de sorte qu’ils le batirent rudement. Depuis on a toujours appelé les habitans de la ville les Veaux de Brou.

Vécu

Delvau, 1866 : adj. Arrivé, véridique, — dans l’argot des gens de lettres. Roman vécu. Roman qui est l’histoire réelle de quelqu’un.

France, 1907 : Vrai, véridique. Une œuvre vécue, c’est-à-dire dont les personnes ne sont pas des fantoches de convention comme ceux de la plupart des romans populaires.

Vécu (avoir)

Larchey, 1865 : Avoir expérimenté la vie.

Il savait tant de choses, il avait vécu.

(La Cassagne)

Delvau, 1866 : Avoir joyeusement dépensé sa vie à boire, à manger, à aimer, etc., — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Connaître la vie, avoir de l’expérience.

Vécu (c’est)

Rigaud, 1881 : C’est étudié sur le vif ; c’est senti, compris pour avoir vécu, dans le milieu où l’action s’est passée, — en terme d’artistes et d’hommes de lettres.

Vécule

Halbert, 1849 : Voiture.

Vedette

Larchey, 1865 : « Qu’est-ce que la vedette ? C’est la faveur toute spéciale de voir son nom imprimé en caractères trois fois plus gros que celui de ses camarades. Les administrations théâtrales n’accordent cette faveur qu’aux acteurs et actrices qui font recettes. »

(Montépin)

Delvau, 1866 : s. f. Nom imprimé en caractères très gros, sur une affiche de théâtre, — dans l’argot des coulisses. Être en vedette. Avoir son nom en tête d’une affiche comme acteur plus important que les autres.

Vedette (en)

France, 1907 : Avoir son nom en vedette, c’est l’avoir imprimé sur les affiches et les programmes en plus gros caractères que les autres. Cette distinction a lieu pour les artistes éminents et les étoiles. « Elle est tellement recherchée, dit Georges Delesalle, que certains directeurs de théâtre ont été obligés de disposer les noms en cercle pour ne pas être en butte aux réclamations de chacun. »

— Laissez-moi, répondait-elle, vous me déchirez.
— Tu seras en vedette.
— Vous êtes insupportable.
— En étoile !
— Assez !

(J. Sermet)

Véhicule

Halbert, 1849 : Voiture de remise.

Veille

d’Hautel, 1808 : Pâté de veille. On appelle ainsi un petit régal que l’on fait le premier soir que l’on reprend la chandelle dans les ateliers ; ce qui est ordinairement à la Notre-Dame de septembre.

Veiller au grain

Delvau, 1866 : v. n. Surveiller ses domestiques quand on est maître, ses ouvriers quand on est patron, afin qu’il n’y ait pas de détournements et de gaspillage. Argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Surveiller avec soin, Pour un patron, c’est veiller à ce que chacun soit à son ouvrage, à ce que tout marche bien et économiquement. — Pour une fille, c’est faire en sorte de n’être pas flouée.

France, 1907 : Faire attention, surveiller avec soin. C’est le devoir de tout chef de maison de veiller au grain pour empêcher les détournements et le gaspillage. Expression des gens de mer passée dans l’argot populaire.

Veilleur de mort

France, 1907 : « En argot de lupanar, on appelle veilleurs de morts les jeunes vauriens qui emploient leur soirée à mettre sens dessus dessous les maisons de tolérance. Ils sont la terreur des maquerelles, et les pertes qu’ils leur font subir sont les revers de la médaille du proxénétisme. »

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Veilleuse

Rigaud, 1881 : Estomac, — dans le jargon des voleurs. — Veilleuse à sec, estomac qui crie famine.

La Rue, 1894 : Pièce d’un franc. Elle éclaire modestement. La pièce de 5 fr. est la bougie.

France, 1907 : Estomac. Veilleuse à sec, estomac affamé.

France, 1907 : Pièce d’un franc. Demi-veilleuse, cinquante centimes.

Veilleuse (souffler sa)

France, 1907 : Mourir ; argot populaire.

Veinard

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme heureux en affaires ou en amour, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Homme qui a de la chance. Il a de la veine, tout lui réussi. Il a trouvé une bonne veine, tout lui réussira. Il existe un vieux proverbe à ce sujet :
— Qui voit ses veines, voit ses peines (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui a de la chance est un veinard, il a de la veine.

Hayard, 1907 : Qui a de la chance.

France, 1907 : Homme heureux dans ses affaires, à qui tout réussit en argent comme en amour.

On ne s’imagine pas à quel point est docile et malléable le troupeau des filles d’amour ; ce spécialiste, qui souvent vendit quatre ou cinq fois le même mobilier, le reprenant à des malheureuses tombées malades ou ayant fait la sottise de se toquer d’un homme qui ne leur donnait point d’argent, n’a jamais eu aucun procès dangereux.
Quelques-unes ont bien protesté un peu, mais il n’a jamais rencontré la femme résolue, décidée à faire un scandale.
C’est un veinard, et maintenant qu’il est retiré des affaires, rien ne s’oppose à ce qu’on le décore.
Il doit même attendre cette petite formalité pour se faire nommer député.

(Mémoires de Goron)

Quand l’artilleur de Metz
Demande une faveur,
Toutes les femm’s de Metz
L’accordent de grand cœur,
Et le mari cornard
Craint l’artilleur veinard
Qui, malgré pluie et vent,
Va toujours de l’avant !
Artilleurs, mes chers frères,
À sa santé, vidons nos verres,
Et répétons ce gai refrain :
« Vive l’amour et le bon vin ! »

(Vieille chanson de banquet militaire)

Veinard, veinarde

Rigaud, 1881 : Heureux, heureuse. Celui, celle qui a de la veine ; mot très usité parmi les joueurs.

Veinarde

Delvau, 1866 : adj. et s. Drôlesse qui a du succès en hommes sérieux. Argot de Breda-Street.

Virmaître, 1894 : Fille qui a la main heureuse et tombe sur des michés qui se fendent généreusement (Argot des filles).

Veine

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas de sang dans les veines. Pour dire, il est dénué de courage, de fierté.
Il n’a veine qui y tende. Pour dire, il ne démontre aucune inclination, aucun penchant, aucun goût pour cela.

Larchey, 1865 : Heureuse chance.

Une chose qui invite surtout les grisettes à descendre dans la rue, ce sont les histoires de veines étonnantes que leur narrent les vieilles femmes.

(Les Pieds qui r’muent, 1864)

Delvau, 1866 : s. f. Chance heureuse, bonheur imprévu, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Chance, réussite constante.

Bon sang d’bon sang ! vrai ! J’ai pas d’veine,
Y a pas dir’, j’écope toujours,
C’est bien rare si dans une semaine
J’suis pas au clou pendant sept jours,
Faut qu’j’aie un’ sacré bon Dieu d’guigne,
À propos d’rien, à chaque instant
C’est des corvées, c’est d’la consigne,
Y a pas, c’est moi que j’trinque tout l’temps.

(Th. Aillaud)

Vêler

Larchey, 1865 : Accoucher.

Un beau jour la mère s’aperçut qu’elle était grosse… elle ne fut pas mal habile ; elle trouva à qui donner la vache et le veau.

(Tal. des Réaux)

Delvau, 1866 : v. n. Accoucher.

Rigaud, 1881 : Accoucher, — dans le jargon des voyous pour qui toutes les femmes sont des vaches.

France, 1907 : Accoucher ; argot faubourien.

La petite Adrienne a beuglé tonte la nuit, empêchant tout le monde de pioncer : enfin elle a vêlé ce matin vers huit heures.

(Les Joyeusetés du régiment)

Velin

France, 1907 : Femme. Secouer son velin, battre sa femme. Argot des imprimeurs.

Vélin

Rigaud, 1881 : Femme, dans le jargon des ouvriers. — Arrangemaner, secouer son vélin, battre sa femme. — Les variantes sont : Tortue, baleine et bourdon, ce dernier pour désigner une femme bavarde.

La Rue, 1894 : Femme.

Velléités (avoir ou se sentir des)

Delvau, 1864 : Avoir envie de baiser une femme quand on est homme, ou de se faire piner par un homme quand on est femme.

Ma chère amie, mes velléités sont passées : vous voudrez bien attendre qu’elles reviennent. Pour l’instant, laissez-moi dormir.

(J. Le Vallois)

Velo

Vidocq, 1837 : s. m. — Postillon.

Vélo

Larchey, 1865 : Postillon. — Vélose : Poste aux chevaux. (Vidocq). — Du vieux mot Véloce : Vite. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Postillon, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Postillon. Abréviation de véloce.

Virmaître, 1894 : Postillon. Vient de véloce, poste aux chevaux. Nos vélocipédistes modernes qui portent une cravache et des éperons pour ressembler à quelqu’un, ignorent certainement ce vocable ancien (Argot des voleurs).

France, 1907 : Abréviation de vélocipède.

Commerçant ou magistrat,
Poète ou trombonne,
Au vélo, plaisir extra,
Joyeux, on s’adonne.

(Victor Leca, L’Écho de la Pédale)

Doit-on dire monter en vélo ou à vélo ?
Trois maitres de la langue française, MM. Gréard, Sarcey et Zola, consultés sur la question, auraient répondu : S’il s’agit d’une bicyclette, dites : « monter à vélo » ; s’il s’agit d’un tricycle, dites : « monter en vélo. »

France, 1907 : Postillon du temps de la poste aux chevaux, qu’on appelait véloce.

Veloceman

France, 1907 : Amateur des sports vélocipédiques, Anglicisme ; le pluriel est velocemen.

Vélocifère

France, 1907 : Nom donné au vélocipède qui dit commencement du XIXe siècle faisait les délices des incroyables ; du latin velox, vite et fero, je porte. Le jardin de Hanovre était le rendez-vous des amateurs, qu’on appelait vélocipèdes, et c’est de la terrasse donnant sur le boulevard des Italiens que partaient les nombreux vélocifères enragés dans les paris de course, ils se dirigeaient soit sur les boulevards, soit vers les Champs-Élysées. Dans une comédie de Dupaty, Chazet et Moreau qui eut un grand succès au Vaudeville en 1804, le public applaudissait à outrance ce couplet :

Vous partisans du petit trot
Cochers qui ne vous presser guère,
Voulez-vous arriver plus tôt
Que le plus prompt vélocifère :
Sachez remplacer aujourd’hui
La rapidité par l’adresse,
En partant deux jours avant lui,
Vous le gagnerez de vitesse.

Ces vélocifères étaient manœuvrés par les vélocipèdes, qui les montaient en poussant avec les pieds contre terre, car il n’y avait ni pédale, ni mécanisme.

Vélocipède (casser son)

France, 1907 : Mourir.

— Ah ! ben ! En v’là un crevé. Ça veut fumer, ça n’tient pas sur ses pattes ; s’il ne dégèle pas cet hiver, s’il ne dévisse pas son billard au printemps, pour sûr à l’automne il va casser son vélocipède.

(Baumaine et Blondelet)

Vélocipédiste

Virmaître, 1894 : Imbécile à deux roues (Argot du peuple).

Vélodrome

France, 1907 : Établissement où l’on donne des leçons de vélocipède ; champ de course pour les vélocipédistes.

Velose

Vidocq, 1837 : s. f. — Poste aux chevaux.

Velours

d’Hautel, 1808 : Habit de velours, ventre de son. On a pendant long-temps appliqué ce quolibet aux habitans des bords de la Garonne ; mais il ne faut pas aller si loin, et les bords de la Seine nous offrent des nuées de fats, de pédans et de petits maîtres, à qui l’application en convient à plus justes titres.
Jouer sur le velours. Jouer sur son gain, des entreprises sur ce que l’on a gagné.

Halbert, 1849 : Cuir.

Delvau, 1866 : s. m. Liaison dangereuse, abus fréquent et intempestif des s dans la conversation. Argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. m. Tapis, — dans l’argot des joueurs de cartes. Éclairer le velours. Déposer son enjeu sur le tapis. Je n’ai pas besoin d’ajouter que ce velours est en cuir ou en drap, en n’importe quoi, — excepté en velours.

Rigaud, 1881 : Crepitus ventris.Lâcher un velours, sacrifier à crepitus ventris.

Il lâche tout bonnement en douceur un léger velours.

(Le Père Duchêne)

Le velours se produit dans le monde avec une certaine timidité mélancolique et rappelle les sons filés de la flûte. (Ceci pour les gens qui aiment la précision.)

Rigaud, 1881 : Liqueur douce. — Un petit verre de curaçao, d’anisette, de crème de moka, c’est un velours sur l’estomac.

Rigaud, 1881 : Pataquès. — Le velours est un cuir grammatical, mais un cuir doux. — Ainsi je suis t’été n’est pas un velours ; c’est un cuir bel et bien. Donnez-moi z’en, est un velours.

France, 1907 : Doux, onctueux ; se dit spécialement des liquides spiritueux.

Le haut commerce, à Bordeaux, c’est commerce des vins. Les négociants ont le verbe facile, un tour de poignet délicat pour faire rutiler le vin, à la lueur des bougies, dans le verre de cristal, un claquement de langue spécial pour l’apprécier, un dictionnaire de mots bizarres, — techniques plutôt — pour exprimer cette idée si simple que le vin est bon. Mais il y a du vin meilleur, et de l’excellent et du supérieur. On les distingue au moyen de vocables précieux tels que ceux-ci : « ce vin a du corps, du moelleux, de la rudesse, du ruban, du velours, etc. » Ce sont ici les substantifs qui qualifient.

(Fernand Lafargue, Baiser perdu)

France, 1907 : Pet.

Le velours se produit dans le monde avec une certaine timidité mélancolique et rappelle les sons filés de la flûte.

(Parny)

France, 1907 : Tapis de la table de jeu. Éclairer le velours, déposer son enjeu.

Velours (c’est du)

La Rue, 1894 : C’est bon, excellent.

Velours (faire du)

Rigaud, 1881 : Jouer le bon apôtre, chercher à amadouer, — dans le jargon des voleurs. Mot à mot : faire patte de velours.

Velours (jouer sur le)

Rigaud, 1881 : Jouer avec l’argent du bénéfice.

Fustier, 1889 : Cette expression fait aussi partie de l’argot du turf.

En Angleterre, les grandes écuries ont presque toutes une personne de confiance qui s’occupe spécialement des paris à faire sur leurs chevaux. Ces spécialistes ont besoin d’aides, car si l’on donne de gros ordres, il faut qu’ils soient exécutés simultanément dans les divers cercles de Londres. De cette façon, on écréme le marché dans une matinée et quand le cheval sur lequel on fonde des espérances arrive en bon état au poteau, on peut le rendre à une cote très inférieure et, de cette façon, gagner beaucoup en ne risquant guère. C’est ce qu’on appelle en argot du turf : jouer sur le velours.

(Charivari, avril 1884)

Velouter (se)

France, 1907 : S’enfiler un verre de vin, où de liqueur réconfortante. Argot populaire.

Véloze

Delvau, 1866 : s. f. Poste aux chevaux.

Rigaud, 1881 : Poste aux chevaux.

Velte

France, 1907 : Baril de huit litres où les pêcheurs de morue mettent leur provision de tafia.

Velu (c’est)

Rigaud, 1881 : C’est distingué, c’est remarquable, — dans le jargon des écoles. Par allusion au poil du menton, le rêve de la jeunesse lycéenne. (L. Larchey)

Venaison de Poissy

France, 1907 : Bœufs ; allusion aux marchés aux bœufs de cette localité.

Vénard

Larchey, 1865 : Ayant la veine.

C’est un trésor que cette fille-là. Est-il assez vénard !

(1860, À bas le Quartier latin !)

On doit écrire veinard.

Vendange

France, 1907 : Récolte, butin ; argot populaire.

Vendanger

d’Hautel, 1808 : Il vendange tout à son aise. C’est-à-dire ; il pille, il vole avec audace, sans craindre la surveillance, le contrôle.

France, 1907 : Récolter, piller, butiner sur le bien d’autrui. Vendanger chez le voisin, avoir des relations avec sa femme.

Mets à profit sa négligence
Et sans alarmes jusqu’au jour
Viens vendanger en son absence
Des fruits de plaisir et d’amour.

(Parny)

Vendangeur

France, 1907 : Maraudeur, voleur. Le mot est vieux, on le trouve dans Villon :

Vendangeurs des ances circoncis.

Vendangeuse d’amour

Delvau, 1864 : Fille ou femme qui a pour unique occupation de vendanger l’amour et de tirer de la meule de son pressoir assez d’argent pour ne pas être obligée de faire autre chose ; sa grappe est sans cesse écrasée à coups de pine, et le jus qui en sort nous grise.

Ces femmes…….
Sont des vendangeuses d’amour.
Lorsque des vignes de Cythère
On revient, c’est au petit jour,
À pas pressé, avec mystère.

(A. Delvau)

Mets à profit sa négligence,
Et sans alarmes jusqu’au jour,
Viens vendanger en son absence
Des fruits de plaisir et d’amour.

(Parny)

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse — bacchante moderne — qu’on rencontre souvent ivre dans les Vignes de Cythère. J’ai créé l’expression il y a quelques années : elle est aujourd’hui dans la circulation.

France, 1907 : Prostituée ; néologisme créé par Alfred Delvau.

Vendeur

d’Hautel, 1808 : Vendeur de tout, marchand de rien. Locution ironique que l’on applique à un courtier, a un homme qui fait toutes sortes de commerce, sans posséder aucune des marchandises dont il trafique.
Il est fait comme un vendeur de cochons. Pour dire extrêmement mal vêtu, déguenillé ; on dit aussi dans un sens beaucoup plus étendu ; il est fait comme un brûleur de maisons.

Vendeur d’eau bénite

France, 1907 : Prêtre ; faiseur de promesses jamais tenues.

Vendeur de chair humaine

Delvau, 1866 : s. m. Agent de remplacement militaire, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Nom donné autrefois aux agents de remplacement militaire.

Vendeur de fumée

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait de grandes promesses et qui n’en tient aucune. Se dit aussi de tout Rêveur, de tout poète, de tout abstracteur de quintessence.

France, 1907 : Individu qui fait des promesses et n’en tient aucune. Le pavé parisien abonde en vendeurs de fumée.

France, 1907 : Poète, rêveur.

Vendôme

Fustier, 1889 : « Il est défendu (à Nouméa) de jouer à des jeux de hasard. Cependant, toutes les nuits, dans l’une de ces chambrées, on joue le vendôme, sorte de lansquenet spécial. »

(Nouvelle Revue, 1er avril 1884)

Vendôme (avoir astiqué la colonne à la gourmette)

Merlin, 1888 : Fumisterie de loustic s’adressant à un bleu.

Vendre

d’Hautel, 1808 : Il seroit bon à vendre vache foireuse. Se dit par raillerie, d’un homme ridiculement sérieux.

Delvau, 1866 : v. a. Trahir quelqu’un. Vendre la mèche. Dévoiler un secret, ébruiter une affaire.

La Rue, 1894 : Trahir.

Vendre des guignes

France, 1907 : Loucher ; jeu de mot sur guigner.

Vendre la calebasse

France, 1907 : Dénoncer.

— Toujours est-il, reprit le recéleur, que c’est lui qui a vendu la calebasse…

(Mémoires de Vidocq)

Vendre la mèche

France, 1907 : Trahir, livrer un secret.

Vendre sa fleur

Delvau, 1864 : Se laisser dépuceler par un monsieur qui en a les moyens.

Ces ouvrièr’s au gent minois
Qu’on voit parfois,
En tapinois,
Vendre leur fleur jusqu’à cent fois par mois.

(Émile Debraux)

Vendre ses guignes

Delvau, 1866 : v. a. Loucher, guigner de l’œil.

Vendre son piano

Delvau, 1866 : v. a. Jouer de façon à faire pleurer les spectateurs, — dans l’argot des coulisses, où Bouffé (rôle de Pauvre Jacques) a laissé des souvenirs et des traditions. Par extension, dans la vie réelle, on dit d’une Femme qui pleure hypocritement : Elle vend son piano.

Vendre sous le manteau

France, 1907 : Vendre en cachette, à l’insu de da police. Cette expression s’emploie pour les livres ou les dessins défendus ou obscènes. L’éditeur vend sous le manteau.

J’allais lui demander certain livre nouveau,
Qu’on dit bon, car il s’est vendu sous le manteau.

C’est parfois la fortune d’un livre d’être vendu sous le manteau ; l’éditeur, sinon l’auteur, y trouve toujours son compte, et, comme dit La Bruyère : « Un ouvrage satirique qui est donné en feuilles sous le manteau aux conditions d’être vendu de même, s’il est médiocre passe pour merveilleux. »
On emploie aussi l’expression dire quelque chose sons le manteau de la cheminée pour parler confidentiellement et en cachette ; allusion aux vastes cheminées d’autrefois, sous le manteau desquelles, c’est-à-dire sous la partie qui fait saillie dans la chambre, on pouvait se mettre à deux et même à plusieurs pour causer confidentiellement.

Vendredi

d’Hautel, 1808 : Tel vendredi, tel dimanche. Dicton superstitieux qui signifie que quand il pleut le vendredi, il ne fera pas beau le dimanche : le hasard confirme cependant quelquefois ce proverbe.

Vendredi aux tripes (courir à ure chose comme le)

France, 1907 : Répugner à une chose ; ne s’y prêter qu’à contre-cœur. Expression du Centre.

Vendredi blanc

France, 1907 : On appelle ainsi dans le bas Berry la fête des bergères. On la célèbre dans la quinzaine qui précède Pâques.

Vendu

Delvau, 1866 : s. m. Remplaçant militaire, — dans l’argot du peuple, qui attache à ce mot un sens extrêmement méprisant.

Venelle

France, 1907 : Ruelle. Vieux français encore en usage en Normandie et dans l’Orléanais. Enfiler la venelle, prendre la fuite.

Venelle (enfiler la)

Rigaud, 1881 : Fuir en tremblant. Vieille expression française. On la trouve dans la chronique bordeloise de Gaufreteau.

Lesquels gagnèrent la venelle, de peur d’être capturés.

La Rue, 1894 : Prendre la fuite.

Vénérable

Delvau, 1866 : s. m. Premier officier dignitaire d’une loge, — dans l’argot des francs-maçons.

Delvau, 1866 : s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Le derrière. Voir Vasistas.

Venette

d’Hautel, 1808 : Pour peur, frayeur, effroi, souleur.
Il a eu une fière venette. Pour, il a eu terriblement peur.

Halbert, 1849 : Peur.

Larchey, 1865 : Peur. — Vient du vieux mot venne, vesse.

Dire que j’ai vendu à 61 fr. 25. Ah ! j’ai eu la venette.

(De Leuven)

Il a eu une fière venette ; il a eu terriblement peur.

(1808, d’Hautel)

Delvau, 1866 : s. f. Peur. Avoir une fière venette. Avoir une grande peur. Docteur Venette. Poltron fieffé.

Rigaud, 1881 : Peur. — Avoir la venette, avoir une fameuse venette.

France, 1907 : Peur ; de l’ancien français vene, vesne, vesse.

Leurs visages malhonnêtes
Respirent la trahison.
Ils ont tell’ment la venette
Qu’ils sont verts comme du gazon !…
Ah la la ! ces gueul’s, ces binettes,
Ah la la ! ces gueul’s qui z’ont !

(Georges Courteline)

Veni, vidi, vici

France, 1907 : Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Mots que César envoya au sénat romain pour annoncer sa victoire sur le roi du Bosphore et du Pont Pharnace II, à Zela.

Veniernier

Clémens, 1840 : Voleur qui grimpe la nuit aux croisées.

Venin

d’Hautel, 1808 : Il a jeté tout son venin. Pour dire le feu de sa colère, de son emportement est passé.

Venir

d’Hautel, 1808 : Tant que vous irez et viendrez, les chemins ne seront pas sans vous. Se dit par raillerie à un laquais, qui se plaint des commissions qu’on lui donne.
Le mal vient à cheval, et s’en retourne à pied. C’est-à-dire avec vitesse, et ne s’en va que bien lentement.
Venir à rien. Pour diminuer, perdre son embonpoint, son éclat.
À tout venant beau jeu. Signifie que l’on est disposé à tenir tête, à résister à tout ce qui se présentera.

Venir (en)

France, 1907 : Venir de la rencontre amoureuse.

Votre robe par le derrière
Est toute pleine de poussière,
Vos cheveux sont mal atournés,
Je le connais vous en venez.

(Le Cabinet satyrique)

Venir au fait, aux prises etc.

Delvau, 1864 : Baiser, — qui est la conclusion naturelle de toutes les minauderies de la femme et de toutes les cajoleries de l’homme.

Mais cependant, quand ce vient au fait, elles éprouvent le contraire.

(Mililot)

Une jeune beauté s’étant rendue amoureuse d’un jeune homme bien fait, lui donna tant de libertés qu’ils en vinrent à l’abordage.

(D’Ouville)

Qu’avec l’abbesse un jour venant au choc.

(La Fontaine)

Il parle trop, dit Émilie,
Et jamais il ne vient au fait.

(Daillant De La Touche)

C’est assez parlementé,
Il faut en venir aux prises.

(La Comédie des chansons)

Le valet de là-dedans s’amouracha d’elle et elle de lui, de sorte qu’ils en vinrent aux prises.

(D’Ouville)

La belle, quand ce vint aux prises, fit ouf.

(Tallemant des Réaux)

À peine lui donna-t-il le temps de se recoucher pour en venir aux prises.

(La France galante)

Il la baisa pour en avoir raison,
Tant et si bien qu’ils en vinrent aux prises.

(La Fontaine)

Oh ! monsieur, je vous remercie, nous en venons tous les deux, le clerc et moi.

(B. Desperriers)

Il lui demande si elle est en résolution d’en venir aux prises.

(Ch. Sorel)

Venir au rapport

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des bourgeois — de tout ce qui provoque l’éructation.

France, 1907 : Éructer ; jeu de mot populaire.

Venir avec les gros sabots (voir)

France, 1907 : Ne pas se laisser tromper par des ruses grossières, des dehors de bonhomie comme en affectent les paysans.

Les hommes des champs sont-ils meilleurs ou pires que ceux des villes ? Je n’ai jamais prétendu qu’ils fussent des bergers de Théocrite, des continuateurs de l’âge d’or ; mais je vois et crois savoir que, dans la vraie campagne, au-delà des banlieues, et dans la véritable vie des champs, il y a moins de causes de corruption qu’ailleurs. Donc, j’aime ce milieu, cette innocence relative, ces grands enfants qui veulent faire les malins et qui sont plus candides que moi, puis que je les vois venir avec leurs gros sabots, comme dit le proverbe.

(G. Sand, Autour d’un village)

Venir de la Rochelle, être chargé de maigre

France, 1907 : Ce dicton, qui n’est plus guère usité que dans les Deux-Sèvres, la Charente et l’Angoumois et qui s’applique aux personnes maigres, fait allusion au fameux siège de la Rochelle (septembre 1627 à octobre 1628), où les partisans de la religion réformée, assiégés par les troupes de Louis XIII, supportèrent toutes les horreurs de la famine.

Venir en pastille de Vichy

France, 1907 : Venir à une soirée sans avoir été invité au dîner qui l’a précédée. On sait que les pastilles de Vichy facilitent la digestion.

Vénitien (servir un)

France, 1907 : Accomplir une chose difficile, s’il faut s’en rapporter au vieux dicton : Quatre choses sont difficiles : cuire un œuf, faire le lit d’un chien, enseigner un Florentin et servir un Vénitien.

Venne

Halbert, 1849 : Honte.

Vent

d’Hautel, 1808 : Reprendre son vent. Pour dire, reprendre haleine.
Lâcher un vent, un vent coulis. Pour commettre une incongruité ; lâcher un mauvais vent.
Autant en emporte le vent. Se dit de quelque chose dont on fait peu de cas.
Jeter la plume au vent. Aller, marcher au hasard.
Cela lui ressemble comme un moulin à vent. Se dit pour ridiculiser une comparaison qui n’est pas vraisemblable.
Il s’en est allé plus vite que le vent. Manière hyperbolique de dire, qu’un homme s’est sauvé à toutes jambes.
Mettre flamberge au vent. Ferrailler, tirer l’épée.
Il vend du vent et de la fumée. Se dit d’un charlatan qui n’a d’autre science que ses discours, et dont les remèdes sont sans efficacité.
Humer le vent. Croire indistinctement à toutes les nouvelles.

Delvau, 1866 : s. m. Ventris flatus male olens. Moulin à vents. Podex.

Vent (du)

France, 1907 : Rien ; synonyme de du flan !

Marquise au tabouret d’or,
Vous voulez m’avoir pour page,
Aux missels tournant la page,
Aux forêts sonnant du cor,
Et sous la lampe agitant
L’écran, pour faire du vent ?
Du vent !

(Maurice Boukay)

On dit aussi dans le même sens vent et mousse.

Vent (du) !

Delvau, 1866 : Terme de refus, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Du vent ! De la mousse !

Vent dans les voiles (avoir du)

France, 1907 : Être en état d’ivresse ; argot des gens de mer qui comparent les zigzags d’un homme ivre aux mouvements d’un navire secoué par le vent.

Par saint Antoine de Padoue, patron des faïenciers, les artilleurs nous la baillent belle ! Ils instaurent, cette année, une célébration de Sainte-Barbe qui n’est pas ordinaire. Tonnerre de Brest, quel tintamarre dans la vieille cité ! Je sais bien qu’il y avait du vent dans les voiles, comme on dit dans les ports : mais ce n’est point une raison suffisante pour molester l’habitant avec une furia si française. Voilà où mène la prise de trop nombreux canons en temps de paix. Où irions-nous, si chaque corporation, fêtant son saint, le métamorphosait en patron de la casse !

(Ad. M., 1896)

On dit aussi dans le même sens vent dessus, vent dedans.

Vent dessus, vent dedans (être)

Delvau, 1866 : Être en état d’ivresse, — dans l’argot des marins.

Venter

d’Hautel, 1808 : On ne peut empêcher le vent de venter.
On dit aussi ; quelque vent qui vente. Pour dire quelque vent qu’il fasse.

Venterne

Vidocq, 1837 : s. m. — Fenêtre.

Clémens, 1840 : Croisée.

Larchey, 1865 : Fenêtre. — Elle donne accès au vent. — Venternier : Voleur s’introduisant par les fenêtres d’une maison (Vidocq). — V. Pieu.

Delvau, 1866 : s. f. Fenêtre par où passe le vent, — dans l’argot des voleurs. Doubles venternes. Lunettes.

Virmaître, 1894 : La fenêtre (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Fenêtre.

France, 1907 : Fenêtre : elle livre passage au vent. Argot des voleurs.

Par la venterne on te déporte ?
Au claq renquille par la porte.

(Hogier-Grison)

Vol à la venterne, vol pratiqué par la fenêtre. Il est de deux espèces, celui des rez-de-chaussée et boutiques et celui des entresols et premiers étages. Pour les boutiques et rez-de-chaussée, les voleurs ont avec eux un jeune garçon mince et agile, qu’ils soulèvent à hauteur de l’imposte, qui n’est fermée que par un carreau ; le jeune voleur coupe la vitre à l’aide d’un diamant et d’un peu de poix pour lui retenir et la fuit passer à ses complices, puis s’introduit par l’imposte dans la maison. Une fois dans la place, l’anquille, ainsi qu’on l’appelle, fouille les tiroirs ou bien ouvre la porte aux camarades. Quand c’est dans les entresols ou les premiers étages, les venterniers entrent purement et simplement par les fenêtres à l’aide d’une échelle.

Venterne (la)

M.D., 1844 : La fenêtre.

Venterne (vol à la)

Halbert, 1849 : Vol par la fenêtre.

Venterniens

Halbert, 1849 : Voleurs qui escaladent les fenêtres.

Venternier

Vidocq, 1837 : s. m. — Voleur qui s’introduit dans l’intérieur des appartemens par les croisées laissées ouvertes.
Les premiers vols à la venterne furent commis, à Paris, en 1814, lors de la rentrée en France des prisonniers détenus sur les pontons anglais ; ceux de ces prisonniers qui précédemment avaient été envoyés aux Îles de Ré et de Saint-Marcou, étaient pour la plupart d’anciens voleurs ; aussi, à leur retour, ils se formèrent en bandes et commirent une multitude de vols ; dans une seule nuit plus de trente vols commis à l’aide d’escalade vinrent effrayer les habitans du faubourg Saint-Germain, mais peu de temps après celte nuit mémorable, je mis entre les mains de l’autorité judiciaire trois bandes de Venterniers fameux ; la première, composée de trente-deux hommes, la seconde de vingt-huit, et la troisième de seize ; sur ce nombre total de soixante-seize, soixante-sept furent condamnés à des peines plus ou moins fortes.
Il serait facile de mettre les Venterniers dans impossibilité de nuire ; il suffirait pour cela de fermer à la tombée de la nuit, et même durant les plus grandes chaleurs, toutes les fenêtres, pour ne les ouvrir que le lendemain matin.
Les savoyards de la bande des fameux Delzaives frères, étaient pour la plupart d’adroits et audacieux Venterniers.
Un vol à la venterne n’est quelquefois que les préliminaires d’un assassinat. Des Venterniers voulaient dévaliser un appartement situé à l’entresol d’une maison du faubourg Saint-Honoré ; l’un d’eux entre par la fenêtre, visite le lit, ne voit personne, bientôt il est suivi par un de ses camarades, et tous deux se mettent à chercher ce qu’ils espéraient trouver, mais bientôt ils aperçurent une jeune dame endormie sur un canapé ; elle avait au col une chaîne et une montre d’or ; elle roupille, dit à son compagnon, l’un des Venterniers Delzaives, surnommé l’Écrevisse, il faut pesciller le bogue et la bride de jonc (il faut prendre la chaîne et la montre d’or) ; mais si elle crible (crie), répond le second Venternier, le nommé Mabou, dit l’Apothicaire ; si elle crible dit encore l’Écrevisse, on lui fauchera le colas (on lui coupera le col). La jeune dame qui paraissait endormie, et qui entendait, sans en comprendre le sens, les paroles que prononçaient les voleurs, eut assez de prudence et de courage pour feindre de toujours dormir profondément ; aussi il ne lui arriva rien.
Le receleur de fa bande dont Delzaives, dit l’Écrevisse, était le chef, se nommait Métral, et était frotteur de l’impératrice Joséphine. On trouva chez lui des sommes considérables.
J’ai fait aux voleurs de la bande de Delzaives une guerre longue et incessante, et je suis enfin parvenu à les faire tous condamner.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui s’introduit dans les maisons par la fenêtre au lieu d’y entrer par la porte.

Venternier (le)

Virmaître, 1894 : Le venternier est une variété du cambrioleur avec cette différence toutefois qu’au lieu d’entrer par la lourde il entre par la venterne. Le venternier opère généralement dans les chambres situées aux étages supérieurs ; il grimpe sur les toits et entre dans les chambres par les fenêtres à tabatières. Ces voleurs sont nombreux (Argot des voleurs).

Venterniers

France, 1907 : Voleurs qui s’introduisent dans les habitations par les fenêtres.

Les malfaiteurs, à quelque classe qu’ils appartiennent, se divisent entre eux selon les opérations qu’ils font le plus généralement. Le nom est modelé sur le procédé employé pour son accomplissement. C’est ainsi qu’ils ont appelé : cambrioleurs, les dévaliseurs de chambres, du mot d’argot cambriole, chambre ; carroubleurs, les voleurs à l’aide de fausses clefs, carroubles ; fric-frac, les enfonceurs de portes et de vitres ; boucorniers, les dévaliseurs de magasins ; venterniers… Puis viennent les charrieurs, étouffeurs, fourlineurs, goupineurs, ramastiqueurs, mastaroubleurs, bonjouriers, roulottiers, tireurs, etc., autrement dit autant de malfaiteurs, aujourd’hui voleurs, demain assassins.

(Armand Villette)

Mais revenons aux venterniers.

Ce sont de singuliers voleurs, dit Pierre Delcourt, constituant des bandes redoutables, parfaitement organisées, très disciplinées ; la partie administrative de l’association est si bien entendue, dans quelques-unes de ces sociétés sans commandite, qu’elles possèdent un outillage perfectionné, dans lequel nous citerons, pour la plus grande édification du lecteur, une voiture et un cheval !
Cette voiture, ordinairement un cabriolet de campagne, n’a d’autre raison que de servir d’échelle, par sa capote relevée, aux venterniers et à les aider à atteindre l’entablement de l’entresol ou du premier étage.
C’est charmant, en vérité, et on ne saurait mieux joindre l’utile à l’agréable. Le véhicule amène sans fatigue ces gentlemen au lieu de leur travail ; il leur sert ensuite d’outil.

Ventouse

Virmaître, 1894 : V. Venterne.

Ventre

d’Hautel, 1808 : Se serrer le ventre. Pour se passer de manger.
Un ventre à tous grains. Homme qui mange de tout, que les alimens les plus lourds ne peuvent incommoder.
Il n’a pas deux paroles dans le ventre. Voyez Paroles.
Tout fait ventre. Maxime des gens peu propres et peu délicats sur le manger.
Parler du ventre. Avoir la voix sourde et caverneuse ; c’est ce que de nos jours, on appelle l’art du ventriloque.
Il n’a pas six mois dans le ventre. Pour dire il n’ira pas loin, il mourra bientôt.
Tant que le cœur me battra dans le ventre. C’est-à-dire, tant que j’aurai souffle de vie.
Bouder contre son ventre. Jeuner contre son appétit ; refuser par orgueil ce que l’on désire, ce que l’on souhaite intérieurement.
Ventre saint-gris ! Juron ordinaire du Grand Henry.
Demander pardon ventre à terre. Faire des soumissions, indignes d’un homme de bien.
Être sujet à son ventre. Aimer la bonne chère, faire, comme on dit, un dieu de son ventre.
Manger à ventre déboutonné. C’est-à-dire, en franc épicurien.

Ventre (avoir dans le)

Larchey, 1865 : Être capable de.

Ce petit Lucien n’avait que son roman et ses premiers articles dans le ventre.

(Balzac)

On retrouve cette locution en Orient avec le sens de Penser.

Personne, même son ministre le plus intime, ne sait « ce que le maître a dans le ventre, » pour me servir d’une locution habituelle à Harar.

(Revue britannique. Premiers Pas dans L’Afrique Orientale, par Burton, année 1856)

Ventre (avoir quelque chose dans le)

France, 1907 : Avoir des idées, se sentir des aptitudes.

La « jeune gloire » de Fouilly-les-Oies rassemble ses élucubrations et arrive à Paris. Alors, de deux choses l’une : ou il a réellement, comme on dit en argot littéraire, quelque chose dans le ventre, auquel cas il se juge très vite et jette au feu ses vers pour apprendre à émettre en simple prose des idées raisonnables, ou il n’a pas d’idées du tout, et alors il s’obstine et inonde les bureaux de journaux et les quais de ses productions jusqu’à ce que mort s’en suive.

(Santillane, Gil Blas)

Ventre (se brosser le)

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir de quoi manger.

Ventre affamé (coiffure à la)

France, 1907 : Bandeaux à la vierge, appelés ainsi parce que, cachant une partie des joues, ils donnent de la maigreur au visage.

Ventre affamé n’a pas d’oreilles

France, 1907 : Un homme affamé n’écoute rien, et le ventre est sourd à la morale.
« Le ventre, poids redoutable », disait Victor Hugo : il nous entraîne en effet bien souvent où nous ne voudrions pas avoir été. Quand le ventre ne se contente pas de pain, le dos se courbe sous la servitude, et un ventre enflé est un tambour qui bat la retraite, car si ventre affamé n’a pas d’oreilles, ventre repu n’a pas de cœur. « À petit centre grand cœur », dit un autre vieux proverbe. Combien d’intérêts précieux sacrifiés aux exigences de l’estomac !
Pas de délibération qui tienne contre l’importunité de ce viscère. On ne peut s’imaginer jusqu’à quel point il influe sur les décisions des compagnies et des assemblées délibérantes. Dans plus d’une occasion, elles ont donné le pernicieux exemple de préférer l’heure du dîner au bien et au salut même de l’État. Le cardinal de Metz se plaint, dans ses Mémoires, que les mesures de sa politique étaient souvent dérangées par les cris de révolte des estomacs des parlementaires, que le prince de Condé appelait ces diables de bonnets carrés.
Pour les gens bien portants il n’est horloge plus juste que le ventre.

Ventre bénit

Delvau, 1866 : s. m. Bedeau, chantre, sacristain, — dans l’argot du peuple, qui suppose à tort que les gens d’église se nourrissent exclusivement de pain bénit.

Ventre d’osier

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne.

Fustier, 1889 : Homme maigre. On dit aussi sac d’os.

France, 1907 : Ivrogne.

Ventre de biche (couleur)

France, 1907 : Jaune clair, tirant sur chamois.

Le prince de Neufchâtel met beaucoup de pompe dans ses réceptions. Il tient excessive ment à sa principauté, est très fier d’avoir des sujets et un bataillon de Neufchâtel en habit ventre de biche, avec des doublures rouges.

(Maréchal de Castellane, Mémoires)

Ventre de ma mère (c’est le)

Delvau, 1866 : Expression du même argot [du peuple] signifiant : Je ne retournerai plus dans cet endroit, je ne me mêlerai plus de cette affaire.

France, 1907 : Se dit d’un endroit où l’on ne veut plus retourner.

Ventre déboutonné (à)

France, 1907 : Manger ou rire de telle sorte qu’on est obligé de se déboutonner pour ne pas faire craquer sa culotte.

Enfin après avoir disné
Jusqu’à ventre déboutonné,
Ils se mirent à tue teste
À discourir de la tempeste.

(Scarron, Virgile travesti)

Ventrée

Delvau, 1866 : s. f. Réfection copieuse. Se foutre une ventrée. Se donner une indigestion.

Rigaud, 1881 : Repas plantureux. — Se flanquer, s’administrer, se coller une ventrée, faire un repas plantureux.

France, 1907 : Nourriture abondante, réfection copieuse. S’en flanquer une ventrée, manger outre mesure. Expression populaire.

Ventres (gros)

Merlin, 1888 : Voyez Gros frères.

Ventriloque

Delvau, 1866 : s. et adj. Crepitator et même emittens ventris flatum.

France, 1907 : Personne affligée de vents ; argot populaire.

Ventrouillard

France, 1907 : Ventru.

Ventrouiller

Delvau, 1866 : v. n. Ventris flatum emittere.

France, 1907 : Lâcher des vents.

Ventrouiller (se)

France, 1907 : Se vautrer à l’instar des cochons.

Ventru

Delvau, 1866 : s. m. Député du centre, satisfait, — dans l’argot des journalistes libéraux du règne de Louis-Philippe.

France, 1907 : Satisfait.

Vénus (jardin de)

France, 1907 : La nature de la femme : vieille expression.

Il m’ayme beaucoup, comme tout bon cocqu doibt aymer celluy qui l’ayde à bescher, arronzer, cultiver, labourer le jardin naturel de Vénus, et il ne faict rien sans moy.

(Balzac, Contes drôlatiques)

On dit aussi champ de Vénus.

Voilà comment ce jeune pucelaige s’empara de ce vieillard et l’asservit ; pour ce que, au nom de ce ioly champ de Vénus, qui estoit en frische, Blanche faisoyt, par la malice naturelle aux femmes, aller et venir son vieulx Bruyn comme ung mulet de meusnier.

(Balzac, Contes drôlatiques : le Péché véniel)

Vénus (mouler une)

France, 1907 : Faire ses besoins ; argot des voyous.

Vénus populaire (la)

Delvau, 1864 : La fille de trottoir, qui ne demande que deux francs pour un voyage à Cythère.

Amour, empoisonne mes sens.
Et toi, Vénus la populaire,
À toi mon hymne et mon encens.

(A. Barbier)

Ces rustiques Vénus qui font les innocentes.

(Ant. Méray)

Faut t’voir valser, comm’ t’es vive et légère ;
Tous les garçons, disiont d’ toi dans le pays,
Qu’ t’es t’un’ vraie nymphe, un’ Vénus potagère.
J’n’en bois ni mange et j’n’en dors point les nuits.

(Ad. Porte)

Nous avons eu depuis : la Vénus aux carottes.

Venvole (à la)

France, 1907 : Flottant : littéralement, à la vent-vole.

Sur la tête, le même madras, noué à la venvole et qui laisse pendre le long des tempes deux coques presque coquettes et, ma foi oui, presque coquines.

(Jean Richepin)

Vêpres

France, 1907 : Il n’est si grand jour qu’il ne vienne à vêpres. Toute chose à une fin. Vieux dicton.

Ver

d’Hautel, 1808 : Tirer les vers du nez à quelqu’un. L’engager finement dans une conversation, à dessein de savoir son secret, sa pensée.
On l’écrasera comme un ver. Pour dire qu’on viendra facilement à bout de quelqu’un.
C’est un misérable ver de terre. C’est-à-dire, un bélître, un pleutre, un homme de néant.

Ver (tuer le)

Larchey, 1865 : « Boire de l’eau-de-vie ou du vin blanc ; libation matinale, désignée par le dicton tuer le ver. »

(Murger)

V. Brouillard. — Ver rongeur : Voiture prise à l’heure pour faire des visites qu’on abrège dans le but d’avoir moins à payer au cocher.

La lorette arrive en cabriolet et dit en entrant : Docteur, prêtez-moi donc de quoi renvoyer mon ver rongeur.

(M. Alhoy, 1840)

Ver coquin

Delvau, 1866 : s. m. Caprice, fantaisie, hanneton, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Régnier :

… Mon vice est d’être libre,
D’estimer peu de gens, suivre mon ver coquin,
Et mettre au même taux le noble et le faquin.

a dit le vieux Mathurin.

Ver rongeur

Delvau, 1866 : s. m. Voiture de remise ou de place à l’heure, — dans l’argot des petites dames.

Rigaud, 1881 : Voiture à l’heure. — Avoir un ver rongeur à la porte.

Rossignol, 1901 : On dit d’un fiacre que l’on a pris à l’heure : J’ai un ver rongeur.

Ver-coquin

d’Hautel, 1808 : Vertige, fantaisie, caprice.

Ver-coquin (avoir le)

France, 1907 : Être fantasque, capricieux. On sait que le ver-coquin est le vertige des moutons. Vieille expression.

…Mon vise est d’être libre,
D’estimer peu de gens, suivre mon ver-coquin,
Et mettre au même taux le noble et le faquin.

(Mathurin Regnier)

Ver-rongeur

Virmaître, 1894 : Un fiacre. Lorsqu’on le fait attendre longtemps à la porte d’une maison, l’heure s’écoule ; au moment de le payer, il ronge le porte-monnaie (Argot du peuple).

Verba et voces, prætereaque nihil

France, 1907 : Des mots, des paroles et rien de plus. Locution latine tirée d’Ovide et qu’on peut appliquer aux discours de tous les marchands d’orviétan politiques ou religieux.

Verba volant, scripta manent

France, 1907 : Les paroles s’envolent, les écrits restent. Locution latine conseillant de ne jamais rien écrire qui puisse vous compromettre.

Verbe (attriquer sur le)

France, 1907 : Acheter à crédit, c’est-à-dire sur parole ; argot des voleurs.

Verbe (solir sur le)

Vidocq, 1837 : v. a. — Vendre à crédit.

Larchey, 1865 : Acheter à crédit (Vidocq). — Mot à mot : acheter sur parole.

Verbi gratia

France, 1907 : Par exemple, par manière de parler. Locution latine ; littéralement, pour la grâce du mot.

Verbiager

d’Hautel, 1808 : Parler d’une manière prolixe, caqueter à qui mieux mieux ; discourir longuement sur de très-petits sujets.

Verbiageur

d’Hautel, 1808 : Celui qui parle beaucoup pour ne rien dire, ou du moins rien de bon.

Verbrou (baiser le)

France, 1907 : Être féru d’amour jusqu’à baiser le verrou ou le trou de la serrure, de la porte derrière laquelle se tient l’objet aimé. Cette expression n’avait autrefois rien de figuré, car c’était la coutume des amants de baiser le trou de la serrure de la dame qui n’avait pu ou voulu les recevoir. Singulière compensation !

Verdet

France, 1907 : Le vent ; vieil argot.

Verdoucee, verdouse

La Rue, 1894 : Pomme. Verdure. Prairie. Verdouzier, pommier. Jardin. Voleur de légumes.

Verdouces

Clémens, 1840 : Pommes.

Verdouse

M.D., 1844 : Salade.

Halbert, 1849 : Pomme, prairie.

Rigaud, 1881 : Fruit. — Verdousier, verdousière, fruitier, fruitière.

France, 1907 : Pomme.

Verdouse, verdouze

France, 1907 : Prairie, verdure, légumes verts.

Verdouses

Ansiaume, 1821 : Pommes.

Apportes-moi une douzaine de verdouses pour me refaiter.

Verdousier

Halbert, 1849 : Pommier, jardin.

France, 1907 : Jardin fruitier et, par extension, jardinier.

France, 1907 : Pommier.

France, 1907 : Voleur de légumes dans les jardins des maraîchers.

Verdouze

Vidocq, 1837 : s. f. — Pomme.

Verdouzier

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Jardin.

Verdouzier, -ère

Vidocq, 1837 : s. — Fruitier, fruitière.

Verds

France, 1907 : Nom donné autrefois à la police de Paris, les verds.

— Oh ! c’est que nous avons eu la moresque d’une fière force : je sais bien que quand je m’ai senti les verds au dos, le treffe me faisait trente et un.

(Mémoires de Vidocq)

Verdun (fainéants de)

France, 1907 : Très vieux dicton qu’on retrouve dans l’ancien français li musart de Verdun. Il date sans doute de la même époque que li emfrun de Toul. Voir Toul.

Véreuse

Merlin, 1888 : Pour vareuse.

Véreux

d’Hautel, 1808 : Un cas véreux. Pour dire une mauvaise affaire.
On dit aussi d’une personne suspecte, d’une mauvaise créance, qu’elle est véreuse.

Rigaud, 1881 : Individu sous la surveillance de la haute police, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Fripon ; homme dont la probité laisse à désirer. Agence véreuse, agence de filous, de tripoteurs.

… Un de ces financiers qu’on appelle « habiles » quand leurs affaires vont bien, « véreux » quand elles périclitent, et « fripouilles » quand ils ont sauté.

(Henry Fouquier)

Véreux (chignon)

Rigaud, 1881 : Fausse natte, faux chignon grossièrement fabriqué.

Véreux, se

Delvau, 1866 : adj. Homme d’une probité douteuse ; chose d’une honnêteté problématique.

Verge

d’Hautel, 1808 : Donner des verges pour se fouetter. Fournir des armes contre soi-même.

Delvau, 1864 : Le membre viril, — avec lequel on fouette le ventre des vierges ; virga, virgo.

Il souhaitait qu’il pût abattre sa faim en se frottant le ventre tout ainsi qu’en se frottant la verge, il passait sa rage d’amour.

(Brantôme)

L’académicien dit : mon vit. Le médecin : Ma verge….

(L. Protat)

Verger de cypris

Delvau, 1864 : Le pénil, autrement dit la motte de la femme, où « le fruit d’amour rit aux yeux. »

Lors elle lui donna
Je ne sais quoi qu’elle tira
Du verger de Cypris, labyrinthe des fées.

(La Fontaine)

Vergette

d’Hautel, 1808 : Vous faut-il une vergette ? Demande ironique, que l’on fait à quelqu’un, lorsqu’il a été surpris par la pluie, et que ses habits sont tout mouillés.

Vergne

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Ville.

Vidocq, 1837 : s f. — Ville.

Clémens, 1840 / Halbert, 1849 : Ville.

Larchey, 1865 : Pays. V. Bigorne.

J’ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à goupiner.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. f. Ville, — dans l’argot des voleurs. Deux plombes crossent à la vergne. Deux heures sonnent a la ville.

Rigaud, 1881 : Ville. — Vergne de Miséricorde, ville d’un mauvais rapport au point de vue du vol.

La Rue, 1894 : Ville.

Virmaître, 1894 : Pays ou ville. Vidocq dit :
— J’ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à goupiner.
A. Delvau dit :
— Deux plombes crossent à la vergne (deux heures sonnent à la ville) (Argot des voleurs).

France, 1907 : Ville. Grande vergne, Paris. D’après Timmermans, ce mot viendrait du hollandais weer, de weren, défendre, les villes étant entourées autrefois d’un mur d’enceinte destiné à la défense.

— J’ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à goupiner.

(Mémoires de Vidocq)

Vergne mec

Vidocq, 1837 : s. f. — Ville capitale.

Vergogne

Halbert, 1849 / La Rue, 1894 : Colère.

France, 1907 : Colère ; argot des voleurs.

Vergue

France, 1907 : Route. Pèlerin de grande vergue, voleur de grand chemin.

(H.-Grison)

Vergue (entrer en)

Ansiaume, 1821 : Entrer en ville.

En entrant en vergue nous avons tortillé un piqu’en terre avec deux rouillards de picton.

Vergue (une)

M.D., 1844 : Une ville.

Vérité

d’Hautel, 1808 : Toute vérité n’est pas bonne à dire. On ne ressent que trop souvent la justesse de cette maxime.
Dire à quelqu’un ses vérités. Le réprimander sur ses défauts.

Verjus

d’Hautel, 1808 : C’est verjus vert, et vert verjus. Pour, c’est positivement la même chose.
Elle est aigre comme verjus. Se dit d’une personne qui a l’humeur acariâtre et revêche.
Cela n’a ni sauce ni verjus. C’est-à-dire, n’a ni goût ni saveur.

Vermand (larrons de)

France, 1907 : Cet ancien bourg de Picardie, aujourd’hui chef lieu de canton de l’Aisne, jouissait de la triste spécialité de produire des voleurs, car on dit dans les Annales de Noyon du père Levasseur : Quand quelqu’un de ce lieu passe par les villages d’alentour, et qu’il est reconnu pour tel, chacun le houppe et crie après : « Voilà un des larrons de Vermand. »

Vermeil

France, 1907 : Sang ; argot des voleurs.

Vermicelle

France, 1907 : Les veines ; argot des voleurs.

— Par le sang des fanandels, tu es sans raisiné dans les vermicelles.

(Balzac)

Vermicelles

Rigaud, 1881 : Veines. — Avoir du raisiné dans les vermicelles, avoir du sang dans les veines.

Tu es sans raisiné dans les vermicelles.

(Balzac)

La Rue, 1894 : Veines.

Vermichel

Larchey, 1865 : Veine. — Allusion de forme. — V. Raisiné.

Vermichels

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les veines du corps, — dans le même argot [des voleurs].

Vermillon

Delvau, 1866 : s. m. Anglais, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Anglais, à cause de l’habit rouge des soldats de la Grande-Bretagne.

Verminard

France, 1907 : Individu sale, crasseux, mal mis.

Verminard, vermineux

Rigaud, 1881 : Homme de néant. (Jargon des écoles.)

Vermine

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris, pour dire la plus vile populace, la canaille, la lie du peuple.

Vidocq, 1837 : s. m. — Avocat, défenseur.

Larchey, 1865 : Avocat (Vidocq). — Mot à mot : vivant sur le corps des prévenus.

Delvau, 1866 : s. f. Avocat. — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. f. La populace, — dans l’argot des bourgeois.

Virmaître, 1894 : Avocat. Les voleurs ont raison, les avocats sont des vermines qui rongent encore plus que les huissiers (Argot des voleurs).

France, 1907 : Avocat, homme de loi.

Vermine (la)

France, 1907 : Voir Tarasque.

Vermineux

France, 1907 : Agent d’affaires véreuses.

Vermois

Halbert, 1849 : Sang.

Delvau, 1866 : s. m. Sang, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Même sens que vermeil.

Vermois, vermeil

Rigaud, 1881 : Sang, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Sang.

Vermoise

Delvau, 1866 : adj. De couleur rouge.

Vermoisé

Halbert, 1849 / France, 1907 : Rouge.

Vermoix

Ansiaume, 1821 : Sang.

Ce sont les éclabousses du vermoix qui m’ont fait maronner.

Verneaux

France, 1907 : Voir Vernots.

Verni (être)

Hayard, 1907 : Avoir de la chance.

Vernis (petits)

France, 1907 : Ce qu’on appelait autrefois petits-maîtres, lions, gandins, et aujourd’hui gommeux, pshutteux, etc. les petits jeunes gens enfin dont la grande préoccupation est la toilette.

Voyons, ça s’rait-y qu’ça s’décolle
Ou ben c’est-y qu’y a pus d’amour ?
I’s s’figur’nt qu’ils sont à la cour,
Les p’tits vernis du protocole.
I’s sont charmants… y à pas d’erreur.
I’s ont surtout des bell’s cravates,
Mais, vraiment, i’s font trop d’épates,
C’était bon du temps d’l’Empereur.

(Aristide Bruant, Sur la Route)

Vernissage

France, 1907 : Veille de l’ouverture du Salon où le public n’est admis que par invitation.

L’esthétique des gens du monde et j’ai le regret de ne pas en excepter les femmes, est quelque chose de prodigieusement bouffon. Tout d’abord, je dirai volontiers que cet empressement qu’on met à se ruer au Salon le jour du vernissage (ainsi nommé parce qu’on n’y vernit pas) est loin de témoigner d’un goût réel pour la peinture. Quand on aime vraiment les tableaux, on veut les regarder tranquillement et à l’aise, loin des distractions que nous donne le coudoiement de la foule, loin, surtout, des commentaires imbéciles qu’on entend et qui nous agacent… Le Jour du vernissage, c’est comme un rendez-vous dans un bureau d’ommibus ! Les femmes y viennent faire étalage de toilettes et les hommes montre de chic. On y rencontre des demoiselles dont le fard fait concurrence aux portraits des coloristes les plus chauds. Et, à coup sûr, le Salon, au jour du vernissage, est l’endroit de Paris où il se dit le plus de bêtises, — je n’excepte pas les Assemblées parlementaires !

(Colomba, Gil Blas)

Par les matins de vernissage,
Paris prend un air de gala,
Puisque, selon l’antique usage,
C’est de bon ton de venir là.

(Jacques Rédelsperger)

Vernissieur

France, 1907 : Artiste dont les tableaux sont exposés au Salon ; amateur ou critique qui se trouve an Salon le jour du vernissage.

Dès 10 heures du matin, — heure des braves — les tourniquets se mettent sérieusement en branle. Les vernissieurs consciencieux, qui veulent avoir, dès le premier jour, la vision rapide d’un demi-quarteron de toiles parmi les deux mille exhibées, gravissent d’un pas allègre le grand escalier. Ceux-là, les intrépides, qui constituent l’« avant-garde » du Tout-Paris, pourront du moins, le soir au sein des familles, et dans les halls des restaurants à la mode, émettre quelques appréciations plus ou moins motivées sur les panneaux de dix mètres de long sur six de haut qui auront fait, sur leur rétine, une impression fugitive au cours de ce steeple-chase à grande allure, à toute vitesse.

(Robert Charvay)

Vernots

France, 1907 : Souliers vernis.

Vérole

Delvau, 1864 : Maladie vénérienne, plus commune aujourd’hui que jamais, pour laquelle il y a à Paris un hôpital spécial, l’hôpital du Midi.

Cent escoliers ont pris la vérole avant que d’être arrivés à leur leçon d’Aristote la Tempérance.

(Montaigne)

Si j’ suis paumé, j’enquille aux Capucins,
Ricord guérira ma vérole.

(Dumoulin)

Vingt couches, autant de véroles,
Ont couturé son ventre affreux,
Hideux amas de tripes molles
Où d’ennui baille un trou glaireux.

(Anonyme)

Delvau, 1866 : s. f. Syphilis, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot :

Il mourut l’an cinq cens et vingt
De la verolle qui lui vint.

On dit aussi Grosse vérole, pour la distinguer de l’autre — la Petite vérole.

Vérole (boîte à)

France, 1907 : Fille publique.

Vérole noire

France, 1907 : Accusation entraînant la peine de mort.

Véroleuse

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, qui s’expose à donner ce qu’elle est exposée à recevoir.

Véronique

Rigaud, 1881 : Lanterne, — dans le jargon des chiffonniers.

La Rue, 1894 / France, 1907 : Lanterne.

Verrasse

France, 1907 : Grand verre : argot populaire.

Verrat

d’Hautel, 1808 : Il écume comme un verrat. Se dit d’un homme qui se laisse emporter aux excès de l’emportement et de la colère.

Verre

d’Hautel, 1808 : Choquer le verre. Pour dire choquer, porter une santé.
Si son cul eût été de verre, il eût été cassé. Se dit par moquerie de ceux qui se laissent tomber fréquemment.

Verre de consolation

France, 1907 : Verre d’eau-de-vie.

Ce n’est pas le labeur qui envoie aux cabanons des fous les gens du peuple : cest l’alcool. Ôtez l’alcool, le verre de consolation — lugubre et atrocement mensonger — à l’ouvrier, il reste robuste et puissant, malgré la tâche quotidienne. L’alcool des êtres intelligents, c’est l’ambition impatiente et qui se grise de rêves malsains, s’enfonce aussi dans un alcoolisme spécial.

(Jules Claretie)

Verre de lampe (nettoyer un)

France, 1907 : Sacrifier à Vénus : argot populaire.

Verre de montre

Delvau, 1866 : s. m. Le derrière de l’homme, — dans l’argot des faubouriens. Casser le verre de sa montre. Tomber sur le derrière.

France, 1907 : Le postérieur, appelé ainsi dans l’argot familier à cause de sa forme bombée. Voir Vasistas.

Guibollard se promenant sur le boulevard aperçoit une femme qui s’est laissée choir et qui, dans sa chute, s’est légèrement endommagée du côté pil
— Prenez garde, Madame, dit Guibollard avec amabilité, vous allez casser votre verre de montre.
— Oh ben ! répond la luronne, il est déjà fendu !

Verre en fleurs

France, 1907 : Illusions. Se monter le verre en fleurs, se faire des illusions.

Verre en fleurs (donner un beau)

Fustier, 1889 : Donner de belles cartes à son adversaire.

Cette locution n’a cours que dans les tripots et parmi les joueurs qui les fréquentent. « Je vous ai relevé par un beau verre en fleurs, » c’est-à-dire que je vous ai distribué de belles cartes pour vous donner du courage, vous allumer, vous faire augmenter votre enjeu.

(Belot, Le Roi des Grecs)

Verre qui tombe sans se casser, malheur qui passe

France, 1907 :

Il faut, dit Charles Joliet, remonter aux cérémonies du rite juif, pour trouver l’origine de la croyance qui fait considérer comme un présage néfaste la chute d’un verre qui ne se casse pas. À la consécration du mariage israélite, le rabbin jette avec force un verre contre terre, et les assistants augurent du bonheur des deux époux, si le verre se brise complètement. Cette coutume s’est propagée chez les Latins qui anis l’ont transmise. En principe, elle signifie qu’il n’est pas plus possible de casser les liens de deux êtres unis devant Dieu par son ministre que de rétablir le verre dans son état primitif.

Verre qui se brise, bonheur dans la maison, dit un autre dicton.

Verreur

Clémens, 1840 : Celui qui trompe.

Verrou

d’Hautel, 1808 : Il le fait aller comme un verrou. Se dit de quelqu’un sur lequel on exerce une grande autorité.

Vers

d’Hautel, 1808 : Des vers à cul. Manière incivile et burlesque de designer de mauvais vers.

Versailles (aller à)

France, 1907 : Voir Niort.

Versailleux

France, 1907 : Nom méprisant donné par les partisans de la Commune de 1871 aux troupes dont l’état-major se trouvait à Versailles.

Les troupes de Versailles, entrées dans Paris pendant la nuit, se déployaient en éventail, en longeant les fortifications. Ce ne pouvait être que l’affaire de quelques heures. Avant la fin du jour, le quartier se trouverait délivré.
Jean Norval passa outre, et haussant les épaules. « Délivré ! » Ce mot le frappait dans la bouche du concierge. « Paris délivré par Versailles ! » Il fallait que cet homme eût bien peur pour parler ainsi, lui qui, la veille encore, ne tarissait pas en insultes contre « ces salauds de Versailleux ! »

(Hugues Le Roux)

Verser

d’Hautel, 1808 : Versez ? Mot de commandement en usage dans les cafés de Paris ; pour dire apportez du café, versez du café à cette personne.

Verseur

Delvau, 1866 : s. m. Garçon chargé de verser le café aux consommateurs.

France, 1907 : Garçon qui verse le café dans les établissements publics.

Verseuse

Fustier, 1889 : « Il fréquente les établissements dits cafés à femmes, où les garçons sont remplacés par des demoiselles appelées verseuses. »

(Frondeur, 1880)

France, 1907 : Servante de brasserie.

La brasserie de femmes est infiniment plus périlleuse pour le jeune homme que la maison fermée.
La verseuse procure au naïf collégien l’illusion d’une femme libre d’aimer qui lui plait ; elle sait provoquer la jalousie du jouvenceau ; elle arrive à le dominer en paraissant accorder à d’autres consommateurs des privautés que, du reste, son métier l’oblige à laisser prendre à tout venant et qu’elle ne peut refuser sans encourir le blâme et la disgrâce des patrons.

(M. Goron)

Versigo

Delvau, 1866 : n. de l. Versailles, dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Versailles ; argot des voleurs.

Versigot

Vidocq, 1837 : s. — Versailles.

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Versailles.

Versionnaire

Larchey, 1865 : Personnage composant en version latine, pour les candidats bacheliers plus riches que savants. C’était un métier dont plusieurs condamnations ont dû dégoûter les amateurs.

Delvau, 1866 : s. m. Humaniste qui, pour vivre, compose en version latine pour les candidats bacheliers dont la bourse est mieux garnie que la cervelle.

Vert

Delvau, 1866 : s. m. Froid, — dans l’argot des voleurs. Il fait vert. Il fait froid.

Vert (se mettre au)

Rigaud, 1881 : S’asseoir à une table de jeu, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Se ranger, se soumettre à un régime rafraîchissant ; aller en villégiature ; se délivrer pour quelque temps des soucis et des fièvres de la ville.

Vert en fleur (monter le)

Rigaud, 1881 : Tendre un piège.

Vert en fleurs

Vidocq, 1837 : (Voir Emporteur, Emportage à la côtelette.)

Vert-de-gris

Rigaud, 1881 : Domestique de charlatan à carrosse. — Surnom du joueur d’orgue de Mengin, devenu le surnom des accompagnateurs ordinaires de MM. les arracheurs de dents.

Merlin, 1888 : Autrefois, un officier de place.

La Rue, 1894 : Huissier. Domestique de charlatan. Verre d’absinthe. Commandant de place. Officier sévère.

France, 1907 : Absinthe.

France, 1907 : Commandant de place ; officier sévère. Argot militaire.

France, 1907 : Huissier ; argot populaire.

Vert-de-gris (un)

Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe.

Verte

Delvau, 1866 : s. f. Verre d’absinthe, — dans l’argot des absintheurs. Heure où la verte règne dans la nature. Cinq heures du soir.

Rigaud, 1881 : Absinthe. Allusion à la couleur de l’absinthe. Un verre de verte.

La Rue, 1894 : Absinthe. Gonorrhée.

France, 1907 : Absinthe.

Mais la « marmite » a beau « turbiner », la galette manque quelquefois.
Il faut bien se créer d’autres ressources pour faire honneur à ses affaires et se paver sa verte quand on a soif : justement des camarades parlent d’un coup à faire, un pante à dévaliser. Ce sont des anciens, qui n’ont encore que vingt ans et déjà cinq ou six condamnations en correctionnelle.

(Berty, La Nation)

La charmante Fleur-de-Pêché
Dont le front rêveur est penché
Sur une verte,
De ses charmes dus au pastel
Tient sur le boulevard Michel
Boutique ouverte.

(Chanson du Père Lunette)

Verte (elle est) celle-là !

Merlin, 1888 : Voyez vieux.

Verte (la)

Rigaud, 1881 : Gonorrhée, — dans le jargon des voyous.

Virmaître, 1894 : L’absinthe. Quatre heures, c’est l’heure de la verte. Allusion de couleur (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : L’absinthe.

Verticale

France, 1907 : Variété de prostituée.

Vertigo

d’Hautel, 1808 : Rat, lubie, boutade, caprice, fantaisie.

Delvau, 1866 : s. m. Lubie, caprice, — dans l’argot du peuple, à qui les gens fantasques semblent justement atteints de vertige, qu’au XVIe siècle on prononçait vertigue.

France, 1907 : Lubie, caprice ; argot populaire.

Vertu

Delvau, 1866 : s. f. Femme vertueuse, — ou affichant un grand rigorisme de conduite.

Vertu naufragée

Virmaître, 1894 : Jeune fille qui ne pourrait plus être couronnée rosière, même laïque ; sa vertu a fait naufrage sur le gazon ou ailleurs (Argot du peuple). N.

Vertubleu

d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjection, ou plutôt de jurement, qui marque la surprise, l’étonnement, l’impatience.

Verver

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Pleurer, crier.

Vidocq, 1837 : v. a. — Pleurer.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Delvau, 1866 : v. n. Pleurer, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Pleurer, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Pleurer (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pleurer.

Verver, server

La Rue, 1894 : Pleurer.

Verveux

Delvau, 1866 : s. m. Crinoline, — dans l’argot des paysans des environs de Paris, qui trouvent une ressemblance entre ce filet à cerceaux et cette jupe à cage.

Vésicatoire

d’Hautel, 1808 : Beaucoup de personnes prononcent à tort Vessicatoire, comme on dit vessie.

Vespasienne

Larchey, 1865 : Chaise percée couverte qu’on promenait vers 1840 dans les rues de Paris.

La Vespasienne Parisienne
À l’observateur arrêté
Offre asile et commodité.

(Festeau)

France, 1907 : Urinoir public, appelé ainsi en souvenir de l’empereur Véspasien, qui le premier fit établir des urinoirs dans les rues de Rome.

La vespasienne était une chaise percée couverte et ambulante. On s’en servait dans les rues de Paris vers 1840.

(Lorédan Larchey)

Vespasiennes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Water-closets montés sur essieux, qui circulaient dans Paris vers les premières années du règne de Louis-Philippe. Ce nom leur avait été donné en souvenir de l’empereur romain qui spéculait sur toutes les gadoues de son empire. Encore une chose que M. Louis Festeau n’a pas failli à chanter :

La Vespasienne
Parisienne
À l’observateur arrêté
Offre asile et commodité.

Vesprée

France, 1907 : Joli mot plein de poésie que les cuistres qui se posent en grammairiens ont effacé de la langue pour le remplacer par après-midi ; du latin vesper, soir, dont on a fait vêpres.

Franchement, le cœur sur la main,
Sans jamais parler de demain,
Du blanc matin à la vesprée,
Et de la vesprée au matin,
Célébrons la grandeur pourprée,
Du vin !

(Gustave Mathieu)

Vessard

d’Hautel, 1808 : Peureux, lâche, poltron, homme timide et pusillanime.

Delvau, 1866 : s. m. Poltron, homme sans énergie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Poltron.

France, 1907 : Poltron, qui a la vesse.

Vesse

d’Hautel, 1808 : Mauvais vent, incongruité qui sort du derrière sans bruit.
Il crie pour une vesse de travers. C’est-à-dire pour la moindre chose ; se dit par raillerie d’un homme minutieux, criard, susceptible, ridicule à l’excès, qui fait tapage ; qui s’emporte pour la plus légère faute.
Une vesse de vigneron le grise. Se dit d’un mauvais buveur, d’un homme qui perd la raison au premier verre de vin.

Larchey, 1865 : Peur. On connaît son action sur les intestins. — Connu en 1808.

Delvau, 1866 : s. f. Peur. Avoir la vesse. Avoir peur.

Rigaud, 1881 : Attention ! — dans le jargon du collège. — C’est l’exclamation que poussent les écoliers pour prévenir leurs camarades de l’arrivée du maître d’étude. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Peur. Employé comme exclamation il signifie : attention ! Colle ! Pet ! ont le même sens.

Virmaître, 1894 : Peur. Lâcher une vesse : péter sournoisement. Vesser : un pet mou (Argot du peuple).

France, 1907 : Femme débauchée ; vieux mot.

Le bon Marc-Aurèle ayant Faustine, sa femme, une bonne vesse.

(Brantôme)

France, 1907 : Peur. Terme employé par les écoliers pour s’avertir de l’arrivée d’un surveillant ou d’un professeur : vesse ! vesse ! Il y a vesse, il y a du danger d’être pris.

Vesse, vestige

Rigaud, 1881 : Peur. Coquer le vestige, effrayer, — dans le jargon des voleurs.

Vesser de bec

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

— Ah çà ! Tu ne te contentes pas, sale catau, de soupirer du vasistas ; tu vesses encore du bec.

(Les Joyeusetés du régiment)

Vesser du bec

Delvau, 1866 : v. n. Avoir l’haleine « pire que cade », — dans l’argot des faubouriens, plus cyniques que l’Aventurier Buscon. C’est plus grave, c’est-à-dire plus désagréable que le leve peditum reproché par Catulle à Libon dans une de ses épigrammes In Cæsaris cinædos.

Vessie

d’Hautel, 1808 : Terme bas, ignoble et figuré, dont on se sert pour désigner une vile prostituée.
On lui feroit croire que des vessies sont des lanternes. Manière exagérée de dire que quelqu’un est d’une simplicité d’esprit, d’une crédulité extrême.
J’aimerois autant qu’il me donnât d’une vessie par le nez. Pour dire, il m’impatiente avec ses bassesses, ses louanges outrées ; je n’en fais nul cas.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaises mœurs.

Virmaître, 1894 : Femme avariée, grasse à lard (Argot du peuple). Allusion aux vessies de graisse que l’on vend à la foire au jambon. Il existe une chanson à ce sujet, elle n’est pas des plus propres. La voici comme document :

Catau, catau, catau,
Vessie, pourriture et charogne,
Catau, catau, catau.
Vessie, pourriture et chameau.

France, 1907 : Fille ou femme sans mœurs : expression populaire, du vieux français vesse.

Vieille vessie à la gueule puante
Dont le regard est toujours chassieux…

(Vieille chanson)

Vessie de lard

France, 1907 : Tête chauve.

Vessies dessouflées

France, 1907 : Seins flasques.

Vestale

Delvau, 1866 : s. f. Desservante du Dieu des Jardins. On disait autrefois Vestale de marais.

France, 1907 : Euphémisme pour prostituée.

Veste

Larchey, 1865 : « Je crois que le filou qui compterait trop sur cette robe ne remporterait qu’une veste. Vous savez que veste est synonyme d’insuccès. »

(H. Monnier)

Delvau, 1866 : s. f. Échec honteux, Waterloo de la vie bourgeoise ou littéraire auquel on ne s’attendait pas, — dans l’argot des gens de lettres et des comédiens.
M. Joachim Duflot fait dater cette expression de la pièce des Étoiles, jouée au Vaudeville, dans laquelle l’acteur Lagrange, en berger, faisait asseoir mademoiselle Cico sur sa veste pour préserver cette aimable nymphe de la rosée du soir, ce qui faisait rire le public et forçait le berger à reprendre sa veste. Mais il y a une autre origine : c’est la Promise, opéra-comique de Clapisson, dans lequel Meillet chantait au 1er acte, un air (l’air de la veste) peu goûté du public ; d’où cette expression attribuée à Gil-Pérez le soir de la première représentation : Meillet a remporté sa veste.
Ramasser ou remporter une veste.
Échouer dans une entreprise, petite ou grande. — Se faire siffler en chantant faux ou en jouant mal. — Écrire un mauvais article ou un livre ridicule. On dit aussi Remporter son armoire, depuis le 13 septembre 1865, jour de la première représentation à la salle Hertz des prétendus phénomènes spirites des frères Davenport.

Rigaud, 1881 : Le contraire de la réussite, — dans le jargon des acteurs. — Remporter sa veste, ne pas réussir.

Virmaître, 1894 : Remporter une veste. Avoir compté sur un succès et faire un four complet. Se dit d’une pièce mal accueillie au théâtre, d’une opération ratée, en un mot de tout insuccès (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Une chose qui ne réussit pas est une veste. Une mauvaise pièce de théâtre est une veste. L’artiste lyrique qui quitte la scène sans succès a remporte une veste. Le pêcheur qui n’a pas pris de poisson remporte une veste.

France, 1907 : Échec. Remporter une veste, éprouver un échec. Cette expression tire son origine d’une pièce en trois actes, Les Étoiles, jouée au Vaudeville vers 1855.

Au troisième acte de cette pièce, le dialogue suivant s’établit entre l’étoile du Berger (acteur Lagrange) et l’étoile de Vénus (actrice Cico) :
Le Berger. — La nuit est sombre, l’heure propice, viens t’asseoir sur ce tertre de gazon.
Vénus. — L’herbe est humide des larmes de la rosée.
Le Berger. — Assieds-toi sur ma veste.
À ce mot, la salle, déjà mal préparée par les deux premiers actes, éclata d’un rire moqueur auquel se joignirent les sifflets. La pièce s’arrêta là, le public ayant demandé de baisser le rideau, Lagrange dut ramasser sa veste jetée sur le tertre, saluer et se retirer tout confus. La même scène s’étant renouvelée aux représentations suivantes et toujours au même endroit, donna lieu au dicton.

(Courrier de Vaugelas)

Mais il y a une autre origine : c’est la Promise, opéra-comique de Clapisson, dans lequel Meillet chantait, au premier acte, un air (l’air de la veste) peu goûté du public ; d’où cette expression attribuée à Gil-Pérez le soir de la première représentation : Meillet a remporté sa veste.
On dit aussi, dans le même sens, décrocher une veste.

Enfin, tous les ans, à la même heure, il est d’usage d’ouvrir l’armoire aux guenilles dans les deux théâtres subventionnés, d’en décrocher une veste et de la battre pendant une soirée devant les vieilles perruques de l’orchestre.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais Jeune homme à sa Nini)

Veste (remporter une)

La Rue, 1894 : Essuyer un échec. Retourner sa veste, changer d’opinion.

Hayard, 1907 : Manquer une affaire.

Vestige

un détenu, 1846 : Légumes de prison et de gargotte.

Rigaud, 1881 : Vivacité, vitesse.

La Rue, 1894 : Vivacité. Peur.

Hayard, 1907 : Haricots, pitance de prison.

France, 1907 : Peur. Coquer le vestige, être effrayé. Argot des voleurs.

Vestiges

Delvau, 1866 : s. m. pl. Légumes, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Légumes que mangent les prisonniers. Dans le peuple, on dit d’un passif qui pratique depuis longtemps :
— Tu perds tes légumes.
Dans les prisons :
— Tu perds tes vestiges.
Cette explication suffit (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Légumes secs.

France, 1907 : Haricots, de vesse. On dit aussi vestos. Argot des voleurs.

Vestiges (les)

Halbert, 1849 : Les légumes.

Vestiges, vestos

Rigaud, 1881 : Légumes secs, — dans le jargon des prisonniers. Allusion à la conduite des légumes secs dans leurs rapports avec messire Gaster.

La Rue, 1894 : Légumes (haricots, pois…). Vesto de la cuisine. Agent de la préfecture.

Vesto

Rigaud, 1881 : Petite vesse.

Vestos

Rossignol, 1901 : Haricots.

Vésuve (faire son)

Fustier, 1889 : Faire des manières, des embarras ; poser.

Plantin, rappelle-toi que le vol conduit aux plus grandes fautes et même au vice ! — Plantin : Fais donc pas ton Vésuve !…

(Petit Journal)

France, 1907 : Se donner de grands airs ; argot populaire.

Vésuver

Fustier, 1889 : Donner largement, libéralement.

Tu as un nourrisseur qui te vésuve des jaunets quand tu lui dis : Mon Prince.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

France, 1907 : Dépenser largement son argent ; argot populaire.

Vésuvienne

Delvau, 1866 : s. f. Femme galante. L’expression date de 1848, et elle n’a pas survécu à la République qui l’avait vue naître. Les Vésuviennes ont défilé devant le Gouvernement Provisoire ; mais elles n’auraient pas défilé devant l’Histoire si un chansonnier de l’époque, Albert Montémont, ne les eût chantées sur son petit turlututu gaillard :

Je suis Vésuvienne,
À moi le pompon !
Que chacun me vienne
Friper le jupon ?

France, 1907 : Sobriquet donné aux membres d’un club féminin qui se forma en 1848, appellation que justifiait la pétulance de ces dames et demoiselles et l’ardeur de leur feu pour la nouvelle république. Ces excentriques personnes devaient être âgées de 15 à 30 ans. Le 26 mars 1848, Le bataillon des vésuviennes, drapeau tricolore en tête, se rendit à l’Hôtel de Ville pour y solliciter la protection du gouvernement provisoire. Ce fut Lamartine qui les reçut. Le porte-parole de la bande l’apostropha en ces termes :

Citoyen, les vésuviennes out tenu à t’exprimer toute l’admiration que tu leur inspires. Au nom de toutes nos sœurs, nous avons mission de t’embrasser !

Lamartine frémit. Il ne se sentait nulle attraction pour ces viragos en dépit de leur costume qui participait de celui de la cantinière et de la danseuse de corde ; mais il se tira habilement de la corvée dont on le menaçait :

Citoyennes, s’écria-t-il, merci des sentiments que vous me témoignez ! mais laissez-moi vous le dire : des patriotes telles que vous ne sont pas des femmes : elles sont des hommes. Entre hommes, on ne s’embrasse pas, on se tend la main…

Elles finirent, dit-on, toutes ou presque toutes à la Closerie des Lilas. C’est ce qu’elles avaient à faire de mieux. Elles furent chantonnées dans des couplets moqueurs :

Je suis vésuvienne,
À moi le pompon ;
Que chacun me vienne
Friper le jupon !

Vétéran

France, 1907 : Élève de rhétorique ; argot des collèges et lycées.

Les vétérans sont sordides et négligés comme les savants, ce sont des élèves consciencieux mais routiniers ; pauvres diables confinés dans les collèges, à qui le monde n’a pas envoyé ses rayonnements ; qui ont pour maîtresse Didon et Lavinie, lisent Laharpe et les modèles de la littérature, écrivent sur leur bannière : Racine, et rompent des lances contre Victor Hugo.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Vétir

d’Hautel, 1808 : Vêtu comme un ognon. Pour dire empaqueté ; couvert d’une manière ridicule ; avoir beaucoup d’habits les uns sur les autres à la manière des frileux.
Vêtu comme un moulin à vent. C’est-à-dire à la légère ; habillé en toile.

Veuf

France, 1907 : Vieux souteneur sans marmite, ou souteneur dont la maîtresse est à Saint-Lazare.

Comme les filles soumises ont un grand intérêt à connaitre l’emploi que la brigade des mœurs fait de ses soirées, elles ont recours pour le savoir au plus pratique de tous les moyens : elles font espionner les agents par des gens à elles. C’est ainsi que fonctionnent régulièrement des compagnies de fileurs qui surveillent les abords des gares, qui font le guet sur les boulevards. Ces compagnons recrutés parmi les veufs, c’est-à-dire les anciens beaux hommes qui ont passé le temps où l’on vous aime, ont formé entre eux un syndicat. À la disparition ou à l’arrestation d’un des membres, la place se vend à l’enchère ; il y à, bien entendu, beaucoup de candidats, car le métier n’est pas difficile et il est lucratif. Il suffit d’avoir les jambes assez bonnes pour faire les cent pas sur les boulevards, d’une guérite à l’autre ; dès qu’apparait à l’horizon un visage suspect, on allonge l’allure, on frôle, en jetant un avis mystérieux à voix basse, les promeneuses qui encombrent l’asphalte de leurs sourires peints, de leurs éclats de rire.
— Méfie-toi, v’là l’Gros Jules, Col-Cassé, Tête-de-Mort, le Loufiat, Martin-l’Blond !

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Veule

Delvau, 1866 : adj. des deux g. Mou, paresseux, lâche, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot depuis des siècles, comme le prouvent ces vers de Gauthier de Coinci :

Mais tant iert plains de vaine gloire
Tout iers fiers, cointes et veules,
Qu’il sembloit bien qu’en ses esteules
Eust trové tout le païs.

C’est sans doute une antiphrase, de volo, vouloir, avoir volonté : volo, volvis, volui.

Veuve

Vidocq, 1837 : s. f. — Potence.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Guillotine. — Elle voit mourir tous les hommes couchés sur sa planchette.

Dis-moi, menin de monseigneur le bourreau, gouverneur de la veuve (nom plein de terrible poésie que les forçats donnent à la guillotine)…

(Balzac)

On appelle encore la guillotine de toutes sortes de petits noms : Fin de la soupe, Grognon, la Mère au bleu (au ciel), la dernière bouchée etc., etc.

(V. Hugo)

Rigaud, 1881 : Corde, — dans l’ancien argot. (V. Hugo)

Fustier, 1889 : Non conformiste qui se prête… aux plus bizarres exigences.

La Rue, 1894 : Corde. Guillotine. Épouser la veuve, être guillotiné.

anon., 1907 : La guillotine.

Veuve (fils de la)

France, 1907 : Nom que se donnent eux-mêmes les francs-maçons.

Le haut personnel de l’instruction publique compte dans ses rangs les fils de la Veuve par douzaines.

(Écho de Paris)

Veuve (la)

Delvau, 1866 : La guillotine, — dans l’argot des voleurs qui se marient quelquefois avec elle sans le vouloir. Épouser la veuve. Être guillotiné.

Rigaud, 1881 : Guillotine, — dans l’argot classique des voleurs. — Épouser la veuve, être guillotiné. — Crosser chez la veuve, monter sur l’échafaud.

Virmaître, 1894 : La guillotine (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Guillotine. Le guillotiné épouse la veuve.

Hayard, 1907 : La guillotine.

France, 1907 : Commandant en Second de l’École navale ; argot du Borda.

France, 1907 : La guillotine.

Voici encore une tête de tombée, et rien n’est changé pour cela ! La Veuve n’est plus, de loin, qu’un épouvantail à moineaux ; de près, qu’un piédestal, une tribune, un calvaire !
En vérité, je vous le dis, le remède est usé, le remède est infructueux ! Si l’on essayait d’autre chose ; d’un état social plus humain, plus juste ; de concessions à la faim des pauvres ; d’une répartition moins arbitraire des biens — de ce que Jésus le subversif, Jésus le supplicié, appelait simplement l’amour du prochain…

(Séverine)

La Veuve est là, qui guette mon cou lisse…
Par ses cousins je suis déjà saisi,
De froid moins que par la frousse transi,
Je tremble en face la rouge charpente…
Attention ! les aminches, voici
Qu’on va faucher la tête à Mort-au-Pante.

(Tibon, Ballade du Raccourci)

Veuve Chapelle (la)

Rigaud, 1881 : La dame de pique, — dans le jargon des joueurs de baccarat, ainsi baptisée du nom d’un joueur. D’après une superstition de joueurs de baccarat, la dame de pique est connue pour porter la guigne.

France, 1907 : Dame de pique au baccarat.

Veuve d’un colonel mort à Waterloo… d’un coup de pied dans le cul

Rigaud, 1881 : Veuve pour rire. Femme qui se prétend veuve d’un officier supérieur.

Veuve et héritiers (avoir affaire à la)

France, 1907 : Ne pas manquer d’occupations. C’est, en effet, chose ardue que de s’occuper des affaires d’une veuve et de ses cohéritiers.

Veuve j’en tenons (être logé chez la)

Rigaud, 1881 : Être enceinte. — L’expression date de 1739. Elle est d’ailleurs démodée.

Veuve Poignet

Delvau, 1864 : La main qui sert à branler, — la première maîtresse des jeunes gens, comme le médium est le premier amant de toutes les femmes.

Pour l’apaiser, je n’avais qu’une main :
Je m’en servis pour écumer sa bile.
Veuve Poignet, sans vous, qu’aurais-je fait ?
Mais avec vous, c’était chose facile.

(Anonyme)

La Rue, 1894 : L’onanisme.

Rossignol, 1901 : La main.

France, 1907 : Les quatre doigts et le pouce dont se servent les tristes sires adonnés à l’onanisme. Fréquenter la veuve Poignet, aller en soirée chez la veuve Poignet, se masturber. Voir Bataille de Jésuites.

Veuve poignet (en soirée chez la)

Virmaître, 1894 : V. Bataille des Jésuites.

Veuve Poignet (la)

Delvau, 1866 : L’onanisme, — dans l’argot du peuple. Épouser la veuve Poignet. Se livrer à l’onanisme.

Rigaud, 1881 : Exercice de l’onanisme.

Veuve rasibus

France, 1907 : La guillotine.

Veuve Rentrée (la)

Rigaud, 1881 : Vendeur pour le compte duquel un objet est resté aux enchères, — dans le jargon des commissaires-priseurs. L’objet non vendu rentre chez le marchand ou en magasin. — La variante est : Monsieur Dufour.

Veux-tu cacher ça

France, 1907 : Courte jaquette d’homme, veston.

Maintenant on ne dit plus les paletots d’hommes, on dit des veux-tu cacher ça.

(Baumaine et Blondelet, 1885)

Vexer

d’Hautel, 1808 : Vexer quelqu’un. Le railler, l’opprimer, le tyranniser.
Être vexé. Pour être contrarié, tourmenté, éprouver un mécontentement intérieur.

Veziner

France, 1907 : Sentier mauvais ; argot des voleurs.

— Il me dégoûte… D’abord il vézine, puis il est marié !

(Mémoires de M. Claude)

Vezon

France, 1907 : « Bruit aérien, bourdonnement à peine perceptible que l’on entend dans l’air au milieu des champs, pendant les jours chauds et calmes de l’été. Le bourdonnement est la réunion des mille petits bruits que font les insectes en volant. On peut le comparer au son très lointain du bourdon de la vèze, d’où sans doute lui vient son nom. Le vezon est un signe de beau temps. »

(Jaubert, Gloss. du Centre)

Avoir le vezon, se dit d’une femme évaporée, extravagante.

Vézon

Delvau, 1864 : Fille publique — dans l’argot des voleurs.

Mon père est maquereau, ma mère était vézon.
Moi j’ai reçu le jour sous les toits d’un boxon.

(Louis Protat)

Vezou

France, 1907 : Prostituée. Vezzo, en italien, signifie jouet, vice, au pluriel : caresses.

Quant aux filles publiques, les hommes les désignent par un grand nombre d’appellations… Les termes employés avec le plus de grossièreté sont les suivants : toupie, bagasse, calèche, grenouille, tortue, volatile, rouscailleuse, couillère, vessie, vezou.

(Léo Taxil)

Vezouiller

Rigaud, 1881 : Sentir mauvais, par allusion à l’odeur de certain vent interne.

La Rue, 1894 : Puer.

France, 1907 : Sentir mauvais. Vezouiller du goulot, avoir mauvaise haleine ; puer. Argot faubourien. Voir Veziner.

Vézouiller

Delvau, 1866 : v. n. Puer, — dans l’argot des faubouriens. Vézouiller du bec. Avoir une haleine à la Paixhans.

Vi

Virmaître, 1894 : Voici ce que dit Mathurin Régnier :

Le violet tant estimé
Entre vos couleurs singulières.
Vous ne l’avez jamais aimé
Que pour les deux lettres premières.

À la prison de St-Lazare, une fille atteinte d’une maladie épouvantable, était incarcérée à l’Infirmerie. La sœur l’exhortait à changer de vie ; elle lui citait des exemples de conversions absolument édifiantes. La malade, impatientée, lui répondit :
— Ma sœur, il est trop lard pour changer de vie, il fallait me dire cela quinze jours plutôt ; je ne serais pas ici (Argot du peuple).

Via

France, 1907 : Voie, rue ; italianisme.

Et pourtant, dans tout ce quartier empestant l’anis, le blanc gras et l’alcool, c’est le défilé de toutes les rues célèbres dans les annales du crime et de la prostitution, la rue de la Bouterie, la rue Coutellerie, la rue Saint-Laurent, la rue de l’Amandier, la rue Ventomagy, enfin La vue d’Aline ou Pranzini, encore tout chaud de l’égorgement de Mme de Montille, alla bêtement s’échouer et se faire prendre avec sa passivité d’aventurier gras et jouisseur, en bon Levantin qu’il était, cet assassin à peau fine dont le cadavre adoré des femmes étonna même les carabins ; et puis autour de la place Neuve, la rue de la Rose (cette antithèse !) et toutes les via puantes affectées aux Italiens.

(Jean Lorrain)

Viande

d’Hautel, 1808 : De la viande à gens soûls. Alimens peu substantiels, peu solides : tels que les asperges, les concombres, et tout autre légume de ce genre.
On dit aussi dans un sens tout-à-fait semblable, de la viande creuse.
Montrer sa viande. Montrer des objets que la pudeur et la modestie prescrivent de dérober soigneusement aux regards.
Un mangeur de viande apprêtée. Un paresseux, un fainéant, qui aime à se divertir aux dépens des autres.

Delvau, 1864 : Femme publique.

Je vais connaître cette maison et savoir quelle viande il y a à son étal, à cette boucherie-la.

(Lemercier de Neuville)

Delvau, 1866 : s. f. La chair, — dans l’argot du peuple. Montrer sa viande. Se décolleter excessivement, comme font les demoiselles du demi-monde dans la rue et les dames du grand monde aux Italiens. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on emploie cette expression froissante pour l’orgueil humain. Tabourot, parlant du choix d’une maîtresse, disait il y a trois cents ans :

Une claire brune face
Qui ne soit maigre ny grasse,
Et d’un gaillard embonpoint,
Ne put ny ne picque point :
Voilà la douce viande
Qu’en mes amours je demande.

Rigaud, 1881 : La chair humaine. Montrer sa viande, se décolleter. — Cacher sa viande, cacher un sein qu’on ne saurait voir.

Cache donc ta viande que je mange mon pain !

(É. Zola)

La Rue, 1894 : Le corps humain, la chair. Soigner sa viande, se bien nourrir, avoir soin de soi.

Virmaître, 1894 : Chair. A. Delvau trouve que cette expression est froissante pour l’orgueil humain. Pourquoi donc ? Est-ce que la chair humaine n’est pas de la viande au même titre que celle de n’importe quel animal ? Quand une femme a une belle carnation, rose, fraîche, c’est un hommage que lui rend le langage populaire en disant :
— Ah ! la belle viande, on en mangerait.
C’est assez rare en cette fin-de-siècle, pour que ce mot soit accepté comme une louange et non comme une grossièreté (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Chair humaine. Celui qui tombe ramasse sa viande.

France, 1907 : Chair. Étaler sa viande, se décolleter. Être en viande, être bien en chair. Mettre sa viande dans le torchon, se coucher. Ramasser sa viande, tomber. Basse viande, femme laide, avachie, basse prostituée. Viande de morgue, individu bon à tuer ; se dit aussi pour miséreux, vagabond.

Une claire brune face
Qui ne soit maigre ni grasse,
Et d’un gaillard embonpoint,
Ne pue ny ne pique point :
Voilà la douce viande
Qu’en mes amours je demande.

(Les Touches du Seigneur des Accords, 1583)

Viande (habit à manger de la)

France, 1907 : Habit des dimanches, habit de fête. Cette vieille expression des campagnes du Centre indique d’une ligne la misère ou l’avarice des paysans qui ne mangent guère de viande que les dimanches et jours fériés ou lorsqu’ils se rendent à quelque noce, revêtant alors leurs plus beaux habits. Il a pris ses habits à manger de la viande, disent alors les voisins envieux.

Viande (montrer sa)

Larchey, 1865 : Se décolleter. — Traité dès 1808.

Viande (ramasser sa)

Rigaud, 1881 : Se ramasser. — Quand un voyou voit tomber quelqu’un, il ne manque pas de dire : « Ramasse ta viande ».

Viande à canon

Rigaud, 1881 : Soldat. — En temps de guerre le canon en fait une grande consommation. Sous le premier Empire, alors que la gloire coûtait à la France des monceaux de cadavres entassés sur les champs de bataille, on appelait les soldats : de la chair à canon.

Viande à macquart

France, 1907 : Vieux cheval bon pour l’abattoir. Voir Macquart.

Tu supportes sur ton garrot,
Maintenant, l’affreux tombereau,
Puant l’ordure ;
Galeux, tu traverses Paris.
Sous les coups et sous les mépris
Ton corps frissonne ;
Soudain sur les genoux, vanné,
Tu tombes, roi trop couronné,
Ton heure sonne,
C’est la fin ; tour y passe, car
Voici la botte,
Voici le trou… Voici Macquart,
Meurs, Cocotte.

(Sémiane)

Viande dans le torchon (se coller la)

Rigaud, 1881 : Se coucher, — dans le jargon de MM. les voyous.

Viande de l’homme (la)

Delvau, 1864 : Son membre, dont les femmes sont si friandes et qu’elles mettent si volontiers cuire dans leur four avec son jus.

Mais sans un bon morceau de viande,
Fille a toujours le ventre creux.

(Marcillac)

Ainsi que l’a dit un grand saint,
À l’homme s’il faut du bon vin,
À la femme il faut de la viande.

(A. Watripon)

Pour moi, je ne suis point friande
De tout ce gibier que l’on vend,
Ne m’importe quelle viande
Pourvu qu’elle soit du devant.

(Théophile)

Tu n’ me l’ mettras pas, Nicolas,
Je n’aime que la viand’ fraîche.

(J.-E. Aubry)

Viande de morgue

Rigaud, 1881 : Personne qui commet des imprudences. Vagabond, coureuse sans feu ni lieu.

Le marinier Lausard lui cria même ; Viande de morgue, rangez-vous donc !

(Liberté, du 25 août 1877)

Viande de seconde catégorie, basse viande

Rigaud, 1881 : Femme dont les chairs sont bouffies et molles.

Viatique

Fustier, 1889 : « Littré appelle viatique l’argent qu’on donne aux religieux pour leurs dépenses de voyage. Enlevez les religieux, expulsez-les, remplacez-les par des joueurs et vous aurez la véritable signification du mot en langage monégasque. »

(Revue politique et littéraire, 1882)

France, 1907 : Somme d’argent que l’on donne dans les grosses maisons de jeu, telles que celle de Monte-Carlo, aux joueurs décavés, afin qu’ils puissent rentrer chez eux. C’est généralement le prix du voyage ; d’où le nom, du latin viaticum, provision de route.

À Monac’ si t’es pas bourrique,
Soutire trois fois le viatique.

(Hogier-Grison)

Viatique vert

Fustier, 1889 : Absinthe.

Le commandant Monistrol se versant, au moment d’expirer, le viatique vert.

(Th. de Banville)

Viauper

Rigaud, 1881 : Pleurer, pleurer comme un veau.

La Rue, 1894 : Pleurer (comme un veau).

Virmaître, 1894 : Oublier fréquemment le chemin de l’atelier pour viauper chez les marchands de vins.
— Que fait la fille ?
— Ah ! ne m’en parle pas ; elle viaupe avec Pierre et Paul.
Mot à mot : viauper, faire la vie.
Faire la vie à quelqu’un, c’est lui faire une scène désagréable.
Lui rendre la vie dure, c’est le tourmenter, lui refuser à manger, être cruel (Argot du peuple).

Viausser

France, 1907 : Faire la noce ; argot faubourien.

Vice

d’Hautel, 1808 : Il n’a qu’un vice. Métaphore ironique pour dire qu’un homme les possède tous.
C’est un vice de clerc. Pour dire une faute d’écriture.

Delvau, 1866 : s. m. Imagination ; ingéniosité ; astuce, — dans l’argot du peuple, qui sait que l’intelligence est un don souvent fatal. Avoir du vice. Être très malin, — c’est-à-dire sceptique en amour, en amitié, en politique et en morale. On dit aussi : Avoir du vice dans la toupie.

Vice (aller au)

Rigaud, 1881 : Aller chez une fille de joie.

France, 1907 : Aller sacrifier à Vénus avec des filles de joie.

Vice (avoir du, montrer du)

Delvau, 1864 : Avoir l’esprit tourné vers les choses de la fouterie ; avoir pratiqué l’homme quand on est femme, la femme quand on est homme.

Tout jeune, il montra bien du vice,
Quand, perdu dans une forêt,
Au lieu du sein de sa nourrice,
Il se tétait le flageolet.

(Al. Pothey)

Vice (avoir du)

Larchey, 1865 : Être ingénieux.

A-t-il du vice, ce mâtin de Couturat.

(De Goncourt)

Nonore, un petit avorton de femme qui a la réputation d’avoir du vice.

(Ces Dames)

Rigaud, 1881 : Avoir de la malice.

La femme qui a un peu de vice, s’émancipe tôt ou tard de la tutelle d’une maîtresse de maison et travaille pour son compte.

(E. de Goncourt)

France, 1907 : Être malin, astucieux : argot populaire.

La gamine n’avait pas plus de douze ans, mais elle avait déjà du vice en diable et faisait voir le tour à père et mère.

(Les Joyeusetés du régiment)

On dit aussi avoir du vice dans da toupie.

Vice (en avoir)

Virmaître, 1894 : Roué qui la connaît dans les coins.
— On ne me la fera pas, j’ai trop de vice.
Cela est la cause d’un mauvais calembourg par à peu près :
— Les serruriers sont les ouvriers les plus malins du monde, parce qu’ils ne manquent jamais de vis (Argot du peuple).

Vice-race

Halbert, 1849 : Vicaire.

Vice-rase

France, 1907 : Vicaire : argot des voleurs.

Vice-Versailles

Rigaud, 1881 : Vice-versa. Jeu de mots par à peu près.

Vicelot

Vidocq, 1837 : s. m. — Petit vice, défaut de peu d’importance.

Delvau, 1866 : s. m. Petit vice, défaut peu grave.

Virmaître, 1894 : Gavroche qui a tous les vices en germe ; il est trop jeune pour qu’ils soient développés. Dans les ateliers, on dit du gosse :
— Il est si vicelot qu’il en remontrerait à père et mère (Argot du peuple).

France, 1907 : Petit vice. (A. Delvau.) Gavroche qui un tous les vices en herbe. (Ch. Virmaître)

Vicieux (être un)

Delvau, 1864 : Ne songer qu’aux choses de la fouterie.

Qu’est-ce donc qui vous prend ?… Vous êtes donc aussi un vicieux !

(Tisserand)

Victoire

d’Hautel, 1808 : Crier victoire. S’enorgueillir, se glorifier, faire le fanfaron, se trop prévaloir de quelque succès.

Larchey, 1865 : « Quant à la chemise, c’est au marché Saint-Jacques, chez Mlle Victoire, qu’ils (les chiffonniers) vont la chercher. Ils l’appellent du nom de la marchande, une victoire. Elle leur coûte dix sous ; quelquefois moins, jamais plus. »

(Berthaud)

Delvau, 1866 : s. f. Chemise, — dans l’argot des chiffonniers, qui ont voulu consacrer ainsi le souvenir d’une marchande du faubourg chez laquelle ils se fournissaient.

Virmaître, 1894 : Chemise. Ce mot n’est pas employé, comme le dit A. Delvau, pour consacrer le souvenir d’une marchande qui fournissait les chiffonniers.
— Victoire ! J’ai enfin pu gagner de quoi m’acheter une limace pour balancer celle que je porte depuis six mois (Argot des chiffonniers).

Victoria

Delvau, 1866 : s. f. Voiture découverte à quatre roues, — dans l’argot des cochers. C’est une façon de milord.

Vidange

Delvau, 1866 : s. f. Accouchement, — dans l’argot des voleurs. Largue en vidange. Femme en couches.

Virmaître, 1894 : Accouchement.
— Ma femme est en vidange.
Mot à mot : elle se vide.
Elle est en vidange, car il faut qu’il se passe quelques semaines avant de la remplir à nouveau (Argot du peuple). N.

Vidange (largue en)

France, 1907 : Femme en couches.

Vide

d’Hautel, 1808 : Charger à vide. Locution dont les cochers se servent pour dire qu’on les a pris sur place, n’ayant personne dans leur voiture.

Vidé

France, 1907 : Débauché qui a usé et abusé de la vie ; qui s’est ruiné dans les excès le corps et le cerveau.

— De deux choses l’une, Éliane, car j’y songe souvent et le dilemme me tracasse, au moins comme tuteur, ou celui que tu prendras sera riche, ou il sera pauvre. S’il est riche, et, pour l’être en ce cas, il faut que sa fortune équivaille à la tienne, c’est d’avance et sûrement un crétin, un vidé où une canaille !… Donc, ou il t’assommera, ou il te fera des enfants phtisiques, ou il te tuinera ! Oh ! quelle belle société que la ploutocratique !… S’il est pauvre, c’est un lâche en cinq lettres ! On ne s’empare pas, sans être tel, sous prétexte d’amour, d’un sac de trois cents millions.

(Émile Bergerat, Le Chèque)

Vidé (être)

Rigaud, 1881 : Être ruiné. — Ne plus produire rien qui vaille, dans le jargon des hommes de lettres. Variante : Ne plus rien avoir dans le ventre.

Je lis ses chroniques… C’est d’un toc !… Il n’a rien dans le ventre, ce garçon-là.

(A. Dreyfus, La Vie moderne, du 24 avril 1879)

Robinet est vidé.

(Id. Ibidem)

Vide chambre, femme folle

France, 1907 : Chambre vide est l’indice de misère, et la misère pousse la femme à la prostitution. Folle est employée ici dans le sens biblique, c’est-à-dire femme folle de son corps.

Vide-bouteille

France, 1907 : Petite maison dans un petit jardin où les petits bourgeois se réunissent en famille pour s’y divertir le dimanche et les soirs des beaux jours. C’est ce qu’on appelle cabanoun sur les bords de la Méditerranée.

Vide-budget

France, 1907 : Fonctionnaire, employé gouvernemental. On dit aussi bouffe-galette.

Le rond-de-cuir, dont trente années de république et de boniments électoraux n’ont pas réussi à nous débarrasser, le hideux rond-de-cuir, flétri par les chroniqueurs, ridiculisé par les satiristes, honni par les romanciers, n’est pas seulement la plaie gangrenée qui résiste à tous les onguents de la pharmacopée démocratique, l’intrépide vide-budget que nul régime ne supprimera ; il est encore, parfois, la bête puante qui se venge d’être inutile en tâchant d’être nuisible.
L’engeance bureaucratique, j’entends celle qui émarge aux fonds nationaux, la troupe oisive et affairée des ministères et des établissements de l’État, qui ne s’arrête d’être sotte et insolente que pour user l’encre et le temps que nous lui pavons à des méchantes besognes, est seule visée ici !
J’épargne et j’excepte la théorie des besogneux des grandes administrations, l’immense et résignée légion des gagne-petit, condamnée au linge propre, aux redingotes présentables, aux diners de gargote, et aux travaux abétissants.

(Mentor, Le Journal)

Video lupum

France, 1907 : Je vois le loup, Locution latine employée quand on voit une personne désagréable et dont on parle au même moment.

Vider

d’Hautel, 1808 : Vider les pots et les verres. Pour dire faire ripaille ; boire avec excès.

Fustier, 1889 : Assommer, tuer.

On dut s’interposer ; la mère Teston perdant toute mesure, ne parlait de rien moins que de le vider. (Huysmans, les Sœurs Vatard)

La Rue, 1894 : Assommer. Tuer.

Vider (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Vider le plancher

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller de quelque part, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : S’en aller.
— Mon p’tit, ça ne marche plus, tu vas vider le plancher (Argot du peuple).

Vider sa poche à fiel

Virmaître, 1894 : Soulager son cœur, dire tout ce que l’on pense sans ménager ses expressions (Argot du peuple). N.

Vider son panier à crottes

Virmaître, 1894 : Satisfaire un besoin. Il est aussi agréable de vider son panier que de l’emplir (Argot du peuple).

Vider son petit porteur d’eau

Virmaître, 1894 : Expression employée dans les couvents par les jeunes filles, pour dire qu’elles ont un petit besoin à satisfaire (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Expression employée dans les couvents par les jeunes filles, pour dire qu’elles ont un petit besoin à satisfaire. (Ch. Virmaître)

Vider un homme

Delvau, 1866 : v. a. Le ruiner, — dans l’argot des petites dames.

Virmaître, 1894 : Il y a plusieurs manières de le vider. On lui vide son porte-monnaie. On le vide en le surmenant. Une maîtresse amoureuse le vide, et quand il rentre au domicile conjugal, sa femme peut le fouiller… et elle aussi (Argot du peuple). N.

Vidourser

Virmaître, 1894 : Terme employé dans les ateliers pour qualifier un peintre qui ne se préoccupe, en peignant son tableau, ni du ton ni de la perspective. Il le vidourse, il le lime, il le lèche. Allusion à la fameuse expression : Il est poli comme un vi d’ours. De là : vidourser (Argot des artistes). N.

Vie

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas pour deux liards de vie. Signifie, il est d’une très foible complexion ; il est continuellement malade, valétudinaire, cacochyme.
Faire une belle vie ; une vie d’enragé. Criarder, quereller continuellement ; vivre ensemble comme chien et chat.
Vie de cochon, courte et bonne. C’est-à-dire vie débauchée et crapuleuse, dont on abrège les momens par ses dérèglemens.
Une vie de Bohême. Vie de misérable ; de bandit, de réprouvé.
Il me fait enrager ma vie. Pour, il me contrarie, m’impatiente, m’excède.
Cacher sa vie. Avoir une conduite secrète et mystérieuse.
Faire la petite vie. Se livrer au libertinage, à la débauche.
Être de grande vie. Pour être d’une grande dépense ; vivre dans le luxe et l’éclat.
Faire vie qui dure. Mener joyeuse vie, ne pas penser aux maux à venir.

Vie (faire la)

Delvau, 1866 : S’amuser plus que la morale et la santé ne le permettent ; se débaucher, les femmes avec les hommes, les hommes avec les femmes.

France, 1907 : Se livrer à la débauche, chanter en action Vive le vin, l’amour et le tabac !

Elles causèrent, elles parlèrent de Suzanne… mise dans un atelier de couture, et qui, au bout de six mois, s’était envolée, pour faire la vie… Faire La vie, c’étaient des orgies de sirop de groseille et d’eau de Seltz, au milieu d’une débandade d’hommes, des douzaines vous passant à la file sur le corps, dans des arrière-boutiques de marchande de vin.
— Oui, ma chère, c’est comme ça !

(Émile Zola, La Terre)

Vie (faire une)

Larchey, 1865 : Faire tapage. — Faire la vie :

Mener une vie débauchée.

(d’Hautel)

Vie de bâtons de chaise

France, 1907 : Vie désordonnée, conduite scandaleuse ; allusion aux excès des gens ivres qui cassent tout et brisent les chaises dans leur folie bachique. On dit aussi noce de bâtons de chaises.

— Une farceuse, vous savez, Mme Wasly. Elle nous la fait à la pose et à la vertu et elle mène une vie de bâtons de chaise. Oui, oui, en cachette de sa belle-mère chez qui elle habite.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Vie de chien

Delvau, 1866 : s. f. Conduite déréglée, crapuleuse. Faire ou Mener une vie de chien. Vivre dans le désordre et le vagabondage. Les Anglais ont la même expression, dans le même sens : to lead a dog’s life. On dit aussi Faire une vie de polichinelle.

France, 1907 : Conduite déréglée, licencieuse. Mener une vie de chien, vivre dans le désordre. Le chien a passé de tous temps comme un exemple d’impudicité et de cynisme. Les anciens disaient : œil de chien, pour indiquer l’effronterie, et le cynisme du regard ; c’est ainsi qu’Achille, furieux de l’enlèvement de la belle Briséïs, appelle Agamemnon.

Vie de patachon

Virmaître, 1894 : Mettre les petits plats dans les grands. Mener la vie à grandes guides. Faire une vie de bâtons de chaises. Mot à mot : faire une vie de chien, comme si la vie n’avait pas de lendemain (Argot du peuple). N.

Vie de polichinelle

France, 1907 : Vie désordonnée, conduite sans frein. Synonyme de vie de patachon ou de bâtons de chaise.

C’était une bourgeoise fort appétissante, blonde, blanche, dodue, beaucoup de malice bonne enfant, dans l’œil très vif et dans le sourire qui découvrait de fort jolies dents. Elle manquait assurément de race, mais était néanmoins charmante dans son bel épanouissement de jeunesse et de santé. Putois la négligeait, d’ailleurs, pour mille raisons dont la plus effective était qu’il avait mené, en son temps, une vie de polichinelle et était médiocrement conservé.

(Armand Silvestre)

Vie de polichinelle (faire une)

Virmaître, 1894 : Avoir une conduite déréglée, se saouler, courir la gueuse, se battre ; en un mot, mener une vie désordonnée. On sait que le polichinelle du guignol lyonnais est le type parfait du bambocheur (Argot du peuple). N.

Viédase

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et grossier, qui signifie poltron, vaurien, ignorant. Ce mot dans l’origine signifioit figure d’âne.

Viedaser

France, 1907 : Lanterner, traîner dans son travail ; vieil argot.

Viédaser

d’Hautel, 1808 : Ne faire rien qui vaille, se battre les flancs, s’amuser à la moutarde.

Rigaud, 1881 : Faire traîner un ouvrage en longueur, travailler avec nonchalance. (XVIIe et XVIIIe siècles.)

Viédaze !

France, 1907 : Exclamation méridionale signifiant littéralement membre d’âne ; on la retrouve en Lorraine sous la forme vieudace, en picard viez d’az. Rabelais écrivait vietdaze.

Je connais des patelins — les Landes, le Gers, par exemple — où la dime existe encore de fait, sinon de droit, et est restée ancrée dans les usages locaux. Dans l’Armagnac, des ratichons de campluche se font des deux et trois pièces d’eau-de-vie — de quoi téter une rude goutte, dirait l’évêque Soulard.
Mais ces vieilles coutumes se perdent de jour en jour, heureusement, viédaze !

(Le Père Peinard)

Vieille

Larchey, 1865 : Vieille eau-de-vie. — Vieux de la vieille :

Vieux soldat de la vieille garde ; le vieux de la vieille comme on dit.

(Balzac)

Ma vieille : Mon vieil ami.

Eh bien ! Raoul, ma vieille, comment que ça va.

(Jaime)

L’emploi de ce féminin a sans doute paru plus tendre. On dit aussi vieux. V. Ému, Cocarde. — Vieux : Amant d’un âge mûr. V. Monsieur.

Delvau, 1866 : s. f. Eau-de-vie qui devrait avoir cent sept ans et qui n’a que quelques mois.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie vieille, vieux cognac.

Rigaud, 1881 : Mère, — dans l’argot du peuple.

Vieille (elle est)

Rigaud, 1881 : La plaisanterie, l’histoire est vieille, connue.

On me dit : madame est au bain. Je dis : elle est trop vieille celle-là !

(Th. Barrière et Lambert Thiboust, Les Jouisses de l’amour)

Vieille (ma)

Delvau, 1866 : s. f. Expression de tendresse banale employée entre hommes, — je me trompe, entre cabotins.

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié. C’est-à-dire vieux de la vieille garde, ancien camarade, — dans le jargon des cabotins. — Un vieux pilier de café m’a assuré que le mot était employé par allusion à la vieille eau-de-vie, que les habitués aiment beaucoup ; d’où quelqu’un pour qui on a de l’affection ou simplement de la sympathie devient « votre vieille ».

Apollon, Épicure et le sultan Belboula se succèdent en s’appelant ma vieille.

(Monselet, Acteurs et actrices)

Bientôt le café fut plein… il y avait des renommées, même des gloires… hommes et femmes s’appelaient ma vieille, ma petite vieille. C’est courant, et il y a longtemps que cela dure.

(L. Veuillot, Les Odeurs de Paris)

Vieille barbe

France, 1907 : Sobriquet donné aux hommes qui ont pris part à la révolution de 1848 et qui furent en grande partie condamnés à la déportation par la haute cour de justice de Bourges et amnistiés en 1859. Avec Albert Martin, connu sous le nom de « l’ouvrier Albert », mort à Mello (Oise) en mai 1895, à l’âge de quatre-vingts ans, disparut la dernière vieille barbe de 48.

Cette histoire si proche de nous a été la plus fausse, la plus dénaturée, la plus absurdement interprétée par tous les poux de la vieille barbe. Et ce qu’il y a de plus écœurant, c’est que la vieille barbe n’était pas sincère. Elle convoitait tout bonnement, cette vieille barbe, la succession des « tyrans » et des « sbires ». Elle maudissait et dénonçait les hommes d’argent parce qu’elle avait à son tour un vif besoin d’argent et le désir de faire des affaires.

(Léon Daudet, Les deux Frances)

Les illustrations du passé qu’on appelait dans l’intimité les vieilles barbes, les vieux bonzes et même les vieilles bêtes…

(Hector France, Mes petits papiers)

Vieille branche

France, 1907 : Vieux camarade, ami sur lequel on s’appuie comme sur une branche, hélas ! souvent pourrie.

Pardon, encor’, ma vieille branche,
Tu dis que ce mot de revanche
A disparu de nos discours ?
Vois-tu, le mot n’est pas la chose :
On ne le dit pas, et pour cause,
Pourtant on y pense toujours.

(Raoul Ponchon)

Vieille canne

France, 1907 : Repris de justice.

Vieille culotte de peau

Delvau, 1866 : s. f. Général en retraite, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Officier en retraite. Officier émérite qui a conservé dans la vie civile les habitudes militaires.

Vieille femme et jeune garçon, mariage de démon

France, 1907 : Vieux dicton indiquant qu’un jeune homme et une vieille femme font un ménage d’enfer, car par sa jalousie la vieille joue dans l’intérieur le rôle du diable.

Vieille garde

Rigaud, 1881 : Vieille courtisane. (H. Meilhac) Celle-là se rend et ne meurt pas.

La Rue, 1894 : Femme galante âgée.

France, 1907 : Courtisane vieille, prostituée hors d’âge.

Il pouvait citer tel et tel, des noms, des gentilshommes de sang plus bleu que le sien aujourd’hui collés légitimement et très satisfaits, et pas reniés du tout, avec de vraies roulures, avec des vieilles gardes !

(Jean Richepin, La Glu)

L’allée de droite était appelée : l’Allée du Commerce, celle de gauche, à peine éclairée à cause de la galerie qui surplombait, avait été baptisée : Allée de la Grande Armée ; cette dénomination était admirablement justifiée ; tout ce que Paris comptait de vieilles gardes s’y rencontraient chaque soir. Rien n’était plus horrible à voir que cet assemblage de ruines, paraissant encore quelque chose grâce à des artifices de tous genres, vêtues comme si elles avaient vingt ans, maquillées d’une façon épouvantable, se tenant à peine sur leurs vieilles jambes, souriantes malgré cela, agaçant les jeunes gens. Ah ! c’étaient de rudes travailleuses ! Mais quelle devait être la désillusion des malheureux qui se laissaient entraîner par elles quand ils s éveillaient le lendemain : ils s’étaient couchés avec une jeune fille, ils se réveillaient avec une grand’mère, plus horrible cent fois que la plus horrible des sorcières.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Vieille médaille

Delvau, 1866 : s. f. Vieille femme usée par le frottement de la vie. Argot des faubouriens.

Vieille moustache

France, 1907 : Vieux soldat.

Je me rappelle notre arrivée au quartier. Le major, une vieille moustache grise, nous rassembla et, du milieu du cercle que nous formions, félicita le détachement de sa tenue pendant le voyage : « Ni pochards, ni mauvaises têtes, c’est pas de la blague (sic) ; il y a longtemps que je n’avais vu cela ! Je suis satisfait de vous. »
L’excellent homme qui haranguait ainsi des réservistes eût fait d’eux ce qu’il aurait voulu. Il n’y avait qu’à les regarder pour s’en convaincre.

Vieille mule, frein doré (à)

France, 1907 : Il faut parer une marchandise de rebut pour s’en défaire.

Vieille peau

Virmaître, 1894 : Expression méprisante employée dans le peuple, même vis-à-vis d’une personne jeune. On dit d’un vieillard qui se donne des allures juvéniles :
— C’est un jeune homme dans une vieille peau.
Vieille peau
signifie aussi : vieille putain (Argot du peuple).

France, 1907 : Vieille putain ; expression populaire.

Parmi les ouailles les plus ferventes, se faisait remarquer une ancienne rôtisseuse de balai, qui, après avoir fait les quatre cents coups, s’était retirée du monde de la noce en voyant fuir les amoureux, et, comme toutes les vieilles peaux, se jetait dans les bras du bon Dieu.

(Hector France)

Vieille roche

France, 1907 : Vieille noblesse.

On voit des marquis d’la vieill’ roche
Qui n’ont plus un sou dans leur poche…
On voit des filous, bons apôtres,
Qui s’engraiss’nt aux dépens des autres…
On voit des pickpockets habiles
Qui dévalis’nt les imbéciles…
Et parmi ces escrocs d’la gomme
On voit quèqu’fois un honnête homme,
Sur l’Boul’vard.

(Aristide Bruant)

Vieillerie

d’Hautel, 1808 : Pour dire des guenilles ; des idées usées et rebattues, des lieux communs.

Vieilles (foire aux)

France, 1907 : Nom donné aux environs de La Châtre à certaines foires qui ont lieu pendant le carême ; on les appelle aussi foires maigres. Les foires grasses dans les mêmes localités sont celles où l’on vend du bétail gras, et les foires aux femmes grosses, celles où il vient peu de monde, où les femmes enceintes peuvent circuler librement sans crainte des heurts.

Vieillesse

d’Hautel, 1808 : Ce sera mon bâton de vieillesse. C’est-à-dire, c’est lui qui me soutiendra dans ma vieillesse, qui me consolera dans mes afflictions, qui me soulagera dans mes infirmités.

Vieillesse qui dort, jeunesse qui veille, signe de mort

France, 1907 : Vieux dicton qui s’explique de lui-même.

Vieillisseur

France, 1907 : Marchand ou ouvrier qui donne aux meubles neufs un aspect de vétusté ; qui vend ou fabrique du faux vieux.

Vieillisseuse

Fustier, 1889 : « J’ai fait la connaissance d’une vieille femme qui exerce aujourd’hui la profession de vieillisseuse… nos boulevards, vous le savez, sont sillonnés de petites marchandes d’amour que leur extrême jeunesse expose souvent aux indiscrétions de la police… A l’aide de certains onguents, elle (la vieillisseuse) parvient à donner aux traits trop tendres des gamines l’expression d’un visage de 18 à 25 ans. »

(Figaro)

France, 1907 : Proxénète qui attire et maquille les jeunes filles mineures de façon à les faire paraître majeures, à cause non des clients, mais de la police.

— Tante Pascaline a pris la suite des affaires et les recettes d’une vieille amie à elle qui lui voulait du bien. Elle est vieillisseuse. Ça ne vous dit rien, cette profession-là ? Je vais vous l’expliquer… Grâce à elle, à ses drogues, à ses maquillages, les petites précoces et vicieuses, les premières communiantes d’amour que les vieux prudents renvoient si souvent à l’école, peuvent tenter le coup, se lancer, trouver chaussure à leur pied… Elle les métamorphose en un mois, éteint le rose trop violent de leurs joues, cerne leurs yeux, leur donne une apparence de lassitude, pétrit si bien leurs doux visages de fillettes qu’on leur donnerait au moins dix-sept ans… Et les libertins qu’affriande a chair à peine nubile, mais qui redoutent comme la peste les chantages, les descentes de police, les surprises, les toiles d’araignées d’où l’on ne sait comment s’évader, s’y laissent piper, se figurent que ces bouquetières qui leur épinglent un œillet à la boutonnière en se haussant sur la pointe des bottines, que ces faux trottins dont ils emboitent le pas dans les rues désertes, le soir, et dans les passages lointains ; que ces primeurs que leur vendent les proxénètes ont presque l’âge réglementaire, ne sauraient leur attirer aucun désagrément.
— Et cela lui rapporte, ce métier bizarre ?
— Dans les quinze mille par an…

(Champaubert)

Vieillot

France, 1907 : Fauteuil ; argot faubourien. C’est le siège ordinaire des vieillards.

Vielle

d’Hautel, 1808 : Long comme une vielle. Pour lambin, longis, traînard, paresseux, musard, homme excessivement nonchalant.

Vielle (long comme une)

France, 1907 : Se dit dans les campagnes du Centre d’une personne lente, qui n’en finit pas de faire quelque chose, qui est toujours en retard. Allusion aux sons trainants de la vielle, surtout dans les préludes du musicien attendant que les danseurs soient tous en place, ou bien lorsqu’il ralentit malicieusement son rythme pour les inviter à s’embrasser à un signal donné par l’instrument.

Viellot, vieillotte

d’Hautel, 1808 : Cet adjectif est plus usité au féminin qu’au masculin ; il se dit particulièrement d’une femme petite et ramassée, dont les traits annoncent la vieillesse et un âge avancé.

Vierge

Delvau, 1864 : Fille qui n’est pas encore devenue femme, c’est à-dire dont le vagin n’a pas encore été habité par un membre viril, — mais dont l’imagination a été hantée par mille visions lubriques.

Non, je n’appelle pas vierge une jeune fille
Qui donne des cheveux à son petit cousin,
Ou qui, chaque matin, se rencontre et babille
Avec un écolier dans le fond du jardin.

(Alph. Karr)

Je veux mourir, si je me souviens d’avoir jamais été vierge ! dit Quartilla à Encolpe, — et beaucoup de femmes pourraient en dire autant.

Vierge (demi-)

France, 1907 : Jeune personne à qui rien de l’amour n’est étranger, excepté le ça de la complaisante petite bourgeoise de Pot-bouille.

Le journalisme est, bien plus que le roman, le grand lanceur des néologismes. Si Alphonse Daudet a fait la fortune du vocable estradiers (pour ne citer que celui-là) qui rend bien l’idée de politiciens pérorant sur une estrade ; si, en une satire retentissante, son fils Léon a fait adopter le sobriquet cruel de morticoles appliqué aux médecins ; si un livre de M. Marcel Prévost a doté la langue de l’appellation demi-vierges ; si dix ou vingt autres mots ont de même leur date de naissance inscrite sur la couverture de quelque volume très lu, c’est par centaines que se chiffrent les locutions nouvelles nées des fantaisies de la chronique.

(Pontarmé)

Un autre, avant Marcel Prévost, employa cette expression ou du moins son synonyme.

C’était un amant évincé de la Clairon, Gérard de la Bataille, qui écrivit contre la célèbre actrice un libelle ayant pour titre : « Frétillon, ou Mémoires de Mlle Cronel » — 1740 — dans lequel nous relevons cette phrase : « Je n’étais pas moins malgré cela proposée comme exemple à mes compagnes : Une actrice est une demi-vestale quand elle n’a qu’un adorateur. »

Citons maintenant l’auteur de ce néologisme.

Chacun a reconnu l’existence de la demi-vierge. La demi-vierge existe dans le monde aristocratique comme dans celui de la haute bourgeoisie, qui, d’ailleurs, fréquente à peu près les mêmes salons, comme aussi dans celui des fonctionnaires ; elle existe en province comme à Paris. À ceux qui contestent la vérité de mes observations, je dirai que j’ai longtemps vécu en province, et que j’ai vu de très près le monde des fonctionnaires et de la haute bourgeoisie.
La demi-vierge, en effet, devient chaque jour plus nombreuse, parce qu’elle est du genre contagieux : telles sont contagieuses les mauvaises habitudes chez les collégiens. Il suffit d’une demi-vierge pour contaminer toute une ville. La demi-vierge gagne du terrain absolument comme le phylloxera apparaissant dans un vignoble a vite fait de tout détruire en peu de temps.

(Marcel Prévost)

Vierge (fuseau de la)

France, 1907 : Bélemnite ; expression du Centre. Allusion à la forme allongée de cette coquille fossile.

Vierge de comptoir

Delvau, 1866 : s. f. Demoiselle de caboulot, — dans l’argot ironique du peuple, qui ne se doute pas qu’il a emprunté ce mot à John Bull : Bar-maids, disent les Anglais à propos des mêmes Hébés.

Vierge fait la lessive (la)

France, 1907 : Dicton angevin employé quand il pleut et qu’en même temps le soleil brille ; il répond à celui-ci : Le diable bat sa femme. Dans le Nord on dit : Kermesse en enfer.

Vierge Marie se montre aux fous (la)

France, 1907 : Vieux dicton du XVIe siècle dont devraient se souvenir les pèlerins de Notre-Dame de la Salette et ceux de Lourdes, si jamais idiots avaient de la mémoire.

Vieux

d’Hautel, 1808 : C’est un jeune homme avec un vieux visage. Se dit par moquerie pour faire entendre qu’un homme est plus âgé qu’il ne veut le paroître.
J’en suis las comme d’une vieille morue. Voy. Morue.
Se faire vieux. Parvenir à un âge avancé, vieillir.
Vieux comme Hérode, comme les rues. C’est-à-dire connu depuis nombre de siècles, depuis temps immémorial. Se dit aussi pour se railler d’un homme très-avancé en âge.
C’est de la vieille drogue ; de la vieille mercerie. Se dit pour abaisser la valeur de quelque chose.
Des contes de vieilles. C’est-à-dire des récits qui ne méritent aucune croyance.
C’est du vieux jeu. Pour ces contes, ces tours sont connus, on n’y croit plus, on ne s’y laisse plus attraper.

Delvau, 1866 : s. m. Amant en cheveux blancs ou gris, et même sans cheveux, — dans l’argot des petites dames. Avoir son vieux. Être entretenue.

Rigaud, 1881 : Amant sérieux, à lunettes, ventru, riche, et frisant la cinquantaine.

Rigaud, 1881 : Père, — dans le jargon des ouvriers. — Le vieux se décatit joliment.

Vieux ! (c’est)

Merlin, 1888 : Réponse à celui qui cherche à vous monter le coup, et qui peut se traduire de cette façon : À d’autres ! je la connais ! Elle est verte signifie encore : c’est raide, épatant, incroyable.

Vieux (se faire)

Delvau, 1866 : S’ennuyer, attendre plus qu’il ne faudrait ; rester longtemps quelque part. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Attendre quelqu’un avec impatience ; se tourmenter. Les variantes sont : Se faire viocque, se faire antique.

C’est rasant… C’est que je me fais vieux.

(La Vie moderne, 2 août 1879)

Merlin, 1888 : S’ennuyer, trouver le temps long.

La Rue, 1894 : Se tourmenter, s’ennuyer.

Vieux beau

France, 1907 : Galantin.

Cette révolte contre la nature, les hommes ne sont pas seuls à la connaitre. Les femmes en éprouvent aussi la désespérance, plus profonde encore que celle des hommes qui, en somme, prolongent plus aisément l’âge d’aimer. Quand je vois passer les vieux beaux, soupçonnant la ceinture hygiénique sur leur ventre rebelle, redressant leur taille, portant une main inquiète sur la barbe noircie ; et aussi quand je vois défiler celles qui furent belles, les cheveux teints, la joue fardée, la gorge s’évadant de la prison insuffisante du corset, une grande pitié me prend.

(Colomba, Écho de Paris)

Vieux cabas

France, 1907 : Vieille femme avare.

Vieux chien

France, 1907 : Il n’est chasse que de vieux chiens.

Vieux comme Hérode

France, 1907 : C’est Hérodote qu’il faudrait dire. Vieux comme Hérode n’a aucun sens. On disait autrefois vieux comme Hérodote par allusion aux radotages de cet historien fort crédule et grand ami du merveilleux.
On dit aussi : vieux comme le Pont-Neuf, allusion à l’ancienneté de ce pout, Le plus vieux de Paris. En Normandie : Vieux comme le pont de Rouen, à cause de l’ancien pont de pierre construit au XIIe siècle par Mathilde, veuve d’Henri V, empereur d’Allemagne, et remariée au comte d’Anjou Geoffroy Plantagenet. Les ruines de ce pont se voyaient encore il y a quelques années au-dessus des basses eaux ; vieux comme les rues ou comme Mathieu-Salé, pour Mathusalem, qui, selon le roman biblique, vécut mille ans !

Vieux comme les rues

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement vieux. On dit aussi Vieux comme Mathieu-salé, — par corruption de Mathusalem, un patriarche.

Vieux de la vieille

France, 1907 : Les anciens de la vieille garde. Types depuis longtemps disparus et qui n’existent plus, écrivait déjà, en 1840, Émile Marco de Saint-Hilaire, que dans les dessins de Charlet, les tableaux de Bellangé et les vignettes de Raffet.

Les vieux de la vieille ! les soldats du grand empereur !… Ils étaient si superbes, ces Diomède et ces Idoménée de l’Iliade moderne, que tous ceux qui en ont parlé, qui les ont réunis d’après nature, en ont reçu comme un coup de génie, comme un souffle d’épopée. Voyez plutôt, dans le seul Balzac, toutes ces belles figures militaires : Hulot, devenu sourd à force d’entendre le canon. Chabert le spectre, montrant la cicatrice de son crâne, et ce formidable truand de Philippe Bridau, avec son regard bleu d’acier « qui plombe les imbéciles. »

(François Coppée)

Vieux jeu

Delvau, 1866 : s. m. Méthode classique, procédé d’autrefois pour faire des chansons, des vaudevilles, des romans. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Vieille façon, vieille manière d’agir ou de penser ; terme populaire.

C’était un notaire de la vieille école, un notaire vieux jeu, fier de ses panonceaux, d’une probité qu’aucun soupçon n’avait jamais effleurée, de la délicatesse la plus scrupuleuse, d’une exquise courtoisie, et non moins renommé pour sa prudence, son tact et ses sages conseils.

(Albert Cim, Jeunes amours)

Dans la rue ne jamais offrir le bras ; on aurait l’air vieux jeu, rococo, 1830, si l’on agissait autrement. Il faut avouer, du reste, qu’avec les préoccupations des relevages de traîne, avec les embarras du manchon, du parapluie ou de l’ombrelle, la nouvelle habitude est infiniment plus pratique pour les dames.

(H. Barthélémy, La Vie élégante)

Vieux marcheur

France, 1907 : Vieux débauché, homme mûr qui court après les jupes courtes.

Les Roméos de notre temps ne sont pas trop aimants. On cite de quelques-uns des traits affreux, des mots épouvantables. « J’aime mieux les femmes que je paie, disait l’un d’eux, fier de son imbécile cynisme : ça vous dispense des égards. » Le vieux marcheur, au contraire, ne se dispensera pas des égards, où il met ses joies, même envers la femme qu’il paie. Les femmes savent très bien ces choses, beaucoup, assez vite, arrivent à estimer que, comme il est rare qu’on puisse tout avoir en ce monde, ce qui est doux et durable vaut encore mieux que ce qui est violent et passager. Et c’est ainsi que, très enviable parfois, le vieux marcheur peut encore cueillir une rose dans le jardin où l’inattentive jeunesse passe trop vite, dévastatrice, parfois, comme Attila, mais ignorant la douce et forte joie des amours qui sont faites, un peu mélancoliques, mais exquises, de la dernière tendresse guérissant ou faisant oublier les blessures de la vie.

(Colomba)

Vieux meuble

Delvau, 1866 : s. m. Vieillard, personne impotente, bonne à mettre au rancart de la vie.

France, 1907 : Vieillard impotent.

Vieux monsieur (le)

Delvau, 1864 : L’homme qui entretient une femme, pour le distinguer du jeune — ou des jeunes — qu’elle entretient elle-même.

C’était par un temps pluvieux,
Nos bell’s n’avaient pas leurs vieux.

(A. Watripon)

Celle-là, sur un lit nonchalamment couchée,
Par un vieux cupidon était gamahuchée.

(L. Protat)

À son âge, on n’a plus d’amour…
— Oui mais on a plus d’un caprice.
Quand mon fils est par trop méchant,
Tu sais comment je le corrige,
— Eh ! mais c’est ainsi, justement
Que j’entretiens le sentiment
De ce vieux monsieur qui m’oblige.

(Chanson anonyme moderne)

Toinette, fraîche dondon,
Chantait ainsi son martyre,
Pensant à son vieux satyre…
Tout en plumant un dindon.

(J. Poincloud)

Vieux plumeau

France, 1907 : Viel imbécile ; argot populaire.

Ell’ dit : Il ne sent pas bon !
— Pas bon ?… Espèce de vieille cruche !
Dit la marchand’, vieux plumeau !
T’en mang’rais plus que d’merluche !…
Va donc, eh ! fourneau !

(A. Queyreaux)

Vieux pompon

France, 1907 : Même sens que vieux plumeau.

Vieux style

Delvau, 1866 : s. m. Se dit de toute chose démodée, de tout procédé tombé en désuétude, de toute idée arriérée, etc.

Vieux tison

Delvau, 1866 : s. m. Galantin, vieillard amoureux.

France, 1907 : Vieillard amoureux.

Vieux-aux-trottins

France, 1907 : Vieillard qui suit les fillettes.

Échelonnés par deux, par trois, par quatre à droite et à gauche de la rue bruyante, sous les larges portes cochères, devant les magasins, à côté des kiosques, aux abords de la place où si haute, entourée d’hôtels muets, s’élance la Colonne, telle en l’obscurité qu’une étrange borne phallique dominant les luxures déchainées, les vieux-aux-trottins passent et repassent, attendant celles qui ont tiré l’aiguille tout le jour dans les ateliers empuantis.

(René Maizeroy)

Vieux-bahut

France, 1907 : Nom donné par les saint-cyriens à l’École spéciale militaire, et au Prytanée par les élèves de l’École de la Flèche.

Nous retrouvons les camarades du Vieux-Bahut dans un de ces diners joyeux où les rires sonnent des fanfares, où les verres se choquent, où l’on croit encore avoir vingt ans et son premier galon, où l’on se reconnait si vite malgré les jours enfuis, où l’on évoque tant de souvenirs demeurés intacts au fond du cœur.

(René Maizeroy)

J’ai gardé bien des souvenirs du Vieux Bahut de la Flèche, quelques-uns agréables, un plus grand nombre mêlés d’amertume et d’étonnement sur la singulière façon dont on comprenait l’éducation de la jeunesse militaire.

(Hector France, Souvenirs du Bahut)

Vif

d’Hautel, 1808 : Un portrait tiré au vif. Pour dire d’une ressemblance parfaite, fait d’après nature.

Vif (faire le)

France, 1907 : Se dit des ouvrières en plumes qui maquillent les têtes et les ailes d’oiseaux.

S’il est un turbin où les femmes sont salement exploitées, c’est sûrement dans les fleurs et les plumes.
Les boîtes où se fignolent les panaches que les catins de la haute se collent sur la tronche sont d’infects foyers de mort. Les pauvrettes qui, pendant dix heures consécutives, turbinent dans ces ateliers respirent la poison à pleins poumons ; les plus à plaindre sont celles qui font ce qu’on appelle le vif, c’est-à-dire celles qui maquillent des ailes ou des têtes d’oiseaux, car des restants de peau y adhérent encore et ça emboucane salement.

(Le Père Peinard)

Vif-argent

d’Hautel, 1808 : Il a du vif-argent dans les pieds. Se dit en plaisantant d’un homme turbulent, qui ne peut rester en place.

Rigaud, 1881 : Argent comptant, — dans le jargon des voleurs. Au XVIe siècle, solder argent vif, voulait dire payer comptant. (Bovillè)

France, 1907 : Argent payé comptant ; argot des voleurs.

Vigie

Vidocq, 1837 : Les conducteurs de diligences ou de voitures publiques ne sauraient exercer une trop grande surveillance lorsqu’ils auront sur l’impériale de leur voiture des sacs d’argent et en même temps des voyageurs ; car les individus qui, par goût ou par raison d’économie, veulent toujours y être placés, sont très souvent des voleurs à la Vigie, qui ne laissent pas échapper, si elle se présente, l’occasion de s’emparer des objets ou du numéraire placés près d’eux.
Voici comment procèdent ordinairement les voleurs à la Vigie :
L’un d’eux retient une place sur la voiture qu’il veut débarrasser d’une partie de son chargement, et un complice qui sait à quel endroit et quel moment il exploitera, se rendra à l’avance au lieu convenu, et lorsque la voiture y arrive à son tour, il attend pour se mettre à son poste que la Vigie lui ait fait un signal ; si les voleurs désirent s’emparer d’un sac d’argent, celui d’entre eux qui est placé sur l’impériale de la voiture attache le sac, le laisse couler jusqu’à terre, puis il lâche la corde ; si au contraire ils ont jeté leur dévolu sur des valises ou des petits paquets, il les jette tout simplement sur la route, le complice les ramasse, et tout est dit.
Deux vols à la Vigie viennent d’être commis aux environs de Paris.
Les vols à la Vigie ont été inventés, dit-on, par le nommé Salvador, célèbre voleur du Midi, guillotiné au bagne pour avoir blessé un argousin.

Vigie (vol à la)

France, 1907 : Vol de bagages sur les voitures ; argot des voleurs.

Vignard (feuille-de-)

France, 1907 : Pudibond grotesque à l’instar de ce duc de La Rochefoucauld, qui fit couvrir de feuilles de vigne en plâtre la nudité des statues des jardins publics.

Mais laissons les feuille-de-vignards hurler contre la dépravation, réclamer à outrance la moralisation de Paris, ce qui, à mon sens, n’est pas du tout l’affaire de la police, et demandons que ceux qui en ont le pouvoir tâchent de trouver quelque chose en rapport avec le respect de la liberté individuelle, qui est la base de notre société moderne, pour remplacer ces ordonnances de police, ces arrêtés municipaux, enfin tout ce fatras de règlements plus ou moins arbitraires, et dont le fond est à peu près demeuré intact depuis le règne de saint Louis !

(Goron, Le Journal)

Vigne

d’Hautel, 1808 : Quand nous serons morts, fera les vignes qui pourra. Pour dire qu’on se met peu en peine de ce qui se fera quand on ne sera plus.
On dit aussi d’un homme qui est ivre, et qui déraisonne : il est dans les vignes du seigneur.

Delvau, 1864 : Une femme que l’on peut planter, cultiver, pour y grappiller tout à son aise, avec les mains — et la queue.

Et dans la vigne du seigneur
Travaillant ainsi qu’on peut croire.

(La Fontaine)

Vigne (vendre sa)

France, 1907 : Marier sa fille.

Il est arrivé que des paysans, lorsqu’ils avaient une fille à marier, se sont fait payer du vin, pendant des années entières, par les amoureux avant de donner leur consentement. Quelques-uns savent prolonger ce temps d’épreuve avec beaucoup d’art. Or, la fille une fois mariée, adieu les longues séances du cabaret. C’est pourquoi, lorsqu’on parle d’un homme qui a marié sa fille, on dit : Un tel a vendu sa vigne.

(Comte Jaubert, Gloss. du Centre)

Vigne à mon oncle (c’est la)

France, 1907 : Réponse ironique à ceux qui donnent une mauvaise excuse, comme les enfants que l’on surprend, au temps des vendanges, revenant avec des raisins volés et qui disent qu’ils les ont pris dans la vigne à leur oncle.

Vigne de l’abbé (avoir la)

France, 1907 : Passer dans un accord parfait la première année de mariage. Cette locution tombée en désuétude était fort usitée jadis, M. Quitard la fait remonter à une vieille histoire d’après laquelle un abbé aurait promis une belle vigne au couple qui prouverait que nul nuage n’est venu assombrir les joues des douze premiers mois des noces. C’est aller chercher bien loin une explication fort simple. On sait quelle vie licencieuse menaient les abbés et de quelle nature était leur vigne produisant ce vin qui, suivant une expression biblique, fait germer les vierges. Avoir la vigne de l’abbé, c’était pour un homme posséder les qualités propres à satisfaire l’épouse la plus exigeante et l’empêcher ainsi de songer à chercher des distractions près du voisin.

Vigne de la Courtille

France, 1907 : Belle montre et peu de rapport ; chose qui a de l’apparente et nulle valeur. Ce dicton se rapporte à l’époque où les coteaux de la Courtille étaient couverts de belles vignes ne produisant que de mauvais vin.

Vignes (être dans les vignes du seigneur)

Virmaître, 1894 : Être pochard. Dans le peuple, on dit d’un homme qui est toujours entre deux vins :
— Il ne peut plus boire ; il est saoul avec un pet de vigneron.
L’expression : être dans les vignes, est très vieille et usitée en Bourgogne (Argot du peuple).

Vignes (être dans les)

Larchey, 1865 : « On dit d’un homme ivre : Il est dans les vignes du Seigneur. »

(1808, d’Hautel)

C’est pas être un homme que d’être toujours dans les vignes.

(Balzac)

Vignes (mariages de Jean des)

France, 1907 : Conjonction matrimoniale où n’ont passé ni le maire ni le curé. Allusion aux accouplements qui se font au temps des vendanges entre gens des vignes dont Jean des vignes est une altération. On dit mariage de Jean des vignes, tant tenu, tant payé.

Vignes du seigneur

France, 1907 : Ivresse. Être dans les vignes du Seigneur, être ivre.

Puis lorsque dame Automne,
Sereine, arrive enfin,
Assis sur une tonne,
Il fête le dieu : Vin.
Et dans des airs très dignes
Il trouve, le bon sieur,
Que les meilleures vignes
Sont celles du Seigneur.

(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)

Vignette

Rigaud, 1881 : Figure, — dans le jargon des typographes. — Piger la vignette, être distrait, regarder voler les mouches au lieu de travailler.

Boutmy, 1883 : s. f. Visage. Piger la vignette, Regarder. V. Piger.

France, 1907 : Visage ; argot du typographe. Piger la vignette, regarder. Piquer la vignette, être distrait.

Vigneture

France, 1907 : Ornement de feuilles de vigne qui couvrait les bords des miniatures qu’on appelait vignetées, d’où nous avons fait le mot vignette en l’appliquant différemment.

Vigoter

France, 1907 : Vivre ; argot des voleurs.

— J’veux bien… mais je ne sais pas goupiner, moi !
— Tu vigoteras avec mezigo… ne te martèle pas la labochèquem (ne te casse pas la tête), tu t’y mettras comme les poteaux…
— Apprends-moi, La Gaule, je t’esgourde.

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Vigousse

Fustier, 1889 : Vigueur, entrain.

Ça ne va pas, mais ça ne va pas du tout aujourd’hui… pour amour de Dieu, Mesdames et Messieurs, un peu de vigousse, donc !…

(De Goncourt, La Faustin)

La Rue, 1894 : Vigueur, entrain.

France, 1907 : Vigueur, vivacité ; argot faubourien.

Viking

France, 1907 : Pirate, corsaire ; mot anglais.

Tous les dimanches, Paparel traitait ses fils, ses brus, ses petits-enfants, ses frères, ses cousins, ses amis et les amis de ses amis. C’était sa faiblesse, ce goût des tables ouvertes, où les Normands engloutissent des fortunes. Sobre lui-même, jusqu’à la rusticité, il aimait à s’asseoir devant la blancheur des nappes chargées de viandes, de carafes et de fruits, dans la gaité de ses parents et de ses connaissances. Ainsi faisaient les vieux vikings au retour des barques.

(Hugues Le Roux)

Vilain

d’Hautel, 1808 : Il n’est chère que de vilain. Signifie que quand un avare se met en dépense de traiter quelqu’un, il le fait souvent avec une grande profusion.

d’Hautel, 1808 : Vilain comme lard jaune. Lâdre, intéressé à l’excès, d’une avarice sordide.
Content comme un vilain. Voyez Content.
À vilain, vilain et demi. Imitation du proverbe, à trompeur, trompeur et demi, pour dire qu’il faut être lâdre avec ceux qui le sont.
Un vilain rhume. Pour dire un gros rhume, un rhume dangereux.
Une vilaine. Pour, dire une courtisane, une femme de mauvaise vie, une prostituée.

Vilain (oignez), il vous poindra

France, 1907 : Rendez service à un rustre, il vous paiera d’ingratitude. Il est quantité de vieux dictons contre les vilains, c’est-à-dire les natures grossières, ingrates et incultes, car c’est l’éducation qui atténue les défauts naturels de l’homme. Tous les peuples s’accordent sur ce point qu’obliger de méchantes gens, c’est s’en faire des ennemis. Outre le vieux dicton de nos pères :

Oignez vilain, il vous poindra,
Poignez vilain, il vous oindra.

en voici d’autres exprimant la même pensée :

Graissez les bottes d’un vilain, il dira qu’on les lui brûle.
Ôtez un vilain du gibet, il vous y mettra.
Dépends le pendart, il te pendra.
  En obligeant un vilain,
  On ne recueille que chagrin

car, oncques vilain n’aima noble homme, c’est-à-dire les natures basses haïssent les nobles et les généreuses.
Citons un dicton anglais qui fait pendant aux nôtres :

Save a thief from the gallows, and he will be the first to cut your throat.
(Sauve un voleur de la potence at il sera le premier à te couper la gorge.)

Vilain merle

Virmaître, 1894 : Homme laid.
— Tu vas te marier avec ce vilain merle-là ; tu pourras chanter au roi des oiseaux : tu auras un beau merle au cul.
Vilain merle :
méchant homme, bilieux, fielleux, qui veut du mal à tout le monde (Argot du peuple).

Vilainement

d’Hautel, 1808 : Pour beaucoup, en quantité. Le peuple se sert fréquemment de cet adverbe par exagération, pour donner plus de poids à son discours.

Vilains de Beauvaisis

France, 1907 : C’est le nom que l’on donna d’abord aux jacques, car c’est en Beauvaisis que commença la Jacquerie, après la bataille de Poitiers. Tous les châteaux des rives de l’Oise furent mis au pillage, puis incendiés. Ce fut un des plus effroyables drames de l’histoire de France. Les Jacques n’épargnaient ni l’âge ni le sexe, torturant les prisonniers avant de les mettre à mort, violant les filles et les femmes, brûlant jusqu’aux petits enfants, ne laissant sur leur passage que cendres et ruines. Dans la Champagne et la Picardie, ils étaient plus de cent mille. Les nobles, un instant surpris, s’assemblèrent et, usant de représailles, commencèrent une guerre atroce, sans merci. En quelques semaines, les Jacques, traqués, furent tous massacrés. Le lugubre souvenir de ces abominations a traversé les siècles, et le nom de vilains de Beauvaisis fut longtemps une grave injure. Un poète du XIVe siècle, Eustache Deschamps, bailli de Senlis, a conservé le souvenir de cette guerre dans ses poésies historiques.

Vilebrequin

d’Hautel, 1808 : Outil qui sert à percer le bois : on dit vulgairement Virebrequin.

Vilipender

d’Hautel, 1808 : Dénigrer, décrier quelqu’un, ternir sa réputation, le diffamer dans le monde.

Ville

d’Hautel, 1808 : La ville est bonne. Se dit quand on a à traiter une personne inattendue ; pour faire entendre que l’on trouve facilement ce que l’on désire dans la ville ; que sa venue ne cause aucun dérangement dans la maison.

Ville aux bêtes

France, 1907 : Sobriquet donné à la Ferté-Gaucher.

Villois

Vidocq, 1837 : s. m. — Village.

Larchey, 1865 : Village (Vidocq). — vieux mot. V. Rebâtir.

Delvau, 1866 : s. m. Village, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Village ; argot des voleurs.

Si j’venais de faire un gerbement et que j’en aye de la surbine, on m’enverrait dans un trou de vergne ou dans un villois de la jargole.

(Mémoires de Vidocq)

Villois (un)

M.D., 1844 : Un village.

Villon

France, 1907 : Voleur ; vieux français.

Vilon

Halbert, 1849 : Poète de prison.

Vilquets

La Rue, 1894 : Rideaux.

France, 1907 : Rideaux ; argot des voleurs.

Viltouze (la)

Hayard, 1907 : La Villette.

Vin

d’Hautel, 1808 : Du vin de Brignolet. Pour dire de fort mauvais petit vin.
Être entre deux vins. Être à moitié gris, sans cependant perdre tout-à-fait l’usage de la raison.
Faire du vin de Nazareth. Signifie rendre le vin par le nez ; ce qui se fait quand on avale de travers, ou que l’on rit en buvant.

Vin (demi-)

France, 1907 : « Boisson que l’on obtient en mettant une quantité déterminée d’eau sur la grappe d’une cuvée dont on vient de tirer le vin, et en la laissant pendant quelques jours se saturer des principes vineux que peut encore contenir la râpe (marc de raisin), à la différence du rapé, que l’on remplit d’eau nouvelle à mesure qu’on en boit. On appelle aussi demi-vin le vin que le consommateur a volontairement mélangé de moitié d’eau. »

(Comte Jaubert)

Voici sur le vin diverses expressions proverbiales tirées d’anciens documents d’archives, ayant cours en Bourgogne, où l’on désignait le vin suivant la diversité des effets qu’il produit :

Vin d’âne qui rend la personne assoupie avant d’avoir trop bu.
Vin de cerf, qui fait pleurer.
Vin de lion, qui rend furieux et querelleur.
Vin de pie, qui fait bavarder.
Vin de porc, qui fait rendre gorge.
Vin de renard, qui rend subtil et malicieux.
Vin de singe, qui fuit sauter et rire.
Vin de Nazareth, qui passe à travers du nez.
Vin de mouton, qui rend doux et soumis.

Vin (mettre de l’eau dans son)

France, 1907 : S’amender, se ranger, s’assagir.

Après avoir bien fait la guerre,
Remué le ciel et la terre,
Et fait tous ses efforts en vain,
Mettant de l’eau dedans son vin ;
De ces peuples qu’elle tourmente,
Elle se dira la servante,
D’elle chéris autant et plus
Qu’ils auront été mal voulus.

(Scarron, Virgile travesti)

Vin à deux oreilles

France, 1907 : Mauvais vin, appelé ainsi parce qu’après l’avoir bu on hoche la tête, et par conséquent les oreilles. Expression du Centre.

Vin à faire danser des chèvres

France, 1907 : Mauvais vin très aigre. Cette expression vient d’un proverbe rimé du XVIIe siècle :

Vin qui est de Bretigny,
De Villejuif ou de Gagny,
Propre à faire les chèvres danser,
Ou en Caresme pain saulcer.

L’abbé Tuet, dans ses Matinées sénonaises, explique ainsi le proverbe du vin de Bretigny qui fait danser les chèvres : « il y avoit à Bretigny, près Paris, un particulier nommé Chèvre, c’étoit le coq du village, et une grande partie du vignoble lui appartenoit. Ce bonhomme ne haïssoit point le jus de la treille, et quand il avoit bu, sa folie étoit de faire danser sa femme et ses enfans. »
Voilà comment le vin de Bretigny faisait danser les Chèvres.

Vin blanc (marchand de)

Rigaud, 1881 : Moutard dont la culotte laisse passer par derrière un pan plus ou moins long de chemise plus ou moins blanche. — D’un moutard ainsi accoutré, l’on dit « qu’il vend du vin blanc. »

Vin chrétien

Delvau, 1866 : s. m. Vin coupé de beaucoup trop d’eau. — dans l’argot du peuple, assez païen pour vouloir boire du vin pur.

Vin d’une oreille

Delvau, 1866 : s. m. Bon vin. Vin de deux oreilles. Mauvais vin.

Vin de garde

France, 1907 : Vin qu’on est obligé de garder, parce qu’il est trop mauvais pour qu’on puisse le vendre ; expression du Centre.

Vin de la vierge

France, 1907 : Lait.

Vin de lune

France, 1907 : Vin provenant de raisins volés la nuit au clair de lune ; expression du Centre.

Vinaigre

d’Hautel, 1808 : Sûre comme du vinaigre. Pour dire très-acide, très-âpre, très-dur.
Ce n’est pas aussi sûr que du vinaigre. Quolibet populaire, pour dire qu’une chose n’est pas aussi certaine qu’on le croit.
Donner du vinaigre. C’est une malice que les écoliers se font réciproquement au jeu de la corde, et qui consiste à agiter tout-à-coup fortement la corde, en lui donnant plus de tension, de manière que celui qui saute est obligé de faire de grands efforts pour en suivre tous les mouvemens, à fin de n’en pas recevoir le choc, ou de suspendre la partie.
Habit de vinaigre. Habit trop mince, trop léger pour la saison.

Vinaigre (crier au)

La Rue, 1894 : Crier au secours. Se fâcher.

France, 1907 : Se fâcher, appeler à l’aide.

Vinaigre (du)

France, 1907 : Vite ! Exclamation des petites filles qui sautent à la corde et qui veulent accélérer le mouvement. Grand vinaigre : Grande vitesse.

Vinaigre (du) !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des enfants, garçons et petites filles, lorsqu’ils sautent à la corde, afin d’en accélérer le mouvement. Grand vinaigre ! Le superlatif de la vitesse.

Vinaigre (tourner au)

France, 1907 : Devenir malheureux et, par conséquent, s’aigrir.

Vinaigre des quarante voleurs

Delvau, 1866 : s. m. Acide acétique cristallisé, — dans l’argot des bourgeois. Historiquement, ce devrait être Vinaigre des quatre voleurs.

Vinaigre des quatre négociants

Rigaud, 1881 : Acide acétique. — On disait autrefois, vinaigre des quatre voleurs.

Vinaigrette

Fustier, 1889 : Argot des voyous et des malfaiteurs. La vinaigrette est cette voiture, peinte en vert foncé, que nous avons vu circuler par les rues et qui va prendre dans les différents postes de police, pour les conduire au Dépôt près la Préfecture, les personnes qui, après avoir été arrêtées, sont retenues par le commissaire de police ou le chef de poste.

La Rue, 1894 : Le fourgon cellulaire. Correction vigoureuse.

France, 1907 : Correction.

France, 1907 : Voiture cellulaire, Vois Panier à salade.

Vinaigrette de Lille

France, 1907 : Sorte de véhicule dont on se servait à Lille et dans le nord de la France jusqu’à l’époque de la guerre de 1870 et qui, monté sur roue et trainé par un homme, tenait le juste milieu entre la brouette et la chaise à porteurs. Il y avait aussi des vinaigrettes à deux roues.

Vinasse

Fustier, 1889 : Vin.

Virmaître, 1894 : Mauvais vin fabriqué avec du bois de campêche. Se dit communément quand le marchand de vin a eu la main trop lourde pour mouiller le vin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vin.

Hayard, 1907 : Mauvais vin.

France, 1907 : Mauvais vin.

Si vous voulez m’en croire,
Je fus l’autre matin
À notre Grande Foire
Avec mon tâte-vin,
Pour déguster sur place
— Je m’en fais une loi —
L’exotique vinasse.

(Raoul Ponchon)

Dans cette société nouvelle de révolutionnaires, se reproduisent servilement les vices, les ridicules et les abus de la vieille société. À côté des ouvriers, des producteurs, voici qu’apparaissent tout de suite les parasites, les trafiquants. Un déporté a acheté an mercanti une douzaine de litres de vin qu’il revend au détail par chopine, par demi-setier, additionné d’eau, à ses camarades. Ce fut le premier cabaretier. Son exemple n’a pas manqué d’imitateurs qui bientôt font crédit et débitent la vinasse sur la table de leur bouchon.

(Henry Bauër, Mémoires d’un jeune homme)

Vinée

France, 1907 : Grande absorption de vin, Ivresse. Vieux mot.

En Italie, un carme confessait
Certain fripon qui lui disait,
L’âme aux remords abandonnée :
« Père, en buvant j’ai perdu la raison,
Puis rembourré ma voisine Alison,
Ne sais par où, tant j’avais la vinée. »

(Abbé de Grécourt)

Vinette

France, 1907 : Petit vin clairet.

Un vieux empaqueté comme un oignon en hiver fait boire une fille à l’air ingénu, malgré tout.
— La Mionette, encore un verre.
Elle, de sa bouche sur laquelle l’argot est triste, répond :
Oui, encore, toujours ! P’tète que je te trouverai moins en renardant quand la vinette m’aura enchevêtré la bobine.

(Louise Michel, Le Monde nouveau)

Vingt ronds

Ansiaume, 1821 : Un franc.

J’ai affranchi le vadoult pour vingt ronds.

Vingt-cinq franco-jourien

Delvau, 1866 : s. m. Représentant du peuple, — parce que payé vingt-cinq francs par jour. Le mot date de 1848 et de Théophile Gautier.

Vingt-cinq francs

France, 1907 : Sobriquet que le peuple des faubourgs donnait, sous la République de 1848, aux représentants du peuple à cause des vingt-cinq francs qu’ils touchaient par jour.

Le représentant du peuple Baudin sera inscrit sur la liste glorieuse et trop immense des martyrs de la liberté… Sa mort ne fut pas sans amertume. « Nous ne voulons pas nous sacrifier pour les vingt-cinq francs ! » lui avait dit un ouvrier. Les gagistes du suffrage universel, les vingt-cinq francs ! ainsi nous appelaient follement quelques-uns même de nos propres amis. « Vous allez voir, répliqua Baudin, comment on meurt pour vingt-cinq francs ! » Et lui, précisément, a quitté la vie aux pieds de la constitution, léguant à la postérité son nom avec un mot sublime.

(Victor Schœlcher, Histoire du crime du Deux Décembre)

Vingt-cinq francs par tête (à)

Delvau, 1866 : adv. Extrêmement, remarquablement, — dans l’argot des faubouriens. Rigoler à vingt-cinq francs par tête. S’amuser beaucoup. S’emmerder à vingt-cinq francs par tête. S’ennuyer considérablement.

Vingt-deux

Vidocq, 1837 : s. m. — Couteau. Terme des voleurs flamands et hollandais.

Clémens, 1840 : Épée, couteau.

M.D., 1844 : Un poignard.

un détenu, 1846 : Couteau.

Halbert, 1849 : Un couteau.

Delvau, 1866 : s. m. Poignard, — dans l’argot des voleurs. Jouer du vingt deux, Donner des coups de poignard.

Rigaud, 1881 : Poignard, — dans l’ancien argot.

Merlin, 1888 : Couteau, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Poignard.

Virmaître, 1894 : Couteau. Jouer la vingt-deux, donner des coups de couteau. Vingt-deux : les deux cocottes. Vingt-deux : quand le compagnon placé le plus près de la porte voit entrer le prote dans l’atelier de composition, il crie :
— Vingt-deux ! Synonyme d’attention. Quand c’est le patron, il crie :
— Quarante-quatre ! En raison de l’importance du singe, le chiffre est doublé (Argot d’imprimerie). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Contremaître ; surveillant. Argot des voleurs.

France, 1907 : Couteau. Jouer du vingt-deux, donner des coups de couteau. Argot des rôdeurs ; allusion aux 22 sous, prix du couteau.

Nous avons voulu maquiller à la sorgue chez un orphelin, mais le pantre était chaud ; j’ai vu le moment où il faudrait jouer du vingt-deux et alors il y aurait eu du raisinet.

(Mémoires de Vidocq)

Moi, j’suis gonzesse d’loucherbème,
Un soir qu’à m’f’ra trop lierchème,
J’y fous mon vingt-deux dans la peau.

(Aristide Bruant)

anon., 1907 : Deux agents (cri d’alerte).

Vingt-deux !

Hayard, 1907 : Attention !

France, 1907 : Attention ! Avertissement que crie un ouvrier typographe pour prévenir ses camarades que le prote entre dans l’atelier. Quand c’est le patron, il crie : Quarante-quatre !

Vingt-huit jours

Fustier, 1889 : Soldat faisant la période d’exercice exigée de ceux qui font partie de la réserve de l’armée active, parce que cette période dure vingt-huit jours. On dit aussi réservoir.

France, 1907 : Soldat de réserve appelé ainsi à cause de la période de 28 jours à laquelle il est obligé. Il fera, nous n’en doutons pas, un fort bel effet en campagne, mais il en fait un très vilain en garnison. « Octobre et novembre, dit Auguste Germain, sont deux mois pendant lesquels s’agite le dieu des batailles. En octobre, on voit des gentlemen qui, vêtus de capotes trop petites, coiffés de képis trop larges, déambulent par les rues, avec une allure non dénuée d’un laisser-aller qui rappelle celui des gardes nationaux d’antan ; ce sont les vingt-huit jours. »

Chassé par les sous-officiers, le troupeau de vingt-huit jours remonta la cour du quartier ruisselante de soleil et se vint adosser aux murs des écuries en lignée interminable et bariolée : méli-mélo de toutes les castes et de toutes les armes, salade de jaquettes crasseuses et de blouses pâlies au lavage, faisant ressortir l’azur délicat d’un dolman, l’éclat d’une haute ceinture de spahi égarée là-dedans, sans que l’on sût pourquoi. Ces gens se poussaient du coude, ricanaient, — d’un rire niais de pauvres diables qui font contre fortune bon cœur et affectent de se trouver drôles, — tandis qu’aux fenêtres de la caserne, des centaines d’autres figures riaient aussi, des têtes que coiffaient la tache brune d’un képi ou le gris souris bordé bleu du léger calot d’intérieur.

(Georges Courteline)

Un vingt-huit jours se plaint d’avoir beaucoup trimé, dans la section où il était.
— Qu’est-ce à dire ! gronde le sergent. Peut-être que vous eussiez subséquemment préféré servir dans une autre compagnie ?
— Fectivement, sergent… Comme chasseur, j’aurais préféré une compagnie de perdreaux.

Vingt-trois carats (à)

France, 1907 : Expression qui signifie presque complétement, presque entièrement. L’or à vingt-trois carats est presque complètement pur. Vieille expression.

Chez la devineresse, on courait
Pour se faire annoncer ce que l’on désirait,
Son fait consistait en adresse :
Quelques termes de l’art, beaucoup de hardiesse,
Du hasard quelquefois, tout cela concourait,
Tout cela bien souvent faisait crier miracle.
Enfin, quoique ignorante à vingt-trois carats,
Elle passait pour un oracle.

(La Fontaine)

Vino veritas (in)

France, 1907 : La vérité dans le vin. Ce dicton est vieux comme le monde ou mieux comme le jour où Noé tira le jus divin de la vigne. « Lorsque le vin coule, les paroles nagent », disait Hérodote ; et les Romains : Quod est in corde sobrii est in ore ebrii, ce qui est dans le cœur de l’homme sobre est dans la bouche de l’homme ivre. What soberness conceals, drunkeness reveals, ce que cache la sobriété, l’ivresse le révèle. Conclusion : Ne vous saoulez pas, si vous voulez garder un secret. Mais le point est aux Espagnols : El vino anda sin calças, le vin ne porte pas de pantalon.

Vioc

un détenu, 1846 : Vieux.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux, — dans le même argot [des voleurs].

Rossignol, 1901 : Vieux.

Mon dabe devient vioc, il a près de soixante piges.

France, 1907 : Vieux ; argot des souteneurs et des filles.

Les vioc’, c’est pus à la r’dresse :
Ça connait l’travail à fond.
Envoyez donc à l’adresse
D’un d’mes poteaux qui s’morfond
Un’ marmite (bis),
Un pot quelconqu’ bath ou laid,
Un’ marmite
Qui n’limite
Pas trop l’fricot, si vous plaît.

(Blédort)

On écrit aussi vioque.

Vioc, vioque

Hayard, 1907 : Vieux, vieille.

Vioch

Virmaître, 1894 : Vieillard. Vieux galantin qui se croit toujours jeune, qui se maquille comme une vieille roue de carrosse pour faire croire que le bon Dieu l’a oublié et qu’il n’a pas neigé sur sa chevelure… quand il a des cheveux (Argot des filles). N.

Viochard

Virmaître, 1894 : Fauteuil. Allusion au fauteuil dans lequel s’accroupissent les vieillards devant un bon feu, en attendant que la carline vienne frapper à la porte (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Même sens que vieillot.

Viocque

Vidocq, 1837 : s. m. — Vieux.

Delvau, 1866 : s. f. Vie débauchée, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Vie, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Vieux.

La Rue, 1894 : Vieux. Vie.

Viocquir

Vidocq, 1837 : v. a. — Vieillir.

Violet

d’Hautel, 1808 : Il est violet. Se dit d’un homme qui est sujet aux emportemens, et que la colère suffoque.

Violon

Delvau, 1864 : Membre viril, — instrument qui fait danser les femmes et les filles.

Je jouais si vivement
En c’moment,
Qu’fatiguant mon bras,
J’ai pour ses appas,
Tant j’mettais d’action,
Rompu mon vi (ter) olon.

(Laurent)

Larchey, 1865 : « On appelle violon à Paris une prison que chaque section a dans son enceinte pour enfermer ceux qu’on arrête la nuit et qui sont le lendemain transférés dans une maison d’arrêt. »

(Almanach des Prisons, 1795)

Delvau, 1866 : s. m. Partie d’un corps de garde réservée aux gens arrêtés pendant la nuit et destinés à être, soit relâchés le lendemain, soit conduits à la Préfecture de police. L’expression a un siècle de bouteille. Sentir le violon. Être sans argent. Argot des voleurs.

Boutmy, 1883 : s. m. Grande galée en bois ou en métal.

Virmaître, 1894 : Cellule du poste de police. Vieux jeu de mots qui date du temps où c’était l’archer qui vous conduisait au violon (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Les serruriers, pour percer des petits trous, se servent d’un foret emmanché dans une bobine pour l’activer ; ils ont une tige d’acier flexible, garnie d’un fil d’archal, ils appuient le pivot du foret sur une plaque de fer assujétie sur l’estomac ; cette plaque se nomme conscience, la tige d’acier se nomme un archet. Par le va et vient du foret, l’ouvrier joue un air de violon (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Cellule de poste de police.

France, 1907 : Prison provisoire. L’expression est ancienne et date du temps où l’on était conduit en prison par les archers. Jeu de mot sur archer et archet.

La prison, nommée familièrement violon… est le plus abominable lieu de détention qui soit.
À côté de ce réduit fétide, une cellule à Mazas est un boudoir.
C’est sombre, humide, étouffant, et l’on n’y peut ni dormir, ni s’asseoir ; en outre, à de certains jours, on y entasse pêle-mêle les voleurs, les assassins dangereux, les inoffensifs pochards et les personnes arrêtées à la suite d’une discussion où d’une rixe. Le plus honnête homme, l’habitant le plus rangé peut être consigné une nuit dans cette geôle insalubre et subir la promiscuité la plus révoltante.
Cette prison, qui devrait être la plus soigneusement aménagée, est abandonnée à l’incurie des chefs de postes. Les suicides y sont d’ailleurs fréquents et les rixes entre codétenus s’y multiplient.

(Edmond Lepelletier)

Quand le public entre ici, il est pris d’une terreur glaciale. Ces portes aux apparences mystérieuses, ces agents vêtus de noir qui circulent silencieusement, conduisant des prisonniers encore plus silencieux et tristes, que l’on mène dans le fond de ce couloir obscur et fétide où sont les chambres de sûreté surnommées violons et qui rappellent les oubliettes des temps jadis… tout cela donne aux visiteurs un frisson d’épouvante.

(G. Macé, Un Joli monde)

Violon (boîte à)

France, 1907 : Cercueil.

Sur le signe d’un monsieur blond,
Le décapité qu’on ramasse
Est coffré, chargé : c’est pas long !
Le char va comme l’aquilon,
Et dans un coin où l’eau s’amasse,
Et que visite la limace,
Un trou jaune, argileux, oblong,
Reçoit la boîte à violon.

(Maurice Rollinat)

Violon (jouer du)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Scier ses fers.

France, 1907 : Scier les barreaux de sa prison. À cet effet, les prisonniers se servent d’un ressort de montre ou, dit Lorédan Larchey, d’un cheveu trempé dans l’acide nitrique.

Violon (le sentir)

Virmaître, 1894 : Un individu sans le sou, sans domicile, vagabond, sent le violon (Argot du peuple).

Violon (sentir le)

Vidocq, 1837 : v. a. — Être sur le point de devenir misérable.

Rigaud, 1881 : Sentir la misère.

France, 1907 : Devenir misérable ; n’avoir plus ni argent ni gîte.

Violoné

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Misérable.

Violoné, -ée

Vidocq, 1837 : s. — Celui ou celle qui est misérable, mal vêtu.

Violoneux

France, 1907 : Joueur de violon de campagne.

Le jeune violoneux saisit donc son instrument et préluda. Il sortit un de ces interminables concertos dont les musiciens ont la rage, une machine sans fin, lamentable.
L’œil illuminé, la mâchoire cruelle, le bras tendu comme vers un ennemi invisible, le malheureux joua plus de trois quarts d’heure, sans pitié pour un public ahuri qui était, certes, venu pour s’ennuyer, mais qui n’avait pas prévu ce supplice.

(Pierre Lefranc, L’Affaire de Brèves)

Violonnée

France, 1907 : Misérable ; pauvre. Argot des voleurs.

Violons (payer les)

France, 1907 : Faire tous les frais d’une affaire, tandis que les autres en tirent l’honneur ou le profit.

Vioque

Clémens, 1840 : Vie.

Larchey, 1865 : Vieux. — Corruption de mot. — V. Flacul. Vioque : Vie.

Quelle vioque je ferais avec mon fade de carle.

(Balzac)

France, 1907 : La vie ; argot des voleurs.

France, 1907 : Vieux ; argot des voleurs.

— Il a passe une babillarde à un vioque richard de son patelin… un loufoque qui s’amène à Paris pour faire la noce et courir les mômes… il l’a connu dans le temps, en Russie ; l’ayant filé aux environs de Paris, dans le tram qui le brouettait, il a fait remettre au pantre un mot d’écrit par un homme du chemin de fer… Le vioque est à nous…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Les objets mêm’ les pus moraux
Les pus vioques, n’ont quèqu’chose qui jase
Et gn’a pas jusqu’aux becs de gaz
Qui n’ont envie d’finir poireaux !

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Voir vioc.

Vir bonus dicendi peritus

France, 1907 : Homme de bien, qui sait manier la parole. Locution latine tirée de Quintilien et qu’on ne peut appliquer qu’à un bien petit nombre de tribuns populaires.

Virer

La Rue, 1894 : Changer. Vire ton brac sur ton masque, Change ton nom sur ton passeport.

Virer le vent (corde à)

France, 1907 : « à faire tourner le vent, à le faire venir d’un autre point de l’horizon. Quand vient la saison du poisson d’avril, les chefs de maison qui aiment à plaisanter envoient leurs enfants ou leurs domestiques chercher chez leurs voisins la corde à virer de vent ou le moule à boudins. »

(Comte Jaubert)

Dans les casernes, on envoie chercher :

La selle de la cantinière.
La clé du terrain de manœuvre.
Le surfaix de voltige du cheval de bois.
La boite à matriculer les pompons.
Le parapluie de l’escadron ou de l’escouade.
La boîte à guillemets.
Les oreillettes de mobilisation.
Le moulin à rata.
Le fer à repasser les pompons.
La trajectoire.
La ligne de mire.

Virevoustes

d’Hautel, 1808 : Corruption de virevolte, tour et retour fait avec vitesse ; autrefois on disoit virevousses.

Virgule

Larchey, 1865 : Cicatrice. — Allusion de forme.

Un’balle m’rase le front. Ça m’a fait une virgule.

(Le gamin de Paris ch. 184)

Delvau, 1866 : s. f. Barbiche, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Cicatrice.

Delvau, 1866 : s. f. Trace que les faubouriens se plaisent à laisser de leur passage dans certains lieux.

Rigaud, 1881 : Ponctuation excrémentielle qui tapisse les murs de certaines latrines publiques. Essais de peinture impressionniste tentés par les voyous sur les murs de ces établissements.

Virmaître, 1894 : Béranger explique ce mot :

Ah ! prions Dieu pour ceux qui n’en ont guère.
Ah ! prions Dieu pour ceux qui n’en ont pas.

Virgule : allusion à la forme ; ce n’est ni guère, ni pas, c’est un peu, comme on dit dans le peuple :
— Pas de quoi faire déjeuner le chat. (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Dans presque tous les lieux d’aisances des maisons populeuses et des ateliers, il y a au mur des virgules qui sont autant de signatures des cochons qui y passent. Ce qui a inspiré à un rimeur d’occasion :

Vous qui venez ici soulager vos entrailles,
Léchez plutôt vos doigts que de salir les murailles.

(Argot du peuple). N.

France, 1907 : Cicatrice ; argot des voleurs.

France, 1907 : Le membre viril en son état ordinaire ; argot faubourien.

— Retirez-vous, dit-elle au vieux capitaine, je n’aime pas les virgules.

(Les Joyeusetés du régiment)

Viro

La Rue, 1894 : Ivre. La tête à l’envers.

France, 1907 : Anagramane de ivro, abréviation d’ivrogne. Être viro, être ivre. Argot des voleurs.

Virolets

France, 1907 : « Les testicules, les génitoires, les marques de virilité d’un homme. » (Le Roux) Vieil argot.

Virotte

France, 1907 : Femme ; elle vire au gré du souteneur.

Virtus post nummos

France, 1907 : La vertu après l’argent. Locution latine tirée d’Horace et qui est devenue l’axiome moderne.

Vis

La Rue, 1894 : Cou.

Virmaître, 1894 : Serrer la vis à quelqu’un, c’est l’étrangler. Opération qui n’a rien d’agréable à subir au point de vue physique. Au point de vue moral non plus, car serrer la vis à un individu, c’est l’étrangler au point de vue de l’existence. Être dur, injuste, ne rien jamais trouver de bien de ce que fait un individu, c’est lui serrer la vis (Argot du peuple).

France, 1907 : Cou, gorge. Serrer la vis, traiter sévèrement, étrangler.

— Rien ne me dit qu’il ne me serrera pas un jour la vis pour sa largue.

(Mémoires de M. Claude)

Vis-à-vis

d’Hautel, 1808 : Au vis-à-vis de moi. Manière triviale, qui signifie à mon égard.

Larchey, 1865 : Un des deux couples nécessaires pour danser le quadrille.

Le vis-à-vis de ces deux danseurs était non moins ignoble.

(E. Sue)

Visage

d’Hautel, 1808 : Un visage de plâtre. Pour dire une mine fardée, plâtrée de blanc et de rouge.
Visage de prospérité. Un visage enjoué, bien, rempli, et frais.
Cela ne paroit pas plus que le net au milieu du visage. Pour dire que quelque chose que l’on cherche à cacher, est très-ostensible.
Le gros visage. Le postérieur, le derrière.
Un visage à cracher contre. Une figure laide, revêche et rebutante.
Trouver visage de bois. Se dit, lorsqu’on a été pour visiter quelqu’un ; et qu’on n’a trouvé personne.

Visage à culotte

Rigaud, 1881 : Vilain visage digne de figurer dans un pantalon.

Visage cousu

Delvau, 1866 : s. m. Homme très maigre, — dans l’argot du peuple.

Visage de bois

Larchey, 1865 : Porte fermée.

Fontenay Coup-d’Épée n’en fit que rire, et il retourne, mais il trouve, comme on dit, visage de bois.

(Tallemant des Réaux)

Delvau, 1866 : s. m. Porte fermée.

Virmaître, 1894 : Se casser le nez contre une porte fermée. Éprouver une déception à laquelle on ne s’attendait pas. Aller dîner en ville et ne trouver personne : visage de bois. On dit également : rester en figure (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Aller chez quelqu’un et n’y trouver personne est trouver visage de bois.

Visage de bois flotté

Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise mine, figure pâle, allongée. L’expression a des ancêtres :

Je ne suis pas un casse-mottes,
Un visage de bois flotté :
Je suis un Dieu bien fagotté,

a dit d’Assoucy.

Visage de campagne

France, 1907 : Le derrière.

Visage de constipé

Rigaud, 1881 : Mauvais visage, mine allongée et jaune.

Visage de cuir bouilli

Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque.

Visage sans nez

Delvau, 1866 : s. m. Messire Luc. On dit aussi tout simplement Visage, ainsi que le constatent ces vers de Voiture à une dame :

… Ce visage gracieux
Qui peut faire pâlir le nôtre,
Contre moi n’ayant point d’appas,
Vous m’en avez fait voir un autre
Duquel je ne me gardois pas.

Virmaître, 1894 : Le derrière. C’est un visage qui n’est pas désagréable à voir, surtout lorsqu’il est blanc, jeune, dodu et ferme. Voiture était de cet avis :

…Ce visage gracieux
Qui peut faire pâlir le nôtre,
Contre moi n’ayant point d’appas,
Vous m’en avez fait voir un autre
Duquel je ne me gardois pas.


Ce visage a l’avantage sur l’autre de ne pas faire de grimaces (Argot du peuple).

Viscop

Merlin, 1888 : (?) Schako.

Viscope

Delvau, 1866 : s. f. Visière, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Visière ; casquette.

La Rue, 1894 : Visière. Casquette.

Virmaître, 1894 : Casquette à longue visière, comme en portent les gens faibles de la vue. Un képi de troupier se nomme également une viscope. On dit aussi un abat-jour (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Visière de casquette.

Tu en as une viscope à ta bâche.

Hayard, 1907 : Casquette.

France, 1907 : Visière, casquette ; argot faubourien.

La viscope en arrière et la trombine au vent.

(Jean Richepin)

Viscrit

France, 1907 : Élève de deuxième année à l’École des arts et métiers, pour vice-crit, vice-conscrit. L’élève de troisième année est le conscrit.

Puis je fus le viscrit fidèle
Qu’en un an l’école à formé.
Je revenais tout plein de zèle,
Avec un esprit transformé.
Alors relevant ma visière,
Baissant de ma veste le col,
Je cheminais la mine altière,
Fendant, prêt à prendre mon vol !
Ah ! que j’étais heureux à cet âge,
Alors je ne doutais de rien :
Laissant du conscrit le langage,
L’argot du viscrit fut le mien.

(R. Roos)

Vise au treffle

Vidocq, 1837 : s. m. — Apothicaire.

Vise au trèfle

Virmaître, 1894 : Infirmier. L’allusion est amusante (Argot du peuple).

Vise-au-tréfle

Rigaud, 1881 : Apothicaire du temps de M. de Pourceaugnac.

Vise-au-trèfle

France, 1907 : Apothicaire, infirmier ; argot populaire. Voir Trèfle.

Vise-au-trou

France, 1907 : Même sens que vise-au-trèfle.

Viselot

Rossignol, 1901 : Être malin, vicieux. C’est un madre, il a du viselot.

Viser

d’Hautel, 1808 : Voilà bien visé pour un borgne. Manière ironique de dire qu’une personne s’est bien éloignée du but.

Visiteur

Delvau, 1866 : s. m. Frère qui se présente à une loge qui n’est pas la sienne, — dans l’argot des francs-maçons.

Vison, visu

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque, pour dire vis-à-vis, en droiture, face à face.

Visqueux

Fustier, 1889 : Souteneur de bas étage.

Visser

France, 1907 : Être vissé, c’est être interdit, suffoqué, ne savoir plus que répondre.

En attendant sa fille qu’elle avait cru jusqu’alors l’innocence même, lui déclarer sans détour que depuis plus de six mois elle couchait avec son beau locataire, la mère Badoure en resta vissée.

(René de Nancy)

France, 1907 : Faire taire, clouer le bec.

— Et ta mère, qu’a-t-elle répondu ?
— Rien, ça l’a vissée.

(Henri Lavedan, Leurs Sœurs)

Visuel (s’en humecter le)

France, 1907 : Regarder attentivement ; argot populaire.

Vit

Delvau, 1864 : « La partie qui fait les empereurs et les rois, la garce et le cocu, » dit le vertueux Pierre Richelet. En voici la description, d’après l’auteur du Noviciat d’amour :

Ce tube est le chef-d’œuvre de l’architecture divine qui l’a formé d’un corps spongieux, élastique, traversé dans tous les sens par une ramification de muscles et de vaisseaux spermatiques. Il est, à son extrémité supérieure, surmonté d’une tête rubiconde, sans yeux, sans nez, n’ayant qu’une petite ouverture et deux petites lèvres, couvert d’un prépuce, retenu par un frein délicat qui ne gêne point le mouvement d’action et de rétroaction : au bas de cet instrument précieux sont deux boules ou bloc arrondis, qui sont les réservoirs de la liqueur reproductive, qu’aspire et pompe votre partie dans le mouvement et le frottement du coït, id est, de la conjonction ; ces deux boules enveloppent deux testicules, d’où elles ont pris leur nom, et sont soutenues par le ralphé ; on les nomme plus généralement couilles et couillons…

(Mercier De Compiègne)

On dit de quelqu’un qui rougit de chaleur, de honte, de colère, ou pour toute autre cause : il est rouge comme un vit de noce.

(Dicton populaire)

L’académicien dit : Mon vit.

(L. Protat)

Ah ! je n’y tiens plus ! le cul me démange…,
Qu’on m’aille chercher l’Auvergnat du coin…
Car je veux sentir le vit de cet ange
Enfoncer mon con — comme avec un coin.

(Parnasse satyrique)

Si je quitte le rang de duchesse de Chaulne
Et le siège pompeux qu’on accorde à ce nom,
C’est que Gino a le vit long d’une aune,
Et qu’à mon cul je préfère mon con.

(Collé)

De Madeleine ici gisent les os,
Qui fut des vits si friande en sa vie,
Qu’après sa mort tout bon faiseur supplie
Pour l’asperger lui pisser sur le dos.

(B. Desperriers)

Quand votre vit, à jamais désossé,
Comme un chiffon pendra triste et plissé.

(Chanson d’étudiants)

France, 1907 : Membre viril, du latin vitum, dérivé de vita, vie. C’est en effet, suivant l’expression de Boccace, le bâton avec lequel on plante les hommes et qui perpétue la vie et les espèces. Le mot est aussi vieux que notre langue et nos pères, qui, n’étant pas englués de notre fausse et ridicule pudeur, n’hésitaient pas à le prononcer ni à l’écrire.

Ton vieux couteau, Pierre Martel, rouillé
Semble ton vit jà retrait et mouillé ;
Et le fourreau tant laid où tu l’engaînes,
C’est que toujours as aimé vieilles gaines.
Quant à la corde à quoi il est lié,
C’est qu’attaché seras et marié.
Au manche aussi de corne connoît-on
Que tu seras cornu comme un mouton.
Voilà le sens, voilà la prophétie
De ton couteau, dont je te remercie.

(Clément Marot)

Vit-trop

France, 1907 : Nom que les paysans donnent à celui à qui ils sont obligés de payer une rente viagère, ou à un vieux parent qu’ils sont obligés de nourrir ou dont ils convoitent l’héritage.

Vitelotte

Delvau, 1866 : s. f. Le nez, — du moins le nez de certains buveurs, qui affecte en effet la forme de cette variété de pomme de terre. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Nez. Quand un individu a bu beaucoup dans sa vie, son nez devient rouge et tuberculeux. Allusion à la pomme de terre que l’on nomme vitelotte, ou plutôt que l’on nommait, car elle a disparu entièrement, au grand désespoir des amateurs de gibelotte. Elle était la sauce du lapin (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Nez bourgeonné.

Hayard, 1907 : Nez.

France, 1907 : Nez rouge ; allusion à la pomme de terre de ce nom.

Viticulture

Delvau, 1864 : Culture des vits. Expression mise en usage par les jardinières à-matrices. — Ces dames, se basant sur ce que horticulture signifierait : culture des orties, ont créé la viticulture. Elles s’y livrent, non-seulement sans crainte, mais encore avec le désir ardent d’être souvent piquées. Que la récolte soit bonne ou mauvaise, elles s’aident entes elles, et se prêtent volontiers la main — pour l’amour de l’art.

Vitre

France, 1907 : Monocle.

Vitre, vitreux

France, 1907 : Œil.

On se souvient des Commoneux
Dont on questionnait la cervelle
En leur plantant dans les vitreux
Les coups d’ribouis… et d’points d’ombrelles.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Vitres

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux, — dans l’argot des faubouriens, qui ne savent pas se rencontrer si juste avec les gueux anglais, lesquels disent aussi Glaziers. Carreaux de vitres. Lunettes.

Virmaître, 1894 : Les yeux. Vitre : le lorgnon ; Il aide à voir (Argot du peuple).

Vitrier

d’Hautel, 1808 : Tu n’es pas fils de vitrier, on voit pas clair à travers ton corps. Voy. Clair.

Rigaud, 1881 : La couleur carreau d’un jeu de cartes. — Quinte mangeuse dans les vitriers, quinte majeure à carreau, — dans l’argot du peuple qui aime à jouer sur les mots en jouant aux cartes.

Rossignol, 1901 : Chasseurs à pied.

France, 1907 : Chasseur à pied. Ce fut le duc d’Orléans, fils aîné de Louis-Philippe, qui fut chargé en novembre 1838 de la formation de ce corps célèbre, et qui porta jusqu’en 1848 le nom de chasseurs d’Orléans, puis celui de chasseurs de Vincennes, et enfin de chasseurs à pied. Ce sobriquet de vitriers leur viendrait du sac de cuir verni réhaussé du manteau roulé et du piquet de tente qui leur donnait l’aspect d’une sellette de vitrier. Cependant tous les soldats ont à peu près le même sac ; ce n’est donc pas leur sac qui leur a fait donner ce sobriquet, mais leur conduite aux journées de juin 1848. Envoyés aux points les plus périlleux, ils les enlevèrent d’assaut, mais, les barricades prises, au lieu de tirer sur les insurgés en fuite, ils s’amusèrent à casser à coups de fusil les carreaux des fenêtres, d’où est venu l’air bien connu qui accompagne leur marche.

Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier qui passe !
Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier passé !

Vitriers

Larchey, 1865 : Chasseurs de Vincennes — Ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme les pièces de verre que les vitriers portent sur leur dos.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les chasseurs de Vincennes, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté cette expression aux zouaves, heureux de rendre à leurs rivaux la monnaie de leurs chacals. On croit généralement que cette appellation ironique date de 1851, époque à laquelle les chasseurs de Vincennes dégarnirent à coups de fusil une notable quantité de fenêtres parisiennes. On croit aussi qu’à cette occasion leur fut appliqué le couplet suivant, encadré dans une de leurs sonneries de clairon :

Encore un carreau d’cassé !
V’là l’vitrier qui passe.
Encore un carreau d’cassé !
V’là l’vitrier passé !

On se trompe généralement. L’expression date de 1840, époque de la formation des chasseurs de Vincennes au camp de Saint-Omer, et elle venait du sac de cuir verni que ces soldats portaient sur leur dos à la façon des vitriers leur sellette. Ce qui ajoutait encore à la ressemblance et justifiait le surnom, c’étaient le manteau roulé et le piquet de tente qui formaient la base du sac des chasseurs, comme le mastic et la règle plate la base de la sellette des vitriers.

Virmaître, 1894 : Les chasseurs de Vincennes. — Ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme la pièce de verre que les vitriers portent sur leur dos. L. L. Ce n’est pas cette cause qui a donné à ces soldats le nom de vitriers. En 1848, aux journées de Juin, les gardes mobiles et les chasseurs de Vincennes furent lancés aux endroits les plus périlleux dans les faubourgs, notamment faubourg du Temple. Ils prirent toutes les barricades avec un entrain extraordinaire, mais sans cruauté inutile, la plupart de ces soldats étant des enfants de Paris. Au lieu de tirer sur les insurgés, ils s’amusèrent à casser les carreaux sur tout leur passage. Depuis le boulevard du Temple jusqu’à la Courtille, il ne resta pas une seule vitre aux fenêtres. On fit une chanson à ce sujet : elle est restée très populaire :

Encore un carreau d’cassé,
V’là l’vitrier qui passe.
Encore un carreau d’cassé,
V’là vitrier passé.

(Argot du peuple). N.

Vitriers (les)

Merlin, 1888 : Les chasseurs à pied. Probablement à cause de leur havresac comparé au chevalet du vitrier.

Vitrine

Delvau, 1866 : s. f. Lorgnon, lunettes, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Lunette de spectacle.

Vitrine (être dans la)

France, 1907 : Être bien habillé ; expression populaire.

Vitrine (faire)

Fustier, 1889 : Se parer, se faire beau, s’endimancher.

Vitriol

Merlin, 1888 : Voyez Schnick.

France, 1907 : Eau-de-vie ; argot populaire.

Vitrioler

France, 1907 : Lancer du vitriol au visage de quelqu’un, généralement une rivale ou un amant lâcheur, car c’est une spécialité presque exclusivement féminine. Je dis presque exclusivement, car d’après un document de la prévôté de Paris portant la date de 1639, il résulte que le verbe vitrioler se conjuguait déjà il y a deux cent cinquante ans et fut mis en pratique par des hommes, sous l’instigation d’une femme, il est vrai.
Il est question, dans cette note, d’un attentat étrange commis par cinq hommes masqués, sur Mme la duchesse de Chaunes, à laquelle, ayant arrêté son carrosse, ils jetèrent une fiole pleine d’eau-forte au visage.

Vitrioleuse

France, 1907 : Émule des veuves Gras, Belligaud et tutti quanti depuis la déplorable facilité avec laquelle on acquitte ces gredines.

D’immondes coquines, ayant fait périr dans d’atroces souffrances de malheureux jeunes gens par lesquels elles se prétendaient séduites, furent acquittées par ces bons bourgeois qu’on appelle des jurés d’assises et l’on vit la justice rendre à la société de vulgaires criminelles qui n’avaient eu d’autres titres à cette excessive bonté nue d’avoir employé, pour détériorer leur homme, une arme plus lâche que le poignard ou le revolver.
Bien mieux ! on vit une foule en délire applaudir à l’acquittement de ces ignobles drôlesses et leur payer des consommations variées, à la sortie du Palais de Justice.
Plusieurs de ces Agnès de pacotille furent même épousées par des Anglais fantasques, tandis que les autres trouvaient également une position sociale, soit comme gouvernante d’un vieil imbécile, soit comme nourrice sèche dans une riche famille bourgeoise.
Le revolver à paru un jeu d’enfant à Catin vengeresse. Aussitôt elle a innové le coup traîtreux, lâche, ignoble du vitriol qui dévore les yeux et déchiquette les chairs du visage. Croiriez-vous que d’atroces femmes ont encore été épargnées par les jurés après ce crime abominable ? Dès lors une nouvelle industrie était fondée pour les catins sans emploi qui pullulent sur le pavé : le chantage au vitriol. Tout homme a dans son passé une amourette ou une peccadille. Voici que le péché d’antan revenait menaçant, avec l’exigence d’un nouveau salaire. Gare au vitriol ! Qui n’aurait pas tremblé… et payé ? S’il est besoin de quelque énergie pour le coup de feu, il suffit de cinquante centimes et d’un pot de terre à l’immonde et lâche gredine.

(Henry Bauër, La Ville et le Théâtre)

Viva voce

France, 1907 : De vive voix. Locution latine.

Vivant

d’Hautel, 1808 : Un bon vivant. Un réjoui bon-temps, un homme d’une humeur aimable ; un bout en-train.

Vive et me ama

France, 1907 : Vis et aime-moi. Locution latine employée dans le style épistolaire.

Vive l’amour après dîner

France, 1907 : Cette expression familière n’est que le rajeunissement du vieux dicton : « Sans pain ni vin, l’amour est vain », qui est lui-même une traduction d’un vers de Térence : Sine Cerere et Libero friget Venus, sans Cérès et Bacchus, Venus est transie. Pour être vaillant en amour, en effet, il faut des forces, et pour prendre des forces, il est nécessaire de bien s’alimenter. Vivre d’amour et d’eau fraîche, c’est une faribole bonne pour les petites pensionnaires sorties du Sacré-Cœur. Les Grecs disent avec raison : « Vénus est pour celui qui a le ventre plein et non pour qui l’a vide. » Terminons par ce dicton du Languedoc : Vivo l’amour ? mais qué icou diné.

Vive la souris (encore est)

France, 1907 : Nous donnons à titre documentaire cette vieille expression signifiant qu’on est encore vivant, debout et valide et qui a servi à une des plus jolies ballades de Charles d’Orléans, qui, fit prisonnier à la bataille d’Azincourt où périt la fleur de la chevalerie française, revint après une longue captivité en Angleterre et répondit à ceux qui avaient fait courir le bruit de sa mort :

Nouvelles ont couru en France
Par maints lieux que j’estoye mort,
Dont avoient peu desplaisance
Aucuns qui me hayent à tord.
Aultres en ont eu desconfort
Qui m’ayment de loyal vouloir
Comme mes bons et vrays amis,
Si fait à toutes gens scavoir
Qu’encore est vive la souris.

Vive valeque

France, 1907 : Vis et porte-toi bien. Locution latine employée dans le style épistolaire.

Vivere parvo

France, 1907 : Vivre de peu. Le secret de la sagesse ; celui qui sait vivre de peu ne se courbe devant personne.

Vivit

France, 1907 : Il a vécu. Locution latine par laquelle les Romains annonçaient la mort de quelqu’un.

Vivit sur pectore vulnus

France, 1907 : La blessure vit au fond du cœur. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.

Vivoter

d’Hautel, 1808 : Vivre médiocrement, d’une manière chétive.

Vivre

d’Hautel, 1808 : Il vit de l’air du temps. Voy. Air.
Il faut vivre avec les vivans. Pour dire se conformer à leurs caractères, supporter avec indulgence leurs défauts et leurs vices.
Il faut que tout le monde vive, larrons et autres. Se dit pour excuser les pillards, les gens qui vivent du fruit de leur monopole et de leurs exactions.
Bouffer les vivres. Manière basse et populaire, pour dire prendre ses repas ; manger aux heures accoutumées.

Vivre aux crochets de quelqu’un

France, 1907 : Vivre à son compte, à ses dépens. Se faire héberger, se faire entretenir.

— Vous n’avez jamais travaillé sérieusement. Vous aviez une sœur danseuse à la Porte-Saint-Martin, morte il y an environ trois mois dans de tragiques circonstances.
— Me parlez pas de ça, mon magistrat, vous me feriez verser toutes les larmes de mon corps.
— Vous vivier à ses crochets.
— C’était par esprit de famille.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

— Si tu savais comme c’est un homme léger ! Il ne va voir ses électeurs que six mois après leur mort. On le dit à qui veut l’entendre dans le quinzième arrondissement, où on ne le connait pour ainsi dire pas. Il est bon pour faire la noce et vivre à tes crochets.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Vivre d’amour et d’eau fraîche

Delvau, 1866 : v. n. Se dit ironiquement — dans l’argot de Breda-Street — de l’amour pur, désintéressé, sincère, celui

Qu’on ne voit que dans les romans
Et dans les nids de tourterelles.

Vivre de l’air du temps

Delvau, 1866 : N’avoir pas de quoi vivre. Argot du peuple.

Vivre de sa viande

France, 1907 : Gagner sa pitance en profitant de son physique.

La bouche plus p’tit’ que les calots,
L’esgourd’ girond’ comme un’ ostende,
Aussi j’ai dit : Vivons d’not’ viande !
J’aim’ mieux êt’ dos.

(Jean Richepin, La Chanson des gueux)

Vivres (taper sur les)

Larchey, 1865 : Manger avec avidité. — Couper les vivres : Supprimer l’envoi d’une pension alimentaire.

Vizir

France, 1907 : Tabac d’Orient de première qualité, dénommé ainsi parce qu’il est censé n’être fumé que par les vizirs.

Nous entrâmes dans un débit, et Bazin, qui connaissait les goûts d’Angèle, commanda un paquet de vizir. Je l’ai soupçonné, depuis, de l’avoir oublié dans sa poche, et cela jeta de l’ombre sur notre amitié.

(Hugues Le Roux)

Vlan

La Rue, 1894 : Distingué. V. Copurchic.

France, 1907 : Le comble de l’élégance, du chic. Ce néologisme aussi grotesque qu’inutile a pris naissance vers 1867. C’est l’onomatopée vlan employés adjectivement, « Vlan, ça y est. C’est le suprême du genre ! »

On a essayé depuis un quart de siècle bien des qualificatifs pour exprimer le dernier ton de l’élégance : c’était vlan, c’était pschutt, c’était zinc, c’était rubis, c’est smart. Chic seul aura survécu et nous suffit.

(Fréderic Loliée, Parisianismes)

On écrit aussi v’lan.

En 1848, les jeunes bourgeois trouvaient très v’lan, trés p’schutt, et superlativement ah ! d’avoir du courage et de la gaité. Le lendemain du jour où ils avaient versé généreusement leur sang sur les barricades pour la défense de l’ordre, de la propriété et de la famille (comme on disait alors), ils allaient joyeusement applaudir au Vaudeville, au Gymnase, aux Variétés et au Palais-Royal des pièces épisodiques et des revues peu agréables à leurs ennemis de la veille.

(Jules Richard)

On a fait de ce mot un substantif :

Ils étaient une demi-douzaine réunis dans un cabaret à la mode : société select, boudinés du meilleur ton : clans et pschutts, gardénias à la boutonnière, quatre cheveux ramenés avec soin sur les tempes ; abrutis à souhait.

(Montfermeil)

Vocaliser sur l’oreiller

France, 1907 : Faire l’amour. Chanter au lit la gamme chère à Vénus.

En amour, ou du moins dans le plaisir de l’amour, la femme qui vient de cueillir les premiers joyaux du premier péché, espère que les autres seront plus beaux encore. Mais il est indispensable de commettre un second péché, et elle accepte bien vite le pécheur qui se présente. Elle l’accepte d’autant mieux qu’elle n’a plus peur d’être prise pour une petite fille sans voix ; et généralement elles aiment assez, nos jolies débutantes mondaines, à prouver qu’elles savent vocaliser sur d’oreiller.

(Fin-de-Siècle)

Vogue

d’Hautel, 1808 : Vogue la galère ! Pour, arrive qui pourra.

Voici

d’Hautel, 1808 : En voici d’une bonne, en voici bien d’une autre. Se dit lorsqu’on ne veut pas ajouter foi à quelque chose que l’on trouve extraordinaire.

Voie

d’Hautel, 1808 : Une voie de bois. Pour dire une volée de coups de bâton.
Cela vaut une voie de bois. Se dit en plaisantant, lorsqu’on s’est employé à quelqu’ouvrage manuel et pénible, qui provoque la sueur.

Voie (ficher une)

La Rue, 1894 : Donner une correction.

Voie de bois (foutre une)

Rigaud, 1881 : Donner des coups, — dans le jargon des chiffonniers. — C’est l’ancien : charger quelqu’un de bois.

Soit, mais gare le bois, si j’apprends quelque chose.

(Molière)

Voilà le chiendent !

France, 1907 : Voilà l’ennui, voilà l’embarras !

Il n’y aurait pas assez de chicanous et de quarts-d’œil pour procéder à l’expulsion des récalcitrants et, en outre, les proprios finiraient par la trouver mauvaise, car ils seraient obligés de dépenser en frais bougrement plus de galette qu’ils n’en ratisseraient.
Nous n’en sommes pas là, voilà le chiendent !

(Le Père Peinard)

Voilà le hic

France, 1907 : Voilà le difficile ! Voilà le problème.

J’ai connu à Londres un poète français qui traduisait Shakespeare. C’était, si j’ai bonne mémoire, Le chevalier Chatelain, de qui se souvient notre cher grand poète Stéphane Mallarmé. Arrivé à la célèbre phrase du monologue d’Hamlet : That is the question, comment pensez-vous qu’il la traduisit ? « Telle est la question » ou : « Voilà la question ? » Pas le moins du monde ; il traduisit « That is the question », par : « Voilà de hic ! » Et pourquoi pas ? En disant Voilà le hic, n’exprimait-il pas admirablement la pensée d’Hamlet, et de Shakespeare ? La vie, la mort, les problèmes de a prévie et de la survie, voilà de hic en effet !

(Catulle Mendès)

Voilà le marchand de sable

Virmaître, 1894 : Dans le peuple, quand un enfant s’endort à table, on dit :
— Voilà le marchand de sable qui passe (Argot du peuple).

Voile

Delvau, 1866 : s. m. Nappe, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Grand drapeau.

La Rue, 1894 : Nappe.

France, 1907 : Nappe ; argot des francs-maçons.

Voile (mettre les)

Hayard, 1907 : Se sauver.

Voir

d’Hautel, 1808 : Voir deux cochers sur un siège. Être ivre.
Il ne voit pas plus loin que son nez. Se dit par raillerie d’une personne bornée, sans jugement et sans prévoyance.
Il faut voir cela avec les yeux de la foi. C’est-à-dire, ne pas l’examiner avec scrupule ; n’y pas mettre une grande attention.
Si vous ne voulez pas le croire, allez-y voir. Se dit à quelqu’un qui fait l’incrédule, qui se refuse à ajouter foi à un discours, à un récit.
Il a vu le loup. Pour, c’est un vieux renard, un rusé compère qui a vu du pays, qui a fait des siennes.
On diroit qu’il n’a jamais rien vu que par le trou d’une bouteille. Se dit par raillerie d’un nigaud, d’un homme qui s’extasie sur des bagatelles, qui n’a pas fréquenté le monde.
Voyons voir. Pléonasme et solécisme très-usités parmi le peuple ; pour dire, permettez que je voye, ou, laissez moi voir.

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Vous languissez quelquefois
À lacour plus de trois mois,
Sans que l’heure se présente,
Et moi, bienheureux, je vois,
Quand il me plaît ma servante.

(Cabinet satyrique)

Vous avez été pour le moins six mois à la voir journellement.

(Ch. Sorel)

Il dit que si je la vois
En un mois plus d’une fois,
Il m’en coûtera la vie.

(Saint-Pavin)

Le dernier homme que voit Fulvia, c’est toujours celui qu’elle croit destiné par le ciel à perpétuer sa race.

(Diderot)

Delvau, 1866 : v. a. Permolere uxorem quamlibet aliam, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : v. n. Se dit de l’indisposition mensuelle des femmes, — dans l’argot des bourgeoises.

Rigaud, 1881 : Arrêter, — dans le jargon des voleurs. — Se faire voir, se faire arrêter.

Rigaud, 1881 : Avoir ses menstrues, — dans le jargon des bourgeoises. Voir Sophie, — dans celui des ouvrières.

Voir (se faire)

La Rue, 1894 : Se faire attraper. Se faire arrêter.

Voir (se)

Delvau, 1866 : Concubare.

Rigaud, 1881 : Se livrer à l’onanisme.

Voir à la chandelle

Delvau, 1866 : Se dit d’une chose que l’on croit ou que l’on dit bonne, mais qu’on n’ose pas déclarer telle trop haut de peur de se tromper. Cette expression de l’argot du peuple, M. J. Duflot la fait venir de l’argot des comédiens.

Avant le règne du gaz, dit-il, avant même que l’huile à quinquet fût en usage, la rampe du théâtre était éclairée par une rangée de chandelles. Quand on répétait une pièce, les comédiens de ce temps-là n’osaient pas affirmer que c’était un chef-d’œuvre qu’ils allaient jouer ; aussi créèrent-ils cette phrase qu’ils nous ont transmise : Il faudra voir cela à la chandelle.

Voir en dedans

Rigaud, 1881 / La Rue, 1894 : Dormir.

Voir la farce (en)

Delvau, 1866 : Satisfaire sa curiosité ou son caprice. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : En faire l’expérience ; satisfaire sa curiosité.

Voir la feuille à l’envers

Delvau, 1866 : v. a. Le couplet suivant, tiré d’une très vieille chanson reproduite par Restif de la Bretonne dans sa LXXII-CLXXVIIe Contemporaine, expliquera cette expression mieux que je ne le pourrais faire :

Sitôt, par un doux badinage,
Il la jeta sur le gazon.
— Ne fais pas, dit-il, la sauvage,
Jouis de la belle saison.
Pour toi, le tendre amour m’engage
Et pour toi je porte ses fers ;
Ne faut-il pas, dans le jeune âge,
Voir un peu la feuille à l’envers ?

chante le berger Colinet à la bergère Lisette, chapitre des Jolies Crieuses.

Virmaître, 1894 : Pour la voir, il ne faut certes pas être sur le ventre (Argot du peuple). Il existe plusieurs chansons qui célèbrent les joies de voir la feuille à l’envers :

Sitôt, par un doux badinage,
Il la jeta sur le gazon.
— Ne fais pas, dit-il, la sauvage,
Jouis de la belle saison.
Pour toi, le tendre amour m’engage,
Et pour toi je porte ses fers.
Ne faut-il pas, dans le jeune âge.
Voir un peu la feuille à l’envers ?

(Restif de la Bretonne, Les Jolies Crieuses)

Un autre auteur a écrit sur le même sujet :

Oh ! la drôle de chanson
Que chantaient Blaise et Toinon.

France, 1907 : Coïter.

Les deux bobonnes se roulaient sur l’herbe, en poussant des gloussements à faire croire qu’il y avait dans l’épaisseur du fourré une demi-douzaine de pintades ; quant à nos lascars, ils voyaient le septième ciel sous le prisme enchanteur de la feuille à l’envers.

(Le Régiment illustre)

Voir la jument

France, 1907 : Faire la sieste : expression des moissonneurs du Centre qui ont l’habitude de se coucher sur le sillon et d’y dormir pendant une heure au milieu du jour. « Quand, dit Jaubert, le roi (le chef des moissonneurs) tarde trop à donner le signal de cette sieste, l’un des moissonneurs se met à contrefaire le hénnissement d’un cheval, aussitôt les autres travailleurs répondent par un cri semblable et tout le monde va voir la jument. »

Voir la lune

Virmaître, 1894 : Quand une femme a vu cet astre, sa fleur d’oranger n’existe plus. On dit, et c’est plus juste :
— Elle a vu la comète.
Inutile d’insister (Argot du peuple).

France, 1907 : Même sens que voir le loup.

Voir la lune à gauche

France, 1907 : Être cocu. Cette locution parait fort ancienne ; elle était déjà usitée au temps de Mme de Sévigné, qui écrit dans une de ses lettres : « Montgobert m’a écrit plaisamment les manœuvres de la belle Iris et les jalousies de M. le comte. Je crois qu’il verra la lune à gauche avec cette belle. » « Voir la lune à gauche, explique Quitard, c’est, au propre, la voir quand elle est dans son décours, phase où elle montre les cornes, et, au figuré, c’est éprouver certaine infortune dont les cornes sont le symbole. » Aussi dit-on que les maris et les amants voient souvent la lune à gauche.

Voir le coup de temps

Delvau, 1866 : Deviner à temps les intentions malveillantes de quelqu’un, de façon à être prêt à la riposte, soit qu’il s’agisse d’un coup de poing ou d’une question embarrassante.

Voir le loup

France, 1907 : Perdre sa virginité.

Ah ! les commères ! Il fallait que Pierre fût bien absorbé pour ne rien entendre des gentils propos :
— A pas peur, sa mère n’aura pas besoin, ce soir, de lui faire le p’tit sermon.
— Elle a vu le loup.
— Vot’ fils en sait quèque chose, hein, la mère Legrand ?
Et les rires soulignaient les saillies populacières.

(A. Roguenant)

C’est là qu’à Bébé la nounou
Raconte qu’elle a vu le loup,
Un soir, dans les bois de Saint-Cloud,
— Vraiment, Victoire ?
Il t’a fait mal ? — Pas su’l’moment,
Mais quelques mois après sûr’ment !

(L. Xanrof, Gil Blas hebdomadaire)

Voir le monde par une fenêtre de drap

France, 1907 : Porter le capuchon. Le vieux dicton engage le peuple à se défier des gens qui ne voient de monde que par une fenêtre de drap, c’est-à-dire des ordres monastiques portant cagoule d’où l’on ne voit que par deux trous percés dans l’étoffe. « Ne vous fiez jamais en gens qui regardent par ung pertuis », disait Rabelais.

Voir les pissenlits pousser par la racine

Virmaître, 1894 : Être sous terre. Dans le peuple, on dit également : Aller dans le royaume des taupes (Argot du peuple).

Voir midi à sa porte

France, 1907 : Connaître ses propres affaires. Chacun voit midi à sa porte. Vieux dicton.

Voir que du feu (n’y)

Delvau, 1866 : Être trompé par un beau parleur ; être ébloui par des promesses brillantes.

France, 1907 : Ne rien voir.

C’matin, la troup’ quitta l’village
Et ma sœur suivit le lieut’nant
Afin d’fair son apprentissage
De vivandièr’ du régiment.
Alors, grand-père me dit : Georgette,
Pour sauver l’honneur, sacrebleu !
Il faut prendr’ la plac’ de Jeannette,
Monsieur l’mair n’y verra qu’du feu.

(Villemer-Delormel, La Fausse Rosière)

Voir quelqu’un qu’aux bonnes fêtes (ne)

France, 1907 : Ne recevoir la visite de quelqu’un que lorsqu’il y a un bon repas.

Voir rouge

France, 1907 : Être pris du désir de tuer, de verser le sang.

Le pire alcoolisme, on ne saurait trop le répéter, est celui de l’absinthe. Il offre ceci de particulier de pousser à la violence encore plus qu’au délire. Beaucoup de buveurs d’absinthe ne déraisonnent pas sous l’influence de ce poison, qui ne les grise point, Mais, pour peu qu’on les excite en les contrariant, qu’on les vexe dans leur vanité, qu’on les blesse dans leur intérêt, qu’on allume leur colère, même sans le vouloir, ils voient rouge. Même les plus naturellement pacifiques deviennent des bêtes féroces déchaînées soudainement, capables de stupides et abominables forfaits.

(Thomas Grimm, Le Petit Journal)

Voir Sophie

Delvau, 1866 : v. a. Avoir ses menses, — dans l’argot des ouvrières.

Virmaître, 1894 : Cette très désagréable Sophie ne rend visite aux femmes qu’à chaque fin de mois. Elle vient sans être annoncée (Argot des filles).

Voir trente-six chandelles

Delvau, 1866 : v. a. Avoir un éblouissement occasionné par un coup sur la tête ou par une émotion subite. Argot du peuple. Faire voir trente-six chandelles. Appliquer un vigoureux coup de poing en plein visage.

Voir une paille dans l’œil de son prochain et ne pas voir une poutre dans le sien

France, 1907 : Remarquer les plus petits défauts chez les autres et ne pas faire attention à ses propres vices. Célèbre parabole de Jésus dans le Discours sur la montagne.

D’où vient que vous voyez une paille dans l’œil de votre frère et que vous n’apercevez point une poutre qui est dans votre œil ? Et comment pouvez-vous dire à votre frère : Laissez-moi ôter une paille qui est dans votre œil, vous qui avez une poutre dans le vôtre ? Hypocrites, ôtez premièrement la poutre qui est dans votre œil : et après cela, vous verrez comment vous pourrez ôter la paille de l’œil de votre frère.

(Saint Mathieu)

Voir venir quelqu’un avec ses gros sabots

Delvau, 1866 : Se dit — dans le même argot [du peuple] — de quelqu’un qui est deviné avant d’avoir parlé ou agi, par son inhabileté ou sa gaucherie.

Voirie

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Vagabond ; sale individu, sale femme.

France, 1907 : Femme ou fille de mauvaises mœurs ; argot populaire.

Voisin

d’Hautel, 1808 : Bon avocat, mauvais voisin. Signifie que quand on a pour voisin un homme de pratique, on court risque d’être chicané.

France, 1907 : Informe-toi du voisin avant de prendre le logis, du compagnon avant de te mettre en route. Ce dicton plein de justesse nous vient des Arabes. Le poète Saadi écrit dans son Parterre de roses : « Désireux d’acheter une maison, je me mis en quête. Un juif me dit : Achète celle que tu vois là-bas : elle est agréable, commode, belle et bien située. — La connais-tu ? demandais-je. — Si je la connais, elle est voisine de la mienne, et je puis t’affirmer que tu n’y trouveras nul désagrément. — Oh là ! m’écriai-je. Et ne comptes-tu pas celui d’être ton voisin ? »
Ayez les Français pour amis et non pour voisins. Les Français ont passé de tous temps pour turbulents, querelleurs et de parole peu sûre. Le mot ci-dessus est attribué à l’empereur Nicéphore Ier, qui, vers l’année 803, avant traité avec les envoyés de Charlemagne au sujet des limites à fixer à l’Empire, prit toutes précautions pour n’avoir pas les Francs pour voisins.

Voisiner

d’Hautel, 1808 : Rendre des visites très-fréquentes à ses voisins ; se prend toujours en mauvaise part.

Voit-d’un

France, 1907 : Borgne ; œil est sous-entendu. Expression du Centre.

Voite

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Voiture, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Voiture.

Voite (une) ou roulante

Halbert, 1849 : Une voiture.

Voiture

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas voiture. Pour dire qu’un verre n’est pas rempli.
Adieu la voiture. Se dit par plaisanterie, en considérant quelque chose qui va tomber.

Voiture à bras

Virmaître, 1894 : Vieille femme. Cette expression est employée pour dire qu’elle est une vieille charrette qui a traîné la moitié du Paris masculin (Argot du peuple).

France, 1907 : Vieille prostituée ; expression populaire.

Voiture à talons

France, 1907 : Les jambes ; expression populaire.

Voiture à talons (la)

Delvau, 1866 : Les jambes avec lesquelles on se passe de voiture. Argot du peuple.

Voix

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas voix au chapitre. Pour, il n’est pas admis, à donner son avis, il n’a aucune prépondérance.

Voix (avoir ou n’avoir pas de)

Delvau, 1864 : Bien ou mal chanter sa partie dans le duo de la fouterie.

Vous avez la courte-haleine :
Parler d’amour une fois,
C’est me donner la migraine !
Monsieur n’a donc pas de voix ?

(Collé)

Avec moi que de fois
Il a manqué de voix.

(Béranger)

Voix d’en bas

Delvau, 1866 : s. f. Le peditum de Catulle, ou plutôt son leve petitum, — dans l’argot facétieux des faubouriens qui ignorent que Savinien Lapointe a publié sous ce titre un recueil de poésies fort estimables.

Vol à l’américaine

France, 1907 : Ce vol, qui s’exerce spécialement sur les gens de campagne et les provinciaux naïfs, consiste à leur confier une valise ou un portefeuille plein de faux billets de banque en garantie desquels ils livrent leurs propres valeurs qu’ils croient bien inférieures celles confiées.

Je retrouvai, parmi les affiliés de la bande Catusse, des voleurs cambrioleurs, des bonneteurs et enfin des spécialistes du vol à l’américaine, ce vol dont parlent si souvent les journaux et qui réussit toujours malgré l’extraordinaire publicité qui lui est faite. Il y a malheureusement à cela une raison, c’est que les praticiens du vol à l’américaine exploitent surtout les sentiments malhonnêtes de la foule, de même que les bonneteurs exploitent la passion du joueur prêt à profiter d’une tricherie pour gagner.
En effet, au jeu des trois cartes dit « bonneteau », celui qui risque son argent croit tricher, puisqu’il a vu passer devant ses yeux, pendant la manipulation des trois cartes, celle qui doit le faire gagner à coup sûr, et qu’il s’imagine ponter sur elle.
Dans ce cas, le volé n’est pas plus honnête que le voleur, et l’extrême habileté des bonneteurs, il faut le dire, est la parfaite connaissance des vices de l’humanité. Il en est de même pour le vol dit à l’américaine.
La victime (la poire, le pante, comme disent les voleurs dans leur argot) se dit qu’après tout, si l’homme qui lui a confié sa cassette ou sa valise ne revient pas la chercher, ça sera une bonne affaire pour lui de la garder.

(Mémoires de M. Goron)

Vol au vent

Vidocq, 1837 : s. f. — Plume.

France, 1907 : Variété pittoresque de vol qui l’on trouvera décrite par E. Frébault dans les lignes suivantes : « L’opérateur choisit son sujet parmi les passants qui n’ont pas leur chapeau bien assujetti sur la tête. Il s’élance alors vers lui, le heurte, reçoit son couvre-chef entre les mains et le lui rend avec un gracieux sourire. Pendant que le monsieur se confond en remerciements, l’escroc lui fait son porte-monnaie avec une adresse exquise. »

Vol-au-vent

La Rue, 1894 : Girouette. Plume.

France, 1907 : Tête. Avoir une écrevisse dans de vol-au-vent, être timbré ; même sens qu’avoir une araignée dans de plafond.

Volaille

d’Hautel, 1808 : Une volaille. Terme populaire et injurieux, dont on se sert pour désigner une femme de mauvaise vie.

Delvau, 1864 : Femme plus que légère, et même un peu putain.

…. Eh bien, canaille !
Va donc la retrouver ; et que cette volaille
(C’est mon plus cher désir) cède à ta passion.

(L. Protat)

Ma danseus’ m’a traité d’ pochard,
Moi j’ l’ai traité d’volaille.

(J. Moinaux)

Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille débauchée, — dans l’argot du peuple, qui sait que la plupart des drôlesses sont bêtes comme des oies.

Delvau, 1866 : s. f. Homme sans consistance ; aimable sceptique qui ne croit qu’à lui. Argot des gens de lettres.

Fustier, 1889 : Terme de mépris à l’adresse d’une femme quelconque. — Étudiant, dans le jargon des écoles.

Des collégiens et quelques étudiants ; des volailles, comme on dit sur la montagne Sainte-Geneviève.

(XIXe siècle)

France, 1907 : Nouveau au Prytanée militaire de la Flèche. Aspirant à l’École militaire de Saint-Cyr.

France, 1907 : Prostituée qui vole le client. Jeu de mot.

Volailler

Delvau, 1866 : v. n. Argot des gens de lettres.

Delvau, 1866 : v. n. Courir les gueuses.

Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de stabilité dans ses affections, se faire l’ami du premier venu.

France, 1907 : Se familiariser, faire commerce d’amitié avec le premier venu.

Volaillon

France, 1907 : Jeune voleur encore inexpert.

Volant

Vidocq, 1837 : s. m. — Pigeon.

Vidocq, 1837 : s. m. — Manteau.

(Villon)

Rigaud, 1881 : Oiseau. — Manteau.

Virmaître, 1894 : Manteau. Allusion à ce qu’il vole à tous les vents (Argot des voleurs).

France, 1907 : Manteau ; vieil argot.

Volante

La Rue, 1894 : Plume. Dépêche télégraphique.

France, 1907 : Dépêche, télégramme.

France, 1907 : La police.

France, 1907 / anon., 1907 : Plume.

Volante, vol-au-vent

Rigaud, 1881 : Plume.

Volants (les)

Merlin, 1888 : Ce sont les servants à cheval de l’artillerie.

Volapück

France, 1907 : Langue universelle, baptisée ainsi par son inventeur, Schleyer, de Constance. Volapück est formé de deux mots pris dans la langue elle-même, vol, univers, et pük, langue. Le volapück ne s’est jamais répandu en France, mais en Allemagne il eut un moment de vogue. En 1886 les étudiants de Prague parlaient le volapück et à Dresde il était en usage même dans les classes ouvrières. Il est aujourd’hui à peu près abandonné, quoique reposant sur une idée fort juste et qui depuis plusieurs siècles à préoccupé les plus grands esprits. Il suffira de citer Bacon, Descartes, Leibniz, Voltaire, Montesquieu, Volney, Ampère, qui tous ont reconnu la nécessité d’une langue universelle. Nombre d’essuis ont été tentés ; les derniers en France sont le Sol-ré-sol, la Langue Bleue ou Bolak du nom le Léon Bollack, son inventeur, et l’Esperanto.

Volé

Virmaître, 1894 : Trompé dans ses espérances.
— Je comptais toucher une grosse somme, rien, je suis volé.
— Je rencontre une femme qui me paraissait dodue, avoir de l’œil, de la dent, des seins et des mollets. Quand le soir, pour nous coucher elle se déshabille, elle met un œil de verre et son râtelier sur la table de nuit, elle retire sa réchauffante, des tétons en caoutchouc garnissaient son corset, elle portait dix gilets de flanelle et six paires de bas.
Ce n’était plus qu’une planche, j’étais volé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Déçu, désappointé, trompé, mystifié ; argot populaire.

Volé (être)

Larchey, 1865 : Être trompé ou mystifié sans être pour cela victime d’un vol. Capelle, dans ses Contes (1818) faire dire à Richelieu, près duquel une fille d’opéra s’est fait passer pour une paysanne : Grands dieux ! je suis volé.

On dit qu’un homme vole une femme galante lorsqu’il ne lui donne pas une somme promise. L’homme est au contraire volé lorsque la femme ne lui a laissé que du désanchantement.

(Cadol)

Un voleur se dira volé s’il trouve peu de butin.

Nicolas n’est pas volé ! s’écria Calebasse. — Non, répondit le brigand, j’ai fait mes frais.

(E. Sue)

Delvau, 1866 : Mystifié, trompé, déçu, — dans l’argot du peuple.

Vole au vent

Larchey, 1865 : Plume (Vidocq).

France, 1907 : Plume d’oiseau.

Vole-au-vent

Delvau, 1866 : s. f. Plume, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Plume (Argot des voleurs).

Volée

d’Hautel, 1808 : C’est de la haute volée. Pour dire d’un rang distingué, d’une charge éminente ; d’un poste important.

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus. C’est le Banging des ouvriers anglais.

Rossignol, 1901 : Battre ou être battu est recevoir ou flanquer uné volée.

France, 1907 : Grêle de coups.

Le jeune vicomte de X… surprend l’autre jour sa maîtresse en conversation criminelle avec un de ses amis. Furieux, il lui flanque une volée de coups de cravache.
— Ah ! le monstre ! fait la pauvre fille en se tenant les reins endoloris… Il dira encore qu’il n’est pas jaloux.

(Le Diable boiteux)

Volée (en recevoir ou en donner une)

Virmaître, 1894 : Battre ou être battu. Recevoir une volée de bois verts : être fortement grondé. Être éreinté par un article de journal (Argot du peuple).

Voler

d’Hautel, 1808 : On diroit qu’il a volé un coche. Se dit par ironie de quelqu’un qui, d’une condition plus que médiocre, passe tout-à-coup à un état opulent.

Voler à la graisse

Larchey, 1865 : Se faire prêter sur des lingots d’or et sur des diamants qui ne sont que du cuivre et du strass. (Vidocq).

Voler de la fourchette

Larchey, 1865 : Voler à l’aide des deux premiers doigts qui font fourchette et pince, en les introduisant dans la poche.

Volerie

d’Hautel, 1808 : Rapine, monopole, exaction ; synonyme de mangerie.

Voleur

d’Hautel, 1808 : Fait comme un voleur. C’est-à-dire déguenillé, malproprement vêtu ; mal habillé.

Voleur au croquant

Virmaître, 1894 : Voleur qui dévalise les paysans. Ce sont les grinchisseurs de cambrousse. (Argot des voleurs).

Voleur d’étiquettes

France, 1907 : Fourrier, dénommé ainsi dans l’argot militaire parce qu’il est accusé par les soldats de voler les étiquettes placées à la tête du lit de chaque homme, afin d’en faire payer de nouvelles.

Voleur de chevaux (crier comme un)

France, 1907 : Parler bas ; expression du Centre.

Voleurs

Boutmy, 1883 : s. m. pl. Morceaux de papier qui se trouvent collés aux feuilles durant l’impression (Vinçard), et qui produisent des moines sur la feuille imprimée. Momoro les appelle Larrons.

Voleurs d’étiquettes

Merlin, 1888 : Chaque soldat doit être pourvu de deux étiquettes portant son nom et son numéro matricule et destinées à faire reconnaître ses vêtements et son fusil. Les fourriers sont chargés de les en munir ; mais les soldats les accusent souvent de faire du fourbi et de soustraire ces étiquettes, pour avoir, — contre rémunération, bien entendu, — à les remplacer et souvent… par les mêmes.

Voleuse (lune)

France, 1907 : « On appelle ainsi la lune lorsqu’elle est trop belle et trop claire pendant le temps des fruits. Cet astre semble complice des maraudeurs qu’il éclaire. De là on appelle vin de lune le vin provenant de raisins volés la nuit. »

(Jaubert, Gloss. du Centre)

Volière cipale

France, 1907 : La municipalité, le conseil municipal de Paris ; argot faubourien.

Le conseil cipal a gaspillé quinze cents balles en feux d’artifices et illuminations.
N’y avait-il donc pas un meilleur emploi à trouver pour ces quinze cents francs ?
Foutre si !
À Carmaux y a encore des pauvres prolos qui claquent du bec ; y en a qui vont le cul nu.
Si les birbes de la volière cipale avaient été — ce qui est impossible à une collection d’élus — des socialos francs du collier, ils auraient arboré le drapeau noir à l’Hôtel de Ville et auraient acheté pour quinze cents balles de frusques et de miches…
Pour éclairer et chauffer pendant les jours gras la volière cipale, ça a coûté environ 48.000 francs ; on a dépensé autant en boustifaille, vinasse et liqueurs, puis y a une douzaine de mille francs pour le personnel, 3.600 francs pour les frais d’invitation et 3.400 francs pour payer les violons et les trombones à coulisse. En ajoutant à ça quelques billets de mille, gaspillés en frais divers, ou arrive au chiffre rondelet de 118.000 francs.
Vive la République, nom de dieu !

(Le Père Peinard, 1897)

Volige

Virmaître, 1894 : Femme d’une maigreur telle qu’il est impossible de la toucher sans se couper. Allusion à la planche nommée volige qui est la plus mince connue en menuiserie (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Une femme grande et mince est une volige, parce qu’elle est plate de partout.

France, 1907 : Femme plate et maigre comme une latte à ardoises.

Volo, non valeo

France, 1907 : Je veux bien, mais je ne puis. Locution latine.

Volontaire de cinq ans

Rigaud, 1881 : Soldat. Par opposition ironique à volontaire d’un an. Le soldat doit cinq ans de service militaire au pays.

Volonté

d’Hautel, 1808 : Il a autant de volontés qu’un chien a de puces. Se dit d’un homme fantasque et capricieux, qui change à tout moment ; en un mot d’une girouette.
Les volontés sont libres. Se dit par raillerie quand quelqu’un refuse de faire ce qu’on lui commande.
La bonne volonté est réputée pout le fait. Quoique cependant la volonté diffère beaucoup du fait.

Voltaire

France, 1907 : Sobriquet donne par les érudits des villages du Centre à ceux qui sont trop enclins à anticiper sur les champs du voisin, peccadille commune aux bons campagnards. C’est un jeu de mot sur vol-terre.

Volte

La Rue, 1894 : Voiture.

Volte subito

France, 1907 : Tourner vite. Expression musicale indiquant qu’il faut tourner rapidement le feuillet d’une partition. Italianisme.

Voltigeante

Ansiaume, 1821 : Poudre à poudrer.

La voltigeante fait bien à la frimousse pour n’être pas reconnoblé.

Delvau, 1866 : s. f. La boue, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Boue.

La Rue, 1894 : La boue. Plume.

France, 1907 : La boue.

Voltigeur

Rigaud, 1881 : Apprenti maçon, aide-maçon. Il fait de la voltige d’échelle en échelle.

France, 1907 : Apprenti maçon, jeune goujat.

Voltigeur de 89

Delvau, 1866 : s. m. Prudhomme politique qui a toujours à la bouche les « immortels principes » de la première Révolution.

Voltigeur de la Charte

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui croit encore à la Charte-Vérité comme les Juifs croient au Messie. Argot des journalistes.

Voltigeur de Louis XIV

Larchey, 1865 : Émigré rétabli par la Restauration sur les cadres de l’armée.

Cet ennemi personnel de l’égalité, ce détracteur narquois de notre révolution…, ce voltigeur de Louis XIV.

(E. Augier)

France, 1907 : Sobriquet donne en 1815 aux émigrés rentrés en France et plus tard aux vieux royalistes.

Voltigeur de Louis XIV, ou de Louis XVIII

Delvau, 1866 : s. m. Emigré, retour de Gand ou de Coblentz. Se dit depuis 1815.

Voltigeur de quatre-vingt-neuf

France, 1907 : Sobriquet donné aux vieux républicains, alias vieilles barbes, qui ont toujours à la bouche les immortels principes de la grande Révolution, principes peu suivis et fort démodés aujourd’hui.

Volupté

Delvau, 1864 : Jouissance suprême obtenue, soit par la masturbation personnelle, soit par le coït. Et ce manège-là, plusieurs fois répété, Au suprême degré porte la volupté.

(L. Protat)

Vomir tripes et boyaux

Rigaud, 1881 : Vomir copieusement et avec de grands efforts.

Vomitatoire

France, 1907 : Repoussant, répugnant, qui fait vomir ; argot faubourien.

Et c’est affreux et si tellement
Malpropre, obscur et délétère,
Qu’on s’figur’rait qu’les z’éléments
Sont sous l’régim’ parlementaire ;
Voui ! les cieux sont si dégueulas,
Corrompus et vomitatoires,
Qu’on a dit : — C’est cor’ eun’ drôl’ d’histoire,
Arton a dû passer par là.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du Pauvre)

Votailler

France, 1907 : Voter.

C’est toi le peup’, brave ouvrier !
De temps en temps, on t’fait votailler ;
T’es souverain !…
…Mais tu peux crier,
Alors i’faut bien t’mitrailler !

(Paul Gaillette, Tablettes d’un lézard)

Vote (chevalier du)

France, 1907 : Sénateur, député ; néologisme créé par Guy de Maupassant.

Voto

France, 1907 : Fête patronale. Dans quelques départements on dit aussi pardon.

Dans les provinces méridionales, il n’est pas de hameau misérable et indigent qui, à sa voto, ne se cotise pour avoir au moins un couple de lutteurs.

(Henri Rolland)

Voué au blanc (être)

Delvau, 1864 : Vaurien qui ne sera jamais qu’un mangeur de blanc : un maquereau.

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des faubouriens — d’un apprenti qui n’aime pas à travailler et qui préfère polissonner avec les voyous et les filles du faubourg.

Vouer

d’Hautel, 1808 : Il ne sait plus à quel saint se vouer. Pour dire, il ne sait pas où donner de la tête, quel parti prendre ; il y perd son latin.

Vouet

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voiture.

Vougri

France, 1907 : Auvergnat, dénommé ainsi à cause du juron qui lui est familier et qui n’est autre que notre mot bougre.

— Chouette, patron ! Ça y est !… C’est aujourd’hui que nous allons en mouiller. La gonzesse est seule. Le larbonchem vient de s’esbigner de sa turne. En dimanche, oui, madame ! habillé comme un astre : tromblon et rédingue, mince d’épate ! Longue course, rentrera pas avant souper. Hé ! là, vous y êtes ?
— Et j’y chuis, vougri !

(Jean Richepin)

Vouloir

d’Hautel, 1808 : Chacun veut avoir le bon bout de son côté. Signifie que chacun veut avoir l’avantage, le bénéfice d’une affaire.
On dit pour se moquer de ceux qui disent, Je le veux, le roi dit : Nous voulons.

Voulu (c’est)

Rigaud, 1881 : C’est une mode, c’est entré dans les mœurs, c’est une chose de convention.

C’est voulu ! ce n’est pas sincère.

(V. Sardou, Daniel Rochat, ac. 1. sc. 2)

Vous m’entendez bien (faire le)

France, 1907 : Façon de s’exprimer des prudes pour désigner d’acte qui les fait brûler d’envie, mais qu’elles n’osent nommer.

Vous n’avez rien ?

Virmaître, 1894 : Dans le peuple on nomme ainsi les employés d’octroi qui inspectent les passants aux barrières, parce que leur phrase consacrée est celle-ci :
— Vous n’avez rien à déclarer ?
— Si, leur répond quelquefois un passant facétieux, je déclare que j’ai bien déjeuné (Argot du peuple).

Vous-n’avez-rien

Delvau, 1866 : s. m. Employé de l’octroi, — dans l’argot des faubouriens, par allusion à sa phrase habituelle : « Vous n’avez rien à déclarer ? ».

Vousaille

Delvau, 1866 : pron. pers. Vous, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Vous (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Vous.

Voûte azurée

Delvau, 1866 : s. f. Le ciel, — dans l’argot des académiciens, qui ont des lunettes bleues.

Voûte d’acier

Delvau, 1866 : s. f. Partie du cérémonial maçonnique.

Vouvrillon

France, 1907 : Habitant de Vouvray.

Vouzaille

Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Halbert, 1849 : Vous.

France, 1907 : Vous ; argot des voleurs. Voir Vozière.

Vouzaille, vouzigaud, vozière, vozigue

Rigaud, 1881 : Vous. Avec un peu d’imagination, on peut varier la terminaison à l’infini.

Vouzaille, vozière, vozigue

La Rue, 1894 : Vous.

Vouzailles

Vidocq, 1837 : p. p. — Vous.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Vous. Voir Ravignolé.

Vouzailles, vouzingand, vozière

anon., 1827 : Vous.

Vouzailles, vozière

Bras-de-Fer, 1829 : Vous.

Vox clamantis in deserto

France, 1907 : Voix qui parle dans le désert. Allusion à saint Jean-Baptiste qui prêchait dans les solitudes de la Judée.

Vox faucibus hæsit

France, 1907 : La voix s’arrêta dans ma gorge. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile et dont on se sert pour peindre la surprise, la stupeur.

Vox populi, vox dei

France, 1907 : La voix du peuple est la voix de Dieu. Sentence latine originaire des Grecs. Aristide défendant Périclès soutenait « que ce qui était universellement reçu par le peuple était fondé sur la vérité et devait devenir la croyance générale, parce que la masse rend toujours hommage à la vérité ». Rien de plus faux. L’erreur gouverne les masses ; elles ce courbent sous tous les préjugés, écoutent tous les mensonges et sont esclaves de tous les charlatans. La voix du peuple n’est le plus souvent que le verbe d’une foule ignorante, inconsciente et inepte, un écho répété par d’autres échos. L’illustre Phoeion, qui commanda quarante-cinq fois les armées athéniennes et qui connaissait bien la versatilité populaire dont il devait devenir victime, s’écria, tandis que le peuple applaudissait avec frénésie un de ses discours : « J’ai donc laissé échapper quelque sottise ! » « L’opinion est la reine du monde parce que, disait Chamfort, la sottise est la reine des sots. » Donc est tenu pour maxime le proverbe vulgaire :

Qui est aimé du Populus
Il est aimé de Dominus.

C’est pourquoi l’on voit la faveur populaire entourer si souvent des pitres ou des coquins.

Voyage (emmener en)

France, 1907 : Faire éprouver à une femme le plaisir vénérien ; argot des filles.

J’ai étudié autrefois avec une curiosité patiente et que je crois clairvoyante les rites d’amour de ce peuple infame. J’ai appris d’eux que la vraie possession, la seule qui excite chez l’homme la jalousie, c’est ce vertige qui fait dire aux pauvres prostituées, parlant de l’amant qu’elles chérissent :
— Il n’y a que lui qui m’emmène en voyage…

(Hugues Le Roux, Le Journal)

Voyage (le)

Delvau, 1866 : Le tour de France, — dans l’argot des saltimbanques. Se connaître sur le voyage. Pendant la tournée départementale.

Rigaud, 1881 : Le tour de France, — dans le jargon des saltimbanques.

Virmaître, 1894 : Les saltimbanques qui font le tour de France dans leur roulotte voyagent constamment. On dit de ceux qui connaissent parfaitement leur topographie :
— Ils se connaissent en voyage. (Argot des saltimbanques).

Voyage à Cythère (faire un)

Delvau, 1864 : Baiser, l’acte copulatif se faisant d’une ou plusieurs traites, selon la vigueur des deux voyageurs.

Le marquis, qui croit qu’il s’agit d’un petit voyage à Cythère…

(Jean Du Boys)

Voyager

d’Hautel, 1808 : On dit en plaisantant, quand on cherche quelque chose, dont on a besoin et qu’on ne le trouve pas sous sa main, qu’il voyage.

Rigaud, 1881 : Terme chorégraphique. Dévier de place en faisant une pirouette.

Dans les ballets de mélodrames une pirouette commence au fond du théâtre et s’achève près de la rampe.

(Petit dict. des coulisses)

Voyager au pays de tendre

France, 1907 : Filer le parfait amour. Allusion à un roman de Mlle de Scudéri, célèbre autrefois et tombé depuis dans un oubli mérité, Clélie, où deux amants voyagent en devisant fadement sur six rivières conduisant à six villes qui toutes portent le nom de Tendre : Tendre sur Inclination, Tendre sur Estime, Tendre sur Reconnaissance, Tendre sur Désir, Tendre que Passion, et enfin Tendre sur Tendre où se trouve le septième ciel !

Voyages

Delvau, 1866 : s. m. pl. Épreuves de réception, — dans l’argot des francs-maçons.

Voyageur

Delvau, 1866 : s. m. Amateur, — dans l’argot des saltimbanques, qui donnent ce nom à celui des spectateurs qui consent à leur servir de compère dans un tour de force ou d’adresse.

Delvau, 1866 : s. m. Insecte parasite, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Saltimbanque. — C’est, par euphémisme, le nom sous lequel les saltimbanques se désignent.

Rigaud, 1881 : Voyageur de commerce. — L’illustre Gaudissart a été le Napoléon des voyageurs. (V. Le roman de Balzac)

Virmaître, 1894 : L’engayeur qui bat comtois, qui fait le compère à la porte des baraques de lutteurs se nomme le voyageur (Argot des saltimbanques).

Voyageur (vol au)

Vidocq, 1837 : Les vols au Voyageur se commettent tous les jours à Paris ou aux environs. Voici comment procèdent les voleurs qui emploient ce truc.
L’un d’eux se met en embuscade sur l’une des grandes routes qui conduisent à Paris, et il reste au poste qu’il s’est assigné jusqu’à ce qu’il avise un voyageur doué d’une physionomie convenable, et porteur d’un sac qui paraisse lourd et bien garni. Lorsqu’il a trouvé ce qu’il cherchait, le voleur s’approche. Tout le monde sait que rien n’est plus facile que de lier conversation sur la grande route. « Eh bien ! camarade, dit-il au pauvre diable qui chemine vers la capitale, courbé sous le poids de son hâvre-sac, vous allez à Paris, sans doute. — Oui, monsieur, répond le voyageur. — Il est, dit-on, bien facile d’y faire fortune, aussi je fais comme vous. Connaissez-vous Paris ? — Ma foi non, je n’y suis jamais venu. — Absolument comme moi, je ne connais ni la ville ni ses habitans ; aussi, comme il n’est pas très-agréable de vivre tout-à fait seul, nous nous logerons dans le même hôtel. » Cette proposition, faite par un étranger, ne surprend pas un étranger, aussi, elle est ordinairement acceptée avec empressement. Les deux nouveaux camarades s’arrêtent au premier cabaret qui se trouve sur leur chemin, boivent une bouteille de vin, que le voleur veut absolument payer, et continuent à marcher de compagnie. « Vous avez un sac qui paraît diablement lourd, dit le voleur. — Il n’est effectivement pas léger, répond le voyageur ; il contient tous mes effets et une petite somme d’argent. — J’ai mis mon bagage au roulage ; on voyage plus commodément lorsque l’on n’est pas chargé. — J’aurais dû faire comme vous, répond le voyageur à cette observation, en donnant un léger coup d’épaule. — Vous paraissez fatigué, permettez-moi de porter votre sac un bout de chemin. — Vous êtes trop bon. — Donnez donc. » Le voyageur, charmé de pouvoir alléger un peu ses épaules, quitte son sac, qui passe sur celles du voleur, qui paraît ne pas s’apercevoir du poids qui les surcharge. Enfin, on arrive à Paris ; on ne sait où descendre, mais avec une langue on arriverait à Rome. Aussi les deux nouveaux habitans de la capitale ont bientôt trouvé une hôtellerie. Le voleur y dépose le sac qu’il n’a pas quitté, et, comme il faut, dit-il, qu’il aille chercher de l’argent chez un parent ou un ami de sa famille, il sort et prie le voyageur de l’accompagner. Le voleur, qui connaît parfaitement Paris, fait faire à son compagnon mille tours et détours, de sorte que celui-ci croit être à une lieue au moins de l’hôtellerie lorsqu’il n’en est qu’à cent ou cent-cinquante pas. « Je viens enfin de trouver mon oncle, lui dit enfin le voleur, ayez la bonté de m’attendre dans ce cabaret, je ne fais que monter et descendre. » Lorsque le voyageur est installé devant une bouteille à quinze, le voleur, au lieu de monter chez son oncle, court bien vite à l’auberge, s’excuse auprès de l’aubergiste de ce qu’il ne loge pas chez lui, et demande le sac, qu’on lui remet sans difficulté, puisque c’est lui qui l’a apporté.

Voyageur sec

Fustier, 1889 : Voyageur qui ne fait aucune dépense dans l’hôtel où il est descendu.

Voyageurs

Virmaître, 1894 : Pou, puce, punaise ou morpion. Ces insectes désagréables voyagent sur le corps du pauvre bougre qui en est affligé (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Marchands forains qui font la province. Ils sont désignés par ceux qui ne font que Paris et la banlieue sous le nom de voyageurs.

Voyageurs à quinze francs le cent

Rigaud, 1881 : Voyageurs d’impériale d’omnibus, — dans le jargon des cochers de fiacre.

Voyageuse

Fustier, 1889 : Femme galante qui travaille (?) sur les paquebots et les lignes de chemin de fer.

Voyante

Fustier, 1889 : « Un autre type amusant (à la roulette de Monaco) c’est la Voyante. Elle indique les numéros qui vont sortir et se loue moyennant 20 francs par heure. »

(Revue politique et littéraire, 1882)

Voyeur

France, 1907 : On appelle ainsi dans les maisons de tolérance les personnes qui, moyennant rétribution, viennent assister, sans être vues, aux scènes intimes qui se passent dans ces établissements. Des ouvertures habilement ménagées dans les cloisons permettent Aux amateurs de ces genres de spectacle, et ils sont nombreux, de s’ébaudir sans que les acteurs en scène se doutent de leur présence.

Le noble marié s’empressa de reprendre la fête interrompue par la débine. Seulement, il ne voulait pas la faire seul. Il offrit à son épouse de l’accompagner. Celle-ci accepta, deux jours à après le mariage. Il la conduisit dans une arène d’amour, où, sous les yeux du couple voyeur les acrobates de l’endroit se livrèrent à cette surprenante et voluptueuse gymnastique. La chaste comtesse parut, dit-elle, un peu étonnée mais le maire lui avait dit, en la mariant, que la femme doit suivre son mari.

(Ed. Lepelletier, Écho de Paris)

Le voyage de noces, qui constituait naguère encore une des plus inévitables formalités du mariage, est aujourd’hui complètement tombé en désuétude ; c’est, je crois, depuis que les wagons de chemins de fer sont munis de petits carreaux triangulaires, évidemment créés pour donner satisfaction aux coupables instincts des vieillards répugnants que leurs tendances contemplatives font appeler des voyeurs.

(Gil Blas)

Voyeurs

Virmaître, 1894 : Il existe des voyeurs pour hommes et pour femmes. Ce sont des trous imperceptibles pratiqués dans une tapisserie, qui permettent aux spectateurs de voir sans être vus. Il y a des maisons de rendez-vous célèbres, où les blasés payent cinq louis pour repaître leurs yeux d’un spectacle ignoble, où toutes les lubricités les plus ordurières s’étalent (Argot des filles). N.

Voyou

Delvau, 1866 : s. m. Gamin de Paris, enfant perdu de la voie publique ; produit incestueux de la boue et du caillou ; fumier sur lequel pousse l’héroïsme : hôpital ambulant de toutes les maladies morales de l’humanité ; laid comme Quasimodo, cruel comme Domitien, spirituel comme Voltaire, cynique comme Diogène, brave comme Jean Bart, athée comme Lalande, — un monstre en un mot. Type vieux — comme les rues. Mais le mot est moderne, quoiqu’on ait voulu le faire remonter jusqu’à Saint-Simon, qui traite de voyous les petits bourgeois de son temps.

Rigaud, 1881 : Gamin de Paris. — Dans les Mystères de Paris, Eug. Sue a doté le voyou, son Tortillard, de tous les vices. — Dans les Misérables, M. Victor Hugo a poétisé le voyou sous le nom de Gavroche.

C’était le même regard pénétrant et astucieux joint à cet air insolent, gouailleur et narquois, particulier au voyou de Paris, ce type alarmant de la dépravation précoce, véritable graine de bagne.

(E. Sue)

Ses parents l’avaient jeté dans la vie d’un coup de pied. C’était un garçon bruyant, blême, leste, éveillé, goguenard, à l’air vivace et maladif. Il allait, venait, chantait, jouait à la fayousse, grattait les ruisseaux, volait un peu, mais, comme les chats et les passereaux, gaiement, riait quand on l’appelait galopin, se fâchait quand on l’appelait voyou.

(V. Hugo)

C’est le gamin de Paris, l’enfant de la voie publique, le produit de la boue et du caillou, le fumier sur lequel passe l’héroïsme, l’hôpital ambulant de toutes les plaies morales de l’humanité. Laid comme Quasimodo, cruel comme Domitien, spirituel comme Voltaire, cynique comme Diogène, brave comme Jean-Bart, athée comme Lalande, un monstre.

(A. Delvau, La Journée d’un voyou)

Le voyou, le parisien naturel, ne pleure pas, il pleurniche ; il ne rit pas, il ricane ; il ne plaisante pas, il blague ; il ne danse pas, il chahute ; il n’est pas amoureux, il est libertin.

(L. Veuillot, Les Odeurs de Paris)

Rigaud, 1881 : Grossier, mal-appris, canaille et crapuleux personnage.

Virmaître, 1894 : Le voyou n’est pas à comparer à l’ancien titi, au gamin, au gavroche. C’est une petite crapule qui a en lui les germes de toutes les passions, de tous les vices et de tous les crimes imaginables. Le gamin de Paris est gouailleur, spirituel, courageux, susceptible de dévouement, il est flâneur, c’est vrai, mais sa flânerie est innocente. Le voyou a un langage à part ; comme le moineau franc, il a les instincts pillards, il est sans cœur, n’aime rien et convoite tout (Argot du peuple).

France, 1907 : Gamin mal élevé, cynique et mal embouché. Le type du genre est le voyou parisien. Alfred Delvau en a donné une définition à laquelle rien n’est à changer :

Gamin de Paris, enfant perdu de la voie publique ; produit incestueux de la boue et du caillou ; fumier sur lequel pousse l’héroïsme : hôpital ambulant de toutes les maladies morales de l’humanité ; laid comme Quasimodo, cruel comme Domitien, spirituel comme Voltaire, cynique comme Diogène, brave comme Jean Bart, athée comme Lalande, — un monstre en un mot.
Type vieux — comme les rues. Mais le mot est moderne, quoiqu’on ait voulu le faire remonter jusqu’à Saint-Simon, qui traite de voyous les petits bourgeois de son temps.

Dans ses Misérables, Victor Hugo, sous le tvpe de Gavroche, a idéalisé le petit voyou parisien. On dit au féminin voyouse ou voyoute. D’après Charles Nisard, voyou viendrait de voirou, individu malfaisant, loup-garou. « Le peuple de Paris, dit-il, qui fait et refait les mots et qui, bons ou mauvais, finit par les imposer, a perfectionné celui-là. Voyou prévaut sur voirou et a gagné la province. Seules les campanes tiennent bon encore, mais à la longue elles céderont. »

Voir Voirou.

Voyoucrate

Delvau, 1866 : s. m. Démocrate qui exagère la Démocratie, et dont l’Idéal, au lieu de plonger dans l’éther de l’abbé de Saint-Pierre, barbote dans la fange du sans-culottisme.

Rigaud, 1881 : Qui tient à la canaille, partisan de la canaille.

France, 1907 : Individu qui se conduit en voyou dans le sens crapuleux du mot.

Voyoucratie

Delvau, 1866 : s. f. Gouvernement de la blouse sale ; tyrannie du ruisseau ; démocratie qui ferait regretter aux républicains sincères « le despotisme de nos rois » — lequel du moins était un despotisme aimable.

Rigaud, 1881 : Prétention de la canaille à primer les autres classes de la société.

France, 1907 : Le monde des voyous ; la tyrannie de la canaille.

Voyoutados

La Rue, 1894 : Cigare d’un sou. On dit aussi crapulos, infectados.

Voyoutados, voyoucratados

France, 1907 : Cigare d’un sou. On dit aussi crapulos.

Il y aura toujours plus de fumeurs de voyoucratados à un sou que d’aristocratès à un franc.

(Le Voltaire)

Voyoute

Delvau, 1866 : s. f. Petite drôlesse qui s’accouple avec le voyou avant l’âge de la nubilité, — afin de n’en pas laisser perdre la graine. Fleur fanée qui ne se nouera jamais en fruit, — fille qui ne sera jamais que fille.
J’ai créé le mot il y a quelques années : il est maintenant dans la circulation.

Virmaître, 1894 : La femelle du voyou, seulement, en plus, elle est putain à l’âge où l’on va encore à l’école. À douze ans, la voyoute est déjà une petite marmite qui gagne du pognon à son voyou-souteneur (Argot du peuple).

Voyoutisme

Delvau, 1866 : s. m. État crapuleux, abject, — la satire boueuse de l’humanité.

France, 1907 : État crapuleux. Tomber dans le voyoutisme, dans la fange.

Vozière, vozigue

France, 1907 : Vous ; argot des voleurs.

Vrac

France, 1907 : Désordre, pêle-mêle ; abréviation de varech ; argot maritime. En vrac, en désordre. Marchandises en vrac, marchandises expédiées sans être emballées.

Vreniller

France, 1907 : Errer ; provincialisme.

Vrignole

Fustier, 1889 : Viande.

France, 1907 : Viande ; déformation de crignole. Argot des voleurs.

Vrille

Delvau, 1866 : s. f. Lesbienne, — dans l’argot des souteneurs.

Virmaître, 1894 : Femme pour femme. Pourquoi vrille ? Elle ne perce rien (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Voir gousse.

Hayard, 1907 : Tribade.

France, 1907 : Lesbienne.

Vrille (voleur à la)

Larchey, 1865 : « Voleur pénétrant dans les maisons en pratiquant aux volets une ouverture carrée à l’aide de quatre trous de vrille entre lesquels il fait jouer une scie très-fine. »

(Canler)

Vriller du nez

France, 1907 : Froncer le nez ; exprimer par le jeu des muscles nasaux le mécontentement, le dédain, le dégoût. Expression du Centre.

Vrilleur

France, 1907 : Voleur de nuit qui dévalise les boutiques, spécialement celles des bijoutiers, en pratiquant une ouverture dans la devanture au moyen d’une mèche ou vrille.

Vrilleurs

Virmaître, 1894 : Les vrilleurs sont des voleurs de nuit qui dévalisent les boutiques des bijoutiers. Ce vol nécessite une audace extraordinaire. Avec l’avant-courrier (mèche), ils percent la devanture en tôle de plusieurs trous en carré ; avec une scie fine introduite dans l’un des trous, ils scient la tôle et pratiquent une ouverture assez large pour y passer le bras. À l’aide d’un diamant, ils coupent la glace en carré également, pour que les débris ne fassent pas de bruit en tombant ; préalablement, ils appliquent sur la partie coupée un fort tampon de mastic, après quoi, à l’aide d’une tringle d’acier, ils attirent à eux tous les bijoux qu’ils peuvent. Ils en est qui raflent tout un étalage en quelques minutes (Argot des voleurs). N.

Vrimalion

Vidocq, 1837 : s. f. — Ville.

Vrombir

France, 1907 : Onomatopée du bruissement des abeilles. Néologisme inventé par le poète Jean Richepin, ainsi qu’il le déclare lui-même dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, no 815.

J’ai employé le mot vrombir à plusieurs reprises. Il ne m’a été fourni par aucun lexique et je crois bien qu’il n’avait jamais été imprimé avant que je m’en fusse servi. Je l’ai trouvé emmagasiné dans ma mémoire d’enfant, avec le sens très net de ronfler appliqué proprement à la toupie. D’où me venait-il ? je l’ignore. Mon enfance a vagabondé à travers tant de provinces, au hasard des garnisons paternelles.

Vronvron

France, 1907 : Hanneton. Onomatopée du bruissement de cet insecte qui l’a fait nommer ainsi par les enfants du Morbihan.

Vu (être)

La Rue, 1894 : Être dupé. Être arrêté.

Vue

d’Hautel, 1808 : À vue de pays. Pour dire en gros, par présomption, approximativement.

Vuivre (la)

France, 1907 : Voir Tarasque.

Vulgivague

France, 1907 : Néologisme créé par Mercier, l’auteur du Tableau de Paris, dans un chapitre consacré aux filles publiques.

On compte à Paris trente mille filles publiques, c’est-à-dire des vulgivagues et dix mille environ moins indécentes qui sont entretenues et qui d’année en année passent en différentes mains. On les appelait autrefois femmes amoureuses, filles folles de leurs corps.

Vulgum pecus

France, 1907 : La foule, littéralement le troupeau vulgaire, ce que Thiers appelait la vie multitude.

Ce qui m’a réussi, c’est que j’ai toujours suivi mon petit bonhomme de chemin, sans m’inquiéter des propos du vulgaire — je dis vulgaire par manière de parler, car n’étant qu’un humble prêtre, je dois passer moi-même aux yeux de mes supérieurs pour un des membres du vulgum pécus, mais tout varie et change d’aspect suivant le point de vue où l’on est placé.

(Hector France, Confession de l’abbé Ledru)

Eh bien ! sais-tu pourquoi les portiques des palais romains souffrent beaucoup plus de cet inconvénient que les masures du Transtévère ?… C’est que le peuple, le vulgum pécus, souille de préférence ce qui est beau, noble, élégant, riche et somptueux. S’il veut rendre à la terre le tribut de ses ondes, entre un coin sordide et obscur et le fût d’une belle colonne de marbre on de porphyre, un maroufle n’hésitera pas. C’est l’œuvre d’art qu’il honorera de ses faveurs malodorantes. En cela, il obéit à ses instincts. C’est ainsi qu’un maçon tout couvert de plâtre, s’il trouve le moyen de gâter, sans risquer les coups de bâton, un pourpoint de velours ou une robe de brocard, n’aura garde d’y manquer. Il se frottera de son mieux à l’homme bien ajusté ou à la dame bien couverte et croira s’être nettoyé en salissant autrui…

(Simon Boubée, La Jeunesse de Tartufe)

Vulneratus, non victus

France, 1907 : Blessé, mais non vaincu. Locution latine.

Vulnerunt omnes, ultima necat

France, 1907 : Toutes blessent, la dernière tue. Inscription latine que l’on trouve sur les cadrans d’horloge de beaucoup d’églises. Voir Ultima forsan.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique